1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 l’admettre, et à se préparer en conséquence. Nous n’ avons pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous
2 existence condamnée ailleurs par des faits que je n’ ai pas à rappeler. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus de
3 est : pécheur et racheté, condamné et sauvé. Qui ne croit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pa
4 heté, condamné et sauvé. Qui ne croit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesur
5 roit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissan
6 rait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissances du mal. Et c’est po
7 e. Non qu’il soit pessimiste par tempérament — ce n’ est pas l’impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement
8 atisme disciplinaire, dépourvu d’idéal directeur, n’ était autre que la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihi
9 ules, ni les catholiques ni les protestants seuls ne pourront rien faire chez nous. S’ils veulent rester eux-mêmes, il fau
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
10 ille lits pour y rêver, mille pour y souffrir, il n’ y a qu’un Amant : tu t’égares, il s’enfuit. — « En vérité, vous vous c
11 n revêt : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appela
12 uis le Prince ! Et quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écoute,
13 du parc, près de la porte démolie, là où les murs ne cachent plus que les abords désertiques de la ville, ils se sont vus 
14 sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne puis te toucher, mais la chaleur est bonne. Tout un hiver, il vécut d
15 , il se leva pour aller au marché de l’aube. — Tu n’ as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te vendrai rien à créd
16 Tu n’as plus rien, lui dit le petit vieillard, je ne te vendrai rien à crédit. Tu possèdes ta Vie, et tu possèdes aussi to
17 era ta pierre de Mort, si tu la choisis seule, et ne veux plus souffrir. III. Le coup de pistolet Évidemment, je n’a
18 ir. III. Le coup de pistolet Évidemment, je n’ aurais pas dû entrer. On fait de ces bêtises, par négligence, croit-on
19 rouge ou noir. J’arrive à la salle de lecture. Il n’ y avait que des feuilles de papier blanc sur les tables, et tout le mo
20 r la règle du club : Ni Questions Ni Réponses. Je ne savais plus que dire, parce que j’avais une chose à dire. D’ailleurs,
21 j’avais une chose à dire. D’ailleurs, même si je n’ avais dit que : Fine day to day, c’eût été une sorte de question ou de
22 s bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je ne voulais pas être mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser
23 heures. J’étais épuisé, j’avais faim et soif, je ne rencontrais plus personne. Je suis un fumeur invétéré. Ma dernière ci
24 assis face à la porte et me regardait comme s’il n’ avait rien entendu. Nous nous sommes dévisagés un certain temps ; je n
25 Nous nous sommes dévisagés un certain temps ; je ne trouvais pas son regard, il me semblait que ce regard fuyait très loi
26 n dans ses yeux et me rejoignait par-derrière, je ne puis l’expliquer autrement. D’une certaine manière, c’était mon propr
27 out simplement. Nous étions couchés chez nous. Je ne sais combien de temps cela va durer. Elle délire et j’ai cette balle
28 e balle dans le cœur. Et voici que maintenant, je ne puis plus poser de questions. Car si vous me dites que c’est une vrai
29 ue je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’ est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous suppri
30 aissez-moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous ne me croyez pas, je vais tirer ! b. Rougemont Denis de, « Trois par
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
31 Mais nulle part les coutumes et les institutions ne sont plus démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l’armée n’est plu
32 démocratiques qu’en Suisse, et nulle part l’armée n’ est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en S
33 se, et nulle part l’armée n’est plus populaire et ne fait aussi partie de la vie nationale qu’en Suisse. Depuis que les co
34 il après le tir du dimanche, — spectacle que vous ne verrez nulle part ailleurs dans le monde. Cette habitude remonte au M
35 e. À cette époque, l’« homme libre », — celui qui n’ était pas un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de
36 erté. Les libertés civiques et l’esprit militaire n’ ont jamais été en contradiction. Depuis les temps les plus anciens, le
37 es armes a également une importance technique qui n’ est nullement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer une mobilisati
38 ndividus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’ a pas d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propr
39 ce que la vie paisible des villes ou des villages ne leur aurait pas donné en dix ans. Ces 3 mois sont un puissant tonique
40 se a prévu dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne serait pas une guerre de « fronts », et qu’une défense en profondeur
41 opres maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’ est pas besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit ce
42 nemi aurait à développer une attaque en règle. Il ne serait nullement question d’avancer rapidement comme dans les plaines
43 el de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du sol quand cela
44 répond : « Ni la famine, ni la guerre, ni l’exil ne pourront être évités si nous gémissons sans lutter. » La liberté indi
45 gémissons sans lutter. » La liberté individuelle ne pourra survivre dans un État qui ne défend pas son indépendance. Mais
46 individuelle ne pourra survivre dans un État qui ne défend pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou d
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
47 ons. Ah ! puissions-nous aimer l’amour assez pour ne jamais avoir recours à ces remèdes, car définir l’amour ce n’est poin
48 oir recours à ces remèdes, car définir l’amour ce n’ est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul am
49 mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour ne peut survivre à cette méfiance ou à cette avarice anxieuse. Mais il e
50 s l’amour même est chose du silence. Cela dont je ne puis parler sans l’offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme
51 grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’amour même, mais rien non plus n’est dit que par l
52 peut être dit de l’amour même, mais rien non plus n’ est dit que par l’amour, si toutefois quelque chose est vraiment dite.
53 ns-nous aux alentours de ce colloque. La Volupté n’ est pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentem
54 t d’abord par ce mutisme. À tel point que l’homme ne retrouvera l’usage de la parole qu’avec le « terme » où l’esprit se l
55 d’avoir perdu la volupté. L’homme du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’aime que cela : regarder longtemps e
56 e du désir : il ne peut aimer qu’indéfiniment. Il n’ aime que cela : regarder longtemps en silence, se perdre dans des yeux
57 lui du silence : il éloigne sans fin le terme. Tu n’ entends que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car
58 e terme. Tu n’entends que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, m
59 s que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais la divine connai
60 errompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’ est pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent.
61 basse d’un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’ aiment point la femme qu’ils viennent de posséder, leur silence meurt
62 Éros pose en couronne un désespoir glacial : vous n’ irez pas au-delà de votre union. Ô silence des astres ! Fondues nos âm
63 ’endorment dans leur paix, et l’être enfin comblé ne sait plus où se prendre. Il se ramène en soi, se divise en ses ombres
64 , mémoire pesante de l’incommensurable nuit. Nous n’ irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte
65 ous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’ est-ce point le souvenir du seul désert que désormais nous chercherons
66 ais nous chercherons ? Au terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’un impossible fascinant. Et nous vivrons dès lor
67 a réalité des vies au jour. Nous sommes deux. Il n’ y a que deux philosophies : celle du désir et celle de l’acte ; ou enc
68 celle du désir et celle de l’acte ; ou encore, il n’ y a que deux doctrines : celle du silence et celle de la parole. La né
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
69 ire ici. De ces fragments de dates diverses, l’on ne verra point se dégager de conclusions tout à fait claires : il y a tr
70 ssi profondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire, n’ est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre un auteur e
71 prince André — et qu’est-ce que la gloire, si ce n’ est aussi l’amour du prochain, le désir de lui être utile et de mérite
72 séduit par sa mauvaise humeur. En la copiant, je n’ y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas l’amour mais a
73 e n’y vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’ est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince And
74 contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’ a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le p
75 Prince André n’a pas trouvé de prochains, car il n’ a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qu
76 rincesse Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’ en n’a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-el
77 sse Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’en n’ a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pa
78 aimé son prochain, n’en n’a pas reçu de gloire et n’ en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie
79 pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un conc
80 » C’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais la
81 fort de se rendre antipathiques. Jamais la foule n’ a jugé ridicule que l’on affiche un amour de la gloire même excessif p
82 re même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne tient pour glorieux que ceux qui prennent le soin de parler de leur g
83 , mais non Constant (comme écrivain). Or personne ne lit plus Les Martyrs ni Corinne, et tout le monde croit aimer La Char
84 . Mais ce jugement sur le talent, changé du tout, n’ entraîne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est
85 mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent d’aucune raison, et paraissent même n’en point souffrir. Fa
86 ne dépendent d’aucune raison, et paraissent même n’ en point souffrir. Fama crescit eundo : minuit praesentia famam. Toute
87 gloire est donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand n’ est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce q
88 us humble que moi ? Et l’orgueilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’elle p
89 me, puisque je vous veux moins vulgaires que vous n’ êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à q
90 s veux moins vulgaires que vous n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’es
91 ire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’ est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de s
92 ellant. C’est donc l’individu qui se distingue, —  n’ importe où. (Crimes commis pour s’acquérir la gloire, fréquents dans l
93 our du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’ a plus souci ni même conscience du voisin qu’il pourrait aider (c’est
94 communion active avec les hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare
95 is sont les auteurs de leur éclat. Ils donnent et ne demandent rien. Et ce qu’ils donnent fait toute la renommée du peuple
96 eau que tous, plus fort et plus heureux que tous, n’ était pas séparé mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagé
97 actions comblaient exactement. Mais notre gloire ne saurait être mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicité, une esp
98 ublicité, une espèce d’inflation provisoire. Elle n’ est pas grande, mais exagérée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et voic
99 C’est donc quelque chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels m
100 fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle fut acquise : toujours au prix
101 dant, je me suis surpris à désirer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la leur, mais celle que je pourrais rejoi
102 je la connais depuis toujours, moi seul. Un dieu n’ a pas besoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui
103 ito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne s
104 gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se d
105 e précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste s
106 ion. L’ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut aboutir qu’au succès. Il reste sous l’empire de la comparaison.
107 us l’empire de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’ imaginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croient que c
108 étant assurément d’essayer de faire croire qu’on n’ en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, le mieux pour s’en déba
109 instructif et amusant. Je veux ma gloire, et je ne l’avoue jamais, — je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je n
110 je fais le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vous que j’aime et qui me conna
111 ez-vous alors d’essentiel que dès maintenant vous ne sachiez ? Ou c’est que vous vous tromperiez, croyant par d’autres ce
112 vous tromperiez, croyant par d’autres ce que vous ne croyez point par vous-mêmes — et je ne veux pas l’erreur. Ou bien veu
113 e que vous ne croyez point par vous-mêmes — et je ne veux pas l’erreur. Ou bien veux-je cette erreur-là ? Certes — mais no
114 nous ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je n’ ose pas dire que je veux être Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité,
115 nom est : mensonge, que je voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas
116 e voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’ ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas savoir est angoisse. Ango
117 ourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ ose pas savoir est angoisse. Angoisse est le nom du secret que je sers
118 is que son nom est mensonge, et que c’est moi qui ne suis rien. Ainsi Dieu est mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose
119 e, et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il n’ y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce sera m
120 s. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il sera t
121 Si c’est moi, ce ne sera rien. Si c’est Dieu, je ne serai rien. Si Dieu me tue, il sera tout, et tout sera. Ainsi, ô Dieu
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
122 ’une écriture durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’ accepte de rompre avec une tradition que pour en fonder une nouvelle,
123 op jeune pour craindre les atteintes du temps. On n’ écrit pas un livre pour qu’il dure, en Amérique, mais d’abord pour qu’
124 Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’ existe pas, remarquait encore André Gide. Dans ce sens élargi du mot,
125 s bon nombre d’excellents auteurs américains. Ils n’ y verraient, à juste titre, aucun reproche. Car l’Amérique a fait du j
126 e révolution trop ignorée de l’Europe. Un art qui n’ exclut pas une poésie très drue, et qui possède une rhétorique, un « a
127 aisi par son côté sensationnel. L’article ensuite ne se déroulera pas suivant un plan logique, mais suivant la ligne de pl
128 à cultiver l’expression concrète ou sensorielle. N’ écrivez pas : « John entra dans la banque. » Mais décrivez la sensatio
129 ong roman. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien écrit, mais plutôt : c’est effective, a
130 t : c’est effective, agissant. Et d’une idée l’on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’elle soit inspiri
131 d’avenir dans le monde où nous allons entrer ? Je n’ en sais rien. Mais je suis sûr que l’écrivain français et l’écrivain a
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
132 ssé, dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement
133 , où ces formes de vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablen
134 les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais
135 qu’elles secouent d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, u
136 d’un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n’ agit que par l’atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des lois
137 u’elle fait régner. Des lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’assurer : il y faut ce climat sentimental, cette
138 eur rend enfin le goût de vivre ? Privilégiés qui n’ éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. Désh
139 ’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoir qu’au seuil des catastrophes générales. Et j’en
140 l des catastrophes générales. Et j’en connais qui ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un moteur prend son ré
141 que j’en viens à me demander si toutes nos crises ne seraient pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscient collect
142 ions à leur parole seront lointaines, ou même ils ne les connaîtront jamais… Paris, 12 mai 1939 Quatrième changement de do
143 e ! Il est des êtres et des drames dont la vérité n’ apparaît que dans cet environnement de lueurs fuyantes, d’activités ap
144 e ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’ y a plus nulle part d’indifférence possible ! Ici, le Christ reste le
145 t réduits se rétrécissent vers la catastrophe. Il n’ est plus d’autre issue que la nuit, mais viendra-t-elle après ma mort
146 demeurer quand tout s’en va, et que penser si je ne puis — rien dire ou faire qui s’accorde à ces temps ? « Une nuit vien
147 s ? « Une nuit viendra, pendant laquelle personne ne peut agir. » C’est quelque part dans l’Évangile. Ou faudra-t-il enter
148 enterrer nos secrets, pour d’autres qui peut-être ne viendront jamais ? Car la carte des pays libres, hier encore presque
149 augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que je sentais présent — un an d
150 n le regardait d’heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas… V. — Lisbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue
151 de tomber sur la tête, qui se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il
152 nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’elles n’ étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices du
153 x du continent, dernier symbole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut péri
154 tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de la paix franç
155 -rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, patinées par les v
156 c’est une de ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’une ferme au marché le
157 marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’ apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’est qu’a
158 i discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’ est qu’amitié des tons et des lignes humaines, humilité sous la douceu
159 ès une longue absence et des déboires : il entre, ne trouve personne. Mais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend l
160 France. VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’étais baigné. J’étais fon
161 aires, socles de nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues
162 é, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont D
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
163 , avant l’occupation allemande, les étrangers qui n’ avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux d
164 s qui n’avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’ avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient et j
165 nisation de la résistance à Paris ou en province, ne nous montrent encore que le peuple de France, pour la première fois.
166 est grave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’ est pas avant tout charmant et spirituel, bien-disant, bon vivant et l
167 t spirituel, bien-disant, bon vivant et léger. Il n’ est tout cela qu’en second lieu, et comme par luxe. Dans le fond et d’
168 tinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’ est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je cit
169 us insupportable que tous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur avait jamais parl
170 ls ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur avait jamais parlé du vrai peuple de la vraie France. Ils ont co
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
171 Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)j Un critique. J’ai lu vos deux d
172 sur la carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’ est pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais
173 s aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas.7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre
174 nses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’ est pas de louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes é
175 dit d’une blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération de ma critique… Ce qui me gênait
176 qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’ êtes pas encore assez clair. L’auteur. Et pourquoi je vous prie, être
177 teur. Et pourquoi je vous prie, être clair ? Vous n’ allez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ?
178 ssez. L’auteur. Assez pour quoi ? C. Assez pour n’ être point la dupe de vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce
179 e vos phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’ est pas jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double corde,
180 es présentez, elles ont déjà votre complicité, je ne sais quel air de passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’
181 passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’ est-ce pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’est-il pas
182 pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’ est-il pas d’abord séduit, ou au contraire vexé par ses images ou ses
183 ns à chaque instant : « j’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon l’on soupçonnera quelque tricherie. A. Voulez-
184 aimable. Au reste nous sommes entre nous et vous n’ abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils seront probablement exagéré
185 ions ! Vous êtes en train d’imiter ce héros de je ne sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux dissi
186 ondamné à des réponses ou plates ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’en
187 s ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’ est qu’une convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la t
188 ar le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’ est pas là le seul mode d’expression possible. C. Précisément je souh
189 sur la nécessité de cette clarté. Pour ma part je ne saurais concevoir ni respecter d’autre nécessité en général que celle
190 stons, si vous le voulez, sur le plan du langage. N’ est-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de
191 monde du discours. Car le Discours de la méthode ne définit en somme qu’une méthode du discours. La fin dernière d’un dis
192 éthode du discours. La fin dernière d’un discours n’ est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouvant ordonnée
193 des phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’ a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose c
194 que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord ja
195 rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ ait été d’abord jaugé, chiffré, et défini en termes simples. À mon tou
196 soi ? Le monde dans lequel nous vivons et parlons n’ est-il pas, comme l’a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non
197 n sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’ a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absur
198 ez Kafka… Je me demande alors si le cartésianisme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’origine, en décrétant —
199 a au choix de ces données dites premières. Encore n’ est-il pas exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’es
200 te une « arrière-image » qu’il faudrait dire. C. Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? A. J’ess
201 res qui résument leurs expériences, dira-t-on. Je n’ en crois rien. Ouvrez un ouvrage de science : vous y trouverez au term
202 sur des propriétés de la matière. Et ce discours n’ est qu’un certain système d’images. S’il se distingue du parler quotid
203 l est appliqué par les savants, la science légale n’ étant, c’est entendu, qu’une manière de parler du réel, et sans cesse
204 ue, prétendent partir de vérités élémentaires qui ne sont autres que des abstractions opérées sur nos formes de langage. J
205 le connaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas reculer devant cet autre exploit : poser que le plus simple es
206 totale, par la révélation des fins dernières. On ne peut connaître les parties que par le tout, et non l’inverse. C. J’o
207 e. Voilà : — Je sais que je suis dans la nuit. Je ne puis marcher que dans la confusion. Mais, si je marche cependant, c’e
208 ne vision illuminante, instantanée, dont la trace ne tarde pas à s’évanouir dans mes yeux Cela suffit pourtant à guider qu
209 démarche, et c’est pourquoi je vous disais qu’on ne peut la comprendre qu’à partir de son but. Il est très juste qu’elle
210 énitude instantanée qui décourage l’analyse. Vous ne donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’
211 r, serait absolument inexplicable, et évident. Il n’ y aurait plus qu’à méditer sans fin cette forme significative du tout,
212 t de chaque partie dans le tout. Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple d’une telle perfection. Mais il fallait in
213 de conséquence. Mais si je parle en paraboles, je n’ ai souci que d’une certaine orientation. C’est à partir du terme, enco
214 vent l’indiquer comme au-delà d’eux-mêmes… ce que ne sauraient faire des arguments toujours fondés sur ce qui les précède.
215 lait en paraboles à ses disciples, sachant qu’ils ne comprendraient pas. Voici la réponse qu’elle me fit : Jésus racontait
216 es ? A. Le droit ? Personne, bien sûr ! Personne n’ a aucun droit de ce genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’
217 toute clarté. Il arrive que certains furieux, je ne sais quels extatiques ou esprits relâchés, s’abandonnent aux hasards
218 ’être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou
219 la faire pressentir à d’autres hommes. Une vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’une carte postale. Il s’agit do
220 oi et dans leur lettre, mais dont le sens dernier ne puisse être aperçu sous un angle de vision quelconque. Je dis que l’h
221 s sont décevantes et ses paraboles sans fruit, il n’ en est pas moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vo
222 uve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’ embrassent pas le monde de haut en bas, dans un fulgurant inventaire.
223 ns : la possession, la beauté, la puissance, — il n’ en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au parler prophétique
224 u parler prophétique. C’est le même risque, et ce n’ est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prop
225 on divine, quelle défense osera-t-il produire qui ne soit pas aussi son jugement ? 6. Ces deux dialogues sont restés dan
226 Denis de, «  Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair », Hémisphères, New York, hiver 1944, p. 3-9.
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
227 sticiens. Sur le plan philosophique, la situation n’ était pas meilleure. Là encore, la personne humaine se voyait attaquée
228 s à l’irresponsabilité. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’un îlot précaire perdu dans l’océan de l’inconscien
229 a voulu se fonder le totalitarisme de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’individu n’a que des droits, le solda
230 ècle, ne sont pas des hommes complets. L’individu n’ a que des droits, le soldat politique que des devoirs. Le premier est
231 rvice de l’homme, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être un mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la d
232 cations ; — là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. Un certain nombre de mots-clés se retrouvent
233 cial, et même d’une esthétique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire la doctrine du personnalisme qu’en indiquant ce
234 rs manifestes et volumes publiés par le mouvement n’ apportaient pas les blue-prints d’une société idéale, mais quelques pr
235 pirituel d’abord, les changements institutionnels n’ ayant de valeur à leurs yeux que s’ils traduisaient réellement une att
236 fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le seul mobile du travailleur, et la masse de main-d’œuvr
237 e bien commun. 3) Perfectionnement technique. Nul n’ aurait plus intérêt à paralyser l’invention, puisqu’elle ne créerait p
238 plus intérêt à paralyser l’invention, puisqu’elle ne créerait plus de chômage technologique. Les industriels hochèrent la
239 nologique. Les industriels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civil pourrait du jour au lendemain se tra
240 vacances payées, à un moment où cette institution n’ existait pas encore en France. L’expérience, dans l’ensemble, réussit
241 ps sont parvenus à des conclusions analogues : il n’ est possible de parler de réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au s
242 ’un groupe donné de forces. L’homme, par exemple, n’ est réel que dans une communauté ni trop étroite ni trop vaste. Isolé,
243 e se faire entendre ou d’agir personnellement. Il n’ existe vraiment comme personne que dans un cadre à la mesure humaine,
244 groupements autonomes en perpétuelle interaction n’ a pas encore été traduite dans nos institutions. Nos nations sont rest
245 nale, pauvre en informations, ou mensongère, elle ne reflétait plus que l’anarchie capitaliste, non le pays réel. Que fair
246 e ses rédacteurs emprisonnés. Nul autre mouvement ne me paraît mieux apte à inspirer ceux qui demandent un monde à la mesu
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
247 en moi. Ils mènent cette guerre en moi-même. L’un n’ est guère bon, mais l’autre est pire, et j’ai choisi sans hésiter jama
248 ’il se peut, la question que cette guerre pose et ne peut résoudre. ⁂ Par dépit, par fatigue, ou par esprit de polémique,
249 es que l’esprit et que ses choix. Or ces réalités ne faisaient que traduire en quantités physiquement mesurables notre att
250 Elles étaient résultats et non pas causes. Car il n’ y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos
251 nos demandes, selon nos rêves et nos passions. Il n’ y a pas d’abord les machines puis une société qui doit subir leurs loi
252 esse, ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’ y a pas d’abord les faits et puis l’humanité qu’ils guident ou blessen
253 al et hostile lui suggère alors que cet « autre » n’ est en fait qu’une part de lui-même. S’il comprend cela et s’il le cro
254 faudra l’enfermer dans une camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’un
255 primer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’ a plus trouvé d’autre issue que dans une révolte explosive. Le cauchem
256 fait la guerre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d’un
257 s les principes d’une politique psychologique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardem
258 logique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci n’ est qu’une tactique de bombardement. La politique que j’imagine serait
259 diquer les premiers éléments. Si cette génération n’ a pas le courage de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne
260 de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut en attendre rien de bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. Essa
261 res. » Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ?
262 sion des pièces du procès ? Quand cela serait, ce ne serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opération
263 rait, ce ne serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opération légale ou d’une enquête scientifique, mai
264 ague de sang, terreur froide, ou goût du suicide. Ne me parlez pas de droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait n
265 goût du suicide. Ne me parlez pas de droits, vous n’ y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas de question.
266 vrais conflits. Elle tire de nous ce que la paix n’ en tirait plus. Elle offre l’avantage incomparable de sanctionner notr
267 es — le non-lieu —, ce vrai no man’s land où l’on n’ est plus responsable de soi. La guerre ancienne était une chance offer
268 dirait état de siège, état de grâce. Et les trois ne sont point sans rapports. Comme la fête chez les primitifs, la guerre
269 sme que l’Occident ait su concevoir (depuis qu’on n’ allume plus de bûchers pour les chrétiens et qu’ils tolèrent les hérét
270 balles pour la Patrie ou pour le parti. Mais s’il n’ y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sa
271 rifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvu
272 fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait
273 ousser jusqu’au paroxysme. Et comment vivre, s’il n’ y a plus de paroxysmes ? La guerre nous plaît. Nous le nions tous, et
274 iquer des armes et d’enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait d’une décision de ce
275 moustaches qui tremblent avant même que la bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables de me donner sur-le
276 même que la bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils ne sont guère capables de me donner sur-le-champ, avec calme, de bonnes
277 pensons qu’Hitler est un monstre avec lequel nous n’ avons rien de commun. Il s’agit de le détruire avant toute autre tâche
278 et désastreux dès qu’il s’agit de la paix. Hitler n’ est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas
279 dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’ est pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avons d’
280 ons tué, il nous occupera sans coup férir si nous n’ admettons pas qu’il est une part de nous, la part du diable dans nos c
281 tion mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il n’ était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères s
282 arqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n’ est pas toujours l’aspect du personnage en scène, qui peut être emprun
283 e à nos yeux d’une puissance de terreur dont nous n’ avions sans doute jamais eu l’expérience. Et pourtant c’est une part d
284 admettre en nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser un instinct ou quelque tentation pour les suppr
285 le caoutchouc) qu’est le national-socialisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de la religion en général, comme
286 La raison peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les
287 t par ce moyen-là venir à bout d’Hitler ; mais il ne pourra prévenir la multiplication prochaine d’autres symptômes de la
288 est très simple. Un homme qui meurt de faim mange n’ importe quoi pour tromper sa faim, faute de mieux. La raison n’ose pas
289 i pour tromper sa faim, faute de mieux. La raison n’ ose pas dire qu’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avo
290 es méfaits de l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers ni même des prêtres dirigent l’État : c’
291 randes puissances nationales et des trusts : elle ne peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il est temps de nous
292 es psychiatres plutôt que des banquiers. L’argent ne chasse pas les démons. 9. Instincts, forces considérées comme anarc
293 savoir si le prétendu moindre mal que l’on défend n’ est pas simplement un premier stade du pire. La chute serait-elle un m
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
294 France. Ces cartes à fond doré, à bord d’argent, ne portent ni inscriptions ni nombres, et s’inspirent de modèles vénitie
295 rculation, mais jusqu’au xviiie siècle, le tarot n’ est guère connu que chez les princes et chez les gipsys, tout en haut
296 is à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne vint en Europe qu’en 1417 sous la conduite du « Duc d’Égypte » ; et q
297 Monde primitif, d’après un amateur qui, lui-même, n’ avait pu copier l’art de tirer les cartes, dont il est question, que d
298 ut Éliphas Lévi (l’abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas de dénoncer ses erreurs, mais se montrent enclins aux
299 21 la figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’ est autre que l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas
300 e l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’ a pas de nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre
301 placé par le tarot italien ; celui de Schaffhouse ne se trouve qu’en Suisse, de même celui de Francfort en Allemagne ; ils
302 se, de même celui de Francfort en Allemagne ; ils n’ ont pas droit d’entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trou
303 re sur lequel il pourrait mettre la main, si l’on ne craignait de donner à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qu
304 res de l’existence, signifiées par allégories. Il n’ en est rien. Tout est symbole dans le Tarot, jusqu’au moindre détail,
305 ion qui consent à se laisser docilement absorber, ne tardent pas à révéler deux caractères généraux : ils sont tantôt hiér
306 auraient pris le maquis dans plusieurs pays, mais n’ auraient pas cessé de répandre leur croyance et leur sagesse par l’ent
307 notre chaîne. La surface entière du globe (le 0) n’ est que le théâtre de nos extravagances. Retraçons d’ailleurs aux yeux
308 e d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’ est qu’un court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous co
309 s résistance, la vie vécue au niveau animal. Rien n’ a été appris ou gagné par la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme
310 la traversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’ est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-el
311 l’espace au-dessous et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’intelligence, de r
312 ns l’homme. Du point de vue de l’égo, cette quête n’ est que folie et non-sens. c) Interprétation moderne de B. McM. Ha
313 Dernière carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… C
314 systèmes de castes, des hiérarchies sociales. Il n’ a plus besoin de la puissance terrestre (les épées) ; des sacrements,
315 es deniers) ; du sol et du foyer (les bâtons). Il n’ a plus d’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’un
316 ’attaches, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’ est qu’un fol errant. Comment a-t-il atteint le stade suprême, bien au
317 e. Voici l’expérience du Fou : le monde extérieur n’ a pas plus de signification réelle que l’ego, dont il s’est débarrassé
318 ’homme et son essence divine innée… Le fol errant n’ a ni famille, ni possessions, ni lieu où reposer sa tête. Cependant, i
319 ssions, ni lieu où reposer sa tête. Cependant, il ne se sent frustré de rien de tout cela. Il est en union avec l’Univers,
320 temps il voit à travers toutes les choses : elles ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il es
321 outes les choses : elles ne sont que néant, elles ne sont qu’un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède
322 i possède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourre
323 onc le traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’ est pas un lunatique quelconque, un idiot ou un simple d’esprit. C’est
324 ement à l’asile. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secr
325 nger, silencieux. Étant tout et toutes choses, il ne lui reste plus qu’à feindre de n’être rien. Et de même, il convient q
326 utes choses, il ne lui reste plus qu’à feindre de n’ être rien. Et de même, il convient que la séquence des arcanes, grâce
327 l nous advient jamais de rencontrer quelqu’un qui ne soit rien, ni homme d’affaires, ni professeur, ni garçon d’ascenseur,
328 rofesseur, ni garçon d’ascenseur, — quelqu’un qui ne professe aucune profession, un spirituel sans emploi, un vagabond cos
329 Esprit) ; et Dissolution (Émotions). L’autre roue ne porte pas de signes, mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois.
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
330 abus en ont fait aujourd’hui l’art de parler pour ne rien dire. Rhétorique est devenue synonyme d’éloquence creuse et de c
331 tous ces critères effacés ou perdus, notre époque ne sait plus juger d’une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures
332 , qui pourrait désigner le gagnant ? Tricher même n’ a plus aucun charme. Si vous vous soumettez aux règles des échecs, dép
333 rique considérées dans toute la variété des arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes régulières dont le rêve
334 mpose ses drames. Il se peut même que ces figures ne soient, à l’origine au moins, que l’affleurement ou que la fixation d
335 son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’ hésite pas à nous parler des artifices d’une « rhétorique profonde ».
336 ses recettes magiques et artifices profonds, elle ne vit que recettes et artifices, et commanda de les éliminer. De ses fl
337 a genèse d’un roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’ est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel par son auteur. C’est av
338 étaient créations pures de l’imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est une pseudo-science ou un faux art. Regardon
339 ion, dont le conteur connaissait les pouvoirs. Il ne lui reste pour appui que la réalité telle qu’il la voit. Mais cette r
340 Mais cette réalité — c’est-à-dire : l’extérieur — ne peut fournir que des objets à exprimer, non pas des moyens d’expressi
341 s d’un jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure
342 vantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu ne sera vivant et passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses rè
343 des objets ou des sentiments ? Par l’extérieur on ne rejoint que l’insignifiance observable. C’est ce qui va se produire a
344 aux procédés du conte. « Le roman, dit M. Jaloux, ne connaît d’autres lois que les lois mêmes de la vie. » Cette propositi
345 ficatif. On croyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il attend « l’his
346 omancier réaliste ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer comme par ha
347 te ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer comme par hasard, au milieu
348 uation, d’une atmosphère, ou même d’une phrase, «  N’ importe où et n’importe comment » — c’est à quoi vise son effort. « Go
349 mosphère, ou même d’une phrase, « N’importe où et n’ importe comment » — c’est à quoi vise son effort. « Gontran sortit son
350 cteur tombe jamais d’accord avec l’auteur. Car il n’ est pas deux expériences humaines superposables. Et je ne renoncerais
351 as deux expériences humaines superposables. Et je ne renoncerais à la mienne pour faire crédit à celle de l’écrivain que s
352 traînait par d’autres charmes… Du conteur pur, je n’ exigeais qu’un sens, valable et vérifiable en soi. 2°) — Par la suppre
353 t créer l’illusion du réel quotidien. Pourtant il ne dispose que de mots, quoi qu’il fasse. Ce dernier artifice paraît le
354 D’où cet axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces efforts trahissent le curieux embar
355 ous ces efforts trahissent le curieux embarras de ne pouvoir faire entrer dans un livre des personnages grandeur nature. L
356 de méthodiquement insignifiant. Quelque chose qui n’ en finit plus, car la vie ne met jamais de point final. Il y a jeu qua
357 nt. Quelque chose qui n’en finit plus, car la vie ne met jamais de point final. Il y a jeu quand les conséquences s’épuise
358 uement insignifiant. Car la-vie-telle-qu’elle-est ne signifie presque rien. Or, c’est elle qu’on veut reproduire en multip
359 itraires et le picaresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait tro
360 moyenne du grand public contemporain, le morceau n’ étant visiblement qu’une captatio benevolentiae où l’auteur se montre
361 io benevolentiae où l’auteur se montre attentif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu. « Le roman, écrit encore M. Ro
362 teur se montre attentif à ne promettre rien qu’il ne sache attendu. « Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas de
363 che attendu. « Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas de vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le ro
364 is, répond notre auteur, comme pour se justifier, n’ en va-t-il pas de même dans la vie ? Les romans traditionnels « préocc
365 au sens dépréciatif de l’épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas. Une contre-épreuve de notre diagnostic nous sera four
366 sera fournie par le succès du roman policier. Je ne pense pas qu’on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour le cri
367 rique précise. C’est un jeu, et un jeu serré, qui ne tolère aucune faiblesse, aucune tricherie. Ses lois sont connues et c
368 jeu, se résout complètement à la fin du livre, et ne comporte qu’un nombre fini d’éléments. Le lieu de l’action est circon
369 néralement une maison dont il semble que personne n’ ait pu y entrer ni en sortir, et qui contient le problème sous forme d
370 nt le problème sous forme de cadavre. Parfois, ce n’ est qu’une chambre4. Toutes ces conditions satisfont à l’excellente dé
371 nt très vite un spécialiste.) Et cette rhétorique ne manquera pas d’exercer son pouvoir créateur de communauté : des clubs
372 it qu’il les décrivît d’abord, soit qu’ensuite il n’ utilisât que leurs tabous comme ressorts de l’action, ou qu’enfin il s
373 un prestige de les contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le temps de liquider un héritage saccagé par la guerr
374 son « étude ». Mais le besoin de lire des fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin d’en conter.
375 ire, quelques années plus tard, la guerre totale. Ne fût-ce que pour rester au niveau de nos épreuves et de nos désastres
376 es qui constituaient la rhétorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à la logique prof
377 ou Gulliver, monstrueux dessins animés où l’homme n’ a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dia
378 ceaux, les maillets et les boules sont vivants et ne cessent de se déplacer. 3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appe
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
379 e tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’ était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, n
380 rait trop bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avo
381 ête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’ y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous dit
382 t, nous l’avons subi, et nous avons tous dit : je n’ y puis rien. Avec autant de sincérité, nous semblait-il, qu’un croyant
383 stination. Mais s’il est vain de nier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cett
384 tale. Cette espèce de passivité que l’on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup de fondre,
385 l’on allègue, ne serait-elle point un alibi ? Je ne parle que du vrai coup de fondre, celui qui est suivi d’incendie. Car
386 pour ceux que l’on attend, que l’on appelle, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portièr
387 en eût été changé à l’instant même, sans que nul ne s’en doute. ⁂ J’étais sceptique, en ce temps-là. Je disais à ce roman
388 ersuader, une fois si bien intéressées ! Car rien ne flatte comme l’idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman.
389 avages, et non pas quelque dieu, ni le Destin. Il n’ y aurait jamais de coup de fondre sans ce désir que vous entretenez pa
390 désir que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’ est pas assez que d’une complaisance acquise. Il faut encore une renco
391 osaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ains
392 iment, que je vous réponde par une confession. Je ne sais d’ailleurs ce qu’on peut en conclure pour ou contre vos théories
393 e bientôt s’inquiète : « — Vous êtes pâle et vous ne mangez rien ! Vous sentiriez-vous indisposé ? » Je balbutie n’importe
394 n ! Vous sentiriez-vous indisposé ? » Je balbutie n’ importe quoi sur cette traversée en avion… Le banquier comprend très b
395 tte liberté lyrique dans les relations… Mais rien n’ y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet d
396 yrique dans les relations… Mais rien n’y fait. Je ne puis avaler une seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de l’avion ? J
397 ns terreur, que la femme du banquier, elle aussi, n’ a presque pas touché aux mets servis. Le déjeuner se termine toutefois
398 ous montrer Budapest. Voilà, c’est Budapest. » Il n’ y a rien d’autre à dire. Nous remontons en voiture et descendons vers
399 udain, je me suis décidé et j’articule : « — Vous n’ avez rien mangé au déjeuner, madame. — Vous non plus… » Je poursuis no
400 ence. Même jeu qu’au déjeuner. Ni l’un ni l’autre ne pouvons toucher à rien. Tout d’un coup je me suis mis debout. Je fais
401 à Budapest. L’après-midi, je vous le répète, nous ne parlions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou un dîner. Et je
402 femme m’attend, grave et presque sévère. Moi, je ne pensais qu’à la situation politique. Nous nous mettons à table, je l’
403 la regarde longuement, bien en face. Aucun doute n’ est possible. Elle sait. Monsieur, je puis garder un secret d’État, vo
404 s garder un secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie inti
405 ne-moi vite de tes nouvelles, je suis inquiet, je n’ oublierai jamais les nuits extraordinaires que nous avons encore pu pa
406 veugle qui présida aux fastes de votre rencontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si l’on songe que la femme du banqu
407 te de vos propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’ est-il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o.
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
408 à son confort. Vaine et mauvaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme avec une main, qui ne te pousse pas hors de toi-m
409 vre qui ne te saisit pas comme avec une main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de t
410 ix distinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n’ est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut pl
411 lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus fuir attaque l’auteur et tout ce qu’il reflète d’une ambian
412 hommes qui créent, d’autres qui enregistrent : il ne faudra plus les confondre. Il y a Pascal et Goethe, Dostoïevski et Ki
413 le monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’ est pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans aucu
414 nion du monde en est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts
415 e ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
416 le qu’on se soit battu « pour » quelque chose qui n’ était pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’esprit… Vous rap
417 tes au Mexique, mais dans l’ensemble la situation n’ est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit être attribué
418 a, nous disent, non sans raison, les gouvernants, n’ est que le résultat déplorable, mais fatal, de la guerre. (Étrange act
419 ? On m’en voudra de ces questions, parce qu’elles ne paraissent comporter que des réponses amères et humiliantes, si l’on
420 affirmation unique de Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre liberté
421 l ne dépend que de nous de saisir à l’instant. Il n’ y a pas quatre libertés. Il n’y a que « la » liberté, ou non. Je le pr
422 sir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’ y a que « la » liberté, ou non. Je le prouverai par une parabole. Je c
423 rs de la religion de leur choix ; « trois » : ils n’ ont plus à se préoccuper de leur subsistance ; « quatre » ils sont sol
424 des séances de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débitée en tranches : elle est vivante. El
425 e ni débitée en tranches : elle est vivante. Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’être affirmée sur le cham
426 celle de se « réaliser personnellement ». Or nous ne pourrons jamais la recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés n
427 recevoir d’autrui. Sans elle les autres libertés ne comptent guère. Par elle seule, elles peuvent être conquises. Nous l’
428 tte lutte est toujours possible. Cette Résistance ne fait que commencer. Mais si nous décidons que les obstacles à l’exerc
429 isserons tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’ est pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous. (Certaines priso
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
430 e qu’on savait depuis un certain temps mais qu’on n’ avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où
431 : à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale
432 ieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’ avaient été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-ê
433 n d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’ y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons no
434 lace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’ est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intr
435 oblèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des voya
436 i ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’ est pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions » comme
437 celle des « missions » comme on dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un rai
438 ns » comme on dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendro
439 dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rien, n’ a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cepen
440 n, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’ apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le bo
441 u jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se seront rév
442 ud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles n’ auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentin
443 sayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’ est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Qu
444 ypocrisie américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout savoir, encore moins tout voir et tout comprendre. Les
445 urs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Françai
446 ous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’ est pas une question d’information d’abord, vous m’entendez, mais de s
447 rand joueur de Boule que fut « Saint-Ex ». À Dieu ne plaise que j’oublie jamais celui qui le premier me parla de la Planèt
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
448 z. On trouverait mieux, en s’appliquant.) Mais il n’ y a que les idées pratiques et raisonnables que l’on traite de folies,
449 e passer ? Ces projets échoueront. On en rira. On n’ en rira même pas : on les négligera simplement. On passera aux affaire
450 antes : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’ est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations
451 guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations et chez beaucoup de bons esprits,
452 t emparée des volontés. Vous-même, je le sens, je ne vous ai pas convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vous pensez que
453 be soit moins puissante que les savants autorisés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres
454 savants autorisés ne l’affirment. Admettons qu’il n’ y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ampleur continental
455 , sans oublier que leur expérience démontre qu’on ne pare jamais qu’un certain pourcentage des coups tirés… Pensez-vous qu
456 us peut se poursuivre assez longtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un
457 ithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’ aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, e
458 e n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent.
459 On nous ressasse à longueur de journée qu’elle «  n’ est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est-ce qu’on lui demande
460 ns comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’ est pas prête pour la paix, cela veut dire que vous d’abord, vous refu
461 où il devient difficile de le cacher. Nos alibis ne trompent plus que nous-mêmes. Pour moi, je poursuivrai ma lutte, quoi
462 posé le principe du pessimisme actif. Et comment ne m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux q
463 e m’y tiendrais-je pas, quand je sais que l’enjeu n’ est point de ceux que la défaite, mais la désertion seule puisse me fa
464 répondu : « Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. E
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
465 mot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’ est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc parliez-vou
466 ortant. La fin des armées, par exemple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais
467 it d’Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit loué, nous avons repris nos sens. Certains presse
468 masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’ a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue, et que
469 une peur bleue, et que personne, même pas Hitler, n’ a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je
470 ommencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours
471 rouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’ a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’une timid
472 os actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’ y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, a
473 la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’ est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un ob
474 on très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’ho
475 de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu
476 Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contr
477 C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
478 oute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenne en général, et française en part
479 est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale. Après tout, il y a quarante milli
480 réels, guère moins accablés de problèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par une réplique, même de bon sens, et j’ai
481 ieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n’ y inviteraient. Je m’interroge. Je reprends la question dans les terme
482 ntages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’
483 les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’ est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer » le pays co
484 me. Et je me dis que le problème est mal posé. Il ne s’agit ni de partir ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il
485 de ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’ est pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont
486 ès facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Suppos
487 er à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vi
488 nde qui change beaucoup plus vite que Jules Verne n’ a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si c
489 mar des visas. Si cette folie furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde d’après-guerre, le problème partir ou rester
490 ge de l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus so
491 tre fois, selon l’arithmétique du cœur. Le nomade n’ aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime
492 thmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’ y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’ai
493 erre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’ aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il re
494 c jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, e
495 us en dit. Mais je sais bien qu’il y a les visas. N’ acceptons pas que cet accident tardif de la démence nationaliste dénat
496 de tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la perte des milliers d
497 ceptons-nous, comme des moutons, sans qu’une voix ne proteste ? u. Rougemont Denis de, « Faut-il rentrer ? », Pour la V
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
498 est mal vue. Les gens trichent peut-être, mais je n’ en suis pas persuadé. L’Américain s’achète une bonne conscience en pay
499 sens civique. Quand le citoyen est discipliné, il n’ a pas pour autant l’amour du règlement comme en Suisse… J’ai aussi été
500 toujours sur leurs ergots ; des gens en qui l’on ne peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe un peu comme
501 ont un peu peur de nous ; ils craignent que nous ne soyons une source permanente de désordres et de troubles. Tous les na
502 d’être decent. Leur opinion est que les Européens ne sont, eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen de là-bas exp
503 -même »… Quant à la masse du centre du pays, elle ne connaît rien de notre continent ; souvent, elle ignore même que la Su
504 it ! » Par souci de précision, j’ajouterai que je ne connais que l’Amérique la moins éloignée de l’Europe. Si de New York
505 ou en Californie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer de fortes nuances dans la civilisation. New Yo
506 mérique : ça sera toujours juste quelque part. Je ne cesse personnellement de me battre contre cette affirmation européenn
507 es les perspectives. Le problème France-Allemagne n’ a aujourd’hui plus grande importance ; il a cédé le pas au problème Am
508 là-bas, le plus grand respect pour les experts en n’ importe quoi. Au point de vue littéraire et philosophique, je ne vois
509 . Au point de vue littéraire et philosophique, je ne vois rien de très neuf qui se soit développé pendant la guerre ou apr
510 mérique a connu une grande période littéraire. Je ne distingue actuellement pas d’école nouvelle. Les jeunes écrivains gar
511 bas. Les grèves peuvent être violentes, mais cela ne veut pas dire que l’on soit de droite ou de gauche. On fait la grève
512 our y vivre une ou deux années et inversement. Je ne vois pas d’hostilité possible entre les deux continents — qui se comp
513 nis « trente-deux religions et un seul plat », il n’ avait tort qu’a cinquante pour cent… w. Rougemont Denis de, « [Entr
514 tact avec le réel, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l’insondable gouffre
515 tion. M. de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle
516 me, « phénomène à la fois mythique et mystique ». N’ est-ce pas lui qui a lancé cette fulgurante vérité aux nations qui s’a
517 nt à la chute dans l’abîme : « Personne et pensée ne sont point séparables, et toutes deux ne sont possibles que dans cet
518 t pensée ne sont point séparables, et toutes deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’obéissance qui s’appelle l’
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
519 n aux prétendues fatalités de l’Histoire. Mais il n’ est point de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté
520 Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix
521 si complexes que celles que je viens de citer. Je n’ entends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire l’apologie du vie
522 nte psychologie nous révèle que ces faux ancêtres ne sont guère inférieurs à l’homme sous le rapport de l’intelligence ! L
523 pport de l’intelligence ! Leur malheur est qu’ils n’ ont aucune mémoire. Ils se voient obligés chaque matin de reconstruire
524 ntales. Il s’imagine qu’il invente sans cesse. Il ne croit qu’à l’actualité, aux nouvelles toutes chaudes, à la dernière t
525 velles toutes chaudes, à la dernière tactique, et ne fait que singer d’antiques découvertes. À propos de ces mêmes créatur
526 — non pas de ces épreuves-là précisément, car on n’ avait jamais rien vu de pareil — mais de quelque chose de plus profond
527 rt, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’é
528 L’échec pour lui — guerre, privations, retards — n’ est pas une déception totalement scandaleuse qui le laisserait tout bé
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
529 e qu’on savait depuis un certain temps mais qu’on n’ avait jamais très bien compris, à savoir que la terre est ronde. D’où
530 e à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les dimensions de la communauté normale
531 ieux mangé, en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’ avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent pe
532 n d’une conscience planétaire. Nous retardons, il n’ y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons no
533 lace un peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’ est rien de traduire une langue : les problèmes nationaux restent intr
534 oblèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des voya
535 i ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’ est pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions », comm
536 celle des « missions », comme on dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un rai
537 s », comme on dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendro
538 dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rien, n’ a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cepen
539 n, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’ apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan normand et le bo
540 u jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus boucler leurs comptes parce que les Noirs se seront rév
541 ud ou à Harlem ; et les mineurs du pays de Galles n’ auront plus de viande pendant des mois, parce que les péons d’Argentin
542 sayer d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’ est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que fa
543 ypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout savoir, encore moins tout voir et comprendre. Les probl
544 urs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Françai
545 ous de larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’ est pas une question d’information d’abord, qu’on m’entende bien, mais
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
546 détruit ; l’idée que vous, et qui pensez, un jour ne serez plus, un jour serez un mort. Si « macabre » désigne assez bien
547 ssez bien l’étrangeté de la mort des autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre mort, de la mienne. Et non
548 lanche, typiquement quotidienne, où nulle fatigue ne m’inclinerait à renoncer. Pourtant, si tout s’arrête avant midi, pour
549 rtant, si tout s’arrête avant midi, pour moi ? Je ne sens pas que l’idée soit tragique : elle m’appartient, je puis en dis
550 isposer, feindre assez facilement d’en rire. Elle n’ est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cous
551 Elle n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’ est-elle qu’une ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pen
552 ants, s’arrêter, accélère ma respiration. Et cela ne signifie point que nous n’ayons jamais pensé à notre mort avec une ra
553 a respiration. Et cela ne signifie point que nous n’ ayons jamais pensé à notre mort avec une rapide angoisse — nous y pens
554 pide angoisse — nous y pensons bien plus que nous n’ osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’av
555 bien plus que nous n’osons le croire, sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’avons jamais pu penser notre mor
556 sans doute ne pensons-nous qu’à elle — mais nous n’ avons jamais pu penser notre mort. Contester là-dessus serait fournir
557 tellectuelle, et l’on conçoit que son application ne puisse être ni rapportée ni répétée. Perfection et Mort en ceci se co
558 rangeté d’une telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante notre méditation et q
559 égulières, le temps nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de
560 nde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudrait encor
561 ù va la vie, et c’est pourquoi les bonnes raisons n’ expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi
562 a Fin, et l’atteste. La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’une réalité nouvell
563 mpêtrés, dans le sentiment d’une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien dessillés. C’est assez
564 nd décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’ est qu’une première parole, ambiguë, de la Fin. Une première demande d
565 r ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien n’ est grand ni petit, mais toute chose sans répit nous provoque à la dép
566 té ? Ce sont des idéaux de ligues, des mots qu’on n’ ose plus employer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’est plu
567 ployer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’elle n’ est plus à la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole
568 e n’est plus à la portée des mains humaines, elle n’ est plus qu’un symbole chiffré désignant des puissances lointaines. To
569 s ce rêve, à son tour se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de la conscience humaine… Car notre volon
570 endue de la conscience humaine… Car notre volonté n’ est plus de conquérir, mais seulement d’assurer la vie du plus grand n
571 t son Histoire. Vous vous dites en secret qu’elle ne peut pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle,
572 u’elle ne peut pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. El
573 est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et
574 lle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et l’homme en elle reste à peu près dénué de
575 hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’ est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plu
576 le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’ auront plus à se défendre, mais seulement à se révéler tels qu’ils son
577 méprisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendrait bien,
578 prières perdues ! » — mais ils savaient que rien ne peut finir tout à fait et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il
579 it et à jamais qu’au prix de cela justement qu’il n’ était point permis d’imaginer. Celui dont les belles manières sont app
580 homme, intelligence et belle âme comprises. Et ce n’ est point que nous aimions la mort comme telle. Bien au contraire, ce
581 ur votre élan vital que sur l’élan mortel. Car il ne vient pas de nous, mais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur
582 d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’ était pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui po
583 nt qui le juge et l’accomplit, — notre temps, qui n’ était pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tout e
584 efforts et leurs soucis se tournaient vers ce qui n’ est rien, vers une Absence douloureuse, — alors que c’est la seule Pré
585 outenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne s’était défendu que de l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Pa
586 Ils se sont tout d’abord sentis gênés, balourds, ne sachant trop quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse de gra
587 ant trop quelle contenance prendre. Et la lumière ne cesse de grandir. Ils tombent déjà par rangs entiers, aveuglés et clo
588 tre de l’éternité occupèrent moins de temps qu’on n’ imagine. La procédure était, en effet, des plus simples. — Témoignez,
589 e plus vrai désir ? Les sages répondaient : — Nul ne possède vraiment que ce qu’il peut donner. Demandez-moi plutôt pour q
590 on lui impose maintenant, bien plus violent qu’il n’ a jamais osé l’imaginer. Car, dit-il, au sein d’un tel choix, je m’app
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
591 e le gouvernement mondial Vous me dites que ce n’ est point par mauvaise volonté, mais que vous avez grand-peine à vous
592 comment imaginer un pouvoir digne de ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger des notes ? Person
593 répondre que l’honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc
594 emblerait-il ? Les nations et leurs gouvernements ne se posent qu’en s’opposant. C’est la menace extérieure qui « cimente
595 s, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me dites pas non : votre première idée a été de supposer une guerre.
596 oduisent les nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c’est mon g
597 enant que c’est mon gouvernement mondial que vous ne voyez pas — car il supposerait une sorte de nation unique, sans voisi
598 vient à dire que c’est la paix elle-même que vous ne voyez pas. Je dis vous, et je m’en excuse. Vous représentez ici l’hum
599 manité. Notre condition malheureuse veut que nous ne sachions imaginer le bien que par contraste avec un mal dont nous sou
600 nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’ est à nos yeux qu’une fumée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons fra
601 -dire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce n’ est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette dernière expressi
602 ite, ils représentent les « éléments d’ordre », à n’ en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cr
603 st bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’ importe quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme, est « nettement
604 ivement la Bombe ! Suprême élément d’ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut nous débarrass
605 vous êtes servie. II. L’État-nation Non, je n’ en veux pas un instant à votre ami le colonel. Dites-lui que je respec
606 nouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’ appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’en
607 une équivoque. Il a deux sens bien différents. Je n’ ai parlé que du mauvais, jusqu’ici, parce que c’est de beaucoup le plu
608 nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’ est pas défini par leur souveraineté absolue, n’est pas limité par leu
609 , n’est pas défini par leur souveraineté absolue, n’ est pas limité par leurs frontières et ne saurait être défendu par leu
610 absolue, n’est pas limité par leurs frontières et ne saurait être défendu par leurs armées. En effet, supprimez ces trois
611 s et à son ministère des Affaires étrangères ? Et ne pensez-vous pas que si le gouvernement français n’a plus rien d’autre
612 e pensez-vous pas que si le gouvernement français n’ a plus rien d’autre à faire qu’administrer le pays, il sera un meilleu
613 en carnages périodiques. Autre exemple. Pourquoi n’ est-il question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’in
614 arquez l’hypocrisie du terme « nationaliser ». On n’ ose pas dire « étatiser ». On veut encore tirer parti du prestige qui
615 arce qu’elle veut la justice sociale, et que cela n’ a rien à voir avec la préparation à la guerre. Sans doute, mais je par
616 ure économique partiellement souhaitable, mais je ne leur vois de commun, à priori, que trois syllabes. Cependant l’on rev
617 oserez me dire que le Social Register de New York n’ est qu’un Bottin mondain, je vous dénonce dans L’Humanité.) Vous sente
618 vous dénonce dans L’Humanité.) Vous sentez que je ne prends parti ni pour ni contre la socialisation, je note seulement qu
619 asquer le fait qu’il s’agit d’une étatisation. Je n’ en ai qu’au cadre national. Introduisez dans cette broyeuse automatiqu
620 u déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre
621 ger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls sero
622 euls seront qualifiés pour arbitrer. Autrement ce n’ est qu’un jeu de force, et le premier qui tire aura gagné, quel que so
623 l’infanterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’ aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
624 es deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs qu’il n’ y paraît. Car l’une des grandes questions du siècle est sans doute cel
625 andes questions du siècle est sans doute celle de ne point laisser nos moyens matériels de transport distancer la conscien
626 s fils, lorsqu’ils rencontrent une tête nouvelle, ne sourient guère. Ils tendent une main précise, accompagnée d’un regard
627 sa bouche sur des dents éclatantes, et comme s’il n’ avait attendu que votre arrivée, justement, pour donner enfin libre co
628 eté s’il est pauvre, sa vie privée en général, et ne vous rencontrera qu’au café. Mais en France des amitiés se nouent — t
629 es et suivies, attentives et agissantes. Personne n’ a plus, et mieux écrit sur l’amitié que les moralistes français, de Mo
630 nt un an. Et quand on se rencontre par hasard, on ne se demande pas ce qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne d
631 ande pas ce qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne de rien, tout glisse et passe, il y a tant d’êtres sur la te
632 , tandis que le Français donne l’impression qu’il ne changerait pas plus de parti que de passé. Comment ils inventent
633 tout compte fait, l’avion le plus rapide du monde n’ existe qu’à un seul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’Am
634 lliers d’appareils plus lourds et plus lents, qui n’ ont d’autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lignes
635 es utilise vraiment, parce qu’il en vit, et qu’il ne spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le França
636 ique. Ses chansons déchirantes de sentimentalisme ne traduisent que ses rêveries, dans un style emprunté aux nègres. Mais
637 des questions de cuisine, on se console vite, on n’ admet pas la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains da
638 l, l’ère en est bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables. Comment ils sont scrupuleux ou non L’Améric
639 Comment ils sont scrupuleux ou non L’Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cents dans un compte, mais se trompe joy
640 re spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas, c’est le mensonge, et là précisément où le Français le co
641 is si vous dites sous la foi du serment, que vous ne l’êtes pas, et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amen
642 mais par une sorte de fatalisme inconscient. (Je ne parle pas du héros, mais du troupier moyen, sans opinion.) Il pense q
643 , et que c’est ainsi depuis des siècles, et qu’on ne peut pas y échapper. L’Américain, bien au contraire, considère la sou
644 t comme des accidents insensés, que rien au monde ne peut rendre acceptables ou justifiables. L’idée que la souffrance pui
645 . L’idée que la souffrance puisse devenir féconde ne l’effleure pas, tandis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu de
646 st l’inverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’ est pas simple. Et cela va peut-être choquer ? Que voulez-vous, j’ai d
647 l’amour rend parfois plus lucide que l’être aimé ne le souhaite. ab. Rougemont Denis de, « L’Américain croit à la vie
648 ecture incertaine, aucune copie correcte du texte n’ ayant pu être obtenue.
27 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
649 ns la naissance du parti travailliste. Je préfère ne point vous parler des traductions. J’en ai environ dix-huit ! ae.
28 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
650 Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)ah Je ne savais pas que tout était si près, là-bas. J’étais baigné. J’étais fo
651 aires, socles de nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues
652 é, et garder tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont D
29 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
653 de tomber sur la tête : il se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il
654 nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’elles n’ étouffent leurs champs. J’ai vu renaître les paniques dévastatrices du
655 x du continent, dernier symbole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut péri
656 tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1
657 et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous n’ avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges, d
658 douane et de police. Secondés par la chance, nous n’ y avons passé, si je compte bien, guère plus de 22 heures, mais le tot
659 en « Ex » : Exeter, Excalibur, Excambion. Et ils ne transportent, en effet, que des ex-quelque chose, ex-ministres, ex-di
660 x ? Ni fugitif, ni juif, ni riche, ni détrôné, et ne pouvant me réclamer que d’une « mission de conférences » (prétexte év
661 res, leurs astucieux préparatifs de guerre civile n’ auraient été troublés que par l’attaque intempestive des nazis. Contre
662 fait, les étrangers sont toujours surprenants. On ne s’entend vraiment bien qu’entre gens du même peuple. 17 septembre 194
663 regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’ avons rien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons en
664 autre jour à Lisbonne une lady me disait : « Nous ne serons jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait pas
665 amais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux chefs français trop car
666 sue de cette guerre, lorsqu’on a remarqué qu’elle n’ oppose plus que deux nations : l’une qui ne sait pas vaincre, mais qui
667 u’elle n’oppose plus que deux nations : l’une qui ne sait pas vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas être vai
668 sait pas vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas être vaincue, mais qui perd ? Les Allemands, en effet, même
669 e brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de s
670 de si près, avant les gratte-ciel, la statue… Je n’ ai jamais eu la sensation d’un paysage plus étranger, mais plus étrang