1 1946, Articles divers (1946-1948). Théologie et littérature (1946)
1 de succès, n’ont pu que confirmer une dépendance qui n’est certes plus de droit, mais n’en demeure pas moins de fait et de
2 trop différent, et presque sans commune mesure. À qui la faute ? 4. Certes, je suis le premier à redouter que les théologi
3 s’agit trop souvent de comptes rendus d’amateurs qui cherchent à parler des livres « comme tout le monde » et à faire oubl
4 rner » leurs sermons. Ce n’est pas la littérature qui doit prêter secours à la Parole de Dieu, mais c’est le contraire. S’i
5 equête précise à présenter aux jeunes théologiens qui me liront. Je voudrais que certains d’entre eux se consacrent à l’exa
6 même homme. Ceci dit, j’en reviens à mon propos, qui était de soulever une question, et de suggérer pour son étude quelque
7 ans, des Amériques depuis longtemps colonisées. Qui voudrait nous écrire une histoire des principales écoles modernes d’u
8 int de vue strictement théologique ? Une histoire qui nous montrerait non seulement ce que les écrivains, à leur insu, doiv
9 sme, de l’arianisme et du libéralisme romantique. Qui voudra et pourra l’expliquer aux disciples de ces mouvements ? Il y f
10 quoi faudrait-il qu’à l’obscurantisme théologique qui dénote la culture d’aujourd’hui, réponde chez les théologiens un « re
11 ses suivantes. 6. C’est l’extrémisme théologique qui agit aujourd’hui sur les écrivains, tandis que le libéralisme tendait
12 s Carroll, et vingt autres noms du même ordre. Ce qui ne signifie rien, bien entendu, pour ou contre le ritualisme, mais in
13 re en garde son public contre l’illusion courante qui consiste à ne prendre en considération comme auteurs « chrétiens » ou
14 e auteurs « chrétiens » ou « religieux » que ceux qui parlent de Dieu et traitent de sujets religieux. Ici encore, « ce ne
15 ets religieux. Ici encore, « ce ne sont pas ceux qui disent : Seigneur ! Seigneur !… mais ceux qui font la volonté de mon
16 eux qui disent : Seigneur ! Seigneur !… mais ceux qui font la volonté de mon Père… » que nous devons prendre au sérieux. Fa
17 souvent beaucoup plus réel et agissant que celui qui fait l’objet déclaré du dit écrit. Parfois ces deux messages s’accord
2 1946, Articles divers (1946-1948). Le supplice de Tantale (octobre 1946)
18 ses lèvres, la branche fuit sa main, et le rocher qui surplombe sa tête va tomber mais ne tombe jamais. Pour l’observateur
19 corps, quand il lève le bras vers ces fruits mûrs qui font ployer la branche au-dessus de son front, on dirait que son gest
20 dirait que son geste même déclenche un mécanisme qui l’annule. Mais on dirait aussi que son regard, dès qu’il l’élève avec
21 es lois de la chute des corps et de leur inertie, qui sont celles mêmes de la mort, font place aux lois des dieux, qui sont
22 mêmes de la mort, font place aux lois des dieux, qui sont celles de l’esprit ; et des dieux irrités contre l’homme, c’est-
23 me orgueil, il nourrit la vengeance des « dieux » qui frustrent ces désirs et qui retardent, ironiquement, d’écraser cet or
24 ngeance des « dieux » qui frustrent ces désirs et qui retardent, ironiquement, d’écraser cet orgueil. Imaginons, maintenant
25 et le rocher l’écrase. Mais c’est précisément ce qui n’arrive jamais, et ne peut arriver dans le Tartare. Tantale, ne croy
26 sa faim, à sa soif et à sa peur. Il est cet homme qui , dans chacun de nous, préfère le désir, même douloureux d’avoir été m
27 poir, la nostalgie du gain. Supposons un individu qui aurait désiré si longtemps que tout son être en fût devenu attente, e
28 homme s’identifie à l’une de ses tendances, celui qui gagne est donc toujours un autre. Et celui qui désire ne gagnera jama
29 ui qui gagne est donc toujours un autre. Et celui qui désire ne gagnera jamais. C’est le sophisme de l’empereur : Napoléon
30 éon n’est pas un Bonaparte comblé, mais quelqu’un qui s’est substitué, sous le manteau d’hermine, à Bonaparte. Le romantiqu
31 le manteau d’hermine, à Bonaparte. Le romantique qui rêvait d’être empereur est mort le jour du couronnement. Tous nos suc
32 an-Paul1, une histoire étrangement parabolique et qui , dans le registre de l’humour profond, reproduit notre fable grecque,
33 appartiendront à celui des sept de MM. mes Neveux qui , durant la demi-heure qui suivra la lecture de la présente clause, ve
34 sept de MM. mes Neveux qui, durant la demi-heure qui suivra la lecture de la présente clause, versera avant tous les autre
35 t, et cela en présence d’un respectable magistrat qui en dressera le protocole. Si tout reste sec, mes biens seront donnés
36 ce qu’il y a d’émouvant dans les livres. Klitte, qui est alsacien, jure que pour tout l’or du monde, une plaisanterie de c
37 s, il ne pleurera pas : car la vision de la proie qui s’approche sera « bien trop réjouissante » pour son cœur, et le Royau
38 ir anticipé suffit encore à refouler cette larme, qui pouvait seule, et dans un seul instant, mériter la joie éternelle.
3 1946, Articles divers (1946-1948). Genève, rose des vents de l’esprit (19 décembre 1946)
39 s. Tous les journaux en ont abondamment parlé, ce qui nous dispense d’y revenir en détail. Mais nous avons tenu à recueilli
40 tion. L’Européen veut prendre conscience du drame qui se joue en lui, qui se joue en chaque homme. Mais l’Américain ?… L’A
41 t prendre conscience du drame qui se joue en lui, qui se joue en chaque homme. Mais l’Américain ?… L’Américain, lui, c’est
42 . Mais l’Américain ?… L’Américain, lui, c’est ce qui le distingue de l’Européen, court à la conclusion. Il veut une soluti
43 de la presse, et vous repoussez l’existentialisme qui pose des questions, et vous refoulez les reporters étrangers et vous
44 re le totalitarisme et pour la démocratie réelle, qui est le fédéralisme. Un régime de tyrannie n’aboutit jamais à la liber
45 it européen, où la France donne le ton, la France qui est un pays de dialogue, comme aime à répéter André Gide. Quand cesse
46 . Quand cesse le dialogue, c’est le totalitarisme qui sévit. Denis de Rougemont nous dit encore quel éloge enthousiaste tou
4 1947, Articles divers (1946-1948). Préface à Le Cœur est un chasseur solitaire de Carson McCullers (1947)
47 ins tremblaient, et l’on pensait que sans sa mère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule da
48 félicitai sur le beau titre de son premier roman qui venait de paraître — écrit entre 19 et 22 ans — et elle me dit merci,
49 is, inaugurant avec Kay Boyle et Richard Wright — qui fut le premier à saluer son talent — la reprise de l’émigration tradi
50 professe pas du tout ce culte du roman américain qui caractérise la seconde. Carson McCullers par exemple, quand je l’inte
51 décrivaient le chaos avec une sorte de brutalité qui en était le reflet plus que l’explication. Mais cette recherche obscu
52 uliers, des sensations, des attractions mutuelles qui meuvent à leur insu les personnages. C’est une recherche proprement r
53 hie plus fascinée que volontaire. Ainsi les êtres qui animent cet ouvrage se poursuivent, se rapprochent et se manquent dan
54 anquent dans une espèce de tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la vie intérieure en quête d’explications, d
55 . Comme cette Mick, jeune fille pauvre de 15 ans, qui cherche la musique dans sa petite ville, et repère une à une les mais
56 s supports. Leurs dialogues sont de courts essais qui nous conduisent par un léger détour aux conclusions décidées par l’au
57 r débrouiller que pour sensibiliser les questions qui tourmentent l’époque. ⁂ Je me suis demandé souvent : quel est le suje
58 uction serrée, comme celle d’un motet à cinq voix qui se signalent et se posent une à une, se cherchent, se rencontrent une
59 s de beauté insolite (comme la promenade de Baby) qui finissent tous dans un geste mortel, coupant, atroce. Est-ce que le s
5 1947, Articles divers (1946-1948). La lutte des classes (1947)
60 ne servent cependant qu’aux petits déplacements, qui sont des voyages concentrés et plus émouvants que les vrais, parce qu
61 déchirant, la rupture et la découverte, l’évasion qui se mue en invasion, ce début qui clôt une vie, cette conclusion qui e
62 verte, l’évasion qui se mue en invasion, ce début qui clôt une vie, cette conclusion qui en ouvre une autre, tandis qu’entr
63 sion, ce début qui clôt une vie, cette conclusion qui en ouvre une autre, tandis qu’entre les deux s’opère en un clin d’œil
64 s mêmes de l’État au classicisme véritable, celui qui exprime le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’inspiration
65 celui qui exprime le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’un raccourci métaphorique.
66 de cette discipline spontanée, voire prévenante, qui fait la force principale de notre régime fédéral. Revenant en Suisse
67 e trait national — le seul sans doute, chez nous, qui mérite l’adjectif —, je me disais : « C’est notre force, et ce sera p
68 mes. En dépit du langage courant, c’est le normal qui est exceptionnel, ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui d
69 el, ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand ils paraissent, phénomènes hautement impro
70 se détournent qu’avec cet air exaspérant de celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir et pour ré
71 ère vue les resquilleurs, ces jeunes gens excités qui prétendent ne pas payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de p
72 omise, affirment-elles, par le jeune mâle placide qui leur fait face, mi-flatté mi-gêné. Je me sens devenir réactionnaire,
73 tté mi-gêné. Je me sens devenir réactionnaire, ce qui m’effraye encore un peu, bien que je voie venir le jour où la réactio
74 n. Confirmation de la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse
75 transparents. (Avez-vous remarqué que les trains qui vous croisent sont transparents s’ils vont très vite ? On ne cesse de
76 2 ans, quand je lisais sur les longs wagons bruns qui s’engouffraient au tunnel du Gothard : Amsterdam-Köln-Olten-Zagreb-Bu
6 1947, Articles divers (1946-1948). Les maladies de l’Europe (1947)
77 ides, et si tu veux m’aimer, regarde bien d’abord qui je suis devenue ! » Ensuite on se promène, on dit : « Où en es-tu ? q
78 » Ensuite on se promène, on dit : « Où en es-tu ? qui vois-tu ? quels sont tes soucis ? » Et puis, après ce petit tour d’ho
79 ils ont marqué leurs adversaires d’une empreinte qui vaut une victoire. C’était fatal ! Imaginez deux hommes qui se disput
80 ne victoire. C’était fatal ! Imaginez deux hommes qui se disputent : l’un est une brute, et son point de vue, c’est que la
81 ours triompher ; l’autre est un parfait gentleman qui croit que les bonnes manières viendront à bout de tout. Mais, si la b
82 e se jette soudain sur lui, dans le corps à corps qui s’ensuit, vous ne distinguez plus deux points de vue, mais seulement
83 s seulement les ruines et les désordres matériels qui marquent le passage du Führer. La lutte contre les forces qu’il incar
84 s — l’anti-Europe. Qu’était-il en effet pour ceux qui le combattaient ? La rage antichrétienne, la rage antisémite, la rage
85 peu près tout cela — moins Hitler. Mais tout cela qui était chez les « nazis », chez les méchants, en face de nous, ressurg
86 out ce qu’a perdu la religion, c’est la politique qui le gagne. Admirable libération ! Insistons fortement sur ce trait : l
87 ’est pas nouveau, même chez les intellectuels. Ce qui est nouveau, c’est de le voir pratiqué précisément par ceux de l’avan
88 pratiqué précisément par ceux de l’avant-garde ou qui se donnent pour tels en politique. Ce qui est nouveau, c’est de le vo
89 arde ou qui se donnent pour tels en politique. Ce qui est nouveau, c’est de le voir défendu par ceux-là mêmes dont la fonct
90 ndé est un nouveau succès de l’esprit totalitaire qui n’a eu qu’à changer d’étiquette pour occuper, sans coup férir, d’impo
91 ropéenne, admirable sursaut d’une liberté blessée qui se défendait, mais aussi d’un espoir exigeant qui attaquait, est en t
92 qui se défendait, mais aussi d’un espoir exigeant qui attaquait, est en train d’avorter sous nos yeux, et pas un résistant
93 ises dans la lutte clandestine, ce sont les pires qui se perpétuent, non les meilleures : le mensonge et non pas le témoign
94 de ruineux budgets de défense nationale. Un pays qui ne peut pas vêtir ses déportés trouve encore le moyen de faire des un
95 infaillibles contre un groupe d’autres scélérats qui se disent de bonne volonté ! Pendant ce temps que font les élites ? J
96 contrôlés par l’État ou par le parti au pouvoir, qui sont la radio et la presse. Seuls ces moyens sont à l’échelle des mas
97 insi privés de guides spirituels, les jeunes gens qui ne se contentent pas de cultiver le sens de l’absurde cherchent des c
98 cultiver le sens de l’absurde cherchent des chefs qui leur commandent d’agir et de réussir n’importe quoi. Le « Führerprinz
99 i. Le « Führerprinzip » n’est pas mort avec celui qui lui donna son nom. Il se cherche, il se trouve d’autres « chefs bien-
100 ation de deux empires extraeuropéens. Ce sont eux qui ont gagné la guerre, et non pas nous. Ce sont eux qui ont repris en c
101 ont gagné la guerre, et non pas nous. Ce sont eux qui ont repris en charge le progrès et la foi au progrès. Et nous restons
102 u de ces exagérations. Il reste cependant un fait qui ne dépend à aucun degré de nos estimations ou jugements subjectifs :
103 et de certaines croyances apparus sur son sol, et qui semblaient parfois définir son génie. Notre rêve du progrès par exemp
104 er vers l’Amérique et la Russie. C’est une notion qui s’étiole chez nous d’autant plus vite qu’elle grandit mieux ailleurs,
105 ge, inhumain, menaçant. Ces notions et ces mythes qui nous reviennent d’outre-Atlantique ou d’outre-Oder, nous refusons d’y
106 pitalisme industriel et le libéralisme politique, qui ont fait fortune en Amérique, venaient d’Europe ; comme en venaient l
107 le établie par la force aux dépens de la coutume, qui triomphent dans l’empire des Soviets. Comme aussi le respect de la sc
108 s. Comme aussi le respect de la science appliquée qui régit dans ces deux pays l’éducation de l’enfant et l’eugénique, l’al
109 e progrès collectiviste ou de progrès capitaliste qui ont quitté notre continent, mais à leur suite les espoirs et les rêve
110 iments égoïstes d’un vieux propriétaire dépossédé qui pleure et rage sur la perte d’un domaine, alors que ce domaine menace
111 Cette même question, je sais plusieurs Européens qui se la posent en termes tout à fait urgents et familiers, quand ils se
112 bien tenu, ou au contraire la vision d’une Europe qui aurait cédé aux tentations d’un bonheur étranger à son génie, une Eur
113 cience de l’humain, oui, l’âme d’une civilisation qui serait perdue, perdue pour tous et non seulement pour nous ! Ce n’est
114 nous l’avions tous compris. C’est un point de vue qui se définit comme une position polémique à l’intérieur du champ que l’
115 omparaison entre l’Europe et les nouveaux empires qui se désignent typiquement par des lettres et presque les mêmes : US d’
116 . Il y a ce signe de contradiction par excellence qui est la croix. Au contraire, à l’origine des deux empires nouveaux, il
117 e. Il s’ensuit que le héros européen sera l’homme qui atteint, dramatiquement, le plus haut point de conscience et de signi
118 me le plus conforme au standard du bonheur, celui qui réussit, celui qui ne souffre plus parce qu’il s’est parfaitement ada
119 au standard du bonheur, celui qui réussit, celui qui ne souffre plus parce qu’il s’est parfaitement adapté. L’homme exempl
120 Je prendrai simplement l’exemple de l’entreprise qui nous rassemble ici. En Amérique, je pense que ces rencontres seraient
121 int comme entité spirituelle, dans les diversités qui s’expriment ici, à Genève, dans notre rencontre. Ainsi donc, la confr
122 rice, la sécurité et le risque, les règles du jeu qui sont pour tous et la vocation qui est pour un seul. Crucifié, dis-je,
123 s règles du jeu qui sont pour tous et la vocation qui est pour un seul. Crucifié, dis-je, car l’homme européen en tant que
124 se foi en service commandé, dont j’ai déjà parlé, qui fait le jeu de la réaction en écœurant par sa tactique ceux qui se dé
125 u de la réaction en écœurant par sa tactique ceux qui se dévouent à la cause de la justice économique. Empêcher les guerres
126 les élites, ou par quelques meneurs et malmeneurs qui usurpent la charge des élites lorsque celles-ci négligent de l’exerce
127 ividus, répond mécaniquement un excès d’étatisme. Qui veut faire l’ange, ou le démon, fait la bête et voici qu’on l’enferme
128 andons, en effet, quels sont les pays de l’Europe qui « marchent le mieux », nous constatons que ce sont sans contredit : l
129 t on exige le suicide. C’est la volonté d’unifier qui provoque leur refus de s’unir, c’est elle qui excite en eux la volont
130 ier qui provoque leur refus de s’unir, c’est elle qui excite en eux la volonté morbide de s’enfermer dans leur différence e
131 est une loi que je signale en passant. La volonté qui possède Bonaparte d’unifier l’Europe au mépris des diversités nationa
132 déclare souveraine la nation unifiée de la sorte, qui se conduit alors vis-à-vis de l’Europe comme un groupe absolutisé, co
133 st pourquoi la vocation de l’Europe et des élites qui portent la conscience de cette Europe, m’apparaît, dans un double off
134 liberté dans l’ordre. Après tout, c’est l’Europe qui a sécrété ce contagieux nationalisme, c’est à elle d’inventer son ant
135 e malgré la contagion des mystiques totalitaires, qui affecte une certaine part de nos esprits, l’Europe garde encore l’apa
136 es et de ces idéaux, c’est notre sens d’un absolu qui dépasse l’homme et son bonheur, c’est notre sens du transcendant, pré
137 ns du transcendant, précisément, c’est notre foi, qui doit faire de nous des douteurs et des objecteurs de conscience. Cepe
138 euf fois sur dix. Je pense aux crises économiques qui menacent constamment l’Amérique. Celle de 1930 eut pour effet de la r
139 ils ont contre eux beaucoup de réalités humaines, qui gênent l’exécution de leurs plans rationnels. Il faut bien constater
140 use — et c’est à tel point qu’on se demande si ce qui les gêne le plus n’est pas simplement l’homme, dans son humanité rebe
141 couvrir ce que nous savons depuis des siècles, ce qui nous permet donc d’aller plus loin. Ainsi l’Europe construit des égli
142 pe, mais pour le monde. Dans une certaine mesure, qui est celle du réalisme politique, et il fallait tout de même que ce fû
143 s reculer devant l’apparence d’un calembour, mais qui formule non sans bonheur, je crois, l’attitude d’engagement et de sol
144 e crois, l’attitude d’engagement et de solidarité qui doit ici nous inspirer, je dirai, songeant à l’Europe et à sa vocatio
7 1947, Articles divers (1946-1948). L’opportunité chrétienne (1947)
145 puis des systèmes sociologiques et philosophiques qui se mirent à pulluler dès le xixe siècle, et qui se posaient en terme
146 qui se mirent à pulluler dès le xixe siècle, et qui se posaient en termes intraduisibles dans les catégories théologiques
147 ers progrès de la science », cette tolérance même qui se manifestait à l’égard des « survivances religieuses », firent auta
148 ur âme même, du moins à cette véhémence flambante qui fut toujours signe et symbole de l’Esprit. Un fils soumis de Rome, le
149 rque hélas valable pour bien d’autres Églises, et qui résume toute une époque. Je pense qu’avec la guerre, cette époque a p
150 fait que le totalitarisme a rompu la paix fausse qui semblait établie entre les sociétés laïques et les Églises ; qu’il a
151 a culture laïque, a-chrétienne ou antichrétienne, qui prétendait se substituer à la religion et conduire le monde moderne v
152 à une victoire, il faut bien le dire. Les nations qui ont perdu la guerre ont tout perdu ; mais celles qui l’ont gagnée n’o
153 ont perdu la guerre ont tout perdu ; mais celles qui l’ont gagnée n’ont rien gagné : elles ont seulement repoussé une mena
154 doctrines nihilistes dans un jargon philosophique qui les rend pour le moins inoffensives. Devant cette démission de la pen
155 une agressive naïveté ; tendre une perche à ceux qui se noient. Comme laïque se tenant dans l’Église, et voyant au-dehors
156 ehors ses chances d’action, et la misère du temps qui appelle, j’attends ceci : 1° Que l’Église offre un type de relations
157 siècles sombres, avant la floraison du Moyen Âge, qui fut son œuvre. Il s’agit de restaurer le sens de la communauté vivant
158 at et à ses réglementations, souvent utiles, mais qui ne sont jamais règles de vie. Je voudrais une sociologie chrétienne p
159 Croix » non la sagesse bourgeoise. Quelque chose qui entraîne en avant et au-delà, non pas ce qui retient en arrière des r
160 hose qui entraîne en avant et au-delà, non pas ce qui retient en arrière des risques de la vie. 4° Que l’Église affirme ave
161 ure sur notre planète, ce ne sera qu’au nom de ce qui transcende nos attachements nationaux, politiques et raciaux. Et c’es
162 , que des tyrans, leurs guerres, et les tyrannies qui en résultent… Un mot encore. Ce programme, qui résume à mes yeux les
163 s qui en résultent… Un mot encore. Ce programme, qui résume à mes yeux les plus grandes chances d’action du christianisme
164 e peu réunis dans une chambre ; par des mystiques qui n’auront l’air de rien ; par des hommes dont on dira qu’ils exagèrent
165 t dire par là : « l’incomparable, l’unique, celui qui a reçu de Dieu une vocation précise », et il ajoute : « toute vocatio
166 écédent, et paraît donc ‟invraisemblable” à celui qui la reçoit. Exemple : Abraham ». d. Rougemont Denis de, « L’opportun
8 1947, Articles divers (1946-1948). La guerre des sexes en Amérique (janvier 1947)
167 le laisser-aller naïf en apparence de la jeunesse qui vit au cinéma et s’inspire des valeurs d’Hollywood, en dépit de toute
168 irituelles à la fois délicates et profondes, mais qui n’ont pas trouvé leur véritable objet ; un pouvoir exceptionnel de co
169 n ce goût de la torture exaltante et intéressante qui fait le sujet de nos plus beaux romans d’amour. Les obstacles au bonh
170 amais prendre au piège d’une intrigue complexe et qui menace de tirer à conséquence : telle est la grande maxime de sa mora
171 sa morale nouvelle. Les difficultés sentimentales qui nous fascinent et que nous cultivons, sans nous l’avouer, lui font pe
172 t l’éloignent vite de l’être ou des circonstances qui les causent. Il n’a pas le goût de la durée intense. C’est tout de su
173 -passion ne saurait exister dans une civilisation qui n’accorde à l’échec nulle dignité spirituelle, et qui ne tient pour v
174 n’accorde à l’échec nulle dignité spirituelle, et qui ne tient pour vrai que ce qui réussit. Or, l’échec n’est pour eux qu’
175 ité spirituelle, et qui ne tient pour vrai que ce qui réussit. Or, l’échec n’est pour eux qu’une perte sèche, et non la con
176 insi un avantage énorme aux femmes. C’est l’homme qui amène l’argent, en règle générale, mais c’est la femme qui tient les
177 l’argent, en règle générale, mais c’est la femme qui tient les cordons de la bourse, en l’occurrence, le carnet de chèques
178 (ou un peu plus) dans cette ardeur inextinguible qui la possède de perfectionner tout ce qui tombe à portée de sa main (et
179 tinguible qui la possède de perfectionner tout ce qui tombe à portée de sa main (et un peu plus). On ne saurait dire d’elle
180 c’est justement pour libérer la femme des soucis qui l’absorbent chez nous. Il est étrange que nous parlions toujours de l
181 e a renversé le rapport des forces. C’est le mari qui peine pour payer le frigidaire et permettre à la femme de lire des ro
182 scène criarde, mais affichera un silence offensé qui signifie à son mari d’intervenir, sinon elle va se lever et sortir d’
183 . Nous sommes donc en présence d’une civilisation qui tend vers le matriarcat, dans la mesure où les facteurs économiques l
184 loin du foyer, dans ces trois lettres fatidiques qui sont le secret de millions de drames matrimoniaux, sexuels et psychiq
185 oisives. La mère américaine, libérée des travaux qui la maintiennent ailleurs dans les limites de l’activité domestique, a
186 auteur — « cette part de la personnalité du fils qui devait devenir l’amour d’une femme de son âge ». Mom le transmute en
187 de la Mère la tragédie secrète d’une civilisation qui produit plus de divorces, plus d’homosexuels, plus d’obsédés que l’on
188 es, par tablées, composent aux yeux de l’étranger qui s’égare dans ce lieu réservé, le spectacle le plus inquiétant du Nouv
189 la machine numéro un dans la maison — soient ceux qui offrent le plus de garanties contre le divorce américain. Du divor
190 c’est le même juge — passant par l’autre porte — qui légalisera les deux actes. Telle est du moins la coutume de Reno. Ren
191 sité pratique créée par les étranges législations qui règnent encore dans maint État de l’Union. Ainsi dans l’État de New Y
192 ez les noms des conjoints suivis de cette mention qui n’étonne plus : « lui pour la troisième fois, elle pour la quatrième.
193 très connue déclarait à un groupe de journalistes qui la félicitaient sur ses fiançailles, à 19 ans : « C’est merveilleux d
194 de la mise au net, d’origine nettement puritaine, qui explique peut-être, en fin de compte, le phénomène du divorce américa
195 Noirs, les Irlandais, les Polonais, les Italiens qui forment ensemble les trois quarts au moins de la population de New Yo
196 par là, l’un d’eux me dit : « Décent est l’homme qui tient parole et se tient propre, à tous égards. » Cette volonté de vi
197 r des complexes… Et pourtant, dans cette liberté, qui entraîne une grande licence des mœurs chez les jeunes gens, l’Europée
198 de conscience dans le mal et de plaisir au drame qui , chez nous, pervertit la vie sexuelle et l’élève au niveau de la cult
199 tabous puritains, refoulés dans l’inconscient, et qui se vengent. Les statistiques de crimes sadiques, de délinquance juvén
200 urs américaines, c’est qu’on y pressent un avenir qui sera sans doute celui de la Russie soviétique et d’une partie de la j
201 e, provisoirement. Entre les moralistes puritains qui tentaient follement de faire « comme si » l’instinct sexuel pouvait ê
202 t être passé sous silence ou nié ; les sexologues qui tenteront follement de faire « comme si » ce même instinct souffrait
203 mesures rationnelles ; les producers de Hollywood qui tentent follement de l’exciter tout en le contenant dans de « justes 
204 en Amérique, même dans la bouche des prédicateurs qui le dénoncent. 5. Sauf dans le domaine intellectuel, où l’on pourrait
9 1947, Articles divers (1946-1948). Journal d’un intellectuel en exil (mars 1947)
205 se, probablement « réactionnaire », l’un des mots qui leur fait le plus peur. Mais quand ils décident de penser, ils tourne
206 rmanique et jugent mundane ou irresponsible celui qui évite dans ses écrits les mots en isme, et le langage technique des i
207 de Franco et de leurs régimes « d’avenir »… Celui qui ne veut pas croire au diable travaille fatalement pour lui. Cambridge
208 arvard, au milieu de la petite ville de Cambridge qui n’est plus qu’un faubourg de Boston. Le premier soir en arrivant dans
209 ux, des marais, des débris et les fumées des feux qui les détruisent, lieu de désolation voluptueuse où T. S. Eliot, me dit
210 s sur le gazon, irrégulièrement espacées. Ce pays qui n’aime pas la mort comme les Germains, et n’en fait point de cérémoni
211 plupart sont des monstres modestes. J’en ai vu un qui mangeait un sandwich et c’était un spectacle fascinant. Il l’avait dé
212 e second était ivre. Le troisième parlait peu, ce qui est le privilège des génies. New York, 15 mai 1941 Recette pour vivr
213 , formant terrasse, d’une maison de trois étages, qui est un couvent. Les nonnes, deux par deux, vont et viennent sur ce to
214 it dans un salon. Rentré tôt, mais n’ai rien fait qui vaille de toute la nuit. Voilà qui est clair : ou écrire, ou sortir.
215 n’ai rien fait qui vaille de toute la nuit. Voilà qui est clair : ou écrire, ou sortir. 20 mars 1942 Pluie torrentielle et
216 ma porte et j’entends le téléphone. C’est un ami qui va quitter l’Office of War Information, étant appelé d’urgence à Wash
217 tion de langue française d’un organisme américain qui tient le rang et joue le rôle de ministère de l’Information. Il peut
218 es que nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jours dans une vaste demeure aux portes condamnée
219 sées, fatigue, paniques locales entre des groupes qui bavardent… Passe Julien Green, il apporte son texte sur la vie dans l
220 niforme simple du GI. Ces messieurs les speakers, qui sont André Breton, le peintre Amédée Ozenfant et le jeune fils des Pi
221 e de Bernstein, il voudrait bien savoir un peu ce qui se passe… « N’êtes-vous pas l’auteur du Secret ? Souffrez que j’en so
222 cueillant un à un, mais longuement, les visiteurs qui passent par cette ville de nulle part. Et j’ai songé à cette autre re
223 La Muette », où Ramuz lui aussi laisse venir ceux qui lui apportent les rumeurs de la planète. Mais l’un questionne et l’au
224 e. Il parle de Briand qu’il a servi longtemps, et qui n’a jamais su qu’il y avait Saint-John Perse ; d’Hitler dont il a reg
225 s et qu’il décrit en termes médicaux ; de Reynaud qui l’a renvoyé sous la pression du parti de l’armistice… Et je doute si
226 prisonniers » ; donner des recettes de sabotage, qui seront reprises par la presse clandestine… Mais dire aussi les revers
227 n’est pas de mensonge, si pieux mensonge soit-il, qui ne serve Hitler en fin de compte. J’écris vingt à trente pages par jo
228 entouré de trois côtés par des lagunes sinueuses qui s’avancent dans un paysage de forêts et d’îles tropicales. « Je voula
229 rme (« Je vais vous lire mon œuvre posthume ») et qui me paraît ce qu’il a fait de plus beau. Tard dans la nuit je me retir
230 inflexible. Il me donne l’impression d’un cerveau qui ne peut plus s’arrêter de penser… Fin octobre 1942 Propagande et sty
231 éry, chez Gide et leurs disciples de la NRF , et qui en anglais retombent à plat, à la radio font parasites. Il faut saute
232 s bons auteurs français contemporains : n’importe qui dira qu’ils « écrivent bien », parce que leurs élégances restent cous
233 us vivons au xxe siècle, et je voudrais un style qui supporte le transport. Les choses que l’on publie, si elles sont impo
234 lic, dans la banalité au sens propre du terme (ce qui est à tous, comme on le dit d’un cœur, d’un taureau ou d’un four « ba
235 est devenue le droit d’énoncer des banalités mais qui ne passent plus pour telles, et qui portent. Savoir ne point se limit
236 analités mais qui ne passent plus pour telles, et qui portent. Savoir ne point se limiter constamment à la qualité. Car cel
237 première vue, et seules font accepter l’original, qui fit scandale ou même ne fut pas remarqué. (Balzac « journaliste », Be
238 eu : vous n’êtes plus l’invité mais un client, et qui devrait s’arranger pour payer. Et quand vous n’avez plus d’argent, c’
239 z plus d’argent, c’est tout d’un coup le monsieur qui ne tient pas à ce que vous causiez des ennuis. Débrouillez-vous. Et p
240 ter cela, donc en somme pour défendre l’esprit, —  qui était pourtant tout ce qu’il restait à défendre par nous, dans l’exil
241 Il s’agit du livre intitulé La Part du diable , qui devait paraître à New York à la fin de 1942, dans une première versio
10 1947, Articles divers (1946-1948). La jeune littérature des États-Unis devant le roman américain (7 juin 1947)
242 ins tremblaient, et l’on pensait que sans sa mère qui l’accompagnait ce jour-là, elle ne ferait pas deux pas toute seule da
243 félicitai sur le beau titre de son premier roman qui venait de paraître — écrit entre 19 et 22 ans — et elle me dit merci,
244 is, inaugurant avec Kay Boyle et Richard Wright —  qui fut le premier à saluer son talent — la reprise de l’émigration tradi
245 professe pas du tout ce culte du roman américain qui caractérise la seconde. Carson McCullers par exemple, quand je l’inte
246 décrivaient le chaos avec une sorte de brutalité qui en était le reflet plus que l’explication. Mais cette recherche obscu
247 uliers, des sensations, des attractions mutuelles qui meuvent à leur insu les personnages. C’est une recherche proprement r
248 hie plus fascinée que volontaire. Ainsi les êtres qui animent cet ouvrage se poursuivent, se rapprochent et se manquent dan
249 anquent dans une espèce de tâtonnement aventureux qui est le mouvement même de la vie intérieure en quête d’explications, d
250 r débrouiller que pour sensibiliser les questions qui tourmentent l’époque. m. Rougemont Denis de, « La jeune littératur
11 1947, Articles divers (1946-1948). Drôle de paix (7 juin 1947)
251 as même l’anxiété, c’est simplement l’incertitude qui domine l’état d’esprit général de l’époque, depuis que Hitler a dispa
252 ée par des espaces nouveaux, se trouble. Le monde qui encadrait nos actes et pensées et suffisait à leur fournir des repère
253 , dont chacune signale une menace ou une promesse qui peut nous concerner, mais dont il nous est impossible d’évaluer la po
254 s et les princes ne s’accordent que sur un point, qui est de refuser les plans de retraite obstinément offerts par les Angl
255 merci entre le Kouomintang et l’armée communiste, qui n’est même pas soutenue par Moscou. Quelle est la stratégie yankee à
256 u petits, moral, économique, culturel, religieux, qui ne modifie les conditions du jeu mondial et ne soit destiné à réagir,
257 s pris locaux et ancestraux nommés « doctrines », qui ont à peu près les mêmes rapports avec l’état des forces dans le mond
258 u monde, d’immenses transformations continentales qui demain disposeront de nos vies : s’en occuper serait s’occuper vraime
259 Hitler et le Japon l’ont démontré par leur échec, qui fut celui d’une dernière tentative d’impérialisme national et autarci
260 si que se formera cette opinion publique mondiale qui seule nous permettra de dominer la cause unique des guerres depuis ce
261 e patrie de la révolution moderne est aussi celle qui manque le plus de liberté ; et cette puissance la plus redoutée est a
262 ns le discours de quelque Américain, un diplomate qui prend l’air à sa fenêtre, un homme qui pense, à sa manière imprévisib
263 diplomate qui prend l’air à sa fenêtre, un homme qui pense, à sa manière imprévisible. Jamais gouvernement si sûr de ses c
264 es, son esprit civique et son système d’éducation qui sont en crise. Le divorce y devient une maladie sociale, les institut
265 pose à exporter les principes de son way of life, qui se confondent dans son esprit avec la santé même du genre humain, le
266 r l’autonomie. Voici l’Europe enfin, cette Europe qui naguère était le plus orgueilleux des continents, et qui fait une gra
267 uère était le plus orgueilleux des continents, et qui fait une grande crise de scepticisme et de manque de confiance en soi
268 , dont les ministres annoncent que c’est le froid qui les oblige à rationner le charbon et l’électricité. L’Europe qui, à p
269 à rationner le charbon et l’électricité. L’Europe qui , à peine délivrée des tyrans et des dictatures, cesse de croire à la
270 atures, cesse de croire à la démocratie. L’Europe qui se donne pour battue, quand à elle seule elle totalise plus d’habitan
271 tages actuels. Et si l’Europe était moins abîmée, qui sait quelle arrogance elle ne retrouverait pas. J’imagine que les hom
272 les Américains ce symbole d’un avenir plus vaste qui peut seul les mettre au défi de se redresser pour tenir un grand rôle
273 tenir un grand rôle. Ce sont nos quatre pauvretés qui nous lient et qui assurent notre paix provisoire. C’est d’elles que n
274 e. Ce sont nos quatre pauvretés qui nous lient et qui assurent notre paix provisoire. C’est d’elles que naît l’appel à la f
275 l’appel à la fédération. Et si les hommes d’État qui se trouvent chargés d’administrer l’ONU ne le comprennent pas il faut
12 1947, Articles divers (1946-1948). Einstein, patriarche de l’âge atomique, m’a dit : « C’est pour dissimuler sa pauvreté et sa faiblesse que l’URSS méfiante, s’entoure de secret… » (9 août 1947)
276 s lors. Le niveau des discours, les plaisanteries qui faisaient rire en ce temps-là, c’était d’une sottise incroyable. En v
277 e nos petits malheurs individuels. La seule chose qui inquiète les Américains, c’est la Russie. Avez-vous remarqué qu’il se
278 us de ce délai de cinq ans qu’on cite partout, et qui serait nécessaire à la Russie pour fabriquer ses propres bombes ? — L
279 ’ici deux ans au moins. D’ici dix ans au plus. Ce qui est sûr, c’est qu’elle y travaille. — Croyez-vous que le « rideau de
280 ement dits ? — Oui… et au sujet de n’importe quoi qui se passe aujourd’hui dans leurs frontières. Je vous le répète, ce qui
281 ’hui dans leurs frontières. Je vous le répète, ce qui domine la situation présente, c’est que les Russes se sentent et se s
282 bles, surtout par rapport aux États-Unis. Tout ce qui vient de nous les inquiète, et ils se croient forcés de tout refuser.
283 cutant de Beethoven, accompagne parfois Einstein, qui joue du violon. Je me rappelle l’anecdote qui circule ici. Schnabel s
284 in, qui joue du violon. Je me rappelle l’anecdote qui circule ici. Schnabel s’interrompant, impatienté, pour dire au violon
285 uisant. Sur quoi je lui cite la parole de Lyautey qui avait demandé qu’on plante devant sa résidence une arbre d’une espèce
13 1947, Articles divers (1946-1948). Conversation à bâtons rompus avec M. Denis de Rougemont (30-31 août 1947)
286 e aux grands esprits et cette parfaite courtoisie qui est la marque de l’homme bien né, M. de Rougemont nous a fait l’honne
287 influence, nous ne donnerons qu’un exemple, mais qui illustre bien ce que nous venons de dire. Le président Truman avait c
288 l, composé d’éminentes personnalités américaines, qui avait été chargé d’établir un rapport sur la conscription. Or, dans s
289 e. Nous avons posé la question à M. de Rougemont, qui nous a répondu simplement : De tout temps, j’ai été fédéraliste, et j
290 é fédéraliste, et je me suis fait une philosophie qui cadre avec les institutions de notre pays, car, contrairement à ce qu
291 e en nous, aujourd’hui, un sentiment européen, ce qui n’empêche pas, il est vrai, bon nombre d’entre nous de douter de la n
292 la naissance d’une fédération européenne. Mais ce qui me paraît important et encourageant tout à la fois, c’est qu’on assis
293 je l’ai dit dans ma conférence de mardi soir, ce qui étonne tous les historiens de notre Confédération, c’est justement l’
294 t de ce que nous sommes entourés d’États-nations, qui menacent notre fédéralisme. Cela explique aussi pourquoi le centralis
14 1947, Articles divers (1946-1948). L’attitude fédéraliste (octobre 1947)
295 il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le débat créateur, le dialogue permanent, c’est
296 personne. Voici donc définis trois types humains, qui favorisent trois types différents de régimes politiques, et sont en r
297 encore, pour compléter ce schéma trop rapide mais qui me paraît indispensable. Il ne faut pas penser que la personne soit u
298 , mais elle représente la santé civique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui me
299 e la santé civique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui
300 et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et de même, le fédéralisme ne na
301 mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’un habile dos
302 l. Rien de plus banal, si ce n’est les objections qui surgissent aussitôt : « Tout cela, dit-on, est bel et bon pour un pet
303 icisme assez général chez les gens ou pouvoir. Ce qui étonne tous les historiens de la Confédération helvétique, c’est just
304 ar la réduction impitoyable des réalités vivantes qui gênent le plan. Elle cherche au contraire le secret d’un équilibre so
305 ne saurait trop insister sur ce double mouvement qui caractérise la pensée fédéraliste, sur cette interaction, cette diale
306 e dialectique, cette bipolarité, comme on voudra, qui est le battement même du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier s
307 romands. En allemand, confédération se dit Bund, qui signifie union, et qui évoque avant tout l’idée de centralisation. En
308 confédération se dit Bund, qui signifie union, et qui évoque avant tout l’idée de centralisation. En Suisse romande, au con
309 ralisation. En Suisse romande, au contraire, ceux qui se proclament fédéralistes sont en réalité les défenseurs jaloux de l
310 signaler en Suisse. Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des
311 ’est le défi que représente l’esprit totalitaire, qui les force à faire aujourd’hui la théorie de cette pratique, et qui la
312 aire aujourd’hui la théorie de cette pratique, et qui la transforme en une sorte de programme, ou de manifeste vivant. Par
313 et de je ne sais combien de « races » en un État qui les respecte, cette union prend l’allure à la fois d’un antiracisme d
314 fait qu’elle doit se formuler. Elle doit dire ce qui allait sans dire et qui alors n’en allait que mieux. Elle s’expose à
315 rmuler. Elle doit dire ce qui allait sans dire et qui alors n’en allait que mieux. Elle s’expose à son risque maximum : cel
316 après coup, quelques-uns des principes directeurs qui , d’une manière tout empirique, ont formé la fédération suisse. Et je
317 ération suisse. Et je vais les choisir parmi ceux qui me paraissent applicables, immédiatement, dans l’état présent de l’Eu
318 t dans l’idée qu’on ne peut pas atteindre la fin, qui est l’union, par des moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduir
319 s pour les minorités, destructeurs des diversités qui sont la condition de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que
320 problème : mais c’est en supprimant les minorités qui le posaient. Il y a totalitarisme (au moins en germe) dans tout systè
321  ; il y a fédéralisme partout où c’est la qualité qui prime. Par exemple : le totalitaire voit une injustice ou une erreur
322 , se verraient soumis aux mêmes lois et coutumes, qui ne pourrait satisfaire aucun de ces groupes, et qui les brimerait tou
323 i ne pourrait satisfaire aucun de ces groupes, et qui les brimerait tous. Si l’Europe doit se fédérer, c’est pour que chacu
324 fendre seul contre la pression des grands empires qui le menacent. Chacune des nations qui composent l’Europe y représente
325 ands empires qui le menacent. Chacune des nations qui composent l’Europe y représente une fonction propre, irremplaçable, c
326 question de tolérance, vertu purement négative et qui naît le plus souvent du scepticisme. Chaque nation serait mise au déf
327 omplexité, par contraste avec le simplisme brutal qui caractérise l’esprit totalitaire. Je dis bien l’amour, et non pas le
328 inistratifs, culturels, linguistiques, religieux, qui n’ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent de cent manières
329 religieux, qui n’ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent de cent manières différentes. Il est clair que des lois
330 sieurs de ses dimensions la personne même de ceux qui s’y rattachent. Certes, il est plus facile de décréter sur table rase
331 forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qui résiste, ou simplement tout ce qui dépasse. Mais ce qu’on écrase ains
332 rasant tout ce qui résiste, ou simplement tout ce qui dépasse. Mais ce qu’on écrase ainsi, c’est la vitalité civique d’un p
333 tente économique, là c’est une parenté culturelle qui s’affirme. Ici ce sont deux églises de confessions voisines qui s’ouv
334 Ici ce sont deux églises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là c’est un groupe de petits pays qui f
335 e à l’autre, et là c’est un groupe de petits pays qui forment une union douanière. Et surtout, ce sont des personnes qui cr
336 nion douanière. Et surtout, ce sont des personnes qui créent peu à peu des réseaux variés d’échanges européens. Rien de tou
337 s. Rien de tout cela n’est inutile. Et tout cela, qui paraît si dispersé, si peu efficace souvent, forme peu à peu des stru
338 sature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un jour le corps des États-Unis d’Europe. Au-dessous et au-
339 pourtant bien ce qu’avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce que tente à nouveau l’ONU, que cela empêche de vi
340 édération sera l’œuvre de groupes et de personnes qui prendront l’initiative de se fédérer en dehors des gouvernements nati
341 ationaux. Et ce sont ces groupes et ces personnes qui formeront le gouvernement de l’Europe. Il n’y a pas d’autre voie poss
342 tique. Ce ne sont pas la Tradition et le Progrès, qui prétendent également défendre la liberté. Et ce ne sont pas non plus
343 garde vigilante contre les réflexes totalitaires qui peuvent affecter nos esprits, même et surtout quand nous parlons de f
344 édéralistes qu’elle le devra, et à eux seuls. Sur qui d’autre peut-elle compter ? Elle ne doit pas compter sur les gens au
345 compter sur les gens au pouvoir. J’en connais peu qui aient l’intention de le laisser limiter, et c’est pourtant ce que nou
346 t la souveraineté absolue. Tous les États-nations qui se sont arrogé ces droits absolus sans devoirs, ont un penchant irrés
347 ques. Il faut donc les pousser dans le dos, voilà qui est clair, pour qu’ils acceptent un jour de renoncer non pas à la sou
348 n de l’opinion et des peuples dans toute l’Europe qui les poussera. De cette agitation, que je voudrais baptiser la Nouvell
349 larés responsables au récent congrès de Montreux, qui fédérait tous les fédéralistes, dans la conviction sobre et ferme que
15 1947, Articles divers (1946-1948). La liberté dans l’amour [Réponse à une enquête] (novembre 1947)
350 nne de l’amour » comme d’une chose bien connue et qui va de soi. Avant de la déclarer périmée, il serait normal d’en prendr
351 ne seule loi, dans un seul pays ou un seul temps, qui ait jamais condamné l’amour comme tel, ou l’ait même nommé dans un co
352 humaine. Il est la liberté même. (Et quant à ceux qui croient que c’est la haine qui libère, ils croient aussi sans doute q
353 . (Et quant à ceux qui croient que c’est la haine qui libère, ils croient aussi sans doute que la police crée l’ordre, quan
354 onnaire, il est l’idéal par excellence de tout ce qui mérite le nom d’homme. Ama et fac quod vis, dit saint Augustin. « C’e
355 fac quod vis, dit saint Augustin. « C’est l’amour qui nous rendra la liberté », dit la chanson. Mais il arrive que les voie
356 arées publiquement. Nous sommes loin des sociétés qui lapidaient les adultères, prescrivaient dans le détail les mariages l
357 t non l’absence de la liberté sexuelle parmi nous qui pose un problème sérieux. Si l’on estime que l’état présent de nos mœ
16 1947, Articles divers (1946-1948). La balance n’est pas égale entre les États-Unis et l’URSS (8 novembre 1947)
358 celui des peuples, mais de certains journalistes qui parlent en leur nom. C’est ainsi que L’Humanité, comme pour détourner
359 ’Europe la lecture de Henry Miller, et ce dernier qui est « le plus rusé de tous » écrit ce qu’il faut pour servir « l’expa
360 es, tout en publiant parfois une œuvre de qualité qui ne rapporte rien ; 3° Or les livres qui font de l’argent aux US sont
361 e qualité qui ne rapporte rien ; 3° Or les livres qui font de l’argent aux US sont les romans historiques et les romans rel
362 t les romans historiques et les romans religieux, qui tirent souvent à un million et plus ; 4° Les droits de traduction d’u
363 ’un Henry Miller stupéfie les éditeurs américains qui en entendent parler, mais non pas Truman qui s’occupe d’autre chose,
364 ains qui en entendent parler, mais non pas Truman qui s’occupe d’autre chose, et dont la politique a autant de rapports ave
365 omme les communistes. Les intellectuels européens qui ont connu de près la vie américaine ont coutume d’insister sur deux t
366 utume d’insister sur deux traits de cette culture qui leur paraissent foncièrement déplaisants : la dictature de l’argent,
367 teur d’Ambre fit savoir à la jeune et jolie femme qui en est l’auteur qu’il jugeait l’ouvrage très mauvais, mais l’acceptai
368 i simple. Car après tout, c’est le goût du public qui fait le succès financier d’un roman, bien plus que la passion du gain
369 d’autres termes, si Ambre est un triomphe mondial qui réduit à néant ceux de Miller à Paris, c’est que la majorité du grand
370 able et simplifiée, il trouvera le meilleur de ce qui s’écrit chez nous. Et que lui donne-t-on, dans le fait ? D’excellents
371 à le séduire et lui fait trop de concessions, ce qui rapporte une quantité de dollars. Le commissaire soviétique, au contr
372 nt l’opinion, dans le sens d’une théorie tactique qui change d’ailleurs tous les six mois ; ce qui entraîne une quantité d’
373 ique qui change d’ailleurs tous les six mois ; ce qui entraîne une quantité d’emprisonnements. Mais nous, Européens, quels
374 aire meilleur usage. Nous sommes de petits malins qui refusent de choisir entre la peste et le choléra, entre les blocs. No
375 omanciers, il n’est pas une des tares américaines qui n’ait été décrite, avouée, analysée par les Américains eux-mêmes, ave
376 berté d’esprit que l’Europe ne peut qu’envier, et qui épouvanterait les staliniens. La balance n’est pas égale. Car ce qui
377 es staliniens. La balance n’est pas égale. Car ce qui dégrade l’esprit, ce sont bien moins les tentations de l’argent et du
378 es de mensonge en service commandé par l’État. Ce qui dégrade l’esprit, ce n’est pas le fait que les mauvais romans encombr
379 nce américaine, concluons sur une simple remarque qui rétablit les proportions. Pour L’Humanité tout se résume dans le pess
17 1947, Articles divers (1946-1948). Une Europe fédérée (20 décembre 1947)
380 is puisqu’on m’invite aujourd’hui à développer ce qui me paraît une évidence, je saisirai cette occasion pour formuler quel
381 ajouter le grand fait politique des deux empires, qui ont un air de vouloir se partager le monde. En 1939 il y avait en pré
382 ne voulons pas de la dictature d’un seul parti ; qui ne représente qu’un quart du corps électoral dans les pays où il est
383 lectoral dans les pays où il est le plus fort, et qui ne peut faire notre unité que sur nos ruines, par l’occupation russe,
384 ture russe, mais guéri de l’obsession de l’argent qui dénature les libertés américaines. Un régime qui traduise en politiqu
385 qui dénature les libertés américaines. Un régime qui traduise en politique, dans l’économie et les mœurs, l’idée de l’homm
386 s la personne à la fois libre et engagée, l’homme qui sait ce qu’il se doit et ce qu’il doit aux autres. Voilà ce que cherc
387 radictoires mais également essentielles à la vie, qui s’appellent l’unité et la diversité, la sécurité et le risque, la vie
388 ux pressions impériales. Et l’idée de coopération qui serait au cœur de ce régime social, et qui inspire partout sa recherc
389 ration qui serait au cœur de ce régime social, et qui inspire partout sa recherche, ne saurait s’arrêter aux frontières d’u
390 qu’il ne puisse provoquer d’opposition foncière. Qui oserait dire : « Je veux une Europe désunie ! Je veux que nos rivalit
391 féodale, un complexe de repli devant les réalités qui dominent aujourd’hui la planète. Le défaitisme consiste à déclarer qu
392 aire en l’attendant, et surtout pas quelque chose qui l’empêche ! Enfin le stalinisme a décrété que l’union de l’Europe est
393 décrété que l’union de l’Europe est antirusse, ce qui est la manière stalinienne de dire que la Russie ne veut pas la paix
394 ’à tromper ? Ils donnent des mitraillettes à ceux qui veulent du pain, une discipline aveugle à ceux qui cherchent un ordre
395 ui veulent du pain, une discipline aveugle à ceux qui cherchent un ordre, et le camp de concentration à ceux qui rêvent enc
396 hent un ordre, et le camp de concentration à ceux qui rêvent encore de restaurer le sens communautaire. En dehors d’eux rie
397 ition chaque jour moins convaincante d’une gauche qui défend la contrainte et d’une droite qui revendique les libertés : le
398 e gauche qui défend la contrainte et d’une droite qui revendique les libertés : le but, l’essence de la pensée fédéraliste
399 conomiques) dans un corps, non dans un carcan. Ce qui est la politique par excellence, n’en déplaise aux sectaires de tous
400 tête et inventer l’avenir. C’est le fédéralisme, qui veut que la Terre promise ne soit pour nous ni l’Amérique ni la Russi
401 e congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui s’est tenu à Montreux à la fin du mois d’août. r. Rougemont Denis d
18 1948, Articles divers (1946-1948). Notes sur la voie clandestine (hiver 1948)
402 bien jusqu’où cela va. Ensuite on verra mieux ce qui va plus loin. Ce n’est pas une erreur qui doit ouvrir la voie. Mais e
403 ieux ce qui va plus loin. Ce n’est pas une erreur qui doit ouvrir la voie. Mais essayons de ramener l’attention sur cet obs
404 e a passé. Car si je suis unique, il est une voie qui n’est tracée que pour moi seul, et que seul je pourrai deviner comme
405 l’incomparable, où la piste se crée sous les pas qui la suivent. (Par toute autre voie sûre et connue, où que j’arrive, je
406 la cohue, le superstitieux simplement sera celui qui ne désespère pas de trouver quelque sens acceptable sous l’uniforme a
407 ue l’on voit. C’est le seul optimiste parmi nous, qui ait causé de l’être sans niaiserie. S’il s’arrête à telle apparence c
408 rues évidentes, parce qu’elle fait allusion à ce qui va venir, ou parce qu’elle est un peu moins apparence que tout le res
409 omper. C’est la puissante circonspection de celui qui s’engage sur le sentier de la guerre. Les feux rouges, des yeux verts
410 vaux blancs ni les curés barbus. Il n’attend rien qui ressemble aux dictons de l’occulte, attendant cela seulement qui ne r
411 ux dictons de l’occulte, attendant cela seulement qui ne ressemble à rien mais qu’il reconnaîtra du premier coup : un repèr
412 oduit dans l’harmonie de son destin. Cherchant ce qui ne vibre qu’à lui-même et révèle un accord instant, il marche au son,
413 ficaces en nombre limité. Très grand génie, celui qui pourrait en créer un seul nouveau ! Dans les jeux, rêves de la consci
414 me sauvage, désirable et fuyante, et le Vieillard qui juge, tous les deux sans visage… Il semble que ces formes et figures
415 ages émis par quelque au-delà (ou en deçà) du moi qui veille. Canaux, écluses, ou signaux éprouvés, jalonnant la voie cland
416 sage quotidien, comme pour le tout-venant du rêve qui le reflète, n’importe quel objet pourra servir ; vieux clou tordu, st
417 par hasard. Mais nous touchons ici au fétichisme, qui n’est qu’une obsession morbide du sens des signes. ⁂ Quand tout se fe
418 ité de mon exigence secrète. C’est elle, au vrai, qui les choisit, en vertu d’une préalable inclination, complaisance ou in
419 ertains affleurements. Ainsi d’ailleurs font ceux qui dans le doute se réfèrent à leur tradition, aux coutumes ancestrales,
420 quotidiennement son destin. Survient alors celui qui dit : « Vous ne retenez que les coïncidences, prémonitions et prédict
421 ire. Et comme vous, je ne retiens que le dixième, qui donne un sens. Mais les neuf autres n’ont pas été vaines, ni muettes.
422 ard, mais pourtant nous sommes libres. Je ne sais qui dispose de moi, mais la contrainte, si c’en est une, certainement n’e
423 coup pour nos philosophies ! Qu’on m’en cite une qui s’en relèverait. Une seule ! ⁂ Une idée me retient, me tient probable
424 puis trois-cent-mille ans qu’il y a des hommes et qui aiment : « Question de peaux. » Nous en sommes là. On avancerait un p
425 etrouvais, comme un souvenir perdu, comme un rêve qui sombrait et que je ramène sur la berge du réveil par une touffe de ch
19 1948, Articles divers (1946-1948). Rencontre avec Denis de Rougemont (janvier 1948)
426 ffectent. C’est un intellectuel. Un intellectuel qui n’a pas mauvaise conscience de sa vocation, qui ne s’en cache pas. Il
427 l qui n’a pas mauvaise conscience de sa vocation, qui ne s’en cache pas. Il intitula même un de ses livres les plus remarqu
428 tite revue au ton d’avant-garde — Hic et Nunc — qui compta douze numéros. Nous y défendions la théologie existentielle, e
429 in, Roger Breuil, Albert-Marie Schmitt. C’est moi qui ai signé l’un des trois premiers articles consacrés, en France, à Kaf
430 paraître dans la Gazette de Lausanne un article qui me valut d’être condamné à quinze jours de forteresse ! En septembre
431 ique , le téléphone retentit. J’entendis une voix qui me dit : « Allô ! Ici Einstein ». Je n’en croyais pas mes oreilles ;
432 erre moderne. C’est la question même de la guerre qui se trouve posée. » Et de la Russie que pense-t-il ? Pour lui, les Rus
433 s, les ouvriers, comme hier la prohibition. Voilà qui allait de soi en Europe aussi, avant le xixe siècle. Que faisaient D
434 rivain comme alors on le concevait. Et c’est cela qui me semble essentiel. Ils n’étaient pas des inadaptés comme, au contra
435 ’est qu’immense effort pour atteindre les gens et qui est mort — oui, littéralement — qui est mort de cela. Ils demeurèrent
436 e les gens et qui est mort — oui, littéralement — qui est mort de cela. Ils demeurèrent toujours en marge de la société, pa
437 , c’est le besoin vital de recréer une communauté qui oblige les écrivains à s’engager, à vouloir surmonter cette situation
438 nne interposée ? Denis de Rougemont poursuit : Ce qui m’a le plus étonné, ici, dans la littérature, c’est qu’elle soit aujo
439 relèveraient, s’imposeraient. Eh bien ! non. Ceux qui se tiennent à la pointe du combat se nomment Sartre, Bataille, Breton
440 ils voudraient exprimer est encore imprécis. Ceux qui élèvent la voix, les hommes de 40 ans comme vous les nommez, ne font
441 ela donne à notre colloque une apparente gratuité qui en trahit l’objet. Ce qu’il y a de remarquable chez les plus grands é
442 u congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se tenait à Montreux, j’ai prononcé une conférence où je développais
443 uite. Il ignore le problème des minorités (car ce qui compte pour lui, c’est la qualité, et non la quantité comme dans le t
444 e. Il repose sur l’amour de la complexité. Et, ce qui est non moins important, il se forme de proche en proche, par le moye
445 opper des réflexes de pensée fédéraliste, si ceux qui militent deviennent eux-mêmes intégralement fédéralistes, je vous l’a
446 t jamais fait peur, non plus que les machines. Ce qui est dangereux, horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qu’il
20 1948, Articles divers (1946-1948). Les deux blocs ? Il n’en existe qu’un (9 janvier 1948)
447 t le refus de l’américanisme. Tel est le dialogue qui se poursuit depuis des mois : choisir ou non entre les blocs. Tout ce
448 ’est que nous avons chez nous un parti stalinien, qui prend ses ordres à Moscou, mais aucun parti trumanien qui voterait se
449 d ses ordres à Moscou, mais aucun parti trumanien qui voterait selon les directives envoyées par la Maison-Blanche. Autreme
450 elle se sert comme d’un instrument de conquête et qui dicte une tactique scientifique : le marxisme ; tandis que les USA n’
451 e à proposer qu’un genre de vie, leur way of life qui n’est nullement une arme de combat. Par rapport à l’Europe, les inten
452 Un contraste frappant Et si l’on regarde ce qui se passe en réalité à l’intérieur des deux empires, le contraste est
453 issent pour la réduire, et cela au nom d’un idéal qui ne change pas tous les six mois, car il est la morale commune, et non
454 l’Europe et le prétendu danger yankee. La Russie, qui vise à l’autarcie totalitaire sous la férule d’un parti unique, redou
455 s du terme. Mais l’Amérique n’en est pas un, elle qui vise aux libres échanges, tolère les pires indiscrétions, multiplie l
456 aider que si nous existons d’abord. Le seul choix qui nous reste ouvert, c’est donc celui de l’Europe elle-même. La seule m
21 1948, Articles divers (1946-1948). Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)
457 Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») (14 février 1948)v M
458 prise, et donner à celle-ci le prestige populaire qui s’attache aux audaces d’outre-Atlantique. S’ils s’étaient contentés d
459 Motte condense L’Iliade en douze chants, « et ce qui tombe », écrit Lanson, « c’est tout ce qui n’est pas la notation sèch
460  et ce qui tombe », écrit Lanson, « c’est tout ce qui n’est pas la notation sèche du fait », c’est la poésie, c’est le styl
461 yeurs, les crânes, le parricide et autres détails qui blessent inutilement le goût. Dans Othello, il supprime Jago, et l’ac
462 allais oublier les Mille et Une Nuits de Galland, qui sont pourtant le record du genre, comme on peut le vérifier d’un coup
463 Cervantès n’ont jamais reçu le prix Goncourt, ce qui doit apaiser bien des scrupules. Mais voici deux exemples célèbres de
464 re langue. On connaît la fortune des Lamb’s Tales qui sont des résumés en prose, par Charles Lamb, des comédies et tragédie
465 n’est pas en cause, mais bien le talent de celui qui l’applique, et peut-être aussi le modèle (ou la victime) que l’on cho
466 on. J’avouerai même, pendant que j’y suis, que ce qui me choque dans l’entreprise des éditeurs français de « condensés », c
467 rdent à des ouvrages moyens ou faibles un honneur qui convient aux plus grands, et que seuls les plus grands soutiennent. T
468 x mêmes égards que la jeunesse de la part de ceux qui l’éduquent ? Ne faut-il pas lui ménager avec prudence un accès progre
469 le dépouillant des mille détails mûrement choisis qui l’illustraient et le nuançaient, que doit-on dire de presque toutes l
470 ur ma part, je salue de mes vœux toute entreprise qui tend à populariser la connaissance des chefs-d’œuvre. Et je crois vai
471 v. Rougemont Denis de, « Ce sont les Français qui ont commencé (La querelle des « condensés… ») », Le Figaro littéraire