1 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
1 glise, par son culte, est la mère de presque tous nos arts. La musique est née dans le chœur des églises et des chapelles d
2 ns les nefs, et autour des architectures sacrées. Nos premiers rythmes poétiques ont été propagés par le latin d’église. Et
3 de telles origines. Or le lien de filiation entre nos disciplines de pensée et la théologie, pour être moins généralement r
4 s du jeune Marx sur la dialectique hégélienne. De nos jours, le vocabulaire technique s’est transformé, les références aux
5  » leurs sermons. Ce n’est pas la littérature qui doit prêter secours à la Parole de Dieu, mais c’est le contraire. S’il arr
6 riques depuis longtemps colonisées. Qui voudrait nous écrire une histoire des principales écoles modernes d’un point de vue
7 de vue strictement théologique ? Une histoire qui nous montrerait non seulement ce que les écrivains, à leur insu, doivent à
8 non seulement ce que les écrivains, à leur insu, doivent à l’atmosphère religieuse de leur époque, mais surtout comment ils pâ
9 auteurs du Tristan, d’où sont issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’hérésie manichéenne, et l’ont ainsi fait
10 ie manichéenne, et l’ont ainsi fait vivre jusqu’à nous et parmi nous, bien que vulgarisée et déprimée au point d’en devenir
11 , et l’ont ainsi fait vivre jusqu’à nous et parmi nous , bien que vulgarisée et déprimée au point d’en devenir méconnaissable
12 et tant à dire sur la renaissance endémique, dans nos écoles d’avant-garde, des déviations les plus connues du mysticisme,
13 jouent, aux yeux de beaucoup et des meilleurs de nos contemporains, le rôle d’une spiritualité ardente et courageuse. Pour
14 le théâtre et le lyrisme élisabéthains ; et parmi nous , la renaissance notable d’une poésie d’inspiration religieuse en Fran
15 . 10. Une critique théologique de la littérature devra mettre en garde son public contre l’illusion courante qui consiste à
16 mais ceux qui font la volonté de mon Père… » que nous devons prendre au sérieux. Faire la volonté de Dieu, en écrivant, ce
17 ceux qui font la volonté de mon Père… » que nous devons prendre au sérieux. Faire la volonté de Dieu, en écrivant, ce n’est p
2 1946, Articles divers (1946-1948). Le supplice de Tantale (octobre 1946)
18 t à sa peur. Il est cet homme qui, dans chacun de nous , préfère le désir, même douloureux d’avoir été mille et mille fois dé
19 e empereur est mort le jour du couronnement. Tous nos succès, tous nos actes sans doute, sont ainsi à quelque degré des mod
20 rt le jour du couronnement. Tous nos succès, tous nos actes sans doute, sont ainsi à quelque degré des modifications de not
21 , sont ainsi à quelque degré des modifications de notre identité, des aliénations de nous-mêmes. À la limite, ils sont autant
22 , dans le registre de l’humour profond, reproduit notre fable grecque, mais la conduit à une heureuse fin. L’oncle van der Ka
3 1946, Articles divers (1946-1948). Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)
23 ous les journaux en ont abondamment parlé, ce qui nous dispense d’y revenir en détail. Mais nous avons tenu à recueillir les
24 ce qui nous dispense d’y revenir en détail. Mais nous avons tenu à recueillir les impressions de M. Denis de Rougemont, l’u
25 les impressions de M. Denis de Rougemont, l’un de nos plus brillants essayistes, dont la conférence, en l’aula de l’Univers
26 ste l’esprit européen : dans la libre discussion, nous confie Denis de Rougemont. La liberté d’opposition est typiquement eu
27 ement, je regrette qu’aucun Russe n’ait répondu à notre invitation. Heureusement, nous avons eu Lukács, et je vois mieux main
28 e n’ait répondu à notre invitation. Heureusement, nous avons eu Lukács, et je vois mieux maintenant quelles questions j’aura
29 Votre démocratie est plus formelle que celles de nous tous. Nous, nous acceptons de n’être pas complètement démocratisés ;
30 cratie est plus formelle que celles de nous tous. Nous , nous acceptons de n’être pas complètement démocratisés ; vous, vous
31 est plus formelle que celles de nous tous. Nous, nous acceptons de n’être pas complètement démocratisés ; vous, vous ne l’a
32 as. Ouvrez vos frontières. Vous pouvez venir chez nous . Vous refusez ? Nous ne demandons qu’à comprendre. C’est à quoi, d’ai
33 ères. Vous pouvez venir chez nous. Vous refusez ? Nous ne demandons qu’à comprendre. C’est à quoi, d’ailleurs, nous espérons
34 andons qu’à comprendre. C’est à quoi, d’ailleurs, nous espérons parvenir lors des prochains entretiens de Genève. À conditio
35 s prochains entretiens de Genève. À condition que nous ayons plus de contacts personnels entre représentants des différents
36 tre représentants des différents pays. » … Notez, nous dit encore Denis de Rougemont, que je passe pour un homme de gauche d
37 s à la liberté. On le voit, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’esprit européen s’inspire d’une grande liberté et d’une
38 st le totalitarisme qui sévit. Denis de Rougemont nous dit encore quel éloge enthousiaste tous les participants ont fait de
39 ienne une sorte de Salzbourg intellectuel, ajoute notre interlocuteur. Tout le monde insiste pour cela ; parce que la Suisse
40 nom d’un peuple, mais d’un réel esprit européen. Nous ne sommes pas une nation, nous sommes une confédération, donc bien pr
41 l esprit européen. Nous ne sommes pas une nation, nous sommes une confédération, donc bien préparés et prédisposés pour une
4 1947, Articles divers (1946-1948). Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)
42 parler ici d’une « expérience romanesque », comme nous parlons depuis vingt ans d’une « expérience poétique ». L’exemple des
43 ce dernier leur fait dire des bêtises, c’est pour nous inciter à mépriser l’erreur ou la bassesse d’une classe qu’ils représ
44 pports. Leurs dialogues sont de courts essais qui nous conduisent par un léger détour aux conclusions décidées par l’auteur.
45 la première, je puis dire après coup que j’aurais trouver une clé dans cette lettre d’un sourd-muet à son ami devenu fo
5 1947, Articles divers (1946-1948). La lutte des classes (1947)
46 lise, mais pourquoi pas ? S’il me fallait décrire nos petits déplacements du point de vue de l’usager moyen, je dirais que
47 voire prévenante, qui fait la force principale de notre régime fédéral. Revenant en Suisse après sept ans d’absence, l’été de
48 par ce trait national — le seul sans doute, chez nous , qui mérite l’adjectif —, je me disais : « C’est notre force, et ce s
49 , qui mérite l’adjectif —, je me disais : « C’est notre force, et ce sera peut-être un jour, au dernier jour — car les plus b
50 res du monde ont une fin — la faiblesse fatale de notre État : cette habitude de nous sentir en règle, donc de nous croire pr
51 aiblesse fatale de notre État : cette habitude de nous sentir en règle, donc de nous croire protégés par toutes les lois div
52 : cette habitude de nous sentir en règle, donc de nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines, comme si le
53 es lois divines et humaines, comme si le monde où nous vivons était fait à notre mesure, comme si l’humanité où nous plongeo
54 es, comme si le monde où nous vivons était fait à notre mesure, comme si l’humanité où nous plongeons se conformait aux règle
55 était fait à notre mesure, comme si l’humanité où nous plongeons se conformait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d
56 il respire naturellement l’honnêteté, tendrait à nous faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des citoye
57 , lubrique, rapace, irresponsable et affamée ; et notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespea
58 ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand ils paraissent, phénomènes hautement improbables,
59 les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand ils paraissent, phénomènes hautement improbables, très
60 arement observés sur la planète, et que la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les oreilles du train-tra
61 e la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les oreilles du train-train de nos corruptions. Donc les Su
62 u de nous rebattre les oreilles du train-train de nos corruptions. Donc les Suisses que je vois en IIIe classe offrent l’i
63 trangers sensibles lorsqu’ils prennent place dans nos trains locaux ? L’expérience de la vie new-yorkaise, où personne ne v
64 Tout se passe en somme, inconsciemment, comme si notre système de sécurité devait être à chaque instant vérifié, mis au poin
65 nconsciemment, comme si notre système de sécurité devait être à chaque instant vérifié, mis au point, méticuleusement nettoyé
66 ux monsieur en noir, au col rond, dur et haut, ce doit être un évêque anglican, somnole. En face de lui, la beauté même, « ô
6 1947, Articles divers (1946-1948). Les maladies de l’Europe (1947)
67 de, semblaient dire : « Me voilà, c’est ainsi, tu devais t’y attendre, compte mes rides, et si tu veux m’aimer, regarde bien d
68 ariable et le plus naturel. Je vais donc regarder notre Europe et j’éviterai de faire du sentiment puisque aussi bien tout se
69 hâte de lui demander : « Et maintenant, qu’allons- nous faire ensemble ? » ⁂ L’Europe a mauvaise mine, il faut l’avouer. Avan
70 rute, et son point de vue, c’est que la brutalité doit toujours triompher ; l’autre est un parfait gentleman qui croit que l
71 ant le gagnant se relève : il se trouve que c’est notre gentleman de tout à l’heure, mais le voilà méconnaissable, le visage
72 La lutte contre les forces qu’il incarnait devant nous a réveillé ces forces parmi nous. L’Europe a été façonnée par le judé
73 incarnait devant nous a réveillé ces forces parmi nous . L’Europe a été façonnée par le judéo-christianisme, par la notion gr
74 chez les « nazis », chez les méchants, en face de nous , ressurgit aujourd’hui chez nous et dans nos mœurs — avec moins de vi
75 ants, en face de nous, ressurgit aujourd’hui chez nous et dans nos mœurs — avec moins de virulence, peut-être, c’est-à-dire
76 de nous, ressurgit aujourd’hui chez nous et dans nos mœurs — avec moins de virulence, peut-être, c’est-à-dire d’une manièr
77 philosophes, cependant, combattaient, passée dans notre siècle à l’action politique au lendemain de la révolution russe, puis
78 révèle enfin dans toute son étendue réelle, sous nos yeux. On doit considérer comme liquidée, au sens le plus récent de ce
79 dans toute son étendue réelle, sous nos yeux. On doit considérer comme liquidée, au sens le plus récent de ce terme, l’illu
80 cuper, sans coup férir, d’importantes sections de nos élites. D’autres symptômes d’un mal profond, dont l’hitlérisme fut la
81 igeant qui attaquait, est en train d’avorter sous nos yeux, et pas un résistant ne me contredira. Des habitudes prises dans
82 ois et naïvement machiavéliques, entretient parmi nous la méfiance, des rancunes séculaires, d’absurdes vanités locales, mai
83 se voit acceptée comme fatale, se voit nourrie de nos passivités. Voilà ce qu’on nous prépare à droite comme à gauche, avec
84 se voit nourrie de nos passivités. Voilà ce qu’on nous prépare à droite comme à gauche, avec cette minutie sourde et aveugle
85 et Huizinga, se soit généralement substituée dans nos esprits à l’idée de progrès automatique. Née d’analyses et de pressen
86 tomatique. Née d’analyses et de pressentiments de nos défaillances internes, elle se voit confirmée et comme objectivée par
87 . Ce sont eux qui ont gagné la guerre, et non pas nous . Ce sont eux qui ont repris en charge le progrès et la foi au progrès
88 ris en charge le progrès et la foi au progrès. Et nous restons avec l’héritage d’une défaite, notre conscience inquiète et f
89 s. Et nous restons avec l’héritage d’une défaite, notre conscience inquiète et fatiguée, notre scepticisme lucide… ⁂ Il se pe
90 e défaite, notre conscience inquiète et fatiguée, notre scepticisme lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’Europe que je v
91 aire. Je n’ignore pas que l’autodénigrement, chez nous autres Européens, se confond trop souvent avec le sens critique. Je n
92 cependant un fait qui ne dépend à aucun degré de nos estimations ou jugements subjectifs : c’est que la situation de l’Eur
93 rgissait sur tous les autres continents. L’Europe nous semblait donc plus grande qu’elle n’était. D’où l’effet de choc que p
94 n’était. D’où l’effet de choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’autre guerre, la phrase fameuse de Valéry
95 , moralement refermée sur elle-même. Il y a plus. Nous voyons l’Europe comme vidée, au profit de ces deux empires, de certai
96 sol, et qui semblaient parfois définir son génie. Notre rêve du progrès par exemple — j’y faisais allusion tout à l’heure — s
97 et la Russie. C’est une notion qui s’étiole chez nous d’autant plus vite qu’elle grandit mieux ailleurs, chez les voisins o
98 mme si l’excès où ils la portent et l’abus qu’ils nous semblent en faire nous dégoûtaient de son usage normal. Ainsi de bien
99 a portent et l’abus qu’ils nous semblent en faire nous dégoûtaient de son usage normal. Ainsi de bien d’autres notions ou de
100 notions ou de bien d’autres mythes engendrés par nos œuvres. Ainsi de nos techniques industrielles, de nos machines, et de
101 ’autres mythes engendrés par nos œuvres. Ainsi de nos techniques industrielles, de nos machines, et de nos armes. Pendant d
102 œuvres. Ainsi de nos techniques industrielles, de nos machines, et de nos armes. Pendant des siècles d’expansion irrésistib
103 techniques industrielles, de nos machines, et de nos armes. Pendant des siècles d’expansion irrésistible, impérialiste ou
104 rveillées, a grandi hors de toutes proportions et nous apparaît aujourd’hui étrange, inhumain, menaçant. Ces notions et ces
105 inhumain, menaçant. Ces notions et ces mythes qui nous reviennent d’outre-Atlantique ou d’outre-Oder, nous refusons d’y reco
106 us reviennent d’outre-Atlantique ou d’outre-Oder, nous refusons d’y reconnaître nos enfants. Leur exil en a fait des monstre
107 ue ou d’outre-Oder, nous refusons d’y reconnaître nos enfants. Leur exil en a fait des monstres à nos yeux. Pourtant le cap
108 e nos enfants. Leur exil en a fait des monstres à nos yeux. Pourtant le capitalisme industriel et le libéralisme politique,
109 is religieuse. Tout vient d’Europe, tout cela fut nôtre à l’origine. Mais alors, comment et pourquoi ces créations européenne
110 e gigantesque ? Pourquoi n’ont-elles produit chez nous ni tout leur bien, ni tout leur mal ? C’est qu’en Europe, elles se tr
111 s sans frein ni contrepoids. Le capitalisme, chez nous , n’a jamais pu donner son plein, parce qu’il était sans cesse bridé e
112 capitalisme et l’étatisme n’ont pas atteint chez nous leurs pires excès, parce qu’ils se trouvaient constamment retenus par
113 e humain qu’on nomme Europe. Il conditionne aussi notre culture. Et nous allons voir qu’il traduit, et parfois aussi qu’il tr
114 me Europe. Il conditionne aussi notre culture. Et nous allons voir qu’il traduit, et parfois aussi qu’il trahit, la concepti
115 ne de l’homme. Toute la question est de savoir si nous saurons maintenir cet équilibre malgré l’attraction formidable qu’exe
116 re malgré l’attraction formidable qu’exercent sur nous , par leur masse, le colosse russe et le colosse américain, et malgré
117 uccès littéralement démesurés. Essayons d’évaluer nos chances, dans l’état de résistance morale diminuée où vient de nous l
118 l’état de résistance morale diminuée où vient de nous laisser la guerre d’Hitler. Ces chances paraissent très faibles en vé
119 ns, et sans retour possible, à vues humaines. Que nous reste-t-il donc en propre ? Un monopole unique : celui de la culture
120 main résultant de tensions innombrables. Cela, on nous le laisse encore, et à vrai dire, c’est le plus difficile à prendre !
121 ctiviste ou de progrès capitaliste qui ont quitté notre continent, mais à leur suite les espoirs et les rêves des plus actifs
122 les espoirs et les rêves des plus actifs d’entre nous ont émigré. La bourgeoisie, dans son ensemble, se contente d’un doubl
123 s par profession ou position. Telle est, en gros, notre situation. Une Europe démoralisée par sa victoire douteuse sur Hitler
124 et dans deux directions opposées. Je le répète, nos chances paraissent très faibles dans l’ensemble, malgré les illusions
125 té et de durée que peuvent entretenir encore dans nos vies certains îlots d’inconscience routinière, et l’image rassurante
126 s pays épargnés par la guerre. Voici le moment de nous demander très sérieusement si, dans cette conjoncture plus que défavo
127 obstiner, de parler d’une défense de l’Europe, de nous cramponner à ses restes, et même d’appeler à son secours des forces j
128 d’appeler à son secours des forces jeunes. Posons- nous donc sans nul cynisme, mais avec sang-froid cette question : Notre tr
129 ul cynisme, mais avec sang-froid cette question : Notre tristesse et notre angoisse devant un héritage si compromis, sont-ell
130 ec sang-froid cette question : Notre tristesse et notre angoisse devant un héritage si compromis, sont-elles valables et sont
131 pour l’avantage du plus grand nombre ? Que valent nos craintes ? Qu’avons-nous peur de perdre en vérité ? Cette même questi
132 grand nombre ? Que valent nos craintes ? Qu’avons- nous peur de perdre en vérité ? Cette même question, je sais plusieurs Eur
133 e qu’il leur faut souhaiter pour leur enfant. Car nous pensons à notre Europe comme à un « Vaterland », pays des pères, mais
134 ut souhaiter pour leur enfant. Car nous pensons à notre Europe comme à un « Vaterland », pays des pères, mais l’Amérique, ou
135 n défendant l’Europe, il s’agit donc de savoir si nous défendons plus et mieux que de belles ruines, des préjugés sociaux, e
136 eut-être perverses, comme le pensent et le disent nos voisins. Je songe à ces enfants, et j’essaie de mêler à la vision de
137 nombre. Qu’y perdrait le monde ? Qu’y perdraient nos enfants ? Alors paraît comme dénudée par ces questions une réponse év
138 it perdue, perdue pour tous et non seulement pour nous  ! Ce n’est donc pas au nom de je ne sais quel nationalisme européen q
139 om de je ne sais quel nationalisme européen qu’il nous faut défendre l’Europe, mais au seul nom de l’humanité la plus consci
140 stence d’un esprit européen, et c’était un appel, nous l’avions tous compris. C’est un point de vue qui se définit comme une
141 eur du champ que l’on observe. Mais si maintenant nous regardons l’Europe dans le monde, ce changement de point de vue va no
142 e dans le monde, ce changement de point de vue va nous faire voir une très solide réalité spirituelle. S’il est vrai que l’E
143 esque les mêmes : US d’une part, URSS de l’autre. Nous distinguerons d’abord deux conceptions divergentes et peut-être antag
144 ’est parfaitement adapté. L’homme exemplaire pour nous , c’est l’homme exceptionnel, c’est le grand homme ; pour eux, c’est a
145 ommon man, base ou produit des statistiques. Pour nous , l’homme exemplaire, c’est le plus haut exemple ; pour eux, c’est l’e
146 ire de série. Ces deux sens du mot « exemplaire » nous livrent le secret de l’opposition que je voudrais vous faire sentir.
147 bre sera le bonheur inévitable, obligatoire. Pour nous , la vie résulte d’un conflit permanent, et son but n’est pas le bonhe
148 l’échec. Ils visent à l’inconscience heureuse, et nous à la conscience à n’importe quel prix. Ils veulent la vie, nous des r
149 cience à n’importe quel prix. Ils veulent la vie, nous des raisons de vivre, même mortelles. Voilà pourquoi l’Européen typiq
150 prendrai simplement l’exemple de l’entreprise qui nous rassemble ici. En Amérique, je pense que ces rencontres seraient un f
151 ur, ou un flop, comme ils disent. La diversité de nos points de vue inquiéterait l’auditeur plus qu’elle ne l’intéresserait
152 solution qu’il puisse appliquer en sortant, là où nous cherchons avant tout un approfondissement de la conscience. En Russie
153 es diversités qui s’expriment ici, à Genève, dans notre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’Europe et de ces deux fi
154 ux filles parfois ingrates du plus grand Occident nous suggère une formule de l’homme typiquement européen : c’est l’homme d
155 ontradiction, l’homme dialectique par excellence. Nous le voyons dans ses plus purs modèles, crucifié entre ces contraires q
156 Et c’est pour cette raison qu’elle prévient parmi nous les entreprises et les plans gigantesques que nous voyons proliférer
157 ous les entreprises et les plans gigantesques que nous voyons proliférer ailleurs. D’autre part, elle a pour effet de concen
158 eilleure. Je préfère emprunter, pour un moment, à nos voisins américains leurs méthodes pragmatiques, et à nos voisins sovi
159 sins américains leurs méthodes pragmatiques, et à nos voisins soviétiques leur sens aigu des implications politiques de tou
160 oute pensée, même gratuite d’apparence. Demandons- nous ce que nous avons à faire pour maintenir et pour illustrer les valeur
161 même gratuite d’apparence. Demandons-nous ce que nous avons à faire pour maintenir et pour illustrer les valeurs propres de
162 nales, et des moyens d’y remédier. Or ces causes, nous allons les retrouver, précisément, dans cette même agonie permanente
163 drame. La personne, en effet, c’est en chacun de nous le conflit permanent entre la liberté et la vocation d’une part, et d
164 e combat se relâche à l’intérieur de la personne, nous avons la guerre au-dehors. Je m’explique. Quand l’homme se considère
165 les pays dominés par l’influence protestante. Si nous nous demandons, en effet, quels sont les pays de l’Europe qui « march
166 pays dominés par l’influence protestante. Si nous nous demandons, en effet, quels sont les pays de l’Europe qui « marchent l
167 t les pays de l’Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce sont sans contredit : la fédération suisse, et les
168 la politique des nations. Ici, l’équilibre vivant doit s’établir entre les groupes divers et la nation unie, puis entre les
169 is entre l’Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tentations opposées, et par suite les mêmes caus
170 tionalismes. Telle est la cause de presque toutes nos guerres. J’ai dit, et je ne le répéterai jamais assez, qu’il faut voi
171 ses déviations perpétuelles vers l’individu sans devoirs ou vers le militant sans droits sont les vraies causes de nos malheur
172 le militant sans droits sont les vraies causes de nos malheurs sociaux. Et notre second office est l’invention de structure
173 ont les vraies causes de nos malheurs sociaux. Et notre second office est l’invention de structures politiques du type fédéra
174 nvisager sa fonction dans le monde, son avenir et le nôtre en elle ? Pour ma part, j’entretiens une croyance toute mystique au s
175 u’il tombe bientôt lorsqu’elle est accomplie. Or, notre vocation européenne me paraît encore loin d’être accomplie… Mais cett
176 lie… Mais cette raison irrationnelle, de croire à nos chances de durée, ne peut ni ne doit vous suffire. J’en indiquerai ra
177 , de croire à nos chances de durée, ne peut ni ne doit vous suffire. J’en indiquerai rapidement quelques autres, et ce sera
178 es totalitaires, qui affecte une certaine part de nos esprits, l’Europe garde encore l’apanage du scepticisme et de l’espri
179 s, autrefois, les redoutaient ; je pense qu’elles doivent aujourd’hui les nourrir, si cet esprit critique, ce scepticisme, s’ap
180 sé, aux idéaux purement profanes et séculiers que nous proposent l’URSS et les US. Vis-à-vis de ces mystiques et de ces idéa
181 is-à-vis de ces mystiques et de ces idéaux, c’est notre sens d’un absolu qui dépasse l’homme et son bonheur, c’est notre sens
182 absolu qui dépasse l’homme et son bonheur, c’est notre sens du transcendant, précisément, c’est notre foi, qui doit faire de
183 st notre sens du transcendant, précisément, c’est notre foi, qui doit faire de nous des douteurs et des objecteurs de conscie
184 u transcendant, précisément, c’est notre foi, qui doit faire de nous des douteurs et des objecteurs de conscience. Cependant
185 , précisément, c’est notre foi, qui doit faire de nous des douteurs et des objecteurs de conscience. Cependant que notre sen
186 rs et des objecteurs de conscience. Cependant que notre sens de l’équilibre humain nous invite à remettre à leur place ces pr
187 e. Cependant que notre sens de l’équilibre humain nous invite à remettre à leur place ces prétentions divinisées, et à les t
188 me les Américains, viendront s’enquérir auprès de nous des secrets de notre désordre et de nos ordres — sinon eux du moins l
189 iendront s’enquérir auprès de nous des secrets de notre désordre et de nos ordres — sinon eux du moins leurs enfants. Un dern
190 uprès de nous des secrets de notre désordre et de nos ordres — sinon eux du moins leurs enfants. Un dernier trait : l’Europ
191 sans tradition, s’épuiseront à redécouvrir ce que nous savons depuis des siècles, ce qui nous permet donc d’aller plus loin.
192 rir ce que nous savons depuis des siècles, ce qui nous permet donc d’aller plus loin. Ainsi l’Europe construit des églises m
193 tionalisme aux dimensions continentales. Ce qu’il nous faut demander, et obtenir, nous tous, c’est que les nations européenn
194 entales. Ce qu’il nous faut demander, et obtenir, nous tous, c’est que les nations européennes s’ouvrent d’abord les unes au
195 ouvrant l’Europe au monde, du même coup. Ce qu’il nous faut demander et obtenir — obtenir de nous-mêmes tout d’abord — c’est
196 ois, l’attitude d’engagement et de solidarité qui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant à l’Europe et à sa vocation mon
197 titude d’engagement et de solidarité qui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant à l’Europe et à sa vocation mondiale, et
7 1947, Articles divers (1946-1948). L’opportunité chrétienne (1947)
198 que de la défensive est terminée pour elles, dans notre temps, c’est poser aux Églises chrétiennes un dilemme très net : il n
199 ns de la communauté vivante, que le gigantisme de nos machines administratives, le règne de l’argent, le nomadisme industri
200 nte, laissant celle-ci désorientée. Il s’agit que nos théologiens adoptent une politique d’intervention, et non de vertueus
201 Hélas, elle en est bien sortie ! Il est temps que nous sortions à sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’Église cesse de dé
202 e spécifiquement chrétienne. « Soyez bien sages » nous disaient les prédicateurs depuis deux siècles. « Soyez fous ! », dit
203 bal » comme disent les Américains, s’instaure sur notre planète, ce ne sera qu’au nom de ce qui transcende nos attachements n
204 lanète, ce ne sera qu’au nom de ce qui transcende nos attachements nationaux, politiques et raciaux. Et c’est pourquoi le m
205 ique revêt une importance politique capitale dans notre siècle : il peut offrir le modèle même d’une union mondiale dans le r
206 iversités nationales. Que dis-je, il peut ! Il le doit , et de toute urgence ! S’il y échoue, je ne vois aucune raison d’atte
8 1947, Articles divers (1946-1948). La guerre des sexes en Amérique (janvier 1947)
207 importance de la sexualité. Tandis qu’en Amérique nous trouvons deux morales également admises, semble-t-il, l’une faite de
208 il, l’une faite de vices et de vertus, comme chez nous , mais l’autre étant un « sport » d’une nature différente, — et c’est
209 ue en tant qu’américaine, ignore le phénomène que nous nommons passion. J’écrivais dans un livre récent : Rien de plus rare
210 vis de la passion est peut-être plus saine que la nôtre . En bref, il n’aime point souffrir, et tient pour perversion ce goût
211 re exaltante et intéressante qui fait le sujet de nos plus beaux romans d’amour. Les obstacles au bonheur des amants, indis
212 orale nouvelle. Les difficultés sentimentales qui nous fascinent et que nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font peur, e
213 fficultés sentimentales qui nous fascinent et que nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font peur, et l’éloignent vite de
214 es qui nous fascinent et que nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font peur, et l’éloignent vite de l’être ou des circons
215 amour existait aux États-Unis : non, dit-elle, si nous nous suicidons au lendemain d’une rupture ou d’une trahison, c’est si
216 existait aux États-Unis : non, dit-elle, si nous nous suicidons au lendemain d’une rupture ou d’une trahison, c’est simplem
217 e rupture ou d’une trahison, c’est simplement que nous n’aimons pas à rester seuls. Du matriarcat, du mariage et des « mo
218 ent affair tout autre chose que le business comme nous disons). Le mariage à l’américaine est une institution d’un type nouv
219 libérer la femme des soucis qui l’absorbent chez nous . Il est étrange que nous parlions toujours de leur « matérialisme » à
220 cis qui l’absorbent chez nous. Il est étrange que nous parlions toujours de leur « matérialisme » à ce propos, puisque le bu
221 est d’alléger les tâches matérielles, auxquelles notre littérature prétendument « spiritualiste » rend un culte sentimental 
222 e de la femme manifeste qu’elle sait ce qu’on lui doit . Comme elle est installée dans la vie ! Elle s’y avance avec l’autori
223 ffaires comme ailleurs une efficiency sans égale. Nous sommes donc en présence d’une civilisation qui tend vers le matriarca
224 eur — « cette part de la personnalité du fils qui devait devenir l’amour d’une femme de son âge ». Mom le transmute en sentime
225 ectacle le plus inquiétant du Nouveau Monde : car nous sommes habitués à voir des hommes en masses, à la caserne ou dans une
226 le divorce américain ne saurait être, comme chez nous , la douloureuse rupture d’une longue intimité, celle-ci n’existant pa
227 ruption d’une expérience mal engagée ou négative. Nous pensons, comme toujours, à conserver5, eux à ouvrir. Le divorce est p
228 , à conserver5, eux à ouvrir. Le divorce est pour nous l’enterrement d’un bonheur, pour eux l’acte de naissance d’une vie pl
229 fort coûteuse basée sur un mensonge : l’intéressé doit en effet déclarer devant la cour son intention bien arrêtée de vivre
230 une seconde fois. Cette éventualité, d’ailleurs, doit être envisagée très sérieusement. Chaque jour dans les courriers mond
231 elle pour la quatrième. » Motif : mental cruelty ( nous disons : « incompatibilité d’humeur »). Mais on en trouvera d’autres,
232 dans toute sa virulence en Amérique, détermine de nos jours encore les mœurs sexuelles du Nouveau Monde. J’ajouterai qu’ell
233 ence dans le mal et de plaisir au drame qui, chez nous , pervertit la vie sexuelle et l’élève au niveau de la culture. Purita
234 cipé, le jeune Américain semblerait un peu fade à nos romanciers de l’amour. Il reste chaste ou se comporte en animal irres
9 1947, Articles divers (1946-1948). Journal d’un intellectuel en exil (mars 1947)
235 ités de la vie américaine, disciples réticents de nos écoles d’Europe, cherchant une méthode de pensée plutôt que des fonde
236 brusquerie de leurs jugements et un style tough ( nous dirions « dur » ou « vache ») leur défaut de responsabilité. Tout cel
237 jugent en général trop formalistes ou rhétoriques nos poèmes et nos essais. Une jeune romancière me disait : « Vous autres,
238 ral trop formalistes ou rhétoriques nos poèmes et nos essais. Une jeune romancière me disait : « Vous autres, Européens, vo
239 it trop. Le savent-ils eux-mêmes ? L’exigence que nous gardons encore de dégager, d’expliciter un sens, leur apparaît vaguem
240 En tant que citoyen, me dit-il, il serait de mon devoir de publier ce livre. Mais en tant qu’éditeur, ce serait un suicide. —
241 inion gouverne ? La vraie Cinquième Colonne, dans nos démocraties, je vous le dis, c’est la paresse d’esprit ! 27 janvier 1
242 ns à me poser au sujet d’un de mes livres dont il devra parler au séminaire de littérature. Que veut-il donc savoir ? Simplem
243 afétéria, — un restaurant très bon marché où l’on doit se munir d’un plateau, de services et d’assiettes pris sur la pile, p
244 sens logique, la rapidité du raisonnement, etc.) doit donner un chiffre total supérieur à 135. Le génie, s’il est physicien
245 livre et ferais bien de ne plus m’en échapper. Je devais aller chez des amis après le dîner. J’entre au hasard dans un petit r
246 nue. La salle étroite et profonde paraît vide. Il doit être environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me
247 es de suie s’écrasent sur mon papier, la verrière doit être fendue ou mal jointe. Raccommodé avec un ligament de ficelle ver
248 mme le monde est une vitrine, en bonne partie, il doit être possible de déterminer le degré de fortune ou d’infortune d’un a
249 et le dimanche matin j’annonce subitement que je dois rentrer en ville pour une affaire pressante. En vérité, j’ignorais qu
250 amusant de noter pour plus tard la composition de notre équipe en termes de gazette littéraire. L’ancien rédacteur en chef de
251 cinq heures au fond de la grande salle. Il vient nous prêter sa voix noble, agrémentée d’un léger sifflement, mais il garde
252 à la polycopie, avant d’être remis aux speakers, nous trouvons un moment pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes que
253 , nous trouvons un moment pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui
254 our causer. Et souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jours d
255 ue nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jours dans une vaste demeure aux portes condamnées, où ch
256 êve de compensation, si l’on voit dans quel cadre nous sommes en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle,
257 le avions, et la promesse du général Marshall : «  Nous débarquerons en France. » Juillet 1942 Saint-John Perse. — Lorsqu’il
258 eut être qu’une plage, un loisir sur la plage, et nous l’avons ici. New York, 2 septembre 1942 Quoi de plus sale qu’une vill
259 ? Il faut être fou pour rentrer… Mais à l’Office, notre travail s’intensifie, et les échos nous en reviennent de France. Leur
260 ’Office, notre travail s’intensifie, et les échos nous en reviennent de France. Leur dire là-bas, dire à la Résistance que l
261 ine… Mais dire aussi les revers et les défaites : notre consigne de véracité est absolue. Washington part de l’idée juste qu’
262 en montrant ce dessin : c’est moi ! » Le soir, il nous lit les fragments d’un livre énorme (« Je vais vous lire mon œuvre po
263 s beau. Tard dans la nuit je me retire épuisé (je dois rentrer pour neuf heures à New York), mais il vient encore dans ma ch
264 ent à toutes ces coquetteries de style imitées de nos auteurs anciens qu’on trouvait à chaque ligne chez Valéry, chez Gide
265 nce à des modèles anciens. (Que de pastiches dans nos lettres modernes !) Bien écrire, c’est régler ses moyens sur la fin q
266 st mise dans ce cas. Défaut commun à presque tous nos bons auteurs français contemporains : n’importe qui dira qu’ils « écr
267 blanc. On y est fort sensible à Paris. Cependant nous vivons au xxe siècle, et je voudrais un style qui supporte le transp
268 ou d’un Goethe ; d’un Valéry et d’un Gide, parmi nous . La gloire est devenue le droit d’énoncer des banalités mais qui ne p
269 ux années de violente dérive. … mais sachez-le : Nous n’étions pas absents de vous plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occ
270 s plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occupés », nous étions en exil, et les uns comme les autres dans l’inaccepté, dans la
271 au pire moment, à l’heure de moindre résistance. Notre angoisse était de penser : parlerons-nous encore le même langage au j
272 tance. Notre angoisse était de penser : parlerons- nous encore le même langage au jour de ce retour en France, — dans quelle
273 ce, — dans quelle France, et dans quelle Europe ? Nous étions soumis à l’érosion de l’exil, moins brutale, certes, mais plus
274 vous n’êtes plus l’invité mais un client, et qui devrait s’arranger pour payer. Et quand vous n’avez plus d’argent, c’est tout
275 s’occuper de chacun de vous. Et c’est bien vrai. Nous étions trop nombreux. En France, en Suisse aussi, avant la guerre, no
276 eux. En France, en Suisse aussi, avant la guerre, nous trouvions qu’il y avait trop de juifs réfugiés. Des gens frappés par
277 ù que ce soit, il y en a toujours trop. Cependant notre sort vous paraissait enviable, à juste titre. Les pires tourments de
278 . Autant dire qu’on les tient pour moins sérieux. Nous étions mal placés pour discuter cela, donc en somme pour défendre l’e
279 ait pourtant tout ce qu’il restait à défendre par nous , dans l’exil… 6. Quartier du bas de la ville où habitent beaucoup
280 s’agit du livre intitulé La Part du diable , qui devait paraître à New York à la fin de 1942, dans une première version. La s
281 n. La seconde version, élargie, date de 1944. 8. Nous annoncions chaque semaine, à cette époque, le résultat de l’effort sp
10 1947, Articles divers (1946-1948). Drôle de paix (7 juin 1947)
282 général de l’époque, depuis que Hitler a disparu. Notre vision du monde, naguère limitée aux dimensions de la nation, mais dé
283 aces nouveaux, se trouble. Le monde qui encadrait nos actes et pensées et suffisait à leur fournir des repères coutumiers e
284 acune signale une menace ou une promesse qui peut nous concerner, mais dont il nous est impossible d’évaluer la portée concr
285 ne promesse qui peut nous concerner, mais dont il nous est impossible d’évaluer la portée concrète ? Savoir d’abord les fa
286 moins longue échéance, sur le sort de chacune de nos nations d’Europe et sur nos vies individuelles. Il n’est pas un de ce
287 le sort de chacune de nos nations d’Europe et sur nos vies individuelles. Il n’est pas un de ces faits qu’on puisse analyse
288 un de ces faits qu’on puisse analyser à l’aide de nos catégories de droite et de gauche sans glisser vers l’insanité ou rév
289 e ces faits, par conséquent, dont tiennent compte nos débats politiques. Ces derniers sont centrés sur des questions de par
290 que trop naturel. Il est parfaitement naturel que nous aimions parler de politique. Il est parfaitement naturel que nos disc
291 ler de politique. Il est parfaitement naturel que nos discussions se passionnent dans la mesure où elles s’allègent d’une q
292 etenir qu’à rassembler ; car c’est la passion que nous aimons et l’affirmation de nos points de vue, et s’il fallait d’abord
293 st la passion que nous aimons et l’affirmation de nos points de vue, et s’il fallait d’abord savoir les faits il n’y aurait
294 de causer. La bêtise triomphante Cependant nous soupçonnons bien qu’en dehors de ce jeu de nos partis il y a la vie s
295 t nous soupçonnons bien qu’en dehors de ce jeu de nos partis il y a la vie sérieuse, la vie réelle du monde, d’immenses tra
296 ormations continentales qui demain disposeront de nos vies : s’en occuper serait s’occuper vraiment de politique. Car il n’
297 autarcique niant la solidarité globale. Désormais nous savons qu’il y a le monde et qu’il est un. Nous le savons théoriqueme
298 s nous savons qu’il y a le monde et qu’il est un. Nous le savons théoriquement. Mais il nous faut encore apprendre à le voir
299 ’il est un. Nous le savons théoriquement. Mais il nous faut encore apprendre à le voir, puis à le sentir et à le penser natu
300 formera cette opinion publique mondiale qui seule nous permettra de dominer la cause unique des guerres depuis cent ans, à s
301 re foyers de contradictions Le monde s’offre à nos yeux, cette année, sous les espèces de quatre ou cinq foyers continen
302 Unis additionnés ! Ainsi la « drôle de paix » que nous vivons repose en fait sur quatre crises, sur quatre pauvretés contine
303 que de foi et d’espoir en Europe. Je dis bien que notre paix repose sur ces manques, qu’elle y trouve ses bases actuelles et
304 es ne s’est formée que pour répondre à l’appel de nos anxiétés et de nos manques. C’est grâce à eux et en eux seuls qu’elle
305 que pour répondre à l’appel de nos anxiétés et de nos manques. C’est grâce à eux et en eux seuls qu’elle a pris quelque con
306 de se redresser pour tenir un grand rôle. Ce sont nos quatre pauvretés qui nous lient et qui assurent notre paix provisoire
307 r un grand rôle. Ce sont nos quatre pauvretés qui nous lient et qui assurent notre paix provisoire. C’est d’elles que naît l
308 s quatre pauvretés qui nous lient et qui assurent notre paix provisoire. C’est d’elles que naît l’appel à la fédération. Et s
11 1947, Articles divers (1946-1948). Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit : « C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)
309 m’apporte un fauteuil de jardin près du sien. Et nous parlons de l’Amérique, dont Einstein est devenu citoyen. Il me dit :
310 : « Maman pense que vous pourrez m’aider pour mes devoirs d’arithmétique. » Je l’ai aidée de mon mieux. C’est une charmante enf
311 it : un énorme danger collectif effraye moins que nos petits malheurs individuels. La seule chose qui inquiète les Américai
312 se ? Méfiance russe Et je pense à part moi : nous y voici. N’ai-je pas entendu répéter ces derniers temps qu’Einstein s
313 oposent. Elle soupçonne une menace dans chacun de nos mouvements. C’est fatal. Et cela durera tant qu’elle nous croira les
314 vements. C’est fatal. Et cela durera tant qu’elle nous croira les plus forts. — Tant que la bombe sera de notre côté… Que pe
315 roira les plus forts. — Tant que la bombe sera de notre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans qu’on cite partout, et
316 par rapport aux États-Unis. Tout ce qui vient de nous les inquiète, et ils se croient forcés de tout refuser. — Alors que f
317 La « bombe » et le monde… La nuit est venue. Nous passons dans un petit salon bien bourgeois, bien en ordre. Voici le p
318 il a contribué plus que nul autre à susciter dans notre siècle ? Je tourne autour de la question. Mais soudain, Einstein m’in
12 1947, Articles divers (1946-1948). Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)
319 est la marque de l’homme bien né, M. de Rougemont nous a fait l’honneur de nous recevoir quelques instants. Je viens de pass
320 bien né, M. de Rougemont nous a fait l’honneur de nous recevoir quelques instants. Je viens de passer sept ans aux États-Uni
321 ants. Je viens de passer sept ans aux États-Unis, nous confie-t-il. J’étais parti pour l’Amérique afin de faire une tournée
322 qu’une édition anglaise. Ce qu’on sait moins chez nous , c’est l’influence considérable que M. Denis de Rougemont a exercée a
323 e Rougemont a exercée aux États-Unis en faveur de notre pays. Il est trop modeste pour vouloir nous l’avouer, mais il s’est f
324 r de notre pays. Il est trop modeste pour vouloir nous l’avouer, mais il s’est fait l’ardent défenseur de nos institutions.
325 ’avouer, mais il s’est fait l’ardent défenseur de nos institutions. Ce rôle a été d’autant plus utile pour nous que notre n
326 titutions. Ce rôle a été d’autant plus utile pour nous que notre neutralité n’a pas toujours été bien comprise et que la pre
327 . Ce rôle a été d’autant plus utile pour nous que notre neutralité n’a pas toujours été bien comprise et que la presse n’a pa
328 que la presse n’a pas toujours été très tendre à notre égard. De cette influence, nous ne donnerons qu’un exemple, mais qui
329 té très tendre à notre égard. De cette influence, nous ne donnerons qu’un exemple, mais qui illustre bien ce que nous venons
330 rons qu’un exemple, mais qui illustre bien ce que nous venons de dire. Le président Truman avait constitué un comité civil,
331 nt, il a donné comme argument principal le cas de notre propre armée. En Europe même, les écrits de M. de Rougemont, ont marq
332 l’auteur du Journal d’un intellectuel en chômage, nous nous étions demandé à la suite de quelles expériences personnelles il
333 eur du Journal d’un intellectuel en chômage, nous nous étions demandé à la suite de quelles expériences personnelles il avai
334 du fédéralisme aussi profonde et aussi originale. Nous avons posé la question à M. de Rougemont, qui nous a répondu simpleme
335 ous avons posé la question à M. de Rougemont, qui nous a répondu simplement : De tout temps, j’ai été fédéraliste, et je me
336 ne philosophie qui cadre avec les institutions de notre pays, car, contrairement à ce que l’on pense généralement, je m’assur
337 ne se rend pas compte, en Suisse, qu’il existe en nous , aujourd’hui, un sentiment européen, ce qui n’empêche pas, il est vra
338 ui n’empêche pas, il est vrai, bon nombre d’entre nous de douter de la naissance d’une fédération européenne. Mais ce qui me
339 mardi soir, ce qui étonne tous les historiens de notre Confédération, c’est justement l’extrême rapidité avec laquelle la Co
340 édéralisme suisse. Et cette crise vient de ce que nous sommes entourés d’États-nations, qui menacent notre fédéralisme. Cela
341 ous sommes entourés d’États-nations, qui menacent notre fédéralisme. Cela explique aussi pourquoi le centralisme fait chez no
342 explique aussi pourquoi le centralisme fait chez nous des progrès aussi terrifiants. Aussi suis-je convaincu que le salut d
343 rifiants. Aussi suis-je convaincu que le salut de notre fédéralisme ne peut venir que d’une Europe fédérée. o. Rougemont D
13 1947, Articles divers (1946-1948). L’attitude fédéraliste (octobre 1947)
344 ible à ses manifestations historiques, telles que nous pouvons les observer et les contrôler de très près dans une expérienc
345 le est donc la définition de l’homme sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, ou pour mieux dire, sur laquelle nous sommes
346 tomber d’accord, ou pour mieux dire, sur laquelle nous sommes d’accord, tacitement, si nous souhaitons un régime fédéraliste
347 sur laquelle nous sommes d’accord, tacitement, si nous souhaitons un régime fédéraliste ? Nous n’en parlerions pas si nous p
348 ement, si nous souhaitons un régime fédéraliste ? Nous n’en parlerions pas si nous pensions que le type d’homme le plus souh
349 régime fédéraliste ? Nous n’en parlerions pas si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est l’individu isolé
350 lité vis-à-vis de la communauté. Car dans ce cas, notre jardin nous suffirait. Mais nous n’en parlerions pas non plus si nous
351 s de la communauté. Car dans ce cas, notre jardin nous suffirait. Mais nous n’en parlerions pas non plus si nous pensions av
352 ar dans ce cas, notre jardin nous suffirait. Mais nous n’en parlerions pas non plus si nous pensions avec Hitler que l’homme
353 firait. Mais nous n’en parlerions pas non plus si nous pensions avec Hitler que l’homme n’est qu’un soldat politique totalem
354 sorbé par le service de la communauté. Car alors, nous irions de l’autre côté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si
355 ôté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous en parlons, si nous le voulons, c’est que nous savons que l’homme est
356 , en esprit tout au moins. Si nous en parlons, si nous le voulons, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement
357 Si nous en parlons, si nous le voulons, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de
358 aquelle sa vocation s’exerce. Aux individualistes nous rappelons donc que l’homme ne peut se réaliser intégralement sans se
359 p dans le complexe social. Et aux collectivistes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne sont rien, si elles n’aboutis
360 la cité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet ho
361 s : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le
362 ponsables que les dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir, pendant la dernière guerre, que les résistances que re
363 ands traits la conception de l’homme sur laquelle nos travaux doivent se fonder et qu’ils ont pour but ultime de promouvoir
364 la conception de l’homme sur laquelle nos travaux doivent se fonder et qu’ils ont pour but ultime de promouvoir, nous pouvons p
365 nder et qu’ils ont pour but ultime de promouvoir, nous pouvons passer maintenant à une description plus concrète de l’attitu
366 fallu des siècles aux Suisses pour se fédérer, et nous avons besoin de solutions rapides. » À la deuxième objection, je répo
367 steraient pas sans celle-là. C’est pourquoi, dans notre tentative de définir l’idée fédéraliste en soi, nous ferons bien de n
368 e tentative de définir l’idée fédéraliste en soi, nous ferons bien de ne pas perdre de vue cette expérience-témoin, concrète
369 que « tous pour un » signifie l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est infiniment prob
370 est infiniment probable que sur le plan européen, nous allons voir se dessiner deux tendances toutes semblables à celles que
371 bles à celles que je viens de signaler en Suisse. Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et à la r
372 enseront qu’à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout de sauvegarder les droi
373 on contre les empiètements du pouvoir central. Et nous devrons constamment rappeler aux deux partis que le fédéralisme vérit
374 ntre les empiètements du pouvoir central. Et nous devrons constamment rappeler aux deux partis que le fédéralisme véritable n’e
375 rainte de développer pour sa défense une théorie. Nous vivons ce moment de l’histoire où le fédéralisme suisse, s’il veut du
376 stoire où le fédéralisme suisse, s’il veut durer, doit devenir à son tour missionnaire. Telle est sa crise : ou se nier, ou
377 , pour la Suisse, je le vois dans ce fait qu’elle doit se formuler. Elle doit dire ce qui allait sans dire et qui alors n’en
378 orcer dans la plupart des peuples. La guerre dont nous sortons à peine est venue le fouetter. Brusquement, la question se po
379 de l’Europe, sont des avertissements utiles, ils nous confirment dans l’idée qu’on ne peut pas atteindre la fin, qui est l’
380 nt la condition de toute vie organique. Rappelons- nous toujours que fédérer, ce n’est pas mettre en ordre d’après un plan gé
381 s groupes, et qui les brimerait tous. Si l’Europe doit se fédérer, c’est pour que chacun de ses membres bénéficie de l’aide
382 pèce de mouvement d’horlogerie fine que composent nos rouages communaux, cantonaux, fédéraux, si diversement engrenés, il c
383 rer que cette complexité est la condition même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont constamment
384 tion même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont constamment rappelés au concret, et que nos légis
385 ires sont constamment rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les réal
386 une nouvelle menace extérieure. C’est dire qu’il nous faut aller vite. ⁂ Il n’y a, dans le monde du xxe siècle, que deux c
387 e totalitarisme est une tentation permanente pour notre fatigue, notre inquiétude, nos doutes et nos vertiges de démission sp
388 est une tentation permanente pour notre fatigue, notre inquiétude, nos doutes et nos vertiges de démission spirituelle. L’es
389 permanente pour notre fatigue, notre inquiétude, nos doutes et nos vertiges de démission spirituelle. L’esprit totalitaire
390 ur notre fatigue, notre inquiétude, nos doutes et nos vertiges de démission spirituelle. L’esprit totalitaire n’est pas dan
391 t dans tous les autres ; mais surtout parce qu’il nous guette tous, à l’intérieur de nos pensées, au moindre fléchissement d
392 ut parce qu’il nous guette tous, à l’intérieur de nos pensées, au moindre fléchissement de notre vitalité, de notre courage
393 rieur de nos pensées, au moindre fléchissement de notre vitalité, de notre courage, du sens de notre vocation. Nous n’arriver
394 s, au moindre fléchissement de notre vitalité, de notre courage, du sens de notre vocation. Nous n’arriverons à rien de bon,
395 t de notre vitalité, de notre courage, du sens de notre vocation. Nous n’arriverons à rien de bon, dans nos efforts et nos dé
396 ité, de notre courage, du sens de notre vocation. Nous n’arriverons à rien de bon, dans nos efforts et nos débats pour promo
397 e vocation. Nous n’arriverons à rien de bon, dans nos efforts et nos débats pour promouvoir l’Europe unie, si nous ne resto
398 s n’arriverons à rien de bon, dans nos efforts et nos débats pour promouvoir l’Europe unie, si nous ne restons pas en garde
399 s et nos débats pour promouvoir l’Europe unie, si nous ne restons pas en garde vigilante contre les réflexes totalitaires qu
400 re les réflexes totalitaires qui peuvent affecter nos esprits, même et surtout quand nous parlons de fédéralisme. Si au con
401 uvent affecter nos esprits, même et surtout quand nous parlons de fédéralisme. Si au contraire, à la faveur de ces débats, n
402 isme. Si au contraire, à la faveur de ces débats, nous parvenons à développer des réflexes de pensée fédéraliste, si nous de
403 développer des réflexes de pensée fédéraliste, si nous devenons nous-mêmes intégralement fédéralistes — fédéralistes comme o
404 era déjà plus qu’à moitié gagnée. Car si l’Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu’elle le devra, et à eux seuls. Sur q
405 ope doit durer, c’est aux fédéralistes qu’elle le devra , et à eux seuls. Sur qui d’autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas
406 euls. Sur qui d’autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas compter sur les gens au pouvoir. J’en connais peu qui aient l’int
407 n de le laisser limiter, et c’est pourtant ce que nous leur demandons. Tous les gouvernements ont un penchant marqué à persé
408 ations qui se sont arrogé ces droits absolus sans devoirs , ont un penchant irrésistible à devenir totalitaires. Et ce n’est poi
409 drais baptiser la Nouvelle Résistance européenne, nous nous sommes déclarés responsables au récent congrès de Montreux, qui
410 baptiser la Nouvelle Résistance européenne, nous nous sommes déclarés responsables au récent congrès de Montreux, qui fédér
411 nviction sobre et ferme que, cette fois-ci, on ne nous laisserait plus le temps de rater. p. Rougemont Denis de, « L’atti
14 1947, Articles divers (1946-1948). La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)
412 réglementaient n’était jamais l’amour au sens où nous l’entendons et qu’ils ignoraient totalement, mais les rapports sexuel
413 het.) Les seuls obstacles réels à l’amour sont en nous  : sécheresse, blessures spirituelles, anxiété de l’orgueil tournée en
414 quod vis, dit saint Augustin. « C’est l’amour qui nous rendra la liberté », dit la chanson. Mais il arrive que les voies et
415 anson. Mais il arrive que les voies et moyens que nous imaginons pour le réaliser — religions, éthiques, politiques, puis sc
416 tout autre affaire. La liberté dans la sexualité, nous en jouissons et nous en souffrons plus que toute autre civilisation c
417 a liberté dans la sexualité, nous en jouissons et nous en souffrons plus que toute autre civilisation connue. C’est la raiso
418 sans que mort s’en suive, ni même une amende. Si nos lois démocratiques déclaraient un beau jour en tous termes que dans c
419 ns dans le domaine sexuel sont négligeables parmi nous , si on les compare à celles qu’entraîne la simple tentative de traver
420 nions politiques même non déclarées publiquement. Nous sommes loin des sociétés qui lapidaient les adultères, prescrivaient
421 e — et non l’absence de la liberté sexuelle parmi nous qui pose un problème sérieux. Si l’on estime que l’état présent de no
422 ème sérieux. Si l’on estime que l’état présent de nos mœurs est satisfaisant, il en résulte qu’une « éthique de l’amour » (
423 la sexualité) n’est pas nécessaire ; car en fait nous n’en avons plus, ou juste assez pour que le piquant d’une tricherie q
424 ez pour que le piquant d’une tricherie que toutes nos modes, romans et films favorisentf. Si l’on estime au contraire, comm
425 i l’on estime au contraire, comme je le fais, que nous vivons dans le chaos, l’amertume et la contradiction, il nous faut ré
426 dans le chaos, l’amertume et la contradiction, il nous faut rétablir une éthique, c’est-à-dire recréer des tensions entre la
427  nature » et un ordre, ou plus exactement : entre nos instincts déréglés et les règles d’un jeu nouveau. Quel jeu ? Quelles
15 1947, Articles divers (1946-1948). La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)
428 e soviétique l’invite à admirer. « Très beau, dit notre Américain, mais je ne vois pas de trains circuler ? » — « En effet, r
429 ce qu’on publie dans un pays donné ne peut et ne doit servir que le parti au pouvoir. Ainsi, Faulkner, Hemingway et Miller,
430 s en Europe occidentale de Tolstoï et Dostoïevsky devrait être mis au crédit des sombres desseins du tsarisme ? Et, de même, l’
431 s américains cherchent à faire de l’argent, comme les nôtres , tout en publiant parfois une œuvre de qualité qui ne rapporte rien ;
432 anité proprement balayés dans le ruisseau, auquel nous laisserons le soin de les conduire à leur conclusion naturelle, — res
433 ays où l’entreprise est libre, mais plus que chez nous , parce que l’Américain n’est pas hypocrite dans ce domaine, les édite
434 e, il trouvera le meilleur de ce qui s’écrit chez nous . Et que lui donne-t-on, dans le fait ? D’excellents articles sur l’hy
435 ieusement motivée dans les destins de l’Amérique. Nous voici loin des « turpitudes » et de la résignation morbide dénoncées
436 lisme béat au service de l’idéologie majoritaire, nous voici tout près des problèmes que pose la « culture des masses » en R
437 qui entraîne une quantité d’emprisonnements. Mais nous , Européens, quels efforts faisons-nous pour qu’une masse élargie assi
438 ents. Mais nous, Européens, quels efforts faisons- nous pour qu’une masse élargie assimile les idées ? Nous préférons marquer
439 us pour qu’une masse élargie assimile les idées ? Nous préférons marquer les points, les mauvaises notes à droite et à gauch
440 s notes à droite et à gauche, d’un air sceptique. Nous dénonçons l’abus flagrant des méthodes américaines, au lieu d’en fair
441 s américaines, au lieu d’en faire meilleur usage. Nous sommes de petits malins qui refusent de choisir entre la peste et le
442 ir entre la peste et le choléra, entre les blocs. Nous tenons la balance égale… ⁂ Eh bien ! non, la balance n’est pas égale 
443 tre le fait des éditeurs américains, est celui de notre public. Mais sur l’Europe, en général, l’influence américaine s’est e
16 1947, Articles divers (1946-1948). Une Europe fédérée (20 décembre 1947)
444 e. La radio, l’aviation, l’économie redistribuent nos voisinages en même temps qu’elles les rendent plus étroits. L’Europe
445 endent plus étroits. L’Europe est plus petite que nous ne pensions, le monde plus grand. Nos descendants s’étonneront bien q
446 petite que nous ne pensions, le monde plus grand. Nos descendants s’étonneront bien que Valéry ait pu nous étonner en notan
447 s descendants s’étonneront bien que Valéry ait pu nous étonner en notant que l’Europe n’est qu’un cap de l’Asie. À ces faits
448 emagne et les démocraties : tout se passait entre nous , Européens, nous sentions donc surtout nos divisions. Aujourd’hui les
449 ocraties : tout se passait entre nous, Européens, nous sentions donc surtout nos divisions. Aujourd’hui les deux Grands ont
450 entre nous, Européens, nous sentions donc surtout nos divisions. Aujourd’hui les deux Grands ont paru dans leur force : tou
451 paru dans leur force : tout se passe en dehors de nous , tout nous menace ensemble et nous pousse à l’union. Séparés, isolés,
452 eur force : tout se passe en dehors de nous, tout nous menace ensemble et nous pousse à l’union. Séparés, isolés, nous seron
453 e en dehors de nous, tout nous menace ensemble et nous pousse à l’union. Séparés, isolés, nous serons colonisés. Ensemble, n
454 semble et nous pousse à l’union. Séparés, isolés, nous serons colonisés. Ensemble, nous serons aussi nombreux que les deux G
455 Séparés, isolés, nous serons colonisés. Ensemble, nous serons aussi nombreux que les deux Grands additionnés. Ils baisseront
456 Ils baisseront le ton, et l’on pourra parler. Notre vocation Qu’aurons-nous donc à dire dans cette conversation une fo
457 ’on pourra parler. Notre vocation Qu’aurons- nous donc à dire dans cette conversation une fois les pistolets déposés su
458 sur la table ? Deux mondes sont en présence, que nous n’approuvons pas, pour des raisons d’ailleurs très inégales. L’un est
459 n est collectiviste, l’autre individualiste. Dans notre immense majorité nous refusons le premier, nous nous méfions du secon
460 autre individualiste. Dans notre immense majorité nous refusons le premier, nous nous méfions du second. Notre idée de l’hom
461 notre immense majorité nous refusons le premier, nous nous méfions du second. Notre idée de l’homme n’est pas celle du Krem
462 e immense majorité nous refusons le premier, nous nous méfions du second. Notre idée de l’homme n’est pas celle du Kremlin n
463 refusons le premier, nous nous méfions du second. Notre idée de l’homme n’est pas celle du Kremlin ni celle du businessman am
464 lle du Kremlin ni celle du businessman américain. Nous ne voulons pas d’un régime de terreur, de parole asservie, d’épuratio
465 ups de marteau (c’est le nom choisi par Molotov). Nous ne voulons pas de la dictature d’un seul parti ; qui ne représente qu
466 pays où il est le plus fort, et qui ne peut faire notre unité que sur nos ruines, par l’occupation russe, et dans les camps.
467 us fort, et qui ne peut faire notre unité que sur nos ruines, par l’occupation russe, et dans les camps. À l’égard de l’Amé
468 russe, et dans les camps. À l’égard de l’Amérique notre refus, pour être beaucoup moins brutal, n’est pas moins franc. Nous a
469 tre beaucoup moins brutal, n’est pas moins franc. Nous avons besoin d’elle matériellement, elle a besoin de nous spirituelle
470 ns besoin d’elle matériellement, elle a besoin de nous spirituellement, et si son aide économique nous trouvait complaisants
471 e nous spirituellement, et si son aide économique nous trouvait complaisants ou serviles dans le domaine des mœurs et de la
472 mœurs et de la culture elle y perdrait autant que nous . L’Europe a dépassé le stade de l’individualisme économique. Son rôle
473 mune aux peuples de l’Europe : ni l’individu sans devoirs ni le soldat politique sans droits, mais la personne à la fois libre
474 is libre et engagée, l’homme qui sait ce qu’il se doit et ce qu’il doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans tous nos pay
475 ée, l’homme qui sait ce qu’il se doit et ce qu’il doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans tous nos pays les meilleures
476 doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans tous nos pays les meilleures têtes, j’entends les moins sectaires et les plus
477 ocation de l’Europe. Or il est clair qu’aucune de nos nations n’est en mesure de la réaliser pour son seul compte et sans é
478 dire : « Je veux une Europe désunie ! Je veux que nos rivalités se perpétuent ! Je veux que nos pays s’effondrent un à un e
479 eux que nos rivalités se perpétuent ! Je veux que nos pays s’effondrent un à un en toute souveraineté nationale, qu’ils se
480 un jour, les défaitistes auront perdu comme il se doit , et les nationalistes feront l’opposition indispensable à tout régime
481 le grand but de cette drôle de paix ? À quel plan nous vouer ? À quelle doctrine nouvelle consacrer ce besoin d’engagement q
482 la guerre qu’ils avaient eux-mêmes déclenchée. Et nous savons pourtant que nous sommes plus libres qu’eux, et plus sages que
483 eux-mêmes déclenchée. Et nous savons pourtant que nous sommes plus libres qu’eux, et plus sages que les Américains. Mais nou
484 es qu’eux, et plus sages que les Américains. Mais nous restons les bras ballants, regardant à droite et à gauche comme s’il
485 oite et à gauche comme s’il n’y avait rien devant nous . Quand le monde attend de nous l’invention pacifiante et la formule d
486 avait rien devant nous. Quand le monde attend de nous l’invention pacifiante et la formule d’un ordre neuf… Où irons-nous ?
487 acifiante et la formule d’un ordre neuf… Où irons- nous  ? Seul le fédéralisme ouvre des voies nouvelles. Seul il peut surmont
488 lisme, qui veut que la Terre promise ne soit pour nous ni l’Amérique ni la Russie, mais cette vieille terre à rajeunir, à li
489 eunir, à libérer de ses cloisons, à reconquérir : notre Europe. 9. Le congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui
17 1948, Articles divers (1946-1948). Notes sur la voie clandestine (hiver 1948)
490 ce qui va plus loin. Ce n’est pas une erreur qui doit ouvrir la voie. Mais essayons de ramener l’attention sur cet obstacle
491 la cadence de ta grâce. Le risque et l’isolement nous rendent à l’enfance, parce qu’ils nous livrent aux magies intimes. Se
492 ’isolement nous rendent à l’enfance, parce qu’ils nous livrent aux magies intimes. Se croire ou se sentir unique, c’est la s
493 e ce que l’on voit. C’est le seul optimiste parmi nous , qui ait causé de l’être sans niaiserie. S’il s’arrête à telle appare
494 rdue sur laquelle on met le pied par hasard. Mais nous touchons ici au fétichisme, qui n’est qu’une obsession morbide du sen
495 ns heureuses, une sur dix, comme la loi du hasard nous autoriserait à l’attendre. Vous négligez tous les cas où cela rate. «
496 n’y a pas de hasard, tout serait donc déterminé ? Nous n’aurions plus qu’à suivre une voie rigide, fixée de toute nécessité
497 aut rougir. Il n’y a pas de hasard, mais pourtant nous sommes libres. Je ne sais qui dispose de moi, mais la contrainte, si
498 e désoriente… C’est une immense affaire d’amour ! Nous ne sommes pas aimantés comme des grains de limaille, nous sommes aimé
499 sommes pas aimantés comme des grains de limaille, nous sommes aimés par un destin. Et parfois il nous traite avec indifféren
500 e, nous sommes aimés par un destin. Et parfois il nous traite avec indifférence, parfois nous blesse, parfois nous tyrannise
501 parfois il nous traite avec indifférence, parfois nous blesse, parfois nous tyrannise… ⁂ Le rationaliste articule : détermin
502 e avec indifférence, parfois nous blesse, parfois nous tyrannise… ⁂ Le rationaliste articule : déterminisme. Il voit un rail
503 e nouveauté proprement dramatique. Quel coup pour nos philosophies ! Qu’on m’en cite une qui s’en relèverait. Une seule ! ⁂
504 uperstitieux, parce que tout amour est unique, et doit donc inventer ses signaux, indices, repères et mesures. La science se
505 des hommes et qui aiment : « Question de peaux. » Nous en sommes là. On avancerait un peu en disant : « Question d’astres. »
18 1948, Articles divers (1946-1948). Rencontre avec Denis de Rougemont (janvier 1948)
506  ? Et, pour mieux préciser encore sa position, ne nous invita-t-il pas, reprenant le précepte du vieil Anaxagore, à penser a
507 garde — Hic et Nunc — qui compta douze numéros. Nous y défendions la théologie existentielle, et les noms de Heidegger, de
508 eidegger, de Kierkegaard, revenaient souvent sous notre plume. Au sommaire, l’on trouvait Henry Corbin, Roger Breuil, Albert-
509 lbert Einstein, l’inventeur de la bombe atomique. Nous étions voisins, me raconte Denis de Rougemont. Chaque jour, vers onze
510 sseoir près de lui dans un fauteuil de jardin, et nous nous mîmes à parler de l’Amérique, de la Russie et de la bombe atomiq
511 r près de lui dans un fauteuil de jardin, et nous nous mîmes à parler de l’Amérique, de la Russie et de la bombe atomique. A
512 icaine est dans un certain sens plus saine que la nôtre . Les disputes autour de l’engagement de l’écrivain n’existent pas là-
513 mes de 40 à 50 ans. Je pensais que de plus jeunes nous relèveraient, s’imposeraient. Eh bien ! non. Ceux qui se tiennent à l
514 dirait qu’on est en marge du temps. Cela donne à notre colloque une apparente gratuité qui en trahit l’objet. Ce qu’il y a d
515 profonde sur leurs pensées et leur œuvre. Enfin, nous en venons à parler de l’Europe. Je suis profondément européen, me déc
516 me déclare Denis de Rougemont. Mais je pense que notre continent ne peut être sauvé que par une organisation fédérative. Le
517 ers l’union, et, d’autre part, l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Au mois d’août dernier
518 ntre eux peut-être, que l’organisation fédérative doit naître. Il faut provoquer les états généraux de l’Europe. C’est le se
519 alitarisme m’apparaît comme le pire danger auquel nous sommes exposés. Son importance donne la mesure de notre absence de pr
520 sommes exposés. Son importance donne la mesure de notre absence de présence au monde. Tout comme la guerre et la mort, il est
521 és, de ces complications. Elles seules préservent notre liberté. Chaque jour, la Suisse en reconnaît les bienfaits. Pourquoi
522 vous semble-t-elle pas chimérique ? Nullement. Si nous parvenons à développer des réflexes de pensée fédéraliste, si ceux qu
523 a plus qu’à moitié gagnée. Voici venue l’heure de nous séparer. Nous faisons encore, côte à côte, quelques pas dans la rue.
524 itié gagnée. Voici venue l’heure de nous séparer. Nous faisons encore, côte à côte, quelques pas dans la rue. La nuit est to
525 hèvera de mettre au point le prochain livre qu’il doit publier : Les Personnes du drame . J’y traite de Goethe, de Kafka, d
19 1948, Articles divers (1946-1948). Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)
526 Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)u Les uns nous disent que le choix est fatal entre l’URSS et les USA, et les autres
527 emiers, l’Europe n’est plus rien par elle-même et devrait s’attacher au plus vite soit au bloc russe soit au dollar américain.
528 les blocs. Tout cela repose sur l’idée simple que nous sommes pris entre deux grands empires également impérialistes, égalem
529 ires également impérialistes, également avides de nous coloniser, donc également dangereux pour nous. Avons-nous bien regard
530 de nous coloniser, donc également dangereux pour nous . Avons-nous bien regardé les faits ? Existe-t-il vraiment deux blocs 
531 oniser, donc également dangereux pour nous. Avons- nous bien regardé les faits ? Existe-t-il vraiment deux blocs ? ⁂ Une prem
532 re le rôle de l’URSS et celui des États-Unis dans notre monde : c’est que nous avons chez nous un parti stalinien, qui prend
533 celui des États-Unis dans notre monde : c’est que nous avons chez nous un parti stalinien, qui prend ses ordres à Moscou, ma
534 Unis dans notre monde : c’est que nous avons chez nous un parti stalinien, qui prend ses ordres à Moscou, mais aucun parti t
535 disciplinées, elle fait sa politique jusque dans nos communes : tandis que les USA n’ont que des sympathies, point de prop
536 nde organisée, aucun moyen de donner des ordres à nos masses ou à leurs députés. L’URSS possède une doctrine très précise d
537 uropéenne, et surtout sur le plan économique. Ils nous veulent forts, donc autonomes. Les communistes, dans chaque pays, sab
538 omes. Les communistes, dans chaque pays, sabotent notre reconstruction, les Américains la financent. Où faut-il donc chercher
539 s que l’on peut établir entre les deux puissances nous conduisent à la même conclusion : il n’y a pas de commune mesure entr
540 ie vivante n’est pas un bloc. Un seul remède : nous fédérer Que devient alors ce choix que certains nous proposent ou
541 édérer Que devient alors ce choix que certains nous proposent ou que d’autres déclarent noblement décliner ? En fait, il
542 all, en devenant bloc, précisément, a choisi pour nous , malgré nous. Si nous n’acceptons pas d’être ses satellites, elle nou
543 ant bloc, précisément, a choisi pour nous, malgré nous . Si nous n’acceptons pas d’être ses satellites, elle nous déclare et
544 précisément, a choisi pour nous, malgré nous. Si nous n’acceptons pas d’être ses satellites, elle nous déclare et nous croi
545 nous n’acceptons pas d’être ses satellites, elle nous déclare et nous croit ses ennemis et les esclaves de l’Amérique. Et t
546 s pas d’être ses satellites, elle nous déclare et nous croit ses ennemis et les esclaves de l’Amérique. Et tout le verbiage
547 rivalités nationalistes et la misère. À ce défi, nous ne pouvons pas répondre en nous jetant simplement dans les bras de l’
548 isère. À ce défi, nous ne pouvons pas répondre en nous jetant simplement dans les bras de l’Amérique. Non seulement nous ne
549 lement dans les bras de l’Amérique. Non seulement nous ne le devons pas, mais c’est pratiquement impossible. Car l’Amérique
550 les bras de l’Amérique. Non seulement nous ne le devons pas, mais c’est pratiquement impossible. Car l’Amérique n’a nullement
551 ible. Car l’Amérique n’a nullement l’intention de nous entretenir à grands frais comme des malades de luxe, ingrats et susce
552 de luxe, ingrats et susceptibles. Elle cherche à nous aider pour que nous ne tombions pas dans le piège grossier que nous t
553 susceptibles. Elle cherche à nous aider pour que nous ne tombions pas dans le piège grossier que nous tendent les Russes :
554 e nous ne tombions pas dans le piège grossier que nous tendent les Russes : c’est là son intérêt le mieux compris, d’un poin
555 atégique autant que culturel. Mais elle ne pourra nous aider que si nous existons d’abord. Le seul choix qui nous reste ouve
556 e culturel. Mais elle ne pourra nous aider que si nous existons d’abord. Le seul choix qui nous reste ouvert, c’est donc cel
557 r que si nous existons d’abord. Le seul choix qui nous reste ouvert, c’est donc celui de l’Europe elle-même. La seule manièr
558 de défendre l’Europe, c’est de la faire, donc de nous fédérer. Malgré les Russes et avec l’appui probable des démocrates am
20 1948, Articles divers (1946-1948). Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)
559 les plaintes ou les diatribes que provoque parmi nous depuis quelques semaines l’apparition des « condensés », on serait te
560 sent les grands trusts et Wall Street, acharnés à nous asservir tout en feignant de donner du lait en poudre aux enfants. Il
561 s. Il faut avouer que le nom même de « condensé » nous vient de l’anglais, ou mieux, de l’américain. En introduisant par sur
562 ré de l’adjectif condensed (from…), il semble que nos éditeurs aient voulu souligner le caractère américain de leur entrepr
563 au lieu de condensé pour que l’on s’aperçoive que nous sommes en présence d’une querelle aussi vieille que celle des manuels
564 e des Saintes Écritures, dont s’est nourrie toute notre enfance. Il est vrai qu’en tout cela je n’ai cité que des traductions
565 vantès n’ont jamais reçu le prix Goncourt, ce qui doit apaiser bien des scrupules. Mais voici deux exemples célèbres de gran
566 de Shakespeare. Je ne saurais leur comparer chez nous , sous le double rapport du succès et de la valeur littéraire intrinsè
567 ancien, mais encore l’Amérique en abuse moins que nous . Au reste, ces « condensés » sont très loin de jouer dans l’édition a
568 dans l’édition américaine le rôle exorbitant que nous leur attribuons, et qu’ils semblent en passe de prendre ici. Quant à
569 enne. Les critiques n’ont pas protesté tant qu’on nous a servi Shakespeare et Goethe, Cervantès et Dostoïevski dans des vers
570 ondenser » un lauréat quelconque de la saison. Je dois avoir l’esprit mal fait : j’ai peine à partager cette répulsion. C’es
571 choisis qui l’illustraient et le nuançaient, que doit -on dire de presque toutes les traductions ? Et surtout des adaptation
572 cette œuvre atteindre enfin la vaste audience que nos critiques n’avaient pas su lui procurer ? Pour ma part, je salue de m
573 n’aura rien fait pour la culture des masses ; car nous sommes en démocratie, et les masses y sont le despote qu’il s’agit av
574 chez le libraire. Tous les critiques français ne devraient -ils pas se liguer pour qu’un code de ce genre soit adopté ? v. Rou