1
avoir osé porter sur l’avenir immédiat de ce pays
un
jugement pessimiste. Les plus graves faiblesses, morales et matériell
2
la défense du territoire, proviennent chez nous d’
une
incapacité congénitale à prévoir le pire, à l’admettre, et à se prépa
3
de ce xxe siècle. C’est que nous sommes devenus
un
peuple de bourgeois. L’ère de la bourgeoisie, ère du « confort modern
4
liste, prolonge encore dans la vie de nos cantons
une
existence condamnée ailleurs par des faits que je n’ai pas à rappeler
5
nos cantons une existence condamnée ailleurs par
des
faits que je n’ai pas à rappeler. La faiblesse du bourgeois réside da
6
s dépasse » par en haut comme par en bas, traduit
un
seul et même refus de voir le monde tel qu’il est : pécheur et rachet
7
r l’Europe en pleine révolution. Il a montré l’un
des
premiers, chez nous, que la vraie fin, même inconsciente de l’étatism
8
issons tout cela et avançons ! La claire vision d’
un
but commun et d’un péril qui se désigne lui-même comme total (ou tota
9
avançons ! La claire vision d’un but commun et d’
un
péril qui se désigne lui-même comme total (ou totalitaire) doit bien
10
bien suffire à fédérer nos vérités partielles en
une
force vivante. Allons-y viribus unitis ! Car cela est clair : ni les
11
a plus tard. Faisons d’abord en sorte qu’il y ait
un
« plus tard ». En campagne, le jour de la capitulation de la Hollan
12
pour y rêver, mille pour y souffrir, il n’y a qu’
un
Amant : tu t’égares, il s’enfuit. — « En vérité, vous vous cherchiez
13
our aux chambres vides, dans la sonorité glaciale
des
appartements du Pouvoir. Lui, la voyant passer, s’offusque, ou c’est
14
oix venait du parc ? — Es-tu bien sûr que c’était
une
voix ? Ils y couraient. La nuit pleuvait dans les futaies épaisses, e
15
Palais disparu, les jardins dévastés, il est vêtu
des
voiles, elle tremble nue. — Où se cacher encore ? dit-elle. — Dans te
16
t, plus il luttait contre la vie, plus il vivait.
Un
soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis un homme heureux, j
17
soir, émerveillé de la revoir, il dit : — Je suis
un
homme heureux, j’ai su choisir la pierre de mes vœux, car seul j’ai d
18
puis te toucher, mais la chaleur est bonne. Tout
un
hiver, il vécut de ce feu. Le printemps vint. — Aurai-je encore besoi
19
Et vois : quand il était heureux, elle luisait d’
une
froide splendeur, et quand il était triste, elle était consolante. Ma
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aussi ton Bien. Veux-tu davantage ? Voici, l’une
des
deux pierres sera ta pierre de Mort, si tu la choisis seule, et ne ve
21
là. Vous savez que c’est compliqué, ce bâtiment.
Des
couloirs et des escaliers partout, un labyrinthe. Je suivais les tapi
22
que c’est compliqué, ce bâtiment. Des couloirs et
des
escaliers partout, un labyrinthe. Je suivais les tapis rouges, et les
23
bâtiment. Des couloirs et des escaliers partout,
un
labyrinthe. Je suivais les tapis rouges, et les lampes rouges, comme
24
es, et les lampes rouges, comme lorsqu’on choisit
une
couleur au jeu de cartes, rouge ou noir. J’arrive à la salle de lectu
25
J’arrive à la salle de lecture. Il n’y avait que
des
feuilles de papier blanc sur les tables, et tout le monde lisait. Je
26
ici ? Quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent d’
un
air vexé. Un valet s’approche rapidement et me dit à voix basse : — P
27
un l’a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé.
Un
valet s’approche rapidement et me dit à voix basse : — Puisque Monsie
28
es. Je ne savais plus que dire, parce que j’avais
une
chose à dire. D’ailleurs, même si je n’avais dit que : Fine day to da
29
i je n’avais dit que : Fine day to day, c’eût été
une
sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’
30
et soif, je ne rencontrais plus personne. Je suis
un
fumeur invétéré. Ma dernière cigarette était brûlée. Je me dis : — Pu
31
uve la porte du bureau directorial. J’entre comme
un
fou et je crie : — Pourquoi ? Le directeur était assis face à la port
32
n’avait rien entendu. Nous nous sommes dévisagés
un
certain temps ; je ne trouvais pas son regard, il me semblait que ce
33
par-derrière, je ne puis l’expliquer autrement. D’
une
certaine manière, c’était mon propre, regard qui traversait ses yeux
34
oser de questions. Car si vous me dites que c’est
une
vraie balle que j’ai dans le cœur, il est évident que je suis mort. E
35
nt la guerre de 1914, l’empereur Guillaume II fit
une
visite au gouvernement suisse. Au cours des manœuvres militaires, il
36
I fit une visite au gouvernement suisse. Au cours
des
manœuvres militaires, il dit à un soldat : « Vous êtes 500 000 hommes
37
isse. Au cours des manœuvres militaires, il dit à
un
soldat : « Vous êtes 500 000 hommes, et vous tirez bien ; mais si nou
38
us tirez bien ; mais si nous vous attaquions avec
un
million d’hommes, que feriez-vous ? » — « Chacun de nous tirerait deu
39
référa passer par la Belgique. La Suisse est l’un
des
pays qui a le mieux résolu l’urgent problème de la défense de la démo
40
ense de la démocratie, sans toutefois tomber dans
une
mobilisation totalitaire. Voici les faits : Avec une population de 4
41
mobilisation totalitaire. Voici les faits : Avec
une
population de 4 millions et demi d’habitants, la Suisse a une armée d
42
on de 4 millions et demi d’habitants, la Suisse a
une
armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7 est un soldat. La même pro
43
bitants, la Suisse a une armée de 600 000 hommes.
Un
habitant sur 7 est un soldat. La même proportion donnerait aux États-
44
ne armée de 600 000 hommes. Un habitant sur 7 est
un
soldat. La même proportion donnerait aux États-Unis une armée de 20 m
45
ldat. La même proportion donnerait aux États-Unis
une
armée de 20 millions d’hommes. Mais nulle part les coutumes et les in
46
pour la première fois de la domination médiévale
des
seigneurs, leur armée a été un groupement de citoyens libres, posséda
47
ination médiévale des seigneurs, leur armée a été
un
groupement de citoyens libres, possédant chacun ses propres armes et
48
nt militaire. C’est ainsi qu’on peut souvent voir
un
paysan, assis sur le seuil de sa porte, polissant et graissant son fu
49
poque, l’« homme libre », — celui qui n’était pas
un
serf, — se distinguait par ce fait : il avait le droit de porter des
50
inguait par ce fait : il avait le droit de porter
des
armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme un symbole de leur l
51
armes. Les Suisses considèrent leurs armes comme
un
symbole de leur liberté. Les libertés civiques et l’esprit militaire
52
par chaque citoyen de ses propres armes, montre d’
une
façon concrète que l’État lui fait confiance. Imaginez ce qui arriver
53
riverait dans certains États modernes, en proie à
des
luttes sociales ou politiques, si les soldats démobilisés avaient le
54
oldats, en échange de leurs fusils, par crainte d’
une
révolution. Hitler fit désarmer ses propres troupes de choc, après l’
55
puration du 30 juin 1934, leur laissant seulement
un
poignard décoratif. La possession par chacun de ses propres armes a é
56
ssion par chacun de ses propres armes a également
une
importance technique qui n’est nullement à négliger. C’est le seul mo
57
llement à négliger. C’est le seul moyen d’assurer
une
mobilisation ultrarapide. Et c’est la défense la plus adéquate contre
58
éfense la plus adéquate contre les parachutistes.
Une
coutume médiévale est devenue, ainsi, la méthode la plus moderne de d
59
suisse et le secret de sa popularité… L’armée est
un
lien non seulement entre les individus, mais aussi entre les classes.
60
elle et les faiblesses de son voisin, de se faire
des
amitiés. Une égalité complète existe dans les baraquements. Cet entra
61
aiblesses de son voisin, de se faire des amitiés.
Une
égalité complète existe dans les baraquements. Cet entraînement inten
62
urcis et chargés d’expérience que la vie paisible
des
villes ou des villages ne leur aurait pas donné en dix ans. Ces 3 moi
63
és d’expérience que la vie paisible des villes ou
des
villages ne leur aurait pas donné en dix ans. Ces 3 mois sont un puis
64
leur aurait pas donné en dix ans. Ces 3 mois sont
un
puissant tonique pour la jeunesse suisse et la durée relativement cou
65
vie civile. L’insuffisance technique résultant d’
une
si brève période de service est compensée par un entraînement annuel.
66
une si brève période de service est compensée par
un
entraînement annuel. La vie civile également apporte au citadin de fr
67
chaque village, dans chaque club de tir, on voit
des
« cercles d’amis » pour officiers et sous-officiers. L’officier suiss
68
. L’officier suisse est, dans la plupart des cas,
un
civil, comme tout le monde. Entre les manœuvres annuelles, il consacr
69
ques heures par semaine à ses devoirs militaires.
Un
capitaine, par exemple, dans la vie civile, surveille sa compagnie :
70
urs de ces hommes vont vers lui pour lui demander
un
conseil ou pour les aider à trouver du travail. Tous le considèrent c
71
r du travail. Tous le considèrent comme le chef d’
une
famille de 200 hommes. Le Haut-Commandement de l’armée en Suisse a pr
72
1930 déjà, que la prochaine guerre ne serait pas
une
guerre de « fronts », et qu’une défense en profondeur devait être org
73
rre ne serait pas une guerre de « fronts », et qu’
une
défense en profondeur devait être organisée, constituée par des « nid
74
profondeur devait être organisée, constituée par
des
« nids » offrant une résistance locale et soigneusement équipés. C’es
75
re organisée, constituée par des « nids » offrant
une
résistance locale et soigneusement équipés. C’est ainsi que les Suiss
76
défense, selon sa topographie et ses ressources.
Des
petits corps d’armée surgissent en certains points pour défendre les
77
e les profondes vallées et pour barrer le paysage
des
gorges étroites. Si l’ennemi est trop puissant, des renforcements son
78
s gorges étroites. Si l’ennemi est trop puissant,
des
renforcements sont demandés aux voisins, suivant des plans préétablis
79
renforcements sont demandés aux voisins, suivant
des
plans préétablis. Nous trouvons ainsi à la base de l’organisation mil
80
et en forts pour défendre les principaux passages
des
Alpes. Ce sont des brigades de montagne, constituées par des spéciali
81
fendre les principaux passages des Alpes. Ce sont
des
brigades de montagne, constituées par des spécialistes du ski et de l
82
Ce sont des brigades de montagne, constituées par
des
spécialistes du ski et de l’alpinisme, et des brigades indépendantes
83
par des spécialistes du ski et de l’alpinisme, et
des
brigades indépendantes pour défendre les frontières. Ces troupes de c
84
’ils défendent. Il n’est pas besoin de leur faire
des
discours. L’un de ceux qui écrivit cet article fut mobilisé en 1939,
85
x qui écrivit cet article fut mobilisé en 1939, à
un
poste-frontière du Jura. Il pouvait voir, à travers ses jumelles, un
86
du Jura. Il pouvait voir, à travers ses jumelles,
un
champ, à 3000 pieds au-dessous, et parfois attraper le clair reflet d
87
au-dessous, et parfois attraper le clair reflet d’
une
robe d’été et imaginer qu’il reconnaissait ses enfants. De telles cho
88
s. De telles choses comptent dans la guerre. Mais
une
petite armée peut-elle défendre avec succès un pays contre un adversa
89
s une petite armée peut-elle défendre avec succès
un
pays contre un adversaire cinquante fois mieux équipé ? Le premier ac
90
mée peut-elle défendre avec succès un pays contre
un
adversaire cinquante fois mieux équipé ? Le premier acte du « blitzkr
91
ue les troupes peuvent être déplacées sans l’aide
des
voies ferrées. La seconde phase du « blitzkrieg » est la trouée du te
92
montagnes. Chaque village de la Suisse est devenu
un
fort, ses entrées fermées par des barricades et les maisons transform
93
uisse est devenu un fort, ses entrées fermées par
des
barricades et les maisons transformées en des forteresses en miniatur
94
par des barricades et les maisons transformées en
des
forteresses en miniature. Vous ouvrez la porte de quelque grenier et
95
de quelque grenier et vous vous trouvez en face d’
un
canon anti-tank, protégé par un mur en ciment. Une poussée rapide de
96
trouvez en face d’un canon anti-tank, protégé par
un
mur en ciment. Une poussée rapide de divisions motorisées pourrait se
97
un canon anti-tank, protégé par un mur en ciment.
Une
poussée rapide de divisions motorisées pourrait seulement se faire en
98
uves, les vallées et les gorges sont protégés par
des
canons cachés dans les parois rocheuses. Dans chaque « compartiment »
99
u territoire suisse, l’ennemi aurait à développer
une
attaque en règle. Il ne serait nullement question d’avancer rapidemen
100
de la victoire allemande ont renforcé la volonté
des
Suisses de se défendre. Le contact entre les hommes et le sol, entre
101
nt parce que ses voisins comprirent que ce serait
un
« morceau dur à avaler », et parce qu’il était celui qui a, dans ses
102
unités de l’armée doivent ralentir la pénétration
des
frontières, d’autres doivent défendre les vallées partant du Gothard.
103
Suisses pourraient tenir, sans espérer toutefois
une
victoire, mais ils sauveront du moins l’honneur du pays. Des extraits
104
e, mais ils sauveront du moins l’honneur du pays.
Des
extraits d’un récent discours prononcé à Berne par un colonel, devant
105
veront du moins l’honneur du pays. Des extraits d’
un
récent discours prononcé à Berne par un colonel, devant un grand publ
106
xtraits d’un récent discours prononcé à Berne par
un
colonel, devant un grand public, montre l’état d’esprit actuel de la
107
discours prononcé à Berne par un colonel, devant
un
grand public, montre l’état d’esprit actuel de la Suisse. Le vrai Co
108
» La liberté individuelle ne pourra survivre dans
un
État qui ne défend pas son indépendance. Mais au-delà de tout calcul
109
u-delà de tout calcul de gain ou de perte, il y a
des
valeurs morales. Il y a l’idée fédéraliste que nous devons conserver
110
’idée fédéraliste que nous devons conserver comme
un
héritage à nos descendants. Voilà pourquoi nous croyons en Dieu et no
111
Voilà pourquoi nous croyons en Dieu et non pas en
un
homme qui prétend être adoré comme un Dieu. c. Rougemont Denis de
112
non pas en un homme qui prétend être adoré comme
un
Dieu. c. Rougemont Denis de, « La leçon de l’armée suisse », Jour
113
à certains de s’oublier jusqu’à donner de l’amour
une
ou plusieurs définitions. Ah ! puissions-nous aimer l’amour assez pou
114
méfiance ou à cette avarice anxieuse. Mais il est
une
manière imaginable de parler de l’amour sans malice : c’est de former
115
thmes de phrases où l’indicible jette par moments
une
espèce d’émotion ou de gêne, non qu’il soit dit ni même décrit par al
116
annoncée par certain frémissement de l’assemblée
des
mots qui font la cour : le Roi s’approche. Toute éloquence est amour
117
us apprend à sa manière que l’amour est le lieu d’
un
mutisme sacré. Angérone, déesse du Silence : on croit qu’elle avait s
118
’approche de son terme. Quand le désir s’empare d’
un
homme, il arrive qu’il le rende muet. Il arrive même que le désir se
119
terme » où l’esprit se libère. La volupté serait
un
phénomène analogue à celui de l’hypnose : un état de l’âme ou de l’es
120
rait un phénomène analogue à celui de l’hypnose :
un
état de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers
121
tat de l’âme ou de l’esprit rétrécissant le champ
des
facultés vers un objet unique et dans une seule pensée — l’identifica
122
l’esprit rétrécissant le champ des facultés vers
un
objet unique et dans une seule pensée — l’identification, par la conq
123
e champ des facultés vers un objet unique et dans
une
seule pensée — l’identification, par la conquête chez l’un, par l’aba
124
ntes : l’extrême concentration de l’attention sur
un
objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’un ordre difficile, peut
125
ur un objet non corporel, œuvre d’art ou pensée d’
un
ordre difficile, peut échouer comme par court-circuit dans le plaisir
126
mme par court-circuit dans le plaisir ; tandis qu’
un
débauché vulgaire gémit d’avoir perdu la volupté. L’homme du désir :
127
a : regarder longtemps en silence, se perdre dans
des
yeux. (Certaines heures, soirs, aubes, passages.) L’ivresse naissante
128
res, soirs, aubes, passages.) L’ivresse naissante
des
amants, c’est le silence qui s’établit entre eux. L’approche des yeux
129
st le silence qui s’établit entre eux. L’approche
des
yeux, dès qu’ils ont accepté tout le regard de l’autre : sentiment co
130
aines secondes, elle dépasse le temps, s’approche
des
bords d’une immobilité sans fond où elle se penche… Maintenant un seu
131
es, elle dépasse le temps, s’approche des bords d’
une
immobilité sans fond où elle se penche… Maintenant un seul œil est vi
132
mmobilité sans fond où elle se penche… Maintenant
un
seul œil est visible dans ce visage décomposé en ombres et lueurs len
133
omposé en ombres et lueurs lentement mouvantes, —
un
seul œil par où toute l’âme regarde et supplie avec une impérieuse te
134
ul œil par où toute l’âme regarde et supplie avec
une
impérieuse tendresse. De plus près encore, l’œil vient à perdre toute
135
l. Dans le silence du désir, la possession a fait
une
brusque rumeur de vagues affrontées et hostiles. Maintenant, l’onde l
136
et hostiles. Maintenant, l’onde lisse et basse d’
un
temps nouveau nous environne. Ceux qui n’aiment point la femme qu’ils
137
violent amour qu’il nous est accordé de concevoir
un
absolu, mais sous la forme de l’inaccessible. Atteintes enfin les lim
138
solitude égarée du couple, Éros pose en couronne
un
désespoir glacial : vous n’irez pas au-delà de votre union. Ô silence
139
vous n’irez pas au-delà de votre union. Ô silence
des
astres ! Fondues nos âmes ? Deux corps s’endorment dans leur paix, et
140
tout à fait, et ses yeux dans le noir imaginent.
Une
étreinte qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en un seul être, mais
141
étreinte qui s’égalerait à l’Infini. Se fondre en
un
seul être, mais que cet être accède ensuite au commerce de ses sembla
142
u’à son tour il les aime, les possède ! Ainsi par
une
suite de vertiges, multipliant la splendeur amoureuse, par mille étre
143
esprit se tourne vers les choses et les dénomme d’
un
regard. Un corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’incomme
144
ourne vers les choses et les dénomme d’un regard.
Un
corps auprès du mien respire, mémoire pesante de l’incommensurable nu
145
u terme de la fuite, nous ne toucherons jamais qu’
un
impossible fascinant. Et nous vivrons dès lors dans le vertige de nou
146
e. On voit soudain que le désir était le dialogue
des
corps, tandis que le plaisir est solitaire, instant où les amants son
147
ssent la conscience, et le sérieux, et la réalité
des
vies au jour. Nous sommes deux. Il n’y a que deux philosophies : cel
148
La gloire (mars 1943)e (Nous le connaissions
un
peu, et pensions le connaître. La lecture de ses papiers posthumes no
149
trahit son journal intime. Peut-être le secret d’
une
différence aussi curieuse est-il caché dans les passages de ces cahie
150
ontradictions. Mais c’est ce qui peut intéresser.
Une
attitude aussi profondément ambiguë, vis-à-vis de la gloire, n’est pa
151
ans entretenir les plus curieux malentendus entre
un
auteur et ses lecteurs. Or il se peut que ce soit l’attitude de la pl
152
’a pas trouvé de prochains, car il n’a cherché qu’
un
public. C’est le public qui donne la gloire à celui qui le méprise as
153
pas qu’elle a « perdu sa vie ». Liszt à la fin d’
un
concert triomphal, s’incline et prononce à mi-voix : « Je suis le ser
154
amais la foule n’a jugé ridicule que l’on affiche
un
amour de la gloire même excessif pour le talent qu’on a. La foule ne
155
nge le jugement sur la gloire. La gloire est donc
un
mythe : j’entends que son pouvoir et sa grandeur ne dépendent d’aucun
156
tia famam. Toute gloire est donc aliénée. Celle d’
un
Chateaubriand n’est pas à lui, ni à son œuvre, mais au public qui la
157
? Et l’orgueilleux que je suis, ne donne-t-il pas
une
preuve d’amour à son audience en exigeant d’elle plus de noblesse ? D
158
us néglige, vous qui donnez la gloire pour prix d’
une
complaisance. Mais c’est dire aussi : je vous aime, puisque je vous v
159
elui qui ne veut pas la gloire telle que la donne
une
foule à qui la flatte, n’est-ce pas qu’il veut la gloire telle que lu
160
ve siècle.) Le besoin de la gloire est donc né d’
une
sorte de maladie du sens social. C’est le contraire de l’amour du pro
161
ulement du voisin qu’il peut utiliser. Il cherche
des
admirateurs, des confirmateurs de son être. C’est que l’acte de s’éca
162
qu’il peut utiliser. Il cherche des admirateurs,
des
confirmateurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’une commun
163
eurs de son être. C’est que l’acte de s’écarter d’
une
communion ou d’une communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve a
164
’est que l’acte de s’écarter d’une communion ou d’
une
communauté, écarte aussi de soi, et l’on éprouve alors le besoin de s
165
on éprouve alors le besoin de se faire confirmer.
Un
homme en communion active avec les hommes qui l’entourent ne songerai
166
c’est ce que donne la foule qui fait la gloire d’
un
homme.) La gloire antique était virile, comme le don. Alexandre exemp
167
ommet. Sa gloire était dans son destin, gagée par
une
mesure universelle que ses actions comblaient exactement. Mais notre
168
Mais notre gloire ne saurait être mesurée : c’est
une
rumeur, c’est une publicité, une espèce d’inflation provisoire. Elle
169
ne saurait être mesurée : c’est une rumeur, c’est
une
publicité, une espèce d’inflation provisoire. Elle n’est pas grande,
170
mesurée : c’est une rumeur, c’est une publicité,
une
espèce d’inflation provisoire. Elle n’est pas grande, mais exagérée,
171
uels moyens elle fut acquise : toujours au prix d’
une
vulgarité. (Zones de bassesse chez d’Annunzio ; c’est là, non pas dan
172
oire.) Et cependant, je me suis surpris à désirer
une
gloire qui ne m’ennuierait pas. Non point la leur, mais celle que je
173
elle que je la connais depuis toujours, moi seul.
Un
dieu n’a pas besoin d’adorateurs pour rayonner et se réjouir de son ê
174
ir de son être. Oui, c’est bien là le privilège d’
un
dieu. Et la vraie gloire. Qu’est-ce que l’incognito ? Il y a là quel
175
débarrasser serait d’en parler ouvertement. Comme
un
menteur qui dirait : « Je vous avertis que je vais mentir, pour telle
176
. Vous savez ce que je suis, et si vous appreniez
un
jour que j’ai de la gloire, que sauriez-vous alors d’essentiel que dè
177
veux-je cette erreur-là ? Certes — mais non comme
une
erreur —, je veux cela. Qu’est-ce donc que « gloire », dont la pronon
178
me sauve malgré moi de mon triomphe. Il n’y a qu’
un
seul Dieu, celui qui dit Je suis. Ce sera Dieu, ou ce sera moi. Si c’
179
L’Amérique m’a fait prendre conscience de bien
des
choses qui allaient de soi dans notre Europe, et qui me sont révélées
180
s, je suis frappé par le souci qu’y montre Gide d’
une
écriture durable et d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec
181
ouci qu’y montre Gide d’une écriture durable et d’
une
œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec une tradition que pour en
182
d’une œuvre d’avenir. Il n’accepte de rompre avec
une
tradition que pour en fonder une nouvelle, qui se révélera sans doute
183
e de rompre avec une tradition que pour en fonder
une
nouvelle, qui se révélera sans doute conforme à la tradition de la la
184
us vivace. Gide craint d’inclure l’actualité dans
un
ouvrage, parce que c’est elle qui risque de vieillir en premier lieu.
185
r craindre les atteintes du temps. On n’écrit pas
un
livre pour qu’il dure, en Amérique, mais d’abord pour qu’il frappe et
186
ximum, dans le plus court délai. Signe de santé d’
une
culture. Le journaliste est l’homme pour qui le lendemain n’existe pa
187
un reproche. Car l’Amérique a fait du journalisme
un
art par une révolution trop ignorée de l’Europe. Un art qui n’exclut
188
. Car l’Amérique a fait du journalisme un art par
une
révolution trop ignorée de l’Europe. Un art qui n’exclut pas une poés
189
art par une révolution trop ignorée de l’Europe.
Un
art qui n’exclut pas une poésie très drue, et qui possède une rhétori
190
trop ignorée de l’Europe. Un art qui n’exclut pas
une
poésie très drue, et qui possède une rhétorique, un « art de persuade
191
n’exclut pas une poésie très drue, et qui possède
une
rhétorique, un « art de persuader » étrangement efficace. La connaiss
192
poésie très drue, et qui possède une rhétorique,
un
« art de persuader » étrangement efficace. La connaissance de ses règ
193
t de composition. La rhétorique française veut qu’
un
discours, un essai ou un simple article, soient introduits par quelqu
194
ion. La rhétorique française veut qu’un discours,
un
essai ou un simple article, soient introduits par quelques précaution
195
orique française veut qu’un discours, un essai ou
un
simple article, soient introduits par quelques précautions verbales,
196
its par quelques précautions verbales, qui créent
une
atmosphère ou orientent l’esprit. La rhétorique américaine écarte ces
197
prudences et ces cérémonies. Elle considère comme
un
poids mort nos formules de présentation ou de congé. Un article de ma
198
ds mort nos formules de présentation ou de congé.
Un
article de magazine américain commence presque obligatoirement par un
199
ne américain commence presque obligatoirement par
une
anecdote étonnante, une énumération de faits bruts, ou quelques chiff
200
esque obligatoirement par une anecdote étonnante,
une
énumération de faits bruts, ou quelques chiffres impressionnants. C’e
201
el. L’article ensuite ne se déroulera pas suivant
un
plan logique, mais suivant la ligne de plus immédiate efficacité. Là
202
, le Human Touch, sont régulièrement préférés par
un
directeur de revue américaine à la « formule heureuse » condensant et
203
a « formule heureuse » condensant et généralisant
des
observations que l’on néglige de rapporter en détail. Au séminaire de
204
de Short Stories (histoires brèves, nouvelles) d’
une
grande université américaine, on enseigne aux étudiants à éviter tout
205
prouve au moment où ses semelles-crêpe marquent d’
une
empreinte poussiéreuse le moelleux tapis du hall d’entrée, etc. Exemp
206
apis du hall d’entrée, etc. Exemple caricatural d’
un
mode d’expression qui donnerait, avec beaucoup de talent, une page de
207
xpression qui donnerait, avec beaucoup de talent,
une
page de Faulkner, un poème ; avec moins de talent, un long roman. De
208
t, avec beaucoup de talent, une page de Faulkner,
un
poème ; avec moins de talent, un long roman. De cet ouvrage, la criti
209
age de Faulkner, un poème ; avec moins de talent,
un
long roman. De cet ouvrage, la critique américaine ne dira pas souven
210
it, mais plutôt : c’est effective, agissant. Et d’
une
idée l’on ne demandera pas seulement qu’elle soit juste, mais qu’elle
211
’elle soit inspiring, stimulante. Tout cela donne
une
littérature plus apte qu’aucune autre à l’expression du dynamisme ave
212
sensation et le sensationnel, elle fait preuve d’
un
incomparable pouvoir d’émotion. Mais elle attend encore son style int
213
Mémoire de l’Europe : Fragments d’
un
Journal des Mauvais Temps (septembre 1943)h I. — Le bon vieux te
214
Mémoire de l’Europe : Fragments d’un Journal
des
Mauvais Temps (septembre 1943)h I. — Le bon vieux temps présent
215
t au Hradschin Après Vienne, avec Prague, c’est
une
Europe qui vient de mourir. Europe du sentiment, patrie de nostalgie
216
de tous ceux qu’a touchés le romantisme — encore
un
paradis perdu ! Mais les vrais paradis seront toujours perdus : ils n
217
et la Vienne de Schubert — à l’heure où sombrent
des
nations sous l’uniforme barbarie — je les vois s’élever rayonnants da
218
ois s’élever rayonnants dans la lueur éternisée d’
un
soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante
219
un soir d’été, après l’orage, avant la nuit, dans
une
gloire déchirante et délicieuse comme les secondes voix de Schumann.
220
t délicieuse comme les secondes voix de Schumann.
Un
mythe nouveau prend son essor au sein même de la catastrophe. Tout un
221
nd son essor au sein même de la catastrophe. Tout
un
âge, un climat de musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéali
222
ssor au sein même de la catastrophe. Tout un âge,
un
climat de musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise. Un «
223
ues, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise.
Un
« bon vieux temps » de plus, tout près de nous… Le bon vieux temps, p
224
otre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’
un
coup, est encore plus proche : c’est l’an passé, c’est avant-hier, pe
225
rs du bon vieux temps européen. Jours de sursis d’
une
liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’elle était notr
226
s goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons
une
existence que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprou
227
? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans
une
ère étrange et brutale, où ces formes de vie qui sont encore les nôtr
228
stin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’
un
sursaut nous dresse à résister, il faudra changer le rythme et rectif
229
les ressorts, mobiliser les cœurs… C’est le crime
des
dictatures : elles ne tuent pas la liberté dans les pays seulement où
230
s aussi bien chez les voisins qu’elles secouent d’
un
défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle
231
ivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme
un
rêve, un rêve heureux où l’on circule avec aisance, gardant parfois l
232
tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve,
un
rêve heureux où l’on circule avec aisance, gardant parfois l’arrière-
233
c aisance, gardant parfois l’arrière-conscience d’
un
miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosph
234
’arrière-conscience d’un miracle. Elle est encore
une
œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosphère, par le charme qu’elle fa
235
l’atmosphère, par le charme qu’elle fait régner.
Des
lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’assurer : il y faut
236
t sentimental, cette espèce de naturel qui naît d’
une
entente tacite, d’une confiance, presque d’une insouciance… C’est tou
237
spèce de naturel qui naît d’une entente tacite, d’
une
confiance, presque d’une insouciance… C’est tout cela que vient de me
238
d’une entente tacite, d’une confiance, presque d’
une
insouciance… C’est tout cela que vient de mettre en question l’usurpa
239
e et goûte encore quelques instants les délices d’
un
rêve inachevé. Mais il sait bien que c’est fini. Brève dispense, le t
240
t bien que c’est fini. Brève dispense, le temps d’
un
peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans le
241
le grand jour du siècle mécanique, accepter pour
un
temps sa loi, en préservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit d
242
és aussi, qui ne retrouvent l’espoir qu’au seuil
des
catastrophes générales. Et j’en connais qui ne parviennent à leur rég
243
ne parviennent à leur régime normal de vie (comme
un
moteur prend son régime normal à tant à l’heure) que dans le drame et
244
à l’heure) que dans le drame et le bouleversement
des
habitudes où l’énergie s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montr
245
ent collectif. Je puis l’avouer parce que je suis
un
écrivain, Il est admis que ces gens-là ont le droit de dire — pour le
246
nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus,
une
petite dame assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre une pluie d’o
247
dame assise devant moi s’écrie, voyant s’abattre
une
pluie d’orage sur la Concorde : « Et moi qui ai oublié mon masque à g
248
1939 La grande ville traversée dans la fatigue d’
un
soir pluvieux. Paris, souffrance des visages et des corps, exercice p
249
la fatigue d’un soir pluvieux. Paris, souffrance
des
visages et des corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphè
250
n soir pluvieux. Paris, souffrance des visages et
des
corps, exercice perpétuel de charité dans une atmosphère exténuante,
251
et des corps, exercice perpétuel de charité dans
une
atmosphère exténuante, hâte, érotisme, énervement. Paris soudain cons
252
ituelle la plus extraordinaire du siècle ! Il est
des
êtres et des drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnem
253
us extraordinaire du siècle ! Il est des êtres et
des
drames dont la vérité n’apparaît que dans cet environnement de lueurs
254
roisements d’existences étrangères. Paris propose
une
liberté et un danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses
255
istences étrangères. Paris propose une liberté et
un
danger, une révélation totale de l’humain dans tous ses risques matér
256
rangères. Paris propose une liberté et un danger,
une
révélation totale de l’humain dans tous ses risques matériels et spir
257
eut-être à toute autre époque. Imaginer là-dessus
un
livre vrai, un livre où tout serait avoué, horreur et charme, à trave
258
e autre époque. Imaginer là-dessus un livre vrai,
un
livre où tout serait avoué, horreur et charme, à travers la vision d’
259
t avoué, horreur et charme, à travers la vision d’
un
saint qui vivrait sa vie consacrée dans les rues, les cafés, les métr
260
ortant de cette église ouverte, où passe le bruit
des
autobus ; ou bien de ce temple, un samedi soir, où la Sainte-Cène est
261
asse le bruit des autobus ; ou bien de ce temple,
un
samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans un silence de cataco
262
samedi soir, où la Sainte-Cène est partagée dans
un
silence de catacombes. Centre du monde ! Il s’en va, coudoyant la fou
263
e, l’Amour qui bouleverse le monde et fait surgir
des
quotidiennes apparences l’être touchant, bizarre ou monstrueux que c
264
ïr, ou d’être déçu par l’amour, ou de s’inquiéter
des
rumeurs qui glissent au travers de propos superficiellement passionné
265
re son vrai combat. III. — Pendant la bataille
des
Flandres En Suisse, 24 mai 1940. Poste militaire à la frontière Éc
266
ntière Écouté la radio : opéra de Mozart. Et dans
une
seule bouffée, toutes ces nuits de Vienne, élégantes passions égarées
267
ions égarées, musique aux jardins jusqu’à l’aube…
Un
quart de tour, nouvelles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’
268
’aube… Un quart de tour, nouvelles de la bataille
des
Flandres, c’est la fin d’un communiqué, régions perdues encore, régio
269
elles de la bataille des Flandres, c’est la fin d’
un
communiqué, régions perdues encore, régions perdues dans le passé et
270
rien dire ou faire qui s’accorde à ces temps ? «
Une
nuit viendra, pendant laquelle personne ne peut agir. » C’est quelque
271
qui peut-être ne viendront jamais ? Car la carte
des
pays libres, hier encore presque aussi vaste que la terre, se rétréci
272
t — pays perdus, souvenirs saccagés. S’il y avait
une
victoire enfin, ce serait un retour du passé. Vaudrait-il mieux qu’al
273
cagés. S’il y avait une victoire enfin, ce serait
un
retour du passé. Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions-nous mieux le
274
mais, ce bon vieux temps que je sentais présent —
un
an déjà ! comme dans les chansons — même si la guerre était gagnée, m
275
a bataille ? Ont-ils de ces retours soudains vers
des
moments de tendresse banale ? Ils deviendraient fous de révolte… Ils
276
n ont sûrement quand ils s’endorment épuisés, sur
un
talus, ou pire encore ! ils en ont au réveil, affreux bonheur d’une i
277
encore ! ils en ont au réveil, affreux bonheur d’
une
illusion rapide, où suis-je ? Déjà tout recommence, sans relâche, et
278
tout recommence, sans relâche, et cet acharnement
des
choses contre moi, voulant quoi, sans relâche ? voulant ma mort à moi
279
. C’est sérieux, cette fois-ci ça y est !… Vivant
un
cauchemar qui est vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, l
280
isation de la radio produisit durant cette guerre
une
conséquence fort imprévue : elle empêcha les hommes de se rendre comp
281
e se rendre compte de l’ampleur et de la rapidité
des
bouleversements qu’ils vivaient. Aux mois de mai et de juin 1940, on
282
n… » Le monde était en train de changer de face d’
un
jour à l’autre, mais on le regardait d’heure en heure, de trop près,
283
’Amérique. Mais ici, je fais le serment d’opposer
une
stricte mémoire à la candeur intarissable de la Vie, toujours pressée
284
tarissable de la Vie, toujours pressée d’imaginer
un
monde où tout peut encore continuer. J’ai vu la civilisation frappée
285
ais qu’elle peut mourir. J’ai vu la France, comme
un
homme qui vient de tomber sur la tête, qui se relève, se tâte, et ne
286
j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion
des
herbes sauvages venant des terres abandonnées du Nord, et que nos pay
287
la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant
des
terres abandonnées du Nord, et que nos paysans s’efforcent d’arrêter
288
, cœur mystérieux du continent, dernier symbole d’
une
liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car
289
, novembre 1940 Périgny… C’était bien ce nom-là ?
Un
long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaien
290
om-là ? Un long village en bordure de la route. D’
un
côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaient
291
re de la route. D’un côté, les maisons dominaient
une
vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus des
292
ne vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d’
un
étage au-dessus des champs de roses et des blés, au bord du plateau d
293
re elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus
des
champs de roses et des blés, au bord du plateau de la Brie. Je montai
294
peine d’un étage au-dessus des champs de roses et
des
blés, au bord du plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par un s
295
u plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par
un
sentier fort raide entre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers
296
tre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers.
Une
seule rangée de maisons à traverser, et l’on parvient à la grand-rue
297
t les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe
une
auto, c’est une de ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir ro
298
et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est
une
de ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les
299
ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’
une
ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît
300
acifique et séculaire. Ce pays-là n’est qu’amitié
des
tons et des lignes humaines, humilité sous la douceur du ciel, retrai
301
séculaire. Ce pays-là n’est qu’amitié des tons et
des
lignes humaines, humilité sous la douceur du ciel, retrait des âmes d
302
maines, humilité sous la douceur du ciel, retrait
des
âmes dans leur destin. Je longeais cette rue silencieuse, imaginant d
303
ngeais cette rue silencieuse, imaginant d’y vivre
un
jour dans une fermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de la p
304
rue silencieuse, imaginant d’y vivre un jour dans
une
fermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de la plaine. Un peu
305
volets pâles, sans adresse, au ras de la plaine.
Un
peu avant la sortie du village, la rue bifurque : une route prend à d
306
peu avant la sortie du village, la rue bifurque :
une
route prend à droite, vers la plaine, escortée de quelques maisons ;
307
je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol,
un
grand cercle entourant une inscription en lettres capitales bien arro
308
à la craie sur le sol, un grand cercle entourant
une
inscription en lettres capitales bien arrondies : Martine Je suis
309
Je suis Aux champs Paix du village, silence
des
rues vides ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’étais là fasciné c
310
lés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’
un
secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets c
311
. Secret de ce village aux volets clos. Imaginant
une
idylle muette. Celui qui revient au pays après une longue absence et
312
ne idylle muette. Celui qui revient au pays après
une
longue absence et des déboires : il entre, ne trouve personne. Mais s
313
i qui revient au pays après une longue absence et
des
déboires : il entre, ne trouve personne. Mais ses outils sont là, con
314
ra bien. Il a rejoint l’usage du pays, l’intimité
des
choses de toujours. Et le moindre signe suffît. Je suis redescendu ve
315
scendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre
des
saules et des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron
316
vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et
des
peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route se
317
ute sentait plus fort que les champs de roses, et
des
nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus tard, que ce j
318
os pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers
une
place plantée d’arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me r
319
e était au secret de nos vies, nouée parfois dans
une
rancune obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’un vieil arb
320
obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’
un
vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre
321
était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’
une
journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible, c’e
322
tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère
des
adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs
323
ur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’
un
mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… Quand je me s
324
Un
peuple se révèle dans le malheur (février 1944)k Autrefois et nagu
325
urs à succès, les écrivains célèbres, les modèles
des
grands couturiers, ou même les chefs cuisiniers des palaces internati
326
s grands couturiers, ou même les chefs cuisiniers
des
palaces internationaux. Le mot Français évoquait aussitôt l’image d’u
327
naux. Le mot Français évoquait aussitôt l’image d’
une
moustache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’un sourire char
328
aussitôt l’image d’une moustache à la Menjou et d’
une
boutonnière fleurie, d’un sourire charmeur à la Charles Boyer, l’aima
329
tache à la Menjou et d’une boutonnière fleurie, d’
un
sourire charmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’un Anato
330
rmeur à la Charles Boyer, l’aimable scepticisme d’
un
Anatole France, l’élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’un b
331
ble scepticisme d’un Anatole France, l’élégance d’
une
ligne parisienne, l’étiquette d’un bourgogne fameux présenté par le m
332
l’élégance d’une ligne parisienne, l’étiquette d’
un
bourgogne fameux présenté par le maître d’hôtel. Tout cela c’était le
333
ritable grandeur. Les journaux qui nous apportent
des
nouvelles de la résistance à l’intérieur du pays occupé nous parlent
334
ite au hasard, il y en a tant. Je les ai vus avec
des
amis, tantôt américains, tantôt français. Les Français critiquaient b
335
du coin de l’œil : en critiquant, ils essuyaient
une
larme, et rien de plus français que cette pudeur. Quant aux Américain
336
os de la France. Soudain, l’étranger s’aperçoit d’
une
vérité aussi vieille que l’Europe mais constamment méconnue ou niée,
337
tamment méconnue ou niée, et souvent par la faute
des
élites parisiennes : le peuple de France est grave, ou plus exactemen
338
it dit aux jeunes nazis qu’ils allaient conquérir
un
pays de bavards, de coquettes et de politiciens véreux. Après quelque
339
itoire conquis, l’Allemand s’est senti dominé par
une
force étrange et qui l’intimidait : le regard sérieux de l’homme et d
340
ls ont continué à le piller et à le fusiller avec
une
rage panique ; ils continuent, mais ils se savent battus. Depuis qu’i
341
rencontré ce regard… k. Rougemont Denis de, «
Un
peuple se révèle dans le malheur », Fontaine, Alger, février 1944, p.
342
Ars prophetica, ou D’
un
langage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)j Un critique. J’a
343
gage qui ne veut pas être clair (hiver 1944)j
Un
critique. J’ai lu vos deux dialogues sur la carte postale6, je les ai
344
ais je ne les oublie pas.7 L’auteur. La mémoire
des
offenses est la plus sûre. Il me semble parfois qu’il n’est pas de lo
345
rief de mes écrits. J’y voudrais voir la preuve d’
une
certaine grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d’une blessure
346
e grièveté qu’ils présentent, comme cela se dit d’
une
blessure… Le critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’une ex
347
critique. Oui, oui… Mais ne tirez pas argument d’
une
exagération de ma critique… Ce qui me gênait, je crois, c’est qu’à mo
348
en français, ce n’est pas jouer du violon. Tout d’
un
coup vous le prenez à double corde, et l’on distingue mal les passage
349
votre complicité, je ne sais quel air de passion,
un
peu trop tôt — qui nous surprend… A. N’est-ce pas toujours ainsi ? J
350
l faudrait nous persuader que vos goûts sont bien
des
raisons, et que ces raisons sont les nôtres. Ou bien vous faites de l
351
vous faites de la poésie, et alors vous jouez sur
des
surprises, ou bien vous nous parlez d’idées, et dans ce cas, il faut
352
t que cette maladresse m’en apprenne davantage qu’
une
feinte aimable. Au reste nous sommes entre nous et vous n’abuserez pa
353
e question, il me semble qu’on se voit condamné à
des
réponses ou plates ou mystérieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’
354
érieuses. Ne serait-ce pas que la clarté n’est qu’
une
convention de langage ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou u
355
n’est qu’une convention de langage ? J’entends :
un
mot de passe de la tribu, ou une espèce de style garanti par l’usage…
356
age ? J’entends : un mot de passe de la tribu, ou
une
espèce de style garanti par l’usage… C. Hé quoi ! vous savez bien qu
357
quoi ! vous savez bien que tout notre langage est
un
système conventionnel ! A. Notre langage courant sans aucun doute. E
358
cisément je souhaitais de vous voir choisir entre
un
langage franchement poétique et ce langage clair et distinct qui conv
359
e langage clair et distinct qui convient au débat
des
idées. A. … qui convient au débat des idées claires ! Mais il faudra
360
t au débat des idées. A. … qui convient au débat
des
idées claires ! Mais il faudrait s’entendre tout d’abord sur la néces
361
sur le plan du langage. N’est-ce pas la cohérence
des
raisons et à la fois l’exact ajustement de ces raisons à la réalité,
362
constitue la fin de l’expression ? A. Oui, dans
un
monde cartésien, c’est-à-dire dans le monde du discours. Car le Disco
363
le Discours de la méthode ne définit en somme qu’
une
méthode du discours. La fin dernière d’un discours n’est autre que la
364
mme qu’une méthode du discours. La fin dernière d’
un
discours n’est autre que la cohérence, la vérité elle-même s’y trouva
365
trouvant ordonnée à la logique de l’enchaînement
des
phrases. Autrement dit, le discours cartésien n’a pas de fin qui lui
366
e qu’il suppose clair et facile, et sa marche est
une
déduction. La convention d’un tel langage, est que tout est donné au
367
, et sa marche est une déduction. La convention d’
un
tel langage, est que tout est donné au départ, et qu’il s’agit de ne
368
qu’il s’agit de ne rien introduire dans la chaîne
des
arguments qui n’ait été d’abord jaugé, chiffré, et défini en termes s
369
fini en termes simples. À mon tour de me défier d’
une
convention aussi commode. C. Il me semble qu’il faut y voir une gara
370
aussi commode. C. Il me semble qu’il faut y voir
une
garantie contre les illusions de la rhétorique flamboyante. Le romant
371
e flamboyante. Le romantisme a pu s’impatienter d’
une
allure aussi scrupuleuse, mais c’est qu’il a le goût de se tromper et
372
se tromper et de tromper. A. Pour moi, je crains
une
duperie moins naïve dans la modestie cartésienne. Car enfin où prend-
373
ous vivons et parlons n’est-il pas, comme l’a dit
un
Russe « le monde de l’imprécis et du non résolu » ? Ou comme l’écrit
374
» ? Ou comme l’écrit Descartes lui-même, le monde
des
choses « mal compassées » ? L’application d’une raison sans parti pri
375
e des choses « mal compassées » ? L’application d’
une
raison sans parti pris à ce monde tel qu’il est donné, n’a-t-elle pas
376
je vous en prie ? — la clarté et la simplicité d’
un
certain nombre de postulats abstraits. Ma méfiance porte sur l’arrièr
377
à l’expression d’arrière-pensée. C’est sans doute
une
« arrière-image » qu’il faudrait dire. C. Ne serait-il pas trop cart
378
der de préciser ? A. J’essaierai de le faire par
un
exemple. La méthode inventée par Descartes est donc devenue celle de
379
mathématiciens, pour formuler ce qu’ils appellent
des
lois. Bien. Mais comment obtiennent-ils ces formules ? Par l’examen d
380
omment obtiennent-ils ces formules ? Par l’examen
des
nombres qui résument leurs expériences, dira-t-on. Je n’en crois rien
381
xpériences, dira-t-on. Je n’en crois rien. Ouvrez
un
ouvrage de science : vous y trouverez au terme de chaque analyse un c
382
nce : vous y trouverez au terme de chaque analyse
un
certain nombre de phrases traduisant les résultats acquis. Or ces phr
383
phrases ont été choisies par le savant en vertu d’
une
double exigence : d’une part elles doivent permettre de permettre de
384
les doivent permettre de permettre de passer, par
une
espèce de symbolisme abstrait — si j’ose dire — à la formule mathémat
385
n, aux images que pourrait se former du phénomène
un
observateur non savant. Maintenant, ces phrases dans leur ensemble co
386
ntenant, ces phrases dans leur ensemble composent
un
discours cohérent sur des propriétés de la matière. Et ce discours n’
387
leur ensemble composent un discours cohérent sur
des
propriétés de la matière. Et ce discours n’est qu’un certain système
388
propriétés de la matière. Et ce discours n’est qu’
un
certain système d’images. S’il se distingue du parler quotidien, c’es
389
d’exclure les sens ordinairement contradictoires
des
mots. Ainsi les lois formulées par la science, ces modèles d’expressi
390
les d’expression claire, se réfèrent en réalité à
des
formes courantes du langage, vidées de leurs sens particuliers. Ce pr
391
nts, la science légale n’étant, c’est entendu, qu’
une
manière de parler du réel, et sans cesse corrigée par les faits. Mais
392
ir de vérités élémentaires qui ne sont autres que
des
abstractions opérées sur nos formes de langage. Je voudrais dire cela
393
oudrais dire cela plus simplement… La tricherie d’
une
déduction claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’un nombre li
394
on claire consiste en ce qu’elle prétend partir d’
un
nombre limité de faits acquis, quand le tout, quand la fin nous échap
395
s mieux si vous pouviez me montrer chez Descartes
un
exemple de ce recours aux formes du langage courant. A. Prenons la 3
396
ent, la plus étrange illusion de l’esprit : c’est
une
maxime populaire. On la tient pour tellement évidente que son rappel,
397
our tellement évidente que son rappel, au cours d’
une
discussion, figure presque une insolence. Cette maxime affirme en eff
398
rappel, au cours d’une discussion, figure presque
une
insolence. Cette maxime affirme en effet la nécessité générale de « c
399
vient d’assimiler sans sourciller la simplicité d’
un
objet avec l’aisance à le connaître — c’est encore un tour du langage
400
bjet avec l’aisance à le connaître — c’est encore
un
tour du langage — ne va pas reculer devant cet autre exploit : poser
401
absurdité, la magnifique carte postale ! S’il est
une
chose que l’expérience humaine me paraît avoir établie — je dirais :
402
r la fin, par la vision totale, par la révélation
des
fins dernières. On ne peut connaître les parties que par le tout, et
403
: je vois que vous allez passer sans crier gare à
des
propositions théologiques. Souffrez alors que je m’avoue incompétent,
404
s vous interrompre davantage aux développements d’
une
pensée qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’une vision to
405
qui m’est curieusement étrangère. Vous parliez d’
une
vision totale ?… A. L’expression vous apparaît privée de sens ? Mesu
406
s donc que la déduction cartésienne travaille sur
des
cartes postales. Elle dispose en bon ordre ses repères, et puis s’ébr
407
lle ignore tout de son but et tiendrait même pour
une
prévention fâcheuse la croyance que ce but existe en tout état de cau
408
moments j’ai vu le but. — J’ai cru le voir… C’est
une
vision illuminante, instantanée, dont la trace ne tarde pas à s’évano
409
a foi ou du pressentiment, soutenu par l’espoir d’
une
vision renouvelée. Voilà le sens, l’orientation de ma démarche, et c’
410
urde à l’observateur raisonnable. C. Le propre d’
une
vision pareille, c’est qu’elle est incommunicable, j’imagine ? A. Il
411
Bien entendu, je ne puis avancer aucun exemple d’
une
telle perfection. Mais il fallait indiquer cette limite pour éclairer
412
de vous faire pressentir la limite, en parlant d’
un
langage inexplicable et pourtant évident. C’est peut-être le verbe im
413
certaines manières de le réduire aux exigences d’
un
discours cohérent — voilà sans doute le rôle du langage parabolique…
414
ité. Parler en paraboles, c’est tenter d’exprimer
un
fait ou des idées, en tenant compte du tout qui les englobe. Ou c’est
415
en paraboles, c’est tenter d’exprimer un fait ou
des
idées, en tenant compte du tout qui les englobe. Ou c’est encore se g
416
ais si je parle en paraboles, je n’ai souci que d’
une
certaine orientation. C’est à partir du terme, encore une fois, que l
417
d’éléments que j’aurais distingués dès le départ.
Une
parabole se comprend par la fin. Comme l’expédition de Colomb partant
418
e l’expédition de Colomb partant pour reconnaître
une
Amérique de vision. Et cette fin, ce terme, ce télos, tous les hiatus
419
me au-delà d’eux-mêmes… ce que ne sauraient faire
des
arguments toujours fondés sur ce qui les précède. Voilà pourquoi le d
420
ce qui les précède. Voilà pourquoi le discours d’
un
prophète est le contraire d’un discours. L’événement seul lui rendra
421
quoi le discours d’un prophète est le contraire d’
un
discours. L’événement seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole es
422
seul lui rendra sa raison. Ainsi la parabole est
une
énigme dont le sens est dans la vision. C. Comment expliquez-vous le
423
ppe, je le suppose, absolument ? A. Je demandais
un
jour à une petite-fille pourquoi Jésus parlait en paraboles à ses dis
424
suppose, absolument ? A. Je demandais un jour à
une
petite-fille pourquoi Jésus parlait en paraboles à ses disciples, sac
425
Voici la réponse qu’elle me fit : Jésus racontait
des
histoires pour qu’ils s’en souviennent mieux plus tard. C’est comme l
426
ent mieux plus tard. C’est comme les noix qui ont
une
coquille très dure. On peut les emporter sans qu’elles se gâtent, et
427
ent, et quand on a faim, on les ouvre. C. Encore
une
petite question, voulez-vous ? Qui a le droit de parler en paraboles,
428
genre, si l’on nomme droit la garantie formelle d’
un
usage. Mais il arrive assez souvent que l’on oublie les grandes et gr
429
appellent cela poésie. On peut toutefois imaginer
une
autre attitude de l’être, et qui soit telle que la question du droit
430
vision et la faire pressentir à d’autres hommes.
Une
vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’une carte postale. Il
431
e vision ne se transmet pas, c’est le contraire d’
une
carte postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans une certaine
432
postale. Il s’agit donc de disposer l’esprit dans
une
certaine orientation au moyen de mots et de phrases qui puissent, com
433
yen de mots et de phrases qui puissent, comme par
une
ironie, être compris en soi et dans leur lettre, mais dont le sens de
434
s dont le sens dernier ne puisse être aperçu sous
un
angle de vision quelconque. Je dis que l’homme qui a vu quelque chose
435
omme qui a vu quelque chose doit parler la langue
des
prophètes et composer des paraboles. Si ses prophéties sont décevante
436
e doit parler la langue des prophètes et composer
des
paraboles. Si ses prophéties sont décevantes et ses paraboles sans fr
437
t ses paraboles sans fruit, il n’en est pas moins
un
prophète. Mais alors on le jugera selon sa fin. Vous m’avouerez que d
438
. Vous m’avouerez que dans ces conditions il faut
une
sorte de naïveté très singulière pour endosser le risque d’être obscu
439
re : l’ampleur de sa vision le sauve. Mais il est
des
visions moins illustres, qui n’embrassent pas le monde de haut en bas
440
ui n’embrassent pas le monde de haut en bas, dans
un
fulgurant inventaire. Je parle de visions furtives qui sont à celle d
441
pocalypse, comme Cuvier la préhistoire à partir d’
une
vertèbre isolée. Mais l’oubli vient avec le premier doute… Petites vi
442
ubli vient avec le premier doute… Petites visions
des
hommes de peu de foi, visions de la fin de nos courtes passions : la
443
ophètes, ont été justifiés dans leur délire, mais
un
prophète des choses d’ici-bas, un prophète sans mission divine, quell
444
été justifiés dans leur délire, mais un prophète
des
choses d’ici-bas, un prophète sans mission divine, quelle défense ose
445
ur délire, mais un prophète des choses d’ici-bas,
un
prophète sans mission divine, quelle défense osera-t-il produire qui
446
gement ? 6. Ces deux dialogues sont restés dans
un
tiroir à Paris. 7. Quatre « dialogues » paraîtront au début de l’ouv
447
j. Rougemont Denis de, « Ars prophetica, ou D’
un
langage qui ne veut pas être clair », Hémisphères, New York, hiver 19
448
itude personnaliste (octobre 1944)l La lecture
des
journaux clandestins parus en France montre que les idées personnalis
449
chemin dans l’élite de la Résistance. S’agit-il d’
une
influence directe, ou d’une prise de conscience spontanée devant la l
450
sistance. S’agit-il d’une influence directe, ou d’
une
prise de conscience spontanée devant la leçon des faits, nous le saur
451
une prise de conscience spontanée devant la leçon
des
faits, nous le saurons un jour. Mais il est clair dès maintenant que
452
ntanée devant la leçon des faits, nous le saurons
un
jour. Mais il est clair dès maintenant que les circonstances sont enf
453
circonstances sont enfin devenues favorables pour
une
action plus large et constructive. Les événements eux-mêmes se sont c
454
’à ce que Hitler vînt en prendre avantage. Devant
un
monde à reconstruire, les grandes questions peuvent et doivent être r
455
e reposées. Allons-nous rebâtir sur les valeurs d’
une
philosophie de l’Objet (qui était celle du capitalisme et des divers
456
hie de l’Objet (qui était celle du capitalisme et
des
divers « planisme »), ou bien allons-nous faire une société où les ob
457
s divers « planisme »), ou bien allons-nous faire
une
société où les objets soient remis au service de l’homme qui crée et
458
toutes à dépersonnaliser l’homme, à le réduire à
un
agrégat de réflexes conditionnés par l’État, le Parti et les statisti
459
é. La psychologie freudienne ne voyait en elle qu’
un
îlot précaire perdu dans l’océan de l’inconscient. D’autres s’appliqu
460
conscient. D’autres s’appliquaient à la réduire à
des
déterminismes biologiques, ou sociologiques, ou économiques. Que deve
461
venait dans tout cela, le droit imprescriptible d’
un
homme à dire je, à dire moi, à se considérer comme une cause efficien
462
omme à dire je, à dire moi, à se considérer comme
une
cause efficiente, comme un individu responsable, c’est-à-dire comme u
463
à se considérer comme une cause efficiente, comme
un
individu responsable, c’est-à-dire comme une personne ? Il fallait re
464
comme un individu responsable, c’est-à-dire comme
une
personne ? Il fallait repenser un monde en partant, non point des obj
465
t-à-dire comme une personne ? Il fallait repenser
un
monde en partant, non point des objets — fussent-ils aussi abstraits
466
l fallait repenser un monde en partant, non point
des
objets — fussent-ils aussi abstraits que les fameuses « forces économ
467
monde ? Les institutions doivent être fondées sur
une
notion compréhensive de l’homme, sinon elles agissent contre l’homme.
468
idu, sur lequel voulait se fonder la démocratie d’
un
siècle dernier, et le soldat politique sur lequel a voulu se fonder l
469
fonder le totalitarisme de ce siècle, ne sont pas
des
hommes complets. L’individu n’a que des droits, le soldat politique q
470
sont pas des hommes complets. L’individu n’a que
des
droits, le soldat politique que des devoirs. Le premier est un pur co
471
ividu n’a que des droits, le soldat politique que
des
devoirs. Le premier est un pur concept, le second est un simple objet
472
soldat politique que des devoirs. Le premier est
un
pur concept, le second est un simple objet. À ces deux mutilations de
473
irs. Le premier est un pur concept, le second est
un
simple objet. À ces deux mutilations de la notion d’homme, les jeunes
474
ussent les prémisses religieuses ou métaphysiques
des
diverses tendances personnalistes, tous s’entendaient fort bien sur d
475
personnalistes, tous s’entendaient fort bien sur
des
formules de ce genre : les institutions doivent être au service de l’
476
, et non l’inverse : — la liberté ne cesse d’être
un
mot creux que dans un ordre souple, qui respecte la diversité des voc
477
la liberté ne cesse d’être un mot creux que dans
un
ordre souple, qui respecte la diversité des vocations ; — là où l’hom
478
e dans un ordre souple, qui respecte la diversité
des
vocations ; — là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais to
479
ut être total, l’État ne sera jamais totalitaire.
Un
certain nombre de mots-clés se retrouvent dans tous les ouvrages publ
480
aniques, pluralisme, fédéralisme. Ils définissent
une
attitude et une action. Certes, beaucoup de philosophes s’étaient int
481
sme, fédéralisme. Ils définissent une attitude et
une
action. Certes, beaucoup de philosophes s’étaient intitulés « personn
482
ttre : Leibnitz, Kant, Renouvier, ou de nos jours
un
William Stern, un Keyserling, un C. G. Jung, et l’école californienne
483
ant, Renouvier, ou de nos jours un William Stern,
un
Keyserling, un C. G. Jung, et l’école californienne de The Personalis
484
ou de nos jours un William Stern, un Keyserling,
un
C. G. Jung, et l’école californienne de The Personalist. Mais la cara
485
sidérer sa doctrine comme le fondement immédiat d’
une
action politique, d’une économie, d’un régime social, et même d’une e
486
e le fondement immédiat d’une action politique, d’
une
économie, d’un régime social, et même d’une esthétique. C’est pourquo
487
mmédiat d’une action politique, d’une économie, d’
un
régime social, et même d’une esthétique. C’est pourquoi je ne saurais
488
ue, d’une économie, d’un régime social, et même d’
une
esthétique. C’est pourquoi je ne saurais mieux décrire la doctrine du
489
ctrine du personnalisme qu’en indiquant certaines
des
tentatives d’action les plus typiques qu’elle inspira avant cette gue
490
us typiques qu’elle inspira avant cette guerre.
Un
service civil industriel Les premiers manifestes et volumes publié
491
le mouvement n’apportaient pas les blue-prints d’
une
société idéale, mais quelques principes d’action. Car il s’agissait p
492
tion. Car il s’agissait pour les personnalistes d’
un
changement spirituel d’abord, les changements institutionnels n’ayant
493
ur à leurs yeux que s’ils traduisaient réellement
une
attitude nouvelle de l’homme aux prises avec le destin d’un siècle no
494
e nouvelle de l’homme aux prises avec le destin d’
un
siècle nouveau. Alors que la plupart des révolutionnaires de droite o
495
évolutionnaires de droite ou de gauche édifiaient
des
plans abstraits et se bornaient pratiquement à revendiquer des réform
496
traits et se bornaient pratiquement à revendiquer
des
réformes isolées ou matérielles comme l’abolition du Parlement, des s
497
es ou matérielles comme l’abolition du Parlement,
des
salaires plus élevés, la nationalisation des grandes industries, les
498
ent, des salaires plus élevés, la nationalisation
des
grandes industries, les personnalistes affirmaient la nécessité d’une
499
es, les personnalistes affirmaient la nécessité d’
une
révolution plus profonde : révolution dans la manière de poser les pr
500
groupe de l’Ordre nouveau proposa l’institution d’
un
service civil obligatoire, répartissant sur l’ensemble de la populati
501
on le travail industriel non différencié. Pendant
un
an ou plus, tous les citoyens travailleraient dans les usines, au lie
502
travailleraient dans les usines, au lieu de faire
une
année de caserne. Les avantages de ce service civil seraient triples
503
ice civil serait mise par l’État à la disposition
des
libres entreprises, syndicats ou coopératives, qui justifieraient leu
504
triels hochèrent la tête. Ils ne croyaient pas qu’
un
simple civil pourrait du jour au lendemain se transformer en bon manœ
505
e et d’ailleurs néfaste : il risquait de résoudre
un
conflit que leur tactique cherchait au contraire à rendre plus aigu.
506
leur doctrine, les personnalistes répondirent par
un
engagement personnel. Ils tentèrent un essai pratique, à petite échel
507
dirent par un engagement personnel. Ils tentèrent
un
essai pratique, à petite échelle. Dans plusieurs usines de la région
508
es, comme manœuvres. Au bout de trois jours, dans
une
manufacture de brosses à dents, l’un d’eux battit le record de produc
509
ant ainsi quelques semaines de vacances payées, à
un
moment où cette institution n’existait pas encore en France. L’expéri
510
lair que l’institution du service civil supposait
une
refonte générale de l’économie, et notamment une discrimination très
511
une refonte générale de l’économie, et notamment
une
discrimination très précise entre le travail quantitatif (ou « parcel
512
at, qui assurerait d’autre part la distribution d’
un
minimum vital gratuit pour tous. Le second devait rester libre, et d’
513
de la main-d’œuvre et du bonus social, au profit
des
entreprises libres et des groupes coopératifs. La notion de groupe
514
bonus social, au profit des entreprises libres et
des
groupes coopératifs. La notion de groupe L’un des traits marqua
515
oupes coopératifs. La notion de groupe L’un
des
traits marquants du mouvement personnaliste, c’est son insistance sur
516
sonnaliste, c’est son insistance sur la nécessité
des
groupes autonomes et organiques. Elle coïncide avec la découverte la
517
les meilleurs esprits de ce temps sont parvenus à
des
conclusions analogues : il n’est possible de parler de réalité, de me
518
réalité, de mesure, ou d’efficacité, qu’au sein d’
un
groupe donné de forces. L’homme, par exemple, n’est réel que dans une
519
forces. L’homme, par exemple, n’est réel que dans
une
communauté ni trop étroite ni trop vaste. Isolé, il se comporte comme
520
troite ni trop vaste. Isolé, il se comporte comme
un
fou. Noyé dans une collectivité informe, il sera frustré de toute pos
521
te. Isolé, il se comporte comme un fou. Noyé dans
une
collectivité informe, il sera frustré de toute possibilité de se fair
522
ent. Il n’existe vraiment comme personne que dans
un
cadre à la mesure humaine, dans un groupe : entreprise ou commune, pa
523
sonne que dans un cadre à la mesure humaine, dans
un
groupe : entreprise ou commune, patrie locale ou cercle invisible d’e
524
parentés dans le monde entier. Mais cette image d’
un
univers composé de groupements autonomes en perpétuelle interaction n
525
ations sont restées au stade de la classification
des
corps simples par Mendeleïev, quand nous en sommes au siècle de la ph
526
l’inertie ont laissé se constituer au xxe siècle
des
cadres démesurés, simplifiés jusqu’à la démence et rigides comme elle
527
s organiques, à leur imposer en dépit du bon sens
des
frontières communes8, un régime uniforme. C’est pourquoi, se plaçant
528
er en dépit du bon sens des frontières communes8,
un
régime uniforme. C’est pourquoi, se plaçant dans la ligne des forces
529
niforme. C’est pourquoi, se plaçant dans la ligne
des
forces les plus actives, sinon les plus spectaculaires du siècle, le
530
ur l’économie, la vie politique et les coutumes d’
un
pays le carcan géométrique de ses décrets, le personnalisme opposait
531
nationales, au besoin. Je donnerai deux exemples
des
conséquences pratiques découlant de cette attitude doctrinale. Dès 19
532
alisation politique de la nation. La France avait
des
frontières rigides et un centre unique, Paris. Entre les deux, le vid
533
nation. La France avait des frontières rigides et
un
centre unique, Paris. Entre les deux, le vide, l’espace abstrait. Les
534
rait. Les personnalistes proposaient au contraire
un
système de foyers de résistance élevés dans toute la profondeur du pa
535
tance élevés dans toute la profondeur du pays, et
une
mobilisation fortement décentralisée. C’était en somme le système mil
536
mme le système militaire de la Suisse, traduisant
un
régime fédéraliste. Les événements de 1940 et toute l’évolution ultér
537
apitaux énormes ? Les personnalistes organisèrent
des
« clubs de presse ». Dans chaque quartier de grande ville, dans chaqu
538
ue quartier de grande ville, dans chaque commune,
des
correspondants devaient grouper un auditoire régulier, lui transmettr
539
aque commune, des correspondants devaient grouper
un
auditoire régulier, lui transmettre des informations vraies (celles q
540
nt grouper un auditoire régulier, lui transmettre
des
informations vraies (celles que la presse passait sous silence), lui
541
silence), lui révéler les secrets de la vénalité
des
grands journaux, et recueillir une documentation locale précise et hu
542
de la vénalité des grands journaux, et recueillir
une
documentation locale précise et humaine. Un bulletin de liaison alime
543
llir une documentation locale précise et humaine.
Un
bulletin de liaison alimentait les clubs. Tout était préparé pour sa
544
personnalistes fournirent ainsi le premier modèle
des
publications fameuses de l’Underground. État présent et avenir du
545
plans les plus divers. Il était prêt à déclencher
une
action en profondeur d’abord, puis publique. Une trentaine de volumes
546
une action en profondeur d’abord, puis publique.
Une
trentaine de volumes, deux revues, un hebdomadaire, des bulletins, br
547
publique. Une trentaine de volumes, deux revues,
un
hebdomadaire, des bulletins, brochures et tracts, répandaient ses idé
548
entaine de volumes, deux revues, un hebdomadaire,
des
bulletins, brochures et tracts, répandaient ses idées. Les nazis avai
549
t encore la route. Ils souffraient tout d’abord d’
une
qualité et d’un défaut bien typiquement français : le sérieux et l’ex
550
. Ils souffraient tout d’abord d’une qualité et d’
un
défaut bien typiquement français : le sérieux et l’excès d’idées neuv
551
démagogues, l’insouciance générale à la veille d’
un
désastre prévisible, les préjugés de droite et de gauche, le manque d
552
ssion collectifs. Il valait mieux attendre encore
un
temps, plutôt que de s’engager dans une propagande trop coûteuse pour
553
dre encore un temps, plutôt que de s’engager dans
une
propagande trop coûteuse pour rester pure. Au reste, la doctrine pers
554
e. Au reste, la doctrine personnaliste impliquait
un
progrès organique, forcément lent. Il s’agissait de gagner des hommes
555
rganique, forcément lent. Il s’agissait de gagner
des
hommes, un à un, non des masses. La guerre et l’invasion obligèrent l
556
rcément lent. Il s’agissait de gagner des hommes,
un
à un, non des masses. La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement
557
nt lent. Il s’agissait de gagner des hommes, un à
un
, non des masses. La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à «
558
Il s’agissait de gagner des hommes, un à un, non
des
masses. La guerre et l’invasion obligèrent le mouvement à « disparaît
559
lques mois. Puis elle fut interdite, à la suite d’
un
article contre Pétain, son directeur et plusieurs de ses rédacteurs e
560
e paraît mieux apte à inspirer ceux qui demandent
un
monde à la mesure de l’homme, non plus à celle des monstres nés de so
561
un monde à la mesure de l’homme, non plus à celle
des
monstres nés de son anxiété, de sa paresse ou de son manque de foi.
562
ller et ferrugineux de la Sarre coupé en deux par
une
frontière correspondant aux langues. l. Rougemont Denis de, « L’att
563
à-dessus, nous tombons d’accord. Mais sur le sens
des
mots gagner la guerre, je trouve très peu d’accord autour de moi. Si
564
passions. Il n’y a pas d’abord les machines puis
une
société qui doit subir leurs lois, mais il y a d’abord des hommes qui
565
té qui doit subir leurs lois, mais il y a d’abord
des
hommes qui choisissent de construire des machines plutôt que d’avoir
566
d’abord des hommes qui choisissent de construire
des
machines plutôt que d’avoir faim, ou de chercher la sagesse, ou de pr
567
im, ou de chercher la sagesse, ou de prier devant
un
symbole ancestral. Il n’y a pas d’abord les faits et puis l’humanité
568
a d’abord l’humanité créatrice ou malade, et puis
des
faits qui expriment avec un peu de retard ce génie ou cette maladie.
569
s, et qu’elle figure dans son ensemble la crise d’
un
conflit psychologique de proportions mondiales, de portée séculaire.
570
portions mondiales, de portée séculaire. ⁂ Lorsqu’
un
individu refoule pendant longtemps ses facultés créatrice, imaginativ
571
se révoltent soudain et l’attaquent en force, par
une
espèce d’éruption volcanique nommée névrose. Alors l’homme se croit m
572
lors l’homme se croit menacé par ce qu’il appelle
des
esprits. Il est victime de terreurs inexplicables. Des cauchemars env
573
sprits. Il est victime de terreurs inexplicables.
Des
cauchemars envahissent sa vie quotidienne, le persécutent et lui rend
574
endent l’existence impossible. Il se persuade que
des
forces absolument distinctes de son être l’attaquent avec une férocit
575
bsolument distinctes de son être l’attaquent avec
une
férocité sans précédent. Il devient aliéné, c’est-à-dire qu’il devien
576
ent aliéné, c’est-à-dire qu’il devient la proie d’
un
autre. Un médecin qu’il jugera très brutal et hostile lui suggère alo
577
, c’est-à-dire qu’il devient la proie d’un autre.
Un
médecin qu’il jugera très brutal et hostile lui suggère alors que cet
578
suggère alors que cet « autre » n’est en fait qu’
une
part de lui-même. S’il comprend cela et s’il le croit, le malade guér
579
érira peut-être. Sinon, il faudra l’enfermer dans
une
camisole de force. Il ne fera plus de mal, mais il restera fou. Au Mo
580
, mais il restera fou. Au Moyen Âge, on disait qu’
un
tel homme était possédé, et on l’exorcisait par des cérémonies souven
581
n tel homme était possédé, et on l’exorcisait par
des
cérémonies souvent efficaces. Au xixe siècle, on disait qu’il était
582
le raisonner, puis de le réduire à la raison, par
des
procédés contraignants. En cas d’échec, on le mettait derrière des ba
583
raignants. En cas d’échec, on le mettait derrière
des
barreaux. La guerre actuelle est une névrose collective que nous somm
584
ait derrière des barreaux. La guerre actuelle est
une
névrose collective que nous sommes en train de traiter par les méthod
585
tie consciente de l’humanité se voit attaquée par
des
figures de cauchemar qui symbolisent un inconscient trop longtemps op
586
quée par des figures de cauchemar qui symbolisent
un
inconscient trop longtemps opprimé, nié, laissé inculte9. On a tenté
587
uments, il n’a plus trouvé d’autre issue que dans
une
révolte explosive. Le cauchemar envahit la planète. L’humanité comme
588
ber épuisée et à se passer la camisole de force d’
un
régime d’ordre pour incurables : ce sera la paix. La santé vaudrait m
589
santé vaudrait mieux. ⁂ Ces remarques m’amènent à
une
proposition que je voudrais défendre et illustrer dans une série d’éc
590
sition que je voudrais défendre et illustrer dans
une
série d’écrits à venir : il est temps que la pensée politique rejoign
591
ons de mener la guerre psychologique10 à l’instar
des
nazis qui l’avaient inventée. Au seuil de la paix, il est temps de ch
592
il est temps de chercher au moins les principes d’
une
politique psychologique. Je ne parle pas de propagande : celle-ci n’e
593
Je ne parle pas de propagande : celle-ci n’est qu’
une
tactique de bombardement. La politique que j’imagine serait une cure.
594
e bombardement. La politique que j’imagine serait
une
cure. Mais avant de l’entreprendre, il nous faudrait un diagnostic. T
595
e. Mais avant de l’entreprendre, il nous faudrait
un
diagnostic. Tentons d’en indiquer les premiers éléments. Si cette gén
596
bon, ni rien de grand, ni rien de vrai. Essayons
une
autoanalyse. C’est notre chance peut-être unique. 1. La guerre nous
597
quête avant de partir ? Sommes-nous en possession
des
pièces du procès ? Quand cela serait, ce ne serait pas grand-chose. C
598
t pas grand-chose. Car la guerre ne résulte pas d’
une
opération légale ou d’une enquête scientifique, mais elle ressemble à
599
guerre ne résulte pas d’une opération légale ou d’
une
enquête scientifique, mais elle ressemble à une colère, à une perte d
600
d’une enquête scientifique, mais elle ressemble à
une
colère, à une perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction
601
scientifique, mais elle ressemble à une colère, à
une
perte de patience ou de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’
602
u de maîtrise de soi, à la réaction automatique d’
un
mystérieux sens de l’honneur blessé. Flamme aveuglante, vague de sang
603
e dis que la guerre nous plaît. Elle arrange bien
des
choses. Elle ajourne nos vrais conflits. Elle tire de nous ce que la
604
plus responsable de soi. La guerre ancienne était
une
chance offerte à l’instinct combatif ; c’était l’affaire des mâles, l
605
offerte à l’instinct combatif ; c’était l’affaire
des
mâles, le jeu des coqs ornés pour l’occasion de leurs plus belles plu
606
ct combatif ; c’était l’affaire des mâles, le jeu
des
coqs ornés pour l’occasion de leurs plus belles plumes. La guerre act
607
ler, elle déçoit l’instinct combatif : comptez qu’
une
fraction très réduite de l’humanité — presque totalement mobilisée —
608
combat en fait sur les champs de bataille. Seule
une
fraction de cette fraction connaît le corps à corps, la bataille d’ho
609
esprit puisse accepter pour suspendre le cours d’
une
existence de plus en plus conforme aux prévisions des grandes compagn
610
existence de plus en plus conforme aux prévisions
des
grandes compagnies d’assurances. (Quelle fête immense faudrait-il à c
611
endra la paix, bientôt. Et ce sera peut-être pour
des
siècles. (Il y aura trop d’avions du même côté.) Mais comment l’homme
612
manque de guerres ? Nous avons tout prévu contre
un
futur Hitler, rien contre son absence, autant que je sache. Le seul t
613
s le nions tous, et c’est normal. Mais je propose
un
test précis. Pourquoi tant de réticences à décider le désarmement gén
614
otal et définitif de tous les peuples, appuyé par
une
interdiction absolue de fabriquer des armes et d’enseigner à s’en ser
615
appuyé par une interdiction absolue de fabriquer
des
armes et d’enseigner à s’en servir ? Je ne sais pas mieux que la plup
616
ais pas mieux que la plupart ce qui résulterait d’
une
décision de ce genre, mais je sais que la plupart résistent à priori
617
plupart résistent à priori à cette idée. Je vois
des
moustaches qui tremblent avant même que la bouche ne s’ouvre. Et cepe
618
mp, avec calme, de bonnes raisons bien étudiées d’
un
tel refus. C’est un refus instinctif, comme ils disent. Et c’est tout
619
onnes raisons bien étudiées d’un tel refus. C’est
un
refus instinctif, comme ils disent. Et c’est tout ce que je voulais l
620
dire. (Il leur reste à me traiter de défaitiste.)
Une
politique qui négligerait le fait que la guerre nous plaît pour des r
621
négligerait le fait que la guerre nous plaît pour
des
raisons profondes, cette politique serait incapable de rien conduire,
622
nulerait. 2. Hitler. — Nous pensons qu’Hitler est
un
monstre avec lequel nous n’avons rien de commun. Il s’agit de le détr
623
sans coup férir si nous n’admettons pas qu’il est
une
part de nous, la part du diable dans nos cœurs. Hitler se taira d’ici
624
out l’univers, voici que nous nous écrierons avec
une
stupéfaction mêlée de honte : — Comme il était petit ! Il n’était gra
625
ychologique du siècle, Hitler aura joué le rôle d’
un
personnage de rêve d’angoisse. Ce rêve collectif a modelé notre histo
626
dans l’ombre de nos âmes. On a remarqué que dans
un
cauchemar, ce qui nous terrifie n’est pas toujours l’aspect du person
627
t il nous paraît animé. Il se charge à nos yeux d’
une
puissance de terreur dont nous n’avions sans doute jamais eu l’expéri
628
s doute jamais eu l’expérience. Et pourtant c’est
une
part de nous-mêmes qui machine cette brusque épouvante, ramassant dan
629
i machine cette brusque épouvante, ramassant dans
un
geste, une forme, une atmosphère, tout ce que nous refusions d’admett
630
cette brusque épouvante, ramassant dans un geste,
une
forme, une atmosphère, tout ce que nous refusions d’admettre en nous.
631
ue épouvante, ramassant dans un geste, une forme,
une
atmosphère, tout ce que nous refusions d’admettre en nous. Le cauchem
632
hemar nous apprend qu’il ne suffit pas de refuser
un
instinct ou quelque tentation pour les supprimer. Il s’agit de les ut
633
oyons certains qu’ils vont revenir en force, sous
un
déguisement séduisant, ou sous la forme d’un monstre archaïque. L’ogr
634
sous un déguisement séduisant, ou sous la forme d’
un
monstre archaïque. L’ogre à la petite moustache est l’un de ces monst
635
fier les causes dans nous-mêmes11. Mais ceci pose
un
problème nouveau : le problème de la religion. 3. Il faut une religio
636
nouveau : le problème de la religion. 3. Il faut
une
religion pour le peuple. Entendons : pour qu’un peuple subsiste. Tout
637
une religion pour le peuple. Entendons : pour qu’
un
peuple subsiste. Toute la sociologie moderne le prouve. À son défaut,
638
t produit de toute communauté vivante. Je parle d’
un
instinct aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il est incont
639
ontestable que le rationalisme12 a déprimé depuis
des
siècles le sens religieux des Occidentaux. Car non content de combatt
640
12 a déprimé depuis des siècles le sens religieux
des
Occidentaux. Car non content de combattre et d’évacuer les coutumes r
641
, il s’est méthodiquement refusé à laisser naître
des
coutumes nouvelles (en ceci protestant, mais sans la foi). Or les cou
642
capter ses puissances obscures et les ordonner à
des
fins tantôt pratiques, tantôt transcendantales. Canaux exutoires ou é
643
tivité quotidienne. Condamnez-les et vous créerez
une
sécheresse générale, nécessairement suivie d’une rupture de digues et
644
une sécheresse générale, nécessairement suivie d’
une
rupture de digues et de l’interruption catastrophique des forces somb
645
ure de digues et de l’interruption catastrophique
des
forces sombres de la cité. La raison peut nier ou négliger ces forces
646
he hasardeuse de moyens nouveaux, elle fait lever
des
monstres autour de nous. Imaginons une similitude assez exacte : si n
647
fait lever des monstres autour de nous. Imaginons
une
similitude assez exacte : si nos animaux domestiques se révoltaient s
648
re carence. Le rationalisme régnant peut produire
des
avions en masse et par ce moyen-là venir à bout d’Hitler ; mais il ne
649
. Tout porte à croire que nous allons entrer dans
une
ère de religions aberrantes. Ou, comme le dit une grande légende indi
650
une ère de religions aberrantes. Ou, comme le dit
une
grande légende indienne, dans l’ère de l’Accroissement des Monstres.
651
e légende indienne, dans l’ère de l’Accroissement
des
Monstres. Les pires sottises et les thaumaturgies les plus grossières
652
usciter dans l’après-guerre l’enthousiasme éperdu
des
foules. Et les calculs politiques les plus sains des réalistes et des
653
foules. Et les calculs politiques les plus sains
des
réalistes et des experts seront vidés d’un coup par ces lames de fond
654
alculs politiques les plus sains des réalistes et
des
experts seront vidés d’un coup par ces lames de fond. Certains intell
655
sains des réalistes et des experts seront vidés d’
un
coup par ces lames de fond. Certains intellectuels incrimineront alor
656
ieux, cette « survivance ». Et nous lirons encore
des
jérémiades sur le déclin de l’esprit et l’abandon des grands principe
657
jérémiades sur le déclin de l’esprit et l’abandon
des
grands principes. « C’est inconcevable ! » opineront-ils, les bras au
658
nt-ils, les bras au ciel. Mais c’est très simple.
Un
homme qui meurt de faim mange n’importe quoi pour tromper sa faim, fa
659
igion ? De tromper cet instinct rendu furieux par
des
siècles de privation ? Elle dénoncera vainement des délires collectif
660
s siècles de privation ? Elle dénoncera vainement
des
délires collectifs dont elle sera la première responsable, aussi vrai
661
i que le régime de la prohibition fut responsable
des
méfaits de l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que des
662
ool frelaté, en Amérique. ⁂ Je ne demande pas que
des
sorciers ni même des prêtres dirigent l’État : c’est le péril qu’il f
663
que. ⁂ Je ne demande pas que des sorciers ni même
des
prêtres dirigent l’État : c’est le péril qu’il faudrait conjurer. Mai
664
de renoncer à la vieille politique de l’équilibre
des
grandes puissances nationales et des trusts : elle ne peut plus saisi
665
l’équilibre des grandes puissances nationales et
des
trusts : elle ne peut plus saisir les éléments de notre conflit. Il e
666
notre conflit. Il est temps de nous orienter vers
une
politique d’équilibre des grandes puissances psychologiques, dans les
667
s de nous orienter vers une politique d’équilibre
des
grandes puissances psychologiques, dans les masses, à l’échelle du gl
668
ns les masses, à l’échelle du globe. Et s’il faut
des
experts autour du tapis vert, qu’on appelle des psychiatres plutôt qu
669
t des experts autour du tapis vert, qu’on appelle
des
psychiatres plutôt que des banquiers. L’argent ne chasse pas les démo
670
is vert, qu’on appelle des psychiatres plutôt que
des
banquiers. L’argent ne chasse pas les démons. 9. Instincts, forces
671
égimes actuels, si imparfaits qu’ils soient, sont
un
moindre mal. » Et certes, en politique, il s’agira toujours, au mieux
672
nt un premier stade du pire. La chute serait-elle
un
moindre mal que la fracture qui en résulte ? La maladie mortelle, un
673
la fracture qui en résulte ? La maladie mortelle,
un
moindre mal que la mort qui la termine ? 12. Les méfaits de la psych
674
taroc, est le nom donné par les Italiens à l’une
des
figures du paquet de 78 cartes tel qu’il existait au xiiie siècle. C
675
om fut attribué par la suite à l’ensemble du jeu.
Un
des premiers témoignages historiques que l’on possède sur le tarot re
676
fut attribué par la suite à l’ensemble du jeu. Un
des
premiers témoignages historiques que l’on possède sur le tarot remont
677
ringonneur, peintre français, dessina et enlumina
des
cartes pour Charles VI, le roi fou, liant ainsi le tarot à l’un des m
678
arles VI, le roi fou, liant ainsi le tarot à l’un
des
moments les plus violemment poétiques de l’histoire de France. Ces ca
679
es sont conservées à la Bibliothèque Nationale. D’
un
autre jeu, faussement attribué à Mantegna, et daté de 1400, subsisten
680
me céleste. Michel-Ange est supposé avoir inventé
un
jeu de tarot pour enseigner l’arithmétique. Et Gargantua jouait au «
681
s il crut aussi en retrouver les équivalents dans
une
inscription chinoise, datant de 1120, et dans les tablettes hindoues
682
, français, en 1854. Ce dernier attribue au tarot
une
origine hindoue ; et ce sont les gipsys, selon lui (et d’ailleurs aus
683
nduite du « Duc d’Égypte » ; et qu’on lui suppose
une
ascendance hindoue. Or nous possédons des cartes de tarot plus ancien
684
suppose une ascendance hindoue. Or nous possédons
des
cartes de tarot plus anciennes, comme on vient de le voir. Les origin
685
selon nous, se perdent littéralement dans la nuit
des
temps. Nous soutiendrons cette thèse au paragraphe 5. 2. Etteilla
686
Nous lisons le jugement suivant sur Etteilla dans
un
petit ouvrage intitulé Le Nouvel Etteilla (Paris 1922) : Cet auteur,
687
ns son huitième volume du Monde primitif, d’après
un
amateur qui, lui-même, n’avait pu copier l’art de tirer les cartes, d
688
ramener tout à tout, et réciproquement. En voici
un
exemple : Etteilla a placé le Fou à la fin du jeu, c’est-à-dire au n
689
Selon les pays et les temps : quant au dessin
des
cartes, et quant à leur interprétation, les variations paraissent avo
690
t représente le Monde : on peut le voir de plus d’
une
façon. A) Pays. Citons Elie Alta : Etteilla a composé un jeu dans le
691
. A) Pays. Citons Elie Alta : Etteilla a composé
un
jeu dans lequel les figures des arcanes majeurs ont été déplacées ou
692
Etteilla a composé un jeu dans lequel les figures
des
arcanes majeurs ont été déplacées ou transformées. Seuls les arcanes
693
avec plus ou moins de fidélité. Défaut courant :
une
simplification intempérante des symboles. Comparez par exemple les ca
694
Défaut courant : une simplification intempérante
des
symboles. Comparez par exemple les cartes que nous reproduisons à la
695
les unes selon Court de Gébelin, les autres selon
des
modèles plus anciens, restitués par l’érudition. Et depuis Court de G
696
dence s’est accentuée. On trouve même aujourd’hui
des
cartes de tarot à figures redoublées (tête en haut et tête en bas) à
697
n bas) à l’instar du jeu de cartes moderne. C’est
un
abus inqualifiable, si l’on sait que l’interprétation de chaque lame
698
sulte aussi que le manque de place, dans le cas d’
une
figure doublée, oblige le dessinateur à expulser de la carte les symb
699
ueuses. C) Significations. Nous donnons en regard
des
lames reproduites ci-après quelques exemples d’interprétations fort d
700
ier à propos de ces mêmes cartes. Peut-être alors
une
certaine cohérence transparaîtrait-elle lentement au travers de ces m
701
ar l’examen du tableau suivant. En effet, chacune
des
lames du tarot (arcanes majeurs) s’identifie à : 1. une planète 2. un
702
mes du tarot (arcanes majeurs) s’identifie à : 1.
une
planète 2. un signe du zodiaque 3. une lettre de l’alphabet hébreu (s
703
rcanes majeurs) s’identifie à : 1. une planète 2.
un
signe du zodiaque 3. une lettre de l’alphabet hébreu (sens exotérique
704
fie à : 1. une planète 2. un signe du zodiaque 3.
une
lettre de l’alphabet hébreu (sens exotérique et sens ésotérique) 4. u
705
et hébreu (sens exotérique et sens ésotérique) 4.
un
nombre (interprété par la Cabbale) 5. un élément (selon l’alchimie) 6
706
ique) 4. un nombre (interprété par la Cabbale) 5.
un
élément (selon l’alchimie) 6. une couleur 7. une note de musique 8. u
707
r la Cabbale) 5. un élément (selon l’alchimie) 6.
une
couleur 7. une note de musique 8. un nom à quoi l’occultiste Lenain a
708
. un élément (selon l’alchimie) 6. une couleur 7.
une
note de musique 8. un nom à quoi l’occultiste Lenain a cru pouvoir aj
709
lchimie) 6. une couleur 7. une note de musique 8.
un
nom à quoi l’occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter : 9. un jour 10.
710
oi l’occultiste Lenain a cru pouvoir ajouter : 9.
un
jour 10. une heure 11. un degré 12. un génie 13. un verset des psaume
711
ste Lenain a cru pouvoir ajouter : 9. un jour 10.
une
heure 11. un degré 12. un génie 13. un verset des psaumes de David et
712
ru pouvoir ajouter : 9. un jour 10. une heure 11.
un
degré 12. un génie 13. un verset des psaumes de David et les psychana
713
outer : 9. un jour 10. une heure 11. un degré 12.
un
génie 13. un verset des psaumes de David et les psychanalystes modern
714
jour 10. une heure 11. un degré 12. un génie 13.
un
verset des psaumes de David et les psychanalystes modernes : 14. une
715
une heure 11. un degré 12. un génie 13. un verset
des
psaumes de David et les psychanalystes modernes : 14. une des quatre
716
mes de David et les psychanalystes modernes : 14.
une
des quatre facultés (pensée, intuition, sentiment, sensation) 15. un
717
de David et les psychanalystes modernes : 14. une
des
quatre facultés (pensée, intuition, sentiment, sensation) 15. un des
718
tés (pensée, intuition, sentiment, sensation) 15.
un
des archétypes de l’inconscient collectif. De plus, ces signification
719
(pensée, intuition, sentiment, sensation) 15. un
des
archétypes de l’inconscient collectif. De plus, ces significations so
720
non pas simplement juxtaposées. Prenons l’exemple
des
lettres. D’après Elie Alta (et donc Etteilla), « les Égyptiens ont at
721
illa), « les Égyptiens ont attaché à chaque carte
des
22 atouts majeurs une lettre de l’alphabet hébreu… Ces lettres ont ap
722
ont attaché à chaque carte des 22 atouts majeurs
une
lettre de l’alphabet hébreu… Ces lettres ont apporté avec elles les s
723
7 lettres appelées doubles qui figurent le monde
des
planètes ; puis 12 lettres dites simples qui figurent les 12 signes d
724
rnes Les interprètes contemporains diffèrent d’
une
manière décourageante quant au parallélisme à établir entre les quatr
725
parallélisme à établir entre les quatre couleurs
des
tarots et les quatre couleurs du jeu de cartes moderne. Bornons-nous
726
ation = Terre Enfin, selon R. M. de Marinis (dans
un
ouvrage à paraître en 1945) : Bâtons = Trèfle = Sexualité = Sensation
727
ieuses et sociales au Moyen Âge, et quelques-unes
des
situations élémentaires de l’existence, signifiées par allégories. Il
728
e dessin est exact. Et ces symboles, à l’examen d’
une
attention qui consent à se laisser docilement absorber, ne tardent pa
729
symboles de nos « grands rêves ». De fait, chacun
des
arcanes majeurs est une apparition, un grand rêve fixé, et peut être
730
rêves ». De fait, chacun des arcanes majeurs est
une
apparition, un grand rêve fixé, et peut être analysé à ce titre. Les
731
t, chacun des arcanes majeurs est une apparition,
un
grand rêve fixé, et peut être analysé à ce titre. Les figures de la p
732
onc considérer les arcanes majeurs du tarot comme
un
véritable Alphabet de la grande poésie universelle. Leur attribuer un
733
t de la grande poésie universelle. Leur attribuer
un
auteur, une date fixe, un usage limité, serait méconnaître leur natur
734
nde poésie universelle. Leur attribuer un auteur,
une
date fixe, un usage limité, serait méconnaître leur nature. Les arcan
735
erselle. Leur attribuer un auteur, une date fixe,
un
usage limité, serait méconnaître leur nature. Les arcanes sont issus
736
re leur nature. Les arcanes sont issus de la nuit
des
Mères, et de l’Underground éternel. Peut-être même faudrait-il voir d
737
ir dans les lames les plus anciennes les signes d’
un
langage secret, communiquant sous la forme anodine d’un jeu, les doct
738
gage secret, communiquant sous la forme anodine d’
un
jeu, les doctrines manichéennes de la secte des cathares ou albigeois
739
d’un jeu, les doctrines manichéennes de la secte
des
cathares ou albigeois, persécutée par l’inquisition. (La croisade con
740
dre leur croyance et leur sagesse par l’entremise
des
tireurs de cartes. Cette hypothèse a été formulée par le grand indian
741
ges remarquables sur « Le Fou ». 6. De l’usage
des
tarots Nous avons pris l’habitude de considérer les tarots avant t
742
abitude de considérer les tarots avant tout comme
un
moyen de divination de l’avenir. Si l’on en croit les plus récents tr
743
Foster Case, le tarot aurait été, originellement,
une
méthode de psychothérapie comparable à notre psychanalyse. Ses lames
744
t plusieurs années — et marqueraient les étapes d’
une
« voie hermétique » aboutissant à la réalisation intime du Grand Œuvr
745
boutissant à la réalisation intime du Grand Œuvre
des
alchimistes. Il s’agirait de passer, à travers ce yoga, de l’illusion
746
à travers ce yoga, de l’illusion à la réalité, et
des
choses telles qu’elles nous apparaissent aux choses telles qu’elles s
747
l’histoire de l’homme qui part dans la vie comme
un
Fol (arcane zéro) et aboutit à la connaissance de soi et du Monde (ar
748
, puis individuel, de la psyché humaine. Chacune
des
cartes était utilisée par l’étudiant en occultisme comme sujet de méd
749
lle combinait plusieurs modes d’entraînement dans
une
seule activité. Ainsi, tandis que l’étudiant apprenait les symboles,
750
ude, à l’analyse et à la synthèse, à l’évaluation
des
couleurs et des formes, et surtout il entraînait cette faculté maître
751
et à la synthèse, à l’évaluation des couleurs et
des
formes, et surtout il entraînait cette faculté maîtresse qui établit
752
il entraînait cette faculté maîtresse qui établit
des
corrélations entre les idées abstraites. Le schème d’études était en
753
nt : l’étudiant commençait par la contemplation d’
une
carte isolée, puis il la reliait graduellement à d’autres cartes, dis
754
res cartes, disposées autour de la première selon
des
structures de plus en plus complexes. (Berthe MacMonnies Hazard) Cet
755
teur l’importance réelle du tarot, indépendamment
des
usages pittoresques, secondaires, dérivés, et le plus souvent charlat
756
ont cru pouvoir se rendre maîtres. Terminons sur
une
anecdote. Le lendemain de la libération de Paris, le peintre Emlen Et
757
la salle du Sénat, meubles brisés, papiers épars,
une
table au tapis vert était seule restée debout. Les deux peintres s’ét
758
s y virent « jetées comme par la main du destin »
une
séquence de lames de tarot. Dernier message des occupants. Message su
759
» une séquence de lames de tarot. Dernier message
des
occupants. Message suspect, ajouterons-nous : il s’agissait de cartes
760
l s’agissait de cartes allemandes portant au lieu
des
coupes, bâtons, deniers, épées : des cœurs, des cloches, des feuilles
761
tant au lieu des coupes, bâtons, deniers, épées :
des
cœurs, des cloches, des feuilles et des glands. Le Fou, arcane 0
762
u des coupes, bâtons, deniers, épées : des cœurs,
des
cloches, des feuilles et des glands. Le Fou, arcane 0 a) Inte
763
bâtons, deniers, épées : des cœurs, des cloches,
des
feuilles et des glands. Le Fou, arcane 0 a) Interprétation d’
764
, épées : des cœurs, des cloches, des feuilles et
des
glands. Le Fou, arcane 0 a) Interprétation d’Elie Alta d’aprè
765
Retraçons d’ailleurs aux yeux du sage l’emblème d’
un
voyageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’un court trajet d
766
yageur, qui symbolise l’homme. Cette vie n’est qu’
un
court trajet dont nous pouvons adoucir les peines en nous comportant
767
itney, d’après diverses traditions : Vue sous
un
certain angle (si l’on place l’arcane à la fin du jeu) cette carte es
768
n place l’arcane à la fin du jeu) cette carte est
une
image de l’inconscience, des occasions manquées, de la vie d’illusion
769
jeu) cette carte est une image de l’inconscience,
des
occasions manquées, de la vie d’illusion. Le Fou, dans ce sens, est l
770
zéro. Vu sous l’angle de A. E. Waite, le Fou est
un
homme richement habillé, portant une rose à la main, et qui s’arrête
771
e, le Fou est un homme richement habillé, portant
une
rose à la main, et qui s’arrête au bord d’un précipice pour contemple
772
ant une rose à la main, et qui s’arrête au bord d’
un
précipice pour contempler l’espace au-dessous et au-dessus de lui. L’
773
plein d’intelligence, de rêve et d’attente. C’est
un
prince de l’autre monde en voyage ici-bas. Sous cet aspect, il est la
774
McM. Hazard (résumé) La clef 0 doit exprimer
un
état de préparation, avant la conscience et l’individuation. Les symb
775
— et de disques jaunes sur lesquels sont brodées
des
roues rouges à 8 rayons, annonçant l’accomplissement futur, l’intégra
776
e, ou objet, ou animal, ou même abstraction, dans
une
suite de symboles qui expriment d’abord les archétypes de l’homme col
777
d) Interprétation de Heinrich Zimmer (extraite d’
un
ouvrage posthume, non encore publié) Dernière carte de la série de
778
porte pas de symboles ou de nombre qui la relie à
une
des couleurs… Cette figure solitaire montre un vagabond errant sans b
779
e pas de symboles ou de nombre qui la relie à une
des
couleurs… Cette figure solitaire montre un vagabond errant sans but,
780
à une des couleurs… Cette figure solitaire montre
un
vagabond errant sans but, avec la démarche d’un fou… et un regard qui
781
e un vagabond errant sans but, avec la démarche d’
un
fou… et un regard qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune. (L
782
nd errant sans but, avec la démarche d’un fou… et
un
regard qui perce toutes choses sans s’arrêter à aucune. (Le Fou) expr
783
st) parvenu au terme de l’initiation. Semblable à
un
fou, à un mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l
784
u au terme de l’initiation. Semblable à un fou, à
un
mendiant, à un hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’homme par
785
’initiation. Semblable à un fou, à un mendiant, à
un
hors-caste : car c’est ainsi que le saint, l’homme parfait, doit appa
786
saint, l’homme parfait, doit apparaître aux yeux
des
autres. Il s’est libéré des systèmes de castes, des hiérarchies socia
787
t apparaître aux yeux des autres. Il s’est libéré
des
systèmes de castes, des hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de l
788
s autres. Il s’est libéré des systèmes de castes,
des
hiérarchies sociales. Il n’a plus besoin de la puissance terrestre (l
789
us besoin de la puissance terrestre (les épées) ;
des
sacrements, rites et prêtres des religions établies (les coupes) ; de
790
re (les épées) ; des sacrements, rites et prêtres
des
religions établies (les coupes) ; des biens qu’on peut acheter et ven
791
et prêtres des religions établies (les coupes) ;
des
biens qu’on peut acheter et vendre (les deniers) ; du sol et du foyer
792
, ni de nom. Il est la carte anonyme. Il n’est qu’
un
fol errant. Comment a-t-il atteint le stade suprême, bien au-dessus d
793
t a-t-il atteint le stade suprême, bien au-dessus
des
rois, des reines, des as, des chevaliers et des valets, au-dessus des
794
tteint le stade suprême, bien au-dessus des rois,
des
reines, des as, des chevaliers et des valets, au-dessus des 21 symbol
795
ade suprême, bien au-dessus des rois, des reines,
des
as, des chevaliers et des valets, au-dessus des 21 symboles qui décri
796
ême, bien au-dessus des rois, des reines, des as,
des
chevaliers et des valets, au-dessus des 21 symboles qui décrivent la
797
s des rois, des reines, des as, des chevaliers et
des
valets, au-dessus des 21 symboles qui décrivent la hiérarchie des ess
798
, des as, des chevaliers et des valets, au-dessus
des
21 symboles qui décrivent la hiérarchie des essences et des sphères s
799
essus des 21 symboles qui décrivent la hiérarchie
des
essences et des sphères surhumaines ? En passant à travers eux tous,
800
boles qui décrivent la hiérarchie des essences et
des
sphères surhumaines ? En passant à travers eux tous, mais sans être p
801
ssant à travers eux tous, mais sans être pris par
un
seul… Ayant accompli son être dans la coïncidence des contraires, pou
802
seul… Ayant accompli son être dans la coïncidence
des
contraires, pour lui l’univers ambiant perd son poids. Sa réalité vis
803
hoses : elles ne sont que néant, elles ne sont qu’
un
mirage, il les a dépassées… Il est le mendiant qui possède l’univers,
804
iter de fou. Il l’est en effet, mais il n’est pas
un
lunatique quelconque, un idiot ou un simple d’esprit. C’est ce qu’il
805
effet, mais il n’est pas un lunatique quelconque,
un
idiot ou un simple d’esprit. C’est ce qu’il paraît. Si quelque étrang
806
il n’est pas un lunatique quelconque, un idiot ou
un
simple d’esprit. C’est ce qu’il paraît. Si quelque étranger aux habit
807
tre rien. Et de même, il convient que la séquence
des
arcanes, grâce aux symboles graphiques desquels nous sont dévolus l’i
808
et l’accomplissement, apparaisse simplement comme
une
série de cartes à jouer plutôt bizarres et démodées… Le Parfait sous
809
bizarres et démodées… Le Parfait sous l’aspect d’
un
fol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune des réalités parti
810
ol errant, a dépassé la possibilité d’être aucune
des
réalités particulières exprimées par les quatre couleurs et les arcan
811
r, — quelqu’un qui ne professe aucune profession,
un
spirituel sans emploi, un vagabond cosmique. Prenons bien garde à la
812
esse aucune profession, un spirituel sans emploi,
un
vagabond cosmique. Prenons bien garde à la manière dont nous le trait
813
nifestation qui va se produire, la potentialité d’
un
événement. Idée d’eau, de liquide. Astrologie. La Vierge, maison de
814
e si elle est impudique. Figure. Elle représente
une
roue sur son axe, elle entraîne d’un côté un singe, un lapin ou un di
815
représente une roue sur son axe, elle entraîne d’
un
côté un singe, un lapin ou un diable, et de l’autre côté un homme. El
816
nte une roue sur son axe, elle entraîne d’un côté
un
singe, un lapin ou un diable, et de l’autre côté un homme. Elle nous
817
ue sur son axe, elle entraîne d’un côté un singe,
un
lapin ou un diable, et de l’autre côté un homme. Elle nous indique si
818
xe, elle entraîne d’un côté un singe, un lapin ou
un
diable, et de l’autre côté un homme. Elle nous indique simplement le
819
singe, un lapin ou un diable, et de l’autre côté
un
homme. Elle nous indique simplement le mouvement de la vie dans tous
820
é au sommet de la roue, figure la loi universelle
des
transmutations matérielles ou physiques… Celui qui s’élève sera abais
821
ux 4 coins de la carte, les figures symboliques —
un
homme, ou ange, un lion, un taureau, un aigle — signifient les 4 divi
822
rte, les figures symboliques — un homme, ou ange,
un
lion, un taureau, un aigle — signifient les 4 divisions du cosmos aux
823
figures symboliques — un homme, ou ange, un lion,
un
taureau, un aigle — signifient les 4 divisions du cosmos auxquelles f
824
oliques — un homme, ou ange, un lion, un taureau,
un
aigle — signifient les 4 divisions du cosmos auxquelles faisaient all
825
éments seront équilibrées. Au centre de la carte,
un
large cercle orangé indique que le Grand Œuvre est une activité solai
826
arge cercle orangé indique que le Grand Œuvre est
une
activité solaire. Trois cercles concentriques s’y inscrivent : Père,
827
ues s’y inscrivent : Père, Mère, Fils. Au milieu,
une
roue à 8 rayons signifie la manifestation parfaite, résultant du mouv
828
équilibre entre les aspects positifs et négatifs
des
4 instruments (bâtons, épées, coupes, deniers), c’est-à-dire entre l’
829
t-à-dire entre l’évolution et l’involution. L’une
des
roues porte les signes alchimiques du Mercure (Intellect) ; Sel (Corp
830
e en ait porté autrefois. À l’extrémité de chacun
des
rayons de la première roue est placée une des lettres du mot T A R O,
831
chacun des rayons de la première roue est placée
une
des lettres du mot T A R O, qui doit se lire dans le sens des aiguill
832
cun des rayons de la première roue est placée une
des
lettres du mot T A R O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles d
833
res du mot T A R O, qui doit se lire dans le sens
des
aiguilles d’une montre. À l’extrémité de chacun des rayons de la seco
834
O, qui doit se lire dans le sens des aiguilles d’
une
montre. À l’extrémité de chacun des rayons de la seconde roue, sont l
835
s aiguilles d’une montre. À l’extrémité de chacun
des
rayons de la seconde roue, sont les lettres Yod, Heh, Vav, Heh, qui d
836
, Vav, Heh, qui doivent être lues en sens inverse
des
aiguilles d’une montre, étant hébraïques. La division quaternaire du
837
doivent être lues en sens inverse des aiguilles d’
une
montre, étant hébraïques. La division quaternaire du cosmos se retrou
838
évolue vers le Père : c’est l’homme qui s’éveille
des
profondeurs, et qui commence à monter vers l’appel du Sphinx, symbole
839
t bleu (spiritualisé, re-né) et porte sur la tête
des
ornements noirs et blancs : équilibre des contradictions. Il tient l’
840
la tête des ornements noirs et blancs : équilibre
des
contradictions. Il tient l’épée de la discrimination. Son corps est m
841
ébelin : Le Monde primitif (volume VIII) : Du jeu
des
tarots, Paris, 1781. Etteilla : Manière de se récréer avec le jeu de
842
5. — Le Livre de Thot. M. M. D’Odoucet : Science
des
signes, ou médecine de l’esprit, connue sous le nom d’art de tirer le
843
(Gérard Encausse) : Le Tarot divinatoire ou tarot
des
bohémiens, Paris, 1885. Arthur Edward Waite : The Pictorial Key to th
844
ot Égyptien, Vichy, 1922. Oswald Wirth : Le Tarot
des
imagiers du Moyen Âge, 1927. Paul Foster Case : An introduction to th
845
loquence creuse et de clichés. J’en parlerai dans
un
tout autre sens. Je voudrais désigner par rhétorique l’ensemble des r
846
s. Je voudrais désigner par rhétorique l’ensemble
des
règles du jeu dans l’art. Feraient partie de la rhétorique des élémen
847
jeu dans l’art. Feraient partie de la rhétorique
des
éléments aussi divers que les lois de composition d’un tableau, et sa
848
éments aussi divers que les lois de composition d’
un
tableau, et sa limitation par le cadre ; les lois de l’harmonie et du
849
, finales, épilogues et points d’orgue ; la règle
des
trois unités ; les transitions, récitatifs, coups de théâtre et contr
850
de théâtre et contrastes ménagés ; le nombre fixe
des
syllabes dans un vers et des vers dans un sonnet ; les rimes et les c
851
rastes ménagés ; le nombre fixe des syllabes dans
un
vers et des vers dans un sonnet ; les rimes et les césures, — bref, t
852
gés ; le nombre fixe des syllabes dans un vers et
des
vers dans un sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes les co
853
e fixe des syllabes dans un vers et des vers dans
un
sonnet ; les rimes et les césures, — bref, toutes les conventions acc
854
tant connues, amateurs et critiques disposaient d’
une
mesure commune avec le créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture
855
créateur. Ils pouvaient estimer la bienfacture d’
une
œuvre, et faire la part de l’invention par déduction de la coutume. P
856
acés ou perdus, notre époque ne sait plus juger d’
une
œuvre. Elle tient la rhétorique et ses figures pour arbitraires, arti
857
les devenues.) Mais dès l’instant où les règles d’
un
jeu cessent d’être respectées comme absolues, qui pourrait désigner l
858
s aucun charme. Si vous vous soumettez aux règles
des
échecs, déplacer un seul pion du noir au blanc devient un acte passio
859
us vous soumettez aux règles des échecs, déplacer
un
seul pion du noir au blanc devient un acte passionnant, qui peut conc
860
s, déplacer un seul pion du noir au blanc devient
un
acte passionnant, qui peut concentrer votre esprit pendant plusieurs
861
ont strictement non arbitraires. Elles traduisent
des
relations constitutives de notre corps, de la psyché et du Cosmos. La
862
La régularité et l’alternance de la respiration,
des
nuits et des saisons, sont nécessaires à notre vie, comme les cadence
863
é et l’alternance de la respiration, des nuits et
des
saisons, sont nécessaires à notre vie, comme les cadences et les cont
864
e la rhétorique considérées dans toute la variété
des
arts, ne sont pas sans correspondances avec les formes régulières don
865
e au moins, que l’affleurement ou que la fixation
des
archétypes de l’inconscient, tels qu’un Jung put les retrouver dans l
866
fixation des archétypes de l’inconscient, tels qu’
un
Jung put les retrouver dans les symboles des religions et des magies,
867
ls qu’un Jung put les retrouver dans les symboles
des
religions et des magies, spontanément réapparus au cours des âges et
868
les retrouver dans les symboles des religions et
des
magies, spontanément réapparus au cours des âges et sur les points le
869
ns et des magies, spontanément réapparus au cours
des
âges et sur les points les plus divers de la planète. Les romantiques
870
ont soupçonné : Jean-Paul invoque la « rhétorique
des
rêves ». Mais c’est Baudelaire qui touche le vrai point, lorsque, ris
871
laire qui touche le vrai point, lorsque, risquant
un
assemblage de mots qui devait paraître, de son temps, le plus scandal
872
eusement paradoxal, il n’hésite pas à nous parler
des
artifices d’une « rhétorique profonde ». Au milieu du xviiie siècle
873
al, il n’hésite pas à nous parler des artifices d’
une
« rhétorique profonde ». Au milieu du xviiie siècle, trois phénomèn
874
commanda de les éliminer. De ses fleurs, elle fit
des
clichés1. Abandonné à l’inspiration pure, comme la colombe de Kant qu
875
. Le sociologue et le photographe l’observaient d’
un
œil ironique. La naissance, le triomphe et le déclin du roman comme
876
u roman est dans le conte. La société primitive a
des
mythes, courts récits mémorables destinés à fixer des événements de l
877
mythes, courts récits mémorables destinés à fixer
des
événements de l’âme ou du Cosmos dans un jeu de personnages et d’aven
878
à fixer des événements de l’âme ou du Cosmos dans
un
jeu de personnages et d’aventures très simples. Le mythe se développe
879
éveloppe en légende, et la légende sacrée convoie
un
enseignement religieux. L’épopée perpétue ensuite le souvenir des hér
880
religieux. L’épopée perpétue ensuite le souvenir
des
héros de la tribu. Mais à mesure que les dieux prennent figure d’homm
881
ustration de vérités morales communes à l’élite d’
une
société donnée. Nous avons fait, en quelques lignes, tout le chemin q
882
qui sépare les premiers chapitres de la genèse d’
un
roman comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’un rêve éveillé,
883
man comme L’Astrée. Mais L’Astrée n’est encore qu’
un
rêve éveillé, donné pour tel par son auteur. C’est avec La Princesse
884
imagination. Et l’on ne sait plus si le roman est
une
pseudo-science ou un faux art. Regardons de plus près ce passage de l
885
e sait plus si le roman est une pseudo-science ou
un
faux art. Regardons de plus près ce passage de l’invention réelle au
886
c’est-à-dire : l’extérieur — ne peut fournir que
des
objets à exprimer, non pas des moyens d’expression. Mieux on l’imite
887
e peut fournir que des objets à exprimer, non pas
des
moyens d’expression. Mieux on l’imite et plus on s’écarte de l’art. A
888
eux on l’imite et plus on s’écarte de l’art. Avec
une
incroyable étourderie, certains demandent alors un « art vivant ». Co
889
e incroyable étourderie, certains demandent alors
un
« art vivant ». Comme si les règles d’un jeu devaient être vivantes !
890
nt alors un « art vivant ». Comme si les règles d’
un
jeu devaient être vivantes ! Plus personne ne pourrait jouer2. Le jeu
891
opier la nature naturée. Et la psyché réinventait
un
réel significatif. Comment rejoindrait-on le sens profond des choses
892
nificatif. Comment rejoindrait-on le sens profond
des
choses et des événements de la vie, en décalquant le désordre varié d
893
ment rejoindrait-on le sens profond des choses et
des
événements de la vie, en décalquant le désordre varié des objets ou d
894
ements de la vie, en décalquant le désordre varié
des
objets ou des sentiments ? Par l’extérieur on ne rejoint que l’insign
895
ie, en décalquant le désordre varié des objets ou
des
sentiments ? Par l’extérieur on ne rejoint que l’insignifiance observ
896
que les lois mêmes de la vie. » Cette proposition
des
plus étranges est reçue sans le moindre étonnement par la critique mo
897
ient les sentiments jusqu’au sublime, proposaient
des
types de vie haute, et réveillaient des forces endormies. Le conte ét
898
oposaient des types de vie haute, et réveillaient
des
forces endormies. Le conte était le libre déploiement des réalités mê
899
es endormies. Le conte était le libre déploiement
des
réalités mêmes de l’âme, qu’il décrivait en personnages selon certain
900
onnages selon certains procédés et figures surgis
des
profondeurs de l’être, identiques à ceux du rêve, et crus comme tels
901
t une fois… », il créait aussitôt chez l’auditeur
un
état très particulier de réceptivité et de créance. On savait qu’un j
902
culier de réceptivité et de créance. On savait qu’
un
jeu commençait, amusant ou profond, et significatif. On croyait tout
903
eu. Le jeu ne tolère pas de scepticisme. Observez
un
enfant quand il attend « l’histoire ». Dès que la formule consacrée t
904
l’histoire ». Dès que la formule consacrée tombe
des
lèvres de la grande personne, l’enfant change de visage, l’état secon
905
attente où naît l’illusion romanesque. Il a suffi
des
mots rituels pour suspendre le sens critique, et voici le plaisir ext
906
siècle passé, les conteurs populaires et certains
des
meilleurs écrivains avaient encore coutume de débuter par des phrases
907
s écrivains avaient encore coutume de débuter par
des
phrases stéréotypées : « Par une belle matinée de novembre, un voyage
908
e de débuter par des phrases stéréotypées : « Par
une
belle matinée de novembre, un voyageur vêtu d’un macfarlane gris chev
909
éréotypées : « Par une belle matinée de novembre,
un
voyageur vêtu d’un macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de
910
une belle matinée de novembre, un voyageur vêtu d’
un
macfarlane gris chevauchait sur la route qui va de N… à X… » (Fenimor
911
… » (Fenimore Cooper, j’imagine). Ou bien c’était
une
lente description des lieux, introduisant dans l’atmosphère du récit.
912
j’imagine). Ou bien c’était une lente description
des
lieux, introduisant dans l’atmosphère du récit. (Le début de Le Rouge
913
.) Ces procédés d’avertissement retenaient encore
une
règle élémentaire : marquer le début du jeu par un signal convenu, is
914
e règle élémentaire : marquer le début du jeu par
un
signal convenu, isoler de la vie courante la partie jouée. Mais le ro
915
i est donc d’entrer comme par hasard, au milieu d’
une
situation, d’une atmosphère, ou même d’une phrase, « N’importe où et
916
er comme par hasard, au milieu d’une situation, d’
une
atmosphère, ou même d’une phrase, « N’importe où et n’importe comment
917
lieu d’une situation, d’une atmosphère, ou même d’
une
phrase, « N’importe où et n’importe comment » — c’est à quoi vise son
918
rt. « Gontran sortit son briquet de nacre, alluma
une
cigarette blonde et consulta l’indicateur. » Il s’agit de me faire cr
919
re croire que c’est vrai. Il faut donc me fournir
des
preuves et des observations exactes. Mais à la première preuve, je co
920
’est vrai. Il faut donc me fournir des preuves et
des
observations exactes. Mais à la première preuve, je commence à douter
921
s’abandonner à son rythme d’images — plus j’exige
un
récit vraisemblable. À la limite, il serait impossible qu’un lecteur
922
aisemblable. À la limite, il serait impossible qu’
un
lecteur tombe jamais d’accord avec l’auteur. Car il n’est pas deux ex
923
’autres charmes… Du conteur pur, je n’exigeais qu’
un
sens, valable et vérifiable en soi. 2°) — Par la suppression des céré
924
le et vérifiable en soi. 2°) — Par la suppression
des
cérémonies d’introduction et de sortie3, le romancier moderne veut cr
925
oublier. D’où cet axiome de la critique moderne :
un
roman ne doit pas être « écrit ». Tous ces efforts trahissent le curi
926
curieux embarras de ne pouvoir faire entrer dans
un
livre des personnages grandeur nature. La volonté d’éliminer toutes l
927
embarras de ne pouvoir faire entrer dans un livre
des
personnages grandeur nature. La volonté d’éliminer toutes les convent
928
sérieux de la vie est, par définition, le domaine
des
conséquences indéfinies. L’hésitation du romancier moderne à terminer
929
ion du romancier moderne à terminer son livre par
une
décision de l’esprit ou par un artifice de rhétorique, telle est la s
930
ner son livre par une décision de l’esprit ou par
un
artifice de rhétorique, telle est la source impure du roman-fleuve. L
931
est la source impure du roman-fleuve. La longueur
des
ouvrages de ce genre est l’expression de l’embarras d’un écrivain qui
932
ages de ce genre est l’expression de l’embarras d’
un
écrivain qui s’est privé des secours de l’art. D’ailleurs cet allonge
933
ssion de l’embarras d’un écrivain qui s’est privé
des
secours de l’art. D’ailleurs cet allongement, trop souvent excessif p
934
oujours insuffisant pour égaler la durée réelle d’
une
vie. Quelque chose de méthodiquement insignifiant. Car la-vie-telle-q
935
c contemporain, le morceau n’étant visiblement qu’
une
captatio benevolentiae où l’auteur se montre attentif à ne promettre
936
our le roman comme genre les occasions d’acquérir
un
mérite esthétique supérieur… mais ce qui en tout cas lui interdit de
937
e : « Le lecteur se demandera : où cela va-t-il ?
Des
personnages se perdent… » Mais, répond notre auteur, comme pour se ju
938
ns traditionnels « préoccupés qu’ils sont, au nom
des
vieilles règles, de commencer et de finir le jeu avec les mêmes carte
939
ousu de la vie réelle. Avouer l’ambition d’écrire
un
livre en se conformant aux « lois de la vie », c’est doublement trich
940
la présentation dramatisée. Ces conditions, dans
une
vue commerciale, sont très jalousement maintenues par les « producers
941
f de l’épithète. Ces légèretés ne pardonnent pas.
Une
contre-épreuve de notre diagnostic nous sera fournie par le succès du
942
ne pense pas qu’on puisse expliquer ce succès par
un
intérêt pour le crime, qui serait particulier à notre époque. Le roma
943
emeure le seul genre défini, obéissant aux lois d’
une
rhétorique précise. C’est un jeu, et un jeu serré, qui ne tolère aucu
944
béissant aux lois d’une rhétorique précise. C’est
un
jeu, et un jeu serré, qui ne tolère aucune faiblesse, aucune tricheri
945
x lois d’une rhétorique précise. C’est un jeu, et
un
jeu serré, qui ne tolère aucune faiblesse, aucune tricherie. Ses lois
946
ants comme ceux de la Commedia dell’arte, ou ceux
des
cartes et des échecs : le détective élégant, volontiers philosophe, l
947
x de la Commedia dell’arte, ou ceux des cartes et
des
échecs : le détective élégant, volontiers philosophe, l’agent de poli
948
complètement à la fin du livre, et ne comporte qu’
un
nombre fini d’éléments. Le lieu de l’action est circonscrit : c’est g
949
de l’action est circonscrit : c’est généralement
une
maison dont il semble que personne n’ait pu y entrer ni en sortir, et
950
blème sous forme de cadavre. Parfois, ce n’est qu’
une
chambre4. Toutes ces conditions satisfont à l’excellente définition d
951
nte définition du jeu proposée par J. Huizinga5 :
une
action dont le début et la fin sont nettement marqués, qui a lieu dan
952
et la fin sont nettement marqués, qui a lieu dans
un
espace nettement délimité et qui obéit, entre ces limites spatiales e
953
it, entre ces limites spatiales et temporelles, à
des
règles indiscutées. Le roman policier passionne dans la mesure même o
954
passionne dans la mesure même où il tient compte
des
règles, soit pour les appliquer avec une perfection classique, soit p
955
t compte des règles, soit pour les appliquer avec
une
perfection classique, soit pour y introduire quelque ingénieuse varia
956
uire quelque ingénieuse variation. La fixité même
des
règles fondamentales permet de mesurer l’invention de chaque auteur,
957
ention de chaque auteur, et les progrès du genre.
Une
grande partie de l’intérêt que l’amateur apporte à la lecture de ces
958
nt au raffinement ou à la complication croissante
des
règles. (Le lecteur de romans policiers devient très vite un spéciali
959
(Le lecteur de romans policiers devient très vite
un
spécialiste.) Et cette rhétorique ne manquera pas d’exercer son pouvo
960
as d’exercer son pouvoir créateur de communauté :
des
clubs de fanatiques du roman policier se sont fondés un peu partout.
961
bs de fanatiques du roman policier se sont fondés
un
peu partout. La vogue actuelle du roman historique pourrait être invo
962
celle qui consiste à forcer la vraisemblance par
une
accumulation de faits observables. Le roman mourra donc, comme sont
963
s formelles, et pour avoir poursuivi la chimère d’
une
liberté sans condition. Quelques phénomènes extérieurs viendront préc
964
comme ressorts de l’action, ou qu’enfin il se fît
un
prestige de les contredire et miner. Tout cela ne durera plus que le
965
Tout cela ne durera plus que le temps de liquider
un
héritage saccagé par la guerre actuelle et par l’avènement des masses
966
saccagé par la guerre actuelle et par l’avènement
des
masses. La révolution que nous vivons déclassera la plupart des objet
967
isait toute son « étude ». Mais le besoin de lire
des
fables ne s’éteindra pas pour si peu ; et moins encore, le besoin d’e
968
oin d’en conter. L’imaginaire, délivré du souci d’
une
vraisemblance insignifiante ou statistique, retrouvera l’usage propre
969
sage proprement « fabuleux », le pouvoir créateur
des
formes fixes et la dialectique des symboles. Le conteur, renonçant à
970
uvoir créateur des formes fixes et la dialectique
des
symboles. Le conteur, renonçant à imiter la vie, la récréera ; et ren
971
lagrants du siècle défient nos imaginations. Seul
un
art délirant de fantaisie a su préfigurer le rythme de nos catastroph
972
rire populaire avec l’instinct sadique et le goût
des
orgies de destruction que devait traduire, quelques années plus tard,
973
ésastres réels, l’art de demain va revenir au jeu
des
amplifications, raccourcis et miracles qui constituaient la rhétoriqu
974
urcis et miracles qui constituaient la rhétorique
des
contes. Il ne rejoindra le sens vrai de nos vies qu’en se livrant à l
975
e nos vies qu’en se livrant à la logique profonde
des
symboles et des mythes de l’âme. Tout porte à tenir pour probable que
976
se livrant à la logique profonde des symboles et
des
mythes de l’âme. Tout porte à tenir pour probable que les grandes œuv
977
re au lendemain de cette guerre, se rapprocheront
des
types de libre création, des paraboles que furent en d’autres temps G
978
re, se rapprocheront des types de libre création,
des
paraboles que furent en d’autres temps Gargantua, Don Quichotte, Robi
979
3. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel d’
un
des joueurs à son partenaire, disposition des pions ; trois coups fra
980
. Coup de sifflet donné par l’arbitre, appel d’un
des
joueurs à son partenaire, disposition des pions ; trois coups frappés
981
el d’un des joueurs à son partenaire, disposition
des
pions ; trois coups frappés d’avance, lever de rideau ; l’ouverture d
982
frappés d’avance, lever de rideau ; l’ouverture d’
un
opéra ; le cadre du tableau, etc. Des procédés identiques annoncent l
983
’ouverture d’un opéra ; le cadre du tableau, etc.
Des
procédés identiques annoncent la terminaison du jeu, la rentrée dans
984
Idem : les rites d’entrée et de sortie relatifs à
un
espace ou à un temps sacré. 4. Voir Roger Caillois, Le Roman policie
985
s d’entrée et de sortie relatifs à un espace ou à
un
temps sacré. 4. Voir Roger Caillois, Le Roman policier, Buenos Aires
986
ntribution à l’étude du coup de foudre (1946)o
Un
regard dans un regard et les voilà fixés, cloués sur place, comme le
987
étude du coup de foudre (1946)o Un regard dans
un
regard et les voilà fixés, cloués sur place, comme le coq est cloué s
988
beau. Mais rien ne sert de n’y pas croire. C’est
un
fait, nous l’avons subi, et nous avons tous dit : je n’y puis rien. A
989
n. Avec autant de sincérité, nous semblait-il, qu’
un
croyant décrivant sa conversion en termes de grâce et de prédestinati
990
passivité que l’on allègue, ne serait-elle point
un
alibi ? Je ne parle que du vrai coup de fondre, celui qui est suivi d
991
, ils ne sont qu’éclairs de chaleur dans l’aura d’
un
cœur orageux. Aux portières d’un train que l’on croise, entre cieux s
992
ur dans l’aura d’un cœur orageux. Aux portières d’
un
train que l’on croise, entre cieux stations de métro, dans la foule o
993
stations de métro, dans la foule où se cherchent
des
yeux — ils se détournent aussitôt que frappés et c’est toujours : « Ô
994
e, en ce temps-là. Je disais à ce romancier (l’un
des
meilleurs de l’Allemagne d’alors) : — Le mythe du coup de foudre est
995
rs) : — Le mythe du coup de foudre est sans doute
une
astucieuse invention de Don Juan pour impressionner ses victimes. Il
996
flatte comme l’idée que l’on va vivre à son tour
une
scène de roman. Oui, l’idée seule a fait tous ces ravages, et non pas
997
nez par vos romans… Mais ce n’est pas assez que d’
une
complaisance acquise. Il faut encore une rencontre ménagée à la resse
998
ez que d’une complaisance acquise. Il faut encore
une
rencontre ménagée à la ressemblance du rêve : toute une cérémonie, av
999
ncontre ménagée à la ressemblance du rêve : toute
une
cérémonie, avec ses rôles prescrits, son ouverture déclarée par un hé
1000
c ses rôles prescrits, son ouverture déclarée par
un
héraut, sa lenteur imposante interdisant la fuite. Admirez l’appareil
1001
’un vers l’autre, dans la scène du hanap, ce sont
des
officiants… Tout se passe comme si les deux amants se trouvaient dési
1002
si les deux amants se trouvaient désignés non par
un
sort aveugle, mais au contraire par la profonde convenance des rôles
1003
gle, mais au contraire par la profonde convenance
des
rôles qu’ils tiennent dans la société, sous l’égide des plus intangib
1004
les qu’ils tiennent dans la société, sous l’égide
des
plus intangibles hiérarchies. Et Don Juan triche, une fois de plus, q
1005
cela se produise à l’improviste, comme au coin d’
un
bois… Il me vient une image dont la netteté pourra faire excuser le p
1006
’improviste, comme au coin d’un bois… Il me vient
une
image dont la netteté pourra faire excuser le prosaïsme : le coup de
1007
né, il veut la pose… Tandis que je parlais ainsi,
une
espèce de gêne me vint, le sentiment de mal tomber. Il me sembla que
1008
bla que mes propos touchaient mon interlocuteur d’
une
manière un peu trop personnelle, et comment dire ? — qu’il savait mie
1009
propos touchaient mon interlocuteur d’une manière
un
peu trop personnelle, et comment dire ? — qu’il savait mieux que moi
1010
mettez, dit-il gentiment, que je vous réponde par
une
confession. Je ne sais d’ailleurs ce qu’on peut en conclure pour ou c
1011
Hitler arrivait au pouvoir, on m’offrit de donner
des
conférences à Budapest. Le président de l’organisation qui m’invitait
1012
président de l’organisation qui m’invitait était
un
grand banquier, ami des lettres. Il vint m’attendre au débarqué de l’
1013
ation qui m’invitait était un grand banquier, ami
des
lettres. Il vint m’attendre au débarqué de l’avion et me conduisit à
1014
puis quelques instants dans sa bibliothèque, où d’
un
coup d’œil furtif j’avais remarqué mes livres, lorsque sa femme entra
1015
livres, lorsque sa femme entra en nous saluant d’
une
mélodieuse formule hongroise. La présentation faite, cette dame nous
1016
elle liqueur de pêche dont on vide trois verres d’
un
seul trait, en se regardant dans les yeux. Je me sentis pâlir violemm
1017
, et quelles personnes me prient de leur réserver
un
dîner : bref, vous vous rappelez ce qu’était la Hongrie, cette hospit
1018
relations… Mais rien n’y fait. Je ne puis avaler
une
seule bouchée. Est-ce vraiment l’effet de l’avion ? J’allais m’en per
1019
lence encore dans la voiture qu’elle conduit avec
une
expression concentrée, presque rageuse. Nous traversons les grandes a
1020
s traversons les grandes artères de Pest, le pont
des
Chaînes sur les eaux jaunes du Danube, puis ces ruelles de Buda qui m
1021
ces ruelles de Buda qui montent sur les flancs d’
un
énorme rocher en pleine ville, que domine la statue de saint Geller,
1022
les bras en croix. Elle arrête la voiture près d’
une
barrière de parc public, descend, s’éloigne dans la neige bien gelée
1023
’enfoncent et se marquent. Je la rejoins. Alors d’
un
geste elle désigne la ville à nos pieds : « — Mon mari m’a demandé de
1024
: « — Si nous allions prendre quelque chose dans
un
restaurant ? — Bonne idée », fait-elle d’une voix basse, sans me rega
1025
dans un restaurant ? — Bonne idée », fait-elle d’
une
voix basse, sans me regarder. Nous voici attablés devant des sandwich
1026
sse, sans me regarder. Nous voici attablés devant
des
sandwiches au caviar rouge. Et le tour recommence. Même jeu qu’au déj
1027
l’un ni l’autre ne pouvons toucher à rien. Tout d’
un
coup je me suis mis debout. Je fais le tour de la table, je m’arrête
1028
! Elle se lève et me suit. Nous allons chez elle.
Un
vertige, un sombre délire, et sans qu’un mot de plus ait été prononcé
1029
ve et me suit. Nous allons chez elle. Un vertige,
un
sombre délire, et sans qu’un mot de plus ait été prononcé… Et ce fut
1030
ez elle. Un vertige, un sombre délire, et sans qu’
un
mot de plus ait été prononcé… Et ce fut ainsi, durant tout mon séjour
1031
lions jamais. Le soir, j’avais mes conférences ou
un
dîner. Et je passais le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’
1032
un dîner. Et je passais le reste de la nuit dans
un
bar, en compagnie d’un peintre réfugié, nommé Maria. Je l’avais connu
1033
s le reste de la nuit dans un bar, en compagnie d’
un
peintre réfugié, nommé Maria. Je l’avais connu quelques années aupara
1034
Je l’avais connu quelques années auparavant dans
un
groupe politique, à Berlin, que je fréquentais à l’insu de ma femme.
1035
je fréquentais à l’insu de ma femme. J’étais dans
un
état d’exaltation extrême, à peu près incapable de dormir, sauf quelq
1036
ns avec mon ami d’art, de religion, de politique,
des
perspectives du nouveau régime, et pas du tout de mes après-midi. Bie
1037
départ, comme nous sortions du bar, Maria et moi,
une
édition du matin nous apprend l’incendie du Reichstag. Je décide de r
1038
10 heures du matin. Mais il faut que je la revoie
une
dernière fois. Je prendrai donc l’express du soir. J’arrive à Berlin
1039
est possible. Elle sait. Monsieur, je puis garder
un
secret d’État, vous le savez, mais je ne suis pas de ceux qui peuvent
1040
mais je ne suis pas de ceux qui peuvent supporter
un
mensonge dans leur vie intime. J’ai tout avoué sans me chercher d’exc
1041
mandé comment elle avait su. Alors elle m’a tendu
une
lettre par avion, arrivée pour moi le matin même et qu’elle avait ouv
1042
matin même et qu’elle avait ouverte par crainte d’
un
malheur. Quelques lignes sur une feuille portant l’en-tête d’un bar d
1043
rte par crainte d’un malheur. Quelques lignes sur
une
feuille portant l’en-tête d’un bar de Budapest, et disant à peu près
1044
elques lignes sur une feuille portant l’en-tête d’
un
bar de Budapest, et disant à peu près : « Donne-moi vite de tes nouve
1045
ce cataclysme. » La lettre était signée Maria. —
Un
vrai drame du destin ! fis-je après un moment. Le type même du Schick
1046
e Maria. — Un vrai drame du destin ! fis-je après
un
moment. Le type même du Schicksalsdrama, comme vous dites… Mais le de
1047
ans ?… Et ce coup de foudre, n’est-il pas tombé d’
un
ciel qu’il convient de nommer Littérature ? o. Rougemont Denis de,
1048
vaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme avec
une
main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans
1049
créatrice. Trop de penseurs inoffensifs secrètent
des
philosophies correctes, trop de drames inoffensifs se nouent par jeu
1050
fuir attaque l’auteur et tout ce qu’il reflète d’
une
ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne ce
1051
s prendrons au sérieux cette distinction : il y a
des
hommes qui sont l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgu
1052
es qui s’enorgueillissent de notre esprit. Il y a
des
hommes qui créent, d’autres qui enregistrent : il ne faudra plus les
1053
its, les professeurs, pour lesquels la pensée est
un
art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capital bie
1054
s, pour lesquels la pensée est un art d’agrément,
un
héritage, une carrière libérale, ou un capital bien placé. Cerveaux s
1055
els la pensée est un art d’agrément, un héritage,
une
carrière libérale, ou un capital bien placé. Cerveaux sans mains ! et
1056
’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou
un
capital bien placé. Cerveaux sans mains ! et qui jugent de haut, mais
1057
ais de loin, et toujours après coup, la multitude
des
mains sans cerveau qui travaillent sans fin par le monde, peinant peu
1058
nfond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que
des
créateurs ont pensé, au prix de leur vie souvent, et toujours par un
1059
nsé, au prix de leur vie souvent, et toujours par
un
acte initiateur et révolutionnaire. Les uns pensent, dit-on, les autr
1060
Quatre Libertés ont figuré le but de guerre idéal
des
Nations unies, comme elles restent l’idéal officiel de la paix. Mais
1061
from want, freedom from fear », ce qui se traduit
un
peu malaisément dans notre langue par liberté de parole et de religio
1062
st temps de nous demander quel est l’état présent
des
libertés qui faisaient l’enjeu de la lutte. La deuxième, celle du cul
1063
berté de parole se voit partout mise en échec par
des
censures officielles ou commerciales, la misère règne, la police règn
1064
vainqueurs eux-mêmes vivent dans la peur les uns
des
autres. Quant à la Bombe, elle a multiplié par 20 000 au moins la lib
1065
elle avait pour seul but d’écraser. Mais ceci est
une
autre histoire.) Ma génération est-elle donc condamnée à subir au dou
1066
tions, parce qu’elles ne paraissent comporter que
des
réponses amères et humiliantes, si l’on reste au niveau des faits, de
1067
es amères et humiliantes, si l’on reste au niveau
des
faits, des dures nécessités, des ruines. Or le rappel des fameuses Qu
1068
t humiliantes, si l’on reste au niveau des faits,
des
dures nécessités, des ruines. Or le rappel des fameuses Quatre Libert
1069
reste au niveau des faits, des dures nécessités,
des
ruines. Or le rappel des fameuses Quatre Libertés nous y rabat impito
1070
s, des dures nécessités, des ruines. Or le rappel
des
fameuses Quatre Libertés nous y rabat impitoyablement par la comparai
1071
Je propose que nous remplacions la revendication
des
quatre libertés, pour le moment inaccessibles, par une affirmation un
1072
uatre libertés, pour le moment inaccessibles, par
une
affirmation unique de Liberté indivisible, qu’il ne dépend que de nou
1073
a que « la » liberté, ou non. Je le prouverai par
une
parabole. Je connais certains hommes qui jouissent en fait des quatre
1074
Je connais certains hommes qui jouissent en fait
des
quatre libertés susdites. « Une » : Ils peuvent dire tout ce qu’ils v
1075
jouissent en fait des quatre libertés susdites. «
Une
» : Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent à leurs voisins ; « deux
1076
e tous les périls extérieurs. Ce sont les détenus
des
prisons américaines. (On leur donne même des séances de cinéma le sam
1077
enus des prisons américaines. (On leur donne même
des
séances de cinéma le samedi soir.) La liberté ne peut pas être détail
1078
uels que soient les obstacles. Il y aura toujours
des
obstacles. Ceux qui ont peur d’être libres en feront leurs prétextes
1079
devoirs. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas d’abord
un
monde bien arrangé autour de nous. (Certaines prisons sont très bien
1080
iberté, qui sera toujours : payer de sa personne.
Un
homme libre, c’est un homme courageux, non pas un homme qui aurait re
1081
urs : payer de sa personne. Un homme libre, c’est
un
homme courageux, non pas un homme qui aurait reçu (de qui ?) trois ou
1082
Un homme libre, c’est un homme courageux, non pas
un
homme qui aurait reçu (de qui ?) trois ou quatre ou trente-six libert
1083
ou trente-six libertés. On entend dire : « X… est
un
esprit libre. » De qui tient-il sa liberté ? Ni de l’État, ni de la R
1084
a liberté ? Ni de l’État, ni de la Révolution, ni
des
Soviets, ni de la Démocratie, et surtout pas de leurs experts. Il la
1085
re. Lénine, sous le tsarisme, était plus libre qu’
un
fonctionnaire sous Staline. Et George Washington était plus libre qu’
1086
Staline. Et George Washington était plus libre qu’
un
citoyen américain qui tourne le bouton de sa radio. Ils combattaient.
1087
est en train de découvrir ce qu’on savait depuis
un
certain temps mais qu’on n’avait jamais très bien compris, à savoir q
1088
conséquences, que si vous tirez devant vous avec
une
arme assez puissante, vous recevrez le projectile dans le dos, au pro
1089
échelle planétaire. La flèche servait à la guerre
des
villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre
1090
t à la guerre des villages ; le fusil à la guerre
des
provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre
1091
à la guerre des provinces ; le canon à la guerre
des
nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à qu
1092
à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre
des
continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre plané
1093
t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à
une
guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-m
1094
es. Les dimensions de la communauté normale, pour
une
époque donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée des ar
1095
, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée
des
armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’une th
1096
dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’
une
théorie sociologique flambant neuve.) À l’arme planétaire correspond
1097
mbant neuve.) À l’arme planétaire correspond donc
une
communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples pr
1098
entraîner quelques instants dans ce jeu gravitant
des
symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unit
1099
digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait
une
révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la dern
1100
ssa pendant dix ans, directement, la vie courante
des
habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire
1101
x ans, directement, la vie courante des habitants
des
Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire la moitié du
1102
ut-être voté différemment. La solidarité pratique
des
différentes parties du globe est un fait durement établi au niveau de
1103
ité pratique des différentes parties du globe est
un
fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avant q
1104
xistence matérielle. Avant qu’elle puisse devenir
un
fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape inter
1105
de droit, il nous faudra probablement passer par
une
étape intermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formati
1106
est celle du fait psychologique : la formation d’
une
conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous re
1107
ses qui perdent pointe et sens si l’on se déplace
un
peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire une
1108
uelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire
une
langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne p
1109
r voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle
des
voyages, mais seulement celle des « missions » comme on dit. Une miss
1110
n’est pas celle des voyages, mais seulement celle
des
« missions » comme on dit. Une mission ne se promène pas, ne voit rie
1111
is seulement celle des « missions » comme on dit.
Une
mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C
1112
s, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est
un
raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan no
1113
st un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
un
beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus
1114
du pays de Galles n’auront plus de viande pendant
des
mois, parce que les péons d’Argentine se seront enfin organisés contr
1115
ope. Et pourtant nous sommes destinés à découvrir
un
jour que ces lions sont des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nou
1116
s destinés à découvrir un jour que ces lions sont
des
hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il
1117
es, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour
des
lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-o
1118
r : Comment peut-on être Français ?) Je parlais d’
une
conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord sentir.
1119
et la propagent, sous de larges rubriques créant
un
appel d’air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, vous m’
1120
ges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas
une
question d’information d’abord, vous m’entendez, mais de sens, de vis
1121
sprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord
une
question de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous nos écrivains, ce
1122
is : c’est d’abord une question de poésie. Est-ce
un
hasard si, parmi tous nos écrivains, ceux que je vois manifester le s
1123
vons pour la première fois senti, sous le drapé d’
un
français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur viol
1124
battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent
des
Amériques. Vous alliez me dire que j’oubliais ce grand joueur de Boul
1125
lui qui le premier me parla de la Planète comme d’
un
amour et d’une souffrance intime !… r. Rougemont Denis de, « Dialo
1126
mier me parla de la Planète comme d’un amour et d’
une
souffrance intime !… r. Rougemont Denis de, « Dialogues sur la bom
1127
mbe au gouvernement mondial, pour faire la police
des
nations. Deux chambres universelles seraient élues, l’une formée de d
1128
erselles seraient élues, l’une formée de délégués
des
États, l’autre de députés des peuples. (Je prends le modèle courant.
1129
formée de délégués des États, l’autre de députés
des
peuples. (Je prends le modèle courant. Il faudrait l’ajuster.) Le cab
1130
ait les ministères suivants : Bombe et Répression
des
États, Échange des matières premières, Sens général des recherches sc
1131
suivants : Bombe et Répression des États, Échange
des
matières premières, Sens général des recherches scientifiques, Défens
1132
ats, Échange des matières premières, Sens général
des
recherches scientifiques, Défense des droits de la personne, Transpor
1133
ens général des recherches scientifiques, Défense
des
droits de la personne, Transports planétaires. (Rien que de raisonnab
1134
ibrer les budgets de guerre, etc. Ce n’est pas qu’
une
angoisse diffuse ne soit sensible dans les populations et chez beauco
1135
opulations et chez beaucoup de bons esprits, mais
une
paralysie sans précédent s’est emparée des volontés. Vous-même, je le
1136
, mais une paralysie sans précédent s’est emparée
des
volontés. Vous-même, je le sens, je ne vous ai pas convaincue. Vous p
1137
nnent une bonne partie de leur utilité au service
des
nations et de leur vertu d’ordre. Admettons qu’elles arrivent encore
1138
re y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée d’
une
arme de plus. Admettons que l’on invente une parade à la Bombe, selon
1139
ée d’une arme de plus. Admettons que l’on invente
une
parade à la Bombe, selon l’axiome des militaires, sans oublier que le
1140
’on invente une parade à la Bombe, selon l’axiome
des
militaires, sans oublier que leur expérience démontre qu’on ne pare j
1141
leur expérience démontre qu’on ne pare jamais qu’
un
certain pourcentage des coups tirés… Pensez-vous que les effets de la
1142
re qu’on ne pare jamais qu’un certain pourcentage
des
coups tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront
1143
s ? La souffrance sera pire, l’agonie de la terre
un
peu plus longue, la fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe
1144
fin de l’humanité non moins certaine, le triomphe
des
« éléments d’ordre » aussi énigmatique, et sans témoins. Je reconnais
1145
-être pas de la manière soudaine et dramatique qu’
un
certain goût de l’antithèse m’incline parfois à souhaiter. La tragédi
1146
et que nos chefs savent à peine ce qu’ils jouent.
Une
espèce d’organisation mondiale ouvrira des bureaux confortables d’où
1147
ouent. Une espèce d’organisation mondiale ouvrira
des
bureaux confortables d’où sortiront quelques vœux incolores. Il est é
1148
totale. Et il est évident que la grande majorité
des
hommes se refuse à ces évidences. On nous ressasse à longueur de jour
1149
ongueur de journée qu’elle « n’est pas prête pour
un
gouvernement mondial ». Est-ce qu’on lui demande si elle est prête po
1150
elle est prête pour la mort ? L’humanité, ce sont
des
gens comme vous et moi. Quand vous me dites qu’elle n’est pas prête p
1151
be atomique : Post-scriptum (27 avril 1946)t —
Un
dernier mot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’est pas da
1152
énements qui nous menacent à bout portant. La fin
des
armées, par exemple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu’en pens
1153
’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans
un
état d’esprit d’Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se pa
1154
out, nous devions le prévoir, car nous avons vécu
un
précédent : la guerre des gaz. Tout le monde s’y préparait, vous rapp
1155
oir, car nous avons vécu un précédent : la guerre
des
gaz. Tout le monde s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dans toutes le
1156
boîte à masque en bandoulière. Eh bien, la guerre
des
gaz n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue,
1157
n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait
une
peur bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de co
1158
cours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’
une
timidité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humani
1159
ster, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’
une
bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur
1160
éventuel. Car nos scrupules naissent en général d’
une
rapide évaluation des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos
1161
pules naissent en général d’une rapide évaluation
des
conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de
1162
tes-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ? — Pour
une
raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais
1163
use ? — Pour une raison très simple. La Bombe est
un
objet. Les objets ne sont jamais dangereux. Ce qui est dangereux, hor
1164
e prépare à l’employer. Quand je vois qu’on nomme
des
comités pour la retenir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée
1165
du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’
un
comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueu
1166
ontrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’
un
coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les
1167
C’est comme si tout d’un coup l’on se jetait sur
une
chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laiss
1168
e donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est
un
contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la
1169
t, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est
une
autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne
1170
bien le progrès le plus sensationnel du siècle. —
Un
progrès ? — Oui, j’appelle ainsi tout ce qui nous rapproche des vraie
1171
— Oui, j’appelle ainsi tout ce qui nous rapproche
des
vraies questions, et nous oblige à y faire face. t. Rougemont Deni
1172
roblèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par
une
réplique, même de bon sens, et j’ai quelques raisons de prendre la Fr
1173
t posée : faut-il partir ? (Peut-on partir serait
une
tout autre affaire.) Il se trouve que j’habite, pour quelques semaine
1174
iner. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’
une
solution, qui est d’aller voir, et d’« essayer » le pays comme un nou
1175
est d’aller voir, et d’« essayer » le pays comme
un
nouveau costume. Et je me dis que le problème est mal posé. Il ne s’a
1176
ondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir
une
terre et ses morts contre le Globe et ses vivants ; ni de choisir le
1177
plement de vivre au xxe siècle, en tenant compte
des
réalités que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité d
1178
avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité
des
transports, par exemple. Combien peu d’hommes d’aujourd’hui vivent le
1179
rait-ce manque d’imagination ? Certes, il en faut
une
dose non ordinaire pour se rendre contemporain d’un monde qui change
1180
dose non ordinaire pour se rendre contemporain d’
un
monde qui change beaucoup plus vite que Jules Verne n’a pu le rêver.
1181
le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar
des
visas. Si cette folie furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde
1182
ait en termes simples : on verrait vite que c’est
un
faux dilemme. Le fait est là : nous allons en dix heures de Lisbonne
1183
de Lisbonne à New York, de New York au Pacifique.
Un
très long voyage aujourd’hui nous ramènerait nécessairement au point
1184
mènerait nécessairement au point de départ, après
un
petit tour da planète. Nous changeons de continent comme on part en w
1185
nates, et autres rites attestant devant les mânes
des
ancêtres un choix farouche, irrévocable. Se déplacer devient un geste
1186
res rites attestant devant les mânes des ancêtres
un
choix farouche, irrévocable. Se déplacer devient un geste naturel, et
1187
choix farouche, irrévocable. Se déplacer devient
un
geste naturel, et partir peut très bien signifier revenir après quelq
1188
ifier revenir après quelque temps, comme on prend
un
billet d’aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie d
1189
e on prend un billet d’aller et retour. La poésie
des
voyages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce
1190
retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie
des
départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous, c’es
1191
ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous, c’est
un
amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité qui ne so
1192
armi nous, c’est un amour plus large de l’humain,
une
conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité,
1193
élité qui ne soit plus exclusive de la curiosité,
un
accueil plus ferme et plus souple de la diversité des êtres et des co
1194
accueil plus ferme et plus souple de la diversité
des
êtres et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-la. Quittez-la tr
1195
ferme et plus souple de la diversité des êtres et
des
coutumes. Aimez votre terre et quittez-la. Quittez-la trois fois et r
1196
nationaliste dénature le problème humain. Lançons
une
campagne mondiale pour la suppression des visas, de ces anachronismes
1197
Lançons une campagne mondiale pour la suppression
des
visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindr
1198
ment peut-on les justifier ? Ils n’ont pas arrêté
un
seul espion, tout en causant la perte des milliers d’innocents. Ils r
1199
s arrêté un seul espion, tout en causant la perte
des
milliers d’innocents. Ils rendent vains les progrès matériels dont no
1200
re s’enorgueillir. Ils représentent dans l’esprit
des
modernes la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons-nous, comm
1201
imbécile. Pourquoi donc les acceptons-nous, comme
des
moutons, sans qu’une voix ne proteste ? u. Rougemont Denis de, « F
1202
nc les acceptons-nous, comme des moutons, sans qu’
une
voix ne proteste ? u. Rougemont Denis de, « Faut-il rentrer ? », P
1203
tact avec la civilisation américaine éveille chez
un
Européen ? En arrivant là-bas, on a l’impression très nette de pénétr
1204
as, on a l’impression très nette de pénétrer dans
une
autre civilisation. Une impression beaucoup plus forte que celle qu’é
1205
ès nette de pénétrer dans une autre civilisation.
Une
impression beaucoup plus forte que celle qu’éveillent en nous les liv
1206
u’éveillent en nous les livres ou même le cinéma.
Un
sentiment qui dure : pour moi, il a duré pendant six ans. Ceci est su
1207
s je n’en suis pas persuadé. L’Américain s’achète
une
bonne conscience en payant son dû à l’État. J’admire beaucoup son sen
1208
lement comme en Suisse… J’ai aussi été sensible à
une
sorte de loufoquerie de la vie américaine. Parfois, on a l’impression
1209
ine. Parfois, on a l’impression que les gens sont
un
peu fous… Ils chantent dans la rue, vous posent les questions les plu
1210
nu l’Europe et qui y ont vécu, se distinguent par
une
sorte de snobisme européen, surtout au point de vue culture, où ils o
1211
re, où ils ont d’ailleurs raison. Ce groupe forme
une
petite minorité qui affectionne particulièrement la France et la Suis
1212
urnaux, nous juge assez mal, nous considère comme
un
pays très compliqué de gens assez méchants qui se disputent pour des
1213
iqué de gens assez méchants qui se disputent pour
des
choses mystérieuses, qui sont toujours sur leurs ergots ; des gens en
1214
ystérieuses, qui sont toujours sur leurs ergots ;
des
gens en qui l’on ne peut pas avoir une grande confiance… Ils voient l
1215
s ergots ; des gens en qui l’on ne peut pas avoir
une
grande confiance… Ils voient l’Europe un peu comme nous voyions les B
1216
s avoir une grande confiance… Ils voient l’Europe
un
peu comme nous voyions les Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont
1217
ons les Balkans avant la guerre. Et puis, ils ont
un
peu peur de nous ; ils craignent que nous ne soyons une source perman
1218
u peur de nous ; ils craignent que nous ne soyons
une
source permanente de désordres et de troubles. Tous les nationalismes
1219
opéens les effraient. De même qu’il y a en Europe
un
grand sentiment de supériorité à cause de notre culture, l’inverse ex
1220
ropéens ne sont, eux, pas très decent, qualité qu’
un
jeune citoyen de là-bas expliquait en ces termes : « Être decent, c’e
1221
; souvent, elle ignore même que la Suisse existe.
Un
GI m’a récemment déclaré : « La Suisse ? Quand est-ce que nous avons
1222
nuances dans la civilisation. New York constitue
un
excellent poste d’observation, parce que ses habitants y viennent de
1223
riques et de tous les continents. New York résume
un
peu les États-Unis… Mais un jugement d’ensemble est impossible. On pe
1224
ents. New York résume un peu les États-Unis… Mais
un
jugement d’ensemble est impossible. On peut à peu près tout dire sur
1225
l aux États-Unis. Au contraire, ce pays est celui
des
contrastes les plus violents. ⁂ Pensez-vous qu’à l’issue de cette der
1226
ès nettement. Vue de New York, l’Europe constitue
une
espèce de glacis ou s’affrontent le monde anglo-saxon et le monde rus
1227
n : l’Amérique et la Russie. Cette impression est
une
réalité. Quant à notre continent, il est considéré comme une espèce d
1228
. Quant à notre continent, il est considéré comme
une
espèce de champ de bataille en puissance. Cela change toutes les pers
1229
lème Amérique-URSS. Et que pensent les Américains
des
Russes ? L’opinion est extrêmement mélangée. En général, les hommes d
1230
e de commerce américaine est allé en Russie tenir
des
discours capitalistes… D’autres gens voudraient faire la guerre à la
1231
a civilisation américaine devient de plus en plus
une
civilisation scientifique, par opposition à la civilisation plus litt
1232
ou après. Entre 1918 et 1939, l’Amérique a connu
une
grande période littéraire. Je ne distingue actuellement pas d’école n
1233
as d’école nouvelle. Les jeunes écrivains gardent
un
œil ouvert sur l’Europe. C’est toujours de là que vient l’initiative.
1234
initiative. Ce qu’ils ont de plus que nous, c’est
un
grand art du reportage, de la description. Ils ont indiscutablement c
1235
eunes poètes, pas du tout intellectuels, qui font
un
lyrisme très violent et très coloré… Quant à l’Amérique sociale… Soci
1236
ale… Socialement parlant, l’ouvrier américain est
un
bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou un appartement avec salle de
1237
n est un bourgeois. Il a sa voiture, sa maison ou
un
appartement avec salle de bains. Dans les grandes villes, on remarque
1238
oit de droite ou de gauche. On fait la grève pour
des
raisons purement pratiques et non au nom du marxisme… En conclusion,
1239
atiques et non au nom du marxisme… En conclusion,
une
« cure d’Amérique » est profitable à l’Européen ? Absolument ! Ce que
1240
ossible d’Européens outre-Atlantique pour y vivre
une
ou deux années et inversement. Je ne vois pas d’hostilité possible en
1241
nous pouvons apporter beaucoup de raffinement et
un
sens des valeurs spirituelles. Les Américains nous apportent la franc
1242
uvons apporter beaucoup de raffinement et un sens
des
valeurs spirituelles. Les Américains nous apportent la franchise dans
1243
trouvé aux États-Unis « trente-deux religions et
un
seul plat », il n’avait tort qu’a cinquante pour cent… w. Rougemon
1244
rges Gygax et introduits par la note suivante : «
Un
écrivain nous est revenu. Il nous est revenu de la lointaine et si pr
1245
pour nous le communiquer avec la belle générosité
des
gens d’esprit, un riche message gonflé de réalités souvent insoupçonn
1246
iquer avec la belle générosité des gens d’esprit,
un
riche message gonflé de réalités souvent insoupçonnées. M. Denis de R
1247
uverte de ce continent qui, à lui seul, constitue
un
monde. Quelle merveilleuse exploration pour qui sait respecter, après
1248
a pensée qui, s’il ne s’accompagne pas du contact
des
sens, conduit à l’insondable gouffre de l’abstraction. M. de Rougemon
1249
(quel beau titre, solide, puissant, élégant comme
une
voile au vent), du Journal d’un intellectuel en chômage , de L’Amou
1250
, élégant comme une voile au vent), du Journal d’
un
intellectuel en chômage , de L’Amour et l’Occident , de tant d’autre
1251
t patrie de la mémoire. Dynamisme allégé du poids
des
traditions et querelles ancestrales qui tournent en rond. C’est la ru
1252
lleurs. Elle risquerait parfois de nous frapper d’
une
sorte de mélancolie sceptique et de nous tenter d’abandon aux prétend
1253
’apologie du vieillissement. Mais j’emprunterai à
des
recherches récentes deux résultats qui prennent figure de paraboles :
1254
et de l’« expérience historique », qui est celle
des
épreuves et des échecs. L’étude des singes et de leur attristante psy
1255
ience historique », qui est celle des épreuves et
des
échecs. L’étude des singes et de leur attristante psychologie nous ré
1256
qui est celle des épreuves et des échecs. L’étude
des
singes et de leur attristante psychologie nous révèle que ces faux an
1257
perdu pendant la nuit, faute de repères, faute d’
un
passé vivant, et faute de traditions instrumentales. Il s’imagine qu’
1258
ues découvertes. À propos de ces mêmes créatures,
une
expérience récente peut nous fournir une seconde parabole du siècle.
1259
éatures, une expérience récente peut nous fournir
une
seconde parabole du siècle. Cela se passe on Russie, dans l’école de
1260
de célèbres travaux sur les réflexes conditionnés
des
chiens. Ses disciples ont passé des chiens aux singes. On prend dix s
1261
conditionnés des chiens. Ses disciples ont passé
des
chiens aux singes. On prend dix singes, on les range dans une chambre
1262
ux singes. On prend dix singes, on les range dans
une
chambre, le long d’une des parois. À l’autre extrémité de la pièce se
1263
singes, on les range dans une chambre, le long d’
une
des parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meuble
1264
ges, on les range dans une chambre, le long d’une
des
parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse un grand meuble à t
1265
parois. À l’autre extrémité de la pièce se dresse
un
grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a mis des bananes. Sur un
1266
grand meuble à tiroirs. Dans les tiroirs on a mis
des
bananes. Sur un signal donné par une sirène, les singes sont lâchés d
1267
roirs. Dans les tiroirs on a mis des bananes. Sur
un
signal donné par une sirène, les singes sont lâchés dans la chambre.
1268
irs on a mis des bananes. Sur un signal donné par
une
sirène, les singes sont lâchés dans la chambre. Ils découvrent bientô
1269
rent et dévorent les bananes. On répète le manège
un
grand nombre de fois, pour habituer les animaux à courir vers le meub
1270
animaux à courir vers le meuble au signal. Après
un
certain temps d’interruption, on ramène les sujets dans la même chamb
1271
rouver le tiroir vide neuf fois sur dix, réagit d’
une
toute autre manière. Il vient de le prouver pendant six ans. Il se so
1272
qui définit la condition humaine. S’agirait-il d’
une
sorte de méfiance ? Disons plutôt d’une sobriété devant le destin. Il
1273
rait-il d’une sorte de méfiance ? Disons plutôt d’
une
sobriété devant le destin. Il se souvient que tout peut arriver, même
1274
prospérité ne sont pas les garants infaillibles d’
un
bonheur qui lui serait dû. L’échec pour lui — guerre, privations, ret
1275
our lui — guerre, privations, retards — n’est pas
une
déception totalement scandaleuse qui le laisserait tout béant sur l’a
1276
e qui le laisserait tout béant sur l’absurde, car
une
obscure sagesse en lui s’y attendait ; elle le tenait prêt à subir en
1277
est en train de découvrir ce qu’on savait depuis
un
certain temps mais qu’on n’avait jamais très bien compris, à savoir q
1278
conséquences, que si vous tirez devant vous avec
une
arme assez puissante vous recevrez le projectile dans le dos, au proc
1279
échelle planétaire. La flèche servait à la guerre
des
villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre
1280
t à la guerre des villages ; le fusil à la guerre
des
provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre
1281
à la guerre des provinces ; le canon à la guerre
des
nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe. À qu
1282
à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre
des
continents. Voici la Bombe. À quoi servira-t-elle ? À la guerre plané
1283
a-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire à
une
guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-m
1284
es. Les dimensions de la communauté normale, pour
une
époque donnée, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée des ar
1285
, me paraissent pouvoir être mesurées à la portée
des
armes connues dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’une th
1286
dans cette époque. (Vous avez ici les prémices d’
une
théorie sociologique flambant neuve !) À l’arme planétaire correspond
1287
bant neuve !) À l’arme planétaire correspond donc
une
communauté universelle, qui relègue les nations au rang de simples pr
1288
entraîner quelques instants dans ce jeu gravitant
des
symboles : la Terre, le Globe, la Boule, la Tête, la Bombe, et l’Unit
1289
digérer et intégrer cette pensée-là, il aura fait
une
révolution bien plus grande que la Renaissance. Il semble que la dern
1290
ssa pendant dix ans, directement, la vie courante
des
habitants des Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire
1291
x ans, directement, la vie courante des habitants
des
Amériques Nord, Centre, Sud, et de l’Asie, c’est-à-dire la moitié du
1292
ut-être voté différemment. La solidarité pratique
des
différentes parties du globe est un fait durement établi au niveau de
1293
ité pratique des différentes parties du globe est
un
fait durement établi au niveau de notre existence matérielle. Avant q
1294
xistence matérielle. Avant qu’elle puisse devenir
un
fait de droit, il nous faudra probablement passer par une étape inter
1295
de droit, il nous faudra probablement passer par
une
étape intermédiaire, qui est celle du fait psychologique : la formati
1296
est celle du fait psychologique : la formation d’
une
conscience planétaire. Nous retardons, il n’y a pas de doute, nous re
1297
ses qui perdent pointe et sens si l’on se déplace
un
peu, disons à quelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire une
1298
uelques heures d’avion. Ce n’est rien de traduire
une
langue : les problèmes nationaux restent intraduisibles pour qui ne p
1299
r voir et sentir. Et notre époque n’est pas celle
des
voyages, mais seulement celle des « missions », comme on dit. Une mis
1300
n’est pas celle des voyages, mais seulement celle
des
« missions », comme on dit. Une mission ne se promène pas, ne voit ri
1301
s seulement celle des « missions », comme on dit.
Une
mission ne se promène pas, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C
1302
s, ne voit rien, n’a pas de temps à perdre. C’est
un
raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’un beau jour le paysan no
1303
st un raid. Nous n’apprendrons rien. Cependant qu’
un
beau jour le paysan normand et le boutiquier de Lyon ne pourront plus
1304
du pays de Galles n’auront plus de viande pendant
des
mois, parce que les péons d’Argentine se seront enfin organisés contr
1305
ux victimes de la crise que ce n’est pas la faute
des
députés ni de l’« hypocrisie américaine »… Que faire ? Tout le monde
1306
s ». Et pourtant nous sommes destinés à découvrir
un
jour que ces lions sont des hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nou
1307
s destinés à découvrir un jour que ces lions sont
des
hommes, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour des lions. (Il
1308
es, qui d’ailleurs nous prenaient nous aussi pour
des
lions. (Il ne manque pas de Persans pour se demander : Comment peut-o
1309
r : Comment peut-on être Français ?) Je parlais d’
une
conscience planétaire. C’est sa nécessité qu’il faut d’abord sentir.
1310
et la propagent, sous de larges rubriques créant
un
appel d’air. Ce n’est pas une question d’information d’abord, qu’on m
1311
ges rubriques créant un appel d’air. Ce n’est pas
une
question d’information d’abord, qu’on m’entende bien, mais de sens, d
1312
sprit… Forçant à peine, je dirais : c’est d’abord
une
question de poésie. Est-ce un hasard si, parmi tous les écrivains fra
1313
is : c’est d’abord une question de poésie. Est-ce
un
hasard si, parmi tous les écrivains français, ceux que je vois manife
1314
vons pour la première fois senti, sous le drapé d’
un
français riche et pur, battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur viol
1315
battre le pouls mesuré de l’Asie, le cœur violent
des
Amériques. Et que dire de ce grand joueur de Boule que fut « Saint-Ex
1316
13, le premier qui me parla de la Planète comme d’
un
amour et d’une souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi un poète
1317
qui me parla de la Planète comme d’un amour et d’
une
souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi un poète, en prose et e
1318
une souffrance intime ? Sinon qu’il fut lui aussi
un
poète, en prose et en action, en vision créatrice. 13. Saint-Exupér
1319
aint-Exupéry, l’auteur de Vol de Nuit et de Terre
des
Hommes. y. Rougemont Denis de, « La pensée planétaire », Servir, La
1320
ue, se dégageant de notre condition, elle imagine
des
idées qui détruisent l’homme, l’on rencontre sans trop d’effroi l’idé
1321
e idée, détruit ; l’idée que vous, et qui pensez,
un
jour ne serez plus, un jour serez un mort. Si « macabre » désigne ass
1322
e que vous, et qui pensez, un jour ne serez plus,
un
jour serez un mort. Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de
1323
qui pensez, un jour ne serez plus, un jour serez
un
mort. Si « macabre » désigne assez bien l’étrangeté de la mort des au
1324
cabre » désigne assez bien l’étrangeté de la mort
des
autres, cela ne saurait en aucun cas se dire de sa propre mort, de la
1325
plus forte que moi. Peut-être même n’est-elle qu’
une
ruse cousue de fil blanc de ma vitalité : la seule pensée que mon sou
1326
t que nous n’ayons jamais pensé à notre mort avec
une
rapide angoisse — nous y pensons bien plus que nous n’osons le croire
1327
mort. Contester là-dessus serait fournir l’aveu d’
une
impuissance à comprendre le mot penser dans son sens fort. Car penser
1328
mourir. Peut-être avons-nous là le seul critère d’
une
perfection intellectuelle, et l’on conçoit que son application ne pui
1329
Pour que nous apparaisse parfois l’étrangeté d’
une
telle situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’une instance my
1330
e situation — la nôtre à tous — ne faut-il pas qu’
une
instance mystérieuse aimante notre méditation et qu’elle la fixe sur
1331
me négligeable ; et s’y attarder serait le fait d’
une
sophistique assez gratuite. Ma nature crie à l’utopie devant ma mort.
1332
ite et lointaine, à la chasser à tout jamais dans
un
futur indéfini. Ainsi de l’homme, ainsi de l’humanité. Pourtant un jo
1333
. Ainsi de l’homme, ainsi de l’humanité. Pourtant
un
jour, tel jour ordinaire, l’homme meurt. Pourquoi suis-je donc ici à
1334
jours dans le même sens : vers sa fin. Mais c’est
une
mauvaise raison. Depuis qu’il court ainsi, mesuré par les saisons rég
1335
’il ne nous avertit de son but. Si l’homme savait
un
jour ce qu’il en est de son destin et de sa liberté, s’il voyait à l’
1336
se. D’où vient alors cette prise de conscience, d’
une
menace, mais aussi de l’incapacité où se trouve l’homme à penser conc
1337
fut « bas », en son temps, qu’aux yeux de ceux qu’
une
réalité nouvelle illuminait. Sans la vie, que dire de la mort ? Et sa
1338
s là comme en rêve, empêtrés, dans le sentiment d’
une
urgence que nous ne parvenons pas à distinguer avec des yeux bien des
1339
gence que nous ne parvenons pas à distinguer avec
des
yeux bien dessillés. C’est assez pour l’angoisse et trop peu pour agi
1340
t qui nous fait accéder à la conscience obscure d’
un
danger proche, — ce crépuscule qui est peut-être une aube, et la fran
1341
danger proche, — ce crépuscule qui est peut-être
une
aube, et la frange de cet éclat qui doit consumer toute chair. Dans c
1342
er toute chair. Dans cette lueur suspecte, risque
un
jour d’apparaître la face réelle de la Terre. Et déjà, par intermitte
1343
éger sa course. L’amour ? La solidarité ? Ce sont
des
idéaux de ligues, des mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert. L
1344
r ? La solidarité ? Ce sont des idéaux de ligues,
des
mots qu’on n’ose plus employer qu’au dessert. La richesse ? Voici qu’
1345
a richesse ? Voici qu’elle n’est plus à la portée
des
mains humaines, elle n’est plus qu’un symbole chiffré désignant des p
1346
la portée des mains humaines, elle n’est plus qu’
un
symbole chiffré désignant des puissances lointaines. Toutefois, elle
1347
, elle n’est plus qu’un symbole chiffré désignant
des
puissances lointaines. Toutefois, elle reste liée au rêve d’activité
1348
u rêve d’activité qui tourmente l’Occident depuis
des
siècles. Mais ce rêve, à son tour se trouble ; il faiblit, il ne couv
1349
grand nombre contre les créations catastrophiques
des
Héros ou des grands Névrosés. Un doute règne sur nous, depuis peu. No
1350
contre les créations catastrophiques des Héros ou
des
grands Névrosés. Un doute règne sur nous, depuis peu. Nous essayons,
1351
catastrophiques des Héros ou des grands Névrosés.
Un
doute règne sur nous, depuis peu. Nous essayons, mais en phrases bana
1352
comme à tout acte créateur, le moins de chances.
Un
vaste système d’assurances s’étend sur toutes nos activités : plans e
1353
ère soumise au seul pouvoir du chiffre dépendra d’
une
centrale unique, il suffira que l’Ange de la Fin saisisse les command
1354
r cette dimension tragique de notre vie, voici qu’
un
destin ironique se charge de l’approfondir. Non pas le temps, mais no
1355
monde, nous pouvons calculer le prix de revient d’
une
destruction de l’humanité : la somme de nos budgets de Défense nation
1356
a présence éternelle de la Fin, tout ce qui donne
un
sens d’éternité à vos singeries, vous l’appelez exagéré, démesuré. Éc
1357
urs yeux, retrouveront dans la tempête la coutume
des
hautes pentes. Car celui seul qui accepte la mort n’est pas le jouet
1358
découvre que Dieu y est plus dangereux encore, d’
une
autre sorte, fulgurante. Péripétie La scène du monde vient de p
1359
Péripétie La scène du monde vient de passer à
une
vaste conversation de la mort, sur les places et dans les grands café
1360
int se promène-t-il depuis quelques instants dans
un
ciel sale. Qui sortirait pour voir ? Seul, d’ici, je m’étonne : ce mo
1361
d’hui, que cela se peut. Cela s’est produit comme
un
rêve, ou comme la colère soudain là, ou le printemps, ou chaque soir
1362
mière La fin du monde, irréfutable, s’arrêtait
un
peu en avant, les regardait sans indulgence, puis se remettait à marc
1363
ette fin du monde ! Car sinon tout apparaissait d’
une
indécence inexprimable. Depuis bientôt mille ans, l’An Mil était pass
1364
pinion planétaire publia les premiers résultats d’
une
enquête-éclair : il s’agissait d’une névrose collective, d’une poussé
1365
résultats d’une enquête-éclair : il s’agissait d’
une
névrose collective, d’une poussée subite de l’instinct de mort. On pr
1366
clair : il s’agissait d’une névrose collective, d’
une
poussée subite de l’instinct de mort. On proposait une cure des masse
1367
oussée subite de l’instinct de mort. On proposait
une
cure des masses et la nationalisation des écoles de psychanalyse. Un
1368
bite de l’instinct de mort. On proposait une cure
des
masses et la nationalisation des écoles de psychanalyse. Un théologie
1369
oposait une cure des masses et la nationalisation
des
écoles de psychanalyse. Un théologien répondit : — L’affection de la
1370
et la nationalisation des écoles de psychanalyse.
Un
théologien répondit : — L’affection de la chair, c’est la mort. Saint
1371
ur nous attend, ce futur qui n’était pour nous qu’
un
recul devant le présent. Ici le temps dit oui pour la première fois à
1372
ccomplit, — notre temps, qui n’était pour nous qu’
un
refus de l’instant éternel. Et l’Histoire tout entière dans l’acte de
1373
Jour de tous les jours. Comme il parlait encore,
une
lueur d’aube apparut et grandit autour d’eux. Toutes choses replongée
1374
soucis se tournaient vers ce qui n’est rien, vers
une
Absence douloureuse, — alors que c’est la seule Présence qui est terr
1375
l’autre côté, du côté de ce monde mal fait… Parut
un
soleil nouveau. Et ceux qui le voyaient prenaient un visage neuf, leu
1376
soleil nouveau. Et ceux qui le voyaient prenaient
un
visage neuf, leurs yeux devenaient forts et s’attendaient à l’éclat d
1377
eux devenaient forts et s’attendaient à l’éclat d’
une
lueur encore plus vive. Par degré le Grand Jour éclatait, toujours pl
1378
’il l’avait librement fait en le vivant. L’examen
des
raisons de survivre et leur introduction au titre de l’éternité occup
1379
ps qu’on n’imagine. La procédure était, en effet,
des
plus simples. — Témoignez, disait-on, de la vie que vous possédez. Qu
1380
ante de leurs vœux, et, finalement, murmuraient d’
une
voix faible : — Vous savez sans doute mieux que moi. Ils renaîtraient
1381
plantes heureuses, par l’effet de quelque pitié.
Un
homme vint, comme viennent les somnambules, le corps en paix, mais le
1382
paix, mais le visage affreusement nu. Il désirait
un
palais vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc une tristesse
1383
vide à la mesure de sa tristesse. Il devint donc
une
tristesse errante, empruntant la forme des joies qu’il rencontrait ;
1384
t donc une tristesse errante, empruntant la forme
des
joies qu’il rencontrait ; et son désir ainsi fut exaucé. Un autre vou
1385
u’il rencontrait ; et son désir ainsi fut exaucé.
Un
autre voulait vivre abondamment au sein d’une perpétuelle pauvreté. D
1386
ucé. Un autre voulait vivre abondamment au sein d’
une
perpétuelle pauvreté. Devint soleil. Et quel est celui qui s’approche
1387
che avec son parapluie mal fermé sous le bras, et
des
lunettes bourrues au-dessus du sourire de la plus fervente ironie ? Q
1388
n’a jamais osé l’imaginer. Car, dit-il, au sein d’
un
tel choix, je m’approche insondablement de Celui qui d’un choix me cr
1389
hoix, je m’approche insondablement de Celui qui d’
un
choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours d
1390
i d’un choix me créa. » (Nous fûmes tous saisis d’
un
vertige à ce discours d’une furieuse démesure, mais il y eut alors co
1391
us fûmes tous saisis d’un vertige à ce discours d’
une
furieuse démesure, mais il y eut alors comme un silence qui s’imposa
1392
’une furieuse démesure, mais il y eut alors comme
un
silence qui s’imposa sur nous et jusqu’assez haut dans les cieux, en
1393
nt seul et purifié, l’on put entendre le choral d’
une
angélique hilarité. Et nous sûmes que cet homme était très grand.)
1394
.............. Et c’est alors que toutes les voix
des
justes confondues clameront l’harmonie violente et bienheureuse du mo
1395
éternellement. 14. Søren Kierkegaard, d’après
une
caricature. aa. Rougemont Denis de, « La fin du monde », Fontaine,
1396
z grand-peine à vous représenter « pratiquement »
un
Pouvoir Mondial, et à vous en former une image convaincante. Voici co
1397
quement » un Pouvoir Mondial, et à vous en former
une
image convaincante. Voici comment j’explique, pour ma part, cette dif
1398
a part, cette difficulté que nous éprouvons tous.
Un
cabinet privé de ministère des Affaires étrangères nous paraît comme
1399
vertu de sa définition. De plus, comment imaginer
un
pouvoir digne de ce nom, s’il ne trouvait personne en face de lui ave
1400
rouvait personne en face de lui avec qui échanger
des
notes ? Personne à craindre, personne à menacer ? Personne à qui répo
1401
onneur du pays est en jeu, qu’on ne cédera plus d’
une
ligne, etc. ? Pour tout dire, pas de voisins, donc personne à qui fai
1402
que vous venez de penser à la planète Mars, et à
une
guerre possible contre les Martiens ? Ne me dites pas non : votre pre
1403
s pas non : votre première idée a été de supposer
une
guerre. Et cela pour essayer de vous mieux représenter ce qu’un pouvo
1404
cela pour essayer de vous mieux représenter ce qu’
un
pouvoir planétaire pourrait bien faire de ses dix doigts… Pas de nati
1405
ondial que vous ne voyez pas — car il supposerait
une
sorte de nation unique, sans voisins, donc sans guerre possible — cel
1406
sachions imaginer le bien que par contraste avec
un
mal dont nous souffrons. Autrement, le bien — ou la paix — n’est à no
1407
ement, le bien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’
une
fumée, une abstraction, c’est-à-dire, soyons francs, le comble de l’e
1408
ien — ou la paix — n’est à nos yeux qu’une fumée,
une
abstraction, c’est-à-dire, soyons francs, le comble de l’ennui, si ce
1409
ons francs, le comble de l’ennui, si ce n’est pas
une
« utopie dangereuse »… À propos de cette dernière expression, avez-vo
1410
arqué qu’on l’emploie de préférence pour dénigrer
des
projets de paix ? Pour qui sont-ils donc si dangereux ? Avez-vous éga
1411
éral ? Ces gens-là leur paraissent, évidemment, d’
une
moralité douteuse. Quant aux lance-flammes et aux bombardiers lourds,
1412
ui donneront le signal de les utiliser au service
des
nations, gouvernants tout d’abord et généraux ensuite, ils représente
1413
époque ; et que ceux qui la tenaient encore pour
une
nécessité, voire pour une vertu, étaient les véritables éléments de d
1414
la tenaient encore pour une nécessité, voire pour
une
vertu, étaient les véritables éléments de désordre ; et que l’utopie
1415
était la théorie de la souveraineté sans limites
des
nations. C’était trop simple. Un colonel de cavalerie à qui vous fîte
1416
té sans limites des nations. C’était trop simple.
Un
colonel de cavalerie à qui vous fîtes imprudemment lire ma lettre sur
1417
vention de la bombe atomique, m’écrit que je suis
un
primaire. Il m’assure que « à chaque guerre nous, cavaliers, avons pr
1418
e la cavalerie en particulier », bref que je suis
un
« élément de désordre ». Ce colonel m’a donné une idée. En reposant s
1419
un « élément de désordre ». Ce colonel m’a donné
une
idée. En reposant sa lettre je me suis écrié : « Vivement la Bombe !
1420
santais. Car la Bombe seule peut nous débarrasser
des
armées, des souverainetés nationales, et de l’anarchie qu’elles entre
1421
la Bombe seule peut nous débarrasser des armées,
des
souverainetés nationales, et de l’anarchie qu’elles entretiennent sur
1422
us forçant d’ici peu à fédérer les hommes au-delà
des
nations. Vous cherchiez l’Autre contre qui s’unir ? Il vous fallait u
1423
chiez l’Autre contre qui s’unir ? Il vous fallait
une
menace planétaire pour provoquer l’union sacrée du genre humain ? Eh
1424
ie. II. L’État-nation Non, je n’en veux pas
un
instant à votre ami le colonel. Dites-lui que je respecte la cavaleri
1425
chose de précieux. Nous serions tous fondus dans
un
magma informe de races, de langues, de religions et de coutumes, et t
1426
surez-vous. Je n’appelle pas le chaos. Je cherche
un
moyen de l’éviter, ou plutôt d’en sortir un peu, car nous y sommes dé
1427
erche un moyen de l’éviter, ou plutôt d’en sortir
un
peu, car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le
1428
is je vois que ce mot de nation a créé entre nous
une
équivoque. Il a deux sens bien différents. Je n’ai parlé que du mauva
1429
ter paisiblement leur terre, si la France renonce
un
beau jour, en même temps que toutes les autres nations, à son armée,
1430
n d’autre à faire qu’administrer le pays, il sera
un
meilleur gouvernement ? (Je vous pose ces questions simplistes pour r
1431
s ainsi formés, de se rendre autarciques en vue d’
une
guerre possible, soit qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventualit
1432
té. L’État détruit nécessairement l’originalité d’
une
nation, lorsqu’il prétend réglementer ses énergies d’après un modèle
1433
orsqu’il prétend réglementer ses énergies d’après
un
modèle uniforme, qu’il s’agisse d’une nation latine ou anglo-saxonne,
1434
gies d’après un modèle uniforme, qu’il s’agisse d’
une
nation latine ou anglo-saxonne, socialiste ou capitaliste. Ce modèle
1435
st l’état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi
des
nations c’est l’État ; et leur sauvegarde serait le gouvernement mond
1436
ns le sens de souverain, dont ils font finalement
un
dieu, créant d’horribles confusions d’idées, qui se terminent en carn
1437
ionaliser » tout ce qui peut l’être à l’intérieur
des
frontières, au lieu de multiplier les échanges internationaux, comme
1438
tre hors d’état de faire la guerre, en se liant à
des
économies voisines. Mais remarquez l’hypocrisie du terme « nationalis
1439
la Bombe vienne volatiliser leurs centres vifs en
une
seconde, négligeant les armées purement décoratives ? Vous me direz q
1440
on à la guerre. Sans doute, mais je parlais moins
des
motifs que des effets inéluctables. Le désir de justice sociale est u
1441
Sans doute, mais je parlais moins des motifs que
des
effets inéluctables. Le désir de justice sociale est une noble passio
1442
ets inéluctables. Le désir de justice sociale est
une
noble passion, la socialisation de l’industrie est une mesure économi
1443
oble passion, la socialisation de l’industrie est
une
mesure économique partiellement souhaitable, mais je ne leur vois de
1444
dire que le Social Register de New York n’est qu’
un
Bottin mondain, je vous dénonce dans L’Humanité.) Vous sentez que je
1445
tionalisation pour masquer le fait qu’il s’agit d’
une
étatisation. Je n’en ai qu’au cadre national. Introduisez dans cette
1446
u’est l’État-nation de la démocratie ou marxisme,
des
idées libérales ou du planisme, ou même une belle passion de la justi
1447
isme, des idées libérales ou du planisme, ou même
une
belle passion de la justice sociale, le résultat sera le même : à l’a
1448
ut, vous obtiendrez du totalitarisme en bâtons et
une
grêle de coups. Je suis sérieux. Le socialisme, non pas en soi, mais
1449
’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire
des
crimes sociaux. On ne sortira de ce cercle vicieux qu’en supprimant c
1450
provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan
des
États-nations. Par quel moyen ? En remettant le soin de diriger les a
1451
le soin de diriger les affaires internationales à
des
hommes qui ne représentent pas les nations, mais l’humanité. Car ceux
1452
nt qualifiés pour arbitrer. Autrement ce n’est qu’
un
jeu de force, et le premier qui tire aura gagné, quel que soit le mor
1453
tit jeu de société mondiale qu’est la comparaison
des
peuples deux à deux. Jeu plus sérieux d’ailleurs qu’il n’y paraît. Ca
1454
us sérieux d’ailleurs qu’il n’y paraît. Car l’une
des
grandes questions du siècle est sans doute celle de ne point laisser
1455
e aux cadres nationaux. Comment ils accueillent
un
étranger Le grand bourgeois de Paris et ses fils, lorsqu’ils renco
1456
eois de Paris et ses fils, lorsqu’ils rencontrent
une
tête nouvelle, ne sourient guère. Ils tendent une main précise, accom
1457
une tête nouvelle, ne sourient guère. Ils tendent
une
main précise, accompagnée d’un regard qui jauge cet adversaire ou ce
1458
uère. Ils tendent une main précise, accompagnée d’
un
regard qui jauge cet adversaire ou ce partenaire possible. Qui va pre
1459
se présentent-ils, comme s’ils venaient de tirer
une
invisible fermeture éclair. L’Américain s’ouvre, au contraire, comme
1460
ricain s’ouvre, au contraire, comme sa bouche sur
des
dents éclatantes, et comme s’il n’avait attendu que votre arrivée, ju
1461
et l’état de ses affaires, enfin vous invite pour
un
week-end. Pendant vingt ans, le Français vous dira Monsieur, fera l’i
1462
et ne vous rencontrera qu’au café. Mais en France
des
amitiés se nouent — terme intraduisible en anglais — des amitiés exig
1463
tiés se nouent — terme intraduisible en anglais —
des
amitiés exigeantes et suivies, attentives et agissantes. Personne n’a
1464
u monde en connaissant tout le monde. La rançon d’
une
intimité trop rapide et superficielle, c’est la facilité avec laquell
1465
dant quelques semaines, puis plus du tout pendant
un
an. Et quand on se rencontre par hasard, on ne se demande pas ce qu’o
1466
mauvaises fortunes, par chance… Le sourire large
des
Américains dissimule leur vraie tragédie : la solitude. Comment il
1467
et sous-sectes, transportées jadis ou naguère par
des
réfugiés religieux. Mais les Américains changent facilement d’église,
1468
e parti que de passé. Comment ils inventent
Un
ingénieur français, débarquant à New York, déclare que son pays vient
1469
it, l’avion le plus rapide du monde n’existe qu’à
un
seul exemplaire. Et pendant qu’on le construisait, l’Amérique a produ
1470
e son invention, son prototype ; c’est à ses yeux
un
stade atteint et dépassé, c’est comme si tous les avions de série éta
1471
suivante. Vue d’Amérique, l’Europe apparaît comme
une
petite région de la planète proprement stupéfiante par la densité de
1472
Tandis que l’Américain se contente plus longtemps
des
mêmes idées, des mêmes types d’appareils, parce qu’il les utilise vra
1473
icain se contente plus longtemps des mêmes idées,
des
mêmes types d’appareils, parce qu’il les utilise vraiment, parce qu’i
1474
s du sérieux sobre, de l’intransigeance réaliste,
des
provinciaux vêtus de noir — « le noir, la couleur nationale ! » s’écr
1475
oir — « le noir, la couleur nationale ! » s’écrie
un
personnage de Giraudoux — sans parler des débats sur la laïcité ou le
1476
s’écrie un personnage de Giraudoux — sans parler
des
débats sur la laïcité ou les écoles confessionnelles. L’Américain lui
1477
les. L’Américain lui, passe encore en Europe pour
un
Anglo-Saxon puritain du type dynamique, alors qu’il est en réalité, e
1478
timentalisme ne traduisent que ses rêveries, dans
un
style emprunté aux nègres. Mais sa vie amoureuse et sexuelle me paraî
1479
les salaires en toute simplicité, on divorce pour
des
questions de cuisine, on se console vite, on n’admet pas la jalousie.
1480
et pas la jalousie. Le « réalisme terre-à-terre »
des
Américains dans ce domaine, présente un tel contraste avec les mœurs
1481
-terre » des Américains dans ce domaine, présente
un
tel contraste avec les mœurs des Européens qu’on perd l’espoir de jam
1482
domaine, présente un tel contraste avec les mœurs
des
Européens qu’on perd l’espoir de jamais faire comprendre les uns aux
1483
mais faire comprendre les uns aux autres. L’ordre
des
valeurs morales me semble s’inverser lorsqu’on passe d’un continent à
1484
rs morales me semble s’inverser lorsqu’on passe d’
un
continent à l’autre. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d’u
1485
nverser lorsqu’on passe d’un continent à l’autre.
Un
seul exemple : en Europe, la longue durée d’une liaison l’officialise
1486
e. Un seul exemple : en Europe, la longue durée d’
une
liaison l’officialise presque ; en Amérique, c’est elle qui fait scan
1487
Comment ils construisent En Europe, terre
des
cathédrales, on demande à Le Corbusier de bâtir des églises en verre
1488
s cathédrales, on demande à Le Corbusier de bâtir
des
églises en verre et en ciment : je me souviens du temple protestant d
1489
ival ; jusqu’à reproduire les tours non terminées
des
cathédrales européennes. Et les résidences luxueuses de la campagne o
1490
scrupuleux ou non L’Américain ne pardonne pas
une
erreur de 2 cents dans un compte, mais se trompe joyeusement d’un pay
1491
ricain ne pardonne pas une erreur de 2 cents dans
un
compte, mais se trompe joyeusement d’un pays quand il bombarde, d’un
1492
ents dans un compte, mais se trompe joyeusement d’
un
pays quand il bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire, d’un or
1493
trompe joyeusement d’un pays quand il bombarde, d’
un
siècle quand il cite l’histoire, d’un ordre spirituel quand il critiq
1494
bombarde, d’un siècle quand il cite l’histoire, d’
un
ordre spirituel quand il critique un livre. Ce qu’il ne tolère pas, c
1495
’histoire, d’un ordre spirituel quand il critique
un
livre. Ce qu’il ne tolère pas, c’est le mensonge, et là précisément o
1496
us entrez en Amérique, on vous demande de remplir
des
questionnaires comportant des questions de ce genre : « Buvez-vous ?
1497
demande de remplir des questionnaires comportant
des
questions de ce genre : « Buvez-vous ? Modérément ? À l’excès ? Fumez
1498
ous partisan de doctrines tendant au renversement
des
institutions américaines ? » Vous pouvez répondre que vous êtes alcoo
1499
repose ici sur la parole donnée, seul fondement d’
une
réelle démocratie. Comment ils se battent Voici le contraste le
1500
esprit quasi sportif comme l’Américain, mais par
une
sorte de fatalisme inconscient. (Je ne parle pas du héros, mais du tr
1501
ut, et qu’il faut cela, et que c’est ainsi depuis
des
siècles, et qu’on ne peut pas y échapper. L’Américain, bien au contra
1502
ntraire, considère la souffrance et la mort comme
des
accidents insensés, que rien au monde ne peut rendre acceptables ou j
1503
andis qu’elle règne sur notre inconscient, résidu
des
plus solennelles traditions religieuses de l’Occident. C’est pourquoi
1504
asées. Cette folie apparente de l’Européen dénote
un
certain degré de spiritualité, car l’esprit se nourrit de sacrifices.
1505
crifices. Tandis que le bon sens américain trahit
une
certaine ignorance des conditions premières de la vie spirituelle. Le
1506
bon sens américain trahit une certaine ignorance
des
conditions premières de la vie spirituelle. Les uns préfèrent les rai
1507
ans Vivre en Amérique (chapitre 4), livre édité
un
an plus tard chez Stock. ad. Depuis « L’ordre des valeurs morales… »
1508
un an plus tard chez Stock. ad. Depuis « L’ordre
des
valeurs morales… » : lecture incertaine, aucune copie correcte du tex
1509
Réponse à l’enquête « Les travaux
des
écrivains » (24 août 1946)ae J’ai un certain nombre d’ouvrages qui
1510
travaux des écrivains » (24 août 1946)ae J’ai
un
certain nombre d’ouvrages qui vont paraître en même temps, ce qu’expl
1511
D’abord, chez Stock : Vivre en Amérique . C’est
un
recueil de tous mes articles sur les États-Unis, parus dans Carrefou
1512
on définitive. Les Personnes du drame . Ce sont
des
essais sur Goethe, Kierkegaard, Kafka, Luther, Gide, Ramuz, Claudel e
1513
d’ouvrages qui, à cause de leur faible tirage et
des
circonstances où ils parurent, sont restés pratiquement ignorés. Chez
1514
Michel, Penser avec les mains et le Journal d’
un
intellectuel en chômage . Aux Éditions « Je sers » : Politique de la
1515
a personne , qui, publié il y a douze ans, obtint
un
vif succès en Hollande, où il joua un certain rôle dans la naissance
1516
ans, obtint un vif succès en Hollande, où il joua
un
certain rôle dans la naissance du parti travailliste. Je préfère ne p
1517
rti travailliste. Je préfère ne point vous parler
des
traductions. J’en ai environ dix-huit ! ae. Rougemont Denis de, «
1518
ix-huit ! ae. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] Les travaux des écrivains », Le Figaro littéraire, Paris, 24
1519
t Denis de, « [Réponse à une enquête] Les travaux
des
écrivains », Le Figaro littéraire, Paris, 24 août 1946, p. 2. af. La
1520
os pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers
une
place plantée d’arbres et déserte, aux rendez-vous manqués où je me r
1521
e était au secret de nos vies, nouée parfois dans
une
rancune obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’un vieil arb
1522
obscure, ou bien dans la contemplation jalouse d’
un
vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre
1523
était chanson fredonnée, sur le seuil, au matin d’
une
journée qui se liait aux autres… (Quand ta force devient visible, c’e
1524
tenace. Elle était la douceur et la sagesse amère
des
adieux, ou la gaieté d’un mot dit en passant. Elle avait les pudeurs
1525
ur et la sagesse amère des adieux, ou la gaieté d’
un
mot dit en passant. Elle avait les pudeurs de l’amour… ⁂ Quand je me
1526
En 1940, j’ai vu chanceler
une
civilisation : ce que l’on entendait sur le paquebot entre Lisbonne e
1527
l’Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer
une
stricte mémoire à la candeur intarissable de la vie, toujours pressée
1528
tarissable de la vie, toujours pressée d’imaginer
un
monde où tout peut encore continuer. Je viens de voir une civilisatio
1529
e où tout peut encore continuer. Je viens de voir
une
civilisation frappée au cœur, je l’ai vue chanceler, j’ai vu qu’elle
1530
nt deux jours, j’ai vu la France toute pareille à
un
homme qui vient de tomber sur la tête : il se relève, se tâte, et ne
1531
j’ai vu, aux frontières de la Suisse, l’invasion
des
herbes sauvages venant des terres abandonnées du Nord et que nos pays
1532
la Suisse, l’invasion des herbes sauvages venant
des
terres abandonnées du Nord et que nos paysans s’efforcent d’arrêter a
1533
, cœur mystérieux du continent, dernier symbole d’
une
liberté qui ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons-nous, car
1534
chez le purser, nous n’avons plus devant nous qu’
un
océan sans douanes ! Dix jours vierges, dix jours durant lesquels on
1535
a au viol de notre vie privée. Pourtant, certains
des
passagers gardent encore l’air de s’attendre au pire, tandis qu’ils f
1536
à l’émigrant, à celui qui s’éloigne de ses bases,
des
réflexes de son milieu, de tout ce qui allait de soi autour de lui et
1537
ière ligne reliant l’Europe à l’Amérique ont tous
des
noms en « Ex » : Exeter, Excalibur, Excambion. Et ils ne transportent
1538
Excambion. Et ils ne transportent, en effet, que
des
ex-quelque chose, ex-ministres, ex-directeurs, ex-Autrichiens, ex-mil
1539
iche, ni détrôné, et ne pouvant me réclamer que d’
une
« mission de conférences » (prétexte évidemment peu convaincant) je f
1540
nt) je fais figure d’ex-voyageur normal. Touriste
des
catastrophes, scandaleux personnage, comme le serait un témoin vivant
1541
astrophes, scandaleux personnage, comme le serait
un
témoin vivant même aux colloques des fantômes… Je crois bien que cett
1542
mme le serait un témoin vivant même aux colloques
des
fantômes… Je crois bien que cette image m’est venue à cause d’une con
1543
crois bien que cette image m’est venue à cause d’
une
conversation entendue sur le pont cette nuit même. L’heure était fort
1544
arades et lui-même, avant la guerre, organisaient
des
dépôts de mitraillettes dans certaines rues stratégiques de Paris, T.
1545
, T., ex-militant de la gauche, lui répondit avec
un
demi-sourire et sans retirer son mégot, que de l’autre côté on savait
1546
ela, et qu’au surplus, on en faisait autant, avec
des
armes fournies par certains ministères. Si j’en crois ces deux ex-adv
1547
aient été troublés que par l’attaque intempestive
des
nazis. Contre ceux-là, il semblerait qu’on eût moins brillamment prév
1548
ce, et je l’entends dire à sa femme qui attendait
un
peu en arrière : « Rien de nouveau, c’est toujours les mêmes petites
1549
st toujours les mêmes petites histoires… » Depuis
des
mois, c’est ce que répètent dix fois par jour les usagers de la radio
1550
, que nous avons entrevu l’ampleur et la rapidité
des
événements. Il a dit : « Rien de nouveau, rien d’important… » Mais je
1551
ai, les Anglais tiennent. L’autre jour à Lisbonne
une
lady me disait : « Nous ne serons jamais battus, parce que nous somme
1552
us ne serons jamais battus, parce que nous sommes
un
peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux chefs fra
1553
effet, même victorieux, se plaignent encore comme
des
victimes. Et les Anglais, même battus, se comportent en propriétaires
1554
rait donc la victoire anglaise. 19 septembre 1940
Un
journaliste américain, qui revient de Paris, s’appuie au bastingage,
1555
rachant dans l’eau entre chaque phrase : « Il y a
des
gens, des Parisiens, qui trouvent que les Boches sont corrects… Well…
1556
ns l’eau entre chaque phrase : « Il y a des gens,
des
Parisiens, qui trouvent que les Boches sont corrects… Well… Quand un
1557
rouvent que les Boches sont corrects… Well… Quand
un
gangster de Chicago vous prend votre portefeuille, il vous donne quel
1558
ent que tout était changé autour de moi. Eh oui !
des
verdures proches défilaient au hublot ! Couru sur le pont. Nous somme
1559
le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson.
Une
brume de chaleur tropicale bleuit les rives. Je ne m’attendais pas à
1560
ciel, la statue… Je n’ai jamais eu la sensation d’
un
paysage plus étranger, mais plus étrangement accueillant. Tous ces ar
1561
ccueillant. Tous ces arbres si riches, touffus et
un
peu fous ! Et ces maisons coloniales espacées, si intimes semble-t-il
1562
derrière leurs grands portiques. Et comme on aime
une
terre qui s’approche, avec l’immense sécurité du continent qu’on imag
1563
là de ces falaises orangées, frangées de forêts d’
un
vert sombre de luxueuse tapisserie… La rivière s’élargit et se peuple
1564
vière s’élargit et se peuple de mâts. Au sommet d’
une
falaise qui fuit obliquement éclate une longue façade claire et neuve
1565
sommet d’une falaise qui fuit obliquement éclate
une
longue façade claire et neuve : la première rue américaine ! Nous app
1566
! Nous approchons. Tournant la tête vers l’avant,
un
peu au-dessus de la poupe, je viens de voir un groupe de tours serrée
1567
t, un peu au-dessus de la poupe, je viens de voir
un
groupe de tours serrées, presque diaphanes dans la brume — Manhattan,
1568
resque diaphanes dans la brume — Manhattan, comme
une
prémonition qui serait vérifiée à l’instant même ! ag. Rougemont D
1569
Rougemont Denis de, « En 1940, j’ai vu chanceler
une
civilisation », Le Figaro littéraire, Paris, 21 septembre 1946, p. 1