1 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
1 aucun dont l’esprit et l’histoire ne manifestent à chaque instant l’influence de telles origines. Or le lien de filiatio
2 econnu, n’en est pas moins étroit ni moins fécond à observer. 2. Depuis les temps où la philosophie n’était que la serva
3 nt théologique. Le marxisme ne fait pas exception à cette règle, comme on s’en convaincra par la lecture des écrits du je
4 emprunté aux sciences physico-mathématiques tend à remplacer l’appareil scolastique — c’est du moins ce que proclament l
5 Bergson vers la fin de sa carrière, qu’on cherche à le camoufler comme Heidegger, ou qu’on préfère l’ignorer comme Dewey.
6 exerce sur le public cultivé un empire comparable à celui de la radio sur les masses, tandis que la prédication chrétienn
7 étien dans l’Église, elle est en droit de laisser à d’autres le soin d’appliquer ses critères hors de l’Église. Mais il e
8 ergé et l’élite des fidèles ne sauraient échapper à l’influence de leurs lectures, cependant qu’ils éprouvent une difficu
9 endant qu’ils éprouvent une difficulté croissante à juger celles-ci du point de vue de leur foi : le vocabulaire de la pi
10 u trop différent, et presque sans commune mesure. À qui la faute ? 4. Certes, je suis le premier à redouter que les théo
11 . À qui la faute ? 4. Certes, je suis le premier à redouter que les théologiens se mettent à faire de la critique littér
12 premier à redouter que les théologiens se mettent à faire de la critique littéraire, comme il arrive qu’on en lise sous l
13 ouvent de comptes rendus d’amateurs qui cherchent à parler des livres « comme tout le monde » et à faire oublier leur « s
14 nt à parler des livres « comme tout le monde » et à faire oublier leur « spécialité ». Mon idée serait bien plutôt d’exig
15 llement dépourvus. Et de même, je suis le premier à protester contre ces citations d’auteurs à la mode — ou plus souvent
16 remier à protester contre ces citations d’auteurs à la mode — ou plus souvent à la mode d’il y a cinquante ans — dont les
17 s citations d’auteurs à la mode — ou plus souvent à la mode d’il y a cinquante ans — dont les prédicateurs modernes ont c
18 n’est pas la littérature qui doit prêter secours à la Parole de Dieu, mais c’est le contraire. S’il arrive qu’un pasteur
19 ces réserves préalables, j’ai une requête précise à présenter aux jeunes théologiens qui me liront. Je voudrais que certa
20 e voudrais que certains d’entre eux se consacrent à l’examen, à la critique et même, cas échéant, à une sorte de directio
21 ue certains d’entre eux se consacrent à l’examen, à la critique et même, cas échéant, à une sorte de direction spirituell
22 t à l’examen, à la critique et même, cas échéant, à une sorte de direction spirituelle des tendances littéraires de leur
23 en tout cas l’avantage de donner aux fidèles — et à leur clergé — certains critères de jugement, un certain vocabulaire,
24 uite une certaine orientation de l’esprit propres à rétablir, petit à petit, des éléments de commune mesure entre le croy
25 orientation de l’esprit propres à rétablir, petit à petit, des éléments de commune mesure entre le croyant et le lecteur
26 ecteur dans un même homme. Ceci dit, j’en reviens à mon propos, qui était de soulever une question, et de suggérer pour s
27 a pour conséquence immédiate qu’ils se condamnent à découvrir, tous les vingt ans, des Amériques depuis longtemps colonis
28 us montrerait non seulement ce que les écrivains, à leur insu, doivent à l’atmosphère religieuse de leur époque, mais sur
29 lement ce que les écrivains, à leur insu, doivent à l’atmosphère religieuse de leur époque, mais surtout comment ils pâti
30 t hérétiques, c’est le cas le plus fréquent, dont à grands frais ils redécouvrent quelques bribes, des encyclopédistes au
31 ésie manichéenne, et l’ont ainsi fait vivre jusqu’ à nous et parmi nous, bien que vulgarisée et déprimée au point d’en dev
32 e et non pour le succès. Il y aurait tout et tant à dire sur la renaissance endémique, dans nos écoles d’avant-garde, des
33 té ardente et courageuse. Pourquoi faudrait-il qu’ à l’obscurantisme théologique qui dénote la culture d’aujourd’hui, répo
34 ise est bonne pour les petits bourgeois, n’a rien à dire aux esprits libres et « avancés », et ne tolère que le mauvais a
35 la théologie et les lettres vivantes, je soumets à titre d’exemples et sans nul ordre préconçu, les thèses suivantes. 6
36 les écrivains, tandis que le libéralisme tendait à se mettre à l’école de leurs complaisances, et par suite ne leur donn
37 ns, tandis que le libéralisme tendait à se mettre à l’école de leurs complaisances, et par suite ne leur donnait rien. E
38 effet (ou très rarement) l’adhésion des convertis à une Église déterminée. N’est-ce point là le signe d’une incompatibili
39 ique croit voir dans les dogmes autant d’entraves à l’essor créateur, tandis que le classique y trouve à la fois des appu
40 puis et des gênes fécondes. Le premier, semblable à la colombe de Kant, s’imagine qu’il volerait mieux dans le vide. Le s
41 pour exercer en plein ses énergies. Dante demande à Thomas d’Aquin un cadre, des repères solides, une résistance effectiv
42 ueux d’Aubigné s’armant de la doctrine de Calvin. À l’inverse, je soupçonne les romantiques d’avoir cherché dans la théol
43 facilités… 8. La littérature en général trouve à se nourrir moins dans telle doctrine théologique régnante que dans l’
44 et l’ambiance de controverses théologiques mêlées à des questions politiques. Exemples : La poésie des troubadours, née
45 pendant l’occupation et tôt après. 9. Une Église à tendance liturgique marquée offre le terrain le plus favorable à l’en
46 rgique marquée offre le terrain le plus favorable à l’entente ou au conflit significatif des théologiens et des écrivains
47 écrivains dans une nation donnée. Je me bornerai à citer ici l’exemple de l’Église anglicane dont le Prayer Book a formé
48 lettres anglaises s’avère capital, de John Donne à T. S. Eliot, en passant par le Doyen Swift, l’évêque Berkeley, Coleri
49 on public contre l’illusion courante qui consiste à ne prendre en considération comme auteurs « chrétiens » ou « religieu
50 mentionner cette réalité, mais en fait il échoue à l’exprimer ; il se livre à des efforts visibles de propagande en fave
51 mais en fait il échoue à l’exprimer ; il se livre à des efforts visibles de propagande en faveur des « valeurs spirituell
52 ’en soit le sujet, implique une théologie (fût-ce à l’insu de son auteur), et qu’elle l’exprime par les mouvements mêmes
53 même, elles incitent quelques jeunes théologiens à pousser plus avant dans un domaine que j’espérais simplement désigner
54 ge et reconnaissance : recueil de travaux publiés à l’occasion du soixantième anniversaire de Karl Barth, Neuchâtel, Dela
2 1946, Articles divers (1946-1948). Le supplice de Tantale (octobre 1946)
55 t se passe comme si le désir de Tantale suffisait à repousser les objets qu’il désire, et sa crainte l’objet qu’il redout
56 penche vers la surface de la rivière où il baigne à mi-corps, quand il lève le bras vers ces fruits mûrs qui font ployer
57 nvoitise — emblèmes ou signes, car tout tient ici à des événements intérieurs. Tout tient à l’homme et tout illustre une
58 tient ici à des événements intérieurs. Tout tient à l’homme et tout illustre une des structures fondamentales de son être
59 ale avait commis deux crimes, dit la Fable. Admis à la table des dieux, il avait dérobé à ses hôtes leur nectar et leur a
60 able. Admis à la table des dieux, il avait dérobé à ses hôtes leur nectar et leur ambroisie, pour les faire goûter aux mo
61 on propre fils Pélops, pour faire servir sa chair à la table divine. Les liqueurs d’immortalité sont ici comme des signes
62 des signes de la Grâce, dont un homme chercherait à s’emparer par subterfuge, afin de s’assurer un empire terrestre. Dout
63 nce, et tous les plaisirs qu’ils en tirent. Quant à la mise à mort du fils, offert ensuite aux dieux comme nourriture mei
64 us les plaisirs qu’ils en tirent. Quant à la mise à mort du fils, offert ensuite aux dieux comme nourriture meilleure, il
65 é de s’être une fois laissé surprendre et abuser. À cette double infraction aux grâces de l’esprit (comme je voudrais nom
66 antale, cet automatisme est si sûr qu’il autorise à des spéculations précises, encore que fantastiques en apparence. Je v
67 les atteindre, et tout cela ne tient vraiment qu’ à lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas c
68 tant, qu’il s’abandonne, et qu’il préfère soudain à son amour d’un moi coupable et torturé, l’expiation libératrice et so
69 instant même, il s’enfonce dans les eaux, il boit à mort, et le rocher l’écrase. Mais c’est précisément ce qui n’arrive j
70 arriver dans le Tartare. Tantale, ne croyant pas à la résurrection, ni au pardon, ni au salut que lui vaudrait un instan
71 , Tantale symboliquement réduit, dans la légende, à sa faim, à sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de
72 ymboliquement réduit, dans la légende, à sa faim, à sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de nous, préf
73 réduit, dans la légende, à sa faim, à sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de nous, préfère le désir,
74 çu — mais c’est encore son désir, donc lui-même — à la proie qu’il ne posséderait qu’en acceptant d’être changé d’abord.
75 monde s’il y perdait son moi ? Il est certain qu’ à sa manière il a raison. Car à gagner, l’on perd toujours quelque chos
76 ? Il est certain qu’à sa manière il a raison. Car à gagner, l’on perd toujours quelque chose : l’attente, l’espoir, la no
77 s l’instant du don, pour le recevoir en son lieu. À la limite, et dans la logique d’un mythe où l’homme s’identifie à l’u
78 dans la logique d’un mythe où l’homme s’identifie à l’une de ses tendances, celui qui gagne est donc toujours un autre. E
79 n qui s’est substitué, sous le manteau d’hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’être empereur est mort le jour
80 nos succès, tous nos actes sans doute, sont ainsi à quelque degré des modifications de notre identité, des aliénations de
81 de notre identité, des aliénations de nous-mêmes. À la limite, ils sont autant d’usurpations. Changeons maintenant de pl
82 vie et l’héritage de la vie éternelle. J’emprunte à Jean-Paul1, une histoire étrangement parabolique et qui, dans le regi
83 d, reproduit notre fable grecque, mais la conduit à une heureuse fin. L’oncle van der Kabel vient de mourir, et devant se
84 qu’ils sont et vont reviendront et appartiendront à celui des sept de MM. mes Neveux qui, durant la demi-heure qui suivra
85 s au légataire universel dont le nom va suivre. » À ce point, le notaire pose sa montre sur la table, elle marque onze he
86 ice Harprecht lui fait observer que s’il parvient à pleurer à force de rire, ce ne sera qu’un vol pur et simple, mais l’A
87 eune prédicateur Flachs, lui, serait tout disposé à se lamenter ecclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’oncl
88 jouissante… Glanz, le conseiller d’église, se met à faire une allocution, car il sait que cela le fait pleurer… Mais Flac
89 enfin, en train de se tourmenter si pitoyablement à cause du testament, — et il s’en faut de bien peu qu’il ne pleure… Le
90 r du nouveau Testament n’en demande pas davantage à l’homme pour le faire héritier de son royaume : il demande un instant
91 veut la Vie éternelle par seule crainte de mourir à cette vie temporelle, les eaux vives fuiront ses lèvres ; car il faud
92 , pour y être immergé, accepter de mourir d’abord à ses propres désirs et à soi-même. (Et c’est le symbole du Baptême.) T
93 ccepter de mourir d’abord à ses propres désirs et à soi-même. (Et c’est le symbole du Baptême.) Telle est la ruse de l’Am
94 e pur Amour, et le plaisir anticipé suffit encore à refouler cette larme, qui pouvait seule, et dans un seul instant, mér
3 1946, Articles divers (1946-1948). Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)
95 )c Pendant deux semaines viennent d’avoir lieu à Genève, comme on sait, des « Rencontres internationales » placées sou
96 des concerts, des récitals de poèmes, et assisté à des spectacles lyriques, dramatiques et cinématographiques remarquabl
97 pense d’y revenir en détail. Mais nous avons tenu à recueillir les impressions de M. Denis de Rougemont, l’un de nos plus
98 i, c’est ce qui le distingue de l’Européen, court à la conclusion. Il veut une solution pratique, autant que possible. Ma
99 Des entretiens, tels qu’ils viennent d’avoir lieu à Genève, eussent été un four aux États-Unis. En Russie, ils auraient é
100 llement, je regrette qu’aucun Russe n’ait répondu à notre invitation. Heureusement, nous avons eu Lukács, et je vois mieu
101 e vois mieux maintenant quelles questions j’aurai à poser à la Russie. Je lui dirai : « Vous accusez les démocraties d’êt
102 ieux maintenant quelles questions j’aurai à poser à la Russie. Je lui dirai : « Vous accusez les démocraties d’être purem
103 ment démocratisés ; vous, vous ne l’acceptez pas. À vous de faire le premier pas. Ouvrez vos frontières. Vous pouvez veni
104 ir chez nous. Vous refusez ? Nous ne demandons qu’ à comprendre. C’est à quoi, d’ailleurs, nous espérons parvenir lors des
105 efusez ? Nous ne demandons qu’à comprendre. C’est à quoi, d’ailleurs, nous espérons parvenir lors des prochains entretien
106 parvenir lors des prochains entretiens de Genève. À condition que nous ayons plus de contacts personnels entre représenta
107 déralisme. Un régime de tyrannie n’aboutit jamais à la liberté. On le voit, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’espri
108 la France qui est un pays de dialogue, comme aime à répéter André Gide. Quand cesse le dialogue, c’est le totalitarisme q
109 s européens. Il souhaite encore que l’on organise à Genève un Café de Flore de l’Esprit européen, ou chacun se rencontrer
110 ève, rose des vents de l’esprit, continuera ainsi à jouer son rôle de cité internationale, à condition, bien entendu, que
111 ra ainsi à jouer son rôle de cité internationale, à condition, bien entendu, que l’esprit puisse y souffler librement où
4 1947, Articles divers (1946-1948). Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)
112 Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)k Je n
113 is a lonely Hunter. Un peu plus tard je la revis à Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait amené Go
114 ee la danse et le strip-tease, et tous les autres à quelque titre étaient des « creative people », parlaient de Kierkegaa
115 u débarquement en Normandie. Aujourd’hui elle est à Paris, inaugurant avec Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premi
116 Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premier à saluer son talent — la reprise de l’émigration traditionnelle des écr
117 sensations, des attractions mutuelles qui meuvent à leur insu les personnages. C’est une recherche proprement romanesque,
118 n quête d’explications, de rythmes, de certitudes à embrasser. Comme cette Mick, jeune fille pauvre de 15 ans, qui cherch
119 he la musique dans sa petite ville, et repère une à une les maisons où la radio choisit les symphonies qu’elle aime. Le s
120 ur fait dire des bêtises, c’est pour nous inciter à mépriser l’erreur ou la bassesse d’une classe qu’ils représentent, d’
121 s qu’une connaissance plus intime des héros. Rien à citer de la part du romancier. Les arguments qu’échangent avec passio
122 mettre en scène des intellectuels, recourt plutôt à des enfants, à des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrou
123 des intellectuels, recourt plutôt à des enfants, à des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller que pour
124 recourt plutôt à des enfants, à des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller que pour sensibiliser les que
125 t une construction serrée, comme celle d’un motet à cinq voix qui se signalent et se posent une à une, se cherchent, se r
126 tet à cinq voix qui se signalent et se posent une à une, se cherchent, se rencontrent une seule fois, mais dans une disso
127 ussi : comment se peut-il que ce livre impossible à classer, ni brutal, ni sexy, ni religieux, ni relatif à la guerre de
128 ser, ni brutal, ni sexy, ni religieux, ni relatif à la guerre de Sécession, ni susceptible de fournir un scénario, ni ind
129 mérique ? Je ne vois pas de réponse satisfaisante à ma deuxième question : le fait est là. Pour la première, je puis dire
130 trouver une clé dans cette lettre d’un sourd-muet à son ami devenu fou, qu’on va lire aux pages 219-220 : « Les autres, é
131 lle ils sont toujours si occupés. » Dernièrement, à Paris, je disais à Carson, avec la ruse d’un interviewer : — Il n’y a
132 rs si occupés. » Dernièrement, à Paris, je disais à Carson, avec la ruse d’un interviewer : — Il n’y a pas d’histoires d’
5 1947, Articles divers (1946-1948). La lutte des classes (1947)
133 s vous conduisent en moins d’une heure d’un monde à l’autre — de Neuchâtel à Berne par exemple — ne servent cependant qu’
134 s d’une heure d’un monde à l’autre — de Neuchâtel à Berne par exemple — ne servent cependant qu’aux petits déplacements,
135 s peints en faux bois jaune clair. On s’attendait à être interrogé, dans les trois langues nationales. À mi-chemin entre
136 tre interrogé, dans les trois langues nationales. À mi-chemin entre l’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’un
137 ines, comme si le monde où nous vivons était fait à notre mesure, comme si l’humanité où nous plongeons se conformait aux
138 nt il respire naturellement l’honnêteté, tendrait à nous faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des c
139 t, comme si notre système de sécurité devait être à chaque instant vérifié, mis au point, méticuleusement nettoyé des moi
140 présenter une cravate insolente, une conversation à voix trop haute, une semelle appuyée sur le banc, quelque geste impré
141 ’indiscrétion sévère du regard suisse me surprend à chacun de mes retours. Comment décrire et comment justifier l’espèce
142 t qu’avec cet air exaspérant de celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir et pour réagir comme
143 ion de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’était l’été des expériences de Bikini. Dans l
144 cuir. Rien d’étonnant si le contrôleur distingue à première vue les resquilleurs, ces jeunes gens excités qui prétendent
145 nts d’être là, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple suisse paraît de plus en plus enclin à respec
146 ue le peuple suisse paraît de plus en plus enclin à respecter le velours gris et dru des secondes : il a tort, c’est la c
147 e dernier refuge des esprits libres. Je me décide à regagner les troisièmes. Mais il faut traverser un couloir de premièr
148 ennent au vaste monde dont je rêvais avec fièvre, à 12 ans, quand je lisais sur les longs wagons bruns qui s’engouffraien
6 1947, Articles divers (1946-1948). Les maladies de l’Europe (1947)
149 On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe à laquelle je reviens après six ans d’absence, et certains événements.
150 prenez cette amie dans vos bras, vous ne trouvez à dire que des phrases banales : « Viens ici qu’on se voie un peu. Eh b
151 nt tes projets ? » Je ne saurais échapper ce soir à l’emprise de ce rituel des retours et de l’amitié, le moins variable
152 semble que je traduirai par ces mots : on dirait, à la voir, qu’elle a perdu la guerre. Militairement, Hitler et ses séid
153 la brute se jette soudain sur lui, dans le corps à corps qui s’ensuit, vous ne distinguez plus deux points de vue, mais
154  : il se trouve que c’est notre gentleman de tout à l’heure, mais le voilà méconnaissable, le visage tuméfié, les vêtemen
155 mensonge et de la délation, les élites asservies à la louange du chef, la politisation totale de l’existence. Hitler bat
156 cependant, combattaient, passée dans notre siècle à l’action politique au lendemain de la révolution russe, puis sous le
157 us menaçant, comme autrefois Descartes en donnait à l’Église, afin de s’éviter, disent-ils, les pires ennuis. Si ces abus
158 line révolutionnaire, d’antifascisme, en sorte qu’ à les dénoncer, au seul nom de la bonne foi ou de la véracité, on prend
159 veau succès de l’esprit totalitaire qui n’a eu qu’ à changer d’étiquette pour occuper, sans coup férir, d’importantes sect
160 rise ou le premier abcès de fixation, se révèlent à l’observateur de l’Europe d’après-guerre. J’en mentionnerai quelques-
161 r des parements, cependant que la bombe atomique, à Bikini, vient de changer en une seconde la couleur même de l’océan. E
162 ne guerre prochaine, mais l’idée d’une révolution à main armée se voit acceptée comme fatale, se voit nourrie de nos pass
163 ie de nos passivités. Voilà ce qu’on nous prépare à droite comme à gauche, avec cette minutie sourde et aveugle aux indic
164 vités. Voilà ce qu’on nous prépare à droite comme à gauche, avec cette minutie sourde et aveugle aux indications du réel
165 e et aveugle aux indications du réel qu’apportent à leurs petites occupations les aliénés. Si l’on se bat en Europe demai
166 sont la radio et la presse. Seuls ces moyens sont à l’échelle des masses. Mais se faire écouter par ces moyens, c’est aus
167 au point que rien ne passe plus de ce qu’on avait à dire. Devant cette impuissance pratique à inscrire leurs pensées dans
168 n avait à dire. Devant cette impuissance pratique à inscrire leurs pensées dans des actes, beaucoup d’intellectuels s’ins
169 e des points. Tous ces maux et tant d’impuissance à y parer n’ont pas manqué de provoquer dans les élites demeurées libér
170 se soit généralement substituée dans nos esprits à l’idée de progrès automatique. Née d’analyses et de pressentiments de
171 , dont la rhétorique fort ancienne peut entraîner à l’injustice. Et qu’enfin, vis-à-vis des êtres que l’on aime, il arriv
172 rations. Il reste cependant un fait qui ne dépend à aucun degré de nos estimations ou jugements subjectifs : c’est que la
173 u progrès par exemple — j’y faisais allusion tout à l’heure — semble avoir évacué l’Europe pour émigrer vers l’Amérique e
174 tre nos enfants. Leur exil en a fait des monstres à nos yeux. Pourtant le capitalisme industriel et le libéralisme politi
175 ’eugénique, l’alimentation, le logement, et jusqu’ à la morale, autrefois religieuse. Tout vient d’Europe, tout cela fut n
176 igieuse. Tout vient d’Europe, tout cela fut nôtre à l’origine. Mais alors, comment et pourquoi ces créations européennes
177 ès le Moyen Âge, par sa curiosité et son commerce à l’époque des grandes découvertes, par ses armes et son art de la guer
178 ntagieux et les armes, le grand commerce et jusqu’ à la curiosité de la planète ! Tout cela dans l’espace de trente ans, e
179 l’espace de trente ans, et sans retour possible, à vues humaines. Que nous reste-t-il donc en propre ? Un monopole uniqu
180 e encore, et à vrai dire, c’est le plus difficile à prendre ! Mais c’est aussi le plus difficile à maintenir en état d’ef
181 le à prendre ! Mais c’est aussi le plus difficile à maintenir en état d’efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup que les
182 aut de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexités vitales
183 . Une analyse sociologique assez grossière suffit à révéler dans tout le continent une sorte de clivage et un double trop
184 ands hommes d’affaires regardent vers l’Amérique. À tort ou à raison — je n’en juge pas ici —, ils s’imaginent que ces pa
185 s d’affaires regardent vers l’Amérique. À tort ou à raison — je n’en juge pas ici —, ils s’imaginent que ces pays réalise
186 capitaliste qui ont quitté notre continent, mais à leur suite les espoirs et les rêves des plus actifs d’entre nous ont
187 e refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore mais sans faire mieux. Je ne vois plus, p
188 ler d’une défense de l’Europe, de nous cramponner à ses restes, et même d’appeler à son secours des forces jeunes. Posons
189 e nous cramponner à ses restes, et même d’appeler à son secours des forces jeunes. Posons-nous donc sans nul cynisme, mai
190 usieurs Européens qui se la posent en termes tout à fait urgents et familiers, quand ils se demandent si c’est l’Europe o
191 faut souhaiter pour leur enfant. Car nous pensons à notre Europe comme à un « Vaterland », pays des pères, mais l’Amériqu
192 eur enfant. Car nous pensons à notre Europe comme à un « Vaterland », pays des pères, mais l’Amérique, ou la Russie, ne s
193 vœux ? Ce n’est pas assez de donner des ancêtres à ses enfants ; ils ont besoin d’un avenir aussi. Et de quel droit sacr
194 i. Et de quel droit sacrifierais-je leurs espoirs à mes souvenirs ? En défendant l’Europe, il s’agit donc de savoir si no
195 mme le pensent et le disent nos voisins. Je songe à ces enfants, et j’essaie de mêler à la vision de leur avenir la visio
196 ins. Je songe à ces enfants, et j’essaie de mêler à la vision de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de m
197 ion de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de musée plus ou moins bien tenu, ou au contraire la vision d’
198 aurait cédé aux tentations d’un bonheur étranger à son génie, une Europe américanisée — ce serait par goût — soviétisée
199 e vue qui se définit comme une position polémique à l’intérieur du champ que l’on observe. Mais si maintenant nous regard
200 té spirituelle. S’il est vrai que l’Europe, jusqu’ à ce siècle, ne s’est guère sentie et conçue comme un tout, comme un co
201 la planète. Mais en 1946, elle se voit affrontée à deux empires. Du même coup elle ressent son unité et la définit par c
202 istes de la nature ou de la condition de l’homme. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale européennes,
203 on par excellence qui est la croix. Au contraire, à l’origine des deux empires nouveaux, il y a l’idée de l’unification d
204 ur de la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent à l’inconscience heureuse, et nous à la conscience à n’importe quel pri
205 ec. Ils visent à l’inconscience heureuse, et nous à la conscience à n’importe quel prix. Ils veulent la vie, nous des rai
206 l’inconscience heureuse, et nous à la conscience à n’importe quel prix. Ils veulent la vie, nous des raisons de vivre, m
207 ut éliminer doucement ou brutalement pour arriver à l’unanimité, à l’homogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité,
208 cement ou brutalement pour arriver à l’unanimité, à l’homogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité, le cinéma, la
209 éricain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas à chercher bien loin. Je prendrai simplement l’exemple de l’entreprise
210 ituelle, dans les diversités qui s’expriment ici, à Genève, dans notre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’Europ
211 opéen en tant que tel n’accepte pas d’être réduit à l’un ou à l’autre de ces termes. Mais il entend les assumer et consis
212 ant que tel n’accepte pas d’être réduit à l’un ou à l’autre de ces termes. Mais il entend les assumer et consister dans l
213 e sera donc, typiquement, la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer à l’homme toutes les institutions. Cet homme de l
214 nt, la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer à l’homme toutes les institutions. Cet homme de la contradiction (s’il
215 ui que j’appelle la personne. Et ces institutions à sa mesure, à hauteur d’homme, traduisant dans la vie de la culture, c
216 lle la personne. Et ces institutions à sa mesure, à hauteur d’homme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les
217 meilleure. Je préfère emprunter, pour un moment, à nos voisins américains leurs méthodes pragmatiques, et à nos voisins
218 oisins américains leurs méthodes pragmatiques, et à nos voisins soviétiques leur sens aigu des implications politiques de
219 ite d’apparence. Demandons-nous ce que nous avons à faire pour maintenir et pour illustrer les valeurs propres de l’Europ
220 nir dans l’actuel. Sauver l’Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’Europe, c’est pratiquement, et aujourd’hui,
221 ope, c’est pratiquement, et aujourd’hui, empêcher à tout prix la guerre. Et c’est aussi rendre inutiles les mitraillettes
222 en écœurant par sa tactique ceux qui se dévouent à la cause de la justice économique. Empêcher les guerres à tout prix…
223 se de la justice économique. Empêcher les guerres à tout prix… Or, les guerres et les révolutions, contrairement à ce que
224 r. Ce sont elles que l’on peut utilement éveiller à la claire conscience des causes des guerres civiles et nationales, et
225 la cité une anarchie. Cette anarchie ne tarde pas à provoquer une réaction collectiviste. À l’excès de liberté chez les i
226 tarde pas à provoquer une réaction collectiviste. À l’excès de liberté chez les individus, répond mécaniquement un excès
227 es et l’Europe ; puis entre l’Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tentations opposées, et pa
228 érialisme intérieur ne manque jamais de s’exalter à son tour en impérialisme tout court. Un gouvernement totalitaire sera
229 Europe par excellence. Je compare le nationalisme à une espèce de court-circuit dans la tension normale qu’il s’agit de m
230 it plus parler d’union, puisqu’il n’y a plus rien à unir. D’autre part, il déclare souveraine la nation unifiée de la sor
231 n vit Hitler, on voit Staline, écraser les partis à l’intérieur, puis se comporter vis-à-vis de l’Occident, en tant que n
232 on pas unifier. Et justement parce qu’il respecte à l’intérieur d’une nation la riche diversité des groupes, il est prêt
233 che diversité des groupes, il est prêt à s’ouvrir à des unions plus vastes. Il les appelle, il les espère, il fait tout p
234 e qui a sécrété ce contagieux nationalisme, c’est à elle d’inventer son antidote. Elle est seule en mesure de le faire à
235 mplie… Mais cette raison irrationnelle, de croire à nos chances de durée, ne peut ni ne doit vous suffire. J’en indiquera
236 que notre sens de l’équilibre humain nous invite à remettre à leur place ces prétentions divinisées, et à les taxer sobr
237 sens de l’équilibre humain nous invite à remettre à leur place ces prétentions divinisées, et à les taxer sobrement, non
238 ettre à leur place ces prétentions divinisées, et à les taxer sobrement, non sans humour à l’occasion. J’ai souvent propo
239 nisées, et à les taxer sobrement, non sans humour à l’occasion. J’ai souvent proposé cette petite parabole à mes amis amé
240 asion. J’ai souvent proposé cette petite parabole à mes amis américains : « Vous croyez, leur disais-je, que le plus gran
241 me de la rapprocher de l’Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou non à l’expérience d
242 venir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou non à l’expérience de dictature si brillamment conduite, jusqu’ici, par les
243 rationnel autant que la foi religieuse — et c’est à tel point qu’on se demande si ce qui les gêne le plus n’est pas simpl
244 écu de toutes ces choses gênantes, elle s’arrange à merveille de leur complexité ; elle y voit même la saveur de la vie !
245 ires sans précédent, sans tradition, s’épuiseront à redécouvrir ce que nous savons depuis des siècles, ce qui nous permet
246 ciment armé, tandis que l’Amérique en est encore à bâtir des églises en gothique neuf. C’est parce que l’Europe est la m
247 té qui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant à l’Europe et à sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec
248 i nous inspirer, je dirai, songeant à l’Europe et à sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec moi : Je pense
249 rope et à sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec moi : Je pense, donc j’en suis ! g. Rougemont Denis d
7 1947, Articles divers (1946-1948). L’opportunité chrétienne (1947)
250 justement contestés par l’État. Puis elles eurent à défendre leurs pouvoirs spirituels, certains États s’étant laissé all
251 s spirituels, certains États s’étant laissé aller à les revendiquer injustement. Les docteurs de l’Église se défendaient
252 mes sociologiques et philosophiques qui se mirent à pulluler dès le xixe siècle, et qui se posaient en termes intraduisi
253 s traditionnelles. Quant aux fidèles, ils avaient à se défendre contre la menace quotidienne, innombrable, et sans cesse
254 minorité doucement persécutée. Cette persécution à coups d’épingle, de demi-sourires et d’ironies intellectuelles basées
255 éformateurs faisait place, chez, les protestants, à un moralisme centré sur l’homme. Tout tranquillement, et pour sauver
256 sauver leur corps, les Églises renonçaient sinon à leur âme même, du moins à cette véhémence flambante qui fut toujours
257 lises renonçaient sinon à leur âme même, du moins à cette véhémence flambante qui fut toujours signe et symbole de l’Espr
258 l, pouvait écrire vers la fin de cette période qu’ à la question : « Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-o
259 laïques et les Églises ; qu’il a brusquement mis à nu l’État minoritaire des chrétiens ; qu’il les a attaqués de front a
260 e ou antichrétienne, qui prétendait se substituer à la religion et conduire le monde moderne vers un paradis sans Dieu, a
261 atures barbares : elle s’est reconnue impuissante à donner des buts de vie, des idéaux, une morale, plus efficace que le
262 — et non de plus en plus, comme au siècle passé — à mettre en doute la vérité et la validité des dogmes chrétiens. L’ère
263 tion d’une puissante et purifiée Église orthodoxe à l’Est. Mais dire que l’époque de la défensive est terminée pour elles
264 es un dilemme très net : il ne leur reste plus qu’ à s’endormir, ou bien à passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerre
265  : il ne leur reste plus qu’à s’endormir, ou bien à passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerre de Trente Ans ne ress
266 leur reste plus qu’à s’endormir, ou bien à passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerre de Trente Ans ne ressemble guè
267 ain d’une guerre de Trente Ans ne ressemble guère à une victoire, il faut bien le dire. Les nations qui ont perdu la guer
268 ale, l’État se voit forcé d’étendre ses pouvoirs, à coups de décrets si généraux que chaque vocation personnelle s’en tro
269 vide est un appel, urgent et dramatique. Un appel à l’attaque, à l’offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : le
270 ppel, urgent et dramatique. Un appel à l’attaque, à l’offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et
271 dramatique. Un appel à l’attaque, à l’offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et leurs prédicate
272 appel à l’attaque, à l’offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et leurs prédicateurs ont moins qu
273 glises et leurs prédicateurs ont moins que jamais à se soucier, aujourd’hui, de réfuter les arguments de l’incroyance : e
274 ents de l’incroyance : elles ont, tout simplement à donner leurs croyances, avec une agressive naïveté ; tendre une perch
275 s, avec une agressive naïveté ; tendre une perche à ceux qui se noient. Comme laïque se tenant dans l’Église, et voyant a
276 n masse, ont presque tué, laissant le champ libre à l’État et à ses réglementations, souvent utiles, mais qui ne sont jam
277 presque tué, laissant le champ libre à l’État et à ses réglementations, souvent utiles, mais qui ne sont jamais règles d
278 sure, d’ambitions spirituelles. Sans « dévotion » à rien d’avouable… Toute la culture de l’Occident — musique, peinture,
279 est bien sortie ! Il est temps que nous sortions à sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’Église cesse de défendre la t
280 sultent… Un mot encore. Ce programme, qui résume à mes yeux les plus grandes chances d’action du christianisme au xxe s
281 sans précédent, et paraît donc ‟invraisemblable” à celui qui la reçoit. Exemple : Abraham ». d. Rougemont Denis de, « 
8 1947, Articles divers (1946-1948). La guerre des sexes en Amérique (janvier 1947)
282 ublic (outdoor love-making) vient d’être interdit à la station aéronavale de San Diego, Californie, tant pour le personne
283 ion, déclare que depuis quelque temps, on assiste à un croissant étalage en public de marques d’affection du genre commun
284 king 4. S’il est vrai que tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il s’agit là d’un passe-temps absorbant et plaisant, i
285 sexuelles de l’Amérique ne sont point si faciles à définir. Comment expliquer le contraste entre le puritanisme rigoureu
286 ables au développement d’une grande passion, sont à ses yeux autant de preuves que l’affaire est mal engagée et qu’il fer
287 ge d’une intrigue complexe et qui menace de tirer à conséquence : telle est la grande maxime de sa morale nouvelle. Les d
288 ir, c’était donc une erreur. Ils ne croient guère à la valeur unique d’un être, — et il est vrai qu’il faut beaucoup de s
289 urait exister dans une civilisation qui n’accorde à l’échec nulle dignité spirituelle, et qui ne tient pour vrai que ce q
290 ce et de la densité de la vie. Comme on demandait à une Américaine intelligente si le suicide par amour existait aux État
291 trahison, c’est simplement que nous n’aimons pas à rester seuls. Du matriarcat, du mariage et des « moms » Dans un
292 se que le business comme nous disons). Le mariage à l’américaine est une institution d’un type nouveau. Il se fonde sur l
293 rence, le carnet de chèques. Elle ne se borne pas à choisir les rideaux, mais la maison, et même l’auto. Je vois la preuv
294 qui la possède de perfectionner tout ce qui tombe à portée de sa main (et un peu plus). On ne saurait dire d’elle, comme
295 e nous parlions toujours de leur « matérialisme » à ce propos, puisque le but de ces perfectionnements est d’alléger les
296 physiquement déformant, et moralement aigrissant à l’extrême, dont la majorité des femmes d’Europe souffrent encore, pou
297 i qui peine pour payer le frigidaire et permettre à la femme de lire des romans, — ou d’en écrire. Regardez maintenant le
298 e, mais affichera un silence offensé qui signifie à son mari d’intervenir, sinon elle va se lever et sortir d’un pas vif,
299 mom, votre mom aimante, etc., elle est la fiancée à tous les enterrements, le cadavre à tous les mariages. Satan, dit-on
300 st la fiancée à tous les enterrements, le cadavre à tous les mariages. Satan, dit-on, sait occuper les mains oisives. La
301 d’aveugle dévouement. Mais l’attitude de l’homme à son égard est faite pour éveiller en elle le goût de la liberté et de
302 en : de la domination. Ainsi la femme se virilise à la mesure de ce que l’homme attend d’elle. Frustrée sans le savoir da
303 prend en main les rênes de la vie, et se prépare à devenir à son tour une mom aussi redoutablement « perfectionniste » e
304 main les rênes de la vie, et se prépare à devenir à son tour une mom aussi redoutablement « perfectionniste » et activist
305 tionniste » et activiste que sa belle-mère. Quant à l’homme, cause du mal et victime peu consciente, il se réfugie dans s
306 nous sommes habitués à voir des hommes en masses, à la caserne ou dans une réunion publique (et les femmes s’approchent v
307 e noter, c’est qu’on y divorce d’une manière tout à fait différente. Aux yeux des intéressés, le divorce américain ne sau
308 a pèse bien peu au regard des chances de repartir à neuf, de déblayer les perspectives d’avenir, qu’offre l’interruption
309 ngagée ou négative. Nous pensons, comme toujours, à conserver5, eux à ouvrir. Le divorce est pour nous l’enterrement d’un
310 . Nous pensons, comme toujours, à conserver5, eux à ouvrir. Le divorce est pour nous l’enterrement d’un bonheur, pour eux
311 ltère. Autant dire que le divorce est impossible, à moins que l’on accepte d’en passer par une odieuse mise en scène « lé
312 ésormais dans le Nevada. Il y reste six semaines, à l’hôtel, est alors déclaré résident, obtient son divorce en un quart
313 uisine du Nord, elle lui servait des ratatouilles à la mode de la Louisiane : divorce accordé. Dès qu’elle tombait malade
314 rdé. Dès qu’elle tombait malade, il faisait venir à la maison un entrepreneur des pompes funèbres et des couronnes : divo
315 son. Si grave que soit un tel jugement, j’incline à croire que la facilité avec laquelle l’Américain divorce, révèle que
316 neuf ». Une jeune héritière très connue déclarait à un groupe de journalistes qui la félicitaient sur ses fiançailles, à
317 nalistes qui la félicitaient sur ses fiançailles, à 19 ans : « C’est merveilleux de se marier pour la première fois ! » D
318 première fois ! » Deux ans plus tard, elle était à Reno et se remariait, « elle pour la seconde fois, lui pour la quatri
319 lui pour la quatrième ». Cependant, j’en reviens à ma première définition, le divorce à l’américaine est considéré avant
320 j’en reviens à ma première définition, le divorce à l’américaine est considéré avant tout comme la mise en ordre de deux
321 e. En Europe, où l’on croit au mariage-sacrement, à la continuité de la famille, à l’héritage, on s’accommode de la faute
322 mariage-sacrement, à la continuité de la famille, à l’héritage, on s’accommode de la faute, on attend la fin de la crise,
323 ue mal le ménage, afin qu’il puisse encore offrir à l’opinion une façade de normalité. En Amérique, on se refuse à cette
324 ne façade de normalité. En Amérique, on se refuse à cette hypocrisie sociale. Le premier accroc fait par un conjoint coût
325 ale. Le premier accroc fait par un conjoint coûte à l’autre 1000 dollars, prix du voyage de Reno, du séjour et des avocat
326 sous la forme atténuée de l’American way of life, à l’école, dans la presse, au cinéma, au cours du soir pour étrangers r
327 étrangers récemment naturalisés. On leur inculque à tous qu’être un Américain, c’est être un homme « décent » et comme je
328 st être un homme « décent » et comme je demandais à quelques étudiants ce qu’ils entendaient par là, l’un d’eux me dit :
329 est l’homme qui tient parole et se tient propre, à tous égards. » Cette volonté de vivre une vie nette se combine curieu
330 ancipé, le jeune Américain semblerait un peu fade à nos romanciers de l’amour. Il reste chaste ou se comporte en animal i
331 rs que l’on vient d’esquisser donneraient matière à tout un livre. Mais il me paraît vain de l’écrire, car l’Amérique est
332 que est en pleine transition, à cet égard plus qu’ à tout autre. Il convient donc de n’indiquer qu’à la volée quelques rem
333 u’à tout autre. Il convient donc de n’indiquer qu’ à la volée quelques remarques dont on reconnaît qu’elles sont par natur
334 sourde hostilité, qu’ils attribuent naturellement à l’action des tabous puritains, refoulés dans l’inconscient, et qui se
335 s directe et contrôlable du cinéma et des comics. À mon avis, l’aspect le plus intéressant de l’évolution actuelle des mœ
336 échange sexuel, par consentement commun, n’engage à rien, ni à l’amour ni au mariage ; affirmation du droit au bonheur co
337 uel, par consentement commun, n’engage à rien, ni à l’amour ni au mariage ; affirmation du droit au bonheur comme seule r
9 1947, Articles divers (1946-1948). Journal d’un intellectuel en exil (mars 1947)
338 exil (mars 1947)i Janvier 1941 L’avant-garde à New York. — J’ai enfin découvert un « milieu littéraire » dans ce pay
339 ails que l’on passait continuellement d’un groupe à l’autre. Il y avait là bon nombre des « intellectuels » de vingt à qu
340 vait là bon nombre des « intellectuels » de vingt à quarante ans dont je retrouve les noms dans les petites revues de l’a
341 ue les romanciers sont plutôt journalistes. Quant à leurs femmes et amies, elles m’ont paru cultiver le genre des nihilis
342 t sont trotskistes, ont lu Freud, ou en parlent. À lire les revues ou little mags où ils écrivent, à les voir chez eux o
343 À lire les revues ou little mags où ils écrivent, à les voir chez eux ou ensemble, j’éprouve une sorte de tristesse. Ils
344 core moins intégrés que leurs confrères européens à la vie de leur propre nation. Cela tient sans doute à mille raisons m
345 vie de leur propre nation. Cela tient sans doute à mille raisons matérielles et sociales d’abord, dont j’ai deviné quelq
346  » dans leurs écrits, avec une sorte de nostalgie à la Lawrence. Ils jugent en général trop formalistes ou rhétoriques no
347 k, Upton Sinclair du fond de la Californie alerte à leur sujet deux éditeurs. Sur leur demande pressante, je leur envoie
348 impliste, il attend des jugements entiers. Quitte à ne pas savoir ce qu’il juge, ni pourquoi… Quitte à rivaliser d’intolé
349 ne pas savoir ce qu’il juge, ni pourquoi… Quitte à rivaliser d’intolérance brutale avec ceux qu’il croit condamner… N’es
350 m’apparaît pas simple. Si les Églises s’opposent à l’intervention, c’est par objection de conscience, pacifisme, antimil
351 it. Il m’entraîne au café. Il avait des questions à me poser au sujet d’un de mes livres dont il devra parler au séminair
352 préfère. Leur familiarité réchauffe. Chaque soir, à la cafétéria, — un restaurant très bon marché où l’on doit se munir d
353 w Hampshire, perdus dans les forêts de bouleaux ; à Concord où j’ai vu la maison d’Emerson, ses chapeaux et ses cannes ac
354 u monde. ⁂ Cambridge retient l’Européen, parce qu’ à la différence des autres bourgs de ce pays, l’on y trouve une vraie p
355 ent, etc.) doit donner un chiffre total supérieur à 135. Le génie, s’il est physicien par exemple, n’en sera pas moins un
356 moins un spécialiste de Kierkegaard ou de Kafka, à l’analyse desquels il appliquera les théories de la logistique de Vie
357 pliquera les théories de la logistique de Vienne, à moins qu’il ne préfère les aborder en sociologue postmarxiste ou en f
358 ien. Le minimum requis est impérieux et difficile à obtenir parce que le dollar est très cher. On ne peut pas « se débrou
359 e le journalisme et le professorat. Or je répugne à l’un autant qu’à l’autre… ! Fin décembre 1941, 5 IV est 16th Street T
360 et le professorat. Or je répugne à l’un autant qu’ à l’autre… ! Fin décembre 1941, 5 IV est 16th Street Trouvé un petit at
361 cour. En face, le haut building d’une imprimerie. À droite, je domine le toit plat, formant terrasse, d’une maison de tro
362 ns le monde, au cinéma, sous le moindre prétexte. À deux heures aujourd’hui, je me suis enfermé sans plus bouger, entre m
363 ma conférence de Buenos Aires, des notes éparses. À sept heures, je me suis mis à écrire. Il est dix heures et j’ai devan
364 des notes éparses. À sept heures, je me suis mis à écrire. Il est dix heures et j’ai devant moi les trois premiers chapi
365 id, je suis heureux, je cours dîner pour 50 cents à la cafétéria du coin. 2 mars 1942 Ou écrire, ou sortir. — Après troi
366 ir une sortie. Deux signes m’ont prouvé que jusqu’ à nouvel ordre je suis le prisonnier de mon livre et ferais bien de ne
367 ds dire : « Voilà le diable ! » Ils se retournent à demi et rient. J’ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je
368 le mois dernier. Mais ce soir-là je n’avais rien à dire, et me demandais non sans angoisse ce que l’on peut bien avoir à
369 ais non sans angoisse ce que l’on peut bien avoir à dire, en général, quand on se trouve à six ou huit dans un salon. Ren
370 bien avoir à dire, en général, quand on se trouve à six ou huit dans un salon. Rentré tôt, mais n’ai rien fait qui vaille
371 tir libre nuit et jour. Fin mars 1942 Écrit finis à six heures du matin. Église Saint-Marc à l’aube froide, quelques bonn
372 it finis à six heures du matin. Église Saint-Marc à l’aube froide, quelques bonnes femmes et un jeune homme devant le vie
373 la part du diable, celle qu’il a sans doute prise à mon ouvrage. Idée bizarre : si j’ai si vite bouclé ce livre, c’était
374 e louais cet atelier au mois et n’ai donc plus qu’ à déguerpir sans insister. 16 avril 1942, 11 West, 52 th Street Emména
375 he, vaste et carrée. Je me sens rendu au monde et à la vie courante. Mais pendant que je m’escrimais contre son image fuy
376 mai 1942 Un job. — J’étais allé voir mes enfants à Long Island, le samedi soir, et le dimanche matin j’annonce subitemen
377 Office of War Information, étant appelé d’urgence à Washington. La place sera vacante demain après-midi, et sans doute re
378 s allé et une demi-heure plus tard, je me mettais à ce travail, nouveau pour moi : écrire des textes d’information et des
379 s surprises de l’exil. Fin juin 1942 Une journée à l’OWI.— André Breton, superbement courtois, patient comme un lion bie
380 ement courtois, patient comme un lion bien décidé à ignorer les barreaux de sa cage, apparaît vers cinq heures au fond de
381 aume ! Ou plutôt non : qu’on lui donne une église à régir, et le beau nom du sacerdoce à restaurer dans une atmosphère or
382 e une église à régir, et le beau nom du sacerdoce à restaurer dans une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique n’est pas so
383 Amérique n’est pas son fort. Il y tient le succès à distance, laissant à Salvador Dali, qu’il appelle Avida Dollars, le s
384 n fort. Il y tient le succès à distance, laissant à Salvador Dali, qu’il appelle Avida Dollars, le soin de faire monnaie
385 monnaie d’une étiquette plus prestigieuse ici qu’ à Paris même : surréalisme. Chaque soir, pendant que mon texte terminé
386 ion passe par une série de bureaux, de la censure à la polycopie, avant d’être remis aux speakers, nous trouvons un momen
387 paroles, aux gestes et au costume, par cela même à la Surprise… Introduction à la vie hiératique… C’est un rêve de compe
388 ostume, par cela même à la Surprise… Introduction à la vie hiératique… C’est un rêve de compensation, si l’on voit dans q
389 e nous sommes en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle, en contrepoint avec deux télétypes, visières
390 e crayon sur l’oreille et le front maculé d’encre à copier. Il me cherche du regard par-dessus ses lunettes. Il tient une
391 e. » Sur quoi, peut-être, il serait temps d’aller à ce dîner, n’était-ce pas pour huit heures ? Quitte à revenir terminer
392 e dîner, n’était-ce pas pour huit heures ? Quitte à revenir terminer dans la nuit. À deux heures du matin, si tout a bien
393 heures ? Quitte à revenir terminer dans la nuit. À deux heures du matin, si tout a bien marché, je monterai chez « Saint
394 os. (Mais ce trait justement le révélait.) Penché à un balcon d’hôtel, au haut d’une tour, dominant le paysage épique de
395 nt le paysage épique de Manhattan, il se refusait à l’interview. À Washington, il vit dans deux petites pièces banales, a
396 pique de Manhattan, il se refusait à l’interview. À Washington, il vit dans deux petites pièces banales, accueillant un à
397 dans deux petites pièces banales, accueillant un à un, mais longuement, les visiteurs qui passent par cette ville de nul
398 sent par cette ville de nulle part. Et j’ai songé à cette autre retraite, la maison rose de « La Muette », où Ramuz lui a
399 ces, plus naturellement mémorable. Quand il vient à New York pour quelques jours, il se promène interminablement, suivant
400 Connecticut), 15 août 1942 Huit jours de vacances à la mer. Je partage cette maison de bois, au bord du Sound, avec les S
401 . Parties d’échecs sur la galerie, après le bain, à toutes les heures du jour et de la nuit. Profité de ce bref loisir po
402 t un boxer qu’il baptise Annibal. Je lui apprends à marcher en laisse, sur la plage. 18 août 1942 Peut-être qu’il n’est p
403 r ou l’autre, me paraissent hypocrites ou faciles à réduire. « Gagner sa vie », dit-on, mais en vivant ainsi on aurait be
404 on, mais en vivant ainsi on aurait beaucoup moins à la gagner. « Faire une carrière », mais vues d’ici, toutes les « carr
405 e transpire ? Il faut être fou pour rentrer… Mais à l’Office, notre travail s’intensifie, et les échos nous en reviennent
406 s en reviennent de France. Leur dire là-bas, dire à la Résistance que la situation se redresse lentement dans le Pacifiqu
407 i ne serve Hitler en fin de compte. J’écris vingt à trente pages par jour après des heures de recherches préparatoires. A
408 in septembre 1942 Bevin House. — Nouvelle maison à la campagne, à deux heures à New York, avec les Saint-Exupéry. J’y pa
409 42 Bevin House. — Nouvelle maison à la campagne, à deux heures à New York, avec les Saint-Exupéry. J’y passe mes trente-
410 e. — Nouvelle maison à la campagne, à deux heures à New York, avec les Saint-Exupéry. J’y passe mes trente-six heures de
411 us le faire sortir de Bevin House. Il s’est remis à écrire un conte d’enfants qu’il illustre lui-même à l’aquarelle. Géan
412 écrire un conte d’enfants qu’il illustre lui-même à l’aquarelle. Géant chauve, aux yeux ronds d’oiseau des hauts parages,
413 s, aux doigts précis de mécanicien, il s’applique à manier de petits pinceaux puérils et tire la langue pour ne pas « dép
414 e retire épuisé (je dois rentrer pour neuf heures à New York), mais il vient encore dans ma chambre fumer des cigarettes
415 e 1942 Propagande et style. — Depuis que je suis à l’OWI, rédigeant bon gré mal gré mes vingt-cinq pages quotidiennes, j
416 . Je constate que j’hésite ou répugne aujourd’hui à écrire certaines phrases, à user de certains tours que je pressens in
417 u répugne aujourd’hui à écrire certaines phrases, à user de certains tours que je pressens intraduisibles, au sens le plu
418 mais également en vue d’une transmission directe à la radio. Dans les deux cas, les exigences sont les mêmes. Et elles i
419 ont les mêmes. Et elles impliquent le renoncement à toutes ces coquetteries de style imitées de nos auteurs anciens qu’on
420 yle imitées de nos auteurs anciens qu’on trouvait à chaque ligne chez Valéry, chez Gide et leurs disciples de la NRF , e
421 isciples de la NRF , et qui en anglais retombent à plat, à la radio font parasites. Il faut sauter dans le vif d’un suje
422 de la NRF , et qui en anglais retombent à plat, à la radio font parasites. Il faut sauter dans le vif d’un sujet, sans
423 plus juger du « bien écrire » sinon par référence à des modèles anciens. (Que de pastiches dans nos lettres modernes !) B
424 justement, s’est mise dans ce cas. Défaut commun à presque tous nos bons auteurs français contemporains : n’importe qui
425 tent cousues de fil blanc. On y est fort sensible à Paris. Cependant nous vivons au xxe siècle, et je voudrais un style
426 nce par la qualité et finit par la signification. À partir d’un certain moment, la gloire d’un homme confère de l’importa
427 ent, la gloire d’un homme confère de l’importance à la moindre opinion qu’il exprime — par position. (Et c’est le signe d
428 s la banalité au sens propre du terme (ce qui est à tous, comme on le dit d’un cœur, d’un taureau ou d’un four « banal »)
429 i portent. Savoir ne point se limiter constamment à la qualité. Car cela irait à préférer au vrai l’original, le différen
430 limiter constamment à la qualité. Car cela irait à préférer au vrai l’original, le différent. Or le but reste bien d’éle
431 en dégageant des significations communes. (Quitte à mettre en circulation quelques valeurs encore inéchangeables cette an
432 ons Goldberg. Les copies seules sont acceptables, à première vue, et seules font accepter l’original, qui fit scandale ou
433 2 Dans cette maison d’il y a longtemps, semblable à celles de mon enfance, en marge du temps de la guerre, j’ai vécu des
434 caine. Que fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas à pas dans les bois solitaires ? Il se peut qu’on m’envoie bientôt en A
435 ans une mise en question générale au pire moment, à l’heure de moindre résistance. Notre angoisse était de penser : parle
436 rance, et dans quelle Europe ? Nous étions soumis à l’érosion de l’exil, moins brutale, certes, mais plus intime que cell
437 c’est tout d’un coup le monsieur qui ne tient pas à ce que vous causiez des ennuis. Débrouillez-vous. Et puis, vous êtes
438 l’esprit et du cœur ont toujours paru préférables à la torture physique, ou même à sa menace. Autant dire qu’on les tient
439 s paru préférables à la torture physique, ou même à sa menace. Autant dire qu’on les tient pour moins sérieux. Nous étion
440 sprit, — qui était pourtant tout ce qu’il restait à défendre par nous, dans l’exil… 6. Quartier du bas de la ville où
441 intitulé La Part du diable , qui devait paraître à New York à la fin de 1942, dans une première version. La seconde vers
442 a Part du diable , qui devait paraître à New York à la fin de 1942, dans une première version. La seconde version, élargi
443 date de 1944. 8. Nous annoncions chaque semaine, à cette époque, le résultat de l’effort spectaculaire entrepris par les
444 nstruction d’un cargo Liberty de trente-six jours à quatorze, puis à cinq ! Il y parvint. i. Rougemont Denis de, « Jour
445 argo Liberty de trente-six jours à quatorze, puis à cinq ! Il y parvint. i. Rougemont Denis de, « Journal d’un intellec
10 1947, Articles divers (1946-1948). La jeune littérature des États-Unis devant le roman américain (7 juin 1947)
446 chasseur solitaire). Un peu plus tard je la revis à Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait amené Go
447 Lee la danse et le striptease, et tous les autres à quelque titre étaient des « creative people », parlaient de Kierkegaa
448 u débarquement en Normandie. Aujourd’hui elle est à Paris, inaugurant avec Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premi
449 Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premier à saluer son talent — la reprise de l’émigration traditionnelle des écr
450 sensations, des attractions mutuelles qui meuvent à leur insu les personnages. C’est une recherche proprement romanesque,
451 n quête d’explications, de rythmes, de certitudes à embrasser. La nouvelle littérature américaine, au lieu de mettre en s
452 mettre en scène des intellectuels, recourt plutôt à des enfants, à des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrou
453 des intellectuels, recourt plutôt à des enfants, à des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller que pour
454 recourt plutôt à des enfants, à des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller que pour sensibiliser les que
11 1947, Articles divers (1946-1948). Drôle de paix (7 juin 1947)
455 e qui encadrait nos actes et pensées et suffisait à leur fournir des repères coutumiers et pratiques s’est élargi aux dim
456 ? Les Américains quittent la Chine, l’abandonnant à une guerre sans merci entre le Kouomintang et l’armée communiste, qui
457 le fascisme abattu. Les statistiques révèlent qu’ à l’heure présente on enregistre aux États-Unis un divorce pour trois m
458 les conditions du jeu mondial et ne soit destiné à réagir, à plus ou moins longue échéance, sur le sort de chacune de no
459 tions du jeu mondial et ne soit destiné à réagir, à plus ou moins longue échéance, sur le sort de chacune de nos nations
460 ne quantité d’informations encore plus difficiles à retenir qu’à rassembler ; car c’est la passion que nous aimons et l’a
461 ’informations encore plus difficiles à retenir qu’ à rassembler ; car c’est la passion que nous aimons et l’affirmation de
462 théoriquement. Mais il nous faut encore apprendre à le voir, puis à le sentir et à le penser naturellement. C’est ainsi q
463 ais il nous faut encore apprendre à le voir, puis à le sentir et à le penser naturellement. C’est ainsi que se formera ce
464 t encore apprendre à le voir, puis à le sentir et à le penser naturellement. C’est ainsi que se formera cette opinion pub
465 iner la cause unique des guerres depuis cent ans, à savoir bêtise armée sous le nom de nationalisme. Quatre foyers de
466 atre foyers de contradictions Le monde s’offre à nos yeux, cette année, sous les espèces de quatre ou cinq foyers cont
467 ntradictions internes. Leur lien n’est pas facile à distinguer. Essayons tout d’abord de les décrire. Voici l’URSS, et c
468 e quelque Américain, un diplomate qui prend l’air à sa fenêtre, un homme qui pense, à sa manière imprévisible. Jamais gou
469 qui prend l’air à sa fenêtre, un homme qui pense, à sa manière imprévisible. Jamais gouvernement si sûr de ses calculs qu
470 à l’égard de la critique, une pareille incapacité à intégrer l’opposition. Voici les États-Unis, et cette patrie de la dé
471 e la conduite des affaires du monde et se dispose à exporter les principes de son way of life, qui se confondent dans son
472 juin 1948 que la Ligue musulmane se déclare prête à la guerre contre le Congrès, où les hindous détiennent la majorité. C
473 stres annoncent que c’est le froid qui les oblige à rationner le charbon et l’électricité. L’Europe qui, à peine délivrée
474 rée des tyrans et des dictatures, cesse de croire à la démocratie. L’Europe qui se donne pour battue, quand à elle seule
475 ocratie. L’Europe qui se donne pour battue, quand à elle seule elle totalise plus d’habitants que la Russie et les États-
476 mais les peuples ou les individus ne se sont unis à cause des richesses qu’ils avaient, tout au contraire. C’est toujours
477 st toujours de la pauvreté que montent les appels à l’union et que surgit l’utopie agissante. L’Organisation des Nations
478 s Nations unies ne s’est formée que pour répondre à l’appel de nos anxiétés et de nos manques. C’est grâce à eux et en eu
479 e paix provisoire. C’est d’elles que naît l’appel à la fédération. Et si les hommes d’État qui se trouvent chargés d’admi
12 1947, Articles divers (1946-1948). Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit : « C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)
480 ricaine dont la moitié des habitants se préparent à porter le titre de docteur et vivent dans des châteaux néo-gothiques
481 is, je vois passer chaque jour sous mes fenêtres, à onze heures du matin, quelque temps qu’il fasse, le patriarche du nou
482 nes et deux touffes de cheveux blancs en auréole. À le voir de tout près, je le trouve plutôt petit, massif, la tête rent
483 je ne connais pas, envoie sa petite fille sonner à ma porte. La petite fille me dit : « Maman pense que vous pourrez m’a
484 1922, pour parler d’un projet d’université juive à Jérusalem. On m’a donné beaucoup de banquets, j’ai entendu beaucoup d
485 endu beaucoup de speechs. Vous ne pouvez imaginer à quel point ce pays a changé depuis lors. Le niveau des discours, les
486 dont ils réagissent, ou plutôt ne réagissent pas à la menace atomique. Ils semblent n’avoir qu’une idée en tête : leur s
487 de la bombe aux quatre Grands, donc pratiquement à l’URSS ? Au risque de passer pour fasciste à ses yeux, je suggère que
488 ment à l’URSS ? Au risque de passer pour fasciste à ses yeux, je suggère que la cause la plus nette de ce qu’il nomme l’h
489 est évident, dit-il enfin, que l’obstacle majeur à l’établissement d’un gouvernement mondial, c’est la méfiance systémat
490 ique des Soviets. Or je crains qu’il n’y ait rien à faire pour la surmonter. Car la cause n’en est que trop claire. La Ru
491 le partenaire le plus faible. Elle s’oppose donc à tout ce que les autres proposent. Elle soupçonne une menace dans chac
492 ans qu’on cite partout, et qui serait nécessaire à la Russie pour fabriquer ses propres bombes ? — La Russie peut avoir
493 : en offrant aux Russes une invitation permanente à les rejoindre ? — Mieux que cela : cette organisation mondiale sera b
494 ervateurs qu’il leur plaira, officiels ou non. Et à la fin — car ils ne sont pas fous comme les nazis —, ils verront bien
495 c’est que vous ne savez pas compter ! » Je pense à l’Institut qu’Einstein a fondé avec quelques collègues, ici même, pou
496 d’Apocalypse qu’il a contribué plus que nul autre à susciter dans notre siècle ? Je tourne autour de la question. Mais so
497 duquel les États-Unis proposent de céder la bombe à un organisme international doté de pouvoirs de contrôle illimités. Il
498 d : — Tant que la machine militaire restera prête à fonctionner dans tous les grands pays, les plans de ce genre seront s
499 llent qu’elle impliquerait un renoncement partiel à la souveraineté absolue des nations. — Ce serait, lui dis-je en me le
500 ctait que ces arbres-là prennent plus d’un siècle à se développer : « Vous voyez, riposta le maréchal, il n’y a pas une s
501 ez, riposta le maréchal, il n’y a pas une seconde à perdre ! » n. Rougemont Denis de, « Einstein, patriarche de l’âge
13 1947, Articles divers (1946-1948). Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)
502 Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)o L’émou
503 quelques mois seulement, et je compte m’installer à Ferney dans quelques jours. Avez-vous beaucoup écrit pendant ce « tem
504 dont la Guilde du Livre a déjà donné une édition. À l’intention du public américain, j’ai fait, enfin, un ouvrage sur la
505 et que la presse n’a pas toujours été très tendre à notre égard. De cette influence, nous ne donnerons qu’un exemple, mai
506 oncé pour la conscription, parce que, se référant à l’ouvrage sur la Suisse de M. Denis de Rougemont, il a donné comme ar
507 . Ce mouvement personnaliste a été créé vers 1932 à Paris, Denis de Rougemont représentant l’élément protestant, Jacques
508 elles expériences personnelles il avait été amené à formuler une philosophie du fédéralisme aussi profonde et aussi origi
509 e et aussi originale. Nous avons posé la question à M. de Rougemont, qui nous a répondu simplement : De tout temps, j’ai
510 . Rougemont Denis de, « [Entretien] Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont », Tribune de Genève, Genève
14 1947, Articles divers (1946-1948). L’attitude fédéraliste (octobre 1947)
511 ente un tel sujet, c’est qu’il risque d’entraîner à des généralisations théoriques ; or, rien n’est plus contraire à l’es
512 ations théoriques ; or, rien n’est plus contraire à l’essence même du fédéralisme que l’esprit théorique et les généralis
513 utre part, j’ai toujours éprouvé de la répugnance à séparer les valeurs spirituelles et leur incarnation dans les réalité
514 implication, et je m’en tiendrai le plus possible à ses manifestations historiques, telles que nous pouvons les observer
515 plique une certaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on
516 sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à rendre chaque individu plus libre dans l’exercice de sa vocation. L’h
517 ité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet homm
518 elui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le d
519 politiques, et sont en retour favorisés par eux. À l’homme considéré comme pur individu, libre mais non engagé, correspo
520 le désordre, lequel prépare toujours la tyrannie. À l’homme considéré comme soldat politique, totalement engagé mais non
521 n libre, correspond le régime totalitaire. Enfin, à l’homme comme personne, à la fois libre et engagé, et vivant dans la
522 ons de l’humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, mais elle représente la santé
523 homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et de
524 dire des personnes fédérées. Ayant ainsi esquissé à grands traits la conception de l’homme sur laquelle nos travaux doive
525 ime de promouvoir, nous pouvons passer maintenant à une description plus concrète de l’attitude et des méthodes fédéralis
526 uisse moderne serait une sorte de « bon exemple » à suivre. Rien de plus banal, que cette référence à la Suisse, dès qu’i
527 à suivre. Rien de plus banal, que cette référence à la Suisse, dès qu’il est question d’États-Unis d’Europe ou d’un gouve
528 rer, et nous avons besoin de solutions rapides. » À la deuxième objection, je répondrai que les cantons suisses n’ont ado
529 en que l’on eût dit qu’elle allait de soi. Quant à ce que l’on répète sur la petitesse de la Suisse et sur l’impossibili
530 ur l’impossibilité de transposer ses institutions à l’échelle continentale, je répondrai que l’objection est valable si l
531 déralisme en Suisse, mais non pas si l’on cherche à dégager de cette expérience l’idée fédéraliste qu’elle illustre. Une
532 fédéraliste est très simple, mais non pas simple à définir en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’un type
533 de pensée introduites par la science relativiste. À mon sens, le mouvement intime de la pensée fédéraliste ne saurait êtr
534 nsée fédéraliste ne saurait être mieux comparé qu’ à un rythme, à une respiration, à l’alternance perpétuelle de la diasto
535 ste ne saurait être mieux comparé qu’à un rythme, à une respiration, à l’alternance perpétuelle de la diastole et de la s
536 mieux comparé qu’à un rythme, à une respiration, à l’alternance perpétuelle de la diastole et de la systole. La pensée f
537 régime fédéraliste. L’oublier serait se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de
538 uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’ à moitié raison. Le véritable fédéralisme ne consiste ni dans la seule
539 ur un » signifie l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est infiniment probable que su
540 aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est infiniment probable que sur le plan européen,
541 voir se dessiner deux tendances toutes semblables à celles que je viens de signaler en Suisse. Nous aurons des fédéralist
542 Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’ à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préo
543 déralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout d
544 ne touchent que très rarement, et très vaguement, à l’idée fédéraliste en soi. C’est peut-être parce que cette idée, comm
545 tre parce que cette idée, comme je le disais tout à l’heure, est à la fois simple à sentir et très délicate à formuler. M
546 je le disais tout à l’heure, est à la fois simple à sentir et très délicate à formuler. Mais c’est peut-être aussi, et pl
547 e, est à la fois simple à sentir et très délicate à formuler. Mais c’est peut-être aussi, et plus probablement, parce qu’
548 formulée, et même soigneusement informulée, jusqu’ à ce que la crise d’une guerre civile, en 1847, l’ait forcée à prendre
549 crise d’une guerre civile, en 1847, l’ait forcée à prendre forme et force de loi. Et ce n’est guère qu’au xxe siècle qu
550 iècle que les penseurs et sociologues se sont mis à la commenter et à philosopher à son sujet. Jusqu’en 1848, elle allait
551 eurs et sociologues se sont mis à la commenter et à philosopher à son sujet. Jusqu’en 1848, elle allait sans dire, comme
552 ogues se sont mis à la commenter et à philosopher à son sujet. Jusqu’en 1848, elle allait sans dire, comme la vie même ;
553 ue représente l’esprit totalitaire, qui les force à faire aujourd’hui la théorie de cette pratique, et qui la transforme
554 fédéralisme suisse, s’il veut durer, doit devenir à son tour missionnaire. Telle est sa crise : ou se nier, ou triompher,
555 et qui alors n’en allait que mieux. Elle s’expose à son risque maximum : celui de décoller de ses bases concrètes, perdan
556 e piège autant que possible que je vais me borner à dégager ici, après coup, quelques-uns des principes directeurs qui, d
557 — La fédération ne peut naître que du renoncement à toute idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’une des nations c
558 es autres se sont ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrès. Lors d
559 e égalité de droit. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, est résulté la constitution de 1848, véritable
560 ens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’ à l’unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième prin
561  Le fédéralisme ne peut naître que du renoncement à tout esprit de système. Ce que je viens de dire au sujet de l’impéria
562 t pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’un centre ou d’un axe ; fédérer, c’est tout simplement arran
563 té ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’ à ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit. P
564 plus qu’une majorité dans certains cas, parce qu’ à ses yeux elle représente une qualité irremplaçable. (On pourrait ains
565 de l’aide de tous les autres, et réussisse ainsi à conserver ses particularités et son autonomie, qu’il serait hors d’ét
566 les autres. Si les nations de l’Europe arrivaient à se concevoir dans ce rôle d’organes divers d’un même corps, elles com
567 ssi que dans une fédération, elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune selo
568 s n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas m
569 t mise au défi de donner le meilleur d’elle-même, à sa manière et selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas à « tolé
570 et selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être un vrai
571 ble, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Cinquième principe. — Le fédéralisme repose sur l’
572 rement un ou plusieurs de ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dim
573 réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écra
574 ar définition, puisqu’elles consistent simplement à supprimer les diversités, par incapacité de les composer en un tout o
575 moyen des personnes et des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le moyen des gouvernements. Je vois la fédé
576 lises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là c’est un groupe de petits pays qui forment une union d
577 édération est non seulement possible, mais facile à réaliser, et rapidement, comme le fut celle des cantons suisses en 18
578 pas le socialisme et le capitalisme, l’un tendant à se faire national et l’autre étatique. Ce ne sont pas la Tradition et
579 . Aujourd’hui, repoussant tous ces anciens débats à l’arrière-plan, il y a le totalitarisme, et il y a le fédéralisme. Un
580 age, du sens de notre vocation. Nous n’arriverons à rien de bon, dans nos efforts et nos débats pour promouvoir l’Europe
581 and nous parlons de fédéralisme. Si au contraire, à la faveur de ces débats, nous parvenons à développer des réflexes de
582 traire, à la faveur de ces débats, nous parvenons à développer des réflexes de pensée fédéraliste, si nous devenons nous-
583 es comme on respire — la partie sera déjà plus qu’ à moitié gagnée. Car si l’Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu’
584 urer, c’est aux fédéralistes qu’elle le devra, et à eux seuls. Sur qui d’autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas compt
585 ns. Tous les gouvernements ont un penchant marqué à persévérer dans leur être, et même à lui survivre aussi longtemps que
586 chant marqué à persévérer dans leur être, et même à lui survivre aussi longtemps que possible avec l’appui de la police.
587 bsolus sans devoirs, ont un penchant irrésistible à devenir totalitaires. Et ce n’est point que leurs hommes d’État soien
588 pour qu’ils acceptent un jour de renoncer non pas à la souveraineté même de leur nation, mais à son caractère absolu. Et
589 n pas à la souveraineté même de leur nation, mais à son caractère absolu. Et c’est l’agitation de l’opinion et des peuple
15 1947, Articles divers (1946-1948). La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)
590 La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)e Le problème me paraît capital, mais
591 ’en est que le déchet.) Les seuls obstacles réels à l’amour sont en nous : sécheresse, blessures spirituelles, anxiété de
592 mosexuels. Ils ont en fait toute liberté de vivre à leur guise, jouissent des mêmes droits politiques et économiques que
593 l sont négligeables parmi nous, si on les compare à celles qu’entraîne la simple tentative de traverser une frontière san
16 1947, Articles divers (1946-1948). La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)
594 l’URSS (8 novembre 1947)q L’anecdote circulait à New York ce printemps. Un reporter américain vient de visiter les sta
595 métro de Moscou, et son guide soviétique l’invite à admirer. « Très beau, dit notre Américain, mais je ne vois pas de tra
596 servir l’Europe au dollar ; 3° Donc Truman impose à l’Europe la lecture de Henry Miller, et ce dernier qui est « le plus
597 deux guerres que décrivent ses Tropiques, publiés à Paris, et interdits en Amérique. Ensuite, il est notoirement faux et
598 de Staline ; 2° Les éditeurs américains cherchent à faire de l’argent, comme les nôtres, tout en publiant parfois une œuv
599 iques et les romans religieux, qui tirent souvent à un million et plus ; 4° Les droits de traduction d’un de ces romans n
600 t de Miller, loin d’être des best-sellers, tirent à 5 ou 20 000 exemplaires, tandis que les œuvres de Lewis Douglas, de B
601 ont l’Europe ne connaît même pas les noms, tirent à 800 000 avant la mise en vente, pour peu qu’un book club s’y intéress
602 peu qu’un book club s’y intéresse ; 6° Le succès à l’étranger d’un Henry Miller stupéfie les éditeurs américains qui en
603 u, auquel nous laisserons le soin de les conduire à leur conclusion naturelle, — reste toute la question de la culture am
604 nde. On m’assure que l’éditeur d’Ambre fit savoir à la jeune et jolie femme qui en est l’auteur qu’il jugeait l’ouvrage t
605 rmes, si Ambre est un triomphe mondial qui réduit à néant ceux de Miller à Paris, c’est que la majorité du grand public e
606 riomphe mondial qui réduit à néant ceux de Miller à Paris, c’est que la majorité du grand public est imbécile. Il faut do
607 n Gunther ; des anecdotes frappantes et loufoques à souhait ; de l’optimisme, encore de l’optimisme, et une confiance sér
608 américain, pour éduquer le grand public, cherche à le séduire et lui fait trop de concessions, ce qui rapporte une quant
609 préférons marquer les points, les mauvaises notes à droite et à gauche, d’un air sceptique. Nous dénonçons l’abus flagran
610 rquer les points, les mauvaises notes à droite et à gauche, d’un air sceptique. Nous dénonçons l’abus flagrant des méthod
611 té qu’aucun critique européen n’égale. De Mencken à Philip Wylic, de Thorsten Veblen à Reinhold Niehbur, pour ne rien dir
612 le. De Mencken à Philip Wylic, de Thorsten Veblen à Reinhold Niehbur, pour ne rien dire des romanciers, il n’est pas une
613 ’autre on la fait respecter. Pendant qu’on jouait à Moscou, ce printemps, une pièce violente de Simonov, où l’on voit un
614 ra le succès de fou rire de la rentrée. » ⁂ Quant à l’influence américaine, concluons sur une simple remarque qui rétabli
17 1947, Articles divers (1946-1948). Une Europe fédérée (20 décembre 1947)
615 depuis le congrès de Montreux9 : « Vous y croyez à cette fédération de l’Europe ? » Je réponds qu’il s’agit plutôt de la
616 drait-il la vouloir ? » Je réponds qu’il n’y a qu’ à regarder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères, qu’à voir la plac
617 Je réponds qu’il n’y a qu’à regarder l’Europe, qu’ à faire son bilan de misères, qu’à voir la place qu’elle tient encore o
618 monde actuel… Mais puisqu’on m’invite aujourd’hui à développer ce qui me paraît une évidence, je saisirai cette occasion
619 jeu des forces réelles est international et opère à l’échelle des continents. Il pense encore en kilomètres, séparant des
620 il verrait que le plus court chemin de l’Amérique à la Russie ne passe plus par l’Europe, mais par le pôle. La radio, l’a
621 en notant que l’Europe n’est qu’un cap de l’Asie. À ces faits matériels vient s’ajouter le grand fait politique des deux
622 de nous, tout nous menace ensemble et nous pousse à l’union. Séparés, isolés, nous serons colonisés. Ensemble, nous seron
623 parler. Notre vocation Qu’aurons-nous donc à dire dans cette conversation une fois les pistolets déposés sur la ta
624 égime de terreur, de parole asservie, d’épuration à froid, de discipline d’acier (c’est le nom de Staline) et de diplomat
625 ’acier (c’est le nom de Staline) et de diplomatie à coups de marteau (c’est le nom choisi par Molotov). Nous ne voulons p
626 ences contradictoires mais également essentielles à la vie, qui s’appellent l’unité et la diversité, la sécurité et le ri
627 donc le fédéralisme. L’opposition Il semble à première vue qu’un tel programme soit si clairement inscrit dans les
628 perpétuent ! Je veux que nos pays s’effondrent un à un en toute souveraineté nationale, qu’ils se cantonnent dans le doub
629 tent un troisième refus, celui de l’Europe, jusqu’ à ce qu’ils soient dûment colonisés ! » Personne n’ose dire cela, ou co
630 d’une manière un peu différente : « Vous y croyez à cette fédération de l’Europe ?… » Derrière ce scepticisme en quête d’
631 pour utopistes et d’avoir l’air de croire un peu à quelque chose) se cachent en réalité trois formes de sabotage : natio
632 nt aujourd’hui la planète. Le défaitisme consiste à déclarer que la guerre des deux blocs est fatale ; inutile de rien fa
633 on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’ à faire l’Europe sans eux. Les sceptiques rejoindront un jour, les défa
634 s nationalistes feront l’opposition indispensable à tout régime démocratique. Le refus sur deux fronts n’est pas une poli
635 ’est même pas un vrai refus : il ne peut mener qu’ à accepter par force ce qu’on a combattu dans la faiblesse au nom de ri
636 n centrale, le grand but de cette drôle de paix ? À quel plan nous vouer ? À quelle doctrine nouvelle consacrer ce besoin
637 de cette drôle de paix ? À quel plan nous vouer ? À quelle doctrine nouvelle consacrer ce besoin d’engagement que les tot
638 d’engagement que les totalitaires ne demandent qu’ à tromper ? Ils donnent des mitraillettes à ceux qui veulent du pain, u
639 dent qu’à tromper ? Ils donnent des mitraillettes à ceux qui veulent du pain, une discipline aveugle à ceux qui cherchent
640 ceux qui veulent du pain, une discipline aveugle à ceux qui cherchent un ordre, et le camp de concentration à ceux qui r
641 i cherchent un ordre, et le camp de concentration à ceux qui rêvent encore de restaurer le sens communautaire. En dehors
642 s. Mais nous restons les bras ballants, regardant à droite et à gauche comme s’il n’y avait rien devant nous. Quand le mo
643 restons les bras ballants, regardant à droite et à gauche comme s’il n’y avait rien devant nous. Quand le monde attend d
644 l’Amérique ni la Russie, mais cette vieille terre à rajeunir, à libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe.
645 i la Russie, mais cette vieille terre à rajeunir, à libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe. 9. Le congr
646 ille terre à rajeunir, à libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe. 9. Le congrès de l’Union européenne de
647 Union européenne des fédéralistes, qui s’est tenu à Montreux à la fin du mois d’août. r. Rougemont Denis de, « Une Euro
648 éenne des fédéralistes, qui s’est tenu à Montreux à la fin du mois d’août. r. Rougemont Denis de, « Une Europe fédérée 
18 1948, Articles divers (1946-1948). Notes sur la voie clandestine (hiver 1948)
649 e ta grâce. Le risque et l’isolement nous rendent à l’enfance, parce qu’ils nous livrent aux magies intimes. Se croire ou
650 nce d’une vie où l’argent et la guerre sont seuls à organiser la cohue, le superstitieux simplement sera celui qui ne dés
651 ait causé de l’être sans niaiserie. S’il s’arrête à telle apparence curieusement précise à ses yeux, c’est parce qu’elle
652 l s’arrête à telle apparence curieusement précise à ses yeux, c’est parce qu’elle semble donner tort au néant des rues év
653 t des rues évidentes, parce qu’elle fait allusion à ce qui va venir, ou parce qu’elle est un peu moins apparence que tout
654 , passe le seuil, s’arrête un moment, et commence à longer la rue. Son allure ne saurait tromper. C’est la puissante circ
655 rythmé. Il ne voit plus l’échelle ni le chat noir à gauche, les chevaux blancs ni les curés barbus. Il n’attend rien qui
656 cculte, attendant cela seulement qui ne ressemble à rien mais qu’il reconnaîtra du premier coup : un repère à la craie su
657 ais qu’il reconnaîtra du premier coup : un repère à la craie sur le seuil de sa vie, une note que lui seul peut entendre
658 monie de son destin. Cherchant ce qui ne vibre qu’ à lui-même et révèle un accord instant, il marche au son, comme les gra
659 e fait d’en dresser le catalogue : tout se ramène à quelques personnages constants et à des formes géométriques — rois et
660 out se ramène à quelques personnages constants et à des formes géométriques — rois et reines, châteaux et enceintes, sold
661 e que ces formes et figures soient presque seules à définir le pouvoir d’illustrer les messages émis par quelque au-delà
662 objet pourra servir ; vieux clou tordu, statuette à quatre sous, caillou noir, carte à jouer perdue sur laquelle on met l
663 rdu, statuette à quatre sous, caillou noir, carte à jouer perdue sur laquelle on met le pied par hasard. Mais nous toucho
664 s agissent donc comme des révélateurs de moi-même à mes propres yeux. D’autre part, il se peut que ces signes baignent da
665 ignent dans une réalité profonde, celle du mythe, à quoi s’ordonnent les hasards apparents, et des structures de laquelle
666 ’ailleurs font ceux qui dans le doute se réfèrent à leur tradition, aux coutumes ancestrales, aux dictons : signes enregi
667 sur dix, comme la loi du hasard nous autoriserait à l’attendre. Vous négligez tous les cas où cela rate. « Cela rate au m
668 ut serait donc déterminé ? Nous n’aurions plus qu’ à suivre une voie rigide, fixée de toute nécessité par le Destin ? Erre
669 ? « Croire », disait Kierkegaard, « que Dieu peut à tout instant, voilà la santé de la foi. » ⁂ Amoureux égale superstiti
670 uperstitieux, parce qu’ils se sentent accompagnés à chaque instant, en tapinois, par la même question : c’est à savoir s’
671 nstant, en tapinois, par la même question : c’est à savoir s’ils suivent leur voie ou s’ils l’inventent ? S’ils ne l’inve
672 exactement… Le superstitieux, que le 21 du mois, à 7 heures… Un beau soir le beau vers accourt sur douze pieds, et la fe
19 1948, Articles divers (1946-1948). Rencontre avec Denis de Rougemont (janvier 1948)
673 dice d’un récent combat, marque d’une tache rouge à demi effacée par une main sacrilège, l’un des murs de cette citadelle
674 de La Part du diable m’en parlera lui aussi, tout à l’heure. Mais, d’abord, il faut faire le point. Denis de Rougemont a
675 urais-je pris pour un homme dur et violent. Mais, à l’entendre parler, comment sa pondération, sa générosité, son sens de
676 il pas, reprenant le précepte du vieil Anaxagore, à penser avec les mains ? Je suis né à Neuchâtel, me dit Denis de Rouge
677 l Anaxagore, à penser avec les mains ? Je suis né à Neuchâtel, me dit Denis de Rougemont. J’ai fait des études de lettres
678 t des études de lettres en Suisse et en Autriche, à Vienne. J’ai voyagé en Allemagne et en Hongrie. Pendant un temps, je
679 rie. Pendant un temps, je fus lecteur de français à l’Université de Francfort. En 1931, je vins en France ; j’ai vécu en
680 931, je vins en France ; j’ai vécu en province et à Paris, collaborant à Esprit , à L’Ordre nouveau , fondant la maison
681 e ; j’ai vécu en province et à Paris, collaborant à Esprit , à L’Ordre nouveau , fondant la maison d’édition « Je sers 
682 u en province et à Paris, collaborant à Esprit , à L’Ordre nouveau , fondant la maison d’édition « Je sers », créant un
683 des trois premiers articles consacrés, en France, à Kafka. La guerre rappela Denis de Rougemont en Suisse ; il fut mobili
684 la Denis de Rougemont en Suisse ; il fut mobilisé à l’état-major de Berne. Lors de l’entrée de Hitler à Paris, je fis par
685 l’état-major de Berne. Lors de l’entrée de Hitler à Paris, je fis paraître dans la Gazette de Lausanne un article qui m
686 Lausanne un article qui me valut d’être condamné à quinze jours de forteresse ! En septembre 1940, il était envoyé en Am
687 en revint qu’au mois de juillet dernier. Il vécut à New York, à Princeton, où il respira une « paix claustrale ». C’est l
688 ’au mois de juillet dernier. Il vécut à New York, à Princeton, où il respira une « paix claustrale ». C’est là, dans « ce
689 ui dans un fauteuil de jardin, et nous nous mîmes à parler de l’Amérique, de la Russie et de la bombe atomique. Avez-vous
690 u, etc. ? Et Calvin ! Mais La Fontaine, Racine ?… À leur époque, ils accomplirent leur métier d’écrivain comme alors on l
691 e recréer une communauté qui oblige les écrivains à s’engager, à vouloir surmonter cette situation intenable… Sartre vien
692 communauté qui oblige les écrivains à s’engager, à vouloir surmonter cette situation intenable… Sartre vient de se lever
693 onnes partout. Vous voyez ça : des cretonnes !… » À New York, reprend Denis de Rougemont, j’ai eu la visite de Sartre. Il
694 re représentée par la génération des hommes de 40 à 50 ans. Je pensais que de plus jeunes nous relèveraient, s’imposeraie
695 imposeraient. Eh bien ! non. Ceux qui se tiennent à la pointe du combat se nomment Sartre, Bataille, Breton… Après l’autr
696 vait pas été ainsi. C’est, me semble-t-il, dis-je à mon tour, que le fossé creusé par la guerre de 1914 était moins profo
697 vrir un monde nouveau et de l’organiser. Tout est à recréer. Ils n’ont encore rien à dire, ou ce qu’ils voudraient exprim
698 aniser. Tout est à recréer. Ils n’ont encore rien à dire, ou ce qu’ils voudraient exprimer est encore imprécis. Ceux qui
699 que poursuivre les discours commencés avant 1939. À cette époque, ils portaient déjà en eux une vision du monde, un messa
700 on dirait qu’on est en marge du temps. Cela donne à notre colloque une apparente gratuité qui en trahit l’objet. Ce qu’il
701 eurs pensées et leur œuvre. Enfin, nous en venons à parler de l’Europe. Je suis profondément européen, me déclare Denis d
702 t, d’autre part, l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Au mois d’août dernier, au congrè
703 aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Au mois d’août dernier, au congrès de l’Union europé
704 ’Union européenne des fédéralistes, qui se tenait à Montreux, j’ai prononcé une conférence où je développais les principe
705 l ne peut naître, disais-je, que d’un renoncement à toute idée d’hégémonie organisatrice, d’abord, à tout esprit de systè
706 à toute idée d’hégémonie organisatrice, d’abord, à tout esprit de système ensuite. Il ignore le problème des minorités (
707 il a pour base la sauvegarde des qualités propres à chaque nation, à chaque province. Il repose sur l’amour de la complex
708 sauvegarde des qualités propres à chaque nation, à chaque province. Il repose sur l’amour de la complexité. Et, ce qui e
709 moyen des personnes et des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le moyen des gouvernements. C’est en dehors
710 temps des terribles simplificateurs. Je demande à Denis de Rougemont quels hommes prendraient part aux états généraux d
711 lle pas chimérique ? Nullement. Si nous parvenons à développer des réflexes de pensée fédéraliste, si ceux qui militent d
712 alistes, je vous l’assure, la partie sera plus qu’ à moitié gagnée. Voici venue l’heure de nous séparer. Nous faisons enco
713 Denis de Rougemont quittera Paris et s’installera à Ferney, à l’ombre de Voltaire, l’un de ses maîtres. Là, avant d’entre
20 1948, Articles divers (1946-1948). Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)
714 refusent le choix parce qu’il mènerait fatalement à la guerre. Pour les premiers, l’Europe n’est plus rien par elle-même
715 hez nous un parti stalinien, qui prend ses ordres à Moscou, mais aucun parti trumanien qui voterait selon les directives
716 gande organisée, aucun moyen de donner des ordres à nos masses ou à leurs députés. L’URSS possède une doctrine très préci
717 aucun moyen de donner des ordres à nos masses ou à leurs députés. L’URSS possède une doctrine très précise dont elle se
718 USA n’ont pas de doctrine, et n’ont rien d’autre à proposer qu’un genre de vie, leur way of life qui n’est nullement une
719 lors de la Conférence des Seize. L’URSS s’oppose à toute tentative d’unir les nations de l’Europe : c’est qu’elle veut d
720 ur régner. Les États-Unis, au contraire, poussent à la collaboration européenne, et surtout sur le plan économique. Ils n
721 Et si l’on regarde ce qui se passe en réalité à l’intérieur des deux empires, le contraste est encore plus frappant.
722 établir entre les deux puissances nous conduisent à la même conclusion : il n’y a pas de commune mesure entre le danger s
723 et le prétendu danger yankee. La Russie, qui vise à l’autarcie totalitaire sous la férule d’un parti unique, redoute les
724 e communication, s’ouvre enfin plus qu’aucun pays à toutes les influences du monde, et sait très bien que sa propre santé
725 e et autonome ; elle ne veut qu’une Europe livrée à sa merci par les rivalités nationalistes et la misère. À ce défi, nou
726 rci par les rivalités nationalistes et la misère. À ce défi, nous ne pouvons pas répondre en nous jetant simplement dans
727 ique n’a nullement l’intention de nous entretenir à grands frais comme des malades de luxe, ingrats et susceptibles. Elle
728 es de luxe, ingrats et susceptibles. Elle cherche à nous aider pour que nous ne tombions pas dans le piège grossier que n
21 1948, Articles divers (1946-1948). Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)
729 sez compris. Dira-t-on qu’elle était Américaine ? À l’époque, on vit dans ce trait une exagération de l’esprit français.
730 ns ce trait une exagération de l’esprit français. À lire les plaintes ou les diatribes que provoque parmi nous depuis que
731 issent les grands trusts et Wall Street, acharnés à nous asservir tout en feignant de donner du lait en poudre aux enfant
732 caractère américain de leur entreprise, et donner à celle-ci le prestige populaire qui s’attache aux audaces d’outre-Atla
733 pes, au hasard de mes souvenirs, et sans recourir à d’autres sources qu’un vieux Lanson que j’ai sous la main. ⁂ En 1714,
734 pitoyables ciseaux… il y a retaillé des tragédies à la française », dit encore Lanson. Dans Hamlet, il supprime le fameux
735 le réduisent aux dimensions civilisées du volume à trois francs cinquante broché en jaune. Et j’allais oublier les Mille
736 œil, si on les place sur un rayon de bibliothèque à côté des 25 volumes de la traduction de Mardrus. Rappelons aussi les
737 et qu’ils semblent en passe de prendre ici. Quant à la légitimité de l’adaptation en général, les exemples français que j
738 l, les exemples français que j’ai cités suffisent à faire voir qu’elle est infiniment variable. La Motte et Ducis appauvr
739 omme des introductions insuffisantes, mais utiles à des œuvres d’accès malaisé. Bédier, enfin, restitue un chef-d’œuvre,
740 si, selon l’auteur et sa méthode, l’on va du pire à l’excellent. Le procédé lui-même n’est pas en cause, mais bien le tal
741 aussi le modèle (ou la victime) que l’on choisit. À ce propos, il est curieux de relever que tout se passe comme si les g
742 aplaties. Mais ils sursautent dès qu’on se risque à « condenser » un lauréat quelconque de la saison. Je dois avoir l’esp
743 son. Je dois avoir l’esprit mal fait : j’ai peine à partager cette répulsion. C’est que le style de Goethe m’importe dava
744 français de « condensés », c’est qu’ils accordent à des ouvrages moyens ou faibles un honneur qui convient aux plus grand
745 meur que Don Quichotte ou Robinson soient résumés à l’usage des enfants et des adolescents. Mais le fameux grand public,
746 raductions ? Et surtout des adaptations destinées à la scène ou à l’écran ? Le Procès de Kafka, quand Barrault le met en
747 t surtout des adaptations destinées à la scène ou à l’écran ? Le Procès de Kafka, quand Barrault le met en scène dans la
748 t « condensé » en cinquante pages ? Faut-il crier à l’américanisme ? Ou plutôt se féliciter de voir cette œuvre atteindre
749 t, je salue de mes vœux toute entreprise qui tend à populariser la connaissance des chefs-d’œuvre. Et je crois vain de s’
750 ns jamais récrire, c’est-à-dire qu’ils se bornent à des coupures, et s’il faut un raccord ici ou là, qu’ils l’impriment d