1 1948, Articles divers (1948-1950). L’idée fédéraliste (1948)
1 cle n’a plus le choix « qu’entre la balkanisation et l’helvétisation ». La balkanisation signifierait pratiquement la dési
2 elle. La question de nos dimensions dans l’espace et dans le temps apparaît capitale à cet égard. En termes d’histoire sui
3 ne tradition ; nous pouvons en étudier les phases et l’évolution interne, en discuter les avantages et les inconvénients p
4 et l’évolution interne, en discuter les avantages et les inconvénients pour nous autres Suisses. Mais si nous passons du p
5 re dans la marche vers d’autres formes politiques et sociales, presque impossibles à prévoir aujourd’hui, mais dont il est
6 , mais dont il est certain qu’elles apparaîtront, et dans lesquelles nos formes actuelles s’évanouiront probablement, comm
7 ganisé, achevé en soi, mais qui ne prend son sens et sa valeur que dans la mesure où il meurt et se perd dans le développe
8 sens et sa valeur que dans la mesure où il meurt et se perd dans le développement des forces et des formes qu’il contient
9 meurt et se perd dans le développement des forces et des formes qu’il contient en germe et qu’il préfigure. Une graine, c’
10 des forces et des formes qu’il contient en germe et qu’il préfigure. Une graine, c’est à la fois un aboutissement et un c
11 ure. Une graine, c’est à la fois un aboutissement et un commencement. C’est le lieu d’un passage de la vie à la vie par la
12 eci : ou bien notre État fédéral, après un siècle et demi ou deux, disparaîtra tout comme une autre République sérénissime
13 or, parce qu’il aura gardé son idée pour lui seul et l’aura épuisée en soi ; ou bien au contraire cette idée que notre Éta
14 s étrangers est la suivante : « Tout cela est bel et bon pour un petit pays, mais n’est pas applicable aux grands. » On a
15 en une formule ; car elle est d’un type organique et non pas mécanique ou passionnel, en cela beaucoup plus « moderne » et
16 ou passionnel, en cela beaucoup plus « moderne » et scientifique que les théories totalitaires, liées à l’esprit rational
17 ut incliner les Suisses alémaniques à le penser ; et en retour, il ne consiste pas seulement dans l’autonomie des régions,
18 précisément dans l’équilibre souple entre l’union et l’autonomie des parties, dans leur composition vivante en vue de leur
19 r incapacité de les composer en un tout organique et vivant. ⁂ C’est peut-être parce que l’idée fédéraliste est à la fois
20 ée fédéraliste est à la fois très simple à sentir et très délicate à formuler, qu’on la trouve en fait si rarement formulé
21 sions de notre vie politique pendant des siècles, et qu’elle a finalement pris forme et force de loi vers 1848 ; mais ce n
22 t des siècles, et qu’elle a finalement pris forme et force de loi vers 1848 ; mais ce n’est guère qu’au xxe siècle qu’on
23 qu’au xxe siècle qu’on s’est mis à la commenter et à philosopher à son sujet. Comme la vie même — étant la vie de notre
24 face du défi que représente l’esprit totalitaire, et aussi de la propager, car la meilleure défense est dans l’attaque, no
25 , puis des cantons campagnards contre les villes, et finalement l’attitude généreuse des vainqueurs du Sonderbund, illustr
26 ation européenne ou mondiale. L’échec de Napoléon et celui d’Hitler dans leurs tentatives d’unifier l’Europe indiquent d’u
27 ir l’attitude fédéraliste comme un refus constant et instinctif de recourir aux solutions systématiques, simples de lignes
28 lutions systématiques, simples de lignes, claires et satisfaisantes pour la logique, mais par là même infidèles au réel, v
29 particuliers, qu’il s’agit à la fois de respecter et d’articuler dans un tout. 3. Le fédéralisme ne connaît pas de problèm
30 ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une minorité puis
31 de d’élection du Conseil des États, mais surtout, et d’une manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de notre vie
32 fficace, dans les coutumes de notre vie politique et culturelle, où l’on voit la Suisse romande ou la Suisse italienne jou
33 nce) des complexités culturelles, psychologiques, et même économiques, telle est la santé du régime fédéraliste. Ses pires
34 bertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires et nos législateurs sont constamment rappelés au concret, forcés de rest
35 s, religieux, qui n’ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent et se recouvrent de cent manières différentes. Il es
36 ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent et se recouvrent de cent manières différentes. Il est clair que des lois
37 e ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dimensions, la personne même
38 ’un trait de plume, de tirer des plans à la règle et de forcer ensuite leur réalisation en écrasant tout ce qui résiste, o
39 infiniment plus de soins, d’ingéniosité technique et de compréhension du peuple qu’elle gouverne. C’est pourquoi je disais
40 t qu’elle représente la politique par excellence. Et c’est pourquoi je vois en elle le seul avenir possible de l’Europe, e
41 vois en elle le seul avenir possible de l’Europe, et le don que nous pouvons lui faire en restant fidèles à nous-mêmes.
2 1948, Articles divers (1948-1950). Essai sur l’avenir (1948)
42 struction. La seule utile, la seule qui réussisse et qui progresse. Vous semblez croire que nous sommes libres, après Heis
43 z croire que nous sommes libres, après Heisenberg et la Bombe, de penser n’importe quoi, et que cela changera tout. Pardon
44 Heisenberg et la Bombe, de penser n’importe quoi, et que cela changera tout. Pardon ! La science produit des preuves que v
45 a cent ans. Voilà qui est sérieux, me dites-vous. Et voilà qui est utile au surplus. Personne n’osant le contester autour
46 ets aussi que l’évocation des fées ne sert à rien et ne mène à rien… pour le moment. Mais veuillez supposer maintenant que
47 mes cessent de trouver amusant d’aller plus vite, et donc commencent à se demander à quoi cela sert. Supposez que leur pla
48 quoi cela sert. Supposez que leur plaisir nouveau et principal soit d’évoquer quelque chose comme les fées, et qu’ils y ar
49 ipal soit d’évoquer quelque chose comme les fées, et qu’ils y arrivent après deux ou trois siècles d’application des bons
50 us laissons à vos enfantillages.1 2. Utopies et prévisions La faiblesse générale des utopies, c’est qu’elles parai
51 isés en descriptions sociologiques imaginaires », et l’action qu’elles proposent n’est autre que l’arrêt artificiel, à un
52 ciété les éléments que l’on considère comme bons, et l’on en compose un système en équilibre permanent, à l’abri des menac
53 n de la ligne de moindre résistance à ses désirs, et la ramener sur les obstacles qu’on pressent à gauche et à droite. (C’
54 ramener sur les obstacles qu’on pressent à gauche et à droite. (C’est le vrai moyen de la passionner.) Mimer enfin, par an
55 es.2) L’effort le plus soutenu, le mieux organisé et le plus proche de son succès qu’ait fourni jusqu’ici le monde occiden
56 confort matériel, la vitesse de nos déplacements, et la durée moyenne de la vie. L’effort métaphysique et religieux s’est
57 la durée moyenne de la vie. L’effort métaphysique et religieux s’est relâché à partir du xviiie siècle ; l’effort pour tr
58 ffort pour trouver un équilibre humain plus large et plus fécond que celui du confort en a pâti. L’effort pour établir un
59 t est l’industrie) enregistre un progrès constant et mesurable, et semble se poursuivre avec des chances de succès toujour
60 rie) enregistre un progrès constant et mesurable, et semble se poursuivre avec des chances de succès toujours accrues. Il
61 « l’état présent » de la science nie ou condamne, et nous accordons à cette science l’autorité que nous retirons à la reli
62 cience l’autorité que nous retirons à la religion et aux morales qui en dérivent. La conception du monde la plus courante
63 t pour scientifique. Or elle demeure matérialiste et mécaniste, quand la science est depuis trente ans énergétique et stat
64 uand la science est depuis trente ans énergétique et statistique… Cependant, l’on peut imaginer qu’une large élite rejoind
65 taine limite. Je dirais qu’elle a touché le fond, et même qu’elle l’a déjà percé, en ramenant un atome à de l’énergie, don
66 ce, sont de nouveau reçues par les mathématiciens et les biologistes. D’autre part, la vitesse poussée à l’extrême ne peut
67 estions métaphysiques que notre hâte même voulait et croyait fuir. Nous ne pensons encore qu’à gagner du temps. Mais quand
68 ut le temps, qu’en ferons-nous ? Ainsi la science et la vitesse tendent par leur succès même à dépasser et à dénaturer les
69 a vitesse tendent par leur succès même à dépasser et à dénaturer les objectifs que le bon sens matérialiste leur assignait
70 déjà mieux qu’imaginable. Sa réalisation pratique et généralisée, pour toutes les classes et tous les peuples est cependan
71 pratique et généralisée, pour toutes les classes et tous les peuples est cependant freinée par diverses passions que notr
72 nationaliste, indéfendable aux yeux de la science et de la raison, neutralise pratiquement la vitesse des transports. (Pas
73 es, affidavits, etc.) La passion politique draine et enflamme nos facultés irrationnelles, superstitions et préjugés locau
74 flamme nos facultés irrationnelles, superstitions et préjugés locaux. Ces deux passions produisent des guerres, à la faveu
75 isation de la notion de loi (au sens déterministe et mécaniste que lui donnait la science du siècle passé) favorise l’abdi
76 e développent en réponse à des challenges variés, et que chaque réponse victorieuse suscite un nouveau challenge 3, quels
77 rtisane). Les passions s’emparent de la technique et provoquent la guerre atomique. Les destructions sont telles, et le ch
78 la guerre atomique. Les destructions sont telles, et le choc psychologique de telle nature, que la civilisation occidental
79 z d’hommes vivants, de livres, de machines-outils et de connaissances techniques pour maintenir ici et là des apparences d
80 et de connaissances techniques pour maintenir ici et là des apparences de « vie normale », mais les liens profonds sont co
81 tous ordres, on expérimente des morales nouvelles et des formes nouvelles de résistance contre l’État vainqueur et son emp
82 s nouvelles de résistance contre l’État vainqueur et son empire, théoriquement universel. De ces communautés persécutées p
83 répondons au challenge des passions nationalistes et politiques par une organisation mondiale contrôlant effectivement les
84 es : neutrali­sation du milieu naturel, longévité et santé accrues, déplacements libres et presque instantanés sur toute l
85 , longévité et santé accrues, déplacements libres et presque instantanés sur toute l’étendue de la planète. Pour la premiè
86 ne seule nation souveraine, de type fédéraliste ; et la question sociale, au lieu de s’exacerber tend à se résorber dans l
87 iècle, on peut prévoir à chances égales la guerre et la paix ; soit que le challenge de nos passions se révèle trop puissa
88 challenge de nos passions se révèle trop puissant et que notre civilisation y succombe, soit que nous y répondions victori
89 e qui ne manquerait pas de confronter l’humanité, et qui résulterait du succès même de notre effort le plus constant ? Ce
90 ru dans la littérature avec l’époque industrielle et ses grandes villes. Il est contemporain des horaires, qui furent prob
91 es grandes usines, l’alimentation, la circulation et les spectacles dans une agglomération vaste et dense.) « L’ennui naqu
92 on et les spectacles dans une agglomération vaste et dense.) « L’ennui naquit un jour de l’uniformité », dit-on. Mais c’es
93 nce de rythmes vivants, ou leur rupture fréquente et arbitraire. En d’autres termes, c’est la mécanisation de l’existence,
94 encore : la répartition indifférente des efforts et des sollicitations, empêchant toute concentration sur un point choisi
95 matisé.) À ce challenge en quelque sorte négatif, et par là même plus redoutable que tous ceux que la Nature ou nos passio
96 btenue par des méthodes de conditionnement social et physiologique, dont le principe général sera d’obnubiler et de refoul
97 ogique, dont le principe général sera d’obnubiler et de refouler avec une extrême vigilance toute question métaphysique qu
98 les spirituels-malgré-tout se verront persécutés et pourchassés avec une rigueur sans exemple dans notre passé : ils sero
99 devenir la matrice d’une civilisation spirituelle et mondiale. 2. Si l’Humanité choisit au contraire l’aventure spirituell
100 ogue sur l’orientation de la recherche organisée, et définissant de facto les nouveaux standards d’utilité et de valeur. M
101 nissant de facto les nouveaux standards d’utilité et de valeur. Mais l’effort de cette élite, au lieu de se tourner vers l
102 ais « dépassée » — se tournera vers la découverte et la maîtrise de réalités d’un autre ordre, totalement ignorées ou négl
103 de matière. Ce sont ces réalités indescriptibles, et sans nom dans notre langage, que je désignais en débutant par le term
104 de théoriciens révolutionnaires comme Saint-Simon et Marx, qui ont contribué d’une manière décisive à donner forme à un av
105 ’avait pas prévu des mouvements comme le fascisme et le nazisme, tandis que des penseurs solitaires et a-politiques (tels
106 et le nazisme, tandis que des penseurs solitaires et a-politiques (tels que Kierkegaard et Jacob Burckhardt) les annonçaie
107 solitaires et a-politiques (tels que Kierkegaard et Jacob Burckhardt) les annonçaient avec précision à la même époque. 3
3 1948, Articles divers (1948-1950). Pour sauver nos diversités (le sens de La Haye) (juin 1948)
108 er sur la valeur même de l’Europe, dans le monde, et pour chacun de nous. Que signifie l’autonomie du continent, et que si
109 n de nous. Que signifie l’autonomie du continent, et que signifierait sa perte ? Quel que soit le parti dont nous sommes m
110 Quel que soit le parti dont nous sommes membres, et quelle que soit notre patrie, nous sentons bien que les menaces qui p
111 dre du même coup ce qui fait à nos yeux la valeur et le sens de la vie. Le monde entier en serait appauvri. C’est donc une
112 serait appauvri. C’est donc une notion de l’homme et de la liberté qui est en définitive notre vrai bien commun. C’est en
113 que nous possédons notre unité la plus profonde. Et c’est en la définissant d’une manière actuelle et concrète que nous p
114 Et c’est en la définissant d’une manière actuelle et concrète que nous poserons les bases de la fédération, qui est notre
115 fs immédiats de nous unir sont d’ordre économique et politique, il n’est pas moins certain que l’unité de l’Europe est ess
116 ’Asie. Du point de vue des hommes qui l’habitent, et des autres peuples du monde, l’Europe reste aujourd’hui, même privée
117 ’une culture inégalée, plus intense, plus diverse et créatrice qu’en toute autre région de la planète. Mais il faut rendre
118 ndre ici au mot de culture son sens le plus large et humain. La culture véritable n’est pas un ornement, un simple luxe de
119 de conscience de la vie ; elle illustre, traduit et promeut une certaine conception de l’existence ; elle l’éduque ; elle
120 e la culture ainsi comprise y soit encore un but, et non pas un moyen. Ailleurs, elle est mise au service du développement
121 un programme précis, qui limitent ses activités, et qui prescrivent son rôle subordonné. Pour nous Européens, tout au con
122 re qui exprime le sens humain de la vie politique et de l’économie ; c’est elle qui vise à les influencer, et permet de le
123 ’économie ; c’est elle qui vise à les influencer, et permet de les critiquer. La primauté de la culture appartient donc à
124 tient donc à la définition de l’Europe. Maintenir et promouvoir notre culture, cela signifie d’abord, pour nous Européens 
125 a signifie d’abord, pour nous Européens : élargir et approfondir la conception de l’homme et de sa liberté. Cela signifie
126 : élargir et approfondir la conception de l’homme et de sa liberté. Cela signifie ensuite : harmoniser les moyens et les f
127 té. Cela signifie ensuite : harmoniser les moyens et les fins de l’existence ; s’efforcer de rapporter sans cesse toutes l
128 pporter sans cesse toutes les activités publiques et privées à une notion toujours plus haute et large de l’homme et de sa
129 iques et privées à une notion toujours plus haute et large de l’homme et de sa liberté ; aménager et transformer en conséq
130 ne notion toujours plus haute et large de l’homme et de sa liberté ; aménager et transformer en conséquence le cadre de la
131 e et large de l’homme et de sa liberté ; aménager et transformer en conséquence le cadre de la vie et les institutions.
132 et transformer en conséquence le cadre de la vie et les institutions. La conception européenne de l’homme Élargir e
133 La conception européenne de l’homme Élargir et approfondir la conception de l’homme et de sa liberté n’a jamais été,
134 Élargir et approfondir la conception de l’homme et de sa liberté n’a jamais été, en Europe, l’apanage d’une doctrine uni
135 caste choisie, mais au contraire ce fut toujours, et ce sera, tant qu’il y aura l’Europe, l’effet d’un dialogue permanent,
136 plusieurs confessions, une vingtaine de nations, et une infinité d’écoles et de génies individuels : tous, ils ont contri
137 ne vingtaine de nations, et une infinité d’écoles et de génies individuels : tous, ils ont contribué à faire l’Europe et à
138 iduels : tous, ils ont contribué à faire l’Europe et à modeler l’idée européenne de l’homme. Cette idée n’est pas simple,
139 es dont le dialogue se perpétue en chacun de nous et se renouvelle à chaque génération : antiquité et christianisme, Églis
140 et se renouvelle à chaque génération : antiquité et christianisme, Église et État, catholicisme et protestantisme, attach
141 e génération : antiquité et christianisme, Église et État, catholicisme et protestantisme, attachements régionaux et sens
142 té et christianisme, Église et État, catholicisme et protestantisme, attachements régionaux et sens de l’universel, mémoir
143 licisme et protestantisme, attachements régionaux et sens de l’universel, mémoire et invention, respect de la tradition et
144 hements régionaux et sens de l’universel, mémoire et invention, respect de la tradition et passion du progrès, science et
145 el, mémoire et invention, respect de la tradition et passion du progrès, science et sagesse, germanisme et latinité, indiv
146 ct de la tradition et passion du progrès, science et sagesse, germanisme et latinité, individualisme et collectivisme, dro
147 assion du progrès, science et sagesse, germanisme et latinité, individualisme et collectivisme, droits et devoirs, liberté
148 t sagesse, germanisme et latinité, individualisme et collectivisme, droits et devoirs, liberté et justice… Dans cet équili
149 latinité, individualisme et collectivisme, droits et devoirs, liberté et justice… Dans cet équilibre tendu, et sans cesse
150 isme et collectivisme, droits et devoirs, liberté et justice… Dans cet équilibre tendu, et sans cesse menacé de rupture au
151 rs, liberté et justice… Dans cet équilibre tendu, et sans cesse menacé de rupture au profit de l’un ou l’autre de ses élém
152 ciemment réside le secret du dynamisme occidental et de l’inquiétude créatrice qui pousse l’Européen à remettre en questio
153 es rapports avec Dieu, avec le monde, avec l’État et la communauté. Dans les combinaisons variées à l’infini qu’il lui est
154 n, d’individualiser de plus en plus ses jugements et son mode de vie. Et enfin, dans ce choix permanent, dans la conscienc
155 de plus en plus ses jugements et son mode de vie. Et enfin, dans ce choix permanent, dans la conscience qu’il a d’en être
156 iberté, progressant entre les écueils du désordre et de la tyrannie… Le schéma de ce progrès est simple. Pour peu que l’in
157 e. Pour peu que l’individu, abusant de ses droits et de sa liberté, devenue facile, cède à la tentation de l’anarchie ou à
158 maintenant dans quelle notion commune de l’homme et de sa destinée se fonde cette critique alternée de l’individualisme e
159 fonde cette critique alternée de l’individualisme et du collectivisme, renaissant à toutes les époques, nous voyons se déf
160 aine. Cette notion d’origine chrétienne, acceptée et reprise par l’humanisme, est celle de l’homme doublement responsable
161 l’homme doublement responsable envers sa vocation et envers la cité ; à la fois autonome et solidaire ; à la fois libre et
162 a vocation et envers la cité ; à la fois autonome et solidaire ; à la fois libre et engagé — et non pas seulement libre ou
163 à la fois autonome et solidaire ; à la fois libre et engagé — et non pas seulement libre ou seulement engagé ; lieu d’une
164 tonome et solidaire ; à la fois libre et engagé — et non pas seulement libre ou seulement engagé ; lieu d’une synthèse viv
165 fidèle à lui-même tant qu’il accepte le dialogue et le dépasse en créations nouvelles. Il devient infidèle à lui-même et
166 éations nouvelles. Il devient infidèle à lui-même et au génie créateur de l’Europe lorsqu’il cède à la tentation de suppri
167 e manière uniforme, donc tyrannique. Diversité et division des nations et des idéologies Cette description succincte
168 tyrannique. Diversité et division des nations et des idéologies Cette description succincte de l’homme européen nou
169 ait pendant des siècles l’originalité de l’Europe et la fécondité de sa culture. Mais par suite de la collusion de la nati
170 ture. Mais par suite de la collusion de la nation et de l’État, fixant les mêmes frontières rigides à des réalités culture
171 réalités culturelles, linguistiques, économiques et administratives, qui n’ont aucune raison de se recouvrir en fait, cet
172 Cette règle vaut aussi pour nos doctrines, partis et idéologies. Aussi indispensables que les nations à la vie de la cultu
173 spensables que les nations à la vie de la culture et à la liberté, ces diversités à leur tour tendent à devenir des divisi
174 loisonnent l’Europe verticalement, les idéologies et les partis la cloisonnent horizontalement. Ils penchent vers l’autarc
175 anisation du continent n’est pas moins dangereuse et utopique que ne serait l’impérialisme d’une seule nation. Il est bien
176 l’ambition, renoncent à toute visée totalitaire, et subordonnent leur tactique à la stratégie générale d’une action de sa
4 1948, Articles divers (1948-1950). Pourquoi l’Europe ? (25 décembre 1948)
177 de plus en plus bourrue, de plus en plus contenue et glaciale. Et l’on ne peut s’empêcher de penser que s’ils continuent à
178 us bourrue, de plus en plus contenue et glaciale. Et l’on ne peut s’empêcher de penser que s’ils continuent à se déclarer
179 eule puissance pourrait les séparer, les retenir, et les forcer au compromis, c’est-à-dire à la Paix — c’est l’Europe. Mai
180 solée, n’a plus la taille qu’il faut, pour parler et se faire entendre, dans le monde dominé par deux grands empires. Et n
181 re, dans le monde dominé par deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’est plus une puissance qui pourrait exiger l
182 se disputent la terre. Voici le fait fondamental, et que personne ne peut nier : Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul
183 rnira un prétexte permanent à la guerre entre USA et URSS ; 3° Rien ne pourra s’opposer à cette guerre entre la Russie et
184 e pourra s’opposer à cette guerre entre la Russie et l’Amérique — une guerre dont quel que soit le vainqueur, s’il en est
185 iger la paix, de l’inventer pour les deux autres. Et si l’on me dit que l’Europe, même unie, serait encore trop petite pou
186 ions, c’est-à-dire deux fois plus que l’Amérique, et autant que la Russie et tous ses satellites réunis. Si ces 300 millio
187 fois plus que l’Amérique, et autant que la Russie et tous ses satellites réunis. Si ces 300 millions d’habitants faisaient
188 en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. Il reste à trouver la méthode, les moyens
189 rope est la réalité la plus complexe de la terre, et qu’il s’agit d’en faire une unité qui puisse peser sur le plan politi
190  ? Très bons sujets d’articles ou même de thèses, et je ne dirai rien contre les thèses — ici ! — mais nous nous occupons
191 te sur le mode solennel que l’Europe c’est Pascal et Goethe, c’est Dante et Shakespeare, c’est Paul Valéry, etc. Bien sûr 
192 que l’Europe c’est Pascal et Goethe, c’est Dante et Shakespeare, c’est Paul Valéry, etc. Bien sûr ; mais hélas ! l’Europe
193 sprits. C’est aussi les personnages de Courteline et ceux de Bourget, et ceux de Kafka, et c’est aussi ces paysans ahuris
194 les personnages de Courteline et ceux de Bourget, et ceux de Kafka, et c’est aussi ces paysans ahuris par la politique qui
195 Courteline et ceux de Bourget, et ceux de Kafka, et c’est aussi ces paysans ahuris par la politique qui vient des villes,
196 lles, ceux qu’ont décrit nos amis italiens Silone et Carlo Levi. C’est aussi tous ceux qui n’ont jamais été les héros d’au
197 eux qui n’ont jamais été les héros d’aucun roman, et qui ne savent pas grand-chose de ce qui se passe dans le monde, ceux
198 ce qui se passe dans le monde, ceux qui croient — et j’en connais beaucoup — que les mesures économiques consistent à fair
199 res économiques consistent à faire des économies, et que le communisme consiste à tout mettre en commun, dans la charité g
200 la charité générale. C’est avec tous ces hommes — et pour eux tous, même malgré eux — qu’il nous faut faire l’Europe. Mai
201 cultures, d’innombrables morales contradictoires, et je ne sais combien de partis politiques, de styles, d’écoles qui s’an
202 tiques, de styles, d’écoles qui s’anathématisent, et d’expériences économiques moins rationnelles que polémiques. Et cela
203 es économiques moins rationnelles que polémiques. Et cela n’est rien encore : l’Europe consiste dans les combinaisons et l
204 encore : l’Europe consiste dans les combinaisons et les permutations d’une longue série d’antagonismes essentiels : Nord
205 une longue série d’antagonismes essentiels : Nord et Midi, gauche et droite, insulaires et continentaux, catholiques et pr
206 d’antagonismes essentiels : Nord et Midi, gauche et droite, insulaires et continentaux, catholiques et protestants, croya
207 iels : Nord et Midi, gauche et droite, insulaires et continentaux, catholiques et protestants, croyants et athées, traditi
208 t droite, insulaires et continentaux, catholiques et protestants, croyants et athées, traditions et progrès, individu et c
209 ontinentaux, catholiques et protestants, croyants et athées, traditions et progrès, individu et collectivité, ordre à tout
210 es et protestants, croyants et athées, traditions et progrès, individu et collectivité, ordre à tout prix et justice d’abo
211 oyants et athées, traditions et progrès, individu et collectivité, ordre à tout prix et justice d’abord, régionalisme et u
212 grès, individu et collectivité, ordre à tout prix et justice d’abord, régionalisme et universalisme, liberté et engagement
213 rdre à tout prix et justice d’abord, régionalisme et universalisme, liberté et engagement, et vingt autres tensions dans t
214 e d’abord, régionalisme et universalisme, liberté et engagement, et vingt autres tensions dans tous les ordres, vingt autr
215 onalisme et universalisme, liberté et engagement, et vingt autres tensions dans tous les ordres, vingt autres couples comb
216 ns tous les ordres, vingt autres couples combinés et permutés, sans parler de leur ménages à trois, et nul d’entre eux ne
217 et permutés, sans parler de leur ménages à trois, et nul d’entre eux ne saurait vivre sans les autres, et nul d’entre eux
218 nul d’entre eux ne saurait vivre sans les autres, et nul d’entre eux ne peut prétendre à dominer. Quel panier de crabes !
219 er que la richesse de l’Europe comme ses misères, et sa grandeur comme ses bassesses, et au total son dynamisme incomparab
220 ses misères, et sa grandeur comme ses bassesses, et au total son dynamisme incomparable, sont nés précisément de ces tens
221 ême ; de là tant de dilemmes accentués à plaisir, et qui souvent n’ont d’autre issue que la violence, souvent aussi forcen
222 ention ; de là enfin cette possibilité de choisir et de se risquer, qui est la condition première de ce que l’Européen app
223 ctuelle ou politique, d’une unification des mœurs et des doctrines, ou du triomphe d’une idéologie. C’est d’abord impossib
224 iomphe d’une idéologie. C’est d’abord impossible, et chacun peut le voir : ni la gauche, ni la droite, par exemple, n’ont
225 mais lier par un pacte juré des éléments divers, et qui doivent le rester. Le couple humain, lié par le mariage, répond à
226 in, lié par le mariage, répond à cette définition et l’illustre symboliquement. Voilà ce qu’il faut absolument comprendre,
227 ement. Voilà ce qu’il faut absolument comprendre, et même sentir : sur tous les plans, qui dit fédéralisme dit toujours à
228 s apparemment contraires mais également valables, et qu’il ne s’agit pas de subordonner l’une à l’autre, mais au contraire
229 quilibre. Ainsi sur le plan politique : autonomie et solidarité, ou encore : libertés locales et pouvoir central limité. S
230 nomie et solidarité, ou encore : libertés locales et pouvoir central limité. Sur le plan de l’économie : secteur libre et
231 limité. Sur le plan de l’économie : secteur libre et secteur dirigé, ou encore : risque et assurance. Partout, dans tous l
232 cteur libre et secteur dirigé, ou encore : risque et assurance. Partout, dans tous les plans, la formule est la même. Qu’i
233 a toujours d’éviter à la fois l’isolation stérile et l’uniformité contrainte, l’anarchie et la tyrannie, ou encore le déso
234 on stérile et l’uniformité contrainte, l’anarchie et la tyrannie, ou encore le désordre et le faux ordre. Et partout la de
235 l’anarchie et la tyrannie, ou encore le désordre et le faux ordre. Et partout la devise est la même : union dans la diver
236 tyrannie, ou encore le désordre et le faux ordre. Et partout la devise est la même : union dans la diversité, c’est-à-dire
237 er, avec toutes les religions ou les irréligions, et avec toutes les classes. Ce n’est pas sur ce plan que sont nos advers
238 S’il en est, nous ne marchons pas, saute la bombe et périsse le monde : ça nous fait moins peur que Churchill… » Ces petit
239 rappeler dans leurs milieux, mais je le rappelle. Et j’ajouterai, sans élever le ton, que nous sommes libres à tous égards
240 ’essais réputés outre-Atlantique comme en France, et tout récemment des Lettres sur la bombe atomique , vient de faire, e
241 en lire montrent à quel point les préoccupations et les positions de l’auteur de Penser avec les mains rejoignent celle
5 1949, Articles divers (1948-1950). La liberté religieuse à l’école (2e semestre 1949)
242 suivre l’école le samedi, jour consacré au Sabbat et au culte. Mais les règlements scolaires sont stricts : toute absence
243 est alors subie par les parents ou responsables, et va de l’amende à la prison selon les cas et les pays. On imagine tous
244 bles, et va de l’amende à la prison selon les cas et les pays. On imagine tous les conflits qui peuvent surgir entre une c
245 nt surgir entre une croyance aussi intransigeante et des règlements aussi sévères, pour peu qu’on veuille se servir de ceu
246 entistes dans trois pays : la Belgique, la France et la Suisse. Dans quatre écoles belges (communale, moyenne, normale et
247 quatre écoles belges (communale, moyenne, normale et un lycée) la preuve a été faite que tout peut se passer sans la moind
248 ves adventistes reçoivent dispense pour le samedi et si les examens ont lieu ce jour-là, on s’arrange pour que les absents
249 e, consentissent finalement à interpréter la loi, et à suspendre les poursuites. Mais on constate néanmoins qu’ici ou là,
250 près des autorités de l’enseignement, des préfets et des ministres semblent avoir rencontré dans la plupart des cas une co
251 ension effective. Mais la loi demeure invariable. Et quel que soit le désir, dont beaucoup témoignent, d’assurer l’exercic
252 itoyen vaudois, s’est vu arrêté par les gendarmes et incarcéré pendant trente heures parce que sa fille manquait l’école l
253 ce que sa fille manquait l’école le samedi matin, et qu’il refusait de payer une amende de 2 francs par absence : c’eût ét
254 é à ses yeux se reconnaître coupable d’une faute, et ses convictions religieuses lui interdisent de l’admettre. À ce jour
255 ion de numéros attribués aux jours de la semaine, et qu’enfin tout cela ne mérite pas trop d’indignation, dans une époque
256 être quotidiennement perpétrée sur des millions, et il est curieux que les bonnes gens qui parleraient volontiers « d’exc
257 s les convictions religieuses en tant que telles, et non point du jugement de vérité que l’on peut porter sur l’une ou l’a
258 es libertés fondamentales, ont un intérêt évident et capital à respecter minutieusement ces libertés. Céder sur une questi
259 ocraties libérales se distinguent essentiellement et radicalement des tyrannies : c’est sacrifier des droits humains à l’o
260 à l’opportunité ou aux intérêts du grand nombre, et l’on sait aujourd’hui où cela peut conduire. Danger des lois trop
261 ation non pas plus « souple », mais plus complexe et plus précise, suffirait à résoudre des conflits du genre de ceux que
262 istes. Les lois fiscales, les lois sur les loyers et les « surfaces corrigées » s’ingénient au-delà du bon sens à distingu
263 la rédaction des décrets garantissant les droits et sauvegardant le plein respect des libertés qui furent inscrites au se
264 es au seuil des grandes constitutions, la Liberté et la Démocratie cesseraient d’être raillées comme de belles abstraction
265 » que toutes nos démocraties proclament à l’envi. Et d’autre part, il n’y a pas de vraisemblance à ce que des cas de ce ge
266 ue le désordre. Mais une réglementation simpliste et uniforme, elle aussi, implique mille désordres, puisqu’elle se tradui
267 cessairement par mille applications tyranniques — et que « la tyrannie est le souverain désordre », comme l’écrivait, en u
268 les droits des langues, des races, des religions et des groupes, se montrent soudain les plus stricts dans leur refus de
269 uvé d’une extinction probable la langue romanche, et de l’avoir élevée au rang de langue nationale, bien qu’elle ne soit p
270 e leur indépendance nationale, de leur prospérité et de leur paix ? L’exemple des adventistes, et des difficultés particul
271 rité et de leur paix ? L’exemple des adventistes, et des difficultés particulières que suscitent leurs croyances, m’a paru
272 eul groupe menace la liberté de tous les autres — et donc aussi du mien. Chacune de nos religions, ne l’oublions jamais, e
273 du monde, minoritaire. Chacune donc doit se voir et se sentir visée par la persécution qu’une autre endure. Est-il nécess
274 er qu’il en va de même pour nos droits politiques et civiques ? On ne peut sauver la liberté, dans notre monde, qu’en s’ef
275 , « La liberté religieuse à l’école », Conscience et Liberté, Paris, 1949, p. 11-14. i. Présenté par la note suivante : «
276 ont l’expose fort bien dans les pages qui suivent et nous sommes entièrement d’accord avec lui : une liberté qui n’est pas
6 1949, Articles divers (1948-1950). Commencer par l’Europe (février 1949)
277 . C’est ainsi que les choses se passent en France et c’est très bien : c’est très européen… La voici donc en pleine actual
278 actualité. Tout le monde se déclare pour le Monde et parle au nom des masses mondiales. Qui dira plus ? Ici, nous avons l’
279 gure de provinciaux ou de nationalistes attardés. Et l’on va nous demander : pourquoi l’Europe ? Tant qu’à faire, pourquoi
280 iscours, mes chers amis, nous les prenons au mot. Et nous vous proposons une méthode de travail, un mouvement qui est déjà
281 de travail, un mouvement qui est déjà au travail, et un objectif immédiat, qui est de commencer par l’Europe. Car nous pen
282 trouvé l’un des premiers à proclamer, en Amérique et en Europe, qu’il n’y avait qu’une parade à la bombe, c’était le gouve
283 siastes de la Planète unie par les peuples unis — et j’en étais — un certain rideau de fer est tombé, brutalement. Et la g
284 un certain rideau de fer est tombé, brutalement. Et la guerre froide a commencé. La situation s’est donc précisée, si je
285 de plus en plus bourrue, de plus en plus contenue et glaciale. Et l’on ne peut s’empêcher de penser que s’ils continuent à
286 us bourrue, de plus en plus contenue et glaciale. Et l’on ne peut s’empêcher de penser que s’ils continuent à se déclarer
287 seule puissance pourrait les séparer, les retenir et les forcer au compromis, c’est-à-dire à la paix — c’est l’Europe. Mai
288 isolée, n’a plus la taille qu’il faut pour parler et se faire entendre, dans le monde dominé par les deux grands empires.
289 dans le monde dominé par les deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’est plus une puissance qui pourrait exiger l
290 se disputent la terre. Voici le fait fondamental, et que personne ne peut nier : aucun de nos pays ne peut prétendre, seul
291 rnira un prétexte permanent à la guerre entre USA et URSS ; 3° Rien ne pourra s’opposer à cette guerre entre la Russie et
292 e pourra s’opposer à cette guerre entre la Russie et l’Amérique — une guerre dont, quel que soit le vainqueur, s’il en est
293 e sortirait vaincue. Tout cela est simple comme 2 et 2 font 4 : tout cela va vers une guerre qui risque bien d’être enfin
294 avec la force même de l’évidence, vers une seule et unique solution. Si nous voulons sauver chacun de nos pays, il nous f
295 iger la paix, de l’inventer pour les deux autres. Et si l’on me dit que l’Europe, même unie, serait encore trop petite pou
296 ions, c’est-à-dire deux fois plus que l’Amérique, et autant que la Russie et tous ses satellites réunis. Si ces 300 millio
297 fois plus que l’Amérique, et autant que la Russie et tous ses satellites réunis. Si ces 300 millions d’habitants faisaient
298 en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la paix du monde. Il reste à trouver la méthode, les moyens
299 rope est la réalité la plus complexe de la terre, et qu’il s’agit d’en faire une unité qui puisse peser sur le plan politi
300 ? Très bons sujets d’articles ou même de thèses — et je ne dirai rien contre les thèses — mais nous nous occupons de la pa
301 te sur le mode solennel que l’Europe c’est Pascal et Goethe, c’est Dante et Shakespeare, c’est Paul Valéry, etc. Bien sûr 
302 que l’Europe c’est Pascal et Goethe, c’est Dante et Shakespeare, c’est Paul Valéry, etc. Bien sûr ; mais hélas, l’Europe
303 sprits. C’est aussi les personnages de Courteline et ceux de Bourget, et ceux de Kafka, et c’est aussi ces paysans ahuris
304 les personnages de Courteline et ceux de Bourget, et ceux de Kafka, et c’est aussi ces paysans ahuris par la politique qui
305 Courteline et ceux de Bourget, et ceux de Kafka, et c’est aussi ces paysans ahuris par la politique qui vient des villes,
306 lles, ceux qu’ont décrit nos amis italiens Silone et Carlo Levi. C’est aussi tous ceux qui n’ont jamais été les héros d’au
307 eux qui n’ont jamais été les héros d’aucun roman, et qui ne savent pas grand-chose de ce qui se passe dans le monde, ceux
308 ce qui se passe dans le monde, ceux qui croient — et j’en connais beaucoup — que les mesures économiques consistent à fair
309 res économiques consistent à faire des économies, et que le communisme consiste à tout mettre en commun, dans la charité g
310 la charité générale… C’est avec tous ces hommes — et pour eux tous, même malgré eux — qu’il nous faire l’Europe. Mais alor
311 rès les autres annexés, colonisés, atomisés, etc. Et puis — c’est encore plus simple — tous ces gens ont en commun le dégo
312 us simple — tous ces gens ont en commun le dégoût et la peur immense de la guerre, et nous voulons pour eux et avec eux fa
313 commun le dégoût et la peur immense de la guerre, et nous voulons pour eux et avec eux faire la paix. Voilà la seule quest
314 ur immense de la guerre, et nous voulons pour eux et avec eux faire la paix. Voilà la seule question sérieuse, la seule di
315 ve » pour la vaincre. ⁂ J’en reviens à la méthode et aux moyens d’action. Aux impatients qui rêvent d’unifier le genre hum
316 s les Européens résistent dans leurs différences, et peut-être consistent dans leurs oppositions. Mais je le répète, c’est
317 asser, que l’on connaît vraiment ces différences, et qu’on peut mesurer leur vraie valeur. En Amérique, tout est plus simp
318 tion, une doctrine dominante, un parti au pouvoir et une opposition, un seul type de drug-store, et une morale moyenne, do
319 ir et une opposition, un seul type de drug-store, et une morale moyenne, dont l’idée générale est justement d’éviter les c
320 le est justement d’éviter les conflits quotidiens et non pas de les affronter. En Russie, c’est encore plus simple : une s
321 us simple : une seule tête, un parti, une police, et pas d’opposition permise dans aucun ordre. Mais en Europe ! Deux douz
322 cultures, d’innombrables morales contradictoires, et je ne sais combien de partis politiques, de styles, d’écoles qui s’an
323 tiques, de styles, d’écoles qui s’anathématisent, et d’expériences économiques moins rationnelles que polémiques. Et cela
324 es économiques moins rationnelles que polémiques. Et cela n’est rien encore ; l’Europe consiste dans les combinaisons et l
325 encore ; l’Europe consiste dans les combinaisons et les permutations d’une longue série d’antagonismes essentiels : Nord
326 une longue série d’antagonismes essentiels : Nord et Midi, gauche et droite, insulaires et continentaux, catholiques et pr
327 d’antagonismes essentiels : Nord et Midi, gauche et droite, insulaires et continentaux, catholiques et protestants, croya
328 iels : Nord et Midi, gauche et droite, insulaires et continentaux, catholiques et protestants, croyants et athées, traditi
329 t droite, insulaires et continentaux, catholiques et protestants, croyants et athées, traditions et progrès, individu et c
330 ontinentaux, catholiques et protestants, croyants et athées, traditions et progrès, individu et collectivité, ordre à tout
331 es et protestants, croyants et athées, traditions et progrès, individu et collectivité, ordre à tout prix et justice d’abo
332 oyants et athées, traditions et progrès, individu et collectivité, ordre à tout prix et justice d’abord, régionalisme et u
333 grès, individu et collectivité, ordre à tout prix et justice d’abord, régionalisme et universalisme, liberté et engagement
334 rdre à tout prix et justice d’abord, régionalisme et universalisme, liberté et engagement, et vingt autres tensions dans t
335 e d’abord, régionalisme et universalisme, liberté et engagement, et vingt autres tensions dans tous les ordres, vingt autr
336 onalisme et universalisme, liberté et engagement, et vingt autres tensions dans tous les ordres, vingt autres couples comb
337 ns tous les ordres, vingt autres couples combinés et permutés, sans parler de leurs ménages à trois, et nul d’entre eux ne
338 t permutés, sans parler de leurs ménages à trois, et nul d’entre eux ne saurait vivre sans les autres, et nul d’entre eux
339 nul d’entre eux ne saurait vivre sans les autres, et nul d’entre eux ne peut prétendre à dominer. Quel panier de crabes !
340 er que la richesse de l’Europe comme ses misères, et sa grandeur comme ses bassesses, et au total son dynamisme incomparab
341 ses misères, et sa grandeur comme ses bassesses, et au total son dynamisme incomparable, sont nés précisément de ces tens
342 ême ; de là tant de dilemmes accentués à plaisir, et qui souvent n’ont d’autre issue que la violence, souvent aussi forcen
343 ention ; de là enfin cette possibilité de choisir et de se risquer, qui est la condition première de ce que l’Européen app
344 ctuelle ou politique, d’une unification des mœurs et des doctrines, ou du triomphe d’une idéologie. C’est d’abord impossib
345 iomphe d’une idéologie. C’est d’abord impossible, et chacun peut le voir : ni la gauche, ni la droite, par exemple, n’ont
346 mais lier par un pacte juré des éléments divers, et qui doivent le rester. Le couple humain, lié par le mariage, répond à
347 in, lié par le mariage, répond à cette définition et l’illustre symboliquement. Voilà ce qu’il faut absolument comprendre,
348 ement. Voilà ce qu’il faut absolument comprendre, et même sentir : sur tous les plans, qui dit fédéralisme dit toujours à
349 s apparemment contraires mais également valables, et qu’il ne s’agit pas de subordonner l’une à l’autre, mais au contraire
350 quilibre. Ainsi sur le plan politique : autonomie et solidarité, ou encore : libertés locales et pouvoir central limité. S
351 nomie et solidarité, ou encore : libertés locales et pouvoir central limité. Sur le plan de l’économie : secteur libre et
352 limité. Sur le plan de l’économie : secteur libre et secteur dirigé, ou encore : risque et assurance. Partout, dans tous l
353 cteur libre et secteur dirigé, ou encore : risque et assurance. Partout, dans tous les plans, la formule est la même. Qu’i
354 a toujours d’éviter à la fois l’isolation stérile et l’uniformité contrainte, l’anarchie et la tyrannie, ou encore le déso
355 on stérile et l’uniformité contrainte, l’anarchie et la tyrannie, ou encore le désordre et le faux ordre. Et partout la de
356 l’anarchie et la tyrannie, ou encore le désordre et le faux ordre. Et partout la devise est la même : union dans la diver
357 tyrannie, ou encore le désordre et le faux ordre. Et partout la devise est la même : union dans la diversité, c’est-à-dire
358 er, avec toutes les religions ou les irréligions, et avec toutes les classes. Ce n’est pas sur ce plan que sont nos advers
359 à tous les étages de la société, dans la commune et l’entreprise d’abord, puis à l’échelle nationale, puis au plan europé
360 uis à l’échelle nationale, puis au plan européen, et finalement au plan mondial nous savons bien que nous heurtons certain
361 aines habitudes de pensée à la fois nationalistes et rationalistes, c’est-à-dire en un mot : jacobines ou totalitaires qui
362 r elle vise tout entière — de par sa nature même, et de par la nature des obstacles qu’elle trouve posés en travers de sa
363 osés en travers de sa route vers l’Europe fédérée et vers la paix — à la destruction du Léviathan moderne décrit par Thoma
364 on du Léviathan moderne décrit par Thomas Hobbes, et que Nietzsche appelait un jour « le plus froid de tous les monstres f
365 tous les monstres froids » — l’État-nation, cause et produit de toutes nos guerres. Sur ce point-là, nous serons à notre t
366 supprimer toutes les différences entre la France et l’Allemagne, par exemple, ni contester qu’il faille à nos pays des ad
367 s forces vives par la machine imbécile de l’État, et c’est enfin le dogme et la pratique des souverainetés nationales abso
368 chine imbécile de l’État, et c’est enfin le dogme et la pratique des souverainetés nationales absolues. Et c’est pourquoi
369 a pratique des souverainetés nationales absolues. Et c’est pourquoi nous demandons et préparons, comme premier point de to
370 onales absolues. Et c’est pourquoi nous demandons et préparons, comme premier point de tout notre programme, l’institution
371 gardienne d’une Charte des droits de la personne. Et à ce tribunal pourront en appeler, contre les pouvoirs étatiques, les
372 les pouvoirs étatiques, les minorités opprimées, et plus encore : les simples citoyens. Ainsi sera sauvegardé le droit qu
373 i se poursuit dans toute l’Europe depuis deux ans et qui est en train d’aboutir à certains résultats concrets. La Conféren
374 ue nous voulons élue à la fois par les parlements et par les forces vives de chaque pays, doit se réunir dans quelques moi
375 ission de proposer la création d’une Cour suprême et la Constitution fédérale de l’Europe. C’est quelque chose, qui peut d
376 on active derrière nos avant-gardes fédéralistes, et d’imprimer un grand élan à notre propagande populaire, ou pour mieux
377 Vichinski peut, à lui seul, faire tout le travail et créer l’opinion européenne. ⁂ Il est une phrase que je voudrais bien
378 ns une centaine de comptes rendus de nos réunions et de nos congrès, et c’est celle-ci : « Nous ne pouvons que souhaiter b
379 comptes rendus de nos réunions et de nos congrès, et c’est celle-ci : « Nous ne pouvons que souhaiter bonne chance aux cou
380 tes-vous tuer, nous suivrons de loin vos efforts, et si vous gagnez par miracle, bien entendu, nous vous rejoindrons, nous
381 rre, qui, voyant l’officier sortir de la tranchée et s’élancer le premier à l’attaque, criaient bravo ! bravo ! et restaie
382 le premier à l’attaque, criaient bravo ! bravo ! et restaient dans leur trou. Il y a ceux qui nous disent : « Nous ne bou
383 S’il en est, nous ne marchons pas, saute la bombe et périsse le monde : ça nous fait moins peur que Churchill… » Ces petit
384 rappeler dans leurs milieux, mais je le rappelle. Et j’ajouterai, sans élever le ton, que nous sommes libres à tous égards
385 s. Faites des gestes ! Déchirez votre passeport ! et nous vous donnerons notre nom — mais sans rien déchirer, bien entendu
386 nous les fédéralistes, en invitant gouvernements et parlements à convoquer cette année une Assemblée européenne. C’est ma
387 être jamais — que le fédéralisme court sa chance, et avec elle les chances de la paix. Si nous voulons la paix, nous devon
7 1949, Articles divers (1948-1950). L’Europe ou le cap du destin (1949)
388 s les grandeurs européennes viennent de l’esprit, et non pas de la nature ni du nombre. Comment expliquer autrement que ce
389 pu régner sur toute la terre, tant par ses armes et ses lois que par l’attrait universel qu’exerçaient ses pouvoirs sur l
390 iversel qu’exerçaient ses pouvoirs sur les choses et la vie ? Les causes de cette puissance, naguère mondiale, du « petit
391 mondiale, du « petit cap », furent très diverses et même contradictoires. L’Europe a dominé par ses techniques, par sa sc
392 bénin. Mais elle a dominé par la violence aussi, et par la mise en esclavage ou en servage de centaines de millions d’hab
393 lle a dominé d’une manière beaucoup plus subtile, et peut-être plus effective, en imposant à tous les continents un certai
394 ée, une notion de l’homme issue du christianisme, et dont dérivent les grands concepts de liberté et de justice, de dignit
395 , et dont dérivent les grands concepts de liberté et de justice, de dignité de la personne et de responsabilité sociale, c
396 liberté et de justice, de dignité de la personne et de responsabilité sociale, concepts dont se réclament, au xxe siècle
397 ou les blessures — du génie créateur de l’Europe. Et certes, l’Europe a follement exporté les secrets mêmes de sa puissanc
398 rêvent d’imiter. Dire que l’Europe est menacée — et l’on sait à quel point la menace est sérieuse — c’est donc dire que l
399 menace est sérieuse — c’est donc dire que le cœur et la conscience d’une culture désormais universelle sont menacés. Pour
400 us ont ravi les moyens matériels de la puissance, et nous en ont en quelque sorte purifiés. Ils nous ont condamnés à ne re
401 lisme, car l’Amérique ou la Russie s’en chargent. Et s’il ne s’agissait que de cela, nous pourrions aussi bien nous laisse
402 r mieux que nous de ces armes inventées par nous, et qu’ils ont arrachées de nos mains. Si les Européens, dans leur majori
403 té, refusent à la fois de se laisser américaniser et de se laisser staliniser, c’est qu’ils sentent bien que dans le meill
404 aînesse. Ils signeraient un pacte avec le diable. Et le monde entier en pâtirait, Russes et Américains compris. Cette Euro
405 le diable. Et le monde entier en pâtirait, Russes et Américains compris. Cette Europe, pratiquement réduite à l’essentiel
406 rendre un grand marché en supprimant les douanes, et créer des pouvoirs européens, capables de traiter sur pied d’égalité
407 ur pied d’égalité avec les empires neufs de l’Est et de l’Ouest. Rien d’autre ne peut assurer l’indépendance européenne, s
408 constructions économiques, juridiques, politiques et sociales, dont chacun reconnaît l’urgence, et que le Mouvement europé
409 ues et sociales, dont chacun reconnaît l’urgence, et que le Mouvement européen promeut, resteront sans force et sans vie,
410 Mouvement européen promeut, resteront sans force et sans vie, si elles ne sont pas soutenues par un élan profond, par un
411 ouveau de tous nos peuples. Cet élan de l’opinion et cet espoir des masses, ce n’est pas une propagande artificielle qui l
412 nct, qui nous fait repousser les tentations russe et américaine. Mais il s’agit maintenant de l’informer, de lui donner de
413 r des moyens d’expression, de le rendre conscient et agissant. Telle est la tâche dont le congrès de La Haye, il y a un an
414 rs pays d’Europe en faveur de l’union des peuples et d’une éducation de « cadres européens ». Des dizaines d’instituts exi
415 ventaire des forces spirituelles, intellectuelles et artistiques du Continent. b) Coordination des activités « culturelles
416 ant à la formation d’une jeune élite européenne ; et il rassemble une équipe d’historiens, en vue de la révision des manue
417 ême des pires aberrations nationalistes. c) Étude et formulation des grands thèmes de la propagande générale du Mouvement
418 acun de nos pays, fourniront la base des travaux. Et l’on doit espérer que de l’ensemble de ces rapports documentés, inven
419 ces rapports documentés, inventoriant les forces et les faiblesses de nos cultures nationales, se dégageront deux séries
420 ndue à la libre circulation des hommes, des idées et des biens ». ( Message aux Européens , congrès de La Haye.) L’Europe
421 ue son salut ne peut être assuré que par l’union, et que cette union ne sera jamais réelle sans le concours actif de chacu
422 s voulons concerter nos vocations pour la défense et pour l’épanouissement d’un certain nombre de valeurs humaines qui, sa
423 elles. Telle est l’interaction vitale de l’Europe et de la culture. Elles naissent et meurent avec l’esprit fédéraliste, q
424 tale de l’Europe et de la culture. Elles naissent et meurent avec l’esprit fédéraliste, qui est le génie de l’union dans l
8 1949, Articles divers (1948-1950). « Le promoteur de l’émission Demain l’Europe nous dit… » (1er juillet 1949)
425 érations qui ont vu le jour au cours des siècles, et vous savez comment la Suisse a su atteindre ces trois buts, en se féd
426 x, cet organisme a pour tâche immédiate d’étudier et de proposer toute mesure propre à promouvoir le sentiment de l’unité
427 ir dans ce sens sur l’opinion, la presse, le film et la radio, par voie d’informations et de recommandations, de coordonne
428 sse, le film et la radio, par voie d’informations et de recommandations, de coordonner les efforts pour créer une union de
429 les efforts pour créer une union des universités et des membres des corps enseignants ; et enfin d’exercer un contrôle vi
430 niversités et des membres des corps enseignants ; et enfin d’exercer un contrôle vigilant pour restaurer le propre usage d
431 uropéen offrira un lieu de rencontre aux porteurs et aux créateurs de la culture occidentale, afin qu’ils puissent examine
432 andes questions qui affectent la vie de l’Europe, et s’exprimer à leur sujet par des appels à l’opinion publique. k. Ro
9 1949, Articles divers (1948-1950). Le Centre européen de la culture aura son siège en Suisse (7 juillet 1949)
433 ennes ou humanistes. Elle avait inventé les armes et les lois, et tous les peuples subissaient l’attrait de ses techniques
434 nistes. Elle avait inventé les armes et les lois, et tous les peuples subissaient l’attrait de ses techniques, de ses pouv
435 de ses techniques, de ses pouvoirs sur la matière et sur la vie. Cette puissance inouïe, sans précédent, l’Europe la devai
436 bien comme pour le mal, avait créé ses richesses et sa science, ses machines, ses cités et ses livres. Le monde entier po
437 richesses et sa science, ses machines, ses cités et ses livres. Le monde entier portait les marques — ou les blessures —
438 é. La puissance a changé de mains. Elle est russe et américaine. Elle se retourne contre nous. L’Europe déchue n’est plus
439 nt, divisé en vingt-quatre nations, à demi ruiné, et menacé par les deux Grands de colonisation ou d’annexion. Naguère enc
440 e à lutter pour assurer sa survivance économique, et son indépendance politique et civique, déjà fortement compromise. Cet
441 vivance économique, et son indépendance politique et civique, déjà fortement compromise. Cette Europe sur la défensive, co
442 rendre un grand marché en supprimant les douanes, et créer des pouvoirs européens capables de traiter sur pied d’égalité a
443 ur pied d’égalité avec les empires neufs de l’Est et de l’Ouest. Rien d’autre ne peut assurer l’indépendance européenne, q
444 constructions économiques, juridiques, politiques et sociales, dont chacun reconnaît l’urgence et que le Mouvement europée
445 ques et sociales, dont chacun reconnaît l’urgence et que le Mouvement européen promeut, resteront sans force et sans vie s
446 Mouvement européen promeut, resteront sans force et sans vie si elles ne sont pas soutenues par un élan profond, par un e
447 uveau de tous nos peuples. Cet élan de l’opinion, et cet espoir des masses, ce n’est pas une propagande artificielle qui l
448 usses : « Finissons-en, venez nous mettre au pas, et supprimons cet épuisant conflit en adoptant l’ordre totalitaire, celu
449 ons notre droit d’aînesse contre vos belles autos et vos dollars. » Si nous refusons, c’est que nous avons encore le senti
450 ore le sentiment d’une qualité de vie, de liberté et de conscience, qui est justement la raison d’être de l’Europe. Mais i
451 es moyens d’expression, le rendre enfin conscient et agissant. Telle est la tâche vitale que voudrait assumer le Centre eu
452 , qui doit s’ouvrir en Suisse dans quelques mois, et que prépare notre Bureau d’études. Installé à Genève depuis trois moi
453 ination des efforts entrepris dans tous nos pays, et qui souvent s’ignorent ; action de propagande par la presse, la radio
454 oudrais simplement définir l’esprit qui l’inspire et le guide. Il ne s’agit nullement, pour nous, de mettre la culture en
455 évue comme siège du Centre européen de la culture et de la Conférence culturelle, cela ne relève ni du hasard ni de consid
456 rticipation aux conseils politiques du continent. Et pourtant, nul ne songe à défendre un isolationnisme suisse : notre pa
457 nd, plus qu’aucun autre, de l’Europe tout entière et de ses destinées. Comment pourra-t-il donc participer aux efforts pou
458 mesure que la fédération du continent se dessine et prend corps, la nécessité de lui donner une âme passe au premier plan
459 sité de lui donner une âme passe au premier plan. Et c’est bien cela, c’est bien l’âme du Mouvement, que doit devenir le C
460 int-Empire au xiiie siècle ; gardiens du Vatican et de la Genève de Calvin, puis de la Croix-Rouge et de vingt autres cré
461 et de la Genève de Calvin, puis de la Croix-Rouge et de vingt autres créations de l’esprit international ; gardiens enfin
462 s à leur vraie vocation en accueillant, soutenant et animant le foyer même d’une action historique, dont on a pu dire que
10 1950, Articles divers (1948-1950). Préface à Le Problème de l’union européenne d’Olivier Philip (1950)
463 es mondiales : l’Europe paraît avoir été défaite, et sa défection à l’Histoire devient une possibilité. À peine libérée da
464 eux empires vainqueurs, subitement élevés à l’Est et à l’Ouest, elle prend d’elle-même une conscience toute nouvelle, et m
465 prend d’elle-même une conscience toute nouvelle, et malheureuse. « L’Europe est menacée, l’Europe est divisée, et la plus
466 se. « L’Europe est menacée, l’Europe est divisée, et la plus grave menace vient de ses divisions », déclarait le Manifest
467 opéenne des droits de l’homme, le pool du charbon et de l’acier, la transformation du Comité des ministres en Sénat. Mais
468 fédéralistes qui ont mené la lutte pour le Pacte et pour une Autorité politique supranationale. S’ils sont parfois consid
469 ue association dont je fais partie, mais une idée et une méthode. Je n’ai jamais rencontré une personne qui ose se dire co
470 onté… Mais certains souhaitent l’union, bien sûr, et comment donc, tandis que d’autres veulent ses conditions. Certains pr
471 ions. Certains préfèrent s’en tenir au possible — et presque rien ne leur paraît possible — tandis que d’autres veulent le
472 ce qu’ils veulent, qui disent clairement leur fin et qui exigent ses moyens, je les appelle fédéralistes. Il n’est pas jus
473 dans le domaine économique, entre les dirigistes et les libéraux. Mais cette opposition n’est pas la seule. L’Europe est
474 épublicaine, toute corporatiste ou parlementaire… Et dans plusieurs de ces domaines, il serait vain de chercher un comprom
11 1950, Articles divers (1948-1950). Raisons et buts d’une conférence (janvier 1950)
475 Raisons et buts d’une conférence (janvier 1950)n o La condition profondément
476 e, plus divisée devant le péril, — plus angoissée et sceptique à la fois. Mais il n’est pas moins vrai que pour la premièr
477 nditions de la ruine sont réunies dans notre ciel et dans nos données immédiates ; mais ce sont les mêmes conditions qui p
478 conscience de leur absurdité. L’avènement brusque et stupéfiant de deux empires extraeuropéens décourage des millions d’en
479 proprement européenne d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres viendraient faire sur notre s
480 rre que d’autres viendraient faire sur notre sol, et sur le corps de nos enfants ; c’est l’angoisse de devenir les objets
481 uropéen, c’est celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là même une puissance capable d’imposer la paix. Tel
482 ait raison du désespoir. Mais il faut aller vite, et viser juste. Tandis que s’esquissent, à Strasbourg, les cadres politi
483 à dire aux hommes ? quels sont ses droits humains et spirituels à l’existence indépendante ? Et c’est ensuite une étude de
484 umains et spirituels à l’existence indépendante ? Et c’est ensuite une étude des moyens qui pourront assurer cette existen
485 t assurer cette existence ; des mesures pratiques et institutionnelles propres à garantir et développer l’exercice de la p
486 pratiques et institutionnelles propres à garantir et développer l’exercice de la pensée libre, sans laquelle l’Europe n’es
487 commence par dire : « Il n’y a plus d’Europe ! » et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europe, de ce qu
488 lle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialogue à plusieurs voix reste, à tout prendre, la vraie définiti
489 out prendre, la vraie définition de l’Europe, une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, chacun donne à ce mo
490 des réalités hétéroclites : inventions techniques et beaux-arts, hygiène, éducation, et procédé de construction ; littérat
491 ons techniques et beaux-arts, hygiène, éducation, et procédé de construction ; littérature, philosophie, et doctrines de l
492 océdé de construction ; littérature, philosophie, et doctrines de l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de
493 l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la vie des religio
494 tice et de la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la vie des religions. Culture peut signifier aussi prise de con
495 science de la vie, besoin perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme
496 ifier, enfin, l’ensemble des procédés de création et de transmission de leurs principes. Je souhaite que notre Conférence
497 la culture, ce sont les réalités intellectuelles et spirituelles qui ont fait de l’Europe autre chose et beaucoup plus qu
498 spirituelles qui ont fait de l’Europe autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle est dans sa réalité physique, autre chos
499 lus son temps à se demander ce qu’est la culture. Et comme on juge l’arbre à ses fruits, on jugera la culture sur sa récol
500 il surcharge ses élites d’occupations accablantes et flatteuses, qui ne leur laissent plus une seconde pour distinguer l’a
501 nverser les destins qu’en y allant tous ensemble, et toutes affaires cessantes. Pour être juste, il faut reconnaître que b
502 rément multipliés de nos jours. Je les comprends, et je comprends surtout ceux d’entre eux qui sont écrivains. Il y a des
503 mes, entre la création dans une chambre nocturne, et les institutions dont nous allons parler ! « Qu’est-ce que cela peut
504 entraves qu’elle rencontre partout aujourd’hui — et voilà nos problèmes pratiques. Et il n’est pas indifférent — (ou c’es
505 t aujourd’hui — et voilà nos problèmes pratiques. Et il n’est pas indifférent — (ou c’est un mauvais écrivain) — au destin
506 ourrir ou l’asservir, l’écouter ou le censurer, —  et voilà tout le problème des valeurs à sauver, et des institutions qui
507 — et voilà tout le problème des valeurs à sauver, et des institutions qui pourront les défendre. ⁂ Le rapport général, éta
508 es délégués, n’a d’autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au terme d’une
509 ureau d’études de Genève a fourni plusieurs notes et documents. Sur la base d’une quinzaine de rapports nationaux, d’une t
510 nationaux, d’une trentaine de rapports spéciaux, et des documents précités, le rapport général a tenté d’opérer une synth
511 rie de résolutions pratiques qui seront proposées et mises au point par les commissions du congrès. La section culturelle
512 une nouvelle commission, consacrée à l’éducation et à l’enseignement. I. Les échangesq La question des échanges. —
513 ront vite dressé la liste des obstacles douaniers et monétaires, et des mesures prétendues « protectionnistes » qui loin d
514 é la liste des obstacles douaniers et monétaires, et des mesures prétendues « protectionnistes » qui loin de les protéger,
515 raît que certaines expressions chères aux experts et aux documents officiels, seraient propres à nous égarer. On parle bea
516 pas question si les frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale de l’Europe réalisée. Nos cultures, prisonnières des
517 t-vient d’échanges surveillés que leurs douaniers et leurs agents fiscaux sauront bientôt réduire à presque rien. Il en ré
518 des pouvoirs, de quelques boursiers bons élèves ; et quelques phrases bien plates sur l’indispensable solidarité de nos na
519 reconnaître les droits que l’État s’est arrogés, et qu’il s’agit de lui dénier radicalement — le droit d’élever ou d’abai
520 raires à la circulation des idées, des personnes, et des œuvres ; c’est d’autre part, presque automatiquement, favoriser c
521 uthentiques de la sensibilité, de passions mêmes, et non pas de simples déplacements de forts en thème — nous devons : 1°
522 de forts en thème — nous devons : 1° abandonner, et au besoin dénoncer la méthode de « l’organisation des échanges », 2°
523 ion des échanges », 2° exiger la suppression pure et simple, immédiate, des obstacles à la libre circulation des personnes
524 à la libre circulation des personnes, des œuvres, et des instruments de travail, dans toute l’étendue de l’Europe. Supprim
525 ats, dont la charge est ruineuse pour la culture. Et surtout ne proposons pas, dans ce domaine, de nouveaux organismes ! C
526 ux origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manife
527 laisse libre de se manifester ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins, voilà la solution, voilà le remède
528 tions À la suppression des obstacles matériels et légaux à nos échanges doit correspondre un effort positif. Il serait
529 espondre un effort positif. Il serait insuffisant et vain de vouloir revenir simplement à la condition libérale qui était
530 nous faut aujourd’hui faire un grand pas de plus, et créer des institutions qui garantissent et manifestent l’unité de nos
531 plus, et créer des institutions qui garantissent et manifestent l’unité de nos cultures dans leur diversité. Il faut dote
532 e fédérale, sans laquelle nos réformes techniques et matérielles resteront lettre morte. Au premier rang figure une instit
533 e de culture, facile à distinguer de ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-ci distinguent souvent mieux que nous. Il est ét
534 dié en tant que tel, d’une manière systématique ; et qu’il n’existe aucune institution capable de renseigner sur l’Europe
535 r sa situation présente, sur l’état de ses forces et de ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin
536 forces et de ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin d’une telle institution soit urgent, rien
537 contrées la préparation même de cette conférence, et que ses insuffisances inévitables dans l’état actuel des choses. Je t
538 rojet d’Institut européen des sciences politiques et sociales ; et ce projet surtout d’un Fonds européen pour les recherch
539 ut européen des sciences politiques et sociales ; et ce projet surtout d’un Fonds européen pour les recherches scientifiqu
540 portance capitale ne saurait échapper à personne, et dont M. Dautry a magistralement exposé les motifs. III. L’enseigne
541 . La préparation de cette Conférence, l’abondance et la qualité des rapports reçus sur les questions d’éducation, ont mont
542 s, [mais] réclame aussi un départ extrêmement vif et net ». L’effet de choc que produira sur l’opinion publique l’institut
543 tituera la meilleure propagande pour notre union, et peut-être la seule acceptable. Toutes ces activités et ces institutio
544 ut-être la seule acceptable. Toutes ces activités et ces institutions demanderont des fonds, qui aujourd’hui n’existent pa
545 l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernements et l’économie privée invoqueront leurs charges écrasantes ou leurs bénéf
546 ue, si le sentiment d’un destin spirituel commun, et l’énergie créatrice des Européens ne sont pas réveillés, les États et
547 ce des Européens ne sont pas réveillés, les États et l’économie privée courent à leur perte inéluctable. Nous devons mettr
548 développer la recherche scientifique pour la paix et la vie, c’est la folie de l’Occident moderne. À tel point qu’on se de
549 s, contre une pareille folie, le cri des hommes. Et maintenant, pour quelles fins réelles voulons-nous ces moyens de cult
550 fins réelles voulons-nous ces moyens de culture, et cette éducation d’une conscience commune de l’Europe ? La question do
551 ne nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique, va
552 européenne » synthétique, valable pour nous seuls et fermée sur elle-même : ce serait trahir le génie de l’Europe, nous co
553 l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est de contribuer à l’union de nos pays
554 la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. Et notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce qui se pratique aille
555 particulière dans le monde. Une Europe affaiblie, et divisée par vingt nationalismes et autant de barrières de douanes, ne
556 ope affaiblie, et divisée par vingt nationalismes et autant de barrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’attrac
557 e aux gouvernants, comme aux législateurs sociaux et aux experts, qu’un certain nombre de principes moraux ne sauraient êt
558 sans que l’Europe perde ses droits à l’existence et à l’autonomie. Si nous exerçons, à Lausanne, cette action de vigilanc
559 en dernière analyse. C’est notre lot d’Européens, et c’est notre mission profonde, de préférer toujours la conscience au b
560 jours la conscience au bonheur. Vocation tragique et féconde, qui nous apparaît plus clairement depuis que se dressent à l
561 ale, que nous en respirons le climat nostalgique. Et nous ici, nous ne sommes pas réunis pour tracer des plans d’innocence
562 mmes pas réunis pour tracer des plans d’innocence et de prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de trouver les mo
563 se aux travaux de la Commission de l’enseignement et de l’éducation (NDLR). n. Rougemont Denis de, « Raisons et buts d’u
564 cation (NDLR). n. Rougemont Denis de, « Raisons et buts d’une conférence », Fédération, Paris, janvier 1950, p. 19-25.
12 1950, Articles divers (1948-1950). Un gage à Jean Paulhan ! (avril 1950)
565  ; que la Grèce n’en fait pas partie, mais bien «  et de toute évidence » les USA ; que M. Spaak est un de nos « doctrinair
566 les fédéralistes, c’est Guéhenno, c’est Jaspers, et surtout Benda qu’il faut interroger ; que le fédéralisme est contre l
567 patries (mais qu’il juge bon de le « cacher ») ; et qu’enfin les fédéralistes « n’ont jamais été amoureux ». Heureusement
568 amais été amoureux ». Heureusement pour l’Europe, et pour les fédéralistes, il n’y a pas un mot de vrai dans tout cela. Vo
569  le Conseil de l’Europe s’est réuni à Strasbourg… et qu’il a déjà son statut (en quarante-deux articles) ». Montrez-nous d
570 nisme est qu’il serve provisoirement, à sa place, et malgré ses très graves imperfections, au progrès vers l’union europée
571 s qu’il ait jamais passé pour un « doctrinaire », et je voudrais bien qu’il se déclare « fédéraliste »… 5° Ai-je vraiment,
572 aiment, à mon insu, « annoncé la fin du désespoir et de l’isolement, la mort des ressentiments nationaux » ? Hélas ! Diagn
573 x » ? Hélas ! Diagnostiquer une maladie mortelle, et conseiller certains remèdes in extremis (que les Européens n’aiment p
574  » la fin de la maladie, ni promettre « des joies et des fêtes ». Nous demandons surtout des sacrifices. 6° Pour découvrir
575 mmes de tendances aussi opposées que Georg Lukács et Karl Jaspers. Parmi ces neuf, un seul fédéraliste déclaré. Voyez donc
576 age 60 : « Je reproche à Benda de confondre union et unification, de vouloir effacer les diversités sans lesquelles aucune
577 vous rejoignez ici une partie de leurs positions, et votre belle colère se trompe d’adresse. De quoi ce lapsus est-il révé
578 ns limites. Pas une attaque contre le patriotisme et les patries. Or j’ai quelques raisons de penser que ce texte exprime
579 u obscur. Si mon projet vous paraît encore « faux et imbécile », quand vous aurez renoncé à le confondre avec celui de Ben
580 urront durer rien qu’en se faisant toutes petites et mignonnes. Elles ont besoin de vous aussi, non point pour les louer c
13 1950, Articles divers (1948-1950). Il est impossible de sauver l’Europe sans sauver sa culture (5 août 1950)
581 n tarit les sources de sa recréation perpétuelle. Et rien ne sert non plus d’entretenir le désir créateur, si on le prive
582 une unité, si ce n’était pas celle de son choix ? et si cette unité signifiait sa défaite, non point sa conquête sur elle-
583 non point sa conquête sur elle-même ? son destin et non plus sa liberté ? L’Europe sans sa culture, réduite à ce qu’elle
584 qu’elle est, ne serait plus qu’un cap de l’Asie — et l’Asie n’a jamais passé pour la terre de la liberté. Ces deux réalité
585 es deux réalités : l’Europe, la culture, naissent et meurent du même mouvement. ⁂ Qu’en est-il donc de ce mouvement, au mi
586 notre xxe siècle ? Entre les deux colosses russe et américain, l’Européen qui vient de perdre la guerre, fait actuellemen
587 ort de redressement. Entre 200 millions de Russes et 150 millions d’Américains, nous sommes ici à l’ouest du rideau de fer
588 ns. Nous disposons de plus d’un quart du charbon, et près d’un tiers de l’électricité que produit aujourd’hui la planète.
589 ous pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse, l’existentialisme et le personnalisme, la théorie de
590 le marxisme et la psychanalyse, l’existentialisme et le personnalisme, la théorie des quantas et celle des groupes, la soc
591 lisme et le personnalisme, la théorie des quantas et celle des groupes, la sociologie et les grandes synthèses historiques
592 e des quantas et celle des groupes, la sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généralisée et la ph
593 synthèses historiques, la relativité généralisée et la physique nucléaire, l’aviation, la radio et le cinéma, la vaccinat
594 ée et la physique nucléaire, l’aviation, la radio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synth
595 adio et le cinéma, la vaccination, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique, les plastics et le radar, la rational
596 e et le DDT, le pétrole synthétique, les plastics et le radar, la rationalisation du travail industriel, la construction m
597 riel, la construction métallique, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier : peinture, musi
598 métallique, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier : peinture, musique, littérature, poé
599 : peinture, musique, littérature, poésie, théâtre et sculpture : presque tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe,
600 tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maître
601 n comme pour le mal, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de
602 fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie et de m
603 s procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie et de médecine, et nos armes. Les Hindou
604 ion, de transport et de gouvernement, d’industrie et de médecine, et nos armes. Les Hindous, les Chinois, les Noirs, copie
605 t et de gouvernement, d’industrie et de médecine, et nos armes. Les Hindous, les Chinois, les Noirs, copient l’Europe pour
606 rtager le monde à nos dépens ? L’Amérique du Nord et la Russie de Staline sont des produits de notre culture, l’une dès se
607 roduits de notre culture, l’une dès ses origines, et l’autre en ce qu’elle a de moderne justement. Calvin et le puritanism
608 utre en ce qu’elle a de moderne justement. Calvin et le puritanisme, d’un côté, plus les gratte-ciel, le système de Taylor
609 e Taylor-Bedault à tous les degrés, la cellophane et la fermeture-éclair qui sont des inventions européennes ; et de l’aut
610 ture-éclair qui sont des inventions européennes ; et de l’autre côté, Marx et notre industrie plus l’instruction publique
611 inventions européennes ; et de l’autre côté, Marx et notre industrie plus l’instruction publique et l’athéisme, l’hypertro
612 rx et notre industrie plus l’instruction publique et l’athéisme, l’hypertrophie de l’appareil étatique, et des copies de l
613 ’athéisme, l’hypertrophie de l’appareil étatique, et des copies de l’art officiel de nos grands-pères. Caricatures évidemm
614 de description : leurs traits les plus frappants et qu’ils croient spécifiques, ne sont souvent que des emprunts à notre
615 , jusqu’à la monstruosité. Si bien que l’Amérique et la Russie moderne, dans plus d’un sens, sont en réalité notre caricat
616 jamais aller à placer sur le même plan l’Amérique et la Russie. Deux constatations très simples me suffiront. Entre l’Amér
617 tions très simples me suffiront. Entre l’Amérique et nous, qu’y a-t-il de commun ? Il y a tous les principes fondamentaux
618 al de liberté humaine. Tandis qu’entre les Russes et nous, il n’y a en commun qu’un mot : le mot démocratie… Pour eux cela
619 ommes certains, chez nos amis un intérêt très vif et une approbation complète. »
14 1950, Articles divers (1948-1950). Saint-John Perse et l’Amérique (1950)
620 Saint-John Perse et l’Amérique (1950)m La grandeur de cette poésie fait reculer le com
621 ous le fait du prince, toute référence superflue, et depuis lors, nous n’avons rien appris, sinon toutefois qu’un « pur dé
622 les relations qui se sont révélées entre le poète et l’âme lyrique du Nouveau Monde, dans un ouvrage où l’Amérique, un jou
623 scription de l’essor des États-Unis dans l’espace et le temps à la fois, si le sujet n’était plutôt le principe animique,
624 le principe animique, ou lyrique, que l’aventure et l’invention du Nouveau Monde ont illustré d’accidents séculaires. Tou
625 culaires. Tout se passe à la fois dans l’Histoire et dans l’homme, « dans un très haut tumulte de terres en marche vers l’
626 bes longues des filles « à la sortie des salles » et leur nylon, les grands rapides « avec leur provision de glace pour ci
627 l’homme qu’il s’agit, dans sa présence humaine ; et d’un agrandissement de l’œil aux plus hautes mers intérieures ». Le p
628 d sa source au lieu d’où l’Amérique dans l’espace et le temps, et la fureur lyrique dans l’homme épris du monde, peuvent ê
629 u lieu d’où l’Amérique dans l’espace et le temps, et la fureur lyrique dans l’homme épris du monde, peuvent être vues comm
630 épris du monde, peuvent être vues comme une seule et même geste de l’âme. (Je dis l’âme, et non pas l’esprit, ni l’intelle
631 une seule et même geste de l’âme. (Je dis l’âme, et non pas l’esprit, ni l’intellect et ni le cœur.) Et c’est d’un même
632 Je dis l’âme, et non pas l’esprit, ni l’intellect et ni le cœur.) Et c’est d’un même mouvement à tout ce mouvement lié, q
633 non pas l’esprit, ni l’intellect et ni le cœur.) Et c’est d’un même mouvement à tout ce mouvement lié, que mon poème enco
634 vastes houles de la terre… Congénialité du poème et de cette Amérique ourdie par les grands vents : le mouvement, la viol
635 rands vents : le mouvement, la violence heureuse, et la vision globale du « monde entier des choses ». ⁂ I. Le mouvement c
636 ⁂ I. Le mouvement crée l’énergie, le rayonnement et les trains d’ondes, — et d’autre part, dans le poème, il crée littéra
637 ’énergie, le rayonnement et les trains d’ondes, —  et d’autre part, dans le poème, il crée littéralement le sens. (Point de
638 mouvement vers l’Ouest, rebroussé par les vents. Et le poème aussi ne prend son sens que dans le mouvement qu’il inspire
639 saisi qu’au vol, épousé dans les rythmes larges. Et nous disions les fleuves survolés, et les plaines fuyantes, et les ci
640 es larges. Et nous disions les fleuves survolés, et les plaines fuyantes, et les cités entières sur leurs disques qui nou
641 ns les fleuves survolés, et les plaines fuyantes, et les cités entières sur leurs disques qui nous filaient entre les doig
642 nt entre les doigts — grands virements de comptes et glissements sur l’aile. L’apposition me semble offrir ici l’équivale
643 ns au lieu de celle des sons. Parfois aussi, sens et son se poursuivent, s’attirent, se mêlent en un étrange inceste, en u
644 a, plus tard, les rôles conjugués de l’étymologie et de l’emportement lyrique4. (Ainsi l’Amérique idéale, entre ses « orig
645 (Ainsi l’Amérique idéale, entre ses « origines » et son délire global…) II. Anabase et Vents sont parmi les rares œuvres
646 s « origines » et son délire global…) II. Anabase et Vents sont parmi les rares œuvres toniques de ce siècle : chants de v
647 nes5). Tout y respire à longs traits la maîtrise, et le bonheur de la victoire. Les mots faveur et favorable, éloges, déli
648 se, et le bonheur de la victoire. Les mots faveur et favorable, éloges, délice et délectable, y sont aussi fréquents que c
649 ire. Les mots faveur et favorable, éloges, délice et délectable, y sont aussi fréquents que chez tant d’autres les express
650 le sa tristesse, qu’on le produise dans le jour ! et mon avis est qu’on le tue, sinon, Il y aura une sédition. La révolte
651 e tue, sinon, Il y aura une sédition. La révolte et la nostalgie deviennent ici conquête, pressentiment de l’acte, distra
652 ressentiment de l’acte, distraction vers l’avenir et naissance du chant. Un chant de force pour les hommes… Choses vivante
653 aux crépuscules spirituels ; l’un se veut prince, et l’autre moine-mendiant. Risquons à ce propos une hypothèse critique,
654 es poèmes de Saint-John Perse trouvent leurs lois et leurs cadences : Et c’est par un matin, peut-être, pareil à celui-ci
655 hn Perse trouvent leurs lois et leurs cadences : Et c’est par un matin, peut-être, pareil à celui-ci, Lorsque le ciel en
656 onseil de ces menées nouvelles au lit du vent. Et c’est conseil encore de force et de violence. « Anima » violente et
657 lit du vent. Et c’est conseil encore de force et de violence. « Anima » violente et sauvage comme les vents du Nouvea
658 core de force et de violence. « Anima » violente et sauvage comme les vents du Nouveau Monde, comme un rêve de pionniers
659 gueurs voluptueuses du plus pur langage français, et de cette « rhétorique profonde » dont parlait un jour Baudelaire. III
660 t vision de l’espace. L’Europe fut universaliste, et le redeviendra peut-être, mais l’Amérique est planétaire. Sujets et p
661 peut-être, mais l’Amérique est planétaire. Sujets et procédés, chez Saint-John Perse, ouvrent les voies d’un grand lyrisme
662 Ils sont classiques. Les continents, les peuples et leurs rites, les éléments, la quête et la conquête, les énumérations
663 es peuples et leurs rites, les éléments, la quête et la conquête, les énumérations lyriques, et l’édification sur table ra
664 quête et la conquête, les énumérations lyriques, et l’édification sur table rase des lois d’une cité émergeant de son rêv
665 rces en croissance sur toutes pistes de ce monde, et qui prenaient source plus haute qu’en nos chants, en lieu d’insulte e
666 ce plus haute qu’en nos chants, en lieu d’insulte et de discorde Qui se donnaient licence par le monde — ô monde entier d
667 icence par le monde — ô monde entier des choses — et qui vivaient aux crêtes du futur… Au chant des hautes narrations du l
668 hautes narrations du large… Le pluriel insistant et les catégories, l’adjectif « grandes » et le mot « monde » à chaque p
669 sistant et les catégories, l’adjectif « grandes » et le mot « monde » à chaque page : il ne s’agit plus d’états d’âme, de
670 en de vastes espaces », des hommes de toute race et de toute façon, de « pans de siècles en voyage » et de peuples lus « 
671 de toute façon, de « pans de siècles en voyage » et de peuples lus « par nations » ; d’une âme sans nom — l’inconscient d
672 dont le poète déchiffre les messages. Itinéraires et inventaires, sommation de nos « voies et façons » et « chants d’un pe
673 néraires et inventaires, sommation de nos « voies et façons » et « chants d’un peuple, le plus ivre », — il semblera surpr
674 inventaires, sommation de nos « voies et façons » et « chants d’un peuple, le plus ivre », — il semblera surprenant qu’un
675 inent largué… S’ensuit une description charmante et déchirante d’une France désuète et qui naguère encore périssait « par
676 tion charmante et déchirante d’une France désuète et qui naguère encore périssait « par excès de sagesse », d’une France v
677 omne, avec le souffle du grand vent, sur la route et la terre des hommes, prêts à rendre nos comptes « d’hommes nouveaux,
678 humaine, non dans la précession des équinoxes », et qu’il nous aide ! par le chant d’une Europe future. Car, ainsi que l’
679 5. Où sont les grands poètes capables de bonheur, et de grandir dans le bonheur, — ceux dont les chants heureux sont les p
680 nte, John Donne, parfois Claudel, quelques Arabes et Chinois peut-être… m. Rougemont Denis de, « Saint-John Perse et l’A
681 être… m. Rougemont Denis de, « Saint-John Perse et l’Amérique », Les Cahiers de la Pléiade, Paris, septembre 1950, p. 13