1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 is réside dans son refus de prendre au sérieux ce qui l’étonne. « Trop beau pour être vrai », disait-il au siècle dernier ;
2 nce, cette double incrédulité à l’endroit de « ce qui nous dépasse » par en haut comme par en bas, traduit un seul et même
3 u’il est : pécheur et racheté, condamné et sauvé. Qui ne croit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au
4 ne croit pas en Dieu ne saurait croire au diable. Qui ne croit pas au pardon ne saurait mesurer les profondeurs et les puis
5 ge d’envisager — de regarder en plein visage — ce qui nous ruine. Non qu’il soit pessimiste par tempérament — ce n’est pas
6 omme si je croyais encore aux vaines distinctions qui chatouillent les politiciens ! Laissons tout cela et avançons ! La cl
7  ! La claire vision d’un but commun et d’un péril qui se désigne lui-même comme total (ou totalitaire) doit bien suffire à
8 le temps presse, comme aujourd’hui, l’on voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si sérieux soit-il, on
9 jourd’hui, l’on voit ce qui compte, et c’est cela qui unit. Pour le reste, si sérieux soit-il, on en reparlera plus tard. F
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
10 tout près, ne l’a pas vu. C’est pourtant le désir qui les presse, et l’amour appelant l’amour aux chambres vides, dans la s
11 , la voyant passer, s’offusque, ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le ma
12 aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maître du palais, dis-moi s’il vit, s’il règne encore aux
13 je suis le Prince ! Et quelle est la femme égarée qui ne voudrait aimer le Prince de ces Lieux ? — Mais on m’appelle, écout
14 ’une certaine manière, c’était mon propre, regard qui traversait ses yeux et revenait sur ma nuque. À l’instant où je l’ai
15 e dites que la balle n’est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les quest
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
16 sser par la Belgique. La Suisse est l’un des pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démocratie, s
17 nique. À cette époque, l’« homme libre », — celui qui n’était pas un serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit
18 ncrète que l’État lui fait confiance. Imaginez ce qui arriverait dans certains États modernes, en proie à des luttes social
19 ropres armes a également une importance technique qui n’est nullement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer une mobilis
20 e de l’organisation militaire, les mêmes facteurs qui déterminent la structure politique du pays : autonomie locale et entr
21 939, la disposition de ces troupes de couverture, qui précéda la mobilisation générale de cinq jours, se fit en quelques he
22 s besoin de leur faire des discours. L’un de ceux qui écrivit cet article fut mobilisé en 1939, à un poste-frontière du Jur
23 orceau dur à avaler », et parce qu’il était celui qui a, dans ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne e
24 actuel de la Suisse. Le vrai Confédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du sol quand ce
25 fédéré est celui qui ne questionne jamais pour ce qui a trait à la défense du sol quand cela est raisonnable. À ceux qui de
26 défense du sol quand cela est raisonnable. À ceux qui demandent : « Pourquoi ces sacrifices ? », il répond : « Ni la famine
27 erté individuelle ne pourra survivre dans un État qui ne défend pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul de gain o
28 rquoi nous croyons en Dieu et non pas en un homme qui prétend être adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leç
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
29 par certain frémissement de l’assemblée des mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence est amoureuse, exc
30 oute éloquence est amoureuse, excitée par l’amour qui la rend fleurissante. Mais l’amour même est chose du silence. Cela do
31 parler sans l’offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de l’amour même, mais rien
32 plaisir même, mais l’imagination active du désir qui lentement s’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’un homme
33 L’ivresse naissante des amants, c’est le silence qui s’établit entre eux. L’approche des yeux, dès qu’ils ont accepté tout
34 il éloigne sans fin le terme. Tu n’entends que ce qui s’interrompt. Tu ne sais rien que tu ne perdes. Car ce n’est pas le s
35 erdite. Et c’est l’approche du viol de l’interdit qui impose aux amants leur silence, fascination de l’horreur sacrée, atti
36 et basse d’un temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’ils viennent de posséder, leur silence meu
37 et ses yeux dans le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en un seul être, mais que cet être
38 revenir toucher cet absolu, sensible à celui seul qui l’éprouve jusqu’à l’épouvante : l’être que nous formons au sommet de
39 l’être que nous formons au sommet de l’amour, et qui meurt à l’instant où il naît. Tout notre platonisme échoue dans l’in
40 le. La négation du désir amoureux par l’acte même qui l’accomplit, c’est le signe physique, originel, de l’infinie contradi
41 l’humain. L’amour rêvé meurt au seuil de l’amour qui sera notre tâche sérieuse. Quittons ce temple où dorment deux idoles,
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
42 es : il y a trop de contradictions. Mais c’est ce qui peut intéresser. Une attitude aussi profondément ambiguë, vis-à-vis d
43 car il n’a cherché qu’un public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis
44 blic. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise assez pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui
45 z pour le flatter. Tandis que la princesse Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu de gloire et n’en dem
46 re. » C’est à cela qu’on donne la gloire. Et ceux qui ne la briguent point risquent fort de se rendre antipathiques. Jamais
47 qu’on a. La foule ne tient pour glorieux que ceux qui prennent le soin de parler de leur gloire. Chateaubriand eut de la gl
48 d n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que d’abord l’auteur s’y est prêté. Quant à moi, j
49 is comme tout se complique et se retourne ! Celui qui veut la gloire, est-ce qu’il manquerait d’orgueil ? Serait-il plus hu
50 ige la gloire, c’est dire : je vous néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’une complaisance. Mais c’est dire aussi 
51 vous veux moins vulgaires que vous n’êtes. Celui qui ne veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n
52 veut pas la gloire telle que la donne une foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lui seul serai
53 nt, dit-on, de la Renaissance. Glorieux est celui qui s’affirme en différant, bien plus qu’en excellant. C’est donc l’indiv
54 bien plus qu’en excellant. C’est donc l’individu qui se distingue, — n’importe où. (Crimes commis pour s’acquérir la gloir
55 t le contraire de l’amour du prochain. L’individu qui cherche la gloire n’a plus souci ni même conscience du voisin qu’il p
56 mer. Un homme en communion active avec les hommes qui l’entourent ne songerait pas à rechercher la gloire. Car la gloire es
57 pas à rechercher la gloire. Car la gloire est ce qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son rang et selon ses ast
58 verse qu’on observe ; c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’un homme.) La gloire antique était virile, comme le
59 xagérée, mobile, nerveuse, sentimentale. Et voici qui est plus grave : elle est ressentie comme flatteuse. C’est donc quelq
60 ependant, je me suis surpris à désirer une gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la leur, mais celle que je pourrais re
61 Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là quelqu’un qui a de la valeur ; on ne le sait pas. La gloire moderne, c’est à peu pr
62 serait d’en parler ouvertement. Comme un menteur qui dirait : « Je vous avertis que je vais mentir, pour telle et telle ra
63 s la gloire pour vous éblouir, vous que j’aime et qui me connaissez. Vous savez ce que je suis, et si vous appreniez un jou
64 ce triomphal accord clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil de sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et qu
65 e sais que son nom est mensonge, et que c’est moi qui ne suis rien. Ainsi Dieu est mon adversaire. C’est lui seul qui s’opp
66 en. Ainsi Dieu est mon adversaire. C’est lui seul qui s’oppose à ma gloire, et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il
67 aire. C’est lui seul qui s’oppose à ma gloire, et qui me sauve malgré moi de mon triomphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui
68 de mon triomphe. Il n’y a qu’un seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’est moi, ce ne sera r
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
69 ue m’a fait prendre conscience de bien des choses qui allaient de soi dans notre Europe, et qui me sont révélées dans ce pa
70 choses qui allaient de soi dans notre Europe, et qui me sont révélées dans ce pays, parce que c’est leur contraire, ici, q
71 ans ce pays, parce que c’est leur contraire, ici, qui va de soi. Parmi la douzaine de bouquins que j’ai pu emporter de Pari
72 ec une tradition que pour en fonder une nouvelle, qui se révélera sans doute conforme à la tradition de la langue, à son gé
73 l’actualité dans un ouvrage, parce que c’est elle qui risque de vieillir en premier lieu. Ce souci, cette arrière-pensée, s
74 té d’une culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe pas, remarquait encore André Gide. Dans ce sens
75 r une révolution trop ignorée de l’Europe. Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possède une rhétorique, un
76 Un art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possède une rhétorique, un « art de persuader » étrangement efficace.
77 ent introduits par quelques précautions verbales, qui créent une atmosphère ou orientent l’esprit. La rhétorique américaine
78 . C’est la Catch Phrase, la phrase-qui-attrape et qui vous jette de but en blanc dans l’humanité vive du sujet, saisi par s
79 , etc. Exemple caricatural d’un mode d’expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de Faulkner, un poème ;
80 deux attitudes. Comment juger ? De la littérature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage de
81 rature qui veut agir dans l’immédiat, ou de celle qui se préoccupe davantage de durer, laquelle a le plus de chance d’aveni
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
82 hin Après Vienne, avec Prague, c’est une Europe qui vient de mourir. Europe du sentiment, patrie de nostalgie de tous ceu
83 une ère étrange et brutale, où ces formes de vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit qu
84 nce d’un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosphère, par le charme qu’elle fait régner. Des l
85 ut ce climat sentimental, cette espèce de naturel qui naît d’une entente tacite, d’une confiance, presque d’une insouciance
86 étruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instants les délices d’un rêve ina
87 ce leur rend enfin le goût de vivre ? Privilégiés qui n’éprouvent de désir pour leurs biens qu’à la veille de les perdre. D
88 s qu’à la veille de les perdre. Déshérités aussi, qui ne re­trouvent l’espoir qu’au seuil des catastrophes générales. Et j’
89 seuil des catastrophes générales. Et j’en connais qui ne parviennent à leur régime normal de vie (comme un moteur prend son
90 droit de dire — pour le soulagement général — ce qui ferait taxer l’homme de la rue de cynisme ou de lâcheté. Faut-il pens
91 ttre une pluie d’orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à gaz ! C’était pourtant l’heure ! » 14 mai 1939
92 horreur et charme, à travers la vision d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le
93 tte grande Question qu’il porte dans son être, et qui est aussi la grande réponse ; et les démons s’éveillent sur son passa
94 ci, le Christ reste le Scandale, l’Autre, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir des quotidiennes apparences l’être
95 e déçu par l’amour, ou de s’inquiéter des rumeurs qui glissent au travers de propos superficiellement passionnés… Et l’on c
96 et que penser si je ne puis — rien dire ou faire qui s’accorde à ces temps ? « Une nuit viendra, pendant laquelle personne
97 u faudra-t-il enterrer nos secrets, pour d’autres qui peut-être ne viendront jamais ? Car la carte des pays libres, hier en
98 ux, cette fois-ci ça y est !… Vivant un cauchemar qui est vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en
99 le peut mourir. J’ai vu la France, comme un homme qui vient de tomber sur la tête, qui se relève, se tâte, et ne sait pas e
100 , comme un homme qui vient de tomber sur la tête, qui se relève, se tâte, et ne sait pas encore où il a mal. Va-t-il vivre 
101 rieux du continent, dernier symbole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut p
102 cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! VI.
103 se une auto, c’est une de ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’une ferme a
104 x volets clos. Imaginant une idylle muette. Celui qui revient au pays après une longue absence et des déboires : il entre,
105 ît. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisait lourd et d
106 s patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient douc
107 renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée d’arbres et déserte, aux
108 n fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible, c’est comme le
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
109 core, avant l’occupation allemande, les étrangers qui n’avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieu
110 ngers qui n’avaient pas voyagé en France, ou ceux qui n’avaient vu que les lieux de plaisir de la capitale, connaissaient e
111 c’est le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur. Les jour
112 urd’hui, dans sa véritable grandeur. Les journaux qui nous apportent des nouvelles de la résistance à l’intérieur du pays o
113 peuple de France ; les récits et les témoignages qui ont été publiés secrètement par les mouvements de résistance et qui p
114 s secrètement par les mouvements de résistance et qui parviennent sous nos yeux nous parlent du peuple de France ; et les f
115 tance. J’ai vu à New York la plupart de ces films qui empruntent leur sujet à certains épisodes véridiques de la lutte cont
116 r il pense d’instinct, comme Talleyrand, que « ce qui est exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les f
117 que « ce qui est exagéré n’est pas sérieux ». Ce qui me frappe le plus, dans les films que je citais, et dans les témoigna
118 emand s’est senti dominé par une force étrange et qui l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et de la femme du peuple,
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
119 Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)j Un critique. J’ai lu vos deu
120 pas argument d’une exagération de ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à mon sens vous n’êtes pas encore assez
121 je ne sais quel air de passion, un peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’est-ce pas toujours ainsi ? Je veux dire : tout
122 er ce héros de je ne sais quel album de Toepffer, qui feint de feindre afin de mieux dissimuler. — Qu’est-ce qu’être clair,
123 ncore notre langage intellectuel et scientifique, qui se distingue du langage courant par le souci de contrôler ses convent
124 nchement poétique et ce langage clair et distinct qui convient au débat des idées. A. … qui convient au débat des idées cl
125 t distinct qui convient au débat des idées. A. … qui convient au débat des idées claires ! Mais il faudrait s’entendre tou
126 s l’exact ajustement de ces raisons à la réalité, qui constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans un monde cartésien,
127 trement dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui soit transcendante. Il part de ce qu’il suppose clair et facile,
128 e ne rien introduire dans la chaîne des arguments qui n’ait été d’abord jaugé, chiffré, et défini en termes simples. À mon
129 ésienne. Car enfin où prend-on dans le monde rien qui soit « clair, simple et facile » en soi ? Le monde dans lequel nous v
130 abstraits. Ma méfiance porte sur l’arrière-pensée qui présida au choix de ces données dites premières. Encore n’est-il pas
131 nnent-ils ces formules ? Par l’examen des nombres qui résument leurs expériences, dira-t-on. Je n’en crois rien. Ouvrez un
132 la formule mathématique ; d’autre part, et voilà qui est remarquable, il est sous-entendu qu’elles correspondent au langag
133 atique, prétendent partir de vérités élémentaires qui ne sont autres que des abstractions opérées sur nos formes de langage
134 e méthodiquement l’ensemble dont ils dépendent et qui est leur seule mesure. C. J’avoue que je vous suivrais mieux si vous
135 us simples et les plus aisés à connaître. » Voilà qui paraît clair, j’entends conforme au sens commun. Je distingue pourtan
136 e de « commencer par le commencement ». Descartes qui vient d’assimiler sans sourciller la simplicité d’un objet avec l’ais
137 rve une fois de plus avec curiosité le glissement qui s’opère dans vos propos : je vois que vous allez passer sans crier ga
138 rrompre davantage aux développements d’une pensée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’une vision totale ?… A.
139 ité même, je veux dire à sa plénitude instantanée qui décourage l’analyse. Vous ne donnerez pas la sensation du blanc en dé
140 rtant évident. C’est peut-être le verbe impliquer qui distinguera le mieux cette forme-là de la première, dont l’office est
141 er un fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englobe. Ou c’est encore se garder avec soin de les définir autre
142 raient faire des arguments toujours fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’un prophète est le contrair
143 souviennent mieux plus tard. C’est comme les noix qui ont une coquille très dure. On peut les emporter sans qu’elles se gât
144 re. C. Encore une petite question, voulez-vous ? Qui a le droit de parler en paraboles, et d’être obscur à la manière des
145 relâchés, s’abandonnent aux hasards de tricheries qui les flattent. Ils appellent cela poésie. On peut toutefois imaginer u
146 utefois imaginer une autre attitude de l’être, et qui soit telle que la question du droit ne se pose plus. C’est l’attitude
147 roit ne se pose plus. C’est l’attitude de l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui voudrait ret
148 de l’homme qui a vu quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui voudrait retrouver sa vision et la faire pressenti
149 u quelque chose, ou simplement qui a cru voir, et qui voudrait retrouver sa vision et la faire pressentir à d’autres hommes
150 rtaine orientation au moyen de mots et de phrases qui puissent, comme par une ironie, être compris en soi et dans leur lett
151 un angle de vision quelconque. Je dis que l’homme qui a vu quelque chose doit parler la langue des prophètes et composer de
152 être obscur. Passe encore pour l’homme de Patmos, qui avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve.
153 e sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’embrassent pas le monde de haut en bas, dans un fulgurant inventair
154 ulgurant inventaire. Je parle de visions furtives qui sont à celle de l’apôtre comme le Petit Monde au Grand Monde, — signe
155 prises partielles et significatives… Certes celui qui pourrait les fixer retrouverait toute l’Apocalypse, comme Cuvier la p
156 ission divine, quelle défense osera-t-il produire qui ne soit pas aussi son jugement ? 6. Ces deux dialogues sont restés
157 mont Denis de, «  Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair », Hémisphères, New York, hiver 1944, p. 3-9.
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
158 tir sur les valeurs d’une philosophie de l’Objet ( qui était celle du capitalisme et des divers « planisme »), ou bien allon
159 où les objets soient remis au service de l’homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la seconde voie
160 ts soient remis au service de l’homme qui crée et qui se veut responsable ? Si nous choisissons la seconde voie, la doctrin
161 s’impose à l’attention sérieuse. Les jeunes gens qui prenaient conscience de leur responsabilité intellectuelle et civique
162 sse d’être un mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la diversité des vocations ; — là où l’homme veut être total
163 es libres entreprises, syndicats ou coopératives, qui justifieraient leur utilité pour le bien commun. 3) Perfectionnement
164 ssurait être le seul officier de réserve français qui se fût jamais blessé avec son propre sabre ! Les pionniers du service
165 t être entièrement socialisé, et régi par l’État, qui assurerait d’autre part la distribution d’un minimum vital gratuit po
166 plifiés jusqu’à la démence et rigides comme elle, qui pèsent lourdement sur nos activités. L’État centralisé et sa bureaucr
167 nnalistes mesuraient sans illusions les obstacles qui leur barraient encore la route. Ils souffraient tout d’abord d’une qu
168 mouvement ne me paraît mieux apte à inspirer ceux qui demandent un monde à la mesure de l’homme, non plus à celle des monst
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
169 autre, ou nous et l’ennemi : car « la seule chose qui importe est de gagner la guerre ». Là-dessus, nous tombons d’accord.
170 l n’y a pas d’abord les machines puis une société qui doit subir leurs lois, mais il y a d’abord des hommes qui choisissent
171 subir leurs lois, mais il y a d’abord des hommes qui choisissent de construire des machines plutôt que d’avoir faim, ou de
172 l’humanité créatrice ou malade, et puis des faits qui expriment avec un peu de retard ce génie ou cette maladie. (Postérité
173 ité se voit attaquée par des figures de cauchemar qui symbolisent un inconscient trop longtemps opprimé, nié, laissé incult
174 er la guerre psychologique10 à l’instar des nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de chercher au
175 u pour le parti. Mais s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui ? Pou
176 s’il n’y a plus de guerres, qui fera les héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’hum
177 éros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui  ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne fut moins préparée pour la paix, c
178 n servir ? Je ne sais pas mieux que la plupart ce qui résulterait d’une décision de ce genre, mais je sais que la plupart r
179 ent à priori à cette idée. Je vois des moustaches qui tremblent avant même que la bouche ne s’ouvre. Et cependant, ils ne s
180 reste à me traiter de défaitiste.) Une politique qui négligerait le fait que la guerre nous plaît pour des raisons profond
181 he prévue. Et devant le cadavre gisant de l’homme qui fit trembler tout l’univers, voici que nous nous écrierons avec une s
182 nos âmes. On a remarqué que dans un cauchemar, ce qui nous terrifie n’est pas toujours l’aspect du personnage en scène, qui
183 est pas toujours l’aspect du personnage en scène, qui peut être emprunté à la réalité la plus banale, mais c’est plutôt l’i
184 érience. Et pourtant c’est une part de nous-mêmes qui machine cette brusque épouvante, ramassant dans un geste, une forme,
185 es bras au ciel. Mais c’est très simple. Un homme qui meurt de faim mange n’importe quoi pour tromper sa faim, faute de mie
186 . 11. Type d’argument que l’on peut opposer à ce qui précède, afin de tuer dans l’œuf toute tentative d’analyse féconde :
187 chute serait-elle un moindre mal que la fracture qui en résulte ? La maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la t
188 ? La maladie mortelle, un moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
189 ipsys, selon lui (et d’ailleurs aussi selon Lévi) qui l’auraient transmis à l’Europe. Mais on sait que le peuple tzigane ne
190 ième volume du Monde primitif, d’après un amateur qui , lui-même, n’avait pu copier l’art de tirer les cartes, dont il est q
191 bre 21 la figure qu’il nomme le Despote africain, qui n’est autre que l’arcane 7, 1e Chariot… Mais en fait cette lame n’a p
192 verrons. Etteilla place le Fou sous le nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéressante analyse de ce nombre.
193 lement deux arcanes sont différents : (a) Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupiter étant
194 ts : (a) Le pape qui est remplacé par Jupiter, ce qui est la même chose, car Jupiter étant symboliquement principe de vie,
195 l’Humanité ; (b) La papesse, remplacée par Junon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4.
196 unon qui est l’espace ou sanctuaire de la vie, ce qui est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement d
197 i est le même symbole ; 4. Le tarot de Francfort, qui est entièrement défiguré, mais qui peut également servir en tenant co
198 de Francfort, qui est entièrement défiguré, mais qui peut également servir en tenant compte que les Bâtons sont remplacés
199 er à ces contrefaçons la valeur tout accidentelle qui s’attache aux raretés monstrueuses. C) Significations. Nous donnons e
200 tures célestes. Il y a 7 lettres appelées doubles qui figurent le monde des planètes ; puis 12 lettres dites simples qui fi
201 onde des planètes ; puis 12 lettres dites simples qui figurent les 12 signes du zodiaque que parcourt le soleil pendant les
202 . Enfin il reste les 3 lettres dites les 3 Mères, qui sont attachées à nos trois cartes majeures : l’Homme (Le Bateleur), l
203 xact. Et ces symboles, à l’examen d’une attention qui consent à se laisser docilement absorber, ne tardent pas à révéler de
204 Les 22 arcanes décriraient l’histoire de l’homme qui part dans la vie comme un Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissa
205 et surtout il entraînait cette faculté maîtresse qui établit des corrélations entre les idées abstraites. Le schème d’étud
206 illeurs aux yeux du sage l’emblème d’un voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un court trajet dont nous pouvo
207 ’après les plus saines aspirations du rayon divin qui nous anime. Synonymes : Droite. Folie, démence, extravagance, égareme
208 du Jeu. La vie a vécu cet homme, ce n’est pas lui qui l’a vécue. Aussi la somme de ce qu’il a réalisé est-elle zéro. Vu sou
209 richement habillé, portant une rose à la main, et qui s’arrête au bord d’un précipice pour contempler l’espace au-dessous e
210 t la conscience individuelle. Les arcanes majeurs qui suivent montrent ce qu’il adviendra du Fou à mesure qu’il traversera
211 , ou même abstraction, dans une suite de symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’homme collectif, puis les symbo
212 ié) Dernière carte de la série de 78, la seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs
213 a seule qui ne porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à une des couleurs… Cette figure solitaire montre un vagabon
214 sans but, avec la démarche d’un fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune. (Le Fou) exprime le type
215 evaliers et des valets, au-dessus des 21 symboles qui décrivent la hiérarchie des essences et des sphères surhumaines ? En
216 is longtemps. L’une et l’autre sont les illusions qui s’interposent entre l’homme et son essence divine innée… Le fol erran
217 un mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien d’autre
218 t qui possède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pou
219 s’il nous advient jamais de rencontrer quelqu’un qui ne soit rien, ni homme d’affaires, ni professeur, ni garçon d’ascense
220 ni professeur, ni garçon d’ascenseur, — quelqu’un qui ne professe aucune profession, un spirituel sans emploi, un vagabond
221 s, les 10 doigts. Elle symbolise la manifestation qui va se produire, la potentialité d’un événement. Idée d’eau, de liquid
222 es transmutations matérielles ou physiques… Celui qui s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse sera élevé. Synonymes. D
223 hysiques… Celui qui s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse sera élevé. Synonymes. Droite : Fortune, bonheur, bonifica
224 e roue est placée une des lettres du mot T A R O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’extrémité d
225 econde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui doivent être lues en sens inverse des aiguilles d’une montre, étant h
226 la matière et évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à monter vers l’appel du S
227 : c’est l’homme qui s’éveille des profondeurs, et qui commence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole de l’homme parfait
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
228 t l’Art, aux grandes époques. Artiste était celui qui , de ces règles, savait tirer sa liberté. L’inspiration passait par ce
229 ’un jeu cessent d’être respectées comme absolues, qui pourrait désigner le gagnant ? Tricher même n’a plus aucun charme. Si
230 ion du noir au blanc devient un acte passionnant, qui peut concentrer votre esprit pendant plusieurs minutes de recherches
231 a « rhétorique des rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche le vrai point, lorsque, risquant un assemblage de mots qui dev
232 ai point, lorsque, risquant un assemblage de mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il
233 né à l’inspiration pure, comme la colombe de Kant qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, l’artiste crut qu’il i
234 us avons fait, en quelques lignes, tout le chemin qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’un roman comme L’Astrée.
235 lle au réalisme allégué. Le terroriste détruit ce qui soutenait l’envol de l’imagination librement vraie : il détruit les f
236 rejoint que l’insignifiance observable. C’est ce qui va se produire après Balzac. Le roman pousse deux branches d’importan
237 er nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de la rhétorique entr
238 a rhétorique entraîne deux séries de conséquences qui se révèlent également ruineuses. 1°) — Le romancier moderne a perdu l
239 êtu d’un macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’était une len
240 le romancier réaliste ambitionne d’imiter la vie, qui ne commence et ne finit jamais. Force lui est donc d’entrer comme par
241 s tout, j’ai vu cela, moi aussi, ou quelque chose qui ressemble à cela. « La vraie vie », je la connais autant que cet aute
242 ose de méthodiquement insignifiant. Quelque chose qui n’en finit plus, car la vie ne met jamais de point final. Il y a jeu
243 enre est l’expression de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleurs cet allongement, trop so
244 s dans la réalité, bref, tous recours au « hasard qui fait trop bien les choses ». J’extrais ces propositions de la préface
245 Romains, ne connaît pas de vraies servitudes. Ce qui diminue peut-être pour le roman comme genre les occasions d’acquérir
246 ’acquérir un mérite esthétique supérieur… mais ce qui en tout cas lui interdit de cultiver les conventions. » Ceci corriger
247 bourgeoise et pour avoir commis la même erreur : qui était de croire les conventions « conventionnelles » au sens déprécia
248 expliquer ce succès par un intérêt pour le crime, qui serait particulier à notre époque. Le roman policier est populaire pa
249 hétorique précise. C’est un jeu, et un jeu serré, qui ne tolère aucune faiblesse, aucune tricherie. Ses lois sont connues e
250 e que personne n’ait pu y entrer ni en sortir, et qui contient le problème sous forme de cadavre. Parfois, ce n’est qu’une
251 n dont le début et la fin sont nettement marqués, qui a lieu dans un espace nettement délimité et qui obéit, entre ces limi
252 , qui a lieu dans un espace nettement délimité et qui obéit, entre ces limites spatiales et temporelles, à des règles indis
253 tte possibilité de tricherie est voisine de celle qui consiste à forcer la vraisemblance par une accumulation de faits obse
254 au jeu des amplifications, raccourcis et miracles qui constituaient la rhétorique des contes. Il ne rejoindra le sens vrai
255 r pour probable que les grandes œuvres narratives qui vont naître au lendemain de cette guerre, se rapprocheront des types
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
256 i ? Je ne parle que du vrai coup de fondre, celui qui est suivi d’incendie. Car pour ceux que l’on attend, que l’on appelle
257 , et vous autres après lui, que toutes les femmes qui vont le rencontrer y pensent, épiant les plus légers mouvements que c
258 terdisant la fuite. Admirez l’appareil inexorable qui circonvient les rencontres fameuses : Tristan devant la cour d’Irland
259 n l’usage et l’étiquette. Siegfried et Brunehilde qui s’avancent l’un vers l’autre, dans la scène du hanap, ce sont des off
260 rences à Budapest. Le président de l’organisation qui m’invitait était un grand banquier, ami des lettres. Il vint m’attend
261 s eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de Buda qui montent sur les flancs d’un énorme rocher en pleine ville, que domine
262 le jour même à Berlin, et prends congé de mon ami qui se montrait fort inquiet de mon sort. Il y avait de quoi d’ailleurs,
263 veille. Elle répond à peine. Qu’y a-t-il ? — Avec qui m’as-tu trompée ? dit-elle enfin. Je la regarde longuement, bien en f
264 ’État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter un mensonge dans leur vie intime. J’ai tout avoué s
265 lsdrama, comme vous dites… Mais le destin aveugle qui présida aux fastes de votre rencontre, ne perd-il pas un peu de son m
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
266 )p Il est temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et son lecteur à son confort. Vaine et mauv
267 teur à son confort. Vaine et mauvaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme avec une main, qui ne te pousse pas hors de to
268 e œuvre qui ne te saisit pas comme avec une main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie d
269 au sérieux cette distinction : il y a des hommes qui sont l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent
270 qui sont l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de notre esprit. Il y a des hommes qui créent, d’a
271 orgueillissent de notre esprit. Il y a des hommes qui créent, d’autres qui enregistrent : il ne faudra plus les confondre.
272 re esprit. Il y a des hommes qui créent, d’autres qui enregistrent : il ne faudra plus les confondre. Il y a Pascal et Goet
273 u un capital bien placé. Cerveaux sans mains ! et qui jugent de haut, mais de loin, et toujours après coup, la multitude de
274 s après coup, la multitude des mains sans cerveau qui travaillent sans fin par le monde, peinant peut-être en pure perte, s
275 ensée ne peut venir qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usa
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
276 semble qu’on se soit battu « pour » quelque chose qui n’était pas trop clair, ni bien facile à retenir dans l’esprit… Vous
277 l’esprit… Vous rappelez-vous ? C’était Roosevelt qui les avait énoncées le premier au début de 1942 dans son discours sur
278 igion, freedom from want, freedom from fear », ce qui se traduit un peu malaisément dans notre langue par liberté de parole
279 ous demander quel est l’état présent des libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxième, celle du culte ou de la r
280 able, mais fatal, de la guerre. (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave les tyrannies qu’elle avait pour s
281 ses enfants les recevront plus tard — données par qui  ? Sommes-nous voués à l’esclavage d’État par nécessité matérielle ? O
282 du présent. Je propose donc que nous changions ce qui peut être immédiatement changé : notre idéal, en attendant le reste.
283 erai par une parabole. Je connais certains hommes qui jouissent en fait des quatre libertés susdites. « Une » : Ils peuvent
284 obstacles. Il y aura toujours des obstacles. Ceux qui ont peur d’être libres en feront leurs prétextes comme l’ont fait les
285 par notre lutte contre toutes les « nécessités » qui s’y opposent sans relâche. Et cette lutte est toujours possible. Cett
286 nous sommes prêts à payer le prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’est un homme
287 libre, c’est un homme courageux, non pas un homme qui aurait reçu (de qui ?) trois ou quatre ou trente-six libertés. On ent
288 e courageux, non pas un homme qui aurait reçu (de qui  ?) trois ou quatre ou trente-six libertés. On entend dire : « X… est
289 . On entend dire : « X… est un esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des Sovie
290 shington était plus libre qu’un citoyen américain qui tourne le bouton de sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
291 la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les d
292 taire correspond donc une communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraî
293 probablement passer par une étape intermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formation d’une conscience plané
294 nnales, avec nos allusions perfides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’on se déplace un peu, disons à quelques h
295 s problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des v
296 découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pa
297 -Ex ». À Dieu ne plaise que j’oublie jamais celui qui le premier me parla de la Planète comme d’un amour et d’une souffranc
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
298 ais sérieux. Je prenais au sérieux les événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par exemple. Mais ce
299 un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la B
300 dangereux, horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand
301 C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour l
302 le. — Un progrès ? — Oui, j’appelle ainsi tout ce qui nous rapproche des vraies questions, et nous oblige à y faire face.
19 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
303 rais me contenter de répondre : c’est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale.
304 discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer » le pays comme un nouveau costume.
305 ordinaire pour se rendre contemporain d’un monde qui change beaucoup plus vite que Jules Verne n’a pu le rêver. C’est cela
306 s a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous, c’est un amour plus large de l’h
307 tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous, c’est un amour plus large de l’humain, une co
308 large de l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus
309 ession des visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses
20 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
310 n nous les livres ou même le cinéma. Un sentiment qui dure : pour moi, il a duré pendant six ans. Ceci est surtout vrai pou
311 inguer entre plusieurs classes d’Américains. Ceux qui ont connu l’Europe et qui y ont vécu, se distinguent par une sorte de
312 sses d’Américains. Ceux qui ont connu l’Europe et qui y ont vécu, se distinguent par une sorte de snobisme européen, surtou
313 leurs raison. Ce groupe forme une petite minorité qui affectionne particulièrement la France et la Suisse. L’Américain moye
314 rement la France et la Suisse. L’Américain moyen, qui connaît notre continent par les journaux, nous juge assez mal, nous c
315 mme un pays très compliqué de gens assez méchants qui se disputent pour des choses mystérieuses, qui sont toujours sur leur
316 ts qui se disputent pour des choses mystérieuses, qui sont toujours sur leurs ergots ; des gens en qui l’on ne peut pas avo
317 qui sont toujours sur leurs ergots ; des gens en qui l’on ne peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe un p
318 en se servant de la bombe atomique, etc. Moscou, qui a toujours eu cette espèce de « complexe d’assiégement », se referme
319 re et philosophique, je ne vois rien de très neuf qui se soit développé pendant la guerre ou après. Entre 1918 et 1939, l’A
320 uelques jeunes poètes, pas du tout intellectuels, qui font un lyrisme très violent et très coloré… Quant à l’Amérique socia
321 d’hostilité possible entre les deux continents — qui se complètent admirablement. Les différences sont fortes, certes ; ma
322 e déjà à repartir à la découverte de ce continent qui , à lui seul, constitue un monde. Quelle merveilleuse exploration pour
323 ue un monde. Quelle merveilleuse exploration pour qui sait respecter, après l’avoir établi, le contact avec le réel, contac
324 li, le contact avec le réel, contact de la pensée qui , s’il ne s’accompagne pas du contact des sens, conduit à l’insondable
325 té, doit être classé à l’opposé absolu de tout ce qui porte en soi le germe de la superficialité. Et Dieu seul est capable
326 dessiner les contours de ce mot « superficiel », qui gouverne le monde ! Bien avant la sanglante tragédie, Denis de Rougem
327 la fois mythique et mystique ». N’est-ce pas lui qui a lancé cette fulgurante vérité aux nations qui s’apprêtaient joyeuse
328 i qui a lancé cette fulgurante vérité aux nations qui s’apprêtaient joyeusement à la chute dans l’abîme : « Personne et pen
329 t possibles que dans cet acte unique d’obéissance qui s’appelle l’amour du prochain »…
21 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
330 du poids des traditions et querelles ancestrales qui tournent en rond. C’est la rumeur du xxe siècle. Elle a cours en Eur
331 ire. Mais il n’est point de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son ch
332 r l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la
333 runterai à des recherches récentes deux résultats qui prennent figure de paraboles : ils me paraissent propres à nous persu
334 la « mémoire » et de l’« expérience historique », qui est celle des épreuves et des échecs. L’étude des singes et de leur a
335 eçons d’expériences de la veille. Singe est celui qui doit refaire chaque jour le chemin perdu pendant la nuit, faute de re
336 e pareil — mais de quelque chose de plus profond, qui définit la condition humaine. S’agirait-il d’une sorte de méfiance ?
337 ne sont pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait dû. L’échec pour lui — guerre, privations, retards — n’est
338 — n’est pas une déception totalement scandaleuse qui le laisserait tout béant sur l’absurde, car une obscure sagesse en lu
22 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
339 À la guerre planétaire, c’est-à-dire à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. Les d
340 taire correspond donc une communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples provinces. Laissez-vous entraî
341 probablement passer par une étape intermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formation d’une conscience plané
342 nnales, avec nos allusions perfides ou flatteuses qui perdent pointe et sens si l’on se déplace un peu, disons à quelques h
343 s problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne peut y aller voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle des v
344 découvrir un jour que ces lions sont des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il ne manque pa
345 oueur de Boule que fut « Saint-Ex »13, le premier qui me parla de la Planète comme d’un amour et d’une souffrance intime ?
23 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
346 ageant de notre condition, elle imagine des idées qui détruisent l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idée de l’hom
347 roi l’idée de l’homme détruit ; l’idée de l’homme qui pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez, un jour n
348 i pense cette idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez, un jour ne serez plus, un jour serez un mort. Si « macabre »
349 sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au Jeune Homme 
350 n’expliquent pas notre réalité, mais seulement ce qui la condamne. Ainsi, la pensée de la Fin a les meilleures raisons du m
351 mate lentement parmi nous ? D’où, sinon de la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pa
352 la Fin qui déjà nous pénètre, sinon de la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendre ici ma phrase
353 e la Réalité qui m’a pressé d’écrire ces pages et qui pourrait suspendre ici ma phrase, me jetant dans mon jugement ? S’il
354 ’idée de penser notre mort, c’est la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, e
355 la Mort en nous qui se pense, c’est la Crise déjà qui affleure, nous avertit de la Fin, et l’atteste. La crise Le Bas
356 rop peu pour agir. Ainsi le grand décret de crise qui sévit au cœur de ce siècle n’est qu’une première parole, ambiguë, de
357 core l’Arrêt dernier, mais déjà ce ralentissement qui nous fait accéder à la conscience obscure d’un danger proche, — ce cr
358 ience obscure d’un danger proche, — ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer t
359 est peut-être une aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans cette lueur suspecte, risque un jour
360 es. Toutefois, elle reste liée au rêve d’activité qui tourmente l’Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à son tour se
361 onde entier s’organise à ce niveau de vie moyenne qui paraît offrir à la mort, comme à tout acte créateur, le moins de chan
362 s la pensée de la fin imminente. Mais parmi nous, qui avons cru pouvoir éliminer cette dimension tragique de notre vie, voi
363 st là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout
364 l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui manifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens
365 anifeste la présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne un sens d’éternité à vos singeries, vous l’appelez exagéré, dém
366 que la vérité actuelle fût totalement démesurée ? Qui périrait dans la honte et la rage ? Ceux qui croient encore aux mesur
367 ée ? Qui périrait dans la honte et la rage ? Ceux qui croient encore aux mesures et cherchent leur appui dans l’illusion to
368 tomberont en grand nombre dans le vide. Mais ceux qui auront vu, et qui auront cru leurs yeux, retrouveront dans la tempête
369 nombre dans le vide. Mais ceux qui auront vu, et qui auront cru leurs yeux, retrouveront dans la tempête la coutume des ha
370 pête la coutume des hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’est pas le jouet du vertige. Le temps vient où les
371 -t-il depuis quelques instants dans un ciel sale. Qui sortirait pour voir ? Seul, d’ici, je m’étonne : ce monde peut si fac
372 u contraire, ce qu’affectionne la chair, c’est ce qui , croit-elle, la détourne de la mort. C’est la vie telle que vous la c
373 la mort. C’est la vie telle que vous la cultivez, qui conduit à la mort et la mérite. Nous sommes tout simplement au jour d
374 ais d’En Face. Ici le futur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’un recul devant le présent. Ici le temps dit oui
375 e temps dit oui pour la première fois à l’instant qui le juge et l’accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un re
376 nstant qui le juge et l’accomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’un refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tou
377 urs efforts et leurs soucis se tournaient vers ce qui n’est rien, vers une Absence douloureuse, — alors que c’est la seule
378 douloureuse, — alors que c’est la seule Présence qui est terrible en sa splendeur et difficile à supporter, le seul Amour
379 difficile à supporter, le seul Amour apparaissant qui menace d’être insoutenable : il nous trouve sans préparation. L’on ne
380 monde mal fait… Parut un soleil nouveau. Et ceux qui le voyaient prenaient un visage neuf, leurs yeux devenaient forts et
381 tin, s’avançant vers Midi avec le naturel de ceux qui ont la coutume de la Cour. Bien peu soutinrent les derniers soleils e
382 re jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce qu’il reçoit, où le grand jou
383 tuelle pauvreté. Devint soleil. Et quel est celui qui s’approche avec son parapluie mal fermé sous le bras, et des lunettes
384 tel choix, je m’approche insondablement de Celui qui d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce disco
385 se démesure, mais il y eut alors comme un silence qui s’imposa sur nous et jusqu’assez haut dans les cieux, en sorte que pl
386 l’Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution de no
387 s. Et que celui qui entend dise : Viens ! à celui qui porte avec soi la rétribution de nos œuvres » — elle est en Lui, non
388 vres. Commence l’œuvre du Pardon. « Et que celui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuite
389 rdon. « Et que celui qui a soif vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie, gratuitement. » Car maintenant tout e
390 a gloire du Dieu Tout-Puissant, — l’Amen du Temps qui s’agenouille et s’abîme éternellement. 14. Søren Kierkegaard, d’ap
24 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
391 om, s’il ne trouvait personne en face de lui avec qui échanger des notes ? Personne à craindre, personne à menacer ? Person
392 sonne à craindre, personne à menacer ? Personne à qui répondre que l’honneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus d’une
393 ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui faire la guerre ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs
394 sent qu’en s’opposant. C’est la menace extérieure qui « cimente leur unité », qui « galvanise leur énergie », et qui provoq
395 la menace extérieure qui « cimente leur unité », qui « galvanise leur énergie », et qui provoque ces magnifiques mouvement
396 leur unité », qui « galvanise leur énergie », et qui provoque ces magnifiques mouvements « d’union sacrée » où chacun s’éc
397 éférence pour dénigrer des projets de paix ? Pour qui sont-ils donc si dangereux ? Avez-vous également remarqué que les mil
398 ? Avez-vous également remarqué que les militaires qui prennent la plume (comme ils disent) ont coutume de dénoncer sous le
399 lammes et aux bombardiers lourds, et quant à ceux qui donneront le signal de les utiliser au service des nations, gouvernan
400 désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la tenaient encore pour une nécessité, voire pour une vertu, étaient
401 s. C’était trop simple. Un colonel de cavalerie à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur la mort de la guerre milit
402 , avons prouvé que nous savions nous battre », ce qui est bien la preuve que j’ai tort, et d’ailleurs de n’importe quoi. Il
403 u-delà des nations. Vous cherchiez l’Autre contre qui s’unir ? Il vous fallait une menace planétaire pour provoquer l’union
404 ligions et de coutumes, et toutes les différences qui font le goût de la vie s’évanouiraient sous vos beaux yeux. Rassurez-
405 s y sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mai
406 guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres… Mais je vois que ce mot de nation a créé entr
407 er. Ce qu’il y a de précieux dans les nations, ce qui fait leur véritable originalité, n’est pas défini par leur souveraine
408 rs armées. En effet, supprimez ces trois éléments qui composent l’idée moderne de nation, et les nations réelles subsistero
409 mplistes pour répondre à vos craintes vagues.) Ce qui détruit aujourd’hui les nations, dans le sens valable et fécond de ce
410 liste. Ce modèle est celui de l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations c’est
411 r sauvegarde serait le gouvernement mondial. Ceux qui pensent que c’est tout le contraire prennent le mot patrie dans le se
412 t un dieu, créant d’horribles confusions d’idées, qui se terminent en carnages périodiques. Autre exemple. Pourquoi n’est-i
413 n’est-il question que de « nationaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieur des frontières, au lieu de multiplier les é
414 tatiser ». On veut encore tirer parti du prestige qui s’attache à l’idée de nation… En fait, on étatise la nation. Que pens
415 r de ces États-nations, de plus en plus nombreux, qui se referment sur eux-mêmes et sur leur budget militaire, qui se barde
416 rment sur eux-mêmes et sur leur budget militaire, qui se bardent de protections à la frontière, comme autrefois, en attenda
417 yllabes sacrées, et l’on traite de fasciste celui qui demande à voir. (La prochaine fois que vous oserez me dire que le Soc
418 itaire, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu
419 sortira de ce cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre, ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le car
420 diriger les affaires internationales à des hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’humanité. Car ceux-là seuls s
421 rement ce n’est qu’un jeu de force, et le premier qui tire aura gagné, quel que soit le mordant de l’infanterie ou la bravo
25 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
422 tendent une main précise, accompagnée d’un regard qui jauge cet adversaire ou ce partenaire possible. Qui va prendre avanta
423 i jauge cet adversaire ou ce partenaire possible. Qui va prendre avantage sur l’autre ? Ainsi se présentent-ils, comme s’il
424 s milliers d’appareils plus lourds et plus lents, qui n’ont d’autre avantage que de fonctionner sur toutes les grandes lign
425 n l’officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait scandale. Se quitter bons amis après [illisible] est régulier. S
426 ble] est régulier. S’attacher, [illisible], voilà qui est immoral…ad Comment ils construisent En Europe, terre des c
26 1946, Articles divers (1941-1946). Réponse à l’enquête « Les travaux des écrivains » (24 août 1946)
427 août 1946)ae J’ai un certain nombre d’ouvrages qui vont paraître en même temps, ce qu’explique aisément ma longue absenc
428 Gallimard : mes Lettres sur la bombe atomique , qui paraissent simultanément dans huit pays et en sept langues différente
429 ire. D’autre part, quelques rééditions d’ouvrages qui , à cause de leur faible tirage et des circonstances où ils parurent,
430 ditions « Je sers » : Politique de la personne , qui , publié il y a douze ans, obtint un vif succès en Hollande, où il jou
27 1946, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe (écrit en Amérique, en 1943) (août-septembre 1946)
431 s patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient douc
432 renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée d’arbres et déserte, aux
433 n fredonnée, sur le seuil, au matin d’une journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible, c’est comme le
28 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
434 ours, j’ai vu la France toute pareille à un homme qui vient de tomber sur la tête : il se relève, se tâte, et ne sait pas e
435 rieux du continent, dernier symbole d’une liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut p
436 cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord
437 tiré, jeté par la police franquiste hors du train qui sifflait déjà pour le départ vers la frontière — à deux-cents mètres
438 és s’appliquent précisément à l’émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui al
439 ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait quotidiennement, inconsciem
440 me cède sa place, et je l’entends dire à sa femme qui attendait un peu en arrière : « Rien de nouveau, c’est toujours les m
441 s je crois avoir entendu dans le ronron nasillard qui sortait de la petite chambre : « 165 avions allemands ont été abattus
442 ns jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux chefs français trop
443 . » J’ai pensé aux chefs français trop cartésiens qui ont admis la défaite sur sa définition, — avant qu’elle fût définitiv
444 ué qu’elle n’oppose plus que deux nations : l’une qui ne sait pas vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas être
445 eux nations : l’une qui ne sait pas vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas être vaincue, mais qui perd ? Les A
446 i ne sait pas vaincre, mais qui gagne, et l’autre qui ne sait pas être vaincue, mais qui perd ? Les Allemands, en effet, mê
447 ne, et l’autre qui ne sait pas être vaincue, mais qui perd ? Les Allemands, en effet, même victorieux, se plaignent encore
448 aise. 19 septembre 1940 Un journaliste américain, qui revient de Paris, s’appuie au bastingage, près de moi, et me dit en c
449 chaque phrase : « Il y a des gens, des Parisiens, qui trouvent que les Boches sont corrects… Well… Quand un gangster de Chi
450 eurs grands portiques. Et comme on aime une terre qui s’approche, avec l’immense sécurité du continent qu’on imagine au-del
451 git et se peuple de mâts. Au sommet d’une falaise qui fuit obliquement éclate une longue façade claire et neuve : la premiè
452 dans la brume — Manhattan, comme une prémonition qui serait vérifiée à l’instant même ! ag. Rougemont Denis de, « En 19