1
aucun dont l’esprit et l’histoire ne manifestent
à
chaque instant l’influence de telles origines. Or le lien de filiatio
2
econnu, n’en est pas moins étroit ni moins fécond
à
observer. 2. Depuis les temps où la philosophie n’était que la serva
3
nt théologique. Le marxisme ne fait pas exception
à
cette règle, comme on s’en convaincra par la lecture des écrits du je
4
emprunté aux sciences physico-mathématiques tend
à
remplacer l’appareil scolastique — c’est du moins ce que proclament l
5
Bergson vers la fin de sa carrière, qu’on cherche
à
le camoufler comme Heidegger, ou qu’on préfère l’ignorer comme Dewey.
6
exerce sur le public cultivé un empire comparable
à
celui de la radio sur les masses, tandis que la prédication chrétienn
7
étien dans l’Église, elle est en droit de laisser
à
d’autres le soin d’appliquer ses critères hors de l’Église. Mais il e
8
ergé et l’élite des fidèles ne sauraient échapper
à
l’influence de leurs lectures, cependant qu’ils éprouvent une difficu
9
endant qu’ils éprouvent une difficulté croissante
à
juger celles-ci du point de vue de leur foi : le vocabulaire de la pi
10
u trop différent, et presque sans commune mesure.
À
qui la faute ? 4. Certes, je suis le premier à redouter que les théo
11
. À qui la faute ? 4. Certes, je suis le premier
à
redouter que les théologiens se mettent à faire de la critique littér
12
premier à redouter que les théologiens se mettent
à
faire de la critique littéraire, comme il arrive qu’on en lise sous l
13
ouvent de comptes rendus d’amateurs qui cherchent
à
parler des livres « comme tout le monde » et à faire oublier leur « s
14
nt à parler des livres « comme tout le monde » et
à
faire oublier leur « spécialité ». Mon idée serait bien plutôt d’exig
15
llement dépourvus. Et de même, je suis le premier
à
protester contre ces citations d’auteurs à la mode — ou plus souvent
16
remier à protester contre ces citations d’auteurs
à
la mode — ou plus souvent à la mode d’il y a cinquante ans — dont les
17
s citations d’auteurs à la mode — ou plus souvent
à
la mode d’il y a cinquante ans — dont les prédicateurs modernes ont c
18
n’est pas la littérature qui doit prêter secours
à
la Parole de Dieu, mais c’est le contraire. S’il arrive qu’un pasteur
19
ces réserves préalables, j’ai une requête précise
à
présenter aux jeunes théologiens qui me liront. Je voudrais que certa
20
e voudrais que certains d’entre eux se consacrent
à
l’examen, à la critique et même, cas échéant, à une sorte de directio
21
ue certains d’entre eux se consacrent à l’examen,
à
la critique et même, cas échéant, à une sorte de direction spirituell
22
t à l’examen, à la critique et même, cas échéant,
à
une sorte de direction spirituelle des tendances littéraires de leur
23
en tout cas l’avantage de donner aux fidèles — et
à
leur clergé — certains critères de jugement, un certain vocabulaire,
24
uite une certaine orientation de l’esprit propres
à
rétablir, petit à petit, des éléments de commune mesure entre le croy
25
orientation de l’esprit propres à rétablir, petit
à
petit, des éléments de commune mesure entre le croyant et le lecteur
26
ecteur dans un même homme. Ceci dit, j’en reviens
à
mon propos, qui était de soulever une question, et de suggérer pour s
27
a pour conséquence immédiate qu’ils se condamnent
à
découvrir, tous les vingt ans, des Amériques depuis longtemps colonis
28
us montrerait non seulement ce que les écrivains,
à
leur insu, doivent à l’atmosphère religieuse de leur époque, mais sur
29
lement ce que les écrivains, à leur insu, doivent
à
l’atmosphère religieuse de leur époque, mais surtout comment ils pâti
30
t hérétiques, c’est le cas le plus fréquent, dont
à
grands frais ils redécouvrent quelques bribes, des encyclopédistes au
31
ésie manichéenne, et l’ont ainsi fait vivre jusqu’
à
nous et parmi nous, bien que vulgarisée et déprimée au point d’en dev
32
e et non pour le succès. Il y aurait tout et tant
à
dire sur la renaissance endémique, dans nos écoles d’avant-garde, des
33
té ardente et courageuse. Pourquoi faudrait-il qu’
à
l’obscurantisme théologique qui dénote la culture d’aujourd’hui, répo
34
ise est bonne pour les petits bourgeois, n’a rien
à
dire aux esprits libres et « avancés », et ne tolère que le mauvais a
35
la théologie et les lettres vivantes, je soumets
à
titre d’exemples et sans nul ordre préconçu, les thèses suivantes. 6
36
les écrivains, tandis que le libéralisme tendait
à
se mettre à l’école de leurs complaisances, et par suite ne leur donn
37
ns, tandis que le libéralisme tendait à se mettre
à
l’école de leurs complaisances, et par suite ne leur donnait rien. E
38
effet (ou très rarement) l’adhésion des convertis
à
une Église déterminée. N’est-ce point là le signe d’une incompatibili
39
ique croit voir dans les dogmes autant d’entraves
à
l’essor créateur, tandis que le classique y trouve à la fois des appu
40
puis et des gênes fécondes. Le premier, semblable
à
la colombe de Kant, s’imagine qu’il volerait mieux dans le vide. Le s
41
pour exercer en plein ses énergies. Dante demande
à
Thomas d’Aquin un cadre, des repères solides, une résistance effectiv
42
ueux d’Aubigné s’armant de la doctrine de Calvin.
À
l’inverse, je soupçonne les romantiques d’avoir cherché dans la théol
43
facilités… 8. La littérature en général trouve
à
se nourrir moins dans telle doctrine théologique régnante que dans l’
44
et l’ambiance de controverses théologiques mêlées
à
des questions politiques. Exemples : La poésie des troubadours, née
45
pendant l’occupation et tôt après. 9. Une Église
à
tendance liturgique marquée offre le terrain le plus favorable à l’en
46
rgique marquée offre le terrain le plus favorable
à
l’entente ou au conflit significatif des théologiens et des écrivains
47
écrivains dans une nation donnée. Je me bornerai
à
citer ici l’exemple de l’Église anglicane dont le Prayer Book a formé
48
lettres anglaises s’avère capital, de John Donne
à
T. S. Eliot, en passant par le Doyen Swift, l’évêque Berkeley, Coleri
49
on public contre l’illusion courante qui consiste
à
ne prendre en considération comme auteurs « chrétiens » ou « religieu
50
mentionner cette réalité, mais en fait il échoue
à
l’exprimer ; il se livre à des efforts visibles de propagande en fave
51
mais en fait il échoue à l’exprimer ; il se livre
à
des efforts visibles de propagande en faveur des « valeurs spirituell
52
’en soit le sujet, implique une théologie (fût-ce
à
l’insu de son auteur), et qu’elle l’exprime par les mouvements mêmes
53
même, elles incitent quelques jeunes théologiens
à
pousser plus avant dans un domaine que j’espérais simplement désigner
54
ge et reconnaissance : recueil de travaux publiés
à
l’occasion du soixantième anniversaire de Karl Barth, Neuchâtel, Dela
55
t se passe comme si le désir de Tantale suffisait
à
repousser les objets qu’il désire, et sa crainte l’objet qu’il redout
56
penche vers la surface de la rivière où il baigne
à
mi-corps, quand il lève le bras vers ces fruits mûrs qui font ployer
57
nvoitise — emblèmes ou signes, car tout tient ici
à
des événements intérieurs. Tout tient à l’homme et tout illustre une
58
tient ici à des événements intérieurs. Tout tient
à
l’homme et tout illustre une des structures fondamentales de son être
59
ale avait commis deux crimes, dit la Fable. Admis
à
la table des dieux, il avait dérobé à ses hôtes leur nectar et leur a
60
able. Admis à la table des dieux, il avait dérobé
à
ses hôtes leur nectar et leur ambroisie, pour les faire goûter aux mo
61
on propre fils Pélops, pour faire servir sa chair
à
la table divine. Les liqueurs d’immortalité sont ici comme des signes
62
des signes de la Grâce, dont un homme chercherait
à
s’emparer par subterfuge, afin de s’assurer un empire terrestre. Dout
63
nce, et tous les plaisirs qu’ils en tirent. Quant
à
la mise à mort du fils, offert ensuite aux dieux comme nourriture mei
64
us les plaisirs qu’ils en tirent. Quant à la mise
à
mort du fils, offert ensuite aux dieux comme nourriture meilleure, il
65
é de s’être une fois laissé surprendre et abuser.
À
cette double infraction aux grâces de l’esprit (comme je voudrais nom
66
antale, cet automatisme est si sûr qu’il autorise
à
des spéculations précises, encore que fantastiques en apparence. Je v
67
les atteindre, et tout cela ne tient vraiment qu’
à
lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas c
68
tant, qu’il s’abandonne, et qu’il préfère soudain
à
son amour d’un moi coupable et torturé, l’expiation libératrice et so
69
instant même, il s’enfonce dans les eaux, il boit
à
mort, et le rocher l’écrase. Mais c’est précisément ce qui n’arrive j
70
arriver dans le Tartare. Tantale, ne croyant pas
à
la résurrection, ni au pardon, ni au salut que lui vaudrait un instan
71
, Tantale symboliquement réduit, dans la légende,
à
sa faim, à sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de
72
ymboliquement réduit, dans la légende, à sa faim,
à
sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de nous, préf
73
réduit, dans la légende, à sa faim, à sa soif et
à
sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de nous, préfère le désir,
74
çu — mais c’est encore son désir, donc lui-même —
à
la proie qu’il ne posséderait qu’en acceptant d’être changé d’abord.
75
monde s’il y perdait son moi ? Il est certain qu’
à
sa manière il a raison. Car à gagner, l’on perd toujours quelque chos
76
? Il est certain qu’à sa manière il a raison. Car
à
gagner, l’on perd toujours quelque chose : l’attente, l’espoir, la no
77
s l’instant du don, pour le recevoir en son lieu.
À
la limite, et dans la logique d’un mythe où l’homme s’identifie à l’u
78
dans la logique d’un mythe où l’homme s’identifie
à
l’une de ses tendances, celui qui gagne est donc toujours un autre. E
79
n qui s’est substitué, sous le manteau d’hermine,
à
Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’être empereur est mort le jour
80
nos succès, tous nos actes sans doute, sont ainsi
à
quelque degré des modifications de notre identité, des aliénations de
81
de notre identité, des aliénations de nous-mêmes.
À
la limite, ils sont autant d’usurpations. Changeons maintenant de pl
82
vie et l’héritage de la vie éternelle. J’emprunte
à
Jean-Paul1, une histoire étrangement parabolique et qui, dans le regi
83
d, reproduit notre fable grecque, mais la conduit
à
une heureuse fin. L’oncle van der Kabel vient de mourir, et devant se
84
qu’ils sont et vont reviendront et appartiendront
à
celui des sept de MM. mes Neveux qui, durant la demi-heure qui suivra
85
s au légataire universel dont le nom va suivre. »
À
ce point, le notaire pose sa montre sur la table, elle marque onze he
86
ice Harprecht lui fait observer que s’il parvient
à
pleurer à force de rire, ce ne sera qu’un vol pur et simple, mais l’A
87
eune prédicateur Flachs, lui, serait tout disposé
à
se lamenter ecclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’oncl
88
jouissante… Glanz, le conseiller d’église, se met
à
faire une allocution, car il sait que cela le fait pleurer… Mais Flac
89
enfin, en train de se tourmenter si pitoyablement
à
cause du testament, — et il s’en faut de bien peu qu’il ne pleure… Le
90
r du nouveau Testament n’en demande pas davantage
à
l’homme pour le faire héritier de son royaume : il demande un instant
91
veut la Vie éternelle par seule crainte de mourir
à
cette vie temporelle, les eaux vives fuiront ses lèvres ; car il faud
92
, pour y être immergé, accepter de mourir d’abord
à
ses propres désirs et à soi-même. (Et c’est le symbole du Baptême.) T
93
ccepter de mourir d’abord à ses propres désirs et
à
soi-même. (Et c’est le symbole du Baptême.) Telle est la ruse de l’Am
94
e pur Amour, et le plaisir anticipé suffit encore
à
refouler cette larme, qui pouvait seule, et dans un seul instant, mér
95
)c Pendant deux semaines viennent d’avoir lieu
à
Genève, comme on sait, des « Rencontres internationales » placées sou
96
des concerts, des récitals de poèmes, et assisté
à
des spectacles lyriques, dramatiques et cinématographiques remarquabl
97
pense d’y revenir en détail. Mais nous avons tenu
à
recueillir les impressions de M. Denis de Rougemont, l’un de nos plus
98
i, c’est ce qui le distingue de l’Européen, court
à
la conclusion. Il veut une solution pratique, autant que possible. Ma
99
Des entretiens, tels qu’ils viennent d’avoir lieu
à
Genève, eussent été un four aux États-Unis. En Russie, ils auraient é
100
llement, je regrette qu’aucun Russe n’ait répondu
à
notre invitation. Heureusement, nous avons eu Lukács, et je vois mieu
101
e vois mieux maintenant quelles questions j’aurai
à
poser à la Russie. Je lui dirai : « Vous accusez les démocraties d’êt
102
ieux maintenant quelles questions j’aurai à poser
à
la Russie. Je lui dirai : « Vous accusez les démocraties d’être purem
103
ment démocratisés ; vous, vous ne l’acceptez pas.
À
vous de faire le premier pas. Ouvrez vos frontières. Vous pouvez veni
104
ir chez nous. Vous refusez ? Nous ne demandons qu’
à
comprendre. C’est à quoi, d’ailleurs, nous espérons parvenir lors des
105
efusez ? Nous ne demandons qu’à comprendre. C’est
à
quoi, d’ailleurs, nous espérons parvenir lors des prochains entretien
106
parvenir lors des prochains entretiens de Genève.
À
condition que nous ayons plus de contacts personnels entre représenta
107
déralisme. Un régime de tyrannie n’aboutit jamais
à
la liberté. On le voit, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’espri
108
la France qui est un pays de dialogue, comme aime
à
répéter André Gide. Quand cesse le dialogue, c’est le totalitarisme q
109
s européens. Il souhaite encore que l’on organise
à
Genève un Café de Flore de l’Esprit européen, ou chacun se rencontrer
110
ève, rose des vents de l’esprit, continuera ainsi
à
jouer son rôle de cité internationale, à condition, bien entendu, que
111
ra ainsi à jouer son rôle de cité internationale,
à
condition, bien entendu, que l’esprit puisse y souffler librement où
112
Préface
à
Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)k Je n
113
is a lonely Hunter. Un peu plus tard je la revis
à
Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait amené Go
114
ee la danse et le strip-tease, et tous les autres
à
quelque titre étaient des « creative people », parlaient de Kierkegaa
115
u débarquement en Normandie. Aujourd’hui elle est
à
Paris, inaugurant avec Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premi
116
Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premier
à
saluer son talent — la reprise de l’émigration traditionnelle des écr
117
sensations, des attractions mutuelles qui meuvent
à
leur insu les personnages. C’est une recherche proprement romanesque,
118
n quête d’explications, de rythmes, de certitudes
à
embrasser. Comme cette Mick, jeune fille pauvre de 15 ans, qui cherch
119
he la musique dans sa petite ville, et repère une
à
une les maisons où la radio choisit les symphonies qu’elle aime. Le s
120
ur fait dire des bêtises, c’est pour nous inciter
à
mépriser l’erreur ou la bassesse d’une classe qu’ils représentent, d’
121
s qu’une connaissance plus intime des héros. Rien
à
citer de la part du romancier. Les arguments qu’échangent avec passio
122
mettre en scène des intellectuels, recourt plutôt
à
des enfants, à des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrou
123
des intellectuels, recourt plutôt à des enfants,
à
des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller que pour
124
recourt plutôt à des enfants, à des autodidactes,
à
des hors-castes, moins pour débrouiller que pour sensibiliser les que
125
t une construction serrée, comme celle d’un motet
à
cinq voix qui se signalent et se posent une à une, se cherchent, se r
126
tet à cinq voix qui se signalent et se posent une
à
une, se cherchent, se rencontrent une seule fois, mais dans une disso
127
ussi : comment se peut-il que ce livre impossible
à
classer, ni brutal, ni sexy, ni religieux, ni relatif à la guerre de
128
ser, ni brutal, ni sexy, ni religieux, ni relatif
à
la guerre de Sécession, ni susceptible de fournir un scénario, ni ind
129
mérique ? Je ne vois pas de réponse satisfaisante
à
ma deuxième question : le fait est là. Pour la première, je puis dire
130
trouver une clé dans cette lettre d’un sourd-muet
à
son ami devenu fou, qu’on va lire aux pages 219-220 : « Les autres, é
131
lle ils sont toujours si occupés. » Dernièrement,
à
Paris, je disais à Carson, avec la ruse d’un interviewer : — Il n’y a
132
rs si occupés. » Dernièrement, à Paris, je disais
à
Carson, avec la ruse d’un interviewer : — Il n’y a pas d’histoires d’
133
s vous conduisent en moins d’une heure d’un monde
à
l’autre — de Neuchâtel à Berne par exemple — ne servent cependant qu’
134
s d’une heure d’un monde à l’autre — de Neuchâtel
à
Berne par exemple — ne servent cependant qu’aux petits déplacements,
135
s peints en faux bois jaune clair. On s’attendait
à
être interrogé, dans les trois langues nationales. À mi-chemin entre
136
tre interrogé, dans les trois langues nationales.
À
mi-chemin entre l’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’un
137
ines, comme si le monde où nous vivons était fait
à
notre mesure, comme si l’humanité où nous plongeons se conformait aux
138
nt il respire naturellement l’honnêteté, tendrait
à
nous faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des c
139
t, comme si notre système de sécurité devait être
à
chaque instant vérifié, mis au point, méticuleusement nettoyé des moi
140
présenter une cravate insolente, une conversation
à
voix trop haute, une semelle appuyée sur le banc, quelque geste impré
141
’indiscrétion sévère du regard suisse me surprend
à
chacun de mes retours. Comment décrire et comment justifier l’espèce
142
t qu’avec cet air exaspérant de celui qui renonce
à
comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir et pour réagir comme
143
ion de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner
à
manger aux mouettes. C’était l’été des expériences de Bikini. Dans l
144
cuir. Rien d’étonnant si le contrôleur distingue
à
première vue les resquilleurs, ces jeunes gens excités qui prétendent
145
nts d’être là, on les refoule. J’ai cru remarquer
à
ce propos que le peuple suisse paraît de plus en plus enclin à respec
146
ue le peuple suisse paraît de plus en plus enclin
à
respecter le velours gris et dru des secondes : il a tort, c’est la c
147
e dernier refuge des esprits libres. Je me décide
à
regagner les troisièmes. Mais il faut traverser un couloir de premièr
148
ennent au vaste monde dont je rêvais avec fièvre,
à
12 ans, quand je lisais sur les longs wagons bruns qui s’engouffraien
149
On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe
à
laquelle je reviens après six ans d’absence, et certains événements.
150
prenez cette amie dans vos bras, vous ne trouvez
à
dire que des phrases banales : « Viens ici qu’on se voie un peu. Eh b
151
nt tes projets ? » Je ne saurais échapper ce soir
à
l’emprise de ce rituel des retours et de l’amitié, le moins variable
152
semble que je traduirai par ces mots : on dirait,
à
la voir, qu’elle a perdu la guerre. Militairement, Hitler et ses séid
153
la brute se jette soudain sur lui, dans le corps
à
corps qui s’ensuit, vous ne distinguez plus deux points de vue, mais
154
: il se trouve que c’est notre gentleman de tout
à
l’heure, mais le voilà méconnaissable, le visage tuméfié, les vêtemen
155
mensonge et de la délation, les élites asservies
à
la louange du chef, la politisation totale de l’existence. Hitler bat
156
cependant, combattaient, passée dans notre siècle
à
l’action politique au lendemain de la révolution russe, puis sous le
157
us menaçant, comme autrefois Descartes en donnait
à
l’Église, afin de s’éviter, disent-ils, les pires ennuis. Si ces abus
158
line révolutionnaire, d’antifascisme, en sorte qu’
à
les dénoncer, au seul nom de la bonne foi ou de la véracité, on prend
159
veau succès de l’esprit totalitaire qui n’a eu qu’
à
changer d’étiquette pour occuper, sans coup férir, d’importantes sect
160
rise ou le premier abcès de fixation, se révèlent
à
l’observateur de l’Europe d’après-guerre. J’en mentionnerai quelques-
161
r des parements, cependant que la bombe atomique,
à
Bikini, vient de changer en une seconde la couleur même de l’océan. E
162
ne guerre prochaine, mais l’idée d’une révolution
à
main armée se voit acceptée comme fatale, se voit nourrie de nos pass
163
ie de nos passivités. Voilà ce qu’on nous prépare
à
droite comme à gauche, avec cette minutie sourde et aveugle aux indic
164
vités. Voilà ce qu’on nous prépare à droite comme
à
gauche, avec cette minutie sourde et aveugle aux indications du réel
165
e et aveugle aux indications du réel qu’apportent
à
leurs petites occupations les aliénés. Si l’on se bat en Europe demai
166
sont la radio et la presse. Seuls ces moyens sont
à
l’échelle des masses. Mais se faire écouter par ces moyens, c’est aus
167
au point que rien ne passe plus de ce qu’on avait
à
dire. Devant cette impuissance pratique à inscrire leurs pensées dans
168
n avait à dire. Devant cette impuissance pratique
à
inscrire leurs pensées dans des actes, beaucoup d’intellectuels s’ins
169
e des points. Tous ces maux et tant d’impuissance
à
y parer n’ont pas manqué de provoquer dans les élites demeurées libér
170
se soit généralement substituée dans nos esprits
à
l’idée de progrès automatique. Née d’analyses et de pressentiments de
171
, dont la rhétorique fort ancienne peut entraîner
à
l’injustice. Et qu’enfin, vis-à-vis des êtres que l’on aime, il arriv
172
rations. Il reste cependant un fait qui ne dépend
à
aucun degré de nos estimations ou jugements subjectifs : c’est que la
173
u progrès par exemple — j’y faisais allusion tout
à
l’heure — semble avoir évacué l’Europe pour émigrer vers l’Amérique e
174
tre nos enfants. Leur exil en a fait des monstres
à
nos yeux. Pourtant le capitalisme industriel et le libéralisme politi
175
’eugénique, l’alimentation, le logement, et jusqu’
à
la morale, autrefois religieuse. Tout vient d’Europe, tout cela fut n
176
igieuse. Tout vient d’Europe, tout cela fut nôtre
à
l’origine. Mais alors, comment et pourquoi ces créations européennes
177
ès le Moyen Âge, par sa curiosité et son commerce
à
l’époque des grandes découvertes, par ses armes et son art de la guer
178
ntagieux et les armes, le grand commerce et jusqu’
à
la curiosité de la planète ! Tout cela dans l’espace de trente ans, e
179
l’espace de trente ans, et sans retour possible,
à
vues humaines. Que nous reste-t-il donc en propre ? Un monopole uniqu
180
e encore, et à vrai dire, c’est le plus difficile
à
prendre ! Mais c’est aussi le plus difficile à maintenir en état d’ef
181
le à prendre ! Mais c’est aussi le plus difficile
à
maintenir en état d’efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup que les
182
aut de beaucoup que les Européens soient unanimes
à
tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexités vitales
183
. Une analyse sociologique assez grossière suffit
à
révéler dans tout le continent une sorte de clivage et un double trop
184
ands hommes d’affaires regardent vers l’Amérique.
À
tort ou à raison — je n’en juge pas ici —, ils s’imaginent que ces pa
185
s d’affaires regardent vers l’Amérique. À tort ou
à
raison — je n’en juge pas ici —, ils s’imaginent que ces pays réalise
186
capitaliste qui ont quitté notre continent, mais
à
leur suite les espoirs et les rêves des plus actifs d’entre nous ont
187
e refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne
à
la décadence, ou la déplore mais sans faire mieux. Je ne vois plus, p
188
ler d’une défense de l’Europe, de nous cramponner
à
ses restes, et même d’appeler à son secours des forces jeunes. Posons
189
e nous cramponner à ses restes, et même d’appeler
à
son secours des forces jeunes. Posons-nous donc sans nul cynisme, mai
190
usieurs Européens qui se la posent en termes tout
à
fait urgents et familiers, quand ils se demandent si c’est l’Europe o
191
faut souhaiter pour leur enfant. Car nous pensons
à
notre Europe comme à un « Vaterland », pays des pères, mais l’Amériqu
192
eur enfant. Car nous pensons à notre Europe comme
à
un « Vaterland », pays des pères, mais l’Amérique, ou la Russie, ne s
193
vœux ? Ce n’est pas assez de donner des ancêtres
à
ses enfants ; ils ont besoin d’un avenir aussi. Et de quel droit sacr
194
i. Et de quel droit sacrifierais-je leurs espoirs
à
mes souvenirs ? En défendant l’Europe, il s’agit donc de savoir si no
195
mme le pensent et le disent nos voisins. Je songe
à
ces enfants, et j’essaie de mêler à la vision de leur avenir la visio
196
ins. Je songe à ces enfants, et j’essaie de mêler
à
la vision de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de m
197
ion de leur avenir la vision d’une Europe réduite
à
l’état de musée plus ou moins bien tenu, ou au contraire la vision d’
198
aurait cédé aux tentations d’un bonheur étranger
à
son génie, une Europe américanisée — ce serait par goût — soviétisée
199
e vue qui se définit comme une position polémique
à
l’intérieur du champ que l’on observe. Mais si maintenant nous regard
200
té spirituelle. S’il est vrai que l’Europe, jusqu’
à
ce siècle, ne s’est guère sentie et conçue comme un tout, comme un co
201
la planète. Mais en 1946, elle se voit affrontée
à
deux empires. Du même coup elle ressent son unité et la définit par c
202
istes de la nature ou de la condition de l’homme.
À
l’origine de la religion, de la culture et de la morale européennes,
203
on par excellence qui est la croix. Au contraire,
à
l’origine des deux empires nouveaux, il y a l’idée de l’unification d
204
ur de la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent
à
l’inconscience heureuse, et nous à la conscience à n’importe quel pri
205
ec. Ils visent à l’inconscience heureuse, et nous
à
la conscience à n’importe quel prix. Ils veulent la vie, nous des rai
206
l’inconscience heureuse, et nous à la conscience
à
n’importe quel prix. Ils veulent la vie, nous des raisons de vivre, m
207
ut éliminer doucement ou brutalement pour arriver
à
l’unanimité, à l’homogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité,
208
cement ou brutalement pour arriver à l’unanimité,
à
l’homogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité, le cinéma, la
209
éricain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas
à
chercher bien loin. Je prendrai simplement l’exemple de l’entreprise
210
ituelle, dans les diversités qui s’expriment ici,
à
Genève, dans notre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’Europ
211
opéen en tant que tel n’accepte pas d’être réduit
à
l’un ou à l’autre de ces termes. Mais il entend les assumer et consis
212
ant que tel n’accepte pas d’être réduit à l’un ou
à
l’autre de ces termes. Mais il entend les assumer et consister dans l
213
e sera donc, typiquement, la volonté de rapporter
à
l’homme, de mesurer à l’homme toutes les institutions. Cet homme de l
214
nt, la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer
à
l’homme toutes les institutions. Cet homme de la contradiction (s’il
215
ui que j’appelle la personne. Et ces institutions
à
sa mesure, à hauteur d’homme, traduisant dans la vie de la culture, c
216
lle la personne. Et ces institutions à sa mesure,
à
hauteur d’homme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les
217
meilleure. Je préfère emprunter, pour un moment,
à
nos voisins américains leurs méthodes pragmatiques, et à nos voisins
218
oisins américains leurs méthodes pragmatiques, et
à
nos voisins soviétiques leur sens aigu des implications politiques de
219
ite d’apparence. Demandons-nous ce que nous avons
à
faire pour maintenir et pour illustrer les valeurs propres de l’Europ
220
nir dans l’actuel. Sauver l’Europe — c’est simple
à
dire vraiment — sauver l’Europe, c’est pratiquement, et aujourd’hui,
221
ope, c’est pratiquement, et aujourd’hui, empêcher
à
tout prix la guerre. Et c’est aussi rendre inutiles les mitraillettes
222
en écœurant par sa tactique ceux qui se dévouent
à
la cause de la justice économique. Empêcher les guerres à tout prix…
223
se de la justice économique. Empêcher les guerres
à
tout prix… Or, les guerres et les révolutions, contrairement à ce que
224
r. Ce sont elles que l’on peut utilement éveiller
à
la claire conscience des causes des guerres civiles et nationales, et
225
la cité une anarchie. Cette anarchie ne tarde pas
à
provoquer une réaction collectiviste. À l’excès de liberté chez les i
226
tarde pas à provoquer une réaction collectiviste.
À
l’excès de liberté chez les individus, répond mécaniquement un excès
227
es et l’Europe ; puis entre l’Europe et le monde.
À
tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tentations opposées, et pa
228
érialisme intérieur ne manque jamais de s’exalter
à
son tour en impérialisme tout court. Un gouvernement totalitaire sera
229
Europe par excellence. Je compare le nationalisme
à
une espèce de court-circuit dans la tension normale qu’il s’agit de m
230
it plus parler d’union, puisqu’il n’y a plus rien
à
unir. D’autre part, il déclare souveraine la nation unifiée de la sor
231
n vit Hitler, on voit Staline, écraser les partis
à
l’intérieur, puis se comporter vis-à-vis de l’Occident, en tant que n
232
on pas unifier. Et justement parce qu’il respecte
à
l’intérieur d’une nation la riche diversité des groupes, il est prêt
233
che diversité des groupes, il est prêt à s’ouvrir
à
des unions plus vastes. Il les appelle, il les espère, il fait tout p
234
e qui a sécrété ce contagieux nationalisme, c’est
à
elle d’inventer son antidote. Elle est seule en mesure de le faire à
235
mplie… Mais cette raison irrationnelle, de croire
à
nos chances de durée, ne peut ni ne doit vous suffire. J’en indiquera
236
que notre sens de l’équilibre humain nous invite
à
remettre à leur place ces prétentions divinisées, et à les taxer sobr
237
sens de l’équilibre humain nous invite à remettre
à
leur place ces prétentions divinisées, et à les taxer sobrement, non
238
ettre à leur place ces prétentions divinisées, et
à
les taxer sobrement, non sans humour à l’occasion. J’ai souvent propo
239
nisées, et à les taxer sobrement, non sans humour
à
l’occasion. J’ai souvent proposé cette petite parabole à mes amis amé
240
asion. J’ai souvent proposé cette petite parabole
à
mes amis américains : « Vous croyez, leur disais-je, que le plus gran
241
me de la rapprocher de l’Europe. Je pense surtout
à
l’avenir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou non à l’expérience d
242
venir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou non
à
l’expérience de dictature si brillamment conduite, jusqu’ici, par les
243
rationnel autant que la foi religieuse — et c’est
à
tel point qu’on se demande si ce qui les gêne le plus n’est pas simpl
244
écu de toutes ces choses gênantes, elle s’arrange
à
merveille de leur complexité ; elle y voit même la saveur de la vie !
245
ires sans précédent, sans tradition, s’épuiseront
à
redécouvrir ce que nous savons depuis des siècles, ce qui nous permet
246
ciment armé, tandis que l’Amérique en est encore
à
bâtir des églises en gothique neuf. C’est parce que l’Europe est la m
247
té qui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant
à
l’Europe et à sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec
248
i nous inspirer, je dirai, songeant à l’Europe et
à
sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec moi : Je pense
249
rope et à sa vocation mondiale, et je vous invite
à
le dire avec moi : Je pense, donc j’en suis ! g. Rougemont Denis d
250
justement contestés par l’État. Puis elles eurent
à
défendre leurs pouvoirs spirituels, certains États s’étant laissé all
251
s spirituels, certains États s’étant laissé aller
à
les revendiquer injustement. Les docteurs de l’Église se défendaient
252
mes sociologiques et philosophiques qui se mirent
à
pulluler dès le xixe siècle, et qui se posaient en termes intraduisi
253
s traditionnelles. Quant aux fidèles, ils avaient
à
se défendre contre la menace quotidienne, innombrable, et sans cesse
254
minorité doucement persécutée. Cette persécution
à
coups d’épingle, de demi-sourires et d’ironies intellectuelles basées
255
éformateurs faisait place, chez, les protestants,
à
un moralisme centré sur l’homme. Tout tranquillement, et pour sauver
256
sauver leur corps, les Églises renonçaient sinon
à
leur âme même, du moins à cette véhémence flambante qui fut toujours
257
lises renonçaient sinon à leur âme même, du moins
à
cette véhémence flambante qui fut toujours signe et symbole de l’Espr
258
l, pouvait écrire vers la fin de cette période qu’
à
la question : « Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-o
259
laïques et les Églises ; qu’il a brusquement mis
à
nu l’État minoritaire des chrétiens ; qu’il les a attaqués de front a
260
e ou antichrétienne, qui prétendait se substituer
à
la religion et conduire le monde moderne vers un paradis sans Dieu, a
261
atures barbares : elle s’est reconnue impuissante
à
donner des buts de vie, des idéaux, une morale, plus efficace que le
262
— et non de plus en plus, comme au siècle passé —
à
mettre en doute la vérité et la validité des dogmes chrétiens. L’ère
263
tion d’une puissante et purifiée Église orthodoxe
à
l’Est. Mais dire que l’époque de la défensive est terminée pour elles
264
es un dilemme très net : il ne leur reste plus qu’
à
s’endormir, ou bien à passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerre
265
: il ne leur reste plus qu’à s’endormir, ou bien
à
passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerre de Trente Ans ne ress
266
leur reste plus qu’à s’endormir, ou bien à passer
à
l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerre de Trente Ans ne ressemble guè
267
ain d’une guerre de Trente Ans ne ressemble guère
à
une victoire, il faut bien le dire. Les nations qui ont perdu la guer
268
ale, l’État se voit forcé d’étendre ses pouvoirs,
à
coups de décrets si généraux que chaque vocation personnelle s’en tro
269
vide est un appel, urgent et dramatique. Un appel
à
l’attaque, à l’offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : le
270
ppel, urgent et dramatique. Un appel à l’attaque,
à
l’offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et
271
dramatique. Un appel à l’attaque, à l’offensive,
à
l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et leurs prédicate
272
appel à l’attaque, à l’offensive, à l’initiative,
à
du plein. Ou encore : les Églises et leurs prédicateurs ont moins qu
273
glises et leurs prédicateurs ont moins que jamais
à
se soucier, aujourd’hui, de réfuter les arguments de l’incroyance : e
274
ents de l’incroyance : elles ont, tout simplement
à
donner leurs croyances, avec une agressive naïveté ; tendre une perch
275
s, avec une agressive naïveté ; tendre une perche
à
ceux qui se noient. Comme laïque se tenant dans l’Église, et voyant a
276
n masse, ont presque tué, laissant le champ libre
à
l’État et à ses réglementations, souvent utiles, mais qui ne sont jam
277
presque tué, laissant le champ libre à l’État et
à
ses réglementations, souvent utiles, mais qui ne sont jamais règles d
278
sure, d’ambitions spirituelles. Sans « dévotion »
à
rien d’avouable… Toute la culture de l’Occident — musique, peinture,
279
est bien sortie ! Il est temps que nous sortions
à
sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’Église cesse de défendre la t
280
sultent… Un mot encore. Ce programme, qui résume
à
mes yeux les plus grandes chances d’action du christianisme au xxe s
281
sans précédent, et paraît donc ‟invraisemblable”
à
celui qui la reçoit. Exemple : Abraham ». d. Rougemont Denis de, «
282
ublic (outdoor love-making) vient d’être interdit
à
la station aéronavale de San Diego, Californie, tant pour le personne
283
ion, déclare que depuis quelque temps, on assiste
à
un croissant étalage en public de marques d’affection du genre commun
284
king 4. S’il est vrai que tout le monde s’accorde
à
reconnaître qu’il s’agit là d’un passe-temps absorbant et plaisant, i
285
sexuelles de l’Amérique ne sont point si faciles
à
définir. Comment expliquer le contraste entre le puritanisme rigoureu
286
ables au développement d’une grande passion, sont
à
ses yeux autant de preuves que l’affaire est mal engagée et qu’il fer
287
ge d’une intrigue complexe et qui menace de tirer
à
conséquence : telle est la grande maxime de sa morale nouvelle. Les d
288
ir, c’était donc une erreur. Ils ne croient guère
à
la valeur unique d’un être, — et il est vrai qu’il faut beaucoup de s
289
urait exister dans une civilisation qui n’accorde
à
l’échec nulle dignité spirituelle, et qui ne tient pour vrai que ce q
290
ce et de la densité de la vie. Comme on demandait
à
une Américaine intelligente si le suicide par amour existait aux État
291
trahison, c’est simplement que nous n’aimons pas
à
rester seuls. Du matriarcat, du mariage et des « moms » Dans un
292
se que le business comme nous disons). Le mariage
à
l’américaine est une institution d’un type nouveau. Il se fonde sur l
293
rence, le carnet de chèques. Elle ne se borne pas
à
choisir les rideaux, mais la maison, et même l’auto. Je vois la preuv
294
qui la possède de perfectionner tout ce qui tombe
à
portée de sa main (et un peu plus). On ne saurait dire d’elle, comme
295
e nous parlions toujours de leur « matérialisme »
à
ce propos, puisque le but de ces perfectionnements est d’alléger les
296
physiquement déformant, et moralement aigrissant
à
l’extrême, dont la majorité des femmes d’Europe souffrent encore, pou
297
i qui peine pour payer le frigidaire et permettre
à
la femme de lire des romans, — ou d’en écrire. Regardez maintenant le
298
e, mais affichera un silence offensé qui signifie
à
son mari d’intervenir, sinon elle va se lever et sortir d’un pas vif,
299
mom, votre mom aimante, etc., elle est la fiancée
à
tous les enterrements, le cadavre à tous les mariages. Satan, dit-on
300
st la fiancée à tous les enterrements, le cadavre
à
tous les mariages. Satan, dit-on, sait occuper les mains oisives. La
301
d’aveugle dévouement. Mais l’attitude de l’homme
à
son égard est faite pour éveiller en elle le goût de la liberté et de
302
en : de la domination. Ainsi la femme se virilise
à
la mesure de ce que l’homme attend d’elle. Frustrée sans le savoir da
303
prend en main les rênes de la vie, et se prépare
à
devenir à son tour une mom aussi redoutablement « perfectionniste » e
304
main les rênes de la vie, et se prépare à devenir
à
son tour une mom aussi redoutablement « perfectionniste » et activist
305
tionniste » et activiste que sa belle-mère. Quant
à
l’homme, cause du mal et victime peu consciente, il se réfugie dans s
306
nous sommes habitués à voir des hommes en masses,
à
la caserne ou dans une réunion publique (et les femmes s’approchent v
307
e noter, c’est qu’on y divorce d’une manière tout
à
fait différente. Aux yeux des intéressés, le divorce américain ne sau
308
a pèse bien peu au regard des chances de repartir
à
neuf, de déblayer les perspectives d’avenir, qu’offre l’interruption
309
ngagée ou négative. Nous pensons, comme toujours,
à
conserver5, eux à ouvrir. Le divorce est pour nous l’enterrement d’un
310
. Nous pensons, comme toujours, à conserver5, eux
à
ouvrir. Le divorce est pour nous l’enterrement d’un bonheur, pour eux
311
ltère. Autant dire que le divorce est impossible,
à
moins que l’on accepte d’en passer par une odieuse mise en scène « lé
312
ésormais dans le Nevada. Il y reste six semaines,
à
l’hôtel, est alors déclaré résident, obtient son divorce en un quart
313
uisine du Nord, elle lui servait des ratatouilles
à
la mode de la Louisiane : divorce accordé. Dès qu’elle tombait malade
314
rdé. Dès qu’elle tombait malade, il faisait venir
à
la maison un entrepreneur des pompes funèbres et des couronnes : divo
315
son. Si grave que soit un tel jugement, j’incline
à
croire que la facilité avec laquelle l’Américain divorce, révèle que
316
neuf ». Une jeune héritière très connue déclarait
à
un groupe de journalistes qui la félicitaient sur ses fiançailles, à
317
nalistes qui la félicitaient sur ses fiançailles,
à
19 ans : « C’est merveilleux de se marier pour la première fois ! » D
318
première fois ! » Deux ans plus tard, elle était
à
Reno et se remariait, « elle pour la seconde fois, lui pour la quatri
319
lui pour la quatrième ». Cependant, j’en reviens
à
ma première définition, le divorce à l’américaine est considéré avant
320
j’en reviens à ma première définition, le divorce
à
l’américaine est considéré avant tout comme la mise en ordre de deux
321
e. En Europe, où l’on croit au mariage-sacrement,
à
la continuité de la famille, à l’héritage, on s’accommode de la faute
322
mariage-sacrement, à la continuité de la famille,
à
l’héritage, on s’accommode de la faute, on attend la fin de la crise,
323
ue mal le ménage, afin qu’il puisse encore offrir
à
l’opinion une façade de normalité. En Amérique, on se refuse à cette
324
ne façade de normalité. En Amérique, on se refuse
à
cette hypocrisie sociale. Le premier accroc fait par un conjoint coût
325
ale. Le premier accroc fait par un conjoint coûte
à
l’autre 1000 dollars, prix du voyage de Reno, du séjour et des avocat
326
sous la forme atténuée de l’American way of life,
à
l’école, dans la presse, au cinéma, au cours du soir pour étrangers r
327
étrangers récemment naturalisés. On leur inculque
à
tous qu’être un Américain, c’est être un homme « décent » et comme je
328
st être un homme « décent » et comme je demandais
à
quelques étudiants ce qu’ils entendaient par là, l’un d’eux me dit :
329
est l’homme qui tient parole et se tient propre,
à
tous égards. » Cette volonté de vivre une vie nette se combine curieu
330
ancipé, le jeune Américain semblerait un peu fade
à
nos romanciers de l’amour. Il reste chaste ou se comporte en animal i
331
rs que l’on vient d’esquisser donneraient matière
à
tout un livre. Mais il me paraît vain de l’écrire, car l’Amérique est
332
que est en pleine transition, à cet égard plus qu’
à
tout autre. Il convient donc de n’indiquer qu’à la volée quelques rem
333
u’à tout autre. Il convient donc de n’indiquer qu’
à
la volée quelques remarques dont on reconnaît qu’elles sont par natur
334
sourde hostilité, qu’ils attribuent naturellement
à
l’action des tabous puritains, refoulés dans l’inconscient, et qui se
335
s directe et contrôlable du cinéma et des comics.
À
mon avis, l’aspect le plus intéressant de l’évolution actuelle des mœ
336
échange sexuel, par consentement commun, n’engage
à
rien, ni à l’amour ni au mariage ; affirmation du droit au bonheur co
337
uel, par consentement commun, n’engage à rien, ni
à
l’amour ni au mariage ; affirmation du droit au bonheur comme seule r
338
exil (mars 1947)i Janvier 1941 L’avant-garde
à
New York. — J’ai enfin découvert un « milieu littéraire » dans ce pay
339
ails que l’on passait continuellement d’un groupe
à
l’autre. Il y avait là bon nombre des « intellectuels » de vingt à qu
340
vait là bon nombre des « intellectuels » de vingt
à
quarante ans dont je retrouve les noms dans les petites revues de l’a
341
ue les romanciers sont plutôt journalistes. Quant
à
leurs femmes et amies, elles m’ont paru cultiver le genre des nihilis
342
t sont trotskistes, ont lu Freud, ou en parlent.
À
lire les revues ou little mags où ils écrivent, à les voir chez eux o
343
À lire les revues ou little mags où ils écrivent,
à
les voir chez eux ou ensemble, j’éprouve une sorte de tristesse. Ils
344
core moins intégrés que leurs confrères européens
à
la vie de leur propre nation. Cela tient sans doute à mille raisons m
345
vie de leur propre nation. Cela tient sans doute
à
mille raisons matérielles et sociales d’abord, dont j’ai deviné quelq
346
» dans leurs écrits, avec une sorte de nostalgie
à
la Lawrence. Ils jugent en général trop formalistes ou rhétoriques no
347
k, Upton Sinclair du fond de la Californie alerte
à
leur sujet deux éditeurs. Sur leur demande pressante, je leur envoie
348
impliste, il attend des jugements entiers. Quitte
à
ne pas savoir ce qu’il juge, ni pourquoi… Quitte à rivaliser d’intolé
349
ne pas savoir ce qu’il juge, ni pourquoi… Quitte
à
rivaliser d’intolérance brutale avec ceux qu’il croit condamner… N’es
350
m’apparaît pas simple. Si les Églises s’opposent
à
l’intervention, c’est par objection de conscience, pacifisme, antimil
351
it. Il m’entraîne au café. Il avait des questions
à
me poser au sujet d’un de mes livres dont il devra parler au séminair
352
préfère. Leur familiarité réchauffe. Chaque soir,
à
la cafétéria, — un restaurant très bon marché où l’on doit se munir d
353
w Hampshire, perdus dans les forêts de bouleaux ;
à
Concord où j’ai vu la maison d’Emerson, ses chapeaux et ses cannes ac
354
u monde. ⁂ Cambridge retient l’Européen, parce qu’
à
la différence des autres bourgs de ce pays, l’on y trouve une vraie p
355
ent, etc.) doit donner un chiffre total supérieur
à
135. Le génie, s’il est physicien par exemple, n’en sera pas moins un
356
moins un spécialiste de Kierkegaard ou de Kafka,
à
l’analyse desquels il appliquera les théories de la logistique de Vie
357
pliquera les théories de la logistique de Vienne,
à
moins qu’il ne préfère les aborder en sociologue postmarxiste ou en f
358
ien. Le minimum requis est impérieux et difficile
à
obtenir parce que le dollar est très cher. On ne peut pas « se débrou
359
e le journalisme et le professorat. Or je répugne
à
l’un autant qu’à l’autre… ! Fin décembre 1941, 5 IV est 16th Street T
360
et le professorat. Or je répugne à l’un autant qu’
à
l’autre… ! Fin décembre 1941, 5 IV est 16th Street Trouvé un petit at
361
cour. En face, le haut building d’une imprimerie.
À
droite, je domine le toit plat, formant terrasse, d’une maison de tro
362
ns le monde, au cinéma, sous le moindre prétexte.
À
deux heures aujourd’hui, je me suis enfermé sans plus bouger, entre m
363
ma conférence de Buenos Aires, des notes éparses.
À
sept heures, je me suis mis à écrire. Il est dix heures et j’ai devan
364
des notes éparses. À sept heures, je me suis mis
à
écrire. Il est dix heures et j’ai devant moi les trois premiers chapi
365
id, je suis heureux, je cours dîner pour 50 cents
à
la cafétéria du coin. 2 mars 1942 Ou écrire, ou sortir. — Après troi
366
ir une sortie. Deux signes m’ont prouvé que jusqu’
à
nouvel ordre je suis le prisonnier de mon livre et ferais bien de ne
367
ds dire : « Voilà le diable ! » Ils se retournent
à
demi et rient. J’ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je
368
le mois dernier. Mais ce soir-là je n’avais rien
à
dire, et me demandais non sans angoisse ce que l’on peut bien avoir à
369
ais non sans angoisse ce que l’on peut bien avoir
à
dire, en général, quand on se trouve à six ou huit dans un salon. Ren
370
bien avoir à dire, en général, quand on se trouve
à
six ou huit dans un salon. Rentré tôt, mais n’ai rien fait qui vaille
371
tir libre nuit et jour. Fin mars 1942 Écrit finis
à
six heures du matin. Église Saint-Marc à l’aube froide, quelques bonn
372
it finis à six heures du matin. Église Saint-Marc
à
l’aube froide, quelques bonnes femmes et un jeune homme devant le vie
373
la part du diable, celle qu’il a sans doute prise
à
mon ouvrage. Idée bizarre : si j’ai si vite bouclé ce livre, c’était
374
e louais cet atelier au mois et n’ai donc plus qu’
à
déguerpir sans insister. 16 avril 1942, 11 West, 52 th Street Emména
375
he, vaste et carrée. Je me sens rendu au monde et
à
la vie courante. Mais pendant que je m’escrimais contre son image fuy
376
mai 1942 Un job. — J’étais allé voir mes enfants
à
Long Island, le samedi soir, et le dimanche matin j’annonce subitemen
377
Office of War Information, étant appelé d’urgence
à
Washington. La place sera vacante demain après-midi, et sans doute re
378
s allé et une demi-heure plus tard, je me mettais
à
ce travail, nouveau pour moi : écrire des textes d’information et des
379
s surprises de l’exil. Fin juin 1942 Une journée
à
l’OWI.— André Breton, superbement courtois, patient comme un lion bie
380
ement courtois, patient comme un lion bien décidé
à
ignorer les barreaux de sa cage, apparaît vers cinq heures au fond de
381
aume ! Ou plutôt non : qu’on lui donne une église
à
régir, et le beau nom du sacerdoce à restaurer dans une atmosphère or
382
e une église à régir, et le beau nom du sacerdoce
à
restaurer dans une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique n’est pas so
383
Amérique n’est pas son fort. Il y tient le succès
à
distance, laissant à Salvador Dali, qu’il appelle Avida Dollars, le s
384
n fort. Il y tient le succès à distance, laissant
à
Salvador Dali, qu’il appelle Avida Dollars, le soin de faire monnaie
385
monnaie d’une étiquette plus prestigieuse ici qu’
à
Paris même : surréalisme. Chaque soir, pendant que mon texte terminé
386
ion passe par une série de bureaux, de la censure
à
la polycopie, avant d’être remis aux speakers, nous trouvons un momen
387
paroles, aux gestes et au costume, par cela même
à
la Surprise… Introduction à la vie hiératique… C’est un rêve de compe
388
ostume, par cela même à la Surprise… Introduction
à
la vie hiératique… C’est un rêve de compensation, si l’on voit dans q
389
e nous sommes en train de causer. Trente machines
à
écrire dans cette salle, en contrepoint avec deux télétypes, visières
390
e crayon sur l’oreille et le front maculé d’encre
à
copier. Il me cherche du regard par-dessus ses lunettes. Il tient une
391
e. » Sur quoi, peut-être, il serait temps d’aller
à
ce dîner, n’était-ce pas pour huit heures ? Quitte à revenir terminer
392
e dîner, n’était-ce pas pour huit heures ? Quitte
à
revenir terminer dans la nuit. À deux heures du matin, si tout a bien
393
heures ? Quitte à revenir terminer dans la nuit.
À
deux heures du matin, si tout a bien marché, je monterai chez « Saint
394
os. (Mais ce trait justement le révélait.) Penché
à
un balcon d’hôtel, au haut d’une tour, dominant le paysage épique de
395
nt le paysage épique de Manhattan, il se refusait
à
l’interview. À Washington, il vit dans deux petites pièces banales, a
396
pique de Manhattan, il se refusait à l’interview.
À
Washington, il vit dans deux petites pièces banales, accueillant un à
397
dans deux petites pièces banales, accueillant un
à
un, mais longuement, les visiteurs qui passent par cette ville de nul
398
sent par cette ville de nulle part. Et j’ai songé
à
cette autre retraite, la maison rose de « La Muette », où Ramuz lui a
399
ces, plus naturellement mémorable. Quand il vient
à
New York pour quelques jours, il se promène interminablement, suivant
400
Connecticut), 15 août 1942 Huit jours de vacances
à
la mer. Je partage cette maison de bois, au bord du Sound, avec les S
401
. Parties d’échecs sur la galerie, après le bain,
à
toutes les heures du jour et de la nuit. Profité de ce bref loisir po
402
t un boxer qu’il baptise Annibal. Je lui apprends
à
marcher en laisse, sur la plage. 18 août 1942 Peut-être qu’il n’est p
403
r ou l’autre, me paraissent hypocrites ou faciles
à
réduire. « Gagner sa vie », dit-on, mais en vivant ainsi on aurait be
404
on, mais en vivant ainsi on aurait beaucoup moins
à
la gagner. « Faire une carrière », mais vues d’ici, toutes les « carr
405
e transpire ? Il faut être fou pour rentrer… Mais
à
l’Office, notre travail s’intensifie, et les échos nous en reviennent
406
s en reviennent de France. Leur dire là-bas, dire
à
la Résistance que la situation se redresse lentement dans le Pacifiqu
407
i ne serve Hitler en fin de compte. J’écris vingt
à
trente pages par jour après des heures de recherches préparatoires. A
408
in septembre 1942 Bevin House. — Nouvelle maison
à
la campagne, à deux heures à New York, avec les Saint-Exupéry. J’y pa
409
42 Bevin House. — Nouvelle maison à la campagne,
à
deux heures à New York, avec les Saint-Exupéry. J’y passe mes trente-
410
e. — Nouvelle maison à la campagne, à deux heures
à
New York, avec les Saint-Exupéry. J’y passe mes trente-six heures de
411
us le faire sortir de Bevin House. Il s’est remis
à
écrire un conte d’enfants qu’il illustre lui-même à l’aquarelle. Géan
412
écrire un conte d’enfants qu’il illustre lui-même
à
l’aquarelle. Géant chauve, aux yeux ronds d’oiseau des hauts parages,
413
s, aux doigts précis de mécanicien, il s’applique
à
manier de petits pinceaux puérils et tire la langue pour ne pas « dép
414
e retire épuisé (je dois rentrer pour neuf heures
à
New York), mais il vient encore dans ma chambre fumer des cigarettes
415
e 1942 Propagande et style. — Depuis que je suis
à
l’OWI, rédigeant bon gré mal gré mes vingt-cinq pages quotidiennes, j
416
. Je constate que j’hésite ou répugne aujourd’hui
à
écrire certaines phrases, à user de certains tours que je pressens in
417
u répugne aujourd’hui à écrire certaines phrases,
à
user de certains tours que je pressens intraduisibles, au sens le plu
418
mais également en vue d’une transmission directe
à
la radio. Dans les deux cas, les exigences sont les mêmes. Et elles i
419
ont les mêmes. Et elles impliquent le renoncement
à
toutes ces coquetteries de style imitées de nos auteurs anciens qu’on
420
yle imitées de nos auteurs anciens qu’on trouvait
à
chaque ligne chez Valéry, chez Gide et leurs disciples de la NRF , e
421
isciples de la NRF , et qui en anglais retombent
à
plat, à la radio font parasites. Il faut sauter dans le vif d’un suje
422
de la NRF , et qui en anglais retombent à plat,
à
la radio font parasites. Il faut sauter dans le vif d’un sujet, sans
423
plus juger du « bien écrire » sinon par référence
à
des modèles anciens. (Que de pastiches dans nos lettres modernes !) B
424
justement, s’est mise dans ce cas. Défaut commun
à
presque tous nos bons auteurs français contemporains : n’importe qui
425
tent cousues de fil blanc. On y est fort sensible
à
Paris. Cependant nous vivons au xxe siècle, et je voudrais un style
426
nce par la qualité et finit par la signification.
À
partir d’un certain moment, la gloire d’un homme confère de l’importa
427
ent, la gloire d’un homme confère de l’importance
à
la moindre opinion qu’il exprime — par position. (Et c’est le signe d
428
s la banalité au sens propre du terme (ce qui est
à
tous, comme on le dit d’un cœur, d’un taureau ou d’un four « banal »)
429
i portent. Savoir ne point se limiter constamment
à
la qualité. Car cela irait à préférer au vrai l’original, le différen
430
limiter constamment à la qualité. Car cela irait
à
préférer au vrai l’original, le différent. Or le but reste bien d’éle
431
en dégageant des significations communes. (Quitte
à
mettre en circulation quelques valeurs encore inéchangeables cette an
432
ons Goldberg. Les copies seules sont acceptables,
à
première vue, et seules font accepter l’original, qui fit scandale ou
433
2 Dans cette maison d’il y a longtemps, semblable
à
celles de mon enfance, en marge du temps de la guerre, j’ai vécu des
434
caine. Que fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas
à
pas dans les bois solitaires ? Il se peut qu’on m’envoie bientôt en A
435
ans une mise en question générale au pire moment,
à
l’heure de moindre résistance. Notre angoisse était de penser : parle
436
rance, et dans quelle Europe ? Nous étions soumis
à
l’érosion de l’exil, moins brutale, certes, mais plus intime que cell
437
c’est tout d’un coup le monsieur qui ne tient pas
à
ce que vous causiez des ennuis. Débrouillez-vous. Et puis, vous êtes
438
l’esprit et du cœur ont toujours paru préférables
à
la torture physique, ou même à sa menace. Autant dire qu’on les tient
439
s paru préférables à la torture physique, ou même
à
sa menace. Autant dire qu’on les tient pour moins sérieux. Nous étion
440
sprit, — qui était pourtant tout ce qu’il restait
à
défendre par nous, dans l’exil… 6. Quartier du bas de la ville où
441
intitulé La Part du diable , qui devait paraître
à
New York à la fin de 1942, dans une première version. La seconde vers
442
a Part du diable , qui devait paraître à New York
à
la fin de 1942, dans une première version. La seconde version, élargi
443
date de 1944. 8. Nous annoncions chaque semaine,
à
cette époque, le résultat de l’effort spectaculaire entrepris par les
444
nstruction d’un cargo Liberty de trente-six jours
à
quatorze, puis à cinq ! Il y parvint. i. Rougemont Denis de, « Jour
445
argo Liberty de trente-six jours à quatorze, puis
à
cinq ! Il y parvint. i. Rougemont Denis de, « Journal d’un intellec
446
chasseur solitaire). Un peu plus tard je la revis
à
Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait amené Go
447
Lee la danse et le striptease, et tous les autres
à
quelque titre étaient des « creative people », parlaient de Kierkegaa
448
u débarquement en Normandie. Aujourd’hui elle est
à
Paris, inaugurant avec Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premi
449
Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premier
à
saluer son talent — la reprise de l’émigration traditionnelle des écr
450
sensations, des attractions mutuelles qui meuvent
à
leur insu les personnages. C’est une recherche proprement romanesque,
451
n quête d’explications, de rythmes, de certitudes
à
embrasser. La nouvelle littérature américaine, au lieu de mettre en s
452
mettre en scène des intellectuels, recourt plutôt
à
des enfants, à des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrou
453
des intellectuels, recourt plutôt à des enfants,
à
des autodidactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller que pour
454
recourt plutôt à des enfants, à des autodidactes,
à
des hors-castes, moins pour débrouiller que pour sensibiliser les que
455
e qui encadrait nos actes et pensées et suffisait
à
leur fournir des repères coutumiers et pratiques s’est élargi aux dim
456
? Les Américains quittent la Chine, l’abandonnant
à
une guerre sans merci entre le Kouomintang et l’armée communiste, qui
457
le fascisme abattu. Les statistiques révèlent qu’
à
l’heure présente on enregistre aux États-Unis un divorce pour trois m
458
les conditions du jeu mondial et ne soit destiné
à
réagir, à plus ou moins longue échéance, sur le sort de chacune de no
459
tions du jeu mondial et ne soit destiné à réagir,
à
plus ou moins longue échéance, sur le sort de chacune de nos nations
460
ne quantité d’informations encore plus difficiles
à
retenir qu’à rassembler ; car c’est la passion que nous aimons et l’a
461
’informations encore plus difficiles à retenir qu’
à
rassembler ; car c’est la passion que nous aimons et l’affirmation de
462
théoriquement. Mais il nous faut encore apprendre
à
le voir, puis à le sentir et à le penser naturellement. C’est ainsi q
463
ais il nous faut encore apprendre à le voir, puis
à
le sentir et à le penser naturellement. C’est ainsi que se formera ce
464
t encore apprendre à le voir, puis à le sentir et
à
le penser naturellement. C’est ainsi que se formera cette opinion pub
465
iner la cause unique des guerres depuis cent ans,
à
savoir bêtise armée sous le nom de nationalisme. Quatre foyers de
466
atre foyers de contradictions Le monde s’offre
à
nos yeux, cette année, sous les espèces de quatre ou cinq foyers cont
467
ntradictions internes. Leur lien n’est pas facile
à
distinguer. Essayons tout d’abord de les décrire. Voici l’URSS, et c
468
e quelque Américain, un diplomate qui prend l’air
à
sa fenêtre, un homme qui pense, à sa manière imprévisible. Jamais gou
469
qui prend l’air à sa fenêtre, un homme qui pense,
à
sa manière imprévisible. Jamais gouvernement si sûr de ses calculs qu
470
à l’égard de la critique, une pareille incapacité
à
intégrer l’opposition. Voici les États-Unis, et cette patrie de la dé
471
e la conduite des affaires du monde et se dispose
à
exporter les principes de son way of life, qui se confondent dans son
472
juin 1948 que la Ligue musulmane se déclare prête
à
la guerre contre le Congrès, où les hindous détiennent la majorité. C
473
stres annoncent que c’est le froid qui les oblige
à
rationner le charbon et l’électricité. L’Europe qui, à peine délivrée
474
rée des tyrans et des dictatures, cesse de croire
à
la démocratie. L’Europe qui se donne pour battue, quand à elle seule
475
ocratie. L’Europe qui se donne pour battue, quand
à
elle seule elle totalise plus d’habitants que la Russie et les États-
476
mais les peuples ou les individus ne se sont unis
à
cause des richesses qu’ils avaient, tout au contraire. C’est toujours
477
st toujours de la pauvreté que montent les appels
à
l’union et que surgit l’utopie agissante. L’Organisation des Nations
478
s Nations unies ne s’est formée que pour répondre
à
l’appel de nos anxiétés et de nos manques. C’est grâce à eux et en eu
479
e paix provisoire. C’est d’elles que naît l’appel
à
la fédération. Et si les hommes d’État qui se trouvent chargés d’admi
480
ricaine dont la moitié des habitants se préparent
à
porter le titre de docteur et vivent dans des châteaux néo-gothiques
481
is, je vois passer chaque jour sous mes fenêtres,
à
onze heures du matin, quelque temps qu’il fasse, le patriarche du nou
482
nes et deux touffes de cheveux blancs en auréole.
À
le voir de tout près, je le trouve plutôt petit, massif, la tête rent
483
je ne connais pas, envoie sa petite fille sonner
à
ma porte. La petite fille me dit : « Maman pense que vous pourrez m’a
484
1922, pour parler d’un projet d’université juive
à
Jérusalem. On m’a donné beaucoup de banquets, j’ai entendu beaucoup d
485
endu beaucoup de speechs. Vous ne pouvez imaginer
à
quel point ce pays a changé depuis lors. Le niveau des discours, les
486
dont ils réagissent, ou plutôt ne réagissent pas
à
la menace atomique. Ils semblent n’avoir qu’une idée en tête : leur s
487
de la bombe aux quatre Grands, donc pratiquement
à
l’URSS ? Au risque de passer pour fasciste à ses yeux, je suggère que
488
ment à l’URSS ? Au risque de passer pour fasciste
à
ses yeux, je suggère que la cause la plus nette de ce qu’il nomme l’h
489
est évident, dit-il enfin, que l’obstacle majeur
à
l’établissement d’un gouvernement mondial, c’est la méfiance systémat
490
ique des Soviets. Or je crains qu’il n’y ait rien
à
faire pour la surmonter. Car la cause n’en est que trop claire. La Ru
491
le partenaire le plus faible. Elle s’oppose donc
à
tout ce que les autres proposent. Elle soupçonne une menace dans chac
492
ans qu’on cite partout, et qui serait nécessaire
à
la Russie pour fabriquer ses propres bombes ? — La Russie peut avoir
493
: en offrant aux Russes une invitation permanente
à
les rejoindre ? — Mieux que cela : cette organisation mondiale sera b
494
ervateurs qu’il leur plaira, officiels ou non. Et
à
la fin — car ils ne sont pas fous comme les nazis —, ils verront bien
495
c’est que vous ne savez pas compter ! » Je pense
à
l’Institut qu’Einstein a fondé avec quelques collègues, ici même, pou
496
d’Apocalypse qu’il a contribué plus que nul autre
à
susciter dans notre siècle ? Je tourne autour de la question. Mais so
497
duquel les États-Unis proposent de céder la bombe
à
un organisme international doté de pouvoirs de contrôle illimités. Il
498
d : — Tant que la machine militaire restera prête
à
fonctionner dans tous les grands pays, les plans de ce genre seront s
499
llent qu’elle impliquerait un renoncement partiel
à
la souveraineté absolue des nations. — Ce serait, lui dis-je en me le
500
ctait que ces arbres-là prennent plus d’un siècle
à
se développer : « Vous voyez, riposta le maréchal, il n’y a pas une s
501
ez, riposta le maréchal, il n’y a pas une seconde
à
perdre ! » n. Rougemont Denis de, « Einstein, patriarche de l’âge
502
Conversation
à
bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)o L’émou
503
quelques mois seulement, et je compte m’installer
à
Ferney dans quelques jours. Avez-vous beaucoup écrit pendant ce « tem
504
dont la Guilde du Livre a déjà donné une édition.
À
l’intention du public américain, j’ai fait, enfin, un ouvrage sur la
505
et que la presse n’a pas toujours été très tendre
à
notre égard. De cette influence, nous ne donnerons qu’un exemple, mai
506
oncé pour la conscription, parce que, se référant
à
l’ouvrage sur la Suisse de M. Denis de Rougemont, il a donné comme ar
507
. Ce mouvement personnaliste a été créé vers 1932
à
Paris, Denis de Rougemont représentant l’élément protestant, Jacques
508
elles expériences personnelles il avait été amené
à
formuler une philosophie du fédéralisme aussi profonde et aussi origi
509
e et aussi originale. Nous avons posé la question
à
M. de Rougemont, qui nous a répondu simplement : De tout temps, j’ai
510
. Rougemont Denis de, « [Entretien] Conversation
à
bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont », Tribune de Genève, Genève
511
ente un tel sujet, c’est qu’il risque d’entraîner
à
des généralisations théoriques ; or, rien n’est plus contraire à l’es
512
ations théoriques ; or, rien n’est plus contraire
à
l’essence même du fédéralisme que l’esprit théorique et les généralis
513
utre part, j’ai toujours éprouvé de la répugnance
à
séparer les valeurs spirituelles et leur incarnation dans les réalité
514
implication, et je m’en tiendrai le plus possible
à
ses manifestations historiques, telles que nous pouvons les observer
515
plique une certaine idée de l’homme, et contribue
à
promouvoir un certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on
516
sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas
à
rendre chaque individu plus libre dans l’exercice de sa vocation. L’h
517
ité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit
à
lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet homm
518
elui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit
à
son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le d
519
politiques, et sont en retour favorisés par eux.
À
l’homme considéré comme pur individu, libre mais non engagé, correspo
520
le désordre, lequel prépare toujours la tyrannie.
À
l’homme considéré comme soldat politique, totalement engagé mais non
521
n libre, correspond le régime totalitaire. Enfin,
à
l’homme comme personne, à la fois libre et engagé, et vivant dans la
522
ons de l’humanité complète. La personne n’est pas
à
mi-chemin entre la peste et le choléra, mais elle représente la santé
523
homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas
à
mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et de
524
dire des personnes fédérées. Ayant ainsi esquissé
à
grands traits la conception de l’homme sur laquelle nos travaux doive
525
ime de promouvoir, nous pouvons passer maintenant
à
une description plus concrète de l’attitude et des méthodes fédéralis
526
uisse moderne serait une sorte de « bon exemple »
à
suivre. Rien de plus banal, que cette référence à la Suisse, dès qu’i
527
à suivre. Rien de plus banal, que cette référence
à
la Suisse, dès qu’il est question d’États-Unis d’Europe ou d’un gouve
528
rer, et nous avons besoin de solutions rapides. »
À
la deuxième objection, je répondrai que les cantons suisses n’ont ado
529
en que l’on eût dit qu’elle allait de soi. Quant
à
ce que l’on répète sur la petitesse de la Suisse et sur l’impossibili
530
ur l’impossibilité de transposer ses institutions
à
l’échelle continentale, je répondrai que l’objection est valable si l
531
déralisme en Suisse, mais non pas si l’on cherche
à
dégager de cette expérience l’idée fédéraliste qu’elle illustre. Une
532
fédéraliste est très simple, mais non pas simple
à
définir en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’un type
533
de pensée introduites par la science relativiste.
À
mon sens, le mouvement intime de la pensée fédéraliste ne saurait êtr
534
nsée fédéraliste ne saurait être mieux comparé qu’
à
un rythme, à une respiration, à l’alternance perpétuelle de la diasto
535
ste ne saurait être mieux comparé qu’à un rythme,
à
une respiration, à l’alternance perpétuelle de la diastole et de la s
536
mieux comparé qu’à un rythme, à une respiration,
à
l’alternance perpétuelle de la diastole et de la systole. La pensée f
537
régime fédéraliste. L’oublier serait se condamner
à
retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de
538
uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’
à
moitié raison. Le véritable fédéralisme ne consiste ni dans la seule
539
ur un » signifie l’aide que l’union doit apporter
à
chaque région et à chaque personne. Il est infiniment probable que su
540
aide que l’union doit apporter à chaque région et
à
chaque personne. Il est infiniment probable que sur le plan européen,
541
voir se dessiner deux tendances toutes semblables
à
celles que je viens de signaler en Suisse. Nous aurons des fédéralist
542
Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’
à
faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préo
543
déralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et
à
la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout d
544
ne touchent que très rarement, et très vaguement,
à
l’idée fédéraliste en soi. C’est peut-être parce que cette idée, comm
545
tre parce que cette idée, comme je le disais tout
à
l’heure, est à la fois simple à sentir et très délicate à formuler. M
546
je le disais tout à l’heure, est à la fois simple
à
sentir et très délicate à formuler. Mais c’est peut-être aussi, et pl
547
e, est à la fois simple à sentir et très délicate
à
formuler. Mais c’est peut-être aussi, et plus probablement, parce qu’
548
formulée, et même soigneusement informulée, jusqu’
à
ce que la crise d’une guerre civile, en 1847, l’ait forcée à prendre
549
crise d’une guerre civile, en 1847, l’ait forcée
à
prendre forme et force de loi. Et ce n’est guère qu’au xxe siècle qu
550
iècle que les penseurs et sociologues se sont mis
à
la commenter et à philosopher à son sujet. Jusqu’en 1848, elle allait
551
eurs et sociologues se sont mis à la commenter et
à
philosopher à son sujet. Jusqu’en 1848, elle allait sans dire, comme
552
ogues se sont mis à la commenter et à philosopher
à
son sujet. Jusqu’en 1848, elle allait sans dire, comme la vie même ;
553
ue représente l’esprit totalitaire, qui les force
à
faire aujourd’hui la théorie de cette pratique, et qui la transforme
554
fédéralisme suisse, s’il veut durer, doit devenir
à
son tour missionnaire. Telle est sa crise : ou se nier, ou triompher,
555
et qui alors n’en allait que mieux. Elle s’expose
à
son risque maximum : celui de décoller de ses bases concrètes, perdan
556
e piège autant que possible que je vais me borner
à
dégager ici, après coup, quelques-uns des principes directeurs qui, d
557
— La fédération ne peut naître que du renoncement
à
toute idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’une des nations c
558
es autres se sont ligués contre lui, l’ont obligé
à
rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrès. Lors d
559
e égalité de droit. Et de cet acte de renoncement
à
l’hégémonie conquise, est résulté la constitution de 1848, véritable
560
ens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’
à
l’unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième prin
561
Le fédéralisme ne peut naître que du renoncement
à
tout esprit de système. Ce que je viens de dire au sujet de l’impéria
562
t pas mettre en ordre d’après un plan géométrique
à
partir d’un centre ou d’un axe ; fédérer, c’est tout simplement arran
563
té ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’
à
ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit. P
564
plus qu’une majorité dans certains cas, parce qu’
à
ses yeux elle représente une qualité irremplaçable. (On pourrait ains
565
de l’aide de tous les autres, et réussisse ainsi
à
conserver ses particularités et son autonomie, qu’il serait hors d’ét
566
les autres. Si les nations de l’Europe arrivaient
à
se concevoir dans ce rôle d’organes divers d’un même corps, elles com
567
ssi que dans une fédération, elles n’auraient pas
à
se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune selo
568
s n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire
à
fonctionner de concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas m
569
t mise au défi de donner le meilleur d’elle-même,
à
sa manière et selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas à « tolé
570
et selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas
à
« tolérer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être un vrai
571
ble, et dans cette mesure même, il aidera le cœur
à
être un bon cœur. Cinquième principe. — Le fédéralisme repose sur l’
572
rement un ou plusieurs de ces groupes, tendraient
à
réduire leur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dim
573
réalités d’un trait de plume, de tirer des plans
à
la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écra
574
ar définition, puisqu’elles consistent simplement
à
supprimer les diversités, par incapacité de les composer en un tout o
575
moyen des personnes et des groupes, et non point
à
partir d’un centre ou par le moyen des gouvernements. Je vois la fédé
576
lises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une
à
l’autre, et là c’est un groupe de petits pays qui forment une union d
577
édération est non seulement possible, mais facile
à
réaliser, et rapidement, comme le fut celle des cantons suisses en 18
578
pas le socialisme et le capitalisme, l’un tendant
à
se faire national et l’autre étatique. Ce ne sont pas la Tradition et
579
. Aujourd’hui, repoussant tous ces anciens débats
à
l’arrière-plan, il y a le totalitarisme, et il y a le fédéralisme. Un
580
age, du sens de notre vocation. Nous n’arriverons
à
rien de bon, dans nos efforts et nos débats pour promouvoir l’Europe
581
and nous parlons de fédéralisme. Si au contraire,
à
la faveur de ces débats, nous parvenons à développer des réflexes de
582
traire, à la faveur de ces débats, nous parvenons
à
développer des réflexes de pensée fédéraliste, si nous devenons nous-
583
es comme on respire — la partie sera déjà plus qu’
à
moitié gagnée. Car si l’Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu’
584
urer, c’est aux fédéralistes qu’elle le devra, et
à
eux seuls. Sur qui d’autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas compt
585
ns. Tous les gouvernements ont un penchant marqué
à
persévérer dans leur être, et même à lui survivre aussi longtemps que
586
chant marqué à persévérer dans leur être, et même
à
lui survivre aussi longtemps que possible avec l’appui de la police.
587
bsolus sans devoirs, ont un penchant irrésistible
à
devenir totalitaires. Et ce n’est point que leurs hommes d’État soien
588
pour qu’ils acceptent un jour de renoncer non pas
à
la souveraineté même de leur nation, mais à son caractère absolu. Et
589
n pas à la souveraineté même de leur nation, mais
à
son caractère absolu. Et c’est l’agitation de l’opinion et des peuple
590
La liberté dans l’amour [Réponse
à
une enquête] (novembre 1947)e Le problème me paraît capital, mais
591
’en est que le déchet.) Les seuls obstacles réels
à
l’amour sont en nous : sécheresse, blessures spirituelles, anxiété de
592
mosexuels. Ils ont en fait toute liberté de vivre
à
leur guise, jouissent des mêmes droits politiques et économiques que
593
l sont négligeables parmi nous, si on les compare
à
celles qu’entraîne la simple tentative de traverser une frontière san
594
l’URSS (8 novembre 1947)q L’anecdote circulait
à
New York ce printemps. Un reporter américain vient de visiter les sta
595
métro de Moscou, et son guide soviétique l’invite
à
admirer. « Très beau, dit notre Américain, mais je ne vois pas de tra
596
servir l’Europe au dollar ; 3° Donc Truman impose
à
l’Europe la lecture de Henry Miller, et ce dernier qui est « le plus
597
deux guerres que décrivent ses Tropiques, publiés
à
Paris, et interdits en Amérique. Ensuite, il est notoirement faux et
598
de Staline ; 2° Les éditeurs américains cherchent
à
faire de l’argent, comme les nôtres, tout en publiant parfois une œuv
599
iques et les romans religieux, qui tirent souvent
à
un million et plus ; 4° Les droits de traduction d’un de ces romans n
600
t de Miller, loin d’être des best-sellers, tirent
à
5 ou 20 000 exemplaires, tandis que les œuvres de Lewis Douglas, de B
601
ont l’Europe ne connaît même pas les noms, tirent
à
800 000 avant la mise en vente, pour peu qu’un book club s’y intéress
602
peu qu’un book club s’y intéresse ; 6° Le succès
à
l’étranger d’un Henry Miller stupéfie les éditeurs américains qui en
603
u, auquel nous laisserons le soin de les conduire
à
leur conclusion naturelle, — reste toute la question de la culture am
604
nde. On m’assure que l’éditeur d’Ambre fit savoir
à
la jeune et jolie femme qui en est l’auteur qu’il jugeait l’ouvrage t
605
rmes, si Ambre est un triomphe mondial qui réduit
à
néant ceux de Miller à Paris, c’est que la majorité du grand public e
606
riomphe mondial qui réduit à néant ceux de Miller
à
Paris, c’est que la majorité du grand public est imbécile. Il faut do
607
n Gunther ; des anecdotes frappantes et loufoques
à
souhait ; de l’optimisme, encore de l’optimisme, et une confiance sér
608
américain, pour éduquer le grand public, cherche
à
le séduire et lui fait trop de concessions, ce qui rapporte une quant
609
préférons marquer les points, les mauvaises notes
à
droite et à gauche, d’un air sceptique. Nous dénonçons l’abus flagran
610
rquer les points, les mauvaises notes à droite et
à
gauche, d’un air sceptique. Nous dénonçons l’abus flagrant des méthod
611
té qu’aucun critique européen n’égale. De Mencken
à
Philip Wylic, de Thorsten Veblen à Reinhold Niehbur, pour ne rien dir
612
le. De Mencken à Philip Wylic, de Thorsten Veblen
à
Reinhold Niehbur, pour ne rien dire des romanciers, il n’est pas une
613
’autre on la fait respecter. Pendant qu’on jouait
à
Moscou, ce printemps, une pièce violente de Simonov, où l’on voit un
614
ra le succès de fou rire de la rentrée. » ⁂ Quant
à
l’influence américaine, concluons sur une simple remarque qui rétabli
615
depuis le congrès de Montreux9 : « Vous y croyez
à
cette fédération de l’Europe ? » Je réponds qu’il s’agit plutôt de la
616
drait-il la vouloir ? » Je réponds qu’il n’y a qu’
à
regarder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères, qu’à voir la plac
617
Je réponds qu’il n’y a qu’à regarder l’Europe, qu’
à
faire son bilan de misères, qu’à voir la place qu’elle tient encore o
618
monde actuel… Mais puisqu’on m’invite aujourd’hui
à
développer ce qui me paraît une évidence, je saisirai cette occasion
619
jeu des forces réelles est international et opère
à
l’échelle des continents. Il pense encore en kilomètres, séparant des
620
il verrait que le plus court chemin de l’Amérique
à
la Russie ne passe plus par l’Europe, mais par le pôle. La radio, l’a
621
en notant que l’Europe n’est qu’un cap de l’Asie.
À
ces faits matériels vient s’ajouter le grand fait politique des deux
622
de nous, tout nous menace ensemble et nous pousse
à
l’union. Séparés, isolés, nous serons colonisés. Ensemble, nous seron
623
parler. Notre vocation Qu’aurons-nous donc
à
dire dans cette conversation une fois les pistolets déposés sur la ta
624
égime de terreur, de parole asservie, d’épuration
à
froid, de discipline d’acier (c’est le nom de Staline) et de diplomat
625
’acier (c’est le nom de Staline) et de diplomatie
à
coups de marteau (c’est le nom choisi par Molotov). Nous ne voulons p
626
ences contradictoires mais également essentielles
à
la vie, qui s’appellent l’unité et la diversité, la sécurité et le ri
627
donc le fédéralisme. L’opposition Il semble
à
première vue qu’un tel programme soit si clairement inscrit dans les
628
perpétuent ! Je veux que nos pays s’effondrent un
à
un en toute souveraineté nationale, qu’ils se cantonnent dans le doub
629
tent un troisième refus, celui de l’Europe, jusqu’
à
ce qu’ils soient dûment colonisés ! » Personne n’ose dire cela, ou co
630
d’une manière un peu différente : « Vous y croyez
à
cette fédération de l’Europe ?… » Derrière ce scepticisme en quête d’
631
pour utopistes et d’avoir l’air de croire un peu
à
quelque chose) se cachent en réalité trois formes de sabotage : natio
632
nt aujourd’hui la planète. Le défaitisme consiste
à
déclarer que la guerre des deux blocs est fatale ; inutile de rien fa
633
on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’
à
faire l’Europe sans eux. Les sceptiques rejoindront un jour, les défa
634
s nationalistes feront l’opposition indispensable
à
tout régime démocratique. Le refus sur deux fronts n’est pas une poli
635
’est même pas un vrai refus : il ne peut mener qu’
à
accepter par force ce qu’on a combattu dans la faiblesse au nom de ri
636
n centrale, le grand but de cette drôle de paix ?
À
quel plan nous vouer ? À quelle doctrine nouvelle consacrer ce besoin
637
de cette drôle de paix ? À quel plan nous vouer ?
À
quelle doctrine nouvelle consacrer ce besoin d’engagement que les tot
638
d’engagement que les totalitaires ne demandent qu’
à
tromper ? Ils donnent des mitraillettes à ceux qui veulent du pain, u
639
dent qu’à tromper ? Ils donnent des mitraillettes
à
ceux qui veulent du pain, une discipline aveugle à ceux qui cherchent
640
ceux qui veulent du pain, une discipline aveugle
à
ceux qui cherchent un ordre, et le camp de concentration à ceux qui r
641
i cherchent un ordre, et le camp de concentration
à
ceux qui rêvent encore de restaurer le sens communautaire. En dehors
642
s. Mais nous restons les bras ballants, regardant
à
droite et à gauche comme s’il n’y avait rien devant nous. Quand le mo
643
restons les bras ballants, regardant à droite et
à
gauche comme s’il n’y avait rien devant nous. Quand le monde attend d
644
l’Amérique ni la Russie, mais cette vieille terre
à
rajeunir, à libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe.
645
i la Russie, mais cette vieille terre à rajeunir,
à
libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe. 9. Le congr
646
ille terre à rajeunir, à libérer de ses cloisons,
à
reconquérir : notre Europe. 9. Le congrès de l’Union européenne de
647
Union européenne des fédéralistes, qui s’est tenu
à
Montreux à la fin du mois d’août. r. Rougemont Denis de, « Une Euro
648
éenne des fédéralistes, qui s’est tenu à Montreux
à
la fin du mois d’août. r. Rougemont Denis de, « Une Europe fédérée
649
e ta grâce. Le risque et l’isolement nous rendent
à
l’enfance, parce qu’ils nous livrent aux magies intimes. Se croire ou
650
nce d’une vie où l’argent et la guerre sont seuls
à
organiser la cohue, le superstitieux simplement sera celui qui ne dés
651
ait causé de l’être sans niaiserie. S’il s’arrête
à
telle apparence curieusement précise à ses yeux, c’est parce qu’elle
652
l s’arrête à telle apparence curieusement précise
à
ses yeux, c’est parce qu’elle semble donner tort au néant des rues év
653
t des rues évidentes, parce qu’elle fait allusion
à
ce qui va venir, ou parce qu’elle est un peu moins apparence que tout
654
, passe le seuil, s’arrête un moment, et commence
à
longer la rue. Son allure ne saurait tromper. C’est la puissante circ
655
rythmé. Il ne voit plus l’échelle ni le chat noir
à
gauche, les chevaux blancs ni les curés barbus. Il n’attend rien qui
656
cculte, attendant cela seulement qui ne ressemble
à
rien mais qu’il reconnaîtra du premier coup : un repère à la craie su
657
ais qu’il reconnaîtra du premier coup : un repère
à
la craie sur le seuil de sa vie, une note que lui seul peut entendre
658
monie de son destin. Cherchant ce qui ne vibre qu’
à
lui-même et révèle un accord instant, il marche au son, comme les gra
659
e fait d’en dresser le catalogue : tout se ramène
à
quelques personnages constants et à des formes géométriques — rois et
660
out se ramène à quelques personnages constants et
à
des formes géométriques — rois et reines, châteaux et enceintes, sold
661
e que ces formes et figures soient presque seules
à
définir le pouvoir d’illustrer les messages émis par quelque au-delà
662
objet pourra servir ; vieux clou tordu, statuette
à
quatre sous, caillou noir, carte à jouer perdue sur laquelle on met l
663
rdu, statuette à quatre sous, caillou noir, carte
à
jouer perdue sur laquelle on met le pied par hasard. Mais nous toucho
664
s agissent donc comme des révélateurs de moi-même
à
mes propres yeux. D’autre part, il se peut que ces signes baignent da
665
ignent dans une réalité profonde, celle du mythe,
à
quoi s’ordonnent les hasards apparents, et des structures de laquelle
666
’ailleurs font ceux qui dans le doute se réfèrent
à
leur tradition, aux coutumes ancestrales, aux dictons : signes enregi
667
sur dix, comme la loi du hasard nous autoriserait
à
l’attendre. Vous négligez tous les cas où cela rate. « Cela rate au m
668
ut serait donc déterminé ? Nous n’aurions plus qu’
à
suivre une voie rigide, fixée de toute nécessité par le Destin ? Erre
669
? « Croire », disait Kierkegaard, « que Dieu peut
à
tout instant, voilà la santé de la foi. » ⁂ Amoureux égale superstiti
670
uperstitieux, parce qu’ils se sentent accompagnés
à
chaque instant, en tapinois, par la même question : c’est à savoir s’
671
nstant, en tapinois, par la même question : c’est
à
savoir s’ils suivent leur voie ou s’ils l’inventent ? S’ils ne l’inve
672
exactement… Le superstitieux, que le 21 du mois,
à
7 heures… Un beau soir le beau vers accourt sur douze pieds, et la fe
673
dice d’un récent combat, marque d’une tache rouge
à
demi effacée par une main sacrilège, l’un des murs de cette citadelle
674
de La Part du diable m’en parlera lui aussi, tout
à
l’heure. Mais, d’abord, il faut faire le point. Denis de Rougemont a
675
urais-je pris pour un homme dur et violent. Mais,
à
l’entendre parler, comment sa pondération, sa générosité, son sens de
676
il pas, reprenant le précepte du vieil Anaxagore,
à
penser avec les mains ? Je suis né à Neuchâtel, me dit Denis de Rouge
677
l Anaxagore, à penser avec les mains ? Je suis né
à
Neuchâtel, me dit Denis de Rougemont. J’ai fait des études de lettres
678
t des études de lettres en Suisse et en Autriche,
à
Vienne. J’ai voyagé en Allemagne et en Hongrie. Pendant un temps, je
679
rie. Pendant un temps, je fus lecteur de français
à
l’Université de Francfort. En 1931, je vins en France ; j’ai vécu en
680
931, je vins en France ; j’ai vécu en province et
à
Paris, collaborant à Esprit , à L’Ordre nouveau , fondant la maison
681
e ; j’ai vécu en province et à Paris, collaborant
à
Esprit , à L’Ordre nouveau , fondant la maison d’édition « Je sers
682
u en province et à Paris, collaborant à Esprit ,
à
L’Ordre nouveau , fondant la maison d’édition « Je sers », créant un
683
des trois premiers articles consacrés, en France,
à
Kafka. La guerre rappela Denis de Rougemont en Suisse ; il fut mobili
684
la Denis de Rougemont en Suisse ; il fut mobilisé
à
l’état-major de Berne. Lors de l’entrée de Hitler à Paris, je fis par
685
l’état-major de Berne. Lors de l’entrée de Hitler
à
Paris, je fis paraître dans la Gazette de Lausanne un article qui m
686
Lausanne un article qui me valut d’être condamné
à
quinze jours de forteresse ! En septembre 1940, il était envoyé en Am
687
en revint qu’au mois de juillet dernier. Il vécut
à
New York, à Princeton, où il respira une « paix claustrale ». C’est l
688
’au mois de juillet dernier. Il vécut à New York,
à
Princeton, où il respira une « paix claustrale ». C’est là, dans « ce
689
ui dans un fauteuil de jardin, et nous nous mîmes
à
parler de l’Amérique, de la Russie et de la bombe atomique. Avez-vous
690
u, etc. ? Et Calvin ! Mais La Fontaine, Racine ?…
À
leur époque, ils accomplirent leur métier d’écrivain comme alors on l
691
e recréer une communauté qui oblige les écrivains
à
s’engager, à vouloir surmonter cette situation intenable… Sartre vien
692
communauté qui oblige les écrivains à s’engager,
à
vouloir surmonter cette situation intenable… Sartre vient de se lever
693
onnes partout. Vous voyez ça : des cretonnes !… »
À
New York, reprend Denis de Rougemont, j’ai eu la visite de Sartre. Il
694
re représentée par la génération des hommes de 40
à
50 ans. Je pensais que de plus jeunes nous relèveraient, s’imposeraie
695
imposeraient. Eh bien ! non. Ceux qui se tiennent
à
la pointe du combat se nomment Sartre, Bataille, Breton… Après l’autr
696
vait pas été ainsi. C’est, me semble-t-il, dis-je
à
mon tour, que le fossé creusé par la guerre de 1914 était moins profo
697
vrir un monde nouveau et de l’organiser. Tout est
à
recréer. Ils n’ont encore rien à dire, ou ce qu’ils voudraient exprim
698
aniser. Tout est à recréer. Ils n’ont encore rien
à
dire, ou ce qu’ils voudraient exprimer est encore imprécis. Ceux qui
699
que poursuivre les discours commencés avant 1939.
À
cette époque, ils portaient déjà en eux une vision du monde, un messa
700
on dirait qu’on est en marge du temps. Cela donne
à
notre colloque une apparente gratuité qui en trahit l’objet. Ce qu’il
701
eurs pensées et leur œuvre. Enfin, nous en venons
à
parler de l’Europe. Je suis profondément européen, me déclare Denis d
702
t, d’autre part, l’aide que l’union doit apporter
à
chaque région et à chaque personne. Au mois d’août dernier, au congrè
703
aide que l’union doit apporter à chaque région et
à
chaque personne. Au mois d’août dernier, au congrès de l’Union europé
704
’Union européenne des fédéralistes, qui se tenait
à
Montreux, j’ai prononcé une conférence où je développais les principe
705
l ne peut naître, disais-je, que d’un renoncement
à
toute idée d’hégémonie organisatrice, d’abord, à tout esprit de systè
706
à toute idée d’hégémonie organisatrice, d’abord,
à
tout esprit de système ensuite. Il ignore le problème des minorités (
707
il a pour base la sauvegarde des qualités propres
à
chaque nation, à chaque province. Il repose sur l’amour de la complex
708
sauvegarde des qualités propres à chaque nation,
à
chaque province. Il repose sur l’amour de la complexité. Et, ce qui e
709
moyen des personnes et des groupes, et non point
à
partir d’un centre ou par le moyen des gouvernements. C’est en dehors
710
temps des terribles simplificateurs. Je demande
à
Denis de Rougemont quels hommes prendraient part aux états généraux d
711
lle pas chimérique ? Nullement. Si nous parvenons
à
développer des réflexes de pensée fédéraliste, si ceux qui militent d
712
alistes, je vous l’assure, la partie sera plus qu’
à
moitié gagnée. Voici venue l’heure de nous séparer. Nous faisons enco
713
Denis de Rougemont quittera Paris et s’installera
à
Ferney, à l’ombre de Voltaire, l’un de ses maîtres. Là, avant d’entre
714
refusent le choix parce qu’il mènerait fatalement
à
la guerre. Pour les premiers, l’Europe n’est plus rien par elle-même
715
hez nous un parti stalinien, qui prend ses ordres
à
Moscou, mais aucun parti trumanien qui voterait selon les directives
716
gande organisée, aucun moyen de donner des ordres
à
nos masses ou à leurs députés. L’URSS possède une doctrine très préci
717
aucun moyen de donner des ordres à nos masses ou
à
leurs députés. L’URSS possède une doctrine très précise dont elle se
718
USA n’ont pas de doctrine, et n’ont rien d’autre
à
proposer qu’un genre de vie, leur way of life qui n’est nullement une
719
lors de la Conférence des Seize. L’URSS s’oppose
à
toute tentative d’unir les nations de l’Europe : c’est qu’elle veut d
720
ur régner. Les États-Unis, au contraire, poussent
à
la collaboration européenne, et surtout sur le plan économique. Ils n
721
Et si l’on regarde ce qui se passe en réalité
à
l’intérieur des deux empires, le contraste est encore plus frappant.
722
établir entre les deux puissances nous conduisent
à
la même conclusion : il n’y a pas de commune mesure entre le danger s
723
et le prétendu danger yankee. La Russie, qui vise
à
l’autarcie totalitaire sous la férule d’un parti unique, redoute les
724
e communication, s’ouvre enfin plus qu’aucun pays
à
toutes les influences du monde, et sait très bien que sa propre santé
725
e et autonome ; elle ne veut qu’une Europe livrée
à
sa merci par les rivalités nationalistes et la misère. À ce défi, nou
726
rci par les rivalités nationalistes et la misère.
À
ce défi, nous ne pouvons pas répondre en nous jetant simplement dans
727
ique n’a nullement l’intention de nous entretenir
à
grands frais comme des malades de luxe, ingrats et susceptibles. Elle
728
es de luxe, ingrats et susceptibles. Elle cherche
à
nous aider pour que nous ne tombions pas dans le piège grossier que n
729
sez compris. Dira-t-on qu’elle était Américaine ?
À
l’époque, on vit dans ce trait une exagération de l’esprit français.
730
ns ce trait une exagération de l’esprit français.
À
lire les plaintes ou les diatribes que provoque parmi nous depuis que
731
issent les grands trusts et Wall Street, acharnés
à
nous asservir tout en feignant de donner du lait en poudre aux enfant
732
caractère américain de leur entreprise, et donner
à
celle-ci le prestige populaire qui s’attache aux audaces d’outre-Atla
733
pes, au hasard de mes souvenirs, et sans recourir
à
d’autres sources qu’un vieux Lanson que j’ai sous la main. ⁂ En 1714,
734
pitoyables ciseaux… il y a retaillé des tragédies
à
la française », dit encore Lanson. Dans Hamlet, il supprime le fameux
735
le réduisent aux dimensions civilisées du volume
à
trois francs cinquante broché en jaune. Et j’allais oublier les Mille
736
œil, si on les place sur un rayon de bibliothèque
à
côté des 25 volumes de la traduction de Mardrus. Rappelons aussi les
737
et qu’ils semblent en passe de prendre ici. Quant
à
la légitimité de l’adaptation en général, les exemples français que j
738
l, les exemples français que j’ai cités suffisent
à
faire voir qu’elle est infiniment variable. La Motte et Ducis appauvr
739
omme des introductions insuffisantes, mais utiles
à
des œuvres d’accès malaisé. Bédier, enfin, restitue un chef-d’œuvre,
740
si, selon l’auteur et sa méthode, l’on va du pire
à
l’excellent. Le procédé lui-même n’est pas en cause, mais bien le tal
741
aussi le modèle (ou la victime) que l’on choisit.
À
ce propos, il est curieux de relever que tout se passe comme si les g
742
aplaties. Mais ils sursautent dès qu’on se risque
à
« condenser » un lauréat quelconque de la saison. Je dois avoir l’esp
743
son. Je dois avoir l’esprit mal fait : j’ai peine
à
partager cette répulsion. C’est que le style de Goethe m’importe dava
744
français de « condensés », c’est qu’ils accordent
à
des ouvrages moyens ou faibles un honneur qui convient aux plus grand
745
meur que Don Quichotte ou Robinson soient résumés
à
l’usage des enfants et des adolescents. Mais le fameux grand public,
746
raductions ? Et surtout des adaptations destinées
à
la scène ou à l’écran ? Le Procès de Kafka, quand Barrault le met en
747
t surtout des adaptations destinées à la scène ou
à
l’écran ? Le Procès de Kafka, quand Barrault le met en scène dans la
748
t « condensé » en cinquante pages ? Faut-il crier
à
l’américanisme ? Ou plutôt se féliciter de voir cette œuvre atteindre
749
t, je salue de mes vœux toute entreprise qui tend
à
populariser la connaissance des chefs-d’œuvre. Et je crois vain de s’
750
ns jamais récrire, c’est-à-dire qu’ils se bornent
à
des coupures, et s’il faut un raccord ici ou là, qu’ils l’impriment d