1 ologie et littérature (1946)b 1. Il faut tenir la théologie chrétienne pour la mère de la pensée occidentale, de même q

2 1. Il faut tenir la théologie chrétienne pour la mère de la pensée occidentale, de même que l’Église, par son culte, e

3 aut tenir la théologie chrétienne pour la mère de la pensée occidentale, de même que l’Église, par son culte, est la mère

4 our la mère de la pensée occidentale, de même que l’ Église, par son culte, est la mère de presque tous nos arts. La musiqu

5 dentale, de même que l’Église, par son culte, est la mère de presque tous nos arts. La musique est née dans le chœur des é

6 son culte, est la mère de presque tous nos arts. La musique est née dans le chœur des églises et des chapelles de couvent

7 de presque tous nos arts. La musique est née dans le chœur des églises et des chapelles de couvents. La peinture et la scu

8 e chœur des églises et des chapelles de couvents. La peinture et la sculpture se sont constituées sur les autels, dans les

9 ises et des chapelles de couvents. La peinture et la sculpture se sont constituées sur les autels, dans les nefs, et autou

10 peinture et la sculpture se sont constituées sur les autels, dans les nefs, et autour des architectures sacrées. Nos premi

11 culpture se sont constituées sur les autels, dans les nefs, et autour des architectures sacrées. Nos premiers rythmes poéti

12 s premiers rythmes poétiques ont été propagés par le latin d’église. Et ce n’est point que tous ces arts classiques ne soi

13 que tous ces arts classiques ne soient sortis de l’ enceinte ecclésiastique dès le déclin du Moyen Âge, mais il n’en est a

14 ne soient sortis de l’enceinte ecclésiastique dès le déclin du Moyen Âge, mais il n’en est aucun dont l’esprit et l’histoi

15 déclin du Moyen Âge, mais il n’en est aucun dont l’ esprit et l’histoire ne manifestent à chaque instant l’influence de te

16 oyen Âge, mais il n’en est aucun dont l’esprit et l’ histoire ne manifestent à chaque instant l’influence de telles origine

17 rit et l’histoire ne manifestent à chaque instant l’ influence de telles origines. Or le lien de filiation entre nos discip

18 chaque instant l’influence de telles origines. Or le lien de filiation entre nos disciplines de pensée et la théologie, po

19 n de filiation entre nos disciplines de pensée et la théologie, pour être moins généralement reconnu, n’en est pas moins é

20 ins étroit ni moins fécond à observer. 2. Depuis les temps où la philosophie n’était que la servante de la théologie, ses

21 moins fécond à observer. 2. Depuis les temps où la philosophie n’était que la servante de la théologie, ses efforts d’ém

22 2. Depuis les temps où la philosophie n’était que la servante de la théologie, ses efforts d’émancipation les plus violent

23 emps où la philosophie n’était que la servante de la théologie, ses efforts d’émancipation les plus violents, et même cour

24 vante de la théologie, ses efforts d’émancipation les plus violents, et même couronnés de succès, n’ont pu que confirmer un

25 moins de fait et de nature, autant que d’origine. Les grandes doctrines encore vivantes et agissantes au xxe siècle ont to

26 ntes et agissantes au xxe siècle ont toutes pris le départ dans une polémique spécifiquement théologique. Le marxisme ne

27 rt dans une polémique spécifiquement théologique. Le marxisme ne fait pas exception à cette règle, comme on s’en convaincr

28 ption à cette règle, comme on s’en convaincra par la lecture des écrits du jeune Marx sur la dialectique hégélienne. De no

29 incra par la lecture des écrits du jeune Marx sur la dialectique hégélienne. De nos jours, le vocabulaire technique s’est

30 Marx sur la dialectique hégélienne. De nos jours, le vocabulaire technique s’est transformé, les références aux dogmes ont

31 jours, le vocabulaire technique s’est transformé, les références aux dogmes ont disparu, l’appareil logique emprunté aux sc

32 ransformé, les références aux dogmes ont disparu, l’ appareil logique emprunté aux sciences physico-mathématiques tend à re

33 x sciences physico-mathématiques tend à remplacer l’ appareil scolastique — c’est du moins ce que proclament les philosophe

34 il scolastique — c’est du moins ce que proclament les philosophes, avec une insistance parfois suspecte — mais le débat cen

35 phes, avec une insistance parfois suspecte — mais le débat central reste théologique, qu’on le veuille ou non, qu’on l’adm

36 — mais le débat central reste théologique, qu’on le veuille ou non, qu’on l’admette comme Bergson vers la fin de sa carri

37 reste théologique, qu’on le veuille ou non, qu’on l’ admette comme Bergson vers la fin de sa carrière, qu’on cherche à le c

38 euille ou non, qu’on l’admette comme Bergson vers la fin de sa carrière, qu’on cherche à le camoufler comme Heidegger, ou

39 rgson vers la fin de sa carrière, qu’on cherche à le camoufler comme Heidegger, ou qu’on préfère l’ignorer comme Dewey. 3

40 à le camoufler comme Heidegger, ou qu’on préfère l’ ignorer comme Dewey. 3. Les rapports entre la théologie et la littéra

41 gger, ou qu’on préfère l’ignorer comme Dewey. 3. Les rapports entre la théologie et la littérature ne sont pas aussi clair

42 ère l’ignorer comme Dewey. 3. Les rapports entre la théologie et la littérature ne sont pas aussi clairs, ni aussi facile

43 mme Dewey. 3. Les rapports entre la théologie et la littérature ne sont pas aussi clairs, ni aussi facilement définissabl

44 que certaines influences directes, attestées par les écrivains eux-mêmes, ont fait l’objet de travaux fameux : ainsi l’inf

45 , attestées par les écrivains eux-mêmes, ont fait l’ objet de travaux fameux : ainsi l’influence de saint Thomas sur Dante,

46 mêmes, ont fait l’objet de travaux fameux : ainsi l’ influence de saint Thomas sur Dante, de Calvin sur d’Aubigné, du jansé

47 rard Manley Hopkins. Mais il ne me paraît pas que le problème dans son ensemble ait été clairement posé ou étudié, ni par

48 nsemble ait été clairement posé ou étudié, ni par les docteurs de l’Église, ni par les critiques littéraires. Et cependant

49 clairement posé ou étudié, ni par les docteurs de l’ Église, ni par les critiques littéraires. Et cependant comment en nier

50 u étudié, ni par les docteurs de l’Église, ni par les critiques littéraires. Et cependant comment en nier l’importance, dan

51 itiques littéraires. Et cependant comment en nier l’ importance, dans un siècle où la littérature exerce sur le public cult

52 t comment en nier l’importance, dans un siècle où la littérature exerce sur le public cultivé un empire comparable à celui

53 ance, dans un siècle où la littérature exerce sur le public cultivé un empire comparable à celui de la radio sur les masse

54 le public cultivé un empire comparable à celui de la radio sur les masses, tandis que la prédication chrétienne semble réd

55 tivé un empire comparable à celui de la radio sur les masses, tandis que la prédication chrétienne semble réduite, dans la

56 le à celui de la radio sur les masses, tandis que la prédication chrétienne semble réduite, dans la cité, aux proportions

57 ue la prédication chrétienne semble réduite, dans la cité, aux proportions d’un chuchotement intermittent ? L’ignorance ré

58 aux proportions d’un chuchotement intermittent ? L’ ignorance réciproque dans laquelle théologiens et écrivains se sont in

59 plupart, est-elle vraiment sans conséquence pour les uns et les autres, et pour l’élite en général ? Il est clair que la t

60 st-elle vraiment sans conséquence pour les uns et les autres, et pour l’élite en général ? Il est clair que la théologie n’

61 s conséquence pour les uns et les autres, et pour l’ élite en général ? Il est clair que la théologie n’a pas besoin de la

62 es, et pour l’élite en général ? Il est clair que la théologie n’a pas besoin de la littérature et peut s’en désintéresser

63 ? Il est clair que la théologie n’a pas besoin de la littérature et peut s’en désintéresser sans grand dommage. Si l’on ad

64 et peut s’en désintéresser sans grand dommage. Si l’ on admet qu’elle a pour objet principal de formuler et de critiquer le

65 pour objet principal de formuler et de critiquer le dogme chrétien dans l’Église, elle est en droit de laisser à d’autres

66 e formuler et de critiquer le dogme chrétien dans l’ Église, elle est en droit de laisser à d’autres le soin d’appliquer se

67 l’Église, elle est en droit de laisser à d’autres le soin d’appliquer ses critères hors de l’Église. Mais il est beaucoup

68 d’autres le soin d’appliquer ses critères hors de l’ Église. Mais il est beaucoup moins évident que la littérature puisse s

69 l’Église. Mais il est beaucoup moins évident que la littérature puisse se passer impunément de la théologie. Et il est bi

70 que la littérature puisse se passer impunément de la théologie. Et il est bien certain que lorsqu’elle s’en passe, les eff

71 t il est bien certain que lorsqu’elle s’en passe, les effets s’en font sentir dans l’Église même. Car le clergé et l’élite

72 elle s’en passe, les effets s’en font sentir dans l’ Église même. Car le clergé et l’élite des fidèles ne sauraient échappe

73 s effets s’en font sentir dans l’Église même. Car le clergé et l’élite des fidèles ne sauraient échapper à l’influence de

74 font sentir dans l’Église même. Car le clergé et l’ élite des fidèles ne sauraient échapper à l’influence de leurs lecture

75 gé et l’élite des fidèles ne sauraient échapper à l’ influence de leurs lectures, cependant qu’ils éprouvent une difficulté

76 e à juger celles-ci du point de vue de leur foi : le vocabulaire de la piété et celui de la littérature, les atmosphères q

77 i du point de vue de leur foi : le vocabulaire de la piété et celui de la littérature, les atmosphères qu’elles créent, le

78 leur foi : le vocabulaire de la piété et celui de la littérature, les atmosphères qu’elles créent, les problèmes qu’elles

79 cabulaire de la piété et celui de la littérature, les atmosphères qu’elles créent, les problèmes qu’elles envisagent, les v

80 la littérature, les atmosphères qu’elles créent, les problèmes qu’elles envisagent, les valeurs morales qu’elles tiennent

81 ’elles créent, les problèmes qu’elles envisagent, les valeurs morales qu’elles tiennent pour allant de soi, tout est devenu

82 différent, et presque sans commune mesure. À qui la faute ? 4. Certes, je suis le premier à redouter que les théologiens

83 e ? 4. Certes, je suis le premier à redouter que les théologiens se mettent à faire de la critique littéraire, comme il ar

84 edouter que les théologiens se mettent à faire de la critique littéraire, comme il arrive qu’on en lise sous leur nom dans

85 comme il arrive qu’on en lise sous leur nom dans les revues de pensée religieuse : il s’agit trop souvent de comptes rendu

86 mier à protester contre ces citations d’auteurs à la mode — ou plus souvent à la mode d’il y a cinquante ans — dont les pr

87 citations d’auteurs à la mode — ou plus souvent à la mode d’il y a cinquante ans — dont les prédicateurs modernes ont cout

88 s souvent à la mode d’il y a cinquante ans — dont les prédicateurs modernes ont coutume « d’orner » leurs sermons. Ce n’est

89 t coutume « d’orner » leurs sermons. Ce n’est pas la littérature qui doit prêter secours à la Parole de Dieu, mais c’est l

90 ’est pas la littérature qui doit prêter secours à la Parole de Dieu, mais c’est le contraire. S’il arrive qu’un pasteur ou

91 it prêter secours à la Parole de Dieu, mais c’est le contraire. S’il arrive qu’un pasteur ou un prêtre juge opportun de pa

92 voudrais que certains d’entre eux se consacrent à l’ examen, à la critique et même, cas échéant, à une sorte de direction s

93 certains d’entre eux se consacrent à l’examen, à la critique et même, cas échéant, à une sorte de direction spirituelle d

94 dances littéraires de leur époque ; mais ceci, je le répète en tant que théologiens, non point en tant qu’écrivains-amateu

95 gens de goût. Sans rien préjuger du succès ou de l’ influence possible d’une intervention de ce genre, elle aurait en tout

96 intervention de ce genre, elle aurait en tout cas l’ avantage de donner aux fidèles — et à leur clergé — certains critères

97 bulaire, et par suite une certaine orientation de l’ esprit propres à rétablir, petit à petit, des éléments de commune mesu

98 tit à petit, des éléments de commune mesure entre le croyant et le lecteur dans un même homme. Ceci dit, j’en reviens à mo

99 es éléments de commune mesure entre le croyant et le lecteur dans un même homme. Ceci dit, j’en reviens à mon propos, qui

100 our son étude quelques hypothèses de travail. 5. L’ ignorance générale où sont les écrivains modernes des rudiments de la

101 èses de travail. 5. L’ignorance générale où sont les écrivains modernes des rudiments de la théologie a pour conséquence i

102 e où sont les écrivains modernes des rudiments de la théologie a pour conséquence immédiate qu’ils se condamnent à découvr

103 immédiate qu’ils se condamnent à découvrir, tous les vingt ans, des Amériques depuis longtemps colonisées. Qui voudrait n

104 histoire qui nous montrerait non seulement ce que les écrivains, à leur insu, doivent à l’atmosphère religieuse de leur épo

105 ment ce que les écrivains, à leur insu, doivent à l’ atmosphère religieuse de leur époque, mais surtout comment ils pâtisse

106 tout comment ils pâtissent de n’avoir point connu l’ existence de traditions soit orthodoxes soit hérétiques, c’est le cas

107 traditions soit orthodoxes soit hérétiques, c’est le cas le plus fréquent, dont à grands frais ils redécouvrent quelques b

108 ons soit orthodoxes soit hérétiques, c’est le cas le plus fréquent, dont à grands frais ils redécouvrent quelques bribes,

109 yclopédistes aux existentialistes, en passant par les romantiques, les symbolistes et les surréalistes ? T. S. Eliot, dans

110 existentialistes, en passant par les romantiques, les symbolistes et les surréalistes ? T. S. Eliot, dans un livre trop cou

111 n passant par les romantiques, les symbolistes et les surréalistes ? T. S. Eliot, dans un livre trop court (After Strange G

112 un livre trop court (After Strange Gods) a donné l’ esquisse d’une étude des hérésies dans la littérature moderne. Pour ma

113 a donné l’esquisse d’une étude des hérésies dans la littérature moderne. Pour ma part, j’ai tenté de montrer comment les

114 erne. Pour ma part, j’ai tenté de montrer comment les troubadours, dont la doctrine fut reprise par les auteurs du Tristan,

115 ai tenté de montrer comment les troubadours, dont la doctrine fut reprise par les auteurs du Tristan, d’où sont issus pres

116 les troubadours, dont la doctrine fut reprise par les auteurs du Tristan, d’où sont issus presque tous nos romans, étaient

117 issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’ hérésie manichéenne, et l’ont ainsi fait vivre jusqu’à nous et parmi n

118 ans, étaient nourris de l’hérésie manichéenne, et l’ ont ainsi fait vivre jusqu’à nous et parmi nous, bien que vulgarisée e

119 etit exemple que je mentionne faute de mieux pour l’ entreprise et non pour le succès. Il y aurait tout et tant à dire sur

120 onne faute de mieux pour l’entreprise et non pour le succès. Il y aurait tout et tant à dire sur la renaissance endémique,

121 ur le succès. Il y aurait tout et tant à dire sur la renaissance endémique, dans nos écoles d’avant-garde, des déviations

122 ue, dans nos écoles d’avant-garde, des déviations les plus connues du mysticisme, du gnosticisme, de l’arianisme et du libé

123 es plus connues du mysticisme, du gnosticisme, de l’ arianisme et du libéralisme romantique. Qui voudra et pourra l’expliqu

124 t du libéralisme romantique. Qui voudra et pourra l’ expliquer aux disciples de ces mouvements ? Il y faudrait un théologie

125 s mouvements ? Il y faudrait un théologien. Lever les bras au ciel, ou pointer le doigt du moraliste, n’est pas faire acte

126 un théologien. Lever les bras au ciel, ou pointer le doigt du moraliste, n’est pas faire acte de charité à l’égard des eff

127 as faire acte de charité à l’égard des efforts de l’ avant-garde, d’autant qu’ils jouent, aux yeux de beaucoup et des meill

128 e beaucoup et des meilleurs de nos contemporains, le rôle d’une spiritualité ardente et courageuse. Pourquoi faudrait-il q

129 ardente et courageuse. Pourquoi faudrait-il qu’à l’ obscurantisme théologique qui dénote la culture d’aujourd’hui, réponde

130 it-il qu’à l’obscurantisme théologique qui dénote la culture d’aujourd’hui, réponde chez les théologiens un « refus d’info

131 qui dénote la culture d’aujourd’hui, réponde chez les théologiens un « refus d’informer » symétrique, fait de méfiance, d’i

132 ue de rigueur théologique ? Au nom des besoins de la paroisse de campagne, trop souvent prise comme prétexte chez les prot

133 campagne, trop souvent prise comme prétexte chez les protestants, va-t-on laisser certaine élite intellectuelle du siècle

134 du siècle sans nul secours ? Va-t-on lui tourner le dos parce qu’elle est tapageuse, scandaleuse et d’une conduite peu ré

135 use, scandaleuse et d’une conduite peu régulière, la confirmant ainsi dans sa persuasion que l’Église est bonne pour les p

136 lière, la confirmant ainsi dans sa persuasion que l’ Église est bonne pour les petits bourgeois, n’a rien à dire aux esprit

137 si dans sa persuasion que l’Église est bonne pour les petits bourgeois, n’a rien à dire aux esprits libres et « avancés »,

138 x esprits libres et « avancés », et ne tolère que le mauvais art du dernier siècle ? Au lecteur convaincu comme moi de la

139 ernier siècle ? Au lecteur convaincu comme moi de la nécessité de rétablir des ponts entre la théologie et les lettres viv

140 e moi de la nécessité de rétablir des ponts entre la théologie et les lettres vivantes, je soumets à titre d’exemples et s

141 ssité de rétablir des ponts entre la théologie et les lettres vivantes, je soumets à titre d’exemples et sans nul ordre pré

142 ts à titre d’exemples et sans nul ordre préconçu, les thèses suivantes. 6. C’est l’extrémisme théologique qui agit aujourd

143 l ordre préconçu, les thèses suivantes. 6. C’est l’ extrémisme théologique qui agit aujourd’hui sur les écrivains, tandis

144 l’extrémisme théologique qui agit aujourd’hui sur les écrivains, tandis que le libéralisme tendait à se mettre à l’école de

145 ui agit aujourd’hui sur les écrivains, tandis que le libéralisme tendait à se mettre à l’école de leurs complaisances, et

146 , tandis que le libéralisme tendait à se mettre à l’ école de leurs complaisances, et par suite ne leur donnait rien. Exem

147 nes générations, en Europe, en Angleterre et dans les deux Amériques. Notons que si cette influence s’est montrée décisive

148 ns, elle n’a pas eu pour effet (ou très rarement) l’ adhésion des convertis à une Église déterminée. N’est-ce point là le s

149 vertis à une Église déterminée. N’est-ce point là le signe d’une incompatibilité inquiétante entre l’élite active et les «

150 le signe d’une incompatibilité inquiétante entre l’ élite active et les « milieux d’Église » ? 7. Une théologie orthodoxe

151 compatibilité inquiétante entre l’élite active et les « milieux d’Église » ? 7. Une théologie orthodoxe (je ne dis pas scl

152 ale se lie aux mouvements romantiques. C’est que l’ écrivain romantique croit voir dans les dogmes autant d’entraves à l’e

153 C’est que l’écrivain romantique croit voir dans les dogmes autant d’entraves à l’essor créateur, tandis que le classique

154 ue croit voir dans les dogmes autant d’entraves à l’ essor créateur, tandis que le classique y trouve à la fois des appuis

155 autant d’entraves à l’essor créateur, tandis que le classique y trouve à la fois des appuis et des gênes fécondes. Le pre

156 is et des gênes fécondes. Le premier, semblable à la colombe de Kant, s’imagine qu’il volerait mieux dans le vide. Le seco

157 ombe de Kant, s’imagine qu’il volerait mieux dans le vide. Le second, mieux assuré de la force de ses ailes, cherche une a

158 it mieux dans le vide. Le second, mieux assuré de la force de ses ailes, cherche une atmosphère dense pour exercer en plei

159 résistance effective et valable aux incartades de l’ imagination. Ainsi fait le fougueux d’Aubigné s’armant de la doctrine

160 lable aux incartades de l’imagination. Ainsi fait le fougueux d’Aubigné s’armant de la doctrine de Calvin. À l’inverse, je

161 ion. Ainsi fait le fougueux d’Aubigné s’armant de la doctrine de Calvin. À l’inverse, je soupçonne les romantiques d’avoir

162 ux d’Aubigné s’armant de la doctrine de Calvin. À l’ inverse, je soupçonne les romantiques d’avoir cherché dans la théologi

163 la doctrine de Calvin. À l’inverse, je soupçonne les romantiques d’avoir cherché dans la théologie de leur époque et sous

164 je soupçonne les romantiques d’avoir cherché dans la théologie de leur époque et sous le nom de liberté, de coûteuses lice

165 cherché dans la théologie de leur époque et sous le nom de liberté, de coûteuses licences intellectuelles, ou de simples

166 es intellectuelles, ou de simples facilités… 8. La littérature en général trouve à se nourrir moins dans telle doctrine

167 dans telle doctrine théologique régnante que dans l’ atmosphère et l’ambiance de controverses théologiques mêlées à des que

168 ine théologique régnante que dans l’atmosphère et l’ ambiance de controverses théologiques mêlées à des questions politique

169 es mêlées à des questions politiques. Exemples : La poésie des troubadours, née dans la seconde partie du xiie siècle, e

170 iques, féodaux du Nord et « démocrates » du Sud ; la poésie calviniste au xvie siècle ; le théâtre et le lyrisme élisabét

171 » du Sud ; la poésie calviniste au xvie siècle ; le théâtre et le lyrisme élisabéthains ; et parmi nous, la renaissance n

172 poésie calviniste au xvie siècle ; le théâtre et le lyrisme élisabéthains ; et parmi nous, la renaissance notable d’une p

173 âtre et le lyrisme élisabéthains ; et parmi nous, la renaissance notable d’une poésie d’inspiration religieuse en France,

174 oésie d’inspiration religieuse en France, pendant l’ occupation et tôt après. 9. Une Église à tendance liturgique marquée

175 9. Une Église à tendance liturgique marquée offre le terrain le plus favorable à l’entente ou au conflit significatif des

176 se à tendance liturgique marquée offre le terrain le plus favorable à l’entente ou au conflit significatif des théologiens

177 ique marquée offre le terrain le plus favorable à l’ entente ou au conflit significatif des théologiens et des écrivains da

178 ns une nation donnée. Je me bornerai à citer ici l’ exemple de l’Église anglicane dont le Prayer Book a formé la langue de

179 donnée. Je me bornerai à citer ici l’exemple de l’ Église anglicane dont le Prayer Book a formé la langue des poètes depu

180 à citer ici l’exemple de l’Église anglicane dont le Prayer Book a formé la langue des poètes depuis près de quatre siècle

181 de l’Église anglicane dont le Prayer Book a formé la langue des poètes depuis près de quatre siècles, et dont le rôle dans

182 des poètes depuis près de quatre siècles, et dont le rôle dans l’histoire des lettres anglaises s’avère capital, de John D

183 puis près de quatre siècles, et dont le rôle dans l’ histoire des lettres anglaises s’avère capital, de John Donne à T. S.

184 ital, de John Donne à T. S. Eliot, en passant par le Doyen Swift, l’évêque Berkeley, Coleridge, Lewis Carroll, et vingt au

185 nne à T. S. Eliot, en passant par le Doyen Swift, l’ évêque Berkeley, Coleridge, Lewis Carroll, et vingt autres noms du mêm

186 ui ne signifie rien, bien entendu, pour ou contre le ritualisme, mais indique une direction de recherches peut-être fécond

187 ut-être féconde. 10. Une critique théologique de la littérature devra mettre en garde son public contre l’illusion couran

188 ttérature devra mettre en garde son public contre l’ illusion courante qui consiste à ne prendre en considération comme aut

189 isent : Seigneur ! Seigneur !… mais ceux qui font la volonté de mon Père… » que nous devons prendre au sérieux. Faire la v

190 Père… » que nous devons prendre au sérieux. Faire la volonté de Dieu, en écrivant, ce n’est pas simplement parler de Dieu

191 atteinte aux dépens du mystère, et pour laquelle les protestants anglo-saxons montrent un goût immodéré. Je connais un bon

192 e connais un bon nombre d’ouvrages religieux dont le style journalistique est incompatible avec aucune espèce de réalité s

193 atible avec aucune espèce de réalité spirituelle. L’ auteur ne cesse de mentionner cette réalité, mais en fait il échoue à

194 entionner cette réalité, mais en fait il échoue à l’ exprimer ; il se livre à des efforts visibles de propagande en faveur

195 même, il trahit peut-être une certaine absence de l’ Esprit dans la genèse de son œuvre. Il oublie que le style d’un écrit

196 t peut-être une certaine absence de l’Esprit dans la genèse de son œuvre. Il oublie que le style d’un écrit transmet pour

197 Esprit dans la genèse de son œuvre. Il oublie que le style d’un écrit transmet pour son compte et par lui-même un « messag

198 beaucoup plus réel et agissant que celui qui fait l’ objet déclaré du dit écrit. Parfois ces deux messages s’accordent et s

199 ces deux messages s’accordent et se renforcent ; le plus souvent hélas ils se contredisent, et l’un ruine l’autre secrète

200 tredisent, et l’un ruine l’autre secrètement dans l’ esprit du lecteur. Ce qu’il importe de rappeler ici, c’est que toute œ

201 que toute œuvre littéraire, si profane qu’en soit le sujet, implique une théologie (fût-ce à l’insu de son auteur), et qu’

202 n soit le sujet, implique une théologie (fût-ce à l’ insu de son auteur), et qu’elle l’exprime par les mouvements mêmes du

203 logie (fût-ce à l’insu de son auteur), et qu’elle l’ exprime par les mouvements mêmes du style, plus fidèlement et d’une ma

204 à l’insu de son auteur), et qu’elle l’exprime par les mouvements mêmes du style, plus fidèlement et d’une manière plus cont

205 et reconnaissance : recueil de travaux publiés à l’ occasion du soixantième anniversaire de Karl Barth, Neuchâtel, Delacha

206 Le supplice de Tantale (octobre 1946)a L’eau fuit ses lèvres, la bran

207 Le supplice de Tantale (octobre 1946)a L’ eau fuit ses lèvres, la branche fuit sa main, et le rocher qui surplom

208 Tantale (octobre 1946)a L’eau fuit ses lèvres, la branche fuit sa main, et le rocher qui surplombe sa tête va tomber ma

209 ’eau fuit ses lèvres, la branche fuit sa main, et le rocher qui surplombe sa tête va tomber mais ne tombe jamais. Pour l’o

210 ombe sa tête va tomber mais ne tombe jamais. Pour l’ observateur non prévenu, tout se passe comme si le désir de Tantale su

211 l’observateur non prévenu, tout se passe comme si le désir de Tantale suffisait à repousser les objets qu’il désire, et sa

212 omme si le désir de Tantale suffisait à repousser les objets qu’il désire, et sa crainte l’objet qu’il redoute. Quand il se

213 repousser les objets qu’il désire, et sa crainte l’ objet qu’il redoute. Quand il se penche vers la surface de la rivière

214 te l’objet qu’il redoute. Quand il se penche vers la surface de la rivière où il baigne à mi-corps, quand il lève le bras

215 il redoute. Quand il se penche vers la surface de la rivière où il baigne à mi-corps, quand il lève le bras vers ces fruit

216 la rivière où il baigne à mi-corps, quand il lève le bras vers ces fruits mûrs qui font ployer la branche au-dessus de son

217 lève le bras vers ces fruits mûrs qui font ployer la branche au-dessus de son front, on dirait que son geste même déclench

218 ait que son geste même déclenche un mécanisme qui l’ annule. Mais on dirait aussi que son regard, dès qu’il l’élève avec an

219 e. Mais on dirait aussi que son regard, dès qu’il l’ élève avec angoisse vers le rocher, retient le rocher. Étrange lieu qu

220 son regard, dès qu’il l’élève avec angoisse vers le rocher, retient le rocher. Étrange lieu que ce coin du Tartare, où la

221 ’il l’élève avec angoisse vers le rocher, retient le rocher. Étrange lieu que ce coin du Tartare, où la pesante logique de

222 e rocher. Étrange lieu que ce coin du Tartare, où la pesante logique de la matière est abolie pour peu que l’homme se mani

223 que ce coin du Tartare, où la pesante logique de la matière est abolie pour peu que l’homme se manifeste. Serait-ce un pu

224 nte logique de la matière est abolie pour peu que l’ homme se manifeste. Serait-ce un pur lieu de l’esprit ? Oui, car à l’i

225 ue l’homme se manifeste. Serait-ce un pur lieu de l’ esprit ? Oui, car à l’instant même où Tantale est ému, où il forme un

226 ntale est ému, où il forme un projet, où il agit, les lois de la chute des corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes

227 u, où il forme un projet, où il agit, les lois de la chute des corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mort,

228 orps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mort, font place aux lois des dieux, qui sont celles de l’esprit ; et

229 font place aux lois des dieux, qui sont celles de l’ esprit ; et des dieux irrités contre l’homme, c’est-à-dire d’un esprit

230 celles de l’esprit ; et des dieux irrités contre l’ homme, c’est-à-dire d’un esprit coupable. Regardons bien ce paysage im

231 n corps, une eau, une branche et un rocher. C’est l’ homme coupable, environné des emblèmes de sa peur et de sa convoitise

232 ent ici à des événements intérieurs. Tout tient à l’ homme et tout illustre une des structures fondamentales de son être.

233 son être. Tantale avait commis deux crimes, dit la Fable. Admis à la table des dieux, il avait dérobé à ses hôtes leur n

234 e avait commis deux crimes, dit la Fable. Admis à la table des dieux, il avait dérobé à ses hôtes leur nectar et leur ambr

235 é à ses hôtes leur nectar et leur ambroisie, pour les faire goûter aux mortels. Puis, dans l’idée de défier l’Olympe et d’é

236 ie, pour les faire goûter aux mortels. Puis, dans l’ idée de défier l’Olympe et d’éprouver son omniscience, il avait tué so

237 e goûter aux mortels. Puis, dans l’idée de défier l’ Olympe et d’éprouver son omniscience, il avait tué son propre fils Pél

238 propre fils Pélops, pour faire servir sa chair à la table divine. Les liqueurs d’immortalité sont ici comme des signes de

239 ps, pour faire servir sa chair à la table divine. Les liqueurs d’immortalité sont ici comme des signes de la Grâce, dont un

240 queurs d’immortalité sont ici comme des signes de la Grâce, dont un homme chercherait à s’emparer par subterfuge, afin de

241 fin de s’assurer un empire terrestre. Doutons que la philanthropie préside au vol de Tantale, quand il est assez clair qu’

242 e Tantale, quand il est assez clair qu’il jalouse les dieux, leur divination, leur puissance, et tous les plaisirs qu’ils e

243 s dieux, leur divination, leur puissance, et tous les plaisirs qu’ils en tirent. Quant à la mise à mort du fils, offert ens

244 e, et tous les plaisirs qu’ils en tirent. Quant à la mise à mort du fils, offert ensuite aux dieux comme nourriture meille

245 surprenant d’observer qu’elle invertit exactement le sacrifice du Fils de Dieu. Au lieu du Père livrant son Fils aux homme

246 u du Père livrant son Fils aux hommes pour qu’ils le tuent, mais aussi pour qu’ensuite ils revivent par la consommation de

247 uent, mais aussi pour qu’ensuite ils revivent par la consommation de son corps spirituel, un homme tue lui-même son fils,

248 t abuser. À cette double infraction aux grâces de l’ esprit (comme je voudrais nommer les lois spirituelles), répond un châ

249 aux grâces de l’esprit (comme je voudrais nommer les lois spirituelles), répond un châtiment dont on croit deviner qu’il n

250 u’il n’est qu’une double réfraction du crime dans l’ ordre humain. Parce qu’il a convoité la nourriture des dieux, Tantale

251 crime dans l’ordre humain. Parce qu’il a convoité la nourriture des dieux, Tantale se voit refuser celle du commun des hom

252 commun des hommes. Sa jalousie se réfléchit dans la frustration du désir. Et son défi au Ciel, ayant failli, s’inverse en

253 el, ayant failli, s’inverse en menace suspendue. Le monde païen ne conçoit pas de pardon par amour et de salut gratuit, e

254 par amour et de salut gratuit, et c’est pourquoi les châtiments qu’infligent les dieux revêtent en général un caractère de

255 it, et c’est pourquoi les châtiments qu’infligent les dieux revêtent en général un caractère de revanche pure et simple, et

256 et comme automatique. C’est autant dire que dans le monde païen, l’homme reste seul avec lui-même et se ferme aux interve

257 tique. C’est autant dire que dans le monde païen, l’ homme reste seul avec lui-même et se ferme aux interventions d’une tra

258 ne transcendance, ou d’un appel venu d’ailleurs. ( Les « dieux » n’étant, en fait, que ses propres limites.) Dans l’histoire

259 n’étant, en fait, que ses propres limites.) Dans l’ histoire du supplice de Tantale, cet automatisme est si sûr qu’il auto

260 tiques en apparence. Je vois Tantale soutenu dans la rivière, le rocher soutenu sur sa tête, l’onde et la branche ne s’éca

261 parence. Je vois Tantale soutenu dans la rivière, le rocher soutenu sur sa tête, l’onde et la branche ne s’écartant de lui

262 u dans la rivière, le rocher soutenu sur sa tête, l’ onde et la branche ne s’écartant de lui qu’à l’instant où il veut les

263 rivière, le rocher soutenu sur sa tête, l’onde et la branche ne s’écartant de lui qu’à l’instant où il veut les atteindre,

264 he ne s’écartant de lui qu’à l’instant où il veut les atteindre, et tout cela ne tient vraiment qu’à lui, qu’aux dispositio

265 é depuis ses crimes. Nourrissant avec obstination les mêmes désirs et le même orgueil, il nourrit la vengeance des « dieux 

266 Nourrissant avec obstination les mêmes désirs et le même orgueil, il nourrit la vengeance des « dieux » qui frustrent ces

267 n les mêmes désirs et le même orgueil, il nourrit la vengeance des « dieux » qui frustrent ces désirs et qui retardent, ir

268 soudain à son amour d’un moi coupable et torturé, l’ expiation libératrice et son délire. À l’instant même, il s’enfonce da

269 t son délire. À l’instant même, il s’enfonce dans les eaux, il boit à mort, et le rocher l’écrase. Mais c’est précisément c

270 e, il s’enfonce dans les eaux, il boit à mort, et le rocher l’écrase. Mais c’est précisément ce qui n’arrive jamais, et ne

271 fonce dans les eaux, il boit à mort, et le rocher l’ écrase. Mais c’est précisément ce qui n’arrive jamais, et ne peut arri

272 t ce qui n’arrive jamais, et ne peut arriver dans le Tartare. Tantale, ne croyant pas à la résurrection, ni au pardon, ni

273 rriver dans le Tartare. Tantale, ne croyant pas à la résurrection, ni au pardon, ni au salut que lui vaudrait un instant d

274 elle indescriptible renaissance ! — préfère subir le supplice de Tantale. C’est son orgueil et sa dignité d’homme : il se

275 oi rien ne change autour de lui. Considérons ici l’ Homme du Désir, Tantale symboliquement réduit, dans la légende, à sa f

276 mme du Désir, Tantale symboliquement réduit, dans la légende, à sa faim, à sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui, dan

277 l est cet homme qui, dans chacun de nous, préfère le désir, même douloureux d’avoir été mille et mille fois déçu — mais c’

278 — mais c’est encore son désir, donc lui-même — à la proie qu’il ne posséderait qu’en acceptant d’être changé d’abord. Que

279 d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de gagner le monde s’il y perdait son moi ? Il est certain qu’à sa manière il a ra

280 ertain qu’à sa manière il a raison. Car à gagner, l’ on perd toujours quelque chose : l’attente, l’espoir, la nostalgie du

281 Car à gagner, l’on perd toujours quelque chose : l’ attente, l’espoir, la nostalgie du gain. Supposons un individu qui aur

282 er, l’on perd toujours quelque chose : l’attente, l’ espoir, la nostalgie du gain. Supposons un individu qui aurait désiré

283 erd toujours quelque chose : l’attente, l’espoir, la nostalgie du gain. Supposons un individu qui aurait désiré si longtem

284 reçu. Ou encore : un être nouveau surgirait dans l’ instant du don, pour le recevoir en son lieu. À la limite, et dans la

285 tre nouveau surgirait dans l’instant du don, pour le recevoir en son lieu. À la limite, et dans la logique d’un mythe où l

286 l’instant du don, pour le recevoir en son lieu. À la limite, et dans la logique d’un mythe où l’homme s’identifie à l’une

287 our le recevoir en son lieu. À la limite, et dans la logique d’un mythe où l’homme s’identifie à l’une de ses tendances, c

288 eu. À la limite, et dans la logique d’un mythe où l’ homme s’identifie à l’une de ses tendances, celui qui gagne est donc t

289 tre. Et celui qui désire ne gagnera jamais. C’est le sophisme de l’empereur : Napoléon n’est pas un Bonaparte comblé, mais

290 ui désire ne gagnera jamais. C’est le sophisme de l’ empereur : Napoléon n’est pas un Bonaparte comblé, mais quelqu’un qui

291 comblé, mais quelqu’un qui s’est substitué, sous le manteau d’hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’être emper

292 ubstitué, sous le manteau d’hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’être empereur est mort le jour du couronnemen

293 Le romantique qui rêvait d’être empereur est mort le jour du couronnement. Tous nos succès, tous nos actes sans doute, son

294 notre identité, des aliénations de nous-mêmes. À la limite, ils sont autant d’usurpations. Changeons maintenant de plan

295 eons maintenant de plan spirituel, et transposons le mythe de Tantale dans un monde où l’instant d’abandon ne signifie plu

296 transposons le mythe de Tantale dans un monde où l’ instant d’abandon ne signifie plus la mort mais la vie et l’héritage d

297 un monde où l’instant d’abandon ne signifie plus la mort mais la vie et l’héritage de la vie éternelle. J’emprunte à Jean

298 l’instant d’abandon ne signifie plus la mort mais la vie et l’héritage de la vie éternelle. J’emprunte à Jean-Paul1, une h

299 d’abandon ne signifie plus la mort mais la vie et l’ héritage de la vie éternelle. J’emprunte à Jean-Paul1, une histoire ét

300 ignifie plus la mort mais la vie et l’héritage de la vie éternelle. J’emprunte à Jean-Paul1, une histoire étrangement para

301 une histoire étrangement parabolique et qui, dans le registre de l’humour profond, reproduit notre fable grecque, mais la

302 rangement parabolique et qui, dans le registre de l’ humour profond, reproduit notre fable grecque, mais la conduit à une h

303 mour profond, reproduit notre fable grecque, mais la conduit à une heureuse fin. L’oncle van der Kabel vient de mourir, et

304 able grecque, mais la conduit à une heureuse fin. L’ oncle van der Kabel vient de mourir, et devant ses sept héritiers natu

305 sept héritiers naturels, un notaire ouvre et lit le testament. La dernière clause se trouve ainsi conçue : « Tous mes bi

306 nt à celui des sept de MM. mes Neveux qui, durant la demi-heure qui suivra la lecture de la présente clause, versera avant

307 . mes Neveux qui, durant la demi-heure qui suivra la lecture de la présente clause, versera avant tous les autres, une ou

308 ui, durant la demi-heure qui suivra la lecture de la présente clause, versera avant tous les autres, une ou quelques larme

309 lecture de la présente clause, versera avant tous les autres, une ou quelques larmes sur moi, son oncle défunt, et cela en

310 ésence d’un respectable magistrat qui en dressera le protocole. Si tout reste sec, mes biens seront donnés au légataire un

311 s biens seront donnés au légataire universel dont le nom va suivre. » À ce point, le notaire pose sa montre sur la table,

312 re universel dont le nom va suivre. » À ce point, le notaire pose sa montre sur la table, elle marque onze heures et demie

313 ivre. » À ce point, le notaire pose sa montre sur la table, elle marque onze heures et demie, et il attend les larmes. Le

314 e, elle marque onze heures et demie, et il attend les larmes. Le marchand Neupeter se demande s’il ne s’agit que d’une mauv

315 ue onze heures et demie, et il attend les larmes. Le marchand Neupeter se demande s’il ne s’agit que d’une mauvaise farce,

316 d’une mauvaise farce, indigne d’un homme de sens. Le fiscal Knol se sent prêt à pleurer de colère. Pasvogel, le rusé libra

317 Knol se sent prêt à pleurer de colère. Pasvogel, le rusé libraire, essaie de se remémorer tout ce qu’il y a d’émouvant da

318 de se remémorer tout ce qu’il y a d’émouvant dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure que pour tout l’or du monde, u

319 res. Klitte, qui est alsacien, jure que pour tout l’ or du monde, une plaisanterie de ce genre ne le ferait pas pleurer. Su

320 ut l’or du monde, une plaisanterie de ce genre ne le ferait pas pleurer. Sur quoi l’inspecteur de police Harprecht lui fai

321 ie de ce genre ne le ferait pas pleurer. Sur quoi l’ inspecteur de police Harprecht lui fait observer que s’il parvient à p

322 de rire, ce ne sera qu’un vol pur et simple, mais l’ Alsacien proteste que s’il rit, « c’est par pure plaisanterie, et non

323 e, et non pas dans une intention plus sérieuse. » L’ inspecteur ouvre de gros yeux fixes, où rien ne vient. Le jeune prédic

324 cteur ouvre de gros yeux fixes, où rien ne vient. Le jeune prédicateur Flachs, lui, serait tout disposé à se lamenter eccl

325 ut disposé à se lamenter ecclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’oncle, s’avançant vers lui sur ces flots, es

326 se lamenter ecclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’oncle, s’avançant vers lui sur ces flots, est bien trop r

327 cclésiastiquement, mais la vision de la maison de l’ oncle, s’avançant vers lui sur ces flots, est bien trop réjouissante…

328 sur ces flots, est bien trop réjouissante… Glanz, le conseiller d’église, se met à faire une allocution, car il sait que c

329 met à faire une allocution, car il sait que cela le fait pleurer… Mais Flachs, maintenant, a fermé les yeux. Il évoque so

330 le fait pleurer… Mais Flachs, maintenant, a fermé les yeux. Il évoque son oncle van der Kabel, ses bienfaits, ses redingote

331 ses redingotes grises, puis Lazare et ses chiens, la tête de beaucoup d’êtres, les souffrances du jeune Werther, un petit

332 azare et ses chiens, la tête de beaucoup d’êtres, les souffrances du jeune Werther, un petit champ de bataille, lui-même en

333 t, — et il s’en faut de bien peu qu’il ne pleure… Le conseiller continue son discours… Soudain : « Je crois, très honorés

334 n émotion dûment enregistrée, il héritera de tous les biens de l’oncle, pour lui avoir dédié, entre tant d’autres, une seul

335 ent enregistrée, il héritera de tous les biens de l’ oncle, pour lui avoir dédié, entre tant d’autres, une seule pensée d’a

336 ’autres, une seule pensée d’amour pur et gratuit. L’ auteur du nouveau Testament n’en demande pas davantage à l’homme pour

337 du nouveau Testament n’en demande pas davantage à l’ homme pour le faire héritier de son royaume : il demande un instant de

338 stament n’en demande pas davantage à l’homme pour le faire héritier de son royaume : il demande un instant de foi. Un inst

339 désintéressé. Toute autre tentative pour mériter la Vie et le Royaume, gratuitement offerts, déclenche irrésistiblement l

340 ssé. Toute autre tentative pour mériter la Vie et le Royaume, gratuitement offerts, déclenche irrésistiblement le mécanism

341 gratuitement offerts, déclenche irrésistiblement le mécanisme du supplice de Tantale, c’est-à-dire qu’elle s’annule de so

342 du mérite de ses œuvres, il ne pleurera pas : car la vision de la proie qui s’approche sera « bien trop réjouissante » pou

343 ses œuvres, il ne pleurera pas : car la vision de la proie qui s’approche sera « bien trop réjouissante » pour son cœur, e

344 sera « bien trop réjouissante » pour son cœur, et le Royaume convoité s’éloignera tout aussitôt, comme la branche chargée

345 Royaume convoité s’éloignera tout aussitôt, comme la branche chargée de fruits. Si un homme veut la Vie éternelle par seul

346 me la branche chargée de fruits. Si un homme veut la Vie éternelle par seule crainte de mourir à cette vie temporelle, les

347 r seule crainte de mourir à cette vie temporelle, les eaux vives fuiront ses lèvres ; car il faudrait, pour y être immergé,

348 ord à ses propres désirs et à soi-même. (Et c’est le symbole du Baptême.) Telle est la ruse de l’Amour insondable. Admiron

349 même. (Et c’est le symbole du Baptême.) Telle est la ruse de l’Amour insondable. Admirons-en la précision miraculeuse ! Po

350 ’est le symbole du Baptême.) Telle est la ruse de l’ Amour insondable. Admirons-en la précision miraculeuse ! Pour si peu d

351 le est la ruse de l’Amour insondable. Admirons-en la précision miraculeuse ! Pour si peu d’égoïsme qu’il subsiste dans l’a

352 leuse ! Pour si peu d’égoïsme qu’il subsiste dans l’ acte de porter les lèvres ou la main vers cette eau, vers ces fruits o

353 eu d’égoïsme qu’il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main vers cette eau, vers ces fruits offerts, l’amour de

354 u’il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main vers cette eau, vers ces fruits offerts, l’amour de soi domine e

355 la main vers cette eau, vers ces fruits offerts, l’ amour de soi domine encore le pur Amour, et le plaisir anticipé suffit

356 ces fruits offerts, l’amour de soi domine encore le pur Amour, et le plaisir anticipé suffit encore à refouler cette larm

357 ts, l’amour de soi domine encore le pur Amour, et le plaisir anticipé suffit encore à refouler cette larme, qui pouvait se

358 i pouvait seule, et dans un seul instant, mériter la joie éternelle. 1. Dans les Flegeljahre. a. Rougemont Denis de, «

359 eul instant, mériter la joie éternelle. 1. Dans les Flegeljahre. a. Rougemont Denis de, « Le supplice de Tantale », Fon

360 Dans les Flegeljahre. a. Rougemont Denis de, «  Le supplice de Tantale », Fontaine, Paris, octobre 1946, p. 362-367.

361 Genève, rose des vents de l’ esprit (19 décembre 1946)c Pendant deux semaines viennent d’avoir l

362 , des « Rencontres internationales » placées sous l’ égide de L’Esprit européen. On y a entendu des conférences et des disc

363 contres internationales » placées sous l’égide de L’ Esprit européen. On y a entendu des conférences et des discussions, de

364 matiques et cinématographiques remarquables. Tous les journaux en ont abondamment parlé, ce qui nous dispense d’y revenir e

365 enir en détail. Mais nous avons tenu à recueillir les impressions de M. Denis de Rougemont, l’un de nos plus brillants essa

366 mont, l’un de nos plus brillants essayistes, dont la conférence, en l’aula de l’Université, a obtenu le plus grand succès,

367 plus brillants essayistes, dont la conférence, en l’ aula de l’Université, a obtenu le plus grand succès, comme celle, par

368 ants essayistes, dont la conférence, en l’aula de l’ Université, a obtenu le plus grand succès, comme celle, par ailleurs,

369 a conférence, en l’aula de l’Université, a obtenu le plus grand succès, comme celle, par ailleurs, du romancier français G

370 rnanos, tous deux ne s’étant pas trop égarés dans les mots en urne, ayant appelé un chat un chat et provoqué dans la salle

371 ne, ayant appelé un chat un chat et provoqué dans la salle des mouvements divers, comme on dit. C’est comme cela qu’existe

372 divers, comme on dit. C’est comme cela qu’existe l’ esprit européen : dans la libre discussion, nous confie Denis de Rouge

373 est comme cela qu’existe l’esprit européen : dans la libre discussion, nous confie Denis de Rougemont. La liberté d’opposi

374 libre discussion, nous confie Denis de Rougemont. La liberté d’opposition est typiquement européenne. Même sans en tirer d

375 n tirer de conclusion, sans trouver une solution. L’ Européen veut prendre conscience du drame qui se joue en lui, qui se j

376 se joue en lui, qui se joue en chaque homme. Mais l’ Américain ?… L’Américain, lui, c’est ce qui le distingue de l’Europée

377 qui se joue en chaque homme. Mais l’Américain ?… L’ Américain, lui, c’est ce qui le distingue de l’Européen, court à la co

378 is l’Américain ?… L’Américain, lui, c’est ce qui le distingue de l’Européen, court à la conclusion. Il veut une solution

379 … L’Américain, lui, c’est ce qui le distingue de l’ Européen, court à la conclusion. Il veut une solution pratique, autant

380 c’est ce qui le distingue de l’Européen, court à la conclusion. Il veut une solution pratique, autant que possible. Mais

381 après une conversation, de changer d’opinion. Pas l’ Européen. L’Européen se retranche dans ses convictions et pense que l’

382 nversation, de changer d’opinion. Pas l’Européen. L’ Européen se retranche dans ses convictions et pense que l’adversaire e

383 en se retranche dans ses convictions et pense que l’ adversaire est méchant, puisqu’il ne pense pas comme lui. Des entretie

384 ux maintenant quelles questions j’aurai à poser à la Russie. Je lui dirai : « Vous accusez les démocraties d’être purement

385 poser à la Russie. Je lui dirai : « Vous accusez les démocraties d’être purement formelles, de n’être pas complètement réa

386 oètes de s’exprimer librement, et vous n’avez pas la liberté de la presse, et vous repoussez l’existentialisme qui pose de

387 rimer librement, et vous n’avez pas la liberté de la presse, et vous repoussez l’existentialisme qui pose des questions, e

388 ez pas la liberté de la presse, et vous repoussez l’ existentialisme qui pose des questions, et vous refoulez les reporters

389 tialisme qui pose des questions, et vous refoulez les reporters étrangers et vous êtes le peuple le plus militariste du mon

390 ous refoulez les reporters étrangers et vous êtes le peuple le plus militariste du monde. Si vous vous dites un pays démoc

391 ez les reporters étrangers et vous êtes le peuple le plus militariste du monde. Si vous vous dites un pays démocratique, c

392 tre pas complètement démocratisés ; vous, vous ne l’ acceptez pas. À vous de faire le premier pas. Ouvrez vos frontières. V

393 gemont, que je passe pour un homme de gauche dans les partis de droite et pour un homme de droite dans les partis de gauche

394 partis de droite et pour un homme de droite dans les partis de gauche. Je ne suis jamais pour ou contre un parti. Je suis

395 is jamais pour ou contre un parti. Je suis contre le totalitarisme et pour la démocratie réelle, qui est le fédéralisme. U

396 un parti. Je suis contre le totalitarisme et pour la démocratie réelle, qui est le fédéralisme. Un régime de tyrannie n’ab

397 talitarisme et pour la démocratie réelle, qui est le fédéralisme. Un régime de tyrannie n’aboutit jamais à la liberté. On

398 ralisme. Un régime de tyrannie n’aboutit jamais à la liberté. On le voit, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’esprit e

399 ime de tyrannie n’aboutit jamais à la liberté. On le voit, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’esprit européen s’inspi

400 On le voit, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’ esprit européen s’inspire d’une grande liberté et d’une parfaite franc

401 te franchise de paroles. Sinon, ce ne serait plus l’ esprit européen, où la France donne le ton, la France qui est un pays

402 s. Sinon, ce ne serait plus l’esprit européen, où la France donne le ton, la France qui est un pays de dialogue, comme aim

403 serait plus l’esprit européen, où la France donne le ton, la France qui est un pays de dialogue, comme aime à répéter Andr

404 lus l’esprit européen, où la France donne le ton, la France qui est un pays de dialogue, comme aime à répéter André Gide.

405 gue, comme aime à répéter André Gide. Quand cesse le dialogue, c’est le totalitarisme qui sévit. Denis de Rougemont nous d

406 épéter André Gide. Quand cesse le dialogue, c’est le totalitarisme qui sévit. Denis de Rougemont nous dit encore quel élog

407 mont nous dit encore quel éloge enthousiaste tous les participants ont fait de Genève et de la Suisse. Les Français, notamm

408 te tous les participants ont fait de Genève et de la Suisse. Les Français, notamment, sont venus avec une grande curiosité

409 participants ont fait de Genève et de la Suisse. Les Français, notamment, sont venus avec une grande curiosité et un grand

410 teur. Tout le monde insiste pour cela ; parce que la Suisse est en dehors de l’ONU, parce qu’on y parle sans mandat, pas a

411 pour cela ; parce que la Suisse est en dehors de l’ ONU, parce qu’on y parle sans mandat, pas au nom d’un peuple, mais d’u

412 ce genre. Denis de Rougemont souhaite encore que l’ an prochain on invite des conférenciers américains, dont la voix ne pe

413 hain on invite des conférenciers américains, dont la voix ne peut plus être séparée des dialogues européens. Il souhaite e

414 e des dialogues européens. Il souhaite encore que l’ on organise à Genève un Café de Flore de l’Esprit européen, ou chacun

415 alité. Excellente idée. Genève, rose des vents de l’ esprit, continuera ainsi à jouer son rôle de cité internationale, à co

416 té internationale, à condition, bien entendu, que l’ esprit puisse y souffler librement où il veut. c. Rougemont Denis d

417 Denis de, « [Entretien] Genève, rose des vents de l’ esprit », L’Illustré, Lausanne, 19 décembre 1946, p. 31-32.

418 [Entretien] Genève, rose des vents de l’esprit », L’ Illustré, Lausanne, 19 décembre 1946, p. 31-32.

419 Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)k Je ne c

420 contenance effarouchée. Ses mains tremblaient, et l’ on pensait que sans sa mère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne fer

421 tremblaient, et l’on pensait que sans sa mère qui l’ accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule dans

422 -là, elle ne ferait pas deux pas toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son premier roman qui ven

423 ferait pas deux pas toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son premier roman qui venait de paraît

424 as toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son premier roman qui venait de paraître — écrit entre

425 s — et elle me dit merci, bien sérieusement selon la coutume des femmes américaines lorsqu’on leur fait un compliment. Je

426 liment. Je suppose que mon étonnement eût atteint la stupéfaction si j’avais lu avant cette brève rencontre The Heart is a

427 The Heart is a lonely Hunter. Un peu plus tard je la revis à Brooklyn, dans une sombre maison de quatre étages où m’avait

428 re maison de quatre étages où m’avait amené Golo, le plus jeune fils de Thomas Mann. Un mélange improbable de Kafka, d’Enf

429 rribles et de style vieux New York en définissait l’ atmosphère. On écrivait, on composait, on sculptait, on jouait du pian

430 ait, on sculptait, on jouait du piano dans toutes les chambres aux portes entrouvertes, et l’on se réunissait pour les repa

431 s toutes les chambres aux portes entrouvertes, et l’ on se réunissait pour les repas autour d’une très longue table que ser

432 x portes entrouvertes, et l’on se réunissait pour les repas autour d’une très longue table que servaient deux ou trois énor

433 n y présidait avec une malicieuse dignité : c’est le plus grand poète anglais depuis Eliot. À l’autre bout de la table Geo

434 and poète anglais depuis Eliot. À l’autre bout de la table George Davis, rédacteur du Harper’s Bazaar, tenait son rôle de

435 e. Benjamin Britten et Paul Bowles représentaient la jeune musique, Gypsy Rose Lee la danse et le strip-tease, et tous les

436 s représentaient la jeune musique, Gypsy Rose Lee la danse et le strip-tease, et tous les autres à quelque titre étaient d

437 ient la jeune musique, Gypsy Rose Lee la danse et le strip-tease, et tous les autres à quelque titre étaient des « creativ

438 ypsy Rose Lee la danse et le strip-tease, et tous les autres à quelque titre étaient des « creative people », parlaient de

439 sculpture précolombienne. Je crois bien que toute la jeune littérature, la jeune musique, la jeune peinture, la jeune chor

440 ne. Je crois bien que toute la jeune littérature, la jeune musique, la jeune peinture, la jeune chorégraphie américaines o

441 que toute la jeune littérature, la jeune musique, la jeune peinture, la jeune chorégraphie américaines ont traversé cette

442 littérature, la jeune musique, la jeune peinture, la jeune chorégraphie américaines ont traversé cette maison de Brooklyn,

443 ville de ce pays. Et puis leur nomadisme habituel les a repris. Un an plus tard, tous s’étaient dispersés, au Mexique ou au

444 son McCullers était dans une clinique. Un jour je la rencontre dans un train venant du Sud, en route pour une maison de va

445 blantes une petite coupure de journal : son mari, le lieutenant McCullers, est signalé comme le premier Américain blessé l

446 Wright — qui fut le premier à saluer son talent — la reprise de l’émigration traditionnelle des écrivains américains vers

447 ut le premier à saluer son talent — la reprise de l’ émigration traditionnelle des écrivains américains vers le Vieux Monde

448 tion traditionnelle des écrivains américains vers le Vieux Monde. ⁂ La principale différence entre la jeune littérature am

449 e des écrivains américains vers le Vieux Monde. ⁂ La principale différence entre la jeune littérature américaine et la fra

450 le Vieux Monde. ⁂ La principale différence entre la jeune littérature américaine et la française, c’est que la première n

451 fférence entre la jeune littérature américaine et la française, c’est que la première ne professe pas du tout ce culte du

452 a seconde. Carson McCullers par exemple, quand je l’ interroge sur ses maîtres, me cite Dostoïevsky, Flaubert et Kierkegaar

453 Dos Passos et Steinbeck. C’est dire peut-être que les jeunes Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’assouplir leu

454 plus déliés ce monde dont leurs aînés décrivaient le chaos avec une sorte de brutalité qui en était le reflet plus que l’e

455 le chaos avec une sorte de brutalité qui en était le reflet plus que l’explication. Mais cette recherche obscurément spiri

456 orte de brutalité qui en était le reflet plus que l’ explication. Mais cette recherche obscurément spirituelle ne tend jama

457 erche obscurément spirituelle ne tend jamais vers la formule ou le système, comme elle ferait irrésistiblement chez un Fra

458 ent spirituelle ne tend jamais vers la formule ou le système, comme elle ferait irrésistiblement chez un Français. (« Trou

459 ait irrésistiblement chez un Français. (« Trouver le lieu et la formule », disait Rimbaud.) Elle ne se décante pas, reste

460 tiblement chez un Français. (« Trouver le lieu et la formule », disait Rimbaud.) Elle ne se décante pas, reste immergée da

461 aud.) Elle ne se décante pas, reste immergée dans le symbolisme ambigu des caractères particuliers, des sensations, des at

462 des attractions mutuelles qui meuvent à leur insu les personnages. C’est une recherche proprement romanesque, en images, et

463 une sympathie plus fascinée que volontaire. Ainsi les êtres qui animent cet ouvrage se poursuivent, se rapprochent et se ma

464 dans une espèce de tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la vie intérieure en quête d’explications, de rythm

465 tonnement aventureux qui est le mouvement même de la vie intérieure en quête d’explications, de rythmes, de certitudes à e

466 e Mick, jeune fille pauvre de 15 ans, qui cherche la musique dans sa petite ville, et repère une à une les maisons où la r

467 musique dans sa petite ville, et repère une à une les maisons où la radio choisit les symphonies qu’elle aime. Le soir, ell

468 petite ville, et repère une à une les maisons où la radio choisit les symphonies qu’elle aime. Le soir, elle va s’asseoir

469 repère une à une les maisons où la radio choisit les symphonies qu’elle aime. Le soir, elle va s’asseoir dans une cour obs

470 où la radio choisit les symphonies qu’elle aime. Le soir, elle va s’asseoir dans une cour obscure et elle écoute. Puis el

471 s depuis vingt ans d’une « expérience poétique ». L’ exemple des dialogues peut le faire sentir. Les personnages d’un roman

472 périence poétique ». L’exemple des dialogues peut le faire sentir. Les personnages d’un romancier français, quand ils disc

473  ». L’exemple des dialogues peut le faire sentir. Les personnages d’un romancier français, quand ils discutent des idées, m

474 e des bêtises, c’est pour nous inciter à mépriser l’ erreur ou la bassesse d’une classe qu’ils représentent, d’une tendance

475 s, c’est pour nous inciter à mépriser l’erreur ou la bassesse d’une classe qu’ils représentent, d’une tendance ou d’un vic

476 entent, d’une tendance ou d’un vice dont ils sont les supports. Leurs dialogues sont de courts essais qui nous conduisent p

477 par un léger détour aux conclusions décidées par l’ auteur. C’est pourquoi l’on citera souvent telle phrase d’un héros de

478 conclusions décidées par l’auteur. C’est pourquoi l’ on citera souvent telle phrase d’un héros de Malraux comme si elle exp

479 ase d’un héros de Malraux comme si elle exprimait la pensée de Malraux, au lieu de n’être qu’un accord isolé de la partiti

480 Malraux, au lieu de n’être qu’un accord isolé de la partition. Chez les jeunes écrivains américains, chez Carson McCuller

481 e n’être qu’un accord isolé de la partition. Chez les jeunes écrivains américains, chez Carson McCullers en tout cas, vous

482 des héros. Rien à citer de la part du romancier. Les arguments qu’échangent avec passion un ivrogne et un docteur nègre (p

483 ute que circonscrire et limiter. Notons aussi que la nouvelle littérature américaine, au lieu de mettre en scène des intel

484 tes, moins pour débrouiller que pour sensibiliser les questions qui tourmentent l’époque. ⁂ Je me suis demandé souvent : qu

485 e pour sensibiliser les questions qui tourmentent l’ époque. ⁂ Je me suis demandé souvent : quel est le sujet de ce roman ?

486 l’époque. ⁂ Je me suis demandé souvent : quel est le sujet de ce roman ? Point d’intrigue, et pourtant une construction se

487 utre se brisent ou se perdent inexorablement dans la rumeur informe de la vie quotidienne. Une longue suite d’incidents so

488 perdent inexorablement dans la rumeur informe de la vie quotidienne. Une longue suite d’incidents sourdement émouvants, a

489 s, avec quelques éclats de beauté insolite (comme la promenade de Baby) qui finissent tous dans un geste mortel, coupant,

490 dans un geste mortel, coupant, atroce. Est-ce que le sujet serait la solitude, la frustration ? Ou bien l’enfance plus sér

491 rtel, coupant, atroce. Est-ce que le sujet serait la solitude, la frustration ? Ou bien l’enfance plus sérieuse et plus mé

492 , atroce. Est-ce que le sujet serait la solitude, la frustration ? Ou bien l’enfance plus sérieuse et plus métaphysique qu

493 ujet serait la solitude, la frustration ? Ou bien l’ enfance plus sérieuse et plus métaphysique que l’âge adulte ? (Les scè

494 l’enfance plus sérieuse et plus métaphysique que l’ âge adulte ? (Les scènes et les dialogues d’enfants sont d’une justess

495 sérieuse et plus métaphysique que l’âge adulte ? ( Les scènes et les dialogues d’enfants sont d’une justesse rarement attein

496 us métaphysique que l’âge adulte ? (Les scènes et les dialogues d’enfants sont d’une justesse rarement atteinte, même chez

497 sont d’une justesse rarement atteinte, même chez les romanciers anglais.) Ou bien encore le problème noir ? Ou simplement

498 même chez les romanciers anglais.) Ou bien encore le problème noir ? Ou simplement la description d’une petite ville pauvr

499 ) Ou bien encore le problème noir ? Ou simplement la description d’une petite ville pauvre du Sud ? Ou bien toutes ces cho

500 r, ni brutal, ni sexy, ni religieux, ni relatif à la guerre de Sécession, ni susceptible de fournir un scénario, ni indisc

501 de réponse satisfaisante à ma deuxième question : le fait est là. Pour la première, je puis dire après coup que j’aurais d

502 i devenu fou, qu’on va lire aux pages 219-220 : «  Les autres, écrit-il, haïssent tous quelque chose. Et ils ont tous quelqu

503 ils ont tous quelque chose qu’ils aiment plus que la nourriture ou le sommeil ou le vin ou la compagnie d’un ami. C’est la

504 que chose qu’ils aiment plus que la nourriture ou le sommeil ou le vin ou la compagnie d’un ami. C’est la raison pour laqu

505 ls aiment plus que la nourriture ou le sommeil ou le vin ou la compagnie d’un ami. C’est la raison pour laquelle ils sont

506 plus que la nourriture ou le sommeil ou le vin ou la compagnie d’un ami. C’est la raison pour laquelle ils sont toujours s

507 sommeil ou le vin ou la compagnie d’un ami. C’est la raison pour laquelle ils sont toujours si occupés. » Dernièrement, à

508 » Dernièrement, à Paris, je disais à Carson, avec la ruse d’un interviewer : — Il n’y a pas d’histoires d’amour, dans ce r

509 ndignée : — Il n’y a que cela ! Elle voulait dire l’ amour des êtres, l’amour réel, et non pas celui des romans. New York,

510 a que cela ! Elle voulait dire l’amour des êtres, l’ amour réel, et non pas celui des romans. New York, le 15 avril 1947.

511 mour réel, et non pas celui des romans. New York, le 15 avril 1947. k. Rougemont Denis de, McCullers Carson, « [Préface

512 , McCullers Carson, « [Préface] Carson McCullers, Le Cœur est un chasseur solitaire  », dans Le Cœur est un chasseur solit

513 llers, Le Cœur est un chasseur solitaire  », dans Le Cœur est un chasseur solitaire, Paris, Stock, 1947, p. I-V.

514 La lutte des classes (1947)j Les trains suisses, bien qu’ils vous con

515 La lutte des classes (1947)j Les trains suisses, bien qu’ils vous conduisent en moins d’une heure d’un

516 sont des voyages concentrés et plus émouvants que les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée ne s’établit jamais cett

517 s et plus émouvants que les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée ne s’établit jamais cette monotonie des heures de

518 uvants que les vrais, parce qu’entre le départ et l’ arrivée ne s’établit jamais cette monotonie des heures de plaine et d’

519 pour un véritable voyage, on s’en tire en coupant le milieu, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures de musique rus

520 e russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la découv

521 iniment répétées, pour ne garder que le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la découverte, l’évasi

522 pour ne garder que le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la découverte, l’évasion qui se mue en

523 le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la découverte, l’évasion qui se mue en invasion, ce début

524 le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la découverte, l’évasion qui se mue en invasion, ce début qui clôt une v

525 t le plus déchirant, la rupture et la découverte, l’ évasion qui se mue en invasion, ce début qui clôt une vie, cette concl

526 onclusion qui en ouvre une autre, tandis qu’entre les deux s’opère en un clin d’œil la silencieuse révolution du centre où

527 tandis qu’entre les deux s’opère en un clin d’œil la silencieuse révolution du centre où se confondent les extrêmes les pl

528 silencieuse révolution du centre où se confondent les extrêmes les plus touchants du souvenir et de l’espoir, quand les por

529 évolution du centre où se confondent les extrêmes les plus touchants du souvenir et de l’espoir, quand les portes du cœur,

530 les extrêmes les plus touchants du souvenir et de l’ espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouvertes

531 plus touchants du souvenir et de l’espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouvertes et fermées. Ainsi

532 nstant, sont à la fois ouvertes et fermées. Ainsi la Suisse est la patrie des romantiques contraints par les dimensions mê

533 la fois ouvertes et fermées. Ainsi la Suisse est la patrie des romantiques contraints par les dimensions mêmes de l’État

534 isse est la patrie des romantiques contraints par les dimensions mêmes de l’État au classicisme véritable, celui qui exprim

535 omantiques contraints par les dimensions mêmes de l’ État au classicisme véritable, celui qui exprime le tout en disant le

536 ’État au classicisme véritable, celui qui exprime le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’inspiration par le sign

537 me véritable, celui qui exprime le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’un raccourci

538 me le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’ inspiration par le signal d’un raccourci métaphorique. J’idéalise, mai

539 nt le moins, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’un raccourci métaphorique. J’idéalise, mais pourquoi pas ? S

540 écrire nos petits déplacements du point de vue de l’ usager moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes, po

541 point de vue de l’usager moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mo

542 que je les trouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en tro

543 ve divisés en trois classes, pour la commodité de l’ exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les gens

544 ses, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les gens chic parfois en seconde,

545 on temps, les gens bien voyageaient en troisième, les gens chic parfois en seconde, et je ne savais rien des premières sino

546 premières sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelque usage ignoré du c

547 ides. En troisième on retrouvait, comme j’ai dit, les gens bien, gracieusement mêlés au peuple souverain de la région, dans

548 bien, gracieusement mêlés au peuple souverain de la région, dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs de

549 dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs de bois peints en faux bois jaune clair. On s’attendait à être

550 aune clair. On s’attendait à être interrogé, dans les trois langues nationales. À mi-chemin entre l’instituteur et le genda

551 s les trois langues nationales. À mi-chemin entre l’ instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’un sévère uniforme au

552 es nationales. À mi-chemin entre l’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’un sévère uniforme au col bordé de per

553 forme au col bordé de perles blanches mordant sur l’ encolure bien rasée entrait, claquait la porte étroite, et annonçait a

554 rdant sur l’encolure bien rasée entrait, claquait la porte étroite, et annonçait avec une emphatique autorité des noms de

555 mais cela faisait partie du jeu. En bons élèves, les voyageurs préparaient leurs billets pour l’inspection. Tout se passai

556 ves, les voyageurs préparaient leurs billets pour l’ inspection. Tout se passait d’ailleurs sans angoisse, en ce temps-là.

557 discipline spontanée, voire prévenante, qui fait la force principale de notre régime fédéral. Revenant en Suisse après se

558 ral. Revenant en Suisse après sept ans d’absence, l’ été dernier, et plus que jamais frappé par ce trait national — le seul

559 et plus que jamais frappé par ce trait national — le seul sans doute, chez nous, qui mérite l’adjectif —, je me disais : «

560 ional — le seul sans doute, chez nous, qui mérite l’ adjectif —, je me disais : « C’est notre force, et ce sera peut-être u

561 ce sera peut-être un jour, au dernier jour — car les plus belles histoires du monde ont une fin — la faiblesse fatale de n

562 les plus belles histoires du monde ont une fin — la faiblesse fatale de notre État : cette habitude de nous sentir en règ

563 en règle, donc de nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines, comme si le monde où nous vivons était fait

564 par toutes les lois divines et humaines, comme si le monde où nous vivons était fait à notre mesure, comme si l’humanité o

565 ù nous vivons était fait à notre mesure, comme si l’ humanité où nous plongeons se conformait aux règles de la bonne condui

566 ité où nous plongeons se conformait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse de IIIe classe, tant il

567 se conformait aux règles de la bonne conduite. » L’ aspect d’un wagon suisse de IIIe classe, tant il respire naturellement

568 sse de IIIe classe, tant il respire naturellement l’ honnêteté, tendrait à nous faire oublier que la correction, la décence

569 nt l’honnêteté, tendrait à nous faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et si

570 tendrait à nous faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles 

571 us faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde

572 s citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’humanité dans sa très grande majorit

573 miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’ humanité dans sa très grande majorité une espèce animale désordonnée,

574 notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ ont dit Freud, Shakespeare et les Pères de l’Église. Ici pourtant la c

575 potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespeare et les Pères de l’Église. Ici pourtant la confiance règne, mais ce miracle e

576 hakespeare et les Pères de l’Église. Ici pourtant la confiance règne, mais ce miracle est si bien déguisé en exacte banali

577 iracle est si bien déguisé en exacte banalité que les Suisses le prennent pour banal. Ils pensent mener la vie normale du g

578 i bien déguisé en exacte banalité que les Suisses le prennent pour banal. Ils pensent mener la vie normale du genre humain

579 Suisses le prennent pour banal. Ils pensent mener la vie normale du genre humain, l’anarchie et la guerre étant des except

580 Ils pensent mener la vie normale du genre humain, l’ anarchie et la guerre étant des exceptions. Ainsi pensent les Français

581 ner la vie normale du genre humain, l’anarchie et la guerre étant des exceptions. Ainsi pensent les Français du climat tem

582 et la guerre étant des exceptions. Ainsi pensent les Français du climat tempéré dont ils jouissent à peu près seuls au mon

583 s jouissent à peu près seuls au monde, tandis que les déserts, les volcans, les ouragans et les températures extravagantes

584 peu près seuls au monde, tandis que les déserts, les volcans, les ouragans et les températures extravagantes menacent quot

585 ls au monde, tandis que les déserts, les volcans, les ouragans et les températures extravagantes menacent quotidiennement d

586 dis que les déserts, les volcans, les ouragans et les températures extravagantes menacent quotidiennement depuis des millén

587 s menacent quotidiennement depuis des millénaires l’ existence même de plus des neuf dixièmes des hommes. En dépit du langa

588 es des hommes. En dépit du langage courant, c’est le normal qui est exceptionnel, ce sont les cas d’ordre, de paix et de r

589 nt, c’est le normal qui est exceptionnel, ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand ils

590 hautement improbables, très rarement observés sur la planète, et que la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous

591 es, très rarement observés sur la planète, et que la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les oreill

592 vrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les oreilles du train-train de nos corruptions. Donc les Suisses que je

593 oreilles du train-train de nos corruptions. Donc les Suisses que je vois en IIIe classe offrent l’image de l’homme sûr de

594 nc les Suisses que je vois en IIIe classe offrent l’ image de l’homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de ma

595 ses que je vois en IIIe classe offrent l’image de l’ homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’ép

596 vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent place dans nos trains locaux 

597 orsqu’ils prennent place dans nos trains locaux ? L’ expérience de la vie new-yorkaise, où personne ne vous voit jamais, se

598 nt place dans nos trains locaux ? L’expérience de la vie new-yorkaise, où personne ne vous voit jamais, se propose par con

599 sation à voix trop haute, une semelle appuyée sur le banc, quelque geste imprévu, un air, un rien. L’indiscrétion sévère d

600 le banc, quelque geste imprévu, un air, un rien. L’ indiscrétion sévère du regard suisse me surprend à chacun de mes retou

601 mes retours. Comment décrire et comment justifier l’ espèce particulière d’irritation que provoquent ces regards apparemmen

602 op sérieux et choqués par on ne sait quoi… ? Vous les soutenez d’abord avec curiosité, puis vous trouvez que cela suffit, m

603 l faut y être pour sentir et pour réagir comme je le dis. Dès que je m’éloigne un peu, l’indulgence me reprend. Tout compt

604 gir comme je le dis. Dès que je m’éloigne un peu, l’ indulgence me reprend. Tout compte fait, je leur donne raison. Quand o

605 mpte fait, je leur donne raison. Quand on possède la pax helvetica, on ne saurait se montrer trop vigilant, je veux dire t

606 éfiant et même intolérant. Qu’ils aient seulement l’ air étonnés suppose déjà beaucoup de retenue… À propos de cette pax he

607 moi recopier un « avis » imprimé que j’ai pu lire l’ été dernier, punaisé près de la porte du balcon dans une chambre d’hôt

608 é que j’ai pu lire l’été dernier, punaisé près de la porte du balcon dans une chambre d’hôtel des bords du lac Léman : Af

609 du lac Léman : Afin d’éviter tout bruit inutile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux

610 Afin d’éviter tout bruit inutile, la direction de l’ hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’éta

611 de ne pas donner à manger aux mouettes. C’était l’ été des expériences de Bikini. Dans les secondes règne la gravité du c

612 es expériences de Bikini. Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’industrie. L’authentique usager de cette

613 s les secondes règne la gravité du commerce et de l’ industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux, com

614 s règne la gravité du commerce et de l’industrie. L’ authentique usager de cette classe n’est pas curieux, comme les gens d

615 e usager de cette classe n’est pas curieux, comme les gens des troisièmes, des menus incidents du trajet. On sent bien qu’i

616 s menus incidents du trajet. On sent bien qu’il a l’ habitude. On dirait qu’il s’installe dans son bureau, et sa pensée ne

617 mée dans sa serviette de cuir. Rien d’étonnant si le contrôleur distingue à première vue les resquilleurs, ces jeunes gens

618 tonnant si le contrôleur distingue à première vue les resquilleurs, ces jeunes gens excités qui prétendent ne pas payer de

619 pplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’être là, on les refoule. J

620 ièmes : ils ont l’air trop contents d’être là, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple suisse paraît d

621 n les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple suisse paraît de plus en plus enclin à respecter le velours gr

622 suisse paraît de plus en plus enclin à respecter le velours gris et dru des secondes : il a tort, c’est la classe vulgair

623 lours gris et dru des secondes : il a tort, c’est la classe vulgaire. Des jeunes femmes aux moues insolentes, vêtues comme

624 de magazines, discutent avec un accent révoltant le prix de leurs nylons ou de cette « Cadillac » promise, affirment-elle

625 cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par le jeune mâle placide qui leur fait face, mi-flatté mi-gêné. Je me sens

626 i m’effraye encore un peu, bien que je voie venir le jour où la réaction la plus noire sera le dernier refuge des esprits

627 encore un peu, bien que je voie venir le jour où la réaction la plus noire sera le dernier refuge des esprits libres. Je

628 eu, bien que je voie venir le jour où la réaction la plus noire sera le dernier refuge des esprits libres. Je me décide à

629 efuge des esprits libres. Je me décide à regagner les troisièmes. Mais il faut traverser un couloir de premières. Et je m’a

630 être un évêque anglican, somnole. En face de lui, la beauté même, « ô toi que j’eusse aimée », sa fille sans doute, fume e

631 is que les premières étaient vides. C’était vrai, les enfants voient juste. Ces gens traversent le pays comme s’il n’exista

632 ai, les enfants voient juste. Ces gens traversent le pays comme s’il n’existait pas, ils vont plus loin. Confirmation de l

633 existait pas, ils vont plus loin. Confirmation de la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passage

634 us loin. Confirmation de la sentence ésotérique : l’ œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en

635 ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse, je les nomme les imperméable

636 . Les passagers de première classe, en Suisse, je les nomme les imperméables. Ils traversent et passent, et rien ne les tou

637 agers de première classe, en Suisse, je les nomme les imperméables. Ils traversent et passent, et rien ne les touche. Ce so

638 perméables. Ils traversent et passent, et rien ne les touche. Ce sont aussi, et pour la même raison, des transparents. (Ave

639 nt, et rien ne les touche. Ce sont aussi, et pour la même raison, des transparents. (Avez-vous remarqué que les trains qui

640 raison, des transparents. (Avez-vous remarqué que les trains qui vous croisent sont transparents s’ils vont très vite ? On

641 arents s’ils vont très vite ? On ne cesse de voir le paysage au travers.) Ils appartiennent au vaste monde dont je rêvais

642 rêvais avec fièvre, à 12 ans, quand je lisais sur les longs wagons bruns qui s’engouffraient au tunnel du Gothard : Amsterd

643 rd : Amsterdam-Köln-Olten-Zagreb-Bucuresti. Voilà la Suisse en raccourci, telle que je l’aime : croisement des traditions

644 resti. Voilà la Suisse en raccourci, telle que je l’ aime : croisement des traditions locales les plus touchantes et des ex

645 que je l’aime : croisement des traditions locales les plus touchantes et des express européens, petits trajets portés sur l

646 des express européens, petits trajets portés sur les axes du monde. Quel ennui, ces secondes entre les deux ! j. Rougem

647 les axes du monde. Quel ennui, ces secondes entre les deux ! j. Rougemont Denis de, « La lutte des classes », CFF. Pour

648 ndes entre les deux ! j. Rougemont Denis de, «  La lutte des classes », CFF. Pour un anniversaire (1847-1947), Lausanne,

649 Les maladies de l’Europe (1947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’

650 Les maladies de l’ Europe (1947)g On m’a prié de vous parler ce soir d’une Europe à la

651 après six ans d’absence, et certains événements. L’ émotion de pareils revoirs rend souvent malaisé l’échange de la parole

652 L’émotion de pareils revoirs rend souvent malaisé l’ échange de la parole, mais donne aussi parfois, au tout premier regard

653 pareils revoirs rend souvent malaisé l’échange de la parole, mais donne aussi parfois, au tout premier regard, une lucidit

654 s avez lu toute son histoire. Ainsi j’ai retrouvé l’ Europe. Sur son visage et dans son expression certains traits accusés

655 is, après ce petit tour d’horizon, on s’arrête et l’ on demande d’un autre ton : « Et maintenant, quels sont tes projets ? 

656 tes projets ? » Je ne saurais échapper ce soir à l’ emprise de ce rituel des retours et de l’amitié, le moins variable et

657 e soir à l’emprise de ce rituel des retours et de l’ amitié, le moins variable et le plus naturel. Je vais donc regarder no

658 ’emprise de ce rituel des retours et de l’amitié, le moins variable et le plus naturel. Je vais donc regarder notre Europe

659 des retours et de l’amitié, le moins variable et le plus naturel. Je vais donc regarder notre Europe et j’éviterai de fai

660 j’essaierai de mesurer sa situation nouvelle dans le monde. Enfin, j’ai hâte de lui demander : « Et maintenant, qu’allons-

661 t maintenant, qu’allons-nous faire ensemble ? » ⁂ L’ Europe a mauvaise mine, il faut l’avouer. Avant même que l’on puisse d

662 ensemble ? » ⁂ L’Europe a mauvaise mine, il faut l’ avouer. Avant même que l’on puisse détailler tous ses traits, on en re

663 a mauvaise mine, il faut l’avouer. Avant même que l’ on puisse détailler tous ses traits, on en reçoit une impression d’ens

664 mble que je traduirai par ces mots : on dirait, à la voir, qu’elle a perdu la guerre. Militairement, Hitler et ses séides

665 ces mots : on dirait, à la voir, qu’elle a perdu la guerre. Militairement, Hitler et ses séides ont été battus et sont mo

666 es séides ont été battus et sont morts, mais dans la lutte, ils ont marqué leurs adversaires d’une empreinte qui vaut une

667 ’un est une brute, et son point de vue, c’est que la brutalité doit toujours triompher ; l’autre est un parfait gentleman

668  ; l’autre est un parfait gentleman qui croit que les bonnes manières viendront à bout de tout. Mais, si la brute se jette

669 onnes manières viendront à bout de tout. Mais, si la brute se jette soudain sur lui, dans le corps à corps qui s’ensuit, v

670 Mais, si la brute se jette soudain sur lui, dans le corps à corps qui s’ensuit, vous ne distinguez plus deux points de vu

671 s par une seule et même rage physique. Maintenant le gagnant se relève : il se trouve que c’est notre gentleman de tout à

672 il se trouve que c’est notre gentleman de tout à l’ heure, mais le voilà méconnaissable, le visage tuméfié, les vêtements

673 que c’est notre gentleman de tout à l’heure, mais le voilà méconnaissable, le visage tuméfié, les vêtements en désordre. P

674 de tout à l’heure, mais le voilà méconnaissable, le visage tuméfié, les vêtements en désordre. Physiquement la brute a pe

675 mais le voilà méconnaissable, le visage tuméfié, les vêtements en désordre. Physiquement la brute a perdu, mais la brutali

676 tuméfié, les vêtements en désordre. Physiquement la brute a perdu, mais la brutalité a triomphé. La brute a donc imposé s

677 en désordre. Physiquement la brute a perdu, mais la brutalité a triomphé. La brute a donc imposé son point de vue. Ainsi

678 t la brute a perdu, mais la brutalité a triomphé. La brute a donc imposé son point de vue. Ainsi d’Hitler et de l’Europe d

679 onc imposé son point de vue. Ainsi d’Hitler et de l’ Europe démocratique. Ce ne sont pas seulement les ruines et les désord

680 e l’Europe démocratique. Ce ne sont pas seulement les ruines et les désordres matériels qui marquent le passage du Führer.

681 ocratique. Ce ne sont pas seulement les ruines et les désordres matériels qui marquent le passage du Führer. La lutte contr

682 es ruines et les désordres matériels qui marquent le passage du Führer. La lutte contre les forces qu’il incarnait devant

683 dres matériels qui marquent le passage du Führer. La lutte contre les forces qu’il incarnait devant nous a réveillé ces fo

684 ui marquent le passage du Führer. La lutte contre les forces qu’il incarnait devant nous a réveillé ces forces parmi nous.

685 ait devant nous a réveillé ces forces parmi nous. L’ Europe a été façonnée par le judéo-christianisme, par la notion grecqu

686 es forces parmi nous. L’Europe a été façonnée par le judéo-christianisme, par la notion grecque d’individu, par le droit r

687 pe a été façonnée par le judéo-christianisme, par la notion grecque d’individu, par le droit romain, par le culte de la vé

688 istianisme, par la notion grecque d’individu, par le droit romain, par le culte de la vérité objective, et malgré le natio

689 tion grecque d’individu, par le droit romain, par le culte de la vérité objective, et malgré le nationalisme. Hitler repré

690 d’individu, par le droit romain, par le culte de la vérité objective, et malgré le nationalisme. Hitler représentait exac

691 n, par le culte de la vérité objective, et malgré le nationalisme. Hitler représentait exactement, et point par point, le

692 tler représentait exactement, et point par point, le refus et la destruction de tous ces éléments — l’anti-Europe. Qu’étai

693 ntait exactement, et point par point, le refus et la destruction de tous ces éléments — l’anti-Europe. Qu’était-il en effe

694 le refus et la destruction de tous ces éléments — l’ anti-Europe. Qu’était-il en effet pour ceux qui le combattaient ? La r

695 l’anti-Europe. Qu’était-il en effet pour ceux qui le combattaient ? La rage antichrétienne, la rage antisémite, la rage na

696 était-il en effet pour ceux qui le combattaient ? La rage antichrétienne, la rage antisémite, la rage nationaliste et poli

697 eux qui le combattaient ? La rage antichrétienne, la rage antisémite, la rage nationaliste et policière, la négation du dr

698 ent ? La rage antichrétienne, la rage antisémite, la rage nationaliste et policière, la négation du droit et des droits de

699 ge antisémite, la rage nationaliste et policière, la négation du droit et des droits de la personne, une conception de l’h

700 policière, la négation du droit et des droits de la personne, une conception de l’homme réduit au partisan, une technique

701 t et des droits de la personne, une conception de l’ homme réduit au partisan, une technique du mensonge et de la délation,

702 duit au partisan, une technique du mensonge et de la délation, les élites asservies à la louange du chef, la politisation

703 san, une technique du mensonge et de la délation, les élites asservies à la louange du chef, la politisation totale de l’ex

704 ensonge et de la délation, les élites asservies à la louange du chef, la politisation totale de l’existence. Hitler battu,

705 ation, les élites asservies à la louange du chef, la politisation totale de l’existence. Hitler battu, son corps brûlé dan

706 s à la louange du chef, la politisation totale de l’ existence. Hitler battu, son corps brûlé dans le pétrole, que reste-t-

707 e l’existence. Hitler battu, son corps brûlé dans le pétrole, que reste-t-il ? À peu près tout cela — moins Hitler. Mais t

708 ela — moins Hitler. Mais tout cela qui était chez les « nazis », chez les méchants, en face de nous, ressurgit aujourd’hui

709 Mais tout cela qui était chez les « nazis », chez les méchants, en face de nous, ressurgit aujourd’hui chez nous et dans no

710 d’une manière moins avouée, non moins dangereuse. La guerre n’a pas arrêté, loin de là, les progrès de la déchristianisati

711 dangereuse. La guerre n’a pas arrêté, loin de là, les progrès de la déchristianisation de l’Europe. Commencée parmi les éli

712 guerre n’a pas arrêté, loin de là, les progrès de la déchristianisation de l’Europe. Commencée parmi les élites, au xviiie

713 in de là, les progrès de la déchristianisation de l’ Europe. Commencée parmi les élites, au xviiie siècle, avec l’attaque

714 a déchristianisation de l’Europe. Commencée parmi les élites, au xviiie siècle, avec l’attaque des rationalistes, poursuiv

715 mmencée parmi les élites, au xviiie siècle, avec l’ attaque des rationalistes, poursuivie par les polémiques de Feuerbach,

716 avec l’attaque des rationalistes, poursuivie par les polémiques de Feuerbach, d’Engels puis de Nietzsche, pratiquement app

717 gels puis de Nietzsche, pratiquement appuyée dans le même temps et dans des masses élargies par les effets du capitalisme

718 ans le même temps et dans des masses élargies par les effets du capitalisme et par l’esprit bourgeois que tous ces philosop

719 ses élargies par les effets du capitalisme et par l’ esprit bourgeois que tous ces philosophes, cependant, combattaient, pa

720 pendant, combattaient, passée dans notre siècle à l’ action politique au lendemain de la révolution russe, puis sous le rég

721 notre siècle à l’action politique au lendemain de la révolution russe, puis sous le régime hitlérien, elle se révèle enfin

722 ue au lendemain de la révolution russe, puis sous le régime hitlérien, elle se révèle enfin dans toute son étendue réelle,

723 yeux. On doit considérer comme liquidée, au sens le plus récent de ce terme, l’illusion d’une chrétienté identifiable au

724 mme liquidée, au sens le plus récent de ce terme, l’ illusion d’une chrétienté identifiable au concept de l’Europe, Die Chr

725 usion d’une chrétienté identifiable au concept de l’ Europe, Die Christenheit oder Europa, selon le titre du fameux essai d

726 de l’Europe, Die Christenheit oder Europa, selon le titre du fameux essai de Novalis. Les masses comme les élites échappe

727 uropa, selon le titre du fameux essai de Novalis. Les masses comme les élites échappent aux Églises. Elles ne croient plus

728 itre du fameux essai de Novalis. Les masses comme les élites échappent aux Églises. Elles ne croient plus qu’en l’ici-bas,

729 chappent aux Églises. Elles ne croient plus qu’en l’ ici-bas, qu’en cette vie-ci, qu’en un bonheur cinématographique, ou qu

730 matographique, ou qu’en une justice instaurée par l’ inquisition policière, la dictature d’étiquette populaire, les liquida

731 ne justice instaurée par l’inquisition policière, la dictature d’étiquette populaire, les liquidations collectives calculé

732 on policière, la dictature d’étiquette populaire, les liquidations collectives calculées sur la base de statistiques d’État

733 laire, les liquidations collectives calculées sur la base de statistiques d’État. Cependant, à peine libérées des dogmes r

734 sservir aux dogmes d’un parti. Tout ce qu’a perdu la religion, c’est la politique qui le gagne. Admirable libération ! Ins

735 d’un parti. Tout ce qu’a perdu la religion, c’est la politique qui le gagne. Admirable libération ! Insistons fortement su

736 ce qu’a perdu la religion, c’est la politique qui le gagne. Admirable libération ! Insistons fortement sur ce trait : le f

737 e libération ! Insistons fortement sur ce trait : le fanatisme d’aujourd’hui n’est plus religieux, mais politique. L’idée

738 aujourd’hui n’est plus religieux, mais politique. L’ idée que « la fin justifie les moyens » n’est plus jésuite, mais lénin

739 ’est plus religieux, mais politique. L’idée que «  la fin justifie les moyens » n’est plus jésuite, mais léniniste, mais fa

740 eux, mais politique. L’idée que « la fin justifie les moyens » n’est plus jésuite, mais léniniste, mais fasciste. L’hypocri

741 ’est plus jésuite, mais léniniste, mais fasciste. L’ hypocrisie aussi a changé de camp. Tartuffe n’est plus dévot comme jad

742 de droite comme hier, il est de gauche, ou « dans la ligne », il se range au nouveau conformisme. Dans telles grandes capi

743 nts donner des gages d’apparente loyauté au parti le plus menaçant, comme autrefois Descartes en donnait à l’Église, afin

744 menaçant, comme autrefois Descartes en donnait à l’ Église, afin de s’éviter, disent-ils, les pires ennuis. Si ces abus vo

745 donnait à l’Église, afin de s’éviter, disent-ils, les pires ennuis. Si ces abus vous font élever la voix, partout l’on vous

746 s, les pires ennuis. Si ces abus vous font élever la voix, partout l’on vous chuchote un conseil de prudence. Certes, le c

747 is. Si ces abus vous font élever la voix, partout l’ on vous chuchote un conseil de prudence. Certes, le conformisme en soi

748 ’on vous chuchote un conseil de prudence. Certes, le conformisme en soi n’est pas nouveau, même chez les intellectuels. Ce

749 e conformisme en soi n’est pas nouveau, même chez les intellectuels. Ce qui est nouveau, c’est de le voir pratiqué précisém

750 z les intellectuels. Ce qui est nouveau, c’est de le voir pratiqué précisément par ceux de l’avant-garde ou qui se donnent

751 c’est de le voir pratiqué précisément par ceux de l’ avant-garde ou qui se donnent pour tels en politique. Ce qui est nouve

752 r tels en politique. Ce qui est nouveau, c’est de le voir défendu par ceux-là mêmes dont la fonction serait de l’attaquer,

753 , c’est de le voir défendu par ceux-là mêmes dont la fonction serait de l’attaquer, d’où qu’il vienne. Mais ces lâchetés i

754 endu par ceux-là mêmes dont la fonction serait de l’ attaquer, d’où qu’il vienne. Mais ces lâchetés intellectuelles se pare

755 ne révolutionnaire, d’antifascisme, en sorte qu’à les dénoncer, au seul nom de la bonne foi ou de la véracité, on prend l’a

756 cisme, en sorte qu’à les dénoncer, au seul nom de la bonne foi ou de la véracité, on prend l’air d’attaquer la cause des p

757 à les dénoncer, au seul nom de la bonne foi ou de la véracité, on prend l’air d’attaquer la cause des prolétaires, et tout

758 foi ou de la véracité, on prend l’air d’attaquer la cause des prolétaires, et tout essai de critique libre se voit taxer

759 tale en service commandé est un nouveau succès de l’ esprit totalitaire qui n’a eu qu’à changer d’étiquette pour occuper, s

760 élites. D’autres symptômes d’un mal profond, dont l’ hitlérisme fut la première crise ou le premier abcès de fixation, se r

761 se ou le premier abcès de fixation, se révèlent à l’ observateur de l’Europe d’après-guerre. J’en mentionnerai quelques-uns

762 abcès de fixation, se révèlent à l’observateur de l’ Europe d’après-guerre. J’en mentionnerai quelques-uns rapidement. La R

763 uerre. J’en mentionnerai quelques-uns rapidement. La Résistance européenne, admirable sursaut d’une liberté blessée qui se

764 stant ne me contredira. Des habitudes prises dans la lutte clandestine, ce sont les pires qui se perpétuent, non les meill

765 bitudes prises dans la lutte clandestine, ce sont les pires qui se perpétuent, non les meilleures : le mensonge et non pas

766 destine, ce sont les pires qui se perpétuent, non les meilleures : le mensonge et non pas le témoignage au risque de sa vie

767 les pires qui se perpétuent, non les meilleures : le mensonge et non pas le témoignage au risque de sa vie ; le marché noi

768 uent, non les meilleures : le mensonge et non pas le témoignage au risque de sa vie ; le marché noir et non l’entraide com

769 ge et non pas le témoignage au risque de sa vie ; le marché noir et non l’entraide communautaire ; la dénonciation partisa

770 gnage au risque de sa vie ; le marché noir et non l’ entraide communautaire ; la dénonciation partisane, non pas le régime

771 le marché noir et non l’entraide communautaire ; la dénonciation partisane, non pas le régime d’union sacrée. Autant de s

772 ommunautaire ; la dénonciation partisane, non pas le régime d’union sacrée. Autant de succès remportés par l’esprit du vai

773 me d’union sacrée. Autant de succès remportés par l’ esprit du vaincu sur celui des vainqueurs. L’antisémitisme fait rage j

774 par l’esprit du vaincu sur celui des vainqueurs. L’ antisémitisme fait rage jusque dans les provinces où, depuis le Moyen

775 vainqueurs. L’antisémitisme fait rage jusque dans les provinces où, depuis le Moyen Âge, on avait oublié qu’il y eût un pro

776 me fait rage jusque dans les provinces où, depuis le Moyen Âge, on avait oublié qu’il y eût un problème juif. Tout se pass

777 il y eût un problème juif. Tout se passe comme si l’ écrasement du foyer même de ce mal infernal n’avait eu pour effet que

778 pour effet que d’en faire rejaillir de tous côtés les étincelles. Le nationalisme fait rage, cette maladie romantique de l’

779 ’en faire rejaillir de tous côtés les étincelles. Le nationalisme fait rage, cette maladie romantique de l’Europe. Lui seu

780 tionalisme fait rage, cette maladie romantique de l’ Europe. Lui seul, sous le couvert de je ne sais quels prétextes parés

781 te maladie romantique de l’Europe. Lui seul, sous le couvert de je ne sais quels prétextes parés du nom de tradition, en r

782 t naïvement machiavéliques, entretient parmi nous la méfiance, des rancunes séculaires, d’absurdes vanités locales, mainti

783 qui ne peut pas vêtir ses déportés trouve encore le moyen de faire des uniformes et discute la couleur des parements, cep

784 encore le moyen de faire des uniformes et discute la couleur des parements, cependant que la bombe atomique, à Bikini, vie

785 t discute la couleur des parements, cependant que la bombe atomique, à Bikini, vient de changer en une seconde la couleur

786 omique, à Bikini, vient de changer en une seconde la couleur même de l’océan. Et non seulement l’idée d’une guerre prochai

787 ient de changer en une seconde la couleur même de l’ océan. Et non seulement l’idée d’une guerre prochaine, mais l’idée d’u

788 onde la couleur même de l’océan. Et non seulement l’ idée d’une guerre prochaine, mais l’idée d’une révolution à main armée

789 non seulement l’idée d’une guerre prochaine, mais l’ idée d’une révolution à main armée se voit acceptée comme fatale, se v

790 du réel qu’apportent à leurs petites occupations les aliénés. Si l’on se bat en Europe demain, ce sera au nom de la démocr

791 rtent à leurs petites occupations les aliénés. Si l’ on se bat en Europe demain, ce sera au nom de la démocratie contre le

792 i l’on se bat en Europe demain, ce sera au nom de la démocratie contre le peuple, au nom du peuple contre les libertés, j’

793 pe demain, ce sera au nom de la démocratie contre le peuple, au nom du peuple contre les libertés, j’entends au nom de la

794 ocratie contre le peuple, au nom du peuple contre les libertés, j’entends au nom de la dictature du prolétariat contre la l

795 u peuple contre les libertés, j’entends au nom de la dictature du prolétariat contre la liberté du capital, c’est-à-dire a

796 ends au nom de la dictature du prolétariat contre la liberté du capital, c’est-à-dire au nom d’une confusion contre une au

797 sent de bonne volonté ! Pendant ce temps que font les élites ? J’entends les hommes dont la fonction serait de dénoncer ces

798 Pendant ce temps que font les élites ? J’entends les hommes dont la fonction serait de dénoncer ces maux, d’en rechercher

799 s que font les élites ? J’entends les hommes dont la fonction serait de dénoncer ces maux, d’en rechercher les causes, et

800 tion serait de dénoncer ces maux, d’en rechercher les causes, et d’en inventer les remèdes ? Leur voix ne porte guère, tant

801 aux, d’en rechercher les causes, et d’en inventer les remèdes ? Leur voix ne porte guère, tant qu’elle n’emprunte pas les h

802 voix ne porte guère, tant qu’elle n’emprunte pas les haut-parleurs contrôlés par l’État ou par le parti au pouvoir, qui so

803 le n’emprunte pas les haut-parleurs contrôlés par l’ État ou par le parti au pouvoir, qui sont la radio et la presse. Seuls

804 pas les haut-parleurs contrôlés par l’État ou par le parti au pouvoir, qui sont la radio et la presse. Seuls ces moyens so

805 s par l’État ou par le parti au pouvoir, qui sont la radio et la presse. Seuls ces moyens sont à l’échelle des masses. Mai

806 ou par le parti au pouvoir, qui sont la radio et la presse. Seuls ces moyens sont à l’échelle des masses. Mais se faire é

807 nt la radio et la presse. Seuls ces moyens sont à l’ échelle des masses. Mais se faire écouter par ces moyens, c’est aussi

808 it, pour la plupart d’entre eux, une démission de la pensée, un alibi. Pour qu’une pensée soit efficace et douée d’une ver

809 douée d’une vertu agissante, il ne suffit pas que le penseur s’achète une étiquette ou un insigne. Et cependant, s’il se t

810 un insigne. Et cependant, s’il se tient seul dans l’ intégrité de l’esprit, il fera figure de déserteur… Ainsi privés de gu

811 cependant, s’il se tient seul dans l’intégrité de l’ esprit, il fera figure de déserteur… Ainsi privés de guides spirituels

812 de déserteur… Ainsi privés de guides spirituels, les jeunes gens qui ne se contentent pas de cultiver le sens de l’absurde

813 jeunes gens qui ne se contentent pas de cultiver le sens de l’absurde cherchent des chefs qui leur commandent d’agir et d

814 s qui ne se contentent pas de cultiver le sens de l’ absurde cherchent des chefs qui leur commandent d’agir et de réussir n

815 r commandent d’agir et de réussir n’importe quoi. Le « Führerprinzip » n’est pas mort avec celui qui lui donna son nom. Il

816 ouve d’autres « chefs bien-aimés »… Et là encore, l’ esprit totalitaire marque des points. Tous ces maux et tant d’impuissa

817 ance à y parer n’ont pas manqué de provoquer dans les élites demeurées libérales une crise de pessimisme et de mauvaise con

818 ssimisme et de mauvaise conscience. Il semble que l’ idée de décadence, acclimatée avant la guerre par des penseurs aussi d

819 semble que l’idée de décadence, acclimatée avant la guerre par des penseurs aussi divers que Spengler, Valéry et Huizinga

820 e soit généralement substituée dans nos esprits à l’ idée de progrès automatique. Née d’analyses et de pressentiments de no

821 s, elle se voit confirmée et comme objectivée par la rapide élévation de deux empires extraeuropéens. Ce sont eux qui ont

822 empires extraeuropéens. Ce sont eux qui ont gagné la guerre, et non pas nous. Ce sont eux qui ont repris en charge le prog

823 on pas nous. Ce sont eux qui ont repris en charge le progrès et la foi au progrès. Et nous restons avec l’héritage d’une d

824 e sont eux qui ont repris en charge le progrès et la foi au progrès. Et nous restons avec l’héritage d’une défaite, notre

825 rogrès et la foi au progrès. Et nous restons avec l’ héritage d’une défaite, notre conscience inquiète et fatiguée, notre s

826 iguée, notre scepticisme lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’Europe que je viens d’esquisser devant vous pèche par e

827 epticisme lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’ Europe que je viens d’esquisser devant vous pèche par excès de pessimi

828 e plusieurs des rides que j’ai cru distinguer sur le visage spirituel du continent — je ne dis rien de son visage physique

829 nt qu’une fatigue temporaire. Je n’ignore pas que l’ autodénigrement, chez nous autres Européens, se confond trop souvent a

830 us autres Européens, se confond trop souvent avec le sens critique. Je n’ignore pas que l’indignation morale est un genre

831 ouvent avec le sens critique. Je n’ignore pas que l’ indignation morale est un genre littéraire, dont la rhétorique fort an

832 ’indignation morale est un genre littéraire, dont la rhétorique fort ancienne peut entraîner à l’injustice. Et qu’enfin, v

833 dont la rhétorique fort ancienne peut entraîner à l’ injustice. Et qu’enfin, vis-à-vis des êtres que l’on aime, il arrive q

834 l’injustice. Et qu’enfin, vis-à-vis des êtres que l’ on aime, il arrive qu’on manque d’indulgence… Faisons la part de ces t

835 ime, il arrive qu’on manque d’indulgence… Faisons la part de ces travers ou de ces exagérations. Il reste cependant un fai

836 s estimations ou jugements subjectifs : c’est que la situation de l’Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est mêm

837 jugements subjectifs : c’est que la situation de l’ Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est même totalement ren

838 jectifs : c’est que la situation de l’Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est même totalement renversée depuis

839 e, qu’elle s’est même totalement renversée depuis l’ automne de 1939. Avant cette guerre, le nom d’Europe évoquait un foyer

840 sée depuis l’automne de 1939. Avant cette guerre, le nom d’Europe évoquait un foyer intense dont le rayonnement s’élargiss

841 e, le nom d’Europe évoquait un foyer intense dont le rayonnement s’élargissait sur tous les autres continents. L’Europe no

842 ntense dont le rayonnement s’élargissait sur tous les autres continents. L’Europe nous semblait donc plus grande qu’elle n’

843 ent s’élargissait sur tous les autres continents. L’ Europe nous semblait donc plus grande qu’elle n’était. D’où l’effet de

844 s semblait donc plus grande qu’elle n’était. D’où l’ effet de choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’autre

845 dans nos esprits, au lendemain de l’autre guerre, la phrase fameuse de Valéry sur l’Europe « petit cap de l’Asie ». Aujour

846 e l’autre guerre, la phrase fameuse de Valéry sur l’ Europe « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’Europe vue d’Amérique, e

847 sur l’Europe « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’ Europe vue d’Amérique, et j’imagine aussi vue de Russie, paraît plus p

848 iquement resserrée entre deux grands empires dont les ombres immenses s’affrontent au-dessus d’elle, rongée et ruinée sur s

849 refermée sur elle-même. Il y a plus. Nous voyons l’ Europe comme vidée, au profit de ces deux empires, de certaines ambiti

850 progrès par exemple — j’y faisais allusion tout à l’ heure — semble avoir évacué l’Europe pour émigrer vers l’Amérique et l

851 ais allusion tout à l’heure — semble avoir évacué l’ Europe pour émigrer vers l’Amérique et la Russie. C’est une notion qui

852 — semble avoir évacué l’Europe pour émigrer vers l’ Amérique et la Russie. C’est une notion qui s’étiole chez nous d’autan

853 r évacué l’Europe pour émigrer vers l’Amérique et la Russie. C’est une notion qui s’étiole chez nous d’autant plus vite qu

854 nt plus vite qu’elle grandit mieux ailleurs, chez les voisins où elle s’est transplantée. Et tout se passe comme si l’excès

855 lle s’est transplantée. Et tout se passe comme si l’ excès où ils la portent et l’abus qu’ils nous semblent en faire nous d

856 plantée. Et tout se passe comme si l’excès où ils la portent et l’abus qu’ils nous semblent en faire nous dégoûtaient de s

857 ut se passe comme si l’excès où ils la portent et l’ abus qu’ils nous semblent en faire nous dégoûtaient de son usage norma

858 xpansion irrésistible, impérialiste ou généreuse, l’ Europe a diffusé sur la planète, sans distinction, ses découvertes et

859 impérialiste ou généreuse, l’Europe a diffusé sur la planète, sans distinction, ses découvertes et ses utopies, les secret

860 sans distinction, ses découvertes et ses utopies, les secrets mêmes de sa puissance, et les germes de ses maladies. Et tout

861 es utopies, les secrets mêmes de sa puissance, et les germes de ses maladies. Et tout cela sur des terres plus fertiles, ou

862 exil en a fait des monstres à nos yeux. Pourtant le capitalisme industriel et le libéralisme politique, qui ont fait fort

863 à nos yeux. Pourtant le capitalisme industriel et le libéralisme politique, qui ont fait fortune en Amérique, venaient d’E

864 n Amérique, venaient d’Europe ; comme en venaient le matérialisme dialectique, la technique révolutionnaire, et l’idée d’u

865  ; comme en venaient le matérialisme dialectique, la technique révolutionnaire, et l’idée d’une justice sociale établie pa

866 sme dialectique, la technique révolutionnaire, et l’ idée d’une justice sociale établie par la force aux dépens de la coutu

867 aire, et l’idée d’une justice sociale établie par la force aux dépens de la coutume, qui triomphent dans l’empire des Sovi

868 ustice sociale établie par la force aux dépens de la coutume, qui triomphent dans l’empire des Soviets. Comme aussi le res

869 rce aux dépens de la coutume, qui triomphent dans l’ empire des Soviets. Comme aussi le respect de la science appliquée qui

870 triomphent dans l’empire des Soviets. Comme aussi le respect de la science appliquée qui régit dans ces deux pays l’éducat

871 s l’empire des Soviets. Comme aussi le respect de la science appliquée qui régit dans ces deux pays l’éducation de l’enfan

872 la science appliquée qui régit dans ces deux pays l’ éducation de l’enfant et l’eugénique, l’alimentation, le logement, et

873 iquée qui régit dans ces deux pays l’éducation de l’ enfant et l’eugénique, l’alimentation, le logement, et jusqu’à la mora

874 git dans ces deux pays l’éducation de l’enfant et l’ eugénique, l’alimentation, le logement, et jusqu’à la morale, autrefoi

875 deux pays l’éducation de l’enfant et l’eugénique, l’ alimentation, le logement, et jusqu’à la morale, autrefois religieuse.

876 ation de l’enfant et l’eugénique, l’alimentation, le logement, et jusqu’à la morale, autrefois religieuse. Tout vient d’Eu

877 ugénique, l’alimentation, le logement, et jusqu’à la morale, autrefois religieuse. Tout vient d’Europe, tout cela fut nôtr

878 ieuse. Tout vient d’Europe, tout cela fut nôtre à l’ origine. Mais alors, comment et pourquoi ces créations européennes n’o

879 en état de composition, tandis qu’ailleurs, pour le bien et le mal, elles se sont déployées sans frein ni contrepoids. Le

880 composition, tandis qu’ailleurs, pour le bien et le mal, elles se sont déployées sans frein ni contrepoids. Le capitalism

881 lles se sont déployées sans frein ni contrepoids. Le capitalisme, chez nous, n’a jamais pu donner son plein, parce qu’il é

882 rce qu’il était sans cesse bridé et contrarié par le nationalisme, par les guerres, et par tous les barrages de douanes ou

883 cesse bridé et contrarié par le nationalisme, par les guerres, et par tous les barrages de douanes ou de coutumes que l’Amé

884 par le nationalisme, par les guerres, et par tous les barrages de douanes ou de coutumes que l’Amérique ne connaît pas. Et

885 r tous les barrages de douanes ou de coutumes que l’ Amérique ne connaît pas. Et de même le progrès social s’est vu bridé e

886 outumes que l’Amérique ne connaît pas. Et de même le progrès social s’est vu bridé et contrarié par la tyrannie de l’argen

887 le progrès social s’est vu bridé et contrarié par la tyrannie de l’argent, dont la Russie nouvelle s’est libérée. Mais en

888 al s’est vu bridé et contrarié par la tyrannie de l’ argent, dont la Russie nouvelle s’est libérée. Mais en même temps, le

889 dé et contrarié par la tyrannie de l’argent, dont la Russie nouvelle s’est libérée. Mais en même temps, le capitalisme et

890 ussie nouvelle s’est libérée. Mais en même temps, le capitalisme et l’étatisme n’ont pas atteint chez nous leurs pires exc

891 st libérée. Mais en même temps, le capitalisme et l’ étatisme n’ont pas atteint chez nous leurs pires excès, parce qu’ils s

892 ité, d’intrications et de contradictions, définit l’ équilibre humain qu’on nomme Europe. Il conditionne aussi notre cultur

893 oir qu’il traduit, et parfois aussi qu’il trahit, la conception européenne de l’homme. Toute la question est de savoir si

894 s aussi qu’il trahit, la conception européenne de l’ homme. Toute la question est de savoir si nous saurons maintenir cet é

895 rahit, la conception européenne de l’homme. Toute la question est de savoir si nous saurons maintenir cet équilibre malgré

896 ir si nous saurons maintenir cet équilibre malgré l’ attraction formidable qu’exercent sur nous, par leur masse, le colosse

897 formidable qu’exercent sur nous, par leur masse, le colosse russe et le colosse américain, et malgré toutes les tentation

898 ent sur nous, par leur masse, le colosse russe et le colosse américain, et malgré toutes les tentations que représentent l

899 e russe et le colosse américain, et malgré toutes les tentations que représentent leurs succès littéralement démesurés. Ess

900 t démesurés. Essayons d’évaluer nos chances, dans l’ état de résistance morale diminuée où vient de nous laisser la guerre

901 sistance morale diminuée où vient de nous laisser la guerre d’Hitler. Ces chances paraissent très faibles en vérité. L’Eur

902 r. Ces chances paraissent très faibles en vérité. L’ Europe a dominé le monde pendant des siècles par sa culture d’abord, d

903 aissent très faibles en vérité. L’Europe a dominé le monde pendant des siècles par sa culture d’abord, dès le Moyen Âge, p

904 e pendant des siècles par sa culture d’abord, dès le Moyen Âge, par sa curiosité et son commerce à l’époque des grandes dé

905 le Moyen Âge, par sa curiosité et son commerce à l’ époque des grandes découvertes, par ses armes et son art de la guerre

906 grandes découvertes, par ses armes et son art de la guerre mis au service tantôt de la rapacité de telle nation ou de tel

907 et son art de la guerre mis au service tantôt de la rapacité de telle nation ou de tel prince, tantôt d’idéaux contagieux

908 ses machines et par ses capitaux. Mais voici que l’ Amérique et la Russie viennent de lui ravir coup sur coup les machines

909 t par ses capitaux. Mais voici que l’Amérique et la Russie viennent de lui ravir coup sur coup les machines et les capita

910 et la Russie viennent de lui ravir coup sur coup les machines et les capitaux, les idéaux contagieux et les armes, le gran

911 ennent de lui ravir coup sur coup les machines et les capitaux, les idéaux contagieux et les armes, le grand commerce et ju

912 ravir coup sur coup les machines et les capitaux, les idéaux contagieux et les armes, le grand commerce et jusqu’à la curio

913 achines et les capitaux, les idéaux contagieux et les armes, le grand commerce et jusqu’à la curiosité de la planète ! Tout

914 les capitaux, les idéaux contagieux et les armes, le grand commerce et jusqu’à la curiosité de la planète ! Tout cela dans

915 agieux et les armes, le grand commerce et jusqu’à la curiosité de la planète ! Tout cela dans l’espace de trente ans, et s

916 mes, le grand commerce et jusqu’à la curiosité de la planète ! Tout cela dans l’espace de trente ans, et sans retour possi

917 squ’à la curiosité de la planète ! Tout cela dans l’ espace de trente ans, et sans retour possible, à vues humaines. Que no

918 il donc en propre ? Un monopole unique : celui de la culture au sens le plus large du terme, c’est-à-dire : une mesure de

919 Un monopole unique : celui de la culture au sens le plus large du terme, c’est-à-dire : une mesure de l’homme, un princip

920 plus large du terme, c’est-à-dire : une mesure de l’ homme, un principe de critique permanente, un certain équilibre humain

921 résultant de tensions innombrables. Cela, on nous le laisse encore, et à vrai dire, c’est le plus difficile à prendre ! Ma

922 , on nous le laisse encore, et à vrai dire, c’est le plus difficile à prendre ! Mais c’est aussi le plus difficile à maint

923 st le plus difficile à prendre ! Mais c’est aussi le plus difficile à maintenir en état d’efficacité. Or, il s’en faut de

924 at d’efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe

925 les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexités vitales, de sa culture. Une

926 ogique assez grossière suffit à révéler dans tout le continent une sorte de clivage et un double tropisme. Les masses indu

927 inent une sorte de clivage et un double tropisme. Les masses industrielles, dans leur partie active, regardent vers la Russ

928 trielles, dans leur partie active, regardent vers la Russie, et les grands hommes d’affaires regardent vers l’Amérique. À

929 leur partie active, regardent vers la Russie, et les grands hommes d’affaires regardent vers l’Amérique. À tort ou à raiso

930 e, et les grands hommes d’affaires regardent vers l’ Amérique. À tort ou à raison — je n’en juge pas ici —, ils s’imaginent

931 que leur nation ce qu’ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi, ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collectivi

932 -mêmes de la vie. Ainsi, ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collectiviste ou de progrès capitaliste qui ont qui

933 qui ont quitté notre continent, mais à leur suite les espoirs et les rêves des plus actifs d’entre nous ont émigré. La bour

934 notre continent, mais à leur suite les espoirs et les rêves des plus actifs d’entre nous ont émigré. La bourgeoisie, dans s

935 es rêves des plus actifs d’entre nous ont émigré. La bourgeoisie, dans son ensemble, se contente d’un double refus de la R

936 ns son ensemble, se contente d’un double refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore mai

937 se contente d’un double refus de la Russie et de l’ Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore mais sans faire mie

938 refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore mais sans faire mieux. Je ne vois plus, pour

939 e et de l’Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore mais sans faire mieux. Je ne vois plus, pour tenir vitalement

940 es, que deux classes par ailleurs tout opposées : les intellectuels non embrigadés d’une part, les provinciaux et campagnar

941 es : les intellectuels non embrigadés d’une part, les provinciaux et campagnards de l’autre. C’est-à-dire les esprits les p

942 ovinciaux et campagnards de l’autre. C’est-à-dire les esprits les plus libérés, et les plus attachés aux préjugés locaux ;

943 campagnards de l’autre. C’est-à-dire les esprits les plus libérés, et les plus attachés aux préjugés locaux ; les subversi

944 re. C’est-à-dire les esprits les plus libérés, et les plus attachés aux préjugés locaux ; les subversifs et les conservateu

945 bérés, et les plus attachés aux préjugés locaux ; les subversifs et les conservateurs par profession ou position. Telle est

946 attachés aux préjugés locaux ; les subversifs et les conservateurs par profession ou position. Telle est, en gros, notre s

947 ance, vidée de rêves et divisée non seulement par l’ esprit de faction, mais parce que beaucoup de ses habitants espèrent a

948 t ailleurs, et dans deux directions opposées. Je le répète, nos chances paraissent très faibles dans l’ensemble, malgré l

949 répète, nos chances paraissent très faibles dans l’ ensemble, malgré les illusions de santé et de durée que peuvent entret

950 s paraissent très faibles dans l’ensemble, malgré les illusions de santé et de durée que peuvent entretenir encore dans nos

951 vies certains îlots d’inconscience routinière, et l’ image rassurante de deux ou trois pays, petits pays épargnés par la gu

952 e de deux ou trois pays, petits pays épargnés par la guerre. Voici le moment de nous demander très sérieusement si, dans c

953 s pays, petits pays épargnés par la guerre. Voici le moment de nous demander très sérieusement si, dans cette conjoncture

954 égitime de s’obstiner, de parler d’une défense de l’ Europe, de nous cramponner à ses restes, et même d’appeler à son secou

955 fiables ? Ou bien ne sont-elles rien de mieux que les sentiments égoïstes d’un vieux propriétaire dépossédé qui pleure et r

956 eux propriétaire dépossédé qui pleure et rage sur la perte d’un domaine, alors que ce domaine menace ruine par sa faute, e

957 que ce domaine menace ruine par sa faute, et que les nouveaux acquéreurs vont en tirer un bien meilleur parti, pour l’avan

958 éreurs vont en tirer un bien meilleur parti, pour l’ avantage du plus grand nombre ? Que valent nos craintes ? Qu’avons-nou

959 même question, je sais plusieurs Européens qui se la posent en termes tout à fait urgents et familiers, quand ils se deman

960 nts et familiers, quand ils se demandent si c’est l’ Europe ou l’Amérique qu’il leur faut souhaiter pour leur enfant. Car n

961 iers, quand ils se demandent si c’est l’Europe ou l’ Amérique qu’il leur faut souhaiter pour leur enfant. Car nous pensons

962 pe comme à un « Vaterland », pays des pères, mais l’ Amérique, ou la Russie, ne serait-ce pas ce « Kinderland » qu’appelait

963  Vaterland », pays des pères, mais l’Amérique, ou la Russie, ne serait-ce pas ce « Kinderland » qu’appelait Nietzsche de s

964 s-je leurs espoirs à mes souvenirs ? En défendant l’ Europe, il s’agit donc de savoir si nous défendons plus et mieux que d

965 e culture périmées, ou peut-être perverses, comme le pensent et le disent nos voisins. Je songe à ces enfants, et j’essaie

966 mées, ou peut-être perverses, comme le pensent et le disent nos voisins. Je songe à ces enfants, et j’essaie de mêler à la

967 s. Je songe à ces enfants, et j’essaie de mêler à la vision de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de musé

968 , et j’essaie de mêler à la vision de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’état de musée plus ou moins bien tenu

969 n de leur avenir la vision d’une Europe réduite à l’ état de musée plus ou moins bien tenu, ou au contraire la vision d’une

970 de musée plus ou moins bien tenu, ou au contraire la vision d’une Europe qui aurait cédé aux tentations d’un bonheur étran

971 ût — soviétisée — ce serait par contrainte — dans les deux cas colonisée. Un musée ou une colonie… autant dire : une Europe

972 onie… autant dire : une Europe absente… Imaginons le monde heureux, prospère, et puissamment organisé autour de cette abse

973 absence insensible au grand nombre. Qu’y perdrait le monde ? Qu’y perdraient nos enfants ? Alors paraît comme dénudée par

974 dans un très petit mot, vague et poignant : c’est le mot « âme ». L’Europe absente, démissionnaire, colonisée, c’est un ce

975 it mot, vague et poignant : c’est le mot « âme ». L’ Europe absente, démissionnaire, colonisée, c’est un certain sens de la

976 missionnaire, colonisée, c’est un certain sens de la vie, une certaine conscience de l’humain, oui, l’âme d’une civilisati

977 ertain sens de la vie, une certaine conscience de l’ humain, oui, l’âme d’une civilisation qui serait perdue, perdue pour t

978 la vie, une certaine conscience de l’humain, oui, l’ âme d’une civilisation qui serait perdue, perdue pour tous et non seul

979 el nationalisme européen qu’il nous faut défendre l’ Europe, mais au seul nom de l’humanité la plus consciente et la plus c

980 nous faut défendre l’Europe, mais au seul nom de l’ humanité la plus consciente et la plus créatrice de l’homme. On contes

981 défendre l’Europe, mais au seul nom de l’humanité la plus consciente et la plus créatrice de l’homme. On contestait l’autr

982 s au seul nom de l’humanité la plus consciente et la plus créatrice de l’homme. On contestait l’autre jour, ici même, l’ex

983 manité la plus consciente et la plus créatrice de l’ homme. On contestait l’autre jour, ici même, l’existence d’un esprit e

984 de l’homme. On contestait l’autre jour, ici même, l’ existence d’un esprit européen, et c’était un appel, nous l’avions tou

985 e d’un esprit européen, et c’était un appel, nous l’ avions tous compris. C’est un point de vue qui se définit comme une po

986 vue qui se définit comme une position polémique à l’ intérieur du champ que l’on observe. Mais si maintenant nous regardons

987 une position polémique à l’intérieur du champ que l’ on observe. Mais si maintenant nous regardons l’Europe dans le monde,

988 e l’on observe. Mais si maintenant nous regardons l’ Europe dans le monde, ce changement de point de vue va nous faire voir

989 . Mais si maintenant nous regardons l’Europe dans le monde, ce changement de point de vue va nous faire voir une très soli

990 rès solide réalité spirituelle. S’il est vrai que l’ Europe, jusqu’à ce siècle, ne s’est guère sentie et conçue comme un to

991 organisé, c’est surtout parce qu’elle n’avait pas l’ occasion de se comparer, de s’opposer et de se définir ; elle était se

992 r et de se définir ; elle était seule et reine de la planète. Mais en 1946, elle se voit affrontée à deux empires. Du même

993 x empires. Du même coup elle ressent son unité et la définit par contraste comme celle d’une conception de l’homme. Esquis

994 nit par contraste comme celle d’une conception de l’ homme. Esquissons cette comparaison entre l’Europe et les nouveaux emp

995 on de l’homme. Esquissons cette comparaison entre l’ Europe et les nouveaux empires qui se désignent typiquement par des le

996 e. Esquissons cette comparaison entre l’Europe et les nouveaux empires qui se désignent typiquement par des lettres et pres

997 désignent typiquement par des lettres et presque les mêmes : US d’une part, URSS de l’autre. Nous distinguerons d’abord de

998 ceptions divergentes et peut-être antagonistes de la nature ou de la condition de l’homme. À l’origine de la religion, de

999 ntes et peut-être antagonistes de la nature ou de la condition de l’homme. À l’origine de la religion, de la culture et de

1000 e antagonistes de la nature ou de la condition de l’ homme. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale europ

1001 tes de la nature ou de la condition de l’homme. À l’ origine de la religion, de la culture et de la morale européennes, il

1002 ure ou de la condition de l’homme. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale européennes, il y a l’idée de

1003 dition de l’homme. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale européennes, il y a l’idée de la contradictio

1004 . À l’origine de la religion, de la culture et de la morale européennes, il y a l’idée de la contradiction, du déchirement

1005 de la culture et de la morale européennes, il y a l’ idée de la contradiction, du déchirement fécond, du conflit créateur.

1006 ure et de la morale européennes, il y a l’idée de la contradiction, du déchirement fécond, du conflit créateur. Il y a ce

1007 ce signe de contradiction par excellence qui est la croix. Au contraire, à l’origine des deux empires nouveaux, il y a l’

1008 par excellence qui est la croix. Au contraire, à l’ origine des deux empires nouveaux, il y a l’idée de l’unification de l

1009 re, à l’origine des deux empires nouveaux, il y a l’ idée de l’unification de l’homme lui-même, de l’élimination des antith

1010 igine des deux empires nouveaux, il y a l’idée de l’ unification de l’homme lui-même, de l’élimination des antithèses, et d

1011 pires nouveaux, il y a l’idée de l’unification de l’ homme lui-même, de l’élimination des antithèses, et du triomphe de l’o

1012 a l’idée de l’unification de l’homme lui-même, de l’ élimination des antithèses, et du triomphe de l’organisation bien huil

1013 e l’élimination des antithèses, et du triomphe de l’ organisation bien huilée, sans histoire, et sans drame. Il s’ensuit qu

1014 ée, sans histoire, et sans drame. Il s’ensuit que le héros européen sera l’homme qui atteint, dramatiquement, le plus haut

1015 ans drame. Il s’ensuit que le héros européen sera l’ homme qui atteint, dramatiquement, le plus haut point de conscience et

1016 uropéen sera l’homme qui atteint, dramatiquement, le plus haut point de conscience et de signification : le saint, le myst

1017 us haut point de conscience et de signification : le saint, le mystique, le martyr. Tandis que le héros américain ou russe

1018 int de conscience et de signification : le saint, le mystique, le martyr. Tandis que le héros américain ou russe sera l’ho

1019 ence et de signification : le saint, le mystique, le martyr. Tandis que le héros américain ou russe sera l’homme le plus c

1020 on : le saint, le mystique, le martyr. Tandis que le héros américain ou russe sera l’homme le plus conforme au standard du

1021 rtyr. Tandis que le héros américain ou russe sera l’ homme le plus conforme au standard du bonheur, celui qui réussit, celu

1022 ndis que le héros américain ou russe sera l’homme le plus conforme au standard du bonheur, celui qui réussit, celui qui ne

1023 uffre plus parce qu’il s’est parfaitement adapté. L’ homme exemplaire pour nous, c’est l’homme exceptionnel, c’est le grand

1024 ement adapté. L’homme exemplaire pour nous, c’est l’ homme exceptionnel, c’est le grand homme ; pour eux, c’est au contrair

1025 aire pour nous, c’est l’homme exceptionnel, c’est le grand homme ; pour eux, c’est au contraire l’homme moyen, le common m

1026 est le grand homme ; pour eux, c’est au contraire l’ homme moyen, le common man, base ou produit des statistiques. Pour nou

1027 mme ; pour eux, c’est au contraire l’homme moyen, le common man, base ou produit des statistiques. Pour nous, l’homme exem

1028 man, base ou produit des statistiques. Pour nous, l’ homme exemplaire, c’est le plus haut exemple ; pour eux, c’est l’exemp

1029 tatistiques. Pour nous, l’homme exemplaire, c’est le plus haut exemple ; pour eux, c’est l’exemplaire de série. Ces deux s

1030 ire, c’est le plus haut exemple ; pour eux, c’est l’ exemplaire de série. Ces deux sens du mot « exemplaire » nous livrent

1031 Ces deux sens du mot « exemplaire » nous livrent le secret de l’opposition que je voudrais vous faire sentir. Pour eux la

1032 s du mot « exemplaire » nous livrent le secret de l’ opposition que je voudrais vous faire sentir. Pour eux la vie se résum

1033 ition que je voudrais vous faire sentir. Pour eux la vie se résume en deux opérations : production et consommation. Tout l

1034 ion et consommation. Tout leur effort est donc de les équilibrer, de les faire jouer sans à-coup ; et le produit de cet équ

1035 . Tout leur effort est donc de les équilibrer, de les faire jouer sans à-coup ; et le produit de cet équilibre sera le bonh

1036 s équilibrer, de les faire jouer sans à-coup ; et le produit de cet équilibre sera le bonheur inévitable, obligatoire. Pou

1037 sans à-coup ; et le produit de cet équilibre sera le bonheur inévitable, obligatoire. Pour nous, la vie résulte d’un confl

1038 ra le bonheur inévitable, obligatoire. Pour nous, la vie résulte d’un conflit permanent, et son but n’est pas le bonheur,

1039 ulte d’un conflit permanent, et son but n’est pas le bonheur, mais la conscience plus aiguë, la découverte d’un sens, d’un

1040 permanent, et son but n’est pas le bonheur, mais la conscience plus aiguë, la découverte d’un sens, d’une signification,

1041 st pas le bonheur, mais la conscience plus aiguë, la découverte d’un sens, d’une signification, fût-ce dans le malheur de

1042 verte d’un sens, d’une signification, fût-ce dans le malheur de la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent à l’inconscien

1043 s, d’une signification, fût-ce dans le malheur de la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent à l’inconscience heureuse, e

1044 fût-ce dans le malheur de la passion, fût-ce dans l’ échec. Ils visent à l’inconscience heureuse, et nous à la conscience à

1045 de la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent à l’ inconscience heureuse, et nous à la conscience à n’importe quel prix.

1046 . Ils visent à l’inconscience heureuse, et nous à la conscience à n’importe quel prix. Ils veulent la vie, nous des raison

1047 la conscience à n’importe quel prix. Ils veulent la vie, nous des raisons de vivre, même mortelles. Voilà pourquoi l’Euro

1048 raisons de vivre, même mortelles. Voilà pourquoi l’ Européen typique sera tantôt un révolutionnaire ou un apôtre, un amant

1049 on mal sont liés, inextricablement et vitalement. L’ Européen connaît donc la valeur essentielle des antagonismes, de l’opp

1050 icablement et vitalement. L’Européen connaît donc la valeur essentielle des antagonismes, de l’opposition créatrice, tandi

1051 t donc la valeur essentielle des antagonismes, de l’ opposition créatrice, tandis que l’Américain et le Russe soviétique co

1052 tagonismes, de l’opposition créatrice, tandis que l’ Américain et le Russe soviétique considèrent l’existence de l’oppositi

1053 l’opposition créatrice, tandis que l’Américain et le Russe soviétique considèrent l’existence de l’opposition comme l’indi

1054 ue l’Américain et le Russe soviétique considèrent l’ existence de l’opposition comme l’indice d’un mauvais fonctionnement,

1055 et le Russe soviétique considèrent l’existence de l’ opposition comme l’indice d’un mauvais fonctionnement, qu’il faut élim

1056 que considèrent l’existence de l’opposition comme l’ indice d’un mauvais fonctionnement, qu’il faut éliminer doucement ou b

1057 éliminer doucement ou brutalement pour arriver à l’ unanimité, à l’homogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité, le

1058 ment ou brutalement pour arriver à l’unanimité, à l’ homogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité, le cinéma, la pro

1059 ment pour arriver à l’unanimité, à l’homogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité, le cinéma, la production de série

1060 r arriver à l’unanimité, à l’homogène. Et les uns l’ obtiendront par la publicité, le cinéma, la production de série, et le

1061 imité, à l’homogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité, le cinéma, la production de série, et les autres par des m

1062 ogène. Et les uns l’obtiendront par la publicité, le cinéma, la production de série, et les autres par des moyens un peu m

1063 es uns l’obtiendront par la publicité, le cinéma, la production de série, et les autres par des moyens un peu moins souple

1064 publicité, le cinéma, la production de série, et les autres par des moyens un peu moins souples, comme on sait, mais les r

1065 moyens un peu moins souples, comme on sait, mais les résultats se ressemblent et se ressembleront de plus en plus. Pour il

1066 se ressembleront de plus en plus. Pour illustrer le contraste que je viens d’esquisser d’une manière un peu trop schémati

1067 anière un peu trop schématique et abstraite entre l’ Européen, d’une part, l’Américain et le Soviétique, de l’autre, je n’a

1068 atique et abstraite entre l’Européen, d’une part, l’ Américain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas à chercher bien lo

1069 aite entre l’Européen, d’une part, l’Américain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas à chercher bien loin. Je prendrai

1070 pas à chercher bien loin. Je prendrai simplement l’ exemple de l’entreprise qui nous rassemble ici. En Amérique, je pense

1071 er bien loin. Je prendrai simplement l’exemple de l’ entreprise qui nous rassemble ici. En Amérique, je pense que ces renco

1072 s seraient un four, ou un flop, comme ils disent. La diversité de nos points de vue inquiéterait l’auditeur plus qu’elle n

1073 t. La diversité de nos points de vue inquiéterait l’ auditeur plus qu’elle ne l’intéresserait. L’Américain moyen demande un

1074 ts de vue inquiéterait l’auditeur plus qu’elle ne l’ intéresserait. L’Américain moyen demande une solution qu’il puisse app

1075 erait l’auditeur plus qu’elle ne l’intéresserait. L’ Américain moyen demande une solution qu’il puisse appliquer en sortant

1076 nous cherchons avant tout un approfondissement de la conscience. En Russie, je ne crois pas être injuste en affirmant que

1077 ou conduiraient leurs malheureux initiateurs sur le banc des aveux spontanés. Et je ne dis pas que l’Américain et le Russ

1078 le banc des aveux spontanés. Et je ne dis pas que l’ Américain et le Russe n’aient quelques bonnes raisons de se comporter

1079 ux spontanés. Et je ne dis pas que l’Américain et le Russe n’aient quelques bonnes raisons de se comporter ainsi, je dis s

1080 seulement que leurs raisons ne sont pas celles de la culture ; que la culture suppose la libre discussion, en vue d’un eng

1081 rs raisons ne sont pas celles de la culture ; que la culture suppose la libre discussion, en vue d’un engagement plus auth

1082 pas celles de la culture ; que la culture suppose la libre discussion, en vue d’un engagement plus authentique au service

1083 vice d’une plus large vérité ; que telle est bien la vocation de l’Europe, et que l’Europe existe au plus haut point comme

1084 large vérité ; que telle est bien la vocation de l’ Europe, et que l’Europe existe au plus haut point comme entité spiritu

1085 ue telle est bien la vocation de l’Europe, et que l’ Europe existe au plus haut point comme entité spirituelle, dans les di

1086 au plus haut point comme entité spirituelle, dans les diversités qui s’expriment ici, à Genève, dans notre rencontre. Ainsi

1087 ici, à Genève, dans notre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’Europe et de ces deux filles parfois ingrates du p

1088 notre rencontre. Ainsi donc, la confrontation de l’ Europe et de ces deux filles parfois ingrates du plus grand Occident n

1089 u plus grand Occident nous suggère une formule de l’ homme typiquement européen : c’est l’homme de la contradiction, l’homm

1090 e formule de l’homme typiquement européen : c’est l’ homme de la contradiction, l’homme dialectique par excellence. Nous le

1091 e l’homme typiquement européen : c’est l’homme de la contradiction, l’homme dialectique par excellence. Nous le voyons dan

1092 ent européen : c’est l’homme de la contradiction, l’ homme dialectique par excellence. Nous le voyons dans ses plus purs mo

1093 diction, l’homme dialectique par excellence. Nous le voyons dans ses plus purs modèles, crucifié entre ces contraires qu’i

1094 contraires qu’il a d’ailleurs lui-même définis : l’ immanence et la transcendance, le collectif et l’individuel, le servic

1095 il a d’ailleurs lui-même définis : l’immanence et la transcendance, le collectif et l’individuel, le service du groupe et

1096 i-même définis : l’immanence et la transcendance, le collectif et l’individuel, le service du groupe et l’anarchie libérat

1097 l’immanence et la transcendance, le collectif et l’ individuel, le service du groupe et l’anarchie libératrice, la sécurit

1098 t la transcendance, le collectif et l’individuel, le service du groupe et l’anarchie libératrice, la sécurité et le risque

1099 ollectif et l’individuel, le service du groupe et l’ anarchie libératrice, la sécurité et le risque, les règles du jeu qui

1100 , le service du groupe et l’anarchie libératrice, la sécurité et le risque, les règles du jeu qui sont pour tous et la voc

1101 groupe et l’anarchie libératrice, la sécurité et le risque, les règles du jeu qui sont pour tous et la vocation qui est p

1102 l’anarchie libératrice, la sécurité et le risque, les règles du jeu qui sont pour tous et la vocation qui est pour un seul.

1103 e risque, les règles du jeu qui sont pour tous et la vocation qui est pour un seul. Crucifié, dis-je, car l’homme européen

1104 ation qui est pour un seul. Crucifié, dis-je, car l’ homme européen en tant que tel n’accepte pas d’être réduit à l’un ou à

1105 à l’un ou à l’autre de ces termes. Mais il entend les assumer et consister dans leur tension, en équilibre toujours menacé,

1106 est pour cette raison qu’elle prévient parmi nous les entreprises et les plans gigantesques que nous voyons proliférer aill

1107 on qu’elle prévient parmi nous les entreprises et les plans gigantesques que nous voyons proliférer ailleurs. D’autre part,

1108 D’autre part, elle a pour effet de concentrer sur l’ homme lui-même, créateur ou victime de ces tensions, l’effort principa

1109 me lui-même, créateur ou victime de ces tensions, l’ effort principal de l’esprit. Européenne sera donc, typiquement, la vo

1110 ou victime de ces tensions, l’effort principal de l’ esprit. Européenne sera donc, typiquement, la volonté de rapporter à l

1111 l de l’esprit. Européenne sera donc, typiquement, la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer à l’homme toutes les insti

1112 sera donc, typiquement, la volonté de rapporter à l’ homme, de mesurer à l’homme toutes les institutions. Cet homme de la c

1113 , la volonté de rapporter à l’homme, de mesurer à l’ homme toutes les institutions. Cet homme de la contradiction (s’il la

1114 rapporter à l’homme, de mesurer à l’homme toutes les institutions. Cet homme de la contradiction (s’il la domine en créati

1115 r à l’homme toutes les institutions. Cet homme de la contradiction (s’il la domine en création) c’est celui que j’appelle

1116 institutions. Cet homme de la contradiction (s’il la domine en création) c’est celui que j’appelle la personne. Et ces ins

1117 la domine en création) c’est celui que j’appelle la personne. Et ces institutions à sa mesure, à hauteur d’homme, traduis

1118 s à sa mesure, à hauteur d’homme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les structures politiques, les mêmes te

1119 ure, à hauteur d’homme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les structures politiques, les mêmes tensions fon

1120 traduisant dans la vie de la culture, comme dans les structures politiques, les mêmes tensions fondamentales, je les nomme

1121 la culture, comme dans les structures politiques, les mêmes tensions fondamentales, je les nommerai : fédéralistes. Ici, Me

1122 politiques, les mêmes tensions fondamentales, je les nommerai : fédéralistes. Ici, Mesdames et Messieurs, s’ouvre béante d

1123 Mesdames et Messieurs, s’ouvre béante devant moi, la tentation de me lancer dans une série de définitions philosophiques d

1124 e définitions philosophiques de ces deux termes : la personne et le fédéralisme. Cette manière d’apparence rigoureuse s’au

1125 hilosophiques de ces deux termes : la personne et le fédéralisme. Cette manière d’apparence rigoureuse s’autoriserait trop

1126 cilement d’une certaine tradition européenne, non la meilleure. Je préfère emprunter, pour un moment, à nos voisins améric

1127 us avons à faire pour maintenir et pour illustrer les valeurs propres de l’Europe. Ce sera peut-être un bon moyen de les dé

1128 aintenir et pour illustrer les valeurs propres de l’ Europe. Ce sera peut-être un bon moyen de les définir dans l’actuel. S

1129 es de l’Europe. Ce sera peut-être un bon moyen de les définir dans l’actuel. Sauver l’Europe — c’est simple à dire vraiment

1130 e sera peut-être un bon moyen de les définir dans l’ actuel. Sauver l’Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’Euro

1131 un bon moyen de les définir dans l’actuel. Sauver l’ Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’Europe, c’est pratiqu

1132 l’Europe — c’est simple à dire vraiment — sauver l’ Europe, c’est pratiquement, et aujourd’hui, empêcher à tout prix la gu

1133 ratiquement, et aujourd’hui, empêcher à tout prix la guerre. Et c’est aussi rendre inutiles les mitraillettes de la révolu

1134 ut prix la guerre. Et c’est aussi rendre inutiles les mitraillettes de la révolution et les fusillades massives. (Je ne dis

1135 c’est aussi rendre inutiles les mitraillettes de la révolution et les fusillades massives. (Je ne dis pas — notez-le bien

1136 re inutiles les mitraillettes de la révolution et les fusillades massives. (Je ne dis pas — notez-le bien — empêcher les ré

1137 t les fusillades massives. (Je ne dis pas — notez- le bien — empêcher les révolutions que l’on constate nécessaires, mais a

1138 ssives. (Je ne dis pas — notez-le bien — empêcher les révolutions que l’on constate nécessaires, mais au contraire les fair

1139 as — notez-le bien — empêcher les révolutions que l’ on constate nécessaires, mais au contraire les faire d’une manière non

1140 que l’on constate nécessaires, mais au contraire les faire d’une manière non sanglante, car l’Europe ne peut pas s’offrir

1141 traire les faire d’une manière non sanglante, car l’ Europe ne peut pas s’offrir des destructions supplémentaires.) Et je s

1142 ien ce que certains vont me dire : que je fais là le jeu de la réaction, selon l’expression consacrée, — mais c’est faux !

1143 certains vont me dire : que je fais là le jeu de la réaction, selon l’expression consacrée, — mais c’est faux ! C’est au

1144 ire : que je fais là le jeu de la réaction, selon l’ expression consacrée, — mais c’est faux ! C’est au contraire cette mau

1145 service commandé, dont j’ai déjà parlé, qui fait le jeu de la réaction en écœurant par sa tactique ceux qui se dévouent à

1146 ommandé, dont j’ai déjà parlé, qui fait le jeu de la réaction en écœurant par sa tactique ceux qui se dévouent à la cause

1147 n écœurant par sa tactique ceux qui se dévouent à la cause de la justice économique. Empêcher les guerres à tout prix… Or,

1148 ar sa tactique ceux qui se dévouent à la cause de la justice économique. Empêcher les guerres à tout prix… Or, les guerres

1149 ent à la cause de la justice économique. Empêcher les guerres à tout prix… Or, les guerres et les révolutions, contrairemen

1150 économique. Empêcher les guerres à tout prix… Or, les guerres et les révolutions, contrairement à ce que pensent beaucoup d

1151 êcher les guerres à tout prix… Or, les guerres et les révolutions, contrairement à ce que pensent beaucoup de bourgeois, so

1152 up de bourgeois, sont initiées et déclenchées par les élites, ou par quelques meneurs et malmeneurs qui usurpent la charge

1153 u par quelques meneurs et malmeneurs qui usurpent la charge des élites lorsque celles-ci négligent de l’exercer. Les guerr

1154 charge des élites lorsque celles-ci négligent de l’ exercer. Les guerres ni les révolutions ne sont jamais initiées ni déc

1155 élites lorsque celles-ci négligent de l’exercer. Les guerres ni les révolutions ne sont jamais initiées ni déclenchées par

1156 celles-ci négligent de l’exercer. Les guerres ni les révolutions ne sont jamais initiées ni déclenchées par les masses, ca

1157 utions ne sont jamais initiées ni déclenchées par les masses, car les masses comme telles n’ont cerveau ni main, ni, par su

1158 amais initiées ni déclenchées par les masses, car les masses comme telles n’ont cerveau ni main, ni, par suite, faculté de

1159 i, par suite, faculté de décision. C’est donc sur les élites qu’il importe d’agir. Ce sont elles que l’on peut utilement év

1160 es élites qu’il importe d’agir. Ce sont elles que l’ on peut utilement éveiller à la claire conscience des causes des guerr

1161 Ce sont elles que l’on peut utilement éveiller à la claire conscience des causes des guerres civiles et nationales, et de

1162 s moyens d’y remédier. Or ces causes, nous allons les retrouver, précisément, dans cette même agonie permanente dont on vie

1163 onie permanente dont on vient de voir qu’elle est la condition de l’homme européen, la source vive de sa grandeur et de sa

1164 dont on vient de voir qu’elle est la condition de l’ homme européen, la source vive de sa grandeur et de sa spiritualité. V

1165 oir qu’elle est la condition de l’homme européen, la source vive de sa grandeur et de sa spiritualité. Voilà le drame. La

1166 vive de sa grandeur et de sa spiritualité. Voilà le drame. La personne, en effet, c’est en chacun de nous le conflit perm

1167 a grandeur et de sa spiritualité. Voilà le drame. La personne, en effet, c’est en chacun de nous le conflit permanent entr

1168 e. La personne, en effet, c’est en chacun de nous le conflit permanent entre la liberté et la vocation d’une part, et d’au

1169 ’est en chacun de nous le conflit permanent entre la liberté et la vocation d’une part, et d’autre part l’engagement dans

1170 de nous le conflit permanent entre la liberté et la vocation d’une part, et d’autre part l’engagement dans les réalités s

1171 iberté et la vocation d’une part, et d’autre part l’ engagement dans les réalités sociales. C’est un combat. Mais voici le

1172 ion d’une part, et d’autre part l’engagement dans les réalités sociales. C’est un combat. Mais voici le paradoxe : dès que

1173 es réalités sociales. C’est un combat. Mais voici le paradoxe : dès que ce combat se relâche à l’intérieur de la personne,

1174 e : dès que ce combat se relâche à l’intérieur de la personne, nous avons la guerre au-dehors. Je m’explique. Quand l’homm

1175 relâche à l’intérieur de la personne, nous avons la guerre au-dehors. Je m’explique. Quand l’homme se considère seulement

1176 s avons la guerre au-dehors. Je m’explique. Quand l’ homme se considère seulement sous l’aspect de ses libertés, ou de ses

1177 plique. Quand l’homme se considère seulement sous l’ aspect de ses libertés, ou de ses droits individuels, comme le firent

1178 ses libertés, ou de ses droits individuels, comme le firent les requins capitalistes du dernier siècle, il crée dans la ci

1179 és, ou de ses droits individuels, comme le firent les requins capitalistes du dernier siècle, il crée dans la cité une anar

1180 uins capitalistes du dernier siècle, il crée dans la cité une anarchie. Cette anarchie ne tarde pas à provoquer une réacti

1181 rde pas à provoquer une réaction collectiviste. À l’ excès de liberté chez les individus, répond mécaniquement un excès d’é

1182 réaction collectiviste. À l’excès de liberté chez les individus, répond mécaniquement un excès d’étatisme. Qui veut faire l

1183 mécaniquement un excès d’étatisme. Qui veut faire l’ ange, ou le démon, fait la bête et voici qu’on l’enferme aujourd’hui d

1184 nt un excès d’étatisme. Qui veut faire l’ange, ou le démon, fait la bête et voici qu’on l’enferme aujourd’hui dans la cage

1185 tatisme. Qui veut faire l’ange, ou le démon, fait la bête et voici qu’on l’enferme aujourd’hui dans la cage du parti ou de

1186 l’ange, ou le démon, fait la bête et voici qu’on l’ enferme aujourd’hui dans la cage du parti ou de l’État. À vrai dire, i

1187 la bête et voici qu’on l’enferme aujourd’hui dans la cage du parti ou de l’État. À vrai dire, il ne l’a pas volé. Le bon m

1188 l’enferme aujourd’hui dans la cage du parti ou de l’ État. À vrai dire, il ne l’a pas volé. Le bon moyen d’éviter ces excès

1189 la cage du parti ou de l’État. À vrai dire, il ne l’ a pas volé. Le bon moyen d’éviter ces excès d’engagement dans le Parti

1190 ti ou de l’État. À vrai dire, il ne l’a pas volé. Le bon moyen d’éviter ces excès d’engagement dans le Parti, d’oppression

1191 Le bon moyen d’éviter ces excès d’engagement dans le Parti, d’oppression par l’État, ce n’est pas du tout de prêcher ce qu

1192 xcès d’engagement dans le Parti, d’oppression par l’ État, ce n’est pas du tout de prêcher ce qu’on appelle un « individual

1193 lisme impénitent ». C’est au contraire, au nom de la personne, de prêcher l’engagement personnel, libre, efficace et const

1194 t au contraire, au nom de la personne, de prêcher l’ engagement personnel, libre, efficace et constamment critique. Et je n

1195 constamment critique. Et je ne dis pas cela dans l’ abstrait ; j’ai en vue des exemples précis. Appelons totalitaire, ou s

1196 ples précis. Appelons totalitaire, ou soviétique, la déviation collectiviste. Ce que je lui oppose ici, ce n’est nullement

1197 ste. Ce que je lui oppose ici, ce n’est nullement l’ excès inverse de l’anarchie et du capitalisme libéral, mais bien cette

1198 oppose ici, ce n’est nullement l’excès inverse de l’ anarchie et du capitalisme libéral, mais bien cette morale civique, ce

1199 civique, cet équilibre, sans cesse rajusté, entre la liberté et l’engagement, dont s’honorent en Europe les pays dominés p

1200 quilibre, sans cesse rajusté, entre la liberté et l’ engagement, dont s’honorent en Europe les pays dominés par l’influence

1201 iberté et l’engagement, dont s’honorent en Europe les pays dominés par l’influence protestante. Si nous nous demandons, en

1202 t, dont s’honorent en Europe les pays dominés par l’ influence protestante. Si nous nous demandons, en effet, quels sont le

1203 nte. Si nous nous demandons, en effet, quels sont les pays de l’Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce so

1204 nous demandons, en effet, quels sont les pays de l’ Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce sont sans con

1205 t, quels sont les pays de l’Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce sont sans contredit : la fédération s

1206 x », nous constatons que ce sont sans contredit : la fédération suisse, et les royaumes démocratiques et socialistes du No

1207 ce sont sans contredit : la fédération suisse, et les royaumes démocratiques et socialistes du Nord, Scandinavie, Hollande

1208 e. Parce qu’ils ont su devenir, en toute liberté, les plus sociaux, ils sont aussi les moins touchés, les moins tentés par

1209 n toute liberté, les plus sociaux, ils sont aussi les moins touchés, les moins tentés par le collectivisme autoritaire. Sur

1210 s plus sociaux, ils sont aussi les moins touchés, les moins tentés par le collectivisme autoritaire. Sur le plan de la pers

1211 ont aussi les moins touchés, les moins tentés par le collectivisme autoritaire. Sur le plan de la personne, et du civisme

1212 par le collectivisme autoritaire. Sur le plan de la personne, et du civisme donc, la déviation vers l’anarchie d’une part

1213 . Sur le plan de la personne, et du civisme donc, la déviation vers l’anarchie d’une part, la déviation vers l’étatisme d’

1214 a personne, et du civisme donc, la déviation vers l’ anarchie d’une part, la déviation vers l’étatisme d’autre part, condui

1215 me donc, la déviation vers l’anarchie d’une part, la déviation vers l’étatisme d’autre part, conduisent identiquement et f

1216 ion vers l’anarchie d’une part, la déviation vers l’ étatisme d’autre part, conduisent identiquement et fatalement aux réac

1217 des guerres civiles, et par suite, quel que soit le vainqueur, aux dictatures. Or il n’en va pas autrement sur le plan de

1218 tures. Or il n’en va pas autrement sur le plan de la communauté et de la politique des nations. Ici, l’équilibre vivant do

1219 pas autrement sur le plan de la communauté et de la politique des nations. Ici, l’équilibre vivant doit s’établir entre l

1220 a communauté et de la politique des nations. Ici, l’ équilibre vivant doit s’établir entre les groupes divers et la nation

1221 ons. Ici, l’équilibre vivant doit s’établir entre les groupes divers et la nation unie, puis entre les nations diverses et

1222 vivant doit s’établir entre les groupes divers et la nation unie, puis entre les nations diverses et l’Europe ; puis entre

1223 les groupes divers et la nation unie, puis entre les nations diverses et l’Europe ; puis entre l’Europe et le monde. À tou

1224 a nation unie, puis entre les nations diverses et l’ Europe ; puis entre l’Europe et le monde. À tous les degrés, nous retr

1225 tre les nations diverses et l’Europe ; puis entre l’ Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tenta

1226 ons diverses et l’Europe ; puis entre l’Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tentations opposé

1227 ’Europe ; puis entre l’Europe et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tentations opposées, et par suite l

1228 e et le monde. À tous les degrés, nous retrouvons les mêmes tentations opposées, et par suite les mêmes causes de guerre, d

1229 uvons les mêmes tentations opposées, et par suite les mêmes causes de guerre, dès que l’un des éléments en équilibre faibli

1230 aiblit, ou se voit écrasé et absorbé par l’autre. La volonté d’unification nationale à la manière d’un Louis XIV, plus tar

1231 la manière des jacobins, provoque inévitablement le raidissement, puis la révolte des groupes locaux dont on exige le sui

1232 ns, provoque inévitablement le raidissement, puis la révolte des groupes locaux dont on exige le suicide. C’est la volonté

1233 puis la révolte des groupes locaux dont on exige le suicide. C’est la volonté d’unifier qui provoque leur refus de s’unir

1234 es groupes locaux dont on exige le suicide. C’est la volonté d’unifier qui provoque leur refus de s’unir, c’est elle qui e

1235 eur refus de s’unir, c’est elle qui excite en eux la volonté morbide de s’enfermer dans leur différence essentielle. Cet i

1236 ialiste, c’est une loi que je signale en passant. La volonté qui possède Bonaparte d’unifier l’Europe au mépris des divers

1237 ssant. La volonté qui possède Bonaparte d’unifier l’ Europe au mépris des diversités nationales provoquera, sous Napoléon,

1238 diversités nationales provoquera, sous Napoléon, la naissance des nationalismes. Telle est la cause de presque toutes nos

1239 poléon, la naissance des nationalismes. Telle est la cause de presque toutes nos guerres. J’ai dit, et je ne le répéterai

1240 de presque toutes nos guerres. J’ai dit, et je ne le répéterai jamais assez, qu’il faut voir dans le nationalisme la malad

1241 e le répéterai jamais assez, qu’il faut voir dans le nationalisme la maladie européenne, l’anti-Europe par excellence. Je

1242 amais assez, qu’il faut voir dans le nationalisme la maladie européenne, l’anti-Europe par excellence. Je compare le natio

1243 voir dans le nationalisme la maladie européenne, l’ anti-Europe par excellence. Je compare le nationalisme à une espèce de

1244 opéenne, l’anti-Europe par excellence. Je compare le nationalisme à une espèce de court-circuit dans la tension normale qu

1245 e nationalisme à une espèce de court-circuit dans la tension normale qu’il s’agit de maintenir entre le particulier et le

1246 a tension normale qu’il s’agit de maintenir entre le particulier et le général. D’une part, en effet, le nationalisme écra

1247 qu’il s’agit de maintenir entre le particulier et le général. D’une part, en effet, le nationalisme écrase les diversités

1248 particulier et le général. D’une part, en effet, le nationalisme écrase les diversités vivantes, sous prétexte d’unificat

1249 ral. D’une part, en effet, le nationalisme écrase les diversités vivantes, sous prétexte d’unification, et alors on ne saur

1250 rien à unir. D’autre part, il déclare souveraine la nation unifiée de la sorte, qui se conduit alors vis-à-vis de l’Europ

1251 part, il déclare souveraine la nation unifiée de la sorte, qui se conduit alors vis-à-vis de l’Europe comme un groupe abs

1252 ée de la sorte, qui se conduit alors vis-à-vis de l’ Europe comme un groupe absolutisé, comme un vulgaire individu dont la

1253 roupe absolutisé, comme un vulgaire individu dont la prétendue liberté ne connaît plus aucun scrupule. De même, on vit Hit

1254 De même, on vit Hitler, on voit Staline, écraser les partis à l’intérieur, puis se comporter vis-à-vis de l’Occident, en t

1255 vit Hitler, on voit Staline, écraser les partis à l’ intérieur, puis se comporter vis-à-vis de l’Occident, en tant que nati

1256 tis à l’intérieur, puis se comporter vis-à-vis de l’ Occident, en tant que nation, comme le parti le plus irréductible. Le

1257 is-à-vis de l’Occident, en tant que nation, comme le parti le plus irréductible. Le fédéralisme, au contraire, veut unir e

1258 de l’Occident, en tant que nation, comme le parti le plus irréductible. Le fédéralisme, au contraire, veut unir et non pas

1259 que nation, comme le parti le plus irréductible. Le fédéralisme, au contraire, veut unir et non pas unifier. Et justement

1260 pas unifier. Et justement parce qu’il respecte à l’ intérieur d’une nation la riche diversité des groupes, il est prêt à s

1261 t parce qu’il respecte à l’intérieur d’une nation la riche diversité des groupes, il est prêt à s’ouvrir à des unions plus

1262 est prêt à s’ouvrir à des unions plus vastes. Il les appelle, il les espère, il fait tout pour les amorcer, par la vertu d

1263 vrir à des unions plus vastes. Il les appelle, il les espère, il fait tout pour les amorcer, par la vertu de l’exemple vécu

1264 Il les appelle, il les espère, il fait tout pour les amorcer, par la vertu de l’exemple vécu. Telle est la santé de l’Euro

1265 il les espère, il fait tout pour les amorcer, par la vertu de l’exemple vécu. Telle est la santé de l’Europe, et telles so

1266 e, il fait tout pour les amorcer, par la vertu de l’ exemple vécu. Telle est la santé de l’Europe, et telles sont ses deux

1267 morcer, par la vertu de l’exemple vécu. Telle est la santé de l’Europe, et telles sont ses deux maladies, contradictoires

1268 la vertu de l’exemple vécu. Telle est la santé de l’ Europe, et telles sont ses deux maladies, contradictoires en apparence

1269 ces maladies se définissent respectivement comme les états d’équilibre ou de relâchement d’une seule et même tension fonda

1270 tion profondément et vitalement contradictoire de l’ homme. Et c’est pourquoi la vocation de l’Europe et des élites qui por

1271 ment contradictoire de l’homme. Et c’est pourquoi la vocation de l’Europe et des élites qui portent la conscience de cette

1272 oire de l’homme. Et c’est pourquoi la vocation de l’ Europe et des élites qui portent la conscience de cette Europe, m’appa

1273 la vocation de l’Europe et des élites qui portent la conscience de cette Europe, m’apparaît, dans un double office de vigi

1274 ans un double office de vigilance et d’invention. Le trésor de l’Europe, c’est son idée de l’homme. Mais c’est un trésor e

1275 office de vigilance et d’invention. Le trésor de l’ Europe, c’est son idée de l’homme. Mais c’est un trésor explosif, d’où

1276 vention. Le trésor de l’Europe, c’est son idée de l’ homme. Mais c’est un trésor explosif, d’où la nécessité d’une vigilanc

1277 e de l’homme. Mais c’est un trésor explosif, d’où la nécessité d’une vigilance ardente autour de cette notion centrale de

1278 ilance ardente autour de cette notion centrale de la personne, car ses déviations perpétuelles vers l’individu sans devoir

1279 la personne, car ses déviations perpétuelles vers l’ individu sans devoirs ou vers le militant sans droits sont les vraies

1280 perpétuelles vers l’individu sans devoirs ou vers le militant sans droits sont les vraies causes de nos malheurs sociaux.

1281 sans devoirs ou vers le militant sans droits sont les vraies causes de nos malheurs sociaux. Et notre second office est l’i

1282 nos malheurs sociaux. Et notre second office est l’ invention de structures politiques du type fédéraliste, seules créatri

1283 atrices de paix et seules capables de sauvegarder la liberté dans l’ordre. Après tout, c’est l’Europe qui a sécrété ce con

1284 et seules capables de sauvegarder la liberté dans l’ ordre. Après tout, c’est l’Europe qui a sécrété ce contagieux national

1285 garder la liberté dans l’ordre. Après tout, c’est l’ Europe qui a sécrété ce contagieux nationalisme, c’est à elle d’invent

1286 nventer son antidote. Elle est seule en mesure de le faire à cause de ses diversités ; et de le faire non seulement pour s

1287 ure de le faire à cause de ses diversités ; et de le faire non seulement pour son salut, mais pour celui de la paix du mon

1288 non seulement pour son salut, mais pour celui de la paix du monde entier. ⁂ Mesdames et Messieurs, si les descriptions pe

1289 paix du monde entier. ⁂ Mesdames et Messieurs, si les descriptions pessimistes de l’Europe auxquelles je me suis livré en d

1290 et Messieurs, si les descriptions pessimistes de l’ Europe auxquelles je me suis livré en débutant sont exactes, il peut p

1291 ez étrange de parler après cela d’une vocation de l’ Europe. Pour exercer une vocation, il faut d’abord être vivant, il fau

1292 il faut d’abord être vivant, il faut survivre. Or l’ Europe démoralisée, coincée entre deux grands empires, minée par son p

1293 grands empires, minée par son propre génie et par l’ abus de ses vertus bien plus encore que par ses vices, l’Europe a-t-el

1294 de ses vertus bien plus encore que par ses vices, l’ Europe a-t-elle des chances de vivre encore assez pour qu’il ne soit p

1295 ne soit pas utopique d’envisager sa fonction dans le monde, son avenir et le nôtre en elle ? Pour ma part, j’entretiens un

1296 ntretiens une croyance toute mystique au sujet de la vocation. Je crois qu’un être est maintenu en vie par la vie même de

1297 tion. Je crois qu’un être est maintenu en vie par la vie même de sa vocation, et qu’il tombe bientôt lorsqu’elle est accom

1298 Une raison toute physique, géographique d’abord : l’ Europe, cette Grèce agrandie, est un continent cloisonné, et par natur

1299 ême rebelle aux planifications sur table rase que l’ Amérique, et surtout la Russie — ces deux grandes plaines d’un seul te

1300 cations sur table rase que l’Amérique, et surtout la Russie — ces deux grandes plaines d’un seul tenant — peuvent se perme

1301 e psychologique. Malgré tout, je veux dire malgré la contagion des mystiques totalitaires, qui affecte une certaine part d

1302 es, qui affecte une certaine part de nos esprits, l’ Europe garde encore l’apanage du scepticisme et de l’esprit critique.

1303 rtaine part de nos esprits, l’Europe garde encore l’ apanage du scepticisme et de l’esprit critique. Les Églises, autrefois

1304 urope garde encore l’apanage du scepticisme et de l’ esprit critique. Les Églises, autrefois, les redoutaient ; je pense qu

1305 l’apanage du scepticisme et de l’esprit critique. Les Églises, autrefois, les redoutaient ; je pense qu’elles doivent aujou

1306 et de l’esprit critique. Les Églises, autrefois, les redoutaient ; je pense qu’elles doivent aujourd’hui les nourrir, si c

1307 doutaient ; je pense qu’elles doivent aujourd’hui les nourrir, si cet esprit critique, ce scepticisme, s’applique aux mysti

1308 ique, ce scepticisme, s’applique aux mystiques de l’ État et du Parti divinisé, aux idéaux purement profanes et séculiers q

1309 purement profanes et séculiers que nous proposent l’ URSS et les US. Vis-à-vis de ces mystiques et de ces idéaux, c’est not

1310 rofanes et séculiers que nous proposent l’URSS et les US. Vis-à-vis de ces mystiques et de ces idéaux, c’est notre sens d’u

1311 idéaux, c’est notre sens d’un absolu qui dépasse l’ homme et son bonheur, c’est notre sens du transcendant, précisément, c

1312 cteurs de conscience. Cependant que notre sens de l’ équilibre humain nous invite à remettre à leur place ces prétentions d

1313 tre à leur place ces prétentions divinisées, et à les taxer sobrement, non sans humour à l’occasion. J’ai souvent proposé c

1314 sées, et à les taxer sobrement, non sans humour à l’ occasion. J’ai souvent proposé cette petite parabole à mes amis améric

1315 s américains : « Vous croyez, leur disais-je, que le plus grand est nécessairement le meilleur. Et que l’on peut impunémen

1316 r disais-je, que le plus grand est nécessairement le meilleur. Et que l’on peut impunément multiplier n’importe quoi par 1

1317 plus grand est nécessairement le meilleur. Et que l’ on peut impunément multiplier n’importe quoi par 10 ou 100. Vous oubli

1318 iplier n’importe quoi par 10 ou 100. Vous oubliez la mesure de l’homme. Si, par exemple, vous multipliez par 10 toutes les

1319 rte quoi par 10 ou 100. Vous oubliez la mesure de l’ homme. Si, par exemple, vous multipliez par 10 toutes les dimensions d

1320 e. Si, par exemple, vous multipliez par 10 toutes les dimensions d’une maison, vous ne pourrez plus gravir les escaliers ni

1321 ensions d’une maison, vous ne pourrez plus gravir les escaliers ni vous asseoir dans les fauteuils… » Ma troisième raison

1322 ez plus gravir les escaliers ni vous asseoir dans les fauteuils… » Ma troisième raison d’espérer, ce sont les crises qu’il

1323 teuils… » Ma troisième raison d’espérer, ce sont les crises qu’il faut prévoir dans les deux empires du succès. Leurs plan

1324 pérer, ce sont les crises qu’il faut prévoir dans les deux empires du succès. Leurs plans, en effet, sont fondés sur une mé

1325 s sur une méconnaissance voulue, systématique, de la complexité de l’homme total. Ils ne sont que des expériences, et le p

1326 issance voulue, systématique, de la complexité de l’ homme total. Ils ne sont que des expériences, et le propre d’une expér

1327 ’homme total. Ils ne sont que des expériences, et le propre d’une expérience est de rater neuf fois sur dix. Je pense aux

1328 e aux crises économiques qui menacent constamment l’ Amérique. Celle de 1930 eut pour effet de la réveiller, de l’humaniser

1329 mment l’Amérique. Celle de 1930 eut pour effet de la réveiller, de l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’Europ

1330 Celle de 1930 eut pour effet de la réveiller, de l’ humaniser, et par là même de la rapprocher de l’Europe. Je pense surto

1331 e la réveiller, de l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’

1332 e l’humaniser, et par là même de la rapprocher de l’ Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’on soit sympathiq

1333 de la rapprocher de l’Europe. Je pense surtout à l’ avenir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou non à l’expérience de d

1334 ocher de l’Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’ URSS. Que l’on soit sympathique ou non à l’expérience de dictature si

1335 urope. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’ on soit sympathique ou non à l’expérience de dictature si brillamment

1336 nir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou non à l’ expérience de dictature si brillamment conduite, jusqu’ici, par les hi

1337 dictature si brillamment conduite, jusqu’ici, par les hiérarques soviétiques, il faut bien constater qu’ils ont contre eux

1338 tre eux beaucoup de réalités humaines, qui gênent l’ exécution de leurs plans rationnels. Il faut bien constater que presqu

1339 tionnels. Il faut bien constater que presque tout les gêne : l’esprit critique les gêne, les différences individuelles les

1340 l faut bien constater que presque tout les gêne : l’ esprit critique les gêne, les différences individuelles les gênent, l’

1341 ter que presque tout les gêne : l’esprit critique les gêne, les différences individuelles les gênent, l’opinion libre et la

1342 esque tout les gêne : l’esprit critique les gêne, les différences individuelles les gênent, l’opinion libre et la presse le

1343 critique les gêne, les différences individuelles les gênent, l’opinion libre et la presse les gênent, et les partis — surt

1344 s gêne, les différences individuelles les gênent, l’ opinion libre et la presse les gênent, et les partis — surtout de gauc

1345 nces individuelles les gênent, l’opinion libre et la presse les gênent, et les partis — surtout de gauche, et l’imprévu de

1346 iduelles les gênent, l’opinion libre et la presse les gênent, et les partis — surtout de gauche, et l’imprévu de l’inventio

1347 nent, l’opinion libre et la presse les gênent, et les partis — surtout de gauche, et l’imprévu de l’invention dans les arts

1348 les gênent, et les partis — surtout de gauche, et l’ imprévu de l’invention dans les arts ou de la découverte dans les scie

1349 t les partis — surtout de gauche, et l’imprévu de l’ invention dans les arts ou de la découverte dans les sciences, et l’in

1350 rtout de gauche, et l’imprévu de l’invention dans les arts ou de la découverte dans les sciences, et l’insouciance et l’inq

1351 , et l’imprévu de l’invention dans les arts ou de la découverte dans les sciences, et l’insouciance et l’inquiétude, et l’

1352 ’invention dans les arts ou de la découverte dans les sciences, et l’insouciance et l’inquiétude, et l’humour et l’esprit d

1353 es arts ou de la découverte dans les sciences, et l’ insouciance et l’inquiétude, et l’humour et l’esprit de révolte, et le

1354 découverte dans les sciences, et l’insouciance et l’ inquiétude, et l’humour et l’esprit de révolte, et le scepticisme rati

1355 es sciences, et l’insouciance et l’inquiétude, et l’ humour et l’esprit de révolte, et le scepticisme rationnel autant que

1356 et l’insouciance et l’inquiétude, et l’humour et l’ esprit de révolte, et le scepticisme rationnel autant que la foi relig

1357 nquiétude, et l’humour et l’esprit de révolte, et le scepticisme rationnel autant que la foi religieuse — et c’est à tel p

1358 e révolte, et le scepticisme rationnel autant que la foi religieuse — et c’est à tel point qu’on se demande si ce qui les

1359 — et c’est à tel point qu’on se demande si ce qui les gêne le plus n’est pas simplement l’homme, dans son humanité rebelle

1360 t à tel point qu’on se demande si ce qui les gêne le plus n’est pas simplement l’homme, dans son humanité rebelle aux chif

1361 e si ce qui les gêne le plus n’est pas simplement l’ homme, dans son humanité rebelle aux chiffres, l’homme en soi — l’éter

1362 l’homme, dans son humanité rebelle aux chiffres, l’ homme en soi — l’éternel résistant ! Or, l’Europe, et c’est là sa gran

1363 n humanité rebelle aux chiffres, l’homme en soi — l’ éternel résistant ! Or, l’Europe, et c’est là sa grandeur, a justement

1364 ffres, l’homme en soi — l’éternel résistant ! Or, l’ Europe, et c’est là sa grandeur, a justement vécu de toutes ces choses

1365 à merveille de leur complexité ; elle y voit même la saveur de la vie ! Tout cela va compter — à la longue. Un beau jour,

1366 e leur complexité ; elle y voit même la saveur de la vie ! Tout cela va compter — à la longue. Un beau jour, il n’est pas

1367 il est même probable, et c’est là mon espoir, que les Russes, comme les Américains, viendront s’enquérir auprès de nous des

1368 le, et c’est là mon espoir, que les Russes, comme les Américains, viendront s’enquérir auprès de nous des secrets de notre

1369 on eux du moins leurs enfants. Un dernier trait : l’ Europe, surtout si on la compare aux deux empires séparés d’elle, et q

1370 fants. Un dernier trait : l’Europe, surtout si on la compare aux deux empires séparés d’elle, et que je nomme les deux emp

1371 aux deux empires séparés d’elle, et que je nomme les deux empires sans précédent — l’Europe est la patrie de la mémoire. E

1372 et que je nomme les deux empires sans précédent — l’ Europe est la patrie de la mémoire. Elle est même, pratiquement, la mé

1373 me les deux empires sans précédent — l’Europe est la patrie de la mémoire. Elle est même, pratiquement, la mémoire du mond

1374 mpires sans précédent — l’Europe est la patrie de la mémoire. Elle est même, pratiquement, la mémoire du monde, le lieu du

1375 atrie de la mémoire. Elle est même, pratiquement, la mémoire du monde, le lieu du monde où l’on conserve et reproduit les

1376 Elle est même, pratiquement, la mémoire du monde, le lieu du monde où l’on conserve et reproduit les plus vieux documents

1377 quement, la mémoire du monde, le lieu du monde où l’ on conserve et reproduit les plus vieux documents des races humaines,

1378 e, le lieu du monde où l’on conserve et reproduit les plus vieux documents des races humaines, et non seulement dans les mu

1379 cuments des races humaines, et non seulement dans les musées et bibliothèques mais dans les mœurs et les coutumes aussi, da

1380 lement dans les musées et bibliothèques mais dans les mœurs et les coutumes aussi, dans les habitudes du langage et dans l’

1381 es musées et bibliothèques mais dans les mœurs et les coutumes aussi, dans les habitudes du langage et dans l’intimité des

1382 s mais dans les mœurs et les coutumes aussi, dans les habitudes du langage et dans l’intimité des relations humaines. Voilà

1383 umes aussi, dans les habitudes du langage et dans l’ intimité des relations humaines. Voilà pourquoi l’Europe a toutes les

1384 l’intimité des relations humaines. Voilà pourquoi l’ Europe a toutes les chances de rester la patrie de l’invention — alors

1385 ations humaines. Voilà pourquoi l’Europe a toutes les chances de rester la patrie de l’invention — alors que les empires sa

1386 pourquoi l’Europe a toutes les chances de rester la patrie de l’invention — alors que les empires sans précédent, sans tr

1387 urope a toutes les chances de rester la patrie de l’ invention — alors que les empires sans précédent, sans tradition, s’ép

1388 es de rester la patrie de l’invention — alors que les empires sans précédent, sans tradition, s’épuiseront à redécouvrir ce

1389 ce qui nous permet donc d’aller plus loin. Ainsi l’ Europe construit des églises modernes, en verre et en ciment armé, tan

1390 modernes, en verre et en ciment armé, tandis que l’ Amérique en est encore à bâtir des églises en gothique neuf. C’est par

1391 tir des églises en gothique neuf. C’est parce que l’ Europe est la mémoire du monde qu’elle ne cessera pas d’inventer. Elle

1392 es en gothique neuf. C’est parce que l’Europe est la mémoire du monde qu’elle ne cessera pas d’inventer. Elle restera le p

1393 e qu’elle ne cessera pas d’inventer. Elle restera le point de virulence extrême de la création spirituelle, ce coin du mon

1394 er. Elle restera le point de virulence extrême de la création spirituelle, ce coin du monde où l’homme a su tirer de lui-m

1395 e de la création spirituelle, ce coin du monde où l’ homme a su tirer de lui-même les utopies les plus transformatrices et

1396 e coin du monde où l’homme a su tirer de lui-même les utopies les plus transformatrices et les plus riches d’avenir, pour t

1397 nde où l’homme a su tirer de lui-même les utopies les plus transformatrices et les plus riches d’avenir, pour tous les autr

1398 lui-même les utopies les plus transformatrices et les plus riches d’avenir, pour tous les autres hommes de la planète. Mais

1399 ormatrices et les plus riches d’avenir, pour tous les autres hommes de la planète. Mais, riches d’avenir… oui, s’il est un

1400 s riches d’avenir, pour tous les autres hommes de la planète. Mais, riches d’avenir… oui, s’il est un avenir, non seulemen

1401 enir… oui, s’il est un avenir, non seulement pour l’ Europe, mais pour le monde. Dans une certaine mesure, qui est celle du

1402 un avenir, non seulement pour l’Europe, mais pour le monde. Dans une certaine mesure, qui est celle du réalisme politique,

1403 e, et il fallait tout de même que ce fût dit ici, la question de l’avenir du monde se résume dans ce simple dilemme : la P

1404 t tout de même que ce fût dit ici, la question de l’ avenir du monde se résume dans ce simple dilemme : la Planète unie ou

1405 venir du monde se résume dans ce simple dilemme : la Planète unie ou la Bombe. Et je veux dire : Si les États-Unis et la R

1406 ésume dans ce simple dilemme : la Planète unie ou la Bombe. Et je veux dire : Si les États-Unis et la Russie ne s’entenden

1407 la Planète unie ou la Bombe. Et je veux dire : Si les États-Unis et la Russie ne s’entendent pas, si la guerre atomique écl

1408 la Bombe. Et je veux dire : Si les États-Unis et la Russie ne s’entendent pas, si la guerre atomique éclate, il n’y a plu

1409 es États-Unis et la Russie ne s’entendent pas, si la guerre atomique éclate, il n’y a plus de problème de l’Europe, et d’u

1410 rre atomique éclate, il n’y a plus de problème de l’ Europe, et d’une façon plus générale, il n’y a peut-être plus de probl

1411 générale, il n’y a peut-être plus de problème de l’ ici-bas, mais seulement du jugement dernier — et je n’en dirai rien, n

1412 y pouvant rien. Mais dans une large mesure aussi, l’ avenir du monde dépend de l’attitude de l’Europe, et de son pouvoir d’

1413 e large mesure aussi, l’avenir du monde dépend de l’ attitude de l’Europe, et de son pouvoir d’invention. Ici, point de mal

1414 aussi, l’avenir du monde dépend de l’attitude de l’ Europe, et de son pouvoir d’invention. Ici, point de malentendu ! Ne d

1415 tion. Ici, point de malentendu ! Ne demandons pas l’ instauration d’une fédération européenne pour que se crée un troisième

1416 rien résoudre, et au contraire, ce serait exalter le nationalisme aux dimensions continentales. Ce qu’il nous faut demande

1417 s faut demander, et obtenir, nous tous, c’est que les nations européennes s’ouvrent d’abord les unes aux autres, suppriment

1418 est que les nations européennes s’ouvrent d’abord les unes aux autres, suppriment sur tous les plans frontières et visas, r

1419 d’abord les unes aux autres, suppriment sur tous les plans frontières et visas, renoncent au dogme meurtrier de la souvera

1420 ntières et visas, renoncent au dogme meurtrier de la souveraineté absolue, créant ainsi une attitude nouvelle, une confian

1421 si une attitude nouvelle, une confiance — ouvrant l’ Europe au monde, du même coup. Ce qu’il nous faut demander et obtenir

1422 — obtenir de nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’Europe découvre, et qu’il propage, les antitoxines des vir

1423 e nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’ Europe découvre, et qu’il propage, les antitoxines des virus dont il a

1424 le génie de l’Europe découvre, et qu’il propage, les antitoxines des virus dont il a infesté le monde entier. Il n’y a de

1425 page, les antitoxines des virus dont il a infesté le monde entier. Il n’y a de fédération européenne imaginable qu’en vue

1426 ’y a de paix et donc d’avenir imaginable que dans l’ effort pour instaurer un vrai gouvernement mondial. Et le monde, pour

1427 t pour instaurer un vrai gouvernement mondial. Et le monde, pour ce faire, a besoin de l’Europe, j’entends de son esprit c

1428 mondial. Et le monde, pour ce faire, a besoin de l’ Europe, j’entends de son esprit critique autant que de son sens invent

1429 esprit critique autant que de son sens inventif. La pensée du monde, c’est l’Europe. Et s’il s’agit vraiment de penser, q

1430 e de son sens inventif. La pensée du monde, c’est l’ Europe. Et s’il s’agit vraiment de penser, que penser d’autre pour la

1431 ’agit vraiment de penser, que penser d’autre pour la paix, je vous le demande, qu’un idéal fédératif mondial ? C’est pourq

1432 penser, que penser d’autre pour la paix, je vous le demande, qu’un idéal fédératif mondial ? C’est pourquoi, sans reculer

1433 tif mondial ? C’est pourquoi, sans reculer devant l’ apparence d’un calembour, mais qui formule non sans bonheur, je crois,

1434 our, mais qui formule non sans bonheur, je crois, l’ attitude d’engagement et de solidarité qui doit ici nous inspirer, je

1435 qui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant à l’ Europe et à sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec moi

1436 pe et à sa vocation mondiale, et je vous invite à le dire avec moi : Je pense, donc j’en suis ! g. Rougemont Denis de,

1437 nse, donc j’en suis ! g. Rougemont Denis de, «  Les maladies de l’Europe », L’Esprit européen, Neuchâtel, Éditions de la

1438 uis ! g. Rougemont Denis de, « Les maladies de l’ Europe », L’Esprit européen, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 194

1439 Rougemont Denis de, « Les maladies de l’Europe », L’ Esprit européen, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1947, p. 143-16

1440 rope », L’Esprit européen, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1947, p. 143-163.

1441 L’ opportunité chrétienne (1947)d Depuis des siècles, depuis la Renais

1442 chrétienne (1947)d Depuis des siècles, depuis la Renaissance, le christianisme a vécu sur la défensive. Les hiérarchie

1443 7)d Depuis des siècles, depuis la Renaissance, le christianisme a vécu sur la défensive. Les hiérarchies ecclésiastique

1444 epuis la Renaissance, le christianisme a vécu sur la défensive. Les hiérarchies ecclésiastiques défendaient leurs pouvoirs

1445 ssance, le christianisme a vécu sur la défensive. Les hiérarchies ecclésiastiques défendaient leurs pouvoirs temporels, jus

1446 leurs pouvoirs temporels, justement contestés par l’ État. Puis elles eurent à défendre leurs pouvoirs spirituels, certains

1447 spirituels, certains États s’étant laissé aller à les revendiquer injustement. Les docteurs de l’Église se défendaient cont

1448 étant laissé aller à les revendiquer injustement. Les docteurs de l’Église se défendaient contre les attaques successives d

1449 er à les revendiquer injustement. Les docteurs de l’ Église se défendaient contre les attaques successives du scepticisme n

1450 t. Les docteurs de l’Église se défendaient contre les attaques successives du scepticisme né de la science cartésienne, de

1451 tre les attaques successives du scepticisme né de la science cartésienne, de l’historisme, de la philologie, puis des syst

1452 s du scepticisme né de la science cartésienne, de l’ historisme, de la philologie, puis des systèmes sociologiques et philo

1453 né de la science cartésienne, de l’historisme, de la philologie, puis des systèmes sociologiques et philosophiques qui se

1454 es et philosophiques qui se mirent à pulluler dès le xixe siècle, et qui se posaient en termes intraduisibles dans les ca

1455 et qui se posaient en termes intraduisibles dans les catégories théologiques traditionnelles. Quant aux fidèles, ils avaie

1456 ant aux fidèles, ils avaient à se défendre contre la menace quotidienne, innombrable, et sans cesse accrue mais d’une mani

1457 s en moins conformes aux lois spirituelles : sans le savoir, sans oser se l’avouer, les chrétiens devenaient, en Europe co

1458 lois spirituelles : sans le savoir, sans oser se l’ avouer, les chrétiens devenaient, en Europe comme ailleurs, une minori

1459 ituelles : sans le savoir, sans oser se l’avouer, les chrétiens devenaient, en Europe comme ailleurs, une minorité doucemen

1460 ourires et d’ironies intellectuelles basées sur «  les derniers progrès de la science », cette tolérance même qui se manifes

1461 ellectuelles basées sur « les derniers progrès de la science », cette tolérance même qui se manifestait à l’égard des « su

1462 ligieuses », firent autant de mal aux Églises que les persécutions romaines aux premiers temps leur avaient fait du bien. P

1463 remiers temps leur avaient fait du bien. Partout, l’ on vit au cours du xviiie et surtout du xixe siècle, s’exténuer les

1464 du xviiie et surtout du xixe siècle, s’exténuer les formes extrêmes, hardies et créatrices des différentes confessions. O

1465 ces des différentes confessions. On reculait sous la pression de l’incroyance, on frisait la part du feu, on cédait les po

1466 ntes confessions. On reculait sous la pression de l’ incroyance, on frisait la part du feu, on cédait les positions trop me

1467 lait sous la pression de l’incroyance, on frisait la part du feu, on cédait les positions trop menacées par le scepticisme

1468 ’incroyance, on frisait la part du feu, on cédait les positions trop menacées par le scepticisme. Pour ne donner que deux e

1469 du feu, on cédait les positions trop menacées par le scepticisme. Pour ne donner que deux exemples : on vit le mouvement m

1470 icisme. Pour ne donner que deux exemples : on vit le mouvement mystique s’éteindre au sein du catholicisme romain, tandis

1471 eindre au sein du catholicisme romain, tandis que le théocentrisme transcendantal des réformateurs faisait place, chez, le

1472 nscendantal des réformateurs faisait place, chez, les protestants, à un moralisme centré sur l’homme. Tout tranquillement,

1473 chez, les protestants, à un moralisme centré sur l’ homme. Tout tranquillement, et pour sauver leur corps, les Églises ren

1474 . Tout tranquillement, et pour sauver leur corps, les Églises renonçaient sinon à leur âme même, du moins à cette véhémence

1475 ce flambante qui fut toujours signe et symbole de l’ Esprit. Un fils soumis de Rome, le grand Paul Claudel, pouvait écrire

1476 e et symbole de l’Esprit. Un fils soumis de Rome, le grand Paul Claudel, pouvait écrire vers la fin de cette période qu’à

1477 Rome, le grand Paul Claudel, pouvait écrire vers la fin de cette période qu’à la question : « Si le sel perd sa saveur, a

1478 pouvait écrire vers la fin de cette période qu’à la question : « Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ?

1479 s la fin de cette période qu’à la question : « Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? » ; les catholique

1480 question : « Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? » ; les catholiques modernes répondaient dans l’ens

1481 erd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? » ; les catholiques modernes répondaient dans l’ensemble : « Avec du sucre ! 

1482 n ? » ; les catholiques modernes répondaient dans l’ ensemble : « Avec du sucre ! ». Remarque hélas valable pour bien d’aut

1483 et qui résume toute une époque. Je pense qu’avec la guerre, cette époque a pris fin. Et je fonde cette croyance sur quelq

1484 te croyance sur quelques faits. C’est un fait que le totalitarisme a rompu la paix fausse qui semblait établie entre les s

1485 faits. C’est un fait que le totalitarisme a rompu la paix fausse qui semblait établie entre les sociétés laïques et les Ég

1486 a rompu la paix fausse qui semblait établie entre les sociétés laïques et les Églises ; qu’il a brusquement mis à nu l’État

1487 ui semblait établie entre les sociétés laïques et les Églises ; qu’il a brusquement mis à nu l’État minoritaire des chrétie

1488 ues et les Églises ; qu’il a brusquement mis à nu l’ État minoritaire des chrétiens ; qu’il les a attaqués de front au nom

1489 mis à nu l’État minoritaire des chrétiens ; qu’il les a attaqués de front au nom des principes non chrétiens (comme le nati

1490 e front au nom des principes non chrétiens (comme le nationalisme) qu’ils croyaient pouvoir tolérer ; qu’il a été abattu f

1491 évation brutale puis sa chute ont été pour toutes les Églises une épreuve de force, un challenge, une purification, une occ

1492 cation, une occasion de réveil. C’est un fait que la culture laïque, a-chrétienne ou antichrétienne, qui prétendait se sub

1493 ou antichrétienne, qui prétendait se substituer à la religion et conduire le monde moderne vers un paradis sans Dieu, a dé

1494 rétendait se substituer à la religion et conduire le monde moderne vers un paradis sans Dieu, a démontré son impuis­sance

1495 s Dieu, a démontré son impuis­sance réelle devant l’ assaut de dictatures barbares : elle s’est reconnue impuissante à donn

1496 de vie, des idéaux, une morale, plus efficace que le christianisme. C’est un fait que « les derniers progrès de la Science

1497 fficace que le christianisme. C’est un fait que «  les derniers progrès de la Science » autorisent de moins en moins — et no

1498 isme. C’est un fait que « les derniers progrès de la Science » autorisent de moins en moins — et non de plus en plus, comm

1499 n plus, comme au siècle passé — à mettre en doute la vérité et la validité des dogmes chrétiens. L’ère des argumentations

1500 au siècle passé — à mettre en doute la vérité et la validité des dogmes chrétiens. L’ère des argumentations « scientifiqu

1501 te la vérité et la validité des dogmes chrétiens. L’ ère des argumentations « scientifiques » contre la Genèse, la Création

1502 L’ère des argumentations « scientifiques » contre la Genèse, la Création du monde par Dieu, sa Fin, l’existence de l’espri

1503 rgumentations « scientifiques » contre la Genèse, la Création du monde par Dieu, sa Fin, l’existence de l’esprit, etc., pa

1504 la Genèse, la Création du monde par Dieu, sa Fin, l’ existence de l’esprit, etc., paraît close pour longtemps. C’est enfin

1505 réation du monde par Dieu, sa Fin, l’existence de l’ esprit, etc., paraît close pour longtemps. C’est enfin un fait que les

1506 aît close pour longtemps. C’est enfin un fait que les trois grandes confessions chrétiennes ont retrouvé depuis une ou deux

1507 rétiennes ont retrouvé depuis une ou deux décades le courage de réaffirmer leurs positions parfois les plus extrêmes, avec

1508 le courage de réaffirmer leurs positions parfois les plus extrêmes, avec une belle indépendance vis-à-vis des critiques de

1509 une belle indépendance vis-à-vis des critiques de l’ extérieur. Renaissance du thomisme et des études mystiques chez les ca

1510 aissance du thomisme et des études mystiques chez les catholiques ; restauration de la dogmatique réformée grâce au mouveme

1511 mystiques chez les catholiques ; restauration de la dogmatique réformée grâce au mouvement initié par Karl Barth chez les

1512 mée grâce au mouvement initié par Karl Barth chez les protestants ; réapparition d’une puissante et purifiée Église orthodo

1513 on d’une puissante et purifiée Église orthodoxe à l’ Est. Mais dire que l’époque de la défensive est terminée pour elles, d

1514 purifiée Église orthodoxe à l’Est. Mais dire que l’ époque de la défensive est terminée pour elles, dans notre temps, c’es

1515 lise orthodoxe à l’Est. Mais dire que l’époque de la défensive est terminée pour elles, dans notre temps, c’est poser aux

1516 ur reste plus qu’à s’endormir, ou bien à passer à l’ attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerre de Trente Ans ne ressemble guère

1517 s ne ressemble guère à une victoire, il faut bien le dire. Les nations qui ont perdu la guerre ont tout perdu ; mais celle

1518 emble guère à une victoire, il faut bien le dire. Les nations qui ont perdu la guerre ont tout perdu ; mais celles qui l’on

1519 , il faut bien le dire. Les nations qui ont perdu la guerre ont tout perdu ; mais celles qui l’ont gagnée n’ont rien gagné

1520 perdu la guerre ont tout perdu ; mais celles qui l’ ont gagnée n’ont rien gagné : elles ont seulement repoussé une menace,

1521 de subir en se rendant. (Dans ce « presque » est la différence entre honneur et honte, vie et mort.) Et que trouvent aujo

1522 honte, vie et mort.) Et que trouvent aujourd’hui les peuples devant eux ? Battus et vainqueurs, épuisés, cherchent en vain

1523 , épuisés, cherchent en vain une utopie nouvelle. Les uns s’abandonnent aux vieilleries et tentent de restaurer le national

1524 andonnent aux vieilleries et tentent de restaurer le nationalisme, condamné par les catastrophes récentes. Les autres pens

1525 entent de restaurer le nationalisme, condamné par les catastrophes récentes. Les autres pensent qu’en déplaçant quelques ob

1526 onalisme, condamné par les catastrophes récentes. Les autres pensent qu’en déplaçant quelques objets — les richesses par ex

1527 autres pensent qu’en déplaçant quelques objets — les richesses par exemple — on arrangera la vie… D’autres enfin, faisant

1528 objets — les richesses par exemple — on arrangera la vie… D’autres enfin, faisant la théorie de leur faiblesse, formulent

1529 le — on arrangera la vie… D’autres enfin, faisant la théorie de leur faiblesse, formulent des doctrines nihilistes dans un

1530 rines nihilistes dans un jargon philosophique qui les rend pour le moins inoffensives. Devant cette démission de la pensée

1531 es dans un jargon philosophique qui les rend pour le moins inoffensives. Devant cette démission de la pensée et de la mora

1532 le moins inoffensives. Devant cette démission de la pensée et de la morale, l’État se voit forcé d’étendre ses pouvoirs,

1533 nsives. Devant cette démission de la pensée et de la morale, l’État se voit forcé d’étendre ses pouvoirs, à coups de décre

1534 ant cette démission de la pensée et de la morale, l’ État se voit forcé d’étendre ses pouvoirs, à coups de décrets si génér

1535 trouve nécessairement lésée. En d’autres termes, les Églises ne trouvent plus dans le monde des doctrines hostiles, mais u

1536 ’autres termes, les Églises ne trouvent plus dans le monde des doctrines hostiles, mais un vide doctrinal sans précédent.

1537 de est un appel, urgent et dramatique. Un appel à l’ attaque, à l’offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : les É

1538 el, urgent et dramatique. Un appel à l’attaque, à l’ offensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et leu

1539 ramatique. Un appel à l’attaque, à l’offensive, à l’ initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et leurs prédicateurs

1540 fensive, à l’initiative, à du plein. Ou encore : les Églises et leurs prédicateurs ont moins que jamais à se soucier, aujo

1541 que jamais à se soucier, aujourd’hui, de réfuter les arguments de l’incroyance : elles ont, tout simplement à donner leurs

1542 soucier, aujourd’hui, de réfuter les arguments de l’ incroyance : elles ont, tout simplement à donner leurs croyances, avec

1543 à ceux qui se noient. Comme laïque se tenant dans l’ Église, et voyant au-dehors ses chances d’action, et la misère du temp

1544 ise, et voyant au-dehors ses chances d’action, et la misère du temps qui appelle, j’attends ceci : 1° Que l’Église offre u

1545 ère du temps qui appelle, j’attends ceci : 1° Que l’ Église offre un type de relations humaines viables, comme elle le fit

1546 un type de relations humaines viables, comme elle le fit aux siècles sombres, avant la floraison du Moyen Âge, qui fut son

1547 les, comme elle le fit aux siècles sombres, avant la floraison du Moyen Âge, qui fut son œuvre. Il s’agit de restaurer le

1548 en Âge, qui fut son œuvre. Il s’agit de restaurer le sens de la communauté vivante, que le gigantisme de nos machines admi

1549 fut son œuvre. Il s’agit de restaurer le sens de la communauté vivante, que le gigantisme de nos machines administratives

1550 e restaurer le sens de la communauté vivante, que le gigantisme de nos machines administratives, le règne de l’argent, le

1551 ue le gigantisme de nos machines administratives, le règne de l’argent, le nomadisme industriel, et les déportations en ma

1552 isme de nos machines administratives, le règne de l’ argent, le nomadisme industriel, et les déportations en masse, ont pre

1553 s machines administratives, le règne de l’argent, le nomadisme industriel, et les déportations en masse, ont presque tué,

1554 le règne de l’argent, le nomadisme industriel, et les déportations en masse, ont presque tué, laissant le champ libre à l’É

1555 déportations en masse, ont presque tué, laissant le champ libre à l’État et à ses réglementations, souvent utiles, mais q

1556 masse, ont presque tué, laissant le champ libre à l’ État et à ses réglementations, souvent utiles, mais qui ne sont jamais

1557 e vie. Je voudrais une sociologie chrétienne pour le siècle. 2° Que l’Église offre un type de relations culturelles viable

1558 une sociologie chrétienne pour le siècle. 2° Que l’ Église offre un type de relations culturelles viables ; qu’elle ose de

1559 position méfiante et arriérée — académique — dans les arts sacrés comme vis-à-vis de la culture vivante, laissant celle-ci

1560 démique — dans les arts sacrés comme vis-à-vis de la culture vivante, laissant celle-ci désorientée. Il s’agit que nos thé

1561 elles. Sans « dévotion » à rien d’avouable… Toute la culture de l’Occident — musique, peinture, philosophie, littérature —

1562 dévotion » à rien d’avouable… Toute la culture de l’ Occident — musique, peinture, philosophie, littérature — est sortie de

1563 l est temps que nous sortions à sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’Église cesse de défendre la triste et inefficace m

1564 sortions à sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’ Église cesse de défendre la triste et inefficace moralité bourgeoise,

1565 ur la ramener ! 3° Que l’Église cesse de défendre la triste et inefficace moralité bourgeoise, avec laquelle trop de chrét

1566 laquelle trop de chrétiens confondent aujourd’hui la vertu ; et qu’elle restaure chez les fidèles le sens de la vocation p

1567 t aujourd’hui la vertu ; et qu’elle restaure chez les fidèles le sens de la vocation personnelle, seul fondement d’une mora

1568 i la vertu ; et qu’elle restaure chez les fidèles le sens de la vocation personnelle, seul fondement d’une morale spécifiq

1569 ; et qu’elle restaure chez les fidèles le sens de la vocation personnelle, seul fondement d’une morale spécifiquement chré

1570 nt chrétienne. « Soyez bien sages » nous disaient les prédicateurs depuis deux siècles. « Soyez fous ! », dit saint Paul au

1571  ! », dit saint Paul aux Corinthiens. « Osez être l’ invraisemblable ! »2 dit Kierkegaard. Ce sont ces voix que les meilleu

1572 blable ! »2 dit Kierkegaard. Ce sont ces voix que les meilleurs aujourd’hui, hors des Églises, me paraissent avides d’enten

1573 ors des Églises, me paraissent avides d’entendre. La « folie de la Croix » non la sagesse bourgeoise. Quelque chose qui en

1574 s, me paraissent avides d’entendre. La « folie de la Croix » non la sagesse bourgeoise. Quelque chose qui entraîne en avan

1575 t avides d’entendre. La « folie de la Croix » non la sagesse bourgeoise. Quelque chose qui entraîne en avant et au-delà, n

1576 non pas ce qui retient en arrière des risques de la vie. 4° Que l’Église affirme avec force, dans le domaine politique, l

1577 retient en arrière des risques de la vie. 4° Que l’ Église affirme avec force, dans le domaine politique, la Transcendance

1578 la vie. 4° Que l’Église affirme avec force, dans le domaine politique, la Transcendance de son chef, contre tous les abso

1579 se affirme avec force, dans le domaine politique, la Transcendance de son chef, contre tous les absolutismes nationaux, ét

1580 itique, la Transcendance de son chef, contre tous les absolutismes nationaux, étatiques, partisans. Si jamais un esprit rée

1581 llement international, ou « global » comme disent les Américains, s’instaure sur notre planète, ce ne sera qu’au nom de ce

1582 tionaux, politiques et raciaux. Et c’est pourquoi le mouvement œcuménique revêt une importance politique capitale dans not

1583 tique capitale dans notre siècle : il peut offrir le modèle même d’une union mondiale dans le respect des diversités natio

1584 t offrir le modèle même d’une union mondiale dans le respect des diversités nationales. Que dis-je, il peut ! Il le doit,

1585 s diversités nationales. Que dis-je, il peut ! Il le doit, et de toute urgence ! S’il y échoue, je ne vois aucune raison d

1586 e vois aucune raison d’attendre autre chose, pour le monde, que des tyrans, leurs guerres, et les tyrannies qui en résulte

1587 pour le monde, que des tyrans, leurs guerres, et les tyrannies qui en résultent… Un mot encore. Ce programme, qui résume

1588 n mot encore. Ce programme, qui résume à mes yeux les plus grandes chances d’action du christianisme au xxe siècle, rester

1589 isme au xxe siècle, resterait une pure utopie si les chrétiens s’en remettaient aux Églises pour le réaliser. Les Églises

1590 i les chrétiens s’en remettaient aux Églises pour le réaliser. Les Églises comme corps organisés ne peuvent que soutenir e

1591 ns s’en remettaient aux Églises pour le réaliser. Les Églises comme corps organisés ne peuvent que soutenir et encadrer l’a

1592 rps organisés ne peuvent que soutenir et encadrer l’ action chrétienne. Celle-ci se fera, comme elle s’est toujours faite,

1593 qu’ils exagèrent, qu’ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun, qu’ils voient trop grand… Peut-être même par des petites

1594 celle-ci ? 2. Kierkegaard veut dire par là : «  l’ incomparable, l’unique, celui qui a reçu de Dieu une vocation précise