1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 re, et à se préparer en conséquence. Nous n’avons pas encore su prendre le tempo de ce xxe siècle. C’est que nous sommes d
2 ence condamnée ailleurs par des faits que je n’ai pas à rappeler. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus de prendr
3 cheur et racheté, condamné et sauvé. Qui ne croit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne sa
4 en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puissances du mal
5 qu’il soit pessimiste par tempérament — ce n’est pas l’impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement lucide
6 pérament — ce n’est pas l’impression qu’il donne, pas du tout — mais il est simplement lucide. Il a su voir plus loin que l
7 u d’idéal directeur, n’était autre que la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’annexion. « Faire
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
8  : voiles de nuit. Elle a passé tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’amo
9 I. Le coup de pistolet Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait de ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je
10 is vous connaissez ces couloirs. Et je ne voulais pas être mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser la première
11 ommes dévisagés un certain temps ; je ne trouvais pas son regard, il me semblait que ce regard fuyait très loin dans ses ye
12 suis mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous supprimez à l
13 nc seul. C’est mon ordre. Et si vous ne me croyez pas , je vais tirer ! b. Rougemont Denis de, « Trois paraboles », Lett
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
14 te époque, l’« homme libre », — celui qui n’était pas un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de porter d
15 idus, mais aussi entre les classes. La Suisse n’a pas d’école réservée aux officiers. Tous les hommes de 20 ans, propres au
16 aisible des villes ou des villages ne leur aurait pas donné en dix ans. Ces 3 mois sont un puissant tonique pour la jeuness
17 dès 1930 déjà, que la prochaine guerre ne serait pas une guerre de « fronts », et qu’une défense en profondeur devait être
18 maisons. Ils savent ce qu’ils défendent. Il n’est pas besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit cet artic
19 lle ne pourra survivre dans un État qui ne défend pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou de perte, il
20 dants. Voilà pourquoi nous croyons en Dieu et non pas en un homme qui prétend être adoré comme un Dieu. c. Rougemont De
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
21 s aux alentours de ce colloque. La Volupté n’est pas le plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentement s’a
22 t. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas le savoir que tu veux, mais la divine connaissance du présent. Or cet
23 se en couronne un désespoir glacial : vous n’irez pas au-delà de votre union. Ô silence des astres ! Fondues nos âmes ? Deu
24 e pesante de l’incommensurable nuit. Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes. Mais dans cette défaite de l’étreinte, n’est-c
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
25 ofondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire, n’est pas sans entretenir les plus curieux malentendus entre un auteur et ses l
26 vois plus que sophismes. Non, la gloire, ce n’est pas l’amour mais au contraire le mépris du prochain. Le Prince André n’a
27 traire le mépris du prochain. Le Prince André n’a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’un public. C’est le public
28 Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’
29 re et n’en demandait point. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert triomphal, s’
30 ugement sur le talent, changé du tout, n’entraîne pas que l’on change le jugement sur la gloire. La gloire est donc un myth
31 est donc aliénée. Celle d’un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que d’ab
32 moi ? Et l’orgueilleux que je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse
33 oins vulgaires que vous n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas
34 que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serait capable de se la décer
35 tive avec les hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il cher
36 tous, plus fort et plus heureux que tous, n’était pas séparé mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagée par une
37 té, une espèce d’inflation provisoire. Elle n’est pas grande, mais exagérée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et voici qui e
38 quelque chose de vulgaire. De fait, je ne connais pas de gloire moderne dont on ne puisse démontrer par quels moyens elle f
39 Zones de bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cepe
40 surpris à désirer une gloire qui ne m’ennuierait pas . Non point la leur, mais celle que je pourrais rejoindre, telle que j
41 la connais depuis toujours, moi seul. Un dieu n’a pas besoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’e
42 a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas . La gloire moderne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas
43 ne, c’est à peu près l’inverse. Mais ne serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’air,
44 de la comparaison. Beaucoup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croient que ce serait naïf
45 le modeste — d’où vient cette pudeur ? Je ne veux pas la gloire pour vous éblouir, vous que j’aime et qui me connaissez. Vo
46 us ne croyez point par vous-mêmes — et je ne veux pas l’erreur. Ou bien veux-je cette erreur-là ? Certes — mais non comme u
47 ouvrent, sur quel ciel, les symphonies ? Je n’ose pas dire que je veux être Dieu. Ce serait là, pourtant, ma vérité, la vér
48  : mensonge, que je voudrais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas savoir e
49 rais la gloire et ne sais pas pourquoi ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas savoir est angoisse. Angoisse es
50 i ? Ou n’ose pas savoir pourquoi… Ce que je n’ose pas savoir est angoisse. Angoisse est le nom du secret que je sers sans o
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
51 pour craindre les atteintes du temps. On n’écrit pas un livre pour qu’il dure, en Amérique, mais d’abord pour qu’il frappe
52 aliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe pas , remarquait encore André Gide. Dans ce sens élargi du mot, mais en re
53 ion trop ignorée de l’Europe. Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possède une rhétorique, un « art de pers
54 é sensationnel. L’article ensuite ne se déroulera pas suivant un plan logique, mais suivant la ligne de plus immédiate effi
55 r l’expression concrète ou sensorielle. N’écrivez pas  : « John entra dans la banque. » Mais décrivez la sensation qu’il épr
56 n. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira pas souvent : c’est bien écrit, mais plutôt : c’est effective, agissant.
57 ective, agissant. Et d’une idée l’on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’elle soit inspiring, stimulante
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
58 s… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays seulement où elles sévissent, mais aussi bie
59 ns à me demander si toutes nos crises ne seraient pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscient collectif. Je puis l
60 o. Rien de nouveau, toujours les mêmes histoires, pas de décision… » Le monde était en train de changer de face d’un jour à
61 t d’heure en heure, de trop près, on ne le voyait pas … V. — Lisbonne 10 septembre 1940 Blanche et bleue dans l’immens
62 r sur la tête, qui se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort
63 érir. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! VI. — Souvenir de la paix française En A
64 elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, patinées par les vents. Rares so
65 VII. — Mémoire de l’Europe 1943 Je ne savais pas que tout était si près là-bas. J’étais baigné. J’étais fondé. Et je m
66 t plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas . Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée d’arbres
67 r tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. h. Rougemont Denis de, « M
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
68 occupation allemande, les étrangers qui n’avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir d
69 beaucoup. Le décor était inexact, les situations pas toujours vraisemblables, les traîtres trop conventionnels, et finalem
70 rave, ou plus exactement il est sérieux. Il n’est pas avant tout charmant et spirituel, bien-disant, bon vivant et léger. I
71 comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je citais, et
72 able que tous les cris de haines. Ils ne savaient pas cela, les jeunes Allemands, on ne leur avait jamais parlé du vrai peu
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
73 Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)j Un critique. J’ai lu vos deux dialogues
74 carte postale6, je les aime bien… Enfin il n’est pas exact que je les aime bien. Ils m’irritent et m’agacent. Mais je ne l
75 ls m’irritent et m’agacent. Mais je ne les oublie pas .7 L’auteur. La mémoire des offenses est la plus sûre. Il me semble
76 st la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de louange préférable à celle-ci qu’on me fasse grief de mes écrits.
77 e blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une exagération de ma critique… Ce qui me gênait, je crois
78 gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’êtes pas encore assez clair. L’auteur. Et pourquoi je vous prie, être clair ?
79 pourquoi je vous prie, être clair ? Vous n’allez pas me dire que c’est la bonne manière de se faire comprendre ? Le criti
80 phrases. Écrire, et surtout en français, ce n’est pas jouer du violon. Tout d’un coup vous le prenez à double corde, et l’o
81 un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’est-ce pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’est-il pas d’abord sé
82 urs ainsi ? Je veux dire : tout écrivain n’est-il pas d’abord séduit, ou au contraire vexé par ses images ou ses idées — av
83 ue instant : « j’allais le dire ! » Mais ne mêlez pas tout, sinon l’on soupçonnera quelque tricherie. A. Voulez-vous que n
84 u reste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pas de mes aveux… D’autant qu’ils seront probablement exagérés. C. Que d
85 réponses ou plates ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’est qu’une convention de langage ? J’entends : un mot
86 souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expression possible. C. Précisément je souhaitais
87 vous le voulez, sur le plan du langage. N’est-ce pas la cohérence des raisons et à la fois l’exact ajustement de ces raiso
88 phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair
89 monde dans lequel nous vivons et parlons n’est-il pas , comme l’a dit un Russe « le monde de l’imprécis et du non résolu » ?
90 i pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t-elle pas pour effet immédiat de multiplier le mystère et les absurdités logiqu
91 Je me demande alors si le cartésianisme ne nous a pas trompés une fois pour toutes, à l’origine, en décrétant — au nom de q
92 x de ces données dites premières. Encore n’est-il pas exact de recourir ici à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans dou
93 ère-image » qu’il faudrait dire. C. Ne serait-il pas trop cartésien de vous demander de préciser ? A. J’essaierai de le f
94 nnaître — c’est encore un tour du langage — ne va pas reculer devant cet autre exploit : poser que le plus simple est aussi
95 avec tellement de précautions, vérifiant à chaque pas le chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendrait même po
96 illuminante, instantanée, dont la trace ne tarde pas à s’évanouir dans mes yeux Cela suffit pourtant à guider quelques pas
97 s mes yeux Cela suffit pourtant à guider quelques pas . Les autres, je les risque dans le noir, — dans la nuit de la foi ou
98 antanée qui décourage l’analyse. Vous ne donnerez pas la sensation du blanc en décrivant les sept couleurs. C’est pourquoi
99 nous aider : impliquer le réel comme tel, et non pas expliquer certaines manières de le réduire aux exigences d’un discour
100 ontradictions s’éclairent et se résolvent, et non pas à partir d’éléments que j’aurais distingués dès le départ. Une parabo
101 à ses disciples, sachant qu’ils ne comprendraient pas . Voici la réponse qu’elle me fit : Jésus racontait des histoires pour
102 ntir à d’autres hommes. Une vision ne se transmet pas , c’est le contraire d’une carte postale. Il s’agit donc de disposer l
103 cevantes et ses paraboles sans fruit, il n’en est pas moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vous m’avoue
104 est des visions moins illustres, qui n’embrassent pas le monde de haut en bas, dans un fulgurant inventaire. Je parle de vi
105 la beauté, la puissance, — il n’en faut pourtant pas davantage pour nous réduire au parler prophétique. C’est le même risq
106 er prophétique. C’est le même risque, et ce n’est pas la même grandeur… Les « sentinelles de Juda », les grands prophètes,
107 e, quelle défense osera-t-il produire qui ne soit pas aussi son jugement ? 6. Ces deux dialogues sont restés dans un tiro
108 e, «  Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair », Hémisphères, New York, hiver 1944, p. 3-9.
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
109 . Sur le plan philosophique, la situation n’était pas meilleure. Là encore, la personne humaine se voyait attaquée, disséqu
110 se fonder le totalitarisme de ce siècle, ne sont pas des hommes complets. L’individu n’a que des droits, le soldat politiq
111 et volumes publiés par le mouvement n’apportaient pas les blue-prints d’une société idéale, mais quelques principes d’actio
112 s industriels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’un simple civil pourrait du jour au lendemain se transformer en bo
113 yées, à un moment où cette institution n’existait pas encore en France. L’expérience, dans l’ensemble, réussit brillamment.
114 upements autonomes en perpétuelle interaction n’a pas encore été traduite dans nos institutions. Nos nations sont restées a
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
115 itude spirituelle. Elles étaient résultats et non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande,
116 étaient résultats et non pas causes. Car il n’y a pas d’abord la loi de l’offre et de la demande, il y a d’abord nos offres
117 mandes, selon nos rêves et nos passions. Il n’y a pas d’abord les machines puis une société qui doit subir leurs lois, mais
118 ou de prier devant un symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et puis l’humanité qu’ils guident ou blessent, mais
119 rre. Exactement, elle se la fait. Elle ne tardera pas à tomber épuisée et à se passer la camisole de force d’un régime d’or
120 ncipes d’une politique psychologique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci n’est qu’une tactique de bombardement. La po
121 er les premiers éléments. Si cette génération n’a pas le courage de s’avouer plus profondément qu’aucune autre, il ne faut
122 Mais ils le disent aussi. — « Pardon ! ils n’ont pas le droit de le dire. » Sommes-nous sûrs de l’avoir, ce droit ? Avons-
123 ièces du procès ? Quand cela serait, ce ne serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opération légale ou d
124 serait pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’une opération légale ou d’une enquête scientifique, mais elle resse
125 terreur froide, ou goût du suicide. Ne me parlez pas de droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir »
126 uicide. Ne me parlez pas de droits, vous n’y avez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas de question. Je dis qu
127 ez pas pensé. Nous avons « fait notre devoir » et pas de question. Je dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien des c
128 s armes et d’enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait d’une décision de ce genre, m
129 astreux dès qu’il s’agit de la paix. Hitler n’est pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas seulem
130 de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’est pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avons d’être co
131 nous occupera sans coup férir si nous n’admettons pas qu’il est une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler
132 que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n’est pas toujours l’aspect du personnage en scène, qui peut être emprunté à la
133 n nous. Le cauchemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser un instinct ou quelque tentation pour les supprimer. Il s’
134 chouc) qu’est le national-socialisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de la religion en général, comme phénomène
135 on peut nier ou négliger ces forces, elle ne peut pas les enchaîner. Si elle détruit tous les moyens connus de les apprivoi
136 tromper sa faim, faute de mieux. La raison n’ose pas dire qu’il a tort d’avoir faim. Dira-t-elle qu’il a tort d’avoir soif
137 de l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers ni même des prêtres dirigent l’État : c’est le péril
138 tres plutôt que des banquiers. L’argent ne chasse pas les démons. 9. Instincts, forces considérées comme anarchiques, sub
139 si le prétendu moindre mal que l’on défend n’est pas simplement un premier stade du pire. La chute serait-elle un moindre
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
140 i (l’abbé Alphonse Louis Constant), ne se privent pas de dénoncer ses erreurs, mais se montrent enclins aux mêmes complaisa
141 arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a pas de nombre autre que le zéro. Ce nombre 21 appartient à la lettre Schi
142 même celui de Francfort en Allemagne ; ils n’ont pas droit d’entrée en France. Quant à celui d’Etteilla, on le trouve part
143 sont organisées en structures ou rythmes, et non pas simplement juxtaposées. Prenons l’exemple des lettres. D’après Elie A
144 sent à se laisser docilement absorber, ne tardent pas à révéler deux caractères généraux : ils sont tantôt hiératiques, tan
145 is le maquis dans plusieurs pays, mais n’auraient pas cessé de répandre leur croyance et leur sagesse par l’entremise des t
146 aversée du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro
147 ssous et au-dessus de lui. L’abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’intelligence, de rêve et d’attente
148 re carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figur
149 oici l’expérience du Fou : le monde extérieur n’a pas plus de signification réelle que l’ego, dont il s’est débarrassé depu
150 traiter de fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque, un idiot ou un simple d’esprit. C’est ce qu’
151 e. C’est pourquoi le parfait initié ne condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret de sa perfec
152 et Dissolution (Émotions). L’autre roue ne porte pas de signes, mais il se peut qu’elle en ait porté autrefois. À l’extrém
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
153 nsidérées dans toute la variété des arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes régulières dont le rêve compose
154 s, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parler des artifices d’une « rhétorique profonde ». Au milieu
155 — ne peut fournir que des objets à exprimer, non pas des moyens d’expression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’ar
156 n croyait tout : c’était le jeu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez un enfant quand il attend « l’histoire ». Dè
157 tombe jamais d’accord avec l’auteur. Car il n’est pas deux expériences humaines superposables. Et je ne renoncerais à la mi
158 axiome de la critique moderne : un roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces efforts trahissent le curieux embarras de ne
159 et le picaresque », les rencontres qu’on ne voit pas dans la réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien le
160 . « Le roman, écrit encore M. Romains, ne connaît pas de vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le roman comme ge
161 tre auteur, comme pour se justifier, n’en va-t-il pas de même dans la vie ? Les romans traditionnels « préoccupés qu’ils so
162 ciatif de l’épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas . Une contre-épreuve de notre diagnostic nous sera fournie par le succ
163 rnie par le succès du roman policier. Je ne pense pas qu’on puisse expliquer ce succès par un intérêt pour le crime, qui se
164 un spécialiste.) Et cette rhétorique ne manquera pas d’exercer son pouvoir créateur de communauté : des clubs de fanatique
165 . Mais le besoin de lire des fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin d’en conter. L’imaginaire, d
166 ulliver, monstrueux dessins animés où l’homme n’a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialecti
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
167 si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est un fait, nous l’avons subi, et nous avons tous dit : je
168 Oui, l’idée seule a fait tous ces ravages, et non pas quelque dieu, ni le Destin. Il n’y aurait jamais de coup de fondre sa
169 que vous entretenez par vos romans… Mais ce n’est pas assez que d’une complaisance acquise. Il faut encore une rencontre mé
170 e coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’instantané, il veut la pose… Tandis que je parlais ainsi, une espèc
171 que la femme du banquier, elle aussi, n’a presque pas touché aux mets servis. Le déjeuner se termine toutefois sans que mon
172 escend, s’éloigne dans la neige bien gelée où ses pas , lentement s’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors d’un gest
173 politique, des perspectives du nouveau régime, et pas du tout de mes après-midi. Bien entendu. La veille de mon départ, com
174 un secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J’ai
175 présida aux fastes de votre rencontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si l’on songe que la femme du banquier était le
176 propres romans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’un ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o. Rougemon
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
177 t. Vaine et mauvaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme avec une main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le s
178 saisit pas comme avec une main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de ta vocation cré
179 tinguée. Inoffensifs tous ceux dont l’œuvre n’est pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus fuir
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
180 se soit battu « pour » quelque chose qui n’était pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’esprit… Vous rappelez-vou
181 Mexique, mais dans l’ensemble la situation n’est pas mauvaise. J’ignore d’ailleurs si ce progrès doit être attribué à moin
182 épend que de nous de saisir à l’instant. Il n’y a pas quatre libertés. Il n’y a que « la » liberté, ou non. Je le prouverai
183 ces de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détaillée ni débitée en tranches : elle est vivante. Elle ne peu
184 itée en tranches : elle est vivante. Elle ne peut pas non plus être donnée. Elle exige d’être affirmée sur le champ, et coû
185 ns tous les devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord un monde bien arrangé autour de nous. (Certaines prisons sont
186 ne. Un homme libre, c’est un homme courageux, non pas un homme qui aurait reçu (de qui ?) trois ou quatre ou trente-six lib
187 , ni des Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
188 e conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos exist
189 eut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions » comme on dit
190 issions » comme on dit. Une mission ne se promène pas , ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’appre
191 Une mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant
192 d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute du député local ni de « l’hypocrisie américaine ». Que faire
193 e américaine ». Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout savoir, encore moins tout voir et tout comprendre. Les problèmes
194 renaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je par
195 larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, vous m’entendez, mais de sens, de
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
196 projets échoueront. On en rira. On n’en rira même pas  : on les négligera simplement. On passera aux affaires courantes : éq
197 : équilibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations et chez
198 es volontés. Vous-même, je le sens, je ne vous ai pas convaincue. Vous pensez que j’ai exagéré. Vous pensez que j’ai cédé a
199 autorisés ne l’affirment. Admettons qu’il n’y ait pas de raz-de-marée, ni d’autres accidents d’ampleur continentale. Admett
200 z longtemps. Les choses ne se passeront peut-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’un certain goût de l’antithès
201 m’incline parfois à souhaiter. La tragédie n’aura pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, et que no
202 pas de lignes pures, parce que nos choix ne sont pas si francs, et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent. Une espè
203 us ressasse à longueur de journée qu’elle « n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». Est-ce qu’on lui demande si ell
204 me vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’est pas prête pour la paix, cela veut dire que vous d’abord, vous refusez de
205 pessimisme actif. Et comment ne m’y tiendrais-je pas , quand je sais que l’enjeu n’est point de ceux que la défaite, mais l
206 du : « Le matin vient et la nuit aussi. » Je n’ai pas fini d’aimer ce cri. Les citations de la Bible vous irritent. Et vous
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
207 (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc parliez-vous dans
208 ue en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue, et que pers
209 de en avait une peur bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la B
210 À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours aux gaz, c
211 e pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’une timidité s
212 es. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risqu
213 re. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un objet. Le
214 coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah !
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
215 e que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenne en général, et française en particul
216 plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale. Après tout, il y a quarante millions
217 e moins accablés de problèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par une réplique, même de bon sens, et j’ai quelques rai
218 mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’est pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont pas no
219 pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Supposez que nous
220 as. Si cette folie furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde d’après-guerre, le problème partir ou rester se résoudra
221 s, selon l’arithmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa t
222 nt. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, et la comparaison
223 ais je sais bien qu’il y a les visas. N’acceptons pas que cet accident tardif de la démence nationaliste dénature le problè
224 mpons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la perte des milliers d’innoce
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
225 e. Les gens trichent peut-être, mais je n’en suis pas persuadé. L’Américain s’achète une bonne conscience en payant son dû
226 civique. Quand le citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant l’amour du règlement comme en Suisse… J’ai aussi été sens
227 s sur leurs ergots ; des gens en qui l’on ne peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe un peu comme nous voy
228 Leur opinion est que les Européens ne sont, eux, pas très decent, qualité qu’un jeune citoyen de là-bas expliquait en ces
229 fornie, ou à La Nouvelle-Orléans, vous ne manquez pas d’observer de fortes nuances dans la civilisation. New York constitue
230 aujourd’hui plus grande importance ; il a cédé le pas au problème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains des Russes ?
231 période littéraire. Je ne distingue actuellement pas d’école nouvelle. Les jeunes écrivains gardent un œil ouvert sur l’Eu
232 and reportage. Je connais quelques jeunes poètes, pas du tout intellectuels, qui font un lyrisme très violent et très color
233 vre une ou deux années et inversement. Je ne vois pas d’hostilité possible entre les deux continents — qui se complètent ad
234 ées. M. Denis de Rougemont est rentré d’Amérique. Pas pour longtemps, puisqu’il se prépare déjà à repartir à la découverte
235 l, contact de la pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l’insondable gouffre de l’abstraction.
236 de Rougemont, lui, a vécu l’Amérique. Il ne s’est pas borné à la survoler : il l’a pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est
237 nomène à la fois mythique et mystique ». N’est-ce pas lui qui a lancé cette fulgurante vérité aux nations qui s’apprêtaient
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
238 ’est point de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix. Laissons
239 es que celles que je viens de citer. Je n’entends pas attaquer les jeunes puissances, ni faire l’apologie du vieillissement
240 le prouver pendant six ans. Il se souvient — non pas de ces épreuves-là précisément, car on n’avait jamais rien vu de pare
241 cience, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’échec pour
242 ec pour lui — guerre, privations, retards — n’est pas une déception totalement scandaleuse qui le laisserait tout béant sur
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
243 , en 1944 et 1945, si les cargos alliés n’avaient pas été trop occupés dans le Pacifique. Les Anglais eussent peut-être vot
244 e conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous retardons sur nos réalités. Nous poursuivons nos exist
245 eut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des voyages, mais seulement celle des « missions », comme on di
246 ssions », comme on dit. Une mission ne se promène pas , ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’appre
247 Une mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant
248 d’expliquer aux victimes de la crise que ce n’est pas la faute des députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que faire ? T
249 e américaine »… Que faire ? Tout le monde ne peut pas tout savoir, encore moins tout voir et comprendre. Les problèmes les
250 renaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-on être Français ?) Je par
251 larges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sen
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
252 i tout s’arrête avant midi, pour moi ? Je ne sens pas que l’idée soit tragique : elle m’appartient, je puis en disposer, fe
253 r, feindre assez facilement d’en rire. Elle n’est pas plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle qu’une ruse cousue de f
254 ne telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance mystérieuse aimante notre méditation et qu’elle la fi
255 ésiaste ou au Jeune Homme ? Le sage ne raillerait pas avec moins d’envie le débauché, dont il faudrait encore plaindre l’ar
256 et c’est pourquoi les bonnes raisons n’expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de
257 le sentiment d’une urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien dessillés. C’est assez pour l’angoiss
258 , de la Fin. Une première demande d’informer. Non pas encore l’Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement qui nous fait acc
259 s de l’imprévu, eugénisme et longévité, clercs au pas ou stérilisés, guerre hors la loi, sécurité d’abord. Nous apprenons à
260 n destin ironique se charge de l’approfondir. Non pas le temps, mais notre œuvre elle-même. Pour la première fois dans l’hi
261 stoire. Vous vous dites en secret qu’elle ne peut pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne pe
262 eut pas mourir, et il est vrai qu’elle ne possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut ê
263 pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les hommes n’auront plus à se
264 prisante… Mais la majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendrait bien, de
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
265 e cédera plus d’une ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressemb
266 guerre possible contre les Martiens ? Ne me dites pas non : votre première idée a été de supposer une guerre. Et cela pour
267 planétaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je perdrais mon temps
268 nations, et les unes sans les autres ne seraient pas imaginables. Si vous me dites maintenant que c’est mon gouvernement m
269 c’est mon gouvernement mondial que vous ne voyez pas — car il supposerait une sorte de nation unique, sans voisins, donc s
270 ire que c’est la paix elle-même que vous ne voyez pas . Je dis vous, et je m’en excuse. Vous représentez ici l’humanité. Not
271 soyons francs, le comble de l’ennui, si ce n’est pas une « utopie dangereuse »… À propos de cette dernière expression, ave
272 ils représentent les « éléments d’ordre », à n’en pas douter. Il suffit de voir l’état présent de l’Europe. ⁂ J’ai cru long
273 Bombe ! Suprême élément d’ordre ! » Et ne croyez pas que je plaisantais. Car la Bombe seule peut nous débarrasser des armé
274 servie. II. L’État-nation Non, je n’en veux pas un instant à votre ami le colonel. Dites-lui que je respecte la caval
275 sous vos beaux yeux. Rassurez-vous. Je n’appelle pas le chaos. Je cherche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’en sortir un p
276 ns, ce qui fait leur véritable originalité, n’est pas défini par leur souveraineté absolue, n’est pas limité par leurs fron
277 t pas défini par leur souveraineté absolue, n’est pas limité par leurs frontières et ne saurait être défendu par leurs armé
278 stère des Affaires étrangères ? Et ne pensez-vous pas que si le gouvernement français n’a plus rien d’autre à faire qu’admi
279 l’hypocrisie du terme « nationaliser ». On n’ose pas dire « étatiser ». On veut encore tirer parti du prestige qui s’attac
280 êle de coups. Je suis sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais construit dans le cadre national conduit nécessairement
281 internationales à des hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls seront qualifiés pour
282 nterie ou la bravoure de votre colonel. Il n’aura pas d’adversaires à combattre à 2000 kilomètres à la ronde, sauf s’il sau
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
283 uand on se rencontre par hasard, on ne se demande pas ce qu’on est devenu, on rit, on boit, on ne s’étonne de rien, tout gl
284 e Français donne l’impression qu’il ne changerait pas plus de parti que de passé. Comment ils inventent Un ingénieur
285 vraiment, parce qu’il en vit, et qu’il ne spécule pas à leur sujet. Comment ils prennent la vie Le Français est profo
286 stions de cuisine, on se console vite, on n’admet pas la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre » des Américains dans ce dom
287 en est bien passée. Sauf à New York, ils ne sont pas rentables. Comment ils sont scrupuleux ou non L’Américain ne pa
288 sont scrupuleux ou non L’Américain ne pardonne pas une erreur de 2 cents dans un compte, mais se trompe joyeusement d’un
289 el quand il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas , c’est le mensonge, et là précisément où le Français le considère com
290 dites sous la foi du serment, que vous ne l’êtes pas , et que votre vie plus tard prouve que vous l’êtes, l’amende ou la pe
291 une sorte de fatalisme inconscient. (Je ne parle pas du héros, mais du troupier moyen, sans opinion.) Il pense qu’il faut
292 c’est ainsi depuis des siècles, et qu’on ne peut pas y échapper. L’Américain, bien au contraire, considère la souffrance e
293 a souffrance puisse devenir féconde ne l’effleure pas , tandis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu des plus solennel
294 nverse. Je compare et vous laisse juger. Ce n’est pas simple. Et cela va peut-être choquer ? Que voulez-vous, j’ai deux amo
27 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
295 en 1943) (août-septembre 1946)ah Je ne savais pas que tout était si près, là-bas. J’étais baigné. J’étais fondé. Et je
296 t plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas . Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée d’arbres
297 r tant de morts dans la présence, elle ne cessera pas d’engendrer. Elle a maîtrise d’avenir. ah. Rougemont Denis de, « M
28 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
298 r sur la tête : il se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort
299 érir. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les dern
300 personnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas de prouver son identité. Or plus il en proteste et moins il s’en assu
301 ttus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux chefs français trop cartésiens q
302 ’oppose plus que deux nations : l’une qui ne sait pas vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas être vaincue, mai
303 s vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas être vaincue, mais qui perd ? Les Allemands, en effet, même victorieu
304 eur tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à la nature américaine, à la voir la première et de si près, avant le