1 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
1 s et d’essayistes des plus jeunes générations, en Europe , en Angleterre et dans les deux Amériques. Notons que si cette influe
2 1946, Articles divers (1946-1948). Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)
2 nternationales » placées sous l’égide de L’Esprit européen . On y a entendu des conférences et des discussions, des concerts, des
3 comme on dit. C’est comme cela qu’existe l’esprit européen  : dans la libre discussion, nous confie Denis de Rougemont. La libert
4 ougemont. La liberté d’opposition est typiquement européenne . Même sans en tirer de conclusion, sans trouver une solution. L’Europ
5 tirer de conclusion, sans trouver une solution. L’ Européen veut prendre conscience du drame qui se joue en lui, qui se joue en c
6 L’Américain, lui, c’est ce qui le distingue de l’ Européen , court à la conclusion. Il veut une solution pratique, autant que pos
7 rès une conversation, de changer d’opinion. Pas l’ Européen . L’Européen se retranche dans ses convictions et pense que l’adversai
8 ersation, de changer d’opinion. Pas l’Européen. L’ Européen se retranche dans ses convictions et pense que l’adversaire est mécha
9 t, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’esprit européen s’inspire d’une grande liberté et d’une parfaite franchise de paroles
10 ise de paroles. Sinon, ce ne serait plus l’esprit européen , où la France donne le ton, la France qui est un pays de dialogue, co
11 at, pas au nom d’un peuple, mais d’un réel esprit européen . Nous ne sommes pas une nation, nous sommes une confédération, donc b
12 t la voix ne peut plus être séparée des dialogues européens . Il souhaite encore que l’on organise à Genève un Café de Flore de l’
13 on organise à Genève un Café de Flore de l’Esprit européen , ou chacun se rencontrera librement, en dehors de toute officialité.
3 1947, Articles divers (1946-1948). La lutte des classes (1947)
14 itions locales les plus touchantes et des express européens , petits trajets portés sur les axes du monde. Quel ennui, ces seconde
4 1947, Articles divers (1946-1948). Les maladies de l’Europe (1947)
15 Les maladies de l’ Europe (1947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe à laquelle
16 947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe à laquelle je reviens après six ans d’absence, et certains événements
17 avez lu toute son histoire. Ainsi j’ai retrouvé l’ Europe . Sur son visage et dans son expression certains traits accusés et ten
18 e et le plus naturel. Je vais donc regarder notre Europe et j’éviterai de faire du sentiment puisque aussi bien tout se passe
19 maintenant, qu’allons-nous faire ensemble ? » ⁂ L’ Europe a mauvaise mine, il faut l’avouer. Avant même que l’on puisse détaill
20 c imposé son point de vue. Ainsi d’Hitler et de l’ Europe démocratique. Ce ne sont pas seulement les ruines et les désordres ma
21 t devant nous a réveillé ces forces parmi nous. L’ Europe a été façonnée par le judéo-christianisme, par la notion grecque d’in
22 de là, les progrès de la déchristianisation de l’ Europe . Commencée parmi les élites, au xviiie siècle, avec l’attaque des ra
23 ion d’une chrétienté identifiable au concept de l’ Europe , Die Christenheit oder Europa, selon le titre du fameux essai de Nova
24 ble au concept de l’Europe, Die Christenheit oder Europa , selon le titre du fameux essai de Novalis. Les masses comme les élit
25 veau conformisme. Dans telles grandes capitales d’ Europe , on voit des écrivains et des savants donner des gages d’apparente lo
26 cès de fixation, se révèlent à l’observateur de l’ Europe d’après-guerre. J’en mentionnerai quelques-uns rapidement. La Résista
27 ntionnerai quelques-uns rapidement. La Résistance européenne , admirable sursaut d’une liberté blessée qui se défendait, mais aussi
28 onalisme fait rage, cette maladie romantique de l’ Europe . Lui seul, sous le couvert de je ne sais quels prétextes parés du nom
29 etites occupations les aliénés. Si l’on se bat en Europe demain, ce sera au nom de la démocratie contre le peuple, au nom du p
30 ticisme lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’ Europe que je viens d’esquisser devant vous pèche par excès de pessimisme, e
31 gnore pas que l’autodénigrement, chez nous autres Européens , se confond trop souvent avec le sens critique. Je n’ignore pas que l
32 ugements subjectifs : c’est que la situation de l’ Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est même totalement renversée
33 s l’automne de 1939. Avant cette guerre, le nom d’ Europe évoquait un foyer intense dont le rayonnement s’élargissait sur tous
34 t s’élargissait sur tous les autres continents. L’ Europe nous semblait donc plus grande qu’elle n’était. D’où l’effet de choc
35 l’autre guerre, la phrase fameuse de Valéry sur l’ Europe « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’Europe vue d’Amérique, et j’im
36 r l’Europe « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’ Europe vue d’Amérique, et j’imagine aussi vue de Russie, paraît plus petite
37 efermée sur elle-même. Il y a plus. Nous voyons l’ Europe comme vidée, au profit de ces deux empires, de certaines ambitions, d
38 s allusion tout à l’heure — semble avoir évacué l’ Europe pour émigrer vers l’Amérique et la Russie. C’est une notion qui s’éti
39 ansion irrésistible, impérialiste ou généreuse, l’ Europe a diffusé sur la planète, sans distinction, ses découvertes et ses ut
40 que, qui ont fait fortune en Amérique, venaient d’ Europe  ; comme en venaient le matérialisme dialectique, la technique révolut
41 u’à la morale, autrefois religieuse. Tout vient d’ Europe , tout cela fut nôtre à l’origine. Mais alors, comment et pourquoi ces
42 ne. Mais alors, comment et pourquoi ces créations européennes n’ont-elles pas connu en Europe leur plein succès ? Et comment et pou
43 es créations européennes n’ont-elles pas connu en Europe leur plein succès ? Et comment et pourquoi, hors d’Europe, ont-elles
44 eur plein succès ? Et comment et pourquoi, hors d’ Europe , ont-elles subi cette croissance gigantesque ? Pourquoi n’ont-elles p
45 ni tout leur bien, ni tout leur mal ? C’est qu’en Europe , elles se trouvaient toujours en état de composition, tandis qu’aille
46 adictions, définit l’équilibre humain qu’on nomme Europe . Il conditionne aussi notre culture. Et nous allons voir qu’il tradui
47 uit, et parfois aussi qu’il trahit, la conception européenne de l’homme. Toute la question est de savoir si nous saurons maintenir
48 Ces chances paraissent très faibles en vérité. L’ Europe a dominé le monde pendant des siècles par sa culture d’abord, dès le
49 ’efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses c
50 ent unanimes à tenir activement le parti de cette Europe , de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse sociologique
51 tenir vitalement aux conceptions et aux coutumes européennes , que deux classes par ailleurs tout opposées : les intellectuels non
52 osition. Telle est, en gros, notre situation. Une Europe démoralisée par sa victoire douteuse sur Hitler, rétrécie et coincée
53 itime de s’obstiner, de parler d’une défense de l’ Europe , de nous cramponner à ses restes, et même d’appeler à son secours des
54 n vérité ? Cette même question, je sais plusieurs Européens qui se la posent en termes tout à fait urgents et familiers, quand il
55 s et familiers, quand ils se demandent si c’est l’ Europe ou l’Amérique qu’il leur faut souhaiter pour leur enfant. Car nous pe
56 haiter pour leur enfant. Car nous pensons à notre Europe comme à un « Vaterland », pays des pères, mais l’Amérique, ou la Russ
57 je leurs espoirs à mes souvenirs ? En défendant l’ Europe , il s’agit donc de savoir si nous défendons plus et mieux que de bell
58 mêler à la vision de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de musée plus ou moins bien tenu, ou au contraire la
59 moins bien tenu, ou au contraire la vision d’une Europe qui aurait cédé aux tentations d’un bonheur étranger à son génie, une
60 tentations d’un bonheur étranger à son génie, une Europe américanisée — ce serait par goût — soviétisée — ce serait par contra
61 nisée. Un musée ou une colonie… autant dire : une Europe absente… Imaginons le monde heureux, prospère, et puissamment organis
62 mot, vague et poignant : c’est le mot « âme ». L’ Europe absente, démissionnaire, colonisée, c’est un certain sens de la vie,
63 t donc pas au nom de je ne sais quel nationalisme européen qu’il nous faut défendre l’Europe, mais au seul nom de l’humanité la
64 nationalisme européen qu’il nous faut défendre l’ Europe , mais au seul nom de l’humanité la plus consciente et la plus créatri
65 t l’autre jour, ici même, l’existence d’un esprit européen , et c’était un appel, nous l’avions tous compris. C’est un point de v
66 l’on observe. Mais si maintenant nous regardons l’ Europe dans le monde, ce changement de point de vue va nous faire voir une t
67 s solide réalité spirituelle. S’il est vrai que l’ Europe , jusqu’à ce siècle, ne s’est guère sentie et conçue comme un tout, co
68 de l’homme. Esquissons cette comparaison entre l’ Europe et les nouveaux empires qui se désignent typiquement par des lettres
69 ine de la religion, de la culture et de la morale européennes , il y a l’idée de la contradiction, du déchirement fécond, du conflit
70 histoire, et sans drame. Il s’ensuit que le héros européen sera l’homme qui atteint, dramatiquement, le plus haut point de consc
71 aisons de vivre, même mortelles. Voilà pourquoi l’ Européen typique sera tantôt un révolutionnaire ou un apôtre, un amant passion
72 mal sont liés, inextricablement et vitalement. L’ Européen connaît donc la valeur essentielle des antagonismes, de l’opposition
73 ière un peu trop schématique et abstraite entre l’ Européen , d’une part, l’Américain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas à
74 arge vérité ; que telle est bien la vocation de l’ Europe , et que l’Europe existe au plus haut point comme entité spirituelle,
75 telle est bien la vocation de l’Europe, et que l’ Europe existe au plus haut point comme entité spirituelle, dans les diversit
76 otre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’ Europe et de ces deux filles parfois ingrates du plus grand Occident nous su
77 t nous suggère une formule de l’homme typiquement européen  : c’est l’homme de la contradiction, l’homme dialectique par excellen
78 i est pour un seul. Crucifié, dis-je, car l’homme européen en tant que tel n’accepte pas d’être réduit à l’un ou à l’autre de ce
79 de ces tensions, l’effort principal de l’esprit. Européenne sera donc, typiquement, la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer
80 riserait trop facilement d’une certaine tradition européenne , non la meilleure. Je préfère emprunter, pour un moment, à nos voisin
81 ntenir et pour illustrer les valeurs propres de l’ Europe . Ce sera peut-être un bon moyen de les définir dans l’actuel. Sauver
82 bon moyen de les définir dans l’actuel. Sauver l’ Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’Europe, c’est pratiquement,
83 ’Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’ Europe , c’est pratiquement, et aujourd’hui, empêcher à tout prix la guerre.
84 aire les faire d’une manière non sanglante, car l’ Europe ne peut pas s’offrir des destructions supplémentaires.) Et je sais tr
85 vient de voir qu’elle est la condition de l’homme européen , la source vive de sa grandeur et de sa spiritualité. Voilà le drame.
86 re la liberté et l’engagement, dont s’honorent en Europe les pays dominés par l’influence protestante. Si nous nous demandons,
87 ous demandons, en effet, quels sont les pays de l’ Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce sont sans contredit
88 nation unie, puis entre les nations diverses et l’ Europe  ; puis entre l’Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons
89 e les nations diverses et l’Europe ; puis entre l’ Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tentations
90 ant. La volonté qui possède Bonaparte d’unifier l’ Europe au mépris des diversités nationales provoquera, sous Napoléon, la nai
91 , qu’il faut voir dans le nationalisme la maladie européenne , l’anti-Europe par excellence. Je compare le nationalisme à une espèc
92 de la sorte, qui se conduit alors vis-à-vis de l’ Europe comme un groupe absolutisé, comme un vulgaire individu dont la préten
93 vertu de l’exemple vécu. Telle est la santé de l’ Europe , et telles sont ses deux maladies, contradictoires en apparence, mais
94 re de l’homme. Et c’est pourquoi la vocation de l’ Europe et des élites qui portent la conscience de cette Europe, m’apparaît,
95 et des élites qui portent la conscience de cette Europe , m’apparaît, dans un double office de vigilance et d’invention. Le tr
96 ffice de vigilance et d’invention. Le trésor de l’ Europe , c’est son idée de l’homme. Mais c’est un trésor explosif, d’où la né
97 rder la liberté dans l’ordre. Après tout, c’est l’ Europe qui a sécrété ce contagieux nationalisme, c’est à elle d’inventer son
98 t Messieurs, si les descriptions pessimistes de l’ Europe auxquelles je me suis livré en débutant sont exactes, il peut paraîtr
99 étrange de parler après cela d’une vocation de l’ Europe . Pour exercer une vocation, il faut d’abord être vivant, il faut surv
100 faut d’abord être vivant, il faut survivre. Or l’ Europe démoralisée, coincée entre deux grands empires, minée par son propre
101 ses vertus bien plus encore que par ses vices, l’ Europe a-t-elle des chances de vivre encore assez pour qu’il ne soit pas uto
102 tôt lorsqu’elle est accomplie. Or, notre vocation européenne me paraît encore loin d’être accomplie… Mais cette raison irrationnel
103 e raison toute physique, géographique d’abord : l’ Europe , cette Grèce agrandie, est un continent cloisonné, et par nature dive
104 , qui affecte une certaine part de nos esprits, l’ Europe garde encore l’apanage du scepticisme et de l’esprit critique. Les Ég
105 l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’ Europe . Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou
106 res, l’homme en soi — l’éternel résistant ! Or, l’ Europe , et c’est là sa grandeur, a justement vécu de toutes ces choses gênan
107 eux du moins leurs enfants. Un dernier trait : l’ Europe , surtout si on la compare aux deux empires séparés d’elle, et que je
108 que je nomme les deux empires sans précédent — l’ Europe est la patrie de la mémoire. Elle est même, pratiquement, la mémoire
109 intimité des relations humaines. Voilà pourquoi l’ Europe a toutes les chances de rester la patrie de l’invention — alors que l
110 e qui nous permet donc d’aller plus loin. Ainsi l’ Europe construit des églises modernes, en verre et en ciment armé, tandis qu
111 r des églises en gothique neuf. C’est parce que l’ Europe est la mémoire du monde qu’elle ne cessera pas d’inventer. Elle reste
112 ir… oui, s’il est un avenir, non seulement pour l’ Europe , mais pour le monde. Dans une certaine mesure, qui est celle du réali
113 e atomique éclate, il n’y a plus de problème de l’ Europe , et d’une façon plus générale, il n’y a peut-être plus de problème de
114 ussi, l’avenir du monde dépend de l’attitude de l’ Europe , et de son pouvoir d’invention. Ici, point de malentendu ! Ne demando
115 Ne demandons pas l’instauration d’une fédération européenne pour que se crée un troisième bloc, un bloc-tampon, ou un bloc opposé
116 der, et obtenir, nous tous, c’est que les nations européennes s’ouvrent d’abord les unes aux autres, suppriment sur tous les plans
117 une attitude nouvelle, une confiance — ouvrant l’ Europe au monde, du même coup. Ce qu’il nous faut demander et obtenir — obte
118 nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’ Europe découvre, et qu’il propage, les antitoxines des virus dont il a infes
119 a infesté le monde entier. Il n’y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’une fédération mondiale. Il n’y a de paix et d
120 ondial. Et le monde, pour ce faire, a besoin de l’ Europe , j’entends de son esprit critique autant que de son sens inventif. La
121 de son sens inventif. La pensée du monde, c’est l’ Europe . Et s’il s’agit vraiment de penser, que penser d’autre pour la paix,
122 ui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant à l’ Europe et à sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec moi : Je
123 s ! g. Rougemont Denis de, « Les maladies de l’ Europe  », L’Esprit européen, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1947, p. 
124 Denis de, « Les maladies de l’Europe », L’Esprit européen , Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1947, p. 143-163.
5 1947, Articles divers (1946-1948). L’opportunité chrétienne (1947)
125 ns oser se l’avouer, les chrétiens devenaient, en Europe comme ailleurs, une minorité doucement persécutée. Cette persécution
6 1947, Articles divers (1946-1948). La guerre des sexes en Amérique (janvier 1947)
126 de six ans en Amérique. Les mœurs sexuelles de l’ Europe peuvent être définies comme un jeu très complexe opposant un ensemble
127 llywood, en dépit de toutes les censures ? Car en Europe , le vice et la vertu restent fort étroitement liés, l’un vivant de l’
128 peu plus). On ne saurait dire d’elle, comme de l’ Européenne , par, métaphore idéaliste, qu’elle règne au sein de son foyer ; car e
129 issant à l’extrême, dont la majorité des femmes d’ Europe souffrent encore, pour la plus grande satisfaction des hommes. L’Amér
130 sais quoi de repoussant (et pas seulement pour un Européen , je m’en assure) dans un rassemblement de femmes d’âge moyen, non dép
131 en ordre de deux vies individuelles. C’est qu’en Europe , l’on se préoccupe avant tout du passé, d’un capital de souvenirs et
132 ifs allégués, il y a comme partout l’adultère. En Europe , où l’on croit au mariage-sacrement, à la continuité de la famille, à
133 grande licence des mœurs chez les jeunes gens, l’ Européen s’étonne de ne point trouver trace de ce qu’il nommait libertinage. L
134 Disons, pour fixer les idées, que les deux romans européens les moins pensables en Amérique seraient sans doute Adolphe et les Li
135 ion n’existe que chez lesdits critiques. Certains Européens penseraient plutôt de la même jeunesse qu’elle manque de vraie sensua
136 Russie soviétique et d’une partie de la jeunesse européenne . Essayons de le définir en quelques traits. Perte du sens tragique de
7 1947, Articles divers (1946-1948). Journal d’un intellectuel en exil (mars 1947)
137 aissent encore moins intégrés que leurs confrères européens à la vie de leur propre nation. Cela tient sans doute à mille raisons
138 e américaine, disciples réticents de nos écoles d’ Europe , cherchant une méthode de pensée plutôt que des fondements spirituels
139 . Une jeune romancière me disait : « Vous autres, Européens , vous écrivez comme si vous étiez déjà morts. Oh ! ce n’est pas un re
140 les plus heureux du monde. ⁂ Cambridge retient l’ Européen , parce qu’à la différence des autres bourgs de ce pays, l’on y trouve
141 La guerre va mal, il faut le dire, et persuader l’ Europe qu’elle ira bien demain. La campagne sous-marine bat son plein, Tobro
142 gnifie pratiquement un peu plus de bateaux vers l’ Europe . Leur dire que la production de guerre américaine peut leur sembler u
143 ler, de me retrouver, pour rentrer tout entier en Europe après ces deux années de violente dérive. … mais sachez-le : Nous n’
144 r en France, — dans quelle France, et dans quelle Europe  ? Nous étions soumis à l’érosion de l’exil, moins brutale, certes, ma
8 1947, Articles divers (1946-1948). Drôle de paix (7 juin 1947)
145 échéance, sur le sort de chacune de nos nations d’ Europe et sur nos vies individuelles. Il n’est pas un de ces faits qu’on pui
146 réliminaire de la lutte pour l’autonomie. Voici l’ Europe enfin, cette Europe qui naguère était le plus orgueilleux des contine
147 tte pour l’autonomie. Voici l’Europe enfin, cette Europe qui naguère était le plus orgueilleux des continents, et qui fait une
148 ité et les plaisirs plus lucides de l’angoisse. L’ Europe patrie de l’invention, du « système D » et de la réplique rapide, don
149 oblige à rationner le charbon et l’électricité. L’ Europe qui, à peine délivrée des tyrans et des dictatures, cesse de croire à
150 es dictatures, cesse de croire à la démocratie. L’ Europe qui se donne pour battue, quand à elle seule elle totalise plus d’hab
151 e politique en Asie, manque de foi et d’espoir en Europe . Je dis bien que notre paix repose sur ces manques, qu’elle y trouve
152 tentée d’abuser de ses avantages actuels. Et si l’ Europe était moins abîmée, qui sait quelle arrogance elle ne retrouverait pa
153 étanches de leur autarcie politique ; parce que l’ Europe sans elle s’enfoncerait encore plus dans sa névrose de scepticisme et
9 1947, Articles divers (1946-1948). Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)
154 raliste qu’a entendue le congrès des fédéralistes européens de la bouche de M. Denis de Rougemont a eu un retentissement considér
155 un ouvrage sur la Suisse, intitulé Le Cœur de l’ Europe et dont il n’existe qu’une édition anglaise. Ce qu’on sait moins che
156 gument principal le cas de notre propre armée. En Europe même, les écrits de M. de Rougemont, ont marqué de leur influence une
157 uisse, malgré son petit cadre, est valable pour l’ Europe . Voyez-vous, on ne se rend pas compte, en Suisse, qu’il existe en nou
158 , qu’il existe en nous, aujourd’hui, un sentiment européen , ce qui n’empêche pas, il est vrai, bon nombre d’entre nous de douter
159 e nous de douter de la naissance d’une fédération européenne . Mais ce qui me paraît important et encourageant tout à la fois, c’es
160 alut de notre fédéralisme ne peut venir que d’une Europe fédérée. o. Rougemont Denis de, « [Entretien] Conversation à bâton
10 1947, Articles divers (1946-1948). L’attitude fédéraliste (octobre 1947)
161 philosophe allemand Karl Jaspers déclarait que l’ Europe n’a plus de choix qu’entre la balkanisation et l’helvétisation. Je su
162 ntendait par balkanisation la désintégration de l’ Europe en nationalismes rivaux, et par helvétisation au contraire, l’intégra
163 édéraliste ne projette pas devant elle une utopie européenne qu’il s’agirait simplement de rejoindre, ou des plans statiques qu’il
164 sonne. Il est infiniment probable que sur le plan européen , nous allons voir se dessiner deux tendances toutes semblables à cell
165 : ou se nier, ou triompher, mais sur le plan de l’ Europe entière. Le grand danger de l’heure présente, pour la Suisse, je le v
166 nscience de ses fins. De même pour le fédéralisme européen . Un instinct commun se formait peu à peu, depuis la guerre de 1914-19
167 er. Brusquement, la question se pose de fédérer l’ Europe dès la paix rétablie. Mais parce qu’elle se pose brusquement, cette q
168 licables, immédiatement, dans l’état présent de l’ Europe . Premier principe. — La fédération ne peut naître que du renoncement
169 er, dans leurs tentatives pour faire l’unité de l’ Europe , sont des avertissements utiles, ils nous confirment dans l’idée qu’o
170 éfendues et maintenues. De même, la richesse de l’ Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’un
171 e tout mélanger, et d’obtenir une sorte de nation européenne , où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs,
172 n de ces groupes, et qui les brimerait tous. Si l’ Europe doit se fédérer, c’est pour que chacun de ses membres bénéficie de l’
173 le menacent. Chacune des nations qui composent l’ Europe y représente une fonction propre, irremplaçable, comme celle d’un org
174 armonie avec tous les autres. Si les nations de l’ Europe arrivaient à se concevoir dans ce rôle d’organes divers d’un même cor
175 le moyen des gouvernements. Je vois la fédération européenne se composer lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manière
176 ui créent peu à peu des réseaux variés d’échanges européens . Rien de tout cela n’est inutile. Et tout cela, qui paraît si dispers
177 ope. Au-dessous et au-dessus des gouvernements, l’ Europe est beaucoup plus près de s’organiser qu’il ne le semble. Elle est dé
178 u l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération européenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts
179 ces personnes qui formeront le gouvernement de l’ Europe . Il n’y a pas d’autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pa
180 latif issus des peuples. Le jour où les peuples d’ Europe auront compris qu’ils sont en réalité beaucoup plus solidaires et plu
181 dans nos efforts et nos débats pour promouvoir l’ Europe unie, si nous ne restons pas en garde vigilante contre les réflexes t
182 artie sera déjà plus qu’à moitié gagnée. Car si l’ Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu’elle le devra, et à eux seuls.
183 gitation de l’opinion et des peuples dans toute l’ Europe qui les poussera. De cette agitation, que je voudrais baptiser la Nou
184 , que je voudrais baptiser la Nouvelle Résistance européenne , nous nous sommes déclarés responsables au récent congrès de Montreux
11 1947, Articles divers (1946-1948). La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)
185 uisée dans son pays » ; 2° Truman veut asservir l’ Europe au dollar ; 3° Donc Truman impose à l’Europe la lecture de Henry Mill
186 ir l’Europe au dollar ; 3° Donc Truman impose à l’ Europe la lecture de Henry Miller, et ce dernier qui est « le plus rusé de t
187 is alors, et pour les mêmes raisons, le succès en Europe occidentale de Tolstoï et Dostoïevsky devrait être mis au crédit des
188 McDonald, et d’une trentaine de romanciers dont l’ Europe ne connaît même pas les noms, tirent à 800 000 avant la mise en vente
189 r parler comme les communistes. Les intellectuels européens qui ont connu de près la vie américaine ont coutume d’insister sur de
190 traîne une quantité d’emprisonnements. Mais nous, Européens , quels efforts faisons-nous pour qu’une masse élargie assimile les id
191 ce, une pertinence, une cruauté qu’aucun critique européen n’égale. De Mencken à Philip Wylic, de Thorsten Veblen à Reinhold Nie
192 icains eux-mêmes, avec une liberté d’esprit que l’ Europe ne peut qu’envier, et qui épouvanterait les staliniens. La balance n’
193 américains, est celui de notre public. Mais sur l’ Europe , en général, l’influence américaine s’est exercée en deux occasions p
12 1947, Articles divers (1946-1948). Une Europe fédérée (20 décembre 1947)
194 Une Europe fédérée (20 décembre 1947)r J’entends dire tous les jours depuis l
195 ntreux9 : « Vous y croyez à cette fédération de l’ Europe  ? » Je réponds qu’il s’agit plutôt de la vouloir. « Mais pourquoi, me
196 ouloir ? » Je réponds qu’il n’y a qu’à regarder l’ Europe , qu’à faire son bilan de misères, qu’à voir la place qu’elle tient en
197 en dégage. Quelques faits La fédération de l’ Europe est inscrite dans les faits les plus neufs de ce siècle, les uns tech
198 min de l’Amérique à la Russie ne passe plus par l’ Europe , mais par le pôle. La radio, l’aviation, l’économie redistribuent nos
199 n même temps qu’elles les rendent plus étroits. L’ Europe est plus petite que nous ne pensions, le monde plus grand. Nos descen
200 en que Valéry ait pu nous étonner en notant que l’ Europe n’est qu’un cap de l’Asie. À ces faits matériels vient s’ajouter le g
201 et les démocraties : tout se passait entre nous, Européens , nous sentions donc surtout nos divisions. Aujourd’hui les deux Grand
202 de la culture elle y perdrait autant que nous. L’ Europe a dépassé le stade de l’individualisme économique. Son rôle est d’inv
203 mœurs, l’idée de l’homme commune aux peuples de l’ Europe  : ni l’individu sans devoirs ni le soldat politique sans droits, mais
204 r tous et le tous pour un. Voilà la vocation de l’ Europe . Or il est clair qu’aucune de nos nations n’est en mesure de la réali
205 sition foncière. Qui oserait dire : « Je veux une Europe désunie ! Je veux que nos rivalités se perpétuent ! Je veux que nos p
206 qu’ils y ajoutent un troisième refus, celui de l’ Europe , jusqu’à ce qu’ils soient dûment colonisés ! » Personne n’ose dire ce
207 férente : « Vous y croyez à cette fédération de l’ Europe  ?… » Derrière ce scepticisme en quête d’un sourire complice ou gêné (
208  ! Enfin le stalinisme a décrété que l’union de l’ Europe est antirusse, ce qui est la manière stalinienne de dire que la Russi
209 ne de dire que la Russie ne veut pas la paix de l’ Europe . Invités aux congrès fédéralistes, les communistes répondent en tiran
210 bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’à faire l’ Europe sans eux. Les sceptiques rejoindront un jour, les défaitistes auront
211 de doubles négations et de demi-mesures — c’est l’ Europe fédérée devant les deux empires. C’est l’Europe rejoignant le xixe s
212 l’Europe fédérée devant les deux empires. C’est l’ Europe rejoignant le xixe siècle, pour en prendre la tête et inventer l’ave
213 à libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe . 9. Le congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui s’est t
214 uérir : notre Europe. 9. Le congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui s’est tenu à Montreux à la fin du mois d’août.
215 in du mois d’août. r. Rougemont Denis de, « Une Europe fédérée », Une Semaine dans le monde, Paris, 20 décembre 1947, p. 1-2
13 1948, Articles divers (1946-1948). Rencontre avec Denis de Rougemont (janvier 1948)
216 auvoir s’entretiennent fiévreusement du sort de l’ Europe . L’auteur de La Part du diable m’en parlera lui aussi, tout à l’heure
217 e hier la prohibition. Voilà qui allait de soi en Europe aussi, avant le xixe siècle. Que faisaient Dante, Cervantès, Swift,
218 t leur œuvre. Enfin, nous en venons à parler de l’ Europe . Je suis profondément européen, me déclare Denis de Rougemont. Mais j
219 venons à parler de l’Europe. Je suis profondément européen , me déclare Denis de Rougemont. Mais je pense que notre continent ne
220 ne. Au mois d’août dernier, au congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se tenait à Montreux, j’ai prononcé une confére
221 naître. Il faut provoquer les états généraux de l’ Europe . C’est le seul moyen d’échapper au totalitarisme de plus en plus mena
222 faits. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’ Europe  ? Mais, encore une fois, il convient de se hâter, car je vois venir l
223 s hommes prendraient part aux états généraux de l’ Europe dont il vient de me parler. Il faut, me répond-il, que toutes les pro
224 spirations pourront s’exprimer que le fédéralisme européen pourra s’imposer. Mais sa réalisation ne vous semble-t-elle pas chimé
14 1948, Articles divers (1946-1948). Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)
225 rait fatalement à la guerre. Pour les premiers, l’ Europe n’est plus rien par elle-même et devrait s’attacher au plus vite soit
226 . Autrement dit, l’URSS est présente dans toute l’ Europe aux élections et dans les parlements, elle a ses troupes disciplinées
227 est nullement une arme de combat. Par rapport à l’ Europe , les intentions des deux empires ne sont pas davantage comparables. O
228 ’oppose à toute tentative d’unir les nations de l’ Europe  : c’est qu’elle veut diviser pour régner. Les États-Unis, au contrair
229 s-Unis, au contraire, poussent à la collaboration européenne , et surtout sur le plan économique. Ils nous veulent forts, donc auto
230 commune mesure entre le danger soviétique pour l’ Europe et le prétendu danger yankee. La Russie, qui vise à l’autarcie totali
231 quer ce fait brutal : la Russie ne veut pas d’une Europe forte, c’est-à-dire d’une Europe unie et autonome ; elle ne veut qu’u
232 e veut pas d’une Europe forte, c’est-à-dire d’une Europe unie et autonome ; elle ne veut qu’une Europe livrée à sa merci par l
233 une Europe unie et autonome ; elle ne veut qu’une Europe livrée à sa merci par les rivalités nationalistes et la misère. À ce
234 hoix qui nous reste ouvert, c’est donc celui de l’ Europe elle-même. La seule manière possible de défendre l’Europe, c’est de l
235 lle-même. La seule manière possible de défendre l’ Europe , c’est de la faire, donc de nous fédérer. Malgré les Russes et avec l
15 1948, Articles divers (1946-1948). Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)
236 e invention américaine, mais une ancienne coutume européenne , et plus spécifiquement française. Insistons un peu sur le fait, avan