1 1941, Articles divers (1941-1946). Reynold et l’avenir de la Suisse (1941)
1 à rappeler. La faiblesse du bourgeois réside dans son refus de prendre au sérieux ce qui l’étonne. « Trop beau pour être vr
2 ecteur, n’était autre que la mise au pas du pays, sa mise en marche vers le nihilisme — ou l’annexion. « Faire du socialis
3 c’est que chacun commence par dire la vérité dans son patois, et celui de Reynold est « de droite ». Le mien passa souvent
2 1941, Articles divers (1941-1946). Trois paraboles (1er octobre 1941)
4 changerez tout ! » Pour mieux courir, elle a jeté ses voiles, et sa pudeur est dévoilée, ô folle ! Mais lui les trouve et s
5 ! » Pour mieux courir, elle a jeté ses voiles, et sa pudeur est dévoilée, ô folle ! Mais lui les trouve et s’en revêt : vo
6 , ou c’est le désir qui l’aveugle ? Elle est nue, ses jambes ont fui. — Toi qui connais le maître du palais, dis-moi s’il v
7 À mesure qu’avec les années, il se persuadait que sa pierre était bonne, étant bien celle de ses vœux, la pierre se mit à
8 it que sa pierre était bonne, étant bien celle de ses vœux, la pierre se mit à luire davantage ; et davantage encore il l’a
9 mes vœux, car seul j’ai deviné le cher secret de son éclat. Et maintenant, ma pierre, luis de ton propre éclat ! Qu’une fo
10 brasier cendreux. Pendant la nuit — grande était sa douleur — la pierre se mit à luire sous la cendre, et le grand feu fl
11 grand feu flamba soudain toute la pièce. Il dit à sa pierre : — Ô ma pierre, luis dans le feu ! Je ne puis te toucher, mai
12 ai ma pierre et me reposerai dans la fraîcheur de son éclat. Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps, son
13 . Il la prit. Elle était brûlée. — L’hiver a fait son temps, songea-t-il, dans ma vie. Pour la deuxième fois, il alla au ma
14 e. Mais c’était l’autre qu’il prenait alors entre ses mains, la pierre du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il
15 mains, la pierre du vœu triste et présomptueux de sa jeunesse. Et il pleurait. Une troisième fois, il se leva pour aller a
16 s dévisagés un certain temps ; je ne trouvais pas son regard, il me semblait que ce regard fuyait très loin dans ses yeux e
17 l me semblait que ce regard fuyait très loin dans ses yeux et me rejoignait par-derrière, je ne puis l’expliquer autrement.
18 anière, c’était mon propre, regard qui traversait ses yeux et revenait sur ma nuque. À l’instant où je l’ai compris, il a t
19 . — Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait de la fièvre.) Je suis là parce que tu
3 1942, Articles divers (1941-1946). La leçon de l’armée suisse (4 mars 1942)
20 n groupement de citoyens libres, possédant chacun ses propres armes et portant fièrement son fusil, ses munitions et son éq
21 ant chacun ses propres armes et portant fièrement son fusil, ses munitions et son équipement militaire. C’est ainsi qu’on p
22 ses propres armes et portant fièrement son fusil, ses munitions et son équipement militaire. C’est ainsi qu’on peut souvent
23 et portant fièrement son fusil, ses munitions et son équipement militaire. C’est ainsi qu’on peut souvent voir un paysan,
24 eut souvent voir un paysan, assis sur le seuil de sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du dimanche, — s
25 sur le seuil de sa porte, polissant et graissant son fusil après le tir du dimanche, — spectacle que vous ne verrez nulle
26 aient libres. La possession par chaque citoyen de ses propres armes, montre d’une façon concrète que l’État lui fait confia
27 par crainte d’une révolution. Hitler fit désarmer ses propres troupes de choc, après l’épuration du 30 juin 1934, leur lais
28 n poignard décoratif. La possession par chacun de ses propres armes a également une importance technique qui n’est nullemen
29 l’organisation de l’armée suisse et le secret de sa popularité… L’armée est un lien non seulement entre les individus, ma
30 agnon de chambre l’étudiant, l’ouvrier le fils de son patron. Pendant les trois mois que dure l’entraînement, on a le temps
31 reconnaître la valeur réelle et les faiblesses de son voisin, de se faire des amitiés. Une égalité complète existe dans les
32 ntraînement permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance technique résultan
33 permet à chaque recrue de retrouver à son retour sa place dans la vie civile. L’insuffisance technique résultant d’une si
34 uelles, il consacre quelques heures par semaine à ses devoirs militaires. Un capitaine, par exemple, dans la vie civile, su
35 taine, par exemple, dans la vie civile, surveille sa compagnie : il sait toujours où ses hommes habitent. L’habitude veut
36 ile, surveille sa compagnie : il sait toujours où ses hommes habitent. L’habitude veut qu’ils lui envoient leurs bons vœux
37 nne tradition de faire la guerre. Chaque canton a son propre système de défense, selon sa topographie et ses ressources. De
38 que canton a son propre système de défense, selon sa topographie et ses ressources. Des petits corps d’armée surgissent en
39 ropre système de défense, selon sa topographie et ses ressources. Des petits corps d’armée surgissent en certains points po
40 ste-frontière du Jura. Il pouvait voir, à travers ses jumelles, un champ, à 3000 pieds au-dessous, et parfois attraper le c
41 d’une robe d’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles choses comptent dans la guerre. Mais une petite ar
42 . Chaque village de la Suisse est devenu un fort, ses entrées fermées par des barricades et les maisons transformées en des
43 t épargnée au printemps 1940 uniquement parce que ses voisins comprirent que ce serait un « morceau dur à avaler », et parc
44 avaler », et parce qu’il était celui qui a, dans ses mains, le Gothard. Les 4/5e du trafic entre l’Allemagne et l’Italie s
45 ne pourra survivre dans un État qui ne défend pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul de gain ou de perte, il y a
4 1943, Articles divers (1941-1946). Angérone (mars 1943)
46 l’amour ce n’est point le connaître, mais limiter sa part dans notre vie, et nul amour ne peut survivre à cette méfiance o
47 i même décrit par allusions ou par symboles, mais sa présence souveraine est annoncée par certain frémissement de l’assemb
48 Cela dont je ne puis parler sans l’offenser dans sa grandeur, c’est ce qui m’enflamme à parler. Rien ne peut être dit de
49 chose est vraiment dite. La Fable nous apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’un mutisme sacré. Angérone, déesse
50 érone, déesse du Silence : on croit qu’elle avait sa statue dans le temple de la Volupté. Et certains pensent qu’elle est
51 ation active du désir qui lentement s’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’un homme, il arrive qu’il le rende m
52 rs d’eux-mêmes. Alors il lui saisit la tête entre ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’il dout
53 re ses bras, et la contemple. Et il la nomme dans sa pensée, comme s’il doutait… Adolescence ! Le charme du désir est cel
54 où se prendre. Il se ramène en soi, se divise en ses ombres. Ainsi passent les heures d’avant l’aube, dans le dépaysement
55 indicibles. Lui s’éveille parfois tout à fait, et ses yeux dans le noir imaginent. Une étreinte qui s’égalerait à l’Infini.
56 , mais que cet être accède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par une su
57 ccède ensuite au commerce de ses semblables, qu’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par une suite de vertiges, mult
5 1943, Articles divers (1941-1946). La gloire (mars 1943)
58 s un peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes nous le révèle bien différent. Il fallait certes s’
59 urtant l’on demeure surpris. C’est que tout, dans ses livres, — surtout les plus sincères — semblait exclure les préoccupat
60 — semblait exclure les préoccupations que trahit son journal intime. Peut-être le secret d’une différence aussi curieuse e
61 r les plus curieux malentendus entre un auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce soit l’attitude de la plupart des écri
62 rochain, le désir de lui être utile et de mériter ses louanges ? J’ai donc vécu pour les autres, et mon existence est perdu
63 uerre et la Paix.) Cette page m’avait séduit par sa mauvaise humeur. En la copiant, je n’y vois plus que sophismes. Non,
64 andis que la princesse Marie, qui a vraiment aimé son prochain, n’en n’a pas reçu de gloire et n’en demandait point. Aussi
65 oint. Aussi ne pense-t-elle pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’un concert triomphal, s’incline et prononce à
66 oire. La gloire est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent d’aucune raison, et paraissent mê
67 est donc un mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent d’aucune raison, et paraissent même n’en point
68 e. Celle d’un Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la lui prête parce que d’abord l’auteur s’y
69 e je suis, ne donne-t-il pas une preuve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? Dire : je néglige la g
70 Il cherche des admirateurs, des confirmateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’une communau
71 e qui sépare. Mais il chercherait l’excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les auteur
72 il chercherait l’excellence, à son rang et selon ses astres. Ainsi les héros et les rois sont les auteurs de leur éclat. I
73 reux que tous, n’était pas séparé mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagée par une mesure universelle que se
74 t pas séparé mais au sommet. Sa gloire était dans son destin, gagée par une mesure universelle que ses actions comblaient e
75 son destin, gagée par une mesure universelle que ses actions comblaient exactement. Mais notre gloire ne saurait être mesu
76 d’Annunzio ; c’est là, non pas dans la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, je me suis surp
77 dans la beauté de son œuvre, que s’est constituée sa gloire.) Et cependant, je me suis surpris à désirer une gloire qui ne
78 esoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’un dieu. Et la vraie gloire.
79 e serait-ce pas aussi le meilleur moyen de sauver son incognito en se donnant l’air, précisément, d’y renoncer ? Autre avan
80 l’expérience intime de la gloire précède toujours sa manifestation. L’ambitieux ne vaut rien pour la gloire. Il ne peut a
81 coup d’hommes n’imaginent pas qu’on puisse avouer sa vanité, ou bien ils croient que ce serait naïf ; et si l’on avoue son
82 ils croient que ce serait naïf ; et si l’on avoue son orgueil, ils croient que c’est par vanité. Je suis homme : donc vanit
83 faire croire qu’on n’en a point. Si l’on condamne sa propre vanité, le mieux pour s’en débarrasser serait d’en parler ouve
84 clamé, ou cet instant plutôt qui est au seuil de sa résolution fondamentale — quel est ce seuil, et que nous ouvrent, sur
85 e sers sans oser le servir, parce que je sais que son nom est mensonge, et que c’est moi qui ne suis rien. Ainsi Dieu est m
6 1943, Articles divers (1941-1946). Rhétorique américaine (juin-juillet 1943)
86 ans doute conforme à la tradition de la langue, à son génie le plus vivace. Gide craint d’inclure l’actualité dans un ouvra
87 suader » étrangement efficace. La connaissance de ses règles techniques permet de pénétrer certains secrets de la littératu
88 en blanc dans l’humanité vive du sujet, saisi par son côté sensationnel. L’article ensuite ne se déroulera pas suivant un p
89 à vous convaincre par la rigueur ou l’élégance de ses déductions, l’écrivain américain cherche à vous entraîner par la dram
90 s entraîner par la dramatisation (Dramatizing) de sa matière. Le style français triomphe dans la litote et le raccourci, l
91 décrivez la sensation qu’il éprouve au moment où ses semelles-crêpe marquent d’une empreinte poussiéreuse le moelleux tapi
92 arable pouvoir d’émotion. Mais elle attend encore son style intellectuel. J’ai tenté de définir deux attitudes. Comment jug
7 1943, Articles divers (1941-1946). Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)
93 secondes voix de Schumann. Un mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastrophe. Tout un âge, un climat de musiq
94 is en question, et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à c
95 jour du siècle mécanique, accepter pour un temps sa loi, en préservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’aimer, c
96 leur régime normal de vie (comme un moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que dans le drame et le bouleversemen
97 nger, une révélation totale de l’humain dans tous ses risques matériels et spirituels, impossible ailleurs de nos jours, et
98 harme, à travers la vision d’un saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métros. Je le vois sortan
99 blics avec cette grande Question qu’il porte dans son être, et qui est aussi la grande réponse ; et les démons s’éveillent
100 la grande réponse ; et les démons s’éveillent sur son passage, il n’y a plus nulle part d’indifférence possible ! Ici, le C
101 qu’on la verrait dans la paix, là où chacun livre son vrai combat. III. — Pendant la bataille des Flandres En Suisse,
102 ions-nous mieux le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne reviendra jamais, ce bon vieux temps que je
103 mense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux s
104 é atlantique, avec tous ses drapeaux claquants et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sept collines oublie la gue
105 gne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux fronti
106 des déboires : il entre, ne trouve personne. Mais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En
107 s sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : « Peut-être est-elle à
8 1944, Articles divers (1941-1946). Un peuple se révèle dans le malheur (février 1944)
108 apitale, connaissaient et jugeaient la France par ses vedettes. À leurs yeux, tout Français devait ressembler aux types d’h
109 re invisible, c’est le malheur le plus affreux de son Histoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable grand
110 istoire qui le révèle au monde, aujourd’hui, dans sa véritable grandeur. Les journaux qui nous apportent des nouvelles de
111 la vraie vedette, malgré lui, de la France et de sa résistance. J’ai vu à New York la plupart de ces films qui empruntent
112 et le scepticisme plutôt que de paraître exagérer sa peine. Car il pense d’instinct, comme Talleyrand, que « ce qui est ex
113 ace au danger. Il manquait d’armes, il lutte avec sa dignité impénétrable aux tentations de la Brute. On avait dit aux jeu
9 1944, Articles divers (1941-1946). Ars prophetica, ou D’un langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)
114 t-il pas d’abord séduit, ou au contraire vexé par ses images ou ses idées — avant toute raison avouable ? C. Certes, mais
115 rd séduit, ou au contraire vexé par ses images ou ses idées — avant toute raison avouable ? C. Certes, mais il faudrait co
116 ngue du langage courant par le souci de contrôler ses conventions. Mais ce n’est pas là le seul mode d’expression possible.
117 . Il part de ce qu’il suppose clair et facile, et sa marche est une déduction. La convention d’un tel langage, est que tou
118 es du langage courant. A. Prenons la 3e règle de sa méthode : « Conduire par ordre mes pensées en commençant par les obje
119 opulaire. On la tient pour tellement évidente que son rappel, au cours d’une discussion, figure presque une insolence. Cett
120 ur des cartes postales. Elle dispose en bon ordre ses repères, et puis s’ébranle à reculons vers l’inconnu, les yeux toujou
121 ulons vers l’inconnu, les yeux toujours fixés sur son jeu d’évidences. On conçoit dès lors qu’elle se meuve avec tellement
122 aque pas le chemin parcouru : elle ignore tout de son but et tiendrait même pour une prévention fâcheuse la croyance que ce
123 disais qu’on ne peut la comprendre qu’à partir de son but. Il est très juste qu’elle paraisse absurde à l’observateur raiso
124 l vaut mieux dire indescriptible, et cela tient à sa vérité même, je veux dire à sa plénitude instantanée qui décourage l’
125 e, et cela tient à sa vérité même, je veux dire à sa plénitude instantanée qui décourage l’analyse. Vous ne donnerez pas l
126 e l’autre. Le premier serait la loi scientifique. Ses conventions sont la clarté et l’absence de contradiction. La seconde
127 doute le rôle du langage parabolique… De là vient son obscurité. Parler en paraboles, c’est tenter d’exprimer un fait ou de
128 traire d’un discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole est une énigme dont le sens est dans la vis
129 etite-fille pourquoi Jésus parlait en paraboles à ses disciples, sachant qu’ils ne comprendraient pas. Voici la réponse qu’
130 plement qui a cru voir, et qui voudrait retrouver sa vision et la faire pressentir à d’autres hommes. Une vision ne se tra
131 angue des prophètes et composer des paraboles. Si ses prophéties sont décevantes et ses paraboles sans fruit, il n’en est p
132 s paraboles. Si ses prophéties sont décevantes et ses paraboles sans fruit, il n’en est pas moins un prophète. Mais alors o
133 moins un prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vous m’avouerez que dans ces conditions il faut une sorte de naï
134 avait vu la fin de notre Histoire : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est des visions moins illustres, qui n’embra
135 défense osera-t-il produire qui ne soit pas aussi son jugement ? 6. Ces deux dialogues sont restés dans un tiroir à Paris
10 1944, Articles divers (1941-1946). L’attitude personnaliste (octobre 1944)
136 st-ce que l’homme ? Sur quelle notion centrale de son humanité devons-nous recentrer le monde ? Les institutions doivent êt
137 naliste français fut, dès le début, de considérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’une action politique, d’une éc
138 ociale. La classe prolétarienne serait relevée de son fardeau à vie. 2) Économie. La hantise du salaire ne serait plus le s
139 d de production de l’atelier. Il était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul off
140 était éditeur de son métier, et si peu adroit de ses mains qu’il assurait être le seul officier de réserve français qui se
141 de réserve français qui se fût jamais blessé avec son propre sabre ! Les pionniers du service civil donnèrent leur salaire
142 raits marquants du mouvement personnaliste, c’est son insistance sur la nécessité des groupes autonomes et organiques. Elle
143 ourdement sur nos activités. L’État centralisé et sa bureaucratie abstraite tendent à détruire les groupes organiques, à l
144 t les coutumes d’un pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposait les foyers rayonnants de création
145 son alimentait les clubs. Tout était préparé pour sa transmission en cas de crise révolutionnaire ou d’invasion, Les Clubs
146 alisme avait réussi à dégager les implications de sa doctrine dans les plans les plus divers. Il était prêt à déclencher u
147 , des bulletins, brochures et tracts, répandaient ses idées. Les nazis avaient délégué leur représentant en France, Abetz,
148 expression libre par Vichy, la revue Esprit vit son tirage quintupler en quelques mois. Puis elle fut interdite, à la sui
149 interdite, à la suite d’un article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses rédacteurs emprisonnés. Nul autre mouve
150 icle contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses rédacteurs emprisonnés. Nul autre mouvement ne me paraît mieux apte à
151 de l’homme, non plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le ba
152 plus à celle des monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houiller e
153 monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi. 8. Exemple : le bassin houiller et ferrugineux de l
11 1944, Articles divers (1941-1946). Quelle guerre cruelle (octobre-novembre 1944)
154 onomiques étaient plus fortes que l’esprit et que ses choix. Or ces réalités ne faisaient que traduire en quantités physiqu
155 d’abord en chacun de nous, et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’un conflit psychologique de proportions mondiales
156 e. ⁂ Lorsqu’un individu refoule pendant longtemps ses facultés créatrice, imaginative, affective, sexuelle, intuitive, etc.
157 commune, il arrive que les facultés exilées dans son inconscient se révoltent soudain et l’attaquent en force, par une esp
158 erreurs inexplicables. Des cauchemars envahissent sa vie quotidienne, le persécutent et lui rendent l’existence impossible
159 persuade que des forces absolument distinctes de son être l’attaquent avec une férocité sans précédent. Il devient aliéné,
160 tenir tranquille. Privé de moyens de s’exprimer à sa manière, affolé par nos arguments, il n’a plus trouvé d’autre issue q
161 eut-être unique. 1. La guerre nous plaît. Toutes ses victimes le nient, et presque tous ceux qu’elle fait vivre. Je dis qu
162 se faudrait-il à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre ! Quel drame nouveau, pour remplacer, sur la scène
163 ns tout prévu contre un futur Hitler, rien contre son absence, autant que je sache. Le seul type d’héroïsme que l’Occident
164 diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici peu. Son aventure prendra fin dans la catastrophe prévue. Et devant le cadavre
165 ubsiste. Toute la sociologie moderne le prouve. À son défaut, Hitler l’aurait fait voir par le moyen de cette religion synt
166 vacuer les coutumes religieuses périmées (c’était son droit et son devoir), il s’est méthodiquement refusé à laisser naître
167 utumes religieuses périmées (c’était son droit et son devoir), il s’est méthodiquement refusé à laisser naître des coutumes
168 , sont les moyens qu’a trouvé l’homme pour capter ses puissances obscures et les ordonner à des fins tantôt pratiques, tant
169 i meurt de faim mange n’importe quoi pour tromper sa faim, faute de mieux. La raison n’ose pas dire qu’il a tort d’avoir f
12 1945, Articles divers (1941-1946). Présentation du tarot (printemps 1945)
170 Etteilla, dont nous allons parler, par d’Odoucet son premier disciple, et par Éliphas Levi. Elle a été contestée par W. A.
171 a ce que ce grave antiquaire avait transcrit dans son huitième volume du Monde primitif, d’après un amateur qui, lui-même,
172 rer les cartes, dont il est question, que d’après sa cuisinière. Il était perruquier et se nommait de son vrai nom, Allie
173 cuisinière. Il était perruquier et se nommait de son vrai nom, Alliette. Il redécouvrit le tarot pendant la seconde moitié
174 arot pendant la seconde moitié du xviiie siècle. Sa prose est vague, ses interprétations sont hasardeuses, mais il a le m
175 nde moitié du xviiie siècle. Sa prose est vague, ses interprétations sont hasardeuses, mais il a le mérite d’en avoir prop
176 deuses, mais il a le mérite d’en avoir proposées. Ses disciples, dont le plus grand fut Éliphas Lévi (l’abbé Alphonse Louis
177 se Louis Constant), ne se privent pas de dénoncer ses erreurs, mais se montrent enclins aux mêmes complaisances interprétat
178 s le nombre 78 qui est enfin notre zéro, et voici son intéressante analyse de ce nombre. (Elie Alta, Le Tarot égyptien, ou
179 Vichy, 1922.) On peut juger d’après ce texte (et son contexte) que selon Etteilla et son disciple Elie Alta, l’un corrigea
180 ce texte (et son contexte) que selon Etteilla et son disciple Elie Alta, l’un corrigeant l’autre. 0 = 78 = (77) = 21 = 22
181 mais malgré ces changements on peut se servir de son jeu. Il est préférable d’employer les suivants, mais en numérotant le
182 e psychothérapie comparable à notre psychanalyse. Ses lames seraient en vérité autant de thèmes de méditations prolongées —
183 Emlen Etting, attaché aux forces américaines, et son ami André Lhote, furent les premiers à pénétrer dans le Palais du Lux
184 us de lui. L’abîme ne lui inspire pas de terreur. Son visage est plein d’intelligence, de rêve et d’attente. C’est un princ
185 ndividuelle libérée de l’illusion, et poursuivant sa route sans craindre les dangers que court l’homme collectif ou pureme
186 Il porte les deux symboles féminin et masculin : ses cheveux clairs dénotent la conscience (par opposition à l’inconscient
187 t la conscience (par opposition à l’inconscient). Sa robe blanche (pureté) porte autour du col les lettres du grand tétrag
188 , mais sans être pris par un seul… Ayant accompli son être dans la coïncidence des contraires, pour lui l’univers ambiant p
189 e des contraires, pour lui l’univers ambiant perd son poids. Sa réalité visible et tangible continue d’exister, mais elle a
190 aires, pour lui l’univers ambiant perd son poids. Sa réalité visible et tangible continue d’exister, mais elle a perdu son
191 et tangible continue d’exister, mais elle a perdu son pouvoir magique. Voici l’expérience du Fou : le monde extérieur n’a p
192 les illusions qui s’interposent entre l’homme et son essence divine innée… Le fol errant n’a ni famille, ni possessions, n
193 ’a ni famille, ni possessions, ni lieu où reposer sa tête. Cependant, il ne se sent frustré de rien de tout cela. Il est e
194 ien de tout cela. Il est en union avec l’Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa nature même. D’autre part, le
195 l’Univers, sa vraie maison. L’univers participe à sa nature même. D’autre part, le divin, dans son essence transcendantale
196 pe à sa nature même. D’autre part, le divin, dans son essence transcendantale, au-delà de tout changement ou forme, se trou
197 de tout changement ou forme, se trouve être aussi son essence propre. Car il est la coincidentia oppositorum. La forme supr
198 me de cette union est Dieu, déployant constamment son essence dans les aspects de l’univers et de ses créatures, et cependa
199 t son essence dans les aspects de l’univers et de ses créatures, et cependant restant le « Dieu caché », deus absconditus,
200 est le mendiant qui possède l’univers, et toutes ses richesses, qui ne sont rien d’autre que le déploiement de sa propre n
201 s, qui ne sont rien d’autre que le déploiement de sa propre nature. Vous pourrez donc le traiter de fou. Il l’est en effet
202 i le parfait initié ne condescend pas à desserrer ses lèvres et à révéler le scandaleux secret de sa perfection. Dans la sa
203 r ses lèvres et à révéler le scandaleux secret de sa perfection. Dans la sagesse du Saint-Esprit incarné, il passe, étrang
204 impudique. Figure. Elle représente une roue sur son axe, elle entraîne d’un côté un singe, un lapin ou un diable, et de l
205 radictions. Il tient l’épée de la discrimination. Son corps est mi-féminin, mi-léonin, hermaphrodite, équilibré. Biblio
13 1945, Articles divers (1941-1946). Les règles du jeu dans l’art romanesque (1944-1945)
206 vers que les lois de composition d’un tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et du contrepoint ;
207 iste était celui qui, de ces règles, savait tirer sa liberté. L’inspiration passait par ces canaux et se communiquait par
208 us juger d’une œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures pour arbitraires, artificielles, non contraignantes. (Et sans
209 s hautes époques, la rhétorique au sens large, et ses règles, sont strictement non arbitraires. Elles traduisent des relati
210 s avec les formes régulières dont le rêve compose ses drames. Il se peut même que ces figures ne soient, à l’origine au moi
211 ant un assemblage de mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandaleusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parl
212 e en décadence, cependant que le journalisme fait son apparition, et que la réalité quotidienne s’introduit dans les romans
213 sincère, et contraire à l’inspiration libre. Dans ses recettes magiques et artifices profonds, elle ne vit que recettes et
214 tes et artifices, et commanda de les éliminer. De ses fleurs, elle fit des clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, comme
215 l irait loin… Il tomba dans « la réalité », coupa ses ailes et se fit romancier ou paysagiste d’après nature. Le sociologue
216 r aux hommes, que l’homme devient de plus en plus son propre centre et son sujet d’étonnement favori, le mythe se rapproche
217 omme devient de plus en plus son propre centre et son sujet d’étonnement favori, le mythe se rapproche de l’histoire. Il ga
218 est encore qu’un rêve éveillé, donné pour tel par son auteur. C’est avec La Princesse de Clèves que l’on atteint la phase c
219 t passionnant qu’à la mesure de la fixité même de ses règles indiscutées. L’art consistait jadis à donner sens aux proposit
220 t jadis à donner sens aux propositions de la vie. Ses règles émergeaient de la nature profonde, elles prolongeaient la natu
221 l s’excuse d’imaginer. Il ambitionne de conformer son art aux « lois de la vie », non plus aux procédés du conte. « Le roma
222 encontres fortuites, les coïncidences opportunes. Sa rapidité folle – par rapport à la vie réelle – tenait l’auditeur en h
223 à la vie réelle – tenait l’auditeur en haleine ; son rythme était autorité. Les événements extraordinaires qu’il présentai
224 ue le romancier nous fait savoir qu’il a mis dans son livre ce qui est, et non plus ce qu’il a inventé ? L’abandon de la rh
225 rte où et n’importe comment » — c’est à quoi vise son effort. « Gontran sortit son briquet de nacre, alluma une cigarette b
226 — c’est à quoi vise son effort. « Gontran sortit son briquet de nacre, alluma une cigarette blonde et consulta l’indicateu
227 reux de me convaincre — au lieu de s’abandonner à son rythme d’images — plus j’exige un récit vraisemblable. À la limite, i
228 ies. L’hésitation du romancier moderne à terminer son livre par une décision de l’esprit ou par un artifice de rhétorique,
229 i corrigerait donc cela ? M. Romains connaît bien son public. Il sait que l’absence de conventions sera tenue pour avantage
230 a tenue pour avantage, et compensera, aux yeux de ses contemporains, l’absence de mérite esthétique. (Alors que la première
231 cause immédiate de la seconde.) Parlant encore de son propre roman, M. Romains ajoute : « Le lecteur se demandera : où cela
232 qui ne tolère aucune faiblesse, aucune tricherie. Ses lois sont connues et communes : dès Conan Doyle, elles ont pris force
233 Conan Doyle, elles ont pris force contraignante. Ses personnages sont constants comme ceux de la Commedia dell’arte, ou ce
234 e.) Et cette rhétorique ne manquera pas d’exercer son pouvoir créateur de communauté : des clubs de fanatiques du roman pol
235 Le roman historique garde le bénéfice du cadre : son action circonscrite par définition, est isolée du réel quotidien par
236 s chroniques en vers. Il mourra pour avoir épuisé ses possibilités formelles, et pour avoir poursuivi la chimère d’une libe
237 elques phénomènes extérieurs viendront précipiter sa fin. Son sort se trouvait lié, dès sa naissance, aux conceptions bour
238 hénomènes extérieurs viendront précipiter sa fin. Son sort se trouvait lié, dès sa naissance, aux conceptions bourgeoises d
239 précipiter sa fin. Son sort se trouvait lié, dès sa naissance, aux conceptions bourgeoises de la vie, soit qu’il les décr
240 la plupart des objets dont le roman faisait toute son « étude ». Mais le besoin de lire des fables ne s’éteindra pas pour s
241 ns animés où l’homme n’a pas cessé de reconnaître son image la plus convaincante. 1. La dialectique de la Terreur et de l
242 let donné par l’arbitre, appel d’un des joueurs à son partenaire, disposition des pions ; trois coups frappés d’avance, lev
14 1946, Articles divers (1941-1946). Contribution à l’étude du coup de foudre (1946)
243 coq est cloué sur la ligne de craie tirée devant son bec. Ce serait trop bête si ce n’était trop beau. Mais rien ne sert d
244 cérité, nous semblait-il, qu’un croyant décrivant sa conversion en termes de grâce et de prédestination. Mais s’il est vai
245 ier le fait, il ne l’est point de mettre en doute son caractère de destinée fatale. Cette espèce de passivité que l’on allè
246 tucieuse invention de Don Juan pour impressionner ses victimes. Il en a tant parlé, et vous autres après lui, que toutes le
247 r rien ne flatte comme l’idée que l’on va vivre à son tour une scène de roman. Oui, l’idée seule a fait tous ces ravages, e
248 ressemblance du rêve : toute une cérémonie, avec ses rôles prescrits, son ouverture déclarée par un héraut, sa lenteur imp
249  : toute une cérémonie, avec ses rôles prescrits, son ouverture déclarée par un héraut, sa lenteur imposante interdisant la
250 prescrits, son ouverture déclarée par un héraut, sa lenteur imposante interdisant la fuite. Admirez l’appareil inexorable
251 ser le prosaïsme : le coup de foudre, en dépit de son nom, ne souffre pas l’instantané, il veut la pose… Tandis que je parl
252 attendre au débarqué de l’avion et me conduisit à sa demeure. C’était l’heure du déjeuner. Nous causions depuis quelques i
253 uner. Nous causions depuis quelques instants dans sa bibliothèque, où d’un coup d’œil furtif j’avais remarqué mes livres,
254 d’œil furtif j’avais remarqué mes livres, lorsque sa femme entra en nous saluant d’une mélodieuse formule hongroise. La pr
255 prenant le café, puis s’excuse d’avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femme me promènera dans Buda, et me fera visit
256 ’excuse d’avoir à regagner sa banque : d’ailleurs sa femme me promènera dans Buda, et me fera visiter le Musée, — à ce soi
257 c, descend, s’éloigne dans la neige bien gelée où ses pas, lentement s’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors d’un
258 stes de votre rencontre, ne perd-il pas un peu de son mystère si l’on songe que la femme du banquier était lectrice de roma
15 1946, Articles divers (1941-1946). Penser avec les mains (janvier 1946)
259 t temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et son lecteur à son confort. Vaine et mauvaise toute
260 aine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et son lecteur à son confort. Vaine et mauvaise toute œuvre qui ne te saisit
261 re qui laisse son auteur intact, et son lecteur à son confort. Vaine et mauvaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme ave
262 r qu’à la remorque d’événements qui n’ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif de c
16 1946, Articles divers (1941-1946). Les quatre libertés (30 mars 1946)
263 s avait énoncées le premier au début de 1942 dans son discours sur l’état de l’Union : « freedom of speech, freedom of reli
264 oins trois libertés sur quatre, avec l’espoir que ses enfants les recevront plus tard — données par qui ? Sommes-nous voués
265 prix de la liberté, qui sera toujours : payer de sa personne. Un homme libre, c’est un homme courageux, non pas un homme
266 ire : « X… est un esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni des Soviets, ni de la
267 , et surtout pas de leurs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine, sou
268 urs experts. Il la tient de sa vision seule et de son courage de lutter pour la joindre. Lénine, sous le tsarisme, était pl
269 e qu’un citoyen américain qui tourne le bouton de sa radio. Ils combattaient. q. Rougemont Denis de, « Les quatre liber
17 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La pensée planétaire (30 mars 1946)
270  ?) Je parlais d’une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse et la r
18 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : La paix ou la bombe (20 avril 1946)
271 d’entre elles, Bombe en main, essaiera d’imposer sa paix à toutes les autres. (Inutile même de la nommer.) Il est évident
272 les peuples se révolteront contre cette nation et son régime, tôt ou tard. Il est évident que si l’on continue à penser com
273 s refusez de faire le choix de la paix, parce que ses moyens vous déplaisent. Mais en refusant de choisir la paix, vous vot
19 1946, Articles divers (1941-1946). Dialogues sur la bombe atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)
274 tardif de notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cett
275 ire de cette arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bomb
276 ien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous fau
20 1946, Articles divers (1941-1946). Faut-il rentrer ? (4 mai 1946)
277 de partir. Je vois les avantages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imaginer. Cela se disc
278 hésiter : il ne s’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir le nomadisme per
279 choisir une terre et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir le nomadisme permanent et l’exil par principe
280 . Le mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de couper les ponts, de brûler les pén
281 elon l’arithmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terr
282 evient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout l
283 de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces ba
21 1946, Articles divers (1941-1946). « Selon Denis de Rougemont, le centre de gravité du monde s’est déplacé d’Europe en Amérique » (16 mai 1946)
284 avec ce sens de l’équilibre et de la mesure dont ses ouvrages portent l’empreinte. Le prochain aussi, ce Vivre en Amériqu
285 Américain s’achète une bonne conscience en payant son dû à l’État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est
286 ence en payant son dû à l’État. J’admire beaucoup son sens civique. Quand le citoyen est discipliné, il n’a pas pour autant
287 iquait en ces termes : « Être decent, c’est tenir sa parole et se tenir propre soi-même »… Quant à la masse du centre du p
288 titue un excellent poste d’observation, parce que ses habitants y viennent de partout, de toutes les Amériques et de tous l
289 rlant, l’ouvrier américain est un bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou un appartement avec salle de bains. Dans les gr
290 rier américain est un bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou un appartement avec salle de bains. Dans les grandes villes
291 pénétrée, il s’est mêlé à elle, il s’est donné à son expérience créatrice. L’auteur de Politique de la personne , de Pen
292 t l’Occident , de tant d’autres œuvres auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau de vie, de foi et de vérité, doit êt
293 utres œuvres auxquelles sa personnalité a imprimé son sceau de vie, de foi et de vérité, doit être classé à l’opposé absolu
294 t la sanglante tragédie, Denis de Rougemont, dans son Journal d’Allemagne , définissait le national-socialisme, « phénomèn
22 1946, Articles divers (1941-1946). Histoire de singes ou deux secrets de l’Europe (16 mai 1946)
295 de fatalité pour l’homme qui ne recule pas devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix. Laissons l’Histoire
296 devant sa liberté, et qui accepte les risques de son choix. Laissons l’Histoire telle qu’on la simplifie en courbes ascend
297 travaux sur les réflexes conditionnés des chiens. Ses disciples ont passé des chiens aux singes. On prend dix singes, on le
298 sent que le sort, la science, le monde moderne et sa prospérité ne sont pas les garants infaillibles d’un bonheur qui lui
23 1946, Articles divers (1941-1946). La pensée planétaire (30 mai 1946)
299  ?) Je parlais d’une conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord sentir. Et qu’aussitôt la presse, et la
24 1946, Articles divers (1941-1946). La fin du monde (juin 1946)
300 s autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre mort, de la mienne. Et non plus, à mon sens, de la méditation
301 d’une impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce serait aussitôt mourir.
302 ndre le mot penser dans son sens fort. Car penser sa mort réellement, ce serait aussitôt mourir. Peut-être avons-nous là l
303 ne perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son application ne puisse être ni rapportée ni répétée. Perfection et Mor
304 devant ma mort. De là vient que l’humanité, dans son ensemble, résiste instinctivement à la pensée de la Fin, refuse de to
305 ctivement à la pensée de la Fin, refuse de toutes ses forces de la « réaliser », bien plus, s’applique à la disqualifier, à
306 que le temps va toujours dans le même sens : vers sa fin. Mais c’est une mauvaise raison. Depuis qu’il court ainsi, mesuré
307 nous endort bien plutôt qu’il ne nous avertit de son but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa
308 but. Si l’homme savait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et
309 avait un jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritab
310 œil nu, leur sens dernier et l’enjeu véritable de ses choix, à qui reviendrait l’empire de ce monde ? À l’Ecclésiaste ou au
311 pacité où se trouve l’homme à penser concrètement sa fin ? D’où vient qu’imperceptible encore au plus grand nombre, à tous
312 . La crise Le Bas-Empire ne fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’une réalité nouvelle illuminait. Sans l
313 s-nous du sens de notre civilisation ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons détr
314 tion ? Quelle est sa fin, dès l’origine, quel est son rêve ? La grandeur ? Nous avons détruit toute mesure, et plus rien n’
315 a terre entière de barrières destinées à protéger sa course. L’amour ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues, des m
316 te l’Occident depuis des siècles. Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il faiblit, il ne couvre plus toute l’étendue de la
317 ne contre elle. Nous voulons échapper au temps, à sa menace, mais c’est peut-être le meilleur ou le seul moyen d’anticiper
318 eut-être le meilleur ou le seul moyen d’anticiper sa fin : la fin du temps, la Fin du Monde. Car il se peut que l’assuranc
319 . Car, tandis que le temps s’écoule, à mesure que sa fin s’approche, notre foi diminue, notre attente faiblit. La primitiv
320 vertissement Votre refuge est dans la masse et son Histoire. Vous vous dites en secret qu’elle ne peut pas mourir, et il
321 possède pas de vie réelle, et ne peut donc penser sa fin, ni rien. Elle ne peut être en soi pensée, et l’homme en elle res
322 té, jusqu’au jour où la Fin le pense. Et c’est là son tragique et l’humour de la Fin. Tout ce qui est réel, tout ce qui man
323 s la majorité sut garder l’air de ne pas croire à sa mort proche, — cet air petit. On en reviendrait bien, de cette fin du
324 tôt mille ans, l’An Mil était passé — « et toutes ses prières perdues ! » — mais ils savaient que rien ne peut finir tout à
325 s que c’est la seule Présence qui est terrible en sa splendeur et difficile à supporter, le seul Amour apparaissant qui me
326 agrandissement de la lumière jusqu’aux limites de sa perfection, où tout ce qui voit éclaire aussi, où tout œil rend ce qu
327 cond jugement. Chaque homme poussé à la limite de son expression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cria le
328 xpression, et chaque homme forcé à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce c
329 à l’extrémité de son choix, cria le « terme » de sa vie, la proféra tout entière dans ce cri, réponse unique à l’éternell
330 unique à l’éternelle sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son sav
331 le sommation, somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus,
332 somme absolue de ses journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveugle
333 es journées et de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendr
334 de ses nuits, de ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ain
335 e ses pensées et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut décl
336 et de ses gestes, de son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’incompa
337 son savoir, de ses refus, de ses aveuglements, de sa tendresse. C’est ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de son
338 ainsi que fut déclarée l’incomparable qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait libreme
339 qualité de son péché et mesuré le degré d’être de son être tel qu’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen des rais
340 ent nu. Il désirait un palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse errante, empruntant la forme
341 runtant la forme des joies qu’il rencontrait ; et son désir ainsi fut exaucé. Un autre voulait vivre abondamment au sein d’
342 int soleil. Et quel est celui qui s’approche avec son parapluie mal fermé sous le bras, et des lunettes bourrues au-dessus
343 fervente ironie ? Qu’est-ce qu’il grommelle sous son chapeau de paille ?14 « Qu’il voudrait subsister dans ce moment du ch
344 Troisième jugement, ou le pardon Toute chose a son lieu, maintenant, toute chair a son temps, tout esprit son essor. Et
345 Toute chose a son lieu, maintenant, toute chair a son temps, tout esprit son essor. Et chacun de nous accède au destin qu’i
346 maintenant, toute chair a son temps, tout esprit son essor. Et chacun de nous accède au destin qu’il s’est fait, à la parf
347 est fait, à la parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte
348 parfaite possession de soi-même, à son enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte inconcevable du
349 enfer ou à son ciel, dans la consommation de tout son être, au faîte inconcevable du désir comblé, et comblé pour l’éternit
350 enheureuse du mot sacrement de toute la création, son terme monumental à la gloire du Dieu Tout-Puissant, — l’Amen du Temps
25 1946, Articles divers (1941-1946). Deux lettres sur le gouvernement mondial (4 juin 1946)
351 ait se passer de ces deux ministères, en vertu de sa définition. De plus, comment imaginer un pouvoir digne de ce nom, s’i
352 vements « d’union sacrée » où chacun s’écria dans sa langue « right or wrong, my country ! » Mais le gouvernement mondial,
353 ndial, où trouvera-t-il cet Autre indispensable à son prestige ? Je parie que vous venez de penser à la planète Mars, et à
354 e qu’un pouvoir planétaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je per
355 e relation que le premier venu peut détecter dans sa conscience, et sans autre instrument qu’un peu de sincérité. Les nati
356 de n’importe quoi. Il ajoute que ma lettre, dans sa forme, est « nettement péjorative vis-à-vis de l’armée, de la cavaler
357 dre ». Ce colonel m’a donné une idée. En reposant sa lettre je me suis écrié : « Vivement la Bombe ! Suprême élément d’ord
358 es-lui que je respecte la cavalerie : elle a fait ses preuves sous Murat. Mais revenons au xxe siècle. L’idée que les nati
359 r, en même temps que toutes les autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des Affaires étrangères ? E
360 mps que toutes les autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des Affaires étrangères ? Et ne pensez-v
361 autres nations, à son armée, à ses douaniers et à son ministère des Affaires étrangères ? Et ne pensez-vous pas que si le g
362 alité d’une nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d’après un modèle uniforme, qu’il s’agisse d’une nation lati
26 1946, Articles divers (1941-1946). L’Américain croit à la vie, le Français aux raisons de vivre (19 juillet 1946)
363 ent un étranger Le grand bourgeois de Paris et ses fils, lorsqu’ils rencontrent une tête nouvelle, ne sourient guère. Il
364 éclair. L’Américain s’ouvre, au contraire, comme sa bouche sur des dents éclatantes, et comme s’il n’avait attendu que vo
365 rivée, justement, pour donner enfin libre cours à ses puissances instinctives de cordialité et d’hospitalité. Comment il
366 , l’Américain vous dit votre prénom, vous raconte sa vie sentimentale et l’état de ses affaires, enfin vous invite pour un
367 om, vous raconte sa vie sentimentale et l’état de ses affaires, enfin vous invite pour un week-end. Pendant vingt ans, le F
368 dira Monsieur, fera l’impossible pour vous cacher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’il est pauvre, sa vie privée e
369 ible pour vous cacher sa richesse s’il est riche, sa pauvreté s’il est pauvre, sa vie privée en général, et ne vous rencon
370 esse s’il est riche, sa pauvreté s’il est pauvre, sa vie privée en général, et ne vous rencontrera qu’au café. Mais en Fra
371 ieur français, débarquant à New York, déclare que son pays vient de construire l’avion le plus rapide du monde. L’industrie
372 le génie américain ; mais aussitôt il généralise son invention, son prototype ; c’est à ses yeux un stade atteint et dépas
373 cain ; mais aussitôt il généralise son invention, son prototype ; c’est à ses yeux un stade atteint et dépassé, c’est comme
374 généralise son invention, son prototype ; c’est à ses yeux un stade atteint et dépassé, c’est comme si tous les avions de s
375 planète proprement stupéfiante par la densité de ses inventions, tandis que l’Amérique vue d’Europe stupéfie par sa produc
376 , tandis que l’Amérique vue d’Europe stupéfie par sa production standardisée. C’est que l’Européen s’ennuie plus vite et s
377 d’homme la plus sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses romans à succès et ses prod
378 s sérieuse de la planète. Cependant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses romans à succès et ses produits d’exporta
379 pendant ses chansons, son théâtre d’avant-guerre, ses romans à succès et ses produits d’exportation, humains ou commerciaux
380 on théâtre d’avant-guerre, ses romans à succès et ses produits d’exportation, humains ou commerciaux, le font passer pour p
381 uf fois sur dix, bien plus près du Méridional par son goût de l’exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur commu
382 t de l’exagération — Tartarin serait bien épaté — son humeur communicative, et son insouciance lyrique. Ses chansons déchir
383 serait bien épaté — son humeur communicative, et son insouciance lyrique. Ses chansons déchirantes de sentimentalisme ne t
384 humeur communicative, et son insouciance lyrique. Ses chansons déchirantes de sentimentalisme ne traduisent que ses rêverie
385 déchirantes de sentimentalisme ne traduisent que ses rêveries, dans un style emprunté aux nègres. Mais sa vie amoureuse et
386 rêveries, dans un style emprunté aux nègres. Mais sa vie amoureuse et sexuelle me paraît fort peu romantique. On compare l
27 1946, Articles divers (1941-1946). En 1940, j’ai vu chanceler une civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne et New York (21 septembre 1946)
387 mense lumière de la liberté atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux se
388 té atlantique, avec tous ses drapeaux claquant et ses rues débouchant sur le ciel, la ville aux sent collines renie la guer
389 gne de cendre et d’esprit, incapable de retrouver son équilibre entre le démoniaque et le surhumain. Et j’ai vu, aux fronti
390 homme à l’anonyme, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence personnelle, cependant qu’on lui demande à
391 e, pour le priver du sentiment de sa vocation, de sa différence personnelle, cependant qu’on lui demande à chaque pas de p
392 pendant qu’on lui demande à chaque pas de prouver son identité. Or plus il en proteste et moins il s’en assure. Plus il la
393 récisément à l’émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi autou
394 celui qui s’éloigne de ses bases, des réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et l’assurait quot
395 -cagoulard, ayant raconté, non sans verve comment ses camarades et lui-même, avant la guerre, organisaient des dépôts de mi
396 lui répondit avec un demi-sourire et sans retirer son mégot, que de l’autre côté on savait tout cela, et qu’au surplus, on
397 s de me faufiler, R. s’extrait du groupe, me cède sa place, et je l’entends dire à sa femme qui attendait un peu en arrièr
398 groupe, me cède sa place, et je l’entends dire à sa femme qui attendait un peu en arrière : « Rien de nouveau, c’est touj
399 çais trop cartésiens qui ont admis la défaite sur sa définition, — avant qu’elle fût définitive. 18 septembre 1940 Comment