1 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
1 l faut tenir la théologie chrétienne pour la mère de la pensée occidentale, de même que l’Église, par son culte, est la mè
2 de même que l’Église, par son culte, est la mère de presque tous nos arts. La musique est née dans le chœur des églises e
3 st née dans le chœur des églises et des chapelles de couvents. La peinture et la sculpture se sont constituées sur les aut
4 s rythmes poétiques ont été propagés par le latin d’ église. Et ce n’est point que tous ces arts classiques ne soient sorti
5 int que tous ces arts classiques ne soient sortis de l’enceinte ecclésiastique dès le déclin du Moyen Âge, mais il n’en es
6 toire ne manifestent à chaque instant l’influence de telles origines. Or le lien de filiation entre nos disciplines de pen
7 nstant l’influence de telles origines. Or le lien de filiation entre nos disciplines de pensée et la théologie, pour être
8 es. Or le lien de filiation entre nos disciplines de pensée et la théologie, pour être moins généralement reconnu, n’en es
9 s temps où la philosophie n’était que la servante de la théologie, ses efforts d’émancipation les plus violents, et même c
10 tait que la servante de la théologie, ses efforts d’ émancipation les plus violents, et même couronnés de succès, n’ont pu
11 émancipation les plus violents, et même couronnés de succès, n’ont pu que confirmer une dépendance qui n’est certes plus d
12 ue confirmer une dépendance qui n’est certes plus de droit, mais n’en demeure pas moins de fait et de nature, autant que d
13 certes plus de droit, mais n’en demeure pas moins de fait et de nature, autant que d’origine. Les grandes doctrines encore
14 de droit, mais n’en demeure pas moins de fait et de nature, autant que d’origine. Les grandes doctrines encore vivantes e
15 emeure pas moins de fait et de nature, autant que d’ origine. Les grandes doctrines encore vivantes et agissantes au xxe s
16 rits du jeune Marx sur la dialectique hégélienne. De nos jours, le vocabulaire technique s’est transformé, les références
17 ou non, qu’on l’admette comme Bergson vers la fin de sa carrière, qu’on cherche à le camoufler comme Heidegger, ou qu’on p
18 ées par les écrivains eux-mêmes, ont fait l’objet de travaux fameux : ainsi l’influence de saint Thomas sur Dante, de Calv
19 ait l’objet de travaux fameux : ainsi l’influence de saint Thomas sur Dante, de Calvin sur d’Aubigné, du jansénisme sur Pa
20 ux : ainsi l’influence de saint Thomas sur Dante, de Calvin sur d’Aubigné, du jansénisme sur Pascal et Racine, de Swedenbo
21 nfluence de saint Thomas sur Dante, de Calvin sur d’ Aubigné, du jansénisme sur Pascal et Racine, de Swedenborg sur Balzac,
22 ur d’Aubigné, du jansénisme sur Pascal et Racine, de Swedenborg sur Balzac, de Newman sur Gerard Manley Hopkins. Mais il n
23 e sur Pascal et Racine, de Swedenborg sur Balzac, de Newman sur Gerard Manley Hopkins. Mais il ne me paraît pas que le pro
24 té clairement posé ou étudié, ni par les docteurs de l’Église, ni par les critiques littéraires. Et cependant comment en n
25 ur le public cultivé un empire comparable à celui de la radio sur les masses, tandis que la prédication chrétienne semble
26 nne semble réduite, dans la cité, aux proportions d’ un chuchotement intermittent ? L’ignorance réciproque dans laquelle th
27 al ? Il est clair que la théologie n’a pas besoin de la littérature et peut s’en désintéresser sans grand dommage. Si l’on
28 age. Si l’on admet qu’elle a pour objet principal de formuler et de critiquer le dogme chrétien dans l’Église, elle est en
29 met qu’elle a pour objet principal de formuler et de critiquer le dogme chrétien dans l’Église, elle est en droit de laiss
30 e dogme chrétien dans l’Église, elle est en droit de laisser à d’autres le soin d’appliquer ses critères hors de l’Église.
31 , elle est en droit de laisser à d’autres le soin d’ appliquer ses critères hors de l’Église. Mais il est beaucoup moins év
32 nt que la littérature puisse se passer impunément de la théologie. Et il est bien certain que lorsqu’elle s’en passe, les
33 e des fidèles ne sauraient échapper à l’influence de leurs lectures, cependant qu’ils éprouvent une difficulté croissante
34 ulté croissante à juger celles-ci du point de vue de leur foi : le vocabulaire de la piété et celui de la littérature, les
35 s-ci du point de vue de leur foi : le vocabulaire de la piété et celui de la littérature, les atmosphères qu’elles créent,
36 de leur foi : le vocabulaire de la piété et celui de la littérature, les atmosphères qu’elles créent, les problèmes qu’ell
37 les valeurs morales qu’elles tiennent pour allant de soi, tout est devenu trop différent, et presque sans commune mesure.
38 à redouter que les théologiens se mettent à faire de la critique littéraire, comme il arrive qu’on en lise sous leur nom d
39 rrive qu’on en lise sous leur nom dans les revues de pensée religieuse : il s’agit trop souvent de comptes rendus d’amateu
40 ues de pensée religieuse : il s’agit trop souvent de comptes rendus d’amateurs qui cherchent à parler des livres « comme t
41 gieuse : il s’agit trop souvent de comptes rendus d’ amateurs qui cherchent à parler des livres « comme tout le monde » et
42 leur « spécialité ». Mon idée serait bien plutôt d’ exiger des critiques littéraires un minimum de connaissances théologiq
43 tôt d’exiger des critiques littéraires un minimum de connaissances théologiques, dont ils se montrent cruellement dépourvu
44 suis le premier à protester contre ces citations d’ auteurs à la mode — ou plus souvent à la mode d’il y a cinquante ans —
45 s d’auteurs à la mode — ou plus souvent à la mode d’ il y a cinquante ans — dont les prédicateurs modernes ont coutume « d’
46 ns — dont les prédicateurs modernes ont coutume «  d’ orner » leurs sermons. Ce n’est pas la littérature qui doit prêter sec
47 a littérature qui doit prêter secours à la Parole de Dieu, mais c’est le contraire. S’il arrive qu’un pasteur ou un prêtre
48 l arrive qu’un pasteur ou un prêtre juge opportun de parler d’un livre, j’attends, à la fois comme fidèle et comme écrivai
49 u’un pasteur ou un prêtre juge opportun de parler d’ un livre, j’attends, à la fois comme fidèle et comme écrivain, qu’il e
50 , à la critique et même, cas échéant, à une sorte de direction spirituelle des tendances littéraires de leur époque ; mais
51 e direction spirituelle des tendances littéraires de leur époque ; mais ceci, je le répète en tant que théologiens, non po
52 , non point en tant qu’écrivains-amateurs ou gens de goût. Sans rien préjuger du succès ou de l’influence possible d’une i
53 ou gens de goût. Sans rien préjuger du succès ou de l’influence possible d’une intervention de ce genre, elle aurait en t
54 ien préjuger du succès ou de l’influence possible d’ une intervention de ce genre, elle aurait en tout cas l’avantage de do
55 cès ou de l’influence possible d’une intervention de ce genre, elle aurait en tout cas l’avantage de donner aux fidèles —
56 n de ce genre, elle aurait en tout cas l’avantage de donner aux fidèles — et à leur clergé — certains critères de jugement
57 ux fidèles — et à leur clergé — certains critères de jugement, un certain vocabulaire, et par suite une certaine orientati
58 ocabulaire, et par suite une certaine orientation de l’esprit propres à rétablir, petit à petit, des éléments de commune m
59 t propres à rétablir, petit à petit, des éléments de commune mesure entre le croyant et le lecteur dans un même homme. Cec
60 e. Ceci dit, j’en reviens à mon propos, qui était de soulever une question, et de suggérer pour son étude quelques hypothè
61 on propos, qui était de soulever une question, et de suggérer pour son étude quelques hypothèses de travail. 5. L’ignoran
62 et de suggérer pour son étude quelques hypothèses de travail. 5. L’ignorance générale où sont les écrivains modernes des
63 rale où sont les écrivains modernes des rudiments de la théologie a pour conséquence immédiate qu’ils se condamnent à déco
64 rire une histoire des principales écoles modernes d’ un point de vue strictement théologique ? Une histoire qui nous montre
65 s, à leur insu, doivent à l’atmosphère religieuse de leur époque, mais surtout comment ils pâtissent de n’avoir point conn
66 e leur époque, mais surtout comment ils pâtissent de n’avoir point connu l’existence de traditions soit orthodoxes soit hé
67 ils pâtissent de n’avoir point connu l’existence de traditions soit orthodoxes soit hérétiques, c’est le cas le plus fréq
68 rop court (After Strange Gods) a donné l’esquisse d’ une étude des hérésies dans la littérature moderne. Pour ma part, j’ai
69 la littérature moderne. Pour ma part, j’ai tenté de montrer comment les troubadours, dont la doctrine fut reprise par les
70 doctrine fut reprise par les auteurs du Tristan, d’ où sont issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’hérésie ma
71 nt issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’hérésie manichéenne, et l’ont ainsi fait vivre jusqu’à nous et parm
72 mi nous, bien que vulgarisée et déprimée au point d’ en devenir méconnaissable. Petit exemple que je mentionne faute de mie
73 ire sur la renaissance endémique, dans nos écoles d’ avant-garde, des déviations les plus connues du mysticisme, du gnostic
74 s les plus connues du mysticisme, du gnosticisme, de l’arianisme et du libéralisme romantique. Qui voudra et pourra l’expl
75 e. Qui voudra et pourra l’expliquer aux disciples de ces mouvements ? Il y faudrait un théologien. Lever les bras au ciel,
76 inter le doigt du moraliste, n’est pas faire acte de charité à l’égard des efforts de l’avant-garde, d’autant qu’ils jouen
77 t pas faire acte de charité à l’égard des efforts de l’avant-garde, d’autant qu’ils jouent, aux yeux de beaucoup et des me
78 ils jouent, aux yeux de beaucoup et des meilleurs de nos contemporains, le rôle d’une spiritualité ardente et courageuse.
79 up et des meilleurs de nos contemporains, le rôle d’ une spiritualité ardente et courageuse. Pourquoi faudrait-il qu’à l’ob
80 l’obscurantisme théologique qui dénote la culture d’ aujourd’hui, réponde chez les théologiens un « refus d’informer » symé
81 ourd’hui, réponde chez les théologiens un « refus d’ informer » symétrique, fait de méfiance, d’incuriosité, de réprobation
82 ologiens un « refus d’informer » symétrique, fait de méfiance, d’incuriosité, de réprobation morale et de timidité bourgeo
83  refus d’informer » symétrique, fait de méfiance, d’ incuriosité, de réprobation morale et de timidité bourgeoise, plutôt q
84 er » symétrique, fait de méfiance, d’incuriosité, de réprobation morale et de timidité bourgeoise, plutôt que de rigueur t
85 méfiance, d’incuriosité, de réprobation morale et de timidité bourgeoise, plutôt que de rigueur théologique ? Au nom des b
86 tion morale et de timidité bourgeoise, plutôt que de rigueur théologique ? Au nom des besoins de la paroisse de campagne,
87 t que de rigueur théologique ? Au nom des besoins de la paroisse de campagne, trop souvent prise comme prétexte chez les p
88 r théologique ? Au nom des besoins de la paroisse de campagne, trop souvent prise comme prétexte chez les protestants, va-
89 e dos parce qu’elle est tapageuse, scandaleuse et d’ une conduite peu régulière, la confirmant ainsi dans sa persuasion que
90 u dernier siècle ? Au lecteur convaincu comme moi de la nécessité de rétablir des ponts entre la théologie et les lettres
91  ? Au lecteur convaincu comme moi de la nécessité de rétablir des ponts entre la théologie et les lettres vivantes, je sou
92 logie et les lettres vivantes, je soumets à titre d’ exemples et sans nul ordre préconçu, les thèses suivantes. 6. C’est l
93 que le libéralisme tendait à se mettre à l’école de leurs complaisances, et par suite ne leur donnait rien. Exemple : Ki
94 logique parfaitement cohérente et intransigeante, d’ où son influence profonde et indéniable sur Ibsen, sur Unamuno, sur Ri
95 sur Rilke, sur Kafka, et sur un très grand nombre de poètes, de romanciers et d’essayistes des plus jeunes générations, en
96 sur Kafka, et sur un très grand nombre de poètes, de romanciers et d’essayistes des plus jeunes générations, en Europe, en
97 un très grand nombre de poètes, de romanciers et d’ essayistes des plus jeunes générations, en Europe, en Angleterre et da
98 s et d’essayistes des plus jeunes générations, en Europe , en Angleterre et dans les deux Amériques. Notons que si cette influe
99 une Église déterminée. N’est-ce point là le signe d’ une incompatibilité inquiétante entre l’élite active et les « milieux
100 inquiétante entre l’élite active et les « milieux d’ Église » ? 7. Une théologie orthodoxe (je ne dis pas sclérosée) favor
101 lérosée) favorise, soutient et nourrit des œuvres de style classique, tandis qu’une théologie libérale se lie aux mouvemen
102 vain romantique croit voir dans les dogmes autant d’ entraves à l’essor créateur, tandis que le classique y trouve à la foi
103 ênes fécondes. Le premier, semblable à la colombe de Kant, s’imagine qu’il volerait mieux dans le vide. Le second, mieux a
104 erait mieux dans le vide. Le second, mieux assuré de la force de ses ailes, cherche une atmosphère dense pour exercer en p
105 dans le vide. Le second, mieux assuré de la force de ses ailes, cherche une atmosphère dense pour exercer en plein ses éne
106 ne résistance effective et valable aux incartades de l’imagination. Ainsi fait le fougueux d’Aubigné s’armant de la doctri
107 cartades de l’imagination. Ainsi fait le fougueux d’ Aubigné s’armant de la doctrine de Calvin. À l’inverse, je soupçonne l
108 nation. Ainsi fait le fougueux d’Aubigné s’armant de la doctrine de Calvin. À l’inverse, je soupçonne les romantiques d’av
109 ait le fougueux d’Aubigné s’armant de la doctrine de Calvin. À l’inverse, je soupçonne les romantiques d’avoir cherché dan
110 Calvin. À l’inverse, je soupçonne les romantiques d’ avoir cherché dans la théologie de leur époque et sous le nom de liber
111 les romantiques d’avoir cherché dans la théologie de leur époque et sous le nom de liberté, de coûteuses licences intellec
112 é dans la théologie de leur époque et sous le nom de liberté, de coûteuses licences intellectuelles, ou de simples facilit
113 éologie de leur époque et sous le nom de liberté, de coûteuses licences intellectuelles, ou de simples facilités… 8. La
114 iberté, de coûteuses licences intellectuelles, ou de simples facilités… 8. La littérature en général trouve à se nourrir
115 ique régnante que dans l’atmosphère et l’ambiance de controverses théologiques mêlées à des questions politiques. Exemple
116 abéthains ; et parmi nous, la renaissance notable d’ une poésie d’inspiration religieuse en France, pendant l’occupation et
117 t parmi nous, la renaissance notable d’une poésie d’ inspiration religieuse en France, pendant l’occupation et tôt après.
118 ion donnée. Je me bornerai à citer ici l’exemple de l’Église anglicane dont le Prayer Book a formé la langue des poètes d
119 l’histoire des lettres anglaises s’avère capital, de John Donne à T. S. Eliot, en passant par le Doyen Swift, l’évêque Ber
120 contre le ritualisme, mais indique une direction de recherches peut-être féconde. 10. Une critique théologique de la lit
121 peut-être féconde. 10. Une critique théologique de la littérature devra mettre en garde son public contre l’illusion cou
122 chrétiens » ou « religieux » que ceux qui parlent de Dieu et traitent de sujets religieux. Ici encore, « ce ne sont pas c
123 igieux » que ceux qui parlent de Dieu et traitent de sujets religieux. Ici encore, « ce ne sont pas ceux qui disent : Sei
124 gneur ! Seigneur !… mais ceux qui font la volonté de mon Père… » que nous devons prendre au sérieux. Faire la volonté de D
125 nous devons prendre au sérieux. Faire la volonté de Dieu, en écrivant, ce n’est pas simplement parler de Dieu et de sa vo
126 Dieu, en écrivant, ce n’est pas simplement parler de Dieu et de sa volonté, ni même en parler avec cette simplicité trop a
127 rivant, ce n’est pas simplement parler de Dieu et de sa volonté, ni même en parler avec cette simplicité trop aisément att
128 ntrent un goût immodéré. Je connais un bon nombre d’ ouvrages religieux dont le style journalistique est incompatible avec
129 ournalistique est incompatible avec aucune espèce de réalité spirituelle. L’auteur ne cesse de mentionner cette réalité, m
130 espèce de réalité spirituelle. L’auteur ne cesse de mentionner cette réalité, mais en fait il échoue à l’exprimer ; il se
131 à l’exprimer ; il se livre à des efforts visibles de propagande en faveur des « valeurs spirituelles », mais par là même,
132 là même, il trahit peut-être une certaine absence de l’Esprit dans la genèse de son œuvre. Il oublie que le style d’un écr
133 e une certaine absence de l’Esprit dans la genèse de son œuvre. Il oublie que le style d’un écrit transmet pour son compte
134 ns la genèse de son œuvre. Il oublie que le style d’ un écrit transmet pour son compte et par lui-même un « message » souve
135 tement dans l’esprit du lecteur. Ce qu’il importe de rappeler ici, c’est que toute œuvre littéraire, si profane qu’en soit
136 le sujet, implique une théologie (fût-ce à l’insu de son auteur), et qu’elle l’exprime par les mouvements mêmes du style,
137 les mouvements mêmes du style, plus fidèlement et d’ une manière plus contraignante que par son argumentation. Expliciter c
138 pérais simplement désigner. b. Rougemont Denis de , « Théologie et littérature », Hommage et reconnaissance : recueil de
139 ittérature », Hommage et reconnaissance : recueil de travaux publiés à l’occasion du soixantième anniversaire de Karl Bart
140 publiés à l’occasion du soixantième anniversaire de Karl Barth, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1946, p. 162-167.
2 1946, Articles divers (1946-1948). Le supplice de Tantale (octobre 1946)
141 Le supplice de Tantale (octobre 1946)a L’eau fuit ses lèvres, la branche fuit sa
142 teur non prévenu, tout se passe comme si le désir de Tantale suffisait à repousser les objets qu’il désire, et sa crainte
143 qu’il redoute. Quand il se penche vers la surface de la rivière où il baigne à mi-corps, quand il lève le bras vers ces fr
144 fruits mûrs qui font ployer la branche au-dessus de son front, on dirait que son geste même déclenche un mécanisme qui l’
145 ieu que ce coin du Tartare, où la pesante logique de la matière est abolie pour peu que l’homme se manifeste. Serait-ce un
146 u que l’homme se manifeste. Serait-ce un pur lieu de l’esprit ? Oui, car à l’instant même où Tantale est ému, où il forme
147 ému, où il forme un projet, où il agit, les lois de la chute des corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mo
148 et, où il agit, les lois de la chute des corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mort, font place aux lois d
149 s corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mort, font place aux lois des dieux, qui sont celles de l’esprit ;
150 t, font place aux lois des dieux, qui sont celles de l’esprit ; et des dieux irrités contre l’homme, c’est-à-dire d’un esp
151 et des dieux irrités contre l’homme, c’est-à-dire d’ un esprit coupable. Regardons bien ce paysage imaginaire, cette compos
152 iée comme un arcane du Tarot et non moins chargée de symboles : un corps, une eau, une branche et un rocher. C’est l’homme
153 r. C’est l’homme coupable, environné des emblèmes de sa peur et de sa convoitise — emblèmes ou signes, car tout tient ici
154 me coupable, environné des emblèmes de sa peur et de sa convoitise — emblèmes ou signes, car tout tient ici à des événemen
155 et tout illustre une des structures fondamentales de son être. Tantale avait commis deux crimes, dit la Fable. Admis à la
156 r les faire goûter aux mortels. Puis, dans l’idée de défier l’Olympe et d’éprouver son omniscience, il avait tué son propr
157 mortels. Puis, dans l’idée de défier l’Olympe et d’ éprouver son omniscience, il avait tué son propre fils Pélops, pour fa
158 e servir sa chair à la table divine. Les liqueurs d’ immortalité sont ici comme des signes de la Grâce, dont un homme cherc
159 liqueurs d’immortalité sont ici comme des signes de la Grâce, dont un homme chercherait à s’emparer par subterfuge, afin
160 stre. Doutons que la philanthropie préside au vol de Tantale, quand il est assez clair qu’il jalouse les dieux, leur divin
161 eux comme nourriture meilleure, il est surprenant d’ observer qu’elle invertit exactement le sacrifice du Fils de Dieu. Au
162 qu’elle invertit exactement le sacrifice du Fils de Dieu. Au lieu du Père livrant son Fils aux hommes pour qu’ils le tuen
163 pour qu’ensuite ils revivent par la consommation de son corps spirituel, un homme tue lui-même son fils, et donne sa chai
164 qu’ils en meurent, — s’ils perdent leur divinité de s’être une fois laissé surprendre et abuser. À cette double infractio
165 e et abuser. À cette double infraction aux grâces de l’esprit (comme je voudrais nommer les lois spirituelles), répond un
166 menace suspendue. Le monde païen ne conçoit pas de pardon par amour et de salut gratuit, et c’est pourquoi les châtiment
167 monde païen ne conçoit pas de pardon par amour et de salut gratuit, et c’est pourquoi les châtiments qu’infligent les dieu
168 ligent les dieux revêtent en général un caractère de revanche pure et simple, et comme automatique. C’est autant dire que
169 seul avec lui-même et se ferme aux interventions d’ une transcendance, ou d’un appel venu d’ailleurs. (Les « dieux » n’éta
170 e ferme aux interventions d’une transcendance, ou d’ un appel venu d’ailleurs. (Les « dieux » n’étant, en fait, que ses pro
171 ses propres limites.) Dans l’histoire du supplice de Tantale, cet automatisme est si sûr qu’il autorise à des spéculations
172 u sur sa tête, l’onde et la branche ne s’écartant de lui qu’à l’instant où il veut les atteindre, et tout cela ne tient vr
173 a ne tient vraiment qu’à lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas changé depuis ses crimes. Nou
174 strent ces désirs et qui retardent, ironiquement, d’ écraser cet orgueil. Imaginons, maintenant, par impossible, que Tantal
175 s’abandonne, et qu’il préfère soudain à son amour d’ un moi coupable et torturé, l’expiation libératrice et son délire. À l
176 u pardon, ni au salut que lui vaudrait un instant de pur abandon — payé de sa mort, il est vrai, pour quelle indescriptibl
177 que lui vaudrait un instant de pur abandon — payé de sa mort, il est vrai, pour quelle indescriptible renaissance ! — préf
178 iptible renaissance ! — préfère subir le supplice de Tantale. C’est son orgueil et sa dignité d’homme : il se révolte cont
179 plice de Tantale. C’est son orgueil et sa dignité d’ homme : il se révolte contre tout — sauf soi. C’est pourquoi rien ne c
180 f et à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de nous, préfère le désir, même douloureux d’avoir été mille et mille fo
181 chacun de nous, préfère le désir, même douloureux d’ avoir été mille et mille fois déçu — mais c’est encore son désir, donc
182 — à la proie qu’il ne posséderait qu’en acceptant d’ être changé d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de gagner le monde
183 re changé d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de gagner le monde s’il y perdait son moi ? Il est certain qu’à sa maniè
184 voir en son lieu. À la limite, et dans la logique d’ un mythe où l’homme s’identifie à l’une de ses tendances, celui qui ga
185 logique d’un mythe où l’homme s’identifie à l’une de ses tendances, celui qui gagne est donc toujours un autre. Et celui q
186 i qui désire ne gagnera jamais. C’est le sophisme de l’empereur : Napoléon n’est pas un Bonaparte comblé, mais quelqu’un q
187 is quelqu’un qui s’est substitué, sous le manteau d’ hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’être empereur est mor
188 d’hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’ être empereur est mort le jour du couronnement. Tous nos succès, tous
189 ute, sont ainsi à quelque degré des modifications de notre identité, des aliénations de nous-mêmes. À la limite, ils sont
190 modifications de notre identité, des aliénations de nous-mêmes. À la limite, ils sont autant d’usurpations. Changeons ma
191 tions de nous-mêmes. À la limite, ils sont autant d’ usurpations. Changeons maintenant de plan spirituel, et transposons l
192 sont autant d’usurpations. Changeons maintenant de plan spirituel, et transposons le mythe de Tantale dans un monde où l
193 tenant de plan spirituel, et transposons le mythe de Tantale dans un monde où l’instant d’abandon ne signifie plus la mort
194 ns le mythe de Tantale dans un monde où l’instant d’ abandon ne signifie plus la mort mais la vie et l’héritage de la vie é
195 e signifie plus la mort mais la vie et l’héritage de la vie éternelle. J’emprunte à Jean-Paul1, une histoire étrangement p
196 étrangement parabolique et qui, dans le registre de l’humour profond, reproduit notre fable grecque, mais la conduit à un
197 nt reviendront et appartiendront à celui des sept de MM. mes Neveux qui, durant la demi-heure qui suivra la lecture de la
198 x qui, durant la demi-heure qui suivra la lecture de la présente clause, versera avant tous les autres, une ou quelques la
199 e marchand Neupeter se demande s’il ne s’agit que d’ une mauvaise farce, indigne d’un homme de sens. Le fiscal Knol se sent
200 s’il ne s’agit que d’une mauvaise farce, indigne d’ un homme de sens. Le fiscal Knol se sent prêt à pleurer de colère. Pas
201 agit que d’une mauvaise farce, indigne d’un homme de sens. Le fiscal Knol se sent prêt à pleurer de colère. Pasvogel, le r
202 me de sens. Le fiscal Knol se sent prêt à pleurer de colère. Pasvogel, le rusé libraire, essaie de se remémorer tout ce qu
203 rer de colère. Pasvogel, le rusé libraire, essaie de se remémorer tout ce qu’il y a d’émouvant dans les livres. Klitte, qu
204 ibraire, essaie de se remémorer tout ce qu’il y a d’ émouvant dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure que pour tout
205 ure que pour tout l’or du monde, une plaisanterie de ce genre ne le ferait pas pleurer. Sur quoi l’inspecteur de police Ha
206 une intention plus sérieuse. » L’inspecteur ouvre de gros yeux fixes, où rien ne vient. Le jeune prédicateur Flachs, lui,
207 à se lamenter ecclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’oncle, s’avançant vers lui sur ces flots, est bien tro
208 r ecclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’oncle, s’avançant vers lui sur ces flots, est bien trop réjouissant
209 est bien trop réjouissante… Glanz, le conseiller d’ église, se met à faire une allocution, car il sait que cela le fait pl
210 ngotes grises, puis Lazare et ses chiens, la tête de beaucoup d’êtres, les souffrances du jeune Werther, un petit champ de
211 s, puis Lazare et ses chiens, la tête de beaucoup d’ êtres, les souffrances du jeune Werther, un petit champ de bataille, l
212 yablement à cause du testament, — et il s’en faut de bien peu qu’il ne pleure… Le conseiller continue son discours… Soudai
213 ment. Son émotion dûment enregistrée, il héritera de tous les biens de l’oncle, pour lui avoir dédié, entre tant d’autres,
214 dûment enregistrée, il héritera de tous les biens de l’oncle, pour lui avoir dédié, entre tant d’autres, une seule pensée
215 voir dédié, entre tant d’autres, une seule pensée d’ amour pur et gratuit. L’auteur du nouveau Testament n’en demande pas d
216 de pas davantage à l’homme pour le faire héritier de son royaume : il demande un instant de foi. Un instant d’abandon de s
217 e héritier de son royaume : il demande un instant de foi. Un instant d’abandon de soi-même, et d’amour désintéressé. Toute
218 oyaume : il demande un instant de foi. Un instant d’ abandon de soi-même, et d’amour désintéressé. Toute autre tentative po
219 l demande un instant de foi. Un instant d’abandon de soi-même, et d’amour désintéressé. Toute autre tentative pour mériter
220 tant de foi. Un instant d’abandon de soi-même, et d’ amour désintéressé. Toute autre tentative pour mériter la Vie et le Ro
221 clenche irrésistiblement le mécanisme du supplice de Tantale, c’est-à-dire qu’elle s’annule de soi-même. Si un homme croit
222 upplice de Tantale, c’est-à-dire qu’elle s’annule de soi-même. Si un homme croit pouvoir s’autoriser du mérite de ses œuvr
223 . Si un homme croit pouvoir s’autoriser du mérite de ses œuvres, il ne pleurera pas : car la vision de la proie qui s’appr
224 de ses œuvres, il ne pleurera pas : car la vision de la proie qui s’approche sera « bien trop réjouissante » pour son cœur
225 éloignera tout aussitôt, comme la branche chargée de fruits. Si un homme veut la Vie éternelle par seule crainte de mourir
226 un homme veut la Vie éternelle par seule crainte de mourir à cette vie temporelle, les eaux vives fuiront ses lèvres ; ca
227  ; car il faudrait, pour y être immergé, accepter de mourir d’abord à ses propres désirs et à soi-même. (Et c’est le symbo
228 t c’est le symbole du Baptême.) Telle est la ruse de l’Amour insondable. Admirons-en la précision miraculeuse ! Pour si pe
229 dmirons-en la précision miraculeuse ! Pour si peu d’ égoïsme qu’il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main ver
230 Pour si peu d’égoïsme qu’il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main vers cette eau, vers ces fruits offerts,
231 vers cette eau, vers ces fruits offerts, l’amour de soi domine encore le pur Amour, et le plaisir anticipé suffit encore
232 . 1. Dans les Flegeljahre. a. Rougemont Denis de , « Le supplice de Tantale », Fontaine, Paris, octobre 1946, p. 362-36
233 egeljahre. a. Rougemont Denis de, « Le supplice de Tantale », Fontaine, Paris, octobre 1946, p. 362-367.
3 1946, Articles divers (1946-1948). Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)
234 Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)c Pendant deux semaines viennent d’avoi
235 décembre 1946)c Pendant deux semaines viennent d’ avoir lieu à Genève, comme on sait, des « Rencontres internationales »
236 Rencontres internationales » placées sous l’égide de L’Esprit européen. On y a entendu des conférences et des discussions,
237 nternationales » placées sous l’égide de L’Esprit européen . On y a entendu des conférences et des discussions, des concerts, des
238 es et des discussions, des concerts, des récitals de poèmes, et assisté à des spectacles lyriques, dramatiques et cinémato
239 ux en ont abondamment parlé, ce qui nous dispense d’ y revenir en détail. Mais nous avons tenu à recueillir les impressions
240 Mais nous avons tenu à recueillir les impressions de M. Denis de Rougemont, l’un de nos plus brillants essayistes, dont la
241 ir les impressions de M. Denis de Rougemont, l’un de nos plus brillants essayistes, dont la conférence, en l’aula de l’Uni
242 illants essayistes, dont la conférence, en l’aula de l’Université, a obtenu le plus grand succès, comme celle, par ailleur
243 comme on dit. C’est comme cela qu’existe l’esprit européen  : dans la libre discussion, nous confie Denis de Rougemont. La libert
244 ssion, nous confie Denis de Rougemont. La liberté d’ opposition est typiquement européenne. Même sans en tirer de conclusio
245 ougemont. La liberté d’opposition est typiquement européenne . Même sans en tirer de conclusion, sans trouver une solution. L’Europ
246 on est typiquement européenne. Même sans en tirer de conclusion, sans trouver une solution. L’Européen veut prendre consci
247 tirer de conclusion, sans trouver une solution. L’ Européen veut prendre conscience du drame qui se joue en lui, qui se joue en c
248 n ?… L’Américain, lui, c’est ce qui le distingue de l’Européen, court à la conclusion. Il veut une solution pratique, aut
249 L’Américain, lui, c’est ce qui le distingue de l’ Européen , court à la conclusion. Il veut une solution pratique, autant que pos
250 ble. Mais il est capable, après une conversation, de changer d’opinion. Pas l’Européen. L’Européen se retranche dans ses c
251 l est capable, après une conversation, de changer d’ opinion. Pas l’Européen. L’Européen se retranche dans ses convictions
252 rès une conversation, de changer d’opinion. Pas l’ Européen . L’Européen se retranche dans ses convictions et pense que l’adversai
253 ersation, de changer d’opinion. Pas l’Européen. L’ Européen se retranche dans ses convictions et pense que l’adversaire est mécha
254 s comme lui. Des entretiens, tels qu’ils viennent d’ avoir lieu à Genève, eussent été un four aux États-Unis. En Russie, il
255 ie. Je lui dirai : « Vous accusez les démocraties d’ être purement formelles, de n’être pas complètement réalisées ; vous p
256 ccusez les démocraties d’être purement formelles, de n’être pas complètement réalisées ; vous prétendez, vous, Russie, êtr
257 tre une démocratie réelle. Et vous avez des camps de concentration, et vous interdisez aux poètes de s’exprimer librement,
258 s de concentration, et vous interdisez aux poètes de s’exprimer librement, et vous n’avez pas la liberté de la presse, et
259 exprimer librement, et vous n’avez pas la liberté de la presse, et vous repoussez l’existentialisme qui pose des questions
260 ot. Votre démocratie est plus formelle que celles de nous tous. Nous, nous acceptons de n’être pas complètement démocratis
261 lle que celles de nous tous. Nous, nous acceptons de n’être pas complètement démocratisés ; vous, vous ne l’acceptez pas.
262 mocratisés ; vous, vous ne l’acceptez pas. À vous de faire le premier pas. Ouvrez vos frontières. Vous pouvez venir chez n
263 s espérons parvenir lors des prochains entretiens de Genève. À condition que nous ayons plus de contacts personnels entre
264 etiens de Genève. À condition que nous ayons plus de contacts personnels entre représentants des différents pays. » … Note
265 re Denis de Rougemont, que je passe pour un homme de gauche dans les partis de droite et pour un homme de droite dans les
266 je passe pour un homme de gauche dans les partis de droite et pour un homme de droite dans les partis de gauche. Je ne su
267 gauche dans les partis de droite et pour un homme de droite dans les partis de gauche. Je ne suis jamais pour ou contre un
268 droite et pour un homme de droite dans les partis de gauche. Je ne suis jamais pour ou contre un parti. Je suis contre le
269 ocratie réelle, qui est le fédéralisme. Un régime de tyrannie n’aboutit jamais à la liberté. On le voit, M. Denis de Rouge
270 t, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’esprit européen s’inspire d’une grande liberté et d’une parfaite franchise de paroles
271 emont nous prouve que l’esprit européen s’inspire d’ une grande liberté et d’une parfaite franchise de paroles. Sinon, ce n
272 esprit européen s’inspire d’une grande liberté et d’ une parfaite franchise de paroles. Sinon, ce ne serait plus l’esprit e
273 d’une grande liberté et d’une parfaite franchise de paroles. Sinon, ce ne serait plus l’esprit européen, où la France don
274 ise de paroles. Sinon, ce ne serait plus l’esprit européen , où la France donne le ton, la France qui est un pays de dialogue, co
275 la France donne le ton, la France qui est un pays de dialogue, comme aime à répéter André Gide. Quand cesse le dialogue, c
276 éloge enthousiaste tous les participants ont fait de Genève et de la Suisse. Les Français, notamment, sont venus avec une
277 iaste tous les participants ont fait de Genève et de la Suisse. Les Français, notamment, sont venus avec une grande curios
278 venus avec une grande curiosité et un grand désir de tirer quelque chose de positif des entretiens de Genève. Il faut que
279 uriosité et un grand désir de tirer quelque chose de positif des entretiens de Genève. Il faut que Genève devienne une sor
280 de tirer quelque chose de positif des entretiens de Genève. Il faut que Genève devienne une sorte de Salzbourg intellectu
281 de Genève. Il faut que Genève devienne une sorte de Salzbourg intellectuel, ajoute notre interlocuteur. Tout le monde ins
282 y parle sans mandat, pas au nom d’un peuple, mais d’ un réel esprit européen. Nous ne sommes pas une nation, nous sommes un
283 at, pas au nom d’un peuple, mais d’un réel esprit européen . Nous ne sommes pas une nation, nous sommes une confédération, donc b
284 onc bien préparés et prédisposés pour une mission de ce genre. Denis de Rougemont souhaite encore que l’an prochain on inv
285 t la voix ne peut plus être séparée des dialogues européens . Il souhaite encore que l’on organise à Genève un Café de Flore de l’
286 ouhaite encore que l’on organise à Genève un Café de Flore de l’Esprit européen, ou chacun se rencontrera librement, en de
287 on organise à Genève un Café de Flore de l’Esprit européen , ou chacun se rencontrera librement, en dehors de toute officialité.
288 icialité. Excellente idée. Genève, rose des vents de l’esprit, continuera ainsi à jouer son rôle de cité internationale, à
289 ts de l’esprit, continuera ainsi à jouer son rôle de cité internationale, à condition, bien entendu, que l’esprit puisse y
290 ffler librement où il veut. c. Rougemont Denis de , « [Entretien] Genève, rose des vents de l’esprit », L’Illustré, Laus
291 nt Denis de, « [Entretien] Genève, rose des vents de l’esprit », L’Illustré, Lausanne, 19 décembre 1946, p. 31-32.
4 1947, Articles divers (1946-1948). Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)
292 Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)k Je ne connais dans tout New York qu’une s
293 is dans tout New York qu’une seule vraie terrasse de café, celle du Brevoort, au bas de la Cinquième Avenue. C’est là que
294 ’est là que Dos Passos situe plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là qu’il y a bien six ans j’ai connu Carson McCu
295 ans j’ai connu Carson McCullers. Elle avait l’air d’ une toute jeune fille montée en graine, avec ses petits bas rouges au-
296 dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son premier roman qui venait de paraître — écrit entre 19 et 22 ans —
297 rd je la revis à Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait amené Golo, le plus jeune fils de Thomas Man
298 étages où m’avait amené Golo, le plus jeune fils de Thomas Mann. Un mélange improbable de Kafka, d’Enfants terribles et d
299 jeune fils de Thomas Mann. Un mélange improbable de Kafka, d’Enfants terribles et de style vieux New York en définissait
300 s de Thomas Mann. Un mélange improbable de Kafka, d’ Enfants terribles et de style vieux New York en définissait l’atmosphè
301 lange improbable de Kafka, d’Enfants terribles et de style vieux New York en définissait l’atmosphère. On écrivait, on com
302 rtes, et l’on se réunissait pour les repas autour d’ une très longue table que servaient deux ou trois énormes négresses. W
303 is, rédacteur du Harper’s Bazaar, tenait son rôle de propriétaire. Benjamin Britten et Paul Bowles représentaient la jeune
304 titre étaient des « creative people », parlaient de Kierkegaard, de Jung, de ballet, de sculpture précolombienne. Je croi
305 es « creative people », parlaient de Kierkegaard, de Jung, de ballet, de sculpture précolombienne. Je crois bien que toute
306 tive people », parlaient de Kierkegaard, de Jung, de ballet, de sculpture précolombienne. Je crois bien que toute la jeune
307  », parlaient de Kierkegaard, de Jung, de ballet, de sculpture précolombienne. Je crois bien que toute la jeune littératur
308 horégraphie américaines ont traversé cette maison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’art que j’aie trouvé dans une gr
309 nt traversé cette maison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. Et
310 ette maison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’ art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. Et puis leur no
311 e et d’art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. Et puis leur nomadisme habituel les a repris. Un an plus tar
312 un train venant du Sud, en route pour une maison de vacances d’écrivains, tout au Nord, près de Saratoga. Elle me tend de
313 nant du Sud, en route pour une maison de vacances d’ écrivains, tout au Nord, près de Saratoga. Elle me tend de ses mains t
314 ins, tout au Nord, près de Saratoga. Elle me tend de ses mains tremblantes une petite coupure de journal : son mari, le li
315 tend de ses mains tremblantes une petite coupure de journal : son mari, le lieutenant McCullers, est signalé comme le pre
316 i fut le premier à saluer son talent — la reprise de l’émigration traditionnelle des écrivains américains vers le Vieux Mo
317 être que les jeunes Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’assouplir leurs procédés que de se créer un ordre int
318 es Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’ assouplir leurs procédés que de se créer un ordre intime et d’approche
319 x de renouveler ou d’assouplir leurs procédés que de se créer un ordre intime et d’approcher par des moyens plus déliés ce
320 leurs procédés que de se créer un ordre intime et d’ approcher par des moyens plus déliés ce monde dont leurs aînés décriva
321 t leurs aînés décrivaient le chaos avec une sorte de brutalité qui en était le reflet plus que l’explication. Mais cette r
322 nt, se rapprochent et se manquent dans une espèce de tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la vie intérieure
323 tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la vie intérieure en quête d’explications, de rythmes, de certitudes
324 t le mouvement même de la vie intérieure en quête d’ explications, de rythmes, de certitudes à embrasser. Comme cette Mick,
325 ême de la vie intérieure en quête d’explications, de rythmes, de certitudes à embrasser. Comme cette Mick, jeune fille pau
326 e intérieure en quête d’explications, de rythmes, de certitudes à embrasser. Comme cette Mick, jeune fille pauvre de 15 an
327 à embrasser. Comme cette Mick, jeune fille pauvre de 15 ans, qui cherche la musique dans sa petite ville, et repère une à
328 une cour obscure et elle écoute. Puis elle essaie de composer elle-même. Elle appelle sa première sonate : Cette chose que
329 je ne sais pas quoi. Je pense qu’on est en droit de parler ici d’une « expérience romanesque », comme nous parlons depuis
330 quoi. Je pense qu’on est en droit de parler ici d’ une « expérience romanesque », comme nous parlons depuis vingt ans d’u
331 romanesque », comme nous parlons depuis vingt ans d’ une « expérience poétique ». L’exemple des dialogues peut le faire sen
332 s dialogues peut le faire sentir. Les personnages d’ un romancier français, quand ils discutent des idées, me paraissent êt
333 r nous inciter à mépriser l’erreur ou la bassesse d’ une classe qu’ils représentent, d’une tendance ou d’un vice dont ils s
334 ou la bassesse d’une classe qu’ils représentent, d’ une tendance ou d’un vice dont ils sont les supports. Leurs dialogues
335 une classe qu’ils représentent, d’une tendance ou d’ un vice dont ils sont les supports. Leurs dialogues sont de courts ess
336 dont ils sont les supports. Leurs dialogues sont de courts essais qui nous conduisent par un léger détour aux conclusions
337 . C’est pourquoi l’on citera souvent telle phrase d’ un héros de Malraux comme si elle exprimait la pensée de Malraux, au l
338 rquoi l’on citera souvent telle phrase d’un héros de Malraux comme si elle exprimait la pensée de Malraux, au lieu de n’êt
339 éros de Malraux comme si elle exprimait la pensée de Malraux, au lieu de n’être qu’un accord isolé de la partition. Chez l
340 de Malraux, au lieu de n’être qu’un accord isolé de la partition. Chez les jeunes écrivains américains, chez Carson McCul
341 gne et un docteur nègre (p. 307 et 308) sont ceux de Jake et du Dr Copeland, et leur maladresse pathétique éveille en moi
342 ⁂ Je me suis demandé souvent : quel est le sujet de ce roman ? Point d’intrigue, et pourtant une construction serrée, com
343 é souvent : quel est le sujet de ce roman ? Point d’ intrigue, et pourtant une construction serrée, comme celle d’un motet
344 et pourtant une construction serrée, comme celle d’ un motet à cinq voix qui se signalent et se posent une à une, se cherc
345 se perdent inexorablement dans la rumeur informe de la vie quotidienne. Une longue suite d’incidents sourdement émouvants
346 r informe de la vie quotidienne. Une longue suite d’ incidents sourdement émouvants, avec quelques éclats de beauté insolit
347 idents sourdement émouvants, avec quelques éclats de beauté insolite (comme la promenade de Baby) qui finissent tous dans
348 ues éclats de beauté insolite (comme la promenade de Baby) qui finissent tous dans un geste mortel, coupant, atroce. Est-c
349 e que l’âge adulte ? (Les scènes et les dialogues d’ enfants sont d’une justesse rarement atteinte, même chez les romancier
350 lte ? (Les scènes et les dialogues d’enfants sont d’ une justesse rarement atteinte, même chez les romanciers anglais.) Ou
351 e le problème noir ? Ou simplement la description d’ une petite ville pauvre du Sud ? Ou bien toutes ces choses à la fois ?
352 al, ni sexy, ni religieux, ni relatif à la guerre de Sécession, ni susceptible de fournir un scénario, ni indiscret, ni mê
353 relatif à la guerre de Sécession, ni susceptible de fournir un scénario, ni indiscret, ni même documentaire, ait eu tant
354 it eu tant de succès en Amérique ? Je ne vois pas de réponse satisfaisante à ma deuxième question : le fait est là. Pour l
355 que j’aurais dû trouver une clé dans cette lettre d’ un sourd-muet à son ami devenu fou, qu’on va lire aux pages 219-220 :
356 ourriture ou le sommeil ou le vin ou la compagnie d’ un ami. C’est la raison pour laquelle ils sont toujours si occupés. »
357 rement, à Paris, je disais à Carson, avec la ruse d’ un interviewer : — Il n’y a pas d’histoires d’amour, dans ce roman. El
358 n, avec la ruse d’un interviewer : — Il n’y a pas d’ histoires d’amour, dans ce roman. Elle me regarde étonnée, presque ind
359 use d’un interviewer : — Il n’y a pas d’histoires d’ amour, dans ce roman. Elle me regarde étonnée, presque indignée : — Il
360 New York, le 15 avril 1947. k. Rougemont Denis de , McCullers Carson, « [Préface] Carson McCullers, Le Cœur est un chass
5 1947, Articles divers (1946-1948). La lutte des classes (1947)
361 ins suisses, bien qu’ils vous conduisent en moins d’ une heure d’un monde à l’autre — de Neuchâtel à Berne par exemple — ne
362 bien qu’ils vous conduisent en moins d’une heure d’ un monde à l’autre — de Neuchâtel à Berne par exemple — ne servent cep
363 isent en moins d’une heure d’un monde à l’autre — de Neuchâtel à Berne par exemple — ne servent cependant qu’aux petits dé
364 ée ne s’établit jamais cette monotonie des heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de pla
365 it jamais cette monotonie des heures de plaine et d’ océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse
366 s cette monotonie des heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un
367 céan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un véritable voyage, on s’en tire en coupant le
368 on s’en tire en coupant le milieu, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures de musique russe indéfiniment répétées,
369 u, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures de musique russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le meilleur,
370 nt les extrêmes les plus touchants du souvenir et de l’espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouvert
371 s romantiques contraints par les dimensions mêmes de l’État au classicisme véritable, celui qui exprime le tout en disant
372 prime le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’un raccourci métaphorique. J’idéalise,
373 s, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’ un raccourci métaphorique. J’idéalise, mais pourquoi pas ? S’il me fal
374 t décrire nos petits déplacements du point de vue de l’usager moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes,
375 rouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les g
376 en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les gens chic parf
377 ne savais rien des premières sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelqu
378 es sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelque usage ignoré du commun. P
379 orceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelque usage ignoré du commun. Presque toujours
380 ens bien, gracieusement mêlés au peuple souverain de la région, dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs
381 e égalité scolaire que créent en Suisse les bancs de bois peints en faux bois jaune clair. On s’attendait à être interrogé
382 l’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’ un sévère uniforme au col bordé de perles blanches mordant sur l’encol
383 personnage vêtu d’un sévère uniforme au col bordé de perles blanches mordant sur l’encolure bien rasée entrait, claquait l
384 t annonçait avec une emphatique autorité des noms de villages que tout le monde connaissait, mais cela faisait partie du j
385 leurs sans angoisse, en ce temps-là. On était sûr de son affaire, on était parfaitement « en règle », il fallait simplemen
386 e, voire prévenante, qui fait la force principale de notre régime fédéral. Revenant en Suisse après sept ans d’absence, l’
387 régime fédéral. Revenant en Suisse après sept ans d’ absence, l’été dernier, et plus que jamais frappé par ce trait nationa
388 toires du monde ont une fin — la faiblesse fatale de notre État : cette habitude de nous sentir en règle, donc de nous cro
389 a faiblesse fatale de notre État : cette habitude de nous sentir en règle, donc de nous croire protégés par toutes les loi
390 at : cette habitude de nous sentir en règle, donc de nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines, comme s
391 manité où nous plongeons se conformait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse de IIIe classe, tant
392 rmait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d’ un wagon suisse de IIIe classe, tant il respire naturellement l’honnêt
393 e la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse de IIIe classe, tant il respire naturellement l’honnêteté, tendrait à no
394 tion, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’hu
395 rresponsable et affamée ; et notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespeare et les Pères de
396 t le normal qui est exceptionnel, ce sont les cas d’ ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand ils paraiss
397 al qui est exceptionnel, ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand ils paraissent, phén
398 exceptionnel, ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand ils paraissent, phénomènes haut
399 lieu de nous rebattre les oreilles du train-train de nos corruptions. Donc les Suisses que je vois en IIIe classe offrent
400 uisses que je vois en IIIe classe offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu
401 ois en IIIe classe offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les
402 asse offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’ où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les étrangers sens
403 e sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent plac
404 nnent place dans nos trains locaux ? L’expérience de la vie new-yorkaise, où personne ne vous voit jamais, se propose par
405 en somme, inconsciemment, comme si notre système de sécurité devait être à chaque instant vérifié, mis au point, méticule
406 méticuleusement nettoyé des moindres suggestions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une c
407 nettoyé des moindres suggestions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une cravate insolente,
408 tion sévère du regard suisse me surprend à chacun de mes retours. Comment décrire et comment justifier l’espèce particuliè
409 écrire et comment justifier l’espèce particulière d’ irritation que provoquent ces regards apparemment timides, vaguement b
410 ement ne se détournent qu’avec cet air exaspérant de celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir
411 naisé près de la porte du balcon dans une chambre d’ hôtel des bords du lac Léman : Afin d’éviter tout bruit inutile, la d
412 : Afin d’éviter tout bruit inutile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’
413 nutile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’était l’été des expériences d
414 nger aux mouettes. C’était l’été des expériences de Bikini. Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’indust
415 Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux,
416 commerce et de l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux, comme les gens des troisièmes, des me
417 e vagabonde pas, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’étonnant si le contrôleur distingue à première vue les r
418 s, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’ étonnant si le contrôleur distingue à première vue les resquilleurs, c
419 s jeunes gens excités qui prétendent ne pas payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes :
420 as payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’être là, on
421 dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’ être là, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple
422 s aux moues insolentes, vêtues comme des réclames de magazines, discutent avec un accent révoltant le prix de leurs nylons
423 zines, discutent avec un accent révoltant le prix de leurs nylons ou de cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par l
424 ec un accent révoltant le prix de leurs nylons ou de cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par le jeune mâle placid
425 les troisièmes. Mais il faut traverser un couloir de premières. Et je m’arrête, fasciné. Un vieux monsieur en noir, au col
426 n’existait pas, ils vont plus loin. Confirmation de la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les pass
427 l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse, je les nomme les imperméables. Ils traver
428 t transparents s’ils vont très vite ? On ne cesse de voir le paysage au travers.) Ils appartiennent au vaste monde dont je
429 itions locales les plus touchantes et des express européens , petits trajets portés sur les axes du monde. Quel ennui, ces seconde
430 s secondes entre les deux ! j. Rougemont Denis de , « La lutte des classes », CFF. Pour un anniversaire (1847-1947), Lau
6 1947, Articles divers (1946-1948). Les maladies de l’Europe (1947)
431 Les maladies de l’Europe (1947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe à
432 Les maladies de l’ Europe (1947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe à laquelle
433 Les maladies de l’Europe (1947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe à laquelle je reviens après six ans
434 ope (1947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’ une Europe à laquelle je reviens après six ans d’absence, et certains
435 947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe à laquelle je reviens après six ans d’absence, et certains événements
436 d’une Europe à laquelle je reviens après six ans d’ absence, et certains événements. L’émotion de pareils revoirs rend sou
437 ans d’absence, et certains événements. L’émotion de pareils revoirs rend souvent malaisé l’échange de la parole, mais don
438 de pareils revoirs rend souvent malaisé l’échange de la parole, mais donne aussi parfois, au tout premier regard, une luci
439 n peu. Eh bien ! tu n’as pas trop changé ! » Mais d’ un coup d’œil, vous avez lu toute son histoire. Ainsi j’ai retrouvé l’
440 avez lu toute son histoire. Ainsi j’ai retrouvé l’ Europe . Sur son visage et dans son expression certains traits accusés et ten
441 sont tes soucis ? » Et puis, après ce petit tour d’ horizon, on s’arrête et l’on demande d’un autre ton : « Et maintenant,
442 petit tour d’horizon, on s’arrête et l’on demande d’ un autre ton : « Et maintenant, quels sont tes projets ? » Je ne saura
443 ts ? » Je ne saurais échapper ce soir à l’emprise de ce rituel des retours et de l’amitié, le moins variable et le plus na
444 r ce soir à l’emprise de ce rituel des retours et de l’amitié, le moins variable et le plus naturel. Je vais donc regarder
445 e et le plus naturel. Je vais donc regarder notre Europe et j’éviterai de faire du sentiment puisque aussi bien tout se passe
446 Je vais donc regarder notre Europe et j’éviterai de faire du sentiment puisque aussi bien tout se passe en public, puis j
447 si bien tout se passe en public, puis j’essaierai de mesurer sa situation nouvelle dans le monde. Enfin, j’ai hâte de lui
448 ituation nouvelle dans le monde. Enfin, j’ai hâte de lui demander : « Et maintenant, qu’allons-nous faire ensemble ? » ⁂ L
449 maintenant, qu’allons-nous faire ensemble ? » ⁂ L’ Europe a mauvaise mine, il faut l’avouer. Avant même que l’on puisse détaill
450 ller tous ses traits, on en reçoit une impression d’ ensemble que je traduirai par ces mots : on dirait, à la voir, qu’elle
451 s dans la lutte, ils ont marqué leurs adversaires d’ une empreinte qui vaut une victoire. C’était fatal ! Imaginez deux hom
452 ui croit que les bonnes manières viendront à bout de tout. Mais, si la brute se jette soudain sur lui, dans le corps à cor
453 e relève : il se trouve que c’est notre gentleman de tout à l’heure, mais le voilà méconnaissable, le visage tuméfié, les
454 é. La brute a donc imposé son point de vue. Ainsi d’ Hitler et de l’Europe démocratique. Ce ne sont pas seulement les ruine
455 a donc imposé son point de vue. Ainsi d’Hitler et de l’Europe démocratique. Ce ne sont pas seulement les ruines et les dés
456 c imposé son point de vue. Ainsi d’Hitler et de l’ Europe démocratique. Ce ne sont pas seulement les ruines et les désordres ma
457 t devant nous a réveillé ces forces parmi nous. L’ Europe a été façonnée par le judéo-christianisme, par la notion grecque d’in
458 par le judéo-christianisme, par la notion grecque d’ individu, par le droit romain, par le culte de la vérité objective, et
459 que d’individu, par le droit romain, par le culte de la vérité objective, et malgré le nationalisme. Hitler représentait e
460 t, et point par point, le refus et la destruction de tous ces éléments — l’anti-Europe. Qu’était-il en effet pour ceux qui
461 et policière, la négation du droit et des droits de la personne, une conception de l’homme réduit au partisan, une techni
462 roit et des droits de la personne, une conception de l’homme réduit au partisan, une technique du mensonge et de la délati
463 réduit au partisan, une technique du mensonge et de la délation, les élites asservies à la louange du chef, la politisati
464 vies à la louange du chef, la politisation totale de l’existence. Hitler battu, son corps brûlé dans le pétrole, que reste
465 ourd’hui chez nous et dans nos mœurs — avec moins de virulence, peut-être, c’est-à-dire d’une manière moins avouée, non mo
466 avec moins de virulence, peut-être, c’est-à-dire d’ une manière moins avouée, non moins dangereuse. La guerre n’a pas arrê
467 La guerre n’a pas arrêté, loin de là, les progrès de la déchristianisation de l’Europe. Commencée parmi les élites, au xvi
468 loin de là, les progrès de la déchristianisation de l’Europe. Commencée parmi les élites, au xviiie siècle, avec l’attaq
469 de là, les progrès de la déchristianisation de l’ Europe . Commencée parmi les élites, au xviiie siècle, avec l’attaque des ra
470 des rationalistes, poursuivie par les polémiques de Feuerbach, d’Engels puis de Nietzsche, pratiquement appuyée dans le m
471 stes, poursuivie par les polémiques de Feuerbach, d’ Engels puis de Nietzsche, pratiquement appuyée dans le même temps et d
472 ie par les polémiques de Feuerbach, d’Engels puis de Nietzsche, pratiquement appuyée dans le même temps et dans des masses
473 ns notre siècle à l’action politique au lendemain de la révolution russe, puis sous le régime hitlérien, elle se révèle en
474 considérer comme liquidée, au sens le plus récent de ce terme, l’illusion d’une chrétienté identifiable au concept de l’Eu
475 e, au sens le plus récent de ce terme, l’illusion d’ une chrétienté identifiable au concept de l’Europe, Die Christenheit o
476 illusion d’une chrétienté identifiable au concept de l’Europe, Die Christenheit oder Europa, selon le titre du fameux essa
477 ion d’une chrétienté identifiable au concept de l’ Europe , Die Christenheit oder Europa, selon le titre du fameux essai de Nova
478 ble au concept de l’Europe, Die Christenheit oder Europa , selon le titre du fameux essai de Novalis. Les masses comme les élit
479 nheit oder Europa, selon le titre du fameux essai de Novalis. Les masses comme les élites échappent aux Églises. Elles ne
480 staurée par l’inquisition policière, la dictature d’ étiquette populaire, les liquidations collectives calculées sur la bas
481 es liquidations collectives calculées sur la base de statistiques d’État. Cependant, à peine libérées des dogmes religieux
482 collectives calculées sur la base de statistiques d’ État. Cependant, à peine libérées des dogmes religieux, ces masses et
483 asses et ces élites n’ont rien de plus pressé que de s’asservir aux dogmes d’un parti. Tout ce qu’a perdu la religion, c’e
484 rien de plus pressé que de s’asservir aux dogmes d’ un parti. Tout ce qu’a perdu la religion, c’est la politique qui le ga
485 ! Insistons fortement sur ce trait : le fanatisme d’ aujourd’hui n’est plus religieux, mais politique. L’idée que « la fin
486 niste, mais fasciste. L’hypocrisie aussi a changé de camp. Tartuffe n’est plus dévot comme jadis, il n’est plus même de dr
487 n’est plus dévot comme jadis, il n’est plus même de droite comme hier, il est de gauche, ou « dans la ligne », il se rang
488 , il n’est plus même de droite comme hier, il est de gauche, ou « dans la ligne », il se range au nouveau conformisme. Dan
489 ouveau conformisme. Dans telles grandes capitales d’ Europe, on voit des écrivains et des savants donner des gages d’appare
490 veau conformisme. Dans telles grandes capitales d’ Europe , on voit des écrivains et des savants donner des gages d’apparente lo
491 oit des écrivains et des savants donner des gages d’ apparente loyauté au parti le plus menaçant, comme autrefois Descartes
492 er la voix, partout l’on vous chuchote un conseil de prudence. Certes, le conformisme en soi n’est pas nouveau, même chez
493 chez les intellectuels. Ce qui est nouveau, c’est de le voir pratiqué précisément par ceux de l’avant-garde ou qui se donn
494 u, c’est de le voir pratiqué précisément par ceux de l’avant-garde ou qui se donnent pour tels en politique. Ce qui est no
495 pour tels en politique. Ce qui est nouveau, c’est de le voir défendu par ceux-là mêmes dont la fonction serait de l’attaqu
496 défendu par ceux-là mêmes dont la fonction serait de l’attaquer, d’où qu’il vienne. Mais ces lâchetés intellectuelles se p
497 x-là mêmes dont la fonction serait de l’attaquer, d’ où qu’il vienne. Mais ces lâchetés intellectuelles se parent des noms
498 s ces lâchetés intellectuelles se parent des noms d’ amour du peuple, de discipline révolutionnaire, d’antifascisme, en sor
499 llectuelles se parent des noms d’amour du peuple, de discipline révolutionnaire, d’antifascisme, en sorte qu’à les dénonce
500 d’amour du peuple, de discipline révolutionnaire, d’ antifascisme, en sorte qu’à les dénoncer, au seul nom de la bonne foi
501 fascisme, en sorte qu’à les dénoncer, au seul nom de la bonne foi ou de la véracité, on prend l’air d’attaquer la cause de
502 qu’à les dénoncer, au seul nom de la bonne foi ou de la véracité, on prend l’air d’attaquer la cause des prolétaires, et t
503 de la bonne foi ou de la véracité, on prend l’air d’ attaquer la cause des prolétaires, et tout essai de critique libre se
504 ’attaquer la cause des prolétaires, et tout essai de critique libre se voit taxer de réaction. Cette mauvaise foi brutale
505 es, et tout essai de critique libre se voit taxer de réaction. Cette mauvaise foi brutale en service commandé est un nouve
506 brutale en service commandé est un nouveau succès de l’esprit totalitaire qui n’a eu qu’à changer d’étiquette pour occuper
507 s de l’esprit totalitaire qui n’a eu qu’à changer d’ étiquette pour occuper, sans coup férir, d’importantes sections de nos
508 hanger d’étiquette pour occuper, sans coup férir, d’ importantes sections de nos élites. D’autres symptômes d’un mal profon
509 occuper, sans coup férir, d’importantes sections de nos élites. D’autres symptômes d’un mal profond, dont l’hitlérisme fu
510 tantes sections de nos élites. D’autres symptômes d’ un mal profond, dont l’hitlérisme fut la première crise ou le premier
511 lérisme fut la première crise ou le premier abcès de fixation, se révèlent à l’observateur de l’Europe d’après-guerre. J’e
512 er abcès de fixation, se révèlent à l’observateur de l’Europe d’après-guerre. J’en mentionnerai quelques-uns rapidement. L
513 cès de fixation, se révèlent à l’observateur de l’ Europe d’après-guerre. J’en mentionnerai quelques-uns rapidement. La Résista
514 fixation, se révèlent à l’observateur de l’Europe d’ après-guerre. J’en mentionnerai quelques-uns rapidement. La Résistance
515 ntionnerai quelques-uns rapidement. La Résistance européenne , admirable sursaut d’une liberté blessée qui se défendait, mais aussi
516 ment. La Résistance européenne, admirable sursaut d’ une liberté blessée qui se défendait, mais aussi d’un espoir exigeant
517 ’une liberté blessée qui se défendait, mais aussi d’ un espoir exigeant qui attaquait, est en train d’avorter sous nos yeux
518 re ; la dénonciation partisane, non pas le régime d’ union sacrée. Autant de succès remportés par l’esprit du vaincu sur ce
519 rtisane, non pas le régime d’union sacrée. Autant de succès remportés par l’esprit du vaincu sur celui des vainqueurs. L’a
520 Tout se passe comme si l’écrasement du foyer même de ce mal infernal n’avait eu pour effet que d’en faire rejaillir de tou
521 même de ce mal infernal n’avait eu pour effet que d’ en faire rejaillir de tous côtés les étincelles. Le nationalisme fait
522 al n’avait eu pour effet que d’en faire rejaillir de tous côtés les étincelles. Le nationalisme fait rage, cette maladie r
523 nationalisme fait rage, cette maladie romantique de l’Europe. Lui seul, sous le couvert de je ne sais quels prétextes par
524 onalisme fait rage, cette maladie romantique de l’ Europe . Lui seul, sous le couvert de je ne sais quels prétextes parés du nom
525 romantique de l’Europe. Lui seul, sous le couvert de je ne sais quels prétextes parés du nom de tradition, en réalité vill
526 ouvert de je ne sais quels prétextes parés du nom de tradition, en réalité villageois et naïvement machiavéliques, entreti
527 parmi nous la méfiance, des rancunes séculaires, d’ absurdes vanités locales, maintient encore des barrières de visas, d’e
528 s vanités locales, maintient encore des barrières de visas, d’exorbitants tarifs douaniers, des censures plus ou moins avo
529 locales, maintient encore des barrières de visas, d’ exorbitants tarifs douaniers, des censures plus ou moins avouées, et d
530 douaniers, des censures plus ou moins avouées, et de ruineux budgets de défense nationale. Un pays qui ne peut pas vêtir s
531 ures plus ou moins avouées, et de ruineux budgets de défense nationale. Un pays qui ne peut pas vêtir ses déportés trouve
532 eut pas vêtir ses déportés trouve encore le moyen de faire des uniformes et discute la couleur des parements, cependant qu
533 , vient de changer en une seconde la couleur même de l’océan. Et non seulement l’idée d’une guerre prochaine, mais l’idée
534 couleur même de l’océan. Et non seulement l’idée d’ une guerre prochaine, mais l’idée d’une révolution à main armée se voi
535 lement l’idée d’une guerre prochaine, mais l’idée d’ une révolution à main armée se voit acceptée comme fatale, se voit nou
536 ée se voit acceptée comme fatale, se voit nourrie de nos passivités. Voilà ce qu’on nous prépare à droite comme à gauche,
537 etites occupations les aliénés. Si l’on se bat en Europe demain, ce sera au nom de la démocratie contre le peuple, au nom du p
538 u nom d’une confusion contre une autre confusion, d’ une superstition contre un mythe, de quelques scélérats déclarés infai
539 re confusion, d’une superstition contre un mythe, de quelques scélérats déclarés infaillibles contre un groupe d’autres sc
540 contre un groupe d’autres scélérats qui se disent de bonne volonté ! Pendant ce temps que font les élites ? J’entends les
541 es ? J’entends les hommes dont la fonction serait de dénoncer ces maux, d’en rechercher les causes, et d’en inventer les r
542 mes dont la fonction serait de dénoncer ces maux, d’ en rechercher les causes, et d’en inventer les remèdes ? Leur voix ne
543 dénoncer ces maux, d’en rechercher les causes, et d’ en inventer les remèdes ? Leur voix ne porte guère, tant qu’elle n’emp
544 s, c’est aussi n’être plus entendu, car il s’agit de s’adapter, de se « mettre au pas » spontanément, au point que rien ne
545 n’être plus entendu, car il s’agit de s’adapter, de se « mettre au pas » spontanément, au point que rien ne passe plus de
546 s » spontanément, au point que rien ne passe plus de ce qu’on avait à dire. Devant cette impuissance pratique à inscrire l
547 à inscrire leurs pensées dans des actes, beaucoup d’ intellectuels s’inscrivent dans un parti et c’est là ce qu’ils appelle
548 fait, pour la plupart d’entre eux, une démission de la pensée, un alibi. Pour qu’une pensée soit efficace et douée d’une
549 alibi. Pour qu’une pensée soit efficace et douée d’ une vertu agissante, il ne suffit pas que le penseur s’achète une étiq
550 Et cependant, s’il se tient seul dans l’intégrité de l’esprit, il fera figure de déserteur… Ainsi privés de guides spiritu
551 seul dans l’intégrité de l’esprit, il fera figure de déserteur… Ainsi privés de guides spirituels, les jeunes gens qui ne
552 esprit, il fera figure de déserteur… Ainsi privés de guides spirituels, les jeunes gens qui ne se contentent pas de cultiv
553 rituels, les jeunes gens qui ne se contentent pas de cultiver le sens de l’absurde cherchent des chefs qui leur commandent
554 gens qui ne se contentent pas de cultiver le sens de l’absurde cherchent des chefs qui leur commandent d’agir et de réussi
555 l’absurde cherchent des chefs qui leur commandent d’ agir et de réussir n’importe quoi. Le « Führerprinzip » n’est pas mort
556 cherchent des chefs qui leur commandent d’agir et de réussir n’importe quoi. Le « Führerprinzip » n’est pas mort avec celu
557 alitaire marque des points. Tous ces maux et tant d’ impuissance à y parer n’ont pas manqué de provoquer dans les élites de
558 et tant d’impuissance à y parer n’ont pas manqué de provoquer dans les élites demeurées libérales une crise de pessimisme
559 uer dans les élites demeurées libérales une crise de pessimisme et de mauvaise conscience. Il semble que l’idée de décaden
560 es demeurées libérales une crise de pessimisme et de mauvaise conscience. Il semble que l’idée de décadence, acclimatée av
561 e et de mauvaise conscience. Il semble que l’idée de décadence, acclimatée avant la guerre par des penseurs aussi divers q
562 généralement substituée dans nos esprits à l’idée de progrès automatique. Née d’analyses et de pressentiments de nos défai
563 nos esprits à l’idée de progrès automatique. Née d’ analyses et de pressentiments de nos défaillances internes, elle se vo
564 l’idée de progrès automatique. Née d’analyses et de pressentiments de nos défaillances internes, elle se voit confirmée e
565 automatique. Née d’analyses et de pressentiments de nos défaillances internes, elle se voit confirmée et comme objectivée
566 irmée et comme objectivée par la rapide élévation de deux empires extraeuropéens. Ce sont eux qui ont gagné la guerre, et
567 a foi au progrès. Et nous restons avec l’héritage d’ une défaite, notre conscience inquiète et fatiguée, notre scepticisme
568 scepticisme lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’Europe que je viens d’esquisser devant vous pèche par excès de pess
569 ticisme lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’ Europe que je viens d’esquisser devant vous pèche par excès de pessimisme, e
570 se peut que le portrait de l’Europe que je viens d’ esquisser devant vous pèche par excès de pessimisme, et que plusieurs
571 je viens d’esquisser devant vous pèche par excès de pessimisme, et que plusieurs des rides que j’ai cru distinguer sur le
572 le visage spirituel du continent — je ne dis rien de son visage physique — ne trahissent qu’une fatigue temporaire. Je n’i
573 gnore pas que l’autodénigrement, chez nous autres Européens , se confond trop souvent avec le sens critique. Je n’ignore pas que l
574 s des êtres que l’on aime, il arrive qu’on manque d’ indulgence… Faisons la part de ces travers ou de ces exagérations. Il
575 arrive qu’on manque d’indulgence… Faisons la part de ces travers ou de ces exagérations. Il reste cependant un fait qui ne
576 e d’indulgence… Faisons la part de ces travers ou de ces exagérations. Il reste cependant un fait qui ne dépend à aucun de
577 ste cependant un fait qui ne dépend à aucun degré de nos estimations ou jugements subjectifs : c’est que la situation de l
578 ou jugements subjectifs : c’est que la situation de l’Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est même totalement
579 ugements subjectifs : c’est que la situation de l’ Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est même totalement renversée
580 s’est même totalement renversée depuis l’automne de 1939. Avant cette guerre, le nom d’Europe évoquait un foyer intense d
581 uis l’automne de 1939. Avant cette guerre, le nom d’ Europe évoquait un foyer intense dont le rayonnement s’élargissait sur
582 s l’automne de 1939. Avant cette guerre, le nom d’ Europe évoquait un foyer intense dont le rayonnement s’élargissait sur tous
583 t s’élargissait sur tous les autres continents. L’ Europe nous semblait donc plus grande qu’elle n’était. D’où l’effet de choc
584 e nous semblait donc plus grande qu’elle n’était. D’ où l’effet de choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’a
585 it donc plus grande qu’elle n’était. D’où l’effet de choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’autre guerre,
586 choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’autre guerre, la phrase fameuse de Valéry sur l’Europe « petit cap
587 au lendemain de l’autre guerre, la phrase fameuse de Valéry sur l’Europe « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’Europe vue
588 l’autre guerre, la phrase fameuse de Valéry sur l’ Europe « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’Europe vue d’Amérique, et j’im
589 r l’Europe « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’ Europe vue d’Amérique, et j’imagine aussi vue de Russie, paraît plus petite
590 « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’Europe vue d’ Amérique, et j’imagine aussi vue de Russie, paraît plus petite que nat
591 i l’Europe vue d’Amérique, et j’imagine aussi vue de Russie, paraît plus petite que nature : physiquement resserrée entre
592 s dont les ombres immenses s’affrontent au-dessus d’ elle, rongée et ruinée sur ses bords, moralement refermée sur elle-mêm
593 efermée sur elle-même. Il y a plus. Nous voyons l’ Europe comme vidée, au profit de ces deux empires, de certaines ambitions, d
594 plus. Nous voyons l’Europe comme vidée, au profit de ces deux empires, de certaines ambitions, de certains rêves et de cer
595 urope comme vidée, au profit de ces deux empires, de certaines ambitions, de certains rêves et de certaines croyances appa
596 ofit de ces deux empires, de certaines ambitions, de certains rêves et de certaines croyances apparus sur son sol, et qui
597 res, de certaines ambitions, de certains rêves et de certaines croyances apparus sur son sol, et qui semblaient parfois dé
598 s allusion tout à l’heure — semble avoir évacué l’ Europe pour émigrer vers l’Amérique et la Russie. C’est une notion qui s’éti
599 a Russie. C’est une notion qui s’étiole chez nous d’ autant plus vite qu’elle grandit mieux ailleurs, chez les voisins où e
600 us qu’ils nous semblent en faire nous dégoûtaient de son usage normal. Ainsi de bien d’autres notions ou de bien d’autres
601 faire nous dégoûtaient de son usage normal. Ainsi de bien d’autres notions ou de bien d’autres mythes engendrés par nos œu
602 n usage normal. Ainsi de bien d’autres notions ou de bien d’autres mythes engendrés par nos œuvres. Ainsi de nos technique
603 n d’autres mythes engendrés par nos œuvres. Ainsi de nos techniques industrielles, de nos machines, et de nos armes. Penda
604 os œuvres. Ainsi de nos techniques industrielles, de nos machines, et de nos armes. Pendant des siècles d’expansion irrési
605 nos techniques industrielles, de nos machines, et de nos armes. Pendant des siècles d’expansion irrésistible, impérialiste
606 os machines, et de nos armes. Pendant des siècles d’ expansion irrésistible, impérialiste ou généreuse, l’Europe a diffusé
607 ansion irrésistible, impérialiste ou généreuse, l’ Europe a diffusé sur la planète, sans distinction, ses découvertes et ses ut
608 ses découvertes et ses utopies, les secrets mêmes de sa puissance, et les germes de ses maladies. Et tout cela sur des ter
609 les secrets mêmes de sa puissance, et les germes de ses maladies. Et tout cela sur des terres plus fertiles, ou peut-être
610 nt. Ces notions et ces mythes qui nous reviennent d’ outre-Atlantique ou d’outre-Oder, nous refusons d’y reconnaître nos en
611 mythes qui nous reviennent d’outre-Atlantique ou d’ outre-Oder, nous refusons d’y reconnaître nos enfants. Leur exil en a
612 d’outre-Atlantique ou d’outre-Oder, nous refusons d’ y reconnaître nos enfants. Leur exil en a fait des monstres à nos yeux
613 tique, qui ont fait fortune en Amérique, venaient d’ Europe ; comme en venaient le matérialisme dialectique, la technique r
614 que, qui ont fait fortune en Amérique, venaient d’ Europe  ; comme en venaient le matérialisme dialectique, la technique révolut
615 lectique, la technique révolutionnaire, et l’idée d’ une justice sociale établie par la force aux dépens de la coutume, qui
616 dans l’empire des Soviets. Comme aussi le respect de la science appliquée qui régit dans ces deux pays l’éducation de l’en
617 ppliquée qui régit dans ces deux pays l’éducation de l’enfant et l’eugénique, l’alimentation, le logement, et jusqu’à la m
618 squ’à la morale, autrefois religieuse. Tout vient d’ Europe, tout cela fut nôtre à l’origine. Mais alors, comment et pourqu
619 u’à la morale, autrefois religieuse. Tout vient d’ Europe , tout cela fut nôtre à l’origine. Mais alors, comment et pourquoi ces
620 ne. Mais alors, comment et pourquoi ces créations européennes n’ont-elles pas connu en Europe leur plein succès ? Et comment et pou
621 es créations européennes n’ont-elles pas connu en Europe leur plein succès ? Et comment et pourquoi, hors d’Europe, ont-elles
622 leur plein succès ? Et comment et pourquoi, hors d’ Europe, ont-elles subi cette croissance gigantesque ? Pourquoi n’ont-e
623 eur plein succès ? Et comment et pourquoi, hors d’ Europe , ont-elles subi cette croissance gigantesque ? Pourquoi n’ont-elles p
624 ni tout leur bien, ni tout leur mal ? C’est qu’en Europe , elles se trouvaient toujours en état de composition, tandis qu’aille
625 u’en Europe, elles se trouvaient toujours en état de composition, tandis qu’ailleurs, pour le bien et le mal, elles se son
626 alisme, par les guerres, et par tous les barrages de douanes ou de coutumes que l’Amérique ne connaît pas. Et de même le p
627 s guerres, et par tous les barrages de douanes ou de coutumes que l’Amérique ne connaît pas. Et de même le progrès social
628 ocial s’est vu bridé et contrarié par la tyrannie de l’argent, dont la Russie nouvelle s’est libérée. Mais en même temps,
629 , soit au nom d’utopies plus virulentes. Cet état de complexité, d’intrications et de contradictions, définit l’équilibre
630 ’utopies plus virulentes. Cet état de complexité, d’ intrications et de contradictions, définit l’équilibre humain qu’on no
631 lentes. Cet état de complexité, d’intrications et de contradictions, définit l’équilibre humain qu’on nomme Europe. Il con
632 adictions, définit l’équilibre humain qu’on nomme Europe . Il conditionne aussi notre culture. Et nous allons voir qu’il tradui
633 uit, et parfois aussi qu’il trahit, la conception européenne de l’homme. Toute la question est de savoir si nous saurons maintenir
634 fois aussi qu’il trahit, la conception européenne de l’homme. Toute la question est de savoir si nous saurons maintenir ce
635 tion européenne de l’homme. Toute la question est de savoir si nous saurons maintenir cet équilibre malgré l’attraction fo
636 nt leurs succès littéralement démesurés. Essayons d’ évaluer nos chances, dans l’état de résistance morale diminuée où vien
637 urés. Essayons d’évaluer nos chances, dans l’état de résistance morale diminuée où vient de nous laisser la guerre d’Hitle
638 orale diminuée où vient de nous laisser la guerre d’ Hitler. Ces chances paraissent très faibles en vérité. L’Europe a domi
639 Ces chances paraissent très faibles en vérité. L’ Europe a dominé le monde pendant des siècles par sa culture d’abord, dès le
640 des grandes découvertes, par ses armes et son art de la guerre mis au service tantôt de la rapacité de telle nation ou de
641 mes et son art de la guerre mis au service tantôt de la rapacité de telle nation ou de tel prince, tantôt d’idéaux contagi
642 de la guerre mis au service tantôt de la rapacité de telle nation ou de tel prince, tantôt d’idéaux contagieux ; enfin par
643 service tantôt de la rapacité de telle nation ou de tel prince, tantôt d’idéaux contagieux ; enfin par ses machines et pa
644 rapacité de telle nation ou de tel prince, tantôt d’ idéaux contagieux ; enfin par ses machines et par ses capitaux. Mais
645 armes, le grand commerce et jusqu’à la curiosité de la planète ! Tout cela dans l’espace de trente ans, et sans retour po
646 curiosité de la planète ! Tout cela dans l’espace de trente ans, et sans retour possible, à vues humaines. Que nous reste-
647 -t-il donc en propre ? Un monopole unique : celui de la culture au sens le plus large du terme, c’est-à-dire : une mesure
648 le plus large du terme, c’est-à-dire : une mesure de l’homme, un principe de critique permanente, un certain équilibre hum
649 c’est-à-dire : une mesure de l’homme, un principe de critique permanente, un certain équilibre humain résultant de tension
650 permanente, un certain équilibre humain résultant de tensions innombrables. Cela, on nous le laisse encore, et à vrai dire
651 c’est aussi le plus difficile à maintenir en état d’ efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient unan
652 maintenir en état d’efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le part
653 ’efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses c
654 péens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse
655 ent unanimes à tenir activement le parti de cette Europe , de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse sociologique
656 imes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse sociologique asse
657 arti de cette Europe, de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse sociologique assez grossière suffit à révéler
658 suffit à révéler dans tout le continent une sorte de clivage et un double tropisme. Les masses industrielles, dans leur pa
659 e, regardent vers la Russie, et les grands hommes d’ affaires regardent vers l’Amérique. À tort ou à raison — je n’en juge
660 eux que leur nation ce qu’ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi, ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collect
661 a vie. Ainsi, ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collectiviste ou de progrès capitaliste qui ont quitté notre
662 seulement les idéaux de progrès collectiviste ou de progrès capitaliste qui ont quitté notre continent, mais à leur suite
663 é. La bourgeoisie, dans son ensemble, se contente d’ un double refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décaden
664 dans son ensemble, se contente d’un double refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore
665 le, se contente d’un double refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore mais sans faire
666 tenir vitalement aux conceptions et aux coutumes européennes , que deux classes par ailleurs tout opposées : les intellectuels non
667 igadés d’une part, les provinciaux et campagnards de l’autre. C’est-à-dire les esprits les plus libérés, et les plus attac
668 osition. Telle est, en gros, notre situation. Une Europe démoralisée par sa victoire douteuse sur Hitler, rétrécie et coincée
669 cée entre deux grands empires, dépossédée par eux de presque tous ses monopoles et moyens de puissance, vidée de rêves et
670 e par eux de presque tous ses monopoles et moyens de puissance, vidée de rêves et divisée non seulement par l’esprit de fa
671 tous ses monopoles et moyens de puissance, vidée de rêves et divisée non seulement par l’esprit de faction, mais parce qu
672 ée de rêves et divisée non seulement par l’esprit de faction, mais parce que beaucoup de ses habitants espèrent ailleurs,
673 rès faibles dans l’ensemble, malgré les illusions de santé et de durée que peuvent entretenir encore dans nos vies certain
674 dans l’ensemble, malgré les illusions de santé et de durée que peuvent entretenir encore dans nos vies certains îlots d’in
675 nt entretenir encore dans nos vies certains îlots d’ inconscience routinière, et l’image rassurante de deux ou trois pays,
676 d’inconscience routinière, et l’image rassurante de deux ou trois pays, petits pays épargnés par la guerre. Voici le mome
677 tits pays épargnés par la guerre. Voici le moment de nous demander très sérieusement si, dans cette conjoncture plus que d
678 ncture plus que défavorable, il est bien légitime de s’obstiner, de parler d’une défense de l’Europe, de nous cramponner à
679 défavorable, il est bien légitime de s’obstiner, de parler d’une défense de l’Europe, de nous cramponner à ses restes, et
680 le, il est bien légitime de s’obstiner, de parler d’ une défense de l’Europe, de nous cramponner à ses restes, et même d’ap
681 itime de s’obstiner, de parler d’une défense de l’ Europe , de nous cramponner à ses restes, et même d’appeler à son secours des
682 s’obstiner, de parler d’une défense de l’Europe, de nous cramponner à ses restes, et même d’appeler à son secours des for
683 ’Europe, de nous cramponner à ses restes, et même d’ appeler à son secours des forces jeunes. Posons-nous donc sans nul cyn
684 t-elles justifiables ? Ou bien ne sont-elles rien de mieux que les sentiments égoïstes d’un vieux propriétaire dépossédé q
685 t-elles rien de mieux que les sentiments égoïstes d’ un vieux propriétaire dépossédé qui pleure et rage sur la perte d’un d
686 iétaire dépossédé qui pleure et rage sur la perte d’ un domaine, alors que ce domaine menace ruine par sa faute, et que les
687 re ? Que valent nos craintes ? Qu’avons-nous peur de perdre en vérité ? Cette même question, je sais plusieurs Européens q
688 n vérité ? Cette même question, je sais plusieurs Européens qui se la posent en termes tout à fait urgents et familiers, quand il
689 s et familiers, quand ils se demandent si c’est l’ Europe ou l’Amérique qu’il leur faut souhaiter pour leur enfant. Car nous pe
690 haiter pour leur enfant. Car nous pensons à notre Europe comme à un « Vaterland », pays des pères, mais l’Amérique, ou la Russ
691 it-ce pas ce « Kinderland » qu’appelait Nietzsche de ses vœux ? Ce n’est pas assez de donner des ancêtres à ses enfants ;
692 pelait Nietzsche de ses vœux ? Ce n’est pas assez de donner des ancêtres à ses enfants ; ils ont besoin d’un avenir aussi.
693 onner des ancêtres à ses enfants ; ils ont besoin d’ un avenir aussi. Et de quel droit sacrifierais-je leurs espoirs à mes
694 es enfants ; ils ont besoin d’un avenir aussi. Et de quel droit sacrifierais-je leurs espoirs à mes souvenirs ? En défenda
695 je leurs espoirs à mes souvenirs ? En défendant l’ Europe , il s’agit donc de savoir si nous défendons plus et mieux que de bell
696 souvenirs ? En défendant l’Europe, il s’agit donc de savoir si nous défendons plus et mieux que de belles ruines, des préj
697 onc de savoir si nous défendons plus et mieux que de belles ruines, des préjugés sociaux, et des habitudes de culture péri
698 es ruines, des préjugés sociaux, et des habitudes de culture périmées, ou peut-être perverses, comme le pensent et le dise
699 nos voisins. Je songe à ces enfants, et j’essaie de mêler à la vision de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’é
700 e à ces enfants, et j’essaie de mêler à la vision de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de musée plus ou
701 aie de mêler à la vision de leur avenir la vision d’ une Europe réduite à l’état de musée plus ou moins bien tenu, ou au co
702 mêler à la vision de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de musée plus ou moins bien tenu, ou au contraire la
703 ur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de musée plus ou moins bien tenu, ou au contraire la vision d’une Europe
704 lus ou moins bien tenu, ou au contraire la vision d’ une Europe qui aurait cédé aux tentations d’un bonheur étranger à son
705 moins bien tenu, ou au contraire la vision d’une Europe qui aurait cédé aux tentations d’un bonheur étranger à son génie, une
706 ision d’une Europe qui aurait cédé aux tentations d’ un bonheur étranger à son génie, une Europe américanisée — ce serait p
707 tentations d’un bonheur étranger à son génie, une Europe américanisée — ce serait par goût — soviétisée — ce serait par contra
708 nisée. Un musée ou une colonie… autant dire : une Europe absente… Imaginons le monde heureux, prospère, et puissamment organis
709 mot, vague et poignant : c’est le mot « âme ». L’ Europe absente, démissionnaire, colonisée, c’est un certain sens de la vie,
710 démissionnaire, colonisée, c’est un certain sens de la vie, une certaine conscience de l’humain, oui, l’âme d’une civilis
711 n certain sens de la vie, une certaine conscience de l’humain, oui, l’âme d’une civilisation qui serait perdue, perdue pou
712 , une certaine conscience de l’humain, oui, l’âme d’ une civilisation qui serait perdue, perdue pour tous et non seulement
713 t donc pas au nom de je ne sais quel nationalisme européen qu’il nous faut défendre l’Europe, mais au seul nom de l’humanité la
714 nationalisme européen qu’il nous faut défendre l’ Europe , mais au seul nom de l’humanité la plus consciente et la plus créatri
715 ’il nous faut défendre l’Europe, mais au seul nom de l’humanité la plus consciente et la plus créatrice de l’homme. On con
716 ’humanité la plus consciente et la plus créatrice de l’homme. On contestait l’autre jour, ici même, l’existence d’un espri
717 On contestait l’autre jour, ici même, l’existence d’ un esprit européen, et c’était un appel, nous l’avions tous compris. C
718 t l’autre jour, ici même, l’existence d’un esprit européen , et c’était un appel, nous l’avions tous compris. C’est un point de v
719 l’on observe. Mais si maintenant nous regardons l’ Europe dans le monde, ce changement de point de vue va nous faire voir une t
720 s regardons l’Europe dans le monde, ce changement de point de vue va nous faire voir une très solide réalité spirituelle.
721 s solide réalité spirituelle. S’il est vrai que l’ Europe , jusqu’à ce siècle, ne s’est guère sentie et conçue comme un tout, co
722 ’est surtout parce qu’elle n’avait pas l’occasion de se comparer, de s’opposer et de se définir ; elle était seule et rein
723 ce qu’elle n’avait pas l’occasion de se comparer, de s’opposer et de se définir ; elle était seule et reine de la planète.
724 it pas l’occasion de se comparer, de s’opposer et de se définir ; elle était seule et reine de la planète. Mais en 1946, e
725 oser et de se définir ; elle était seule et reine de la planète. Mais en 1946, elle se voit affrontée à deux empires. Du m
726 son unité et la définit par contraste comme celle d’ une conception de l’homme. Esquissons cette comparaison entre l’Europe
727 éfinit par contraste comme celle d’une conception de l’homme. Esquissons cette comparaison entre l’Europe et les nouveaux
728 de l’homme. Esquissons cette comparaison entre l’ Europe et les nouveaux empires qui se désignent typiquement par des lettres
729 ettres et presque les mêmes : US d’une part, URSS de l’autre. Nous distinguerons d’abord deux conceptions divergentes et p
730 conceptions divergentes et peut-être antagonistes de la nature ou de la condition de l’homme. À l’origine de la religion,
731 rgentes et peut-être antagonistes de la nature ou de la condition de l’homme. À l’origine de la religion, de la culture et
732 être antagonistes de la nature ou de la condition de l’homme. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale eu
733 nature ou de la condition de l’homme. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale européennes, il y a l’idée
734 condition de l’homme. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale européennes, il y a l’idée de la contradic
735 mme. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale européennes, il y a l’idée de la contradiction, du déchirem
736 ine de la religion, de la culture et de la morale européennes , il y a l’idée de la contradiction, du déchirement fécond, du conflit
737 ulture et de la morale européennes, il y a l’idée de la contradiction, du déchirement fécond, du conflit créateur. Il y a
738 ment fécond, du conflit créateur. Il y a ce signe de contradiction par excellence qui est la croix. Au contraire, à l’orig
739 ’origine des deux empires nouveaux, il y a l’idée de l’unification de l’homme lui-même, de l’élimination des antithèses, e
740 empires nouveaux, il y a l’idée de l’unification de l’homme lui-même, de l’élimination des antithèses, et du triomphe de
741 y a l’idée de l’unification de l’homme lui-même, de l’élimination des antithèses, et du triomphe de l’organisation bien h
742 , de l’élimination des antithèses, et du triomphe de l’organisation bien huilée, sans histoire, et sans drame. Il s’ensuit
743 histoire, et sans drame. Il s’ensuit que le héros européen sera l’homme qui atteint, dramatiquement, le plus haut point de consc
744 e qui atteint, dramatiquement, le plus haut point de conscience et de signification : le saint, le mystique, le martyr. Ta
745 amatiquement, le plus haut point de conscience et de signification : le saint, le mystique, le martyr. Tandis que le héros
746 plus haut exemple ; pour eux, c’est l’exemplaire de série. Ces deux sens du mot « exemplaire » nous livrent le secret de
747 sens du mot « exemplaire » nous livrent le secret de l’opposition que je voudrais vous faire sentir. Pour eux la vie se ré
748 uction et consommation. Tout leur effort est donc de les équilibrer, de les faire jouer sans à-coup ; et le produit de cet
749 ion. Tout leur effort est donc de les équilibrer, de les faire jouer sans à-coup ; et le produit de cet équilibre sera le
750 r, de les faire jouer sans à-coup ; et le produit de cet équilibre sera le bonheur inévitable, obligatoire. Pour nous, la
751 névitable, obligatoire. Pour nous, la vie résulte d’ un conflit permanent, et son but n’est pas le bonheur, mais la conscie
752 eur, mais la conscience plus aiguë, la découverte d’ un sens, d’une signification, fût-ce dans le malheur de la passion, fû
753 a conscience plus aiguë, la découverte d’un sens, d’ une signification, fût-ce dans le malheur de la passion, fût-ce dans l
754 sens, d’une signification, fût-ce dans le malheur de la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent à l’inconscience heureuse
755 e quel prix. Ils veulent la vie, nous des raisons de vivre, même mortelles. Voilà pourquoi l’Européen typique sera tantôt
756 aisons de vivre, même mortelles. Voilà pourquoi l’ Européen typique sera tantôt un révolutionnaire ou un apôtre, un amant passion
757 mal sont liés, inextricablement et vitalement. L’ Européen connaît donc la valeur essentielle des antagonismes, de l’opposition
758 naît donc la valeur essentielle des antagonismes, de l’opposition créatrice, tandis que l’Américain et le Russe soviétique
759 in et le Russe soviétique considèrent l’existence de l’opposition comme l’indice d’un mauvais fonctionnement, qu’il faut é
760 dèrent l’existence de l’opposition comme l’indice d’ un mauvais fonctionnement, qu’il faut éliminer doucement ou brutalemen
761 ndront par la publicité, le cinéma, la production de série, et les autres par des moyens un peu moins souples, comme on sa
762 en plus. Pour illustrer le contraste que je viens d’ esquisser d’une manière un peu trop schématique et abstraite entre l’E
763 r illustrer le contraste que je viens d’esquisser d’ une manière un peu trop schématique et abstraite entre l’Européen, d’u
764 ière un peu trop schématique et abstraite entre l’ Européen , d’une part, l’Américain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas à
765 ropéen, d’une part, l’Américain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas à chercher bien loin. Je prendrai simplement l’e
766 rcher bien loin. Je prendrai simplement l’exemple de l’entreprise qui nous rassemble ici. En Amérique, je pense que ces re
767 four, ou un flop, comme ils disent. La diversité de nos points de vue inquiéterait l’auditeur plus qu’elle ne l’intéresse
768 où nous cherchons avant tout un approfondissement de la conscience. En Russie, je ne crois pas être injuste en affirmant q
769 icain et le Russe n’aient quelques bonnes raisons de se comporter ainsi, je dis seulement que leurs raisons ne sont pas ce
770 is seulement que leurs raisons ne sont pas celles de la culture ; que la culture suppose la libre discussion, en vue d’un
771 ue la culture suppose la libre discussion, en vue d’ un engagement plus authentique au service d’une plus large vérité ; qu
772 n vue d’un engagement plus authentique au service d’ une plus large vérité ; que telle est bien la vocation de l’Europe, et
773 lus large vérité ; que telle est bien la vocation de l’Europe, et que l’Europe existe au plus haut point comme entité spir
774 arge vérité ; que telle est bien la vocation de l’ Europe , et que l’Europe existe au plus haut point comme entité spirituelle,
775 telle est bien la vocation de l’Europe, et que l’ Europe existe au plus haut point comme entité spirituelle, dans les diversit
776 ans notre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’Europe et de ces deux filles parfois ingrates du plus grand Occiden
777 otre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’ Europe et de ces deux filles parfois ingrates du plus grand Occident nous su
778 ntre. Ainsi donc, la confrontation de l’Europe et de ces deux filles parfois ingrates du plus grand Occident nous suggère
779 s du plus grand Occident nous suggère une formule de l’homme typiquement européen : c’est l’homme de la contradiction, l’h
780 t nous suggère une formule de l’homme typiquement européen  : c’est l’homme de la contradiction, l’homme dialectique par excellen
781 e de l’homme typiquement européen : c’est l’homme de la contradiction, l’homme dialectique par excellence. Nous le voyons
782 i est pour un seul. Crucifié, dis-je, car l’homme européen en tant que tel n’accepte pas d’être réduit à l’un ou à l’autre de ce
783 ar l’homme européen en tant que tel n’accepte pas d’ être réduit à l’un ou à l’autre de ces termes. Mais il entend les assu
784 liférer ailleurs. D’autre part, elle a pour effet de concentrer sur l’homme lui-même, créateur ou victime de ces tensions,
785 centrer sur l’homme lui-même, créateur ou victime de ces tensions, l’effort principal de l’esprit. Européenne sera donc, t
786 ur ou victime de ces tensions, l’effort principal de l’esprit. Européenne sera donc, typiquement, la volonté de rapporter
787 de ces tensions, l’effort principal de l’esprit. Européenne sera donc, typiquement, la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer
788 it. Européenne sera donc, typiquement, la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer à l’homme toutes les institutions. Ce
789 , typiquement, la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer à l’homme toutes les institutions. Cet homme de la contradict
790 urer à l’homme toutes les institutions. Cet homme de la contradiction (s’il la domine en création) c’est celui que j’appel
791 sonne. Et ces institutions à sa mesure, à hauteur d’ homme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les structures
792 mesure, à hauteur d’homme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les structures politiques, les mêmes tensions
793 essieurs, s’ouvre béante devant moi, la tentation de me lancer dans une série de définitions philosophiques de ces deux te
794 ant moi, la tentation de me lancer dans une série de définitions philosophiques de ces deux termes : la personne et le féd
795 ncer dans une série de définitions philosophiques de ces deux termes : la personne et le fédéralisme. Cette manière d’appa
796 es : la personne et le fédéralisme. Cette manière d’ apparence rigoureuse s’autoriserait trop facilement d’une certaine tra
797 parence rigoureuse s’autoriserait trop facilement d’ une certaine tradition européenne, non la meilleure. Je préfère emprun
798 riserait trop facilement d’une certaine tradition européenne , non la meilleure. Je préfère emprunter, pour un moment, à nos voisin
799 tiques leur sens aigu des implications politiques de toute pensée, même gratuite d’apparence. Demandons-nous ce que nous a
800 cations politiques de toute pensée, même gratuite d’ apparence. Demandons-nous ce que nous avons à faire pour maintenir et
801 r maintenir et pour illustrer les valeurs propres de l’Europe. Ce sera peut-être un bon moyen de les définir dans l’actuel
802 ntenir et pour illustrer les valeurs propres de l’ Europe . Ce sera peut-être un bon moyen de les définir dans l’actuel. Sauver
803 opres de l’Europe. Ce sera peut-être un bon moyen de les définir dans l’actuel. Sauver l’Europe — c’est simple à dire vrai
804 bon moyen de les définir dans l’actuel. Sauver l’ Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’Europe, c’est pratiquement,
805 ’Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’ Europe , c’est pratiquement, et aujourd’hui, empêcher à tout prix la guerre.
806 Et c’est aussi rendre inutiles les mitraillettes de la révolution et les fusillades massives. (Je ne dis pas — notez-le b
807 constate nécessaires, mais au contraire les faire d’ une manière non sanglante, car l’Europe ne peut pas s’offrir des destr
808 aire les faire d’une manière non sanglante, car l’ Europe ne peut pas s’offrir des destructions supplémentaires.) Et je sais tr
809 que certains vont me dire : que je fais là le jeu de la réaction, selon l’expression consacrée, — mais c’est faux ! C’est
810 e commandé, dont j’ai déjà parlé, qui fait le jeu de la réaction en écœurant par sa tactique ceux qui se dévouent à la cau
811 t par sa tactique ceux qui se dévouent à la cause de la justice économique. Empêcher les guerres à tout prix… Or, les guer
812 la charge des élites lorsque celles-ci négligent de l’exercer. Les guerres ni les révolutions ne sont jamais initiées ni
813 les n’ont cerveau ni main, ni, par suite, faculté de décision. C’est donc sur les élites qu’il importe d’agir. Ce sont ell
814 décision. C’est donc sur les élites qu’il importe d’ agir. Ce sont elles que l’on peut utilement éveiller à la claire consc
815 des guerres civiles et nationales, et des moyens d’ y remédier. Or ces causes, nous allons les retrouver, précisément, dan
816 te dont on vient de voir qu’elle est la condition de l’homme européen, la source vive de sa grandeur et de sa spiritualité
817 vient de voir qu’elle est la condition de l’homme européen , la source vive de sa grandeur et de sa spiritualité. Voilà le drame.
818 la condition de l’homme européen, la source vive de sa grandeur et de sa spiritualité. Voilà le drame. La personne, en ef
819 ’homme européen, la source vive de sa grandeur et de sa spiritualité. Voilà le drame. La personne, en effet, c’est en chac
820 le drame. La personne, en effet, c’est en chacun de nous le conflit permanent entre la liberté et la vocation d’une part,
821 uand l’homme se considère seulement sous l’aspect de ses libertés, ou de ses droits individuels, comme le firent les requi
822 idère seulement sous l’aspect de ses libertés, ou de ses droits individuels, comme le firent les requins capitalistes du d
823 à provoquer une réaction collectiviste. À l’excès de liberté chez les individus, répond mécaniquement un excès d’étatisme.
824 chez les individus, répond mécaniquement un excès d’ étatisme. Qui veut faire l’ange, ou le démon, fait la bête et voici qu
825 on l’enferme aujourd’hui dans la cage du parti ou de l’État. À vrai dire, il ne l’a pas volé. Le bon moyen d’éviter ces ex
826 at. À vrai dire, il ne l’a pas volé. Le bon moyen d’ éviter ces excès d’engagement dans le Parti, d’oppression par l’État,
827 ne l’a pas volé. Le bon moyen d’éviter ces excès d’ engagement dans le Parti, d’oppression par l’État, ce n’est pas du tou
828 en d’éviter ces excès d’engagement dans le Parti, d’ oppression par l’État, ce n’est pas du tout de prêcher ce qu’on appell
829 ti, d’oppression par l’État, ce n’est pas du tout de prêcher ce qu’on appelle un « individualisme impénitent ». C’est au c
830 ent ». C’est au contraire, au nom de la personne, de prêcher l’engagement personnel, libre, efficace et constamment critiq
831 ui oppose ici, ce n’est nullement l’excès inverse de l’anarchie et du capitalisme libéral, mais bien cette morale civique,
832 re la liberté et l’engagement, dont s’honorent en Europe les pays dominés par l’influence protestante. Si nous nous demandons,
833 ous nous demandons, en effet, quels sont les pays de l’Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce sont sans
834 ous demandons, en effet, quels sont les pays de l’ Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce sont sans contredit
835 tés par le collectivisme autoritaire. Sur le plan de la personne, et du civisme donc, la déviation vers l’anarchie d’une p
836 ctatures. Or il n’en va pas autrement sur le plan de la communauté et de la politique des nations. Ici, l’équilibre vivant
837 va pas autrement sur le plan de la communauté et de la politique des nations. Ici, l’équilibre vivant doit s’établir entr
838 nation unie, puis entre les nations diverses et l’ Europe  ; puis entre l’Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons
839 e les nations diverses et l’Europe ; puis entre l’ Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tentations
840 entations opposées, et par suite les mêmes causes de guerre, dès que l’un des éléments en équilibre faiblit, ou se voit éc
841 se voit écrasé et absorbé par l’autre. La volonté d’ unification nationale à la manière d’un Louis XIV, plus tard à la mani
842 locaux dont on exige le suicide. C’est la volonté d’ unifier qui provoque leur refus de s’unir, c’est elle qui excite en eu
843 ’est la volonté d’unifier qui provoque leur refus de s’unir, c’est elle qui excite en eux la volonté morbide de s’enfermer
844 , c’est elle qui excite en eux la volonté morbide de s’enfermer dans leur différence essentielle. Cet impérialisme intérie
845 elle. Cet impérialisme intérieur ne manque jamais de s’exalter à son tour en impérialisme tout court. Un gouvernement tota
846 nale en passant. La volonté qui possède Bonaparte d’ unifier l’Europe au mépris des diversités nationales provoquera, sous
847 ant. La volonté qui possède Bonaparte d’unifier l’ Europe au mépris des diversités nationales provoquera, sous Napoléon, la nai
848 a naissance des nationalismes. Telle est la cause de presque toutes nos guerres. J’ai dit, et je ne le répéterai jamais as
849 , qu’il faut voir dans le nationalisme la maladie européenne , l’anti-Europe par excellence. Je compare le nationalisme à une espèc
850 cellence. Je compare le nationalisme à une espèce de court-circuit dans la tension normale qu’il s’agit de maintenir entre
851 ourt-circuit dans la tension normale qu’il s’agit de maintenir entre le particulier et le général. D’une part, en effet, l
852 sme écrase les diversités vivantes, sous prétexte d’ unification, et alors on ne saurait plus parler d’union, puisqu’il n’y
853 d’unification, et alors on ne saurait plus parler d’ union, puisqu’il n’y a plus rien à unir. D’autre part, il déclare souv
854 tre part, il déclare souveraine la nation unifiée de la sorte, qui se conduit alors vis-à-vis de l’Europe comme un groupe
855 de la sorte, qui se conduit alors vis-à-vis de l’ Europe comme un groupe absolutisé, comme un vulgaire individu dont la préten
856 . Et justement parce qu’il respecte à l’intérieur d’ une nation la riche diversité des groupes, il est prêt à s’ouvrir à de
857 père, il fait tout pour les amorcer, par la vertu de l’exemple vécu. Telle est la santé de l’Europe, et telles sont ses de
858 ar la vertu de l’exemple vécu. Telle est la santé de l’Europe, et telles sont ses deux maladies, contradictoires en appare
859 vertu de l’exemple vécu. Telle est la santé de l’ Europe , et telles sont ses deux maladies, contradictoires en apparence, mais
860 toires en apparence, mais également provocatrices de guerre. Cette santé et ces maladies se définissent respectivement com
861 ies se définissent respectivement comme les états d’ équilibre ou de relâchement d’une seule et même tension fondamentale,
862 ent respectivement comme les états d’équilibre ou de relâchement d’une seule et même tension fondamentale, d’une condition
863 ent comme les états d’équilibre ou de relâchement d’ une seule et même tension fondamentale, d’une condition profondément e
864 chement d’une seule et même tension fondamentale, d’ une condition profondément et vitalement contradictoire de l’homme. Et
865 ndition profondément et vitalement contradictoire de l’homme. Et c’est pourquoi la vocation de l’Europe et des élites qui
866 ictoire de l’homme. Et c’est pourquoi la vocation de l’Europe et des élites qui portent la conscience de cette Europe, m’a
867 re de l’homme. Et c’est pourquoi la vocation de l’ Europe et des élites qui portent la conscience de cette Europe, m’apparaît,
868 l’Europe et des élites qui portent la conscience de cette Europe, m’apparaît, dans un double office de vigilance et d’inv
869 et des élites qui portent la conscience de cette Europe , m’apparaît, dans un double office de vigilance et d’invention. Le tr
870 e cette Europe, m’apparaît, dans un double office de vigilance et d’invention. Le trésor de l’Europe, c’est son idée de l’
871 m’apparaît, dans un double office de vigilance et d’ invention. Le trésor de l’Europe, c’est son idée de l’homme. Mais c’es
872 ble office de vigilance et d’invention. Le trésor de l’Europe, c’est son idée de l’homme. Mais c’est un trésor explosif, d
873 ffice de vigilance et d’invention. Le trésor de l’ Europe , c’est son idée de l’homme. Mais c’est un trésor explosif, d’où la né
874 ’invention. Le trésor de l’Europe, c’est son idée de l’homme. Mais c’est un trésor explosif, d’où la nécessité d’une vigil
875 n idée de l’homme. Mais c’est un trésor explosif, d’ où la nécessité d’une vigilance ardente autour de cette notion central
876 Mais c’est un trésor explosif, d’où la nécessité d’ une vigilance ardente autour de cette notion centrale de la personne,
877 vigilance ardente autour de cette notion centrale de la personne, car ses déviations perpétuelles vers l’individu sans dev
878 rs le militant sans droits sont les vraies causes de nos malheurs sociaux. Et notre second office est l’invention de struc
879 s sociaux. Et notre second office est l’invention de structures politiques du type fédéraliste, seules créatrices de paix
880 politiques du type fédéraliste, seules créatrices de paix et seules capables de sauvegarder la liberté dans l’ordre. Après
881 ste, seules créatrices de paix et seules capables de sauvegarder la liberté dans l’ordre. Après tout, c’est l’Europe qui a
882 rder la liberté dans l’ordre. Après tout, c’est l’ Europe qui a sécrété ce contagieux nationalisme, c’est à elle d’inventer son
883 sécrété ce contagieux nationalisme, c’est à elle d’ inventer son antidote. Elle est seule en mesure de le faire à cause de
884 d’inventer son antidote. Elle est seule en mesure de le faire à cause de ses diversités ; et de le faire non seulement pou
885 mesure de le faire à cause de ses diversités ; et de le faire non seulement pour son salut, mais pour celui de la paix du
886 ire non seulement pour son salut, mais pour celui de la paix du monde entier. ⁂ Mesdames et Messieurs, si les descriptions
887 mes et Messieurs, si les descriptions pessimistes de l’Europe auxquelles je me suis livré en débutant sont exactes, il peu
888 t Messieurs, si les descriptions pessimistes de l’ Europe auxquelles je me suis livré en débutant sont exactes, il peut paraîtr
889 tant sont exactes, il peut paraître assez étrange de parler après cela d’une vocation de l’Europe. Pour exercer une vocati
890 peut paraître assez étrange de parler après cela d’ une vocation de l’Europe. Pour exercer une vocation, il faut d’abord ê
891 assez étrange de parler après cela d’une vocation de l’Europe. Pour exercer une vocation, il faut d’abord être vivant, il
892 étrange de parler après cela d’une vocation de l’ Europe . Pour exercer une vocation, il faut d’abord être vivant, il faut surv
893 faut d’abord être vivant, il faut survivre. Or l’ Europe démoralisée, coincée entre deux grands empires, minée par son propre
894 empires, minée par son propre génie et par l’abus de ses vertus bien plus encore que par ses vices, l’Europe a-t-elle des
895 ses vertus bien plus encore que par ses vices, l’ Europe a-t-elle des chances de vivre encore assez pour qu’il ne soit pas uto
896 que par ses vices, l’Europe a-t-elle des chances de vivre encore assez pour qu’il ne soit pas utopique d’envisager sa fon
897 ivre encore assez pour qu’il ne soit pas utopique d’ envisager sa fonction dans le monde, son avenir et le nôtre en elle ?
898 is qu’un être est maintenu en vie par la vie même de sa vocation, et qu’il tombe bientôt lorsqu’elle est accomplie. Or, no
899 tôt lorsqu’elle est accomplie. Or, notre vocation européenne me paraît encore loin d’être accomplie… Mais cette raison irrationnel
900 , notre vocation européenne me paraît encore loin d’ être accomplie… Mais cette raison irrationnelle, de croire à nos chanc
901 ’être accomplie… Mais cette raison irrationnelle, de croire à nos chances de durée, ne peut ni ne doit vous suffire. J’en
902 tte raison irrationnelle, de croire à nos chances de durée, ne peut ni ne doit vous suffire. J’en indiquerai rapidement qu
903 e raison toute physique, géographique d’abord : l’ Europe , cette Grèce agrandie, est un continent cloisonné, et par nature dive
904 , et surtout la Russie — ces deux grandes plaines d’ un seul tenant — peuvent se permettre d’expérimenter. Ma deuxième rais
905 s plaines d’un seul tenant — peuvent se permettre d’ expérimenter. Ma deuxième raison est d’ordre psychologique. Malgré tou
906 permettre d’expérimenter. Ma deuxième raison est d’ ordre psychologique. Malgré tout, je veux dire malgré la contagion des
907 iques totalitaires, qui affecte une certaine part de nos esprits, l’Europe garde encore l’apanage du scepticisme et de l’e
908 , qui affecte une certaine part de nos esprits, l’ Europe garde encore l’apanage du scepticisme et de l’esprit critique. Les Ég
909 l’Europe garde encore l’apanage du scepticisme et de l’esprit critique. Les Églises, autrefois, les redoutaient ; je pense
910 ritique, ce scepticisme, s’applique aux mystiques de l’État et du Parti divinisé, aux idéaux purement profanes et séculier
911 t l’URSS et les US. Vis-à-vis de ces mystiques et de ces idéaux, c’est notre sens d’un absolu qui dépasse l’homme et son b
912 ces mystiques et de ces idéaux, c’est notre sens d’ un absolu qui dépasse l’homme et son bonheur, c’est notre sens du tran
913 ant, précisément, c’est notre foi, qui doit faire de nous des douteurs et des objecteurs de conscience. Cependant que notr
914 doit faire de nous des douteurs et des objecteurs de conscience. Cependant que notre sens de l’équilibre humain nous invit
915 bjecteurs de conscience. Cependant que notre sens de l’équilibre humain nous invite à remettre à leur place ces prétention
916 mporte quoi par 10 ou 100. Vous oubliez la mesure de l’homme. Si, par exemple, vous multipliez par 10 toutes les dimension
917 ple, vous multipliez par 10 toutes les dimensions d’ une maison, vous ne pourrez plus gravir les escaliers ni vous asseoir
918 sseoir dans les fauteuils… » Ma troisième raison d’ espérer, ce sont les crises qu’il faut prévoir dans les deux empires d
919 ndés sur une méconnaissance voulue, systématique, de la complexité de l’homme total. Ils ne sont que des expériences, et l
920 nnaissance voulue, systématique, de la complexité de l’homme total. Ils ne sont que des expériences, et le propre d’une ex
921 al. Ils ne sont que des expériences, et le propre d’ une expérience est de rater neuf fois sur dix. Je pense aux crises éco
922 es expériences, et le propre d’une expérience est de rater neuf fois sur dix. Je pense aux crises économiques qui menacent
923 miques qui menacent constamment l’Amérique. Celle de 1930 eut pour effet de la réveiller, de l’humaniser, et par là même d
924 stamment l’Amérique. Celle de 1930 eut pour effet de la réveiller, de l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’Eu
925 ue. Celle de 1930 eut pour effet de la réveiller, de l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’Europe. Je pense su
926 t de la réveiller, de l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que
927 , de l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’on soit sympat
928 l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’ Europe . Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou
929 pprocher de l’Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou non à l’expérience de dictature
930 . Que l’on soit sympathique ou non à l’expérience de dictature si brillamment conduite, jusqu’ici, par les hiérarques sovi
931 coup de réalités humaines, qui gênent l’exécution de leurs plans rationnels. Il faut bien constater que presque tout les g
932 et la presse les gênent, et les partis — surtout de gauche, et l’imprévu de l’invention dans les arts ou de la découverte
933 , et les partis — surtout de gauche, et l’imprévu de l’invention dans les arts ou de la découverte dans les sciences, et l
934 che, et l’imprévu de l’invention dans les arts ou de la découverte dans les sciences, et l’insouciance et l’inquiétude, et
935 ouciance et l’inquiétude, et l’humour et l’esprit de révolte, et le scepticisme rationnel autant que la foi religieuse — e
936 res, l’homme en soi — l’éternel résistant ! Or, l’ Europe , et c’est là sa grandeur, a justement vécu de toutes ces choses gênan
937 Europe, et c’est là sa grandeur, a justement vécu de toutes ces choses gênantes, elle s’arrange à merveille de leur comple
938 s ces choses gênantes, elle s’arrange à merveille de leur complexité ; elle y voit même la saveur de la vie ! Tout cela va
939 e de leur complexité ; elle y voit même la saveur de la vie ! Tout cela va compter — à la longue. Un beau jour, il n’est p
940 , viendront s’enquérir auprès de nous des secrets de notre désordre et de nos ordres — sinon eux du moins leurs enfants. U
941 r auprès de nous des secrets de notre désordre et de nos ordres — sinon eux du moins leurs enfants. Un dernier trait : l’E
942 eux du moins leurs enfants. Un dernier trait : l’ Europe , surtout si on la compare aux deux empires séparés d’elle, et que je
943 surtout si on la compare aux deux empires séparés d’ elle, et que je nomme les deux empires sans précédent — l’Europe est l
944 que je nomme les deux empires sans précédent — l’ Europe est la patrie de la mémoire. Elle est même, pratiquement, la mémoire
945 x empires sans précédent — l’Europe est la patrie de la mémoire. Elle est même, pratiquement, la mémoire du monde, le lieu
946 intimité des relations humaines. Voilà pourquoi l’ Europe a toutes les chances de rester la patrie de l’invention — alors que l
947 nes. Voilà pourquoi l’Europe a toutes les chances de rester la patrie de l’invention — alors que les empires sans précéden
948 l’Europe a toutes les chances de rester la patrie de l’invention — alors que les empires sans précédent, sans tradition, s
949 avons depuis des siècles, ce qui nous permet donc d’ aller plus loin. Ainsi l’Europe construit des églises modernes, en ver
950 e qui nous permet donc d’aller plus loin. Ainsi l’ Europe construit des églises modernes, en verre et en ciment armé, tandis qu
951 r des églises en gothique neuf. C’est parce que l’ Europe est la mémoire du monde qu’elle ne cessera pas d’inventer. Elle reste
952 pe est la mémoire du monde qu’elle ne cessera pas d’ inventer. Elle restera le point de virulence extrême de la création sp
953 ne cessera pas d’inventer. Elle restera le point de virulence extrême de la création spirituelle, ce coin du monde où l’h
954 enter. Elle restera le point de virulence extrême de la création spirituelle, ce coin du monde où l’homme a su tirer de lu
955 irituelle, ce coin du monde où l’homme a su tirer de lui-même les utopies les plus transformatrices et les plus riches d’a
956 pies les plus transformatrices et les plus riches d’ avenir, pour tous les autres hommes de la planète. Mais, riches d’aven
957 plus riches d’avenir, pour tous les autres hommes de la planète. Mais, riches d’avenir… oui, s’il est un avenir, non seule
958 ous les autres hommes de la planète. Mais, riches d’ avenir… oui, s’il est un avenir, non seulement pour l’Europe, mais pou
959 ir… oui, s’il est un avenir, non seulement pour l’ Europe , mais pour le monde. Dans une certaine mesure, qui est celle du réali
960 lait tout de même que ce fût dit ici, la question de l’avenir du monde se résume dans ce simple dilemme : la Planète unie
961 pas, si la guerre atomique éclate, il n’y a plus de problème de l’Europe, et d’une façon plus générale, il n’y a peut-êtr
962 guerre atomique éclate, il n’y a plus de problème de l’Europe, et d’une façon plus générale, il n’y a peut-être plus de pr
963 e atomique éclate, il n’y a plus de problème de l’ Europe , et d’une façon plus générale, il n’y a peut-être plus de problème de
964 éclate, il n’y a plus de problème de l’Europe, et d’ une façon plus générale, il n’y a peut-être plus de problème de l’ici-
965 ’une façon plus générale, il n’y a peut-être plus de problème de l’ici-bas, mais seulement du jugement dernier — et je n’e
966 lus générale, il n’y a peut-être plus de problème de l’ici-bas, mais seulement du jugement dernier — et je n’en dirai rien
967 une large mesure aussi, l’avenir du monde dépend de l’attitude de l’Europe, et de son pouvoir d’invention. Ici, point de
968 ure aussi, l’avenir du monde dépend de l’attitude de l’Europe, et de son pouvoir d’invention. Ici, point de malentendu ! N
969 ussi, l’avenir du monde dépend de l’attitude de l’ Europe , et de son pouvoir d’invention. Ici, point de malentendu ! Ne demando
970 nir du monde dépend de l’attitude de l’Europe, et de son pouvoir d’invention. Ici, point de malentendu ! Ne demandons pas
971 pend de l’attitude de l’Europe, et de son pouvoir d’ invention. Ici, point de malentendu ! Ne demandons pas l’instauration
972 Europe, et de son pouvoir d’invention. Ici, point de malentendu ! Ne demandons pas l’instauration d’une fédération europée
973 t de malentendu ! Ne demandons pas l’instauration d’ une fédération européenne pour que se crée un troisième bloc, un bloc-
974 Ne demandons pas l’instauration d’une fédération européenne pour que se crée un troisième bloc, un bloc-tampon, ou un bloc opposé
975 der, et obtenir, nous tous, c’est que les nations européennes s’ouvrent d’abord les unes aux autres, suppriment sur tous les plans
976 frontières et visas, renoncent au dogme meurtrier de la souveraineté absolue, créant ainsi une attitude nouvelle, une conf
977 une attitude nouvelle, une confiance — ouvrant l’ Europe au monde, du même coup. Ce qu’il nous faut demander et obtenir — obte
978 Ce qu’il nous faut demander et obtenir — obtenir de nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’Europe découvre, et
979 r de nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’Europe découvre, et qu’il propage, les antitoxines des virus dont i
980 nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’ Europe découvre, et qu’il propage, les antitoxines des virus dont il a infes
981 virus dont il a infesté le monde entier. Il n’y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’une fédération mondiale.
982 a infesté le monde entier. Il n’y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’une fédération mondiale. Il n’y a de paix et d
983 y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’ une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable
984 ble qu’en vue d’une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable que dans l’effort pour instaurer un
985 une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’ avenir imaginable que dans l’effort pour instaurer un vrai gouvernemen
986 ent mondial. Et le monde, pour ce faire, a besoin de l’Europe, j’entends de son esprit critique autant que de son sens inv
987 ondial. Et le monde, pour ce faire, a besoin de l’ Europe , j’entends de son esprit critique autant que de son sens inventif. La
988 e, pour ce faire, a besoin de l’Europe, j’entends de son esprit critique autant que de son sens inventif. La pensée du mon
989 rope, j’entends de son esprit critique autant que de son sens inventif. La pensée du monde, c’est l’Europe. Et s’il s’agit
990 de son sens inventif. La pensée du monde, c’est l’ Europe . Et s’il s’agit vraiment de penser, que penser d’autre pour la paix,
991 du monde, c’est l’Europe. Et s’il s’agit vraiment de penser, que penser d’autre pour la paix, je vous le demande, qu’un id
992 pe. Et s’il s’agit vraiment de penser, que penser d’ autre pour la paix, je vous le demande, qu’un idéal fédératif mondial 
993 ? C’est pourquoi, sans reculer devant l’apparence d’ un calembour, mais qui formule non sans bonheur, je crois, l’attitude
994 ui formule non sans bonheur, je crois, l’attitude d’ engagement et de solidarité qui doit ici nous inspirer, je dirai, song
995 ans bonheur, je crois, l’attitude d’engagement et de solidarité qui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant à l’Europe
996 ui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant à l’ Europe et à sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec moi : Je
997 Je pense, donc j’en suis ! g. Rougemont Denis de , « Les maladies de l’Europe », L’Esprit européen, Neuchâtel, Éditions
998 n suis ! g. Rougemont Denis de, « Les maladies de l’Europe », L’Esprit européen, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière,
999 s ! g. Rougemont Denis de, « Les maladies de l’ Europe  », L’Esprit européen, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1947, p. 
1000 Denis de, « Les maladies de l’Europe », L’Esprit européen , Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1947, p. 143-163.
1001 ’Europe », L’Esprit européen, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1947, p. 143-163.
7 1947, Articles divers (1946-1948). L’opportunité chrétienne (1947)
1002 aller à les revendiquer injustement. Les docteurs de l’Église se défendaient contre les attaques successives du scepticism
1003 contre les attaques successives du scepticisme né de la science cartésienne, de l’historisme, de la philologie, puis des s
1004 ives du scepticisme né de la science cartésienne, de l’historisme, de la philologie, puis des systèmes sociologiques et ph
1005 me né de la science cartésienne, de l’historisme, de la philologie, puis des systèmes sociologiques et philosophiques qui
1006 otidienne, innombrable, et sans cesse accrue mais d’ une manière imperceptible, d’habitudes de pensée et de vie de moins en
1007 ns cesse accrue mais d’une manière imperceptible, d’ habitudes de pensée et de vie de moins en moins conformes aux lois spi
1008 rue mais d’une manière imperceptible, d’habitudes de pensée et de vie de moins en moins conformes aux lois spirituelles :
1009 e manière imperceptible, d’habitudes de pensée et de vie de moins en moins conformes aux lois spirituelles : sans le savoi
1010 re imperceptible, d’habitudes de pensée et de vie de moins en moins conformes aux lois spirituelles : sans le savoir, sans
1011 ns oser se l’avouer, les chrétiens devenaient, en Europe comme ailleurs, une minorité doucement persécutée. Cette persécution
1012 é doucement persécutée. Cette persécution à coups d’ épingle, de demi-sourires et d’ironies intellectuelles basées sur « le
1013 persécutée. Cette persécution à coups d’épingle, de demi-sourires et d’ironies intellectuelles basées sur « les derniers
1014 ersécution à coups d’épingle, de demi-sourires et d’ ironies intellectuelles basées sur « les derniers progrès de la scienc
1015 intellectuelles basées sur « les derniers progrès de la science », cette tolérance même qui se manifestait à l’égard des «
1016 rd des « survivances religieuses », firent autant de mal aux Églises que les persécutions romaines aux premiers temps leur
1017 érentes confessions. On reculait sous la pression de l’incroyance, on frisait la part du feu, on cédait les positions trop
1018 mence flambante qui fut toujours signe et symbole de l’Esprit. Un fils soumis de Rome, le grand Paul Claudel, pouvait écri
1019 ours signe et symbole de l’Esprit. Un fils soumis de Rome, le grand Paul Claudel, pouvait écrire vers la fin de cette péri
1020 le grand Paul Claudel, pouvait écrire vers la fin de cette période qu’à la question : « Si le sel perd sa saveur, avec quo
1021 minoritaire des chrétiens ; qu’il les a attaqués de front au nom des principes non chrétiens (comme le nationalisme) qu’i
1022 chute ont été pour toutes les Églises une épreuve de force, un challenge, une purification, une occasion de réveil. C’est
1023 rce, un challenge, une purification, une occasion de réveil. C’est un fait que la culture laïque, a-chrétienne ou antichré
1024 démontré son impuis­sance réelle devant l’assaut de dictatures barbares : elle s’est reconnue impuissante à donner des bu
1025 elle s’est reconnue impuissante à donner des buts de vie, des idéaux, une morale, plus efficace que le christianisme. C’es
1026 ianisme. C’est un fait que « les derniers progrès de la Science » autorisent de moins en moins — et non de plus en plus, c
1027 « les derniers progrès de la Science » autorisent de moins en moins — et non de plus en plus, comme au siècle passé — à me
1028 a Création du monde par Dieu, sa Fin, l’existence de l’esprit, etc., paraît close pour longtemps. C’est enfin un fait que
1029 nt retrouvé depuis une ou deux décades le courage de réaffirmer leurs positions parfois les plus extrêmes, avec une belle
1030 ec une belle indépendance vis-à-vis des critiques de l’extérieur. Renaissance du thomisme et des études mystiques chez les
1031 des mystiques chez les catholiques ; restauration de la dogmatique réformée grâce au mouvement initié par Karl Barth chez
1032 ar Karl Barth chez les protestants ; réapparition d’ une puissante et purifiée Église orthodoxe à l’Est. Mais dire que l’ép
1033 Église orthodoxe à l’Est. Mais dire que l’époque de la défensive est terminée pour elles, dans notre temps, c’est poser a
1034 mir, ou bien à passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’ une guerre de Trente Ans ne ressemble guère à une victoire, il faut bi
1035 à passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerre de Trente Ans ne ressemble guère à une victoire, il faut bien le dire. L
1036 grands que ceux qu’elles eussent été contraintes de subir en se rendant. (Dans ce « presque » est la différence entre hon
1037 Les uns s’abandonnent aux vieilleries et tentent de restaurer le nationalisme, condamné par les catastrophes récentes. Le
1038 angera la vie… D’autres enfin, faisant la théorie de leur faiblesse, formulent des doctrines nihilistes dans un jargon phi
1039 our le moins inoffensives. Devant cette démission de la pensée et de la morale, l’État se voit forcé d’étendre ses pouvoir
1040 ffensives. Devant cette démission de la pensée et de la morale, l’État se voit forcé d’étendre ses pouvoirs, à coups de dé
1041 e la pensée et de la morale, l’État se voit forcé d’ étendre ses pouvoirs, à coups de décrets si généraux que chaque vocati
1042 tat se voit forcé d’étendre ses pouvoirs, à coups de décrets si généraux que chaque vocation personnelle s’en trouve néces
1043 s ont moins que jamais à se soucier, aujourd’hui, de réfuter les arguments de l’incroyance : elles ont, tout simplement à
1044 se soucier, aujourd’hui, de réfuter les arguments de l’incroyance : elles ont, tout simplement à donner leurs croyances, a
1045 nt dans l’Église, et voyant au-dehors ses chances d’ action, et la misère du temps qui appelle, j’attends ceci : 1° Que l’É
1046 e, j’attends ceci : 1° Que l’Église offre un type de relations humaines viables, comme elle le fit aux siècles sombres, av
1047 raison du Moyen Âge, qui fut son œuvre. Il s’agit de restaurer le sens de la communauté vivante, que le gigantisme de nos
1048 qui fut son œuvre. Il s’agit de restaurer le sens de la communauté vivante, que le gigantisme de nos machines administrati
1049 sens de la communauté vivante, que le gigantisme de nos machines administratives, le règne de l’argent, le nomadisme indu
1050 antisme de nos machines administratives, le règne de l’argent, le nomadisme industriel, et les déportations en masse, ont
1051 s, souvent utiles, mais qui ne sont jamais règles de vie. Je voudrais une sociologie chrétienne pour le siècle. 2° Que l’É
1052 nne pour le siècle. 2° Que l’Église offre un type de relations culturelles viables ; qu’elle ose de nouveau soutenir et gu
1053 s’agit que nos théologiens adoptent une politique d’ intervention, et non de vertueuse indignation, à l’égard des écoles no
1054 ens adoptent une politique d’intervention, et non de vertueuse indignation, à l’égard des écoles nouvelles, dépourvues de
1055 ation, à l’égard des écoles nouvelles, dépourvues de principe d’intégration, de commune mesure, d’ambitions spirituelles.
1056 gard des écoles nouvelles, dépourvues de principe d’ intégration, de commune mesure, d’ambitions spirituelles. Sans « dévot
1057 nouvelles, dépourvues de principe d’intégration, de commune mesure, d’ambitions spirituelles. Sans « dévotion » à rien d’
1058 ues de principe d’intégration, de commune mesure, d’ ambitions spirituelles. Sans « dévotion » à rien d’avouable… Toute la
1059 ’ambitions spirituelles. Sans « dévotion » à rien d’ avouable… Toute la culture de l’Occident — musique, peinture, philosop
1060 « dévotion » à rien d’avouable… Toute la culture de l’Occident — musique, peinture, philosophie, littérature — est sortie
1061 recherche pour la ramener ! 3° Que l’Église cesse de défendre la triste et inefficace moralité bourgeoise, avec laquelle t
1062 nefficace moralité bourgeoise, avec laquelle trop de chrétiens confondent aujourd’hui la vertu ; et qu’elle restaure chez
1063 tu ; et qu’elle restaure chez les fidèles le sens de la vocation personnelle, seul fondement d’une morale spécifiquement c
1064 e sens de la vocation personnelle, seul fondement d’ une morale spécifiquement chrétienne. « Soyez bien sages » nous disaie
1065 jourd’hui, hors des Églises, me paraissent avides d’ entendre. La « folie de la Croix » non la sagesse bourgeoise. Quelque
1066 ises, me paraissent avides d’entendre. La « folie de la Croix » non la sagesse bourgeoise. Quelque chose qui entraîne en a
1067 là, non pas ce qui retient en arrière des risques de la vie. 4° Que l’Église affirme avec force, dans le domaine politique
1068 orce, dans le domaine politique, la Transcendance de son chef, contre tous les absolutismes nationaux, étatiques, partisan
1069 dans notre siècle : il peut offrir le modèle même d’ une union mondiale dans le respect des diversités nationales. Que dis-
1070 nationales. Que dis-je, il peut ! Il le doit, et de toute urgence ! S’il y échoue, je ne vois aucune raison d’attendre au
1071 urgence ! S’il y échoue, je ne vois aucune raison d’ attendre autre chose, pour le monde, que des tyrans, leurs guerres, et
1072 e, qui résume à mes yeux les plus grandes chances d’ action du christianisme au xxe siècle, resterait une pure utopie si l
1073 s et par des petits groupes ; par quelques « fous de Dieu » comme saint François d’Assise ; par des gens de peu réunis dan
1074 eu » comme saint François d’Assise ; par des gens de peu réunis dans une chambre ; par des mystiques qui n’auront l’air de
1075 ne chambre ; par des mystiques qui n’auront l’air de rien ; par des hommes dont on dira qu’ils exagèrent, qu’ils rêvent, q
1076 là : « l’incomparable, l’unique, celui qui a reçu de Dieu une vocation précise », et il ajoute : « toute vocation est sans
1077 reçoit. Exemple : Abraham ». d. Rougemont Denis de , « L’opportunité chrétienne », La Troisième heure, New York, 1947, p.
8 1947, Articles divers (1946-1948). La guerre des sexes en Amérique (janvier 1947)
1078 Le flirt en public (outdoor love-making) vient d’ être interdit à la station aéronavale de San Diego, Californie, tant p
1079 ng) vient d’être interdit à la station aéronavale de San Diego, Californie, tant pour le personnel de la Marine que pour l
1080 de San Diego, Californie, tant pour le personnel de la Marine que pour les civils. Le capitaine Leslie E. Gehres, command
1081 civils. Le capitaine Leslie E. Gehres, commandant de la station, déclare que depuis quelque temps, on assiste à un croissa
1082 emps, on assiste à un croissant étalage en public de marques d’affection du genre communément appelé necking 4. S’il est v
1083 siste à un croissant étalage en public de marques d’ affection du genre communément appelé necking 4. S’il est vrai que tou
1084 le monde s’accorde à reconnaître qu’il s’agit là d’ un passe-temps absorbant et plaisant, il est non moins généralement ad
1085 parue dans le respectable New York Times au mois d’ avril 1946, exprime avec un grain d’humour l’attitude de la jeune Amér
1086 Times au mois d’avril 1946, exprime avec un grain d’ humour l’attitude de la jeune Amérique vis-à-vis du problème des sexes
1087 l 1946, exprime avec un grain d’humour l’attitude de la jeune Amérique vis-à-vis du problème des sexes. Si vous tenez entr
1088 t une lettre à peine regardée, et que vous tentez de formuler ce qu’il évoque dans votre esprit comme type de civilisation
1089 uler ce qu’il évoque dans votre esprit comme type de civilisation, j’imagine que vos conclusions ne seront point trop diff
1090 vos conclusions ne seront point trop différentes de celles que je voudrais dégager d’un séjour de six ans en Amérique. Le
1091 rop différentes de celles que je voudrais dégager d’ un séjour de six ans en Amérique. Les mœurs sexuelles de l’Europe peuv
1092 tes de celles que je voudrais dégager d’un séjour de six ans en Amérique. Les mœurs sexuelles de l’Europe peuvent être déf
1093 éjour de six ans en Amérique. Les mœurs sexuelles de l’Europe peuvent être définies comme un jeu très complexe opposant un
1094 de six ans en Amérique. Les mœurs sexuelles de l’ Europe peuvent être définies comme un jeu très complexe opposant un ensemble
1095 s comme un jeu très complexe opposant un ensemble de règles sociales communément respectées en principe, et un ensemble de
1096 ommunément respectées en principe, et un ensemble de pratiques traditionnelles permettant de tourner ces règles sans les d
1097 ensemble de pratiques traditionnelles permettant de tourner ces règles sans les détruire. Les mœurs sexuelles de l’Amériq
1098 ces règles sans les détruire. Les mœurs sexuelles de l’Amérique ne sont point si faciles à définir. Comment expliquer le c
1099 iquer le contraste entre le puritanisme rigoureux de tel village de la Pennsylvanie, de tel milieu méthodiste ou baptiste,
1100 ste entre le puritanisme rigoureux de tel village de la Pennsylvanie, de tel milieu méthodiste ou baptiste, et le laisser-
1101 isme rigoureux de tel village de la Pennsylvanie, de tel milieu méthodiste ou baptiste, et le laisser-aller naïf en appare
1102 u baptiste, et le laisser-aller naïf en apparence de la jeunesse qui vit au cinéma et s’inspire des valeurs d’Hollywood, e
1103 unesse qui vit au cinéma et s’inspire des valeurs d’ Hollywood, en dépit de toutes les censures ? Car en Europe, le vice et
1104 llywood, en dépit de toutes les censures ? Car en Europe , le vice et la vertu restent fort étroitement liés, l’un vivant de l’
1105 vertu restent fort étroitement liés, l’un vivant de l’autre, pour ainsi dire, et n’existant que par la négation de l’autr
1106 our ainsi dire, et n’existant que par la négation de l’autre, si bien que le contraste entre les deux relève en fin de com
1107 contraste entre les deux relève en fin de compte d’ une même estimation du rôle et de l’importance de la sexualité. Tandis
1108 en fin de compte d’une même estimation du rôle et de l’importance de la sexualité. Tandis qu’en Amérique nous trouvons deu
1109 d’une même estimation du rôle et de l’importance de la sexualité. Tandis qu’en Amérique nous trouvons deux morales égalem
1110 rales également admises, semble-t-il, l’une faite de vices et de vertus, comme chez nous, mais l’autre étant un « sport »
1111 ent admises, semble-t-il, l’une faite de vices et de vertus, comme chez nous, mais l’autre étant un « sport » d’une nature
1112 comme chez nous, mais l’autre étant un « sport » d’ une nature différente, — et c’est la seconde que j’essaierai de décrir
1113 différente, — et c’est la seconde que j’essaierai de décrire. ⁂ De la passion Je pense que l’Amérique en tant qu’amér
1114 c’est la seconde que j’essaierai de décrire. ⁂ De la passion Je pense que l’Amérique en tant qu’américaine, ignore l
1115 véritable, car elle suppose une très grande force d’ imagination créatrice ; des dispositions spirituelles à la fois délica
1116 vé leur véritable objet ; un pouvoir exceptionnel de concentration, c’est-à-dire de fidélité ; enfin le mépris des biens t
1117 uvoir exceptionnel de concentration, c’est-à-dire de fidélité ; enfin le mépris des biens terrestres et du bonheur… L’amou
1118 ation marquée par la croyance en la valeur unique de chaque être. Il suppose un objet irremplaçable et comme prédestiné pa
1119 en Amérique, trahissent une critique inconsciente de l’atmosphère du Nouveau Monde : elles en peignent le négatif. L’Améri
1120 oué pour les raffinements spirituels, peu capable de concentration, peu enclin au mépris des biens terrestres, et religieu
1121 eligieusement convaincu que le bonheur est le but de la vie : n’est-ce point écrit dans sa Constitution ? Son attitude vis
1122 point souffrir, et tient pour perversion ce goût de la torture exaltante et intéressante qui fait le sujet de nos plus be
1123 rture exaltante et intéressante qui fait le sujet de nos plus beaux romans d’amour. Les obstacles au bonheur des amants, i
1124 ssante qui fait le sujet de nos plus beaux romans d’ amour. Les obstacles au bonheur des amants, indispensables au développ
1125 nheur des amants, indispensables au développement d’ une grande passion, sont à ses yeux autant de preuves que l’affaire es
1126 ment d’une grande passion, sont à ses yeux autant de preuves que l’affaire est mal engagée et qu’il ferait bien d’y renonc
1127 ue l’affaire est mal engagée et qu’il ferait bien d’ y renoncer. Si quelque drame se noue dans sa vie, malgré lui, il n’a d
1128 que drame se noue dans sa vie, malgré lui, il n’a de cesse qu’il n’en sorte au plus vite, par une dépêche d’adieu, un voya
1129 se qu’il n’en sorte au plus vite, par une dépêche d’ adieu, un voyage, un divorce. Never get involved, ne vous laissez jama
1130 involved, ne vous laissez jamais prendre au piège d’ une intrigue complexe et qui menace de tirer à conséquence : telle est
1131 re au piège d’une intrigue complexe et qui menace de tirer à conséquence : telle est la grande maxime de sa morale nouvell
1132 tirer à conséquence : telle est la grande maxime de sa morale nouvelle. Les difficultés sentimentales qui nous fascinent
1133 nous l’avouer, lui font peur, et l’éloignent vite de l’être ou des circonstances qui les causent. Il n’a pas le goût de la
1134 circonstances qui les causent. Il n’a pas le goût de la durée intense. C’est tout de suite ou jamais. C’est OK ou ce n’est
1135 e erreur. Ils ne croient guère à la valeur unique d’ un être, — et il est vrai qu’il faut beaucoup de soins, de temps perdu
1136 e, — et il est vrai qu’il faut beaucoup de soins, de temps perdu, de complaisance et de folies pour composer une telle cro
1137 rai qu’il faut beaucoup de soins, de temps perdu, de complaisance et de folies pour composer une telle croyance. Nul n’est
1138 coup de soins, de temps perdu, de complaisance et de folies pour composer une telle croyance. Nul n’est irremplaçable dans
1139 pour eux qu’une perte sèche, et non la condition d’ un approfondissement de la conscience et de la densité de la vie. Comm
1140 sèche, et non la condition d’un approfondissement de la conscience et de la densité de la vie. Comme on demandait à une Am
1141 dition d’un approfondissement de la conscience et de la densité de la vie. Comme on demandait à une Américaine intelligent
1142 profondissement de la conscience et de la densité de la vie. Comme on demandait à une Américaine intelligente si le suicid
1143 on, dit-elle, si nous nous suicidons au lendemain d’ une rupture ou d’une trahison, c’est simplement que nous n’aimons pas
1144 nous nous suicidons au lendemain d’une rupture ou d’ une trahison, c’est simplement que nous n’aimons pas à rester seuls.
1145 x solutions praticables : le mariage, ou l’affair d’ un soir (car ils appellent affair tout autre chose que le business com
1146 s). Le mariage à l’américaine est une institution d’ un type nouveau. Il se fonde sur l’égalité économique et légale des co
1147 nérale, mais c’est la femme qui tient les cordons de la bourse, en l’occurrence, le carnet de chèques. Elle ne se borne pa
1148 cordons de la bourse, en l’occurrence, le carnet de chèques. Elle ne se borne pas à choisir les rideaux, mais la maison,
1149 s) dans cette ardeur inextinguible qui la possède de perfectionner tout ce qui tombe à portée de sa main (et un peu plus).
1150 ssède de perfectionner tout ce qui tombe à portée de sa main (et un peu plus). On ne saurait dire d’elle, comme de l’Europ
1151 e de sa main (et un peu plus). On ne saurait dire d’ elle, comme de l’Européenne, par, métaphore idéaliste, qu’elle règne a
1152 et un peu plus). On ne saurait dire d’elle, comme de l’Européenne, par, métaphore idéaliste, qu’elle règne au sein de son
1153 peu plus). On ne saurait dire d’elle, comme de l’ Européenne , par, métaphore idéaliste, qu’elle règne au sein de son foyer ; car e
1154 ans toute la vie, et le foyer n’est qu’une partie de ses domaines. Il s’agit de l’aménager pour qu’il fonctionne au servic
1155 er n’est qu’une partie de ses domaines. Il s’agit de l’aménager pour qu’il fonctionne au service de tout le reste : la car
1156 it de l’aménager pour qu’il fonctionne au service de tout le reste : la carrière du mari et la sienne propre, l’hygiène de
1157 enfants, les relations sociales. Pour elle, point d’ esclavage des routines domestiques : ce serait être esclave de ses mac
1158 des routines domestiques : ce serait être esclave de ses machines. Si ces dernières se multiplient dans une cuisine et un
1159 z nous. Il est étrange que nous parlions toujours de leur « matérialisme » à ce propos, puisque le but de ces perfectionne
1160 leur « matérialisme » à ce propos, puisque le but de ces perfectionnements est d’alléger les tâches matérielles, auxquelle
1161 opos, puisque le but de ces perfectionnements est d’ alléger les tâches matérielles, auxquelles notre littérature prétendum
1162 grissant à l’extrême, dont la majorité des femmes d’ Europe souffrent encore, pour la plus grande satisfaction des hommes.
1163 issant à l’extrême, dont la majorité des femmes d’ Europe souffrent encore, pour la plus grande satisfaction des hommes. L’Amér
1164 pour payer le frigidaire et permettre à la femme de lire des romans, — ou d’en écrire. Regardez maintenant le couple amér
1165 et permettre à la femme de lire des romans, — ou d’ en écrire. Regardez maintenant le couple américain au restaurant, ou d
1166 ménage simplifié lui en laisse le temps —, ornée de quelques gros bijoux de quatre sous, mais bien brillants, précédant u
1167 laisse le temps —, ornée de quelques gros bijoux de quatre sous, mais bien brillants, précédant un mari moins galant que
1168 férence. Chaque pas, chaque geste, et chaque moue de la femme manifeste qu’elle sait ce qu’on lui doit. Comme elle est ins
1169 t polie, mais parfois un peu plus que désinvolte, d’ une propriétaire de droit divin. Qu’un incident de voyage ou de servic
1170 is un peu plus que désinvolte, d’une propriétaire de droit divin. Qu’un incident de voyage ou de service la mécontente pou
1171 d’une propriétaire de droit divin. Qu’un incident de voyage ou de service la mécontente pour quelque raison mystérieuse, e
1172 taire de droit divin. Qu’un incident de voyage ou de service la mécontente pour quelque raison mystérieuse, elle ne fera p
1173 pour quelque raison mystérieuse, elle ne fera pas de scène criarde, mais affichera un silence offensé qui signifie à son m
1174 ichera un silence offensé qui signifie à son mari d’ intervenir, sinon elle va se lever et sortir d’un pas vif, le menton h
1175 ri d’intervenir, sinon elle va se lever et sortir d’ un pas vif, le menton haut, les cheveux au vent. Et le mari se hâte d’
1176 ton haut, les cheveux au vent. Et le mari se hâte d’ obtempérer pour éviter le pire. Cette domination de la femme ne s’obse
1177 ’obtempérer pour éviter le pire. Cette domination de la femme ne s’observe pas seulement dans la vie quotidienne d’un ména
1178 e s’observe pas seulement dans la vie quotidienne d’ un ménage ou d’une rue citadine. Elle s’enracine profondément dans la
1179 seulement dans la vie quotidienne d’un ménage ou d’ une rue citadine. Elle s’enracine profondément dans la psychologie et
1180 caine. On assure que les femmes possèdent le 75 % de la fortune privée en Amérique, soit que le système de l’héritage les
1181 a fortune privée en Amérique, soit que le système de l’héritage les favorise, soit qu’elles montrent en affaires comme ail
1182 es la déterminent. Mais c’est dans la psychologie de la famille américaine que le statut royal de la femme a ses bases vra
1183 ogie de la famille américaine que le statut royal de la femme a ses bases vraiment profondes. Et cette psychologie tient d
1184 s ces trois lettres fatidiques qui sont le secret de millions de drames matrimoniaux, sexuels et psychiques : MOM. Philip
1185 lettres fatidiques qui sont le secret de millions de drames matrimoniaux, sexuels et psychiques : MOM. Philip Wylie, dans
1186 p Wylie, dans un livre rageur intitulé Génération de Vipères, a seul osé dénoncer le « momisme » comme la Gorgone du matri
1187 MOM est partout, elle est tout et dans tous, et d’ elle dépend le reste des États-Unis. Déguisée en bonne vieille ; mom,
1188 aux qui la maintiennent ailleurs dans les limites de l’activité domestique, a créé le Women’s Club et cent-mille organisat
1189 unes femmes — selon le même auteur — « cette part de la personnalité du fils qui devait devenir l’amour d’une femme de son
1190 a personnalité du fils qui devait devenir l’amour d’ une femme de son âge ». Mom le transmute en sentimentalité fixée sur l
1191 té du fils qui devait devenir l’amour d’une femme de son âge ». Mom le transmute en sentimentalité fixée sur la mère dévor
1192 orante. Sans nul doute faut-il voir dans ce mythe de la Mère la tragédie secrète d’une civilisation qui produit plus de di
1193 voir dans ce mythe de la Mère la tragédie secrète d’ une civilisation qui produit plus de divorces, plus d’homosexuels, plu
1194 gédie secrète d’une civilisation qui produit plus de divorces, plus d’homosexuels, plus d’obsédés que l’on enferme ou non,
1195 e civilisation qui produit plus de divorces, plus d’ homosexuels, plus d’obsédés que l’on enferme ou non, et plus d’alcooli
1196 roduit plus de divorces, plus d’homosexuels, plus d’ obsédés que l’on enferme ou non, et plus d’alcooliques qu’aucune autre
1197 , plus d’obsédés que l’on enferme ou non, et plus d’ alcooliques qu’aucune autre. Dans la femme qu’il épouse, le jeune Amér
1198 répond dans le meilleur des cas par cette espèce de loyauté que le suzerain jadis accordait au vassal. Et ce n’est point
1199 est point qu’elle soit moins capable qu’une autre d’ amour, de tendresse ou même d’aveugle dévouement. Mais l’attitude de l
1200 qu’elle soit moins capable qu’une autre d’amour, de tendresse ou même d’aveugle dévouement. Mais l’attitude de l’homme à
1201 apable qu’une autre d’amour, de tendresse ou même d’ aveugle dévouement. Mais l’attitude de l’homme à son égard est faite p
1202 sse ou même d’aveugle dévouement. Mais l’attitude de l’homme à son égard est faite pour éveiller en elle le goût de la lib
1203 son égard est faite pour éveiller en elle le goût de la liberté et de l’autonomie, comme elle dira ; entendons bien : de l
1204 te pour éveiller en elle le goût de la liberté et de l’autonomie, comme elle dira ; entendons bien : de la domination. Ain
1205 e l’autonomie, comme elle dira ; entendons bien : de la domination. Ainsi la femme se virilise à la mesure de ce que l’hom
1206 omination. Ainsi la femme se virilise à la mesure de ce que l’homme attend d’elle. Frustrée sans le savoir dans sa féminit
1207 se virilise à la mesure de ce que l’homme attend d’ elle. Frustrée sans le savoir dans sa féminité, elle se révolte contre
1208 minité, elle se révolte contre sa condition, fait de nécessité vertu, prend en main les rênes de la vie, et se prépare à d
1209 fait de nécessité vertu, prend en main les rênes de la vie, et se prépare à devenir à son tour une mom aussi redoutableme
1210 ub ou parmi les copains du bar voisin. La journée d’ un couple bourgeois, dans une grande ville américaine, ménage peu de c
1211 ureau ; elle, dans un restaurant où des centaines de femmes, par tablées, composent aux yeux de l’étranger qui s’égare dan
1212 prochent volontiers), mais il y a je ne sais quoi de repoussant (et pas seulement pour un Européen, je m’en assure) dans u
1213 sais quoi de repoussant (et pas seulement pour un Européen , je m’en assure) dans un rassemblement de femmes d’âge moyen, non dép
1214 n Européen, je m’en assure) dans un rassemblement de femmes d’âge moyen, non dépourvues de prétentions à-plaire. Le soir r
1215 , je m’en assure) dans un rassemblement de femmes d’ âge moyen, non dépourvues de prétentions à-plaire. Le soir réunit le c
1216 ssemblement de femmes d’âge moyen, non dépourvues de prétentions à-plaire. Le soir réunit le couple quelques instants pour
1217 dans les alcools. Tout se passe comme si l’homme d’ Amérique n’avait qu’un goût modéré pour la femme, dont il ne serait qu
1218 ris dans la petite cuisine blanche, parfois ornée d’ un bar, toujours d’un frigidaire. Mais alors le mari perd en autorité
1219 cuisine blanche, parfois ornée d’un bar, toujours d’ un frigidaire. Mais alors le mari perd en autorité ce qu’il gagne en i
1220 il gagne en intimité. Il se peut que les mariages de ce type — où l’homme joue le rôle de la machine numéro un dans la mai
1221 dans la maison — soient ceux qui offrent le plus de garanties contre le divorce américain. Du divorce Les statistiq
1222 e comprise. Mais ce que les statistiques oublient de noter, c’est qu’on y divorce d’une manière tout à fait différente. Au
1223 istiques oublient de noter, c’est qu’on y divorce d’ une manière tout à fait différente. Aux yeux des intéressés, le divorc
1224 ait être, comme chez nous, la douloureuse rupture d’ une longue intimité, celle-ci n’existant pas, en règle générale. Aux y
1225 le courante, il apparaît bien moins sous l’aspect d’ un désordre social que sous l’aspect d’une mise en ordre de deux vies
1226 s l’aspect d’un désordre social que sous l’aspect d’ une mise en ordre de deux vies individuelles. C’est qu’en Europe, l’on
1227 rdre social que sous l’aspect d’une mise en ordre de deux vies individuelles. C’est qu’en Europe, l’on se préoccupe avant
1228 en ordre de deux vies individuelles. C’est qu’en Europe , l’on se préoccupe avant tout du passé, d’un capital de souvenirs et
1229 en Europe, l’on se préoccupe avant tout du passé, d’ un capital de souvenirs et d’habitudes communes, dont la rupture du co
1230 on se préoccupe avant tout du passé, d’un capital de souvenirs et d’habitudes communes, dont la rupture du couple entraîne
1231 avant tout du passé, d’un capital de souvenirs et d’ habitudes communes, dont la rupture du couple entraînera la perte. En
1232 ue, tout cela pèse bien peu au regard des chances de repartir à neuf, de déblayer les perspectives d’avenir, qu’offre l’in
1233 ien peu au regard des chances de repartir à neuf, de déblayer les perspectives d’avenir, qu’offre l’interruption d’une exp
1234 de repartir à neuf, de déblayer les perspectives d’ avenir, qu’offre l’interruption d’une expérience mal engagée ou négati
1235 es perspectives d’avenir, qu’offre l’interruption d’ une expérience mal engagée ou négative. Nous pensons, comme toujours,
1236 à ouvrir. Le divorce est pour nous l’enterrement d’ un bonheur, pour eux l’acte de naissance d’une vie plus nette, — ou si
1237 nous l’enterrement d’un bonheur, pour eux l’acte de naissance d’une vie plus nette, — ou simplement la permission de se r
1238 rement d’un bonheur, pour eux l’acte de naissance d’ une vie plus nette, — ou simplement la permission de se remarier. Il a
1239 une vie plus nette, — ou simplement la permission de se remarier. Il arrive que le nouveau mariage ne soit séparé du divor
1240 ariage ne soit séparé du divorce que par le temps de changer de salle, et c’est le même juge — passant par l’autre porte —
1241 oit séparé du divorce que par le temps de changer de salle, et c’est le même juge — passant par l’autre porte — qui légali
1242 era les deux actes. Telle est du moins la coutume de Reno. Reno n’est pas une légende pittoresque, mais une nécessité prat
1243 si dans l’État de New York, la seule cause admise de divorce est le flagrant délit d’adultère. Autant dire que le divorce
1244 ule cause admise de divorce est le flagrant délit d’ adultère. Autant dire que le divorce est impossible, à moins que l’on
1245 divorce est impossible, à moins que l’on accepte d’ en passer par une odieuse mise en scène « légalement constatée » dans
1246 n scène « légalement constatée » dans une chambre d’ hôtel. Le seul recours est donc le voyage de Reno, comédie fort coûteu
1247 ambre d’hôtel. Le seul recours est donc le voyage de Reno, comédie fort coûteuse basée sur un mensonge : l’intéressé doit
1248 éclarer devant la cour son intention bien arrêtée de vivre désormais dans le Nevada. Il y reste six semaines, à l’hôtel, e
1249 ans les courriers mondains annonçant les mariages de la classe riche, vous trouverez les noms des conjoints suivis de cett
1250 che, vous trouverez les noms des conjoints suivis de cette mention qui n’étonne plus : « lui pour la troisième fois, elle
1251 : mental cruelty (nous disons : « incompatibilité d’ humeur »). Mais on en trouvera d’autres, plus précis. Il n’aimait que
1252 Nord, elle lui servait des ratatouilles à la mode de la Louisiane : divorce accordé. Dès qu’elle tombait malade, il faisai
1253 éricain divorce, révèle que ses mariages manquent de sens et de sérieux. Il n’y entre pas pour toute la vie, mais pour un
1254 orce, révèle que ses mariages manquent de sens et de sérieux. Il n’y entre pas pour toute la vie, mais pour un bail de « t
1255 ’y entre pas pour toute la vie, mais pour un bail de « trois-six-neuf ». Une jeune héritière très connue déclarait à un gr
1256 jeune héritière très connue déclarait à un groupe de journalistes qui la félicitaient sur ses fiançailles, à 19 ans : « C’
1257 r ses fiançailles, à 19 ans : « C’est merveilleux de se marier pour la première fois ! » Deux ans plus tard, elle était à
1258 e est considéré avant tout comme la mise en ordre de deux vies. Derrière tous les motifs allégués, il y a comme partout l’
1259 ifs allégués, il y a comme partout l’adultère. En Europe , où l’on croit au mariage-sacrement, à la continuité de la famille, à
1260 l’on croit au mariage-sacrement, à la continuité de la famille, à l’héritage, on s’accommode de la faute, on attend la fi
1261 nuité de la famille, à l’héritage, on s’accommode de la faute, on attend la fin de la crise, on espère recoller tant bien
1262 age, on s’accommode de la faute, on attend la fin de la crise, on espère recoller tant bien que mal le ménage, afin qu’il
1263 qu’il puisse encore offrir à l’opinion une façade de normalité. En Amérique, on se refuse à cette hypocrisie sociale. Le p
1264 oint coûte à l’autre 1000 dollars, prix du voyage de Reno, du séjour et des avocats. L’hygiène morale de l’Amérique ne tol
1265 Reno, du séjour et des avocats. L’hygiène morale de l’Amérique ne tolère pas dans un foyer les miasmes d’une situation ir
1266 ’Amérique ne tolère pas dans un foyer les miasmes d’ une situation irrégulière, et ne laisse pas le temps de les résorber.
1267 situation irrégulière, et ne laisse pas le temps de les résorber. C’est une passion de la propreté, de la mise au net, d’
1268 e pas le temps de les résorber. C’est une passion de la propreté, de la mise au net, d’origine nettement puritaine, qui ex
1269 e les résorber. C’est une passion de la propreté, de la mise au net, d’origine nettement puritaine, qui explique peut-être
1270 st une passion de la propreté, de la mise au net, d’ origine nettement puritaine, qui explique peut-être, en fin de compte,
1271 de compte, le phénomène du divorce américain. De la sexualité Je mets en fait que le puritanisme, hérésie moraliste
1272 ée dans toute sa virulence en Amérique, détermine de nos jours encore les mœurs sexuelles du Nouveau Monde. J’ajouterai qu
1273 lle provoque une fois refoulée dans l’inconscient de la plus composite des collectivités. L’élément puritain ou d’ascendan
1274 omposite des collectivités. L’élément puritain ou d’ ascendance puritaine ne représente plus en Amérique qu’une infime mino
1275 ns qui forment ensemble les trois quarts au moins de la population de New York, sont indemnes de toute trace directe d’édu
1276 semble les trois quarts au moins de la population de New York, sont indemnes de toute trace directe d’éducation puritaine
1277 moins de la population de New York, sont indemnes de toute trace directe d’éducation puritaine au foyer. Mais les standard
1278 de New York, sont indemnes de toute trace directe d’ éducation puritaine au foyer. Mais les standards moraux créés par les
1279 nniers leurs sont transmis sous la forme atténuée de l’American way of life, à l’école, dans la presse, au cinéma, au cour
1280 ques étudiants ce qu’ils entendaient par là, l’un d’ eux me dit : « Décent est l’homme qui tient parole et se tient propre,
1281 t se tient propre, à tous égards. » Cette volonté de vivre une vie nette se combine curieusement, aujourd’hui, avec une ré
1282 a « chair » soit le Mal, ni ses désirs des signes de malédiction divine. Peu ou point de pudeur, la nudité triomphe avec l
1283 rs des signes de malédiction divine. Peu ou point de pudeur, la nudité triomphe avec le plus grand naturel. Point de mystè
1284 nudité triomphe avec le plus grand naturel. Point de mystère non plus quant aux « origines de la vie », que les parents et
1285 l. Point de mystère non plus quant aux « origines de la vie », que les parents et professeurs expliquent avec un certain p
1286 grande licence des mœurs chez les jeunes gens, l’ Européen s’étonne de ne point trouver trace de ce qu’il nommait libertinage. L
1287 s mœurs chez les jeunes gens, l’Européen s’étonne de ne point trouver trace de ce qu’il nommait libertinage. L’Américain,
1288 ns, l’Européen s’étonne de ne point trouver trace de ce qu’il nommait libertinage. L’Américain, me semble-t-il, n’est pas
1289 nt immoraliste. Ce qu’il ignore, c’est ce mélange de scrupules et de goût de les violer, de sentiment longuement macéré et
1290 Ce qu’il ignore, c’est ce mélange de scrupules et de goût de les violer, de sentiment longuement macéré et de raffinements
1291 ignore, c’est ce mélange de scrupules et de goût de les violer, de sentiment longuement macéré et de raffinements casuist
1292 ce mélange de scrupules et de goût de les violer, de sentiment longuement macéré et de raffinements casuistiques, de consc
1293 de les violer, de sentiment longuement macéré et de raffinements casuistiques, de conscience dans le mal et de plaisir au
1294 onguement macéré et de raffinements casuistiques, de conscience dans le mal et de plaisir au drame qui, chez nous, pervert
1295 ements casuistiques, de conscience dans le mal et de plaisir au drame qui, chez nous, pervertit la vie sexuelle et l’élève
1296 Américain semblerait un peu fade à nos romanciers de l’amour. Il reste chaste ou se comporte en animal irresponsable, mima
1297 omporte en animal irresponsable, mimant une sorte d’ innocence. Disons, pour fixer les idées, que les deux romans européens
1298 Disons, pour fixer les idées, que les deux romans européens les moins pensables en Amérique seraient sans doute Adolphe et les Li
1299 et les Liaisons dangereuses. Ajoutons-y la poésie d’ un Baudelaire, sa spiritualité sensuelle. Les avantages et les dangers
1300 ritualité sensuelle. Les avantages et les dangers de l’état des mœurs que l’on vient d’esquisser donneraient matière à tou
1301 et les dangers de l’état des mœurs que l’on vient d’ esquisser donneraient matière à tout un livre. Mais il me paraît vain
1302 t matière à tout un livre. Mais il me paraît vain de l’écrire, car l’Amérique est en pleine transition, à cet égard plus q
1303 cet égard plus qu’à tout autre. Il convient donc de n’indiquer qu’à la volée quelques remarques dont on reconnaît qu’elle
1304 ns critiques américains déclarent que la jeunesse de leur pays est sex-obsessed, mais il se peut qu’elle soit tout simplem
1305 ion n’existe que chez lesdits critiques. Certains Européens penseraient plutôt de la même jeunesse qu’elle manque de vraie sensua
1306 critiques. Certains Européens penseraient plutôt de la même jeunesse qu’elle manque de vraie sensualité. Ils croient sent
1307 eraient plutôt de la même jeunesse qu’elle manque de vraie sensualité. Ils croient sentir entre les sexes une sourde hosti
1308 ’inconscient, et qui se vengent. Les statistiques de crimes sadiques, de délinquance juvénile, de cas de névrose ou de fol
1309 se vengent. Les statistiques de crimes sadiques, de délinquance juvénile, de cas de névrose ou de folie, viendraient à l’
1310 ques de crimes sadiques, de délinquance juvénile, de cas de névrose ou de folie, viendraient à l’appui de cette thèse ; ma
1311 crimes sadiques, de délinquance juvénile, de cas de névrose ou de folie, viendraient à l’appui de cette thèse ; mais il n
1312 es, de délinquance juvénile, de cas de névrose ou de folie, viendraient à l’appui de cette thèse ; mais il ne faut pas oub
1313 comics. À mon avis, l’aspect le plus intéressant de l’évolution actuelle des mœurs américaines, c’est qu’on y pressent un
1314 on y pressent un avenir qui sera sans doute celui de la Russie soviétique et d’une partie de la jeunesse européenne. Essay
1315 sera sans doute celui de la Russie soviétique et d’ une partie de la jeunesse européenne. Essayons de le définir en quelqu
1316 ute celui de la Russie soviétique et d’une partie de la jeunesse européenne. Essayons de le définir en quelques traits. Pe
1317 Russie soviétique et d’une partie de la jeunesse européenne . Essayons de le définir en quelques traits. Perte du sens tragique de
1318 d’une partie de la jeunesse européenne. Essayons de le définir en quelques traits. Perte du sens tragique de l’amour ; ré
1319 éfinir en quelques traits. Perte du sens tragique de l’amour ; réalisme scientifique et quelque peu pédant, substitué aux
1320 bonheur comme seule règle ; et peut-être, du fait de l’égalité complète, désaffection mutuelle des deux sexes. (Vont-ils m
1321 mutuelle des deux sexes. (Vont-ils mourir chacun de leur côté, selon la prophétie de Vigny, fatigués de leurs brèves et f
1322 ls mourir chacun de leur côté, selon la prophétie de Vigny, fatigués de leurs brèves et frustes pariades ?) Tout cela, au
1323 leur côté, selon la prophétie de Vigny, fatigués de leurs brèves et frustes pariades ?) Tout cela, au stade présent du mo
1324 lontaire et rationnel pour que l’on soit en droit d’ y voir une « révolte des instincts », ou d’y dénoncer je ne sais quell
1325 droit d’y voir une « révolte des instincts », ou d’ y dénoncer je ne sais quelle « vague de barbarie nouvelle ». Le danger
1326 ncts », ou d’y dénoncer je ne sais quelle « vague de barbarie nouvelle ». Le danger n’est sans doute pas là. Car il est tr
1327 n plus timides, la violence primitive et la santé de l’instinct soient justement les vraies créatrices de tabous, et que l
1328 l’instinct soient justement les vraies créatrices de tabous, et que la suppression de ces derniers, loin de relever d’une
1329 raies créatrices de tabous, et que la suppression de ces derniers, loin de relever d’une dialectique normale entre contrai
1330 e la suppression de ces derniers, loin de relever d’ une dialectique normale entre contrainte et liberté, trahisse un fléch
1331 trahisse un fléchissement vital. Possible aussi, d’ un tout autre point de vue, que la morale bourgeoise, issue des purita
1332 les moralistes puritains qui tentaient follement de faire « comme si » l’instinct sexuel pouvait être passé sous silence
1333 e ou nié ; les sexologues qui tenteront follement de faire « comme si » ce même instinct souffrait des mesures rationnelle
1334 ouffrait des mesures rationnelles ; les producers de Hollywood qui tentent follement de l’exciter tout en le contenant dan
1335 les producers de Hollywood qui tentent follement de l’exciter tout en le contenant dans de « justes » limites, fixées par
1336 follement de l’exciter tout en le contenant dans de « justes » limites, fixées par le Comité Hays, — le jeune Américain,
1337 bles, sera vraiment le génie du siècle et l’objet d’ une grâce spéciale. Or c’est bien ce qu’il pense être, étant Américain
1338 erve pas sans inquiétude ; non plus sans beaucoup d’ amitié. 4. « Courtiser » traduirait trop faiblement ce terme couran
1339 erse. Je l’ai fait ailleurs. h. Rougemont Denis de , « La guerre des sexes en Amérique », La NEF, Paris, janvier 1947, p.
9 1947, Articles divers (1946-1948). Journal d’un intellectuel en exil (mars 1947)
1340 Journal d’ un intellectuel en exil (mars 1947)i Janvier 1941 L’avant-garde à
1341 re » dans ce pays. Et ce n’était pas une terrasse de café, ni l’antichambre d’une maison d’édition, ni un salon — rien de
1342 ’était pas une terrasse de café, ni l’antichambre d’ une maison d’édition, ni un salon — rien de tout cela n’existe en Amér
1343 hambre d’une maison d’édition, ni un salon — rien de tout cela n’existe en Amérique — mais une party. Et cette party n’éta
1344 u la célébrité des invités, mais par les plateaux de cocktails que l’on passait continuellement d’un groupe à l’autre. Il
1345 aux de cocktails que l’on passait continuellement d’ un groupe à l’autre. Il y avait là bon nombre des « intellectuels » de
1346 e. Il y avait là bon nombre des « intellectuels » de vingt à quarante ans dont je retrouve les noms dans les petites revue
1347 dont je retrouve les noms dans les petites revues de l’avant-garde américaine. Peu de gaieté bruyante, mais un humour bonh
1348 ’ont paru cultiver le genre des nihilistes russes d’ antan. La plupart sont trotskistes, ont lu Freud, ou en parlent. À li
1349 es voir chez eux ou ensemble, j’éprouve une sorte de tristesse. Ils paraissent encore moins intégrés que leurs confrères e
1350 aissent encore moins intégrés que leurs confrères européens à la vie de leur propre nation. Cela tient sans doute à mille raisons
1351 s intégrés que leurs confrères européens à la vie de leur propre nation. Cela tient sans doute à mille raisons matérielles
1352 équentant les éditeurs d’ici. Atteindre le public d’ un si vaste pays suppose trop de compromissions visant au succès comme
1353 teindre le public d’un si vaste pays suppose trop de compromissions visant au succès commercial. Les meilleurs se voient d
1354 sition sans portée politique, spectateurs irrités de la vie américaine, disciples réticents de nos écoles d’Europe, cherch
1355 irrités de la vie américaine, disciples réticents de nos écoles d’Europe, cherchant une méthode de pensée plutôt que des f
1356 vie américaine, disciples réticents de nos écoles d’ Europe, cherchant une méthode de pensée plutôt que des fondements spir
1357 e américaine, disciples réticents de nos écoles d’ Europe , cherchant une méthode de pensée plutôt que des fondements spirituels
1358 nts de nos écoles d’Europe, cherchant une méthode de pensée plutôt que des fondements spirituels, compensant par la brusqu
1359 ndements spirituels, compensant par la brusquerie de leurs jugements et un style tough (nous dirions « dur » ou « vache »)
1360 h (nous dirions « dur » ou « vache ») leur défaut de responsabilité. Tout cela ne les empêche pas, bien au contraire, de r
1361 Tout cela ne les empêche pas, bien au contraire, de rechercher surtout la « vie » dans leurs écrits, avec une sorte de no
1362 tout la « vie » dans leurs écrits, avec une sorte de nostalgie à la Lawrence. Ils jugent en général trop formalistes ou rh
1363 . Une jeune romancière me disait : « Vous autres, Européens , vous écrivez comme si vous étiez déjà morts. Oh ! ce n’est pas un re
1364 Je veux dire que l’on sent chez vous un tel souci de la forme durable… » Eux, c’est un certain dynamisme, une certaine app
1365 aine approche brute, instinctive, et parfois émue de la « vie »… On ne sait trop. Le savent-ils eux-mêmes ? L’exigence que
1366 ls eux-mêmes ? L’exigence que nous gardons encore de dégager, d’expliciter un sens, leur apparaît vaguement suspecte ou en
1367  ? L’exigence que nous gardons encore de dégager, d’ expliciter un sens, leur apparaît vaguement suspecte ou ennuyeuse, pro
1368 i leur fait le plus peur. Mais quand ils décident de penser, ils tournent aussitôt au pédant germanique et jugent mundane
1369 n isme, et le langage technique des ismes réputés d’ avant-garde. Leur vrai drame, c’est de s’être affranchis des tabous du
1370 mes réputés d’avant-garde. Leur vrai drame, c’est de s’être affranchis des tabous du puritanisme au prix d’une frustration
1371 être affranchis des tabous du puritanisme au prix d’ une frustration de l’âme, d’un refus ricaneur du spirituel. Le mot de
1372 s tabous du puritanisme au prix d’une frustration de l’âme, d’un refus ricaneur du spirituel. Le mot de transcendance les
1373 u puritanisme au prix d’une frustration de l’âme, d’ un refus ricaneur du spirituel. Le mot de transcendance les rend malad
1374 e l’âme, d’un refus ricaneur du spirituel. Le mot de transcendance les rend malades, leur paraît méchamment subversif, « r
1375 ier 1941 Cinquième colonne. — Quelques fragments de mon Journal d’Allemagne ayant paru dans une revue de New York, Upto
1376 ème colonne. — Quelques fragments de mon Journal d’ Allemagne ayant paru dans une revue de New York, Upton Sinclair du fo
1377 n Journal d’Allemagne ayant paru dans une revue de New York, Upton Sinclair du fond de la Californie alerte à leur sujet
1378 ans une revue de New York, Upton Sinclair du fond de la Californie alerte à leur sujet deux éditeurs. Sur leur demande pre
1379 ien, je voudrais le publier, mais il a le malheur de porter sur les années 1935 et 1936. Or le public veut de l’actualité.
1380 er sur les années 1935 et 1936. Or le public veut de l’actualité. Le second m’a fait venir ce matin : — En tant que citoye
1381 tin : — En tant que citoyen, me dit-il, il serait de mon devoir de publier ce livre. Mais en tant qu’éditeur, ce serait un
1382 t que citoyen, me dit-il, il serait de mon devoir de publier ce livre. Mais en tant qu’éditeur, ce serait un suicide. — Co
1383 nt cela ? — Vous êtes trop objectif. On parlerait de cinquième colonne à propos de ma maison et de vous-même. — Savez-vous
1384 ait de cinquième colonne à propos de ma maison et de vous-même. — Savez-vous que mon livre est sur la liste noire des Alle
1385 ivre est sur la liste noire des Allemands et même de l’organisation vichyssoise des libraires ? Savez-vous que la Gestapo
1386 ir ce qu’il juge, ni pourquoi… Quitte à rivaliser d’ intolérance brutale avec ceux qu’il croit condamner… N’est-ce pas cela
1387 nos démocraties, je vous le dis, c’est la paresse d’ esprit ! 27 janvier 1941 Soirée, hier, chez Reinhold Niebuhr, l’une de
1388 r, l’une des meilleures têtes du pays. Professeur de théologie, socialiste militant, polémiste sérieux et sarcastique, il
1389 sarcastique, il mène campagne pour l’intervention de l’Amérique dans le conflit. Une petite revue virulente et dense, Chri
1390 nity and Crisis, qu’il vient de fonder, s’efforce de combattre l’inertie des Églises, demeurées isolationnistes dans leur
1391 s’opposent à l’intervention, c’est par objection de conscience, pacifisme, antimilitarisme, crainte du régime tyrannique
1392 inte du régime tyrannique que toute guerre risque d’ instaurer. Mais c’est aussi parce qu’on ne croit plus au mal, en Améri
1393 trop affreux pour être vrai », dit-on des récits de réfugiés. Il en résulte qu’on collabore avec les partisans sournois d
1394 sulte qu’on collabore avec les partisans sournois d’ Hitler, de Mussolini, de Franco et de leurs régimes « d’avenir »… Celu
1395 n collabore avec les partisans sournois d’Hitler, de Mussolini, de Franco et de leurs régimes « d’avenir »… Celui qui ne v
1396 ec les partisans sournois d’Hitler, de Mussolini, de Franco et de leurs régimes « d’avenir »… Celui qui ne veut pas croire
1397 ans sournois d’Hitler, de Mussolini, de Franco et de leurs régimes « d’avenir »… Celui qui ne veut pas croire au diable tr
1398 er, de Mussolini, de Franco et de leurs régimes «  d’ avenir »… Celui qui ne veut pas croire au diable travaille fatalement
1399 Mass.), 18 avril 1941 Quinze jours dans ce refuge de l’esprit, l’Université de Harvard, au milieu de la petite ville de Ca
1400 ze jours dans ce refuge de l’esprit, l’Université de Harvard, au milieu de la petite ville de Cambridge qui n’est plus qu’
1401 iversité de Harvard, au milieu de la petite ville de Cambridge qui n’est plus qu’un faubourg de Boston. Le premier soir en
1402 café. Il avait des questions à me poser au sujet d’ un de mes livres dont il devra parler au séminaire de littérature. Que
1403 . Il avait des questions à me poser au sujet d’un de mes livres dont il devra parler au séminaire de littérature. Que veut
1404 n de mes livres dont il devra parler au séminaire de littérature. Que veut-il donc savoir ? Simplement si c’est vrai. S’il
1405 restaurant très bon marché où l’on doit se munir d’ un plateau, de services et d’assiettes pris sur la pile, puis défiler
1406 ès bon marché où l’on doit se munir d’un plateau, de services et d’assiettes pris sur la pile, puis défiler devant un comp
1407 ù l’on doit se munir d’un plateau, de services et d’ assiettes pris sur la pile, puis défiler devant un comptoir où l’on dé
1408 iler devant un comptoir où l’on désigne les plats de son choix, — je déjeune avec des étudiants et leurs amies, des profes
1409 to dans la campagne, vers les petits lacs secrets de New Hampshire, perdus dans les forêts de bouleaux ; à Concord où j’ai
1410 secrets de New Hampshire, perdus dans les forêts de bouleaux ; à Concord où j’ai vu la maison d’Emerson, ses chapeaux et
1411 rêts de bouleaux ; à Concord où j’ai vu la maison d’ Emerson, ses chapeaux et ses cannes accrochés dans le hall, la chambre
1412 et ses cannes accrochés dans le hall, la chambre de Thoreau avec son lit qu’il avait fabriqué lui-même. Au crépuscule, j’
1413 j’aime errer sur les quais, le long des bâtiments de brique rose aux fenêtres encadrées de pierre et surmontés de clochers
1414 s bâtiments de brique rose aux fenêtres encadrées de pierre et surmontés de clochers fins au bulbe d’or, devant le couvent
1415 ose aux fenêtres encadrées de pierre et surmontés de clochers fins au bulbe d’or, devant le couvent luxueux des moines ang
1416 de pierre et surmontés de clochers fins au bulbe d’ or, devant le couvent luxueux des moines anglicans, et plus loin, à tr
1417 s et les fumées des feux qui les détruisent, lieu de désolation voluptueuse où T. S. Eliot, me dit-on, conçut l’idée de so
1418 uptueuse où T. S. Eliot, me dit-on, conçut l’idée de son Waste Land… Un grand cimetière le domine, je n’en ai jamais vu de
1419 omine, je n’en ai jamais vu de plus serein. Point de barrières ni d’allées. De simples pierres dressées sur le gazon, irré
1420 i jamais vu de plus serein. Point de barrières ni d’ allées. De simples pierres dressées sur le gazon, irrégulièrement espa
1421 u de plus serein. Point de barrières ni d’allées. De simples pierres dressées sur le gazon, irrégulièrement espacées. Ce p
1422 as la mort comme les Germains, et n’en fait point de cérémonies grandiloquentes comme les Latins, a les cimetières les plu
1423 les plus heureux du monde. ⁂ Cambridge retient l’ Européen , parce qu’à la différence des autres bourgs de ce pays, l’on y trouve
1424 opéen, parce qu’à la différence des autres bourgs de ce pays, l’on y trouve une vraie place, au carrefour de trois rues, e
1425 pays, l’on y trouve une vraie place, au carrefour de trois rues, et des cafés où vers six heures du soir se groupent autou
1426 fés où vers six heures du soir se groupent autour d’ un verre et d’un problème les écrivains, les jeunes professeurs, les l
1427 x heures du soir se groupent autour d’un verre et d’ un problème les écrivains, les jeunes professeurs, les logiciens et le
1428 génie aux États-Unis, c’est une catégorie précise d’ étudiants. « Génie » n’est pas un éloge excité, dans leur bouche : cel
1429 par des signes certains et scientifiques. Le test d’ intelligence d’un génie (examen portant sur la mémoire, l’érudition, l
1430 certains et scientifiques. Le test d’intelligence d’ un génie (examen portant sur la mémoire, l’érudition, le sens logique,
1431 n par exemple, n’en sera pas moins un spécialiste de Kierkegaard ou de Kafka, à l’analyse desquels il appliquera les théor
1432 n sera pas moins un spécialiste de Kierkegaard ou de Kafka, à l’analyse desquels il appliquera les théories de la logistiq
1433 , à l’analyse desquels il appliquera les théories de la logistique de Vienne, à moins qu’il ne préfère les aborder en soci
1434 quels il appliquera les théories de la logistique de Vienne, à moins qu’il ne préfère les aborder en sociologue postmarxis
1435 ns le regarder, comme on résout un petit problème de logique pure. Il portait une mouche au menton. Le second était ivre.
1436 génies. New York, 15 mai 1941 Recette pour vivre de peu. — Je me souviens de ce sous-titre de mon Journal d’un intellect
1437 1941 Recette pour vivre de peu. — Je me souviens de ce sous-titre de mon Journal d’un intellectuel en chômage . Je disai
1438 r vivre de peu. — Je me souviens de ce sous-titre de mon Journal d’un intellectuel en chômage . Je disais simplement : « 
1439 — Je me souviens de ce sous-titre de mon Journal d’ un intellectuel en chômage . Je disais simplement : « Gagner peu ». Et
1440 es libertés américaines, non sans angoisse. Point de bohème en Amérique. C’est la misère totale ou le niveau bourgeois, ce
1441 qu’en parler. Mais les intellectuels ? Ils n’ont de choix qu’entre le journalisme et le professorat. Or je répugne à l’un
1442 etit atelier, près de Greenwich village6, au haut d’ une vieille maison de pierre brune, et quitté non sans soulagement mon
1443 Greenwich village6, au haut d’une vieille maison de pierre brune, et quitté non sans soulagement mon hôtel. Un plancher b
1444 s fenêtres sur la cour. En face, le haut building d’ une imprimerie. À droite, je domine le toit plat, formant terrasse, d’
1445 droite, je domine le toit plat, formant terrasse, d’ une maison de trois étages, qui est un couvent. Les nonnes, deux par d
1446 mine le toit plat, formant terrasse, d’une maison de trois étages, qui est un couvent. Les nonnes, deux par deux, vont et
1447 ut craindre à chaque fois qu’elles fassent un pas de trop, et tombent dans le vide, pour peu que leur lecture les passionn
1448 Cendres, février 1942 Depuis des mois, j’essayais de m’y mettre7. Mais je fuyais partout, dans la rue, dans le monde, au c
1449 able — les deux bras du fauteuil touchant le bord de la table — devant un bloc de papier blanc. Des heures ont passé, immo
1450 uil touchant le bord de la table — devant un bloc de papier blanc. Des heures ont passé, immobiles. Le téléphone a sonné p
1451 s que je bouge. J’ai lentement relu ma conférence de Buenos Aires, des notes éparses. À sept heures, je me suis mis à écri
1452 u écrire, ou sortir. — Après trois jours et nuits de travail acharné, j’ai tenté hier soir une sortie. Deux signes m’ont p
1453 vé que jusqu’à nouvel ordre je suis le prisonnier de mon livre et ferais bien de ne plus m’en échapper. Je devais aller ch
1454 je suis le prisonnier de mon livre et ferais bien de ne plus m’en échapper. Je devais aller chez des amis après le dîner.
1455 sur le seuil : va-t-on me servir encore ? Au fond de la salle, deux hommes et une femme attablés causent et boivent. L’un
1456 Ils se retournent à demi et rient. J’ai fui. Pas d’ autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez mes a
1457 salon. Rentré tôt, mais n’ai rien fait qui vaille de toute la nuit. Voilà qui est clair : ou écrire, ou sortir. 20 mars 19
1458 t-être tombées dans la cour. Des gouttes chargées de suie s’écrasent sur mon papier, la verrière doit être fendue ou mal j
1459 fendue ou mal jointe. Raccommodé avec un ligament de ficelle verte le pied cassé de mon petit fauteuil. Bonheur d’écrire e
1460 é avec un ligament de ficelle verte le pied cassé de mon petit fauteuil. Bonheur d’écrire et de me sentir libre nuit et jo
1461 erte le pied cassé de mon petit fauteuil. Bonheur d’ écrire et de me sentir libre nuit et jour. Fin mars 1942 Écrit finis à
1462 cassé de mon petit fauteuil. Bonheur d’écrire et de me sentir libre nuit et jour. Fin mars 1942 Écrit finis à six heures
1463 devant le vieux prêtre anglican, dans une crypte de pierre nue. Exorciser en moi la part du diable, celle qu’il a sans do
1464 ’ai si vite bouclé ce livre, c’était pour essayer de le prendre de vitesse. 1er avril 1942 Une lettre du propriétaire m’ap
1465 uclé ce livre, c’était pour essayer de le prendre de vitesse. 1er avril 1942 Une lettre du propriétaire m’apprend qu’on va
1466 n regarde les vitrines différemment selon qu’on a de l’argent dans sa poche ou non ! D’abord, on ne regarde pas les mêmes.
1467 e vitrine, en bonne partie, il doit être possible de déterminer le degré de fortune ou d’infortune d’un auteur d’après ses
1468 tie, il doit être possible de déterminer le degré de fortune ou d’infortune d’un auteur d’après ses descriptions du monde.
1469 tre possible de déterminer le degré de fortune ou d’ infortune d’un auteur d’après ses descriptions du monde. 10 mai 1942
1470 de déterminer le degré de fortune ou d’infortune d’ un auteur d’après ses descriptions du monde. 10 mai 1942 Un job. — J’
1471 quitter l’Office of War Information, étant appelé d’ urgence à Washington. La place sera vacante demain après-midi, et sans
1472 ce travail, nouveau pour moi : écrire des textes d’ information et des commentaires politiques, diffusés par ondes courtes
1473 és par ondes courtes vers la France et retransmis de Londres par la BBC. Fin mai 1942 Échantillons. — Voici donc la secti
1474 n mai 1942 Échantillons. — Voici donc la section de langue française d’un organisme américain qui tient le rang et joue l
1475 lons. — Voici donc la section de langue française d’ un organisme américain qui tient le rang et joue le rôle de ministère
1476 in qui tient le rang et joue le rôle de ministère de l’Information. Il peut être amusant de noter pour plus tard la compos
1477 ministère de l’Information. Il peut être amusant de noter pour plus tard la composition de notre équipe en termes de gaze
1478 re amusant de noter pour plus tard la composition de notre équipe en termes de gazette littéraire. L’ancien rédacteur en c
1479 de gazette littéraire. L’ancien rédacteur en chef de Paris-Soir assisté par l’ancien secrétaire de la Revue hebdomadaire l
1480 hef de Paris-Soir assisté par l’ancien secrétaire de la Revue hebdomadaire la dirige. L’ancien secrétaire de la Nouvelle
1481 Revue hebdomadaire la dirige. L’ancien secrétaire de la Nouvelle Revue française et l’ancien rédacteur en chef du Matin
1482 ancien rédacteur en chef du Matin lui fournissent de la copie. Les anciens directeurs de La Révolution surréaliste et de L
1483 i fournissent de la copie. Les anciens directeurs de La Révolution surréaliste et de L’Esprit nouveau parlent cette copie
1484 nciens directeurs de La Révolution surréaliste et de L’Esprit nouveau parlent cette copie devant le micro. Cependant que s
1485 ant que s’affairent dans la grande salle centrale d’ anciens collaborateurs des Nouvelles littéraires , du Collège de soci
1486 borateurs des Nouvelles littéraires , du Collège de sociologie, d’ Esprit , du Figaro , etc. Telles sont les petites sur
1487 Nouvelles littéraires , du Collège de sociologie, d’ Esprit , du Figaro , etc. Telles sont les petites surprises de l’exi
1488 Figaro , etc. Telles sont les petites surprises de l’exil. Fin juin 1942 Une journée à l’OWI.— André Breton, superbemen
1489 comme un lion bien décidé à ignorer les barreaux de sa cage, apparaît vers cinq heures au fond de la grande salle. Il vie
1490 aux de sa cage, apparaît vers cinq heures au fond de la grande salle. Il vient nous prêter sa voix noble, agrémentée d’un
1491 e. Il vient nous prêter sa voix noble, agrémentée d’ un léger sifflement, mais il garde pour lui son port de tête et sa pré
1492 léger sifflement, mais il garde pour lui son port de tête et sa présence d’esprit indiscernablement ironique, admirante et
1493 il garde pour lui son port de tête et sa présence d’ esprit indiscernablement ironique, admirante et solennelle. Qu’on lui
1494 lvador Dali, qu’il appelle Avida Dollars, le soin de faire monnaie d’une étiquette plus prestigieuse ici qu’à Paris même :
1495 l appelle Avida Dollars, le soin de faire monnaie d’ une étiquette plus prestigieuse ici qu’à Paris même : surréalisme. Cha
1496 n texte terminé sous pression passe par une série de bureaux, de la censure à la polycopie, avant d’être remis aux speaker
1497 iné sous pression passe par une série de bureaux, de la censure à la polycopie, avant d’être remis aux speakers, nous trou
1498 e de bureaux, de la censure à la polycopie, avant d’ être remis aux speakers, nous trouvons un moment pour causer. Et souve
1499 Et souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’ organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jours dans une va
1500 serescrit , les heures réglées, le moindre indice de relâchement dans l’attitude ou le langage entraînant des sanctions im
1501 … Introduction à la vie hiératique… C’est un rêve de compensation, si l’on voit dans quel cadre nous sommes en train de ca
1502 n, il apporte son texte sur la vie dans les camps d’ entraînement. Il a trouvé le moyen de se rendre plus invisible encore
1503 ns les camps d’entraînement. Il a trouvé le moyen de se rendre plus invisible encore à force de discrétion, en revêtant l’
1504 ant et le jeune fils des Pitoëff, se voient priés de passer au studio 16 pour l’émission. Dans cinq minutes, au fond d’une
1505 io 16 pour l’émission. Dans cinq minutes, au fond d’ une campagne française — ce sera déjà la nuit là-bas — des oreilles cl
1506 — des oreilles clandestines entendront : La Voix de l’Amérique parle aux Français. Il est temps que je recueille et dépou
1507 emps que je recueille et dépouille les directives de Washington, de New York, de Londres, pour ma seconde émission, celle
1508 ueille et dépouille les directives de Washington, de New York, de Londres, pour ma seconde émission, celle de la nuit. Pie
1509 ouille les directives de Washington, de New York, de Londres, pour ma seconde émission, celle de la nuit. Pierre Lazareff,
1510 York, de Londres, pour ma seconde émission, celle de la nuit. Pierre Lazareff, en bras de chemise, sort de sa cage vitrée,
1511 ssion, celle de la nuit. Pierre Lazareff, en bras de chemise, sort de sa cage vitrée, le crayon sur l’oreille et le front
1512 a nuit. Pierre Lazareff, en bras de chemise, sort de sa cage vitrée, le crayon sur l’oreille et le front maculé d’encre à
1513 itrée, le crayon sur l’oreille et le front maculé d’ encre à copier. Il me cherche du regard par-dessus ses lunettes. Il ti
1514 gard par-dessus ses lunettes. Il tient une liasse de documents, les feuillette rapidement, comme sans regarder, sort une p
1515 te rapidement, comme sans regarder, sort une page d’ un petit geste nerveux : « Voilà ce que vous cherchiez, mon cher. Une
1516 Une bonne idée pour vous là-dedans ! » Cela tient de la divination, et c’est juste neuf fois sur dix. Huit heures et demie
1517 neuf fois sur dix. Huit heures et demie. L’équipe de nuit s’installe sans bruit dans les bureaux presque déserts. Téléphon
1518 bruit dans les bureaux presque déserts. Téléphone de Bernstein, il voudrait bien savoir un peu ce qui se passe… « N’êtes-v
1519 a victime. » Sur quoi, peut-être, il serait temps d’ aller à ce dîner, n’était-ce pas pour huit heures ? Quitte à revenir t
1520 é, je monterai chez « Saint-Ex » faire une partie d’ échecs et l’écouter parler des malheurs de sa France… Juin 1942 La gue
1521 partie d’échecs et l’écouter parler des malheurs de sa France… Juin 1942 La guerre va mal, il faut le dire, et persuader
1522 La guerre va mal, il faut le dire, et persuader l’ Europe qu’elle ira bien demain. La campagne sous-marine bat son plein, Tobro
1523 re. Mais j’ai pu annoncer le premier raid anglais de mille avions, et la promesse du général Marshall : « Nous débarqueron
1524 . — Lorsqu’il est arrivé en Amérique, il n’a paru de lui qu’une seule photo, encore était-elle prise de dos. (Mais ce trai
1525 e lui qu’une seule photo, encore était-elle prise de dos. (Mais ce trait justement le révélait.) Penché à un balcon d’hôte
1526 trait justement le révélait.) Penché à un balcon d’ hôtel, au haut d’une tour, dominant le paysage épique de Manhattan, il
1527 le révélait.) Penché à un balcon d’hôtel, au haut d’ une tour, dominant le paysage épique de Manhattan, il se refusait à l’
1528 l, au haut d’une tour, dominant le paysage épique de Manhattan, il se refusait à l’interview. À Washington, il vit dans de
1529 uement, les visiteurs qui passent par cette ville de nulle part. Et j’ai songé à cette autre retraite, la maison rose de «
1530 j’ai songé à cette autre retraite, la maison rose de « La Muette », où Ramuz lui aussi laisse venir ceux qui lui apportent
1531 i laisse venir ceux qui lui apportent les rumeurs de la planète. Mais l’un questionne et l’autre parle. Il parle de Briand
1532 . Mais l’un questionne et l’autre parle. Il parle de Briand qu’il a servi longtemps, et qui n’a jamais su qu’il y avait Sa
1533 ui n’a jamais su qu’il y avait Saint-John Perse ; d’ Hitler dont il a regardé les yeux de près et qu’il décrit en termes mé
1534 -John Perse ; d’Hitler dont il a regardé les yeux de près et qu’il décrit en termes médicaux ; de Reynaud qui l’a renvoyé
1535 yeux de près et qu’il décrit en termes médicaux ; de Reynaud qui l’a renvoyé sous la pression du parti de l’armistice… Et
1536 Reynaud qui l’a renvoyé sous la pression du parti de l’armistice… Et je doute si personne aujourd’hui parle un français pl
1537 i personne aujourd’hui parle un français plus sûr de ses nuances, plus naturellement mémorable. Quand il vient à New York
1538 , il se promène interminablement, suivant au long d’ avenues anonymes des caravanes de songes planétaires nourris de mainte
1539 suivant au long d’avenues anonymes des caravanes de songes planétaires nourris de maintes connaissances des prestiges, et
1540 nymes des caravanes de songes planétaires nourris de maintes connaissances des prestiges, et de la ruse et des métiers de
1541 ourris de maintes connaissances des prestiges, et de la ruse et des métiers de plus d’une race… « Chemins du monde, l’un v
1542 s prestiges, et de la ruse et des métiers de plus d’ une race… « Chemins du monde, l’un vous suit. » Chemins d’exil. Wespor
1543 ce… « Chemins du monde, l’un vous suit. » Chemins d’ exil. Wesport (Connecticut), 15 août 1942 Huit jours de vacances à la
1544 l. Wesport (Connecticut), 15 août 1942 Huit jours de vacances à la mer. Je partage cette maison de bois, au bord du Sound,
1545 urs de vacances à la mer. Je partage cette maison de bois, au bord du Sound, avec les Saint-Exupéry. Parties d’échecs sur
1546 au bord du Sound, avec les Saint-Exupéry. Parties d’ échecs sur la galerie, après le bain, à toutes les heures du jour et d
1547 ie, après le bain, à toutes les heures du jour et de la nuit. Profité de ce bref loisir pour reprendre mon diable abandonn
1548 toutes les heures du jour et de la nuit. Profité de ce bref loisir pour reprendre mon diable abandonné dans un tiroir dep
1549 rle » et la passion réelle). Tonio rentre un soir de New York portant gauchement sous le bras une longue boîte noire, d’où
1550 t gauchement sous le bras une longue boîte noire, d’ où sort un très jeune chien tremblant. C’est un boxer qu’il baptise An
1551 la plage. 18 août 1942 Peut-être qu’il n’est pas de bonheur plus conscient que celui de l’enfance retrouvée dans une vaca
1552 ’il n’est pas de bonheur plus conscient que celui de l’enfance retrouvée dans une vacance où le travail lui-même est jeu.
1553 ail s’intensifie, et les échos nous en reviennent de France. Leur dire là-bas, dire à la Résistance que la situation se re
1554 ique : car cela signifie pratiquement un peu plus de bateaux vers l’Europe. Leur dire que la production de guerre américai
1555 gnifie pratiquement un peu plus de bateaux vers l’ Europe . Leur dire que la production de guerre américaine peut leur sembler u
1556 ateaux vers l’Europe. Leur dire que la production de guerre américaine peut leur sembler une tartarinade8, mais que lorsqu
1557 bler une tartarinade8, mais que lorsqu’on la voit de ses yeux, elle donne une sensation directe de la victoire inévitable.
1558 oit de ses yeux, elle donne une sensation directe de la victoire inévitable. Leur répéter chaque jour quels sont les plans
1559 le. Leur répéter chaque jour quels sont les plans d’ Hitler pour dépouiller la France de sa main-d’œuvre qualifiée — opérat
1560 sont les plans d’Hitler pour dépouiller la France de sa main-d’œuvre qualifiée — opération que Laval diaboliquement baptis
1561 « relève des prisonniers » ; donner des recettes de sabotage, qui seront reprises par la presse clandestine… Mais dire au
1562 aussi les revers et les défaites : notre consigne de véracité est absolue. Washington part de l’idée juste qu’il n’est pas
1563 consigne de véracité est absolue. Washington part de l’idée juste qu’il n’est pas de mensonge, si pieux mensonge soit-il,
1564 . Washington part de l’idée juste qu’il n’est pas de mensonge, si pieux mensonge soit-il, qui ne serve Hitler en fin de co
1565 is vingt à trente pages par jour après des heures de recherches préparatoires. Abondance de documents sur l’Afrique du Nor
1566 des heures de recherches préparatoires. Abondance de documents sur l’Afrique du Nord, depuis quelques jours… Long Island,
1567 es Saint-Exupéry. J’y passe mes trente-six heures de congé, chaque semaine. C’est immense, sur un promontoire emplumé d’ar
1568 emaine. C’est immense, sur un promontoire emplumé d’ arbres échevelés par les tempêtes, mais doucement entouré de trois côt
1569 chevelés par les tempêtes, mais doucement entouré de trois côtés par des lagunes sinueuses qui s’avancent dans un paysage
1570 lagunes sinueuses qui s’avancent dans un paysage de forêts et d’îles tropicales. « Je voulais une cabane et c’est le Pala
1571 euses qui s’avancent dans un paysage de forêts et d’ îles tropicales. « Je voulais une cabane et c’est le Palais de Versail
1572 cales. « Je voulais une cabane et c’est le Palais de Versailles ! » s’est écrié Tonio bourru, en pénétrant le premier soir
1573 l. Maintenant, on ne saurait plus le faire sortir de Bevin House. Il s’est remis à écrire un conte d’enfants qu’il illustr
1574 de Bevin House. Il s’est remis à écrire un conte d’ enfants qu’il illustre lui-même à l’aquarelle. Géant chauve, aux yeux
1575 -même à l’aquarelle. Géant chauve, aux yeux ronds d’ oiseau des hauts parages, aux doigts précis de mécanicien, il s’appliq
1576 nds d’oiseau des hauts parages, aux doigts précis de mécanicien, il s’applique à manier de petits pinceaux puérils et tire
1577 igts précis de mécanicien, il s’applique à manier de petits pinceaux puérils et tire la langue pour ne pas « dépasser ». J
1578 c’est moi ! » Le soir, il nous lit les fragments d’ un livre énorme (« Je vais vous lire mon œuvre posthume ») et qui me p
1579 une rigueur inflexible. Il me donne l’impression d’ un cerveau qui ne peut plus s’arrêter de penser… Fin octobre 1942 Pro
1580 mpression d’un cerveau qui ne peut plus s’arrêter de penser… Fin octobre 1942 Propagande et style. — Depuis que je suis à
1581 otidiennes, je n’ai pu guère écrire que ces notes de journal, et deux essais pour des revues américaines. Mais ces essais-
1582 ’ont suffi pour déceler l’influence sur mon style de ce travail de propagande. Ou bien serait-ce l’influence de l’Amérique
1583 r déceler l’influence sur mon style de ce travail de propagande. Ou bien serait-ce l’influence de l’Amérique en général ?
1584 vail de propagande. Ou bien serait-ce l’influence de l’Amérique en général ? Mais elles convergent ou même s’identifient.
1585 ne aujourd’hui à écrire certaines phrases, à user de certains tours que je pressens intraduisibles, au sens le plus large
1586 terme. Car il ne s’agit pas seulement, pour moi, d’ écrire en vue d’une traduction américaine, mais également en vue d’une
1587 e s’agit pas seulement, pour moi, d’écrire en vue d’ une traduction américaine, mais également en vue d’une transmission di
1588 ’une traduction américaine, mais également en vue d’ une transmission directe à la radio. Dans les deux cas, les exigences
1589 pliquent le renoncement à toutes ces coquetteries de style imitées de nos auteurs anciens qu’on trouvait à chaque ligne ch
1590 cement à toutes ces coquetteries de style imitées de nos auteurs anciens qu’on trouvait à chaque ligne chez Valéry, chez G
1591 e ligne chez Valéry, chez Gide et leurs disciples de la NRF , et qui en anglais retombent à plat, à la radio font parasit
1592 radio font parasites. Il faut sauter dans le vif d’ un sujet, sans précautions de langage ni fausse humilité. Puis s’effor
1593 t sauter dans le vif d’un sujet, sans précautions de langage ni fausse humilité. Puis s’efforcer de suivre la ligne de plu
1594 ns de langage ni fausse humilité. Puis s’efforcer de suivre la ligne de plus grande efficacité, sans la moindre bavure sav
1595 » sinon par référence à des modèles anciens. (Que de pastiches dans nos lettres modernes !) Bien écrire, c’est régler ses
1596 ite » ; ou l’exiger, selon les cas. Que serait-ce d’ être un grand écrivain dans une langue morte ? Ou dans une langue parl
1597 par une petite peuplade dispersée ? Or une partie de la littérature française moderne, la meilleure justement, s’est mise
1598 bien », parce que leurs élégances restent cousues de fil blanc. On y est fort sensible à Paris. Cependant nous vivons au x
1599 alité, originalité, beauté, vérité intrinsèque ou de leur opportunité et de leur pouvoir de signification commune. Une car
1600 uté, vérité intrinsèque ou de leur opportunité et de leur pouvoir de signification commune. Une carrière de grand écrivain
1601 insèque ou de leur opportunité et de leur pouvoir de signification commune. Une carrière de grand écrivain commence par la
1602 ur pouvoir de signification commune. Une carrière de grand écrivain commence par la qualité et finit par la signification.
1603 a qualité et finit par la signification. À partir d’ un certain moment, la gloire d’un homme confère de l’importance à la m
1604 fication. À partir d’un certain moment, la gloire d’ un homme confère de l’importance à la moindre opinion qu’il exprime —
1605 d’un certain moment, la gloire d’un homme confère de l’importance à la moindre opinion qu’il exprime — par position. (Et c
1606 qu’il exprime — par position. (Et c’est le signe de la gloire moderne.) Il entre dans le domaine public, dans la banalité
1607 opre du terme (ce qui est à tous, comme on le dit d’ un cœur, d’un taureau ou d’un four « banal »). Fin de la vie d’un Tols
1608 me (ce qui est à tous, comme on le dit d’un cœur, d’ un taureau ou d’un four « banal »). Fin de la vie d’un Tolstoï ou d’un
1609 tous, comme on le dit d’un cœur, d’un taureau ou d’ un four « banal »). Fin de la vie d’un Tolstoï ou d’un Goethe ; d’un V
1610 n cœur, d’un taureau ou d’un four « banal »). Fin de la vie d’un Tolstoï ou d’un Goethe ; d’un Valéry et d’un Gide, parmi
1611 un taureau ou d’un four « banal »). Fin de la vie d’ un Tolstoï ou d’un Goethe ; d’un Valéry et d’un Gide, parmi nous. La g
1612 un four « banal »). Fin de la vie d’un Tolstoï ou d’ un Goethe ; d’un Valéry et d’un Gide, parmi nous. La gloire est devenu
1613 l »). Fin de la vie d’un Tolstoï ou d’un Goethe ; d’ un Valéry et d’un Gide, parmi nous. La gloire est devenue le droit d’é
1614 vie d’un Tolstoï ou d’un Goethe ; d’un Valéry et d’ un Gide, parmi nous. La gloire est devenue le droit d’énoncer des bana
1615 Gide, parmi nous. La gloire est devenue le droit d’ énoncer des banalités mais qui ne passent plus pour telles, et qui por
1616 ai l’original, le différent. Or le but reste bien d’ élever le niveau banal en dégageant des significations communes. (Quit
1617 core inéchangeables cette année. Mais il convient de les maquiller un peu, pour qu’elles circulent, précisément.) Le monde
1618 isément.) Le monde actuel pressent qu’il a besoin de maîtres et de directeurs de conscience, plutôt que de monstres précie
1619 onde actuel pressent qu’il a besoin de maîtres et de directeurs de conscience, plutôt que de monstres précieux. Cependant,
1620 essent qu’il a besoin de maîtres et de directeurs de conscience, plutôt que de monstres précieux. Cependant, il faut comme
1621 aîtres et de directeurs de conscience, plutôt que de monstres précieux. Cependant, il faut commencer par être un monstre,
1622 e création est en soi monstrueuse, qu’il s’agisse de l’automobile, du sourire de la Joconde, ou des Variations Goldberg. L
1623 ueuse, qu’il s’agisse de l’automobile, du sourire de la Joconde, ou des Variations Goldberg. Les copies seules sont accept
1624 ) Bevin House, fin octobre 1942 Dans cette maison d’ il y a longtemps, semblable à celles de mon enfance, en marge du temps
1625 tte maison d’il y a longtemps, semblable à celles de mon enfance, en marge du temps de la guerre, j’ai vécu des journées s
1626 blable à celles de mon enfance, en marge du temps de la guerre, j’ai vécu des journées soustraites au Destin. La mer est g
1627 eaux sifflent, et l’automne atténue la sauvagerie de la verdure américaine. Que fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas à p
1628 eut qu’on m’envoie bientôt en Afrique du Nord, et de là… Et j’éprouve un besoin presque panique de me rassembler, de me re
1629 et de là… Et j’éprouve un besoin presque panique de me rassembler, de me retrouver, pour rentrer tout entier en Europe ap
1630 rouve un besoin presque panique de me rassembler, de me retrouver, pour rentrer tout entier en Europe après ces deux année
1631 ler, de me retrouver, pour rentrer tout entier en Europe après ces deux années de violente dérive. … mais sachez-le : Nous n’
1632 ntrer tout entier en Europe après ces deux années de violente dérive. … mais sachez-le : Nous n’étions pas absents de vou
1633 ve. … mais sachez-le : Nous n’étions pas absents de vous plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occupés », nous étions en e
1634 z-le : Nous n’étions pas absents de vous plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occupés », nous étions en exil, et les uns c
1635 se en question générale au pire moment, à l’heure de moindre résistance. Notre angoisse était de penser : parlerons-nous e
1636 heure de moindre résistance. Notre angoisse était de penser : parlerons-nous encore le même langage au jour de ce retour e
1637 r : parlerons-nous encore le même langage au jour de ce retour en France, — dans quelle France, et dans quelle Europe ? No
1638 r en France, — dans quelle France, et dans quelle Europe  ? Nous étions soumis à l’érosion de l’exil, moins brutale, certes, ma
1639 ns quelle Europe ? Nous étions soumis à l’érosion de l’exil, moins brutale, certes, mais plus intime que celle de l’occupa
1640 moins brutale, certes, mais plus intime que celle de l’occupation. Un conquérant n’occupe jamais que l’extérieur, mais l’é
1641 e l’extérieur, mais l’étranger s’infiltre au cœur de l’être. Comment lui résisterait-on ? C’est un ami. Il vous a reçus d’
1642 us a proposé ses façons et usages qu’il convenait d’ aimer. Bientôt, s’il voit que vous restez là, il change un peu : vous
1643 s’arranger pour payer. Et quand vous n’avez plus d’ argent, c’est tout d’un coup le monsieur qui ne tient pas à ce que vou
1644 r. Et quand vous n’avez plus d’argent, c’est tout d’ un coup le monsieur qui ne tient pas à ce que vous causiez des ennuis.
1645 vous êtes trop nombreux, on ne peut pas s’occuper de chacun de vous. Et c’est bien vrai. Nous étions trop nombreux. En Fra
1646 trop nombreux, on ne peut pas s’occuper de chacun de vous. Et c’est bien vrai. Nous étions trop nombreux. En France, en Su
1647 vant la guerre, nous trouvions qu’il y avait trop de juifs réfugiés. Des gens frappés par le malheur, où que ce soit, il y
1648 sait enviable, à juste titre. Les pires tourments de l’esprit et du cœur ont toujours paru préférables à la torture physiq
1649 ndre par nous, dans l’exil… 6. Quartier du bas de la ville où habitent beaucoup d’écrivains et surtout de peintres. 7.
1650 Quartier du bas de la ville où habitent beaucoup d’ écrivains et surtout de peintres. 7. Il s’agit du livre intitulé La
1651 ville où habitent beaucoup d’écrivains et surtout de peintres. 7. Il s’agit du livre intitulé La Part du diable , qui de
1652 diable , qui devait paraître à New York à la fin de 1942, dans une première version. La seconde version, élargie, date de
1653 emière version. La seconde version, élargie, date de 1944. 8. Nous annoncions chaque semaine, à cette époque, le résultat
1654 cions chaque semaine, à cette époque, le résultat de l’effort spectaculaire entrepris par les chantiers maritimes de Henry
1655 ectaculaire entrepris par les chantiers maritimes de Henry Kaiser : il se proposait de réduire le temps de construction d’
1656 tiers maritimes de Henry Kaiser : il se proposait de réduire le temps de construction d’un cargo Liberty de trente-six jou
1657 enry Kaiser : il se proposait de réduire le temps de construction d’un cargo Liberty de trente-six jours à quatorze, puis
1658 se proposait de réduire le temps de construction d’ un cargo Liberty de trente-six jours à quatorze, puis à cinq ! Il y pa
1659 duire le temps de construction d’un cargo Liberty de trente-six jours à quatorze, puis à cinq ! Il y parvint. i. Rougemo
1660 puis à cinq ! Il y parvint. i. Rougemont Denis de , « Journal d’un intellectuel en exil », Fontaine, Paris, mars 1947, p
1661 Il y parvint. i. Rougemont Denis de, « Journal d’ un intellectuel en exil », Fontaine, Paris, mars 1947, p. 899-916.
10 1947, Articles divers (1946-1948). La jeune littérature des États-Unis devant le roman américain (7 juin 1947)
1662 is dans tout New York qu’une seule vraie terrasse de café, celle du Brevoort, au bas de la Cinquième Avenue. C’est là que
1663 ’est là que Dos Passos situe plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là qu’il y a bien six ans j’ai connu Carson McCu
1664 ans j’ai connu Carson McCullers. Elle avait l’air d’ une toute jeune fille montée en graine, avec ses petits bas rouges au-
1665 dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son premier roman qui venait de paraître — écrit entre 19 et 22 ans —
1666 rd je la revis à Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait amené Golo, le plus jeune fils de Thomas Man
1667 étages où m’avait amené Golo, le plus jeune fils de Thomas Mann. Un mélange improbable de Kafka, d’Enfants terribles et d
1668 jeune fils de Thomas Mann. Un mélange improbable de Kafka, d’Enfants terribles et de style vieux New York en définissait
1669 s de Thomas Mann. Un mélange improbable de Kafka, d’ Enfants terribles et de style vieux New York en définissait l’atmosphè
1670 lange improbable de Kafka, d’Enfants terribles et de style vieux New York en définissait l’atmosphère. On écrivait, on com
1671 rtes, et l’on se réunissait pour les repas autour d’ une très longue table que servaient deux ou trois énormes négresses. W
1672 is, rédacteur du Harper’s Bazaar, tenait son rôle de propriétaire. Benjamin Britten et Paul Bowles représentaient la jeune
1673 titre étaient des « creative people », parlaient de Kierkegaard, de Jung, de ballet, de sculpture précolombienne. Je croi
1674 es « creative people », parlaient de Kierkegaard, de Jung, de ballet, de sculpture précolombienne. Je crois bien que toute
1675 tive people », parlaient de Kierkegaard, de Jung, de ballet, de sculpture précolombienne. Je crois bien que toute la jeune
1676  », parlaient de Kierkegaard, de Jung, de ballet, de sculpture précolombienne. Je crois bien que toute la jeune littératur
1677 horégraphie américaines ont traversé cette maison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’art que j’aie trouvé dans une gr
1678 nt traversé cette maison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. ⁂
1679 ette maison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’ art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. ⁂ Et puis leur
1680 e et d’art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. ⁂ Et puis leur nomadisme habituel les a repris. Un an plus t
1681 un train venant du Sud, en route pour une maison de vacances d’écrivains, tout au Nord, près de Saratoga. Elle me tend de
1682 nant du Sud, en route pour une maison de vacances d’ écrivains, tout au Nord, près de Saratoga. Elle me tend de ses mains t
1683 ins, tout au Nord, près de Saratoga. Elle me tend de ses mains tremblantes une petite coupure de journal : son mari, le li
1684 tend de ses mains tremblantes une petite coupure de journal : son mari, le lieutenant McCullers, est signalé comme le pre
1685 i fut le premier à saluer son talent — la reprise de l’émigration traditionnelle des écrivains américains vers le Vieux Mo
1686 être que les jeunes Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’assouplir leurs procédés que de se créer un ordre int
1687 es Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’ assouplir leurs procédés que de se créer un ordre intime et d’approche
1688 x de renouveler ou d’assouplir leurs procédés que de se créer un ordre intime et d’approcher par des moyens plus déliés ce
1689 leurs procédés que de se créer un ordre intime et d’ approcher par des moyens plus déliés ce monde dont leurs aînés décriva
1690 t leurs aînés décrivaient le chaos avec une sorte de brutalité qui en était le reflet plus que l’explication. Mais cette r
1691 nt, se rapprochent et se manquent dans une espèce de tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la vie intérieure
1692 tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la vie intérieure en quête d’explications, de rythmes, de certitudes
1693 t le mouvement même de la vie intérieure en quête d’ explications, de rythmes, de certitudes à embrasser. La nouvelle litté
1694 ême de la vie intérieure en quête d’explications, de rythmes, de certitudes à embrasser. La nouvelle littérature américain
1695 e intérieure en quête d’explications, de rythmes, de certitudes à embrasser. La nouvelle littérature américaine, au lieu d
1696 s qui tourmentent l’époque. m. Rougemont Denis de , « La jeune littérature des États-Unis devant le roman américain », L
11 1947, Articles divers (1946-1948). Drôle de paix (7 juin 1947)
1697 Drôle de paix (7 juin 1947)l Nouvelles du monde chaque matin dans l’excitan
1698 du monde chaque matin dans l’excitante confusion d’ un grand journal américain : la juxtaposition des faits, des lieux, de
1699 plans et des valeurs humaines y dégage une espèce de lyrisme « global », mais elle augmente aussi l’incertitude. Or ce n’e
1700 l’incertitude qui domine l’état d’esprit général de l’époque, depuis que Hitler a disparu. Notre vision du monde, naguère
1701 e vision du monde, naguère limitée aux dimensions de la nation, mais désormais sollicitée par des espaces nouveaux, se tro
1702 utumiers et pratiques s’est élargi aux dimensions de la planète. Que faire de ces informations en vrac, dont chacune signa
1703 st élargi aux dimensions de la planète. Que faire de ces informations en vrac, dont chacune signale une menace ou une prom
1704 nous concerner, mais dont il nous est impossible d’ évaluer la portée concrète ? Savoir d’abord les faits La Russie s
1705 tialistes et l’adultère. Quelle est donc son idée de la liberté ? Aux Indes les musulmans, les hindous et les princes ne s
1706 princes ne s’accordent que sur un point, qui est de refuser les plans de retraite obstinément offerts par les Anglais. Qu
1707 nt que sur un point, qui est de refuser les plans de retraite obstinément offerts par les Anglais. Que penser de l’impéria
1708 e obstinément offerts par les Anglais. Que penser de l’impérialisme britannique, représenté d’ailleurs par le Labour Party
1709 mérique du Sud le dictateur Perón signe une série de traités d’Anschluss économiques avec ses voisins immédiats et devient
1710 Sud le dictateur Perón signe une série de traités d’ Anschluss économiques avec ses voisins immédiats et devient une puissa
1711 ec ses voisins immédiats et devient une puissance de premier plan. On croyait le fascisme abattu. Les statistiques révèlen
1712 s conséquences, mais lesquelles ? Il n’est pas un de ces faits, grands ou petits, moral, économique, culturel, religieux,
1713 gir, à plus ou moins longue échéance, sur le sort de chacune de nos nations d’Europe et sur nos vies individuelles. Il n’e
1714 ou moins longue échéance, sur le sort de chacune de nos nations d’Europe et sur nos vies individuelles. Il n’est pas un d
1715 e échéance, sur le sort de chacune de nos nations d’ Europe et sur nos vies individuelles. Il n’est pas un de ces faits qu’
1716 échéance, sur le sort de chacune de nos nations d’ Europe et sur nos vies individuelles. Il n’est pas un de ces faits qu’on pui
1717 pe et sur nos vies individuelles. Il n’est pas un de ces faits qu’on puisse analyser à l’aide de nos catégories de droite
1718 qu’on puisse analyser à l’aide de nos catégories de droite et de gauche sans glisser vers l’insanité ou révéler son ignor
1719 analyser à l’aide de nos catégories de droite et de gauche sans glisser vers l’insanité ou révéler son ignorance. Il n’es
1720 nsanité ou révéler son ignorance. Il n’est pas un de ces faits, par conséquent, dont tiennent compte nos débats politiques
1721 ques. Ces derniers sont centrés sur des questions de partis et de partis pris locaux et ancestraux nommés « doctrines », q
1722 niers sont centrés sur des questions de partis et de partis pris locaux et ancestraux nommés « doctrines », qui ont à peu
1723 avec l’état des forces dans le monde qu’un combat de coqs avec le problème de la bombe. Et tout cela n’est que trop nature
1724 ns le monde qu’un combat de coqs avec le problème de la bombe. Et tout cela n’est que trop naturel. Il est parfaitement na
1725 est parfaitement naturel que nous aimions parler de politique. Il est parfaitement naturel que nos discussions se passion
1726 se passionnent dans la mesure où elles s’allègent d’ une quantité d’informations encore plus difficiles à retenir qu’à rass
1727 dans la mesure où elles s’allègent d’une quantité d’ informations encore plus difficiles à retenir qu’à rassembler ; car c’
1728 c’est la passion que nous aimons et l’affirmation de nos points de vue, et s’il fallait d’abord savoir les faits il n’y au
1729 d’abord savoir les faits il n’y aurait plus moyen de causer. La bêtise triomphante Cependant nous soupçonnons bien q
1730 dant nous soupçonnons bien qu’en dehors de ce jeu de nos partis il y a la vie sérieuse, la vie réelle du monde, d’immenses
1731 s il y a la vie sérieuse, la vie réelle du monde, d’ immenses transformations continentales qui demain disposeront de nos v
1732 nsformations continentales qui demain disposeront de nos vies : s’en occuper serait s’occuper vraiment de politique. Car i
1733 nos vies : s’en occuper serait s’occuper vraiment de politique. Car il n’y a plus à proprement parler de politique pratiqu
1734 politique. Car il n’y a plus à proprement parler de politique pratique, sérieuse et efficace, sinon dans le cadre planéta
1735 apon l’ont démontré par leur échec, qui fut celui d’ une dernière tentative d’impérialisme national et autarcique niant la
1736 eur échec, qui fut celui d’une dernière tentative d’ impérialisme national et autarcique niant la solidarité globale. Désor
1737 pinion publique mondiale qui seule nous permettra de dominer la cause unique des guerres depuis cent ans, à savoir bêtise
1738 epuis cent ans, à savoir bêtise armée sous le nom de nationalisme. Quatre foyers de contradictions Le monde s’offre
1739 mée sous le nom de nationalisme. Quatre foyers de contradictions Le monde s’offre à nos yeux, cette année, sous les
1740 s’offre à nos yeux, cette année, sous les espèces de quatre ou cinq foyers continentaux de crises et de profondes contradi
1741 les espèces de quatre ou cinq foyers continentaux de crises et de profondes contradictions internes. Leur lien n’est pas f
1742 e quatre ou cinq foyers continentaux de crises et de profondes contradictions internes. Leur lien n’est pas facile à disti
1743 st pas facile à distinguer. Essayons tout d’abord de les décrire. Voici l’URSS, et cette patrie de la révolution moderne
1744 rd de les décrire. Voici l’URSS, et cette patrie de la révolution moderne est aussi celle qui manque le plus de liberté ;
1745 lution moderne est aussi celle qui manque le plus de liberté ; et cette puissance la plus redoutée est aussi celle qu’un r
1746 ue, un journal libre, une phrase dans le discours de quelque Américain, un diplomate qui prend l’air à sa fenêtre, un homm
1747 manière imprévisible. Jamais gouvernement si sûr de ses calculs quand il s’agit de la vie de millions de ses sujets n’ava
1748 ouvernement si sûr de ses calculs quand il s’agit de la vie de millions de ses sujets n’avait trahi tant d’insécurité dans
1749 t si sûr de ses calculs quand il s’agit de la vie de millions de ses sujets n’avait trahi tant d’insécurité dans ses réact
1750 ses calculs quand il s’agit de la vie de millions de ses sujets n’avait trahi tant d’insécurité dans ses réactions extérie
1751 vie de millions de ses sujets n’avait trahi tant d’ insécurité dans ses réactions extérieures, tant de nervosité à l’égard
1752 opposition. Voici les États-Unis, et cette patrie de la démocratie, c’est-à-dire de l’éducation et du civisme, découvre qu
1753 s, et cette patrie de la démocratie, c’est-à-dire de l’éducation et du civisme, découvre que ce sont précisément quelques-
1754 e, découvre que ce sont précisément quelques-unes de ses bases morales, son esprit civique et son système d’éducation qui
1755 bases morales, son esprit civique et son système d’ éducation qui sont en crise. Le divorce y devient une maladie sociale,
1756 deux gouverneurs rivaux, démasquant la faiblesse de la loi et la violence des préjugés de races… Et tout cela au moment p
1757 a faiblesse de la loi et la violence des préjugés de races… Et tout cela au moment précis où l’Amérique du Nord se voit ch
1758 ment précis où l’Amérique du Nord se voit chargée de la conduite des affaires du monde et se dispose à exporter les princi
1759 s du monde et se dispose à exporter les principes de son way of life, qui se confondent dans son esprit avec la santé même
1760 ie, les Indes et la Chine. Ces deux énormes blocs de 400 et de 450 millions d’habitants se voient enfin libérés de la tute
1761 des et la Chine. Ces deux énormes blocs de 400 et de 450 millions d’habitants se voient enfin libérés de la tutelle et de
1762 Ces deux énormes blocs de 400 et de 450 millions d’ habitants se voient enfin libérés de la tutelle et de l’exploitation o
1763 450 millions d’habitants se voient enfin libérés de la tutelle et de l’exploitation occidentales : c’est pour inaugurer l
1764 abitants se voient enfin libérés de la tutelle et de l’exploitation occidentales : c’est pour inaugurer la guerre civile.
1765 flation augmente et que le pays manque à peu près de tout après seize ans de guerre et d’invasion. À peine les Anglais ont
1766 le pays manque à peu près de tout après seize ans de guerre et d’invasion. À peine les Anglais ont-ils annoncé leur décisi
1767 e à peu près de tout après seize ans de guerre et d’ invasion. À peine les Anglais ont-ils annoncé leur décision de se reti
1768 À peine les Anglais ont-ils annoncé leur décision de se retirer des Indes en juin 1948 que la Ligue musulmane se déclare p
1769 l’Indonésie en sont encore au stade préliminaire de la lutte pour l’autonomie. Voici l’Europe enfin, cette Europe qui nag
1770 réliminaire de la lutte pour l’autonomie. Voici l’ Europe enfin, cette Europe qui naguère était le plus orgueilleux des contine
1771 tte pour l’autonomie. Voici l’Europe enfin, cette Europe qui naguère était le plus orgueilleux des continents, et qui fait une
1772 leux des continents, et qui fait une grande crise de scepticisme et de manque de confiance en soi, tandis que ses intellec
1773 s, et qui fait une grande crise de scepticisme et de manque de confiance en soi, tandis que ses intellectuels découvrent s
1774 fait une grande crise de scepticisme et de manque de confiance en soi, tandis que ses intellectuels découvrent subitement
1775 llectuels découvrent subitement les sombres joies de l’humilité et les plaisirs plus lucides de l’angoisse. L’Europe patri
1776 joies de l’humilité et les plaisirs plus lucides de l’angoisse. L’Europe patrie de l’invention, du « système D » et de la
1777 ité et les plaisirs plus lucides de l’angoisse. L’ Europe patrie de l’invention, du « système D » et de la réplique rapide, don
1778 isirs plus lucides de l’angoisse. L’Europe patrie de l’invention, du « système D » et de la réplique rapide, dont les mini
1779 Europe patrie de l’invention, du « système D » et de la réplique rapide, dont les ministres annoncent que c’est le froid q
1780 oblige à rationner le charbon et l’électricité. L’ Europe qui, à peine délivrée des tyrans et des dictatures, cesse de croire à
1781 eine délivrée des tyrans et des dictatures, cesse de croire à la démocratie. L’Europe qui se donne pour battue, quand à el
1782 es dictatures, cesse de croire à la démocratie. L’ Europe qui se donne pour battue, quand à elle seule elle totalise plus d’hab
1783 our battue, quand à elle seule elle totalise plus d’ habitants que la Russie et les États-Unis additionnés ! Ainsi la « drô
1784 et les États-Unis additionnés ! Ainsi la « drôle de paix » que nous vivons repose en fait sur quatre crises, sur quatre p
1785 ises, sur quatre pauvretés continentales : manque de liberté en Russie, manque de bases spirituelles aux États-Unis, manqu
1786 ntinentales : manque de liberté en Russie, manque de bases spirituelles aux États-Unis, manque d’ordre politique en Asie,
1787 nque de bases spirituelles aux États-Unis, manque d’ ordre politique en Asie, manque de foi et d’espoir en Europe. Je dis b
1788 ts-Unis, manque d’ordre politique en Asie, manque de foi et d’espoir en Europe. Je dis bien que notre paix repose sur ces
1789 anque d’ordre politique en Asie, manque de foi et d’ espoir en Europe. Je dis bien que notre paix repose sur ces manques, q
1790 e politique en Asie, manque de foi et d’espoir en Europe . Je dis bien que notre paix repose sur ces manques, qu’elle y trouve
1791 ranties les plus sûres. Car ce sont les richesses d’ autrui et non ses maladies que l’on jalouse. Si l’un de ces quatre gra
1792 rui et non ses maladies que l’on jalouse. Si l’un de ces quatre grands malades recouvrait subitement la santé, il deviendr
1793 ssie pouvait prouver que son régime ménage autant de libertés que la démocratie américaine elle dominerait bientôt le mond
1794 le dominerait bientôt le monde par la seule force de son utopie de justice et d’ordre social. Si l’Asie était moins anarch
1795 bientôt le monde par la seule force de son utopie de justice et d’ordre social. Si l’Asie était moins anarchique elle domi
1796 de par la seule force de son utopie de justice et d’ ordre social. Si l’Asie était moins anarchique elle dominerait un jour
1797 assuré dans ses propres foyers elle serait tentée d’ abuser de ses avantages actuels. Et si l’Europe était moins abîmée, qu
1798 ns ses propres foyers elle serait tentée d’abuser de ses avantages actuels. Et si l’Europe était moins abîmée, qui sait qu
1799 tentée d’abuser de ses avantages actuels. Et si l’ Europe était moins abîmée, qui sait quelle arrogance elle ne retrouverait pa
1800 les hommes d’État se préoccupent essentiellement de la répartition des richesses du monde, au bénéfice de leur nation, bi
1801 a répartition des richesses du monde, au bénéfice de leur nation, bien entendu. Si c’est le cas, ces hommes d’État sont en
1802 qu’ils avaient, tout au contraire. C’est toujours de la pauvreté que montent les appels à l’union et que surgit l’utopie a
1803 unies ne s’est formée que pour répondre à l’appel de nos anxiétés et de nos manques. C’est grâce à eux et en eux seuls qu’
1804 ée que pour répondre à l’appel de nos anxiétés et de nos manques. C’est grâce à eux et en eux seuls qu’elle a pris quelque
1805 e resteraient enfermés dans les cloisons étanches de leur autarcie politique ; parce que l’Europe sans elle s’enfoncerait
1806 étanches de leur autarcie politique ; parce que l’ Europe sans elle s’enfoncerait encore plus dans sa névrose de scepticisme et
1807 ns elle s’enfoncerait encore plus dans sa névrose de scepticisme et de retrait. Elle se renforcera au cours des mois proch
1808 ait encore plus dans sa névrose de scepticisme et de retrait. Elle se renforcera au cours des mois prochains parce que l’A
1809 qu’elle représente pour les Américains ce symbole d’ un avenir plus vaste qui peut seul les mettre au défi de se redresser
1810 venir plus vaste qui peut seul les mettre au défi de se redresser pour tenir un grand rôle. Ce sont nos quatre pauvretés q
1811 ient et qui assurent notre paix provisoire. C’est d’ elles que naît l’appel à la fédération. Et si les hommes d’État qui se
1812 . Et si les hommes d’État qui se trouvent chargés d’ administrer l’ONU ne le comprennent pas il faut prévoir que cet appel
1813 ppel créera demain d’autres organes plus capables de l’enregistrer et de lui donner une forme et de le satisfaire. l.
1814 ’autres organes plus capables de l’enregistrer et de lui donner une forme et de le satisfaire. l. Rougemont Denis de,
1815 es de l’enregistrer et de lui donner une forme et de le satisfaire. l. Rougemont Denis de, « Drôle de paix », Une Sema
1816 forme et de le satisfaire. l. Rougemont Denis de , « Drôle de paix », Une Semaine dans le monde, Paris, 7 juin 1947, p.
1817 le satisfaire. l. Rougemont Denis de, « Drôle de paix », Une Semaine dans le monde, Paris, 7 juin 1947, p. 1 et 6.
12 1947, Articles divers (1946-1948). Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit : « C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)
1818 Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit : « C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa f
1819 té et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)n Princeton est une petite cité américaine
1820 itié des habitants se préparent à porter le titre de docteur et vivent dans des châteaux néo-gothiques pleins de salles de
1821 et vivent dans des châteaux néo-gothiques pleins de salles de bains : c’est l’une des grandes universités du continent. D
1822 dans des châteaux néo-gothiques pleins de salles de bains : c’est l’une des grandes universités du continent. Depuis deux
1823 n. Je suis allé lui rendre visite dans une maison de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’arbres pleins d’oiseaux.
1824 dre visite dans une maison de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’arbres pleins d’oiseaux. C’est d’ici que partit
1825 dans une maison de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’arbres pleins d’oiseaux. C’est d’ici que partit, en 1939,
1826 son de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’ arbres pleins d’oiseaux. C’est d’ici que partit, en 1939, la fameuse l
1827 e entourée de gazon, de fleurs et d’arbres pleins d’ oiseaux. C’est d’ici que partit, en 1939, la fameuse lettre au préside
1828 aquelle Einstein demandait que fussent organisées d’ urgence des recherches sur l’arme atomique. Dans cette petite maison n
1829 nouvel âge. Le voici soudain devant moi. Souriant de ses gros yeux très vifs sous des arcades sourcilières étrangement éle
1830 es, un énorme nez rose, des joues grises creusées de profondes ravines et deux touffes de cheveux blancs en auréole. À le
1831 ses creusées de profondes ravines et deux touffes de cheveux blancs en auréole. À le voir de tout près, je le trouve plutô
1832 x touffes de cheveux blancs en auréole. À le voir de tout près, je le trouve plutôt petit, massif, la tête rentrée dans de
1833 Il porte un chandail bleu très ample, un pantalon de flanelle sans pli et des sandales. C’est le costume habituel des étud
1834 habituel des étudiants. Il m’apporte un fauteuil de jardin près du sien. Et nous parlons de l’Amérique, dont Einstein est
1835 fauteuil de jardin près du sien. Et nous parlons de l’Amérique, dont Einstein est devenu citoyen. Il me dit : — Écoutez-m
1836 ordiaux, serviables et surtout ils sont dépourvus de toute espèce d’inhibition sociale. Je vous en donnerai un bon exemple
1837 les et surtout ils sont dépourvus de toute espèce d’ inhibition sociale. Je vous en donnerai un bon exemple. Il y a quelque
1838 onnerai un bon exemple. Il y a quelques mois, une de mes voisines, que je ne connais pas, envoie sa petite fille sonner à
1839 n pense que vous pourrez m’aider pour mes devoirs d’ arithmétique. » Je l’ai aidée de mon mieux. C’est une charmante enfant
1840 pour mes devoirs d’arithmétique. » Je l’ai aidée de mon mieux. C’est une charmante enfant. — Depuis quand vivez-vous en A
1841 étais venu une première fois en 1922, pour parler d’ un projet d’université juive à Jérusalem. On m’a donné beaucoup de ban
1842 ne première fois en 1922, pour parler d’un projet d’ université juive à Jérusalem. On m’a donné beaucoup de banquets, j’ai
1843 teries qui faisaient rire en ce temps-là, c’était d’ une sottise incroyable. En vingt-cinq ans, à travers la crise de 1929
1844 incroyable. En vingt-cinq ans, à travers la crise de 1929 et la guerre, ils ont fait des progrès immenses vers le sérieux
1845 et vers la vraie culture. Toutefois, je m’étonne de la manière dont ils réagissent, ou plutôt ne réagissent pas à la mena
1846 ez-vous remarqué qu’il se développe ici une sorte d’ hystérie antirusse ? Méfiance russe Et je pense à part moi : nous
1847 istes, simplement. N’a-t-il pas proposé, en 1945, de livrer le secret de la bombe aux quatre Grands, donc pratiquement à l
1848 ’a-t-il pas proposé, en 1945, de livrer le secret de la bombe aux quatre Grands, donc pratiquement à l’URSS ? Au risque de
1849 à ses yeux, je suggère que la cause la plus nette de ce qu’il nomme l’hystérie antirusse, n’est autre que l’attitude des R
1850 il enfin, que l’obstacle majeur à l’établissement d’ un gouvernement mondial, c’est la méfiance systématique des Soviets. O
1851 proposent. Elle soupçonne une menace dans chacun de nos mouvements. C’est fatal. Et cela durera tant qu’elle nous croira
1852 s croira les plus forts. — Tant que la bombe sera de notre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans qu’on cite partou
1853 que la bombe sera de notre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans qu’on cite partout, et qui serait nécessaire à l
1854 e sera de notre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans qu’on cite partout, et qui serait nécessaire à la Russie pou
1855 u’elle y travaille. — Croyez-vous que le « rideau de fer » s’explique par la peur qu’ont les Russes que l’on se renseigne
1856 u’ont les Russes que l’on se renseigne sur l’état de leurs travaux atomiques ? — J’ai une explication plus simple du « rid
1857  ? — J’ai une explication plus simple du « rideau de fer ». Les Russes sont très pauvres. C’est pour cela qu’ils ont si pe
1858 actuel du dollar, il serait vraiment trop facile d’ acheter des espions en Russie. L’indicateur y serait trop bon marché.
1859 nt de nous les inquiète, et ils se croient forcés de tout refuser. — Alors que faire ? — Je ne vois qu’une solution possib
1860 le sabotage soviétique, qu’on n’aura plus besoin d’ y garder des secrets. Les Russes pourront bien entretenir auprès d’ell
1861 crets. Les Russes pourront bien entretenir auprès d’ elle autant d’observateurs qu’il leur plaira, officiels ou non. Et à l
1862 ses pourront bien entretenir auprès d’elle autant d’ observateurs qu’il leur plaira, officiels ou non. Et à la fin — car il
1863 s nazis —, ils verront bien que leur avantage est d’ y rentrer. La « bombe » et le monde… La nuit est venue. Nous pas
1864 piano sur lequel Schnabel, le meilleur exécutant de Beethoven, accompagne parfois Einstein, qui joue du violon. Je me rap
1865 atienté, pour dire au violoniste : « Ce qu’il y a d’ ennuyeux avec vous, Albert, c’est que vous ne savez pas compter ! » Je
1866 e pose la bombe. Cet homme se sent-il responsable de la menace d’Apocalypse qu’il a contribué plus que nul autre à suscite
1867 be. Cet homme se sent-il responsable de la menace d’ Apocalypse qu’il a contribué plus que nul autre à susciter dans notre
1868 question. Mais soudain, Einstein m’interrompt et, de son air malicieux et bonhomme : « La bombe, dit-il, n’a pas changé le
1869 « La bombe, dit-il, n’a pas changé les conditions de la guerre beaucoup plus que ne l’avaient déjà fait les raids massifs
1870 plus que ne l’avaient déjà fait les raids massifs d’ avions. Mais la bombe a du moins l’avantage de rendre les masses plus
1871 ifs d’avions. Mais la bombe a du moins l’avantage de rendre les masses plus conscientes du danger de la guerre moderne. »
1872 e de rendre les masses plus conscientes du danger de la guerre moderne. » Je lui demande s’il approuve le plan Baruch, au
1873 Baruch, au terme duquel les États-Unis proposent de céder la bombe à un organisme international doté de pouvoirs de contr
1874 céder la bombe à un organisme international doté de pouvoirs de contrôle illimités. Il répond : — Tant que la machine mil
1875 mbe à un organisme international doté de pouvoirs de contrôle illimités. Il répond : — Tant que la machine militaire reste
1876 fonctionner dans tous les grands pays, les plans de ce genre seront sans efficacité. Cependant, la proposition Baruch a c
1877 ficacité. Cependant, la proposition Baruch a cela d’ excellent qu’elle impliquerait un renoncement partiel à la souverainet
1878 un gouvernement mondial, c’est-à-dire vers la fin de la féodalité des États-nations. — La route est longue, bien longue en
1879 n me reconduisant. Sur quoi je lui cite la parole de Lyautey qui avait demandé qu’on plante devant sa résidence une arbre
1880 emandé qu’on plante devant sa résidence une arbre d’ une espèce rare ; et comme le jardinier lui objectait que ces arbres-l
1881 ier lui objectait que ces arbres-là prennent plus d’ un siècle à se développer : « Vous voyez, riposta le maréchal, il n’y
1882 s une seconde à perdre ! » n. Rougemont Denis de , « Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit… », Paris Presse,
1883 n. Rougemont Denis de, « Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit… », Paris Presse, Paris, 9 août 1947, p. 1 et
13 1947, Articles divers (1946-1948). Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)
1884 mont (30-31 août 1947)o L’émouvante profession de foi fédéraliste qu’a entendue le congrès des fédéralistes européens d
1885 raliste qu’a entendue le congrès des fédéralistes européens de la bouche de M. Denis de Rougemont a eu un retentissement considér
1886 ’a entendue le congrès des fédéralistes européens de la bouche de M. Denis de Rougemont a eu un retentissement considérabl
1887 e congrès des fédéralistes européens de la bouche de M. Denis de Rougemont a eu un retentissement considérable. Avec cette
1888 ts et cette parfaite courtoisie qui est la marque de l’homme bien né, M. de Rougemont nous a fait l’honneur de nous recevo
1889 me bien né, M. de Rougemont nous a fait l’honneur de nous recevoir quelques instants. Je viens de passer sept ans aux État
1890 s parti pour l’Amérique afin de faire une tournée de conférences sur la Suisse. J’y allais aussi dans l’intention de faire
1891 sur la Suisse. J’y allais aussi dans l’intention de faire jouer mon oratorio Nicolas de Flue , dont Honegger a écrit la
1892 ours. Avez-vous beaucoup écrit pendant ce « temps de pénitence » ? Oui, passablement. J’ai écrit Vivre en Amérique , j’ai
1893 nfin, un ouvrage sur la Suisse, intitulé Le Cœur de l’Europe et dont il n’existe qu’une édition anglaise. Ce qu’on sait
1894 un ouvrage sur la Suisse, intitulé Le Cœur de l’ Europe et dont il n’existe qu’une édition anglaise. Ce qu’on sait moins che
1895 s l’avouer, mais il s’est fait l’ardent défenseur de nos institutions. Ce rôle a été d’autant plus utile pour nous que not
1896 dent défenseur de nos institutions. Ce rôle a été d’ autant plus utile pour nous que notre neutralité n’a pas toujours été
1897 e n’a pas toujours été très tendre à notre égard. De cette influence, nous ne donnerons qu’un exemple, mais qui illustre b
1898 t Truman avait constitué un comité civil, composé d’ éminentes personnalités américaines, qui avait été chargé d’établir un
1899 s personnalités américaines, qui avait été chargé d’ établir un rapport sur la conscription. Or, dans ses conclusions, ce c
1900 parce que, se référant à l’ouvrage sur la Suisse de M. Denis de Rougemont, il a donné comme argument principal le cas de
1901 emont, il a donné comme argument principal le cas de notre propre armée. En Europe même, les écrits de M. de Rougemont, on
1902 gument principal le cas de notre propre armée. En Europe même, les écrits de M. de Rougemont, ont marqué de leur influence une
1903 de notre propre armée. En Europe même, les écrits de M. de Rougemont, ont marqué de leur influence une partie de l’élite i
1904 e même, les écrits de M. de Rougemont, ont marqué de leur influence une partie de l’élite intellectuelle de l’Occident. En
1905 ougemont, ont marqué de leur influence une partie de l’élite intellectuelle de l’Occident. En Hollande, par exemple, le pa
1906 ur influence une partie de l’élite intellectuelle de l’Occident. En Hollande, par exemple, le parti socialiste personnalis
1907 parti socialiste personnaliste a tiré sa doctrine de ses ouvrages et de ceux de quelques autres penseurs. Au Danemark, cet
1908 rsonnaliste a tiré sa doctrine de ses ouvrages et de ceux de quelques autres penseurs. Au Danemark, cette doctrine personn
1909 ste a tiré sa doctrine de ses ouvrages et de ceux de quelques autres penseurs. Au Danemark, cette doctrine personnaliste a
1910 c’est évidemment en France, qu’elle a eu le plus de succès et qu’elle a trouvé peut-être le terrain le plus favorable. Ce
1911 ues. Comme dirait Péguy, c’était un rassemblement de toutes les croyances et incroyances. Les membres de ce mouvement ont
1912 toutes les croyances et incroyances. Les membres de ce mouvement ont été dispersés par la guerre, certains étant morts, m
1913 En écoutant parler mardi soir l’auteur du Journal d’ un intellectuel en chômage, nous nous étions demandé à la suite de que
1914 M. de Rougemont, qui nous a répondu simplement : De tout temps, j’ai été fédéraliste, et je me suis fait une philosophie
1915 t une philosophie qui cadre avec les institutions de notre pays, car, contrairement à ce que l’on pense généralement, je m
1916 uisse, malgré son petit cadre, est valable pour l’ Europe . Voyez-vous, on ne se rend pas compte, en Suisse, qu’il existe en nou
1917 , qu’il existe en nous, aujourd’hui, un sentiment européen , ce qui n’empêche pas, il est vrai, bon nombre d’entre nous de douter
1918 empêche pas, il est vrai, bon nombre d’entre nous de douter de la naissance d’une fédération européenne. Mais ce qui me pa
1919 s, il est vrai, bon nombre d’entre nous de douter de la naissance d’une fédération européenne. Mais ce qui me paraît impor
1920 bon nombre d’entre nous de douter de la naissance d’ une fédération européenne. Mais ce qui me paraît important et encourag
1921 e nous de douter de la naissance d’une fédération européenne . Mais ce qui me paraît important et encourageant tout à la fois, c’es
1922 l existait un sentiment suisse, mais l’on doutait de la possibilité de créer un État fédéral. Comme je l’ai dit dans ma co
1923 iment suisse, mais l’on doutait de la possibilité de créer un État fédéral. Comme je l’ai dit dans ma conférence de mardi
1924 tat fédéral. Comme je l’ai dit dans ma conférence de mardi soir, ce qui étonne tous les historiens de notre Confédération,
1925 de mardi soir, ce qui étonne tous les historiens de notre Confédération, c’est justement l’extrême rapidité avec laquelle
1926 l’extrême rapidité avec laquelle la Constitution de 1848 fut proposée, écrite, adoptée et mise en pratique. En 1846, elle
1927 48, était informulé, et qu’il a fallu la campagne de la Société helvétique et les écrits du doyen Bridel pour que l’opinio
1928 pour que l’opinion publique prît enfin conscience de ce sentiment suisse. Aujourd’hui, il ne faut pas se leurrer, il y a u
1929 cette crise vient de ce que nous sommes entourés d’ États-nations, qui menacent notre fédéralisme. Cela explique aussi pou
1930 terrifiants. Aussi suis-je convaincu que le salut de notre fédéralisme ne peut venir que d’une Europe fédérée. o. Rouge
1931 e le salut de notre fédéralisme ne peut venir que d’ une Europe fédérée. o. Rougemont Denis de, « [Entretien] Conversati
1932 alut de notre fédéralisme ne peut venir que d’une Europe fédérée. o. Rougemont Denis de, « [Entretien] Conversation à bâton
1933 r que d’une Europe fédérée. o. Rougemont Denis de , « [Entretien] Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemon
1934 tons rompus avec M. Denis de Rougemont », Tribune de Genève, Genève, 30–31 août 1947, p. 9.
14 1947, Articles divers (1946-1948). L’attitude fédéraliste (octobre 1947)
1935 ger que présente un tel sujet, c’est qu’il risque d’ entraîner à des généralisations théoriques ; or, rien n’est plus contr
1936 éralisations. D’autre part, j’ai toujours éprouvé de la répugnance à séparer les valeurs spirituelles et leur incarnation
1937 tion dans les réalités humaines. J’essaierai donc de définir l’esprit fédéraliste d’une manière indirecte, par implication
1938 J’essaierai donc de définir l’esprit fédéraliste d’ une manière indirecte, par implication, et je m’en tiendrai le plus po
1939 es que nous pouvons les observer et les contrôler de très près dans une expérience bien connue : celle de la Confédération
1940 très près dans une expérience bien connue : celle de la Confédération helvétique. Toutefois, je ne puis éviter de poser au
1941 dération helvétique. Toutefois, je ne puis éviter de poser au départ quelques définitions. Il est vain de parler des probl
1942 poser au départ quelques définitions. Il est vain de parler des problèmes politiques, si l’on ne s’est pas entendu d’abord
1943 e s’est pas entendu d’abord sur une certaine idée de l’homme. Car toute politique implique une certaine idée de l’homme, e
1944 e. Car toute politique implique une certaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on
1945 ’homme, et contribue à promouvoir un certain type d’ humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est d
1946 on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, ou pour mieux dire
1947 n’en parlerions pas si nous pensions que le type d’ homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de toute respon
1948 le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de toute responsabilité vis-à-vis de la communauté. Car dans ce cas, not
1949 oldat politique totalement absorbé par le service de la communauté. Car alors, nous irions de l’autre côté du rideau de fe
1950 service de la communauté. Car alors, nous irions de l’autre côté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous en pa
1951 Car alors, nous irions de l’autre côté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous en parlons, si nous le voulons,
1952 rendre chaque individu plus libre dans l’exercice de sa vocation. L’homme est donc à la fois libre et engagé, à la fois au
1953 es humains, qui favorisent trois types différents de régimes politiques, et sont en retour favorisés par eux. À l’homme co
1954 sont que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste
1955 le représente la santé civique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de s
1956 lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et de même, le fédéralisme ne naîtra jama
1957 oie. Et de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’ un habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné e
1958 e fédéralisme ne naîtra jamais d’un habile dosage d’ anarchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation
1959 ne naîtra jamais d’un habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive. L
1960 is d’un habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive. Le fédéralisme
1961 rchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan que c
1962 dictateurs, sont au contraire le fait des groupes de citoyens responsables, c’est-à-dire des personnes fédérées. Ayant ain
1963 yant ainsi esquissé à grands traits la conception de l’homme sur laquelle nos travaux doivent se fonder et qu’ils ont pour
1964 x doivent se fonder et qu’ils ont pour but ultime de promouvoir, nous pouvons passer maintenant à une description plus con
1965 passer maintenant à une description plus concrète de l’attitude et des méthodes fédéralistes. ⁂ L’an dernier, aux Rencontr
1966 s. ⁂ L’an dernier, aux Rencontres internationales de Genève, le philosophe allemand Karl Jaspers déclarait que l’Europe n’
1967 philosophe allemand Karl Jaspers déclarait que l’ Europe n’a plus de choix qu’entre la balkanisation et l’helvétisation. Je su
1968 mand Karl Jaspers déclarait que l’Europe n’a plus de choix qu’entre la balkanisation et l’helvétisation. Je suppose que Ja
1969 ers entendait par balkanisation la désintégration de l’Europe en nationalismes rivaux, et par helvétisation au contraire,
1970 ntendait par balkanisation la désintégration de l’ Europe en nationalismes rivaux, et par helvétisation au contraire, l’intégra
1971 égration fédérale des nations, renonçant au dogme de leur souveraineté absolue, et acceptant sous une forme ou sous une au
1972 ans cette vue, la Suisse moderne serait une sorte de « bon exemple » à suivre. Rien de plus banal, que cette référence à l
1973 tte référence à la Suisse, dès qu’il est question d’ États-Unis d’Europe ou d’un gouvernement mondial. Rien de plus banal,
1974 , dès qu’il est question d’États-Unis d’Europe ou d’ un gouvernement mondial. Rien de plus banal, si ce n’est les objection
1975 aux Suisses pour se fédérer, et nous avons besoin de solutions rapides. » À la deuxième objection, je répondrai que les ca
1976 pté une constitution commune qu’en 1848, au terme d’ une crise d’assez courte durée, et en dépit d’une opposition très impo
1977 titution commune qu’en 1848, au terme d’une crise d’ assez courte durée, et en dépit d’une opposition très importante dans
1978 ition très importante dans la population, doublée d’ un scepticisme assez général chez les gens ou pouvoir. Ce qui étonne t
1979 ens ou pouvoir. Ce qui étonne tous les historiens de la Confédération helvétique, c’est justement l’extrême rapidité avec
1980 l’extrême rapidité avec laquelle la Constitution de 1848 fut proposée, écrite, adoptée et mise en pratique. En 1846, elle
1981 soi. Quant à ce que l’on répète sur la petitesse de la Suisse et sur l’impossibilité de transposer ses institutions à l’é
1982 la petitesse de la Suisse et sur l’impossibilité de transposer ses institutions à l’échelle continentale, je répondrai qu
1983 n est valable si l’on ne s’attache qu’aux détails de la mise en pratique du fédéralisme en Suisse, mais non pas si l’on ch
1984 en Suisse, mais non pas si l’on cherche à dégager de cette expérience l’idée fédéraliste qu’elle illustre. Une expérience
1985 idée fédéraliste qu’elle illustre. Une expérience de laboratoire est nécessairement plus réduite de dimensions que ses app
1986 ce de laboratoire est nécessairement plus réduite de dimensions que ses applications, mais pourtant celles-ci n’existeraie
1987 ns celle-là. C’est pourquoi, dans notre tentative de définir l’idée fédéraliste en soi, nous ferons bien de ne pas perdre
1988 finir l’idée fédéraliste en soi, nous ferons bien de ne pas perdre de vue cette expérience-témoin, concrète, typique, et p
1989 raliste en soi, nous ferons bien de ne pas perdre de vue cette expérience-témoin, concrète, typique, et particulièrement c
1990 quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’ un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que simp
1991 e vulgaire, mais correspond assez bien aux formes de pensée introduites par la science relativiste. À mon sens, le mouveme
1992 ence relativiste. À mon sens, le mouvement intime de la pensée fédéraliste ne saurait être mieux comparé qu’à un rythme, à
1993 me, à une respiration, à l’alternance perpétuelle de la diastole et de la systole. La pensée fédéraliste ne projette pas d
1994 ion, à l’alternance perpétuelle de la diastole et de la systole. La pensée fédéraliste ne projette pas devant elle une uto
1995 édéraliste ne projette pas devant elle une utopie européenne qu’il s’agirait simplement de rejoindre, ou des plans statiques qu’il
1996 une utopie européenne qu’il s’agirait simplement de rejoindre, ou des plans statiques qu’il faudrait réaliser en quatre o
1997 nent le plan. Elle cherche au contraire le secret d’ un équilibre souple et constamment mouvant entre des groupes qu’il s’a
1998 onstamment mouvant entre des groupes qu’il s’agit de composer en les respectant, et non point de soumettre les uns aux aut
1999 ’agit de composer en les respectant, et non point de soumettre les uns aux autres, ou d’écraser l’un après l’autre. On ne
2000 et non point de soumettre les uns aux autres, ou d’ écraser l’un après l’autre. On ne saurait trop insister sur ce double
2001 omme on voudra, qui est le battement même du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier serait se condamner à retomber san
2002 sse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de la vie politique suisse illustre très clairement. En effet, les mots
2003 , les mots fédération et fédéralisme sont compris de deux manières très différentes par les Suisses alémaniques et par les
2004 i signifie union, et qui évoque avant tout l’idée de centralisation. En Suisse romande, au contraire, ceux qui se proclame
2005 édéralistes sont en réalité les défenseurs jaloux de l’autonomie des cantons contre la centralisation. Pour les uns, fédér
2006 nion. Il consiste dans la composition perpétuelle de ces deux forces de sens contraire, en vue de leur renforcement mutuel
2007 ans la composition perpétuelle de ces deux forces de sens contraire, en vue de leur renforcement mutuel. Ce dernier point
2008 nier point est parfaitement exprimé par la devise de la Suisse, devise paradoxale ou « dialectique » dans sa forme : « Un
2009 sonne. Il est infiniment probable que sur le plan européen , nous allons voir se dessiner deux tendances toutes semblables à cell
2010 ous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout de sauvegarder les droits de chaque nation contre les empiètements du po
2011 s préoccupés avant tout de sauvegarder les droits de chaque nation contre les empiètements du pouvoir central. Et nous dev
2012 sme véritable n’est ni dans l’une ni dans l’autre de ces tendances, mais bien dans leur co-existence acceptée, dans leur d
2013 it les anciens historiens suisses, j’entends ceux d’ avant 1848, on est frappé de constater qu’ils n’emploient jamais le te
2014 isses, j’entends ceux d’avant 1848, on est frappé de constater qu’ils n’emploient jamais le terme de fédéralisme, qu’ils l
2015 é de constater qu’ils n’emploient jamais le terme de fédéralisme, qu’ils l’ignorent, et qu’ils ne touchent que très rareme
2016 bablement, parce qu’un sûr instinct les prévenait de rationaliser les principes de leur vie politique. Il est incontestabl
2017 tinct les prévenait de rationaliser les principes de leur vie politique. Il est incontestable, en effet, que l’idée fédéra
2018 e, en effet, que l’idée fédéraliste n’a pas cessé d’ inspirer et de guider les démarches des meilleurs hommes d’État suisse
2019 ue l’idée fédéraliste n’a pas cessé d’inspirer et de guider les démarches des meilleurs hommes d’État suisses, pendant des
2020 soigneusement informulée, jusqu’à ce que la crise d’ une guerre civile, en 1847, l’ait forcée à prendre forme et force de l
2021 e, en 1847, l’ait forcée à prendre forme et force de loi. Et ce n’est guère qu’au xxe siècle que les penseurs et sociolog
2022 mme la vie même ; elle était la vie du civisme et de la pratique politique des Suisses. C’est le défi que représente l’esp
2023 ire, qui les force à faire aujourd’hui la théorie de cette pratique, et qui la transforme en une sorte de programme, ou de
2024 cette pratique, et qui la transforme en une sorte de programme, ou de manifeste vivant. Par la force des choses, l’union p
2025 t qui la transforme en une sorte de programme, ou de manifeste vivant. Par la force des choses, l’union paisible de deux r
2026 vivant. Par la force des choses, l’union paisible de deux religions, de quatre langues, de vingt-deux républiques, et de j
2027 e des choses, l’union paisible de deux religions, de quatre langues, de vingt-deux républiques, et de je ne sais combien d
2028 on paisible de deux religions, de quatre langues, de vingt-deux républiques, et de je ne sais combien de « races » en un É
2029 de quatre langues, de vingt-deux républiques, et de je ne sais combien de « races » en un État qui les respecte, cette un
2030 vingt-deux républiques, et de je ne sais combien de « races » en un État qui les respecte, cette union prend l’allure à l
2031 es respecte, cette union prend l’allure à la fois d’ un antiracisme déclaré et d’un antinationalisme. L’instinct contrecarr
2032 nd l’allure à la fois d’un antiracisme déclaré et d’ un antinationalisme. L’instinct contrecarré devient conscience ; la co
2033 n par une propagande agressive se voit contrainte de développer pour sa défense une théorie. Nous vivons ce moment de l’hi
2034 our sa défense une théorie. Nous vivons ce moment de l’histoire où le fédéralisme suisse, s’il veut durer, doit devenir à
2035 rise : ou se nier, ou triompher, mais sur le plan de l’Europe entière. Le grand danger de l’heure présente, pour la Suisse
2036 : ou se nier, ou triompher, mais sur le plan de l’ Europe entière. Le grand danger de l’heure présente, pour la Suisse, je le v
2037 sur le plan de l’Europe entière. Le grand danger de l’heure présente, pour la Suisse, je le vois dans ce fait qu’elle doi
2038 mieux. Elle s’expose à son risque maximum : celui de décoller de ses bases concrètes, perdant ainsi en force originelle ce
2039 s’expose à son risque maximum : celui de décoller de ses bases concrètes, perdant ainsi en force originelle ce qu’elle pou
2040 iginelle ce qu’elle pourrait gagner en conscience de ses fins. De même pour le fédéralisme européen. Un instinct commun se
2041 nscience de ses fins. De même pour le fédéralisme européen . Un instinct commun se formait peu à peu, depuis la guerre de 1914-19
2042 nct commun se formait peu à peu, depuis la guerre de 1914-1918. La SDN fut l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’id
2043 u, depuis la guerre de 1914-1918. La SDN fut l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée d’un réseau de pactes bilat
2044 l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée d’ un réseau de pactes bilatéraux en fut un autre. Dans les deux cas, le
2045 symptômes, bien faible encore. L’idée d’un réseau de pactes bilatéraux en fut un autre. Dans les deux cas, le sentiment fé
2046 nt fédéraliste fut promptement détourné au profit de politiques d’hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croî
2047 fut promptement détourné au profit de politiques d’ hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croître et de se r
2048 ’hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croître et de se renforcer dans la plupart des peuples. La guerre don
2049 utefois ce sentiment ne cessait pas de croître et de se renforcer dans la plupart des peuples. La guerre dont nous sortons
2050 nue le fouetter. Brusquement, la question se pose de fédérer l’Europe dès la paix rétablie. Mais parce qu’elle se pose bru
2051 er. Brusquement, la question se pose de fédérer l’ Europe dès la paix rétablie. Mais parce qu’elle se pose brusquement, cette q
2052 u’elle se pose brusquement, cette question risque d’ être mal posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter que des plans
2053 risque d’être mal posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter que des plans rationnels et des systèmes. C’est pour évit
2054 coup, quelques-uns des principes directeurs qui, d’ une manière tout empirique, ont formé la fédération suisse. Et je vais
2055 t applicables, immédiatement, dans l’état présent de l’Europe. Premier principe. — La fédération ne peut naître que du re
2056 licables, immédiatement, dans l’état présent de l’ Europe . Premier principe. — La fédération ne peut naître que du renoncement
2057 on ne peut naître que du renoncement à toute idée d’ hégémonie organisatrice, exercée par l’une des nations composantes. T
2058 ois qu’un des cantons, comme Zurich, ou un groupe de cantons citadins, plus riche ou plus peuplé que les autres, a cru pou
2059 Lors de la dernière crise grave, la guerre civile de 1847 opposant catholiques et protestants, les vainqueurs n’ont eu rie
2060 , les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que de rendre aux vaincus leur pleine égalité de droit. Et de cet acte de re
2061 ssé que de rendre aux vaincus leur pleine égalité de droit. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, est résu
2062 ndre aux vaincus leur pleine égalité de droit. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, est résulté la consti
2063 ncus leur pleine égalité de droit. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, est résulté la constitution de 18
2064 l’hégémonie conquise, est résulté la constitution de 1848, véritable base de l’État fédératif moderne. C’est pourquoi la S
2065 t résulté la constitution de 1848, véritable base de l’État fédératif moderne. C’est pourquoi la Suisse ne verra jamais sa
2066 fiance certains « grands » s’arroger l’initiative d’ une fédération continentale ou mondiale. L’échec de Napoléon, puis cel
2067 ’une fédération continentale ou mondiale. L’échec de Napoléon, puis celui d’Hitler, dans leurs tentatives pour faire l’uni
2068 tale ou mondiale. L’échec de Napoléon, puis celui d’ Hitler, dans leurs tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont des
2069 ’Hitler, dans leurs tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont des avertissements utiles, ils nous confirment dans l’
2070 er, dans leurs tentatives pour faire l’unité de l’ Europe , sont des avertissements utiles, ils nous confirment dans l’idée qu’o
2071 nt conduire qu’à l’unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième principe. — Le fédéralisme ne peut naîtr
2072 e ne peut naître que du renoncement à tout esprit de système. Ce que je viens de dire au sujet de l’impérialisme ou de l’h
2073 ue je viens de dire au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’une nation, vaut également pour l’impérialisme d’une id
2074 dire au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’ une nation, vaut également pour l’impérialisme d’une idéologie. On pou
2075 d’une nation, vaut également pour l’impérialisme d’ une idéologie. On pourrait définir l’attitude fédéraliste comme un ref
2076 fédéraliste comme un refus constant et instinctif de recourir aux solutions systématiques, aux plans simples de lignes, cl
2077 ir aux solutions systématiques, aux plans simples de lignes, clairs et satisfaisant pour la logique, mais par là même infi
2078 destructeurs des diversités qui sont la condition de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’est pa
2079 tre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’ un centre ou d’un axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemb
2080 après un plan géométrique à partir d’un centre ou d’ un axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemble, composer ta
2081 s caractères particuliers, qu’il s’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisième principe. — Le féd
2082 iculiers, qu’il s’agit à la fois de respecter, et d’ articuler dans un tout. Troisième principe. — Le fédéralisme ne conna
2083 oisième principe. — Le fédéralisme ne connaît pas de problème des minorités. On objectera que le totalitarisme, lui aussi
2084 qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’ élection du Conseil des États, mais surtout, et d’une manière beaucoup
2085 d’élection du Conseil des États, mais surtout, et d’ une manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politi
2086 manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politique et culturelle, où l’on voit la Suisse romande et la
2087 nne jouer un rôle sans proportion avec le chiffre de leurs habitants ou de leurs kilomètres carrés. Quatrième principe. —
2088 proportion avec le chiffre de leurs habitants ou de leurs kilomètres carrés. Quatrième principe. — La fédération n’a pas
2089 trième principe. — La fédération n’a pas pour but d’ effacer les diversités et de fondre toutes les nations en un seul bloc
2090 tion n’a pas pour but d’effacer les diversités et de fondre toutes les nations en un seul bloc, mais au contraire, de sauv
2091 s les nations en un seul bloc, mais au contraire, de sauvegarder leurs qualités propres. La richesse de la Suisse par exem
2092 e sauvegarder leurs qualités propres. La richesse de la Suisse par exemple, réside dans ses diversités jalousement défendu
2093 ent défendues et maintenues. De même, la richesse de l’Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on ten
2094 éfendues et maintenues. De même, la richesse de l’ Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’un
2095 e même, la richesse de l’Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’unifier le continent, d
2096 me de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’ unifier le continent, de tout mélanger, et d’obtenir une sorte de nati
2097 t perdues si l’on tentait d’unifier le continent, de tout mélanger, et d’obtenir une sorte de nation européenne, où Latins
2098 tait d’unifier le continent, de tout mélanger, et d’ obtenir une sorte de nation européenne, où Latins et Germains, Slaves
2099 ntinent, de tout mélanger, et d’obtenir une sorte de nation européenne, où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Sca
2100 e tout mélanger, et d’obtenir une sorte de nation européenne , où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs,
2101 ois et coutumes, qui ne pourrait satisfaire aucun de ces groupes, et qui les brimerait tous. Si l’Europe doit se fédérer,
2102 n de ces groupes, et qui les brimerait tous. Si l’ Europe doit se fédérer, c’est pour que chacun de ses membres bénéficie de l’
2103 i l’Europe doit se fédérer, c’est pour que chacun de ses membres bénéficie de l’aide de tous les autres, et réussisse ains
2104 r, c’est pour que chacun de ses membres bénéficie de l’aide de tous les autres, et réussisse ainsi à conserver ses particu
2105 our que chacun de ses membres bénéficie de l’aide de tous les autres, et réussisse ainsi à conserver ses particularités et
2106 articularités et son autonomie, qu’il serait hors d’ état de défendre seul contre la pression des grands empires qui le men
2107 arités et son autonomie, qu’il serait hors d’état de défendre seul contre la pression des grands empires qui le menacent.
2108 le menacent. Chacune des nations qui composent l’ Europe y représente une fonction propre, irremplaçable, comme celle d’un org
2109 e une fonction propre, irremplaçable, comme celle d’ un organe dans un corps. Or la vie normale du corps dépend de la vital
2110 dans un corps. Or la vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses organes, de même que la vie d’un organe
2111 Or la vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses organes, de même que la vie d’un organe dépend de son h
2112 normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses organes, de même que la vie d’un organe dépend de son harmonie av
2113 lité de chacun de ses organes, de même que la vie d’ un organe dépend de son harmonie avec tous les autres. Si les nations
2114 es organes, de même que la vie d’un organe dépend de son harmonie avec tous les autres. Si les nations de l’Europe arrivai
2115 son harmonie avec tous les autres. Si les nations de l’Europe arrivaient à se concevoir dans ce rôle d’organes divers d’un
2116 armonie avec tous les autres. Si les nations de l’ Europe arrivaient à se concevoir dans ce rôle d’organes divers d’un même cor
2117 e l’Europe arrivaient à se concevoir dans ce rôle d’ organes divers d’un même corps, elles comprendraient que leur harmonie
2118 ient à se concevoir dans ce rôle d’organes divers d’ un même corps, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessit
2119 concession qu’on leur demande, ou une diminution de leur valeur propre. Elles comprendraient aussi que dans une fédératio
2120 as à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas même une questio
2121 n sa vocation. Ce ne serait pas même une question de tolérance, vertu purement négative et qui naît le plus souvent du sce
2122 du scepticisme. Chaque nation serait mise au défi de donner le meilleur d’elle-même, à sa manière et selon son génie. Aprè
2123 nation serait mise au défi de donner le meilleur d’ elle-même, à sa manière et selon son génie. Après tout, le poumon n’a
2124 lérer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’ être un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et dans cette m
2125 e qu’on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’ être aussi poumon que possible, et dans cette mesure même, il aidera l
2126 ème principe. — Le fédéralisme repose sur l’amour de la complexité, par contraste avec le simplisme brutal qui caractérise
2127 mplificateurs ». Lorsque les étrangers s’étonnent de l’extrême complication des institutions suisses, de cette espèce de m
2128 l’extrême complication des institutions suisses, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine que composent nos rouages
2129 ication des institutions suisses, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine que composent nos rouages communaux, cant
2130 nstitutions suisses, de cette espèce de mouvement d’ horlogerie fine que composent nos rouages communaux, cantonaux, fédéra
2131 x, fédéraux, si diversement engrenés, il convient de leur montrer que cette complexité est la condition même de nos libert
2132 ontrer que cette complexité est la condition même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont constamm
2133 au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les réalités humaines et naturelles d
2134 aines et naturelles du pays. La Suisse est formée d’ une multitude de groupes et d’organismes politiques, administratifs, c
2135 les du pays. La Suisse est formée d’une multitude de groupes et d’organismes politiques, administratifs, culturels, lingui
2136 a Suisse est formée d’une multitude de groupes et d’ organismes politiques, administratifs, culturels, linguistiques, relig
2137 ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent de cent manières différentes. Il est clair que des lois ou des instituti
2138 taire, brimeraient nécessairement un ou plusieurs de ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mutileraient ainsi
2139 eur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dimensions la personne même de ceux qui s’y rattachent. Certes, i
2140 dans plusieurs de ses dimensions la personne même de ceux qui s’y rattachent. Certes, il est plus facile de décréter sur t
2141 ux qui s’y rattachent. Certes, il est plus facile de décréter sur table rase, de simplifier les réalités d’un trait de plu
2142 s, il est plus facile de décréter sur table rase, de simplifier les réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la
2143 créter sur table rase, de simplifier les réalités d’ un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et d
2144 table rase, de simplifier les réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer en
2145 , de simplifier les réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur
2146 de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qui résiste, ou sim
2147 ce qu’on écrase ainsi, c’est la vitalité civique d’ un peuple. Une politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réa
2148 d’un peuple. Une politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réalité toujours complexe, suppose infiniment plus d
2149 éalité toujours complexe, suppose infiniment plus de soins, d’ingéniosité technique, et de compréhension des peuples qu’el
2150 jours complexe, suppose infiniment plus de soins, d’ ingéniosité technique, et de compréhension des peuples qu’elle gouvern
2151 niment plus de soins, d’ingéniosité technique, et de compréhension des peuples qu’elle gouverne. Elle exige beaucoup plus
2152 euples qu’elle gouverne. Elle exige beaucoup plus de vrai sens politique. Finalement, si l’on y réfléchit, on s’aperçoit q
2153 ’aperçoit que la politique fédéraliste n’est rien d’ autre que la politique tout court, la politique par excellence — c’est
2154 la politique par excellence — c’est-à-dire l’art d’ organiser la cité au bénéfice des citoyens. Tandis que les méthodes to
2155 lement à supprimer les diversités, par incapacité de les composer en un tout organique et vivant. Enfin, sixième principe 
2156 Enfin, sixième principe : Une fédération se forme de proche en proche, par le moyen des personnes et des groupes, et non p
2157 s personnes et des groupes, et non point à partir d’ un centre ou par le moyen des gouvernements. Je vois la fédération eur
2158 le moyen des gouvernements. Je vois la fédération européenne se composer lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manière
2159 opéenne se composer lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente économique, là c’es
2160 er lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente économique, là c’est une parenté cul
2161 ulturelle qui s’affirme. Ici ce sont deux églises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là c’est un gr
2162 s’ouvrent l’une à l’autre, et là c’est un groupe de petits pays qui forment une union douanière. Et surtout, ce sont des
2163 personnes qui créent peu à peu des réseaux variés d’ échanges européens. Rien de tout cela n’est inutile. Et tout cela, qui
2164 ui créent peu à peu des réseaux variés d’échanges européens . Rien de tout cela n’est inutile. Et tout cela, qui paraît si dispers
2165 peu des réseaux variés d’échanges européens. Rien de tout cela n’est inutile. Et tout cela, qui paraît si dispersé, si peu
2166 des structures complexes, dessine les linéaments d’ une ossature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra
2167 une ossature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un jour le corps des États-Unis d’Europe. Au-dessous
2168 ope. Au-dessous et au-dessus des gouvernements, l’ Europe est beaucoup plus près de s’organiser qu’il ne le semble. Elle est dé
2169 n réalité, qu’elle ne le croit. C’est sur le plan de l’action gouvernementale que les oppositions et les rivalités éclaten
2170 s nations. Chacun sait qu’il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’un match les capitaines des équipes en prése
2171 il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’ un match les capitaines des équipes en présence. C’est pourtant bien c
2172 n présence. C’est pourtant bien ce qu’avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce que tente à nouveau l’ONU, que
2173 et ce que tente à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération européenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants c
2174 u l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération européenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts
2175 éenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le reste du monde. La féd
2176 des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le reste du monde. La fédération sera l’œuvre de g
2177 tre le reste du monde. La fédération sera l’œuvre de groupes et de personnes qui prendront l’initiative de se fédérer en d
2178 u monde. La fédération sera l’œuvre de groupes et de personnes qui prendront l’initiative de se fédérer en dehors des gouv
2179 roupes et de personnes qui prendront l’initiative de se fédérer en dehors des gouvernements nationaux. Et ce sont ces grou
2180 es et ces personnes qui formeront le gouvernement de l’Europe. Il n’y a pas d’autre voie possible et praticable. Les USA n
2181 ces personnes qui formeront le gouvernement de l’ Europe . Il n’y a pas d’autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pa
2182 rmeront le gouvernement de l’Europe. Il n’y a pas d’ autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une
2183 . Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif iss
2184 islatif issus des peuples. Le jour où les peuples d’ Europe auront compris qu’ils sont en réalité beaucoup plus solidaires
2185 latif issus des peuples. Le jour où les peuples d’ Europe auront compris qu’ils sont en réalité beaucoup plus solidaires et plu
2186 Justice et la Liberté, qu’il est aussi impossible d’ opposer en réalité qu’en principe. Aujourd’hui, repoussant tous ces an
2187 talitaires, en effet, sont fondés sur l’hégémonie d’ un parti ou d’une nation, sur l’esprit de système, sur l’écrasement de
2188 effet, sont fondés sur l’hégémonie d’un parti ou d’ une nation, sur l’esprit de système, sur l’écrasement des minorités et
2189 égémonie d’un parti ou d’une nation, sur l’esprit de système, sur l’écrasement des minorités et des oppositions, sur l’uni
2190 le mépris des vocations remplacées par une fiche de mobilisation professionnelle, politique, et finalement militaire. Le
2191 gue, notre inquiétude, nos doutes et nos vertiges de démission spirituelle. L’esprit totalitaire n’est pas dangereux seule
2192 parce qu’il triomphe aujourd’hui dans une dizaine de pays et progresse plus ou moins rapidement dans tous les autres ; mai
2193 ntérieur de nos pensées, au moindre fléchissement de notre vitalité, de notre courage, du sens de notre vocation. Nous n’a
2194 sées, au moindre fléchissement de notre vitalité, de notre courage, du sens de notre vocation. Nous n’arriverons à rien de
2195 ment de notre vitalité, de notre courage, du sens de notre vocation. Nous n’arriverons à rien de bon, dans nos efforts et
2196 sens de notre vocation. Nous n’arriverons à rien de bon, dans nos efforts et nos débats pour promouvoir l’Europe unie, si
2197 dans nos efforts et nos débats pour promouvoir l’ Europe unie, si nous ne restons pas en garde vigilante contre les réflexes t
2198 r nos esprits, même et surtout quand nous parlons de fédéralisme. Si au contraire, à la faveur de ces débats, nous parveno
2199 lons de fédéralisme. Si au contraire, à la faveur de ces débats, nous parvenons à développer des réflexes de pensée fédéra
2200 débats, nous parvenons à développer des réflexes de pensée fédéraliste, si nous devenons nous-mêmes intégralement fédéral
2201 artie sera déjà plus qu’à moitié gagnée. Car si l’ Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu’elle le devra, et à eux seuls.
2202 alistes qu’elle le devra, et à eux seuls. Sur qui d’ autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas compter sur les gens au pou
2203 u pouvoir. J’en connais peu qui aient l’intention de le laisser limiter, et c’est pourtant ce que nous leur demandons. Tou
2204 urvivre aussi longtemps que possible avec l’appui de la police. Or l’être des gouvernements, dans le monde actuel, c’est l
2205 tes ou méchants, mais leur fonction leur interdit de céder un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités
2206 nterdit de céder un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités des partis, ils courraient le risque d’êtr
2207 es rivalités des partis, ils courraient le risque d’ être accusés de trahison s’ils transigeaient un seul instant avec le d
2208 s partis, ils courraient le risque d’être accusés de trahison s’ils transigeaient un seul instant avec le dogme de la souv
2209 s’ils transigeaient un seul instant avec le dogme de la souveraineté absolue. L’union, la paix, que la plupart d’entre eux
2210 oilà qui est clair, pour qu’ils acceptent un jour de renoncer non pas à la souveraineté même de leur nation, mais à son ca
2211 n jour de renoncer non pas à la souveraineté même de leur nation, mais à son caractère absolu. Et c’est l’agitation de l’o
2212 mais à son caractère absolu. Et c’est l’agitation de l’opinion et des peuples dans toute l’Europe qui les poussera. De cet
2213 gitation de l’opinion et des peuples dans toute l’ Europe qui les poussera. De cette agitation, que je voudrais baptiser la Nou
2214 des peuples dans toute l’Europe qui les poussera. De cette agitation, que je voudrais baptiser la Nouvelle Résistance euro
2215 , que je voudrais baptiser la Nouvelle Résistance européenne , nous nous sommes déclarés responsables au récent congrès de Montreux
2216 us sommes déclarés responsables au récent congrès de Montreux, qui fédérait tous les fédéralistes, dans la conviction sobr
2217 ette fois-ci, on ne nous laisserait plus le temps de rater. p. Rougemont Denis de, « L’attitude fédéraliste », La NEF,
2218 ait plus le temps de rater. p. Rougemont Denis de , « L’attitude fédéraliste », La NEF, Paris, octobre 1947, p. 49-60.
15 1947, Articles divers (1946-1948). La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)
2219 blème me paraît capital, mais son énoncé sur plus d’ un point critiquable ou obscur. Je me propose donc de serrer de près l
2220 n point critiquable ou obscur. Je me propose donc de serrer de près les termes de votre questionnaire. La conception chrét
2221 itiquable ou obscur. Je me propose donc de serrer de près les termes de votre questionnaire. La conception chrétienne de l
2222 . Je me propose donc de serrer de près les termes de votre questionnaire. La conception chrétienne de l’amour ? Je demande
2223 de votre questionnaire. La conception chrétienne de l’amour ? Je demande à voir ce qu’on entend par là. Si on la confond,
2224 nte » des romans français modernes, et l’accusent de « saper les fondements du mariage et de la famille ». Mais il est has
2225 ’accusent de « saper les fondements du mariage et de la famille ». Mais il est hasardeux de parler de la « conception chré
2226 mariage et de la famille ». Mais il est hasardeux de parler de la « conception chrétienne de l’amour » comme d’une chose b
2227 de la famille ». Mais il est hasardeux de parler de la « conception chrétienne de l’amour » comme d’une chose bien connue
2228 hasardeux de parler de la « conception chrétienne de l’amour » comme d’une chose bien connue et qui va de soi. Avant de la
2229 de la « conception chrétienne de l’amour » comme d’ une chose bien connue et qui va de soi. Avant de la déclarer périmée,
2230 i. Avant de la déclarer périmée, il serait normal d’ en prendre connaissance, de la distinguer des conceptions bourgeoises,
2231 imée, il serait normal d’en prendre connaissance, de la distinguer des conceptions bourgeoises, et plus profondément des c
2232 s au xiie siècle par les troubadours et le roman de Tristan. Il faudrait au moins distinguer amour et sexualité. Il n’est
2233 distinguer amour et sexualité. Il n’est pas exact de dire, par exemple, que « l’homme primitif et l’homme civilisé (mainti
2234 e civilisé (maintiennent) l’amour sous la tutelle d’ une éthique… » Car ce que les primitifs réglementaient n’était jamais
2235 , mais les rapports sexuels. Maintenant, le texte de votre enquête trahit une certaine impatience à l’endroit de tutelles,
2236 mour comme tel, ou l’ait même nommé dans un code. De quoi donc voudrait-on le libérer ? L’amour a toujours été libre. Bien
2237 é libre. Bien plus, l’amour est le principe actif de toute libération humaine. Il est la liberté même. (Et quant à ceux qu
2238 ous : sécheresse, blessures spirituelles, anxiété de l’orgueil tournée en méfiance d’autrui et mépris de soi-même. Pour li
2239 tuelles, anxiété de l’orgueil tournée en méfiance d’ autrui et mépris de soi-même. Pour libérer l’amour, aimez ! C’est le s
2240 l’orgueil tournée en méfiance d’autrui et mépris de soi-même. Pour libérer l’amour, aimez ! C’est le seul moyen, et cela
2241 l moyen, et cela suffira. Les sages et les saints de tous les temps sont avec vous pour affirmer la Liberté dans l’Amour e
2242 otre questionnaire, il est l’idéal par excellence de tout ce qui mérite le nom d’homme. Ama et fac quod vis, dit saint Aug
2243 idéal par excellence de tout ce qui mérite le nom d’ homme. Ama et fac quod vis, dit saint Augustin. « C’est l’amour qui no
2244 e une révolution peut s’enflammer sur des slogans d’ émancipation, et justifier après quelques années et au nom de ces même
2245 roblème que vous posez. Je ne me sens pas capable de le résoudre en quelques lignes, et je ne vois pas très bien, je l’avo
2246 ien, je l’avoue, quel sens aurait ici une « prise de position ». (Avec toutes les imprudences du monde, il m’a fallu 350 p
2247 re des homosexuels. Ils ont en fait toute liberté de vivre à leur guise, jouissent des mêmes droits politiques et économiq
2248 droits politiques et économiques que les autres. D’ une manière générale, les sanctions dans le domaine sexuel sont néglig
2249 compare à celles qu’entraîne la simple tentative de traverser une frontière sans visa, le refus de servir dans l’armée, l
2250 ve de traverser une frontière sans visa, le refus de servir dans l’armée, la fraude fiscale, ou certaines opinions politiq
2251 florer les vierges par des personnages sacrés, et d’ une manière générale ne toléraient aucune fantaisie individuelle dans
2252 C’est précisément l’existence — et non l’absence de la liberté sexuelle parmi nous qui pose un problème sérieux. Si l’on
2253 oblème sérieux. Si l’on estime que l’état présent de nos mœurs est satisfaisant, il en résulte qu’une « éthique de l’amour
2254 est satisfaisant, il en résulte qu’une « éthique de l’amour » (entendons de la sexualité) n’est pas nécessaire ; car en f
2255 résulte qu’une « éthique de l’amour » (entendons de la sexualité) n’est pas nécessaire ; car en fait nous n’en avons plus
2256 en avons plus, ou juste assez pour que le piquant d’ une tricherie que toutes nos modes, romans et films favorisentf. Si l’
2257 ment : entre nos instincts déréglés et les règles d’ un jeu nouveau. Quel jeu ? Quelles règles ? Sujet d’autre enquête. 3
2258 un jeu nouveau. Quel jeu ? Quelles règles ? Sujet d’ autre enquête. 3. Phénomène appelé péché par les théologiens. e. R
2259 é péché par les théologiens. e. Rougemont Denis de , « La liberté dans l’amour », L’Âge d’or, Paris, novembre 1947, p. 48
2260 mont Denis de, « La liberté dans l’amour », L’Âge d’ or, Paris, novembre 1947, p. 48-50. f. Syntaxe fautive.
16 1947, Articles divers (1946-1948). La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)
2261 de visiter les stations flambant neuves du métro de Moscou, et son guide soviétique l’invite à admirer. « Très beau, dit
2262 ès beau, dit notre Américain, mais je ne vois pas de trains circuler ? » — « En effet, réplique le guide, ils ne circulent
2263 t pas encore, mais vous, qu’est-ce que vous dites de la question des Noirs aux États-Unis, hein ? » Ce dialogue de fous n’
2264 on des Noirs aux États-Unis, hein ? » Ce dialogue de fous n’est pas celui des peuples, mais de certains journalistes qui p
2265 ialogue de fous n’est pas celui des peuples, mais de certains journalistes qui parlent en leur nom. C’est ainsi que L’Huma
2266 détourner l’attention des mises au pas mensuelles de la culture décrétées par Jdanov en Russie, proclame que « l’Amérique
2267 uisée dans son pays » ; 2° Truman veut asservir l’ Europe au dollar ; 3° Donc Truman impose à l’Europe la lecture de Henry Mill
2268 ir l’Europe au dollar ; 3° Donc Truman impose à l’ Europe la lecture de Henry Miller, et ce dernier qui est « le plus rusé de t
2269 lar ; 3° Donc Truman impose à l’Europe la lecture de Henry Miller, et ce dernier qui est « le plus rusé de tous » écrit ce
2270 enry Miller, et ce dernier qui est « le plus rusé de tous » écrit ce qu’il faut pour servir « l’expansionnisme » du dollar
2271 onnisme » du dollar. Qu’on ne rie pas : il s’agit de « dialectique ». Et qu’on ne hausse pas les épaules : il s’agit d’un
2272 ». Et qu’on ne hausse pas les épaules : il s’agit d’ un retour en force de l’hitléro-fascisme culturel. (C’est à peine si l
2273 pas les épaules : il s’agit d’un retour en force de l’hitléro-fascisme culturel. (C’est à peine si les termes ont changé
2274 aient les Yankees barbares.) Tout le raisonnement de L’Humanité repose sur la conviction typiquement totalitaire que ce qu
2275 is alors, et pour les mêmes raisons, le succès en Europe occidentale de Tolstoï et Dostoïevsky devrait être mis au crédit des
2276 es mêmes raisons, le succès en Europe occidentale de Tolstoï et Dostoïevsky devrait être mis au crédit des sombres dessein
2277 ins du tsarisme ? Et, de même, l’insuccès notoire de la littérature soviétique serait le fait d’un calcul de Staline ? Il
2278 toire de la littérature soviétique serait le fait d’ un calcul de Staline ? Il se peut que les rédacteurs de L’Humanité s’i
2279 littérature soviétique serait le fait d’un calcul de Staline ? Il se peut que les rédacteurs de L’Humanité s’imaginent ser
2280 calcul de Staline ? Il se peut que les rédacteurs de L’Humanité s’imaginent servir la paix et la justice en embrouillant t
2281 m de fleur dialectique. Pour ma part, j’essaierai de débrouiller quelques faits, au nom de la simple vérité. ⁂ Tout d’abor
2282 e vérité. ⁂ Tout d’abord, il est notoirement faux d’ écrire que Henry Miller a puisé son désespoir « dans son pays » : c’es
2283 sé son désespoir « dans son pays » : c’est la vie de Montparnasse entre les deux guerres que décrivent ses Tropiques, publ
2284 que. Ensuite, il est notoirement faux et ridicule d’ accuser les éditeurs américains de « tirer parti » du pessimisme d’un
2285 aux et ridicule d’accuser les éditeurs américains de « tirer parti » du pessimisme d’un Miller ou d’un Faulkner, pour fair
2286 teurs américains de « tirer parti » du pessimisme d’ un Miller ou d’un Faulkner, pour faire de leurs livres des « rabatteur
2287 s de « tirer parti » du pessimisme d’un Miller ou d’ un Faulkner, pour faire de leurs livres des « rabatteurs de dollars à
2288 ssimisme d’un Miller ou d’un Faulkner, pour faire de leurs livres des « rabatteurs de dollars à travers le monde ». Essayo
2289 kner, pour faire de leurs livres des « rabatteurs de dollars à travers le monde ». Essayons d’expliquer patiemment l’absur
2290 atteurs de dollars à travers le monde ». Essayons d’ expliquer patiemment l’absurdité technique de ce reproche : 1° Les édi
2291 yons d’expliquer patiemment l’absurdité technique de ce reproche : 1° Les éditeurs américains ne sont pas aux ordres de Tr
2292 1° Les éditeurs américains ne sont pas aux ordres de Truman, comme ceux de l’URSS sont aux ordres de Staline ; 2° Les édit
2293 ains ne sont pas aux ordres de Truman, comme ceux de l’URSS sont aux ordres de Staline ; 2° Les éditeurs américains cherch
2294 s de Truman, comme ceux de l’URSS sont aux ordres de Staline ; 2° Les éditeurs américains cherchent à faire de l’argent, c
2295 ne ; 2° Les éditeurs américains cherchent à faire de l’argent, comme les nôtres, tout en publiant parfois une œuvre de qua
2296 me les nôtres, tout en publiant parfois une œuvre de qualité qui ne rapporte rien ; 3° Or les livres qui font de l’argent
2297 qui ne rapporte rien ; 3° Or les livres qui font de l’argent aux US sont les romans historiques et les romans religieux,
2298 rent souvent à un million et plus ; 4° Les droits de traduction d’un de ces romans ne représentent au mieux qu’une fractio
2299 un million et plus ; 4° Les droits de traduction d’ un de ces romans ne représentent au mieux qu’une fraction négligeable
2300 illion et plus ; 4° Les droits de traduction d’un de ces romans ne représentent au mieux qu’une fraction négligeable des b
2301 vente en Amérique ; 5° Les œuvres « pessimistes » de Faulkner et surtout de Miller, loin d’être des best-sellers, tirent à
2302 Les œuvres « pessimistes » de Faulkner et surtout de Miller, loin d’être des best-sellers, tirent à 5 ou 20 000 exemplaire
2303 simistes » de Faulkner et surtout de Miller, loin d’ être des best-sellers, tirent à 5 ou 20 000 exemplaires, tandis que le
2304 à 5 ou 20 000 exemplaires, tandis que les œuvres de Lewis Douglas, de Betty Smith, de Betty McDonald, et d’une trentaine
2305 mplaires, tandis que les œuvres de Lewis Douglas, de Betty Smith, de Betty McDonald, et d’une trentaine de romanciers dont
2306 que les œuvres de Lewis Douglas, de Betty Smith, de Betty McDonald, et d’une trentaine de romanciers dont l’Europe ne con
2307 is Douglas, de Betty Smith, de Betty McDonald, et d’ une trentaine de romanciers dont l’Europe ne connaît même pas les noms
2308 etty Smith, de Betty McDonald, et d’une trentaine de romanciers dont l’Europe ne connaît même pas les noms, tirent à 800 0
2309 McDonald, et d’une trentaine de romanciers dont l’ Europe ne connaît même pas les noms, tirent à 800 000 avant la mise en vente
2310 ok club s’y intéresse ; 6° Le succès à l’étranger d’ un Henry Miller stupéfie les éditeurs américains qui en entendent parl
2311 ntendent parler, mais non pas Truman qui s’occupe d’ autre chose, et dont la politique a autant de rapports avec les vomiss
2312 cupe d’autre chose, et dont la politique a autant de rapports avec les vomissements décrits par un Miller, que la réalité
2313 en écrit un stalinien. Ceci dit, et les arguments de L’Humanité proprement balayés dans le ruisseau, auquel nous laisseron
2314 dans le ruisseau, auquel nous laisserons le soin de les conduire à leur conclusion naturelle, — reste toute la question d
2315 r conclusion naturelle, — reste toute la question de la culture américaine dans ses rapports avec « l’esprit », pour parle
2316 r parler comme les communistes. Les intellectuels européens qui ont connu de près la vie américaine ont coutume d’insister sur de
2317 nistes. Les intellectuels européens qui ont connu de près la vie américaine ont coutume d’insister sur deux traits de cett
2318 i ont connu de près la vie américaine ont coutume d’ insister sur deux traits de cette culture qui leur paraissent foncière
2319 américaine ont coutume d’insister sur deux traits de cette culture qui leur paraissent foncièrement déplaisants : la dicta
2320 araissent foncièrement déplaisants : la dictature de l’argent, et celle du grand public, c’est-à-dire du simplisme qu’on b
2321 e qu’on baptise opinion moyenne. Sur la dictature de l’argent aux USA, tout a été dit, et les cent anecdotes personnelles
2322 n’est pas hypocrite dans ce domaine, les éditeurs de livres et de revues demandent avant tout d’un écrit qu’il se vende. O
2323 ocrite dans ce domaine, les éditeurs de livres et de revues demandent avant tout d’un écrit qu’il se vende. On m’assure qu
2324 teurs de livres et de revues demandent avant tout d’ un écrit qu’il se vende. On m’assure que l’éditeur d’Ambre fit savoir
2325 n écrit qu’il se vende. On m’assure que l’éditeur d’ Ambre fit savoir à la jeune et jolie femme qui en est l’auteur qu’il j
2326 mme très vendable. Qu’il y ait là une dégradation de l’esprit, je pense que tout le monde l’admettra, sans chicaner sur le
2327 st le goût du public qui fait le succès financier d’ un roman, bien plus que la passion du gain chez l’éditeur. En d’autres
2328 e est un triomphe mondial qui réduit à néant ceux de Miller à Paris, c’est que la majorité du grand public est imbécile. I
2329 ssimilable et simplifiée, il trouvera le meilleur de ce qui s’écrit chez nous. Et que lui donne-t-on, dans le fait ? D’exc
2330 chez nous. Et que lui donne-t-on, dans le fait ? D’ excellents articles sur l’hygiène, les sciences, les mœurs chinoises,
2331 iène, les sciences, les mœurs chinoises, la vague de divorces, l’aviation ou le sort des Indiens ; des extraits bien chois
2332 u le sort des Indiens ; des extraits bien choisis d’ Emery Reeve, d’Einstein, de Saint-Exupéry, de John Gunther ; des anecd
2333 ndiens ; des extraits bien choisis d’Emery Reeve, d’ Einstein, de Saint-Exupéry, de John Gunther ; des anecdotes frappantes
2334 extraits bien choisis d’Emery Reeve, d’Einstein, de Saint-Exupéry, de John Gunther ; des anecdotes frappantes et loufoque
2335 isis d’Emery Reeve, d’Einstein, de Saint-Exupéry, de John Gunther ; des anecdotes frappantes et loufoques à souhait ; de l
2336 des anecdotes frappantes et loufoques à souhait ; de l’optimisme, encore de l’optimisme, et une confiance sérieusement mot
2337 s et loufoques à souhait ; de l’optimisme, encore de l’optimisme, et une confiance sérieusement motivée dans les destins d
2338 e confiance sérieusement motivée dans les destins de l’Amérique. Nous voici loin des « turpitudes » et de la résignation m
2339 l’Amérique. Nous voici loin des « turpitudes » et de la résignation morbide dénoncées par L’Humanité. Mais dans la mesure
2340 ans la mesure même où ces digests sont des écoles de simplisme béat au service de l’idéologie majoritaire, nous voici tout
2341 ests sont des écoles de simplisme béat au service de l’idéologie majoritaire, nous voici tout près des problèmes que pose
2342 ue. Un communiste moins que tout autre a le droit d’ ironiser sur ce sujet. L’éditeur américain, pour éduquer le grand pub
2343 and public, cherche à le séduire et lui fait trop de concessions, ce qui rapporte une quantité de dollars. Le commissaire
2344 trop de concessions, ce qui rapporte une quantité de dollars. Le commissaire soviétique, au contraire, force carrément l’o
2345 ontraire, force carrément l’opinion, dans le sens d’ une théorie tactique qui change d’ailleurs tous les six mois ; ce qui
2346 tous les six mois ; ce qui entraîne une quantité d’ emprisonnements. Mais nous, Européens, quels efforts faisons-nous pour
2347 traîne une quantité d’emprisonnements. Mais nous, Européens , quels efforts faisons-nous pour qu’une masse élargie assimile les id
2348 points, les mauvaises notes à droite et à gauche, d’ un air sceptique. Nous dénonçons l’abus flagrant des méthodes américai
2349 s, au lieu d’en faire meilleur usage. Nous sommes de petits malins qui refusent de choisir entre la peste et le choléra, e
2350 usage. Nous sommes de petits malins qui refusent de choisir entre la peste et le choléra, entre les blocs. Nous tenons la
2351 ique est tout de même un pays où les dégradations de l’esprit, hélas ! réelles, peuvent encore être dénoncées, et le sont
2352 ce, une pertinence, une cruauté qu’aucun critique européen n’égale. De Mencken à Philip Wylic, de Thorsten Veblen à Reinhold Nie
2353 , une cruauté qu’aucun critique européen n’égale. De Mencken à Philip Wylic, de Thorsten Veblen à Reinhold Niehbur, pour n
2354 ique européen n’égale. De Mencken à Philip Wylic, de Thorsten Veblen à Reinhold Niehbur, pour ne rien dire des romanciers,
2355 ée par les Américains eux-mêmes, avec une liberté d’ esprit que l’Europe ne peut qu’envier, et qui épouvanterait les stalin
2356 icains eux-mêmes, avec une liberté d’esprit que l’ Europe ne peut qu’envier, et qui épouvanterait les staliniens. La balance n’
2357 grade l’esprit, ce sont bien moins les tentations de l’argent et du succès vulgaire que les habitudes de mensonge en servi
2358 l’argent et du succès vulgaire que les habitudes de mensonge en service commandé par l’État. Ce qui dégrade l’esprit, ce
2359 ombrent l’étalage, mais qu’on n’ait plus le droit de les juger mauvais si le Parti les déclare orthodoxes. La balance n’es
2360 clare orthodoxes. La balance n’est pas égale. Car d’ un côté l’on se moque encore de la bêtise, de l’autre on la fait respe
2361 est pas égale. Car d’un côté l’on se moque encore de la bêtise, de l’autre on la fait respecter. Pendant qu’on jouait à Mo
2362 Car d’un côté l’on se moque encore de la bêtise, de l’autre on la fait respecter. Pendant qu’on jouait à Moscou, ce print
2363 jouait à Moscou, ce printemps, une pièce violente de Simonov, où l’on voit un reporter américain persécuté par ses patrons
2364 rsécuté par ses patrons pour avoir « bien parlé » de l’URSS, l’un des meilleurs producers de Broadway me dit en riant : « 
2365 n parlé » de l’URSS, l’un des meilleurs producers de Broadway me dit en riant : « Il n’y a qu’une réponse possible. Je vai
2366 is faire jouer cette pièce ici, ce sera le succès de fou rire de la rentrée. » ⁂ Quant à l’influence américaine, concluons
2367 er cette pièce ici, ce sera le succès de fou rire de la rentrée. » ⁂ Quant à l’influence américaine, concluons sur une sim
2368 Pour L’Humanité tout se résume dans le pessimisme de Miller, dont le succès, je l’ai montré, loin d’être le fait des édite
2369 e de Miller, dont le succès, je l’ai montré, loin d’ être le fait des éditeurs américains, est celui de notre public. Mais
2370 d’être le fait des éditeurs américains, est celui de notre public. Mais sur l’Europe, en général, l’influence américaine s
2371 américains, est celui de notre public. Mais sur l’ Europe , en général, l’influence américaine s’est exercée en deux occasions p
2372 en deux occasions plus marquantes, je veux parler de 1917 et de 1942, et alors elle fut bien le fait de la volonté du peup
2373 asions plus marquantes, je veux parler de 1917 et de 1942, et alors elle fut bien le fait de la volonté du peuple américai
2374 e 1917 et de 1942, et alors elle fut bien le fait de la volonté du peuple américain et de la politique de ses chefs. q.
2375 bien le fait de la volonté du peuple américain et de la politique de ses chefs. q. Rougemont Denis de, « La balance n’e
2376 la volonté du peuple américain et de la politique de ses chefs. q. Rougemont Denis de, « La balance n’est pas égale ent
2377 la politique de ses chefs. q. Rougemont Denis de , « La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS », Le Fi
17 1947, Articles divers (1946-1948). Une Europe fédérée (20 décembre 1947)
2378 Une Europe fédérée (20 décembre 1947)r J’entends dire tous les jours depuis l
2379 J’entends dire tous les jours depuis le congrès de Montreux9 : « Vous y croyez à cette fédération de l’Europe ? » Je rép
2380 de Montreux9 : « Vous y croyez à cette fédération de l’Europe ? » Je réponds qu’il s’agit plutôt de la vouloir. « Mais pou
2381 ntreux9 : « Vous y croyez à cette fédération de l’ Europe  ? » Je réponds qu’il s’agit plutôt de la vouloir. « Mais pourquoi, me
2382 on de l’Europe ? » Je réponds qu’il s’agit plutôt de la vouloir. « Mais pourquoi, me dit-on, faudrait-il la vouloir ? » Je
2383 ouloir ? » Je réponds qu’il n’y a qu’à regarder l’ Europe , qu’à faire son bilan de misères, qu’à voir la place qu’elle tient en
2384 ’y a qu’à regarder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères, qu’à voir la place qu’elle tient encore ou ne tient déjà plu
2385 r quelques observations très simples qu’il suffit de grouper pour qu’elles parlent clairement, et d’ordonner pour qu’un mo
2386 t de grouper pour qu’elles parlent clairement, et d’ ordonner pour qu’un mot d’ordre s’en dégage. Quelques faits La fé
2387 re s’en dégage. Quelques faits La fédération de l’Europe est inscrite dans les faits les plus neufs de ce siècle, les
2388 en dégage. Quelques faits La fédération de l’ Europe est inscrite dans les faits les plus neufs de ce siècle, les uns tech
2389 Europe est inscrite dans les faits les plus neufs de ce siècle, les uns techniques, les autres politiques. Si tout le mond
2390 utres politiques. Si tout le monde ne le voit pas d’ un coup d’œil, c’est que « l’homme moderne est démodé », comme l’a dit
2391 s immobiles, quand la mesure pratique est l’heure de vol. Il médite sur la carte des frontières, dont les réseaux de l’air
2392 ite sur la carte des frontières, dont les réseaux de l’air ne tiennent pas compte. S’il posait son atlas pour faire tourne
2393 rner un globe il verrait que le plus court chemin de l’Amérique à la Russie ne passe plus par l’Europe, mais par le pôle.
2394 min de l’Amérique à la Russie ne passe plus par l’ Europe , mais par le pôle. La radio, l’aviation, l’économie redistribuent nos
2395 n même temps qu’elles les rendent plus étroits. L’ Europe est plus petite que nous ne pensions, le monde plus grand. Nos descen
2396 en que Valéry ait pu nous étonner en notant que l’ Europe n’est qu’un cap de l’Asie. À ces faits matériels vient s’ajouter le g
2397 d fait politique des deux empires, qui ont un air de vouloir se partager le monde. En 1939 il y avait en présence l’Allema
2398 et les démocraties : tout se passait entre nous, Européens , nous sentions donc surtout nos divisions. Aujourd’hui les deux Grand
2399 premier, nous nous méfions du second. Notre idée de l’homme n’est pas celle du Kremlin ni celle du businessman américain.
2400 lle du businessman américain. Nous ne voulons pas d’ un régime de terreur, de parole asservie, d’épuration à froid, de disc
2401 essman américain. Nous ne voulons pas d’un régime de terreur, de parole asservie, d’épuration à froid, de discipline d’aci
2402 cain. Nous ne voulons pas d’un régime de terreur, de parole asservie, d’épuration à froid, de discipline d’acier (c’est le
2403 s pas d’un régime de terreur, de parole asservie, d’ épuration à froid, de discipline d’acier (c’est le nom de Staline) et
2404 terreur, de parole asservie, d’épuration à froid, de discipline d’acier (c’est le nom de Staline) et de diplomatie à coups
2405 role asservie, d’épuration à froid, de discipline d’ acier (c’est le nom de Staline) et de diplomatie à coups de marteau (c
2406 tion à froid, de discipline d’acier (c’est le nom de Staline) et de diplomatie à coups de marteau (c’est le nom choisi par
2407 e discipline d’acier (c’est le nom de Staline) et de diplomatie à coups de marteau (c’est le nom choisi par Molotov). Nous
2408 c’est le nom de Staline) et de diplomatie à coups de marteau (c’est le nom choisi par Molotov). Nous ne voulons pas de la
2409 t le nom choisi par Molotov). Nous ne voulons pas de la dictature d’un seul parti ; qui ne représente qu’un quart du corps
2410 par Molotov). Nous ne voulons pas de la dictature d’ un seul parti ; qui ne représente qu’un quart du corps électoral dans
2411 brutal, n’est pas moins franc. Nous avons besoin d’ elle matériellement, elle a besoin de nous spirituellement, et si son
2412 avons besoin d’elle matériellement, elle a besoin de nous spirituellement, et si son aide économique nous trouvait complai
2413 laisants ou serviles dans le domaine des mœurs et de la culture elle y perdrait autant que nous. L’Europe a dépassé le sta
2414 de la culture elle y perdrait autant que nous. L’ Europe a dépassé le stade de l’individualisme économique. Son rôle est d’inv
2415 rait autant que nous. L’Europe a dépassé le stade de l’individualisme économique. Son rôle est d’inventer un régime neuf,
2416 tade de l’individualisme économique. Son rôle est d’ inventer un régime neuf, plus souple et plus humain que la dictature r
2417 et plus humain que la dictature russe, mais guéri de l’obsession de l’argent qui dénature les libertés américaines. Un rég
2418 que la dictature russe, mais guéri de l’obsession de l’argent qui dénature les libertés américaines. Un régime qui traduis
2419 n politique, dans l’économie et les mœurs, l’idée de l’homme commune aux peuples de l’Europe : ni l’individu sans devoirs
2420 les mœurs, l’idée de l’homme commune aux peuples de l’Europe : ni l’individu sans devoirs ni le soldat politique sans dro
2421 mœurs, l’idée de l’homme commune aux peuples de l’ Europe  : ni l’individu sans devoirs ni le soldat politique sans droits, mais
2422 n pour tous et le tous pour un. Voilà la vocation de l’Europe. Or il est clair qu’aucune de nos nations n’est en mesure de
2423 r tous et le tous pour un. Voilà la vocation de l’ Europe . Or il est clair qu’aucune de nos nations n’est en mesure de la réali
2424 a vocation de l’Europe. Or il est clair qu’aucune de nos nations n’est en mesure de la réaliser pour son seul compte et sa
2425 st clair qu’aucune de nos nations n’est en mesure de la réaliser pour son seul compte et sans échanges. Aucune n’est assez
2426 ésister seule aux pressions impériales. Et l’idée de coopération qui serait au cœur de ce régime social, et qui inspire pa
2427 ales. Et l’idée de coopération qui serait au cœur de ce régime social, et qui inspire partout sa recherche, ne saurait s’a
2428 sa recherche, ne saurait s’arrêter aux frontières d’ un pays. Voilà donc le fédéralisme. L’opposition Il semble à pre
2429 aux meilleures volontés qu’il ne puisse provoquer d’ opposition foncière. Qui oserait dire : « Je veux une Europe désunie !
2430 sition foncière. Qui oserait dire : « Je veux une Europe désunie ! Je veux que nos rivalités se perpétuent ! Je veux que nos p
2431 ionale, qu’ils se cantonnent dans le double refus de l’Amérique et de la Russie, qu’ils y ajoutent un troisième refus, cel
2432 cantonnent dans le double refus de l’Amérique et de la Russie, qu’ils y ajoutent un troisième refus, celui de l’Europe, j
2433 ssie, qu’ils y ajoutent un troisième refus, celui de l’Europe, jusqu’à ce qu’ils soient dûment colonisés ! » Personne n’os
2434 qu’ils y ajoutent un troisième refus, celui de l’ Europe , jusqu’à ce qu’ils soient dûment colonisés ! » Personne n’ose dire ce
2435 ais certains le pensent et finissent par le dire, d’ une manière un peu différente : « Vous y croyez à cette fédération de
2436 u différente : « Vous y croyez à cette fédération de l’Europe ?… » Derrière ce scepticisme en quête d’un sourire complice
2437 férente : « Vous y croyez à cette fédération de l’ Europe  ?… » Derrière ce scepticisme en quête d’un sourire complice ou gêné (
2438 de l’Europe ?… » Derrière ce scepticisme en quête d’ un sourire complice ou gêné (tant de gens ont une peur bleue de passer
2439 complice ou gêné (tant de gens ont une peur bleue de passer pour utopistes et d’avoir l’air de croire un peu à quelque cho
2440 ns ont une peur bleue de passer pour utopistes et d’ avoir l’air de croire un peu à quelque chose) se cachent en réalité tr
2441 r bleue de passer pour utopistes et d’avoir l’air de croire un peu à quelque chose) se cachent en réalité trois formes de
2442 quelque chose) se cachent en réalité trois formes de sabotage : nationalisme, défaitisme et stalinisme. Le nationalisme n’
2443 . Le nationalisme n’est en fait qu’une crispation de névrose féodale, un complexe de repli devant les réalités qui dominen
2444 qu’une crispation de névrose féodale, un complexe de repli devant les réalités qui dominent aujourd’hui la planète. Le déf
2445 que la guerre des deux blocs est fatale ; inutile de rien faire en l’attendant, et surtout pas quelque chose qui l’empêche
2446 pêche ! Enfin le stalinisme a décrété que l’union de l’Europe est antirusse, ce qui est la manière stalinienne de dire que
2447  ! Enfin le stalinisme a décrété que l’union de l’ Europe est antirusse, ce qui est la manière stalinienne de dire que la Russi
2448 est antirusse, ce qui est la manière stalinienne de dire que la Russie ne veut pas la paix de l’Europe. Invités aux congr
2449 inienne de dire que la Russie ne veut pas la paix de l’Europe. Invités aux congrès fédéralistes, les communistes répondent
2450 ne de dire que la Russie ne veut pas la paix de l’ Europe . Invités aux congrès fédéralistes, les communistes répondent en tiran
2451 es, les communistes répondent en tirant le rideau de fer, s’enferment et crient qu’on les empêche d’entrer, qu’on les excl
2452 u de fer, s’enferment et crient qu’on les empêche d’ entrer, qu’on les exclut, qu’on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc
2453 bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’à faire l’ Europe sans eux. Les sceptiques rejoindront un jour, les défaitistes auront
2454 que. Quand il est autre chose que l’effet naturel d’ une grande affirmation centrale, il n’est même pas un vrai refus : il
2455 est la grande affirmation centrale, le grand but de cette drôle de paix ? À quel plan nous vouer ? À quelle doctrine nouv
2456 affirmation centrale, le grand but de cette drôle de paix ? À quel plan nous vouer ? À quelle doctrine nouvelle consacrer
2457  ? À quelle doctrine nouvelle consacrer ce besoin d’ engagement que les totalitaires ne demandent qu’à tromper ? Ils donnen
2458 aveugle à ceux qui cherchent un ordre, et le camp de concentration à ceux qui rêvent encore de restaurer le sens communaut
2459 le camp de concentration à ceux qui rêvent encore de restaurer le sens communautaire. En dehors d’eux rien n’a paru depuis
2460 n’y avait rien devant nous. Quand le monde attend de nous l’invention pacifiante et la formule d’un ordre neuf… Où irons-n
2461 tend de nous l’invention pacifiante et la formule d’ un ordre neuf… Où irons-nous ? Seul le fédéralisme ouvre des voies nou
2462 surmonter — voyez la Suisse — les vieux conflits de races, de langues et de religions sclérosés dans le nationalisme et l
2463 — voyez la Suisse — les vieux conflits de races, de langues et de religions sclérosés dans le nationalisme et le problème
2464 isse — les vieux conflits de races, de langues et de religions sclérosés dans le nationalisme et le problème des minorités
2465 asser l’opposition chaque jour moins convaincante d’ une gauche qui défend la contrainte et d’une droite qui revendique les
2466 aincante d’une gauche qui défend la contrainte et d’ une droite qui revendique les libertés : le but, l’essence de la pensé
2467 e qui revendique les libertés : le but, l’essence de la pensée fédéraliste étant précisément de trouver les moyens d’artic
2468 ssence de la pensée fédéraliste étant précisément de trouver les moyens d’articuler, d’arranger sans les tuer, les diversi
2469 déraliste étant précisément de trouver les moyens d’ articuler, d’arranger sans les tuer, les diversités de tous ordres (po
2470 nt précisément de trouver les moyens d’articuler, d’ arranger sans les tuer, les diversités de tous ordres (politiques auss
2471 ticuler, d’arranger sans les tuer, les diversités de tous ordres (politiques aussi bien qu’économiques) dans un corps, non
2472 tique par excellence, n’en déplaise aux sectaires de tous bords. La véritable troisième force, ce n’est pas je ne sais que
2473 me force, ce n’est pas je ne sais quel groupement de doubles négations et de demi-mesures — c’est l’Europe fédérée devant
2474 e ne sais quel groupement de doubles négations et de demi-mesures — c’est l’Europe fédérée devant les deux empires. C’est
2475 de doubles négations et de demi-mesures — c’est l’ Europe fédérée devant les deux empires. C’est l’Europe rejoignant le xixe s
2476 l’Europe fédérée devant les deux empires. C’est l’ Europe rejoignant le xixe siècle, pour en prendre la tête et inventer l’ave
2477 e, mais cette vieille terre à rajeunir, à libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe. 9. Le congrès de l’Uni
2478 à libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe . 9. Le congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui s’est t
2479 s, à reconquérir : notre Europe. 9. Le congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui s’est tenu à Montreux à la f
2480 uérir : notre Europe. 9. Le congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui s’est tenu à Montreux à la fin du mois d’août.
2481 istes, qui s’est tenu à Montreux à la fin du mois d’ août. r. Rougemont Denis de, « Une Europe fédérée », Une Semaine dan
2482 eux à la fin du mois d’août. r. Rougemont Denis de , « Une Europe fédérée », Une Semaine dans le monde, Paris, 20 décembr
2483 in du mois d’août. r. Rougemont Denis de, « Une Europe fédérée », Une Semaine dans le monde, Paris, 20 décembre 1947, p. 1-2
18 1948, Articles divers (1946-1948). Notes sur la voie clandestine (hiver 1948)
2484 une erreur qui doit ouvrir la voie. Mais essayons de ramener l’attention sur cet obstacle tant de fois refusé dans un écar
2485 s un écart désarçonnant : qu’est-ce que le destin d’ un homme, — mon destin ? C’est ici que la voie prend naissance. Tu as
2486 sur l’hélice. Avant l’heure H, ou dans l’attente d’ un amour, quelque cérémonie te disposera dans le fil de ta chance ou l
2487 amour, quelque cérémonie te disposera dans le fil de ta chance ou la cadence de ta grâce. Le risque et l’isolement nous re
2488 disposera dans le fil de ta chance ou la cadence de ta grâce. Le risque et l’isolement nous rendent à l’enfance, parce qu
2489 , je me perdrais en route.) Dans l’insignifiance d’ une vie où l’argent et la guerre sont seuls à organiser la cohue, le s
2490 itieux simplement sera celui qui ne désespère pas de trouver quelque sens acceptable sous l’uniforme absurdité de ce que l
2491 quelque sens acceptable sous l’uniforme absurdité de ce que l’on voit. C’est le seul optimiste parmi nous, qui ait causé d
2492 C’est le seul optimiste parmi nous, qui ait causé de l’être sans niaiserie. S’il s’arrête à telle apparence curieusement p
2493 aurait tromper. C’est la puissante circonspection de celui qui s’engage sur le sentier de la guerre. Les feux rouges, des
2494 rconspection de celui qui s’engage sur le sentier de la guerre. Les feux rouges, des yeux verts, un profil détourné au cro
2495 des yeux verts, un profil détourné au croisement de deux rues, c’est New York, dont la somme donne 6 et le produit 9 — le
2496 arbus. Il n’attend rien qui ressemble aux dictons de l’occulte, attendant cela seulement qui ne ressemble à rien mais qu’i
2497 premier coup : un repère à la craie sur le seuil de sa vie, une note que lui seul peut entendre parce qu’elle résout sa d
2498 dissonance intime et l’introduit dans l’harmonie de son destin. Cherchant ce qui ne vibre qu’à lui-même et révèle un acco
2499 t en créer un seul nouveau ! Dans les jeux, rêves de la conscience, et dans les rêves, jeux de l’inconscient, on a vite fa
2500 , rêves de la conscience, et dans les rêves, jeux de l’inconscient, on a vite fait d’en dresser le catalogue : tout se ram
2501 les rêves, jeux de l’inconscient, on a vite fait d’ en dresser le catalogue : tout se ramène à quelques personnages consta
2502 igures soient presque seules à définir le pouvoir d’ illustrer les messages émis par quelque au-delà (ou en deçà) du moi qu
2503 x éprouvés, jalonnant la voie clandestine, fleurs de cette « rhétorique du rêve » que Jean-Paul a nommée le premier, ils r
2504 ne m’indique plus comment agir et comment sortir de l’impasse, je tire les cartes, j’accepte le clin d’œil de mes superst
2505 asse, je tire les cartes, j’accepte le clin d’œil de mes superstitions improvisées. Qu’est-ce donc que cela ? Un moyen de
2506 s improvisées. Qu’est-ce donc que cela ? Un moyen de me refonder sur mes assises inconscientes, si la raison hésite et là
2507 t les signes que j’accueille ont bien des chances d’ être dans la complicité de mon exigence secrète. C’est elle, au vrai,
2508 le ont bien des chances d’être dans la complicité de mon exigence secrète. C’est elle, au vrai, qui les choisit, en vertu
2509 rétation. Ils agissent donc comme des révélateurs de moi-même à mes propres yeux. D’autre part, il se peut que ces signes
2510 rdonnent les hasards apparents, et des structures de laquelle ils me permettent de repérer certains linéaments ou certains
2511 , et des structures de laquelle ils me permettent de repérer certains linéaments ou certains affleurements. Ainsi d’ailleu
2512 mes ancestrales, aux dictons : signes enregistrés de l’inconscient collectif, et tenant lieu de raisons lorsque la raison
2513 istrés de l’inconscient collectif, et tenant lieu de raisons lorsque la raison cale. ⁂ Le superstitieux expérimente quotid
2514 s neuf fois sur dix, comme toutes vos expériences de laboratoire. Et comme vous, je ne retiens que le dixième, qui donne u
2515 erstitieux va loin, s’il est grand : dans la voie de l’incomparable, il va jusqu’au bout de lui-même. ⁂ Erreur commune : s
2516 ut de lui-même. ⁂ Erreur commune : s’il n’y a pas de hasard, tout serait donc déterminé ? Nous n’aurions plus qu’à suivre
2517 n’aurions plus qu’à suivre une voie rigide, fixée de toute nécessité par le Destin ? Erreur commune et dont il faut rougir
2518 reur commune et dont il faut rougir. Il n’y a pas de hasard, mais pourtant nous sommes libres. Je ne sais qui dispose de m
2519 urtant nous sommes libres. Je ne sais qui dispose de moi, mais la contrainte, si c’en est une, certainement n’est pas méca
2520 iente ou me désoriente… C’est une immense affaire d’ amour ! Nous ne sommes pas aimantés comme des grains de limaille, nous
2521 ur ! Nous ne sommes pas aimantés comme des grains de limaille, nous sommes aimés par un destin. Et parfois il nous traite
2522 erminisme. Il voit un rail. Il pense au règlement d’ une dictature anonyme. J’imagine un destin actif et joueur. Arrêtez-v
2523 me l’étais avoué : celle du changement instantané de tout, en sorte que nul ne s’en doute. Ne serait-ce pas sur cette croy
2524 d, « que Dieu peut à tout instant, voilà la santé de la foi. » ⁂ Amoureux égale superstitieux, parce que tout amour est un
2525 s qu’il y a des hommes et qui aiment : « Question de peaux. » Nous en sommes là. On avancerait un peu en disant : « Questi
2526 s là. On avancerait un peu en disant : « Question d’ astres. » ⁂ Poète égale superstitieux, parce qu’ils se sentent accompa
2527 e je ramène sur la berge du réveil par une touffe de cheveux, par la main… Il se débat, et pour un peu, m’entraînait dans
2528 re en joue, et s’en jouent. t. Rougemont Denis de , « Notes sur la voie clandestine », Les Cahiers de la Pléiade, Paris,
2529 e, « Notes sur la voie clandestine », Les Cahiers de la Pléiade, Paris, janvier 1948, p. 57-63.
19 1948, Articles divers (1946-1948). Rencontre avec Denis de Rougemont (janvier 1948)
2530 sme ! La belliqueuse inscription, glorieux indice d’ un récent combat, marque d’une tache rouge à demi effacée par une main
2531 ption, glorieux indice d’un récent combat, marque d’ une tache rouge à demi effacée par une main sacrilège, l’un des murs d
2532 emi effacée par une main sacrilège, l’un des murs de cette citadelle qu’est, pour la république des Lettres, l’immeuble de
2533 un petit bureau étroit et blanc comme une cellule de moine, tout embrumé par la fumée des pipes, que je rencontre, convers
2534 cuteurs penchés sur les bonnes feuilles du Cheval de Troie, et m’entraîne dans un bar voisin. Musique en sourdine, lumière
2535 de Beauvoir s’entretiennent fiévreusement du sort de l’Europe. L’auteur de La Part du diable m’en parlera lui aussi, tout
2536 auvoir s’entretiennent fiévreusement du sort de l’ Europe . L’auteur de La Part du diable m’en parlera lui aussi, tout à l’heure
2537 nnent fiévreusement du sort de l’Europe. L’auteur de La Part du diable m’en parlera lui aussi, tout à l’heure. Mais, d’abo
2538 , comment sa pondération, sa générosité, son sens de l’humain pourraient-ils m’échapper ? Sa voix est douce, mais nette ;
2539 re accompagne son propos, et son regard s’éclaire d’ une lueur qu’il me faut bien qualifier de « mystique ». Demandez-lui c
2540 ’éclaire d’une lueur qu’il me faut bien qualifier de « mystique ». Demandez-lui ce qu’il fait : Je n’ai d’autre spécialité
2541  mystique ». Demandez-lui ce qu’il fait : Je n’ai d’ autre spécialité, vous répondra-t-il, que de réfléchir aux conséquence
2542 n’ai d’autre spécialité, vous répondra-t-il, que de réfléchir aux conséquences générales des découvertes particulières, e
2543 . Un intellectuel qui n’a pas mauvaise conscience de sa vocation, qui ne s’en cache pas. Il intitula même un de ses livres
2544 ation, qui ne s’en cache pas. Il intitula même un de ses livres les plus remarquables : Journal d’un intellectuel en chôma
2545 un de ses livres les plus remarquables : Journal d’ un intellectuel en chômage. Mais, au centre de ses préoccupations, se
2546 nal d’un intellectuel en chômage. Mais, au centre de ses préoccupations, se tient la personne humaine ; ne voulut-il pas i
2547 maine ; ne voulut-il pas instaurer une Politique de la personne  ? Et, pour mieux préciser encore sa position, ne nous in
2548 , me dit Denis de Rougemont. J’ai fait des études de lettres en Suisse et en Autriche, à Vienne. J’ai voyagé en Allemagne
2549 e et en Hongrie. Pendant un temps, je fus lecteur de français à l’Université de Francfort. En 1931, je vins en France ; j’
2550 temps, je fus lecteur de français à l’Université de Francfort. En 1931, je vins en France ; j’ai vécu en province et à Pa
2551 ition « Je sers », créant une petite revue au ton d’ avant-garde — Hic et Nunc — qui compta douze numéros. Nous y défendi
2552 éfendions la théologie existentielle, et les noms de Heidegger, de Kierkegaard, revenaient souvent sous notre plume. Au so
2553 héologie existentielle, et les noms de Heidegger, de Kierkegaard, revenaient souvent sous notre plume. Au sommaire, l’on t
2554 gemont en Suisse ; il fut mobilisé à l’état-major de Berne. Lors de l’entrée de Hitler à Paris, je fis paraître dans la G
2555 obilisé à l’état-major de Berne. Lors de l’entrée de Hitler à Paris, je fis paraître dans la Gazette de Lausanne un arti
2556 Hitler à Paris, je fis paraître dans la Gazette de Lausanne un article qui me valut d’être condamné à quinze jours de f
2557 la Gazette de Lausanne un article qui me valut d’ être condamné à quinze jours de forteresse ! En septembre 1940, il éta
2558 ticle qui me valut d’être condamné à quinze jours de forteresse ! En septembre 1940, il était envoyé en Amérique pour y fa
2559 faire des conférences. Il n’en revint qu’au mois de juillet dernier. Il vécut à New York, à Princeton, où il respira une
2560 là, dans « ce cadre trop parfait, cette ambiance d’ innocence, de sports et d’ombres vertes », que demeurait Albert Einste
2561 e cadre trop parfait, cette ambiance d’innocence, de sports et d’ombres vertes », que demeurait Albert Einstein, l’invente
2562 parfait, cette ambiance d’innocence, de sports et d’ ombres vertes », que demeurait Albert Einstein, l’inventeur de la bomb
2563 tes », que demeurait Albert Einstein, l’inventeur de la bombe atomique. Nous étions voisins, me raconte Denis de Rougemont
2564 s du matin, ce patriarche du nouvel âge, ce Moïse de la terre atomique passait sous mes fenêtres. Il portait un sweater bl
2565 nêtres. Il portait un sweater bleu et un pantalon de flanelle, comme les étudiants de l’Université. Un soir (j’avais publi
2566 u et un pantalon de flanelle, comme les étudiants de l’Université. Un soir (j’avais publié depuis peu mes Lettres sur la
2567 connaître. Je me rendis chez lui, dans une maison de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’arbres pleins d’oiseaux.
2568 chez lui, dans une maison de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’arbres pleins d’oiseaux. Il s’avança vers moi,
2569 dans une maison de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’arbres pleins d’oiseaux. Il s’avança vers moi, souriant d
2570 son de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’ arbres pleins d’oiseaux. Il s’avança vers moi, souriant de ses gros ye
2571 e entourée de gazon, de fleurs et d’arbres pleins d’ oiseaux. Il s’avança vers moi, souriant de ses gros yeux bleus très vi
2572 pleins d’oiseaux. Il s’avança vers moi, souriant de ses gros yeux bleus très vifs sous des arcades sourcilières étrangeme
2573 es, un énorme nez rose, des joues grises creusées de profondes ravines et deux touffes de cheveux blancs en auréole. Il me
2574 ses creusées de profondes ravines et deux touffes de cheveux blancs en auréole. Il me fit asseoir près de lui dans un faut
2575 e. Il me fit asseoir près de lui dans un fauteuil de jardin, et nous nous mîmes à parler de l’Amérique, de la Russie et de
2576 n fauteuil de jardin, et nous nous mîmes à parler de l’Amérique, de la Russie et de la bombe atomique. Avez-vous eu l’impr
2577 ardin, et nous nous mîmes à parler de l’Amérique, de la Russie et de la bombe atomique. Avez-vous eu l’impression qu’Einst
2578 ous mîmes à parler de l’Amérique, de la Russie et de la bombe atomique. Avez-vous eu l’impression qu’Einstein se sentait r
2579 u l’impression qu’Einstein se sentait responsable de sa découverte ? Einstein est pacifiste, il est antimilitariste. Que l
2580 ste, il est antimilitariste. Que les conséquences de sa découverte l’effrayent, c’est certain. Mais sa responsabilité ne s
2581 ombe, m’a-t-il dit, n’a pas changé les conditions de la guerre beaucoup plus que ne l’avaient déjà fait les raids massifs
2582 plus que ne l’avaient déjà fait les raids massifs d’ avions. Mais la bombe a du moins l’avantage de rendre les masses plus
2583 ifs d’avions. Mais la bombe a du moins l’avantage de rendre les masses plus conscientes du danger de la guerre moderne. C’
2584 e de rendre les masses plus conscientes du danger de la guerre moderne. C’est la question même de la guerre qui se trouve
2585 nger de la guerre moderne. C’est la question même de la guerre qui se trouve posée. » Et de la Russie que pense-t-il ? Pou
2586 stion même de la guerre qui se trouve posée. » Et de la Russie que pense-t-il ? Pour lui, les Russes se savent et se sente
2587 e l’Amérique. S’ils se cachent derrière un rideau de fer, c’est pour que leur pauvreté ne soit pas découverte. Einstein so
2588 e par se rendre compte que son avantage n’est pas de s’y opposer perpétuellement et en vain, mais d’y entrer. Je n’interro
2589 s de s’y opposer perpétuellement et en vain, mais d’ y entrer. Je n’interrogerai pas Denis de Rougemont sur les États-Unis.
2590 Rougemont sur les États-Unis. Il leur a consacré de nombreux articles dans des journaux et des revues de France et de Sui
2591 nombreux articles dans des journaux et des revues de France et de Suisse — articles qu’il a d’ailleurs rassemblés en un vo
2592 cles dans des journaux et des revues de France et de Suisse — articles qu’il a d’ailleurs rassemblés en un volume sous le
2593 hasarde pourtant une question sur la littérature d’ outre-Atlantique. Il me répond : La littérature américaine est dans un
2594 que la nôtre. Les disputes autour de l’engagement de l’écrivain n’existent pas là-bas. Écrire, aux États-Unis, c’est entre
2595 Unis, c’est entretenir les lecteurs des problèmes d’ aujourd’hui : les noirs, les ouvriers, comme hier la prohibition. Voil
2596 e hier la prohibition. Voilà qui allait de soi en Europe aussi, avant le xixe siècle. Que faisaient Dante, Cervantès, Swift,
2597 ne ?… À leur époque, ils accomplirent leur métier d’ écrivain comme alors on le concevait. Et c’est cela qui me semble esse
2598 adaptés comme, au contraire, le furent les hommes de lettres du xixe siècle, par exemple. Voyez Nietzsche, voyez Baudelai
2599 qui est mort — oui, littéralement — qui est mort de cela. Ils demeurèrent toujours en marge de la société, parce qu’il n’
2600 n marge de la société, parce qu’il n’y avait plus de communauté réelle entre l’écrivain d’une part, la bourgeoisie et les
2601 e part, la bourgeoisie et les masses en formation de l’autre. Aujourd’hui, c’est le besoin vital de recréer une communauté
2602 on de l’autre. Aujourd’hui, c’est le besoin vital de recréer une communauté qui oblige les écrivains à s’engager, à vouloi
2603 s de Rougemont, lui serre la main et l’entretient d’ un petit restaurant où ils avaient l’habitude de se rencontrer naguère
2604 t d’un petit restaurant où ils avaient l’habitude de se rencontrer naguère, mais où, maintenant, « on ne peut plus mettre
2605 les pieds ». « Pensez, dit Sartre, la voix pleine d’ indignation, l’on a tout transformé, l’on a mis des cretonnes partout.
2606 rk, reprend Denis de Rougemont, j’ai eu la visite de Sartre. Il m’a dit : « Les deux plus grands écrivains français contem
2607 et Simone de Beauvoir. » N’était-ce pas là façon de se désigner soi-même… par personne interposée ? Denis de Rougemont po
2608 i encore représentée par la génération des hommes de 40 à 50 ans. Je pensais que de plus jeunes nous relèveraient, s’impos
2609 -je à mon tour, que le fossé creusé par la guerre de 1914 était moins profond que celui qu’a creusé cette guerre-ci. Pour
2610 ’a creusé cette guerre-ci. Pour les jeunes hommes d’ aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de relever des ruines, mais de
2611 hommes d’aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de relever des ruines, mais de découvrir un monde nouveau et de l’organi
2612 s’agit pas seulement de relever des ruines, mais de découvrir un monde nouveau et de l’organiser. Tout est à recréer. Ils
2613 des ruines, mais de découvrir un monde nouveau et de l’organiser. Tout est à recréer. Ils n’ont encore rien à dire, ou ce
2614 re imprécis. Ceux qui élèvent la voix, les hommes de 40 ans comme vous les nommez, ne font que poursuivre les discours com
2615 pénombre crépusculaire. Nul mouvement, nul bruit de la rue n’est perceptible ici. L’on dirait qu’on est en marge du temps
2616 ente gratuité qui en trahit l’objet. Ce qu’il y a de remarquable chez les plus grands écrivains d’à présent, me dit Denis
2617 y a de remarquable chez les plus grands écrivains d’ à présent, me dit Denis de Rougemont, c’est leur internationalisme. Il
2618 tières. Bien souvent, ce n’est pas dans leur pays d’ origine qu’ils rencontrent le plus large accueil. Ils sont tentés d’al
2619 encontrent le plus large accueil. Ils sont tentés d’ aller là où ils se sentent le mieux compris, où leurs paroles acquière
2620 ieux compris, où leurs paroles acquièrent le plus d’ efficacité. Mais, en conséquence, ils deviennent des errants. Je crois
2621 . Je crois, quant à moi, que cette transformation de leur existence ne peut pas être sans influence profonde sur leurs pen
2622 ées et leur œuvre. Enfin, nous en venons à parler de l’Europe. Je suis profondément européen, me déclare Denis de Rougemon
2623 t leur œuvre. Enfin, nous en venons à parler de l’ Europe . Je suis profondément européen, me déclare Denis de Rougemont. Mais j
2624 venons à parler de l’Europe. Je suis profondément européen , me déclare Denis de Rougemont. Mais je pense que notre continent ne
2625 ter à chaque région et à chaque personne. Au mois d’ août dernier, au congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui s
2626 aque personne. Au mois d’août dernier, au congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se tenait à Montreux, j’ai p
2627 ne. Au mois d’août dernier, au congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se tenait à Montreux, j’ai prononcé une confére
2628 du fédéralisme. Il ne peut naître, disais-je, que d’ un renoncement à toute idée d’hégémonie organisatrice, d’abord, à tout
2629 tre, disais-je, que d’un renoncement à toute idée d’ hégémonie organisatrice, d’abord, à tout esprit de système ensuite. Il
2630 d’hégémonie organisatrice, d’abord, à tout esprit de système ensuite. Il ignore le problème des minorités (car ce qui comp
2631 nation, à chaque province. Il repose sur l’amour de la complexité. Et, ce qui est non moins important, il se forme de pro
2632 . Et, ce qui est non moins important, il se forme de proche en proche, par le moyen des personnes et des groupes, et non p
2633 s personnes et des groupes, et non point à partir d’ un centre ou par le moyen des gouvernements. C’est en dehors de ces go
2634 doit naître. Il faut provoquer les états généraux de l’Europe. C’est le seul moyen d’échapper au totalitarisme de plus en
2635 naître. Il faut provoquer les états généraux de l’ Europe . C’est le seul moyen d’échapper au totalitarisme de plus en plus mena
2636 s états généraux de l’Europe. C’est le seul moyen d’ échapper au totalitarisme de plus en plus menaçant. Or, ce totalitaris
2637 us sommes exposés. Son importance donne la mesure de notre absence de présence au monde. Tout comme la guerre et la mort,
2638 . Son importance donne la mesure de notre absence de présence au monde. Tout comme la guerre et la mort, il est simple et
2639 la paix, comme la vie. Il ne faut pas avoir peur de ces complexités, de ces complications. Elles seules préservent notre
2640 ie. Il ne faut pas avoir peur de ces complexités, de ces complications. Elles seules préservent notre liberté. Chaque jour
2641 faits. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’ Europe  ? Mais, encore une fois, il convient de se hâter, car je vois venir l
2642 our l’Europe ? Mais, encore une fois, il convient de se hâter, car je vois venir le temps des terribles simplificateurs.
2643 quels hommes prendraient part aux états généraux de l’Europe dont il vient de me parler. Il faut, me répond-il, que toute
2644 s hommes prendraient part aux états généraux de l’ Europe dont il vient de me parler. Il faut, me répond-il, que toutes les pro
2645 spirations pourront s’exprimer que le fédéralisme européen pourra s’imposer. Mais sa réalisation ne vous semble-t-elle pas chimé
2646 ment. Si nous parvenons à développer des réflexes de pensée fédéraliste, si ceux qui militent deviennent eux-mêmes intégra
2647 sera plus qu’à moitié gagnée. Voici venue l’heure de nous séparer. Nous faisons encore, côte à côte, quelques pas dans la
2648 rue. La nuit est tombée ; les passants se hâtent de rentrer. Bientôt, Denis de Rougemont quittera Paris et s’installera à
2649 ’installera à Ferney, à l’ombre de Voltaire, l’un de ses maîtres. Là, avant d’entreprendre d’autres travaux, il achèvera d
2650 ombre de Voltaire, l’un de ses maîtres. Là, avant d’ entreprendre d’autres travaux, il achèvera de mettre au point le proch
2651 vant d’entreprendre d’autres travaux, il achèvera de mettre au point le prochain livre qu’il doit publier : Les Personnes
2652 it publier : Les Personnes du drame . J’y traite de Goethe, de Kafka, de Kierkegaard, de Luther, de Gide, de Claudel et d
2653 : Les Personnes du drame . J’y traite de Goethe, de Kafka, de Kierkegaard, de Luther, de Gide, de Claudel et de Ramuz. En
2654 sonnes du drame . J’y traite de Goethe, de Kafka, de Kierkegaard, de Luther, de Gide, de Claudel et de Ramuz. Ensuite, il
2655 . J’y traite de Goethe, de Kafka, de Kierkegaard, de Luther, de Gide, de Claudel et de Ramuz. Ensuite, il publiera son Jo
2656 e de Goethe, de Kafka, de Kierkegaard, de Luther, de Gide, de Claudel et de Ramuz. Ensuite, il publiera son Journal des d
2657 he, de Kafka, de Kierkegaard, de Luther, de Gide, de Claudel et de Ramuz. Ensuite, il publiera son Journal des deux monde
2658 de Kierkegaard, de Luther, de Gide, de Claudel et de Ramuz. Ensuite, il publiera son Journal des deux mondes , des essais
2659 des essais sur des mythes, tels que « Le supplice de Tantale », « L’Ombre perdue », « Le nœud gordien » — textes qu’il écr
2660 20 et 40 ans. Mais son plus important projet est de composer une morale qu’il intitulera : La Règle du jeu. Espérons que
2661 ’il faut contrôler. Adieu ! s. Rougemont Denis de , « [Entretien] Rencontre avec Denis de Rougemont », Paru, Paris, janv
20 1948, Articles divers (1946-1948). Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)
2662 rait fatalement à la guerre. Pour les premiers, l’ Europe n’est plus rien par elle-même et devrait s’attacher au plus vite soit
2663 ce égale entre le refus du stalinisme et le refus de l’américanisme. Tel est le dialogue qui se poursuit depuis des mois :
2664 empires également impérialistes, également avides de nous coloniser, donc également dangereux pour nous. Avons-nous bien r
2665 fférence saute aux yeux, quand on compare le rôle de l’URSS et celui des États-Unis dans notre monde : c’est que nous avon
2666 . Autrement dit, l’URSS est présente dans toute l’ Europe aux élections et dans les parlements, elle a ses troupes disciplinées
2667 andis que les USA n’ont que des sympathies, point de propagande organisée, aucun moyen de donner des ordres à nos masses o
2668 thies, point de propagande organisée, aucun moyen de donner des ordres à nos masses ou à leurs députés. L’URSS possède une
2669 une doctrine très précise dont elle se sert comme d’ un instrument de conquête et qui dicte une tactique scientifique : le
2670 s précise dont elle se sert comme d’un instrument de conquête et qui dicte une tactique scientifique : le marxisme ; tandi
2671 ique : le marxisme ; tandis que les USA n’ont pas de doctrine, et n’ont rien d’autre à proposer qu’un genre de vie, leur w
2672 que les USA n’ont pas de doctrine, et n’ont rien d’ autre à proposer qu’un genre de vie, leur way of life qui n’est nullem
2673 ine, et n’ont rien d’autre à proposer qu’un genre de vie, leur way of life qui n’est nullement une arme de combat. Par rap
2674 ie, leur way of life qui n’est nullement une arme de combat. Par rapport à l’Europe, les intentions des deux empires ne so
2675 est nullement une arme de combat. Par rapport à l’ Europe , les intentions des deux empires ne sont pas davantage comparables. O
2676 ence des Seize. L’URSS s’oppose à toute tentative d’ unir les nations de l’Europe : c’est qu’elle veut diviser pour régner.
2677 RSS s’oppose à toute tentative d’unir les nations de l’Europe : c’est qu’elle veut diviser pour régner. Les États-Unis, au
2678 ’oppose à toute tentative d’unir les nations de l’ Europe  : c’est qu’elle veut diviser pour régner. Les États-Unis, au contrair
2679 s-Unis, au contraire, poussent à la collaboration européenne , et surtout sur le plan économique. Ils nous veulent forts, donc auto
2680 e aux ouvriers, mais en fait on leur ôte le droit de grève et le droit de se plaindre d’une inégalité de salaires sans pré
2681 en fait on leur ôte le droit de grève et le droit de se plaindre d’une inégalité de salaires sans précédent dans les pays
2682 ôte le droit de grève et le droit de se plaindre d’ une inégalité de salaires sans précédent dans les pays capitalistes. E
2683 grève et le droit de se plaindre d’une inégalité de salaires sans précédent dans les pays capitalistes. En Amérique, les
2684 aut vraiment se boucher les yeux pour ne pas voir de quel côté les promesses faites aux masses sont tenues aux USA, non pa
2685 dira qu’il y a dans les deux camps des opprimés, de la misère et des scandales. Certes, mais là s’arrête la ressemblance.
2686 commune, et non pas une simple tactique. Et ainsi de suite. Toutes les comparaisons précises et objectives que l’on peut é
2687 us conduisent à la même conclusion : il n’y a pas de commune mesure entre le danger soviétique pour l’Europe et le prétend
2688 commune mesure entre le danger soviétique pour l’ Europe et le prétendu danger yankee. La Russie, qui vise à l’autarcie totali
2689 qui vise à l’autarcie totalitaire sous la férule d’ un parti unique, redoute les curieux, épure les opposants, annexe ses
2690 n satellites, enfin tire devant le tout un rideau de fer, la Russie est un bloc dans tous les sens du terme. Mais l’Amériq
2691 ère les pires indiscrétions, multiplie les moyens de communication, s’ouvre enfin plus qu’aucun pays à toutes les influenc
2692 nde, et sait très bien que sa propre santé dépend de celle des autres, et non de leur misère. L’Amérique est une démocrati
2693 a propre santé dépend de celle des autres, et non de leur misère. L’Amérique est une démocratie, et une démocratie vivante
2694 arent noblement décliner ? En fait, il n’y a plus de choix possible. Car la Russie, en refusant de collaborer, en essayant
2695 lus de choix possible. Car la Russie, en refusant de collaborer, en essayant de saboter le plan Marshall, en devenant bloc
2696 la Russie, en refusant de collaborer, en essayant de saboter le plan Marshall, en devenant bloc, précisément, a choisi pou
2697 i pour nous, malgré nous. Si nous n’acceptons pas d’ être ses satellites, elle nous déclare et nous croit ses ennemis et le
2698 déclare et nous croit ses ennemis et les esclaves de l’Amérique. Et tout le verbiage des communistes contre un prétendu « 
2699 unistes contre un prétendu « bloc américain » n’a d’ autre but que de masquer ce fait brutal : la Russie ne veut pas d’une
2700 n prétendu « bloc américain » n’a d’autre but que de masquer ce fait brutal : la Russie ne veut pas d’une Europe forte, c’
2701 de masquer ce fait brutal : la Russie ne veut pas d’ une Europe forte, c’est-à-dire d’une Europe unie et autonome ; elle ne
2702 quer ce fait brutal : la Russie ne veut pas d’une Europe forte, c’est-à-dire d’une Europe unie et autonome ; elle ne veut qu’u
2703 ssie ne veut pas d’une Europe forte, c’est-à-dire d’ une Europe unie et autonome ; elle ne veut qu’une Europe livrée à sa m
2704 e veut pas d’une Europe forte, c’est-à-dire d’une Europe unie et autonome ; elle ne veut qu’une Europe livrée à sa merci par l
2705 une Europe unie et autonome ; elle ne veut qu’une Europe livrée à sa merci par les rivalités nationalistes et la misère. À ce
2706 répondre en nous jetant simplement dans les bras de l’Amérique. Non seulement nous ne le devons pas, mais c’est pratiquem
2707 ossible. Car l’Amérique n’a nullement l’intention de nous entretenir à grands frais comme des malades de luxe, ingrats et
2708 nous entretenir à grands frais comme des malades de luxe, ingrats et susceptibles. Elle cherche à nous aider pour que nou
2709 s Russes : c’est là son intérêt le mieux compris, d’ un point de vue stratégique autant que culturel. Mais elle ne pourra n
2710 eul choix qui nous reste ouvert, c’est donc celui de l’Europe elle-même. La seule manière possible de défendre l’Europe, c
2711 hoix qui nous reste ouvert, c’est donc celui de l’ Europe elle-même. La seule manière possible de défendre l’Europe, c’est de l
2712 de l’Europe elle-même. La seule manière possible de défendre l’Europe, c’est de la faire, donc de nous fédérer. Malgré le
2713 lle-même. La seule manière possible de défendre l’ Europe , c’est de la faire, donc de nous fédérer. Malgré les Russes et avec l
2714 eule manière possible de défendre l’Europe, c’est de la faire, donc de nous fédérer. Malgré les Russes et avec l’appui pro
2715 ble de défendre l’Europe, c’est de la faire, donc de nous fédérer. Malgré les Russes et avec l’appui probable des démocrat
2716 des démocrates américains. u. Rougemont Denis de , « Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un », L’Intransigeant, Paris, 9
21 1948, Articles divers (1946-1948). Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)
2717 4 février 1948)v Mme de Staël priait Schelling de lui exposer sa philosophie en un quart d’heure, et l’arrêtait au bout
2718 À l’époque, on vit dans ce trait une exagération de l’esprit français. À lire les plaintes ou les diatribes que provoque
2719 s l’apparition des « condensés », on serait tenté de croire que ces produits sont d’invention américaine, et que leur soud
2720 , on serait tenté de croire que ces produits sont d’ invention américaine, et que leur soudaine diffusion provient d’une cl
2721 éricaine, et que leur soudaine diffusion provient d’ une clause secrète du plan Marshall. Preuve de plus des sombres dessei
2722 Street, acharnés à nous asservir tout en feignant de donner du lait en poudre aux enfants. Il faut avouer que le nom même
2723 oudre aux enfants. Il faut avouer que le nom même de « condensé » nous vient de l’anglais, ou mieux, de l’américain. En in
2724 e « condensé » nous vient de l’anglais, ou mieux, de l’américain. En introduisant par surprise ce substantif néologique ti
2725 uisant par surprise ce substantif néologique tiré de l’adjectif condensed (from…), il semble que nos éditeurs aient voulu
2726 eurs aient voulu souligner le caractère américain de leur entreprise, et donner à celle-ci le prestige populaire qui s’att
2727 i le prestige populaire qui s’attache aux audaces d’ outre-Atlantique. S’ils s’étaient contentés de mots français bien conn
2728 ces d’outre-Atlantique. S’ils s’étaient contentés de mots français bien connus, comme résumé ou adaptation, la polémique a
2729 lle eût pris un autre cours. Il suffit, en effet, de dire résumé au lieu de condensé pour que l’on s’aperçoive que nous so
2730 aussi vieille que celle des manuels. Et il suffit de parler d’adaptations (ou d’abrégés) pour que l’on soit contraint de r
2731 lle que celle des manuels. Et il suffit de parler d’ adaptations (ou d’abrégés) pour que l’on soit contraint de reconnaître
2732 manuels. Et il suffit de parler d’adaptations (ou d’ abrégés) pour que l’on soit contraint de reconnaître dans l’entreprise
2733 tions (ou d’abrégés) pour que l’on soit contraint de reconnaître dans l’entreprise des éditeurs modernes la suite d’une lo
2734 dans l’entreprise des éditeurs modernes la suite d’ une longue tradition bien française. J’en marquerai quelques étapes, a
2735 nçaise. J’en marquerai quelques étapes, au hasard de mes souvenirs, et sans recourir à d’autres sources qu’un vieux Lanson
2736 x Lanson que j’ai sous la main. ⁂ En 1714, Houdar de La Motte condense L’Iliade en douze chants, « et ce qui tombe », écri
2737 sèche du fait », c’est la poésie, c’est le style d’ Homère. Lesage condense (ou dilue, indifféremment) quantité de romans
2738 sage condense (ou dilue, indifféremment) quantité de romans espagnols, pour gagner sa vie. Dès 1768, Ducis condense Shakes
2739 ondense Shakespeare. « Il a rogné ses drames avec d’ impitoyables ciseaux… il y a retaillé des tragédies à la française »,
2740 re en français. Vers la fin du siècle, le vicomte de Vogüé et d’autres condensent le roman russe, l’adaptent sans réplique
2741 jaune. Et j’allais oublier les Mille et Une Nuits de Galland, qui sont pourtant le record du genre, comme on peut le vérif
2742 ant le record du genre, comme on peut le vérifier d’ un coup d’œil, si on les place sur un rayon de bibliothèque à côté des
2743 ier d’un coup d’œil, si on les place sur un rayon de bibliothèque à côté des 25 volumes de la traduction de Mardrus. Rappe
2744 ur un rayon de bibliothèque à côté des 25 volumes de la traduction de Mardrus. Rappelons aussi les innombrables « condensé
2745 bliothèque à côté des 25 volumes de la traduction de Mardrus. Rappelons aussi les innombrables « condensés » de Don Quicho
2746 s. Rappelons aussi les innombrables « condensés » de Don Quichotte, de Gulliver, de Robinson, de L’Odyssée, et même des Sa
2747 les innombrables « condensés » de Don Quichotte, de Gulliver, de Robinson, de L’Odyssée, et même des Saintes Écritures, d
2748 bles « condensés » de Don Quichotte, de Gulliver, de Robinson, de L’Odyssée, et même des Saintes Écritures, dont s’est nou
2749 sés » de Don Quichotte, de Gulliver, de Robinson, de L’Odyssée, et même des Saintes Écritures, dont s’est nourrie toute no
2750 des scrupules. Mais voici deux exemples célèbres de grandes œuvres littéraires « condensées » dans leur propre langue. On
2751 rose, par Charles Lamb, des comédies et tragédies de Shakespeare. Je ne saurais leur comparer chez nous, sous le double ra
2752 er chez nous, sous le double rapport du succès et de la valeur littéraire intrinsèque, que le Roman de Tristan et Yseult,
2753 de la valeur littéraire intrinsèque, que le Roman de Tristan et Yseult, dans la version de Joseph Bédier : condensation en
2754 ue le Roman de Tristan et Yseult, dans la version de Joseph Bédier : condensation en prose et en un volume des cinq versio
2755 rose et en un volume des cinq versions originales de la légende, et en particulier du poème de Thomas (3144 vers) et de ce
2756 ginales de la légende, et en particulier du poème de Thomas (3144 vers) et de celui de Béroul (4485 vers). Vous trouverez
2757 en particulier du poème de Thomas (3144 vers) et de celui de Béroul (4485 vers). Vous trouverez sans peine, dans n’impor
2758 culier du poème de Thomas (3144 vers) et de celui de Béroul (4485 vers). Vous trouverez sans peine, dans n’importe quelle
2759 uverez sans peine, dans n’importe quelle histoire de la littérature française, de quoi tripler le nombre de pareils exempl
2760 orte quelle histoire de la littérature française, de quoi tripler le nombre de pareils exemples. Mais il suffit. Le résumé
2761 littérature française, de quoi tripler le nombre de pareils exemples. Mais il suffit. Le résumé, l’adaptation d’une œuvre
2762 exemples. Mais il suffit. Le résumé, l’adaptation d’ une œuvre au goût réel ou supposé du public d’une époque et d’un pays,
2763 ion d’une œuvre au goût réel ou supposé du public d’ une époque et d’un pays, ce n’est pas une invention américaine, mais u
2764 au goût réel ou supposé du public d’une époque et d’ un pays, ce n’est pas une invention américaine, mais une ancienne cout
2765 e invention américaine, mais une ancienne coutume européenne , et plus spécifiquement française. Insistons un peu sur le fait, avan
2766 blic, s’il n’eût pas été présenté comme américain d’ origine. (Américain signifiant pour les uns : dépourvu de scrupules li
2767 ne. (Américain signifiant pour les uns : dépourvu de scrupules littéraires et de style, pour les autres : excitant et mode
2768 ur les uns : dépourvu de scrupules littéraires et de style, pour les autres : excitant et moderne.) Or non seulement le pr
2769 nous leur attribuons, et qu’ils semblent en passe de prendre ici. Quant à la légitimité de l’adaptation en général, les ex
2770 nt en passe de prendre ici. Quant à la légitimité de l’adaptation en général, les exemples français que j’ai cités suffise
2771 oductions insuffisantes, mais utiles à des œuvres d’ accès malaisé. Bédier, enfin, restitue un chef-d’œuvre, le continue et
2772 lui-même n’est pas en cause, mais bien le talent de celui qui l’applique, et peut-être aussi le modèle (ou la victime) qu
2773 me) que l’on choisit. À ce propos, il est curieux de relever que tout se passe comme si les grands chefs-d’œuvre se prêtai
2774 vre se prêtaient mieux au résumé que les ouvrages d’ une honnête moyenne. Les critiques n’ont pas protesté tant qu’on nous
2775 n se risque à « condenser » un lauréat quelconque de la saison. Je dois avoir l’esprit mal fait : j’ai peine à partager ce
2776 ne à partager cette répulsion. C’est que le style de Goethe m’importe davantage que celui du dernier prix Tartempion. J’av
2777 me choque dans l’entreprise des éditeurs français de « condensés », c’est qu’ils accordent à des ouvrages moyens ou faible
2778 la trancher : si l’on reproche aux « condensés » d’ évacuer le style d’un auteur, et de priver son message d’une partie de
2779 ’on reproche aux « condensés » d’évacuer le style d’ un auteur, et de priver son message d’une partie de sa vertu en le dép
2780 « condensés » d’évacuer le style d’un auteur, et de priver son message d’une partie de sa vertu en le dépouillant des mil
2781 er le style d’un auteur, et de priver son message d’ une partie de sa vertu en le dépouillant des mille détails mûrement ch
2782 ’un auteur, et de priver son message d’une partie de sa vertu en le dépouillant des mille détails mûrement choisis qui l’i
2783 l’illustraient et le nuançaient, que doit-on dire de presque toutes les traductions ? Et surtout des adaptations destinées
2784 ons destinées à la scène ou à l’écran ? Le Procès de Kafka, quand Barrault le met en scène dans la version dialoguée d’And
2785 arrault le met en scène dans la version dialoguée d’ André Gide, tirée d’une traduction de Vialatte, faite sur un roman non
2786 ène dans la version dialoguée d’André Gide, tirée d’ une traduction de Vialatte, faite sur un roman non terminé, et que l’a
2787 on dialoguée d’André Gide, tirée d’une traduction de Vialatte, faite sur un roman non terminé, et que l’auteur voulait dét
2788 l crier à l’américanisme ? Ou plutôt se féliciter de voir cette œuvre atteindre enfin la vaste audience que nos critiques
2789 ient pas su lui procurer ? Pour ma part, je salue de mes vœux toute entreprise qui tend à populariser la connaissance des
2790 connaissance des chefs-d’œuvre. Et je crois vain de s’indigner des « condensés » tant qu’on n’aura rien fait pour la cult
2791 masses y sont le despote qu’il s’agit avant tout d’ éclairer. Mais il n’est pas vain d’exiger que les fabricants de conden
2792 git avant tout d’éclairer. Mais il n’est pas vain d’ exiger que les fabricants de condensés se donnent des règles et jouent
2793 ais il n’est pas vain d’exiger que les fabricants de condensés se donnent des règles et jouent franc jeu. Qu’ils résument
2794 qu’un résumé, et qu’ils rappellent les dimensions de l’original ; enfin qu’ils prennent le soin de renvoyer aux éditions c
2795 ennent le soin de renvoyer aux éditions complètes de l’œuvre, dans tous les cas où il est possible de se les procurer chez
2796 de l’œuvre, dans tous les cas où il est possible de se les procurer chez le libraire. Tous les critiques français ne devr
2797 is ne devraient-ils pas se liguer pour qu’un code de ce genre soit adopté ? v. Rougemont Denis de, « Ce sont les França
2798 e de ce genre soit adopté ? v. Rougemont Denis de , « Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés