1 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
1 propagés par le latin d’église. Et ce n’est point que tous ces arts classiques ne soient sortis de l’enceinte ecclésiastiqu
2 r. 2. Depuis les temps où la philosophie n’était que la servante de la théologie, ses efforts d’émancipation les plus viol
3 s violents, et même couronnés de succès, n’ont pu que confirmer une dépendance qui n’est certes plus de droit, mais n’en de
4 en demeure pas moins de fait et de nature, autant que d’origine. Les grandes doctrines encore vivantes et agissantes au xxe
5 placer l’appareil scolastique — c’est du moins ce que proclament les philosophes, avec une insistance parfois suspecte — ma
6 specte — mais le débat central reste théologique, qu’ on le veuille ou non, qu’on l’admette comme Bergson vers la fin de sa
7 ntral reste théologique, qu’on le veuille ou non, qu’ on l’admette comme Bergson vers la fin de sa carrière, qu’on cherche à
8 admette comme Bergson vers la fin de sa carrière, qu’ on cherche à le camoufler comme Heidegger, ou qu’on préfère l’ignorer
9 qu’on cherche à le camoufler comme Heidegger, ou qu’ on préfère l’ignorer comme Dewey. 3. Les rapports entre la théologie
10 lement définissables et contrôlables. Il est vrai que certaines influences directes, attestées par les écrivains eux-mêmes,
11 r Gerard Manley Hopkins. Mais il ne me paraît pas que le problème dans son ensemble ait été clairement posé ou étudié, ni p
12 autres, et pour l’élite en général ? Il est clair que la théologie n’a pas besoin de la littérature et peut s’en désintéres
13 n désintéresser sans grand dommage. Si l’on admet qu’ elle a pour objet principal de formuler et de critiquer le dogme chrét
14 s de l’Église. Mais il est beaucoup moins évident que la littérature puisse se passer impunément de la théologie. Et il est
15 mpunément de la théologie. Et il est bien certain que lorsqu’elle s’en passe, les effets s’en font sentir dans l’Église mêm
16 piété et celui de la littérature, les atmosphères qu’ elles créent, les problèmes qu’elles envisagent, les valeurs morales q
17 e, les atmosphères qu’elles créent, les problèmes qu’ elles envisagent, les valeurs morales qu’elles tiennent pour allant de
18 roblèmes qu’elles envisagent, les valeurs morales qu’ elles tiennent pour allant de soi, tout est devenu trop différent, et
19 faute ? 4. Certes, je suis le premier à redouter que les théologiens se mettent à faire de la critique littéraire, comme i
20 faire de la critique littéraire, comme il arrive qu’ on en lise sous leur nom dans les revues de pensée religieuse : il s’a
21 ole de Dieu, mais c’est le contraire. S’il arrive qu’ un pasteur ou un prêtre juge opportun de parler d’un livre, j’attends,
22 ttends, à la fois comme fidèle et comme écrivain, qu’ il en parle en théologien, et non pas en homme cultivé, en moraliste o
23 aux jeunes théologiens qui me liront. Je voudrais que certains d’entre eux se consacrent à l’examen, à la critique et même,
24 ents de la théologie a pour conséquence immédiate qu’ ils se condamnent à découvrir, tous les vingt ans, des Amériques depui
25 Une histoire qui nous montrerait non seulement ce que les écrivains, à leur insu, doivent à l’atmosphère religieuse de leur
26 point d’en devenir méconnaissable. Petit exemple que je mentionne faute de mieux pour l’entreprise et non pour le succès.
27 alité ardente et courageuse. Pourquoi faudrait-il qu’ à l’obscurantisme théologique qui dénote la culture d’aujourd’hui, rép
28 robation morale et de timidité bourgeoise, plutôt que de rigueur théologique ? Au nom des besoins de la paroisse de campagn
29 régulière, la confirmant ainsi dans sa persuasion que l’Église est bonne pour les petits bourgeois, n’a rien à dire aux esp
30 e aux esprits libres et « avancés », et ne tolère que le mauvais art du dernier siècle ? Au lecteur convaincu comme moi de
31 en Angleterre et dans les deux Amériques. Notons que si cette influence s’est montrée décisive dans beaucoup de conversion
32 ibérale se lie aux mouvements romantiques. C’est que l’écrivain romantique croit voir dans les dogmes autant d’entraves à
33 remier, semblable à la colombe de Kant, s’imagine qu’ il volerait mieux dans le vide. Le second, mieux assuré de la force de
34 ir moins dans telle doctrine théologique régnante que dans l’atmosphère et l’ambiance de controverses théologiques mêlées à
35 tion comme auteurs « chrétiens » ou « religieux » que ceux qui parlent de Dieu et traitent de sujets religieux. Ici encore
36 r !… mais ceux qui font la volonté de mon Père… » que nous devons prendre au sérieux. Faire la volonté de Dieu, en écrivant
37 e l’Esprit dans la genèse de son œuvre. Il oublie que le style d’un écrit transmet pour son compte et par lui-même un « mes
38  message » souvent beaucoup plus réel et agissant que celui qui fait l’objet déclaré du dit écrit. Parfois ces deux message
39 l’autre secrètement dans l’esprit du lecteur. Ce qu’ il importe de rappeler ici, c’est que toute œuvre littéraire, si profa
40 lecteur. Ce qu’il importe de rappeler ici, c’est que toute œuvre littéraire, si profane qu’en soit le sujet, implique une
41 ici, c’est que toute œuvre littéraire, si profane qu’ en soit le sujet, implique une théologie (fût-ce à l’insu de son auteu
42 une théologie (fût-ce à l’insu de son auteur), et qu’ elle l’exprime par les mouvements mêmes du style, plus fidèlement et d
43 us fidèlement et d’une manière plus contraignante que par son argumentation. Expliciter cette théologie serait rendre un se
44 rendre un service important aux auteurs non moins qu’ au public. Ces brèves remarques atteindront leur objet, si par leur in
45 théologiens à pousser plus avant dans un domaine que j’espérais simplement désigner. b. Rougemont Denis de, « Théologie
2 1946, Articles divers (1946-1948). Le supplice de Tantale (octobre 1946)
46 désir de Tantale suffisait à repousser les objets qu’ il désire, et sa crainte l’objet qu’il redoute. Quand il se penche ver
47 er les objets qu’il désire, et sa crainte l’objet qu’ il redoute. Quand il se penche vers la surface de la rivière où il bai
48 oyer la branche au-dessus de son front, on dirait que son geste même déclenche un mécanisme qui l’annule. Mais on dirait au
49 e un mécanisme qui l’annule. Mais on dirait aussi que son regard, dès qu’il l’élève avec angoisse vers le rocher, retient l
50 e vers le rocher, retient le rocher. Étrange lieu que ce coin du Tartare, où la pesante logique de la matière est abolie po
51 pesante logique de la matière est abolie pour peu que l’homme se manifeste. Serait-ce un pur lieu de l’esprit ? Oui, car à
52 e, afin de s’assurer un empire terrestre. Doutons que la philanthropie préside au vol de Tantale, quand il est assez clair
53 éside au vol de Tantale, quand il est assez clair qu’ il jalouse les dieux, leur divination, leur puissance, et tous les pla
54 divination, leur puissance, et tous les plaisirs qu’ ils en tirent. Quant à la mise à mort du fils, offert ensuite aux dieu
55 ourriture meilleure, il est surprenant d’observer qu’ elle invertit exactement le sacrifice du Fils de Dieu. Au lieu du Père
56 elles), répond un châtiment dont on croit deviner qu’ il n’est qu’une double réfraction du crime dans l’ordre humain. Parce
57 nd un châtiment dont on croit deviner qu’il n’est qu’ une double réfraction du crime dans l’ordre humain. Parce qu’il a conv
58 e salut gratuit, et c’est pourquoi les châtiments qu’ infligent les dieux revêtent en général un caractère de revanche pure
59 t simple, et comme automatique. C’est autant dire que dans le monde païen, l’homme reste seul avec lui-même et se ferme aux
60 venu d’ailleurs. (Les « dieux » n’étant, en fait, que ses propres limites.) Dans l’histoire du supplice de Tantale, cet aut
61 u supplice de Tantale, cet automatisme est si sûr qu’ il autorise à des spéculations précises, encore que fantastiques en ap
62 u’il autorise à des spéculations précises, encore que fantastiques en apparence. Je vois Tantale soutenu dans la rivière, l
63 a tête, l’onde et la branche ne s’écartant de lui qu’ à l’instant où il veut les atteindre, et tout cela ne tient vraiment q
64 eut les atteindre, et tout cela ne tient vraiment qu’ à lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas
65 teindre, et tout cela ne tient vraiment qu’à lui, qu’ aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas changé dep
66 qu’à lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas changé depuis ses crimes. Nourrissant avec obstin
67 t orgueil. Imaginons, maintenant, par impossible, que Tantale renonce un instant, qu’il s’abandonne, et qu’il préfère souda
68 , par impossible, que Tantale renonce un instant, qu’ il s’abandonne, et qu’il préfère soudain à son amour d’un moi coupable
69 Tantale renonce un instant, qu’il s’abandonne, et qu’ il préfère soudain à son amour d’un moi coupable et torturé, l’expiati
70 pas à la résurrection, ni au pardon, ni au salut que lui vaudrait un instant de pur abandon — payé de sa mort, il est vrai
71 ’est encore son désir, donc lui-même — à la proie qu’ il ne posséderait qu’en acceptant d’être changé d’abord. Que lui servi
72 , donc lui-même — à la proie qu’il ne posséderait qu’ en acceptant d’être changé d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de
73 osséderait qu’en acceptant d’être changé d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de gagner le monde s’il y perdait son moi 
74 le monde s’il y perdait son moi ? Il est certain qu’ à sa manière il a raison. Car à gagner, l’on perd toujours quelque cho
75 posons un individu qui aurait désiré si longtemps que tout son être en fût devenu attente, espoir et nostalgie. Cet être-là
76 e se trouve ainsi conçue : « Tous mes biens tels qu’ ils sont et vont reviendront et appartiendront à celui des sept de MM.
77 s. Le marchand Neupeter se demande s’il ne s’agit que d’une mauvaise farce, indigne d’un homme de sens. Le fiscal Knol se s
78 le rusé libraire, essaie de se remémorer tout ce qu’ il y a d’émouvant dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure que
79 t dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure que pour tout l’or du monde, une plaisanterie de ce genre ne le ferait pa
80 ’inspecteur de police Harprecht lui fait observer que s’il parvient à pleurer à force de rire, ce ne sera qu’un vol pur et
81 il parvient à pleurer à force de rire, ce ne sera qu’ un vol pur et simple, mais l’Alsacien proteste que s’il rit, « c’est p
82 qu’un vol pur et simple, mais l’Alsacien proteste que s’il rit, « c’est par pure plaisanterie, et non pas dans une intentio
83 glise, se met à faire une allocution, car il sait que cela le fait pleurer… Mais Flachs, maintenant, a fermé les yeux. Il é
84 cause du testament, — et il s’en faut de bien peu qu’ il ne pleure… Le conseiller continue son discours… Soudain : « Je croi
85 orés Messieurs, dit Flachs en se levant, je crois que je pleure ! » Et, en effet, il se rassoit en sanglotant brièvement. S
86 le mécanisme du supplice de Tantale, c’est-à-dire qu’ elle s’annule de soi-même. Si un homme croit pouvoir s’autoriser du mé
87 la précision miraculeuse ! Pour si peu d’égoïsme qu’ il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main vers cette eau
3 1946, Articles divers (1946-1948). Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)
88 mouvements divers, comme on dit. C’est comme cela qu’ existe l’esprit européen : dans la libre discussion, nous confie Denis
89 conclusion. Il veut une solution pratique, autant que possible. Mais il est capable, après une conversation, de changer d’o
90 ropéen se retranche dans ses convictions et pense que l’adversaire est méchant, puisqu’il ne pense pas comme lui. Des entre
91 u’il ne pense pas comme lui. Des entretiens, tels qu’ ils viennent d’avoir lieu à Genève, eussent été un four aux États-Unis
92 aient été interdits. Personnellement, je regrette qu’ aucun Russe n’ait répondu à notre invitation. Heureusement, nous avons
93 st simple mot. Votre démocratie est plus formelle que celles de nous tous. Nous, nous acceptons de n’être pas complètement
94 venir chez nous. Vous refusez ? Nous ne demandons qu’ à comprendre. C’est à quoi, d’ailleurs, nous espérons parvenir lors de
95 s des prochains entretiens de Genève. À condition que nous ayons plus de contacts personnels entre représentants des différ
96 s. » … Notez, nous dit encore Denis de Rougemont, que je passe pour un homme de gauche dans les partis de droite et pour un
97 té. On le voit, M. Denis de Rougemont nous prouve que l’esprit européen s’inspire d’une grande liberté et d’une parfaite fr
98 hose de positif des entretiens de Genève. Il faut que Genève devienne une sorte de Salzbourg intellectuel, ajoute notre int
99 n de ce genre. Denis de Rougemont souhaite encore que l’an prochain on invite des conférenciers américains, dont la voix ne
100 parée des dialogues européens. Il souhaite encore que l’on organise à Genève un Café de Flore de l’Esprit européen, ou chac
101 e cité internationale, à condition, bien entendu, que l’esprit puisse y souffler librement où il veut. c. Rougemont Deni
4 1947, Articles divers (1946-1948). Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)
102 llers (1947)k Je ne connais dans tout New York qu’ une seule vraie terrasse de café, celle du Brevoort, au bas de la Cinq
103 Brevoort, au bas de la Cinquième Avenue. C’est là que Dos Passos situe plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là qu’i
104 e plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là qu’ il y a bien six ans j’ai connu Carson McCullers. Elle avait l’air d’un
105 farouchée. Ses mains tremblaient, et l’on pensait que sans sa mère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux p
106 nes lorsqu’on leur fait un compliment. Je suppose que mon étonnement eût atteint la stupéfaction si j’avais lu avant cette
107 ait pour les repas autour d’une très longue table que servaient deux ou trois énormes négresses. Wystan Auden y présidait a
108 aison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. Et puis leur nomadisme
109 une littérature américaine et la française, c’est que la première ne professe pas du tout ce culte du roman américain qui c
110 ay, Dos Passos et Steinbeck. C’est dire peut-être que les jeunes Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’assouplir
111 xieux de renouveler ou d’assouplir leurs procédés que de se créer un ordre intime et d’approcher par des moyens plus déliés
112 ne sorte de brutalité qui en était le reflet plus que l’explication. Mais cette recherche obscurément spirituelle ne tend j
113 ectifs, conduite avec une sympathie plus fascinée que volontaire. Ainsi les êtres qui animent cet ouvrage se poursuivent, s
114 ne les maisons où la radio choisit les symphonies qu’ elle aime. Le soir, elle va s’asseoir dans une cour obscure et elle éc
115 me. Elle appelle sa première sonate : Cette chose que je veux, je ne sais pas quoi. Je pense qu’on est en droit de parler
116 chose que je veux, je ne sais pas quoi. Je pense qu’ on est en droit de parler ici d’une « expérience romanesque », comme n
117 en règle générale, tout juste aussi intelligents que leur auteur ; ou si ce dernier leur fait dire des bêtises, c’est pour
118 r à mépriser l’erreur ou la bassesse d’une classe qu’ ils représentent, d’une tendance ou d’un vice dont ils sont les suppor
119 exprimait la pensée de Malraux, au lieu de n’être qu’ un accord isolé de la partition. Chez les jeunes écrivains américains,
120 en tout cas, vous ne pourrez tirer des dialogues qu’ une connaissance plus intime des héros. Rien à citer de la part du rom
121 en à citer de la part du romancier. Les arguments qu’ échangent avec passion un ivrogne et un docteur nègre (p. 307 et 308)
122 es — à propos du problème des Noirs en Amérique — qu’ un article documenté du même auteur ne ferait sans doute que circonscr
123 cle documenté du même auteur ne ferait sans doute que circonscrire et limiter. Notons aussi que la nouvelle littérature amé
124 s doute que circonscrire et limiter. Notons aussi que la nouvelle littérature américaine, au lieu de mettre en scène des in
125 dactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller que pour sensibiliser les questions qui tourmentent l’époque. ⁂ Je me sui
126 ous dans un geste mortel, coupant, atroce. Est-ce que le sujet serait la solitude, la frustration ? Ou bien l’enfance plus
127 bien l’enfance plus sérieuse et plus métaphysique que l’âge adulte ? (Les scènes et les dialogues d’enfants sont d’une just
128 fois ? Je me demandais aussi : comment se peut-il que ce livre impossible à classer, ni brutal, ni sexy, ni religieux, ni r
129 est là. Pour la première, je puis dire après coup que j’aurais dû trouver une clé dans cette lettre d’un sourd-muet à son a
130 ette lettre d’un sourd-muet à son ami devenu fou, qu’ on va lire aux pages 219-220 : « Les autres, écrit-il, haïssent tous q
131 tous quelque chose. Et ils ont tous quelque chose qu’ ils aiment plus que la nourriture ou le sommeil ou le vin ou la compag
132 Et ils ont tous quelque chose qu’ils aiment plus que la nourriture ou le sommeil ou le vin ou la compagnie d’un ami. C’est
133 me regarde étonnée, presque indignée : — Il n’y a que cela ! Elle voulait dire l’amour des êtres, l’amour réel, et non pas
5 1947, Articles divers (1946-1948). La lutte des classes (1947)
134 qui sont des voyages concentrés et plus émouvants que les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée ne s’établit jamais
135 sique russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la déc
136 ents du point de vue de l’usager moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé
137 seconde, et je ne savais rien des premières sinon qu’ un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge
138 uverain de la région, dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs de bois peints en faux bois jaune clair. O
139 avec une emphatique autorité des noms de villages que tout le monde connaissait, mais cela faisait partie du jeu. En bons é
140 après sept ans d’absence, l’été dernier, et plus que jamais frappé par ce trait national — le seul sans doute, chez nous,
141 lement l’honnêteté, tendrait à nous faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et
142 é des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’humanité dans sa très grande majo
143 ce miracle est si bien déguisé en exacte banalité que les Suisses le prennent pour banal. Ils pensent mener la vie normale
144 bables, très rarement observés sur la planète, et que la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les ore
145 train-train de nos corruptions. Donc les Suisses que je vois en IIIe classe offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D
146 n monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’ éprouvent les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent place dans nos t
147 mais, se propose par contraste une réponse. C’est qu’ en Suisse on se sent regardé, examiné, jugé, jaugé, plus que nulle par
148 se on se sent regardé, examiné, jugé, jaugé, plus que nulle part ailleurs au monde. Tout se passe en somme, inconsciemment,
149 stions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une cravate insolente, une conversation à voix tr
150 ment justifier l’espèce particulière d’irritation que provoquent ces regards apparemment timides, vaguement bovins, mais di
151 outenez d’abord avec curiosité, puis vous trouvez que cela suffit, mais eux bien loin de se troubler pèsent encore un temps
152 e quelque inertie, et finalement ne se détournent qu’ avec cet air exaspérant de celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais i
153 nt, je veux dire trop méfiant et même intolérant. Qu’ ils aient seulement l’air étonnés suppose déjà beaucoup de retenue… À
154 … À propos de cette pax helvetica, si vous pensez que j’exagère, laissez-moi recopier un « avis » imprimé que j’ai pu lire
155 exagère, laissez-moi recopier un « avis » imprimé que j’ai pu lire l’été dernier, punaisé près de la porte du balcon dans u
156 rajet. On sent bien qu’il a l’habitude. On dirait qu’ il s’installe dans son bureau, et sa pensée ne vagabonde pas, reste en
157 à, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple suisse paraît de plus en plus enclin à respecter le velours
158 somnole. En face de lui, la beauté même, « ô toi que j’eusse aimée », sa fille sans doute, fume en feuilletant un magazine
159 en feuilletant un magazine. Je croyais autrefois que les premières étaient vides. C’était vrai, les enfants voient juste.
160 ême raison, des transparents. (Avez-vous remarqué que les trains qui vous croisent sont transparents s’ils vont très vite ?
161 eb-Bucuresti. Voilà la Suisse en raccourci, telle que je l’aime : croisement des traditions locales les plus touchantes et
6 1947, Articles divers (1946-1948). Les maladies de l’Europe (1947)
162 cette amie dans vos bras, vous ne trouvez à dire que des phrases banales : « Viens ici qu’on se voie un peu. Eh bien ! tu
163 uvez à dire que des phrases banales : « Viens ici qu’ on se voie un peu. Eh bien ! tu n’as pas trop changé ! » Mais d’un cou
164 fin, j’ai hâte de lui demander : « Et maintenant, qu’ allons-nous faire ensemble ? » ⁂ L’Europe a mauvaise mine, il faut l’a
165 es traits, on en reçoit une impression d’ensemble que je traduirai par ces mots : on dirait, à la voir, qu’elle a perdu la
166 je traduirai par ces mots : on dirait, à la voir, qu’ elle a perdu la guerre. Militairement, Hitler et ses séides ont été ba
167  : l’un est une brute, et son point de vue, c’est que la brutalité doit toujours triompher ; l’autre est un parfait gentlem
168 pher ; l’autre est un parfait gentleman qui croit que les bonnes manières viendront à bout de tout. Mais, si la brute se je
169 e. Maintenant le gagnant se relève : il se trouve que c’est notre gentleman de tout à l’heure, mais le voilà méconnaissable
170 le passage du Führer. La lutte contre les forces qu’ il incarnait devant nous a réveillé ces forces parmi nous. L’Europe a
171 destruction de tous ces éléments — l’anti-Europe. Qu’ était-il en effet pour ceux qui le combattaient ? La rage antichrétien
172 e. Hitler battu, son corps brûlé dans le pétrole, que reste-t-il ? À peu près tout cela — moins Hitler. Mais tout cela qui
173 s effets du capitalisme et par l’esprit bourgeois que tous ces philosophes, cependant, combattaient, passée dans notre sièc
174 ites échappent aux Églises. Elles ne croient plus qu’ en l’ici-bas, qu’en cette vie-ci, qu’en un bonheur cinématographique,
175 x Églises. Elles ne croient plus qu’en l’ici-bas, qu’ en cette vie-ci, qu’en un bonheur cinématographique, ou qu’en une just
176 croient plus qu’en l’ici-bas, qu’en cette vie-ci, qu’ en un bonheur cinématographique, ou qu’en une justice instaurée par l’
177 te vie-ci, qu’en un bonheur cinématographique, ou qu’ en une justice instaurée par l’inquisition policière, la dictature d’é
178 es masses et ces élites n’ont rien de plus pressé que de s’asservir aux dogmes d’un parti. Tout ce qu’a perdu la religion,
179 que de s’asservir aux dogmes d’un parti. Tout ce qu’ a perdu la religion, c’est la politique qui le gagne. Admirable libéra
180 ’hui n’est plus religieux, mais politique. L’idée que « la fin justifie les moyens » n’est plus jésuite, mais léniniste, ma
181 mêmes dont la fonction serait de l’attaquer, d’où qu’ il vienne. Mais ces lâchetés intellectuelles se parent des noms d’amou
182 nouveau succès de l’esprit totalitaire qui n’a eu qu’ à changer d’étiquette pour occuper, sans coup férir, d’importantes sec
183 rovinces où, depuis le Moyen Âge, on avait oublié qu’ il y eût un problème juif. Tout se passe comme si l’écrasement du foye
184 yer même de ce mal infernal n’avait eu pour effet que d’en faire rejaillir de tous côtés les étincelles. Le nationalisme fa
185 tale, se voit nourrie de nos passivités. Voilà ce qu’ on nous prépare à droite comme à gauche, avec cette minutie sourde et
186 minutie sourde et aveugle aux indications du réel qu’ apportent à leurs petites occupations les aliénés. Si l’on se bat en E
187 qui se disent de bonne volonté ! Pendant ce temps que font les élites ? J’entends les hommes dont la fonction serait de dén
188 nter les remèdes ? Leur voix ne porte guère, tant qu’ elle n’emprunte pas les haut-parleurs contrôlés par l’État ou par le p
189 r, de se « mettre au pas » spontanément, au point que rien ne passe plus de ce qu’on avait à dire. Devant cette impuissance
190 ontanément, au point que rien ne passe plus de ce qu’ on avait à dire. Devant cette impuissance pratique à inscrire leurs pe
191 ectuels s’inscrivent dans un parti et c’est là ce qu’ ils appellent s’engager. Mais c’est en fait, pour la plupart d’entre e
192 et douée d’une vertu agissante, il ne suffit pas que le penseur s’achète une étiquette ou un insigne. Et cependant, s’il s
193 e pessimisme et de mauvaise conscience. Il semble que l’idée de décadence, acclimatée avant la guerre par des penseurs auss
194 tée avant la guerre par des penseurs aussi divers que Spengler, Valéry et Huizinga, se soit généralement substituée dans no
195 fatiguée, notre scepticisme lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’Europe que je viens d’esquisser devant vous pèche pa
196 lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’Europe que je viens d’esquisser devant vous pèche par excès de pessimisme, et qu
197 ser devant vous pèche par excès de pessimisme, et que plusieurs des rides que j’ai cru distinguer sur le visage spirituel d
198 r excès de pessimisme, et que plusieurs des rides que j’ai cru distinguer sur le visage spirituel du continent — je ne dis
199 e dis rien de son visage physique — ne trahissent qu’ une fatigue temporaire. Je n’ignore pas que l’autodénigrement, chez no
200 issent qu’une fatigue temporaire. Je n’ignore pas que l’autodénigrement, chez nous autres Européens, se confond trop souven
201 op souvent avec le sens critique. Je n’ignore pas que l’indignation morale est un genre littéraire, dont la rhétorique fort
202 ue fort ancienne peut entraîner à l’injustice. Et qu’ enfin, vis-à-vis des êtres que l’on aime, il arrive qu’on manque d’ind
203 r à l’injustice. Et qu’enfin, vis-à-vis des êtres que l’on aime, il arrive qu’on manque d’indulgence… Faisons la part de ce
204 fin, vis-à-vis des êtres que l’on aime, il arrive qu’ on manque d’indulgence… Faisons la part de ces travers ou de ces exagé
205 e nos estimations ou jugements subjectifs : c’est que la situation de l’Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est
206 tuation de l’Europe dans le monde s’est modifiée, qu’ elle s’est même totalement renversée depuis l’automne de 1939. Avant c
207 ntinents. L’Europe nous semblait donc plus grande qu’ elle n’était. D’où l’effet de choc que produisit dans nos esprits, au
208 plus grande qu’elle n’était. D’où l’effet de choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’autre guerre, la phrase
209 j’imagine aussi vue de Russie, paraît plus petite que nature : physiquement resserrée entre deux grands empires dont les om
210 notion qui s’étiole chez nous d’autant plus vite qu’ elle grandit mieux ailleurs, chez les voisins où elle s’est transplant
211 asse comme si l’excès où ils la portent et l’abus qu’ ils nous semblent en faire nous dégoûtaient de son usage normal. Ainsi
212 nous ni tout leur bien, ni tout leur mal ? C’est qu’ en Europe, elles se trouvaient toujours en état de composition, tandis
213 t par tous les barrages de douanes ou de coutumes que l’Amérique ne connaît pas. Et de même le progrès social s’est vu brid
214 et de contradictions, définit l’équilibre humain qu’ on nomme Europe. Il conditionne aussi notre culture. Et nous allons vo
215 ditionne aussi notre culture. Et nous allons voir qu’ il traduit, et parfois aussi qu’il trahit, la conception européenne de
216 nous allons voir qu’il traduit, et parfois aussi qu’ il trahit, la conception européenne de l’homme. Toute la question est
217 enir cet équilibre malgré l’attraction formidable qu’ exercent sur nous, par leur masse, le colosse russe et le colosse amér
218 olosse américain, et malgré toutes les tentations que représentent leurs succès littéralement démesurés. Essayons d’évaluer
219 par ses machines et par ses capitaux. Mais voici que l’Amérique et la Russie viennent de lui ravir coup sur coup les machi
220 te ans, et sans retour possible, à vues humaines. Que nous reste-t-il donc en propre ? Un monopole unique : celui de la cul
221 n état d’efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Eu
222 raison — je n’en juge pas ici —, ils s’imaginent que ces pays réalisent mieux que leur nation ce qu’ils attendent eux-même
223 i —, ils s’imaginent que ces pays réalisent mieux que leur nation ce qu’ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi, ce ne son
224 t que ces pays réalisent mieux que leur nation ce qu’ ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi, ce ne sont pas seulement les
225 ment aux conceptions et aux coutumes européennes, que deux classes par ailleurs tout opposées : les intellectuels non embri
226 semble, malgré les illusions de santé et de durée que peuvent entretenir encore dans nos vies certains îlots d’inconscience
227 très sérieusement si, dans cette conjoncture plus que défavorable, il est bien légitime de s’obstiner, de parler d’une défe
228 ustifiables ? Ou bien ne sont-elles rien de mieux que les sentiments égoïstes d’un vieux propriétaire dépossédé qui pleure
229 lors que ce domaine menace ruine par sa faute, et que les nouveaux acquéreurs vont en tirer un bien meilleur parti, pour l’
230 eur parti, pour l’avantage du plus grand nombre ? Que valent nos craintes ? Qu’avons-nous peur de perdre en vérité ? Cette
231 du plus grand nombre ? Que valent nos craintes ? Qu’ avons-nous peur de perdre en vérité ? Cette même question, je sais plu
232 ils se demandent si c’est l’Europe ou l’Amérique qu’ il leur faut souhaiter pour leur enfant. Car nous pensons à notre Euro
233 ou la Russie, ne serait-ce pas ce « Kinderland » qu’ appelait Nietzsche de ses vœux ? Ce n’est pas assez de donner des ancê
234 it donc de savoir si nous défendons plus et mieux que de belles ruines, des préjugés sociaux, et des habitudes de culture p
235 tour de cette absence insensible au grand nombre. Qu’ y perdrait le monde ? Qu’y perdraient nos enfants ? Alors paraît comme
236 ensible au grand nombre. Qu’y perdrait le monde ? Qu’ y perdraient nos enfants ? Alors paraît comme dénudée par ces question
237 s au nom de je ne sais quel nationalisme européen qu’ il nous faut défendre l’Europe, mais au seul nom de l’humanité la plus
238 mme une position polémique à l’intérieur du champ que l’on observe. Mais si maintenant nous regardons l’Europe dans le mond
239 ne très solide réalité spirituelle. S’il est vrai que l’Europe, jusqu’à ce siècle, ne s’est guère sentie et conçue comme un
240 huilée, sans histoire, et sans drame. Il s’ensuit que le héros européen sera l’homme qui atteint, dramatiquement, le plus h
241 emplaire » nous livrent le secret de l’opposition que je voudrais vous faire sentir. Pour eux la vie se résume en deux opér
242 ition comme l’indice d’un mauvais fonctionnement, qu’ il faut éliminer doucement ou brutalement pour arriver à l’unanimité,
243 ront de plus en plus. Pour illustrer le contraste que je viens d’esquisser d’une manière un peu trop schématique et abstrai
244 ise qui nous rassemble ici. En Amérique, je pense que ces rencontres seraient un four, ou un flop, comme ils disent. La div
245 de nos points de vue inquiéterait l’auditeur plus qu’ elle ne l’intéresserait. L’Américain moyen demande une solution qu’il
246 resserait. L’Américain moyen demande une solution qu’ il puisse appliquer en sortant, là où nous cherchons avant tout un app
247 Russie, je ne crois pas être injuste en affirmant que ces rencontres seraient simplement interdites, ou conduiraient leurs
248 sur le banc des aveux spontanés. Et je ne dis pas que l’Américain et le Russe n’aient quelques bonnes raisons de se comport
249 s raisons de se comporter ainsi, je dis seulement que leurs raisons ne sont pas celles de la culture ; que la culture suppo
250 leurs raisons ne sont pas celles de la culture ; que la culture suppose la libre discussion, en vue d’un engagement plus a
251 authentique au service d’une plus large vérité ; que telle est bien la vocation de l’Europe, et que l’Europe existe au plu
252  ; que telle est bien la vocation de l’Europe, et que l’Europe existe au plus haut point comme entité spirituelle, dans les
253 plus purs modèles, crucifié entre ces contraires qu’ il a d’ailleurs lui-même définis : l’immanence et la transcendance, le
254 des énergies immenses. Et c’est pour cette raison qu’ elle prévient parmi nous les entreprises et les plans gigantesques que
255 mi nous les entreprises et les plans gigantesques que nous voyons proliférer ailleurs. D’autre part, elle a pour effet de c
256 adiction (s’il la domine en création) c’est celui que j’appelle la personne. Et ces institutions à sa mesure, à hauteur d’h
257 sée, même gratuite d’apparence. Demandons-nous ce que nous avons à faire pour maintenir et pour illustrer les valeurs propr
258 is pas — notez-le bien — empêcher les révolutions que l’on constate nécessaires, mais au contraire les faire d’une manière
259 uctions supplémentaires.) Et je sais trop bien ce que certains vont me dire : que je fais là le jeu de la réaction, selon l
260 je sais trop bien ce que certains vont me dire : que je fais là le jeu de la réaction, selon l’expression consacrée, — mai
261 es guerres et les révolutions, contrairement à ce que pensent beaucoup de bourgeois, sont initiées et déclenchées par les é
262 e, faculté de décision. C’est donc sur les élites qu’ il importe d’agir. Ce sont elles que l’on peut utilement éveiller à la
263 ur les élites qu’il importe d’agir. Ce sont elles que l’on peut utilement éveiller à la claire conscience des causes des gu
264 ette même agonie permanente dont on vient de voir qu’ elle est la condition de l’homme européen, la source vive de sa grande
265 faire l’ange, ou le démon, fait la bête et voici qu’ on l’enferme aujourd’hui dans la cage du parti ou de l’État. À vrai di
266 on par l’État, ce n’est pas du tout de prêcher ce qu’ on appelle un « individualisme impénitent ». C’est au contraire, au no
267 re, ou soviétique, la déviation collectiviste. Ce que je lui oppose ici, ce n’est nullement l’excès inverse de l’anarchie e
268 Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce sont sans contredit : la fédération suisse, et les royaumes démocr
269 anglantes des guerres civiles, et par suite, quel que soit le vainqueur, aux dictatures. Or il n’en va pas autrement sur le
270 litaire sera toujours impérialiste, c’est une loi que je signale en passant. La volonté qui possède Bonaparte d’unifier l’E
271 es. J’ai dit, et je ne le répéterai jamais assez, qu’ il faut voir dans le nationalisme la maladie européenne, l’anti-Europe
272 e espèce de court-circuit dans la tension normale qu’ il s’agit de maintenir entre le particulier et le général. D’une part,
273 énie et par l’abus de ses vertus bien plus encore que par ses vices, l’Europe a-t-elle des chances de vivre encore assez po
274 toute mystique au sujet de la vocation. Je crois qu’ un être est maintenu en vie par la vie même de sa vocation, et qu’il t
275 aintenu en vie par la vie même de sa vocation, et qu’ il tombe bientôt lorsqu’elle est accomplie. Or, notre vocation europée
276 et même rebelle aux planifications sur table rase que l’Amérique, et surtout la Russie — ces deux grandes plaines d’un seul
277 es Églises, autrefois, les redoutaient ; je pense qu’ elles doivent aujourd’hui les nourrir, si cet esprit critique, ce scep
278 vinisé, aux idéaux purement profanes et séculiers que nous proposent l’URSS et les US. Vis-à-vis de ces mystiques et de ces
279 amis américains : « Vous croyez, leur disais-je, que le plus grand est nécessairement le meilleur. Et que l’on peut impuné
280 le plus grand est nécessairement le meilleur. Et que l’on peut impunément multiplier n’importe quoi par 10 ou 100. Vous ou
281 Ma troisième raison d’espérer, ce sont les crises qu’ il faut prévoir dans les deux empires du succès. Leurs plans, en effet
282 e, de la complexité de l’homme total. Ils ne sont que des expériences, et le propre d’une expérience est de rater neuf fois
283 l’Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS. Que l’on soit sympathique ou non à l’expérience de dictature si brillamme
284 es hiérarques soviétiques, il faut bien constater qu’ ils ont contre eux beaucoup de réalités humaines, qui gênent l’exécuti
285 de leurs plans rationnels. Il faut bien constater que presque tout les gêne : l’esprit critique les gêne, les différences i
286 it de révolte, et le scepticisme rationnel autant que la foi religieuse — et c’est à tel point qu’on se demande si ce qui l
287 tant que la foi religieuse — et c’est à tel point qu’ on se demande si ce qui les gêne le plus n’est pas simplement l’homme,
288 le, il est même probable, et c’est là mon espoir, que les Russes, comme les Américains, viendront s’enquérir auprès de nous
289 on la compare aux deux empires séparés d’elle, et que je nomme les deux empires sans précédent — l’Europe est la patrie de
290 nt, sans tradition, s’épuiseront à redécouvrir ce que nous savons depuis des siècles, ce qui nous permet donc d’aller plus
291 C’est parce que l’Europe est la mémoire du monde qu’ elle ne cessera pas d’inventer. Elle restera le point de virulence ext
292 du réalisme politique, et il fallait tout de même que ce fût dit ici, la question de l’avenir du monde se résume dans ce si
293 le nationalisme aux dimensions continentales. Ce qu’ il nous faut demander, et obtenir, nous tous, c’est que les nations eu
294 nous faut demander, et obtenir, nous tous, c’est que les nations européennes s’ouvrent d’abord les unes aux autres, suppri
295 nce — ouvrant l’Europe au monde, du même coup. Ce qu’ il nous faut demander et obtenir — obtenir de nous-mêmes tout d’abord
296 enir — obtenir de nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’Europe découvre, et qu’il propage, les antitoxines des
297 ord — c’est que le génie de l’Europe découvre, et qu’ il propage, les antitoxines des virus dont il a infesté le monde entie
298 ier. Il n’y a de fédération européenne imaginable qu’ en vue d’une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’avenir im
299 ale. Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable que dans l’effort pour instaurer un vrai gouvernement mondial. Et le mond
300 l’Europe, j’entends de son esprit critique autant que de son sens inventif. La pensée du monde, c’est l’Europe. Et s’il s’a
301 ’est l’Europe. Et s’il s’agit vraiment de penser, que penser d’autre pour la paix, je vous le demande, qu’un idéal fédérati
302 penser d’autre pour la paix, je vous le demande, qu’ un idéal fédératif mondial ? C’est pourquoi, sans reculer devant l’app
7 1947, Articles divers (1946-1948). L’opportunité chrétienne (1947)
303 s religieuses », firent autant de mal aux Églises que les persécutions romaines aux premiers temps leur avaient fait du bie
304 trop menacées par le scepticisme. Pour ne donner que deux exemples : on vit le mouvement mystique s’éteindre au sein du ca
305 udel, pouvait écrire vers la fin de cette période qu’ à la question : « Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-
306 Églises, et qui résume toute une époque. Je pense qu’ avec la guerre, cette époque a pris fin. Et je fonde cette croyance su
307 cette croyance sur quelques faits. C’est un fait que le totalitarisme a rompu la paix fausse qui semblait établie entre le
308 ablie entre les sociétés laïques et les Églises ; qu’ il a brusquement mis à nu l’État minoritaire des chrétiens ; qu’il les
309 ement mis à nu l’État minoritaire des chrétiens ; qu’ il les a attaqués de front au nom des principes non chrétiens (comme l
310 s principes non chrétiens (comme le nationalisme) qu’ ils croyaient pouvoir tolérer ; qu’il a été abattu finalement, dans se
311 nationalisme) qu’ils croyaient pouvoir tolérer ; qu’ il a été abattu finalement, dans ses formes déclarées et spectaculaire
312 es déclarées et spectaculaires tout au moins ; et que son élévation brutale puis sa chute ont été pour toutes les Églises u
313 rification, une occasion de réveil. C’est un fait que la culture laïque, a-chrétienne ou antichrétienne, qui prétendait se
314 uts de vie, des idéaux, une morale, plus efficace que le christianisme. C’est un fait que « les derniers progrès de la Scie
315 plus efficace que le christianisme. C’est un fait que « les derniers progrès de la Science » autorisent de moins en moins —
316 paraît close pour longtemps. C’est enfin un fait que les trois grandes confessions chrétiennes ont retrouvé depuis une ou
317 e et purifiée Église orthodoxe à l’Est. Mais dire que l’époque de la défensive est terminée pour elles, dans notre temps, c
318 ennes un dilemme très net : il ne leur reste plus qu’ à s’endormir, ou bien à passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerr
319 enace, au prix de sacrifices presque aussi grands que ceux qu’elles eussent été contraintes de subir en se rendant. (Dans c
320 prix de sacrifices presque aussi grands que ceux qu’ elles eussent été contraintes de subir en se rendant. (Dans ce « presq
321 fférence entre honneur et honte, vie et mort.) Et que trouvent aujourd’hui les peuples devant eux ? Battus et vainqueurs, é
322 par les catastrophes récentes. Les autres pensent qu’ en déplaçant quelques objets — les richesses par exemple — on arranger
323 ndre ses pouvoirs, à coups de décrets si généraux que chaque vocation personnelle s’en trouve nécessairement lésée. En d’au
324 ore : les Églises et leurs prédicateurs ont moins que jamais à se soucier, aujourd’hui, de réfuter les arguments de l’incro
325 misère du temps qui appelle, j’attends ceci : 1° Que l’Église offre un type de relations humaines viables, comme elle le f
326 it de restaurer le sens de la communauté vivante, que le gigantisme de nos machines administratives, le règne de l’argent,
327 rais une sociologie chrétienne pour le siècle. 2° Que l’Église offre un type de relations culturelles viables ; qu’elle ose
328 offre un type de relations culturelles viables ; qu’ elle ose de nouveau soutenir et guider une avant-garde intellectuelle,
329 vivante, laissant celle-ci désorientée. Il s’agit que nos théologiens adoptent une politique d’intervention, et non de vert
330 ts. Hélas, elle en est bien sortie ! Il est temps que nous sortions à sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’Église cesse
331 nous sortions à sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’Église cesse de défendre la triste et inefficace moralité bourgeois
332 de chrétiens confondent aujourd’hui la vertu ; et qu’ elle restaure chez les fidèles le sens de la vocation personnelle, seu
333 isemblable ! »2 dit Kierkegaard. Ce sont ces voix que les meilleurs aujourd’hui, hors des Églises, me paraissent avides d’e
334 qui retient en arrière des risques de la vie. 4° Que l’Église affirme avec force, dans le domaine politique, la Transcenda
335 ricains, s’instaure sur notre planète, ce ne sera qu’ au nom de ce qui transcende nos attachements nationaux, politiques et
336 ndiale dans le respect des diversités nationales. Que dis-je, il peut ! Il le doit, et de toute urgence ! S’il y échoue, je
337 une raison d’attendre autre chose, pour le monde, que des tyrans, leurs guerres, et les tyrannies qui en résultent… Un mot
338 ser. Les Églises comme corps organisés ne peuvent que soutenir et encadrer l’action chrétienne. Celle-ci se fera, comme ell
339 uront l’air de rien ; par des hommes dont on dira qu’ ils exagèrent, qu’ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun, qu’ils
340 n ; par des hommes dont on dira qu’ils exagèrent, qu’ ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun, qu’ils voient trop grand…
341 mes dont on dira qu’ils exagèrent, qu’ils rêvent, qu’ ils n’ont pas le sens commun, qu’ils voient trop grand… Peut-être même
342 , qu’ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun, qu’ ils voient trop grand… Peut-être même par des petites revues comme cel
8 1947, Articles divers (1946-1948). La guerre des sexes en Amérique (janvier 1947)
343 , Californie, tant pour le personnel de la Marine que pour les civils. Le capitaine Leslie E. Gehres, commandant de la stat
344 slie E. Gehres, commandant de la station, déclare que depuis quelque temps, on assiste à un croissant étalage en public de
345 genre communément appelé necking 4. S’il est vrai que tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il s’agit là d’un passe-temp
346 st vrai que tout le monde s’accorde à reconnaître qu’ il s’agit là d’un passe-temps absorbant et plaisant, il est non moins
347 et plaisant, il est non moins généralement admis que ce n’est pas un sport public et diurne. Cette petite nouvelle, parue
348 ue intuitif tient une lettre à peine regardée, et que vous tentez de formuler ce qu’il évoque dans votre esprit comme type
349 peine regardée, et que vous tentez de formuler ce qu’ il évoque dans votre esprit comme type de civilisation, j’imagine que
350 otre esprit comme type de civilisation, j’imagine que vos conclusions ne seront point trop différentes de celles que je vou
351 usions ne seront point trop différentes de celles que je voudrais dégager d’un séjour de six ans en Amérique. Les mœurs sex
352 vivant de l’autre, pour ainsi dire, et n’existant que par la négation de l’autre, si bien que le contraste entre les deux r
353  » d’une nature différente, — et c’est la seconde que j’essaierai de décrire. ⁂ De la passion Je pense que l’Amérique
354 saierai de décrire. ⁂ De la passion Je pense que l’Amérique en tant qu’américaine, ignore le phénomène que nous nommon
355 érique en tant qu’américaine, ignore le phénomène que nous nommons passion. J’écrivais dans un livre récent : Rien de plus
356 crivais dans un livre récent : Rien de plus rare qu’ une passion véritable, car elle suppose une très grande force d’imagin
357 es et du bonheur… L’amour-passion ne peut exister que dans une civilisation marquée par la croyance en la valeur unique de
358 des biens terrestres, et religieusement convaincu que le bonheur est le but de la vie : n’est-ce point écrit dans sa Consti
359 vis-à-vis de la passion est peut-être plus saine que la nôtre. En bref, il n’aime point souffrir, et tient pour perversion
360 grande passion, sont à ses yeux autant de preuves que l’affaire est mal engagée et qu’il ferait bien d’y renoncer. Si quelq
361 utant de preuves que l’affaire est mal engagée et qu’ il ferait bien d’y renoncer. Si quelque drame se noue dans sa vie, mal
362 se noue dans sa vie, malgré lui, il n’a de cesse qu’ il n’en sorte au plus vite, par une dépêche d’adieu, un voyage, un div
363 s difficultés sentimentales qui nous fascinent et que nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font peur, et l’éloignent vit
364 re à la valeur unique d’un être, — et il est vrai qu’ il faut beaucoup de soins, de temps perdu, de complaisance et de folie
365 le dignité spirituelle, et qui ne tient pour vrai que ce qui réussit. Or, l’échec n’est pour eux qu’une perte sèche, et non
366 ai que ce qui réussit. Or, l’échec n’est pour eux qu’ une perte sèche, et non la condition d’un approfondissement de la cons
367 d’une rupture ou d’une trahison, c’est simplement que nous n’aimons pas à rester seuls. Du matriarcat, du mariage et des
368 des « moms » Dans un tel monde, il ne subsiste que deux solutions praticables : le mariage, ou l’affair d’un soir (car i
369 n soir (car ils appellent affair tout autre chose que le business comme nous disons). Le mariage à l’américaine est une ins
370 mais la maison, et même l’auto. Je vois la preuve qu’ elle se sent responsable et autonome (ou un peu plus) dans cette ardeu
371 comme de l’Européenne, par, métaphore idéaliste, qu’ elle règne au sein de son foyer ; car elle règne, tout simplement, dan
372 simplement, dans toute la vie, et le foyer n’est qu’ une partie de ses domaines. Il s’agit de l’aménager pour qu’il fonctio
373 soucis qui l’absorbent chez nous. Il est étrange que nous parlions toujours de leur « matérialisme » à ce propos, puisque
374 is bien brillants, précédant un mari moins galant que stylé, toujours prêt à subir ses impérieux caprices avec une calme in
375 haque geste, et chaque moue de la femme manifeste qu’ elle sait ce qu’on lui doit. Comme elle est installée dans la vie ! El
376 chaque moue de la femme manifeste qu’elle sait ce qu’ on lui doit. Comme elle est installée dans la vie ! Elle s’y avance av
377 autorité, souvent polie, mais parfois un peu plus que désinvolte, d’une propriétaire de droit divin. Qu’un incident de voya
378 ue désinvolte, d’une propriétaire de droit divin. Qu’ un incident de voyage ou de service la mécontente pour quelque raison
379 chologie et dans l’économie américaine. On assure que les femmes possèdent le 75 % de la fortune privée en Amérique, soit q
380 nt le 75 % de la fortune privée en Amérique, soit que le système de l’héritage les favorise, soit qu’elles montrent en affa
381 t que le système de l’héritage les favorise, soit qu’ elles montrent en affaires comme ailleurs une efficiency sans égale. N
382 ’est dans la psychologie de la famille américaine que le statut royal de la femme a ses bases vraiment profondes. Et cette
383 t cette psychologie tient dans un mot, dans moins qu’ un mot, dans l’abréviation familière pour Maman, que soupire le GI loi
384 ’un mot, dans l’abréviation familière pour Maman, que soupire le GI loin du foyer, dans ces trois lettres fatidiques qui so
385 s de divorces, plus d’homosexuels, plus d’obsédés que l’on enferme ou non, et plus d’alcooliques qu’aucune autre. Dans la f
386 és que l’on enferme ou non, et plus d’alcooliques qu’ aucune autre. Dans la femme qu’il épouse, le jeune Américain, inconsci
387 plus d’alcooliques qu’aucune autre. Dans la femme qu’ il épouse, le jeune Américain, inconsciemment, cherche la mère. Il la
388 Il la sert, elle l’endort et le semonce. Au culte qu’ il est censé lui rendre, elle répond dans le meilleur des cas par cett
389 s le meilleur des cas par cette espèce de loyauté que le suzerain jadis accordait au vassal. Et ce n’est point qu’elle soit
390 rain jadis accordait au vassal. Et ce n’est point qu’ elle soit moins capable qu’une autre d’amour, de tendresse ou même d’a
391 sal. Et ce n’est point qu’elle soit moins capable qu’ une autre d’amour, de tendresse ou même d’aveugle dévouement. Mais l’a
392 ion. Ainsi la femme se virilise à la mesure de ce que l’homme attend d’elle. Frustrée sans le savoir dans sa féminité, elle
393 i redoutablement « perfectionniste » et activiste que sa belle-mère. Quant à l’homme, cause du mal et victime peu conscient
394 Tout se passe comme si l’homme d’Amérique n’avait qu’ un goût modéré pour la femme, dont il ne serait que la conquête plus o
395 u’un goût modéré pour la femme, dont il ne serait que la conquête plus ou moins résignée ou satisfaite. Certains ménages mo
396 rds, ont une vie beaucoup plus normale : c’est là qu’ on verra l’homme faire la vaisselle pendant que la femme couche les en
397 rigidaire. Mais alors le mari perd en autorité ce qu’ il gagne en intimité. Il se peut que les mariages de ce type — où l’ho
398 n autorité ce qu’il gagne en intimité. Il se peut que les mariages de ce type — où l’homme joue le rôle de la machine numér
399 in. Du divorce Les statistiques établissent qu’ aux États-Unis l’on divorce davantage que dans tout autre pays du mond
400 blissent qu’aux États-Unis l’on divorce davantage que dans tout autre pays du monde, Suisse comprise. Mais ce que les stati
401 out autre pays du monde, Suisse comprise. Mais ce que les statistiques oublient de noter, c’est qu’on y divorce d’une maniè
402 ce que les statistiques oublient de noter, c’est qu’ on y divorce d’une manière tout à fait différente. Aux yeux des intére
403 aît bien moins sous l’aspect d’un désordre social que sous l’aspect d’une mise en ordre de deux vies individuelles. C’est q
404 e mise en ordre de deux vies individuelles. C’est qu’ en Europe, l’on se préoccupe avant tout du passé, d’un capital de souv
405 ir à neuf, de déblayer les perspectives d’avenir, qu’ offre l’interruption d’une expérience mal engagée ou négative. Nous pe
406 implement la permission de se remarier. Il arrive que le nouveau mariage ne soit séparé du divorce que par le temps de chan
407 que le nouveau mariage ne soit séparé du divorce que par le temps de changer de salle, et c’est le même juge — passant par
408 rce est le flagrant délit d’adultère. Autant dire que le divorce est impossible, à moins que l’on accepte d’en passer par u
409 utant dire que le divorce est impossible, à moins que l’on accepte d’en passer par une odieuse mise en scène « légalement c
410 on en trouvera d’autres, plus précis. Il n’aimait que la cuisine du Nord, elle lui servait des ratatouilles à la mode de la
411 excusait tout parce qu’elle amuse. Vous penserez que ce n’est pas sérieux, et peut-être aurez-vous raison. Si grave que so
412 sérieux, et peut-être aurez-vous raison. Si grave que soit un tel jugement, j’incline à croire que la facilité avec laquell
413 rave que soit un tel jugement, j’incline à croire que la facilité avec laquelle l’Américain divorce, révèle que ses mariage
414 acilité avec laquelle l’Américain divorce, révèle que ses mariages manquent de sens et de sérieux. Il n’y entre pas pour to
415 américain. De la sexualité Je mets en fait que le puritanisme, hérésie moraliste issue en Angleterre de la Réforme c
416 les mœurs sexuelles du Nouveau Monde. J’ajouterai qu’ elle les détermine principalement par les réactions qu’elle provoque u
417 le les détermine principalement par les réactions qu’ elle provoque une fois refoulée dans l’inconscient de la plus composit
418 cendance puritaine ne représente plus en Amérique qu’ une infime minorité. Boston, leur ancienne citadelle, est aujourd’hui
419 rs récemment naturalisés. On leur inculque à tous qu’ être un Américain, c’est être un homme « décent » et comme je demandai
420 t » et comme je demandais à quelques étudiants ce qu’ ils entendaient par là, l’un d’eux me dit : « Décent est l’homme qui t
421 el. On a rejeté tous ses tabous. On ne pense plus que la « chair » soit le Mal, ni ses désirs des signes de malédiction div
422 ystère non plus quant aux « origines de la vie », que les parents et professeurs expliquent avec un certain pédantisme, cra
423 un certain pédantisme, craignant par-dessus tout que les enfants n’aillent se former des complexes… Et pourtant, dans cett
424 Européen s’étonne de ne point trouver trace de ce qu’ il nommait libertinage. L’Américain, me semble-t-il, n’est pas vicieux
425 u sans morale, mais bien rarement immoraliste. Ce qu’ il ignore, c’est ce mélange de scrupules et de goût de les violer, de
426 sorte d’innocence. Disons, pour fixer les idées, que les deux romans européens les moins pensables en Amérique seraient sa
427 Les avantages et les dangers de l’état des mœurs que l’on vient d’esquisser donneraient matière à tout un livre. Mais il m
428 érique est en pleine transition, à cet égard plus qu’ à tout autre. Il convient donc de n’indiquer qu’à la volée quelques re
429 s qu’à tout autre. Il convient donc de n’indiquer qu’ à la volée quelques remarques dont on reconnaît qu’elles sont par natu
430 u’à la volée quelques remarques dont on reconnaît qu’ elles sont par nature discutables. Certains critiques américains décla
431 cutables. Certains critiques américains déclarent que la jeunesse de leur pays est sex-obsessed, mais il se peut qu’elle so
432 se de leur pays est sex-obsessed, mais il se peut qu’ elle soit tout simplement sexy, et que l’obsession n’existe que chez l
433 il se peut qu’elle soit tout simplement sexy, et que l’obsession n’existe que chez lesdits critiques. Certains Européens p
434 tout simplement sexy, et que l’obsession n’existe que chez lesdits critiques. Certains Européens penseraient plutôt de la m
435 Européens penseraient plutôt de la même jeunesse qu’ elle manque de vraie sensualité. Ils croient sentir entre les sexes un
436 ient sentir entre les sexes une sourde hostilité, qu’ ils attribuent naturellement à l’action des tabous puritains, refoulés
437 l’évolution actuelle des mœurs américaines, c’est qu’ on y pressent un avenir qui sera sans doute celui de la Russie soviéti
438 n’est sans doute pas là. Car il est très possible qu’ au contraire de ce que pensent la jeunesse américaine et ses censeurs
439 à. Car il est très possible qu’au contraire de ce que pensent la jeunesse américaine et ses censeurs de plus en plus timide
440 ent justement les vraies créatrices de tabous, et que la suppression de ces derniers, loin de relever d’une dialectique nor
441 al. Possible aussi, d’un tout autre point de vue, que la morale bourgeoise, issue des puritains, ait été l’une des plus per
442 e des puritains, ait été l’une des plus perverses qu’ ait jamais sécrétée l’humanité, et que sa disparition assainisse l’atm
443 s perverses qu’ait jamais sécrétée l’humanité, et que sa disparition assainisse l’atmosphère tout en affadissant la vie, pr
444 et l’objet d’une grâce spéciale. Or c’est bien ce qu’ il pense être, étant Américain. Je ne l’observe pas sans inquiétude ;
9 1947, Articles divers (1946-1948). Journal d’un intellectuel en exil (mars 1947)
445 é des invités, mais par les plateaux de cocktails que l’on passait continuellement d’un groupe à l’autre. Il y avait là bon
446 e tristesse. Ils paraissent encore moins intégrés que leurs confrères européens à la vie de leur propre nation. Cela tient
447 d’Europe, cherchant une méthode de pensée plutôt que des fondements spirituels, compensant par la brusquerie de leurs juge
448 orts. Oh ! ce n’est pas un reproche aussi violent qu’ il vous paraît. Je veux dire que l’on sent chez vous un tel souci de l
449 che aussi violent qu’il vous paraît. Je veux dire que l’on sent chez vous un tel souci de la forme durable… » Eux, c’est un
450 e sait trop. Le savent-ils eux-mêmes ? L’exigence que nous gardons encore de dégager, d’expliciter un sens, leur apparaît v
451 propos de ma maison et de vous-même. — Savez-vous que mon livre est sur la liste noire des Allemands et même de l’organisat
452 ganisation vichyssoise des libraires ? Savez-vous que la Gestapo en a saisi, brûlé, mis au pilon tous les exemplaires resta
453 des jugements entiers. Quitte à ne pas savoir ce qu’ il juge, ni pourquoi… Quitte à rivaliser d’intolérance brutale avec ce
454 uitte à rivaliser d’intolérance brutale avec ceux qu’ il croit condamner… N’est-ce pas cela, le vrai danger totalitaire, dan
455 evue virulente et dense, Christianity and Crisis, qu’ il vient de fonder, s’efforce de combattre l’inertie des Églises, deme
456 me, antimilitarisme, crainte du régime tyrannique que toute guerre risque d’instaurer. Mais c’est aussi parce qu’on ne croi
457 i », dit-on des récits de réfugiés. Il en résulte qu’ on collabore avec les partisans sournois d’Hitler, de Mussolini, de Fr
458 eu de la petite ville de Cambridge qui n’est plus qu’ un faubourg de Boston. Le premier soir en arrivant dans ce logis pour
459 dont il devra parler au séminaire de littérature. Que veut-il donc savoir ? Simplement si c’est vrai. S’il est vrai que j’a
460 savoir ? Simplement si c’est vrai. S’il est vrai que j’ai vécu ce que j’écris. C’est la question que je préfère. Leur fami
461 ent si c’est vrai. S’il est vrai que j’ai vécu ce que j’écris. C’est la question que je préfère. Leur familiarité réchauffe
462 i que j’ai vécu ce que j’écris. C’est la question que je préfère. Leur familiarité réchauffe. Chaque soir, à la cafétéria,
463 dans le hall, la chambre de Thoreau avec son lit qu’ il avait fabriqué lui-même. Au crépuscule, j’aime errer sur les quais,
464 les théories de la logistique de Vienne, à moins qu’ il ne préfère les aborder en sociologue postmarxiste ou en freudien hé
465 her. On ne peut pas « se débrouiller » avec moins qu’ il ne faut. Et je touche ici la limite des fameuses libertés américain
466 st la misère totale ou le niveau bourgeois, celui que revendiquent les ouvriers et qu’ils atteignent presque tous ici, quan
467 bourgeois, celui que revendiquent les ouvriers et qu’ ils atteignent presque tous ici, quand les Russes ne font qu’en parler
468 ignent presque tous ici, quand les Russes ne font qu’ en parler. Mais les intellectuels ? Ils n’ont de choix qu’entre le jou
469 rler. Mais les intellectuels ? Ils n’ont de choix qu’ entre le journalisme et le professorat. Or je répugne à l’un autant qu
470 me et le professorat. Or je répugne à l’un autant qu’ à l’autre… ! Fin décembre 1941, 5 IV est 16th Street Trouvé un petit a
471 un pas de trop, et tombent dans le vide, pour peu que leur lecture les passionne. Mercredi des Cendres, février 1942 Depuis
472 té hier soir une sortie. Deux signes m’ont prouvé que jusqu’à nouvel ordre je suis le prisonnier de mon livre et ferais bie
473 rien à dire, et me demandais non sans angoisse ce que l’on peut bien avoir à dire, en général, quand on se trouve à six ou
474 re nue. Exorciser en moi la part du diable, celle qu’ il a sans doute prise à mon ouvrage. Idée bizarre : si j’ai si vite bo
475 r avril 1942 Une lettre du propriétaire m’apprend qu’ on va démolir mon étage. Je louais cet atelier au mois et n’ai donc pl
476 . Je louais cet atelier au mois et n’ai donc plus qu’ à déguerpir sans insister. 16 avril 1942, 11 West, 52 th Street Emmén
477 n compte en banque, et je ne suis pas plus avancé qu’ au temps de mon île atlantique. 21 avril 1942 Comme on regarde les vit
478 Comme on regarde les vitrines différemment selon qu’ on a de l’argent dans sa poche ou non ! D’abord, on ne regarde pas les
479 i soir, et le dimanche matin j’annonce subitement que je dois rentrer en ville pour une affaire pressante. En vérité, j’ign
480 érité, j’ignorais quelle affaire, mais je sentais qu’ il fallait rentrer. J’ouvre ma porte et j’entends le téléphone. C’est
481 iscernablement ironique, admirante et solennelle. Qu’ on lui donne un royaume ! Ou plutôt non : qu’on lui donne une église à
482 lle. Qu’on lui donne un royaume ! Ou plutôt non : qu’ on lui donne une église à régir, et le beau nom du sacerdoce à restaur
483 t le succès à distance, laissant à Salvador Dali, qu’ il appelle Avida Dollars, le soin de faire monnaie d’une étiquette plu
484 ire monnaie d’une étiquette plus prestigieuse ici qu’ à Paris même : surréalisme. Chaque soir, pendant que mon texte terminé
485 nt pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jo
486 ix de l’Amérique parle aux Français. Il est temps que je recueille et dépouille les directives de Washington, de New York,
487 rt une page d’un petit geste nerveux : « Voilà ce que vous cherchiez, mon cher. Une bonne idée pour vous là-dedans ! » Cela
488 … « N’êtes-vous pas l’auteur du Secret ? Souffrez que j’en sois la victime. » Sur quoi, peut-être, il serait temps d’aller
489 re va mal, il faut le dire, et persuader l’Europe qu’ elle ira bien demain. La campagne sous-marine bat son plein, Tobrouk t
490 squ’il est arrivé en Amérique, il n’a paru de lui qu’ une seule photo, encore était-elle prise de dos. (Mais ce trait justem
491 n questionne et l’autre parle. Il parle de Briand qu’ il a servi longtemps, et qui n’a jamais su qu’il y avait Saint-John Pe
492 and qu’il a servi longtemps, et qui n’a jamais su qu’ il y avait Saint-John Perse ; d’Hitler dont il a regardé les yeux de p
493  ; d’Hitler dont il a regardé les yeux de près et qu’ il décrit en termes médicaux ; de Reynaud qui l’a renvoyé sous la pres
494 pour en récrire deux chapitres (sur « l’amour tel qu’ on le parle » et la passion réelle). Tonio rentre un soir de New York
495 ort un très jeune chien tremblant. C’est un boxer qu’ il baptise Annibal. Je lui apprends à marcher en laisse, sur la plage.
496 r en laisse, sur la plage. 18 août 1942 Peut-être qu’ il n’est pas de bonheur plus conscient que celui de l’enfance retrouvé
497 ut-être qu’il n’est pas de bonheur plus conscient que celui de l’enfance retrouvée dans une vacance où le travail lui-même
498 ù le travail lui-même est jeu. Tous les prétextes que les hommes se donnent pour en sortir, un jour ou l’autre, me paraisse
499 collectif », mais la fin du progrès ne peut être qu’ une plage, un loisir sur la plage, et nous l’avons ici. New York, 2 se
500 ici. New York, 2 septembre 1942 Quoi de plus sale qu’ une ville dont la foule transpire ? Il faut être fou pour rentrer… Mai
501 de France. Leur dire là-bas, dire à la Résistance que la situation se redresse lentement dans le Pacifique : car cela signi
502 t un peu plus de bateaux vers l’Europe. Leur dire que la production de guerre américaine peut leur sembler une tartarinade8
503 éricaine peut leur sembler une tartarinade8, mais que lorsqu’on la voit de ses yeux, elle donne une sensation directe de la
504 a France de sa main-d’œuvre qualifiée — opération que Laval diaboliquement baptise « relève des prisonniers » ; donner des
505 cité est absolue. Washington part de l’idée juste qu’ il n’est pas de mensonge, si pieux mensonge soit-il, qui ne serve Hitl
506 House. Il s’est remis à écrire un conte d’enfants qu’ il illustre lui-même à l’aquarelle. Géant chauve, aux yeux ronds d’ois
507 us lire mon œuvre posthume ») et qui me paraît ce qu’ il a fait de plus beau. Tard dans la nuit je me retire épuisé (je dois
508 … Fin octobre 1942 Propagande et style. — Depuis que je suis à l’OWI, rédigeant bon gré mal gré mes vingt-cinq pages quoti
509 -cinq pages quotidiennes, je n’ai pu guère écrire que ces notes de journal, et deux essais pour des revues américaines. Mai
510 les convergent ou même s’identifient. Je constate que j’hésite ou répugne aujourd’hui à écrire certaines phrases, à user de
511 crire certaines phrases, à user de certains tours que je pressens intraduisibles, au sens le plus large du terme. Car il ne
512 uetteries de style imitées de nos auteurs anciens qu’ on trouvait à chaque ligne chez Valéry, chez Gide et leurs disciples d
513 ire » sinon par référence à des modèles anciens. ( Que de pastiches dans nos lettres modernes !) Bien écrire, c’est régler s
514 ) Bien écrire, c’est régler ses moyens sur la fin que vise un écrit. Cette fin peut condamner la phrase trop « écrite » ; o
515 ase trop « écrite » ; ou l’exiger, selon les cas. Que serait-ce d’être un grand écrivain dans une langue morte ? Ou dans un
516 teurs français contemporains : n’importe qui dira qu’ ils « écrivent bien », parce que leurs élégances restent cousues de fi
517 is un style qui supporte le transport. Les choses que l’on publie, si elles sont importantes, le sont soit par nature, soit
518 omme confère de l’importance à la moindre opinion qu’ il exprime — par position. (Et c’est le signe de la gloire moderne.) I
519 circulent, précisément.) Le monde actuel pressent qu’ il a besoin de maîtres et de directeurs de conscience, plutôt que de m
520 de maîtres et de directeurs de conscience, plutôt que de monstres précieux. Cependant, il faut commencer par être un monstr
521 maîtrise. Toute création est en soi monstrueuse, qu’ il s’agisse de l’automobile, du sourire de la Joconde, ou des Variatio
522 e atténue la sauvagerie de la verdure américaine. Que fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas à pas dans les bois solitaires
523 agerie de la verdure américaine. Que fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas à pas dans les bois solitaires ? Il se peut qu’
524 , pas à pas dans les bois solitaires ? Il se peut qu’ on m’envoie bientôt en Afrique du Nord, et de là… Et j’éprouve un beso
525 achez-le : Nous n’étions pas absents de vous plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occupés », nous étions en exil, et les un
526 e l’exil, moins brutale, certes, mais plus intime que celle de l’occupation. Un conquérant n’occupe jamais que l’extérieur,
527 le de l’occupation. Un conquérant n’occupe jamais que l’extérieur, mais l’étranger s’infiltre au cœur de l’être. Comment lu
528 us d’abord et vous a proposé ses façons et usages qu’ il convenait d’aimer. Bientôt, s’il voit que vous restez là, il change
529 sages qu’il convenait d’aimer. Bientôt, s’il voit que vous restez là, il change un peu : vous n’êtes plus l’invité mais un
530 tout d’un coup le monsieur qui ne tient pas à ce que vous causiez des ennuis. Débrouillez-vous. Et puis, vous êtes trop no
531 en Suisse aussi, avant la guerre, nous trouvions qu’ il y avait trop de juifs réfugiés. Des gens frappés par le malheur, où
532 ifs réfugiés. Des gens frappés par le malheur, où que ce soit, il y en a toujours trop. Cependant notre sort vous paraissai
533 orture physique, ou même à sa menace. Autant dire qu’ on les tient pour moins sérieux. Nous étions mal placés pour discuter
534 r défendre l’esprit, — qui était pourtant tout ce qu’ il restait à défendre par nous, dans l’exil… 6. Quartier du bas de
10 1947, Articles divers (1946-1948). La jeune littérature des États-Unis devant le roman américain (7 juin 1947)
535 7 juin 1947)m Je ne connais dans tout New York qu’ une seule vraie terrasse de café, celle du Brevoort, au bas de la Cinq
536 Brevoort, au bas de la Cinquième Avenue. C’est là que Dos Passos situe plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là qu’i
537 e plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là qu’ il y a bien six ans j’ai connu Carson McCullers. Elle avait l’air d’un
538 farouchée. Ses mains tremblaient, et l’on pensait que sans sa mère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux p
539 nes lorsqu’on leur fait un compliment. Je suppose que mon étonnement eût atteint la stupéfaction si j’avais lu avant cette
540 ait pour les repas autour d’une très longue table que servaient deux ou trois énormes négresses. Wystan Auden y présidait a
541 aison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’art que j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. ⁂ Et puis leur nomadis
542 une littérature américaine et la française, c’est que la première ne professe pas du tout ce culte du roman américain qui c
543 ay, Dos Passos et Steinbeck. C’est dire peut-être que les jeunes Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’assouplir
544 xieux de renouveler ou d’assouplir leurs procédés que de se créer un ordre intime et d’approcher par des moyens plus déliés
545 ne sorte de brutalité qui en était le reflet plus que l’explication. Mais cette recherche obscurément spirituelle ne tend j
546 ectifs, conduite avec une sympathie plus fascinée que volontaire. Ainsi les êtres qui animent cet ouvrage se poursuivent, s
547 dactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller que pour sensibiliser les questions qui tourmentent l’époque. m. Rouge
11 1947, Articles divers (1946-1948). Drôle de paix (7 juin 1947)
548 omine l’état d’esprit général de l’époque, depuis que Hitler a disparu. Notre vision du monde, naguère limitée aux dimensio
549 tiques s’est élargi aux dimensions de la planète. Que faire de ces informations en vrac, dont chacune signale une menace ou
550 ulmans, les hindous et les princes ne s’accordent que sur un point, qui est de refuser les plans de retraite obstinément of
551 de retraite obstinément offerts par les Anglais. Que penser de l’impérialisme britannique, représenté d’ailleurs par le La
552 ait le fascisme abattu. Les statistiques révèlent qu’ à l’heure présente on enregistre aux États-Unis un divorce pour trois
553 vies individuelles. Il n’est pas un de ces faits qu’ on puisse analyser à l’aide de nos catégories de droite et de gauche s
554 mes rapports avec l’état des forces dans le monde qu’ un combat de coqs avec le problème de la bombe. Et tout cela n’est que
555 avec le problème de la bombe. Et tout cela n’est que trop naturel. Il est parfaitement naturel que nous aimions parler de
556 est que trop naturel. Il est parfaitement naturel que nous aimions parler de politique. Il est parfaitement naturel que nos
557 parler de politique. Il est parfaitement naturel que nos discussions se passionnent dans la mesure où elles s’allègent d’u
558 é d’informations encore plus difficiles à retenir qu’ à rassembler ; car c’est la passion que nous aimons et l’affirmation d
559 à retenir qu’à rassembler ; car c’est la passion que nous aimons et l’affirmation de nos points de vue, et s’il fallait d’
560 iant la solidarité globale. Désormais nous savons qu’ il y a le monde et qu’il est un. Nous le savons théoriquement. Mais il
561 bale. Désormais nous savons qu’il y a le monde et qu’ il est un. Nous le savons théoriquement. Mais il nous faut encore appr
562 sentir et à le penser naturellement. C’est ainsi que se formera cette opinion publique mondiale qui seule nous permettra d
563 cette puissance la plus redoutée est aussi celle qu’ un rien enraye : un écrivain comique, un journal libre, une phrase dan
564 est-à-dire de l’éducation et du civisme, découvre que ce sont précisément quelques-unes de ses bases morales, son esprit ci
565 g Kaï-chek, cependant que l’inflation augmente et que le pays manque à peu près de tout après seize ans de guerre et d’inva
566 eur décision de se retirer des Indes en juin 1948 que la Ligue musulmane se déclare prête à la guerre contre le Congrès, où
567 iennent la majorité. Cependant que l’Indochine et que l’Indonésie en sont encore au stade préliminaire de la lutte pour l’a
568 la réplique rapide, dont les ministres annoncent que c’est le froid qui les oblige à rationner le charbon et l’électricité
569 quand à elle seule elle totalise plus d’habitants que la Russie et les États-Unis additionnés ! Ainsi la « drôle de paix »
570 ats-Unis additionnés ! Ainsi la « drôle de paix » que nous vivons repose en fait sur quatre crises, sur quatre pauvretés co
571 e dis bien que notre paix repose sur ces manques, qu’ elle y trouve ses bases actuelles et ses garanties les plus sûres. Car
572 e sont les richesses d’autrui et non ses maladies que l’on jalouse. Si l’un de ces quatre grands malades recouvrait subitem
573 on des trois autres. Si la Russie pouvait prouver que son régime ménage autant de libertés que la démocratie américaine ell
574 prouver que son régime ménage autant de libertés que la démocratie américaine elle dominerait bientôt le monde par la seul
575 lle arrogance elle ne retrouverait pas. J’imagine que les hommes d’État se préoccupent essentiellement de la répartition de
576 s individus ne se sont unis à cause des richesses qu’ ils avaient, tout au contraire. C’est toujours de la pauvreté que mont
577 tout au contraire. C’est toujours de la pauvreté que montent les appels à l’union et que surgit l’utopie agissante. L’Orga
578 e la pauvreté que montent les appels à l’union et que surgit l’utopie agissante. L’Organisation des Nations unies ne s’est
579 L’Organisation des Nations unies ne s’est formée que pour répondre à l’appel de nos anxiétés et de nos manques. C’est grâc
580 de nos manques. C’est grâce à eux et en eux seuls qu’ elle a pris quelque consistance. Elle se maintient parce que les Russe
581 qui assurent notre paix provisoire. C’est d’elles que naît l’appel à la fédération. Et si les hommes d’État qui se trouvent
582 strer l’ONU ne le comprennent pas il faut prévoir que cet appel créera demain d’autres organes plus capables de l’enregistr
12 1947, Articles divers (1946-1948). Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit : « C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)
583 C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)n Princeton e
584 grandes universités du continent. Depuis deux ans que j’y vis, je vois passer chaque jour sous mes fenêtres, à onze heures
585 s fenêtres, à onze heures du matin, quelque temps qu’ il fasse, le patriarche du nouvel âge, Albert Einstein. Je suis allé l
586 fleurs et d’arbres pleins d’oiseaux. C’est d’ici que partit, en 1939, la fameuse lettre au président Roosevelt, par laquel
587 sident Roosevelt, par laquelle Einstein demandait que fussent organisées d’urgence des recherches sur l’arme atomique. Dans
588 emple. Il y a quelques mois, une de mes voisines, que je ne connais pas, envoie sa petite fille sonner à ma porte. La petit
589 ma porte. La petite fille me dit : « Maman pense que vous pourrez m’aider pour mes devoirs d’arithmétique. » Je l’ai aidée
590 nt pas à la menace atomique. Ils semblent n’avoir qu’ une idée en tête : leur sécurité personnelle, leur prospérité immédiat
591 n fait : un énorme danger collectif effraye moins que nos petits malheurs individuels. La seule chose qui inquiète les Amér
592 s Américains, c’est la Russie. Avez-vous remarqué qu’ il se développe ici une sorte d’hystérie antirusse ? Méfiance russe
593 i. N’ai-je pas entendu répéter ces derniers temps qu’ Einstein serait « très communiste », expression qu’on réserve d’ailleu
594 u’Einstein serait « très communiste », expression qu’ on réserve d’ailleurs aux personnes dont on ne peut affirmer qu’elles
595 d’ailleurs aux personnes dont on ne peut affirmer qu’ elles sont communistes, simplement. N’a-t-il pas proposé, en 1945, de
596 ue de passer pour fasciste à ses yeux, je suggère que la cause la plus nette de ce qu’il nomme l’hystérie antirusse, n’est
597 yeux, je suggère que la cause la plus nette de ce qu’ il nomme l’hystérie antirusse, n’est autre que l’attitude des Russes s
598 ce qu’il nomme l’hystérie antirusse, n’est autre que l’attitude des Russes sur le plan international. Einstein réfléchit u
599 léchit un moment. — Il est évident, dit-il enfin, que l’obstacle majeur à l’établissement d’un gouvernement mondial, c’est
600 a méfiance systématique des Soviets. Or je crains qu’ il n’y ait rien à faire pour la surmonter. Car la cause n’en est que t
601 à faire pour la surmonter. Car la cause n’en est que trop claire. La Russie sait que, dans le jeu actuel, elle est le part
602 la cause n’en est que trop claire. La Russie sait que , dans le jeu actuel, elle est le partenaire le plus faible. Elle s’op
603 aire le plus faible. Elle s’oppose donc à tout ce que les autres proposent. Elle soupçonne une menace dans chacun de nos mo
604 nos mouvements. C’est fatal. Et cela durera tant qu’ elle nous croira les plus forts. — Tant que la bombe sera de notre côt
605 a tant qu’elle nous croira les plus forts. — Tant que la bombe sera de notre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans
606 us forts. — Tant que la bombe sera de notre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans qu’on cite partout, et qui serait
607 tre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans qu’ on cite partout, et qui serait nécessaire à la Russie pour fabriquer s
608 ins. D’ici dix ans au plus. Ce qui est sûr, c’est qu’ elle y travaille. — Croyez-vous que le « rideau de fer » s’explique pa
609 est sûr, c’est qu’elle y travaille. — Croyez-vous que le « rideau de fer » s’explique par la peur qu’ont les Russes que l’o
610 s que le « rideau de fer » s’explique par la peur qu’ ont les Russes que l’on se renseigne sur l’état de leurs travaux atomi
611 de fer » s’explique par la peur qu’ont les Russes que l’on se renseigne sur l’état de leurs travaux atomiques ? — J’ai une
612  ». Les Russes sont très pauvres. C’est pour cela qu’ ils ont si peur des étrangers. Et non sans raison. Car, au cours actue
613 épète, ce qui domine la situation présente, c’est que les Russes se sentent et se savent les plus faibles, surtout par rapp
614 de tout refuser. — Alors que faire ? — Je ne vois qu’ une solution possible. C’est que tous les autres pays forment une orga
615 re ? — Je ne vois qu’une solution possible. C’est que tous les autres pays forment une organisation mondiale solide, sans l
616 e invitation permanente à les rejoindre ? — Mieux que cela : cette organisation mondiale sera bientôt si forte, une fois él
617 iminés les résistances ou le sabotage soviétique, qu’ on n’aura plus besoin d’y garder des secrets. Les Russes pourront bien
618 en entretenir auprès d’elle autant d’observateurs qu’ il leur plaira, officiels ou non. Et à la fin — car ils ne sont pas fo
619 mpant, impatienté, pour dire au violoniste : « Ce qu’ il y a d’ennuyeux avec vous, Albert, c’est que vous ne savez pas compt
620  Ce qu’il y a d’ennuyeux avec vous, Albert, c’est que vous ne savez pas compter ! » Je pense à l’Institut qu’Einstein a fon
621 us ne savez pas compter ! » Je pense à l’Institut qu’ Einstein a fondé avec quelques collègues, ici même, pour éclairer l’op
622 our éclairer l’opinion publique sur les problèmes que pose la bombe. Cet homme se sent-il responsable de la menace d’Apocal
623 se sent-il responsable de la menace d’Apocalypse qu’ il a contribué plus que nul autre à susciter dans notre siècle ? Je to
624 de la menace d’Apocalypse qu’il a contribué plus que nul autre à susciter dans notre siècle ? Je tourne autour de la quest
625 changé les conditions de la guerre beaucoup plus que ne l’avaient déjà fait les raids massifs d’avions. Mais la bombe a du
626 ouvoirs de contrôle illimités. Il répond : — Tant que la machine militaire restera prête à fonctionner dans tous les grands
627 pendant, la proposition Baruch a cela d’excellent qu’ elle impliquerait un renoncement partiel à la souveraineté absolue des
628 e lui cite la parole de Lyautey qui avait demandé qu’ on plante devant sa résidence une arbre d’une espèce rare ; et comme l
629 espèce rare ; et comme le jardinier lui objectait que ces arbres-là prennent plus d’un siècle à se développer : « Vous voye
13 1947, Articles divers (1946-1948). Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)
630 47)o L’émouvante profession de foi fédéraliste qu’ a entendue le congrès des fédéralistes européens de la bouche de M. De
631 ntitulé Le Cœur de l’Europe et dont il n’existe qu’ une édition anglaise. Ce qu’on sait moins chez nous, c’est l’influence
632 et dont il n’existe qu’une édition anglaise. Ce qu’ on sait moins chez nous, c’est l’influence considérable que M. Denis d
633 t moins chez nous, c’est l’influence considérable que M. Denis de Rougemont a exercée aux États-Unis en faveur de notre pay
634 ions. Ce rôle a été d’autant plus utile pour nous que notre neutralité n’a pas toujours été bien comprise et que la presse
635 neutralité n’a pas toujours été bien comprise et que la presse n’a pas toujours été très tendre à notre égard. De cette in
636 otre égard. De cette influence, nous ne donnerons qu’ un exemple, mais qui illustre bien ce que nous venons de dire. Le prés
637 onnerons qu’un exemple, mais qui illustre bien ce que nous venons de dire. Le président Truman avait constitué un comité ci
638 ssi des adeptes, mais c’est évidemment en France, qu’ elle a eu le plus de succès et qu’elle a trouvé peut-être le terrain l
639 ment en France, qu’elle a eu le plus de succès et qu’ elle a trouvé peut-être le terrain le plus favorable. Ce mouvement per
640 stitutions de notre pays, car, contrairement à ce que l’on pense généralement, je m’assure que l’expérience suisse, malgré
641 ent à ce que l’on pense généralement, je m’assure que l’expérience suisse, malgré son petit cadre, est valable pour l’Europ
642 Voyez-vous, on ne se rend pas compte, en Suisse, qu’ il existe en nous, aujourd’hui, un sentiment européen, ce qui n’empêch
643 t important et encourageant tout à la fois, c’est qu’ on assiste au même phénomène qu’il y a cent ans. En 1846, il existait
644 à la fois, c’est qu’on assiste au même phénomène qu’ il y a cent ans. En 1846, il existait un sentiment suisse, mais l’on d
645 tard, elle fonctionnait si bien que l’on eût dit qu’ elle allait de soi. Notez bien que ce sentiment suisse, dans les année
646 ns les années précédant 1848, était informulé, et qu’ il a fallu la campagne de la Société helvétique et les écrits du doyen
647 du fédéralisme suisse. Et cette crise vient de ce que nous sommes entourés d’États-nations, qui menacent notre fédéralisme.
648 rogrès aussi terrifiants. Aussi suis-je convaincu que le salut de notre fédéralisme ne peut venir que d’une Europe fédérée.
649 u que le salut de notre fédéralisme ne peut venir que d’une Europe fédérée. o. Rougemont Denis de, « [Entretien] Convers
14 1947, Articles divers (1946-1948). L’attitude fédéraliste (octobre 1947)
650 attitude fédéraliste (octobre 1947)p Le danger que présente un tel sujet, c’est qu’il risque d’entraîner à des généralis
651 7)p Le danger que présente un tel sujet, c’est qu’ il risque d’entraîner à des généralisations théoriques ; or, rien n’es
652 st plus contraire à l’essence même du fédéralisme que l’esprit théorique et les généralisations. D’autre part, j’ai toujour
653 possible à ses manifestations historiques, telles que nous pouvons les observer et les contrôler de très près dans une expé
654 ontribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’ on le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est donc la défini
655 certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’ on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laque
656 liste ? Nous n’en parlerions pas si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de t
657 lerions pas non plus si nous pensions avec Hitler que l’homme n’est qu’un soldat politique totalement absorbé par le servic
658 us si nous pensions avec Hitler que l’homme n’est qu’ un soldat politique totalement absorbé par le service de la communauté
659 ns. Si nous en parlons, si nous le voulons, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vi
660 arlons, si nous le voulons, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation
661 s’exerce. Aux individualistes nous rappelons donc que l’homme ne peut se réaliser intégralement sans se trouver engagé du m
662 exe social. Et aux collectivistes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à ren
663 cation et la cité ; entre ces deux amours : celui qu’ il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubl
664 amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’ il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tens
665 ui me paraît indispensable. Il ne faut pas penser que la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu s
666 e, c’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. La pe
667 oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que l’individualisme ou
668 que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que l’individualisme outré fait le lit du collectivisme : ces deux extrêm
669 oussière des individus civiquement irresponsables que les dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir, pendant la de
670 t nous avons pu voir, pendant la dernière guerre, que les résistances que rencontrent les dictateurs, sont au contraire le
671 , pendant la dernière guerre, que les résistances que rencontrent les dictateurs, sont au contraire le fait des groupes de
672 mme sur laquelle nos travaux doivent se fonder et qu’ ils ont pour but ultime de promouvoir, nous pouvons passer maintenant
673 ve, le philosophe allemand Karl Jaspers déclarait que l’Europe n’a plus de choix qu’entre la balkanisation et l’helvétisati
674 Jaspers déclarait que l’Europe n’a plus de choix qu’ entre la balkanisation et l’helvétisation. Je suppose que Jaspers ente
675 e la balkanisation et l’helvétisation. Je suppose que Jaspers entendait par balkanisation la désintégration de l’Europe en
676 de « bon exemple » à suivre. Rien de plus banal, que cette référence à la Suisse, dès qu’il est question d’États-Unis d’Eu
677 rapides. » À la deuxième objection, je répondrai que les cantons suisses n’ont adopté une constitution commune qu’en 1848,
678 ons suisses n’ont adopté une constitution commune qu’ en 1848, au terme d’une crise d’assez courte durée, et en dépit d’une
679 tard, elle fonctionnait si bien que l’on eût dit qu’ elle allait de soi. Quant à ce que l’on répète sur la petitesse de la
680 e l’on eût dit qu’elle allait de soi. Quant à ce que l’on répète sur la petitesse de la Suisse et sur l’impossibilité de t
681 stitutions à l’échelle continentale, je répondrai que l’objection est valable si l’on ne s’attache qu’aux détails de la mis
682 que l’objection est valable si l’on ne s’attache qu’ aux détails de la mise en pratique du fédéralisme en Suisse, mais non
683 à dégager de cette expérience l’idée fédéraliste qu’ elle illustre. Une expérience de laboratoire est nécessairement plus r
684 ire est nécessairement plus réduite de dimensions que ses applications, mais pourtant celles-ci n’existeraient pas sans cel
685 à définir en quelques mots, en une formule. C’est qu’ elle est d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plut
686 ule. C’est qu’elle est d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que simplement logique. Elle échappe
687 nique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que simplement logique. Elle échappe aux catégories géométriques du ratio
688 pensée fédéraliste ne saurait être mieux comparé qu’ à un rythme, à une respiration, à l’alternance perpétuelle de la diast
689 ne projette pas devant elle une utopie européenne qu’ il s’agirait simplement de rejoindre, ou des plans statiques qu’il fau
690 t simplement de rejoindre, ou des plans statiques qu’ il faudrait réaliser en quatre ou cinq ans, par la réduction impitoyab
691 e souple et constamment mouvant entre des groupes qu’ il s’agit de composer en les respectant, et non point de soumettre les
692 tomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de la vie politique suisse illustre très clairement. En eff
693 es uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’ à moitié raison. Le véritable fédéralisme ne consiste ni dans la seule
694 nion, tandis que « tous pour un » signifie l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est in
695 et à chaque personne. Il est infiniment probable que sur le plan européen, nous allons voir se dessiner deux tendances tou
696 essiner deux tendances toutes semblables à celles que je viens de signaler en Suisse. Nous aurons des fédéralistes qui ne p
697 se. Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’ à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes pré
698 nous devrons constamment rappeler aux deux partis que le fédéralisme véritable n’est ni dans l’une ni dans l’autre de ces t
699 nds ceux d’avant 1848, on est frappé de constater qu’ ils n’emploient jamais le terme de fédéralisme, qu’ils l’ignorent, et
700 u’ils n’emploient jamais le terme de fédéralisme, qu’ ils l’ignorent, et qu’ils ne touchent que très rarement, et très vague
701 is le terme de fédéralisme, qu’ils l’ignorent, et qu’ ils ne touchent que très rarement, et très vaguement, à l’idée fédéral
702 ralisme, qu’ils l’ignorent, et qu’ils ne touchent que très rarement, et très vaguement, à l’idée fédéraliste en soi. C’est
703 ur vie politique. Il est incontestable, en effet, que l’idée fédéraliste n’a pas cessé d’inspirer et de guider les démarche
704 endant des siècles. Mais il est non moins certain que cette idée est demeurée informulée, et même soigneusement informulée,
705 lée, et même soigneusement informulée, jusqu’à ce que la crise d’une guerre civile, en 1847, l’ait forcée à prendre forme e
706 prendre forme et force de loi. Et ce n’est guère qu’ au xxe siècle que les penseurs et sociologues se sont mis à la commen
707 force de loi. Et ce n’est guère qu’au xxe siècle que les penseurs et sociologues se sont mis à la commenter et à philosoph
708 la pratique politique des Suisses. C’est le défi que représente l’esprit totalitaire, qui les force à faire aujourd’hui la
709 présente, pour la Suisse, je le vois dans ce fait qu’ elle doit se formuler. Elle doit dire ce qui allait sans dire et qui a
710 ce qui allait sans dire et qui alors n’en allait que mieux. Elle s’expose à son risque maximum : celui de décoller de ses
711 s concrètes, perdant ainsi en force originelle ce qu’ elle pourrait gagner en conscience de ses fins. De même pour le fédéra
712 cette question risque d’être mal posée. J’entends qu’ elle risque de ne susciter que des plans rationnels et des systèmes. C
713 al posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter que des plans rationnels et des systèmes. C’est pour éviter ce piège auta
714 t des systèmes. C’est pour éviter ce piège autant que possible que je vais me borner à dégager ici, après coup, quelques-un
715 s. C’est pour éviter ce piège autant que possible que je vais me borner à dégager ici, après coup, quelques-uns des princip
716 Premier principe. — La fédération ne peut naître que du renoncement à toute idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’
717 pe de cantons citadins, plus riche ou plus peuplé que les autres, a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se sont lig
718 ants, les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que de rendre aux vaincus leur pleine égalité de droit. Et de cet acte de
719 issements utiles, ils nous confirment dans l’idée qu’ on ne peut pas atteindre la fin, qui est l’union, par des moyens impér
720 moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’ à l’unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième pri
721 euxième principe. — Le fédéralisme ne peut naître que du renoncement à tout esprit de système. Ce que je viens de dire au s
722 e que du renoncement à tout esprit de système. Ce que je viens de dire au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’une n
723 n de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’est pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à p
724 en que mal ces réalités concrètes et hétéroclites que sont les nations, les régions économiques, les traditions politiques 
725 les arranger selon leurs caractères particuliers, qu’ il s’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisi
726 naît pas de problème des minorités. On objectera que le totalitarisme, lui aussi, supprime ce problème : mais c’est en sup
727 ire voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’ une minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux
728 dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’ une majorité. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’un chif
729 orité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’ à ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit.
730 té. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’ un chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une
731 le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’ une minorité puisse compter pour autant, voire pour plus qu’une majori
732 orité puisse compter pour autant, voire pour plus qu’ une majorité dans certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente un
733 à conserver ses particularités et son autonomie, qu’ il serait hors d’état de défendre seul contre la pression des grands e
734 anes divers d’un même corps, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’
735 t une nécessité vitale, et non pas une concession qu’ on leur demande, ou une diminution de leur valeur propre. Elles compre
736 de leur valeur propre. Elles comprendraient aussi que dans une fédération, elles n’auraient pas à se mélanger, mais au cont
737 le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur. Tout ce qu’ on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’être aussi poumon que p
738 c’est d’être un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon
739 venue dès 1880, dans une lettre prophétique, ceux qu’ il appelait les « terribles simplificateurs ». Lorsque les étrangers s
740 s, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine que composent nos rouages communaux, cantonaux, fédéraux, si diversement
741 diversement engrenés, il convient de leur montrer que cette complexité est la condition même de nos libertés. C’est grâce à
742 ondition même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont constamment rappelés au concret, et que nos l
743 onnaires sont constamment rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les
744 oupent de cent manières différentes. Il est clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin
745 siste, ou simplement tout ce qui dépasse. Mais ce qu’ on écrase ainsi, c’est la vitalité civique d’un peuple. Une politique
746 iosité technique, et de compréhension des peuples qu’ elle gouverne. Elle exige beaucoup plus de vrai sens politique. Finale
747 e. Finalement, si l’on y réfléchit, on s’aperçoit que la politique fédéraliste n’est rien d’autre que la politique tout cou
748 t que la politique fédéraliste n’est rien d’autre que la politique tout court, la politique par excellence — c’est-à-dire l
749 s, l’Europe est beaucoup plus près de s’organiser qu’ il ne le semble. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’elle
750 le. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’ elle ne le croit. C’est sur le plan de l’action gouvernementale que le
751 it. C’est sur le plan de l’action gouvernementale que les oppositions et les rivalités éclatent, et là seulement, elles son
752 lement, elles sont irréductibles. Je ne pense pas que les gouvernements puissent jamais réaliser une union viable. Leurs di
753 iés pour arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’ il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’un match les capit
754 s des équipes en présence. C’est pourtant bien ce qu’ avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce que tente à nouve
755 it tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce que tente à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération europ
756 ui en est morte, et ce que tente à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération européenne ne sera pas l’œuvre d
757 s. Le jour où les peuples d’Europe auront compris qu’ ils sont en réalité beaucoup plus solidaires et plus unis que leurs go
758 en réalité beaucoup plus solidaires et plus unis que leurs gouvernements ne pourront jamais l’être, ils s’apercevront que
759 ents ne pourront jamais l’être, ils s’apercevront que la fédération est non seulement possible, mais facile à réaliser, et
760 tures en sont déjà esquissées. Il n’y manque plus qu’ une charte fédérale, des organes représentatifs, et un dernier élan, u
761 ire forçant la main aux gouvernements. Souhaitons que cet élan soit spontané et non pas provoqué avant terme par une nouvel
762 me par une nouvelle menace extérieure. C’est dire qu’ il nous faut aller vite. ⁂ Il n’y a, dans le monde du xxe siècle, que
763 r vite. ⁂ Il n’y a, dans le monde du xxe siècle, que deux camps, deux politiques, deux attitudes humaines possibles. Ce ne
764 ce ne sont pas non plus la Justice et la Liberté, qu’ il est aussi impossible d’opposer en réalité qu’en principe. Aujourd’h
765 , qu’il est aussi impossible d’opposer en réalité qu’ en principe. Aujourd’hui, repoussant tous ces anciens débats à l’arriè
766 subordonnées. Les principes du fédéralisme, tels que je viens de les rappeler, s’opposent diamétralement et point par poin
767 istes comme on respire — la partie sera déjà plus qu’ à moitié gagnée. Car si l’Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu
768 ar si l’Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu’ elle le devra, et à eux seuls. Sur qui d’autre peut-elle compter ? Ell
769 ntion de le laisser limiter, et c’est pourtant ce que nous leur demandons. Tous les gouvernements ont un penchant marqué à
770 leur être, et même à lui survivre aussi longtemps que possible avec l’appui de la police. Or l’être des gouvernements, dans
771 istible à devenir totalitaires. Et ce n’est point que leurs hommes d’État soient particulièrement bêtes ou méchants, mais l
772 gme de la souveraineté absolue. L’union, la paix, que la plupart d’entre eux désirent, ne peuvent pas être leur affaire, po
773 te l’Europe qui les poussera. De cette agitation, que je voudrais baptiser la Nouvelle Résistance européenne, nous nous som
774 s fédéralistes, dans la conviction sobre et ferme que , cette fois-ci, on ne nous laisserait plus le temps de rater. p. R
15 1947, Articles divers (1946-1948). La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)
775 tion chrétienne de l’amour ? Je demande à voir ce qu’ on entend par là. Si on la confond, comme il arrive, avec le légalisme
776 e légalisme institué par la bourgeoisie, je pense qu’ elle a encore un bel avenir — en URSS. Voyez dans quels termes les Sov
777 xualité. Il n’est pas exact de dire, par exemple, que « l’homme primitif et l’homme civilisé (maintiennent) l’amour sous la
778 ) l’amour sous la tutelle d’une éthique… » Car ce que les primitifs réglementaient n’était jamais l’amour au sens où nous l
779 ait jamais l’amour au sens où nous l’entendons et qu’ ils ignoraient totalement, mais les rapports sexuels. Maintenant, le t
780 est la liberté même. (Et quant à ceux qui croient que c’est la haine qui libère, ils croient aussi sans doute que la police
781 la haine qui libère, ils croient aussi sans doute que la police crée l’ordre, quand elle n’en est que le déchet.) Les seuls
782 e que la police crée l’ordre, quand elle n’en est que le déchet.) Les seuls obstacles réels à l’amour sont en nous : sécher
783 ndra la liberté », dit la chanson. Mais il arrive que les voies et moyens que nous imaginons pour le réaliser — religions,
784 a chanson. Mais il arrive que les voies et moyens que nous imaginons pour le réaliser — religions, éthiques, politiques, pu
785 radation « dialectique » apparemment inévitable3, que réside la lourde réalité du problème que vous posez. Je ne me sens pa
786 itable3, que réside la lourde réalité du problème que vous posez. Je ne me sens pas capable de le résoudre en quelques lign
787 lité, nous en jouissons et nous en souffrons plus que toute autre civilisation connue. C’est la raison même pour laquelle u
788 cratiques déclaraient un beau jour en tous termes que dans ce domaine-là tout est permis, on sentirait à peine la différenc
789 issent des mêmes droits politiques et économiques que les autres. D’une manière générale, les sanctions dans le domaine sex
790 gligeables parmi nous, si on les compare à celles qu’ entraîne la simple tentative de traverser une frontière sans visa, le
791 nous qui pose un problème sérieux. Si l’on estime que l’état présent de nos mœurs est satisfaisant, il en résulte qu’une « 
792 sent de nos mœurs est satisfaisant, il en résulte qu’ une « éthique de l’amour » (entendons de la sexualité) n’est pas néces
793 u juste assez pour que le piquant d’une tricherie que toutes nos modes, romans et films favorisentf. Si l’on estime au cont
794 f. Si l’on estime au contraire, comme je le fais, que nous vivons dans le chaos, l’amertume et la contradiction, il nous fa
16 1947, Articles divers (1946-1948). La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)
795 le guide, ils ne circulent pas encore, mais vous, qu’ est-ce que vous dites de la question des Noirs aux États-Unis, hein ? 
796 ils ne circulent pas encore, mais vous, qu’est-ce que vous dites de la question des Noirs aux États-Unis, hein ? » Ce dialo
797 journalistes qui parlent en leur nom. C’est ainsi que L’Humanité, comme pour détourner l’attention des mises au pas mensuel
798 culture décrétées par Jdanov en Russie, proclame que « l’Amérique dégrade l’esprit ! » Le raisonnement, sur huit colonnes,
799 Miller propage l’idée du monde la plus désespérée qu’ un Américain ait encore puisée dans son pays » ; 2° Truman veut asserv
800 dernier qui est « le plus rusé de tous » écrit ce qu’ il faut pour servir « l’expansionnisme » du dollar. Qu’on ne rie pas :
801 faut pour servir « l’expansionnisme » du dollar. Qu’ on ne rie pas : il s’agit de « dialectique ». Et qu’on ne hausse pas l
802 ’on ne rie pas : il s’agit de « dialectique ». Et qu’ on ne hausse pas les épaules : il s’agit d’un retour en force de l’hit
803 l. (C’est à peine si les termes ont changé depuis que Goebbels et Gaida insultaient les Yankees barbares.) Tout le raisonne
804 repose sur la conviction typiquement totalitaire que ce qu’on publie dans un pays donné ne peut et ne doit servir que le p
805 sur la conviction typiquement totalitaire que ce qu’ on publie dans un pays donné ne peut et ne doit servir que le parti au
806 blie dans un pays donné ne peut et ne doit servir que le parti au pouvoir. Ainsi, Faulkner, Hemingway et Miller, nolens vol
807 erait le fait d’un calcul de Staline ? Il se peut que les rédacteurs de L’Humanité s’imaginent servir la paix et la justice
808 ⁂ Tout d’abord, il est notoirement faux d’écrire que Henry Miller a puisé son désespoir « dans son pays » : c’est la vie d
809 est la vie de Montparnasse entre les deux guerres que décrivent ses Tropiques, publiés à Paris, et interdits en Amérique. E
810 ction d’un de ces romans ne représentent au mieux qu’ une fraction négligeable des bénéfices sur la vente en Amérique ; 5° L
811 tirent à 800 000 avant la mise en vente, pour peu qu’ un book club s’y intéresse ; 6° Le succès à l’étranger d’un Henry Mill
812 orts avec les vomissements décrits par un Miller, que la réalité américaine avec ce qu’en écrit un stalinien. Ceci dit, et
813 par un Miller, que la réalité américaine avec ce qu’ en écrit un stalinien. Ceci dit, et les arguments de L’Humanité propre
814 celle du grand public, c’est-à-dire du simplisme qu’ on baptise opinion moyenne. Sur la dictature de l’argent aux USA, tout
815 out a été dit, et les cent anecdotes personnelles que je pourrais verser au dossier n’ajouteraient rien que l’on ne sache.
816 je pourrais verser au dossier n’ajouteraient rien que l’on ne sache. Comme dans tous les pays où l’entreprise est libre, ma
817 ous les pays où l’entreprise est libre, mais plus que chez nous, parce que l’Américain n’est pas hypocrite dans ce domaine,
818 vres et de revues demandent avant tout d’un écrit qu’ il se vende. On m’assure que l’éditeur d’Ambre fit savoir à la jeune e
819 avant tout d’un écrit qu’il se vende. On m’assure que l’éditeur d’Ambre fit savoir à la jeune et jolie femme qui en est l’a
820 oir à la jeune et jolie femme qui en est l’auteur qu’ il jugeait l’ouvrage très mauvais, mais l’acceptait comme très vendabl
821 ès mauvais, mais l’acceptait comme très vendable. Qu’ il y ait là une dégradation de l’esprit, je pense que tout le monde l’
822 il y ait là une dégradation de l’esprit, je pense que tout le monde l’admettra, sans chicaner sur le sens exact du mot espr
823 ui fait le succès financier d’un roman, bien plus que la passion du gain chez l’éditeur. En d’autres termes, si Ambre est u
824 qui réduit à néant ceux de Miller à Paris, c’est que la majorité du grand public est imbécile. Il faut donc l’éduquer, con
825 uvera le meilleur de ce qui s’écrit chez nous. Et que lui donne-t-on, dans le fait ? D’excellents articles sur l’hygiène, l
826 e majoritaire, nous voici tout près des problèmes que pose la « culture des masses » en Russie comme en Amérique. Un commun
827 en Russie comme en Amérique. Un communiste moins que tout autre a le droit d’ironiser sur ce sujet. L’éditeur américain,
828 jour avec une force, une pertinence, une cruauté qu’ aucun critique européen n’égale. De Mencken à Philip Wylic, de Thorste
829 s Américains eux-mêmes, avec une liberté d’esprit que l’Europe ne peut qu’envier, et qui épouvanterait les staliniens. La b
830 s, avec une liberté d’esprit que l’Europe ne peut qu’ envier, et qui épouvanterait les staliniens. La balance n’est pas égal
831 les tentations de l’argent et du succès vulgaire que les habitudes de mensonge en service commandé par l’État. Ce qui dégr
832 at. Ce qui dégrade l’esprit, ce n’est pas le fait que les mauvais romans encombrent l’étalage, mais qu’on n’ait plus le dro
833 que les mauvais romans encombrent l’étalage, mais qu’ on n’ait plus le droit de les juger mauvais si le Parti les déclare or
834 roducers de Broadway me dit en riant : « Il n’y a qu’ une réponse possible. Je vais faire jouer cette pièce ici, ce sera le
17 1947, Articles divers (1946-1948). Une Europe fédérée (20 décembre 1947)
835 yez à cette fédération de l’Europe ? » Je réponds qu’ il s’agit plutôt de la vouloir. « Mais pourquoi, me dit-on, faudrait-i
836 me dit-on, faudrait-il la vouloir ? » Je réponds qu’ il n’y a qu’à regarder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères, qu’à
837 faudrait-il la vouloir ? » Je réponds qu’il n’y a qu’ à regarder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères, qu’à voir la pla
838  » Je réponds qu’il n’y a qu’à regarder l’Europe, qu’ à faire son bilan de misères, qu’à voir la place qu’elle tient encore
839 garder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères, qu’ à voir la place qu’elle tient encore ou ne tient déjà plus dans le mon
840 ’à faire son bilan de misères, qu’à voir la place qu’ elle tient encore ou ne tient déjà plus dans le monde actuel… Mais pui
841 pour formuler quelques observations très simples qu’ il suffit de grouper pour qu’elles parlent clairement, et d’ordonner p
842 ut le monde ne le voit pas d’un coup d’œil, c’est que « l’homme moderne est démodé », comme l’a dit un Américain : sa consc
843 son atlas pour faire tourner un globe il verrait que le plus court chemin de l’Amérique à la Russie ne passe plus par l’Eu
844 es rendent plus étroits. L’Europe est plus petite que nous ne pensions, le monde plus grand. Nos descendants s’étonneront b
845 ont bien que Valéry ait pu nous étonner en notant que l’Europe n’est qu’un cap de l’Asie. À ces faits matériels vient s’ajo
846 ait pu nous étonner en notant que l’Europe n’est qu’ un cap de l’Asie. À ces faits matériels vient s’ajouter le grand fait
847 s colonisés. Ensemble, nous serons aussi nombreux que les deux Grands additionnés. Ils baisseront le ton, et l’on pourra pa
848 ton, et l’on pourra parler. Notre vocation Qu’ aurons-nous donc à dire dans cette conversation une fois les pistolets
849 osés sur la table ? Deux mondes sont en présence, que nous n’approuvons pas, pour des raisons d’ailleurs très inégales. L’u
850 la dictature d’un seul parti ; qui ne représente qu’ un quart du corps électoral dans les pays où il est le plus fort, et q
851 st le plus fort, et qui ne peut faire notre unité que sur nos ruines, par l’occupation russe, et dans les camps. À l’égard
852 des mœurs et de la culture elle y perdrait autant que nous. L’Europe a dépassé le stade de l’individualisme économique. Son
853 venter un régime neuf, plus souple et plus humain que la dictature russe, mais guéri de l’obsession de l’argent qui dénatur
854 e à la fois libre et engagée, l’homme qui sait ce qu’ il se doit et ce qu’il doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans to
855 engagée, l’homme qui sait ce qu’il se doit et ce qu’ il doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans tous nos pays les meil
856 ’il se doit et ce qu’il doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans tous nos pays les meilleures têtes, j’entends les moin
857 n. Voilà la vocation de l’Europe. Or il est clair qu’ aucune de nos nations n’est en mesure de la réaliser pour son seul com
858 isme. L’opposition Il semble à première vue qu’ un tel programme soit si clairement inscrit dans les données du siècle
859 s du siècle et si lisible aux meilleures volontés qu’ il ne puisse provoquer d’opposition foncière. Qui oserait dire : « Je
860 ait dire : « Je veux une Europe désunie ! Je veux que nos rivalités se perpétuent ! Je veux que nos pays s’effondrent un à
861 Je veux que nos rivalités se perpétuent ! Je veux que nos pays s’effondrent un à un en toute souveraineté nationale, qu’ils
862 fondrent un à un en toute souveraineté nationale, qu’ ils se cantonnent dans le double refus de l’Amérique et de la Russie,
863 ns le double refus de l’Amérique et de la Russie, qu’ ils y ajoutent un troisième refus, celui de l’Europe, jusqu’à ce qu’il
864 un troisième refus, celui de l’Europe, jusqu’à ce qu’ ils soient dûment colonisés ! » Personne n’ose dire cela, ou comme cel
865 isme et stalinisme. Le nationalisme n’est en fait qu’ une crispation de névrose féodale, un complexe de repli devant les réa
866 hui la planète. Le défaitisme consiste à déclarer que la guerre des deux blocs est fatale ; inutile de rien faire en l’atte
867 ose qui l’empêche ! Enfin le stalinisme a décrété que l’union de l’Europe est antirusse, ce qui est la manière stalinienne
868 irusse, ce qui est la manière stalinienne de dire que la Russie ne veut pas la paix de l’Europe. Invités aux congrès fédéra
869 en tirant le rideau de fer, s’enferment et crient qu’ on les empêche d’entrer, qu’on les exclut, qu’on fait un bloc contre e
870 s’enferment et crient qu’on les empêche d’entrer, qu’ on les exclut, qu’on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’à
871 ent qu’on les empêche d’entrer, qu’on les exclut, qu’ on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’à faire l’Europe san
872 qu’on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’ à faire l’Europe sans eux. Les sceptiques rejoindront un jour, les déf
873 n’est pas une politique. Quand il est autre chose que l’effet naturel d’une grande affirmation centrale, il n’est même pas
874 l n’est même pas un vrai refus : il ne peut mener qu’ à accepter par force ce qu’on a combattu dans la faiblesse au nom de r
875 fus : il ne peut mener qu’à accepter par force ce qu’ on a combattu dans la faiblesse au nom de rien. Mais où est la grande
876 octrine nouvelle consacrer ce besoin d’engagement que les totalitaires ne demandent qu’à tromper ? Ils donnent des mitraill
877 in d’engagement que les totalitaires ne demandent qu’ à tromper ? Ils donnent des mitraillettes à ceux qui veulent du pain,
878 e. En dehors d’eux rien n’a paru depuis la guerre qu’ ils avaient eux-mêmes déclenchée. Et nous savons pourtant que nous som
879 ent eux-mêmes déclenchée. Et nous savons pourtant que nous sommes plus libres qu’eux, et plus sages que les Américains. Mai
880 nous savons pourtant que nous sommes plus libres qu’ eux, et plus sages que les Américains. Mais nous restons les bras ball
881 que nous sommes plus libres qu’eux, et plus sages que les Américains. Mais nous restons les bras ballants, regardant à droi
882 inventer l’avenir. C’est le fédéralisme, qui veut que la Terre promise ne soit pour nous ni l’Amérique ni la Russie, mais c
18 1948, Articles divers (1946-1948). Notes sur la voie clandestine (hiver 1948)
883 ine (hiver 1948)t Il faut être aussi rationnel que possible. Pas davantage. On verra bien jusqu’où cela va. Ensuite on v
884 tant de fois refusé dans un écart désarçonnant : qu’ est-ce que le destin d’un homme, — mon destin ? C’est ici que la voie
885 ois refusé dans un écart désarçonnant : qu’est-ce que le destin d’un homme, — mon destin ? C’est ici que la voie prend nais
886 ue le destin d’un homme, — mon destin ? C’est ici que la voie prend naissance. Tu as un destin si tu es distinct. Tout homm
887 je suis unique, il est une voie qui n’est tracée que pour moi seul, et que seul je pourrai deviner comme on fait un poème,
888 t une voie qui n’est tracée que pour moi seul, et que seul je pourrai deviner comme on fait un poème, ou plutôt : comme on
889 suivent. (Par toute autre voie sûre et connue, où que j’arrive, je me perdrais en route.) Dans l’insignifiance d’une vie o
890 e sens acceptable sous l’uniforme absurdité de ce que l’on voit. C’est le seul optimiste parmi nous, qui ait causé de l’êtr
891 enir, ou parce qu’elle est un peu moins apparence que tout le reste et un peu plus apparition. Certains soirs, il descend l
892 ndant cela seulement qui ne ressemble à rien mais qu’ il reconnaîtra du premier coup : un repère à la craie sur le seuil de
893 epère à la craie sur le seuil de sa vie, une note que lui seul peut entendre parce qu’elle résout sa dissonance intime et l
894 harmonie de son destin. Cherchant ce qui ne vibre qu’ à lui-même et révèle un accord instant, il marche au son, comme les gr
895 ne route en do dièse dans la nuit des hauteurs. ⁂ Que chacun donc découvre ses symboles et la voie que lui seul peut frayer
896 Que chacun donc découvre ses symboles et la voie que lui seul peut frayer pour s’approcher des mystères communs. Mais le m
897 rd qui juge, tous les deux sans visage… Il semble que ces formes et figures soient presque seules à définir le pouvoir d’il
898 andestine, fleurs de cette « rhétorique du rêve » que Jean-Paul a nommée le premier, ils règlent la circulation entre les p
899 fondeurs et la surface manifeste. ⁂ Je ne parlais que des Grands Rêves et des vrais jeux. Bien entendu, pour l’usage quotid
900 . Mais nous touchons ici au fétichisme, qui n’est qu’ une obsession morbide du sens des signes. ⁂ Quand tout se ferme devant
901 des signes. ⁂ Quand tout se ferme devant moi, et que rien ne m’indique plus comment agir et comment sortir de l’impasse, j
902 e le clin d’œil de mes superstitions improvisées. Qu’ est-ce donc que cela ? Un moyen de me refonder sur mes assises inconsc
903 de mes superstitions improvisées. Qu’est-ce donc que cela ? Un moyen de me refonder sur mes assises inconscientes, si la r
904 et là où elle se tait. Car d’une part les signes que j’accueille ont bien des chances d’être dans la complicité de mon exi
905 même à mes propres yeux. D’autre part, il se peut que ces signes baignent dans une réalité profonde, celle du mythe, à quoi
906 Survient alors celui qui dit : « Vous ne retenez que les coïncidences, prémonitions et prédictions heureuses, une sur dix,
907 nces de laboratoire. Et comme vous, je ne retiens que le dixième, qui donne un sens. Mais les neuf autres n’ont pas été vai
908 tout serait donc déterminé ? Nous n’aurions plus qu’ à suivre une voie rigide, fixée de toute nécessité par le Destin ? Err
909 ent dramatique. Quel coup pour nos philosophies ! Qu’ on m’en cite une qui s’en relèverait. Une seule ! ⁂ Une idée me retien
910 ⁂ Une idée me retient, me tient probablement plus que jamais encore je ne me l’étais avoué : celle du changement instantané
911 e s’en doute. Ne serait-ce pas sur cette croyance que reposent les vœux, incantations, magie — et la prière ? « Croire », d
912 et la prière ? « Croire », disait Kierkegaard, «  que Dieu peut à tout instant, voilà la santé de la foi. » ⁂ Amoureux égal
913 t avec tout le monde, depuis trois-cent-mille ans qu’ il y a des hommes et qui aiment : « Question de peaux. » Nous en somme
914 voie ou s’ils l’inventent ? S’ils ne l’inventent qu’ en la suivant telle qu’elle était, ou ne la suivent qu’en l’inventant
915 ent ? S’ils ne l’inventent qu’en la suivant telle qu’ elle était, ou ne la suivent qu’en l’inventant telle qu’elle devient ?
916 la suivant telle qu’elle était, ou ne la suivent qu’ en l’inventant telle qu’elle devient ? Créer ou rejoindre un poème, u
917 e était, ou ne la suivent qu’en l’inventant telle qu’ elle devient ? Créer ou rejoindre un poème, un destin, un amour, une
918 un souvenir perdu, comme un rêve qui sombrait et que je ramène sur la berge du réveil par une touffe de cheveux, par la ma
919 es trucs aussi, souvent vulgaires. Le poète croit que 12 syllabes, exactement… Le superstitieux, que le 21 du mois, à 7 heu
920 it que 12 syllabes, exactement… Le superstitieux, que le 21 du mois, à 7 heures… Un beau soir le beau vers accourt sur douz
921 , comme il y a bonne et mauvaise poésie. Ajoutons que le vrai superstitieux se moque des superstitions comme le vrai poète
19 1948, Articles divers (1946-1948). Rencontre avec Denis de Rougemont (janvier 1948)
922 main sacrilège, l’un des murs de cette citadelle qu’ est, pour la république des Lettres, l’immeuble des Éditions Gallimard
923 le de moine, tout embrumé par la fumée des pipes, que je rencontre, conversant avec Brice Parain et le Père Bruckberger, De
924 e son propos, et son regard s’éclaire d’une lueur qu’ il me faut bien qualifier de « mystique ». Demandez-lui ce qu’il fait 
925 t bien qualifier de « mystique ». Demandez-lui ce qu’ il fait : Je n’ai d’autre spécialité, vous répondra-t-il, que de réflé
926 : Je n’ai d’autre spécialité, vous répondra-t-il, que de réfléchir aux conséquences générales des découvertes particulières
927 couvertes particulières, et aux liaisons humaines qu’ elles affectent. C’est un intellectuel. Un intellectuel qui n’a pas m
928 ique pour y faire des conférences. Il n’en revint qu’ au mois de juillet dernier. Il vécut à New York, à Princeton, où il re
929 ance d’innocence, de sports et d’ombres vertes », que demeurait Albert Einstein, l’inventeur de la bombe atomique. Nous éti
930 t de la bombe atomique. Avez-vous eu l’impression qu’ Einstein se sentait responsable de sa découverte ? Einstein est pacifi
931 ? Einstein est pacifiste, il est antimilitariste. Que les conséquences de sa découverte l’effrayent, c’est certain. Mais sa
932 té ne se sent pas engagée. Sans doute, pense-t-il que , même sans lui, le secret aurait été découvert, et que par conséquent
933 même sans lui, le secret aurait été découvert, et que par conséquent… « La bombe, m’a-t-il dit, n’a pas changé les conditio
934 changé les conditions de la guerre beaucoup plus que ne l’avaient déjà fait les raids massifs d’avions. Mais la bombe a du
935 la guerre qui se trouve posée. » Et de la Russie que pense-t-il ? Pour lui, les Russes se savent et se sentent les plus fa
936 auvreté ne soit pas découverte. Einstein souhaite que tous les autres pays forment une organisation mondiale assez solide p
937 lide pour que l’URSS finisse par se rendre compte que son avantage n’est pas de s’y opposer perpétuellement et en vain, mai
938 x et des revues de France et de Suisse — articles qu’ il a d’ailleurs rassemblés en un volume sous le titre : Vivre en Amér
939 re américaine est dans un certain sens plus saine que la nôtre. Les disputes autour de l’engagement de l’écrivain n’existen
940 it de soi en Europe aussi, avant le xixe siècle. Que faisaient Dante, Cervantès, Swift, Voltaire, Rousseau, etc. ? Et Calv
941 delaire, et Kierkegaard, dont toute l’œuvre n’est qu’ immense effort pour atteindre les gens et qui est mort — oui, littéral
942 a le plus étonné, ici, dans la littérature, c’est qu’ elle soit aujourd’hui encore représentée par la génération des hommes
943 génération des hommes de 40 à 50 ans. Je pensais que de plus jeunes nous relèveraient, s’imposeraient. Eh bien ! non. Ceux
944 ainsi. C’est, me semble-t-il, dis-je à mon tour, que le fossé creusé par la guerre de 1914 était moins profond que celui q
945 creusé par la guerre de 1914 était moins profond que celui qu’a creusé cette guerre-ci. Pour les jeunes hommes d’aujourd’h
946 r la guerre de 1914 était moins profond que celui qu’ a creusé cette guerre-ci. Pour les jeunes hommes d’aujourd’hui, il ne
947 st à recréer. Ils n’ont encore rien à dire, ou ce qu’ ils voudraient exprimer est encore imprécis. Ceux qui élèvent la voix,
948 s hommes de 40 ans comme vous les nommez, ne font que poursuivre les discours commencés avant 1939. À cette époque, ils por
949 r autant. Voilà pourquoi ce sont eux et eux seuls qu’ on entend, ou du moins qu’on écoute. Les autres n’en sont encore qu’au
950 e sont eux et eux seuls qu’on entend, ou du moins qu’ on écoute. Les autres n’en sont encore qu’aux balbutiements. La musiqu
951 u moins qu’on écoute. Les autres n’en sont encore qu’ aux balbutiements. La musique s’est tue. Les tables se vident. Dans ce
952 ruit de la rue n’est perceptible ici. L’on dirait qu’ on est en marge du temps. Cela donne à notre colloque une apparente gr
953 une apparente gratuité qui en trahit l’objet. Ce qu’ il y a de remarquable chez les plus grands écrivains d’à présent, me d
954 en souvent, ce n’est pas dans leur pays d’origine qu’ ils rencontrent le plus large accueil. Ils sont tentés d’aller là où i
955 ls deviennent des errants. Je crois, quant à moi, que cette transformation de leur existence ne peut pas être sans influenc
956 éen, me déclare Denis de Rougemont. Mais je pense que notre continent ne peut être sauvé que par une organisation fédérativ
957 s je pense que notre continent ne peut être sauvé que par une organisation fédérative. Le modèle en est fourni par la Suiss
958 es régions vers l’union, et, d’autre part, l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Au mois d
959 pes du fédéralisme. Il ne peut naître, disais-je, que d’un renoncement à toute idée d’hégémonie organisatrice, d’abord, à t
960 ehors de ces gouvernements, contre eux peut-être, que l’organisation fédérative doit naître. Il faut provoquer les états gé
961 ont il vient de me parler. Il faut, me répond-il, que toutes les professions, toutes les classes soient représentées. Je vo
962 ure où toutes les aspirations pourront s’exprimer que le fédéralisme européen pourra s’imposer. Mais sa réalisation ne vous
963 déralistes, je vous l’assure, la partie sera plus qu’ à moitié gagnée. Voici venue l’heure de nous séparer. Nous faisons enc
964 il achèvera de mettre au point le prochain livre qu’ il doit publier : Les Personnes du drame . J’y traite de Goethe, de K
965 des deux mondes , des essais sur des mythes, tels que « Le supplice de Tantale », « L’Ombre perdue », « Le nœud gordien » —
966 « L’Ombre perdue », « Le nœud gordien » — textes qu’ il écrivit entre 20 et 40 ans. Mais son plus important projet est de c
967 plus important projet est de composer une morale qu’ il intitulera : La Règle du jeu. Espérons que la bombe atomique n’inte
968 rale qu’il intitulera : La Règle du jeu. Espérons que la bombe atomique n’interrompra pas vos travaux… La bombe n’est pas d
969 horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qu’ il faut contrôler. Adieu ! s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Ren
20 1948, Articles divers (1946-1948). Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)
970 Les deux blocs ? Il n’en existe qu’ un (9 janvier 1948)u Les uns nous disent que le choix est fatal ent
971 te qu’un (9 janvier 1948)u Les uns nous disent que le choix est fatal entre l’URSS et les USA, et les autres refusent le
972 au dollar américain. Mais les seconds proclament qu’ ils ne choisiront pas entre la peste et le choléra et qu’ils tiennent
973 ne choisiront pas entre la peste et le choléra et qu’ ils tiennent la balance égale entre le refus du stalinisme et le refus
974 tre les blocs. Tout cela repose sur l’idée simple que nous sommes pris entre deux grands empires également impérialistes, é
975 et celui des États-Unis dans notre monde : c’est que nous avons chez nous un parti stalinien, qui prend ses ordres à Mosco
976 sque dans nos communes : tandis que les USA n’ont que des sympathies, point de propagande organisée, aucun moyen de donner
977 pas de doctrine, et n’ont rien d’autre à proposer qu’ un genre de vie, leur way of life qui n’est nullement une arme de comb
978 tentative d’unir les nations de l’Europe : c’est qu’ elle veut diviser pour régner. Les États-Unis, au contraire, poussent
979 Où faut-il donc chercher l’impérialisme ? Avouons qu’ il n’est pas le même des deux côtés. Un contraste frappant Et si
980 en Amérique elle est entièrement libre, et mieux que cela : on en tient compte. En Russie, on promet la lune aux ouvriers,
981 agnent à peu près à chaque fois les améliorations qu’ ils revendiquent, sur un niveau de vie d’ailleurs bien plus élevé que
982 , sur un niveau de vie d’ailleurs bien plus élevé que celui des ouvriers russes. Il faut vraiment se boucher les yeux pour
983 ues aux USA, non pas en URSS. Enfin, l’on me dira qu’ il y a dans les deux camps des opprimés, de la misère et des scandales
984 s au nom de la dialectique marxiste : c’est ainsi que Staline a justifié la liquidation des koulaks et le pacte germano-sov
985 e. Toutes les comparaisons précises et objectives que l’on peut établir entre les deux puissances nous conduisent à la même
986 e les moyens de communication, s’ouvre enfin plus qu’ aucun pays à toutes les influences du monde, et sait très bien que sa
987 pas un bloc. Un seul remède : nous fédérer Que devient alors ce choix que certains nous proposent ou que d’autres dé
988 mède : nous fédérer Que devient alors ce choix que certains nous proposent ou que d’autres déclarent noblement décliner 
989 ent alors ce choix que certains nous proposent ou que d’autres déclarent noblement décliner ? En fait, il n’y a plus de cho
990 re un prétendu « bloc américain » n’a d’autre but que de masquer ce fait brutal : la Russie ne veut pas d’une Europe forte,
991 dire d’une Europe unie et autonome ; elle ne veut qu’ une Europe livrée à sa merci par les rivalités nationalistes et la mis
992 r que nous ne tombions pas dans le piège grossier que nous tendent les Russes : c’est là son intérêt le mieux compris, d’un
993 eux compris, d’un point de vue stratégique autant que culturel. Mais elle ne pourra nous aider que si nous existons d’abord
994 tant que culturel. Mais elle ne pourra nous aider que si nous existons d’abord. Le seul choix qui nous reste ouvert, c’est
995 emont Denis de, « Les deux blocs ? Il n’en existe qu’ un », L’Intransigeant, Paris, 9 janvier 1948, p. 4.
21 1948, Articles divers (1946-1948). Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)
996 q minutes, pensant avoir assez compris. Dira-t-on qu’ elle était Américaine ? À l’époque, on vit dans ce trait une exagérati
997 it français. À lire les plaintes ou les diatribes que provoque parmi nous depuis quelques semaines l’apparition des « conde
998 tion des « condensés », on serait tenté de croire que ces produits sont d’invention américaine, et que leur soudaine diffus
999 que ces produits sont d’invention américaine, et que leur soudaine diffusion provient d’une clause secrète du plan Marshal
1000 lan Marshall. Preuve de plus des sombres desseins que nourrissent les grands trusts et Wall Street, acharnés à nous asservi
1001 ner du lait en poudre aux enfants. Il faut avouer que le nom même de « condensé » nous vient de l’anglais, ou mieux, de l’a
1002 e tiré de l’adjectif condensed (from…), il semble que nos éditeurs aient voulu souligner le caractère américain de leur ent
1003 umé au lieu de condensé pour que l’on s’aperçoive que nous sommes en présence d’une querelle aussi vieille que celle des ma
1004 s sommes en présence d’une querelle aussi vieille que celle des manuels. Et il suffit de parler d’adaptations (ou d’abrégés
1005 es souvenirs, et sans recourir à d’autres sources qu’ un vieux Lanson que j’ai sous la main. ⁂ En 1714, Houdar de La Motte c
1006 ns recourir à d’autres sources qu’un vieux Lanson que j’ai sous la main. ⁂ En 1714, Houdar de La Motte condense L’Iliade en
1007 nt s’est nourrie toute notre enfance. Il est vrai qu’ en tout cela je n’ai cité que des traductions, et que ni Goethe, ni Sw
1008 enfance. Il est vrai qu’en tout cela je n’ai cité que des traductions, et que ni Goethe, ni Swift, ni Cervantès n’ont jamai
1009 en tout cela je n’ai cité que des traductions, et que ni Goethe, ni Swift, ni Cervantès n’ont jamais reçu le prix Goncourt,
1010 du succès et de la valeur littéraire intrinsèque, que le Roman de Tristan et Yseult, dans la version de Joseph Bédier : con
1011 uchant la valeur même du procédé. Il est probable que le « condensé » n’aurait pas provoqué pareille indignation chez les c
1012 ort ancien, mais encore l’Amérique en abuse moins que nous. Au reste, ces « condensés » sont très loin de jouer dans l’édit
1013 ouer dans l’édition américaine le rôle exorbitant que nous leur attribuons, et qu’ils semblent en passe de prendre ici. Qua
1014 e le rôle exorbitant que nous leur attribuons, et qu’ ils semblent en passe de prendre ici. Quant à la légitimité de l’adapt
1015 de l’adaptation en général, les exemples français que j’ai cités suffisent à faire voir qu’elle est infiniment variable. La
1016 es français que j’ai cités suffisent à faire voir qu’ elle est infiniment variable. La Motte et Ducis appauvrissent, défigur
1017 défigurent, saccagent leur modèle, et ne peuvent qu’ en écarter le lecteur. Vogüé résume, croit condenser, mais perd en den
1018 que, et peut-être aussi le modèle (ou la victime) que l’on choisit. À ce propos, il est curieux de relever que tout se pass
1019 n choisit. À ce propos, il est curieux de relever que tout se passe comme si les grands chefs-d’œuvre se prêtaient mieux au
1020 grands chefs-d’œuvre se prêtaient mieux au résumé que les ouvrages d’une honnête moyenne. Les critiques n’ont pas protesté
1021 te moyenne. Les critiques n’ont pas protesté tant qu’ on nous a servi Shakespeare et Goethe, Cervantès et Dostoïevski dans d
1022 it : j’ai peine à partager cette répulsion. C’est que le style de Goethe m’importe davantage que celui du dernier prix Tart
1023 C’est que le style de Goethe m’importe davantage que celui du dernier prix Tartempion. J’avouerai même, pendant que j’y su
1024 artempion. J’avouerai même, pendant que j’y suis, que ce qui me choque dans l’entreprise des éditeurs français de « condens
1025 ise des éditeurs français de « condensés », c’est qu’ ils accordent à des ouvrages moyens ou faibles un honneur qui convient
1026 ibles un honneur qui convient aux plus grands, et que seuls les plus grands soutiennent. Trois remarques encore sur ce vast
1027 ennent. Trois remarques encore sur ce vaste sujet que je ne puis traiter ici qu’en « condensé ». L’on admet sans mauvaise h
1028 ore sur ce vaste sujet que je ne puis traiter ici qu’ en « condensé ». L’on admet sans mauvaise humeur que Don Quichotte ou
1029 ’en « condensé ». L’on admet sans mauvaise humeur que Don Quichotte ou Robinson soient résumés à l’usage des enfants et des
1030 aie culture ? N’a-t-il pas droit aux mêmes égards que la jeunesse de la part de ceux qui l’éduquent ? Ne faut-il pas lui mé
1031 cès progressif aux chefs-d’œuvre ? Autre question que je poserai sans la trancher : si l’on reproche aux « condensés » d’év
1032 ment choisis qui l’illustraient et le nuançaient, que doit-on dire de presque toutes les traductions ? Et surtout des adapt
1033 n de Vialatte, faite sur un roman non terminé, et que l’auteur voulait détruire, ne court-il pas les mêmes dangers que s’il
1034 ulait détruire, ne court-il pas les mêmes dangers que s’il était « condensé » en cinquante pages ? Faut-il crier à l’améric
1035 oir cette œuvre atteindre enfin la vaste audience que nos critiques n’avaient pas su lui procurer ? Pour ma part, je salue
1036 e crois vain de s’indigner des « condensés » tant qu’ on n’aura rien fait pour la culture des masses ; car nous sommes en dé
1037 es en démocratie, et les masses y sont le despote qu’ il s’agit avant tout d’éclairer. Mais il n’est pas vain d’exiger que l
1038 tout d’éclairer. Mais il n’est pas vain d’exiger que les fabricants de condensés se donnent des règles et jouent franc jeu
1039 densés se donnent des règles et jouent franc jeu. Qu’ ils résument sans jamais récrire, c’est-à-dire qu’ils se bornent à des
1040 Qu’ils résument sans jamais récrire, c’est-à-dire qu’ ils se bornent à des coupures, et s’il faut un raccord ici ou là, qu’i
1041 des coupures, et s’il faut un raccord ici ou là, qu’ ils l’impriment dans un autre caractère ; qu’ils avertissent bien clai
1042 là, qu’ils l’impriment dans un autre caractère ; qu’ ils avertissent bien clairement le lecteur qu’on ne lui vend qu’un rés
1043 e ; qu’ils avertissent bien clairement le lecteur qu’ on ne lui vend qu’un résumé, et qu’ils rappellent les dimensions de l’
1044 sent bien clairement le lecteur qu’on ne lui vend qu’ un résumé, et qu’ils rappellent les dimensions de l’original ; enfin q
1045 ent le lecteur qu’on ne lui vend qu’un résumé, et qu’ ils rappellent les dimensions de l’original ; enfin qu’ils prennent le
1046 s rappellent les dimensions de l’original ; enfin qu’ ils prennent le soin de renvoyer aux éditions complètes de l’œuvre, da