1
propagés par le latin d’église. Et ce n’est point
que
tous ces arts classiques ne soient sortis de l’enceinte ecclésiastiqu
2
r. 2. Depuis les temps où la philosophie n’était
que
la servante de la théologie, ses efforts d’émancipation les plus viol
3
s violents, et même couronnés de succès, n’ont pu
que
confirmer une dépendance qui n’est certes plus de droit, mais n’en de
4
en demeure pas moins de fait et de nature, autant
que
d’origine. Les grandes doctrines encore vivantes et agissantes au xxe
5
placer l’appareil scolastique — c’est du moins ce
que
proclament les philosophes, avec une insistance parfois suspecte — ma
6
specte — mais le débat central reste théologique,
qu’
on le veuille ou non, qu’on l’admette comme Bergson vers la fin de sa
7
ntral reste théologique, qu’on le veuille ou non,
qu’
on l’admette comme Bergson vers la fin de sa carrière, qu’on cherche à
8
admette comme Bergson vers la fin de sa carrière,
qu’
on cherche à le camoufler comme Heidegger, ou qu’on préfère l’ignorer
9
qu’on cherche à le camoufler comme Heidegger, ou
qu’
on préfère l’ignorer comme Dewey. 3. Les rapports entre la théologie
10
lement définissables et contrôlables. Il est vrai
que
certaines influences directes, attestées par les écrivains eux-mêmes,
11
r Gerard Manley Hopkins. Mais il ne me paraît pas
que
le problème dans son ensemble ait été clairement posé ou étudié, ni p
12
autres, et pour l’élite en général ? Il est clair
que
la théologie n’a pas besoin de la littérature et peut s’en désintéres
13
n désintéresser sans grand dommage. Si l’on admet
qu’
elle a pour objet principal de formuler et de critiquer le dogme chrét
14
s de l’Église. Mais il est beaucoup moins évident
que
la littérature puisse se passer impunément de la théologie. Et il est
15
mpunément de la théologie. Et il est bien certain
que
lorsqu’elle s’en passe, les effets s’en font sentir dans l’Église mêm
16
piété et celui de la littérature, les atmosphères
qu’
elles créent, les problèmes qu’elles envisagent, les valeurs morales q
17
e, les atmosphères qu’elles créent, les problèmes
qu’
elles envisagent, les valeurs morales qu’elles tiennent pour allant de
18
roblèmes qu’elles envisagent, les valeurs morales
qu’
elles tiennent pour allant de soi, tout est devenu trop différent, et
19
faute ? 4. Certes, je suis le premier à redouter
que
les théologiens se mettent à faire de la critique littéraire, comme i
20
faire de la critique littéraire, comme il arrive
qu’
on en lise sous leur nom dans les revues de pensée religieuse : il s’a
21
ole de Dieu, mais c’est le contraire. S’il arrive
qu’
un pasteur ou un prêtre juge opportun de parler d’un livre, j’attends,
22
ttends, à la fois comme fidèle et comme écrivain,
qu’
il en parle en théologien, et non pas en homme cultivé, en moraliste o
23
aux jeunes théologiens qui me liront. Je voudrais
que
certains d’entre eux se consacrent à l’examen, à la critique et même,
24
ents de la théologie a pour conséquence immédiate
qu’
ils se condamnent à découvrir, tous les vingt ans, des Amériques depui
25
Une histoire qui nous montrerait non seulement ce
que
les écrivains, à leur insu, doivent à l’atmosphère religieuse de leur
26
point d’en devenir méconnaissable. Petit exemple
que
je mentionne faute de mieux pour l’entreprise et non pour le succès.
27
alité ardente et courageuse. Pourquoi faudrait-il
qu’
à l’obscurantisme théologique qui dénote la culture d’aujourd’hui, rép
28
robation morale et de timidité bourgeoise, plutôt
que
de rigueur théologique ? Au nom des besoins de la paroisse de campagn
29
régulière, la confirmant ainsi dans sa persuasion
que
l’Église est bonne pour les petits bourgeois, n’a rien à dire aux esp
30
e aux esprits libres et « avancés », et ne tolère
que
le mauvais art du dernier siècle ? Au lecteur convaincu comme moi de
31
en Angleterre et dans les deux Amériques. Notons
que
si cette influence s’est montrée décisive dans beaucoup de conversion
32
ibérale se lie aux mouvements romantiques. C’est
que
l’écrivain romantique croit voir dans les dogmes autant d’entraves à
33
remier, semblable à la colombe de Kant, s’imagine
qu’
il volerait mieux dans le vide. Le second, mieux assuré de la force de
34
ir moins dans telle doctrine théologique régnante
que
dans l’atmosphère et l’ambiance de controverses théologiques mêlées à
35
tion comme auteurs « chrétiens » ou « religieux »
que
ceux qui parlent de Dieu et traitent de sujets religieux. Ici encore
36
r !… mais ceux qui font la volonté de mon Père… »
que
nous devons prendre au sérieux. Faire la volonté de Dieu, en écrivant
37
e l’Esprit dans la genèse de son œuvre. Il oublie
que
le style d’un écrit transmet pour son compte et par lui-même un « mes
38
message » souvent beaucoup plus réel et agissant
que
celui qui fait l’objet déclaré du dit écrit. Parfois ces deux message
39
l’autre secrètement dans l’esprit du lecteur. Ce
qu’
il importe de rappeler ici, c’est que toute œuvre littéraire, si profa
40
lecteur. Ce qu’il importe de rappeler ici, c’est
que
toute œuvre littéraire, si profane qu’en soit le sujet, implique une
41
ici, c’est que toute œuvre littéraire, si profane
qu’
en soit le sujet, implique une théologie (fût-ce à l’insu de son auteu
42
une théologie (fût-ce à l’insu de son auteur), et
qu’
elle l’exprime par les mouvements mêmes du style, plus fidèlement et d
43
us fidèlement et d’une manière plus contraignante
que
par son argumentation. Expliciter cette théologie serait rendre un se
44
rendre un service important aux auteurs non moins
qu’
au public. Ces brèves remarques atteindront leur objet, si par leur in
45
théologiens à pousser plus avant dans un domaine
que
j’espérais simplement désigner. b. Rougemont Denis de, « Théologie
46
désir de Tantale suffisait à repousser les objets
qu’
il désire, et sa crainte l’objet qu’il redoute. Quand il se penche ver
47
er les objets qu’il désire, et sa crainte l’objet
qu’
il redoute. Quand il se penche vers la surface de la rivière où il bai
48
oyer la branche au-dessus de son front, on dirait
que
son geste même déclenche un mécanisme qui l’annule. Mais on dirait au
49
e un mécanisme qui l’annule. Mais on dirait aussi
que
son regard, dès qu’il l’élève avec angoisse vers le rocher, retient l
50
e vers le rocher, retient le rocher. Étrange lieu
que
ce coin du Tartare, où la pesante logique de la matière est abolie po
51
pesante logique de la matière est abolie pour peu
que
l’homme se manifeste. Serait-ce un pur lieu de l’esprit ? Oui, car à
52
e, afin de s’assurer un empire terrestre. Doutons
que
la philanthropie préside au vol de Tantale, quand il est assez clair
53
éside au vol de Tantale, quand il est assez clair
qu’
il jalouse les dieux, leur divination, leur puissance, et tous les pla
54
divination, leur puissance, et tous les plaisirs
qu’
ils en tirent. Quant à la mise à mort du fils, offert ensuite aux dieu
55
ourriture meilleure, il est surprenant d’observer
qu’
elle invertit exactement le sacrifice du Fils de Dieu. Au lieu du Père
56
elles), répond un châtiment dont on croit deviner
qu’
il n’est qu’une double réfraction du crime dans l’ordre humain. Parce
57
nd un châtiment dont on croit deviner qu’il n’est
qu’
une double réfraction du crime dans l’ordre humain. Parce qu’il a conv
58
e salut gratuit, et c’est pourquoi les châtiments
qu’
infligent les dieux revêtent en général un caractère de revanche pure
59
t simple, et comme automatique. C’est autant dire
que
dans le monde païen, l’homme reste seul avec lui-même et se ferme aux
60
venu d’ailleurs. (Les « dieux » n’étant, en fait,
que
ses propres limites.) Dans l’histoire du supplice de Tantale, cet aut
61
u supplice de Tantale, cet automatisme est si sûr
qu’
il autorise à des spéculations précises, encore que fantastiques en ap
62
u’il autorise à des spéculations précises, encore
que
fantastiques en apparence. Je vois Tantale soutenu dans la rivière, l
63
a tête, l’onde et la branche ne s’écartant de lui
qu’
à l’instant où il veut les atteindre, et tout cela ne tient vraiment q
64
eut les atteindre, et tout cela ne tient vraiment
qu’
à lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas
65
teindre, et tout cela ne tient vraiment qu’à lui,
qu’
aux dispositions de son âme : c’est que celles-ci n’ont pas changé dep
66
qu’à lui, qu’aux dispositions de son âme : c’est
que
celles-ci n’ont pas changé depuis ses crimes. Nourrissant avec obstin
67
t orgueil. Imaginons, maintenant, par impossible,
que
Tantale renonce un instant, qu’il s’abandonne, et qu’il préfère souda
68
, par impossible, que Tantale renonce un instant,
qu’
il s’abandonne, et qu’il préfère soudain à son amour d’un moi coupable
69
Tantale renonce un instant, qu’il s’abandonne, et
qu’
il préfère soudain à son amour d’un moi coupable et torturé, l’expiati
70
pas à la résurrection, ni au pardon, ni au salut
que
lui vaudrait un instant de pur abandon — payé de sa mort, il est vrai
71
’est encore son désir, donc lui-même — à la proie
qu’
il ne posséderait qu’en acceptant d’être changé d’abord. Que lui servi
72
, donc lui-même — à la proie qu’il ne posséderait
qu’
en acceptant d’être changé d’abord. Que lui servirait, pense-t-il, de
73
osséderait qu’en acceptant d’être changé d’abord.
Que
lui servirait, pense-t-il, de gagner le monde s’il y perdait son moi
74
le monde s’il y perdait son moi ? Il est certain
qu’
à sa manière il a raison. Car à gagner, l’on perd toujours quelque cho
75
posons un individu qui aurait désiré si longtemps
que
tout son être en fût devenu attente, espoir et nostalgie. Cet être-là
76
e se trouve ainsi conçue : « Tous mes biens tels
qu’
ils sont et vont reviendront et appartiendront à celui des sept de MM.
77
s. Le marchand Neupeter se demande s’il ne s’agit
que
d’une mauvaise farce, indigne d’un homme de sens. Le fiscal Knol se s
78
le rusé libraire, essaie de se remémorer tout ce
qu’
il y a d’émouvant dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure que
79
t dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure
que
pour tout l’or du monde, une plaisanterie de ce genre ne le ferait pa
80
’inspecteur de police Harprecht lui fait observer
que
s’il parvient à pleurer à force de rire, ce ne sera qu’un vol pur et
81
il parvient à pleurer à force de rire, ce ne sera
qu’
un vol pur et simple, mais l’Alsacien proteste que s’il rit, « c’est p
82
qu’un vol pur et simple, mais l’Alsacien proteste
que
s’il rit, « c’est par pure plaisanterie, et non pas dans une intentio
83
glise, se met à faire une allocution, car il sait
que
cela le fait pleurer… Mais Flachs, maintenant, a fermé les yeux. Il é
84
cause du testament, — et il s’en faut de bien peu
qu’
il ne pleure… Le conseiller continue son discours… Soudain : « Je croi
85
orés Messieurs, dit Flachs en se levant, je crois
que
je pleure ! » Et, en effet, il se rassoit en sanglotant brièvement. S
86
le mécanisme du supplice de Tantale, c’est-à-dire
qu’
elle s’annule de soi-même. Si un homme croit pouvoir s’autoriser du mé
87
la précision miraculeuse ! Pour si peu d’égoïsme
qu’
il subsiste dans l’acte de porter les lèvres ou la main vers cette eau
88
mouvements divers, comme on dit. C’est comme cela
qu’
existe l’esprit européen : dans la libre discussion, nous confie Denis
89
conclusion. Il veut une solution pratique, autant
que
possible. Mais il est capable, après une conversation, de changer d’o
90
ropéen se retranche dans ses convictions et pense
que
l’adversaire est méchant, puisqu’il ne pense pas comme lui. Des entre
91
u’il ne pense pas comme lui. Des entretiens, tels
qu’
ils viennent d’avoir lieu à Genève, eussent été un four aux États-Unis
92
aient été interdits. Personnellement, je regrette
qu’
aucun Russe n’ait répondu à notre invitation. Heureusement, nous avons
93
st simple mot. Votre démocratie est plus formelle
que
celles de nous tous. Nous, nous acceptons de n’être pas complètement
94
venir chez nous. Vous refusez ? Nous ne demandons
qu’
à comprendre. C’est à quoi, d’ailleurs, nous espérons parvenir lors de
95
s des prochains entretiens de Genève. À condition
que
nous ayons plus de contacts personnels entre représentants des différ
96
s. » … Notez, nous dit encore Denis de Rougemont,
que
je passe pour un homme de gauche dans les partis de droite et pour un
97
té. On le voit, M. Denis de Rougemont nous prouve
que
l’esprit européen s’inspire d’une grande liberté et d’une parfaite fr
98
hose de positif des entretiens de Genève. Il faut
que
Genève devienne une sorte de Salzbourg intellectuel, ajoute notre int
99
n de ce genre. Denis de Rougemont souhaite encore
que
l’an prochain on invite des conférenciers américains, dont la voix ne
100
parée des dialogues européens. Il souhaite encore
que
l’on organise à Genève un Café de Flore de l’Esprit européen, ou chac
101
e cité internationale, à condition, bien entendu,
que
l’esprit puisse y souffler librement où il veut. c. Rougemont Deni
102
llers (1947)k Je ne connais dans tout New York
qu’
une seule vraie terrasse de café, celle du Brevoort, au bas de la Cinq
103
Brevoort, au bas de la Cinquième Avenue. C’est là
que
Dos Passos situe plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là qu’i
104
e plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là
qu’
il y a bien six ans j’ai connu Carson McCullers. Elle avait l’air d’un
105
farouchée. Ses mains tremblaient, et l’on pensait
que
sans sa mère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux p
106
nes lorsqu’on leur fait un compliment. Je suppose
que
mon étonnement eût atteint la stupéfaction si j’avais lu avant cette
107
ait pour les repas autour d’une très longue table
que
servaient deux ou trois énormes négresses. Wystan Auden y présidait a
108
aison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’art
que
j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. Et puis leur nomadisme
109
une littérature américaine et la française, c’est
que
la première ne professe pas du tout ce culte du roman américain qui c
110
ay, Dos Passos et Steinbeck. C’est dire peut-être
que
les jeunes Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’assouplir
111
xieux de renouveler ou d’assouplir leurs procédés
que
de se créer un ordre intime et d’approcher par des moyens plus déliés
112
ne sorte de brutalité qui en était le reflet plus
que
l’explication. Mais cette recherche obscurément spirituelle ne tend j
113
ectifs, conduite avec une sympathie plus fascinée
que
volontaire. Ainsi les êtres qui animent cet ouvrage se poursuivent, s
114
ne les maisons où la radio choisit les symphonies
qu’
elle aime. Le soir, elle va s’asseoir dans une cour obscure et elle éc
115
me. Elle appelle sa première sonate : Cette chose
que
je veux, je ne sais pas quoi. Je pense qu’on est en droit de parler
116
chose que je veux, je ne sais pas quoi. Je pense
qu’
on est en droit de parler ici d’une « expérience romanesque », comme n
117
en règle générale, tout juste aussi intelligents
que
leur auteur ; ou si ce dernier leur fait dire des bêtises, c’est pour
118
r à mépriser l’erreur ou la bassesse d’une classe
qu’
ils représentent, d’une tendance ou d’un vice dont ils sont les suppor
119
exprimait la pensée de Malraux, au lieu de n’être
qu’
un accord isolé de la partition. Chez les jeunes écrivains américains,
120
en tout cas, vous ne pourrez tirer des dialogues
qu’
une connaissance plus intime des héros. Rien à citer de la part du rom
121
en à citer de la part du romancier. Les arguments
qu’
échangent avec passion un ivrogne et un docteur nègre (p. 307 et 308)
122
es — à propos du problème des Noirs en Amérique —
qu’
un article documenté du même auteur ne ferait sans doute que circonscr
123
cle documenté du même auteur ne ferait sans doute
que
circonscrire et limiter. Notons aussi que la nouvelle littérature amé
124
s doute que circonscrire et limiter. Notons aussi
que
la nouvelle littérature américaine, au lieu de mettre en scène des in
125
dactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller
que
pour sensibiliser les questions qui tourmentent l’époque. ⁂ Je me sui
126
ous dans un geste mortel, coupant, atroce. Est-ce
que
le sujet serait la solitude, la frustration ? Ou bien l’enfance plus
127
bien l’enfance plus sérieuse et plus métaphysique
que
l’âge adulte ? (Les scènes et les dialogues d’enfants sont d’une just
128
fois ? Je me demandais aussi : comment se peut-il
que
ce livre impossible à classer, ni brutal, ni sexy, ni religieux, ni r
129
est là. Pour la première, je puis dire après coup
que
j’aurais dû trouver une clé dans cette lettre d’un sourd-muet à son a
130
ette lettre d’un sourd-muet à son ami devenu fou,
qu’
on va lire aux pages 219-220 : « Les autres, écrit-il, haïssent tous q
131
tous quelque chose. Et ils ont tous quelque chose
qu’
ils aiment plus que la nourriture ou le sommeil ou le vin ou la compag
132
Et ils ont tous quelque chose qu’ils aiment plus
que
la nourriture ou le sommeil ou le vin ou la compagnie d’un ami. C’est
133
me regarde étonnée, presque indignée : — Il n’y a
que
cela ! Elle voulait dire l’amour des êtres, l’amour réel, et non pas
134
qui sont des voyages concentrés et plus émouvants
que
les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée ne s’établit jamais
135
sique russe indéfiniment répétées, pour ne garder
que
le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la déc
136
ents du point de vue de l’usager moyen, je dirais
que
je les trouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé
137
seconde, et je ne savais rien des premières sinon
qu’
un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge
138
uverain de la région, dans cette égalité scolaire
que
créent en Suisse les bancs de bois peints en faux bois jaune clair. O
139
avec une emphatique autorité des noms de villages
que
tout le monde connaissait, mais cela faisait partie du jeu. En bons é
140
après sept ans d’absence, l’été dernier, et plus
que
jamais frappé par ce trait national — le seul sans doute, chez nous,
141
lement l’honnêteté, tendrait à nous faire oublier
que
la correction, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et
142
é des citoyens sont de purs et simples miracles ;
que
le monde est une jungle atomique, l’humanité dans sa très grande majo
143
ce miracle est si bien déguisé en exacte banalité
que
les Suisses le prennent pour banal. Ils pensent mener la vie normale
144
bables, très rarement observés sur la planète, et
que
la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les ore
145
train-train de nos corruptions. Donc les Suisses
que
je vois en IIIe classe offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D
146
n monde. D’où vient alors cette espèce de malaise
qu’
éprouvent les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent place dans nos t
147
mais, se propose par contraste une réponse. C’est
qu’
en Suisse on se sent regardé, examiné, jugé, jaugé, plus que nulle par
148
se on se sent regardé, examiné, jugé, jaugé, plus
que
nulle part ailleurs au monde. Tout se passe en somme, inconsciemment,
149
stions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline
que
peuvent représenter une cravate insolente, une conversation à voix tr
150
ment justifier l’espèce particulière d’irritation
que
provoquent ces regards apparemment timides, vaguement bovins, mais di
151
outenez d’abord avec curiosité, puis vous trouvez
que
cela suffit, mais eux bien loin de se troubler pèsent encore un temps
152
e quelque inertie, et finalement ne se détournent
qu’
avec cet air exaspérant de celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais i
153
nt, je veux dire trop méfiant et même intolérant.
Qu’
ils aient seulement l’air étonnés suppose déjà beaucoup de retenue… À
154
… À propos de cette pax helvetica, si vous pensez
que
j’exagère, laissez-moi recopier un « avis » imprimé que j’ai pu lire
155
exagère, laissez-moi recopier un « avis » imprimé
que
j’ai pu lire l’été dernier, punaisé près de la porte du balcon dans u
156
rajet. On sent bien qu’il a l’habitude. On dirait
qu’
il s’installe dans son bureau, et sa pensée ne vagabonde pas, reste en
157
à, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos
que
le peuple suisse paraît de plus en plus enclin à respecter le velours
158
somnole. En face de lui, la beauté même, « ô toi
que
j’eusse aimée », sa fille sans doute, fume en feuilletant un magazine
159
en feuilletant un magazine. Je croyais autrefois
que
les premières étaient vides. C’était vrai, les enfants voient juste.
160
ême raison, des transparents. (Avez-vous remarqué
que
les trains qui vous croisent sont transparents s’ils vont très vite ?
161
eb-Bucuresti. Voilà la Suisse en raccourci, telle
que
je l’aime : croisement des traditions locales les plus touchantes et
162
cette amie dans vos bras, vous ne trouvez à dire
que
des phrases banales : « Viens ici qu’on se voie un peu. Eh bien ! tu
163
uvez à dire que des phrases banales : « Viens ici
qu’
on se voie un peu. Eh bien ! tu n’as pas trop changé ! » Mais d’un cou
164
fin, j’ai hâte de lui demander : « Et maintenant,
qu’
allons-nous faire ensemble ? » ⁂ L’Europe a mauvaise mine, il faut l’a
165
es traits, on en reçoit une impression d’ensemble
que
je traduirai par ces mots : on dirait, à la voir, qu’elle a perdu la
166
je traduirai par ces mots : on dirait, à la voir,
qu’
elle a perdu la guerre. Militairement, Hitler et ses séides ont été ba
167
: l’un est une brute, et son point de vue, c’est
que
la brutalité doit toujours triompher ; l’autre est un parfait gentlem
168
pher ; l’autre est un parfait gentleman qui croit
que
les bonnes manières viendront à bout de tout. Mais, si la brute se je
169
e. Maintenant le gagnant se relève : il se trouve
que
c’est notre gentleman de tout à l’heure, mais le voilà méconnaissable
170
le passage du Führer. La lutte contre les forces
qu’
il incarnait devant nous a réveillé ces forces parmi nous. L’Europe a
171
destruction de tous ces éléments — l’anti-Europe.
Qu’
était-il en effet pour ceux qui le combattaient ? La rage antichrétien
172
e. Hitler battu, son corps brûlé dans le pétrole,
que
reste-t-il ? À peu près tout cela — moins Hitler. Mais tout cela qui
173
s effets du capitalisme et par l’esprit bourgeois
que
tous ces philosophes, cependant, combattaient, passée dans notre sièc
174
ites échappent aux Églises. Elles ne croient plus
qu’
en l’ici-bas, qu’en cette vie-ci, qu’en un bonheur cinématographique,
175
x Églises. Elles ne croient plus qu’en l’ici-bas,
qu’
en cette vie-ci, qu’en un bonheur cinématographique, ou qu’en une just
176
croient plus qu’en l’ici-bas, qu’en cette vie-ci,
qu’
en un bonheur cinématographique, ou qu’en une justice instaurée par l’
177
te vie-ci, qu’en un bonheur cinématographique, ou
qu’
en une justice instaurée par l’inquisition policière, la dictature d’é
178
es masses et ces élites n’ont rien de plus pressé
que
de s’asservir aux dogmes d’un parti. Tout ce qu’a perdu la religion,
179
que de s’asservir aux dogmes d’un parti. Tout ce
qu’
a perdu la religion, c’est la politique qui le gagne. Admirable libéra
180
’hui n’est plus religieux, mais politique. L’idée
que
« la fin justifie les moyens » n’est plus jésuite, mais léniniste, ma
181
mêmes dont la fonction serait de l’attaquer, d’où
qu’
il vienne. Mais ces lâchetés intellectuelles se parent des noms d’amou
182
nouveau succès de l’esprit totalitaire qui n’a eu
qu’
à changer d’étiquette pour occuper, sans coup férir, d’importantes sec
183
rovinces où, depuis le Moyen Âge, on avait oublié
qu’
il y eût un problème juif. Tout se passe comme si l’écrasement du foye
184
yer même de ce mal infernal n’avait eu pour effet
que
d’en faire rejaillir de tous côtés les étincelles. Le nationalisme fa
185
tale, se voit nourrie de nos passivités. Voilà ce
qu’
on nous prépare à droite comme à gauche, avec cette minutie sourde et
186
minutie sourde et aveugle aux indications du réel
qu’
apportent à leurs petites occupations les aliénés. Si l’on se bat en E
187
qui se disent de bonne volonté ! Pendant ce temps
que
font les élites ? J’entends les hommes dont la fonction serait de dén
188
nter les remèdes ? Leur voix ne porte guère, tant
qu’
elle n’emprunte pas les haut-parleurs contrôlés par l’État ou par le p
189
r, de se « mettre au pas » spontanément, au point
que
rien ne passe plus de ce qu’on avait à dire. Devant cette impuissance
190
ontanément, au point que rien ne passe plus de ce
qu’
on avait à dire. Devant cette impuissance pratique à inscrire leurs pe
191
ectuels s’inscrivent dans un parti et c’est là ce
qu’
ils appellent s’engager. Mais c’est en fait, pour la plupart d’entre e
192
et douée d’une vertu agissante, il ne suffit pas
que
le penseur s’achète une étiquette ou un insigne. Et cependant, s’il s
193
e pessimisme et de mauvaise conscience. Il semble
que
l’idée de décadence, acclimatée avant la guerre par des penseurs auss
194
tée avant la guerre par des penseurs aussi divers
que
Spengler, Valéry et Huizinga, se soit généralement substituée dans no
195
fatiguée, notre scepticisme lucide… ⁂ Il se peut
que
le portrait de l’Europe que je viens d’esquisser devant vous pèche pa
196
lucide… ⁂ Il se peut que le portrait de l’Europe
que
je viens d’esquisser devant vous pèche par excès de pessimisme, et qu
197
ser devant vous pèche par excès de pessimisme, et
que
plusieurs des rides que j’ai cru distinguer sur le visage spirituel d
198
r excès de pessimisme, et que plusieurs des rides
que
j’ai cru distinguer sur le visage spirituel du continent — je ne dis
199
e dis rien de son visage physique — ne trahissent
qu’
une fatigue temporaire. Je n’ignore pas que l’autodénigrement, chez no
200
issent qu’une fatigue temporaire. Je n’ignore pas
que
l’autodénigrement, chez nous autres Européens, se confond trop souven
201
op souvent avec le sens critique. Je n’ignore pas
que
l’indignation morale est un genre littéraire, dont la rhétorique fort
202
ue fort ancienne peut entraîner à l’injustice. Et
qu’
enfin, vis-à-vis des êtres que l’on aime, il arrive qu’on manque d’ind
203
r à l’injustice. Et qu’enfin, vis-à-vis des êtres
que
l’on aime, il arrive qu’on manque d’indulgence… Faisons la part de ce
204
fin, vis-à-vis des êtres que l’on aime, il arrive
qu’
on manque d’indulgence… Faisons la part de ces travers ou de ces exagé
205
e nos estimations ou jugements subjectifs : c’est
que
la situation de l’Europe dans le monde s’est modifiée, qu’elle s’est
206
tuation de l’Europe dans le monde s’est modifiée,
qu’
elle s’est même totalement renversée depuis l’automne de 1939. Avant c
207
ntinents. L’Europe nous semblait donc plus grande
qu’
elle n’était. D’où l’effet de choc que produisit dans nos esprits, au
208
plus grande qu’elle n’était. D’où l’effet de choc
que
produisit dans nos esprits, au lendemain de l’autre guerre, la phrase
209
j’imagine aussi vue de Russie, paraît plus petite
que
nature : physiquement resserrée entre deux grands empires dont les om
210
notion qui s’étiole chez nous d’autant plus vite
qu’
elle grandit mieux ailleurs, chez les voisins où elle s’est transplant
211
asse comme si l’excès où ils la portent et l’abus
qu’
ils nous semblent en faire nous dégoûtaient de son usage normal. Ainsi
212
nous ni tout leur bien, ni tout leur mal ? C’est
qu’
en Europe, elles se trouvaient toujours en état de composition, tandis
213
t par tous les barrages de douanes ou de coutumes
que
l’Amérique ne connaît pas. Et de même le progrès social s’est vu brid
214
et de contradictions, définit l’équilibre humain
qu’
on nomme Europe. Il conditionne aussi notre culture. Et nous allons vo
215
ditionne aussi notre culture. Et nous allons voir
qu’
il traduit, et parfois aussi qu’il trahit, la conception européenne de
216
nous allons voir qu’il traduit, et parfois aussi
qu’
il trahit, la conception européenne de l’homme. Toute la question est
217
enir cet équilibre malgré l’attraction formidable
qu’
exercent sur nous, par leur masse, le colosse russe et le colosse amér
218
olosse américain, et malgré toutes les tentations
que
représentent leurs succès littéralement démesurés. Essayons d’évaluer
219
par ses machines et par ses capitaux. Mais voici
que
l’Amérique et la Russie viennent de lui ravir coup sur coup les machi
220
te ans, et sans retour possible, à vues humaines.
Que
nous reste-t-il donc en propre ? Un monopole unique : celui de la cul
221
n état d’efficacité. Or, il s’en faut de beaucoup
que
les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Eu
222
raison — je n’en juge pas ici —, ils s’imaginent
que
ces pays réalisent mieux que leur nation ce qu’ils attendent eux-même
223
i —, ils s’imaginent que ces pays réalisent mieux
que
leur nation ce qu’ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi, ce ne son
224
t que ces pays réalisent mieux que leur nation ce
qu’
ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi, ce ne sont pas seulement les
225
ment aux conceptions et aux coutumes européennes,
que
deux classes par ailleurs tout opposées : les intellectuels non embri
226
semble, malgré les illusions de santé et de durée
que
peuvent entretenir encore dans nos vies certains îlots d’inconscience
227
très sérieusement si, dans cette conjoncture plus
que
défavorable, il est bien légitime de s’obstiner, de parler d’une défe
228
ustifiables ? Ou bien ne sont-elles rien de mieux
que
les sentiments égoïstes d’un vieux propriétaire dépossédé qui pleure
229
lors que ce domaine menace ruine par sa faute, et
que
les nouveaux acquéreurs vont en tirer un bien meilleur parti, pour l’
230
eur parti, pour l’avantage du plus grand nombre ?
Que
valent nos craintes ? Qu’avons-nous peur de perdre en vérité ? Cette
231
du plus grand nombre ? Que valent nos craintes ?
Qu’
avons-nous peur de perdre en vérité ? Cette même question, je sais plu
232
ils se demandent si c’est l’Europe ou l’Amérique
qu’
il leur faut souhaiter pour leur enfant. Car nous pensons à notre Euro
233
ou la Russie, ne serait-ce pas ce « Kinderland »
qu’
appelait Nietzsche de ses vœux ? Ce n’est pas assez de donner des ancê
234
it donc de savoir si nous défendons plus et mieux
que
de belles ruines, des préjugés sociaux, et des habitudes de culture p
235
tour de cette absence insensible au grand nombre.
Qu’
y perdrait le monde ? Qu’y perdraient nos enfants ? Alors paraît comme
236
ensible au grand nombre. Qu’y perdrait le monde ?
Qu’
y perdraient nos enfants ? Alors paraît comme dénudée par ces question
237
s au nom de je ne sais quel nationalisme européen
qu’
il nous faut défendre l’Europe, mais au seul nom de l’humanité la plus
238
mme une position polémique à l’intérieur du champ
que
l’on observe. Mais si maintenant nous regardons l’Europe dans le mond
239
ne très solide réalité spirituelle. S’il est vrai
que
l’Europe, jusqu’à ce siècle, ne s’est guère sentie et conçue comme un
240
huilée, sans histoire, et sans drame. Il s’ensuit
que
le héros européen sera l’homme qui atteint, dramatiquement, le plus h
241
emplaire » nous livrent le secret de l’opposition
que
je voudrais vous faire sentir. Pour eux la vie se résume en deux opér
242
ition comme l’indice d’un mauvais fonctionnement,
qu’
il faut éliminer doucement ou brutalement pour arriver à l’unanimité,
243
ront de plus en plus. Pour illustrer le contraste
que
je viens d’esquisser d’une manière un peu trop schématique et abstrai
244
ise qui nous rassemble ici. En Amérique, je pense
que
ces rencontres seraient un four, ou un flop, comme ils disent. La div
245
de nos points de vue inquiéterait l’auditeur plus
qu’
elle ne l’intéresserait. L’Américain moyen demande une solution qu’il
246
resserait. L’Américain moyen demande une solution
qu’
il puisse appliquer en sortant, là où nous cherchons avant tout un app
247
Russie, je ne crois pas être injuste en affirmant
que
ces rencontres seraient simplement interdites, ou conduiraient leurs
248
sur le banc des aveux spontanés. Et je ne dis pas
que
l’Américain et le Russe n’aient quelques bonnes raisons de se comport
249
s raisons de se comporter ainsi, je dis seulement
que
leurs raisons ne sont pas celles de la culture ; que la culture suppo
250
leurs raisons ne sont pas celles de la culture ;
que
la culture suppose la libre discussion, en vue d’un engagement plus a
251
authentique au service d’une plus large vérité ;
que
telle est bien la vocation de l’Europe, et que l’Europe existe au plu
252
; que telle est bien la vocation de l’Europe, et
que
l’Europe existe au plus haut point comme entité spirituelle, dans les
253
plus purs modèles, crucifié entre ces contraires
qu’
il a d’ailleurs lui-même définis : l’immanence et la transcendance, le
254
des énergies immenses. Et c’est pour cette raison
qu’
elle prévient parmi nous les entreprises et les plans gigantesques que
255
mi nous les entreprises et les plans gigantesques
que
nous voyons proliférer ailleurs. D’autre part, elle a pour effet de c
256
adiction (s’il la domine en création) c’est celui
que
j’appelle la personne. Et ces institutions à sa mesure, à hauteur d’h
257
sée, même gratuite d’apparence. Demandons-nous ce
que
nous avons à faire pour maintenir et pour illustrer les valeurs propr
258
is pas — notez-le bien — empêcher les révolutions
que
l’on constate nécessaires, mais au contraire les faire d’une manière
259
uctions supplémentaires.) Et je sais trop bien ce
que
certains vont me dire : que je fais là le jeu de la réaction, selon l
260
je sais trop bien ce que certains vont me dire :
que
je fais là le jeu de la réaction, selon l’expression consacrée, — mai
261
es guerres et les révolutions, contrairement à ce
que
pensent beaucoup de bourgeois, sont initiées et déclenchées par les é
262
e, faculté de décision. C’est donc sur les élites
qu’
il importe d’agir. Ce sont elles que l’on peut utilement éveiller à la
263
ur les élites qu’il importe d’agir. Ce sont elles
que
l’on peut utilement éveiller à la claire conscience des causes des gu
264
ette même agonie permanente dont on vient de voir
qu’
elle est la condition de l’homme européen, la source vive de sa grande
265
faire l’ange, ou le démon, fait la bête et voici
qu’
on l’enferme aujourd’hui dans la cage du parti ou de l’État. À vrai di
266
on par l’État, ce n’est pas du tout de prêcher ce
qu’
on appelle un « individualisme impénitent ». C’est au contraire, au no
267
re, ou soviétique, la déviation collectiviste. Ce
que
je lui oppose ici, ce n’est nullement l’excès inverse de l’anarchie e
268
Europe qui « marchent le mieux », nous constatons
que
ce sont sans contredit : la fédération suisse, et les royaumes démocr
269
anglantes des guerres civiles, et par suite, quel
que
soit le vainqueur, aux dictatures. Or il n’en va pas autrement sur le
270
litaire sera toujours impérialiste, c’est une loi
que
je signale en passant. La volonté qui possède Bonaparte d’unifier l’E
271
es. J’ai dit, et je ne le répéterai jamais assez,
qu’
il faut voir dans le nationalisme la maladie européenne, l’anti-Europe
272
e espèce de court-circuit dans la tension normale
qu’
il s’agit de maintenir entre le particulier et le général. D’une part,
273
énie et par l’abus de ses vertus bien plus encore
que
par ses vices, l’Europe a-t-elle des chances de vivre encore assez po
274
toute mystique au sujet de la vocation. Je crois
qu’
un être est maintenu en vie par la vie même de sa vocation, et qu’il t
275
aintenu en vie par la vie même de sa vocation, et
qu’
il tombe bientôt lorsqu’elle est accomplie. Or, notre vocation europée
276
et même rebelle aux planifications sur table rase
que
l’Amérique, et surtout la Russie — ces deux grandes plaines d’un seul
277
es Églises, autrefois, les redoutaient ; je pense
qu’
elles doivent aujourd’hui les nourrir, si cet esprit critique, ce scep
278
vinisé, aux idéaux purement profanes et séculiers
que
nous proposent l’URSS et les US. Vis-à-vis de ces mystiques et de ces
279
amis américains : « Vous croyez, leur disais-je,
que
le plus grand est nécessairement le meilleur. Et que l’on peut impuné
280
le plus grand est nécessairement le meilleur. Et
que
l’on peut impunément multiplier n’importe quoi par 10 ou 100. Vous ou
281
Ma troisième raison d’espérer, ce sont les crises
qu’
il faut prévoir dans les deux empires du succès. Leurs plans, en effet
282
e, de la complexité de l’homme total. Ils ne sont
que
des expériences, et le propre d’une expérience est de rater neuf fois
283
l’Europe. Je pense surtout à l’avenir de l’URSS.
Que
l’on soit sympathique ou non à l’expérience de dictature si brillamme
284
es hiérarques soviétiques, il faut bien constater
qu’
ils ont contre eux beaucoup de réalités humaines, qui gênent l’exécuti
285
de leurs plans rationnels. Il faut bien constater
que
presque tout les gêne : l’esprit critique les gêne, les différences i
286
it de révolte, et le scepticisme rationnel autant
que
la foi religieuse — et c’est à tel point qu’on se demande si ce qui l
287
tant que la foi religieuse — et c’est à tel point
qu’
on se demande si ce qui les gêne le plus n’est pas simplement l’homme,
288
le, il est même probable, et c’est là mon espoir,
que
les Russes, comme les Américains, viendront s’enquérir auprès de nous
289
on la compare aux deux empires séparés d’elle, et
que
je nomme les deux empires sans précédent — l’Europe est la patrie de
290
nt, sans tradition, s’épuiseront à redécouvrir ce
que
nous savons depuis des siècles, ce qui nous permet donc d’aller plus
291
C’est parce que l’Europe est la mémoire du monde
qu’
elle ne cessera pas d’inventer. Elle restera le point de virulence ext
292
du réalisme politique, et il fallait tout de même
que
ce fût dit ici, la question de l’avenir du monde se résume dans ce si
293
le nationalisme aux dimensions continentales. Ce
qu’
il nous faut demander, et obtenir, nous tous, c’est que les nations eu
294
nous faut demander, et obtenir, nous tous, c’est
que
les nations européennes s’ouvrent d’abord les unes aux autres, suppri
295
nce — ouvrant l’Europe au monde, du même coup. Ce
qu’
il nous faut demander et obtenir — obtenir de nous-mêmes tout d’abord
296
enir — obtenir de nous-mêmes tout d’abord — c’est
que
le génie de l’Europe découvre, et qu’il propage, les antitoxines des
297
ord — c’est que le génie de l’Europe découvre, et
qu’
il propage, les antitoxines des virus dont il a infesté le monde entie
298
ier. Il n’y a de fédération européenne imaginable
qu’
en vue d’une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’avenir im
299
ale. Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable
que
dans l’effort pour instaurer un vrai gouvernement mondial. Et le mond
300
l’Europe, j’entends de son esprit critique autant
que
de son sens inventif. La pensée du monde, c’est l’Europe. Et s’il s’a
301
’est l’Europe. Et s’il s’agit vraiment de penser,
que
penser d’autre pour la paix, je vous le demande, qu’un idéal fédérati
302
penser d’autre pour la paix, je vous le demande,
qu’
un idéal fédératif mondial ? C’est pourquoi, sans reculer devant l’app
303
s religieuses », firent autant de mal aux Églises
que
les persécutions romaines aux premiers temps leur avaient fait du bie
304
trop menacées par le scepticisme. Pour ne donner
que
deux exemples : on vit le mouvement mystique s’éteindre au sein du ca
305
udel, pouvait écrire vers la fin de cette période
qu’
à la question : « Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-
306
Églises, et qui résume toute une époque. Je pense
qu’
avec la guerre, cette époque a pris fin. Et je fonde cette croyance su
307
cette croyance sur quelques faits. C’est un fait
que
le totalitarisme a rompu la paix fausse qui semblait établie entre le
308
ablie entre les sociétés laïques et les Églises ;
qu’
il a brusquement mis à nu l’État minoritaire des chrétiens ; qu’il les
309
ement mis à nu l’État minoritaire des chrétiens ;
qu’
il les a attaqués de front au nom des principes non chrétiens (comme l
310
s principes non chrétiens (comme le nationalisme)
qu’
ils croyaient pouvoir tolérer ; qu’il a été abattu finalement, dans se
311
nationalisme) qu’ils croyaient pouvoir tolérer ;
qu’
il a été abattu finalement, dans ses formes déclarées et spectaculaire
312
es déclarées et spectaculaires tout au moins ; et
que
son élévation brutale puis sa chute ont été pour toutes les Églises u
313
rification, une occasion de réveil. C’est un fait
que
la culture laïque, a-chrétienne ou antichrétienne, qui prétendait se
314
uts de vie, des idéaux, une morale, plus efficace
que
le christianisme. C’est un fait que « les derniers progrès de la Scie
315
plus efficace que le christianisme. C’est un fait
que
« les derniers progrès de la Science » autorisent de moins en moins —
316
paraît close pour longtemps. C’est enfin un fait
que
les trois grandes confessions chrétiennes ont retrouvé depuis une ou
317
e et purifiée Église orthodoxe à l’Est. Mais dire
que
l’époque de la défensive est terminée pour elles, dans notre temps, c
318
ennes un dilemme très net : il ne leur reste plus
qu’
à s’endormir, ou bien à passer à l’attaque. ⁂ Ce lendemain d’une guerr
319
enace, au prix de sacrifices presque aussi grands
que
ceux qu’elles eussent été contraintes de subir en se rendant. (Dans c
320
prix de sacrifices presque aussi grands que ceux
qu’
elles eussent été contraintes de subir en se rendant. (Dans ce « presq
321
fférence entre honneur et honte, vie et mort.) Et
que
trouvent aujourd’hui les peuples devant eux ? Battus et vainqueurs, é
322
par les catastrophes récentes. Les autres pensent
qu’
en déplaçant quelques objets — les richesses par exemple — on arranger
323
ndre ses pouvoirs, à coups de décrets si généraux
que
chaque vocation personnelle s’en trouve nécessairement lésée. En d’au
324
ore : les Églises et leurs prédicateurs ont moins
que
jamais à se soucier, aujourd’hui, de réfuter les arguments de l’incro
325
misère du temps qui appelle, j’attends ceci : 1°
Que
l’Église offre un type de relations humaines viables, comme elle le f
326
it de restaurer le sens de la communauté vivante,
que
le gigantisme de nos machines administratives, le règne de l’argent,
327
rais une sociologie chrétienne pour le siècle. 2°
Que
l’Église offre un type de relations culturelles viables ; qu’elle ose
328
offre un type de relations culturelles viables ;
qu’
elle ose de nouveau soutenir et guider une avant-garde intellectuelle,
329
vivante, laissant celle-ci désorientée. Il s’agit
que
nos théologiens adoptent une politique d’intervention, et non de vert
330
ts. Hélas, elle en est bien sortie ! Il est temps
que
nous sortions à sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’Église cesse
331
nous sortions à sa recherche pour la ramener ! 3°
Que
l’Église cesse de défendre la triste et inefficace moralité bourgeois
332
de chrétiens confondent aujourd’hui la vertu ; et
qu’
elle restaure chez les fidèles le sens de la vocation personnelle, seu
333
isemblable ! »2 dit Kierkegaard. Ce sont ces voix
que
les meilleurs aujourd’hui, hors des Églises, me paraissent avides d’e
334
qui retient en arrière des risques de la vie. 4°
Que
l’Église affirme avec force, dans le domaine politique, la Transcenda
335
ricains, s’instaure sur notre planète, ce ne sera
qu’
au nom de ce qui transcende nos attachements nationaux, politiques et
336
ndiale dans le respect des diversités nationales.
Que
dis-je, il peut ! Il le doit, et de toute urgence ! S’il y échoue, je
337
une raison d’attendre autre chose, pour le monde,
que
des tyrans, leurs guerres, et les tyrannies qui en résultent… Un mot
338
ser. Les Églises comme corps organisés ne peuvent
que
soutenir et encadrer l’action chrétienne. Celle-ci se fera, comme ell
339
uront l’air de rien ; par des hommes dont on dira
qu’
ils exagèrent, qu’ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun, qu’ils
340
n ; par des hommes dont on dira qu’ils exagèrent,
qu’
ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun, qu’ils voient trop grand…
341
mes dont on dira qu’ils exagèrent, qu’ils rêvent,
qu’
ils n’ont pas le sens commun, qu’ils voient trop grand… Peut-être même
342
, qu’ils rêvent, qu’ils n’ont pas le sens commun,
qu’
ils voient trop grand… Peut-être même par des petites revues comme cel
343
, Californie, tant pour le personnel de la Marine
que
pour les civils. Le capitaine Leslie E. Gehres, commandant de la stat
344
slie E. Gehres, commandant de la station, déclare
que
depuis quelque temps, on assiste à un croissant étalage en public de
345
genre communément appelé necking 4. S’il est vrai
que
tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il s’agit là d’un passe-temp
346
st vrai que tout le monde s’accorde à reconnaître
qu’
il s’agit là d’un passe-temps absorbant et plaisant, il est non moins
347
et plaisant, il est non moins généralement admis
que
ce n’est pas un sport public et diurne. Cette petite nouvelle, parue
348
ue intuitif tient une lettre à peine regardée, et
que
vous tentez de formuler ce qu’il évoque dans votre esprit comme type
349
peine regardée, et que vous tentez de formuler ce
qu’
il évoque dans votre esprit comme type de civilisation, j’imagine que
350
otre esprit comme type de civilisation, j’imagine
que
vos conclusions ne seront point trop différentes de celles que je vou
351
usions ne seront point trop différentes de celles
que
je voudrais dégager d’un séjour de six ans en Amérique. Les mœurs sex
352
vivant de l’autre, pour ainsi dire, et n’existant
que
par la négation de l’autre, si bien que le contraste entre les deux r
353
» d’une nature différente, — et c’est la seconde
que
j’essaierai de décrire. ⁂ De la passion Je pense que l’Amérique
354
saierai de décrire. ⁂ De la passion Je pense
que
l’Amérique en tant qu’américaine, ignore le phénomène que nous nommon
355
érique en tant qu’américaine, ignore le phénomène
que
nous nommons passion. J’écrivais dans un livre récent : Rien de plus
356
crivais dans un livre récent : Rien de plus rare
qu’
une passion véritable, car elle suppose une très grande force d’imagin
357
es et du bonheur… L’amour-passion ne peut exister
que
dans une civilisation marquée par la croyance en la valeur unique de
358
des biens terrestres, et religieusement convaincu
que
le bonheur est le but de la vie : n’est-ce point écrit dans sa Consti
359
vis-à-vis de la passion est peut-être plus saine
que
la nôtre. En bref, il n’aime point souffrir, et tient pour perversion
360
grande passion, sont à ses yeux autant de preuves
que
l’affaire est mal engagée et qu’il ferait bien d’y renoncer. Si quelq
361
utant de preuves que l’affaire est mal engagée et
qu’
il ferait bien d’y renoncer. Si quelque drame se noue dans sa vie, mal
362
se noue dans sa vie, malgré lui, il n’a de cesse
qu’
il n’en sorte au plus vite, par une dépêche d’adieu, un voyage, un div
363
s difficultés sentimentales qui nous fascinent et
que
nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font peur, et l’éloignent vit
364
re à la valeur unique d’un être, — et il est vrai
qu’
il faut beaucoup de soins, de temps perdu, de complaisance et de folie
365
le dignité spirituelle, et qui ne tient pour vrai
que
ce qui réussit. Or, l’échec n’est pour eux qu’une perte sèche, et non
366
ai que ce qui réussit. Or, l’échec n’est pour eux
qu’
une perte sèche, et non la condition d’un approfondissement de la cons
367
d’une rupture ou d’une trahison, c’est simplement
que
nous n’aimons pas à rester seuls. Du matriarcat, du mariage et des
368
des « moms » Dans un tel monde, il ne subsiste
que
deux solutions praticables : le mariage, ou l’affair d’un soir (car i
369
n soir (car ils appellent affair tout autre chose
que
le business comme nous disons). Le mariage à l’américaine est une ins
370
mais la maison, et même l’auto. Je vois la preuve
qu’
elle se sent responsable et autonome (ou un peu plus) dans cette ardeu
371
comme de l’Européenne, par, métaphore idéaliste,
qu’
elle règne au sein de son foyer ; car elle règne, tout simplement, dan
372
simplement, dans toute la vie, et le foyer n’est
qu’
une partie de ses domaines. Il s’agit de l’aménager pour qu’il fonctio
373
soucis qui l’absorbent chez nous. Il est étrange
que
nous parlions toujours de leur « matérialisme » à ce propos, puisque
374
is bien brillants, précédant un mari moins galant
que
stylé, toujours prêt à subir ses impérieux caprices avec une calme in
375
haque geste, et chaque moue de la femme manifeste
qu’
elle sait ce qu’on lui doit. Comme elle est installée dans la vie ! El
376
chaque moue de la femme manifeste qu’elle sait ce
qu’
on lui doit. Comme elle est installée dans la vie ! Elle s’y avance av
377
autorité, souvent polie, mais parfois un peu plus
que
désinvolte, d’une propriétaire de droit divin. Qu’un incident de voya
378
ue désinvolte, d’une propriétaire de droit divin.
Qu’
un incident de voyage ou de service la mécontente pour quelque raison
379
chologie et dans l’économie américaine. On assure
que
les femmes possèdent le 75 % de la fortune privée en Amérique, soit q
380
nt le 75 % de la fortune privée en Amérique, soit
que
le système de l’héritage les favorise, soit qu’elles montrent en affa
381
t que le système de l’héritage les favorise, soit
qu’
elles montrent en affaires comme ailleurs une efficiency sans égale. N
382
’est dans la psychologie de la famille américaine
que
le statut royal de la femme a ses bases vraiment profondes. Et cette
383
t cette psychologie tient dans un mot, dans moins
qu’
un mot, dans l’abréviation familière pour Maman, que soupire le GI loi
384
’un mot, dans l’abréviation familière pour Maman,
que
soupire le GI loin du foyer, dans ces trois lettres fatidiques qui so
385
s de divorces, plus d’homosexuels, plus d’obsédés
que
l’on enferme ou non, et plus d’alcooliques qu’aucune autre. Dans la f
386
és que l’on enferme ou non, et plus d’alcooliques
qu’
aucune autre. Dans la femme qu’il épouse, le jeune Américain, inconsci
387
plus d’alcooliques qu’aucune autre. Dans la femme
qu’
il épouse, le jeune Américain, inconsciemment, cherche la mère. Il la
388
Il la sert, elle l’endort et le semonce. Au culte
qu’
il est censé lui rendre, elle répond dans le meilleur des cas par cett
389
s le meilleur des cas par cette espèce de loyauté
que
le suzerain jadis accordait au vassal. Et ce n’est point qu’elle soit
390
rain jadis accordait au vassal. Et ce n’est point
qu’
elle soit moins capable qu’une autre d’amour, de tendresse ou même d’a
391
sal. Et ce n’est point qu’elle soit moins capable
qu’
une autre d’amour, de tendresse ou même d’aveugle dévouement. Mais l’a
392
ion. Ainsi la femme se virilise à la mesure de ce
que
l’homme attend d’elle. Frustrée sans le savoir dans sa féminité, elle
393
i redoutablement « perfectionniste » et activiste
que
sa belle-mère. Quant à l’homme, cause du mal et victime peu conscient
394
Tout se passe comme si l’homme d’Amérique n’avait
qu’
un goût modéré pour la femme, dont il ne serait que la conquête plus o
395
u’un goût modéré pour la femme, dont il ne serait
que
la conquête plus ou moins résignée ou satisfaite. Certains ménages mo
396
rds, ont une vie beaucoup plus normale : c’est là
qu’
on verra l’homme faire la vaisselle pendant que la femme couche les en
397
rigidaire. Mais alors le mari perd en autorité ce
qu’
il gagne en intimité. Il se peut que les mariages de ce type — où l’ho
398
n autorité ce qu’il gagne en intimité. Il se peut
que
les mariages de ce type — où l’homme joue le rôle de la machine numér
399
in. Du divorce Les statistiques établissent
qu’
aux États-Unis l’on divorce davantage que dans tout autre pays du mond
400
blissent qu’aux États-Unis l’on divorce davantage
que
dans tout autre pays du monde, Suisse comprise. Mais ce que les stati
401
out autre pays du monde, Suisse comprise. Mais ce
que
les statistiques oublient de noter, c’est qu’on y divorce d’une maniè
402
ce que les statistiques oublient de noter, c’est
qu’
on y divorce d’une manière tout à fait différente. Aux yeux des intére
403
aît bien moins sous l’aspect d’un désordre social
que
sous l’aspect d’une mise en ordre de deux vies individuelles. C’est q
404
e mise en ordre de deux vies individuelles. C’est
qu’
en Europe, l’on se préoccupe avant tout du passé, d’un capital de souv
405
ir à neuf, de déblayer les perspectives d’avenir,
qu’
offre l’interruption d’une expérience mal engagée ou négative. Nous pe
406
implement la permission de se remarier. Il arrive
que
le nouveau mariage ne soit séparé du divorce que par le temps de chan
407
que le nouveau mariage ne soit séparé du divorce
que
par le temps de changer de salle, et c’est le même juge — passant par
408
rce est le flagrant délit d’adultère. Autant dire
que
le divorce est impossible, à moins que l’on accepte d’en passer par u
409
utant dire que le divorce est impossible, à moins
que
l’on accepte d’en passer par une odieuse mise en scène « légalement c
410
on en trouvera d’autres, plus précis. Il n’aimait
que
la cuisine du Nord, elle lui servait des ratatouilles à la mode de la
411
excusait tout parce qu’elle amuse. Vous penserez
que
ce n’est pas sérieux, et peut-être aurez-vous raison. Si grave que so
412
sérieux, et peut-être aurez-vous raison. Si grave
que
soit un tel jugement, j’incline à croire que la facilité avec laquell
413
rave que soit un tel jugement, j’incline à croire
que
la facilité avec laquelle l’Américain divorce, révèle que ses mariage
414
acilité avec laquelle l’Américain divorce, révèle
que
ses mariages manquent de sens et de sérieux. Il n’y entre pas pour to
415
américain. De la sexualité Je mets en fait
que
le puritanisme, hérésie moraliste issue en Angleterre de la Réforme c
416
les mœurs sexuelles du Nouveau Monde. J’ajouterai
qu’
elle les détermine principalement par les réactions qu’elle provoque u
417
le les détermine principalement par les réactions
qu’
elle provoque une fois refoulée dans l’inconscient de la plus composit
418
cendance puritaine ne représente plus en Amérique
qu’
une infime minorité. Boston, leur ancienne citadelle, est aujourd’hui
419
rs récemment naturalisés. On leur inculque à tous
qu’
être un Américain, c’est être un homme « décent » et comme je demandai
420
t » et comme je demandais à quelques étudiants ce
qu’
ils entendaient par là, l’un d’eux me dit : « Décent est l’homme qui t
421
el. On a rejeté tous ses tabous. On ne pense plus
que
la « chair » soit le Mal, ni ses désirs des signes de malédiction div
422
ystère non plus quant aux « origines de la vie »,
que
les parents et professeurs expliquent avec un certain pédantisme, cra
423
un certain pédantisme, craignant par-dessus tout
que
les enfants n’aillent se former des complexes… Et pourtant, dans cett
424
Européen s’étonne de ne point trouver trace de ce
qu’
il nommait libertinage. L’Américain, me semble-t-il, n’est pas vicieux
425
u sans morale, mais bien rarement immoraliste. Ce
qu’
il ignore, c’est ce mélange de scrupules et de goût de les violer, de
426
sorte d’innocence. Disons, pour fixer les idées,
que
les deux romans européens les moins pensables en Amérique seraient sa
427
Les avantages et les dangers de l’état des mœurs
que
l’on vient d’esquisser donneraient matière à tout un livre. Mais il m
428
érique est en pleine transition, à cet égard plus
qu’
à tout autre. Il convient donc de n’indiquer qu’à la volée quelques re
429
s qu’à tout autre. Il convient donc de n’indiquer
qu’
à la volée quelques remarques dont on reconnaît qu’elles sont par natu
430
u’à la volée quelques remarques dont on reconnaît
qu’
elles sont par nature discutables. Certains critiques américains décla
431
cutables. Certains critiques américains déclarent
que
la jeunesse de leur pays est sex-obsessed, mais il se peut qu’elle so
432
se de leur pays est sex-obsessed, mais il se peut
qu’
elle soit tout simplement sexy, et que l’obsession n’existe que chez l
433
il se peut qu’elle soit tout simplement sexy, et
que
l’obsession n’existe que chez lesdits critiques. Certains Européens p
434
tout simplement sexy, et que l’obsession n’existe
que
chez lesdits critiques. Certains Européens penseraient plutôt de la m
435
Européens penseraient plutôt de la même jeunesse
qu’
elle manque de vraie sensualité. Ils croient sentir entre les sexes un
436
ient sentir entre les sexes une sourde hostilité,
qu’
ils attribuent naturellement à l’action des tabous puritains, refoulés
437
l’évolution actuelle des mœurs américaines, c’est
qu’
on y pressent un avenir qui sera sans doute celui de la Russie soviéti
438
n’est sans doute pas là. Car il est très possible
qu’
au contraire de ce que pensent la jeunesse américaine et ses censeurs
439
à. Car il est très possible qu’au contraire de ce
que
pensent la jeunesse américaine et ses censeurs de plus en plus timide
440
ent justement les vraies créatrices de tabous, et
que
la suppression de ces derniers, loin de relever d’une dialectique nor
441
al. Possible aussi, d’un tout autre point de vue,
que
la morale bourgeoise, issue des puritains, ait été l’une des plus per
442
e des puritains, ait été l’une des plus perverses
qu’
ait jamais sécrétée l’humanité, et que sa disparition assainisse l’atm
443
s perverses qu’ait jamais sécrétée l’humanité, et
que
sa disparition assainisse l’atmosphère tout en affadissant la vie, pr
444
et l’objet d’une grâce spéciale. Or c’est bien ce
qu’
il pense être, étant Américain. Je ne l’observe pas sans inquiétude ;
445
é des invités, mais par les plateaux de cocktails
que
l’on passait continuellement d’un groupe à l’autre. Il y avait là bon
446
e tristesse. Ils paraissent encore moins intégrés
que
leurs confrères européens à la vie de leur propre nation. Cela tient
447
d’Europe, cherchant une méthode de pensée plutôt
que
des fondements spirituels, compensant par la brusquerie de leurs juge
448
orts. Oh ! ce n’est pas un reproche aussi violent
qu’
il vous paraît. Je veux dire que l’on sent chez vous un tel souci de l
449
che aussi violent qu’il vous paraît. Je veux dire
que
l’on sent chez vous un tel souci de la forme durable… » Eux, c’est un
450
e sait trop. Le savent-ils eux-mêmes ? L’exigence
que
nous gardons encore de dégager, d’expliciter un sens, leur apparaît v
451
propos de ma maison et de vous-même. — Savez-vous
que
mon livre est sur la liste noire des Allemands et même de l’organisat
452
ganisation vichyssoise des libraires ? Savez-vous
que
la Gestapo en a saisi, brûlé, mis au pilon tous les exemplaires resta
453
des jugements entiers. Quitte à ne pas savoir ce
qu’
il juge, ni pourquoi… Quitte à rivaliser d’intolérance brutale avec ce
454
uitte à rivaliser d’intolérance brutale avec ceux
qu’
il croit condamner… N’est-ce pas cela, le vrai danger totalitaire, dan
455
evue virulente et dense, Christianity and Crisis,
qu’
il vient de fonder, s’efforce de combattre l’inertie des Églises, deme
456
me, antimilitarisme, crainte du régime tyrannique
que
toute guerre risque d’instaurer. Mais c’est aussi parce qu’on ne croi
457
i », dit-on des récits de réfugiés. Il en résulte
qu’
on collabore avec les partisans sournois d’Hitler, de Mussolini, de Fr
458
eu de la petite ville de Cambridge qui n’est plus
qu’
un faubourg de Boston. Le premier soir en arrivant dans ce logis pour
459
dont il devra parler au séminaire de littérature.
Que
veut-il donc savoir ? Simplement si c’est vrai. S’il est vrai que j’a
460
savoir ? Simplement si c’est vrai. S’il est vrai
que
j’ai vécu ce que j’écris. C’est la question que je préfère. Leur fami
461
ent si c’est vrai. S’il est vrai que j’ai vécu ce
que
j’écris. C’est la question que je préfère. Leur familiarité réchauffe
462
i que j’ai vécu ce que j’écris. C’est la question
que
je préfère. Leur familiarité réchauffe. Chaque soir, à la cafétéria,
463
dans le hall, la chambre de Thoreau avec son lit
qu’
il avait fabriqué lui-même. Au crépuscule, j’aime errer sur les quais,
464
les théories de la logistique de Vienne, à moins
qu’
il ne préfère les aborder en sociologue postmarxiste ou en freudien hé
465
her. On ne peut pas « se débrouiller » avec moins
qu’
il ne faut. Et je touche ici la limite des fameuses libertés américain
466
st la misère totale ou le niveau bourgeois, celui
que
revendiquent les ouvriers et qu’ils atteignent presque tous ici, quan
467
bourgeois, celui que revendiquent les ouvriers et
qu’
ils atteignent presque tous ici, quand les Russes ne font qu’en parler
468
ignent presque tous ici, quand les Russes ne font
qu’
en parler. Mais les intellectuels ? Ils n’ont de choix qu’entre le jou
469
rler. Mais les intellectuels ? Ils n’ont de choix
qu’
entre le journalisme et le professorat. Or je répugne à l’un autant qu
470
me et le professorat. Or je répugne à l’un autant
qu’
à l’autre… ! Fin décembre 1941, 5 IV est 16th Street Trouvé un petit a
471
un pas de trop, et tombent dans le vide, pour peu
que
leur lecture les passionne. Mercredi des Cendres, février 1942 Depuis
472
té hier soir une sortie. Deux signes m’ont prouvé
que
jusqu’à nouvel ordre je suis le prisonnier de mon livre et ferais bie
473
rien à dire, et me demandais non sans angoisse ce
que
l’on peut bien avoir à dire, en général, quand on se trouve à six ou
474
re nue. Exorciser en moi la part du diable, celle
qu’
il a sans doute prise à mon ouvrage. Idée bizarre : si j’ai si vite bo
475
r avril 1942 Une lettre du propriétaire m’apprend
qu’
on va démolir mon étage. Je louais cet atelier au mois et n’ai donc pl
476
. Je louais cet atelier au mois et n’ai donc plus
qu’
à déguerpir sans insister. 16 avril 1942, 11 West, 52 th Street Emmén
477
n compte en banque, et je ne suis pas plus avancé
qu’
au temps de mon île atlantique. 21 avril 1942 Comme on regarde les vit
478
Comme on regarde les vitrines différemment selon
qu’
on a de l’argent dans sa poche ou non ! D’abord, on ne regarde pas les
479
i soir, et le dimanche matin j’annonce subitement
que
je dois rentrer en ville pour une affaire pressante. En vérité, j’ign
480
érité, j’ignorais quelle affaire, mais je sentais
qu’
il fallait rentrer. J’ouvre ma porte et j’entends le téléphone. C’est
481
iscernablement ironique, admirante et solennelle.
Qu’
on lui donne un royaume ! Ou plutôt non : qu’on lui donne une église à
482
lle. Qu’on lui donne un royaume ! Ou plutôt non :
qu’
on lui donne une église à régir, et le beau nom du sacerdoce à restaur
483
t le succès à distance, laissant à Salvador Dali,
qu’
il appelle Avida Dollars, le soin de faire monnaie d’une étiquette plu
484
ire monnaie d’une étiquette plus prestigieuse ici
qu’
à Paris même : surréalisme. Chaque soir, pendant que mon texte terminé
485
nt pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes
que
nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jo
486
ix de l’Amérique parle aux Français. Il est temps
que
je recueille et dépouille les directives de Washington, de New York,
487
rt une page d’un petit geste nerveux : « Voilà ce
que
vous cherchiez, mon cher. Une bonne idée pour vous là-dedans ! » Cela
488
… « N’êtes-vous pas l’auteur du Secret ? Souffrez
que
j’en sois la victime. » Sur quoi, peut-être, il serait temps d’aller
489
re va mal, il faut le dire, et persuader l’Europe
qu’
elle ira bien demain. La campagne sous-marine bat son plein, Tobrouk t
490
squ’il est arrivé en Amérique, il n’a paru de lui
qu’
une seule photo, encore était-elle prise de dos. (Mais ce trait justem
491
n questionne et l’autre parle. Il parle de Briand
qu’
il a servi longtemps, et qui n’a jamais su qu’il y avait Saint-John Pe
492
and qu’il a servi longtemps, et qui n’a jamais su
qu’
il y avait Saint-John Perse ; d’Hitler dont il a regardé les yeux de p
493
; d’Hitler dont il a regardé les yeux de près et
qu’
il décrit en termes médicaux ; de Reynaud qui l’a renvoyé sous la pres
494
pour en récrire deux chapitres (sur « l’amour tel
qu’
on le parle » et la passion réelle). Tonio rentre un soir de New York
495
ort un très jeune chien tremblant. C’est un boxer
qu’
il baptise Annibal. Je lui apprends à marcher en laisse, sur la plage.
496
r en laisse, sur la plage. 18 août 1942 Peut-être
qu’
il n’est pas de bonheur plus conscient que celui de l’enfance retrouvé
497
ut-être qu’il n’est pas de bonheur plus conscient
que
celui de l’enfance retrouvée dans une vacance où le travail lui-même
498
ù le travail lui-même est jeu. Tous les prétextes
que
les hommes se donnent pour en sortir, un jour ou l’autre, me paraisse
499
collectif », mais la fin du progrès ne peut être
qu’
une plage, un loisir sur la plage, et nous l’avons ici. New York, 2 se
500
ici. New York, 2 septembre 1942 Quoi de plus sale
qu’
une ville dont la foule transpire ? Il faut être fou pour rentrer… Mai
501
de France. Leur dire là-bas, dire à la Résistance
que
la situation se redresse lentement dans le Pacifique : car cela signi
502
t un peu plus de bateaux vers l’Europe. Leur dire
que
la production de guerre américaine peut leur sembler une tartarinade8
503
éricaine peut leur sembler une tartarinade8, mais
que
lorsqu’on la voit de ses yeux, elle donne une sensation directe de la
504
a France de sa main-d’œuvre qualifiée — opération
que
Laval diaboliquement baptise « relève des prisonniers » ; donner des
505
cité est absolue. Washington part de l’idée juste
qu’
il n’est pas de mensonge, si pieux mensonge soit-il, qui ne serve Hitl
506
House. Il s’est remis à écrire un conte d’enfants
qu’
il illustre lui-même à l’aquarelle. Géant chauve, aux yeux ronds d’ois
507
us lire mon œuvre posthume ») et qui me paraît ce
qu’
il a fait de plus beau. Tard dans la nuit je me retire épuisé (je dois
508
… Fin octobre 1942 Propagande et style. — Depuis
que
je suis à l’OWI, rédigeant bon gré mal gré mes vingt-cinq pages quoti
509
-cinq pages quotidiennes, je n’ai pu guère écrire
que
ces notes de journal, et deux essais pour des revues américaines. Mai
510
les convergent ou même s’identifient. Je constate
que
j’hésite ou répugne aujourd’hui à écrire certaines phrases, à user de
511
crire certaines phrases, à user de certains tours
que
je pressens intraduisibles, au sens le plus large du terme. Car il ne
512
uetteries de style imitées de nos auteurs anciens
qu’
on trouvait à chaque ligne chez Valéry, chez Gide et leurs disciples d
513
ire » sinon par référence à des modèles anciens. (
Que
de pastiches dans nos lettres modernes !) Bien écrire, c’est régler s
514
) Bien écrire, c’est régler ses moyens sur la fin
que
vise un écrit. Cette fin peut condamner la phrase trop « écrite » ; o
515
ase trop « écrite » ; ou l’exiger, selon les cas.
Que
serait-ce d’être un grand écrivain dans une langue morte ? Ou dans un
516
teurs français contemporains : n’importe qui dira
qu’
ils « écrivent bien », parce que leurs élégances restent cousues de fi
517
is un style qui supporte le transport. Les choses
que
l’on publie, si elles sont importantes, le sont soit par nature, soit
518
omme confère de l’importance à la moindre opinion
qu’
il exprime — par position. (Et c’est le signe de la gloire moderne.) I
519
circulent, précisément.) Le monde actuel pressent
qu’
il a besoin de maîtres et de directeurs de conscience, plutôt que de m
520
de maîtres et de directeurs de conscience, plutôt
que
de monstres précieux. Cependant, il faut commencer par être un monstr
521
maîtrise. Toute création est en soi monstrueuse,
qu’
il s’agisse de l’automobile, du sourire de la Joconde, ou des Variatio
522
e atténue la sauvagerie de la verdure américaine.
Que
fais-je ici, que rejoindre ma vie, pas à pas dans les bois solitaires
523
agerie de la verdure américaine. Que fais-je ici,
que
rejoindre ma vie, pas à pas dans les bois solitaires ? Il se peut qu’
524
, pas à pas dans les bois solitaires ? Il se peut
qu’
on m’envoie bientôt en Afrique du Nord, et de là… Et j’éprouve un beso
525
achez-le : Nous n’étions pas absents de vous plus
que
de nous-mêmes. Vous étiez « occupés », nous étions en exil, et les un
526
e l’exil, moins brutale, certes, mais plus intime
que
celle de l’occupation. Un conquérant n’occupe jamais que l’extérieur,
527
le de l’occupation. Un conquérant n’occupe jamais
que
l’extérieur, mais l’étranger s’infiltre au cœur de l’être. Comment lu
528
us d’abord et vous a proposé ses façons et usages
qu’
il convenait d’aimer. Bientôt, s’il voit que vous restez là, il change
529
sages qu’il convenait d’aimer. Bientôt, s’il voit
que
vous restez là, il change un peu : vous n’êtes plus l’invité mais un
530
tout d’un coup le monsieur qui ne tient pas à ce
que
vous causiez des ennuis. Débrouillez-vous. Et puis, vous êtes trop no
531
en Suisse aussi, avant la guerre, nous trouvions
qu’
il y avait trop de juifs réfugiés. Des gens frappés par le malheur, où
532
ifs réfugiés. Des gens frappés par le malheur, où
que
ce soit, il y en a toujours trop. Cependant notre sort vous paraissai
533
orture physique, ou même à sa menace. Autant dire
qu’
on les tient pour moins sérieux. Nous étions mal placés pour discuter
534
r défendre l’esprit, — qui était pourtant tout ce
qu’
il restait à défendre par nous, dans l’exil… 6. Quartier du bas de
535
7 juin 1947)m Je ne connais dans tout New York
qu’
une seule vraie terrasse de café, celle du Brevoort, au bas de la Cinq
536
Brevoort, au bas de la Cinquième Avenue. C’est là
que
Dos Passos situe plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là qu’i
537
e plusieurs des scènes de ses romans, et c’est là
qu’
il y a bien six ans j’ai connu Carson McCullers. Elle avait l’air d’un
538
farouchée. Ses mains tremblaient, et l’on pensait
que
sans sa mère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux p
539
nes lorsqu’on leur fait un compliment. Je suppose
que
mon étonnement eût atteint la stupéfaction si j’avais lu avant cette
540
ait pour les repas autour d’une très longue table
que
servaient deux ou trois énormes négresses. Wystan Auden y présidait a
541
aison de Brooklyn, seul centre de pensée et d’art
que
j’aie trouvé dans une grande ville de ce pays. ⁂ Et puis leur nomadis
542
une littérature américaine et la française, c’est
que
la première ne professe pas du tout ce culte du roman américain qui c
543
ay, Dos Passos et Steinbeck. C’est dire peut-être
que
les jeunes Américains sont moins anxieux de renouveler ou d’assouplir
544
xieux de renouveler ou d’assouplir leurs procédés
que
de se créer un ordre intime et d’approcher par des moyens plus déliés
545
ne sorte de brutalité qui en était le reflet plus
que
l’explication. Mais cette recherche obscurément spirituelle ne tend j
546
ectifs, conduite avec une sympathie plus fascinée
que
volontaire. Ainsi les êtres qui animent cet ouvrage se poursuivent, s
547
dactes, à des hors-castes, moins pour débrouiller
que
pour sensibiliser les questions qui tourmentent l’époque. m. Rouge
548
omine l’état d’esprit général de l’époque, depuis
que
Hitler a disparu. Notre vision du monde, naguère limitée aux dimensio
549
tiques s’est élargi aux dimensions de la planète.
Que
faire de ces informations en vrac, dont chacune signale une menace ou
550
ulmans, les hindous et les princes ne s’accordent
que
sur un point, qui est de refuser les plans de retraite obstinément of
551
de retraite obstinément offerts par les Anglais.
Que
penser de l’impérialisme britannique, représenté d’ailleurs par le La
552
ait le fascisme abattu. Les statistiques révèlent
qu’
à l’heure présente on enregistre aux États-Unis un divorce pour trois
553
vies individuelles. Il n’est pas un de ces faits
qu’
on puisse analyser à l’aide de nos catégories de droite et de gauche s
554
mes rapports avec l’état des forces dans le monde
qu’
un combat de coqs avec le problème de la bombe. Et tout cela n’est que
555
avec le problème de la bombe. Et tout cela n’est
que
trop naturel. Il est parfaitement naturel que nous aimions parler de
556
est que trop naturel. Il est parfaitement naturel
que
nous aimions parler de politique. Il est parfaitement naturel que nos
557
parler de politique. Il est parfaitement naturel
que
nos discussions se passionnent dans la mesure où elles s’allègent d’u
558
é d’informations encore plus difficiles à retenir
qu’
à rassembler ; car c’est la passion que nous aimons et l’affirmation d
559
à retenir qu’à rassembler ; car c’est la passion
que
nous aimons et l’affirmation de nos points de vue, et s’il fallait d’
560
iant la solidarité globale. Désormais nous savons
qu’
il y a le monde et qu’il est un. Nous le savons théoriquement. Mais il
561
bale. Désormais nous savons qu’il y a le monde et
qu’
il est un. Nous le savons théoriquement. Mais il nous faut encore appr
562
sentir et à le penser naturellement. C’est ainsi
que
se formera cette opinion publique mondiale qui seule nous permettra d
563
cette puissance la plus redoutée est aussi celle
qu’
un rien enraye : un écrivain comique, un journal libre, une phrase dan
564
est-à-dire de l’éducation et du civisme, découvre
que
ce sont précisément quelques-unes de ses bases morales, son esprit ci
565
g Kaï-chek, cependant que l’inflation augmente et
que
le pays manque à peu près de tout après seize ans de guerre et d’inva
566
eur décision de se retirer des Indes en juin 1948
que
la Ligue musulmane se déclare prête à la guerre contre le Congrès, où
567
iennent la majorité. Cependant que l’Indochine et
que
l’Indonésie en sont encore au stade préliminaire de la lutte pour l’a
568
la réplique rapide, dont les ministres annoncent
que
c’est le froid qui les oblige à rationner le charbon et l’électricité
569
quand à elle seule elle totalise plus d’habitants
que
la Russie et les États-Unis additionnés ! Ainsi la « drôle de paix »
570
ats-Unis additionnés ! Ainsi la « drôle de paix »
que
nous vivons repose en fait sur quatre crises, sur quatre pauvretés co
571
e dis bien que notre paix repose sur ces manques,
qu’
elle y trouve ses bases actuelles et ses garanties les plus sûres. Car
572
e sont les richesses d’autrui et non ses maladies
que
l’on jalouse. Si l’un de ces quatre grands malades recouvrait subitem
573
on des trois autres. Si la Russie pouvait prouver
que
son régime ménage autant de libertés que la démocratie américaine ell
574
prouver que son régime ménage autant de libertés
que
la démocratie américaine elle dominerait bientôt le monde par la seul
575
lle arrogance elle ne retrouverait pas. J’imagine
que
les hommes d’État se préoccupent essentiellement de la répartition de
576
s individus ne se sont unis à cause des richesses
qu’
ils avaient, tout au contraire. C’est toujours de la pauvreté que mont
577
tout au contraire. C’est toujours de la pauvreté
que
montent les appels à l’union et que surgit l’utopie agissante. L’Orga
578
e la pauvreté que montent les appels à l’union et
que
surgit l’utopie agissante. L’Organisation des Nations unies ne s’est
579
L’Organisation des Nations unies ne s’est formée
que
pour répondre à l’appel de nos anxiétés et de nos manques. C’est grâc
580
de nos manques. C’est grâce à eux et en eux seuls
qu’
elle a pris quelque consistance. Elle se maintient parce que les Russe
581
qui assurent notre paix provisoire. C’est d’elles
que
naît l’appel à la fédération. Et si les hommes d’État qui se trouvent
582
strer l’ONU ne le comprennent pas il faut prévoir
que
cet appel créera demain d’autres organes plus capables de l’enregistr
583
C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse
que
l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)n Princeton e
584
grandes universités du continent. Depuis deux ans
que
j’y vis, je vois passer chaque jour sous mes fenêtres, à onze heures
585
s fenêtres, à onze heures du matin, quelque temps
qu’
il fasse, le patriarche du nouvel âge, Albert Einstein. Je suis allé l
586
fleurs et d’arbres pleins d’oiseaux. C’est d’ici
que
partit, en 1939, la fameuse lettre au président Roosevelt, par laquel
587
sident Roosevelt, par laquelle Einstein demandait
que
fussent organisées d’urgence des recherches sur l’arme atomique. Dans
588
emple. Il y a quelques mois, une de mes voisines,
que
je ne connais pas, envoie sa petite fille sonner à ma porte. La petit
589
ma porte. La petite fille me dit : « Maman pense
que
vous pourrez m’aider pour mes devoirs d’arithmétique. » Je l’ai aidée
590
nt pas à la menace atomique. Ils semblent n’avoir
qu’
une idée en tête : leur sécurité personnelle, leur prospérité immédiat
591
n fait : un énorme danger collectif effraye moins
que
nos petits malheurs individuels. La seule chose qui inquiète les Amér
592
s Américains, c’est la Russie. Avez-vous remarqué
qu’
il se développe ici une sorte d’hystérie antirusse ? Méfiance russe
593
i. N’ai-je pas entendu répéter ces derniers temps
qu’
Einstein serait « très communiste », expression qu’on réserve d’ailleu
594
u’Einstein serait « très communiste », expression
qu’
on réserve d’ailleurs aux personnes dont on ne peut affirmer qu’elles
595
d’ailleurs aux personnes dont on ne peut affirmer
qu’
elles sont communistes, simplement. N’a-t-il pas proposé, en 1945, de
596
ue de passer pour fasciste à ses yeux, je suggère
que
la cause la plus nette de ce qu’il nomme l’hystérie antirusse, n’est
597
yeux, je suggère que la cause la plus nette de ce
qu’
il nomme l’hystérie antirusse, n’est autre que l’attitude des Russes s
598
ce qu’il nomme l’hystérie antirusse, n’est autre
que
l’attitude des Russes sur le plan international. Einstein réfléchit u
599
léchit un moment. — Il est évident, dit-il enfin,
que
l’obstacle majeur à l’établissement d’un gouvernement mondial, c’est
600
a méfiance systématique des Soviets. Or je crains
qu’
il n’y ait rien à faire pour la surmonter. Car la cause n’en est que t
601
à faire pour la surmonter. Car la cause n’en est
que
trop claire. La Russie sait que, dans le jeu actuel, elle est le part
602
la cause n’en est que trop claire. La Russie sait
que
, dans le jeu actuel, elle est le partenaire le plus faible. Elle s’op
603
aire le plus faible. Elle s’oppose donc à tout ce
que
les autres proposent. Elle soupçonne une menace dans chacun de nos mo
604
nos mouvements. C’est fatal. Et cela durera tant
qu’
elle nous croira les plus forts. — Tant que la bombe sera de notre côt
605
a tant qu’elle nous croira les plus forts. — Tant
que
la bombe sera de notre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans
606
us forts. — Tant que la bombe sera de notre côté…
Que
pensez-vous de ce délai de cinq ans qu’on cite partout, et qui serait
607
tre côté… Que pensez-vous de ce délai de cinq ans
qu’
on cite partout, et qui serait nécessaire à la Russie pour fabriquer s
608
ins. D’ici dix ans au plus. Ce qui est sûr, c’est
qu’
elle y travaille. — Croyez-vous que le « rideau de fer » s’explique pa
609
est sûr, c’est qu’elle y travaille. — Croyez-vous
que
le « rideau de fer » s’explique par la peur qu’ont les Russes que l’o
610
s que le « rideau de fer » s’explique par la peur
qu’
ont les Russes que l’on se renseigne sur l’état de leurs travaux atomi
611
de fer » s’explique par la peur qu’ont les Russes
que
l’on se renseigne sur l’état de leurs travaux atomiques ? — J’ai une
612
». Les Russes sont très pauvres. C’est pour cela
qu’
ils ont si peur des étrangers. Et non sans raison. Car, au cours actue
613
épète, ce qui domine la situation présente, c’est
que
les Russes se sentent et se savent les plus faibles, surtout par rapp
614
de tout refuser. — Alors que faire ? — Je ne vois
qu’
une solution possible. C’est que tous les autres pays forment une orga
615
re ? — Je ne vois qu’une solution possible. C’est
que
tous les autres pays forment une organisation mondiale solide, sans l
616
e invitation permanente à les rejoindre ? — Mieux
que
cela : cette organisation mondiale sera bientôt si forte, une fois él
617
iminés les résistances ou le sabotage soviétique,
qu’
on n’aura plus besoin d’y garder des secrets. Les Russes pourront bien
618
en entretenir auprès d’elle autant d’observateurs
qu’
il leur plaira, officiels ou non. Et à la fin — car ils ne sont pas fo
619
mpant, impatienté, pour dire au violoniste : « Ce
qu’
il y a d’ennuyeux avec vous, Albert, c’est que vous ne savez pas compt
620
Ce qu’il y a d’ennuyeux avec vous, Albert, c’est
que
vous ne savez pas compter ! » Je pense à l’Institut qu’Einstein a fon
621
us ne savez pas compter ! » Je pense à l’Institut
qu’
Einstein a fondé avec quelques collègues, ici même, pour éclairer l’op
622
our éclairer l’opinion publique sur les problèmes
que
pose la bombe. Cet homme se sent-il responsable de la menace d’Apocal
623
se sent-il responsable de la menace d’Apocalypse
qu’
il a contribué plus que nul autre à susciter dans notre siècle ? Je to
624
de la menace d’Apocalypse qu’il a contribué plus
que
nul autre à susciter dans notre siècle ? Je tourne autour de la quest
625
changé les conditions de la guerre beaucoup plus
que
ne l’avaient déjà fait les raids massifs d’avions. Mais la bombe a du
626
ouvoirs de contrôle illimités. Il répond : — Tant
que
la machine militaire restera prête à fonctionner dans tous les grands
627
pendant, la proposition Baruch a cela d’excellent
qu’
elle impliquerait un renoncement partiel à la souveraineté absolue des
628
e lui cite la parole de Lyautey qui avait demandé
qu’
on plante devant sa résidence une arbre d’une espèce rare ; et comme l
629
espèce rare ; et comme le jardinier lui objectait
que
ces arbres-là prennent plus d’un siècle à se développer : « Vous voye
630
47)o L’émouvante profession de foi fédéraliste
qu’
a entendue le congrès des fédéralistes européens de la bouche de M. De
631
ntitulé Le Cœur de l’Europe et dont il n’existe
qu’
une édition anglaise. Ce qu’on sait moins chez nous, c’est l’influence
632
et dont il n’existe qu’une édition anglaise. Ce
qu’
on sait moins chez nous, c’est l’influence considérable que M. Denis d
633
t moins chez nous, c’est l’influence considérable
que
M. Denis de Rougemont a exercée aux États-Unis en faveur de notre pay
634
ions. Ce rôle a été d’autant plus utile pour nous
que
notre neutralité n’a pas toujours été bien comprise et que la presse
635
neutralité n’a pas toujours été bien comprise et
que
la presse n’a pas toujours été très tendre à notre égard. De cette in
636
otre égard. De cette influence, nous ne donnerons
qu’
un exemple, mais qui illustre bien ce que nous venons de dire. Le prés
637
onnerons qu’un exemple, mais qui illustre bien ce
que
nous venons de dire. Le président Truman avait constitué un comité ci
638
ssi des adeptes, mais c’est évidemment en France,
qu’
elle a eu le plus de succès et qu’elle a trouvé peut-être le terrain l
639
ment en France, qu’elle a eu le plus de succès et
qu’
elle a trouvé peut-être le terrain le plus favorable. Ce mouvement per
640
stitutions de notre pays, car, contrairement à ce
que
l’on pense généralement, je m’assure que l’expérience suisse, malgré
641
ent à ce que l’on pense généralement, je m’assure
que
l’expérience suisse, malgré son petit cadre, est valable pour l’Europ
642
Voyez-vous, on ne se rend pas compte, en Suisse,
qu’
il existe en nous, aujourd’hui, un sentiment européen, ce qui n’empêch
643
t important et encourageant tout à la fois, c’est
qu’
on assiste au même phénomène qu’il y a cent ans. En 1846, il existait
644
à la fois, c’est qu’on assiste au même phénomène
qu’
il y a cent ans. En 1846, il existait un sentiment suisse, mais l’on d
645
tard, elle fonctionnait si bien que l’on eût dit
qu’
elle allait de soi. Notez bien que ce sentiment suisse, dans les année
646
ns les années précédant 1848, était informulé, et
qu’
il a fallu la campagne de la Société helvétique et les écrits du doyen
647
du fédéralisme suisse. Et cette crise vient de ce
que
nous sommes entourés d’États-nations, qui menacent notre fédéralisme.
648
rogrès aussi terrifiants. Aussi suis-je convaincu
que
le salut de notre fédéralisme ne peut venir que d’une Europe fédérée.
649
u que le salut de notre fédéralisme ne peut venir
que
d’une Europe fédérée. o. Rougemont Denis de, « [Entretien] Convers
650
attitude fédéraliste (octobre 1947)p Le danger
que
présente un tel sujet, c’est qu’il risque d’entraîner à des généralis
651
7)p Le danger que présente un tel sujet, c’est
qu’
il risque d’entraîner à des généralisations théoriques ; or, rien n’es
652
st plus contraire à l’essence même du fédéralisme
que
l’esprit théorique et les généralisations. D’autre part, j’ai toujour
653
possible à ses manifestations historiques, telles
que
nous pouvons les observer et les contrôler de très près dans une expé
654
ontribue à promouvoir un certain type d’humanité,
qu’
on le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est donc la défini
655
certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non,
qu’
on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laque
656
liste ? Nous n’en parlerions pas si nous pensions
que
le type d’homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de t
657
lerions pas non plus si nous pensions avec Hitler
que
l’homme n’est qu’un soldat politique totalement absorbé par le servic
658
us si nous pensions avec Hitler que l’homme n’est
qu’
un soldat politique totalement absorbé par le service de la communauté
659
ns. Si nous en parlons, si nous le voulons, c’est
que
nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vi
660
arlons, si nous le voulons, c’est que nous savons
que
l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation
661
s’exerce. Aux individualistes nous rappelons donc
que
l’homme ne peut se réaliser intégralement sans se trouver engagé du m
662
exe social. Et aux collectivistes, nous rappelons
que
les conquêtes sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à ren
663
cation et la cité ; entre ces deux amours : celui
qu’
il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubl
664
amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui
qu’
il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tens
665
ui me paraît indispensable. Il ne faut pas penser
que
la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu s
666
e, c’est l’homme réel, et les deux autres ne sont
que
des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. La pe
667
oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan
que
ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que l’individualisme ou
668
que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait
que
l’individualisme outré fait le lit du collectivisme : ces deux extrêm
669
oussière des individus civiquement irresponsables
que
les dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir, pendant la de
670
t nous avons pu voir, pendant la dernière guerre,
que
les résistances que rencontrent les dictateurs, sont au contraire le
671
, pendant la dernière guerre, que les résistances
que
rencontrent les dictateurs, sont au contraire le fait des groupes de
672
mme sur laquelle nos travaux doivent se fonder et
qu’
ils ont pour but ultime de promouvoir, nous pouvons passer maintenant
673
ve, le philosophe allemand Karl Jaspers déclarait
que
l’Europe n’a plus de choix qu’entre la balkanisation et l’helvétisati
674
Jaspers déclarait que l’Europe n’a plus de choix
qu’
entre la balkanisation et l’helvétisation. Je suppose que Jaspers ente
675
e la balkanisation et l’helvétisation. Je suppose
que
Jaspers entendait par balkanisation la désintégration de l’Europe en
676
de « bon exemple » à suivre. Rien de plus banal,
que
cette référence à la Suisse, dès qu’il est question d’États-Unis d’Eu
677
rapides. » À la deuxième objection, je répondrai
que
les cantons suisses n’ont adopté une constitution commune qu’en 1848,
678
ons suisses n’ont adopté une constitution commune
qu’
en 1848, au terme d’une crise d’assez courte durée, et en dépit d’une
679
tard, elle fonctionnait si bien que l’on eût dit
qu’
elle allait de soi. Quant à ce que l’on répète sur la petitesse de la
680
e l’on eût dit qu’elle allait de soi. Quant à ce
que
l’on répète sur la petitesse de la Suisse et sur l’impossibilité de t
681
stitutions à l’échelle continentale, je répondrai
que
l’objection est valable si l’on ne s’attache qu’aux détails de la mis
682
que l’objection est valable si l’on ne s’attache
qu’
aux détails de la mise en pratique du fédéralisme en Suisse, mais non
683
à dégager de cette expérience l’idée fédéraliste
qu’
elle illustre. Une expérience de laboratoire est nécessairement plus r
684
ire est nécessairement plus réduite de dimensions
que
ses applications, mais pourtant celles-ci n’existeraient pas sans cel
685
à définir en quelques mots, en une formule. C’est
qu’
elle est d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plut
686
ule. C’est qu’elle est d’un type organique plutôt
que
rationnel, et dialectique plutôt que simplement logique. Elle échappe
687
nique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt
que
simplement logique. Elle échappe aux catégories géométriques du ratio
688
pensée fédéraliste ne saurait être mieux comparé
qu’
à un rythme, à une respiration, à l’alternance perpétuelle de la diast
689
ne projette pas devant elle une utopie européenne
qu’
il s’agirait simplement de rejoindre, ou des plans statiques qu’il fau
690
t simplement de rejoindre, ou des plans statiques
qu’
il faudrait réaliser en quatre ou cinq ans, par la réduction impitoyab
691
e souple et constamment mouvant entre des groupes
qu’
il s’agit de composer en les respectant, et non point de soumettre les
692
tomber sans cesse dans un malentendu fondamental,
que
l’exemple de la vie politique suisse illustre très clairement. En eff
693
es uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ont
qu’
à moitié raison. Le véritable fédéralisme ne consiste ni dans la seule
694
nion, tandis que « tous pour un » signifie l’aide
que
l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est in
695
et à chaque personne. Il est infiniment probable
que
sur le plan européen, nous allons voir se dessiner deux tendances tou
696
essiner deux tendances toutes semblables à celles
que
je viens de signaler en Suisse. Nous aurons des fédéralistes qui ne p
697
se. Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront
qu’
à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes pré
698
nous devrons constamment rappeler aux deux partis
que
le fédéralisme véritable n’est ni dans l’une ni dans l’autre de ces t
699
nds ceux d’avant 1848, on est frappé de constater
qu’
ils n’emploient jamais le terme de fédéralisme, qu’ils l’ignorent, et
700
u’ils n’emploient jamais le terme de fédéralisme,
qu’
ils l’ignorent, et qu’ils ne touchent que très rarement, et très vague
701
is le terme de fédéralisme, qu’ils l’ignorent, et
qu’
ils ne touchent que très rarement, et très vaguement, à l’idée fédéral
702
ralisme, qu’ils l’ignorent, et qu’ils ne touchent
que
très rarement, et très vaguement, à l’idée fédéraliste en soi. C’est
703
ur vie politique. Il est incontestable, en effet,
que
l’idée fédéraliste n’a pas cessé d’inspirer et de guider les démarche
704
endant des siècles. Mais il est non moins certain
que
cette idée est demeurée informulée, et même soigneusement informulée,
705
lée, et même soigneusement informulée, jusqu’à ce
que
la crise d’une guerre civile, en 1847, l’ait forcée à prendre forme e
706
prendre forme et force de loi. Et ce n’est guère
qu’
au xxe siècle que les penseurs et sociologues se sont mis à la commen
707
force de loi. Et ce n’est guère qu’au xxe siècle
que
les penseurs et sociologues se sont mis à la commenter et à philosoph
708
la pratique politique des Suisses. C’est le défi
que
représente l’esprit totalitaire, qui les force à faire aujourd’hui la
709
présente, pour la Suisse, je le vois dans ce fait
qu’
elle doit se formuler. Elle doit dire ce qui allait sans dire et qui a
710
ce qui allait sans dire et qui alors n’en allait
que
mieux. Elle s’expose à son risque maximum : celui de décoller de ses
711
s concrètes, perdant ainsi en force originelle ce
qu’
elle pourrait gagner en conscience de ses fins. De même pour le fédéra
712
cette question risque d’être mal posée. J’entends
qu’
elle risque de ne susciter que des plans rationnels et des systèmes. C
713
al posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter
que
des plans rationnels et des systèmes. C’est pour éviter ce piège auta
714
t des systèmes. C’est pour éviter ce piège autant
que
possible que je vais me borner à dégager ici, après coup, quelques-un
715
s. C’est pour éviter ce piège autant que possible
que
je vais me borner à dégager ici, après coup, quelques-uns des princip
716
Premier principe. — La fédération ne peut naître
que
du renoncement à toute idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’
717
pe de cantons citadins, plus riche ou plus peuplé
que
les autres, a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se sont lig
718
ants, les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé
que
de rendre aux vaincus leur pleine égalité de droit. Et de cet acte de
719
issements utiles, ils nous confirment dans l’idée
qu’
on ne peut pas atteindre la fin, qui est l’union, par des moyens impér
720
moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire
qu’
à l’unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième pri
721
euxième principe. — Le fédéralisme ne peut naître
que
du renoncement à tout esprit de système. Ce que je viens de dire au s
722
e que du renoncement à tout esprit de système. Ce
que
je viens de dire au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’une n
723
n de toute vie organique. Rappelons-nous toujours
que
fédérer, ce n’est pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à p
724
en que mal ces réalités concrètes et hétéroclites
que
sont les nations, les régions économiques, les traditions politiques
725
les arranger selon leurs caractères particuliers,
qu’
il s’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisi
726
naît pas de problème des minorités. On objectera
que
le totalitarisme, lui aussi, supprime ce problème : mais c’est en sup
727
ire voit une injustice ou une erreur dans le fait
qu’
une minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux
728
dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits
qu’
une majorité. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’un chif
729
orité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est
qu’
à ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit.
730
té. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente
qu’
un chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une
731
le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi
qu’
une minorité puisse compter pour autant, voire pour plus qu’une majori
732
orité puisse compter pour autant, voire pour plus
qu’
une majorité dans certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente un
733
à conserver ses particularités et son autonomie,
qu’
il serait hors d’état de défendre seul contre la pression des grands e
734
anes divers d’un même corps, elles comprendraient
que
leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’
735
t une nécessité vitale, et non pas une concession
qu’
on leur demande, ou une diminution de leur valeur propre. Elles compre
736
de leur valeur propre. Elles comprendraient aussi
que
dans une fédération, elles n’auraient pas à se mélanger, mais au cont
737
le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur. Tout ce
qu’
on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’être aussi poumon que p
738
c’est d’être un vrai poumon, d’être aussi poumon
que
possible, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon
739
venue dès 1880, dans une lettre prophétique, ceux
qu’
il appelait les « terribles simplificateurs ». Lorsque les étrangers s
740
s, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine
que
composent nos rouages communaux, cantonaux, fédéraux, si diversement
741
diversement engrenés, il convient de leur montrer
que
cette complexité est la condition même de nos libertés. C’est grâce à
742
ondition même de nos libertés. C’est grâce à elle
que
nos fonctionnaires sont constamment rappelés au concret, et que nos l
743
onnaires sont constamment rappelés au concret, et
que
nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les
744
oupent de cent manières différentes. Il est clair
que
des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin
745
siste, ou simplement tout ce qui dépasse. Mais ce
qu’
on écrase ainsi, c’est la vitalité civique d’un peuple. Une politique
746
iosité technique, et de compréhension des peuples
qu’
elle gouverne. Elle exige beaucoup plus de vrai sens politique. Finale
747
e. Finalement, si l’on y réfléchit, on s’aperçoit
que
la politique fédéraliste n’est rien d’autre que la politique tout cou
748
t que la politique fédéraliste n’est rien d’autre
que
la politique tout court, la politique par excellence — c’est-à-dire l
749
s, l’Europe est beaucoup plus près de s’organiser
qu’
il ne le semble. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’elle
750
le. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité,
qu’
elle ne le croit. C’est sur le plan de l’action gouvernementale que le
751
it. C’est sur le plan de l’action gouvernementale
que
les oppositions et les rivalités éclatent, et là seulement, elles son
752
lement, elles sont irréductibles. Je ne pense pas
que
les gouvernements puissent jamais réaliser une union viable. Leurs di
753
iés pour arbitrer le jeu des nations. Chacun sait
qu’
il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’un match les capit
754
s des équipes en présence. C’est pourtant bien ce
qu’
avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce que tente à nouve
755
it tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce
que
tente à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération europ
756
ui en est morte, et ce que tente à nouveau l’ONU,
que
cela empêche de vivre. La fédération européenne ne sera pas l’œuvre d
757
s. Le jour où les peuples d’Europe auront compris
qu’
ils sont en réalité beaucoup plus solidaires et plus unis que leurs go
758
en réalité beaucoup plus solidaires et plus unis
que
leurs gouvernements ne pourront jamais l’être, ils s’apercevront que
759
ents ne pourront jamais l’être, ils s’apercevront
que
la fédération est non seulement possible, mais facile à réaliser, et
760
tures en sont déjà esquissées. Il n’y manque plus
qu’
une charte fédérale, des organes représentatifs, et un dernier élan, u
761
ire forçant la main aux gouvernements. Souhaitons
que
cet élan soit spontané et non pas provoqué avant terme par une nouvel
762
me par une nouvelle menace extérieure. C’est dire
qu’
il nous faut aller vite. ⁂ Il n’y a, dans le monde du xxe siècle, que
763
r vite. ⁂ Il n’y a, dans le monde du xxe siècle,
que
deux camps, deux politiques, deux attitudes humaines possibles. Ce ne
764
ce ne sont pas non plus la Justice et la Liberté,
qu’
il est aussi impossible d’opposer en réalité qu’en principe. Aujourd’h
765
, qu’il est aussi impossible d’opposer en réalité
qu’
en principe. Aujourd’hui, repoussant tous ces anciens débats à l’arriè
766
subordonnées. Les principes du fédéralisme, tels
que
je viens de les rappeler, s’opposent diamétralement et point par poin
767
istes comme on respire — la partie sera déjà plus
qu’
à moitié gagnée. Car si l’Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu
768
ar si l’Europe doit durer, c’est aux fédéralistes
qu’
elle le devra, et à eux seuls. Sur qui d’autre peut-elle compter ? Ell
769
ntion de le laisser limiter, et c’est pourtant ce
que
nous leur demandons. Tous les gouvernements ont un penchant marqué à
770
leur être, et même à lui survivre aussi longtemps
que
possible avec l’appui de la police. Or l’être des gouvernements, dans
771
istible à devenir totalitaires. Et ce n’est point
que
leurs hommes d’État soient particulièrement bêtes ou méchants, mais l
772
gme de la souveraineté absolue. L’union, la paix,
que
la plupart d’entre eux désirent, ne peuvent pas être leur affaire, po
773
te l’Europe qui les poussera. De cette agitation,
que
je voudrais baptiser la Nouvelle Résistance européenne, nous nous som
774
s fédéralistes, dans la conviction sobre et ferme
que
, cette fois-ci, on ne nous laisserait plus le temps de rater. p. R
775
tion chrétienne de l’amour ? Je demande à voir ce
qu’
on entend par là. Si on la confond, comme il arrive, avec le légalisme
776
e légalisme institué par la bourgeoisie, je pense
qu’
elle a encore un bel avenir — en URSS. Voyez dans quels termes les Sov
777
xualité. Il n’est pas exact de dire, par exemple,
que
« l’homme primitif et l’homme civilisé (maintiennent) l’amour sous la
778
) l’amour sous la tutelle d’une éthique… » Car ce
que
les primitifs réglementaient n’était jamais l’amour au sens où nous l
779
ait jamais l’amour au sens où nous l’entendons et
qu’
ils ignoraient totalement, mais les rapports sexuels. Maintenant, le t
780
est la liberté même. (Et quant à ceux qui croient
que
c’est la haine qui libère, ils croient aussi sans doute que la police
781
la haine qui libère, ils croient aussi sans doute
que
la police crée l’ordre, quand elle n’en est que le déchet.) Les seuls
782
e que la police crée l’ordre, quand elle n’en est
que
le déchet.) Les seuls obstacles réels à l’amour sont en nous : sécher
783
ndra la liberté », dit la chanson. Mais il arrive
que
les voies et moyens que nous imaginons pour le réaliser — religions,
784
a chanson. Mais il arrive que les voies et moyens
que
nous imaginons pour le réaliser — religions, éthiques, politiques, pu
785
radation « dialectique » apparemment inévitable3,
que
réside la lourde réalité du problème que vous posez. Je ne me sens pa
786
itable3, que réside la lourde réalité du problème
que
vous posez. Je ne me sens pas capable de le résoudre en quelques lign
787
lité, nous en jouissons et nous en souffrons plus
que
toute autre civilisation connue. C’est la raison même pour laquelle u
788
cratiques déclaraient un beau jour en tous termes
que
dans ce domaine-là tout est permis, on sentirait à peine la différenc
789
issent des mêmes droits politiques et économiques
que
les autres. D’une manière générale, les sanctions dans le domaine sex
790
gligeables parmi nous, si on les compare à celles
qu’
entraîne la simple tentative de traverser une frontière sans visa, le
791
nous qui pose un problème sérieux. Si l’on estime
que
l’état présent de nos mœurs est satisfaisant, il en résulte qu’une «
792
sent de nos mœurs est satisfaisant, il en résulte
qu’
une « éthique de l’amour » (entendons de la sexualité) n’est pas néces
793
u juste assez pour que le piquant d’une tricherie
que
toutes nos modes, romans et films favorisentf. Si l’on estime au cont
794
f. Si l’on estime au contraire, comme je le fais,
que
nous vivons dans le chaos, l’amertume et la contradiction, il nous fa
795
le guide, ils ne circulent pas encore, mais vous,
qu’
est-ce que vous dites de la question des Noirs aux États-Unis, hein ?
796
ils ne circulent pas encore, mais vous, qu’est-ce
que
vous dites de la question des Noirs aux États-Unis, hein ? » Ce dialo
797
journalistes qui parlent en leur nom. C’est ainsi
que
L’Humanité, comme pour détourner l’attention des mises au pas mensuel
798
culture décrétées par Jdanov en Russie, proclame
que
« l’Amérique dégrade l’esprit ! » Le raisonnement, sur huit colonnes,
799
Miller propage l’idée du monde la plus désespérée
qu’
un Américain ait encore puisée dans son pays » ; 2° Truman veut asserv
800
dernier qui est « le plus rusé de tous » écrit ce
qu’
il faut pour servir « l’expansionnisme » du dollar. Qu’on ne rie pas :
801
faut pour servir « l’expansionnisme » du dollar.
Qu’
on ne rie pas : il s’agit de « dialectique ». Et qu’on ne hausse pas l
802
’on ne rie pas : il s’agit de « dialectique ». Et
qu’
on ne hausse pas les épaules : il s’agit d’un retour en force de l’hit
803
l. (C’est à peine si les termes ont changé depuis
que
Goebbels et Gaida insultaient les Yankees barbares.) Tout le raisonne
804
repose sur la conviction typiquement totalitaire
que
ce qu’on publie dans un pays donné ne peut et ne doit servir que le p
805
sur la conviction typiquement totalitaire que ce
qu’
on publie dans un pays donné ne peut et ne doit servir que le parti au
806
blie dans un pays donné ne peut et ne doit servir
que
le parti au pouvoir. Ainsi, Faulkner, Hemingway et Miller, nolens vol
807
erait le fait d’un calcul de Staline ? Il se peut
que
les rédacteurs de L’Humanité s’imaginent servir la paix et la justice
808
⁂ Tout d’abord, il est notoirement faux d’écrire
que
Henry Miller a puisé son désespoir « dans son pays » : c’est la vie d
809
est la vie de Montparnasse entre les deux guerres
que
décrivent ses Tropiques, publiés à Paris, et interdits en Amérique. E
810
ction d’un de ces romans ne représentent au mieux
qu’
une fraction négligeable des bénéfices sur la vente en Amérique ; 5° L
811
tirent à 800 000 avant la mise en vente, pour peu
qu’
un book club s’y intéresse ; 6° Le succès à l’étranger d’un Henry Mill
812
orts avec les vomissements décrits par un Miller,
que
la réalité américaine avec ce qu’en écrit un stalinien. Ceci dit, et
813
par un Miller, que la réalité américaine avec ce
qu’
en écrit un stalinien. Ceci dit, et les arguments de L’Humanité propre
814
celle du grand public, c’est-à-dire du simplisme
qu’
on baptise opinion moyenne. Sur la dictature de l’argent aux USA, tout
815
out a été dit, et les cent anecdotes personnelles
que
je pourrais verser au dossier n’ajouteraient rien que l’on ne sache.
816
je pourrais verser au dossier n’ajouteraient rien
que
l’on ne sache. Comme dans tous les pays où l’entreprise est libre, ma
817
ous les pays où l’entreprise est libre, mais plus
que
chez nous, parce que l’Américain n’est pas hypocrite dans ce domaine,
818
vres et de revues demandent avant tout d’un écrit
qu’
il se vende. On m’assure que l’éditeur d’Ambre fit savoir à la jeune e
819
avant tout d’un écrit qu’il se vende. On m’assure
que
l’éditeur d’Ambre fit savoir à la jeune et jolie femme qui en est l’a
820
oir à la jeune et jolie femme qui en est l’auteur
qu’
il jugeait l’ouvrage très mauvais, mais l’acceptait comme très vendabl
821
ès mauvais, mais l’acceptait comme très vendable.
Qu’
il y ait là une dégradation de l’esprit, je pense que tout le monde l’
822
il y ait là une dégradation de l’esprit, je pense
que
tout le monde l’admettra, sans chicaner sur le sens exact du mot espr
823
ui fait le succès financier d’un roman, bien plus
que
la passion du gain chez l’éditeur. En d’autres termes, si Ambre est u
824
qui réduit à néant ceux de Miller à Paris, c’est
que
la majorité du grand public est imbécile. Il faut donc l’éduquer, con
825
uvera le meilleur de ce qui s’écrit chez nous. Et
que
lui donne-t-on, dans le fait ? D’excellents articles sur l’hygiène, l
826
e majoritaire, nous voici tout près des problèmes
que
pose la « culture des masses » en Russie comme en Amérique. Un commun
827
en Russie comme en Amérique. Un communiste moins
que
tout autre a le droit d’ironiser sur ce sujet. L’éditeur américain,
828
jour avec une force, une pertinence, une cruauté
qu’
aucun critique européen n’égale. De Mencken à Philip Wylic, de Thorste
829
s Américains eux-mêmes, avec une liberté d’esprit
que
l’Europe ne peut qu’envier, et qui épouvanterait les staliniens. La b
830
s, avec une liberté d’esprit que l’Europe ne peut
qu’
envier, et qui épouvanterait les staliniens. La balance n’est pas égal
831
les tentations de l’argent et du succès vulgaire
que
les habitudes de mensonge en service commandé par l’État. Ce qui dégr
832
at. Ce qui dégrade l’esprit, ce n’est pas le fait
que
les mauvais romans encombrent l’étalage, mais qu’on n’ait plus le dro
833
que les mauvais romans encombrent l’étalage, mais
qu’
on n’ait plus le droit de les juger mauvais si le Parti les déclare or
834
roducers de Broadway me dit en riant : « Il n’y a
qu’
une réponse possible. Je vais faire jouer cette pièce ici, ce sera le
835
yez à cette fédération de l’Europe ? » Je réponds
qu’
il s’agit plutôt de la vouloir. « Mais pourquoi, me dit-on, faudrait-i
836
me dit-on, faudrait-il la vouloir ? » Je réponds
qu’
il n’y a qu’à regarder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères, qu’à
837
faudrait-il la vouloir ? » Je réponds qu’il n’y a
qu’
à regarder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères, qu’à voir la pla
838
» Je réponds qu’il n’y a qu’à regarder l’Europe,
qu’
à faire son bilan de misères, qu’à voir la place qu’elle tient encore
839
garder l’Europe, qu’à faire son bilan de misères,
qu’
à voir la place qu’elle tient encore ou ne tient déjà plus dans le mon
840
’à faire son bilan de misères, qu’à voir la place
qu’
elle tient encore ou ne tient déjà plus dans le monde actuel… Mais pui
841
pour formuler quelques observations très simples
qu’
il suffit de grouper pour qu’elles parlent clairement, et d’ordonner p
842
ut le monde ne le voit pas d’un coup d’œil, c’est
que
« l’homme moderne est démodé », comme l’a dit un Américain : sa consc
843
son atlas pour faire tourner un globe il verrait
que
le plus court chemin de l’Amérique à la Russie ne passe plus par l’Eu
844
es rendent plus étroits. L’Europe est plus petite
que
nous ne pensions, le monde plus grand. Nos descendants s’étonneront b
845
ont bien que Valéry ait pu nous étonner en notant
que
l’Europe n’est qu’un cap de l’Asie. À ces faits matériels vient s’ajo
846
ait pu nous étonner en notant que l’Europe n’est
qu’
un cap de l’Asie. À ces faits matériels vient s’ajouter le grand fait
847
s colonisés. Ensemble, nous serons aussi nombreux
que
les deux Grands additionnés. Ils baisseront le ton, et l’on pourra pa
848
ton, et l’on pourra parler. Notre vocation
Qu’
aurons-nous donc à dire dans cette conversation une fois les pistolets
849
osés sur la table ? Deux mondes sont en présence,
que
nous n’approuvons pas, pour des raisons d’ailleurs très inégales. L’u
850
la dictature d’un seul parti ; qui ne représente
qu’
un quart du corps électoral dans les pays où il est le plus fort, et q
851
st le plus fort, et qui ne peut faire notre unité
que
sur nos ruines, par l’occupation russe, et dans les camps. À l’égard
852
des mœurs et de la culture elle y perdrait autant
que
nous. L’Europe a dépassé le stade de l’individualisme économique. Son
853
venter un régime neuf, plus souple et plus humain
que
la dictature russe, mais guéri de l’obsession de l’argent qui dénatur
854
e à la fois libre et engagée, l’homme qui sait ce
qu’
il se doit et ce qu’il doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans to
855
engagée, l’homme qui sait ce qu’il se doit et ce
qu’
il doit aux autres. Voilà ce que cherchent dans tous nos pays les meil
856
’il se doit et ce qu’il doit aux autres. Voilà ce
que
cherchent dans tous nos pays les meilleures têtes, j’entends les moin
857
n. Voilà la vocation de l’Europe. Or il est clair
qu’
aucune de nos nations n’est en mesure de la réaliser pour son seul com
858
isme. L’opposition Il semble à première vue
qu’
un tel programme soit si clairement inscrit dans les données du siècle
859
s du siècle et si lisible aux meilleures volontés
qu’
il ne puisse provoquer d’opposition foncière. Qui oserait dire : « Je
860
ait dire : « Je veux une Europe désunie ! Je veux
que
nos rivalités se perpétuent ! Je veux que nos pays s’effondrent un à
861
Je veux que nos rivalités se perpétuent ! Je veux
que
nos pays s’effondrent un à un en toute souveraineté nationale, qu’ils
862
fondrent un à un en toute souveraineté nationale,
qu’
ils se cantonnent dans le double refus de l’Amérique et de la Russie,
863
ns le double refus de l’Amérique et de la Russie,
qu’
ils y ajoutent un troisième refus, celui de l’Europe, jusqu’à ce qu’il
864
un troisième refus, celui de l’Europe, jusqu’à ce
qu’
ils soient dûment colonisés ! » Personne n’ose dire cela, ou comme cel
865
isme et stalinisme. Le nationalisme n’est en fait
qu’
une crispation de névrose féodale, un complexe de repli devant les réa
866
hui la planète. Le défaitisme consiste à déclarer
que
la guerre des deux blocs est fatale ; inutile de rien faire en l’atte
867
ose qui l’empêche ! Enfin le stalinisme a décrété
que
l’union de l’Europe est antirusse, ce qui est la manière stalinienne
868
irusse, ce qui est la manière stalinienne de dire
que
la Russie ne veut pas la paix de l’Europe. Invités aux congrès fédéra
869
en tirant le rideau de fer, s’enferment et crient
qu’
on les empêche d’entrer, qu’on les exclut, qu’on fait un bloc contre e
870
s’enferment et crient qu’on les empêche d’entrer,
qu’
on les exclut, qu’on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’à
871
ent qu’on les empêche d’entrer, qu’on les exclut,
qu’
on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc plus qu’à faire l’Europe san
872
qu’on fait un bloc contre eux… Il n’y a donc plus
qu’
à faire l’Europe sans eux. Les sceptiques rejoindront un jour, les déf
873
n’est pas une politique. Quand il est autre chose
que
l’effet naturel d’une grande affirmation centrale, il n’est même pas
874
l n’est même pas un vrai refus : il ne peut mener
qu’
à accepter par force ce qu’on a combattu dans la faiblesse au nom de r
875
fus : il ne peut mener qu’à accepter par force ce
qu’
on a combattu dans la faiblesse au nom de rien. Mais où est la grande
876
octrine nouvelle consacrer ce besoin d’engagement
que
les totalitaires ne demandent qu’à tromper ? Ils donnent des mitraill
877
in d’engagement que les totalitaires ne demandent
qu’
à tromper ? Ils donnent des mitraillettes à ceux qui veulent du pain,
878
e. En dehors d’eux rien n’a paru depuis la guerre
qu’
ils avaient eux-mêmes déclenchée. Et nous savons pourtant que nous som
879
ent eux-mêmes déclenchée. Et nous savons pourtant
que
nous sommes plus libres qu’eux, et plus sages que les Américains. Mai
880
nous savons pourtant que nous sommes plus libres
qu’
eux, et plus sages que les Américains. Mais nous restons les bras ball
881
que nous sommes plus libres qu’eux, et plus sages
que
les Américains. Mais nous restons les bras ballants, regardant à droi
882
inventer l’avenir. C’est le fédéralisme, qui veut
que
la Terre promise ne soit pour nous ni l’Amérique ni la Russie, mais c
883
ine (hiver 1948)t Il faut être aussi rationnel
que
possible. Pas davantage. On verra bien jusqu’où cela va. Ensuite on v
884
tant de fois refusé dans un écart désarçonnant :
qu’
est-ce que le destin d’un homme, — mon destin ? C’est ici que la voie
885
ois refusé dans un écart désarçonnant : qu’est-ce
que
le destin d’un homme, — mon destin ? C’est ici que la voie prend nais
886
ue le destin d’un homme, — mon destin ? C’est ici
que
la voie prend naissance. Tu as un destin si tu es distinct. Tout homm
887
je suis unique, il est une voie qui n’est tracée
que
pour moi seul, et que seul je pourrai deviner comme on fait un poème,
888
t une voie qui n’est tracée que pour moi seul, et
que
seul je pourrai deviner comme on fait un poème, ou plutôt : comme on
889
suivent. (Par toute autre voie sûre et connue, où
que
j’arrive, je me perdrais en route.) Dans l’insignifiance d’une vie o
890
e sens acceptable sous l’uniforme absurdité de ce
que
l’on voit. C’est le seul optimiste parmi nous, qui ait causé de l’êtr
891
enir, ou parce qu’elle est un peu moins apparence
que
tout le reste et un peu plus apparition. Certains soirs, il descend l
892
ndant cela seulement qui ne ressemble à rien mais
qu’
il reconnaîtra du premier coup : un repère à la craie sur le seuil de
893
epère à la craie sur le seuil de sa vie, une note
que
lui seul peut entendre parce qu’elle résout sa dissonance intime et l
894
harmonie de son destin. Cherchant ce qui ne vibre
qu’
à lui-même et révèle un accord instant, il marche au son, comme les gr
895
ne route en do dièse dans la nuit des hauteurs. ⁂
Que
chacun donc découvre ses symboles et la voie que lui seul peut frayer
896
Que chacun donc découvre ses symboles et la voie
que
lui seul peut frayer pour s’approcher des mystères communs. Mais le m
897
rd qui juge, tous les deux sans visage… Il semble
que
ces formes et figures soient presque seules à définir le pouvoir d’il
898
andestine, fleurs de cette « rhétorique du rêve »
que
Jean-Paul a nommée le premier, ils règlent la circulation entre les p
899
fondeurs et la surface manifeste. ⁂ Je ne parlais
que
des Grands Rêves et des vrais jeux. Bien entendu, pour l’usage quotid
900
. Mais nous touchons ici au fétichisme, qui n’est
qu’
une obsession morbide du sens des signes. ⁂ Quand tout se ferme devant
901
des signes. ⁂ Quand tout se ferme devant moi, et
que
rien ne m’indique plus comment agir et comment sortir de l’impasse, j
902
e le clin d’œil de mes superstitions improvisées.
Qu’
est-ce donc que cela ? Un moyen de me refonder sur mes assises inconsc
903
de mes superstitions improvisées. Qu’est-ce donc
que
cela ? Un moyen de me refonder sur mes assises inconscientes, si la r
904
et là où elle se tait. Car d’une part les signes
que
j’accueille ont bien des chances d’être dans la complicité de mon exi
905
même à mes propres yeux. D’autre part, il se peut
que
ces signes baignent dans une réalité profonde, celle du mythe, à quoi
906
Survient alors celui qui dit : « Vous ne retenez
que
les coïncidences, prémonitions et prédictions heureuses, une sur dix,
907
nces de laboratoire. Et comme vous, je ne retiens
que
le dixième, qui donne un sens. Mais les neuf autres n’ont pas été vai
908
tout serait donc déterminé ? Nous n’aurions plus
qu’
à suivre une voie rigide, fixée de toute nécessité par le Destin ? Err
909
ent dramatique. Quel coup pour nos philosophies !
Qu’
on m’en cite une qui s’en relèverait. Une seule ! ⁂ Une idée me retien
910
⁂ Une idée me retient, me tient probablement plus
que
jamais encore je ne me l’étais avoué : celle du changement instantané
911
e s’en doute. Ne serait-ce pas sur cette croyance
que
reposent les vœux, incantations, magie — et la prière ? « Croire », d
912
et la prière ? « Croire », disait Kierkegaard, «
que
Dieu peut à tout instant, voilà la santé de la foi. » ⁂ Amoureux égal
913
t avec tout le monde, depuis trois-cent-mille ans
qu’
il y a des hommes et qui aiment : « Question de peaux. » Nous en somme
914
voie ou s’ils l’inventent ? S’ils ne l’inventent
qu’
en la suivant telle qu’elle était, ou ne la suivent qu’en l’inventant
915
ent ? S’ils ne l’inventent qu’en la suivant telle
qu’
elle était, ou ne la suivent qu’en l’inventant telle qu’elle devient ?
916
la suivant telle qu’elle était, ou ne la suivent
qu’
en l’inventant telle qu’elle devient ? Créer ou rejoindre un poème, u
917
e était, ou ne la suivent qu’en l’inventant telle
qu’
elle devient ? Créer ou rejoindre un poème, un destin, un amour, une
918
un souvenir perdu, comme un rêve qui sombrait et
que
je ramène sur la berge du réveil par une touffe de cheveux, par la ma
919
es trucs aussi, souvent vulgaires. Le poète croit
que
12 syllabes, exactement… Le superstitieux, que le 21 du mois, à 7 heu
920
it que 12 syllabes, exactement… Le superstitieux,
que
le 21 du mois, à 7 heures… Un beau soir le beau vers accourt sur douz
921
, comme il y a bonne et mauvaise poésie. Ajoutons
que
le vrai superstitieux se moque des superstitions comme le vrai poète
922
main sacrilège, l’un des murs de cette citadelle
qu’
est, pour la république des Lettres, l’immeuble des Éditions Gallimard
923
le de moine, tout embrumé par la fumée des pipes,
que
je rencontre, conversant avec Brice Parain et le Père Bruckberger, De
924
e son propos, et son regard s’éclaire d’une lueur
qu’
il me faut bien qualifier de « mystique ». Demandez-lui ce qu’il fait
925
t bien qualifier de « mystique ». Demandez-lui ce
qu’
il fait : Je n’ai d’autre spécialité, vous répondra-t-il, que de réflé
926
: Je n’ai d’autre spécialité, vous répondra-t-il,
que
de réfléchir aux conséquences générales des découvertes particulières
927
couvertes particulières, et aux liaisons humaines
qu’
elles affectent. C’est un intellectuel. Un intellectuel qui n’a pas m
928
ique pour y faire des conférences. Il n’en revint
qu’
au mois de juillet dernier. Il vécut à New York, à Princeton, où il re
929
ance d’innocence, de sports et d’ombres vertes »,
que
demeurait Albert Einstein, l’inventeur de la bombe atomique. Nous éti
930
t de la bombe atomique. Avez-vous eu l’impression
qu’
Einstein se sentait responsable de sa découverte ? Einstein est pacifi
931
? Einstein est pacifiste, il est antimilitariste.
Que
les conséquences de sa découverte l’effrayent, c’est certain. Mais sa
932
té ne se sent pas engagée. Sans doute, pense-t-il
que
, même sans lui, le secret aurait été découvert, et que par conséquent
933
même sans lui, le secret aurait été découvert, et
que
par conséquent… « La bombe, m’a-t-il dit, n’a pas changé les conditio
934
changé les conditions de la guerre beaucoup plus
que
ne l’avaient déjà fait les raids massifs d’avions. Mais la bombe a du
935
la guerre qui se trouve posée. » Et de la Russie
que
pense-t-il ? Pour lui, les Russes se savent et se sentent les plus fa
936
auvreté ne soit pas découverte. Einstein souhaite
que
tous les autres pays forment une organisation mondiale assez solide p
937
lide pour que l’URSS finisse par se rendre compte
que
son avantage n’est pas de s’y opposer perpétuellement et en vain, mai
938
x et des revues de France et de Suisse — articles
qu’
il a d’ailleurs rassemblés en un volume sous le titre : Vivre en Amér
939
re américaine est dans un certain sens plus saine
que
la nôtre. Les disputes autour de l’engagement de l’écrivain n’existen
940
it de soi en Europe aussi, avant le xixe siècle.
Que
faisaient Dante, Cervantès, Swift, Voltaire, Rousseau, etc. ? Et Calv
941
delaire, et Kierkegaard, dont toute l’œuvre n’est
qu’
immense effort pour atteindre les gens et qui est mort — oui, littéral
942
a le plus étonné, ici, dans la littérature, c’est
qu’
elle soit aujourd’hui encore représentée par la génération des hommes
943
génération des hommes de 40 à 50 ans. Je pensais
que
de plus jeunes nous relèveraient, s’imposeraient. Eh bien ! non. Ceux
944
ainsi. C’est, me semble-t-il, dis-je à mon tour,
que
le fossé creusé par la guerre de 1914 était moins profond que celui q
945
creusé par la guerre de 1914 était moins profond
que
celui qu’a creusé cette guerre-ci. Pour les jeunes hommes d’aujourd’h
946
r la guerre de 1914 était moins profond que celui
qu’
a creusé cette guerre-ci. Pour les jeunes hommes d’aujourd’hui, il ne
947
st à recréer. Ils n’ont encore rien à dire, ou ce
qu’
ils voudraient exprimer est encore imprécis. Ceux qui élèvent la voix,
948
s hommes de 40 ans comme vous les nommez, ne font
que
poursuivre les discours commencés avant 1939. À cette époque, ils por
949
r autant. Voilà pourquoi ce sont eux et eux seuls
qu’
on entend, ou du moins qu’on écoute. Les autres n’en sont encore qu’au
950
e sont eux et eux seuls qu’on entend, ou du moins
qu’
on écoute. Les autres n’en sont encore qu’aux balbutiements. La musiqu
951
u moins qu’on écoute. Les autres n’en sont encore
qu’
aux balbutiements. La musique s’est tue. Les tables se vident. Dans ce
952
ruit de la rue n’est perceptible ici. L’on dirait
qu’
on est en marge du temps. Cela donne à notre colloque une apparente gr
953
une apparente gratuité qui en trahit l’objet. Ce
qu’
il y a de remarquable chez les plus grands écrivains d’à présent, me d
954
en souvent, ce n’est pas dans leur pays d’origine
qu’
ils rencontrent le plus large accueil. Ils sont tentés d’aller là où i
955
ls deviennent des errants. Je crois, quant à moi,
que
cette transformation de leur existence ne peut pas être sans influenc
956
éen, me déclare Denis de Rougemont. Mais je pense
que
notre continent ne peut être sauvé que par une organisation fédérativ
957
s je pense que notre continent ne peut être sauvé
que
par une organisation fédérative. Le modèle en est fourni par la Suiss
958
es régions vers l’union, et, d’autre part, l’aide
que
l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Au mois d
959
pes du fédéralisme. Il ne peut naître, disais-je,
que
d’un renoncement à toute idée d’hégémonie organisatrice, d’abord, à t
960
ehors de ces gouvernements, contre eux peut-être,
que
l’organisation fédérative doit naître. Il faut provoquer les états gé
961
ont il vient de me parler. Il faut, me répond-il,
que
toutes les professions, toutes les classes soient représentées. Je vo
962
ure où toutes les aspirations pourront s’exprimer
que
le fédéralisme européen pourra s’imposer. Mais sa réalisation ne vous
963
déralistes, je vous l’assure, la partie sera plus
qu’
à moitié gagnée. Voici venue l’heure de nous séparer. Nous faisons enc
964
il achèvera de mettre au point le prochain livre
qu’
il doit publier : Les Personnes du drame . J’y traite de Goethe, de K
965
des deux mondes , des essais sur des mythes, tels
que
« Le supplice de Tantale », « L’Ombre perdue », « Le nœud gordien » —
966
« L’Ombre perdue », « Le nœud gordien » — textes
qu’
il écrivit entre 20 et 40 ans. Mais son plus important projet est de c
967
plus important projet est de composer une morale
qu’
il intitulera : La Règle du jeu. Espérons que la bombe atomique n’inte
968
rale qu’il intitulera : La Règle du jeu. Espérons
que
la bombe atomique n’interrompra pas vos travaux… La bombe n’est pas d
969
horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui
qu’
il faut contrôler. Adieu ! s. Rougemont Denis de, « [Entretien] Ren
970
Les deux blocs ? Il n’en existe
qu’
un (9 janvier 1948)u Les uns nous disent que le choix est fatal ent
971
te qu’un (9 janvier 1948)u Les uns nous disent
que
le choix est fatal entre l’URSS et les USA, et les autres refusent le
972
au dollar américain. Mais les seconds proclament
qu’
ils ne choisiront pas entre la peste et le choléra et qu’ils tiennent
973
ne choisiront pas entre la peste et le choléra et
qu’
ils tiennent la balance égale entre le refus du stalinisme et le refus
974
tre les blocs. Tout cela repose sur l’idée simple
que
nous sommes pris entre deux grands empires également impérialistes, é
975
et celui des États-Unis dans notre monde : c’est
que
nous avons chez nous un parti stalinien, qui prend ses ordres à Mosco
976
sque dans nos communes : tandis que les USA n’ont
que
des sympathies, point de propagande organisée, aucun moyen de donner
977
pas de doctrine, et n’ont rien d’autre à proposer
qu’
un genre de vie, leur way of life qui n’est nullement une arme de comb
978
tentative d’unir les nations de l’Europe : c’est
qu’
elle veut diviser pour régner. Les États-Unis, au contraire, poussent
979
Où faut-il donc chercher l’impérialisme ? Avouons
qu’
il n’est pas le même des deux côtés. Un contraste frappant Et si
980
en Amérique elle est entièrement libre, et mieux
que
cela : on en tient compte. En Russie, on promet la lune aux ouvriers,
981
agnent à peu près à chaque fois les améliorations
qu’
ils revendiquent, sur un niveau de vie d’ailleurs bien plus élevé que
982
, sur un niveau de vie d’ailleurs bien plus élevé
que
celui des ouvriers russes. Il faut vraiment se boucher les yeux pour
983
ues aux USA, non pas en URSS. Enfin, l’on me dira
qu’
il y a dans les deux camps des opprimés, de la misère et des scandales
984
s au nom de la dialectique marxiste : c’est ainsi
que
Staline a justifié la liquidation des koulaks et le pacte germano-sov
985
e. Toutes les comparaisons précises et objectives
que
l’on peut établir entre les deux puissances nous conduisent à la même
986
e les moyens de communication, s’ouvre enfin plus
qu’
aucun pays à toutes les influences du monde, et sait très bien que sa
987
pas un bloc. Un seul remède : nous fédérer
Que
devient alors ce choix que certains nous proposent ou que d’autres dé
988
mède : nous fédérer Que devient alors ce choix
que
certains nous proposent ou que d’autres déclarent noblement décliner
989
ent alors ce choix que certains nous proposent ou
que
d’autres déclarent noblement décliner ? En fait, il n’y a plus de cho
990
re un prétendu « bloc américain » n’a d’autre but
que
de masquer ce fait brutal : la Russie ne veut pas d’une Europe forte,
991
dire d’une Europe unie et autonome ; elle ne veut
qu’
une Europe livrée à sa merci par les rivalités nationalistes et la mis
992
r que nous ne tombions pas dans le piège grossier
que
nous tendent les Russes : c’est là son intérêt le mieux compris, d’un
993
eux compris, d’un point de vue stratégique autant
que
culturel. Mais elle ne pourra nous aider que si nous existons d’abord
994
tant que culturel. Mais elle ne pourra nous aider
que
si nous existons d’abord. Le seul choix qui nous reste ouvert, c’est
995
emont Denis de, « Les deux blocs ? Il n’en existe
qu’
un », L’Intransigeant, Paris, 9 janvier 1948, p. 4.
996
q minutes, pensant avoir assez compris. Dira-t-on
qu’
elle était Américaine ? À l’époque, on vit dans ce trait une exagérati
997
it français. À lire les plaintes ou les diatribes
que
provoque parmi nous depuis quelques semaines l’apparition des « conde
998
tion des « condensés », on serait tenté de croire
que
ces produits sont d’invention américaine, et que leur soudaine diffus
999
que ces produits sont d’invention américaine, et
que
leur soudaine diffusion provient d’une clause secrète du plan Marshal
1000
lan Marshall. Preuve de plus des sombres desseins
que
nourrissent les grands trusts et Wall Street, acharnés à nous asservi
1001
ner du lait en poudre aux enfants. Il faut avouer
que
le nom même de « condensé » nous vient de l’anglais, ou mieux, de l’a
1002
e tiré de l’adjectif condensed (from…), il semble
que
nos éditeurs aient voulu souligner le caractère américain de leur ent
1003
umé au lieu de condensé pour que l’on s’aperçoive
que
nous sommes en présence d’une querelle aussi vieille que celle des ma
1004
s sommes en présence d’une querelle aussi vieille
que
celle des manuels. Et il suffit de parler d’adaptations (ou d’abrégés
1005
es souvenirs, et sans recourir à d’autres sources
qu’
un vieux Lanson que j’ai sous la main. ⁂ En 1714, Houdar de La Motte c
1006
ns recourir à d’autres sources qu’un vieux Lanson
que
j’ai sous la main. ⁂ En 1714, Houdar de La Motte condense L’Iliade en
1007
nt s’est nourrie toute notre enfance. Il est vrai
qu’
en tout cela je n’ai cité que des traductions, et que ni Goethe, ni Sw
1008
enfance. Il est vrai qu’en tout cela je n’ai cité
que
des traductions, et que ni Goethe, ni Swift, ni Cervantès n’ont jamai
1009
en tout cela je n’ai cité que des traductions, et
que
ni Goethe, ni Swift, ni Cervantès n’ont jamais reçu le prix Goncourt,
1010
du succès et de la valeur littéraire intrinsèque,
que
le Roman de Tristan et Yseult, dans la version de Joseph Bédier : con
1011
uchant la valeur même du procédé. Il est probable
que
le « condensé » n’aurait pas provoqué pareille indignation chez les c
1012
ort ancien, mais encore l’Amérique en abuse moins
que
nous. Au reste, ces « condensés » sont très loin de jouer dans l’édit
1013
ouer dans l’édition américaine le rôle exorbitant
que
nous leur attribuons, et qu’ils semblent en passe de prendre ici. Qua
1014
e le rôle exorbitant que nous leur attribuons, et
qu’
ils semblent en passe de prendre ici. Quant à la légitimité de l’adapt
1015
de l’adaptation en général, les exemples français
que
j’ai cités suffisent à faire voir qu’elle est infiniment variable. La
1016
es français que j’ai cités suffisent à faire voir
qu’
elle est infiniment variable. La Motte et Ducis appauvrissent, défigur
1017
défigurent, saccagent leur modèle, et ne peuvent
qu’
en écarter le lecteur. Vogüé résume, croit condenser, mais perd en den
1018
que, et peut-être aussi le modèle (ou la victime)
que
l’on choisit. À ce propos, il est curieux de relever que tout se pass
1019
n choisit. À ce propos, il est curieux de relever
que
tout se passe comme si les grands chefs-d’œuvre se prêtaient mieux au
1020
grands chefs-d’œuvre se prêtaient mieux au résumé
que
les ouvrages d’une honnête moyenne. Les critiques n’ont pas protesté
1021
te moyenne. Les critiques n’ont pas protesté tant
qu’
on nous a servi Shakespeare et Goethe, Cervantès et Dostoïevski dans d
1022
it : j’ai peine à partager cette répulsion. C’est
que
le style de Goethe m’importe davantage que celui du dernier prix Tart
1023
C’est que le style de Goethe m’importe davantage
que
celui du dernier prix Tartempion. J’avouerai même, pendant que j’y su
1024
artempion. J’avouerai même, pendant que j’y suis,
que
ce qui me choque dans l’entreprise des éditeurs français de « condens
1025
ise des éditeurs français de « condensés », c’est
qu’
ils accordent à des ouvrages moyens ou faibles un honneur qui convient
1026
ibles un honneur qui convient aux plus grands, et
que
seuls les plus grands soutiennent. Trois remarques encore sur ce vast
1027
ennent. Trois remarques encore sur ce vaste sujet
que
je ne puis traiter ici qu’en « condensé ». L’on admet sans mauvaise h
1028
ore sur ce vaste sujet que je ne puis traiter ici
qu’
en « condensé ». L’on admet sans mauvaise humeur que Don Quichotte ou
1029
’en « condensé ». L’on admet sans mauvaise humeur
que
Don Quichotte ou Robinson soient résumés à l’usage des enfants et des
1030
aie culture ? N’a-t-il pas droit aux mêmes égards
que
la jeunesse de la part de ceux qui l’éduquent ? Ne faut-il pas lui mé
1031
cès progressif aux chefs-d’œuvre ? Autre question
que
je poserai sans la trancher : si l’on reproche aux « condensés » d’év
1032
ment choisis qui l’illustraient et le nuançaient,
que
doit-on dire de presque toutes les traductions ? Et surtout des adapt
1033
n de Vialatte, faite sur un roman non terminé, et
que
l’auteur voulait détruire, ne court-il pas les mêmes dangers que s’il
1034
ulait détruire, ne court-il pas les mêmes dangers
que
s’il était « condensé » en cinquante pages ? Faut-il crier à l’améric
1035
oir cette œuvre atteindre enfin la vaste audience
que
nos critiques n’avaient pas su lui procurer ? Pour ma part, je salue
1036
e crois vain de s’indigner des « condensés » tant
qu’
on n’aura rien fait pour la culture des masses ; car nous sommes en dé
1037
es en démocratie, et les masses y sont le despote
qu’
il s’agit avant tout d’éclairer. Mais il n’est pas vain d’exiger que l
1038
tout d’éclairer. Mais il n’est pas vain d’exiger
que
les fabricants de condensés se donnent des règles et jouent franc jeu
1039
densés se donnent des règles et jouent franc jeu.
Qu’
ils résument sans jamais récrire, c’est-à-dire qu’ils se bornent à des
1040
Qu’ils résument sans jamais récrire, c’est-à-dire
qu’
ils se bornent à des coupures, et s’il faut un raccord ici ou là, qu’i
1041
des coupures, et s’il faut un raccord ici ou là,
qu’
ils l’impriment dans un autre caractère ; qu’ils avertissent bien clai
1042
là, qu’ils l’impriment dans un autre caractère ;
qu’
ils avertissent bien clairement le lecteur qu’on ne lui vend qu’un rés
1043
e ; qu’ils avertissent bien clairement le lecteur
qu’
on ne lui vend qu’un résumé, et qu’ils rappellent les dimensions de l’
1044
sent bien clairement le lecteur qu’on ne lui vend
qu’
un résumé, et qu’ils rappellent les dimensions de l’original ; enfin q
1045
ent le lecteur qu’on ne lui vend qu’un résumé, et
qu’
ils rappellent les dimensions de l’original ; enfin qu’ils prennent le
1046
s rappellent les dimensions de l’original ; enfin
qu’
ils prennent le soin de renvoyer aux éditions complètes de l’œuvre, da