1 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
1 mère de presque tous nos arts. La musique est née dans le chœur des églises et des chapelles de couvents. La peinture et la
2 la sculpture se sont constituées sur les autels, dans les nefs, et autour des architectures sacrées. Nos premiers rythmes p
3 issantes au xxe siècle ont toutes pris le départ dans une polémique spécifiquement théologique. Le marxisme ne fait pas exc
4 Hopkins. Mais il ne me paraît pas que le problème dans son ensemble ait été clairement posé ou étudié, ni par les docteurs d
5 aires. Et cependant comment en nier l’importance, dans un siècle où la littérature exerce sur le public cultivé un empire co
6 dis que la prédication chrétienne semble réduite, dans la cité, aux proportions d’un chuchotement intermittent ? L’ignorance
7 huchotement intermittent ? L’ignorance réciproque dans laquelle théologiens et écrivains se sont installés pour la plupart,
8 pal de formuler et de critiquer le dogme chrétien dans l’Église, elle est en droit de laisser à d’autres le soin d’appliquer
9 rsqu’elle s’en passe, les effets s’en font sentir dans l’Église même. Car le clergé et l’élite des fidèles ne sauraient écha
10 aire, comme il arrive qu’on en lise sous leur nom dans les revues de pensée religieuse : il s’agit trop souvent de comptes r
11 de commune mesure entre le croyant et le lecteur dans un même homme. Ceci dit, j’en reviens à mon propos, qui était de soul
12 es symbolistes et les surréalistes ? T. S. Eliot, dans un livre trop court (After Strange Gods) a donné l’esquisse d’une étu
13 Gods) a donné l’esquisse d’une étude des hérésies dans la littérature moderne. Pour ma part, j’ai tenté de montrer comment l
14 tout et tant à dire sur la renaissance endémique, dans nos écoles d’avant-garde, des déviations les plus connues du mysticis
15 d’une conduite peu régulière, la confirmant ainsi dans sa persuasion que l’Église est bonne pour les petits bourgeois, n’a r
16 s jeunes générations, en Europe, en Angleterre et dans les deux Amériques. Notons que si cette influence s’est montrée décis
17 ons que si cette influence s’est montrée décisive dans beaucoup de conversions, elle n’a pas eu pour effet (ou très rarement
18 ques. C’est que l’écrivain romantique croit voir dans les dogmes autant d’entraves à l’essor créateur, tandis que le classi
19 a colombe de Kant, s’imagine qu’il volerait mieux dans le vide. Le second, mieux assuré de la force de ses ailes, cherche un
20 rse, je soupçonne les romantiques d’avoir cherché dans la théologie de leur époque et sous le nom de liberté, de coûteuses l
21 littérature en général trouve à se nourrir moins dans telle doctrine théologique régnante que dans l’atmosphère et l’ambian
22 oins dans telle doctrine théologique régnante que dans l’atmosphère et l’ambiance de controverses théologiques mêlées à des
23 iques. Exemples : La poésie des troubadours, née dans la seconde partie du xiie siècle, en plein conflit entre cathares et
24 lit significatif des théologiens et des écrivains dans une nation donnée. Je me bornerai à citer ici l’exemple de l’Église
25 es depuis près de quatre siècles, et dont le rôle dans l’histoire des lettres anglaises s’avère capital, de John Donne à T.
26 trahit peut-être une certaine absence de l’Esprit dans la genèse de son œuvre. Il oublie que le style d’un écrit transmet po
27 e contredisent, et l’un ruine l’autre secrètement dans l’esprit du lecteur. Ce qu’il importe de rappeler ici, c’est que tout
28 quelques jeunes théologiens à pousser plus avant dans un domaine que j’espérais simplement désigner. b. Rougemont Denis
2 1946, Articles divers (1946-1948). Le supplice de Tantale (octobre 1946)
29 broisie, pour les faire goûter aux mortels. Puis, dans l’idée de défier l’Olympe et d’éprouver son omniscience, il avait tué
30 ner qu’il n’est qu’une double réfraction du crime dans l’ordre humain. Parce qu’il a convoité la nourriture des dieux, Tanta
31 le du commun des hommes. Sa jalousie se réfléchit dans la frustration du désir. Et son défi au Ciel, ayant failli, s’inverse
32 mple, et comme automatique. C’est autant dire que dans le monde païen, l’homme reste seul avec lui-même et se ferme aux inte
33 eux » n’étant, en fait, que ses propres limites.) Dans l’histoire du supplice de Tantale, cet automatisme est si sûr qu’il a
34 antastiques en apparence. Je vois Tantale soutenu dans la rivière, le rocher soutenu sur sa tête, l’onde et la branche ne s’
35 ice et son délire. À l’instant même, il s’enfonce dans les eaux, il boit à mort, et le rocher l’écrase. Mais c’est préciséme
36 sément ce qui n’arrive jamais, et ne peut arriver dans le Tartare. Tantale, ne croyant pas à la résurrection, ni au pardon,
37 l’Homme du Désir, Tantale symboliquement réduit, dans la légende, à sa faim, à sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui,
38 im, à sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de nous, préfère le désir, même douloureux d’avoir été mille e
39 u don reçu. Ou encore : un être nouveau surgirait dans l’instant du don, pour le recevoir en son lieu. À la limite, et dans
40 on, pour le recevoir en son lieu. À la limite, et dans la logique d’un mythe où l’homme s’identifie à l’une de ses tendances
41 lan spirituel, et transposons le mythe de Tantale dans un monde où l’instant d’abandon ne signifie plus la mort mais la vie
42 ul1, une histoire étrangement parabolique et qui, dans le registre de l’humour profond, reproduit notre fable grecque, mais
43 saie de se remémorer tout ce qu’il y a d’émouvant dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure que pour tout l’or du mond
44 il rit, « c’est par pure plaisanterie, et non pas dans une intention plus sérieuse. » L’inspecteur ouvre de gros yeux fixes,
45 iraculeuse ! Pour si peu d’égoïsme qu’il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main vers cette eau, vers ces fruit
46 ore à refouler cette larme, qui pouvait seule, et dans un seul instant, mériter la joie éternelle. 1. Dans les Flegeljahre
47 un seul instant, mériter la joie éternelle. 1. Dans les Flegeljahre. a. Rougemont Denis de, « Le supplice de Tantale »,
3 1946, Articles divers (1946-1948). Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)
48 es Bernanos, tous deux ne s’étant pas trop égarés dans les mots en urne, ayant appelé un chat un chat et provoqué dans la sa
49 en urne, ayant appelé un chat un chat et provoqué dans la salle des mouvements divers, comme on dit. C’est comme cela qu’exi
50 t. C’est comme cela qu’existe l’esprit européen : dans la libre discussion, nous confie Denis de Rougemont. La liberté d’opp
51 ’opinion. Pas l’Européen. L’Européen se retranche dans ses convictions et pense que l’adversaire est méchant, puisqu’il ne p
52 e Rougemont, que je passe pour un homme de gauche dans les partis de droite et pour un homme de droite dans les partis de ga
53 s les partis de droite et pour un homme de droite dans les partis de gauche. Je ne suis jamais pour ou contre un parti. Je s
4 1947, Articles divers (1946-1948). Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)
54 aire de Carson McCullers (1947)k Je ne connais dans tout New York qu’une seule vraie terrasse de café, celle du Brevoort,
55 jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son premier roman qui
56 Hunter. Un peu plus tard je la revis à Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait amené Golo, le plus jeu
57 t, on composait, on sculptait, on jouait du piano dans toutes les chambres aux portes entrouvertes, et l’on se réunissait po
58 , seul centre de pensée et d’art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. Et puis leur nomadisme habituel les a re
59 terre ou en Californie, et Carson McCullers était dans une clinique. Un jour je la rencontre dans un train venant du Sud, en
60 était dans une clinique. Un jour je la rencontre dans un train venant du Sud, en route pour une maison de vacances d’écriva
61 Rimbaud.) Elle ne se décante pas, reste immergée dans le symbolisme ambigu des caractères particuliers, des sensations, des
62 age se poursuivent, se rapprochent et se manquent dans une espèce de tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la
63 ne fille pauvre de 15 ans, qui cherche la musique dans sa petite ville, et repère une à une les maisons où la radio choisit
64 mphonies qu’elle aime. Le soir, elle va s’asseoir dans une cour obscure et elle écoute. Puis elle essaie de composer elle-mê
65 se cherchent, se rencontrent une seule fois, mais dans une dissonance douloureuse, puis s’éloignent et l’une après l’autre s
66 s l’autre se brisent ou se perdent inexorablement dans la rumeur informe de la vie quotidienne. Une longue suite d’incidents
67 e (comme la promenade de Baby) qui finissent tous dans un geste mortel, coupant, atroce. Est-ce que le sujet serait la solit
68 s dire après coup que j’aurais dû trouver une clé dans cette lettre d’un sourd-muet à son ami devenu fou, qu’on va lire aux
69 interviewer : — Il n’y a pas d’histoires d’amour, dans ce roman. Elle me regarde étonnée, presque indignée : — Il n’y a que
70 McCullers, Le Cœur est un chasseur solitaire  », dans Le Cœur est un chasseur solitaire, Paris, Stock, 1947, p. I-V.
5 1947, Articles divers (1946-1948). La lutte des classes (1947)
71 ieusement mêlés au peuple souverain de la région, dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs de bois peints
72 ois jaune clair. On s’attendait à être interrogé, dans les trois langues nationales. À mi-chemin entre l’instituteur et le g
73 que le monde est une jungle atomique, l’humanité dans sa très grande majorité une espèce animale désordonnée, lubrique, rap
74 les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent place dans nos trains locaux ? L’expérience de la vie new-yorkaise, où personne
75 l’été dernier, punaisé près de la porte du balcon dans une chambre d’hôtel des bords du lac Léman : Afin d’éviter tout brui
76 uettes. C’était l’été des expériences de Bikini. Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’industrie. L’authen
77 en qu’il a l’habitude. On dirait qu’il s’installe dans son bureau, et sa pensée ne vagabonde pas, reste enfermée dans sa ser
78 au, et sa pensée ne vagabonde pas, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’étonnant si le contrôleur distingue à pr
79 de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’être là, on les refoul
6 1947, Articles divers (1946-1948). Les maladies de l’Europe (1947)
80 une lucidité sans recours. Vous prenez cette amie dans vos bras, vous ne trouvez à dire que des phrases banales : « Viens ic
81 . Ainsi j’ai retrouvé l’Europe. Sur son visage et dans son expression certains traits accusés et tendus, mais aussi une cert
82 puis j’essaierai de mesurer sa situation nouvelle dans le monde. Enfin, j’ai hâte de lui demander : « Et maintenant, qu’allo
83 et ses séides ont été battus et sont morts, mais dans la lutte, ils ont marqué leurs adversaires d’une empreinte qui vaut u
84 tout. Mais, si la brute se jette soudain sur lui, dans le corps à corps qui s’ensuit, vous ne distinguez plus deux points de
85 ale de l’existence. Hitler battu, son corps brûlé dans le pétrole, que reste-t-il ? À peu près tout cela — moins Hitler. Mai
86 face de nous, ressurgit aujourd’hui chez nous et dans nos mœurs — avec moins de virulence, peut-être, c’est-à-dire d’une ma
87 d’Engels puis de Nietzsche, pratiquement appuyée dans le même temps et dans des masses élargies par les effets du capitalis
88 zsche, pratiquement appuyée dans le même temps et dans des masses élargies par les effets du capitalisme et par l’esprit bou
89 ces philosophes, cependant, combattaient, passée dans notre siècle à l’action politique au lendemain de la révolution russe
90 is sous le régime hitlérien, elle se révèle enfin dans toute son étendue réelle, sous nos yeux. On doit considérer comme liq
91 même de droite comme hier, il est de gauche, ou «  dans la ligne », il se range au nouveau conformisme. Dans telles grandes c
92 s la ligne », il se range au nouveau conformisme. Dans telles grandes capitales d’Europe, on voit des écrivains et des savan
93 résistant ne me contredira. Des habitudes prises dans la lutte clandestine, ce sont les pires qui se perpétuent, non les me
94 des vainqueurs. L’antisémitisme fait rage jusque dans les provinces où, depuis le Moyen Âge, on avait oublié qu’il y eût un
95 tte impuissance pratique à inscrire leurs pensées dans des actes, beaucoup d’intellectuels s’inscrivent dans un parti et c’e
96 des actes, beaucoup d’intellectuels s’inscrivent dans un parti et c’est là ce qu’ils appellent s’engager. Mais c’est en fai
97 e ou un insigne. Et cependant, s’il se tient seul dans l’intégrité de l’esprit, il fera figure de déserteur… Ainsi privés de
98 puissance à y parer n’ont pas manqué de provoquer dans les élites demeurées libérales une crise de pessimisme et de mauvaise
99 léry et Huizinga, se soit généralement substituée dans nos esprits à l’idée de progrès automatique. Née d’analyses et de pre
100 s subjectifs : c’est que la situation de l’Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est même totalement renversée depu
101 ’elle n’était. D’où l’effet de choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’autre guerre, la phrase fameuse de Val
102 la force aux dépens de la coutume, qui triomphent dans l’empire des Soviets. Comme aussi le respect de la science appliquée
103 ussi le respect de la science appliquée qui régit dans ces deux pays l’éducation de l’enfant et l’eugénique, l’alimentation,
104 lement démesurés. Essayons d’évaluer nos chances, dans l’état de résistance morale diminuée où vient de nous laisser la guer
105 et jusqu’à la curiosité de la planète ! Tout cela dans l’espace de trente ans, et sans retour possible, à vues humaines. Que
106 yse sociologique assez grossière suffit à révéler dans tout le continent une sorte de clivage et un double tropisme. Les mas
107 et un double tropisme. Les masses industrielles, dans leur partie active, regardent vers la Russie, et les grands hommes d’
108 s actifs d’entre nous ont émigré. La bourgeoisie, dans son ensemble, se contente d’un double refus de la Russie et de l’Amér
109 e beaucoup de ses habitants espèrent ailleurs, et dans deux directions opposées. Je le répète, nos chances paraissent très
110 Je le répète, nos chances paraissent très faibles dans l’ensemble, malgré les illusions de santé et de durée que peuvent ent
111 e santé et de durée que peuvent entretenir encore dans nos vies certains îlots d’inconscience routinière, et l’image rassura
112 le moment de nous demander très sérieusement si, dans cette conjoncture plus que défavorable, il est bien légitime de s’obs
113 ar goût — soviétisée — ce serait par contrainte — dans les deux cas colonisée. Un musée ou une colonie… autant dire : une Eu
114 stions une réponse évidente et simple. Elle tient dans un très petit mot, vague et poignant : c’est le mot « âme ». L’Europe
115 serve. Mais si maintenant nous regardons l’Europe dans le monde, ce changement de point de vue va nous faire voir une très s
116 découverte d’un sens, d’une signification, fût-ce dans le malheur de la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent à l’inconsc
117 ion, fût-ce dans le malheur de la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent à l’inconscience heureuse, et nous à la conscienc
118 iste au plus haut point comme entité spirituelle, dans les diversités qui s’expriment ici, à Genève, dans notre rencontre. A
119 ans les diversités qui s’expriment ici, à Genève, dans notre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’Europe et de ces d
120 ’homme dialectique par excellence. Nous le voyons dans ses plus purs modèles, crucifié entre ces contraires qu’il a d’ailleu
121 s termes. Mais il entend les assumer et consister dans leur tension, en équilibre toujours menacé, en agonie perpétuelle. Ce
122 utions à sa mesure, à hauteur d’homme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les structures politiques, les mêmes
123 omme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les structures politiques, les mêmes tensions fondamentales, je les n
124 uvre béante devant moi, la tentation de me lancer dans une série de définitions philosophiques de ces deux termes : la perso
125 pe. Ce sera peut-être un bon moyen de les définir dans l’actuel. Sauver l’Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’E
126 s causes, nous allons les retrouver, précisément, dans cette même agonie permanente dont on vient de voir qu’elle est la con
127 vocation d’une part, et d’autre part l’engagement dans les réalités sociales. C’est un combat. Mais voici le paradoxe : dès
128 s requins capitalistes du dernier siècle, il crée dans la cité une anarchie. Cette anarchie ne tarde pas à provoquer une réa
129 fait la bête et voici qu’on l’enferme aujourd’hui dans la cage du parti ou de l’État. À vrai dire, il ne l’a pas volé. Le bo
130 olé. Le bon moyen d’éviter ces excès d’engagement dans le Parti, d’oppression par l’État, ce n’est pas du tout de prêcher ce
131 ce et constamment critique. Et je ne dis pas cela dans l’abstrait ; j’ai en vue des exemples précis. Appelons totalitaire, o
132 ui excite en eux la volonté morbide de s’enfermer dans leur différence essentielle. Cet impérialisme intérieur ne manque jam
133 je ne le répéterai jamais assez, qu’il faut voir dans le nationalisme la maladie européenne, l’anti-Europe par excellence.
134 are le nationalisme à une espèce de court-circuit dans la tension normale qu’il s’agit de maintenir entre le particulier et
135 ortent la conscience de cette Europe, m’apparaît, dans un double office de vigilance et d’invention. Le trésor de l’Europe,
136 paix et seules capables de sauvegarder la liberté dans l’ordre. Après tout, c’est l’Europe qui a sécrété ce contagieux natio
137 u’il ne soit pas utopique d’envisager sa fonction dans le monde, son avenir et le nôtre en elle ? Pour ma part, j’entretiens
138 pourrez plus gravir les escaliers ni vous asseoir dans les fauteuils… » Ma troisième raison d’espérer, ce sont les crises q
139 d’espérer, ce sont les crises qu’il faut prévoir dans les deux empires du succès. Leurs plans, en effet, sont fondés sur un
140 — surtout de gauche, et l’imprévu de l’invention dans les arts ou de la découverte dans les sciences, et l’insouciance et l
141 de l’invention dans les arts ou de la découverte dans les sciences, et l’insouciance et l’inquiétude, et l’humour et l’espr
142 ui les gêne le plus n’est pas simplement l’homme, dans son humanité rebelle aux chiffres, l’homme en soi — l’éternel résista
143 ux documents des races humaines, et non seulement dans les musées et bibliothèques mais dans les mœurs et les coutumes aussi
144 n seulement dans les musées et bibliothèques mais dans les mœurs et les coutumes aussi, dans les habitudes du langage et dan
145 hèques mais dans les mœurs et les coutumes aussi, dans les habitudes du langage et dans l’intimité des relations humaines. V
146 coutumes aussi, dans les habitudes du langage et dans l’intimité des relations humaines. Voilà pourquoi l’Europe a toutes l
147 t ici, la question de l’avenir du monde se résume dans ce simple dilemme : la Planète unie ou la Bombe. Et je veux dire : Si
148 Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable que dans l’effort pour instaurer un vrai gouvernement mondial. Et le monde, po
7 1947, Articles divers (1946-1948). L’opportunité chrétienne (1947)
149 ècle, et qui se posaient en termes intraduisibles dans les catégories théologiques traditionnelles. Quant aux fidèles, ils a
150 a-t-on ? » ; les catholiques modernes répondaient dans l’ensemble : « Avec du sucre ! ». Remarque hélas valable pour bien d’
151 pouvoir tolérer ; qu’il a été abattu finalement, dans ses formes déclarées et spectaculaires tout au moins ; et que son élé
152 l’époque de la défensive est terminée pour elles, dans notre temps, c’est poser aux Églises chrétiennes un dilemme très net 
153 eussent été contraintes de subir en se rendant. ( Dans ce « presque » est la différence entre honneur et honte, vie et mort.
154 eur faiblesse, formulent des doctrines nihilistes dans un jargon philosophique qui les rend pour le moins inoffensives. Deva
155 En d’autres termes, les Églises ne trouvent plus dans le monde des doctrines hostiles, mais un vide doctrinal sans précéden
156 rche à ceux qui se noient. Comme laïque se tenant dans l’Église, et voyant au-dehors ses chances d’action, et la misère du t
157 r sa position méfiante et arriérée — académique — dans les arts sacrés comme vis-à-vis de la culture vivante, laissant celle
158 es de la vie. 4° Que l’Église affirme avec force, dans le domaine politique, la Transcendance de son chef, contre tous les a
159 cuménique revêt une importance politique capitale dans notre siècle : il peut offrir le modèle même d’une union mondiale dan
160 l peut offrir le modèle même d’une union mondiale dans le respect des diversités nationales. Que dis-je, il peut ! Il le doi
161 nt François d’Assise ; par des gens de peu réunis dans une chambre ; par des mystiques qui n’auront l’air de rien ; par des
8 1947, Articles divers (1946-1948). La guerre des sexes en Amérique (janvier 1947)
162 t public et diurne. Cette petite nouvelle, parue dans le respectable New York Times au mois d’avril 1946, exprime avec un g
163 e, et que vous tentez de formuler ce qu’il évoque dans votre esprit comme type de civilisation, j’imagine que vos conclusion
164 le phénomène que nous nommons passion. J’écrivais dans un livre récent : Rien de plus rare qu’une passion véritable, car el
165 t du bonheur… L’amour-passion ne peut exister que dans une civilisation marquée par la croyance en la valeur unique de chaqu
166 nheur est le but de la vie : n’est-ce point écrit dans sa Constitution ? Son attitude vis-à-vis de la passion est peut-être
167 erait bien d’y renoncer. Si quelque drame se noue dans sa vie, malgré lui, il n’a de cesse qu’il n’en sorte au plus vite, pa
168 poser une telle croyance. Nul n’est irremplaçable dans un monde aussi vaste, et où les déplacements sont si faciles. Au vrai
169 iles. Au vrai, l’amour-passion ne saurait exister dans une civilisation qui n’accorde à l’échec nulle dignité spirituelle, e
170 . Du matriarcat, du mariage et des « moms » Dans un tel monde, il ne subsiste que deux solutions praticables : le mari
171 se sent responsable et autonome (ou un peu plus) dans cette ardeur inextinguible qui la possède de perfectionner tout ce qu
172 n de son foyer ; car elle règne, tout simplement, dans toute la vie, et le foyer n’est qu’une partie de ses domaines. Il s’a
173 de ses machines. Si ces dernières se multiplient dans une cuisine et un sous-sol américain, c’est justement pour libérer la
174 maintenant le couple américain au restaurant, ou dans un train. Vous verrez une femme très soignée — son ménage simplifié l
175 sait ce qu’on lui doit. Comme elle est installée dans la vie ! Elle s’y avance avec l’autorité, souvent polie, mais parfois
176 domination de la femme ne s’observe pas seulement dans la vie quotidienne d’un ménage ou d’une rue citadine. Elle s’enracine
177 d’une rue citadine. Elle s’enracine profondément dans la psychologie et dans l’économie américaine. On assure que les femme
178 le s’enracine profondément dans la psychologie et dans l’économie américaine. On assure que les femmes possèdent le 75 % de
179 e d’une civilisation qui tend vers le matriarcat, dans la mesure où les facteurs économiques la déterminent. Mais c’est dans
180 s facteurs économiques la déterminent. Mais c’est dans la psychologie de la famille américaine que le statut royal de la fem
181 es vraiment profondes. Et cette psychologie tient dans un mot, dans moins qu’un mot, dans l’abréviation familière pour Maman
182 rofondes. Et cette psychologie tient dans un mot, dans moins qu’un mot, dans l’abréviation familière pour Maman, que soupire
183 chologie tient dans un mot, dans moins qu’un mot, dans l’abréviation familière pour Maman, que soupire le GI loin du foyer,
184 ière pour Maman, que soupire le GI loin du foyer, dans ces trois lettres fatidiques qui sont le secret de millions de drames
185 iaux, sexuels et psychiques : MOM. Philip Wylie, dans un livre rageur intitulé Génération de Vipères, a seul osé dénoncer l
186 cat américain. MOM est partout, elle est tout et dans tous, et d’elle dépend le reste des États-Unis. Déguisée en bonne vie
187 libérée des travaux qui la maintiennent ailleurs dans les limites de l’activité domestique, a créé le Women’s Club et cent-
188 ur la mère dévorante. Sans nul doute faut-il voir dans ce mythe de la Mère la tragédie secrète d’une civilisation qui produi
189 me ou non, et plus d’alcooliques qu’aucune autre. Dans la femme qu’il épouse, le jeune Américain, inconsciemment, cherche la
190 Au culte qu’il est censé lui rendre, elle répond dans le meilleur des cas par cette espèce de loyauté que le suzerain jadis
191 ue l’homme attend d’elle. Frustrée sans le savoir dans sa féminité, elle se révolte contre sa condition, fait de nécessité v
192 e du mal et victime peu consciente, il se réfugie dans son club ou parmi les copains du bar voisin. La journée d’un couple b
193 du bar voisin. La journée d’un couple bourgeois, dans une grande ville américaine, ménage peu de contacts entre mari et fem
194 gues en vingt minutes, près de son bureau ; elle, dans un restaurant où des centaines de femmes, par tablées, composent aux
195 ées, composent aux yeux de l’étranger qui s’égare dans ce lieu réservé, le spectacle le plus inquiétant du Nouveau Monde : c
196 tués à voir des hommes en masses, à la caserne ou dans une réunion publique (et les femmes s’approchent volontiers), mais il
197 t pas seulement pour un Européen, je m’en assure) dans un rassemblement de femmes d’âge moyen, non dépourvues de prétentions
198 s sortent ensemble. Et le reste, souvent, se perd dans les alcools. Tout se passe comme si l’homme d’Amérique n’avait qu’un
199 e couche les enfants, et tous les repas sont pris dans la petite cuisine blanche, parfois ornée d’un bar, toujours d’un frig
200 — où l’homme joue le rôle de la machine numéro un dans la maison — soient ceux qui offrent le plus de garanties contre le di
201 sent qu’aux États-Unis l’on divorce davantage que dans tout autre pays du monde, Suisse comprise. Mais ce que les statistiqu
202 par les étranges législations qui règnent encore dans maint État de l’Union. Ainsi dans l’État de New York, la seule cause
203 règnent encore dans maint État de l’Union. Ainsi dans l’État de New York, la seule cause admise de divorce est le flagrant
204 ne odieuse mise en scène « légalement constatée » dans une chambre d’hôtel. Le seul recours est donc le voyage de Reno, comé
205 our son intention bien arrêtée de vivre désormais dans le Nevada. Il y reste six semaines, à l’hôtel, est alors déclaré rési
206 oit être envisagée très sérieusement. Chaque jour dans les courriers mondains annonçant les mariages de la classe riche, vou
207 La loufoquerie américaine se donne libre carrière dans ce domaine, comme si elle excusait tout parce qu’elle amuse. Vous pen
208 ats. L’hygiène morale de l’Amérique ne tolère pas dans un foyer les miasmes d’une situation irrégulière, et ne laisse pas le
209 eterre de la Réforme calvinienne, et transplantée dans toute sa virulence en Amérique, détermine de nos jours encore les mœu
210 les réactions qu’elle provoque une fois refoulée dans l’inconscient de la plus composite des collectivités. L’élément purit
211 me atténuée de l’American way of life, à l’école, dans la presse, au cinéma, au cours du soir pour étrangers récemment natur
212 s n’aillent se former des complexes… Et pourtant, dans cette liberté, qui entraîne une grande licence des mœurs chez les jeu
213 ré et de raffinements casuistiques, de conscience dans le mal et de plaisir au drame qui, chez nous, pervertit la vie sexuel
214 llement à l’action des tabous puritains, refoulés dans l’inconscient, et qui se vengent. Les statistiques de crimes sadiques
215 ntent follement de l’exciter tout en le contenant dans de « justes » limites, fixées par le Comité Hays, — le jeune Américai
216 rop faiblement ce terme courant en Amérique, même dans la bouche des prédicateurs qui le dénoncent. 5. Sauf dans le domaine
217 ouche des prédicateurs qui le dénoncent. 5. Sauf dans le domaine intellectuel, où l’on pourrait fort bien soutenir la thèse
9 1947, Articles divers (1946-1948). Journal d’un intellectuel en exil (mars 1947)
218 . — J’ai enfin découvert un « milieu littéraire » dans ce pays. Et ce n’était pas une terrasse de café, ni l’antichambre d’u
219 de vingt à quarante ans dont je retrouve les noms dans les petites revues de l’avant-garde américaine. Peu de gaieté bruyant
220 commercial. Les meilleurs se voient donc relégués dans une opposition sans portée politique, spectateurs irrités de la vie a
221 en au contraire, de rechercher surtout la « vie » dans leurs écrits, avec une sorte de nostalgie à la Lawrence. Ils jugent e
222 t jugent mundane ou irresponsible celui qui évite dans ses écrits les mots en isme, et le langage technique des ismes réputé
223 fragments de mon Journal d’Allemagne ayant paru dans une revue de New York, Upton Sinclair du fond de la Californie alerte
224 r… N’est-ce pas cela, le vrai danger totalitaire, dans un pays où l’opinion gouverne ? La vraie Cinquième Colonne, dans nos
225 l’opinion gouverne ? La vraie Cinquième Colonne, dans nos démocraties, je vous le dis, c’est la paresse d’esprit ! 27 janvi
226 l mène campagne pour l’intervention de l’Amérique dans le conflit. Une petite revue virulente et dense, Christianity and Cri
227 l’inertie des Églises, demeurées isolationnistes dans leur grande majorité. La situation ne m’apparaît pas simple. Si les É
228 ui. Cambridge (Mass.), 18 avril 1941 Quinze jours dans ce refuge de l’esprit, l’Université de Harvard, au milieu de la petit
229 n faubourg de Boston. Le premier soir en arrivant dans ce logis pour étudiants où un ami me prêtait sa chambrette, je trouve
230 lques réfugiés. L’après-midi, on m’emmène en auto dans la campagne, vers les petits lacs secrets de New Hampshire, perdus da
231 les petits lacs secrets de New Hampshire, perdus dans les forêts de bouleaux ; à Concord où j’ai vu la maison d’Emerson, se
232 n d’Emerson, ses chapeaux et ses cannes accrochés dans le hall, la chambre de Thoreau avec son lit qu’il avait fabriqué lui-
233 d’étudiants. « Génie » n’est pas un éloge excité, dans leur bouche : cela se mesure et cela se définit par des signes certai
234 fois qu’elles fassent un pas de trop, et tombent dans le vide, pour peu que leur lecture les passionne. Mercredi des Cendre
235 ’essayais de m’y mettre7. Mais je fuyais partout, dans la rue, dans le monde, au cinéma, sous le moindre prétexte. À deux he
236 m’y mettre7. Mais je fuyais partout, dans la rue, dans le monde, au cinéma, sous le moindre prétexte. À deux heures aujourd’
237 r chez des amis après le dîner. J’entre au hasard dans un petit restaurant, au bas de Madison Avenue. La salle étroite et pr
238 à demi et rient. J’ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez mes amis. Je n’en ai pas d
239 r chez mes amis. Je n’en ai pas de plus charmants dans toute la ville, et je les ai vus presque chaque jour le mois dernier.
240 ire, en général, quand on se trouve à six ou huit dans un salon. Rentré tôt, mais n’ai rien fait qui vaille de toute la nuit
241 nonnes ne sortent plus, ou sont peut-être tombées dans la cour. Des gouttes chargées de suie s’écrasent sur mon papier, la v
242 t un jeune homme devant le vieux prêtre anglican, dans une crypte de pierre nue. Exorciser en moi la part du diable, celle q
243 r. 16 avril 1942, 11 West, 52 th Street Emménagé dans une belle chambre blanche, vaste et carrée. Je me sens rendu au monde
244 s vitrines différemment selon qu’on a de l’argent dans sa poche ou non ! D’abord, on ne regarde pas les mêmes. Ou dans la mê
245 ou non ! D’abord, on ne regarde pas les mêmes. Ou dans la même, on ne voit pas les mêmes objets. Et comme le monde est une v
246 copie devant le micro. Cependant que s’affairent dans la grande salle centrale d’anciens collaborateurs des Nouvelles litt
247 à régir, et le beau nom du sacerdoce à restaurer dans une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique n’est pas son fort. Il y ti
248 . Celle par exemple qui devrait durer trois jours dans une vaste demeure aux portes condamnées, où chaque invité amènerait u
249 us étant costumés et masqués, les propos échangés dans un style rigoureusement pSt. J. Perserescrit , les heures réglées, le
250 heures réglées, le moindre indice de relâchement dans l’attitude ou le langage entraînant des sanctions immédiates. Rendre
251 ique… C’est un rêve de compensation, si l’on voit dans quel cadre nous sommes en train de causer. Trente machines à écrire d
252 mmes en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle, en contrepoint avec deux télétypes, visières vertes aux
253 sse Julien Green, il apporte son texte sur la vie dans les camps d’entraînement. Il a trouvé le moyen de se rendre plus invi
254 ent priés de passer au studio 16 pour l’émission. Dans cinq minutes, au fond d’une campagne française — ce sera déjà la nuit
255 et demie. L’équipe de nuit s’installe sans bruit dans les bureaux presque déserts. Téléphone de Bernstein, il voudrait bien
256 pas pour huit heures ? Quitte à revenir terminer dans la nuit. À deux heures du matin, si tout a bien marché, je monterai c
257 l se refusait à l’interview. À Washington, il vit dans deux petites pièces banales, accueillant un à un, mais longuement, le
258 e bref loisir pour reprendre mon diable abandonné dans un tiroir depuis des mois, et pour en récrire deux chapitres (sur « l
259 r plus conscient que celui de l’enfance retrouvée dans une vacance où le travail lui-même est jeu. Tous les prétextes que le
260 Résistance que la situation se redresse lentement dans le Pacifique : car cela signifie pratiquement un peu plus de bateaux
261 is côtés par des lagunes sinueuses qui s’avancent dans un paysage de forêts et d’îles tropicales. « Je voulais une cabane et
262 écrié Tonio bourru, en pénétrant le premier soir dans le hall. Maintenant, on ne saurait plus le faire sortir de Bevin Hous
263 qui me paraît ce qu’il a fait de plus beau. Tard dans la nuit je me retire épuisé (je dois rentrer pour neuf heures à New Y
264 our neuf heures à New York), mais il vient encore dans ma chambre fumer des cigarettes et discuter le coup avec une rigueur
265 ent en vue d’une transmission directe à la radio. Dans les deux cas, les exigences sont les mêmes. Et elles impliquent le re
266 à plat, à la radio font parasites. Il faut sauter dans le vif d’un sujet, sans précautions de langage ni fausse humilité. Pu
267 éférence à des modèles anciens. (Que de pastiches dans nos lettres modernes !) Bien écrire, c’est régler ses moyens sur la f
268 n les cas. Que serait-ce d’être un grand écrivain dans une langue morte ? Ou dans une langue parlée seulement par une petite
269 être un grand écrivain dans une langue morte ? Ou dans une langue parlée seulement par une petite peuplade dispersée ? Or un
270 çaise moderne, la meilleure justement, s’est mise dans ce cas. Défaut commun à presque tous nos bons auteurs français contem
271 Et c’est le signe de la gloire moderne.) Il entre dans le domaine public, dans la banalité au sens propre du terme (ce qui e
272 gloire moderne.) Il entre dans le domaine public, dans la banalité au sens propre du terme (ce qui est à tous, comme on le d
273 ant cinquante ans.) Bevin House, fin octobre 1942 Dans cette maison d’il y a longtemps, semblable à celles de mon enfance, e
274 Que fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas à pas dans les bois solitaires ? Il se peut qu’on m’envoie bientôt en Afrique du
275 nous étions en exil, et les uns comme les autres dans l’inaccepté, dans la dépossession profonde, dans une mise en question
276 il, et les uns comme les autres dans l’inaccepté, dans la dépossession profonde, dans une mise en question générale au pire
277 dans l’inaccepté, dans la dépossession profonde, dans une mise en question générale au pire moment, à l’heure de moindre ré
278 le même langage au jour de ce retour en France, —  dans quelle France, et dans quelle Europe ? Nous étions soumis à l’érosion
279 de ce retour en France, — dans quelle France, et dans quelle Europe ? Nous étions soumis à l’érosion de l’exil, moins bruta
280 urtant tout ce qu’il restait à défendre par nous, dans l’exil… 6. Quartier du bas de la ville où habitent beaucoup d’écri
281 qui devait paraître à New York à la fin de 1942, dans une première version. La seconde version, élargie, date de 1944. 8.
10 1947, Articles divers (1946-1948). La jeune littérature des États-Unis devant le roman américain (7 juin 1947)
282 e roman américain (7 juin 1947)m Je ne connais dans tout New York qu’une seule vraie terrasse de café, celle du Brevoort,
283 jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son premier roman qui
284 itaire). Un peu plus tard je la revis à Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait amené Golo, le plus jeu
285 t, on composait, on sculptait, on jouait du piano dans toutes les chambres aux portes entrouvertes, et l’on se réunissait po
286 , seul centre de pensée et d’art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. ⁂ Et puis leur nomadisme habituel les a
287 terre ou en Californie, et Carson McCullers était dans une clinique. Un jour je la rencontre dans un train venant du Sud, en
288 était dans une clinique. Un jour je la rencontre dans un train venant du Sud, en route pour une maison de vacances d’écriva
289 Rimbaud.) Elle ne se décante pas, reste immergée dans le symbolisme ambigu des caractères particuliers, des sensations, des
290 age se poursuivent, se rapprochent et se manquent dans une espèce de tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la
11 1947, Articles divers (1946-1948). Drôle de paix (7 juin 1947)
291 (7 juin 1947)l Nouvelles du monde chaque matin dans l’excitante confusion d’un grand journal américain : la juxtaposition
292 eu près les mêmes rapports avec l’état des forces dans le monde qu’un combat de coqs avec le problème de la bombe. Et tout c
293 tement naturel que nos discussions se passionnent dans la mesure où elles s’allègent d’une quantité d’informations encore pl
294 e politique pratique, sérieuse et efficace, sinon dans le cadre planétaire. Hitler et le Japon l’ont démontré par leur échec
295 un écrivain comique, un journal libre, une phrase dans le discours de quelque Américain, un diplomate qui prend l’air à sa f
296 ons de ses sujets n’avait trahi tant d’insécurité dans ses réactions extérieures, tant de nervosité à l’égard de la critique
297 s principes de son way of life, qui se confondent dans son esprit avec la santé même du genre humain, le bon sens et la démo
298 bre. Si l’Amérique sentait son idéal mieux assuré dans ses propres foyers elle serait tentée d’abuser de ses avantages actue
299 rce que les Russes sans elle resteraient enfermés dans les cloisons étanches de leur autarcie politique ; parce que l’Europe
300 que l’Europe sans elle s’enfoncerait encore plus dans sa névrose de scepticisme et de retrait. Elle se renforcera au cours
301 ougemont Denis de, « Drôle de paix », Une Semaine dans le monde, Paris, 7 juin 1947, p. 1 et 6.
12 1947, Articles divers (1946-1948). Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit : « C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)
302 préparent à porter le titre de docteur et vivent dans des châteaux néo-gothiques pleins de salles de bains : c’est l’une de
303 , Albert Einstein. Je suis allé lui rendre visite dans une maison de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’arbres ple
304 ées d’urgence des recherches sur l’arme atomique. Dans cette petite maison naquit le nouvel âge. Le voici soudain devant moi
305 e le trouve plutôt petit, massif, la tête rentrée dans des épaules épaisses. Il porte un chandail bleu très ample, un pantal
306 use n’en est que trop claire. La Russie sait que, dans le jeu actuel, elle est le partenaire le plus faible. Elle s’oppose d
307 e les autres proposent. Elle soupçonne une menace dans chacun de nos mouvements. C’est fatal. Et cela durera tant qu’elle no
308 sujet de n’importe quoi qui se passe aujourd’hui dans leurs frontières. Je vous le répète, ce qui domine la situation prése
309 » et le monde… La nuit est venue. Nous passons dans un petit salon bien bourgeois, bien en ordre. Voici le piano sur lequ
310 e qu’il a contribué plus que nul autre à susciter dans notre siècle ? Je tourne autour de la question. Mais soudain, Einstei
311 la machine militaire restera prête à fonctionner dans tous les grands pays, les plans de ce genre seront sans efficacité. C
13 1947, Articles divers (1946-1948). Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)
312 ée de conférences sur la Suisse. J’y allais aussi dans l’intention de faire jouer mon oratorio Nicolas de Flue , dont Honeg
313 mois seulement, et je compte m’installer à Ferney dans quelques jours. Avez-vous beaucoup écrit pendant ce « temps de pénite
314 rgé d’établir un rapport sur la conscription. Or, dans ses conclusions, ce comité s’est prononcé pour la conscription, parce
315 ilité de créer un État fédéral. Comme je l’ai dit dans ma conférence de mardi soir, ce qui étonne tous les historiens de not
316 llait de soi. Notez bien que ce sentiment suisse, dans les années précédant 1848, était informulé, et qu’il a fallu la campa
14 1947, Articles divers (1946-1948). L’attitude fédéraliste (octobre 1947)
317 arer les valeurs spirituelles et leur incarnation dans les réalités humaines. J’essaierai donc de définir l’esprit fédéralis
318 ouvons les observer et les contrôler de très près dans une expérience bien connue : celle de la Confédération helvétique. To
319 te responsabilité vis-à-vis de la communauté. Car dans ce cas, notre jardin nous suffirait. Mais nous n’en parlerions pas no
320 intégralement sans se trouver engagé du même coup dans le complexe social. Et aux collectivistes, nous rappelons que les con
321 outissent pas à rendre chaque individu plus libre dans l’exercice de sa vocation. L’homme est donc à la fois libre et engagé
322 t engagé, à la fois autonome et solidaire. Il vit dans la tension entre ces deux pôles : le particulier et le général ; entr
323 à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le débat créateur, le dialogue permanent, c’est la person
324 mocratique tendant vers l’anarchie, et débouchant dans le désordre, lequel prépare toujours la tyrannie. À l’homme considéré
325 me personne, à la fois libre et engagé, et vivant dans la tension entre l’autonomie et la solidarité, correspond le régime f
326 t du collectivisme : ces deux extrêmes, eux, sont dans le même plan, se conditionnent et s’appellent l’un et l’autre. C’est
327 orme ou sous une autre, une constitution commune. Dans cette vue, la Suisse moderne serait une sorte de « bon exemple » à su
328 rée, et en dépit d’une opposition très importante dans la population, doublée d’un scepticisme assez général chez les gens o
329 n’existeraient pas sans celle-là. C’est pourquoi, dans notre tentative de définir l’idée fédéraliste en soi, nous ferons bie
330 oublier serait se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de la vie politique suisse i
331 é raison. Le véritable fédéralisme ne consiste ni dans la seule union des cantons, ni dans leur seule autonomie. Il consiste
332 e consiste ni dans la seule union des cantons, ni dans leur seule autonomie. Il consiste dans l’équilibre continuellement ra
333 antons, ni dans leur seule autonomie. Il consiste dans l’équilibre continuellement rajusté entre l’autonomie des régions et
334 ’autonomie des régions et leur union. Il consiste dans la composition perpétuelle de ces deux forces de sens contraire, en v
335 e la Suisse, devise paradoxale ou « dialectique » dans sa forme : « Un pour tous, tous pour un. » En effet, « Un pour tous »
336 deux partis que le fédéralisme véritable n’est ni dans l’une ni dans l’autre de ces tendances, mais bien dans leur co-existe
337 e le fédéralisme véritable n’est ni dans l’une ni dans l’autre de ces tendances, mais bien dans leur co-existence acceptée,
338 l’une ni dans l’autre de ces tendances, mais bien dans leur co-existence acceptée, dans leur dialogue, dans leur tension féc
339 ances, mais bien dans leur co-existence acceptée, dans leur dialogue, dans leur tension féconde. ⁂ Lorsqu’on lit les anciens
340 s leur co-existence acceptée, dans leur dialogue, dans leur tension féconde. ⁂ Lorsqu’on lit les anciens historiens suisses,
341 r de l’heure présente, pour la Suisse, je le vois dans ce fait qu’elle doit se formuler. Elle doit dire ce qui allait sans d
342 d’un réseau de pactes bilatéraux en fut un autre. Dans les deux cas, le sentiment fédéraliste fut promptement détourné au pr
343 ment ne cessait pas de croître et de se renforcer dans la plupart des peuples. La guerre dont nous sortons à peine est venue
344 eux qui me paraissent applicables, immédiatement, dans l’état présent de l’Europe. Premier principe. — La fédération ne peu
345 se sont ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrès. Lors de la dernière
346 ndiale. L’échec de Napoléon, puis celui d’Hitler, dans leurs tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont des avertisseme
347 nt des avertissements utiles, ils nous confirment dans l’idée qu’on ne peut pas atteindre la fin, qui est l’union, par des m
348 ’il s’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisième principe. — Le fédéralisme ne connaît pas de prob
349 osaient. Il y a totalitarisme (au moins en germe) dans tout système quantitatif ; il y a fédéralisme partout où c’est la qua
350 : le totalitaire voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est q
351 pter pour autant, voire pour plus qu’une majorité dans certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente une qualité irrempl
352 respect des qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’élection du Conseil des États, mais surtout, et d’une maniè
353 surtout, et d’une manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politique et culturelle, où l’on voit la Suiss
354 res. La richesse de la Suisse par exemple, réside dans ses diversités jalousement défendues et maintenues. De même, la riche
355 on propre, irremplaçable, comme celle d’un organe dans un corps. Or la vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun
356 les nations de l’Europe arrivaient à se concevoir dans ce rôle d’organes divers d’un même corps, elles comprendraient que le
357 eur valeur propre. Elles comprendraient aussi que dans une fédération, elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire
358 vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Cinquième p
359 and Jakob Burckhardt annonçait la venue dès 1880, dans une lettre prophétique, ceux qu’il appelait les « terribles simplific
360 st clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin, ou totalitaire, brimeraient nécessaireme
361 ent à réduire leur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dimensions la personne même de ceux qui s’y rattache
362 un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qu
363 ’est dire qu’il nous faut aller vite. ⁂ Il n’y a, dans le monde du xxe siècle, que deux camps, deux politiques, deux attitu
364 che et la droite, devenues presque indiscernables dans leurs manifestations. Ce ne sont pas le socialisme et le capitalisme,
365 t devant elle, sont secondaires ou illusoires, ou dans le meilleur des cas lui sont subordonnées. Les principes du fédéralis
366 gereux seulement parce qu’il triomphe aujourd’hui dans une dizaine de pays et progresse plus ou moins rapidement dans tous l
367 ine de pays et progresse plus ou moins rapidement dans tous les autres ; mais surtout parce qu’il nous guette tous, à l’inté
368 notre vocation. Nous n’arriverons à rien de bon, dans nos efforts et nos débats pour promouvoir l’Europe unie, si nous ne r
369 gouvernements ont un penchant marqué à persévérer dans leur être, et même à lui survivre aussi longtemps que possible avec l
370 ’appui de la police. Or l’être des gouvernements, dans le monde actuel, c’est la souveraineté absolue. Tous les États-nation
371 leur fonction leur interdit de céder un pouce, et dans l’état présent de l’opinion et des rivalités des partis, ils courraie
372 bsurdes mais techniques. Il faut donc les pousser dans le dos, voilà qui est clair, pour qu’ils acceptent un jour de renonce
373 Et c’est l’agitation de l’opinion et des peuples dans toute l’Europe qui les poussera. De cette agitation, que je voudrais
374 de Montreux, qui fédérait tous les fédéralistes, dans la conviction sobre et ferme que, cette fois-ci, on ne nous laisserai
15 1947, Articles divers (1946-1948). La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)
375 La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)e Le problème me pa
376 e qu’elle a encore un bel avenir — en URSS. Voyez dans quels termes les Soviets dénoncent la « morale déliquescente » des ro
377 ualité. En fait, je ne connais pas une seule loi, dans un seul pays ou un seul temps, qui ait jamais condamné l’amour comme
378 s condamné l’amour comme tel, ou l’ait même nommé dans un code. De quoi donc voudrait-on le libérer ? L’amour a toujours été
379 les temps sont avec vous pour affirmer la Liberté dans l’Amour et par l’Amour. Cet idéal n’est pas seulement « souhaitable »
380 ans, la dictature policière. Cela s’est vu. C’est dans cette dégradation « dialectique » apparemment inévitable3, que réside
381 0 pages serrées pour en esquisser une, partielle, dans L’Amour et l’Occident .) Quant au problème sexuel, c’est une tout au
382 sexuel, c’est une tout autre affaire. La liberté dans la sexualité, nous en jouissons et nous en souffrons plus que toute a
383 iques déclaraient un beau jour en tous termes que dans ce domaine-là tout est permis, on sentirait à peine la différence. Si
384 les autres. D’une manière générale, les sanctions dans le domaine sexuel sont négligeables parmi nous, si on les compare à c
385 erser une frontière sans visa, le refus de servir dans l’armée, la fraude fiscale, ou certaines opinions politiques même non
386 iétés qui lapidaient les adultères, prescrivaient dans le détail les mariages licites (exogamie, lévirat, sororat, etc.), fa
387 érale ne toléraient aucune fantaisie individuelle dans ce domaine. C’est précisément l’existence — et non l’absence de la li
388 e au contraire, comme je le fais, que nous vivons dans le chaos, l’amertume et la contradiction, il nous faut rétablir une é
389 héologiens. e. Rougemont Denis de, « La liberté dans l’amour », L’Âge d’or, Paris, novembre 1947, p. 48-50. f. Syntaxe fa
16 1947, Articles divers (1946-1948). La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)
390 plus désespérée qu’un Américain ait encore puisée dans son pays » ; 2° Truman veut asservir l’Europe au dollar ; 3° Donc Tru
391 ction typiquement totalitaire que ce qu’on publie dans un pays donné ne peut et ne doit servir que le parti au pouvoir. Ains
392 d’écrire que Henry Miller a puisé son désespoir «  dans son pays » : c’est la vie de Montparnasse entre les deux guerres que
393 et les arguments de L’Humanité proprement balayés dans le ruisseau, auquel nous laisserons le soin de les conduire à leur co
394  reste toute la question de la culture américaine dans ses rapports avec « l’esprit », pour parler comme les communistes. Le
395 sier n’ajouteraient rien que l’on ne sache. Comme dans tous les pays où l’entreprise est libre, mais plus que chez nous, par
396 z nous, parce que l’Américain n’est pas hypocrite dans ce domaine, les éditeurs de livres et de revues demandent avant tout
397 ra, sans chicaner sur le sens exact du mot esprit dans ce contexte. Mais la question n’est pas si simple. Car après tout, c’
398 ce qui s’écrit chez nous. Et que lui donne-t-on, dans le fait ? D’excellents articles sur l’hygiène, les sciences, les mœur
399 ’optimisme, et une confiance sérieusement motivée dans les destins de l’Amérique. Nous voici loin des « turpitudes » et de l
400 ésignation morbide dénoncées par L’Humanité. Mais dans la mesure même où ces digests sont des écoles de simplisme béat au se
401 iétique, au contraire, force carrément l’opinion, dans le sens d’une théorie tactique qui change d’ailleurs tous les six moi
402 t les proportions. Pour L’Humanité tout se résume dans le pessimisme de Miller, dont le succès, je l’ai montré, loin d’être
17 1947, Articles divers (1946-1948). Une Europe fédérée (20 décembre 1947)
403 place qu’elle tient encore ou ne tient déjà plus dans le monde actuel… Mais puisqu’on m’invite aujourd’hui à développer ce
404 s faits La fédération de l’Europe est inscrite dans les faits les plus neufs de ce siècle, les uns techniques, les autres
405 r sa propre science. L’homme moderne pense encore dans le cadre des nations, quand le jeu des forces réelles est internation
406 s divisions. Aujourd’hui les deux Grands ont paru dans leur force : tout se passe en dehors de nous, tout nous menace ensemb
407 . Notre vocation Qu’aurons-nous donc à dire dans cette conversation une fois les pistolets déposés sur la table ? Deux
408 . L’un est collectiviste, l’autre individualiste. Dans notre immense majorité nous refusons le premier, nous nous méfions du
409 qui ne représente qu’un quart du corps électoral dans les pays où il est le plus fort, et qui ne peut faire notre unité que
410 té que sur nos ruines, par l’occupation russe, et dans les camps. À l’égard de l’Amérique notre refus, pour être beaucoup mo
411 économique nous trouvait complaisants ou serviles dans le domaine des mœurs et de la culture elle y perdrait autant que nous
412 américaines. Un régime qui traduise en politique, dans l’économie et les mœurs, l’idée de l’homme commune aux peuples de l’E
413 ce qu’il doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans tous nos pays les meilleures têtes, j’entends les moins sectaires et
414 ue qu’un tel programme soit si clairement inscrit dans les données du siècle et si lisible aux meilleures volontés qu’il ne
415 oute souveraineté nationale, qu’ils se cantonnent dans le double refus de l’Amérique et de la Russie, qu’ils y ajoutent un t
416 mener qu’à accepter par force ce qu’on a combattu dans la faiblesse au nom de rien. Mais où est la grande affirmation centra
417 ts de races, de langues et de religions sclérosés dans le nationalisme et le problème des minorités. Et surtout il peut dép
418 ous ordres (politiques aussi bien qu’économiques) dans un corps, non dans un carcan. Ce qui est la politique par excellence,
419 ues aussi bien qu’économiques) dans un corps, non dans un carcan. Ce qui est la politique par excellence, n’en déplaise aux
420 ont Denis de, « Une Europe fédérée », Une Semaine dans le monde, Paris, 20 décembre 1947, p. 1-2.
18 1948, Articles divers (1946-1948). Notes sur la voie clandestine (hiver 1948)
421 l’attention sur cet obstacle tant de fois refusé dans un écart désarçonnant : qu’est-ce que le destin d’un homme, — mon des
422 arque en secret sur l’hélice. Avant l’heure H, ou dans l’attente d’un amour, quelque cérémonie te disposera dans le fil de t
423 ttente d’un amour, quelque cérémonie te disposera dans le fil de ta chance ou la cadence de ta grâce. Le risque et l’isoleme
424 e en épousant un rythme errant. Désormais j’entre dans l’incomparable, où la piste se crée sous les pas qui la suivent. (Par
425 nnue, où que j’arrive, je me perdrais en route.) Dans l’insignifiance d’une vie où l’argent et la guerre sont seuls à organ
426 la Neuvième Rue, justement — s’il y pense, il est dans le jeu. Dans un état signifiant et rythmé. Il ne voit plus l’échelle
427 ue, justement — s’il y pense, il est dans le jeu. Dans un état signifiant et rythmé. Il ne voit plus l’échelle ni le chat no
428 u’elle résout sa dissonance intime et l’introduit dans l’harmonie de son destin. Cherchant ce qui ne vibre qu’à lui-même et
429 es grands appareils suivent une route en do dièse dans la nuit des hauteurs. ⁂ Que chacun donc découvre ses symboles et la v
430 ie, celui qui pourrait en créer un seul nouveau ! Dans les jeux, rêves de la conscience, et dans les rêves, jeux de l’incons
431 uveau ! Dans les jeux, rêves de la conscience, et dans les rêves, jeux de l’inconscient, on a vite fait d’en dresser le cata
432 ignes que j’accueille ont bien des chances d’être dans la complicité de mon exigence secrète. C’est elle, au vrai, qui les c
433 D’autre part, il se peut que ces signes baignent dans une réalité profonde, celle du mythe, à quoi s’ordonnent les hasards
434 ins affleurements. Ainsi d’ailleurs font ceux qui dans le doute se réfèrent à leur tradition, aux coutumes ancestrales, aux
435 ené… » Le superstitieux va loin, s’il est grand : dans la voie de l’incomparable, il va jusqu’au bout de lui-même. ⁂ Erreur
436 a main… Il se débat, et pour un peu, m’entraînait dans sa mort naissante. » Poésie et superstition : elles ont mêmes lois, m
19 1948, Articles divers (1946-1948). Rencontre avec Denis de Rougemont (janvier 1948)
437 s Éditions Gallimard. C’est là, au dernier étage, dans un petit bureau étroit et blanc comme une cellule de moine, tout embr
438 bonnes feuilles du Cheval de Troie, et m’entraîne dans un bar voisin. Musique en sourdine, lumières tamisées, ronronnement d
439 umières tamisées, ronronnement des conversations. Dans un coin ombreux, Jean-Paul Sartre, Koestler et Simone de Beauvoir s’e
440 épais, la mâchoire forte, peut-être, le croisant dans la rue, l’aurais-je pris pour un homme dur et violent. Mais, à l’ente
441 rs de l’entrée de Hitler à Paris, je fis paraître dans la Gazette de Lausanne un article qui me valut d’être condamné à qu
442 où il respira une « paix claustrale ». C’est là, dans « ce cadre trop parfait, cette ambiance d’innocence, de sports et d’o
443 et désirait me connaître. Je me rendis chez lui, dans une maison de bois jaune entourée de gazon, de fleurs et d’arbres ple
444 blancs en auréole. Il me fit asseoir près de lui dans un fauteuil de jardin, et nous nous mîmes à parler de l’Amérique, de
445 ats-Unis. Il leur a consacré de nombreux articles dans des journaux et des revues de France et de Suisse — articles qu’il a
446 que. Il me répond : La littérature américaine est dans un certain sens plus saine que la nôtre. Les disputes autour de l’eng
447 gemont poursuit : Ce qui m’a le plus étonné, ici, dans la littérature, c’est qu’elle soit aujourd’hui encore représentée par
448 ents. La musique s’est tue. Les tables se vident. Dans ce bar souterrain règne toujours la même pénombre crépusculaire. Nul
449 sser leurs frontières. Bien souvent, ce n’est pas dans leur pays d’origine qu’ils rencontrent le plus large accueil. Ils son
450 r lui, c’est la qualité, et non la quantité comme dans le totalitarisme) ; il a pour base la sauvegarde des qualités propres
451 es soient représentées. Je vous le répète ; c’est dans la mesure où toutes les aspirations pourront s’exprimer que le fédéra
452 r. Nous faisons encore, côte à côte, quelques pas dans la rue. La nuit est tombée ; les passants se hâtent de rentrer. Bient
20 1948, Articles divers (1946-1948). Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)
453 compare le rôle de l’URSS et celui des États-Unis dans notre monde : c’est que nous avons chez nous un parti stalinien, qui
454 aison-Blanche. Autrement dit, l’URSS est présente dans toute l’Europe aux élections et dans les parlements, elle a ses troup
455 est présente dans toute l’Europe aux élections et dans les parlements, elle a ses troupes disciplinées, elle fait sa politiq
456 oupes disciplinées, elle fait sa politique jusque dans nos communes : tandis que les USA n’ont que des sympathies, point de
457 s veulent forts, donc autonomes. Les communistes, dans chaque pays, sabotent notre reconstruction, les Américains la finance
458 aindre d’une inégalité de salaires sans précédent dans les pays capitalistes. En Amérique, les ouvriers se mettent en grève
459 A, non pas en URSS. Enfin, l’on me dira qu’il y a dans les deux camps des opprimés, de la misère et des scandales. Certes, m
460 t le tout un rideau de fer, la Russie est un bloc dans tous les sens du terme. Mais l’Amérique n’en est pas un, elle qui vis
461 ne pouvons pas répondre en nous jetant simplement dans les bras de l’Amérique. Non seulement nous ne le devons pas, mais c’e
462 herche à nous aider pour que nous ne tombions pas dans le piège grossier que nous tendent les Russes : c’est là son intérêt
21 1948, Articles divers (1946-1948). Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)
463 -on qu’elle était Américaine ? À l’époque, on vit dans ce trait une exagération de l’esprit français. À lire les plaintes ou
464 égés) pour que l’on soit contraint de reconnaître dans l’entreprise des éditeurs modernes la suite d’une longue tradition bi
465 es tragédies à la française », dit encore Lanson. Dans Hamlet, il supprime le fameux monologue, les comédiens, la pantomime,
466 autres détails qui blessent inutilement le goût. Dans Othello, il supprime Jago, et l’action « s’expédie en vingt-quatre he
467 bres de grandes œuvres littéraires « condensées » dans leur propre langue. On connaît la fortune des Lamb’s Tales qui sont d
468 e intrinsèque, que le Roman de Tristan et Yseult, dans la version de Joseph Bédier : condensation en prose et en un volume d
469 e Béroul (4485 vers). Vous trouverez sans peine, dans n’importe quelle histoire de la littérature française, de quoi triple
470 on chez les critiques, ni rencontré pareil succès dans le grand public, s’il n’eût pas été présenté comme américain d’origin
471 reste, ces « condensés » sont très loin de jouer dans l’édition américaine le rôle exorbitant que nous leur attribuons, et
472 i Shakespeare et Goethe, Cervantès et Dostoïevski dans des versions réduites, émondées, aplaties. Mais ils sursautent dès qu
473 même, pendant que j’y suis, que ce qui me choque dans l’entreprise des éditeurs français de « condensés », c’est qu’ils acc
474 e Procès de Kafka, quand Barrault le met en scène dans la version dialoguée d’André Gide, tirée d’une traduction de Vialatte
475 ’il faut un raccord ici ou là, qu’ils l’impriment dans un autre caractère ; qu’ils avertissent bien clairement le lecteur qu
476 in de renvoyer aux éditions complètes de l’œuvre, dans tous les cas où il est possible de se les procurer chez le libraire.