1 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
1 e, pour être moins généralement reconnu, n’en est pas moins étroit ni moins fécond à observer. 2. Depuis les temps où la p
2 qui n’est certes plus de droit, mais n’en demeure pas moins de fait et de nature, autant que d’origine. Les grandes doctrin
3 e spécifiquement théologique. Le marxisme ne fait pas exception à cette règle, comme on s’en convaincra par la lecture des
4 orts entre la théologie et la littérature ne sont pas aussi clairs, ni aussi facilement définissables et contrôlables. Il e
5 n sur Gerard Manley Hopkins. Mais il ne me paraît pas que le problème dans son ensemble ait été clairement posé ou étudié,
6 te en général ? Il est clair que la théologie n’a pas besoin de la littérature et peut s’en désintéresser sans grand dommag
7 s ont coutume « d’orner » leurs sermons. Ce n’est pas la littérature qui doit prêter secours à la Parole de Dieu, mais c’es
8 me écrivain, qu’il en parle en théologien, et non pas en homme cultivé, en moraliste ou en artiste. Nonobstant ces réserves
9 au ciel, ou pointer le doigt du moraliste, n’est pas faire acte de charité à l’égard des efforts de l’avant-garde, d’autan
10 r donnait rien. Exemple : Kierkegaard. Il ne fut pas un théologien au sens strict, mais toute son œuvre manifeste une atti
11 e décisive dans beaucoup de conversions, elle n’a pas eu pour effet (ou très rarement) l’adhésion des convertis à une Églis
12 Église » ? 7. Une théologie orthodoxe (je ne dis pas sclérosée) favorise, soutient et nourrit des œuvres de style classiqu
13 nt de sujets religieux. Ici encore, « ce ne sont pas ceux qui disent : Seigneur ! Seigneur !… mais ceux qui font la volont
14 . Faire la volonté de Dieu, en écrivant, ce n’est pas simplement parler de Dieu et de sa volonté, ni même en parler avec ce
2 1946, Articles divers (1946-1948). Le supplice de Tantale (octobre 1946)
15 e en menace suspendue. Le monde païen ne conçoit pas de pardon par amour et de salut gratuit, et c’est pourquoi les châtim
16 spositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas changé depuis ses crimes. Nourrissant avec obstination les mêmes dési
17 peut arriver dans le Tartare. Tantale, ne croyant pas à la résurrection, ni au pardon, ni au salut que lui vaudrait un inst
18 C’est le sophisme de l’empereur : Napoléon n’est pas un Bonaparte comblé, mais quelqu’un qui s’est substitué, sous le mant
19 monde, une plaisanterie de ce genre ne le ferait pas pleurer. Sur quoi l’inspecteur de police Harprecht lui fait observer
20 e s’il rit, « c’est par pure plaisanterie, et non pas dans une intention plus sérieuse. » L’inspecteur ouvre de gros yeux f
21 atuit. L’auteur du nouveau Testament n’en demande pas davantage à l’homme pour le faire héritier de son royaume : il demand
22 autoriser du mérite de ses œuvres, il ne pleurera pas  : car la vision de la proie qui s’approche sera « bien trop réjouissa
3 1946, Articles divers (1946-1948). Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)
23 r français Georges Bernanos, tous deux ne s’étant pas trop égarés dans les mots en urne, ayant appelé un chat un chat et pr
24 le, après une conversation, de changer d’opinion. Pas l’Européen. L’Européen se retranche dans ses convictions et pense que
25 que l’adversaire est méchant, puisqu’il ne pense pas comme lui. Des entretiens, tels qu’ils viennent d’avoir lieu à Genève
26 démocraties d’être purement formelles, de n’être pas complètement réalisées ; vous prétendez, vous, Russie, être une démoc
27 ux poètes de s’exprimer librement, et vous n’avez pas la liberté de la presse, et vous repoussez l’existentialisme qui pose
28 lles de nous tous. Nous, nous acceptons de n’être pas complètement démocratisés ; vous, vous ne l’acceptez pas. À vous de f
29 plètement démocratisés ; vous, vous ne l’acceptez pas . À vous de faire le premier pas. Ouvrez vos frontières. Vous pouvez v
30 ous ne l’acceptez pas. À vous de faire le premier pas . Ouvrez vos frontières. Vous pouvez venir chez nous. Vous refusez ? N
31 dehors de l’ONU, parce qu’on y parle sans mandat, pas au nom d’un peuple, mais d’un réel esprit européen. Nous ne sommes pa
32 e, mais d’un réel esprit européen. Nous ne sommes pas une nation, nous sommes une confédération, donc bien préparés et préd
4 1947, Articles divers (1946-1948). Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)
33 ère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre
34 ’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son p
35 t la française, c’est que la première ne professe pas du tout ce culte du roman américain qui caractérise la seconde. Carso
36 la formule », disait Rimbaud.) Elle ne se décante pas , reste immergée dans le symbolisme ambigu des caractères particuliers
37 echerche proprement romanesque, en images, et non pas illustrée après coup, sensible et non traduite en adjectifs, conduite
38 ière sonate : Cette chose que je veux, je ne sais pas quoi. Je pense qu’on est en droit de parler ici d’une « expérience r
39 e, ait eu tant de succès en Amérique ? Je ne vois pas de réponse satisfaisante à ma deuxième question : le fait est là. Pou
40 arson, avec la ruse d’un interviewer : — Il n’y a pas d’histoires d’amour, dans ce roman. Elle me regarde étonnée, presque
41 lait dire l’amour des êtres, l’amour réel, et non pas celui des romans. New York, le 15 avril 1947. k. Rougemont Denis d
5 1947, Articles divers (1946-1948). La lutte des classes (1947)
42 d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un véritable voyage, on s’en tire en coupant
43 raccourci métaphorique. J’idéalise, mais pourquoi pas  ? S’il me fallait décrire nos petits déplacements du point de vue de
44 aitement « en règle », il fallait simplement « ne pas faire attendre », en vertu de cette discipline spontanée, voire préve
45 , la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’était l’été des expériences de Bikin
46 strie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux, comme les gens des troisièmes, des menus incidents du trajet
47 stalle dans son bureau, et sa pensée ne vagabonde pas , reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’étonnant si le cont
48 lleurs, ces jeunes gens excités qui prétendent ne pas payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troi
49 Ces gens traversent le pays comme s’il n’existait pas , ils vont plus loin. Confirmation de la sentence ésotérique : l’œil q
50 ion de la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse, je les nom
51 sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse, je les nomme les imp
6 1947, Articles divers (1946-1948). Les maladies de l’Europe (1947)
52 Viens ici qu’on se voie un peu. Eh bien ! tu n’as pas trop changé ! » Mais d’un coup d’œil, vous avez lu toute son histoire
53 d’Hitler et de l’Europe démocratique. Ce ne sont pas seulement les ruines et les désordres matériels qui marquent le passa
54 moins avouée, non moins dangereuse. La guerre n’a pas arrêté, loin de là, les progrès de la déchristianisation de l’Europe.
55 de prudence. Certes, le conformisme en soi n’est pas nouveau, même chez les intellectuels. Ce qui est nouveau, c’est de le
56 taquait, est en train d’avorter sous nos yeux, et pas un résistant ne me contredira. Des habitudes prises dans la lutte cla
57 rpétuent, non les meilleures : le mensonge et non pas le témoignage au risque de sa vie ; le marché noir et non l’entraide
58 de communautaire ; la dénonciation partisane, non pas le régime d’union sacrée. Autant de succès remportés par l’esprit du
59 budgets de défense nationale. Un pays qui ne peut pas vêtir ses déportés trouve encore le moyen de faire des uniformes et d
60 Leur voix ne porte guère, tant qu’elle n’emprunte pas les haut-parleurs contrôlés par l’État ou par le parti au pouvoir, qu
61 du, car il s’agit de s’adapter, de se « mettre au pas  » spontanément, au point que rien ne passe plus de ce qu’on avait à d
62 cace et douée d’une vertu agissante, il ne suffit pas que le penseur s’achète une étiquette ou un insigne. Et cependant, s’
63 spirituels, les jeunes gens qui ne se contentent pas de cultiver le sens de l’absurde cherchent des chefs qui leur command
64 éussir n’importe quoi. Le « Führerprinzip » n’est pas mort avec celui qui lui donna son nom. Il se cherche, il se trouve d’
65 us ces maux et tant d’impuissance à y parer n’ont pas manqué de provoquer dans les élites demeurées libérales une crise de
66 éens. Ce sont eux qui ont gagné la guerre, et non pas nous. Ce sont eux qui ont repris en charge le progrès et la foi au pr
67 trahissent qu’une fatigue temporaire. Je n’ignore pas que l’autodénigrement, chez nous autres Européens, se confond trop so
68 d trop souvent avec le sens critique. Je n’ignore pas que l’indignation morale est un genre littéraire, dont la rhétorique
69 et pourquoi ces créations européennes n’ont-elles pas connu en Europe leur plein succès ? Et comment et pourquoi, hors d’Eu
70 douanes ou de coutumes que l’Amérique ne connaît pas . Et de même le progrès social s’est vu bridé et contrarié par la tyra
71 en même temps, le capitalisme et l’étatisme n’ont pas atteint chez nous leurs pires excès, parce qu’ils se trouvaient const
72 ers l’Amérique. À tort ou à raison — je n’en juge pas ici —, ils s’imaginent que ces pays réalisent mieux que leur nation c
73 attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi, ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collectiviste ou de progrès capitalis
74 ères, mais l’Amérique, ou la Russie, ne serait-ce pas ce « Kinderland » qu’appelait Nietzsche de ses vœux ? Ce n’est pas as
75 nd » qu’appelait Nietzsche de ses vœux ? Ce n’est pas assez de donner des ancêtres à ses enfants ; ils ont besoin d’un aven
76 r tous et non seulement pour nous ! Ce n’est donc pas au nom de je ne sais quel nationalisme européen qu’il nous faut défen
77 rps organisé, c’est surtout parce qu’elle n’avait pas l’occasion de se comparer, de s’opposer et de se définir ; elle était
78 résulte d’un conflit permanent, et son but n’est pas le bonheur, mais la conscience plus aiguë, la découverte d’un sens, d
79 l’Américain et le Soviétique, de l’autre, je n’ai pas à chercher bien loin. Je prendrai simplement l’exemple de l’entrepris
80 issement de la conscience. En Russie, je ne crois pas être injuste en affirmant que ces rencontres seraient simplement inte
81 urs sur le banc des aveux spontanés. Et je ne dis pas que l’Américain et le Russe n’aient quelques bonnes raisons de se com
82 ainsi, je dis seulement que leurs raisons ne sont pas celles de la culture ; que la culture suppose la libre discussion, en
83 e, car l’homme européen en tant que tel n’accepte pas d’être réduit à l’un ou à l’autre de ces termes. Mais il entend les a
84 révolution et les fusillades massives. (Je ne dis pas — notez-le bien — empêcher les révolutions que l’on constate nécessai
85 d’une manière non sanglante, car l’Europe ne peut pas s’offrir des destructions supplémentaires.) Et je sais trop bien ce q
86 ans la cité une anarchie. Cette anarchie ne tarde pas à provoquer une réaction collectiviste. À l’excès de liberté chez les
87 age du parti ou de l’État. À vrai dire, il ne l’a pas volé. Le bon moyen d’éviter ces excès d’engagement dans le Parti, d’o
88 dans le Parti, d’oppression par l’État, ce n’est pas du tout de prêcher ce qu’on appelle un « individualisme impénitent ».
89 e, efficace et constamment critique. Et je ne dis pas cela dans l’abstrait ; j’ai en vue des exemples précis. Appelons tota
90 soit le vainqueur, aux dictatures. Or il n’en va pas autrement sur le plan de la communauté et de la politique des nations
91 e. Le fédéralisme, au contraire, veut unir et non pas unifier. Et justement parce qu’il respecte à l’intérieur d’une nation
92 chances de vivre encore assez pour qu’il ne soit pas utopique d’envisager sa fonction dans le monde, son avenir et le nôtr
93 qu’on se demande si ce qui les gêne le plus n’est pas simplement l’homme, dans son humanité rebelle aux chiffres, l’homme e
94 va compter — à la longue. Un beau jour, il n’est pas impossible, il est même probable, et c’est là mon espoir, que les Rus
95 Europe est la mémoire du monde qu’elle ne cessera pas d’inventer. Elle restera le point de virulence extrême de la création
96 e : Si les États-Unis et la Russie ne s’entendent pas , si la guerre atomique éclate, il n’y a plus de problème de l’Europe,
97 nvention. Ici, point de malentendu ! Ne demandons pas l’instauration d’une fédération européenne pour que se crée un troisi
7 1947, Articles divers (1946-1948). L’opportunité chrétienne (1947)
98 elque chose qui entraîne en avant et au-delà, non pas ce qui retient en arrière des risques de la vie. 4° Que l’Église affi
99 ira qu’ils exagèrent, qu’ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun, qu’ils voient trop grand… Peut-être même par des peti
8 1947, Articles divers (1946-1948). La guerre des sexes en Amérique (janvier 1947)
100 il est non moins généralement admis que ce n’est pas un sport public et diurne. Cette petite nouvelle, parue dans le resp
101 à la fois délicates et profondes, mais qui n’ont pas trouvé leur véritable objet ; un pouvoir exceptionnel de concentratio
102 être ou des circonstances qui les causent. Il n’a pas le goût de la durée intense. C’est tout de suite ou jamais. C’est OK
103 ou jamais. C’est OK ou ce n’est rien. Si ce n’est pas vous ce soir, c’était donc une erreur. Ils ne croient guère à la vale
104 ’une trahison, c’est simplement que nous n’aimons pas à rester seuls. Du matriarcat, du mariage et des « moms » Dans
105 ccurrence, le carnet de chèques. Elle ne se borne pas à choisir les rideaux, mais la maison, et même l’auto. Je vois la pre
106 « poésie des travaux ménagers » ne correspondait pas , en fait, au labeur harcelant, physiquement déformant, et moralement
107 ieux caprices avec une calme indifférence. Chaque pas , chaque geste, et chaque moue de la femme manifeste qu’elle sait ce q
108 nte pour quelque raison mystérieuse, elle ne fera pas de scène criarde, mais affichera un silence offensé qui signifie à so
109 intervenir, sinon elle va se lever et sortir d’un pas vif, le menton haut, les cheveux au vent. Et le mari se hâte d’obtemp
110 e pire. Cette domination de la femme ne s’observe pas seulement dans la vie quotidienne d’un ménage ou d’une rue citadine.
111 s), mais il y a je ne sais quoi de repoussant (et pas seulement pour un Européen, je m’en assure) dans un rassemblement de
112 upture d’une longue intimité, celle-ci n’existant pas , en règle générale. Aux yeux de la morale courante, il apparaît bien
113 Telle est du moins la coutume de Reno. Reno n’est pas une légende pittoresque, mais une nécessité pratique créée par les ét
114 t parce qu’elle amuse. Vous penserez que ce n’est pas sérieux, et peut-être aurez-vous raison. Si grave que soit un tel jug
115 ages manquent de sens et de sérieux. Il n’y entre pas pour toute la vie, mais pour un bail de « trois-six-neuf ». Une jeune
116 avocats. L’hygiène morale de l’Amérique ne tolère pas dans un foyer les miasmes d’une situation irrégulière, et ne laisse p
117 miasmes d’une situation irrégulière, et ne laisse pas le temps de les résorber. C’est une passion de la propreté, de la mis
118 t libertinage. L’Américain, me semble-t-il, n’est pas vicieux. Il est moral ou sans morale, mais bien rarement immoraliste.
119 raient à l’appui de cette thèse ; mais il ne faut pas oublier l’influence beaucoup plus directe et contrôlable du cinéma et
120 e barbarie nouvelle ». Le danger n’est sans doute pas là. Car il est très possible qu’au contraire de ce que pensent la jeu
121 u’il pense être, étant Américain. Je ne l’observe pas sans inquiétude ; non plus sans beaucoup d’amitié. 4. « Courtiser 
9 1947, Articles divers (1946-1948). Journal d’un intellectuel en exil (mars 1947)
122 « milieu littéraire » dans ce pays. Et ce n’était pas une terrasse de café, ni l’antichambre d’une maison d’édition, ni un
123 Amérique — mais une party. Et cette party n’était pas animée par la vivacité des discussions, la coquetterie des femmes, ou
124 éfaut de responsabilité. Tout cela ne les empêche pas , bien au contraire, de rechercher surtout la « vie » dans leurs écrit
125 vez comme si vous étiez déjà morts. Oh ! ce n’est pas un reproche aussi violent qu’il vous paraît. Je veux dire que l’on se
126 ste, il attend des jugements entiers. Quitte à ne pas savoir ce qu’il juge, ni pourquoi… Quitte à rivaliser d’intolérance b
127 brutale avec ceux qu’il croit condamner… N’est-ce pas cela, le vrai danger totalitaire, dans un pays où l’opinion gouverne 
128 leur grande majorité. La situation ne m’apparaît pas simple. Si les Églises s’opposent à l’intervention, c’est par objecti
129 de leurs régimes « d’avenir »… Celui qui ne veut pas croire au diable travaille fatalement pour lui. Cambridge (Mass.), 18
130 zon, irrégulièrement espacées. Ce pays qui n’aime pas la mort comme les Germains, et n’en fait point de cérémonies grandilo
131 ne catégorie précise d’étudiants. « Génie » n’est pas un éloge excité, dans leur bouche : cela se mesure et cela se définit
132 génie, s’il est physicien par exemple, n’en sera pas moins un spécialiste de Kierkegaard ou de Kafka, à l’analyse desquels
133 nir parce que le dollar est très cher. On ne peut pas « se débrouiller » avec moins qu’il ne faut. Et je touche ici la limi
134 l faut craindre à chaque fois qu’elles fassent un pas de trop, et tombent dans le vide, pour peu que leur lecture les passi
135  ! » Ils se retournent à demi et rient. J’ai fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez me
136 e suis monté sans dîner chez mes amis. Je n’en ai pas de plus charmants dans toute la ville, et je les ai vus presque chaqu
137 illement vidé mon compte en banque, et je ne suis pas plus avancé qu’au temps de mon île atlantique. 21 avril 1942 Comme on
138 ent dans sa poche ou non ! D’abord, on ne regarde pas les mêmes. Ou dans la même, on ne voit pas les mêmes objets. Et comme
139 egarde pas les mêmes. Ou dans la même, on ne voit pas les mêmes objets. Et comme le monde est une vitrine, en bonne partie,
140 s une atmosphère orageuse ! Mais l’Amérique n’est pas son fort. Il y tient le succès à distance, laissant à Salvador Dali,
141 bien savoir un peu ce qui se passe… « N’êtes-vous pas l’auteur du Secret ? Souffrez que j’en sois la victime. » Sur quoi, p
142 e, il serait temps d’aller à ce dîner, n’était-ce pas pour huit heures ? Quitte à revenir terminer dans la nuit. À deux heu
143 sur la plage. 18 août 1942 Peut-être qu’il n’est pas de bonheur plus conscient que celui de l’enfance retrouvée dans une v
144 olue. Washington part de l’idée juste qu’il n’est pas de mensonge, si pieux mensonge soit-il, qui ne serve Hitler en fin de
145 petits pinceaux puérils et tire la langue pour ne pas « dépasser ». Je pose pour le Petit Prince couché sur le ventre et re
146 au sens le plus large du terme. Car il ne s’agit pas seulement, pour moi, d’écrire en vue d’une traduction américaine, mai
147 epter l’original, qui fit scandale ou même ne fut pas remarqué. (Balzac « journaliste », Beethoven « cacophoniste », Baudel
148 méricaine. Que fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas à pas dans les bois solitaires ? Il se peut qu’on m’envoie bientôt en
149 ine. Que fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas à pas dans les bois solitaires ? Il se peut qu’on m’envoie bientôt en Afriq
150 iolente dérive. … mais sachez-le : Nous n’étions pas absents de vous plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occupés », nous
151 nt, c’est tout d’un coup le monsieur qui ne tient pas à ce que vous causiez des ennuis. Débrouillez-vous. Et puis, vous ête
152 ous. Et puis, vous êtes trop nombreux, on ne peut pas s’occuper de chacun de vous. Et c’est bien vrai. Nous étions trop nom
10 1947, Articles divers (1946-1948). La jeune littérature des États-Unis devant le roman américain (7 juin 1947)
153 ère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre
154 ’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule dans la ville. Je la félicitai sur le beau titre de son p
155 t la française, c’est que la première ne professe pas du tout ce culte du roman américain qui caractérise la seconde. Carso
156 la formule », disait Rimbaud.) Elle ne se décante pas , reste immergée dans le symbolisme ambigu des caractères particuliers
157 echerche proprement romanesque, en images, et non pas illustrée après coup, sensible et non traduite en adjectifs, conduite
11 1947, Articles divers (1946-1948). Drôle de paix (7 juin 1947)
158 is elle augmente aussi l’incertitude. Or ce n’est pas l’angoisse, comme on le répète complaisamment, ce n’est pas même l’an
159 isse, comme on le répète complaisamment, ce n’est pas même l’anxiété, c’est simplement l’incertitude qui domine l’état d’es
160 Kouomintang et l’armée communiste, qui n’est même pas soutenue par Moscou. Quelle est la stratégie yankee à l’égard de ce m
161 rce pour trois mariages. Cela non plus ne restera pas sans conséquences, mais lesquelles ? Il n’est pas un de ces faits, gr
162 pas sans conséquences, mais lesquelles ? Il n’est pas un de ces faits, grands ou petits, moral, économique, culturel, relig
163 d’Europe et sur nos vies individuelles. Il n’est pas un de ces faits qu’on puisse analyser à l’aide de nos catégories de d
164 ers l’insanité ou révéler son ignorance. Il n’est pas un de ces faits, par conséquent, dont tiennent compte nos débats poli
165 rofondes contradictions internes. Leur lien n’est pas facile à distinguer. Essayons tout d’abord de les décrire. Voici l’U
166 e, qui sait quelle arrogance elle ne retrouverait pas . J’imagine que les hommes d’État se préoccupent essentiellement de la
167 ent chargés d’administrer l’ONU ne le comprennent pas il faut prévoir que cet appel créera demain d’autres organes plus cap
12 1947, Articles divers (1946-1948). Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit : « C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)
168 ques mois, une de mes voisines, que je ne connais pas , envoie sa petite fille sonner à ma porte. La petite fille me dit : «
169 ière dont ils réagissent, ou plutôt ne réagissent pas à la menace atomique. Ils semblent n’avoir qu’une idée en tête : leur
170 Et je pense à part moi : nous y voici. N’ai-je pas entendu répéter ces derniers temps qu’Einstein serait « très communis
171 r qu’elles sont communistes, simplement. N’a-t-il pas proposé, en 1945, de livrer le secret de la bombe aux quatre Grands,
172 , officiels ou non. Et à la fin — car ils ne sont pas fous comme les nazis —, ils verront bien que leur avantage est d’y re
173 nuyeux avec vous, Albert, c’est que vous ne savez pas compter ! » Je pense à l’Institut qu’Einstein a fondé avec quelques c
174 r malicieux et bonhomme : « La bombe, dit-il, n’a pas changé les conditions de la guerre beaucoup plus que ne l’avaient déj
175 — Ce serait, lui dis-je en me levant, le premier pas vers un gouvernement mondial, c’est-à-dire vers la fin de la féodalit
176 per : « Vous voyez, riposta le maréchal, il n’y a pas une seconde à perdre ! » n. Rougemont Denis de, « Einstein, patri
13 1947, Articles divers (1946-1948). Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)
177 ant plus utile pour nous que notre neutralité n’a pas toujours été bien comprise et que la presse n’a pas toujours été très
178 s toujours été bien comprise et que la presse n’a pas toujours été très tendre à notre égard. De cette influence, nous ne d
179 ourd’hui, un sentiment européen, ce qui n’empêche pas , il est vrai, bon nombre d’entre nous de douter de la naissance d’une
180 e de ce sentiment suisse. Aujourd’hui, il ne faut pas se leurrer, il y a une crise du fédéralisme suisse. Et cette crise vi
14 1947, Articles divers (1946-1948). L’attitude fédéraliste (octobre 1947)
181 parler des problèmes politiques, si l’on ne s’est pas entendu d’abord sur une certaine idée de l’homme. Car toute politique
182 tons un régime fédéraliste ? Nous n’en parlerions pas si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est l’indivi
183 jardin nous suffirait. Mais nous n’en parlerions pas non plus si nous pensions avec Hitler que l’homme n’est qu’un soldat
184 tes sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à rendre chaque individu plus libre dans l’exercice de sa vocation. L
185 pide mais qui me paraît indispensable. Il ne faut pas penser que la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l
186 issions de l’humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, mais elle représente la san
187 . Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et d
188 on, est bel et bon pour un petit pays, mais n’est pas applicable aux grands. De plus, il a fallu des siècles aux Suisses po
189 se en pratique du fédéralisme en Suisse, mais non pas si l’on cherche à dégager de cette expérience l’idée fédéraliste qu’e
190 lications, mais pourtant celles-ci n’existeraient pas sans celle-là. C’est pourquoi, dans notre tentative de définir l’idée
191 l’idée fédéraliste en soi, nous ferons bien de ne pas perdre de vue cette expérience-témoin, concrète, typique, et particul
192 ées, l’idée fédéraliste est très simple, mais non pas simple à définir en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est
193 de la systole. La pensée fédéraliste ne projette pas devant elle une utopie européenne qu’il s’agirait simplement de rejoi
194 contestable, en effet, que l’idée fédéraliste n’a pas cessé d’inspirer et de guider les démarches des meilleurs hommes d’Ét
195 es d’hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas de croître et de se renforcer dans la plupart des peuples. La guerre
196 es, ils nous confirment dans l’idée qu’on ne peut pas atteindre la fin, qui est l’union, par des moyens impérialistes. Ceux
197 ue. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’est pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’un centre ou d
198 Troisième principe. — Le fédéralisme ne connaît pas de problème des minorités. On objectera que le totalitarisme, lui au
199 En Suisse, ce respect des qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’élection du Conseil des États, mais surtout,
200 carrés. Quatrième principe. — La fédération n’a pas pour but d’effacer les diversités et de fondre toutes les nations en
201 ue leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, ou une diminution de leur valeur p
202 t aussi que dans une fédération, elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune se
203 concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas même une question de tolérance, vertu purement négative et qui naît l
204 ère et selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être un vra
205 l’esprit totalitaire. Je dis bien l’amour, et non pas le respect ou la tolérance. L’amour des complexités culturelles, psyc
206 s, culturels, linguistiques, religieux, qui n’ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent de cent manières différente
207 seulement, elles sont irréductibles. Je ne pense pas que les gouvernements puissent jamais réaliser une union viable. Leur
208 aliser une union viable. Leurs dirigeants ne sont pas qualifiés pour arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’il serait
209 mpêche de vivre. La fédération européenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nati
210 i formeront le gouvernement de l’Europe. Il n’y a pas d’autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pas dirigés par
211 utre voie possible et praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée des gouverneurs des 48 États, ni la Suisse
212 nts. Souhaitons que cet élan soit spontané et non pas provoqué avant terme par une nouvelle menace extérieure. C’est dire q
213 es, deux attitudes humaines possibles. Ce ne sont pas la gauche et la droite, devenues presque indiscernables dans leurs ma
214 iscernables dans leurs manifestations. Ce ne sont pas le socialisme et le capitalisme, l’un tendant à se faire national et
215 se faire national et l’autre étatique. Ce ne sont pas la Tradition et le Progrès, qui prétendent également défendre la libe
216 dent également défendre la liberté. Et ce ne sont pas non plus la Justice et la Liberté, qu’il est aussi impossible d’oppos
217 démission spirituelle. L’esprit totalitaire n’est pas dangereux seulement parce qu’il triomphe aujourd’hui dans une dizaine
218 pour promouvoir l’Europe unie, si nous ne restons pas en garde vigilante contre les réflexes totalitaires qui peuvent affec
219 Sur qui d’autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas compter sur les gens au pouvoir. J’en connais peu qui aient l’intenti
220 , que la plupart d’entre eux désirent, ne peuvent pas être leur affaire, pour des raisons absurdes mais techniques. Il faut
221 ir, pour qu’ils acceptent un jour de renoncer non pas à la souveraineté même de leur nation, mais à son caractère absolu. E
15 1947, Articles divers (1946-1948). La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)
222 au moins distinguer amour et sexualité. Il n’est pas exact de dire, par exemple, que « l’homme primitif et l’homme civilis
223 termes amour et sexualité. En fait, je ne connais pas une seule loi, dans un seul pays ou un seul temps, qui ait jamais con
224 erté dans l’Amour et par l’Amour. Cet idéal n’est pas seulement « souhaitable » comme le suggère modestement votre question
225 réalité du problème que vous posez. Je ne me sens pas capable de le résoudre en quelques lignes, et je ne vois pas très bie
226 de le résoudre en quelques lignes, et je ne vois pas très bien, je l’avoue, quel sens aurait ici une « prise de position »
227 me naturelle l’homosexualité, cela n’augmenterait pas notablement le nombre des homosexuels. Ils ont en fait toute liberté
228 ue de l’amour » (entendons de la sexualité) n’est pas nécessaire ; car en fait nous n’en avons plus, ou juste assez pour qu
16 1947, Articles divers (1946-1948). La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)
229 La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)q L’anecdote
230 « Très beau, dit notre Américain, mais je ne vois pas de trains circuler ? » — « En effet, réplique le guide, ils ne circul
231 — « En effet, réplique le guide, ils ne circulent pas encore, mais vous, qu’est-ce que vous dites de la question des Noirs
232 ux États-Unis, hein ? » Ce dialogue de fous n’est pas celui des peuples, mais de certains journalistes qui parlent en leur
233 té, comme pour détourner l’attention des mises au pas mensuelles de la culture décrétées par Jdanov en Russie, proclame que
234 rvir « l’expansionnisme » du dollar. Qu’on ne rie pas  : il s’agit de « dialectique ». Et qu’on ne hausse pas les épaules :
235 il s’agit de « dialectique ». Et qu’on ne hausse pas les épaules : il s’agit d’un retour en force de l’hitléro-fascisme cu
236 ce reproche : 1° Les éditeurs américains ne sont pas aux ordres de Truman, comme ceux de l’URSS sont aux ordres de Staline
237 taine de romanciers dont l’Europe ne connaît même pas les noms, tirent à 800 000 avant la mise en vente, pour peu qu’un boo
238 eurs américains qui en entendent parler, mais non pas Truman qui s’occupe d’autre chose, et dont la politique a autant de r
239 s plus que chez nous, parce que l’Américain n’est pas hypocrite dans ce domaine, les éditeurs de livres et de revues demand
240 t esprit dans ce contexte. Mais la question n’est pas si simple. Car après tout, c’est le goût du public qui fait le succès
241 balance égale… ⁂ Eh bien ! non, la balance n’est pas égale ! L’Amérique est tout de même un pays où les dégradations de l’
242 ehbur, pour ne rien dire des romanciers, il n’est pas une des tares américaines qui n’ait été décrite, avouée, analysée par
243 ui épouvanterait les staliniens. La balance n’est pas égale. Car ce qui dégrade l’esprit, ce sont bien moins les tentations
244 ndé par l’État. Ce qui dégrade l’esprit, ce n’est pas le fait que les mauvais romans encombrent l’étalage, mais qu’on n’ait
245 le Parti les déclare orthodoxes. La balance n’est pas égale. Car d’un côté l’on se moque encore de la bêtise, de l’autre on
246 efs. q. Rougemont Denis de, « La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS », Le Figaro littéraire, Paris,
17 1947, Articles divers (1946-1948). Une Europe fédérée (20 décembre 1947)
247 es autres politiques. Si tout le monde ne le voit pas d’un coup d’œil, c’est que « l’homme moderne est démodé », comme l’a
248 ux mondes sont en présence, que nous n’approuvons pas , pour des raisons d’ailleurs très inégales. L’un est collectiviste, l
249 us méfions du second. Notre idée de l’homme n’est pas celle du Kremlin ni celle du businessman américain. Nous ne voulons p
250 i celle du businessman américain. Nous ne voulons pas d’un régime de terreur, de parole asservie, d’épuration à froid, de d
251 c’est le nom choisi par Molotov). Nous ne voulons pas de la dictature d’un seul parti ; qui ne représente qu’un quart du co
252 tre refus, pour être beaucoup moins brutal, n’est pas moins franc. Nous avons besoin d’elle matériellement, elle a besoin d
253 inutile de rien faire en l’attendant, et surtout pas quelque chose qui l’empêche ! Enfin le stalinisme a décrété que l’uni
254 manière stalinienne de dire que la Russie ne veut pas la paix de l’Europe. Invités aux congrès fédéralistes, les communiste
255 gime démocratique. Le refus sur deux fronts n’est pas une politique. Quand il est autre chose que l’effet naturel d’une gra
256 d’une grande affirmation centrale, il n’est même pas un vrai refus : il ne peut mener qu’à accepter par force ce qu’on a c
257 ous bords. La véritable troisième force, ce n’est pas je ne sais quel groupement de doubles négations et de demi-mesures —
18 1948, Articles divers (1946-1948). Notes sur la voie clandestine (hiver 1948)
258 8)t Il faut être aussi rationnel que possible. Pas davantage. On verra bien jusqu’où cela va. Ensuite on verra mieux ce
259 uite on verra mieux ce qui va plus loin. Ce n’est pas une erreur qui doit ouvrir la voie. Mais essayons de ramener l’attent
260 dans l’incomparable, où la piste se crée sous les pas qui la suivent. (Par toute autre voie sûre et connue, où que j’arrive
261 erstitieux simplement sera celui qui ne désespère pas de trouver quelque sens acceptable sous l’uniforme absurdité de ce qu
262 me, qui donne un sens. Mais les neuf autres n’ont pas été vaines, ni muettes. Car elles m’ont dit : tu n’es pas toi, ou pas
263 vaines, ni muettes. Car elles m’ont dit : tu n’es pas toi, ou pas ici, tu n’y es plus ou pas encore. Elles m’ont ramené… »
264 uettes. Car elles m’ont dit : tu n’es pas toi, ou pas ici, tu n’y es plus ou pas encore. Elles m’ont ramené… » Le superstit
265  : tu n’es pas toi, ou pas ici, tu n’y es plus ou pas encore. Elles m’ont ramené… » Le superstitieux va loin, s’il est gran
266 u bout de lui-même. ⁂ Erreur commune : s’il n’y a pas de hasard, tout serait donc déterminé ? Nous n’aurions plus qu’à suiv
267 ? Erreur commune et dont il faut rougir. Il n’y a pas de hasard, mais pourtant nous sommes libres. Je ne sais qui dispose d
268 a contrainte, si c’en est une, certainement n’est pas mécanique. La voix insiste ou bien n’insiste plus ; elle parle plus o
269 ’est une immense affaire d’amour ! Nous ne sommes pas aimantés comme des grains de limaille, nous sommes aimés par un desti
270 out, en sorte que nul ne s’en doute. Ne serait-ce pas sur cette croyance que reposent les vœux, incantations, magie — et la
19 1948, Articles divers (1946-1948). Rencontre avec Denis de Rougemont (janvier 1948)
271 . C’est un intellectuel. Un intellectuel qui n’a pas mauvaise conscience de sa vocation, qui ne s’en cache pas. Il intitul
272 aise conscience de sa vocation, qui ne s’en cache pas . Il intitula même un de ses livres les plus remarquables : Journal d’
273 ions, se tient la personne humaine ; ne voulut-il pas instaurer une Politique de la personne  ? Et, pour mieux préciser en
274 préciser encore sa position, ne nous invita-t-il pas , reprenant le précepte du vieil Anaxagore, à penser avec les mains ?
275 me dit : « Allô ! Ici Einstein ». Je n’en croyais pas mes oreilles ; c’est un peu comme si j’avais entendu : « Ici, Newton 
276 c’est certain. Mais sa responsabilité ne se sent pas engagée. Sans doute, pense-t-il que, même sans lui, le secret aurait
277 que par conséquent… « La bombe, m’a-t-il dit, n’a pas changé les conditions de la guerre beaucoup plus que ne l’avaient déj
278 deau de fer, c’est pour que leur pauvreté ne soit pas découverte. Einstein souhaite que tous les autres pays forment une or
279 nisse par se rendre compte que son avantage n’est pas de s’y opposer perpétuellement et en vain, mais d’y entrer. Je n’inte
280 nt et en vain, mais d’y entrer. Je n’interrogerai pas Denis de Rougemont sur les États-Unis. Il leur a consacré de nombreux
281 s autour de l’engagement de l’écrivain n’existent pas là-bas. Écrire, aux États-Unis, c’est entretenir les lecteurs des pro
282 c’est cela qui me semble essentiel. Ils n’étaient pas des inadaptés comme, au contraire, le furent les hommes de lettres du
283 , c’est Camus et Simone de Beauvoir. » N’était-ce pas là façon de se désigner soi-même… par personne interposée ? Denis de
284 ataille, Breton… Après l’autre guerre, ce n’avait pas été ainsi. C’est, me semble-t-il, dis-je à mon tour, que le fossé cre
285 our les jeunes hommes d’aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de relever des ruines, mais de découvrir un monde nouveau e
286 l’exil ont pu les dérouter ; leurs idées n’en ont pas été transformées pour autant. Voilà pourquoi ce sont eux et eux seuls
287 dépasser leurs frontières. Bien souvent, ce n’est pas dans leur pays d’origine qu’ils rencontrent le plus large accueil. Il
288 ue cette transformation de leur existence ne peut pas être sans influence profonde sur leurs pensées et leur œuvre. Enfin,
289 et souple comme la paix, comme la vie. Il ne faut pas avoir peur de ces complexités, de ces complications. Elles seules pré
290 reconnaît les bienfaits. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’Europe ? Mais, encore une fois, il convient de se hâte
291 mposer. Mais sa réalisation ne vous semble-t-elle pas chimérique ? Nullement. Si nous parvenons à développer des réflexes d
292 parer. Nous faisons encore, côte à côte, quelques pas dans la rue. La nuit est tombée ; les passants se hâtent de rentrer.
293 jeu. Espérons que la bombe atomique n’interrompra pas vos travaux… La bombe n’est pas dangereuse du tout, me répond-il. C’e
294 que n’interrompra pas vos travaux… La bombe n’est pas dangereuse du tout, me répond-il. C’est un objet. Les objets ne m’ont
20 1948, Articles divers (1946-1948). Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)
295 Mais les seconds proclament qu’ils ne choisiront pas entre la peste et le choléra et qu’ils tiennent la balance égale entr
296 ntifique : le marxisme ; tandis que les USA n’ont pas de doctrine, et n’ont rien d’autre à proposer qu’un genre de vie, leu
297 l’Europe, les intentions des deux empires ne sont pas davantage comparables. On l’a bien vu lors de la Conférence des Seize
298 onc chercher l’impérialisme ? Avouons qu’il n’est pas le même des deux côtés. Un contraste frappant Et si l’on regarde
299 ses. Il faut vraiment se boucher les yeux pour ne pas voir de quel côté les promesses faites aux masses sont tenues aux USA
300 messes faites aux masses sont tenues aux USA, non pas en URSS. Enfin, l’on me dira qu’il y a dans les deux camps des opprim
301 réduire, et cela au nom d’un idéal qui ne change pas tous les six mois, car il est la morale commune, et non pas une simpl
302 es six mois, car il est la morale commune, et non pas une simple tactique. Et ainsi de suite. Toutes les comparaisons préci
303 s nous conduisent à la même conclusion : il n’y a pas de commune mesure entre le danger soviétique pour l’Europe et le prét
304 tous les sens du terme. Mais l’Amérique n’en est pas un, elle qui vise aux libres échanges, tolère les pires indiscrétions
305 t une démocratie, et une démocratie vivante n’est pas un bloc. Un seul remède : nous fédérer Que devient alors ce cho
306 hoisi pour nous, malgré nous. Si nous n’acceptons pas d’être ses satellites, elle nous déclare et nous croit ses ennemis et
307 que de masquer ce fait brutal : la Russie ne veut pas d’une Europe forte, c’est-à-dire d’une Europe unie et autonome ; elle
308 nalistes et la misère. À ce défi, nous ne pouvons pas répondre en nous jetant simplement dans les bras de l’Amérique. Non s
309 as de l’Amérique. Non seulement nous ne le devons pas , mais c’est pratiquement impossible. Car l’Amérique n’a nullement l’i
310 le cherche à nous aider pour que nous ne tombions pas dans le piège grossier que nous tendent les Russes : c’est là son int
21 1948, Articles divers (1946-1948). Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)
311 tombe », écrit Lanson, « c’est tout ce qui n’est pas la notation sèche du fait », c’est la poésie, c’est le style d’Homère
312 osé du public d’une époque et d’un pays, ce n’est pas une invention américaine, mais une ancienne coutume européenne, et pl
313 édé. Il est probable que le « condensé » n’aurait pas provoqué pareille indignation chez les critiques, ni rencontré pareil
314 ré pareil succès dans le grand public, s’il n’eût pas été présenté comme américain d’origine. (Américain signifiant pour le
315 du pire à l’excellent. Le procédé lui-même n’est pas en cause, mais bien le talent de celui qui l’applique, et peut-être a
316 vrages d’une honnête moyenne. Les critiques n’ont pas protesté tant qu’on nous a servi Shakespeare et Goethe, Cervantès et
317 meux grand public, si cher aux éditeurs, n’est-il pas un enfant devant la vraie culture ? N’a-t-il pas droit aux mêmes égar
318 pas un enfant devant la vraie culture ? N’a-t-il pas droit aux mêmes égards que la jeunesse de la part de ceux qui l’éduqu
319 se de la part de ceux qui l’éduquent ? Ne faut-il pas lui ménager avec prudence un accès progressif aux chefs-d’œuvre ? Aut
320 né, et que l’auteur voulait détruire, ne court-il pas les mêmes dangers que s’il était « condensé » en cinquante pages ? Fa
321 fin la vaste audience que nos critiques n’avaient pas su lui procurer ? Pour ma part, je salue de mes vœux toute entreprise
322 qu’il s’agit avant tout d’éclairer. Mais il n’est pas vain d’exiger que les fabricants de condensés se donnent des règles e
323 ire. Tous les critiques français ne devraient-ils pas se liguer pour qu’un code de ce genre soit adopté ? v. Rougemont D