1
l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous
n’
avons pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous
2
existence condamnée ailleurs par des faits que je
n’
ai pas à rappeler. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus de
3
est : pécheur et racheté, condamné et sauvé. Qui
ne
croit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pa
4
heté, condamné et sauvé. Qui ne croit pas en Dieu
ne
saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesur
5
roit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui
ne
croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissan
6
rait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon
ne
saurait mesurer les profondeurs et les puissances du mal. Et c’est po
7
e. Non qu’il soit pessimiste par tempérament — ce
n’
est pas l’impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement
8
atisme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur,
n’
était autre que la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihi
9
ules, ni les catholiques ni les protestants seuls
ne
pourront rien faire chez nous. S’ils veulent rester eux-mêmes, il fau
10
ille lits pour y rêver, mille pour y souffrir, il
n’
y a qu’un Amant : tu t’égares, il s’enfuit. — « En vérité, vous vous c
11
n revêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près,
ne
l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appela
12
uis le Prince ! Et quelle est la femme égarée qui
ne
voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute,
13
du parc, près de la porte démolie, là où les murs
ne
cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se sont vus
14
sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je
ne
puis te toucher, mais la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut d
15
, il se leva pour aller au marché de l’aube. — Tu
n’
as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te vendrai rien à créd
16
Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je
ne
te vendrai rien à crédit. Tu possèdes ta Vie, et tu possèdes aussi to
17
era ta pierre de Mort, si tu la choisis seule, et
ne
veux plus souffrir. III. Le coup de pistolet Évidemment, je n’a
18
ir. III. Le coup de pistolet Évidemment, je
n’
aurais pas dû entrer. On fait de ces bêtises, par négligence, croit-on
19
rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il
n’
y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables, et tout le mo
20
r la règle du club : Ni Questions Ni Réponses. Je
ne
savais plus que dire, parce que j’avais une chose à dire. D’ailleurs,
21
j’avais une chose à dire. D’ailleurs, même si je
n’
avais dit que : Fine day to day, c’eût été une sorte de question ou de
22
s bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je
ne
voulais pas être mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser
23
heures. J’étais épuisé, j’avais faim et soif, je
ne
rencontrais plus personne. Je suis un fumeur invétéré. Ma dernière ci
24
assis face à la porte et me regardait comme s’il
n’
avait rien entendu. Nous nous sommes dévisagés un certain temps ; je n
25
Nous nous sommes dévisagés un certain temps ; je
ne
trouvais pas son regard, il me semblait que ce regard fuyait très loi
26
n dans ses yeux et me rejoignait par-derrière, je
ne
puis l’expliquer autrement. D’une certaine manière, c’était mon propr
27
out simplement. Nous étions couchés chez nous. Je
ne
sais combien de temps cela va durer. Elle délire et j’ai cette balle
28
e balle dans le cœur. Et voici que maintenant, je
ne
puis plus poser de questions. Car si vous me dites que c’est une vrai
29
ue je suis mort. Et si vous me dites que la balle
n’
est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous suppri
30
aissez-moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous
ne
me croyez pas, je vais tirer ! b. Rougemont Denis de, « Trois par
31
Mais nulle part les coutumes et les institutions
ne
sont plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l’armée n’est plu
32
démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l’armée
n’
est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en S
33
se, et nulle part l’armée n’est plus populaire et
ne
fait aussi partie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les co
34
il après le tir du dimanche, — spectacle que vous
ne
verrez nulle part ailleurs dans le monde. Cette habitude remonte au M
35
e. À cette époque, l’« homme libre », — celui qui
n’
était pas un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de
36
erté. Les libertés civiques et l’esprit militaire
n’
ont jamais été en contradiction. Depuis les temps les plus anciens, le
37
es armes a également une importance technique qui
n’
est nullement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer une mobilisati
38
ndividus, mais aussi entre les classes. La Suisse
n’
a pas d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propr
39
ce que la vie paisible des villes ou des villages
ne
leur aurait pas donné en dix ans. Ces 3 mois sont un puissant tonique
40
se a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre
ne
serait pas une guerre de « fronts », et qu’une défense en profondeur
41
opres maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il
n’
est pas besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit ce
42
nemi aurait à développer une attaque en règle. Il
ne
serait nullement question d’avancer rapidement comme dans les plaines
43
el de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui
ne
questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du sol quand cela
44
répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’exil
ne
pourront être évités si nous gémissons sans lutter. » La liberté indi
45
gémissons sans lutter. » La liberté individuelle
ne
pourra survivre dans un État qui ne défend pas son indépendance. Mais
46
individuelle ne pourra survivre dans un État qui
ne
défend pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou d
47
ons. Ah ! puissions-nous aimer l’amour assez pour
ne
jamais avoir recours à ces remèdes, car définir l’amour ce n’est poin
48
oir recours à ces remèdes, car définir l’amour ce
n’
est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul am
49
mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour
ne
peut survivre à cette méfiance ou à cette avarice anxieuse. Mais il e
50
s l’amour même est chose du silence. Cela dont je
ne
puis parler sans l’offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme
51
grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien
ne
peut être dit de l’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l
52
peut être dit de l’amour même, mais rien non plus
n’
est dit que par l’amour, si toutefois quelque chose est vraiment dite.
53
ns-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté
n’
est pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentem
54
t d’abord par ce mutisme. À tel point que l’homme
ne
retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se l
55
d’avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il
ne
peut aimer qu’indéfiniment. Il n’aime que cela : regarder longtemps e
56
e du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il
n’
aime que cela : regarder longtemps en silence, se perdre dans des yeux
57
lui du silence : il éloigne sans fin le terme. Tu
n’
entends que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car
58
e terme. Tu n’entends que ce qui s’interrompt. Tu
ne
sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, m
59
s que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu
ne
perdes. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais la divine connai
60
errompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce
n’
est pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent.
61
basse d’un temps nouveau nous environne. Ceux qui
n’
aiment point la femme qu’ils viennent de posséder, leur silence meurt
62
Éros pose en couronne un désespoir glacial : vous
n’
irez pas au-delà de votre union. Ô silence des astres ! Fondues nos âm
63
’endorment dans leur paix, et l’être enfin comblé
ne
sait plus où se prendre. Il se ramène en soi, se divise en ses ombres
64
, mémoire pesante de l’incommensurable nuit. Nous
n’
irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte
65
ous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte,
n’
est-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous chercherons
66
ais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous
ne
toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et nous vivrons dès lor
67
a réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il
n’
y a que deux philosophies : celle du désir et celle de l’acte ; ou enc
68
celle du désir et celle de l’acte ; ou encore, il
n’
y a que deux doctrines : celle du silence et celle de la parole. La né
69
ire ici. De ces fragments de dates diverses, l’on
ne
verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y a tr
70
ssi profondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire,
n’
est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre un auteur e
71
prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce
n’
est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mérite
72
séduit par sa mauvaise humeur. En la copiant, je
n’
y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas l’amour mais a
73
e n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce
n’
est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince And
74
contraire le mépris du prochain. Le Prince André
n’
a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le p
75
Prince André n’a pas trouvé de prochains, car il
n’
a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qu
76
rincesse Marie, qui a vraiment aimé son prochain,
n’
en n’a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-el
77
sse Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’en
n’
a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pa
78
aimé son prochain, n’en n’a pas reçu de gloire et
n’
en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie
79
pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi
ne
pense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un conc
80
» C’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui
ne
la briguent point risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la
81
fort de se rendre antipathiques. Jamais la foule
n’
a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même excessif p
82
re même excessif pour le talent qu’on a. La foule
ne
tient pour glorieux que ceux qui prennent le soin de parler de leur g
83
, mais non Constant (comme écrivain). Or personne
ne
lit plus Les Martyrs ni Corinne, et tout le monde croit aimer La Char
84
. Mais ce jugement sur le talent, changé du tout,
n’
entraîne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est
85
mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur
ne
dépendent d’aucune raison, et paraissent même n’en point souffrir. Fa
86
ne dépendent d’aucune raison, et paraissent même
n’
en point souffrir. Fama crescit eundo : minuit praesentia famam. Toute
87
gloire est donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand
n’
est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce q
88
us humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis,
ne
donne-t-il pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’elle p
89
me, puisque je vous veux moins vulgaires que vous
n’
êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à q
90
s veux moins vulgaires que vous n’êtes. Celui qui
ne
veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’es
91
ire telle que la donne une foule à qui la flatte,
n’
est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de s
92
ellant. C’est donc l’individu qui se distingue, —
n’
importe où. (Crimes commis pour s’acquérir la gloire, fréquents dans l
93
our du prochain. L’individu qui cherche la gloire
n’
a plus souci ni même conscience du voisin qu’il pourrait aider (c’est
94
communion active avec les hommes qui l’entourent
ne
songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare
95
is sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et
ne
demandent rien. Et ce qu’ils donnent fait toute la renommée du peuple
96
eau que tous, plus fort et plus heureux que tous,
n’
était pas séparé mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagé
97
actions comblaient exactement. Mais notre gloire
ne
saurait être mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicité, une esp
98
ublicité, une espèce d’inflation provisoire. Elle
n’
est pas grande, mais exagérée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et voic
99
C’est donc quelque chose de vulgaire. De fait, je
ne
connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels m
100
fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on
ne
puisse démontrer par quels moyens elle fut acquise : toujours au prix
101
dant, je me suis surpris à désirer une gloire qui
ne
m’ennuierait pas. Non point la leur, mais celle que je pourrais rejoi
102
je la connais depuis toujours, moi seul. Un dieu
n’
a pas besoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui
103
ito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on
ne
le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne s
104
gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais
ne
serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se d
105
e précède toujours sa manifestation. L’ambitieux
ne
vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste s
106
ion. L’ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il
ne
peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la comparaison.
107
us l’empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes
n’
imaginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croient que c
108
étant assurément d’essayer de faire croire qu’on
n’
en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, le mieux pour s’en déba
109
instructif et amusant. Je veux ma gloire, et je
ne
l’avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je n
110
je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je
ne
veux pas la gloire pour vous éblouir, vous que j’aime et qui me conna
111
ez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous
ne
sachiez ? Ou c’est que vous vous tromperiez, croyant par d’autres ce
112
vous tromperiez, croyant par d’autres ce que vous
ne
croyez point par vous-mêmes — et je ne veux pas l’erreur. Ou bien veu
113
e que vous ne croyez point par vous-mêmes — et je
ne
veux pas l’erreur. Ou bien veux-je cette erreur-là ? Certes — mais no
114
nous ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je
n’
ose pas dire que je veux être Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité,
115
nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et
ne
sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas
116
e voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou
n’
ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas savoir est angoisse. Ango
117
ourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je
n’
ose pas savoir est angoisse. Angoisse est le nom du secret que je sers
118
is que son nom est mensonge, et que c’est moi qui
ne
suis rien. Ainsi Dieu est mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose
119
e, et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il
n’
y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce sera m
120
s. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce
ne
sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il sera t
121
Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je
ne
serai rien. Si Dieu me tue, il sera tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu
122
’une écriture durable et d’une œuvre d’avenir. Il
n’
accepte de rompre avec une tradition que pour en fonder une nouvelle,
123
op jeune pour craindre les atteintes du temps. On
n’
écrit pas un livre pour qu’il dure, en Amérique, mais d’abord pour qu’
124
Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain
n’
existe pas, remarquait encore André Gide. Dans ce sens élargi du mot,
125
s bon nombre d’excellents auteurs américains. Ils
n’
y verraient, à juste titre, aucun reproche. Car l’Amérique a fait du j
126
e révolution trop ignorée de l’Europe. Un art qui
n’
exclut pas une poésie très drue, et qui possède une rhétorique, un « a
127
aisi par son côté sensationnel. L’article ensuite
ne
se déroulera pas suivant un plan logique, mais suivant la ligne de pl
128
à cultiver l’expression concrète ou sensorielle.
N’
écrivez pas : « John entra dans la banque. » Mais décrivez la sensatio
129
ong roman. De cet ouvrage, la critique américaine
ne
dira pas souvent : c’est bien écrit, mais plutôt : c’est effective, a
130
t : c’est effective, agissant. Et d’une idée l’on
ne
demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’elle soit inspiri
131
d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je
n’
en sais rien. Mais je suis sûr que l’écrivain français et l’écrivain a
132
ssé, dans la légende, si loin que nul, en vérité,
ne
l’avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement
133
, où ces formes de vie qui sont encore les nôtres
ne
peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablen
134
les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles
ne
tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais
135
qu’elles secouent d’un défi grossier. La liberté
ne
peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, u
136
d’un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui
n’
agit que par l’atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des lois
137
u’elle fait régner. Des lois adroites et humaines
ne
suffiront jamais à l’assurer : il y faut ce climat sentimental, cette
138
eur rend enfin le goût de vivre ? Privilégiés qui
n’
éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Désh
139
’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui
ne
retrouvent l’espoir qu’au seuil des catastrophes générales. Et j’en
140
l des catastrophes générales. Et j’en connais qui
ne
parviennent à leur régime normal de vie (comme un moteur prend son ré
141
que j’en viens à me demander si toutes nos crises
ne
seraient pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscient collect
142
ions à leur parole seront lointaines, ou même ils
ne
les connaîtront jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de do
143
e ! Il est des êtres et des drames dont la vérité
n’
apparaît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’activités ap
144
e ; et les démons s’éveillent sur son passage, il
n’
y a plus nulle part d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste le
145
t réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il
n’
est plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort
146
demeurer quand tout s’en va, et que penser si je
ne
puis — rien dire ou faire qui s’accorde à ces temps ? « Une nuit vien
147
s ? « Une nuit viendra, pendant laquelle personne
ne
peut agir. » C’est quelque part dans l’Évangile. Ou faudra-t-il enter
148
enterrer nos secrets, pour d’autres qui peut-être
ne
viendront jamais ? Car la carte des pays libres, hier encore presque
149
augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé
ne
reviendra jamais, ce bon vieux temps que je sentais présent — un an d
150
n le regardait d’heure en heure, de trop près, on
ne
le voyait pas… V. — Lisbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue
151
de tomber sur la tête, qui se relève, se tâte, et
ne
sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il
152
nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’elles
n’
étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices du
153
x du continent, dernier symbole d’une liberté qui
ne
peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut péri
154
tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés,
ne
perdons pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de la paix franç
155
-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises
ne
dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, patinées par les v
156
c’est une de ces voitures branlantes qui semblent
ne
pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’une ferme au marché le
157
marché le plus proche. Nulle part au monde la vie
n’
apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’est qu’a
158
i discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là
n’
est qu’amitié des tons et des lignes humaines, humilité sous la douceu
159
ès une longue absence et des déboires : il entre,
ne
trouve personne. Mais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend l
160
France. VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je
ne
savais pas que tout était si près là-bas. J’étais baigné. J’étais fon
161
aires, socles de nos patries ! Monuments que l’on
ne
voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues
162
é, et garder tant de morts dans la présence, elle
ne
cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont D
163
, avant l’occupation allemande, les étrangers qui
n’
avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux d
164
s qui n’avaient pas voyagé en France, ou ceux qui
n’
avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et j
165
nisation de la résistance à Paris ou en province,
ne
nous montrent encore que le peuple de France, pour la première fois.
166
est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il
n’
est pas avant tout charmant et spirituel, bien-disant, bon vivant et l
167
t spirituel, bien-disant, bon vivant et léger. Il
n’
est tout cela qu’en second lieu, et comme par luxe. Dans le fond et d’
168
tinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré
n’
est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je cit
169
us insupportable que tous les cris de haines. Ils
ne
savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur avait jamais parl
170
ls ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on
ne
leur avait jamais parlé du vrai peuple de la vraie France. Ils ont co
171
Ars prophetica, ou D’un langage qui
ne
veut pas être clair (hiver 1944)j Un critique. J’ai lu vos deux d
172
sur la carte postale6, je les aime bien… Enfin il
n’
est pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais
173
s aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je
ne
les oublie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre
174
nses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il
n’
est pas de louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes é
175
dit d’une blessure… Le critique. Oui, oui… Mais
ne
tirez pas argument d’une exagération de ma critique… Ce qui me gênait
176
qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous
n’
êtes pas encore assez clair. L’auteur. Et pourquoi je vous prie, être
177
teur. Et pourquoi je vous prie, être clair ? Vous
n’
allez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ?
178
ssez. L’auteur. Assez pour quoi ? C. Assez pour
n’
être point la dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce
179
e vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce
n’
est pas jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double corde,
180
es présentez, elles ont déjà votre complicité, je
ne
sais quel air de passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’
181
passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A.
N’
est-ce pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’est-il pas
182
pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain
n’
est-il pas d’abord séduit, ou au contraire vexé par ses images ou ses
183
ns à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais
ne
mêlez pas tout, sinon l’on soupçonnera quelque tricherie. A. Voulez-
184
aimable. Au reste nous sommes entre nous et vous
n’
abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils seront probablement exagéré
185
ions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je
ne
sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux dissi
186
ondamné à des réponses ou plates ou mystérieuses.
Ne
serait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’en
187
s ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté
n’
est qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la t
188
ar le souci de contrôler ses conventions. Mais ce
n’
est pas là le seul mode d’expression possible. C. Précisément je souh
189
sur la nécessité de cette clarté. Pour ma part je
ne
saurais concevoir ni respecter d’autre nécessité en général que celle
190
stons, si vous le voulez, sur le plan du langage.
N’
est-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de
191
monde du discours. Car le Discours de la méthode
ne
définit en somme qu’une méthode du discours. La fin dernière d’un dis
192
éthode du discours. La fin dernière d’un discours
n’
est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée
193
des phrases. Autrement dit, le discours cartésien
n’
a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose c
194
que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de
ne
rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord ja
195
rien introduire dans la chaîne des arguments qui
n’
ait été d’abord jaugé, chiffré, et défini en termes simples. À mon tou
196
soi ? Le monde dans lequel nous vivons et parlons
n’
est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non
197
n sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné,
n’
a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absur
198
ez Kafka… Je me demande alors si le cartésianisme
ne
nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’origine, en décrétant —
199
a au choix de ces données dites premières. Encore
n’
est-il pas exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’es
200
te une « arrière-image » qu’il faudrait dire. C.
Ne
serait-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? A. J’ess
201
res qui résument leurs expériences, dira-t-on. Je
n’
en crois rien. Ouvrez un ouvrage de science : vous y trouverez au term
202
sur des propriétés de la matière. Et ce discours
n’
est qu’un certain système d’images. S’il se distingue du parler quotid
203
l est appliqué par les savants, la science légale
n’
étant, c’est entendu, qu’une manière de parler du réel, et sans cesse
204
ue, prétendent partir de vérités élémentaires qui
ne
sont autres que des abstractions opérées sur nos formes de langage. J
205
le connaître — c’est encore un tour du langage —
ne
va pas reculer devant cet autre exploit : poser que le plus simple es
206
totale, par la révélation des fins dernières. On
ne
peut connaître les parties que par le tout, et non l’inverse. C. J’o
207
e. Voilà : — Je sais que je suis dans la nuit. Je
ne
puis marcher que dans la confusion. Mais, si je marche cependant, c’e
208
ne vision illuminante, instantanée, dont la trace
ne
tarde pas à s’évanouir dans mes yeux Cela suffit pourtant à guider qu
209
démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on
ne
peut la comprendre qu’à partir de son but. Il est très juste qu’elle
210
énitude instantanée qui décourage l’analyse. Vous
ne
donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’
211
r, serait absolument inexplicable, et évident. Il
n’
y aurait plus qu’à méditer sans fin cette forme significative du tout,
212
t de chaque partie dans le tout. Bien entendu, je
ne
puis avancer aucun exemple d’une telle perfection. Mais il fallait in
213
de conséquence. Mais si je parle en paraboles, je
n’
ai souci que d’une certaine orientation. C’est à partir du terme, enco
214
vent l’indiquer comme au-delà d’eux-mêmes… ce que
ne
sauraient faire des arguments toujours fondés sur ce qui les précède.
215
lait en paraboles à ses disciples, sachant qu’ils
ne
comprendraient pas. Voici la réponse qu’elle me fit : Jésus racontait
216
es ? A. Le droit ? Personne, bien sûr ! Personne
n’
a aucun droit de ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’
217
toute clarté. Il arrive que certains furieux, je
ne
sais quels extatiques ou esprits relâchés, s’abandonnent aux hasards
218
’être, et qui soit telle que la question du droit
ne
se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou
219
la faire pressentir à d’autres hommes. Une vision
ne
se transmet pas, c’est le contraire d’une carte postale. Il s’agit do
220
oi et dans leur lettre, mais dont le sens dernier
ne
puisse être aperçu sous un angle de vision quelconque. Je dis que l’h
221
s sont décevantes et ses paraboles sans fruit, il
n’
en est pas moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vo
222
uve. Mais il est des visions moins illustres, qui
n’
embrassent pas le monde de haut en bas, dans un fulgurant inventaire.
223
ns : la possession, la beauté, la puissance, — il
n’
en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au parler prophétique
224
u parler prophétique. C’est le même risque, et ce
n’
est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prop
225
on divine, quelle défense osera-t-il produire qui
ne
soit pas aussi son jugement ? 6. Ces deux dialogues sont restés dan
226
Denis de, « Ars prophetica, ou D’un langage qui
ne
veut pas être clair », Hémisphères, New York, hiver 1944, p. 3-9.
227
sticiens. Sur le plan philosophique, la situation
n’
était pas meilleure. Là encore, la personne humaine se voyait attaquée
228
s à l’irresponsabilité. La psychologie freudienne
ne
voyait en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan de l’inconscien
229
a voulu se fonder le totalitarisme de ce siècle,
ne
sont pas des hommes complets. L’individu n’a que des droits, le solda
230
ècle, ne sont pas des hommes complets. L’individu
n’
a que des droits, le soldat politique que des devoirs. Le premier est
231
rvice de l’homme, et non l’inverse : — la liberté
ne
cesse d’être un mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la d
232
cations ; — là où l’homme veut être total, l’État
ne
sera jamais totalitaire. Un certain nombre de mots-clés se retrouvent
233
cial, et même d’une esthétique. C’est pourquoi je
ne
saurais mieux décrire la doctrine du personnalisme qu’en indiquant ce
234
rs manifestes et volumes publiés par le mouvement
n’
apportaient pas les blue-prints d’une société idéale, mais quelques pr
235
pirituel d’abord, les changements institutionnels
n’
ayant de valeur à leurs yeux que s’ils traduisaient réellement une att
236
fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire
ne
serait plus le seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvr
237
e bien commun. 3) Perfectionnement technique. Nul
n’
aurait plus intérêt à paralyser l’invention, puisqu’elle ne créerait p
238
plus intérêt à paralyser l’invention, puisqu’elle
ne
créerait plus de chômage technologique. Les industriels hochèrent la
239
nologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils
ne
croyaient pas qu’un simple civil pourrait du jour au lendemain se tra
240
vacances payées, à un moment où cette institution
n’
existait pas encore en France. L’expérience, dans l’ensemble, réussit
241
ps sont parvenus à des conclusions analogues : il
n’
est possible de parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au s
242
’un groupe donné de forces. L’homme, par exemple,
n’
est réel que dans une communauté ni trop étroite ni trop vaste. Isolé,
243
e se faire entendre ou d’agir personnellement. Il
n’
existe vraiment comme personne que dans un cadre à la mesure humaine,
244
groupements autonomes en perpétuelle interaction
n’
a pas encore été traduite dans nos institutions. Nos nations sont rest
245
nale, pauvre en informations, ou mensongère, elle
ne
reflétait plus que l’anarchie capitaliste, non le pays réel. Que fair
246
e ses rédacteurs emprisonnés. Nul autre mouvement
ne
me paraît mieux apte à inspirer ceux qui demandent un monde à la mesu
247
en moi. Ils mènent cette guerre en moi-même. L’un
n’
est guère bon, mais l’autre est pire, et j’ai choisi sans hésiter jama
248
’il se peut, la question que cette guerre pose et
ne
peut résoudre. ⁂ Par dépit, par fatigue, ou par esprit de polémique,
249
es que l’esprit et que ses choix. Or ces réalités
ne
faisaient que traduire en quantités physiquement mesurables notre att
250
Elles étaient résultats et non pas causes. Car il
n’
y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos
251
nos demandes, selon nos rêves et nos passions. Il
n’
y a pas d’abord les machines puis une société qui doit subir leurs loi
252
esse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il
n’
y a pas d’abord les faits et puis l’humanité qu’ils guident ou blessen
253
al et hostile lui suggère alors que cet « autre »
n’
est en fait qu’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’il le cro
254
faudra l’enfermer dans une camisole de force. Il
ne
fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un
255
primer à sa manière, affolé par nos arguments, il
n’
a plus trouvé d’autre issue que dans une révolte explosive. Le cauchem
256
fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle
ne
tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d’un
257
s les principes d’une politique psychologique. Je
ne
parle pas de propagande : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardem
258
logique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci
n’
est qu’une tactique de bombardement. La politique que j’imagine serait
259
diquer les premiers éléments. Si cette génération
n’
a pas le courage de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne
260
de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il
ne
faut en attendre rien de bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. Essa
261
res. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils
n’
ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ?
262
sion des pièces du procès ? Quand cela serait, ce
ne
serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opération
263
rait, ce ne serait pas grand-chose. Car la guerre
ne
résulte pas d’une opération légale ou d’une enquête scientifique, mai
264
ague de sang, terreur froide, ou goût du suicide.
Ne
me parlez pas de droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait n
265
goût du suicide. Ne me parlez pas de droits, vous
n’
y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas de question.
266
vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix
n’
en tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable de sanctionner notr
267
es — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on
n’
est plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance offer
268
dirait état de siège, état de grâce. Et les trois
ne
sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre
269
sme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’on
n’
allume plus de bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérét
270
balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il
n’
y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sa
271
rifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité
ne
fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvu
272
fut moins préparée pour la paix, car jamais elle
ne
fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait
273
ousser jusqu’au paroxysme. Et comment vivre, s’il
n’
y a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et
274
iquer des armes et d’enseigner à s’en servir ? Je
ne
sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait d’une décision de ce
275
moustaches qui tremblent avant même que la bouche
ne
s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables de me donner sur-le
276
même que la bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils
ne
sont guère capables de me donner sur-le-champ, avec calme, de bonnes
277
pensons qu’Hitler est un monstre avec lequel nous
n’
avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche
278
et désastreux dès qu’il s’agit de la paix. Hitler
n’
est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas
279
dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il
n’
est pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avons d’
280
ons tué, il nous occupera sans coup férir si nous
n’
admettons pas qu’il est une part de nous, la part du diable dans nos c
281
tion mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il
n’
était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères s
282
arqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie
n’
est pas toujours l’aspect du personnage en scène, qui peut être emprun
283
e à nos yeux d’une puissance de terreur dont nous
n’
avions sans doute jamais eu l’expérience. Et pourtant c’est une part d
284
admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il
ne
suffit pas de refuser un instinct ou quelque tentation pour les suppr
285
le caoutchouc) qu’est le national-socialisme. Je
ne
parle pas ici du christianisme, mais de la religion en général, comme
286
La raison peut nier ou négliger ces forces, elle
ne
peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les
287
t par ce moyen-là venir à bout d’Hitler ; mais il
ne
pourra prévenir la multiplication prochaine d’autres symptômes de la
288
est très simple. Un homme qui meurt de faim mange
n’
importe quoi pour tromper sa faim, faute de mieux. La raison n’ose pas
289
i pour tromper sa faim, faute de mieux. La raison
n’
ose pas dire qu’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avo
290
es méfaits de l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je
ne
demande pas que des sorciers ni même des prêtres dirigent l’État : c’
291
randes puissances nationales et des trusts : elle
ne
peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous
292
es psychiatres plutôt que des banquiers. L’argent
ne
chasse pas les démons. 9. Instincts, forces considérées comme anarc
293
savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend
n’
est pas simplement un premier stade du pire. La chute serait-elle un m
294
France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent,
ne
portent ni inscriptions ni nombres, et s’inspirent de modèles vénitie
295
rculation, mais jusqu’au xviiie siècle, le tarot
n’
est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout en haut
296
is à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane
ne
vint en Europe qu’en 1417 sous la conduite du « Duc d’Égypte » ; et q
297
Monde primitif, d’après un amateur qui, lui-même,
n’
avait pu copier l’art de tirer les cartes, dont il est question, que d
298
ut Éliphas Lévi (l’abbé Alphonse Louis Constant),
ne
se privent pas de dénoncer ses erreurs, mais se montrent enclins aux
299
21 la figure qu’il nomme le Despote africain, qui
n’
est autre que l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas
300
e l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame
n’
a pas de nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre
301
placé par le tarot italien ; celui de Schaffhouse
ne
se trouve qu’en Suisse, de même celui de Francfort en Allemagne ; ils
302
se, de même celui de Francfort en Allemagne ; ils
n’
ont pas droit d’entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trou
303
re sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on
ne
craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qu
304
res de l’existence, signifiées par allégories. Il
n’
en est rien. Tout est symbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail,
305
ion qui consent à se laisser docilement absorber,
ne
tardent pas à révéler deux caractères généraux : ils sont tantôt hiér
306
auraient pris le maquis dans plusieurs pays, mais
n’
auraient pas cessé de répandre leur croyance et leur sagesse par l’ent
307
notre chaîne. La surface entière du globe (le 0)
n’
est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux
308
e d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie
n’
est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous co
309
s résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien
n’
a été appris ou gagné par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme
310
la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce
n’
est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-el
311
l’espace au-dessous et au-dessus de lui. L’abîme
ne
lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’intelligence, de r
312
ns l’homme. Du point de vue de l’égo, cette quête
n’
est que folie et non-sens. c) Interprétation moderne de B. McM. Ha
313
Dernière carte de la série de 78, la seule qui
ne
porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… C
314
systèmes de castes, des hiérarchies sociales. Il
n’
a plus besoin de la puissance terrestre (les épées) ; des sacrements,
315
es deniers) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il
n’
a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un
316
’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il
n’
est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le stade suprême, bien au
317
e. Voici l’expérience du Fou : le monde extérieur
n’
a pas plus de signification réelle que l’ego, dont il s’est débarrassé
318
’homme et son essence divine innée… Le fol errant
n’
a ni famille, ni possessions, ni lieu où reposer sa tête. Cependant, i
319
ssions, ni lieu où reposer sa tête. Cependant, il
ne
se sent frustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’Univers,
320
temps il voit à travers toutes les choses : elles
ne
sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il es
321
outes les choses : elles ne sont que néant, elles
ne
sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède
322
i possède l’univers, et toutes ses richesses, qui
ne
sont rien d’autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourre
323
onc le traiter de fou. Il l’est en effet, mais il
n’
est pas un lunatique quelconque, un idiot ou un simple d’esprit. C’est
324
ement à l’asile. C’est pourquoi le parfait initié
ne
condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secr
325
nger, silencieux. Étant tout et toutes choses, il
ne
lui reste plus qu’à feindre de n’être rien. Et de même, il convient q
326
utes choses, il ne lui reste plus qu’à feindre de
n’
être rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâce
327
l nous advient jamais de rencontrer quelqu’un qui
ne
soit rien, ni homme d’affaires, ni professeur, ni garçon d’ascenseur,
328
rofesseur, ni garçon d’ascenseur, — quelqu’un qui
ne
professe aucune profession, un spirituel sans emploi, un vagabond cos
329
Esprit) ; et Dissolution (Émotions). L’autre roue
ne
porte pas de signes, mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois.
330
abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour
ne
rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’éloquence creuse et de c
331
tous ces critères effacés ou perdus, notre époque
ne
sait plus juger d’une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures
332
, qui pourrait désigner le gagnant ? Tricher même
n’
a plus aucun charme. Si vous vous soumettez aux règles des échecs, dép
333
rique considérées dans toute la variété des arts,
ne
sont pas sans correspondances avec les formes régulières dont le rêve
334
mpose ses drames. Il se peut même que ces figures
ne
soient, à l’origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation d
335
son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il
n’
hésite pas à nous parler des artifices d’une « rhétorique profonde ».
336
ses recettes magiques et artifices profonds, elle
ne
vit que recettes et artifices, et commanda de les éliminer. De ses fl
337
a genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée
n’
est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel par son auteur. C’est av
338
étaient créations pures de l’imagination. Et l’on
ne
sait plus si le roman est une pseudo-science ou un faux art. Regardon
339
ion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il
ne
lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la voit. Mais cette r
340
Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’extérieur —
ne
peut fournir que des objets à exprimer, non pas des moyens d’expressi
341
s d’un jeu devaient être vivantes ! Plus personne
ne
pourrait jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure
342
vantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu
ne
sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses rè
343
des objets ou des sentiments ? Par l’extérieur on
ne
rejoint que l’insignifiance observable. C’est ce qui va se produire a
344
aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux,
ne
connaît d’autres lois que les lois mêmes de la vie. » Cette propositi
345
ficatif. On croyait tout : c’était le jeu. Le jeu
ne
tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il attend « l’his
346
omancier réaliste ambitionne d’imiter la vie, qui
ne
commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer comme par ha
347
te ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et
ne
finit jamais. Force lui est donc d’entrer comme par hasard, au milieu
348
uation, d’une atmosphère, ou même d’une phrase, «
N’
importe où et n’importe comment » — c’est à quoi vise son effort. « Go
349
mosphère, ou même d’une phrase, « N’importe où et
n’
importe comment » — c’est à quoi vise son effort. « Gontran sortit son
350
cteur tombe jamais d’accord avec l’auteur. Car il
n’
est pas deux expériences humaines superposables. Et je ne renoncerais
351
as deux expériences humaines superposables. Et je
ne
renoncerais à la mienne pour faire crédit à celle de l’écrivain que s
352
traînait par d’autres charmes… Du conteur pur, je
n’
exigeais qu’un sens, valable et vérifiable en soi. 2°) — Par la suppre
353
t créer l’illusion du réel quotidien. Pourtant il
ne
dispose que de mots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît le
354
D’où cet axiome de la critique moderne : un roman
ne
doit pas être « écrit ». Tous ces efforts trahissent le curieux embar
355
ous ces efforts trahissent le curieux embarras de
ne
pouvoir faire entrer dans un livre des personnages grandeur nature. L
356
de méthodiquement insignifiant. Quelque chose qui
n’
en finit plus, car la vie ne met jamais de point final. Il y a jeu qua
357
nt. Quelque chose qui n’en finit plus, car la vie
ne
met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épuise
358
uement insignifiant. Car la-vie-telle-qu’elle-est
ne
signifie presque rien. Or, c’est elle qu’on veut reproduire en multip
359
itraires et le picaresque », les rencontres qu’on
ne
voit pas dans la réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait tro
360
moyenne du grand public contemporain, le morceau
n’
étant visiblement qu’une captatio benevolentiae où l’auteur se montre
361
io benevolentiae où l’auteur se montre attentif à
ne
promettre rien qu’il ne sache attendu. « Le roman, écrit encore M. Ro
362
teur se montre attentif à ne promettre rien qu’il
ne
sache attendu. « Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas de
363
che attendu. « Le roman, écrit encore M. Romains,
ne
connaît pas de vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le ro
364
is, répond notre auteur, comme pour se justifier,
n’
en va-t-il pas de même dans la vie ? Les romans traditionnels « préocc
365
au sens dépréciatif de l’épithète. Ces légèretés
ne
pardonnent pas. Une contre-épreuve de notre diagnostic nous sera four
366
sera fournie par le succès du roman policier. Je
ne
pense pas qu’on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour le cri
367
rique précise. C’est un jeu, et un jeu serré, qui
ne
tolère aucune faiblesse, aucune tricherie. Ses lois sont connues et c
368
jeu, se résout complètement à la fin du livre, et
ne
comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de l’action est circon
369
néralement une maison dont il semble que personne
n’
ait pu y entrer ni en sortir, et qui contient le problème sous forme d
370
nt le problème sous forme de cadavre. Parfois, ce
n’
est qu’une chambre4. Toutes ces conditions satisfont à l’excellente dé
371
nt très vite un spécialiste.) Et cette rhétorique
ne
manquera pas d’exercer son pouvoir créateur de communauté : des clubs
372
it qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il
n’
utilisât que leurs tabous comme ressorts de l’action, ou qu’enfin il s
373
un prestige de les contredire et miner. Tout cela
ne
durera plus que le temps de liquider un héritage saccagé par la guerr
374
son « étude ». Mais le besoin de lire des fables
ne
s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin d’en conter.
375
ire, quelques années plus tard, la guerre totale.
Ne
fût-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et de nos désastres
376
es qui constituaient la rhétorique des contes. Il
ne
rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique prof
377
ou Gulliver, monstrueux dessins animés où l’homme
n’
a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dia
378
ceaux, les maillets et les boules sont vivants et
ne
cessent de se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appe
379
e tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce
n’
était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, n
380
rait trop bête si ce n’était trop beau. Mais rien
ne
sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avo
381
ête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de
n’
y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous dit
382
t, nous l’avons subi, et nous avons tous dit : je
n’
y puis rien. Avec autant de sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant
383
stination. Mais s’il est vain de nier le fait, il
ne
l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cett
384
tale. Cette espèce de passivité que l’on allègue,
ne
serait-elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup de fondre,
385
l’on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je
ne
parle que du vrai coup de fondre, celui qui est suivi d’incendie. Car
386
pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils
ne
sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portièr
387
en eût été changé à l’instant même, sans que nul
ne
s’en doute. ⁂ J’étais sceptique, en ce temps-là. Je disais à ce roman
388
ersuader, une fois si bien intéressées ! Car rien
ne
flatte comme l’idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman.
389
avages, et non pas quelque dieu, ni le Destin. Il
n’
y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous entretenez pa
390
désir que vous entretenez par vos romans… Mais ce
n’
est pas assez que d’une complaisance acquise. Il faut encore une renco
391
osaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom,
ne
souffre pas l’instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ains
392
iment, que je vous réponde par une confession. Je
ne
sais d’ailleurs ce qu’on peut en conclure pour ou contre vos théories
393
e bientôt s’inquiète : « — Vous êtes pâle et vous
ne
mangez rien ! Vous sentiriez-vous indisposé ? » Je balbutie n’importe
394
n ! Vous sentiriez-vous indisposé ? » Je balbutie
n’
importe quoi sur cette traversée en avion… Le banquier comprend très b
395
tte liberté lyrique dans les relations… Mais rien
n’
y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet d
396
yrique dans les relations… Mais rien n’y fait. Je
ne
puis avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de l’avion ? J
397
ns terreur, que la femme du banquier, elle aussi,
n’
a presque pas touché aux mets servis. Le déjeuner se termine toutefois
398
ous montrer Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il
n’
y a rien d’autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons vers
399
udain, je me suis décidé et j’articule : « — Vous
n’
avez rien mangé au déjeuner, madame. — Vous non plus… » Je poursuis no
400
ence. Même jeu qu’au déjeuner. Ni l’un ni l’autre
ne
pouvons toucher à rien. Tout d’un coup je me suis mis debout. Je fais
401
à Budapest. L’après-midi, je vous le répète, nous
ne
parlions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou un dîner. Et je
402
femme m’attend, grave et presque sévère. Moi, je
ne
pensais qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’
403
la regarde longuement, bien en face. Aucun doute
n’
est possible. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret d’État, vo
404
s garder un secret d’État, vous le savez, mais je
ne
suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie inti
405
ne-moi vite de tes nouvelles, je suis inquiet, je
n’
oublierai jamais les nuits extraordinaires que nous avons encore pu pa
406
veugle qui présida aux fastes de votre rencontre,
ne
perd-il pas un peu de son mystère si l’on songe que la femme du banqu
407
te de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre,
n’
est-il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o.
408
à son confort. Vaine et mauvaise toute œuvre qui
ne
te saisit pas comme avec une main, qui ne te pousse pas hors de toi-m
409
vre qui ne te saisit pas comme avec une main, qui
ne
te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de t
410
ix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre
n’
est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut pl
411
lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il
ne
peut plus fuir attaque l’auteur et tout ce qu’il reflète d’une ambian
412
hommes qui créent, d’autres qui enregistrent : il
ne
faudra plus les confondre. Il y a Pascal et Goethe, Dostoïevski et Ki
413
le monde, peinant peut-être en pure perte, si ce
n’
est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans aucu
414
nion du monde en est à peu près là, que la pensée
ne
peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts
415
e ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui
n’
ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage
416
le qu’on se soit battu « pour » quelque chose qui
n’
était pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’esprit… Vous rap
417
tes au Mexique, mais dans l’ensemble la situation
n’
est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit être attribué
418
a, nous disent, non sans raison, les gouvernants,
n’
est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange act
419
? On m’en voudra de ces questions, parce qu’elles
ne
paraissent comporter que des réponses amères et humiliantes, si l’on
420
affirmation unique de Liberté indivisible, qu’il
ne
dépend que de nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre liberté
421
l ne dépend que de nous de saisir à l’instant. Il
n’
y a pas quatre libertés. Il n’y a que « la » liberté, ou non. Je le pr
422
sir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il
n’
y a que « la » liberté, ou non. Je le prouverai par une parabole. Je c
423
rs de la religion de leur choix ; « trois » : ils
n’
ont plus à se préoccuper de leur subsistance ; « quatre » ils sont sol
424
des séances de cinéma le samedi soir.) La liberté
ne
peut pas être détaillée ni débitée en tranches : elle est vivante. El
425
e ni débitée en tranches : elle est vivante. Elle
ne
peut pas non plus être donnée. Elle exige d’être affirmée sur le cham
426
celle de se « réaliser personnellement ». Or nous
ne
pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés n
427
recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés
ne
comptent guère. Par elle seule, elles peuvent être conquises. Nous l’
428
tte lutte est toujours possible. Cette Résistance
ne
fait que commencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’exerc
429
isserons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce
n’
est pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous. (Certaines priso
430
e qu’on savait depuis un certain temps mais qu’on
n’
avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où
431
: à une guerre qui nous atteint tous, et que nous
ne
faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale
432
ieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés
n’
avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-ê
433
n d’une conscience planétaire. Nous retardons, il
n’
y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons no
434
lace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce
n’
est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intr
435
oblèmes nationaux restent intraduisibles pour qui
ne
peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des voya
436
i ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque
n’
est pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions » comme
437
celle des « missions » comme on dit. Une mission
ne
se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un rai
438
ns » comme on dit. Une mission ne se promène pas,
ne
voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendro
439
dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rien,
n’
a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cepen
440
n, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous
n’
apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le bo
441
u jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon
ne
pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se seront rév
442
ud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles
n’
auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentin
443
sayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce
n’
est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Qu
444
ypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde
ne
peut pas tout savoir, encore moins tout voir et tout comprendre. Les
445
urs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il
ne
manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Françai
446
ous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce
n’
est pas une question d’information d’abord, vous m’entendez, mais de s
447
rand joueur de Boule que fut « Saint-Ex ». À Dieu
ne
plaise que j’oublie jamais celui qui le premier me parla de la Planèt
448
z. On trouverait mieux, en s’appliquant.) Mais il
n’
y a que les idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies,
449
e passer ? Ces projets échoueront. On en rira. On
n’
en rira même pas : on les négligera simplement. On passera aux affaire
450
antes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce
n’
est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations
451
guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse
ne
soit sensible dans les populations et chez beaucoup de bons esprits,
452
t emparée des volontés. Vous-même, je le sens, je
ne
vous ai pas convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vous pensez que
453
be soit moins puissante que les savants autorisés
ne
l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres
454
savants autorisés ne l’affirment. Admettons qu’il
n’
y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ampleur continental
455
, sans oublier que leur expérience démontre qu’on
ne
pare jamais qu’un certain pourcentage des coups tirés… Pensez-vous qu
456
us peut se poursuivre assez longtemps. Les choses
ne
se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un
457
ithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie
n’
aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, e
458
e n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix
ne
sont pas si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent.
459
On nous ressasse à longueur de journée qu’elle «
n’
est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est-ce qu’on lui demande
460
ns comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle
n’
est pas prête pour la paix, cela veut dire que vous d’abord, vous refu
461
où il devient difficile de le cacher. Nos alibis
ne
trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je poursuivrai ma lutte, quoi
462
posé le principe du pessimisme actif. Et comment
ne
m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux q
463
e m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’enjeu
n’
est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me fa
464
répondu : « Le matin vient et la nuit aussi. » Je
n’
ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. E
465
mot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe
n’
est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc parliez-vou
466
ortant. La fin des armées, par exemple. Mais cela
ne
serait rien encore, quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais
467
it d’Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien
ne
se passe. Dieu soit loué, nous avons repris nos sens. Certains presse
468
masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz
n’
a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue, et que
469
une peur bleue, et que personne, même pas Hitler,
n’
a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je
470
ommencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je
ne
trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours
471
rouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler
n’
a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’une timid
472
os actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il
n’
y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, a
473
la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe
n’
est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un ob
474
on très simple. La Bombe est un objet. Les objets
ne
sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’ho
475
de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle
ne
fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu
476
Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on
ne
nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contr
477
C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On
ne
peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la
478
oute que je ferais bien de rentrer, sous peine de
ne
pas comprendre la réalité européenne en général, et française en part
479
est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de
ne
pas comprendre la réalité mondiale. Après tout, il y a quarante milli
480
réels, guère moins accablés de problèmes. Mais je
ne
cherche pas à m’en tirer par une réplique, même de bon sens, et j’ai
481
ieux, plus au tragique, que les chiffres stupides
n’
y inviteraient. Je m’interroge. Je reprends la question dans les terme
482
ntages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils
ne
sont en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’
483
les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il
n’
est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer » le pays co
484
me. Et je me dis que le problème est mal posé. Il
ne
s’agit ni de partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il
485
de ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce
n’
est pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont
486
ès facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester,
ne
le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Suppos
487
er à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il
ne
s’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vi
488
nde qui change beaucoup plus vite que Jules Verne
n’
a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si c
489
mar des visas. Si cette folie furieuse et inutile
ne
régnait pas sur le monde d’après-guerre, le problème partir ou rester
490
ge de l’humain, une conception de la fidélité qui
ne
soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus so
491
tre fois, selon l’arithmétique du cœur. Le nomade
n’
aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime
492
thmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre,
n’
y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’ai
493
erre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan
n’
aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il re
494
c jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre,
ne
l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, e
495
us en dit. Mais je sais bien qu’il y a les visas.
N’
acceptons pas que cet accident tardif de la démence nationaliste dénat
496
de tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils
n’
ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la perte des milliers d
497
ceptons-nous, comme des moutons, sans qu’une voix
ne
proteste ? u. Rougemont Denis de, « Faut-il rentrer ? », Pour la V
498
est mal vue. Les gens trichent peut-être, mais je
n’
en suis pas persuadé. L’Américain s’achète une bonne conscience en pay
499
sens civique. Quand le citoyen est discipliné, il
n’
a pas pour autant l’amour du règlement comme en Suisse… J’ai aussi été
500
toujours sur leurs ergots ; des gens en qui l’on
ne
peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe un peu comme
501
ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous
ne
soyons une source permanente de désordres et de troubles. Tous les na
502
d’être decent. Leur opinion est que les Européens
ne
sont, eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen de là-bas exp
503
-même »… Quant à la masse du centre du pays, elle
ne
connaît rien de notre continent ; souvent, elle ignore même que la Su
504
it ! » Par souci de précision, j’ajouterai que je
ne
connais que l’Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York
505
ou en Californie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous
ne
manquez pas d’observer de fortes nuances dans la civilisation. New Yo
506
mérique : ça sera toujours juste quelque part. Je
ne
cesse personnellement de me battre contre cette affirmation européenn
507
es les perspectives. Le problème France-Allemagne
n’
a aujourd’hui plus grande importance ; il a cédé le pas au problème Am
508
là-bas, le plus grand respect pour les experts en
n’
importe quoi. Au point de vue littéraire et philosophique, je ne vois
509
. Au point de vue littéraire et philosophique, je
ne
vois rien de très neuf qui se soit développé pendant la guerre ou apr
510
mérique a connu une grande période littéraire. Je
ne
distingue actuellement pas d’école nouvelle. Les jeunes écrivains gar
511
bas. Les grèves peuvent être violentes, mais cela
ne
veut pas dire que l’on soit de droite ou de gauche. On fait la grève
512
our y vivre une ou deux années et inversement. Je
ne
vois pas d’hostilité possible entre les deux continents — qui se comp
513
nis « trente-deux religions et un seul plat », il
n’
avait tort qu’a cinquante pour cent… w. Rougemont Denis de, « [Entr
514
tact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il
ne
s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l’insondable gouffre
515
tion. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il
ne
s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle
516
me, « phénomène à la fois mythique et mystique ».
N’
est-ce pas lui qui a lancé cette fulgurante vérité aux nations qui s’a
517
nt à la chute dans l’abîme : « Personne et pensée
ne
sont point séparables, et toutes deux ne sont possibles que dans cet
518
t pensée ne sont point séparables, et toutes deux
ne
sont possibles que dans cet acte unique d’obéissance qui s’appelle l’
519
n aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il
n’
est point de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté
520
Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui
ne
recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix
521
si complexes que celles que je viens de citer. Je
n’
entends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire l’apologie du vie
522
nte psychologie nous révèle que ces faux ancêtres
ne
sont guère inférieurs à l’homme sous le rapport de l’intelligence ! L
523
pport de l’intelligence ! Leur malheur est qu’ils
n’
ont aucune mémoire. Ils se voient obligés chaque matin de reconstruire
524
ntales. Il s’imagine qu’il invente sans cesse. Il
ne
croit qu’à l’actualité, aux nouvelles toutes chaudes, à la dernière t
525
velles toutes chaudes, à la dernière tactique, et
ne
fait que singer d’antiques découvertes. À propos de ces mêmes créatur
526
— non pas de ces épreuves-là précisément, car on
n’
avait jamais rien vu de pareil — mais de quelque chose de plus profond
527
rt, la science, le monde moderne et sa prospérité
ne
sont pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’é
528
L’échec pour lui — guerre, privations, retards —
n’
est pas une déception totalement scandaleuse qui le laisserait tout bé
529
e qu’on savait depuis un certain temps mais qu’on
n’
avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où
530
e à une guerre qui nous atteint tous, et que nous
ne
faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale
531
ieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés
n’
avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent pe
532
n d’une conscience planétaire. Nous retardons, il
n’
y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons no
533
lace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce
n’
est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intr
534
oblèmes nationaux restent intraduisibles pour qui
ne
peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des voya
535
i ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque
n’
est pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions », comm
536
celle des « missions », comme on dit. Une mission
ne
se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un rai
537
s », comme on dit. Une mission ne se promène pas,
ne
voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendro
538
dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rien,
n’
a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cepen
539
n, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous
n’
apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le bo
540
u jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon
ne
pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se seront rév
541
ud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles
n’
auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentin
542
sayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce
n’
est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que fa
543
ypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde
ne
peut pas tout savoir, encore moins tout voir et comprendre. Les probl
544
urs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il
ne
manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Françai
545
ous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce
n’
est pas une question d’information d’abord, qu’on m’entende bien, mais
546
détruit ; l’idée que vous, et qui pensez, un jour
ne
serez plus, un jour serez un mort. Si « macabre » désigne assez bien
547
ssez bien l’étrangeté de la mort des autres, cela
ne
saurait en aucun cas se dire de sa propre mort, de la mienne. Et non
548
lanche, typiquement quotidienne, où nulle fatigue
ne
m’inclinerait à renoncer. Pourtant, si tout s’arrête avant midi, pour
549
rtant, si tout s’arrête avant midi, pour moi ? Je
ne
sens pas que l’idée soit tragique : elle m’appartient, je puis en dis
550
isposer, feindre assez facilement d’en rire. Elle
n’
est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cous
551
Elle n’est pas plus forte que moi. Peut-être même
n’
est-elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pen
552
ants, s’arrêter, accélère ma respiration. Et cela
ne
signifie point que nous n’ayons jamais pensé à notre mort avec une ra
553
a respiration. Et cela ne signifie point que nous
n’
ayons jamais pensé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pens
554
pide angoisse — nous y pensons bien plus que nous
n’
osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’av
555
bien plus que nous n’osons le croire, sans doute
ne
pensons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mor
556
sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous
n’
avons jamais pu penser notre mort. Contester là-dessus serait fournir
557
tellectuelle, et l’on conçoit que son application
ne
puisse être ni rapportée ni répétée. Perfection et Mort en ceci se co
558
rangeté d’une telle situation — la nôtre à tous —
ne
faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante notre méditation et q
559
égulières, le temps nous endort bien plutôt qu’il
ne
nous avertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de
560
nde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage
ne
raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudrait encor
561
ù va la vie, et c’est pourquoi les bonnes raisons
n’
expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi
562
a Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire
ne
fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’une réalité nouvell
563
mpêtrés, dans le sentiment d’une urgence que nous
ne
parvenons pas à distinguer avec des yeux bien dessillés. C’est assez
564
nd décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle
n’
est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d
565
r ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien
n’
est grand ni petit, mais toute chose sans répit nous provoque à la dép
566
té ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on
n’
ose plus employer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plu
567
ployer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’elle
n’
est plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole
568
e n’est plus à la portée des mains humaines, elle
n’
est plus qu’un symbole chiffré désignant des puissances lointaines. To
569
s ce rêve, à son tour se trouble ; il faiblit, il
ne
couvre plus toute l’étendue de la conscience humaine… Car notre volon
570
endue de la conscience humaine… Car notre volonté
n’
est plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand n
571
t son Histoire. Vous vous dites en secret qu’elle
ne
peut pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle,
572
u’elle ne peut pas mourir, et il est vrai qu’elle
ne
possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. El
573
est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et
ne
peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et
574
lle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle
ne
peut être en soi pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué de
575
hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort
n’
est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plu
576
le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes
n’
auront plus à se défendre, mais seulement à se révéler tels qu’ils son
577
méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de
ne
pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendrait bien,
578
prières perdues ! » — mais ils savaient que rien
ne
peut finir tout à fait et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il
579
it et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il
n’
était point permis d’imaginer. Celui dont les belles manières sont app
580
homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce
n’
est point que nous aimions la mort comme telle. Bien au contraire, ce
581
ur votre élan vital que sur l’élan mortel. Car il
ne
vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur
582
d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui
n’
était pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui po
583
nt qui le juge et l’accomplit, — notre temps, qui
n’
était pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tout e
584
efforts et leurs soucis se tournaient vers ce qui
n’
est rien, vers une Absence douloureuse, — alors que c’est la seule Pré
585
outenable : il nous trouve sans préparation. L’on
ne
s’était défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Pa
586
Ils se sont tout d’abord sentis gênés, balourds,
ne
sachant trop quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse de gra
587
ant trop quelle contenance prendre. Et la lumière
ne
cesse de grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveuglés et clo
588
tre de l’éternité occupèrent moins de temps qu’on
n’
imagine. La procédure était, en effet, des plus simples. — Témoignez,
589
e plus vrai désir ? Les sages répondaient : — Nul
ne
possède vraiment que ce qu’il peut donner. Demandez-moi plutôt pour q
590
on lui impose maintenant, bien plus violent qu’il
n’
a jamais osé l’imaginer. Car, dit-il, au sein d’un tel choix, je m’app
591
e le gouvernement mondial Vous me dites que ce
n’
est point par mauvaise volonté, mais que vous avez grand-peine à vous
592
comment imaginer un pouvoir digne de ce nom, s’il
ne
trouvait personne en face de lui avec qui échanger des notes ? Person
593
répondre que l’honneur du pays est en jeu, qu’on
ne
cédera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc
594
emblerait-il ? Les nations et leurs gouvernements
ne
se posent qu’en s’opposant. C’est la menace extérieure qui « cimente
595
s, et à une guerre possible contre les Martiens ?
Ne
me dites pas non : votre première idée a été de supposer une guerre.
596
oduisent les nations, et les unes sans les autres
ne
seraient pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c’est mon g
597
enant que c’est mon gouvernement mondial que vous
ne
voyez pas — car il supposerait une sorte de nation unique, sans voisi
598
vient à dire que c’est la paix elle-même que vous
ne
voyez pas. Je dis vous, et je m’en excuse. Vous représentez ici l’hum
599
manité. Notre condition malheureuse veut que nous
ne
sachions imaginer le bien que par contraste avec un mal dont nous sou
600
nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix —
n’
est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons fra
601
-dire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce
n’
est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette dernière expressi
602
ite, ils représentent les « éléments d’ordre », à
n’
en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cr
603
st bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de
n’
importe quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme, est « nettement
604
ivement la Bombe ! Suprême élément d’ordre ! » Et
ne
croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut nous débarrass
605
vous êtes servie. II. L’État-nation Non, je
n’
en veux pas un instant à votre ami le colonel. Dites-lui que je respec
606
nouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je
n’
appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’en
607
une équivoque. Il a deux sens bien différents. Je
n’
ai parlé que du mauvais, jusqu’ici, parce que c’est de beaucoup le plu
608
nations, ce qui fait leur véritable originalité,
n’
est pas défini par leur souveraineté absolue, n’est pas limité par leu
609
, n’est pas défini par leur souveraineté absolue,
n’
est pas limité par leurs frontières et ne saurait être défendu par leu
610
absolue, n’est pas limité par leurs frontières et
ne
saurait être défendu par leurs armées. En effet, supprimez ces trois
611
s et à son ministère des Affaires étrangères ? Et
ne
pensez-vous pas que si le gouvernement français n’a plus rien d’autre
612
e pensez-vous pas que si le gouvernement français
n’
a plus rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleu
613
en carnages périodiques. Autre exemple. Pourquoi
n’
est-il question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’in
614
arquez l’hypocrisie du terme « nationaliser ». On
n’
ose pas dire « étatiser ». On veut encore tirer parti du prestige qui
615
arce qu’elle veut la justice sociale, et que cela
n’
a rien à voir avec la préparation à la guerre. Sans doute, mais je par
616
ure économique partiellement souhaitable, mais je
ne
leur vois de commun, à priori, que trois syllabes. Cependant l’on rev
617
oserez me dire que le Social Register de New York
n’
est qu’un Bottin mondain, je vous dénonce dans L’Humanité.) Vous sente
618
vous dénonce dans L’Humanité.) Vous sentez que je
ne
prends parti ni pour ni contre la socialisation, je note seulement qu
619
asquer le fait qu’il s’agit d’une étatisation. Je
n’
en ai qu’au cadre national. Introduisez dans cette broyeuse automatiqu
620
u déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On
ne
sortira de ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre
621
ger les affaires internationales à des hommes qui
ne
représentent pas les nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls sero
622
euls seront qualifiés pour arbitrer. Autrement ce
n’
est qu’un jeu de force, et le premier qui tire aura gagné, quel que so
623
l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il
n’
aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf
624
es deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs qu’il
n’
y paraît. Car l’une des grandes questions du siècle est sans doute cel
625
andes questions du siècle est sans doute celle de
ne
point laisser nos moyens matériels de transport distancer la conscien
626
s fils, lorsqu’ils rencontrent une tête nouvelle,
ne
sourient guère. Ils tendent une main précise, accompagnée d’un regard
627
sa bouche sur des dents éclatantes, et comme s’il
n’
avait attendu que votre arrivée, justement, pour donner enfin libre co
628
eté s’il est pauvre, sa vie privée en général, et
ne
vous rencontrera qu’au café. Mais en France des amitiés se nouent — t
629
es et suivies, attentives et agissantes. Personne
n’
a plus, et mieux écrit sur l’amitié que les moralistes français, de Mo
630
nt un an. Et quand on se rencontre par hasard, on
ne
se demande pas ce qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne d
631
ande pas ce qu’on est devenu, on rit, on boit, on
ne
s’étonne de rien, tout glisse et passe, il y a tant d’êtres sur la te
632
, tandis que le Français donne l’impression qu’il
ne
changerait pas plus de parti que de passé. Comment ils inventent
633
tout compte fait, l’avion le plus rapide du monde
n’
existe qu’à un seul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’Am
634
lliers d’appareils plus lourds et plus lents, qui
n’
ont d’autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lignes
635
es utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu’il
ne
spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le França
636
ique. Ses chansons déchirantes de sentimentalisme
ne
traduisent que ses rêveries, dans un style emprunté aux nègres. Mais
637
des questions de cuisine, on se console vite, on
n’
admet pas la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains da
638
l, l’ère en est bien passée. Sauf à New York, ils
ne
sont pas rentables. Comment ils sont scrupuleux ou non L’Améric
639
Comment ils sont scrupuleux ou non L’Américain
ne
pardonne pas une erreur de 2 cents dans un compte, mais se trompe joy
640
re spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il
ne
tolère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Français le co
641
is si vous dites sous la foi du serment, que vous
ne
l’êtes pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amen
642
mais par une sorte de fatalisme inconscient. (Je
ne
parle pas du héros, mais du troupier moyen, sans opinion.) Il pense q
643
, et que c’est ainsi depuis des siècles, et qu’on
ne
peut pas y échapper. L’Américain, bien au contraire, considère la sou
644
t comme des accidents insensés, que rien au monde
ne
peut rendre acceptables ou justifiables. L’idée que la souffrance pui
645
. L’idée que la souffrance puisse devenir féconde
ne
l’effleure pas, tandis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu de
646
st l’inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce
n’
est pas simple. Et cela va peut-être choquer ? Que voulez-vous, j’ai d
647
l’amour rend parfois plus lucide que l’être aimé
ne
le souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie
648
ecture incertaine, aucune copie correcte du texte
n’
ayant pu être obtenue.
649
ns la naissance du parti travailliste. Je préfère
ne
point vous parler des traductions. J’en ai environ dix-huit ! ae.
650
Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)ah Je
ne
savais pas que tout était si près, là-bas. J’étais baigné. J’étais fo
651
aires, socles de nos patries ! Monuments que l’on
ne
voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues
652
é, et garder tant de morts dans la présence, elle
ne
cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont D
653
de tomber sur la tête : il se relève, se tâte, et
ne
sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il
654
nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’elles
n’
étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices du
655
x du continent, dernier symbole d’une liberté qui
ne
peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut péri
656
tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés,
ne
perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1
657
et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous
n’
avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges, d
658
douane et de police. Secondés par la chance, nous
n’
y avons passé, si je compte bien, guère plus de 22 heures, mais le tot
659
en « Ex » : Exeter, Excalibur, Excambion. Et ils
ne
transportent, en effet, que des ex-quelque chose, ex-ministres, ex-di
660
x ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni détrôné, et
ne
pouvant me réclamer que d’une « mission de conférences » (prétexte év
661
res, leurs astucieux préparatifs de guerre civile
n’
auraient été troublés que par l’attaque intempestive des nazis. Contre
662
fait, les étrangers sont toujours surprenants. On
ne
s’entend vraiment bien qu’entre gens du même peuple. 17 septembre 194
663
regardions de trop près : d’heure en heure, nous
n’
avons rien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons en
664
autre jour à Lisbonne une lady me disait : « Nous
ne
serons jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait pas
665
amais battus, parce que nous sommes un peuple qui
ne
sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux chefs français trop car
666
sue de cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’elle
n’
oppose plus que deux nations : l’une qui ne sait pas vaincre, mais qui
667
u’elle n’oppose plus que deux nations : l’une qui
ne
sait pas vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas être vai
668
sait pas vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui
ne
sait pas être vaincue, mais qui perd ? Les Allemands, en effet, même
669
e brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je
ne
m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de s
670
de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je
n’
ai jamais eu la sensation d’un paysage plus étranger, mais plus étrang