1
Faire la propagande
de
la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)a
2
ui a pu rassembler des hommes aussi divers à tant
d’
égards que ceux que vous voyez sur cette tribune, je répondrai : Nous
3
té indivisibles, qu’elles sont la condition l’une
de
l’autre et pratiquement synonymes. J’espère bien que vous êtes de ceu
4
atiquement synonymes. J’espère bien que vous êtes
de
ceux qui se méfient des grands mots du genre de paix et de liberté et
5
s de ceux qui se méfient des grands mots du genre
de
paix et de liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces
6
ui se méfient des grands mots du genre de paix et
de
liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces syllabes pr
7
J’espère, parce que c’est précisément notre rôle
d’
intellectuels libres que de monter une garde vigilante et continue aut
8
précisément notre rôle d’intellectuels libres que
de
monter une garde vigilante et continue autour du sens humain, concret
9
ilante et continue autour du sens humain, concret
de
ces grands mots et d’entretenir une saine méfiance critique à l’égard
10
our du sens humain, concret de ces grands mots et
d’
entretenir une saine méfiance critique à l’égard de ceux qui en abusen
11
ui en abusent. Tel est peut-être le premier point
de
notre programme et j’y reviendrai. Mais j’entends dire partout avec d
12
se défendre, simplement, et chacun dans sa sphère
d’
action et d’intérêts. Nous, intellectuels, nous sommes prêts à prendre
13
simplement, et chacun dans sa sphère d’action et
d’
intérêts. Nous, intellectuels, nous sommes prêts à prendre notre part,
14
visés en premier lieu par la menace totalitaire,
d’
où qu’elle vienne. Nous savons que la phase actuelle de la lutte contr
15
qu’elle vienne. Nous savons que la phase actuelle
de
la lutte contre la tyrannie et pour la liberté est une phase idéologi
16
et avant nous ont lancé des appels pour la paix,
de
Stockholm, de Prague, de Varsovie tout récemment. C’est justement ce
17
ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm,
de
Prague, de Varsovie tout récemment. C’est justement ce qui nous inqui
18
des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague,
de
Varsovie tout récemment. C’est justement ce qui nous inquiète pour la
19
la souris et nous avons des raisons très précises
de
le penser. Nous publierons à ce sujet bientôt des textes que les gran
20
ntôt des textes que les grands chefs totalitaires
de
divers pays ont pris soin d’écrire eux-mêmes depuis longtemps et d’au
21
s chefs totalitaires de divers pays ont pris soin
d’
écrire eux-mêmes depuis longtemps et d’autres textes plus récents d’où
22
depuis longtemps et d’autres textes plus récents
d’
où il ressort, par exemple, que le but du Kominform, en lançant ses ap
23
en lançant ses appels à la paix n’est pas du tout
de
servir une paix durable, mais de donner un répit à l’armée russe pour
24
’est pas du tout de servir une paix durable, mais
de
donner un répit à l’armée russe pour renforcer ses armements. Vous po
25
on n’aura jamais vu des loups déclarer avec moins
de
pudeur leur amour passionné pour les brebis. La vérité, voyez-vous, c
26
érité, voyez-vous, c’est qu’on nous a volé ce mot
de
paix. On nous l’a kidnappé ; on l’a pris en otage ; on nous le présen
27
nant devant le front des troupes dans l’intention
de
nous désarmer. Si vous n’êtes pas dans le camp politique qui s’est em
28
s êtes, nous dit-on, pour la guerre. Des millions
de
naïfs dans nos pays, 14 millions en Europe, paraît-il, ont succombé à
29
Europe, paraît-il, ont succombé à ce raisonnement
d’
une écrasante simplicité dans le sophisme. Et puis, vous le savez tous
30
ix, c’est un mot. Il est très facile, à mon avis,
de
distinguer entre le mot paix et la réalité vivante qu’il devrait dési
31
n’est donc nullement défendue par les « Partisans
de
la Paix ». À nous donc, à nous tous, de reprendre la tâche, honnêteme
32
Partisans de la Paix ». À nous donc, à nous tous,
de
reprendre la tâche, honnêtement cette fois-ci, cartes sur table. L
33
cette fois-ci, cartes sur table. La propagande
de
la Liberté Quelles sont nos armes ? Je pense que leur nature doit
34
nature doit nous être indiquée par la nature même
de
la lutte en cours qui, pour l’instant, encore, dans nos pays démocrat
35
depuis un an, à ce que l’on a nommé une offensive
de
paix — d’un terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’
36
an, à ce que l’on a nommé une offensive de paix —
d’
un terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’on appelai
37
n terme militaire bien caractéristique. Il s’agit
de
ce qu’on appelait jadis — naguère — une préparation d’artillerie. Que
38
qu’on appelait jadis — naguère — une préparation
d’
artillerie. Quelle peut être notre riposte ? Je n’hésiterai pas à lui
39
i donner ce nom, bien que ce nom soit très mal vu
de
nos élites, peut-être même sans raison : c’est une mission de propaga
40
s, peut-être même sans raison : c’est une mission
de
propagande qui nous incombe au premier chef. Je désire m’expliquer su
41
mployer, les enrôler, pour ainsi dire, au service
de
la santé des hommes. Utilisons de cette manière la propagande pour va
42
ire, au service de la santé des hommes. Utilisons
de
cette manière la propagande pour vacciner contre elle les masses, qu’
43
lument artificiel. Notre but, en effet, n’est pas
d’
endormir ou d’hypnotiser les esprits mais au contraire, de réveiller l
44
iel. Notre but, en effet, n’est pas d’endormir ou
d’
hypnotiser les esprits mais au contraire, de réveiller les consciences
45
ir ou d’hypnotiser les esprits mais au contraire,
de
réveiller les consciences. Il n’est pas de répandre une mystique qui
46
raire, de réveiller les consciences. Il n’est pas
de
répandre une mystique qui promet la lune pour demain, mais de rappele
47
une mystique qui promet la lune pour demain, mais
de
rappeler les hommes aux réalités, à leurs responsabilités. Nous savon
48
ibertés démocratiques occidentales sont très loin
d’
être parfaites, mais si nous les perdons un jour, nous penserons dans
49
rendrons qu’il eût peut-être mieux valu s’occuper
de
ces problèmes pendant qu’on le pouvait, sauver au moins la possibilit
50
qu’on le pouvait, sauver au moins la possibilité
de
les vivre à notre manière. Pour notre part, nous agirons. Nous allons
51
ur nous, la défense de la paix suppose des moyens
de
liberté, elle suppose la libre discussion. Nous voulons des moyens co
52
que la liberté est à nos yeux la condition vitale
de
toute culture, de toute culture digne de ce nom. Pour nous intellectu
53
à nos yeux la condition vitale de toute culture,
de
toute culture digne de ce nom. Pour nous intellectuels, hommes de cul
54
n vitale de toute culture, de toute culture digne
de
ce nom. Pour nous intellectuels, hommes de culture, faire la propagan
55
digne de ce nom. Pour nous intellectuels, hommes
de
culture, faire la propagande de la liberté, c’est, en fin de compte e
56
llectuels, hommes de culture, faire la propagande
de
la liberté, c’est, en fin de compte et du même coup sauver notre cult
57
consacrer à d’autres activités dites distinguées
de
ce genre, je voudrais poser une simple question très précise et concr
58
ser une simple question très précise et concrète.
D’
où vient que l’Europe ait régné sur le monde, incontestablement depuis
59
cinq siècles ? Quelles ont été les sources vives
de
cette puissance paradoxale ? La péninsule Europe ne représente, en ef
60
des terres du globe. Ni son étendue, ni le nombre
de
ses habitants, ni ses richesses naturelles ne la destinaient fataleme
61
intervenus. En fait le rayonnement, la puissance
de
l’Europe ont résulté tout à la fois de ses conceptions religieuses et
62
puissance de l’Europe ont résulté tout à la fois
de
ses conceptions religieuses et morales, d’un pouvoir d’invention sans
63
a fois de ses conceptions religieuses et morales,
d’
un pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois garantissant
64
conceptions religieuses et morales, d’un pouvoir
d’
invention sans égal et d’un système de lois garantissant de mieux en m
65
et morales, d’un pouvoir d’invention sans égal et
d’
un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la p
66
’un pouvoir d’invention sans égal et d’un système
de
lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la personne. C’es
67
on sans égal et d’un système de lois garantissant
de
mieux en mieux les libertés de la personne. C’est là qu’il faut cherc
68
lois garantissant de mieux en mieux les libertés
de
la personne. C’est là qu’il faut chercher les vrais secrets de notre
69
e. C’est là qu’il faut chercher les vrais secrets
de
notre puissance, même matérielle, dans le passé, et aujourd’hui les v
70
, dans le passé, et aujourd’hui les vrais secrets
de
notre survivance indépendante, donc de nos libertés les plus concrète
71
is secrets de notre survivance indépendante, donc
de
nos libertés les plus concrètes. Il s’en faut cependant, hélas ! de b
72
s plus concrètes. Il s’en faut cependant, hélas !
de
beaucoup, que la plupart de nos contemporains, même en Europe, prenne
73
ope, prennent au sérieux, pratiquement, ce secret
de
leur force. Ce qui est sérieux, croient-ils, ce sont les armements ou
74
e, que l’Assemblée européenne fût privée du droit
de
s’occuper des choses militaires et des choses économiques, s’écriait
75
des choses économiques, s’écriait avec une sorte
de
désespoir ironique, et très sûr de son effet : « Notre Assemblée, Mes
76
avec une sorte de désespoir ironique, et très sûr
de
son effet : « Notre Assemblée, Messieurs, se voit réduite à parler de
77
re Assemblée, Messieurs, se voit réduite à parler
de
questions culturelles. Cela me fait penser à de vieilles dames qui fo
78
r de questions culturelles. Cela me fait penser à
de
vieilles dames qui font du crochet pendant que les armées ennemies se
79
uve que notre culture n’est pas menacée seulement
de
l’extérieur. En effet, comparer la culture à de la broderie, accepter
80
t de l’extérieur. En effet, comparer la culture à
de
la broderie, accepter qu’il en soit ainsi, le laisser croire, c’est r
81
en soit ainsi, le laisser croire, c’est renoncer
d’
avance à nos meilleurs atouts dans la lutte historique où nous sommes
82
storique où nous sommes engagés qui est une lutte
d’
idées, de croyances, de conceptions du monde. Les totalitaires, eux, l
83
où nous sommes engagés qui est une lutte d’idées,
de
croyances, de conceptions du monde. Les totalitaires, eux, le savent
84
engagés qui est une lutte d’idées, de croyances,
de
conceptions du monde. Les totalitaires, eux, le savent très bien.
85
Staline rédige lui-même un long article en forme
d’
encyclique sur la science linguistique dans son empire ou lorsqu’il la
86
purement scientifique, déclare-t-il — avec l’aide
de
500 000 propagandistes entraînés, munis de films, d’expositions itiné
87
l’aide de 500 000 propagandistes entraînés, munis
de
films, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le t
88
500 000 propagandistes entraînés, munis de films,
d’
expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largem
89
nés, munis de films, d’expositions itinérantes et
de
20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds du
90
ilms, d’expositions itinérantes et de 20 millions
de
brochures, le tout largement financé par les fonds du parti, c’est-à-
91
ment financé par les fonds du parti, c’est-à-dire
de
l’État, lorsque Staline déclenche ses campagnes culturelles, soyez bi
92
ne joue pas aux vieilles dames, qu’il ne fait pas
de
la broderie, et que les armées qu’il met en marche sont plus redoutab
93
ins, elles veulent occuper le cœur et les esprits
de
ceux-là mêmes qui pourraient être appelés un jour à défendre l’Europe
94
Europe et qui ne le feront pas si le point de vue
de
l’adversaire les a, par avance, « occupés ». Ainsi donc, pratiquement
95
t — j’insiste sur le mot « pratiquement » — point
d’
Europe sans culture, point de culture sans libre discussion, point de
96
atiquement » — point d’Europe sans culture, point
de
culture sans libre discussion, point de liberté de critique et de rec
97
re, point de culture sans libre discussion, point
de
liberté de critique et de recherche sans droits civiques et politique
98
e culture sans libre discussion, point de liberté
de
critique et de recherche sans droits civiques et politiques et point
99
libre discussion, point de liberté de critique et
de
recherche sans droits civiques et politiques et point de paix digne d
100
erche sans droits civiques et politiques et point
de
paix digne de ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de libe
101
its civiques et politiques et point de paix digne
de
ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de liberté vigilant e
102
e ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit
de
liberté vigilant et militant… La tâche est très vaste, c’est l’éviden
103
ceux qui se taisent et qui se découragent. À vous
de
les rejoindre. J’ajoute que, pour nous, intellectuels, le fait d’assu
104
. J’ajoute que, pour nous, intellectuels, le fait
d’
assumer publiquement notre part bien définie dans cette bataille commu
105
n définie dans cette bataille commune est un acte
de
propreté, un acte vital aussi pour notre pensée même ; car si nous re
106
ensée même ; car si nous reculions devant ce défi
de
l’histoire, que pourrions-nous encore penser écrire ou dire sans une
107
ire ou dire sans une honte intime, sans une sorte
de
mépris pour nous-mêmes ? 1. Ce texte est extrait du discours pron
108
e comité international du Congrès pour la Liberté
de
la culture, par Denis de Rougemont, directeur du secrétariat internat
109
at international du Congrès. a. Rougemont Denis
de
, « Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture », L
110
s. a. Rougemont Denis de, « Faire la propagande
de
la liberté, c’est sauver notre culture », Les Amis de la liberté, Par
111
a liberté, c’est sauver notre culture », Les Amis
de
la liberté, Paris, décembre 1950–janvier 1951, p. 1-3.
112
C’est absolument impossible. Et je vais essayer
de
dire pourquoi. On peut tout fabriquer, ou presque, paraît-il. L’homme
113
, — n’y touchons plus. Mais prenez deux Européens
de
nations différentes, si possible. Mariez leur fils avec la fille de d
114
ntes, si possible. Mariez leur fils avec la fille
de
deux autres Européens. Attendez une génération. Répétez le processus
115
cessus quatre ou cinq fois. Lorsque Schmidt, fils
de
Schmidt, sera baptisé Smith, changez son arbre généalogique. Déclarez
116
qu’il descend en droite ligne des émigrants venus
d’
Angleterre sur le fameux bateau nommé le Mayflower. Il semble bien que
117
ette caravelle ait transporté plusieurs centaines
de
milliers d’émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. Appren
118
le ait transporté plusieurs centaines de milliers
d’
émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. Apprenez maintenan
119
renez maintenant au jeune homme la phrase célèbre
de
Lincoln sur le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple
120
z sur un rythme nègre, emballez (moralement) dans
de
la cellophane, et servez frais. Pour fabriquer un Soviétique, c’est p
121
rapide. Prenez un Russe, passez-le au MVD — sorte
de
DDT moral nettoyant les idées subversives, et tirez le rideau. Mais p
122
des Américains manqués. Les mélanges arbitraires
de
couleurs donnent du brun sale. Vous pouvez alors essayer des combinai
123
ois par trois. Vous pouvez mélanger, par exemple,
de
la culture germanique et des Espagnols, du socialisme plus ou moins m
124
up de combinaisons resteront stériles. Un mélange
de
catholiques et de juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’
125
resteront stériles. Un mélange de catholiques et
de
juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx
126
nera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange
de
Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Fran
127
s protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx et
de
Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’A
128
aurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange
de
Français et d’Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’o
129
ra des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et
d’
Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par de t
130
lemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir
d’
obtenir par de tels procédés l’Européen synthétique ou moyen : nos ver
131
uisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par
de
tels procédés l’Européen synthétique ou moyen : nos vertus, nos croya
132
e moyenne, si le sujet des Soviets est le produit
d’
un plan, l’Européen est par essence un être qui diffère et tient à dif
133
r essence un être qui diffère et tient à différer
de
son voisin et des modèles fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut e
134
fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut exister
d’
Européen moyen, résumant les vertus et les défauts contradictoires du
135
onégasques insouciants et des partisans motorisés
de
la paix concentrée. Il n’y a que des hommes habitués à différer les u
136
’est pourquoi faire un Européen, ce serait tenter
de
faire quelque chose qui ne ressemblerait plus à rien d’européen. Aprè
137
re quelque chose qui ne ressemblerait plus à rien
d’
européen. Après tout, pourquoi voudrait-on « fabriquer » des Européens
138
nt. Mais nous venons de montrer qu’il serait vain
de
rêver cette union sous forme de mélange. Il nous faut faire l’Europe,
139
ire, il nous faut partir des quelque 300 millions
d’
hommes réels qui peuplent la partie libre du continent. Il faut les pr
140
les coutumes, toutes supérieures à celles du pays
d’
à côté. Et puisqu’il faut baser l’union sur quelque chose qui soit com
141
evient donc à faire comprendre à ces 300 millions
d’
hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volo
142
à faire comprendre à ces 300 millions d’hommes et
de
femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de reste
143
ils ont tous en commun, précisément, leur volonté
de
rester chacun soi-même à sa façon. Voilà ce qui les distingue en bloc
144
es et des Américains, voilà le principe paradoxal
de
leur communauté profonde. Ce qu’il y a de plus humain chez tout homme
145
angoissante pour l’adolescent — qu’il est le seul
de
son espèce, qu’il est un cas absolument unique. Ce qu’il y a de plus
146
Ce qu’il y a de plus européen chez les habitants
de
notre cap, c’est l’idée qu’ils ont tous d’appartenir d’abord à une fa
147
itants de notre cap, c’est l’idée qu’ils ont tous
d’
appartenir d’abord à une famille, à une région, à une patrie, à une co
148
ils perdraient leurs libertés si on les empêchait
de
vivre à leur manière, qui n’est pas celle de leurs voisins. J’en vois
149
hait de vivre à leur manière, qui n’est pas celle
de
leurs voisins. J’en vois la preuve par neuf dans le reproche si coura
150
ous d’autres régimes, où ce n’est pas la pression
de
la mode, mais celle de la police qui ramène « dans la ligne » !) Cert
151
ù ce n’est pas la pression de la mode, mais celle
de
la police qui ramène « dans la ligne » !) Certes, il y a d’autres lie
152
!) Certes, il y a d’autres liens entre les hommes
d’
Europe. Il y a leur héritage commun de civilisation, de valeurs spirit
153
les hommes d’Europe. Il y a leur héritage commun
de
civilisation, de valeurs spirituelles, de formes politiques, et même
154
ope. Il y a leur héritage commun de civilisation,
de
valeurs spirituelles, de formes politiques, et même de mœurs. Les con
155
commun de civilisation, de valeurs spirituelles,
de
formes politiques, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de l
156
leurs spirituelles, de formes politiques, et même
de
mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libertés pub
157
mes politiques, et même de mœurs. Les conceptions
de
l’amour, de la révolution, des libertés publiques ou morales, pour ne
158
es, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour,
de
la révolution, des libertés publiques ou morales, pour ne citer que c
159
n de plus fort, pour nous unir, que cette passion
de
rester différents, indissolublement liée pour nous à la pratique des
160
dre : il nous faut combiner nos ressources. Faute
de
former à temps cette libre union, nous serons unifiés par la force, m
161
européenne consistera donc non point à fabriquer
de
l’Européen moyen, mais bien à réveiller en chacun de nous, tels que n
162
l’Européen moyen, mais bien à réveiller en chacun
de
nous, tels que nous sommes, la conscience de nos libertés ; puis à vo
163
acun de nous, tels que nous sommes, la conscience
de
nos libertés ; puis à vouloir le moyen de les sauver. L’éducation eur
164
science de nos libertés ; puis à vouloir le moyen
de
les sauver. L’éducation européenne devra montrer que nos libertés dép
165
devra montrer que nos libertés dépendent en fait
de
notre droit de différer, sans lequel il n’est point de dialogue créat
166
que nos libertés dépendent en fait de notre droit
de
différer, sans lequel il n’est point de dialogue créateur. Et que c’e
167
tre droit de différer, sans lequel il n’est point
de
dialogue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe.
168
ue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur
de
l’Europe. Et que c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’il n’es
169
a précisément qui est menacé. Et qu’il n’est plus
d’
espoir que dans l’union, — celle qui veut surmonter nos divisions pour
170
pour sauver nos diversités. b. Rougemont Denis
de
, « Comment fabriquer un Européen ? », Notre Europe, Strasbourg, mars
171
Défense
de
nos libertés (octobre 1951)c d Si l’on passe en revue tous les arg
172
ce milieu du xxe siècle, c’est moins le problème
de
la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dé
173
me de la liberté qui nous importe, que son drame.
De
l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hu
174
berté qui nous importe, que son drame. De l’issue
de
ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’an
175
s. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’angoisse
d’
une nouvelle guerre mondiale, c’est parce que le monde est divisé en d
176
inissent clairement que par rapport à la liberté.
D’
un côté, les peuples qui se disent libres et entendent le rester ; de
177
les qui se disent libres et entendent le rester ;
de
l’autre, ceux qui vivent en régime totalitaire, et qui n’ont pas nos
178
qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres motifs
de
conflit que l’on pourrait énumérer sont discutables et peu clairs. Le
179
t réparties entre les deux camps. Les conceptions
de
la justice sociale elle-même ne suffisent pas pour distinguer netteme
180
er nettement les adversaires : il serait possible
de
discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a l
181
serait possible de discuter longtemps pour savoir
de
quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théoriq
182
uter longtemps pour savoir de quel côté du rideau
de
fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise
183
voir de quel côté du rideau de fer il y a le plus
de
justice sociale, théorique ou pratique, promise ou réalisée. Par cont
184
ou réalisée. Par contre, ce qu’il est impossible
de
discuter, ce qui est évident aux yeux de tous, des deux côtés, c’est
185
concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner
d’
avance — avant une guerre, qui serait perdue par tous — cette lutte où
186
tte où nous sommes engagés, la première condition
de
succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos liber
187
s engagés, la première condition de succès, c’est
de
savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos libertés ? Sont-elles
188
s questions. C’est là que gît la force principale
de
l’autre camp. Quand on nous dit : « Qu’avez-vous à opposer à l’idéolo
189
désespérément une réplique, ou que nous essayons
d’
improviser quelque « mystique » nouvelle, nous sommes déjà battus. Pou
190
alors à coup sûr, il faut que nous soyons en état
de
répondre instantanément, avec une conviction totale. Il faut que nous
191
dions ceci : « Nous n’avons pas besoin comme vous
d’
une mystique qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’une idéol
192
que qui masque les faits, nous n’avons pas besoin
d’
une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est pas notre pass
193
u’il a conquises, et qui sont la réalité présente
de
nos vies, bien plus : qui sont le gage d’un avenir meilleur ! » Ce la
194
résente de nos vies, bien plus : qui sont le gage
d’
un avenir meilleur ! » Ce langage seul peut nous sauver. Encore faut-i
195
sauver. Encore faut-il que nous soyons en mesure
de
le tenir sans équivoque, et en pleine connaissance de cause. Le temps
196
absence par des slogans. Nous n’avons nul besoin
d’
une mystique « aussi puissante » ou « plus puissante » que les leurs.
197
avons plus que nous méritons. Je crois à la vertu
de
la prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, qu
198
a prise de conscience : c’est d’une part le début
de
la guérison, quand le mal est d’ordre psychique ; c’est d’autre part
199
ne part le début de la guérison, quand le mal est
d’
ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, q
200
d’ordre psychique ; c’est d’autre part une source
de
confiance en soi, quand les faits objectifs sont meilleurs que notre
201
pensait. Rendus conscients des forces véritables
de
l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renver
202
s conscients des forces véritables de l’Europe et
de
l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde s
203
t de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt,
de
renverser l’absurde situation volontairement créée par les mystiques
204
irement créée par les mystiques adverses. Au défi
de
la propagande, répondons tranquillement par les faits. Nous pouvons p
205
bertés. Nous pouvons aussi les sauver en décidant
de
les répandre. Si nous voyons les faits, et savons les faire voir, nou
206
s l’initiative. C’est l’autre camp qui sera forcé
de
se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies liber
207
se mettre sur la défensive, contre le rayonnement
de
nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’es
208
ment de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen
de
les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à cel
209
Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est
de
les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de n
210
est de les faire passer du plan des faits à celui
de
nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos force
211
r du plan des faits à celui de nos consciences et
de
nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer
212
lui de nos consciences et de nos volontés ; c’est
d’
appeler toutes nos forces éparses à se fédérer solidement, non point à
213
es sont nos chances ? Je dirai qu’elles dépendent
de
chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque pe
214
s chances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun
de
nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque personne fai
215
dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que
d’
un général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité. Lév
216
ittons la lutte. Léviathan, c’est la somme exacte
de
nos petites démissions personnelles. Et c’est pourquoi je conclurai,
217
ne sera jamais totalitaire. c. Rougemont Denis
de
, « Défense de nos libertés », Contacts littéraires et sociaux, Paris,
218
totalitaire. c. Rougemont Denis de, « Défense
de
nos libertés », Contacts littéraires et sociaux, Paris, octobre 1951,
219
te : « Nous remercions le Congrès pour la liberté
de
la culture d’avoir bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait
220
mercions le Congrès pour la liberté de la culture
d’
avoir bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait de la brochure
221
bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait
de
la brochure de Denis de Rougemont, Les Libertés que nous pouvons per
222
autoriser à reproduire un extrait de la brochure
de
Denis de Rougemont, Les Libertés que nous pouvons perdre , dont nous
223
Robert de Traz, l’Européen (1952)e Peu
d’
hommes ont vu plus juste, entre-deux-guerres. Peu d’écrivains ont si b
224
hommes ont vu plus juste, entre-deux-guerres. Peu
d’
écrivains ont si bien voyagé, et mieux dit ce qu’ils avaient vu. La pl
225
de leurs découvertes ; ils rapportaient des états
d’
âme ; mais lui, de ses Dépaysements f, nous rapportait l’Europe vivant
226
es ; ils rapportaient des états d’âme ; mais lui,
de
ses Dépaysements f, nous rapportait l’Europe vivante, interrogée sur
227
raliste : il la définissait comme « une puissance
d’
adhésion, qui tantôt s’identifie à son objet, et tantôt, rétablissant
228
variétés mêmes, qu’on nomme Europe. « Si le désir
de
comprendre ce qui se passe vous possède, comment n’irait-on pas, en é
229
les abstractions, questionner sur place l’Europe
d’
aujourd’hui, cette Europe révolutionnaire et nationaliste, violente, i
230
aliste, violente, ignorante, à moitié démolie, et
d’
où montent, comme les fumées d’un sol volcanique, la haine, la douleur
231
moitié démolie, et d’où montent, comme les fumées
d’
un sol volcanique, la haine, la douleur et l’espérance. Europe, vaste
232
ont l’essentiel est dans les âmes. » Ses tableaux
de
l’Allemagne, dès 1923, dessinent en creux ce qui sera le lit de l’hit
233
, dès 1923, dessinent en creux ce qui sera le lit
de
l’hitlérisme, un peu plus tard : il a senti l’appel aux passions coll
234
’appel aux passions collectives, aux philosophies
de
combat, et qu’il ne fallait pas laisser ce peuple « dans les ténèbres
235
péenne ». Il a, l’un des premiers, ravivé l’idéal
de
cette communauté indispensable au monde, souligné sa nécessité, défin
236
ggéré sa structure fédérale. Dans tous ses livres
de
voyages, d’analyse morale ou d’histoire — mais nulle part mieux que d
237
ucture fédérale. Dans tous ses livres de voyages,
d’
analyse morale ou d’histoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit
238
s tous ses livres de voyages, d’analyse morale ou
d’
histoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit de Genève. Je viens
239
istoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit
de
Genève. Je viens de relire cet ouvrage, paru en 1929 : c’est un class
240
décrivent (et critiquent d’ailleurs) les méthodes
de
la SDN, peuvent nous paraître hors de saison, s’il est vrai que le sp
241
unies réduit à peu, sinon à rien, les espoirs que
de
Traz se faisait une vertu et même une raison d’entretenir, malgré tou
242
e de Traz se faisait une vertu et même une raison
d’
entretenir, malgré toutes ses méfiances et toute la précision d’un reg
243
malgré toutes ses méfiances et toute la précision
d’
un regard souvent railleur ou amusé. Mais l’ouverture et la longue con
244
plus justes, et peu de plus actuels dans la durée
de
nos problèmes fondamentaux. On y reviendra, comme on est revenu à L’E
245
x. On y reviendra, comme on est revenu à L’Esprit
de
conquête de Benjamin Constant, malgré le style parfois pompeux et app
246
endra, comme on est revenu à L’Esprit de conquête
de
Benjamin Constant, malgré le style parfois pompeux et apprêté de cet
247
stant, malgré le style parfois pompeux et apprêté
de
cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel et concis. C’est dans
248
parfois pompeux et apprêté de cet opuscule, quand
de
Traz reste vif, naturel et concis. C’est dans le fédéralisme qu’il vo
249
s. C’est dans le fédéralisme qu’il voit « la base
de
l’internationale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’une m
250
it « la base de l’internationale moderne ». C’est
de
la nécessité, plutôt que d’une mystique, qu’il attend « la refonte de
251
nale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que
d’
une mystique, qu’il attend « la refonte de l’Europe ». C’est par la ci
252
tôt que d’une mystique, qu’il attend « la refonte
de
l’Europe ». C’est par la civilisation « grecque et chrétienne — et Ro
253
rmes essentiels » que l’Europe est devenue patrie
de
la personne. Et c’est enfin en s’opposant non seulement « aux États-U
254
s’opposant non seulement « aux États-Unis, tentés
de
la soumettre » et à la Russie « dont le système politique comporte un
255
dans cet essai final, animé par un long mouvement
d’
éloquence lucide et sereine, qui ne porte encore mieux sur notre temps
256
porte encore mieux sur notre temps que sur celui
de
sa naissance — 1929, je le répète. « Petite Europe, toute seule dans
257
lités intérieures sont archaïques » et qu’au-delà
de
ses frontières resserrées, des civilisations rajeunies vont se dresse
258
le pas nous mettre debout ? Avons-nous donc cessé
d’
être des mâles, qui formulent et dirigent, et, dans notre détresse com
259
me nègre n’ont-ils pas assez duré, avec leur goût
de
veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur
260
ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie et
de
reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus en
261
veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre
de
Traz ajouter sur un ton plus encore convaincu qu’indigné : « Tout de
262
Héritiers magnifiquement privilégiés, les hommes
d’
Occident n’ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ils se ra
263
vilégiés, les hommes d’Occident n’ont aucun motif
de
déserter leur propre cause. Qu’ils se rapprochent donc pour mieux en
264
er. Qu’ils fassent, avec sang-froid, l’inventaire
de
leur patrimoine commun. La civilisation européenne est le produit d’u
265
commun. La civilisation européenne est le produit
d’
une collaboration séculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d
266
éculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport
d’
aucun peuple sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie d’invent
267
sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie
d’
invention est intact. Nos méthodes critiques doivent à leurs principes
268
éthodes critiques doivent à leurs principes mêmes
de
pouvoir toujours s’adapter aux circonstances imprévues. Une égale pas
269
er aux circonstances imprévues. Une égale passion
de
l’effort nous anime encore, de l’effort qui conquiert, qui utilise, e
270
Une égale passion de l’effort nous anime encore,
de
l’effort qui conquiert, qui utilise, et surtout qui transfigure. Car
271
possibilité réside peut-être dans notre capacité
de
renouvellement. Je dirai mieux : notre capacité de résurrection. À fo
272
e renouvellement. Je dirai mieux : notre capacité
de
résurrection. À force d’imagination et de courage, nos rêves ne se pe
273
i mieux : notre capacité de résurrection. À force
d’
imagination et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase
274
apacité de résurrection. À force d’imagination et
de
courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase somnolente : ils
275
du libéralisme viril : « Est-ce rêver encore que
de
conseiller à l’Europe, pour se redresser, pour imposer silence à ses
276
edresser, pour imposer silence à ses détracteurs,
de
se reconnaître une mission nouvelle ? En affirmant son unité conquise
277
es dangers du dedans, elle aurait conclu un pacte
d’
alliance entre ses fils : ce pacte, elle le proposerait ensuite à l’un
278
tur, elle les désarmerait en harmonisant non plus
de
petits États que divisent quelques collines, mais des continents que
279
ne pas le dire ici ? Cette relecture avive en moi
d’
amers regrets. Je voudrais écrire à de Traz sur toutes ces choses, ce
280
vive en moi d’amers regrets. Je voudrais écrire à
de
Traz sur toutes ces choses, ce soir : il est trop tard. Il m’était en
281
dès mon adolescence, n’a pu me le faire concevoir
de
son vivant. Dans le recueil récemment publié de ses chroniques2, j’e
282
de son vivant. Dans le recueil récemment publié
de
ses chroniques2, j’en trouve quelques-unes sur l’Europe : sur nos con
283
ouve quelques-unes sur l’Europe : sur nos congrès
de
La Haye et de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le
284
unes sur l’Europe : sur nos congrès de La Haye et
de
Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le Mouvement euro
285
os congrès de La Haye et de Bruxelles, sur l’idée
de
culture en Europe. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur, d’un
286
culture en Europe. Il suit le Mouvement européen
de
l’extérieur, d’un œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’a-
287
pe. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur,
d’
un œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’a-t-il pas joint l
288
la lucidité. « Est-ce rêver, se demandait-il, que
de
conseiller à l’Europe… de se reconnaître une mission ? » Non, ce n’ét
289
r, se demandait-il, que de conseiller à l’Europe…
de
se reconnaître une mission ? » Non, ce n’était pas rêver, il le savai
290
pas rêver, il le savait, mais ce n’est plus assez
de
conseiller. Ce convaincu n’était pas de l’espèce des militants d’une
291
lus assez de conseiller. Ce convaincu n’était pas
de
l’espèce des militants d’une politique. Ce moraliste voulait d’abord
292
e convaincu n’était pas de l’espèce des militants
d’
une politique. Ce moraliste voulait d’abord comprendre : pudeur ou foi
293
: pudeur ou foi dans la seule force du bon droit,
de
la clairvoyance alertée ? Sa vocation était tout attentive ; sa curio
294
s lentement dépasser les baladins et les bruyants
de
son époque, et son beau profil prend sa place parmi les effigies d’un
295
son beau profil prend sa place parmi les effigies
d’
une Europe renaissante. 2. Témoin, p. 119-129. e. Rougemont Denis
296
e. 2. Témoin, p. 119-129. e. Rougemont Denis
de
, « Robert de Traz, l’Européen », Revue de Suisse, Genève, 1952, p. 3-
297
t Denis de, « Robert de Traz, l’Européen », Revue
de
Suisse, Genève, 1952, p. 3-5. f. Allusion au Dépaysement oriental de
298
952, p. 3-5. f. Allusion au Dépaysement oriental
de
Robert de Traz, paru en 1926, et dont Rougemont a rendu compte dans l
299
et dont Rougemont a rendu compte dans le Journal
de
Genève .
300
Prototype T.E.L. (janvier 1952)g Entouré
de
soins extravagants, soumis à des épreuves exceptionnelles, étudié dan
301
es exceptionnelles, étudié dans le moindre détail
de
son comportement souvent imprévisible, le prototype peut se révéler i
302
ototype peut se révéler impropre à la fabrication
de
série : son intérêt n’en est pas amoindri. Car il fournit une connais
303
moindri. Car il fournit une connaissance nouvelle
de
certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que s
304
it une connaissance nouvelle de certaines limites
de
vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on
305
issance nouvelle de certaines limites de vitesse,
de
résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on les atteint
306
e certaines limites de vitesse, de résistance, ou
de
maniabilité. Que se passe-t-il quand on les atteint ? Jusqu’où peut-o
307
x construire des appareils utiles. Je me proposer
d’
envisager Lawrence comme prototype d’une race d’écrivains dont le sièc
308
me proposer d’envisager Lawrence comme prototype
d’
une race d’écrivains dont le siècle déjà nous donne plusieurs exemples
309
r d’envisager Lawrence comme prototype d’une race
d’
écrivains dont le siècle déjà nous donne plusieurs exemples, souvent m
310
re, et nous donne seul la possibilité et le désir
de
parler de lui. Bien d’autres ont vécu des aventures semblables, mais
311
s donne seul la possibilité et le désir de parler
de
lui. Bien d’autres ont vécu des aventures semblables, mais lui « sava
312
ain de faire, tandis que les autres travaillaient
d’
instinct3 ». Les Sept Piliers de la Sagesse, et toutes ses lettres, té
313
res travaillaient d’instinct3 ». Les Sept Piliers
de
la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent d’une volonté de consci
314
de la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent
d’
une volonté de conscience et d’expression qui justifie le point de dép
315
, et toutes ses lettres, témoignent d’une volonté
de
conscience et d’expression qui justifie le point de départ de cet ess
316
ettres, témoignent d’une volonté de conscience et
d’
expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros-éc
317
conscience et d’expression qui justifie le point
de
départ de cet essai. Le héros-écrivain du xxe siècle Pour disti
318
e et d’expression qui justifie le point de départ
de
cet essai. Le héros-écrivain du xxe siècle Pour distinguer la s
319
Pour distinguer la singularité exemplaire du cas
de
Lawrence, ce n’est pas à la seule analyse de l’œuvre en soi qu’il fau
320
cas de Lawrence, ce n’est pas à la seule analyse
de
l’œuvre en soi qu’il faut recourir, mais d’abord il convient de cherc
321
soi qu’il faut recourir, mais d’abord il convient
de
chercher le rôle qu’a joué cette œuvre dans le conflit entre l’auteur
322
le nous paraît intégré naturellement à la société
de
son temps. L’écrivain du xviiie siècle ne l’est guère moins, bien qu
323
mette en question, ou raille agressivement, mais
de
l’intérieur où il est installé, les principes de l’ordre existant (Ro
324
de l’intérieur où il est installé, les principes
de
l’ordre existant (Rousseau, à peu près seul, s’en désolidarise). Aprè
325
zsche en sont les types — exilés dans la négation
d’
un ordre qui les cerne sans les incorporer, exilés dans le nihilisme,
326
isme, exilés dans la transcendance. Il n’y a plus
de
commune mesure entre celui qui pense et ceux qui agissent ; il n’y a
327
i pense et ceux qui agissent ; il n’y a donc plus
de
communauté réelle. Et c’est pourquoi le xxe siècle verra tant de nom
328
pourquoi le xxe siècle verra tant de nomades et
de
vrais émigrés. Les uns voyagent vers des climats et des coutumes où l
329
nté, soit du moins compensé par quelque sentiment
de
participation choisie (Rilke à travers l’Europe ; Gide en Afrique ; D
330
ns américains). D’autres s’exilent dans un métier
d’
errants (Joseph Conrad, Claudel et Saint-John Perse). Et beaucoup se s
331
lés par le parti qui avait confisqué leur patrie (
de
Silone à Koestler, en passant par les Allemands, les Espagnols, les R
332
les Allemands, les Espagnols, les Russes et ceux
de
l’Est européen). Certains, enfin, parlent en quête d’une communauté à
333
’Est européen). Certains, enfin, parlent en quête
d’
une communauté à rejoindre où à recréer dans l’action, et là seulement
334
dans l’action à se réaliser, à mesurer le pouvoir
d’
un homme contre le monde et sur soi-même. Est-ce encore une compensati
335
ividualisme exaspéré, ou au contraire la décision
de
servir sans beaucoup d’illusions une cause dont la valeur importe moi
336
au contraire la décision de servir sans beaucoup
d’
illusions une cause dont la valeur importe moins que les épreuves qu’e
337
’elle impose. Nous voici tout près de Lawrence et
d’
une classe d’écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre
338
Nous voici tout près de Lawrence et d’une classe
d’
écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre siècle. Ils
339
’écrivains qui restera sans doute la plus typique
de
notre siècle. Ils sont héros par autre chose que par leur œuvre : pa
340
re son efficacité particulière. Car l’action sert
de
gage aux mots, et dans ce sens technique ces hommes sont engagés : il
341
technique ces hommes sont engagés : ils ont payé
de
leur personne le prix d’une signification. Que ces héros soient les n
342
t engagés : ils ont payé de leur personne le prix
d’
une signification. Que ces héros soient les nomades, on vient d’en voi
343
ation. Que ces héros soient les nomades, on vient
d’
en voir la raison générale. La plupart courent leur aventure hors de c
344
hors de chez eux, sourdement irrités qu’ils sont
de
se sentir étrangers dans leur peuple. S’expatrier devient une mise au
345
ent entre leurs exigences intimes et l’insipidité
de
la vie défaite de leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée, e
346
igences intimes et l’insipidité de la vie défaite
de
leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée, et surtout, dans l’
347
ns l’armée, et surtout, dans l’aviation, le moyen
de
s’expatrier sans passer les frontières de leur pays. L’aviateur est t
348
e moyen de s’expatrier sans passer les frontières
de
leur pays. L’aviateur est toujours en instance de départ, et par là,
349
de leur pays. L’aviateur est toujours en instance
de
départ, et par là, séparé de l’existence quotidienne : « Premier poin
350
toujours en instance de départ, et par là, séparé
de
l’existence quotidienne : « Premier point : nous ne sommes pas liés a
351
alistes en Angleterre. À vrai dire, c’est un goût
de
la lutte contre la vie, avec des camarades donnés par le hasard, qui
352
ui les jette dans des entreprises où la technique
de
la conquête (même pacifique) se confond avec celle du complot. On les
353
onfond avec celle du complot. On les voit engagés
de
préférence dans des conquêtes hasardeuses, que les gouvernements sout
354
ais des coups de feu, et qui demandent bien moins
de
conviction politique que d’audace ou de discipline, de goût du sacrif
355
demandent bien moins de conviction politique que
d’
audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissan
356
ien moins de conviction politique que d’audace ou
de
discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exem
357
nviction politique que d’audace ou de discipline,
de
goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exemples précis de
358
’audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou
de
volonté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de K
359
de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté
de
puissance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de
360
e ou de volonté de puissance. Les exemples précis
de
Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première pério
361
onté de puissance. Les exemples précis de Jünger,
d’
Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première période ; mieux
362
sance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid,
de
Koestler, de Malraux, dans leur première période ; mieux encore, de T
363
emples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler,
de
Malraux, dans leur première période ; mieux encore, de T. E. Lawrence
364
lraux, dans leur première période ; mieux encore,
de
T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et
365
emière période ; mieux encore, de T. E. Lawrence,
de
Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent
366
ieux encore, de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry,
de
Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces
367
Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même
de
Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces remarques générales e
368
leur morale ou littéraire, par l’importance aussi
de
leur rôle historique et la sincérité de leurs convictions, tous ces h
369
nce aussi de leur rôle historique et la sincérité
de
leurs convictions, tous ces hommes sont, ou furent, des individualist
370
nt, ou furent, des individualistes à la recherche
d’
une action commune, action conduite à l’étranger, et dont les fins der
371
ins que l’expérience elle-même, moins que le fait
de
servir en soi, ou d’éprouver les limites de l’homme. Ces anarchistes
372
elle-même, moins que le fait de servir en soi, ou
d’
éprouver les limites de l’homme. Ces anarchistes engagés se reconnaiss
373
fait de servir en soi, ou d’éprouver les limites
de
l’homme. Ces anarchistes engagés se reconnaissent à un signe certain
374
souvent à grand péril, il y a toujours une marge
de
conscience. Et dans cette marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’hom
375
tte marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’homme
d’
un seul livre, sous des titres divers, peu d’entre eux sont des écriva
376
entre eux sont des écrivains nés, au sens courant
de
l’expression, qui suppose non seulement le don mais une certaine faci
377
, où l’exactitude est vitale, soit qu’il s’agisse
d’
un ordre à rédiger ou d’une opération technique. Ces scrupules à plier
378
tale, soit qu’il s’agisse d’un ordre à rédiger ou
d’
une opération technique. Ces scrupules à plier le sens précis au rythm
379
hme ou au jeu des syllabes peuvent gâter l’allure
d’
un texte, ils n’en ont cure. Les meilleurs se rattrapent sur un plan p
380
meilleurs se rattrapent sur un plan plus profond
d’
efficacité du langage : certaines recettes pour manier les esprits, et
381
es esprits, et surtout pour leur imposer un angle
de
vision déterminé — c’est tout le secret du commandement — leur sont c
382
nctives. Ce n’est pas seulement à leur réputation
d’
aventuriers, de révolutionnaires ou d’aviateur qu’est dû le prestige p
383
st pas seulement à leur réputation d’aventuriers,
de
révolutionnaires ou d’aviateur qu’est dû le prestige particulier de l
384
réputation d’aventuriers, de révolutionnaires ou
d’
aviateur qu’est dû le prestige particulier de leurs écrits, mais tout
385
s ou d’aviateur qu’est dû le prestige particulier
de
leurs écrits, mais tout autant à l’efficacité d’une syntaxe qui sait
386
de leurs écrits, mais tout autant à l’efficacité
d’
une syntaxe qui sait comment « saisir » (expression favorite de Saint-
387
qui sait comment « saisir » (expression favorite
de
Saint-Exupéry). Soulignons que ces écrits ne sont nullement pour eux
388
écrits ne sont nullement pour eux les substituts
de
l’action terminée ou provisoirement suspendue, mais plutôt les effort
389
s pour lui trouver un sens, et justifier l’auteur
de
l’avoir entreprise. Témoignages cependant ambigus : autobiographiques
390
s livrent peu de confidences. Ils n’avouent guère
d’
autre ambition que celle d’un serviteur de la cause collective, et ne
391
s. Ils n’avouent guère d’autre ambition que celle
d’
un serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un
392
t guère d’autre ambition que celle d’un serviteur
de
la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un portrait simpl
393
n serviteur de la cause collective, et ne donnent
de
l’individu qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoi
394
u qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés
d’
un besoin de s’expliquer, ils restent obscurs sur un point décisif : c
395
rait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoin
de
s’expliquer, ils restent obscurs sur un point décisif : celui des fin
396
intimes, et l’on s’aperçoit que le problème, loin
d’
y recevoir la réponse la plus attendue, n’y apparaît que plus fondamen
397
apparaît que plus fondamental : c’est pour tenter
de
le résoudre que l’homme écrit, et que parfois il retourne à l’action
398
ous laisse enfin n’est qu’une question, l’exemple
d’
une « passion » dont l’enjeu n’est pas clair. Et certes, les péripétie
399
’enjeu n’est pas clair. Et certes, les péripéties
d’
une telle passion peuvent bien suffire à l’intérêt de l’œuvre. Elles f
400
ne telle passion peuvent bien suffire à l’intérêt
de
l’œuvre. Elles font pâlir presque toutes nos fictions. Elles nous for
401
u’ici, enfin, un homme nous parle avec l’autorité
d’
une expérience virile poussée jusqu’aux extrêmes, dans la rigueur mora
402
chez ceux qui s’y exposent ? Névrose, ou volonté
de
sainteté « laïque » ? Par quels buts souverains les justifier ? Si l’
403
, nous demandons alors : qui va revêtir cet homme
d’
une vocation plus vraie que les causes qu’il a servies et qui se révèl
404
« L’ambition est un motif méprisable ; l’amour
de
la liberté une illusion ; le patriotisme, difficile quand ceux — comm
405
s Anglais ; quant à l’honneur, il est plus facile
de
mourir pour lui que d’en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire le
406
onneur, il est plus facile de mourir pour lui que
d’
en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire les autres, dans l’intrig
407
r pour lui que d’en vivre ; mieux vaut mourir que
de
conduire les autres, dans l’intrigue et la cruauté, vers la désillusi
408
t en ces termes que la plus sobre des biographies
de
Lawrence4 décrit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin de ses
409
hies de Lawrence4 décrit l’état d’esprit du héros
de
30 ans, à la fin de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de s
410
crit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin
de
ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de ses espoirs à la Conf
411
rit du héros de 30 ans, à la fin de ses campagnes
d’
Arabie, avant le grand échec de ses espoirs à la Conférence de Versail
412
n de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec
de
ses espoirs à la Conférence de Versailles. Mais comment ne pas penser
413
ant le grand échec de ses espoirs à la Conférence
de
Versailles. Mais comment ne pas penser à Saint-Exupéry ? Le parallèle
414
figures. Qu’elles aient été si différentes à tant
d’
égards, si contrastées dans leurs données individuelles, ne fait qu’ac
415
ées individuelles, ne fait qu’accentuer l’intérêt
d’
un rapprochement entre les deux personnes. Relevons d’abord les différ
416
s différences afin de mieux déterminer la formule
d’
homme qui, malgré tout ou presque tout, leur est commune. L’un Anglais
417
eur aventure à l’étranger, parfaits représentants
de
leur nation, dans ce qu’elle a justement de plus différent de l’autre
418
on, dans ce qu’elle a justement de plus différent
de
l’autre. L’un protestant et l’autre catholique, et bien que tous les
419
re catholique, et bien que tous les deux éloignés
de
leur foi, irrévocablement marqués par deux morales aussi extrêmes dan
420
la femme est le repos du guerrier. L’un tourmenté
de
scrupules dans l’action et plein d’humour quand il parlait de son œuv
421
’un tourmenté de scrupules dans l’action et plein
d’
humour quand il parlait de son œuvre écrite, l’autre contant ses avent
422
dans l’action et plein d’humour quand il parlait
de
son œuvre écrite, l’autre contant ses aventures avec brio et insistan
423
ant pour lire à ses amis les versions successives
de
ses livres en train. L’un réservé jusqu’au silence total, l’autre tou
424
jusqu’au silence total, l’autre toujours en quête
d’
une audience amicale. L’un petit et durci, l’autre grand et sérieux. O
425
enant leur personne, j’entends ce qu’ils ont fait
de
ces données natives, et les tensions qu’ils ont instituées entre ce q
426
leur action, et leur drame. Une ultime structure
de
destinée semble gouverner ces deux vies. Leur vocation s’est marquée
427
sion ; l’autre sur ces avions qu’il essayait déjà
de
manœuvrer en cachette à 16 ans. Les deux intellectuels qui resteront
428
x intellectuels qui resteront toujours si furieux
de
l’avant-garde littéraire, l’un tourné vers l’histoire et l’autre vers
429
utre vers les sciences, mais tous deux inventeurs
de
machines, vont choisir des métiers où la technique s’allie à l’art du
430
désert avec les mêmes Arabes. Soit qu’il s’agisse
de
négocier avec ceux-ci pour libérer un camarade pris en otage, ou de l
431
eux-ci pour libérer un camarade pris en otage, ou
de
les inciter à la révolte, dans les deux cas il faut parler leur langu
432
il faut parler leur langue, pénétrer leurs modes
de
penser, s’assimiler les procédés subtils qui fondent le prestige de l
433
iler les procédés subtils qui fondent le prestige
de
leurs chefs. De ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous
434
s subtils qui fondent le prestige de leurs chefs.
De
ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous les deux garder
435
estige de leurs chefs. De ce commerce prolongé et
de
la coutume du désert, tous les deux garderont le secret d’influencer
436
tume du désert, tous les deux garderont le secret
d’
influencer et de manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux
437
tous les deux garderont le secret d’influencer et
de
manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux du règlement, e
438
t qui ne doivent rien aux titres officiels : goût
de
l’autorité, non du pouvoir. (Lawrence, plus tard, se le reprochera, m
439
en donne ou non, et sont perpétuellement sur pied
de
fronde. Leur mépris orgueilleux pour les fonctions sans risques de ce
440
épris orgueilleux pour les fonctions sans risques
de
ceux dont ils reçoivent les ordres, donne la mesure de leur sens du s
441
ux dont ils reçoivent les ordres, donne la mesure
de
leur sens du service : ils se soumettent, non pas au fonctionnaire, m
442
ire, mais à la vertu mystérieuse qu’ils attendent
de
la règle, même injuste. Au reste, leurs plus grandes actions furent a
443
mpétences supérieures. Parfois cependant, cet art
de
persuader (qu’ils tiennent en partie des Arabes) leur vaut des appuis
444
, durement gagnés, et que souvent leurs camarades
d’
équipe sont restés les seuls à connaître. Ils se retournent vers le mo
445
rnent vers le monde des autres, et c’est le début
de
l’écœurement. Signe objectif d’une mésentente profonde : ils entrent
446
et c’est le début de l’écœurement. Signe objectif
d’
une mésentente profonde : ils entrent en conflit avec la politique des
447
profonds, et les mieux motivés, quant à la valeur
de
l’action par laquelle ils se sont illustrés. (Pour le courage physiqu
448
n’en parlent jamais qu’avec un scepticisme dénué
de
coquetterie.) Le seul désir bien déclaré est désormais de se retirer
449
tterie.) Le seul désir bien déclaré est désormais
de
se retirer dans une maison de campagne, avec le livre qu’ils portent
450
toujours le même, et qui doit être un commentaire
de
leur activité, visant à la sauver de l’anecdote historique pour en ex
451
commentaire de leur activité, visant à la sauver
de
l’anecdote historique pour en extraire une sagesse commune, et pour é
452
nument « durable » ou « intangible » à la mémoire
d’
un effort collectif. Ils n’écrivent pas plus facilement l’un que l’aut
453
e vantent parfois, mais plus souvent se plaignent
de
leur exigence excessive et de leurs ratures infinies. C’est qu’ils se
454
ouvent se plaignent de leur exigence excessive et
de
leurs ratures infinies. C’est qu’ils se refusent aux entraînements de
455
inies. C’est qu’ils se refusent aux entraînements
de
l’idéologie ou du lyrisme, s’appliquent aux descriptions exactes, et
456
s… C’est à ce stade que naissent Les Sept Piliers
de
la Sagesse et Terre des Hommes. L’aventure paraît consommée. Et cepen
457
e se noue à ce moment précis, devant la tentation
de
la « vie normale » d’un écrivain chargé des honneurs du héros. Au lie
458
précis, devant la tentation de la « vie normale »
d’
un écrivain chargé des honneurs du héros. Au lieu de se retirer dans u
459
ieu de se retirer dans une maison de campagne, ou
d’
accepter quelque fonction publique, ils reprennent subitement du servi
460
nces historiques différentes, il paraît difficile
de
distinguer leurs vrais motifs, parmi tant de prétextes qu’ils allègue
461
tant de prétextes qu’ils allèguent. S’agirait-il
d’
une fuite devant leur « personnage », ou d’une réelle passion de servi
462
ait-il d’une fuite devant leur « personnage », ou
d’
une réelle passion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ont pa
463
vant leur « personnage », ou d’une réelle passion
de
servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ont pas le choix, et que la
464
es (ces « licornes » comme disait Lawrence), font
de
leur mieux pour les décourager ; mais eux s’obstinent, bien que plus
465
gnes précédentes, bien que hantés par leur besoin
d’
écrire, et bien qu’ils ne puissent ignorer qu’à des postes moins anony
466
nt plus difficiles à remplacer. Inextricable nœud
d’
orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de
467
ciles à remplacer. Inextricable nœud d’orgueil et
de
masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée
468
er. Inextricable nœud d’orgueil et de masochisme,
de
loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée contre la socié
469
d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et
de
fierté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission au
470
ochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée,
de
grève perlée contre la société et de soumission aux règles de son jeu
471
rté blessée, de grève perlée contre la société et
de
soumission aux règles de son jeu, les mêmes énigmes d’ailleurs, sans
472
lée contre la société et de soumission aux règles
de
son jeu, les mêmes énigmes d’ailleurs, sans plus de solution, se trou
473
ns religieuses, et cette similitude ne manque pas
de
les frapper. Lawrence décrit son engagement dans l’armée de l’air com
474
pper. Lawrence décrit son engagement dans l’armée
de
l’air comme « le meilleur équivalent moderne de l’entrée au couvent a
475
e de l’air comme « le meilleur équivalent moderne
de
l’entrée au couvent au Moyen Âge ». Tous deux sont détachés de la foi
476
u couvent au Moyen Âge ». Tous deux sont détachés
de
la foi, et peut-être à la fin de la foi en eux-mêmes ou dans le rôle
477
ux sont détachés de la foi, et peut-être à la fin
de
la foi en eux-mêmes ou dans le rôle qu’ils peuvent encore jouer parmi
478
es qui rendent le même son.) S’approche le moment
de
la retraite forcée, — fin de son engagement pour l’un, de la guerre p
479
S’approche le moment de la retraite forcée, — fin
de
son engagement pour l’un, de la guerre pour l’autre. Et survient l’ac
480
traite forcée, — fin de son engagement pour l’un,
de
la guerre pour l’autre. Et survient l’accident mortel. Ils sont tués
481
sont tués par la machine qui avait été la passion
de
leur vie. Mais leur légende prévaut contre le fait. Pendant longtemps
482
aut contre le fait. Pendant longtemps on refusera
de
les croire morts : ils sont revenus de tant d’autres dangers, et peut
483
n refusera de les croire morts : ils sont revenus
de
tant d’autres dangers, et peut-être n’ont-ils disparu que pour assume
484
ètes et plus importantes5. III. Un « message »
de
modestie J’essaierai maintenant de répondre à la question dont ces
485
« message » de modestie J’essaierai maintenant
de
répondre à la question dont ces pages sont nées : « Que signifie pour
486
r nous Lawrence ? » Les dictateurs sont les héros
de
la masse, qui les produit dans sa panique devant une liberté sans con
487
t une liberté sans contenu. Il est des dictateurs
de
toutes sortes, il est vrai, mais la prostitution leur est commune : i
488
tionaliste. Je vois leur antithèse dans les héros
de
l’intégrité personnelle, dont Lawrence est le prototype. Le dictateur
489
nce est le prototype. Le dictateur n’est fort que
de
la faiblesse des autres, et sa grandeur est négative : il est le symb
490
us lui apportons pour faire nombre. Mais la force
d’
un Lawrence a sa source dans les seules exigences qu’il s’impose. Le d
491
aux publics. Lawrence n’a jamais rien demandé que
de
lui-même. Son pouvoir sur autrui lui fait horreur, il l’avoue à plusi
492
en garder longtemps le remords) si les nécessités
de
l’action l’y contraignent, comme ce fut le cas dans sa campagne d’Ara
493
ontraignent, comme ce fut le cas dans sa campagne
d’
Arabie ; et il ne peut se retenir de dénoncer dans cet usage, même lég
494
s sa campagne d’Arabie ; et il ne peut se retenir
de
dénoncer dans cet usage, même légal, un abus. Forcer autrui sera touj
495
mne ce viol, c’est qu’il se veut intègre, au prix
d’
un sacrifice dont il reste le maître. Son héroïsme le plus réel est là
496
dépens de son propre individu et pour l’éducation
de
sa personne. Il dépasse tous les autres dans ce sens. Et je ne lui vo
497
e tous les autres dans ce sens. Et je ne lui vois
d’
égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris de la fraude, et le
498
égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris
de
la fraude, et le scrupule fécond, que chez Kafka, — cet autre prototy
499
t autre prototype. Voici précisément ce qu’il eut
d’
exemplaire : il a soumis la condition de l’homme moderne aux épreuves
500
qu’il eut d’exemplaire : il a soumis la condition
de
l’homme moderne aux épreuves les plus dures dans divers ordres, faisa
501
es dans divers ordres, faisant lui-même les frais
de
l’expérience et se refusant à tous les faux-fuyants que nous offrent
502
Liberté, Violence, Angoisse, et le plus équivoque
de
tous : Révolution. On dirait qu’il a fait sur lui-même une étude de l
503
on. On dirait qu’il a fait sur lui-même une étude
de
la résistance du matériel et du moral humain dans l’état où se trouve
504
at où se trouve notre monde. Et voici le résultat
de
cette étude — la meilleure description que je puisse imaginer de la r
505
— la meilleure description que je puisse imaginer
de
la réalité moderne en tant que telle. Lawrence est dans un camp de la
506
erne en tant que telle. Lawrence est dans un camp
de
la RAF quand il écrit cette lettre à Lionel Curtis, le 30 mai 1923 :
507
urtis, le 30 mai 1923 : Et puis il y a l’absence
de
responsabilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau
508
ce de responsabilité : je n’ai à répondre ici que
de
la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certai
509
ilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté
de
ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude d
510
’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau,
de
la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude dans les évol
511
ici que de la propreté de ma peau, de la propreté
de
mes habits, et d’une certaine exactitude dans les évolutions physique
512
reté de ma peau, de la propreté de mes habits, et
d’
une certaine exactitude dans les évolutions physiques à l’exercice. De
513
un seul choix : tout est prescrit — à l’exception
de
cette possibilité torturante de choisir de m’en aller d’ici, au momen
514
t — à l’exception de cette possibilité torturante
de
choisir de m’en aller d’ici, au moment où ma volonté de rester s’effo
515
eption de cette possibilité torturante de choisir
de
m’en aller d’ici, au moment où ma volonté de rester s’effondrera. À c
516
isir de m’en aller d’ici, au moment où ma volonté
de
rester s’effondrera. À cela près, ce serait le complet déterminisme —
517
etée (pas l’obéissance, car mon effort actuel est
de
trouver l’égalité dans la seule subordination. C’est l’exercice de l’
518
ité dans la seule subordination. C’est l’exercice
de
l’autorité qui m’écœure) ; l’action, je l’ai rejetée ; et la vie inte
519
e ; et la vie réceptive des sens ; et les assauts
d’
esprit. Autant d’échecs, et ma raison me dit qu’en conséquence l’obéis
520
eptive des sens ; et les assauts d’esprit. Autant
d’
échecs, et ma raison me dit qu’en conséquence l’obéissance, le non-sav
521
non-savoir échoueront aussi, puisque les racines
de
l’échec commun doivent être en moi, — et pourtant, en dépit de la rai
522
tard, et très peu de temps avant sa mort, il tire
de
ses « essais » les conclusions suivantes : le Règlement du Proche-Ori
523
ns que son activité dans la RAF « car la conquête
de
l’air me paraît être la seule tâche majeure de notre génération ; et
524
te de l’air me paraît être la seule tâche majeure
de
notre génération ; et je me suis convaincu que le progrès, aujourd’hu
525
jourd’hui, n’est pas le fait du génie isolé, mais
de
l’effort commun. Pour moi, c’est la multitude des rudes chauffeurs de
526
Pour moi, c’est la multitude des rudes chauffeurs
de
camion, couvrant chaque nuit toutes les routes de l’Angleterre, qui f
527
de camion, couvrant chaque nuit toutes les routes
de
l’Angleterre, qui fait notre âge mécanique. » Et ce sont aussi les si
528
nique. » Et ce sont aussi les simples mécaniciens
de
la RAF, non les grands as. « C’est pourquoi je suis resté dans le ran
529
ourquoi je suis resté dans le rang, et j’ai servi
de
mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose « d’intangible », qui
530
e rang, et j’ai servi de mon mieux… » L’idée même
de
créer quelque chose « d’intangible », qui l’avait soutenu dans son ef
531
mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose «
d’
intangible », qui l’avait soutenu dans son effort d’artiste alors qu’i
532
intangible », qui l’avait soutenu dans son effort
d’
artiste alors qu’il écrivait les Sept Piliers, il la renie ; car « tou
533
tangible. Et ce que j’essayais, je crois, c’était
de
poser une superstructure d’idées sur tout ce que je faisais. Eh bien,
534
is, je crois, c’était de poser une superstructure
d’
idées sur tout ce que je faisais. Eh bien, en cela, j’ai échoué. J’ai
535
. Eh bien, en cela, j’ai échoué. J’ai donc changé
de
direction… Je me suis engagé dans la RAF pour me mettre au service d’
536
suis engagé dans la RAF pour me mettre au service
d’
une entreprise mécanique, non pas comme un chef, mais comme un rouage
537
ense, c’est machine… Je laisse à d’autres le soin
de
dire si j’ai bien ou mal choisi : l’un des avantages d’être une pièce
538
e si j’ai bien ou mal choisi : l’un des avantages
d’
être une pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’im
539
mal choisi : l’un des avantages d’être une pièce
de
la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’importance ». De te
540
e la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas
d’
importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ceux qui,
541
est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’importance ».
De
tels textes peuvent servir de repères pour ceux qui, parmi nous, faut
542
pas d’importance ». De tels textes peuvent servir
de
repères pour ceux qui, parmi nous, faute d’un ordre acceptable, tente
543
ervir de repères pour ceux qui, parmi nous, faute
d’
un ordre acceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos. De repères
544
parmi nous, faute d’un ordre acceptable, tentent
de
s’équilibrer dans le chaos. De repères, simplement, non de philosophi
545
cceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos.
De
repères, simplement, non de philosophie. Car Lawrence, comme plusieur
546
librer dans le chaos. De repères, simplement, non
de
philosophie. Car Lawrence, comme plusieurs de sa race, ne se situe da
547
non de philosophie. Car Lawrence, comme plusieurs
de
sa race, ne se situe dans nos problèmes que d’une manière fragmentair
548
rs de sa race, ne se situe dans nos problèmes que
d’
une manière fragmentaire, en des occasions si concrètes que la techniq
549
casions si concrètes que la technique vécue, gage
de
son honnêteté, devient aussi son alibi. Du point de vue de nos débats
550
nnêteté, devient aussi son alibi. Du point de vue
de
nos débats politiques, pour se borner à un problème brûlant, qu’est-i
551
borner à un problème brûlant, qu’est-il possible
d’
inférer de son exemple ? Les citations que je viens de traduire semble
552
un problème brûlant, qu’est-il possible d’inférer
de
son exemple ? Les citations que je viens de traduire semblent indique
553
re semblent indiquer que Lawrence eût été capable
de
justifier, de la manière la plus tentante, le stalinisme et les mouve
554
diquer que Lawrence eût été capable de justifier,
de
la manière la plus tentante, le stalinisme et les mouvements totalita
555
il se fût battu contre eux. Faudra-t-il l’accuser
d’
inconséquence ? Le problème est un peu différent. Sans aucun doute, la
556
s aucun doute, la morale qu’il professe, au terme
de
son expérience de douze années dans l’aviation, est une morale collec
557
morale qu’il professe, au terme de son expérience
de
douze années dans l’aviation, est une morale collectiviste. (L’effort
558
dans le complet déterminisme ; et jusqu’au culte
de
la machine !) Mais d’autre part, son aversion pour l’idéologie, son r
559
re part, son aversion pour l’idéologie, son refus
de
l’impérialisme sous toutes ses formes, surtout morales, l’écœurement
560
s, l’écœurement qu’il ressent devant la nécessité
d’
imposer son pouvoir et d’user d’autorité, tout l’opposait à la dictatu
561
sent devant la nécessité d’imposer son pouvoir et
d’
user d’autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique coll
562
vant la nécessité d’imposer son pouvoir et d’user
d’
autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique collectivis
563
r un tel homme ? Je le cite encore : « Les idéaux
d’
une politique sont de ces choses qui vous montent à la tête : leur tra
564
e cite encore : « Les idéaux d’une politique sont
de
ces choses qui vous montent à la tête : leur traduction en termes de
565
a structure sociale qui en résulte est un travail
de
second ordre. Je n’ai rien rencontré de plus honnête et dévoué que no
566
n constitué comme le nôtre, peut se permettre 1 %
de
monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour moi.
567
me le nôtre, peut se permettre 1 % de monistes ou
de
nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour moi. L’ennui avec le
568
monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez
de
place pour moi. L’ennui avec le communisme, c’est qu’il accepte trop
569
communisme, c’est qu’il accepte trop du mobilier
d’
aujourd’hui. Je hais les meubles. » Qu’on ne voie pas là une dérobade
570
s là une dérobade devant le grand choix politique
de
ce siècle : démocratie ou totalitarisme. Ces petites phrases d’un hum
571
démocratie ou totalitarisme. Ces petites phrases
d’
un humour cynique, bien que jetées dans une lettre hâtive, traduisent
572
nt une attitude mûrie. C’est la morale du Château
de
Kafka, la ligne de repli (devant les problèmes métaphysiques) d’un ho
573
ie. C’est la morale du Château de Kafka, la ligne
de
repli (devant les problèmes métaphysiques) d’un homme qui a raté ses
574
gne de repli (devant les problèmes métaphysiques)
d’
un homme qui a raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus d’aut
575
raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus
d’
autre solution que de s’assurer une petite place dans la cité, un rôle
576
et pour lequel il n’est plus d’autre solution que
de
s’assurer une petite place dans la cité, un rôle utile dans ce monde
577
ans ce monde qu’il juge assez absurde — par excès
de
conscience éthique — mais qu’il faut pourtant bien accepter, lorsqu’o
578
n grand courage, et surtout sans le moindre souci
d’
être un exemple ou d’enseigner : de là vient sa sincérité, à travers t
579
urtout sans le moindre souci d’être un exemple ou
d’
enseigner : de là vient sa sincérité, à travers tant de déguisements.
580
moindre souci d’être un exemple ou d’enseigner :
de
là vient sa sincérité, à travers tant de déguisements. On ne peut s’e
581
avers tant de déguisements. On ne peut s’empêcher
de
l’aimer. Mais il n’est pas question de le suivre. Le nihilisme, si «
582
s’empêcher de l’aimer. Mais il n’est pas question
de
le suivre. Le nihilisme, si « décent » soit-il, est une faible défens
583
it-il, est une faible défense contre les monstres
de
ce temps. Bien plus : objectivement, il en est le fourrier. Les fauss
584
le fourrier. Les fausses fois totalitaires n’ont
d’
ennemi sérieux que la foi. Pourtant, à ceux qui disent que Lawrence es
585
Lawrence est décevant parce qu’il n’a pas laissé
de
« message », je répondrai qu’il nous apprend au moins à n’en pas atte
586
cent la religion. Le plus honnête, s’il est privé
de
foi, s’avoue sans rien à révéler, mais par là même il décrit mieux l’
587
mais par là même il décrit mieux l’état véritable
de
l’homme. Rien ne tient, à l’épreuve, qui n’ait commencé là. 3. Le
588
rles Edmonde. 5. Chaque phrase et chaque nuance
de
ce parallèle pourraient être appuyées par des documents précis et par
589
J’ai dû me borner à les paraphraser, les lettres
de
Saint-Exupéry n’étant pas encore publiées. Quant à La Citadelle, on n
590
uivalent chez Lawrence. Et certes, rien n’empêche
d’
imaginer que ce dernier, s’il eût vécu tranquille dans son cottage, eû
591
osition lyrique et « littéraire » des expériences
de
l’homme d’action. Mais on sait que Churchill le destinait à des fonct
592
ique et « littéraire » des expériences de l’homme
d’
action. Mais on sait que Churchill le destinait à des fonctions milita
593
rtantes, que la guerre l’eût sans doute contraint
d’
accepter. Au total, Saint-Exupéry fut davantage un écrivain, Lawrence
594
péry fut davantage un écrivain, Lawrence un agent
de
l’Histoire. g. Rougemont Denis de, « Prototype T.E.L. », La Table
595
nce un agent de l’Histoire. g. Rougemont Denis
de
, « Prototype T.E.L. », La Table ronde, Paris, janvier 1952, p. 32-44.
596
L’Heure
de
l’impatience (mars 1952)h Ce n’est pas un pamphlétaire irresponsab
597
ccurrence, qui s’écriait naguère dans l’hémicycle
de
Strasbourg : « L’Europe vit, depuis des années, de la peur des Russes
598
e Strasbourg : « L’Europe vit, depuis des années,
de
la peur des Russes et de la charité des Américains ! » Traduisons, ma
599
vit, depuis des années, de la peur des Russes et
de
la charité des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri d’alarme
600
des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri
d’
alarme en chiffres dûment vérifiés. Cela donne, en millions d’habitant
601
chiffres dûment vérifiés. Cela donne, en millions
d’
habitants : « 320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de l
602
nts : « 320 vivent depuis des années dans la peur
de
210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation
603
0 vivent depuis des années dans la peur de 210 et
de
la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation apparaisse
604
s des années dans la peur de 210 et de la charité
de
150. » On souhaite qu’une telle constatation apparaisse plus choquant
605
ent s’explique d’ailleurs par des raisons connues
de
chacun. Tout d’abord, les Européens refusent de se croire aussi nombr
606
s de chacun. Tout d’abord, les Européens refusent
de
se croire aussi nombreux qu’ils sont, parce qu’ils n’ont pas encore p
607
nt, parce qu’ils n’ont pas encore pris l’habitude
de
se sentir Européens. Au lieu d’un bloc à peu près aussi grand que les
608
le. Il semble évident que leur union renverserait
d’
un coup la situation. Tout les y pousse : la logique de l’Histoire com
609
coup la situation. Tout les y pousse : la logique
de
l’Histoire comme le calcul de leurs vrais intérêts, les nécessités de
610
pousse : la logique de l’Histoire comme le calcul
de
leurs vrais intérêts, les nécessités de leur défense comme celles de
611
le calcul de leurs vrais intérêts, les nécessités
de
leur défense comme celles de leur vie culturelle, le passé comme l’av
612
rêts, les nécessités de leur défense comme celles
de
leur vie culturelle, le passé comme l’avenir, la raison comme les rêv
613
les rêves. Qu’est-ce qui les retient ? Une sorte
de
myopie de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs tra
614
. Qu’est-ce qui les retient ? Une sorte de myopie
de
la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs traditions, p
615
de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte
de
leurs traditions, parlent d’ennemis héréditaires, mais ils oublient q
616
Ils tirent prétexte de leurs traditions, parlent
d’
ennemis héréditaires, mais ils oublient que leurs nationalismes ne rem
617
u’au siècle dernier, et qu’ils ont deux-mille ans
d’
usage commun d’un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tiren
618
nier, et qu’ils ont deux-mille ans d’usage commun
d’
un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tirent prétexte des
619
lle ans d’usage commun d’un héritage que le reste
de
la Terre jalouse. Ils tirent prétexte des intérêts à court terme de l
620
e. Ils tirent prétexte des intérêts à court terme
de
leurs États, mais ils oublient qu’ils forment un seul corps, et qu’il
621
nt qu’ils forment un seul corps, et qu’il est fou
d’
essayer de sauver un seul organe au détriment des autres. Le cœur ni l
622
forment un seul corps, et qu’il est fou d’essayer
de
sauver un seul organe au détriment des autres. Le cœur ni le poumon n
623
poumon ne vivraient isolés, et leur santé dépend
d’
une bonne circulation. Enfin, rien n’est plus clair au monde que la né
624
, rien n’est plus clair au monde que la nécessité
de
notre union, rien n’est moins contesté et cependant, comme il arrive
625
angoissante, durera jusqu’au réveil qu’il s’agit
de
provoquer. Europe, jadis, fut enlevée à l’Asie par une fougueuse divi
626
, fut enlevée à l’Asie par une fougueuse divinité
de
l’Occident : Jupiter changé en Taureau. On nous dit qu’Europe, aujour
627
nous dit qu’Europe, aujourd’hui, risque à nouveau
d’
être séduite, cette fois-ci par un Ours, ou par un Aigle. Craignons pl
628
u par un Aigle. Craignons plutôt le prudent idéal
de
certains députés de Strasbourg : l’enlèvement d’Europe par un escargo
629
gnons plutôt le prudent idéal de certains députés
de
Strasbourg : l’enlèvement d’Europe par un escargot ! La prudence a mo
630
de certains députés de Strasbourg : l’enlèvement
d’
Europe par un escargot ! La prudence a montré ce qu’elle savait faire.
631
venue de l’impatience créatrice. Je n’imagine pas
de
meilleur mot d’ordre pour une Campagne européenne de la jeunesse. h
632
meilleur mot d’ordre pour une Campagne européenne
de
la jeunesse. h. Rougemont Denis de, « L’heure de l’impatience », J
633
européenne de la jeunesse. h. Rougemont Denis
de
, « L’heure de l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin d’informat
634
la jeunesse. h. Rougemont Denis de, « L’heure
de
l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin d’information de la Camp
635
t Denis de, « L’heure de l’impatience », Jeunesse
d’
Europe : bulletin d’information de la Campagne européenne de la jeunes
636
e de l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin
d’
information de la Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952
637
nce », Jeunesse d’Europe : bulletin d’information
de
la Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952, p. 1.
638
bulletin d’information de la Campagne européenne
de
la jeunesse, Paris, mars 1952, p. 1.
639
Les foyers
de
culture et l’Europe (octobre 1952)i Je vais limiter mon exposé à u
640
je vais développer rapidement pourrait s’exprimer
de
cette manière, sous sa forme la plus brutale : l’Europe égale les foy
641
forme la plus brutale : l’Europe égale les foyers
de
culture, ou : les foyers de culture sont l’Europe. Je précise tout de
642
rope égale les foyers de culture, ou : les foyers
de
culture sont l’Europe. Je précise tout de suite que je prends le term
643
récise tout de suite que je prends le terme foyer
de
culture au sens le plus général, le plus large ; je vous dirai aussi
644
e plus large ; je vous dirai aussi que les foyers
de
culture qui ont fait l’Europe jouaient, à d’autres époques, un rôle d
645
e jouaient, à d’autres époques, un rôle différent
de
celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas de longues incursio
646
celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas
de
longues incursions dans le passé, mais je rappellerai la leçon de l’h
647
sions dans le passé, mais je rappellerai la leçon
de
l’histoire ; avant le Moyen Âge, l’Europe s’est faite à partir des se
648
e, l’Europe s’est faite à partir des seuls foyers
de
culture existants : les couvents. Comment la culture devenait-elle vi
649
s les universités, formant les clercs, les hommes
de
culture, chargés d’élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient
650
ormant les clercs, les hommes de culture, chargés
d’
élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient de règles aux hommes
651
mmes de culture, chargés d’élaborer les doctrines
de
l’Église, qui servaient de règles aux hommes publics : princes, magis
652
élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient
de
règles aux hommes publics : princes, magistrats, légistes. À un stade
653
s sermons entendus à l’Église, et tout un courant
de
connaissances orales, car les textes écrits n’avaient pas de circulat
654
ances orales, car les textes écrits n’avaient pas
de
circulation publique. On passait donc ainsi du foyer de culture à la
655
ulation publique. On passait donc ainsi du foyer
de
culture à la masse de la population par une série de maillons success
656
passait donc ainsi du foyer de culture à la masse
de
la population par une série de maillons successifs que je vous rappel
657
culture à la masse de la population par une série
de
maillons successifs que je vous rappelle : la méditation se formulant
658
issance populaire par transmission orale. L’unité
de
croyance fondamentale créait l’unité de culture entre toutes les clas
659
. L’unité de croyance fondamentale créait l’unité
de
culture entre toutes les classes de la population ; une commune mesur
660
réait l’unité de culture entre toutes les classes
de
la population ; une commune mesure existait entre les riches, les cle
661
st élaborée par des individus — plus rarement par
de
petites équipes de chercheurs ; puis coulée dans des moules uniformes
662
individus — plus rarement par de petites équipes
de
chercheurs ; puis coulée dans des moules uniformes : [par]j l’école,
663
elle est transmise à la masse et ces moyens mêmes
de
diffusion la rendent abstraite. Elle se heurte à des obstacles qui so
664
se heurte à des obstacles qui sont : la division
de
la population en classes sociales ne parlant pas le même langage, la
665
vision en nations, qui existe depuis une centaine
d’
années, la division en langues, qui joue un rôle beaucoup plus vaste q
666
uère aujourd’hui dans nos pays qu’une seule forme
de
culture commune à tout le monde, sans distinction de classes, de pays
667
culture commune à tout le monde, sans distinction
de
classes, de pays, de langues : la culture par l’image : cinéma, télév
668
une à tout le monde, sans distinction de classes,
de
pays, de langues : la culture par l’image : cinéma, télévision, « com
669
t le monde, sans distinction de classes, de pays,
de
langues : la culture par l’image : cinéma, télévision, « comics” illu
670
« comics” illustrés des journaux. C’est une forme
de
diffusion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne nécessite au
671
une forme de diffusion facile, qui ne connaît pas
de
frontières et ne nécessite aucune traduction. Vous reconnaîtrez que c
672
mer l’homme et le jugement personnel. Le résultat
de
ces cloisons horizontales ou verticales par classes, nations et langu
673
ou verticales par classes, nations et langues est
de
faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’e
674
angues est de faire perdre le bénéfice des moyens
de
diffusion de la culture et d’empêcher son unité. Des conceptions diff
675
faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion
de
la culture et d’empêcher son unité. Des conceptions différentes se fo
676
bénéfice des moyens de diffusion de la culture et
d’
empêcher son unité. Des conceptions différentes se forment ; le même t
677
ons différentes se forment ; le même terme change
de
sens en passant d’une classe sociale à l’autre. Finalement, la cultur
678
forment ; le même terme change de sens en passant
d’
une classe sociale à l’autre. Finalement, la culture humaniste, née co
679
culture humaniste, née comme une création commune
de
l’Europe, se fragmente en toutes sortes de petits morceaux. On ne peu
680
ommune de l’Europe, se fragmente en toutes sortes
de
petits morceaux. On ne peut plus dire : l’Europe, c’est une forme de
681
On ne peut plus dire : l’Europe, c’est une forme
de
culture, la substance de la culture est ignorée de la masse des popul
682
’Europe, c’est une forme de culture, la substance
de
la culture est ignorée de la masse des populations, comme l’est le se
683
e culture, la substance de la culture est ignorée
de
la masse des populations, comme l’est le sens de l’Europe. Pourtant,
684
de la masse des populations, comme l’est le sens
de
l’Europe. Pourtant, cette culture existe, elle se poursuit. Comment p
685
L’Europe-Culture ». Là, se pose le vrai problème
de
vos foyers de culture. Un foyer constitue le lieu de rencontre entre
686
ure ». Là, se pose le vrai problème de vos foyers
de
culture. Un foyer constitue le lieu de rencontre entre l’essence de l
687
vos foyers de culture. Un foyer constitue le lieu
de
rencontre entre l’essence de la culture et une situation locale bien
688
er constitue le lieu de rencontre entre l’essence
de
la culture et une situation locale bien définie, les problèmes d’urba
689
une situation locale bien définie, les problèmes
d’
urbanisme, d’éducation populaire, de questions sociales y sont évoqués
690
n locale bien définie, les problèmes d’urbanisme,
d’
éducation populaire, de questions sociales y sont évoqués par des homm
691
les problèmes d’urbanisme, d’éducation populaire,
de
questions sociales y sont évoqués par des hommes de classes différent
692
questions sociales y sont évoqués par des hommes
de
classes différentes et de niveaux intellectuels divers, mais réunis p
693
évoqués par des hommes de classes différentes et
de
niveaux intellectuels divers, mais réunis par des préoccupations comm
694
ons communes. Ainsi je vois l’activité des foyers
de
culture s’insérer dans ce grand phénomène historique, capable, vu à d
695
and phénomène historique, capable, vu à distance,
de
dominer tout le xxe siècle : la création de l’Europe unie, contre le
696
nce, de dominer tout le xxe siècle : la création
de
l’Europe unie, contre les dictatures et contre l’anarchie. L’homme eu
697
bord former des hommes. Tout le reste est affaire
d’
ingénieurs ou d’hommes politiques et ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je v
698
hommes. Tout le reste est affaire d’ingénieurs ou
d’
hommes politiques et ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je voudrais maintena
699
drais maintenant vous présenter un certain nombre
de
thèmes : 1° Il n’est pas possible que la culture puisse agir — c’est-
700
asses sociales et les peuples. Née historiquement
de
ces échanges, fruits d’une grande circulation commune à toute l’Europ
701
uples. Née historiquement de ces échanges, fruits
d’
une grande circulation commune à toute l’Europe, elle est destinée, sa
702
sans eux, à mourir à bref délai. 2° Il n’y a pas
de
culture vivante sans une incarnation, une implantation locale. Un foy
703
locale. Un foyer local ne peut être appelé foyer
de
culture que s’il réalise à la fois cette possibilité d’incarnation de
704
ture que s’il réalise à la fois cette possibilité
d’
incarnation de la culture et cette ouverture aux échanges universels.
705
réalise à la fois cette possibilité d’incarnation
de
la culture et cette ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas d
706
e ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas
d’
Europe vivante sans ces deux courants. Je reviens toujours à ces réali
707
euvent donner un contenu humain à la construction
de
l’idée européenne ; vie et chaleur lui viendront de la réalité quotid
708
e aux masses, qui prépare pour l’avenir une sorte
d’
uniformité du cadre de la vie matérielle. Cela risque d’arriver avec l
709
are pour l’avenir une sorte d’uniformité du cadre
de
la vie matérielle. Cela risque d’arriver avec la Haute Autorité du ch
710
ormité du cadre de la vie matérielle. Cela risque
d’
arriver avec la Haute Autorité du charbon et de l’acier, très difficil
711
ue d’arriver avec la Haute Autorité du charbon et
de
l’acier, très difficile à comprendre. Contre cette uniformité, qui pe
712
rilisante, les foyers doivent défendre les droits
de
leurs diversités locales. J’insiste sur ce double mouvement, il faut
713
faut que les foyers collaborent à la constitution
de
l’Europe, mais aussi qu’ils défendent la diversité européenne contre
714
défendent la diversité européenne contre le germe
de
tyrannie que peut contenir l’aspiration à l’unité. C’est le paradoxe
715
ui défendent leurs particularités ; paradoxe même
de
la vie, lutte permanente entre deux dynamismes contraires également v
716
valables, condition nécessaire à la construction
de
l’Europe. Nous devons être en garde constamment d’une part contre une
717
en garde constamment d’une part contre une espèce
de
mystique régionaliste, d’autre part contre une tentation d’internatio
718
e régionaliste, d’autre part contre une tentation
d’
internationalisme qui voudrait supprimer toutes diversités. Nous lutte
719
diversités. Nous lutterons contre ces déviations
de
l’esprit par une pratique de la circulation des idées et des personne
720
ontre ces déviations de l’esprit par une pratique
de
la circulation des idées et des personnes entre les communautés local
721
onnes entre les communautés locales et l’ensemble
de
l’Europe. Vous remarquerez que je saute à dessein le stade national,
722
une thèse sans fondement racontée dans les livres
d’
école depuis cent ans. Il n’existe pas de culture nationale, aucun his
723
s livres d’école depuis cent ans. Il n’existe pas
de
culture nationale, aucun historien sérieux ne peut défendre cette idé
724
culture a toujours été internationale. Il s’agit
de
passer de l’ensemble européen aux implantations locales, et du foyer
725
toujours été internationale. Il s’agit de passer
de
l’ensemble européen aux implantations locales, et du foyer local dire
726
je proposerai que s’établisse un réseau européen
de
distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de fil
727
ue s’établisse un réseau européen de distribution
de
livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateur
728
sse un réseau européen de distribution de livres,
de
brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau q
729
européen de distribution de livres, de brochures,
de
revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait êt
730
distribution de livres, de brochures, de revues,
de
journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait être constitu
731
de livres, de brochures, de revues, de journaux,
de
films, et d’orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constam
732
brochures, de revues, de journaux, de films, et
d’
orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constamment alimenté
733
imenté par cette Communauté européenne des foyers
de
culture, dont nous avons adopté le nom avant-hier. Je verrais les cho
734
s adopté le nom avant-hier. Je verrais les choses
de
cette façon ; chaque foyer, quelle que soit sa forme, sa structure, s
735
expressément par un vœu formulé si possible ici —
de
devenir un centre de diffusion locale de ce matériel européen, si vou
736
œu formulé si possible ici — de devenir un centre
de
diffusion locale de ce matériel européen, si vous permettez cette exp
737
le ici — de devenir un centre de diffusion locale
de
ce matériel européen, si vous permettez cette expression. Chaque foye
738
z cette expression. Chaque foyer serait une sorte
de
haut-parleur diffusant l’idée de l’Europe, et, en même temps, un cham
739
serait une sorte de haut-parleur diffusant l’idée
de
l’Europe, et, en même temps, un champ d’expérience pour des réalisati
740
t l’idée de l’Europe, et, en même temps, un champ
d’
expérience pour des réalisations concrètes. Pour être valables, celles
741
ncrètes. Pour être valables, celles-ci ont besoin
d’
être essayées dans le vif, passées au crible de la vie quotidienne, pu
742
in d’être essayées dans le vif, passées au crible
de
la vie quotidienne, puis modifiées dans leur pensée, si cela est néce
743
difiées dans leur pensée, si cela est nécessaire.
De
cette manière, l’idée européenne pourrait vraiment s’incarner. Pour p
744
r préciser encore, je voudrais que ce même réseau
de
distribution, de diffusion et de critique soit alimenté par le plus g
745
, je voudrais que ce même réseau de distribution,
de
diffusion et de critique soit alimenté par le plus grand nombre possi
746
e ce même réseau de distribution, de diffusion et
de
critique soit alimenté par le plus grand nombre possible d’organisati
747
e soit alimenté par le plus grand nombre possible
d’
organisations au niveau européen, comme le Conseil des communes d’Euro
748
au niveau européen, comme le Conseil des communes
d’
Europe, par exemple ; le Centre européen de la culture peut mettre à l
749
ropéen de la culture peut mettre à la disposition
de
cette Communauté européenne des foyers de culture tout d’abord ses pl
750
osition de cette Communauté européenne des foyers
de
culture tout d’abord ses plans de causeries — je crois qu’on vous les
751
enne des foyers de culture tout d’abord ses plans
de
causeries — je crois qu’on vous les a remis. J’explique en quoi ils c
752
emis. J’explique en quoi ils consistent : ce sont
de
petits plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets diffé
753
en quoi ils consistent : ce sont de petits plans
de
5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets différents concernant
754
ts plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine
de
sujets différents concernant la vie européenne et contenant chacun un
755
ues rappels historiques permettant à une personne
de
faire, sans préparation, une causerie suffisamment documentée, d’une
756
réparation, une causerie suffisamment documentée,
d’
une heure ou d’une demi-heure. En collaboration avec la Campagne europ
757
causerie suffisamment documentée, d’une heure ou
d’
une demi-heure. En collaboration avec la Campagne européenne de la jeu
758
ure. En collaboration avec la Campagne européenne
de
la jeunesse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23 de ces plan
759
sse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23
de
ces plans ; nous sommes prêts à en rédiger de nouveaux, correspondant
760
23 de ces plans ; nous sommes prêts à en rédiger
de
nouveaux, correspondant aux désirs exprimés par vos foyers. Nous seri
761
xprimés par vos foyers. Nous serions très heureux
de
recevoir vos suggestions et de les étudier à Genève. Ensuite, nous po
762
rions très heureux de recevoir vos suggestions et
de
les étudier à Genève. Ensuite, nous pourrions mettre en circulation d
763
ve. Ensuite, nous pourrions mettre en circulation
d’
une manière périodique une sorte de fiche bibliographique comportant d
764
en circulation d’une manière périodique une sorte
de
fiche bibliographique comportant des listes d’ouvrages récemment paru
765
te de fiche bibliographique comportant des listes
d’
ouvrages récemment parus, avec les moyens de se les procurer gratuitem
766
istes d’ouvrages récemment parus, avec les moyens
de
se les procurer gratuitement si possible, ou à prix réduit. Nous vous
767
ssible, ou à prix réduit. Nous vous offrons aussi
de
faire circuler dans vos foyers des listes de conférenciers, choisis d
768
ussi de faire circuler dans vos foyers des listes
de
conférenciers, choisis dans tous les pays européens, avec le temps do
769
Ces conférenciers ne seraient pas des professeurs
d’
éloquence ni des hommes politiques, mais des écrivains, des explorateu
770
énieurs et, pourquoi pas, des sportifs. Au Centre
de
la culture, nous avons en préparation une Commission d’hygiène et de
771
culture, nous avons en préparation une Commission
d’
hygiène et de psychologie sportive. Quelques personnes compétentes — d
772
avons en préparation une Commission d’hygiène et
de
psychologie sportive. Quelques personnes compétentes — dont d’anciens
773
e sportive. Quelques personnes compétentes — dont
d’
anciens champions du monde — sont prêtes à faire le tour des foyers de
774
du monde — sont prêtes à faire le tour des foyers
de
culture, si on les y invite, pour parler de leurs expériences et lanc
775
oyers de culture, si on les y invite, pour parler
de
leurs expériences et lancer des groupes intéressés par ces questions
776
roupes intéressés par ces questions passionnantes
d’
hygiène et de psychologie sportives. Quatrième proposition : nous pour
777
ssés par ces questions passionnantes d’hygiène et
de
psychologie sportives. Quatrième proposition : nous pourrions faire c
778
urrions faire circuler parmi les foyers une sorte
de
lettre circulaire d’information sur l’état actuel de l’organisation e
779
r parmi les foyers une sorte de lettre circulaire
d’
information sur l’état actuel de l’organisation européenne, les positi
780
lettre circulaire d’information sur l’état actuel
de
l’organisation européenne, les positions à prendre sur différents suj
781
prendre sur différents sujets et les possibilités
d’
action à mener. Nous offrons d’établir des contacts entre la Communaut
782
t les possibilités d’action à mener. Nous offrons
d’
établir des contacts entre la Communauté européenne des foyers de cult
783
ontacts entre la Communauté européenne des foyers
de
culture et notre organisation, qui comprend des associations des guil
784
s du livre, des clubs européens, et des festivals
de
musique. Ceux-ci groupent, à l’heure actuelle, 15 des plus grands fes
785
à l’heure actuelle, 15 des plus grands festivals
de
musique européenne. En nouant des liens avec eux, il serait possible
786
En nouant des liens avec eux, il serait possible
de
monter des représentations gratuites pour jeunes ou membres de nos fo
787
représentations gratuites pour jeunes ou membres
de
nos foyers. Je signale également notre Association des instituts d’ét
788
signale également notre Association des instituts
d’
études européennes, dont les résultats sont remarquables. Enfin, il y
789
ultats sont remarquables. Enfin, il y aurait lieu
d’
étudier, me semble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et d’écha
790
aurait lieu d’étudier, me semble-t-il, une sorte
d’
organisation de voyages et d’échanges, comme celle établie par le Cent
791
étudier, me semble-t-il, une sorte d’organisation
de
voyages et d’échanges, comme celle établie par le Centre d’échanges i
792
mble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et
d’
échanges, comme celle établie par le Centre d’échanges internationaux
793
et d’échanges, comme celle établie par le Centre
d’
échanges internationaux en France. Je vous signale que d’autres associ
794
s, demandant à entrer en relation avec les foyers
de
culture, celle par exemple du Chantier européen, qui établit des sent
795
européen, qui établit des sentiers allant du nord
de
l’Écosse au sud de l’Italie ; il serait intéressant de jalonner ces s
796
it des sentiers allant du nord de l’Écosse au sud
de
l’Italie ; il serait intéressant de jalonner ces sentiers de foyers o
797
Écosse au sud de l’Italie ; il serait intéressant
de
jalonner ces sentiers de foyers où les voyageurs pourraient s’arrêter
798
; il serait intéressant de jalonner ces sentiers
de
foyers où les voyageurs pourraient s’arrêter. Voici une belle idée de
799
ageurs pourraient s’arrêter. Voici une belle idée
de
circulation à travers l’Europe — et pas seulement pour les jeunes, ca
800
ards qui marchent —, avec comme relais les foyers
de
culture. Voici ce que le Centre européen de la culture se propose de
801
e que le Centre européen de la culture se propose
de
mettre à votre disposition. En retour, il voudrait bien que chacun de
802
sposition. En retour, il voudrait bien que chacun
de
vous prenne l’habitude de lui écrire pour suggérer des actions pratiq
803
oudrait bien que chacun de vous prenne l’habitude
de
lui écrire pour suggérer des actions pratiques ou formuler des critiq
804
rmuler des critiques fécondes. On risque toujours
de
tomber dans l’abstrait ; et nous avons besoin de votre opinion pour o
805
de tomber dans l’abstrait ; et nous avons besoin
de
votre opinion pour orienter notre action d’alimentation selon vos bes
806
esoin de votre opinion pour orienter notre action
d’
alimentation selon vos besoins. Le Centre européen de la culture voudr
807
n de la culture voudrait être la plaque tournante
de
vos foyers, leur forum. Un dernier mot : on a parlé tout à l’heure de
808
forum. Un dernier mot : on a parlé tout à l’heure
de
culture populaire. Je ne crois pas qu’il y ait une culture populaire,
809
tures nationales. Il y a la culture, qu’il s’agit
d’
implanter dans des sols différents avec des méthodes qui peuvent diffé
810
universitaires. C’est une grande tâche des foyers
de
contribuer à effacer cette distinction, à faire que le mot « Culture
811
aire que le mot « Culture » ne soit plus synonyme
d’
académisme, de propriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’
812
t « Culture » ne soit plus synonyme d’académisme,
de
propriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’ils coopèrent
813
s synonyme d’académisme, de propriété bourgeoise,
de
luxe intellectuel. Il faut qu’ils coopèrent dans un effort général po
814
ort général pour donner au mot culture un contenu
de
vitalité humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir, de liberté.
815
er au mot culture un contenu de vitalité humaine,
de
création, d’ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu une
816
ture un contenu de vitalité humaine, de création,
d’
ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu une lettre parlan
817
humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir,
de
liberté. Hier, j’ai reçu une lettre parlant des foyers où l’on disait
818
t que je vous la retransmettrai. Je ne veux faire
de
peine à personne, mais les maisons de culture sont là pour « bâtir l’
819
veux faire de peine à personne, mais les maisons
de
culture sont là pour « bâtir l’Europe », non pour organiser les tourn
820
bâtir l’Europe », non pour organiser les tournois
de
ping-pong. Elles sont là pour des activités récréatives, bien entendu
821
surtout pour des activités créatrices, créatrices
de
quoi ? d’hommes à la fois libres et responsables ! Je voudrais que vo
822
ur des activités créatrices, créatrices de quoi ?
d’
hommes à la fois libres et responsables ! Je voudrais que vous soyez t
823
ais que vous soyez très ambitieux pour vos foyers
de
culture, et très ambitieux sur ce terme de culture, car, à mon sens,
824
foyers de culture, et très ambitieux sur ce terme
de
culture, car, à mon sens, l’Europe de demain, l’Europe unie, vaudra e
825
ur ce terme de culture, car, à mon sens, l’Europe
de
demain, l’Europe unie, vaudra exactement ce que vaudront ces centaine
826
ent ce que vaudront ces centaines et ces milliers
de
Foyers de Culture dont vous représentez un grand nombre. Je dirai, en
827
vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers
de
Culture dont vous représentez un grand nombre. Je dirai, en terminant
828
urtout depuis que je vous ai vus approuver ce mot
de
Communauté. i. Rougemont Denis de, « Les foyers de culture et l’Eu
829
ouver ce mot de Communauté. i. Rougemont Denis
de
, « Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Eu
830
ommunauté. i. Rougemont Denis de, « Les foyers
de
culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octo
831
« Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers
de
culture et l’Europe (Reims, octobre 1952), Paris, Mouvement européen
832
emont réagit (14 novembre 1952)k Sous ce titre
de
« La Suisse et l’Europe », notre collaborateur M. René-Henri Wüst a r
833
rsonnelles qu’y exprimait l’éminent interlocuteur
de
notre confrère ont ouvert la porte à un vaste débat sur ce sujet de l
834
ont ouvert la porte à un vaste débat sur ce sujet
de
la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son éga
835
à un vaste débat sur ce sujet de la constitution
de
l’Europe et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de
836
at sur ce sujet de la constitution de l’Europe et
de
la position de notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, dire
837
de la constitution de l’Europe et de la position
de
notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, directeur du Centre
838
européen de la culture, se sentant en sa qualité
d’
« européaniste » visé par les déclarations du professeur Rappard, a ex
839
rations du professeur Rappard, a exprimé le désir
de
présenter son point de vue qui s’oppose totalement à celui du directe
840
vue qui s’oppose totalement à celui du directeur
de
l’Institut de hautes études internationales. Voici les propos que nou
841
ose totalement à celui du directeur de l’Institut
de
hautes études internationales. Voici les propos que nous avons recuei
842
ici les propos que nous avons recueillis au cours
d’
un entretien avec M. de Rougemont. Laissez-moi commencer par dire que
843
réconise, ce n’est certes pas une européanisation
de
la Suisse, mais bien au contraire une helvétisation de l’Europe, c’es
844
Suisse, mais bien au contraire une helvétisation
de
l’Europe, c’est-à-dire d’une Europe qui s’inspirerait de l’expérience
845
raire une helvétisation de l’Europe, c’est-à-dire
d’
une Europe qui s’inspirerait de l’expérience fédéraliste suisse. Or, c
846
rope, c’est-à-dire d’une Europe qui s’inspirerait
de
l’expérience fédéraliste suisse. Or, ce qu’a déclaré M. Rappard me to
847
ervi et voici qu’il paraît renier les conclusions
de
la plupart de ses ouvrages ; c’est pourquoi après cette interview, je
848
ès cette interview, je pense qu’il est nécessaire
de
montrer nettement le point de vue de ceux qui croient à l’Europe. Si
849
t nécessaire de montrer nettement le point de vue
de
ceux qui croient à l’Europe. Si vous le voulez bien, nous pourrions r
850
n, nous pourrions reprendre les principaux points
de
l’argumentation de M. Rappard, dans l’ordre où il les a énumérés lui-
851
eprendre les principaux points de l’argumentation
de
M. Rappard, dans l’ordre où il les a énumérés lui-même. « Je ne crois
852
lus acharnés ont reconnu qu’il n’était plus temps
de
s’interroger sur son opportunité, mais bien de traiter avec elle. La
853
ps de s’interroger sur son opportunité, mais bien
de
traiter avec elle. La petite Europe est faite depuis que le 13 septem
854
mait le professeur Rappard, qui ajoutait : L’idée
d’
une fédération européenne est maintenant une idée américaine, qui aura
855
-Europe du comte Coudenhove-Kalergi, et le projet
de
Briand de 1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est
856
comte Coudenhove-Kalergi, et le projet de Briand
de
1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est qu’il sem
857
’il présidait la commission économique du Congrès
de
l’Europe tenu à La Haye en 1948, préparé par la conférence de Montreu
858
tenu à La Haye en 1948, préparé par la conférence
de
Montreux de 1947. Avant que l’administrateur du plan Marshall ait pro
859
ye en 1948, préparé par la conférence de Montreux
de
1947. Avant que l’administrateur du plan Marshall ait prononcé son di
860
ait prononcé son discours, donc avant que l’idée
d’
une fédération européenne soit devenue américaine, M. Rappard avait en
861
ncore été un des délégués suisses à la conférence
de
Londres, en 1949. Ainsi donc, et sans remonter à Henri IV ou à Victor
862
Henri IV ou à Victor Hugo, on trouve suffisamment
d’
éléments, et dans l’activité même du directeur de l’Institut des haute
863
d’éléments, et dans l’activité même du directeur
de
l’Institut des hautes études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n
864
itut des hautes études, pour démontrer que l’idée
de
l’Europe n’a pas attendu les Américains, pas plus que la mise en plac
865
ndu les Américains, pas plus que la mise en place
de
la Haute Autorité qui en est la première réalisation. Oui, mais… l
866
la première réalisation. Oui, mais… le rideau
de
fer ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’a séparée
867
, mais… le rideau de fer ? Mais hélas ! il est
de
fait que le rideau de fer l’a séparée en deux… N’allez pas plus loin,
868
er ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau
de
fer l’a séparée en deux… N’allez pas plus loin, je connais l’antienne
869
plus loin, je connais l’antienne ! Non, le rideau
de
fer ne nous a pas séparés en deux de la façon dont on voudrait nous l
870
n, le rideau de fer ne nous a pas séparés en deux
de
la façon dont on voudrait nous le faire croire. Premièrement, on peut
871
us êtes-vous demandé quelles sont les proportions
de
cette séparation ? De ce côté-ci du fameux rideau, nous sommes quelqu
872
uelles sont les proportions de cette séparation ?
De
ce côté-ci du fameux rideau, nous sommes quelque 320 millions, tandis
873
ndis qu’il n’y en a pas quatre-vingt-dix-millions
de
l’autre… Soit. Mais ces 320 millions avec lesquels vous voulez faire
874
vec lesquels vous voulez faire l’Europe n’ont pas
de
traditions communes ou d’impérieuses raisons de s’unir, comme en avai
875
aire l’Europe n’ont pas de traditions communes ou
d’
impérieuses raisons de s’unir, comme en avaient ceux qui ont fait la S
876
s de traditions communes ou d’impérieuses raisons
de
s’unir, comme en avaient ceux qui ont fait la Suisse moderne. Ah ! ou
877
ssait » protestants et catholiques sur les champs
de
bataille de Villmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l
878
estants et catholiques sur les champs de bataille
de
Villmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l’Allemagne e
879
ons-villes et les cantons-campagnes : qu’y a-t-il
de
commun entre Genève et Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « miracle sui
880
ue tout s’opposait, humainement, à la réalisation
de
cette confédération ? Alors, pourquoi pas l’Europe ? Les Européens n’
881
emps de la prépondérance grecque, puis à l’Empire
de
Rome, on constate qu’elle avait déjà deux-mille ans d’existence quand
882
me, on constate qu’elle avait déjà deux-mille ans
d’
existence quand les montagnards des trois pays firent alliance en 1291
883
cette Europe ne connaît même pas encore un début
de
véritable réalisation ». Mais c’est nier l’évidence même, et je le ré
884
naturel, souhaitable, heureux que nous discutions
de
projets tels que les plans Marshall, Schuman ou Pflimlin… Comment pou
885
ou Pflimlin… Comment pouvez-vous parler du projet
de
plan Marshall puisque la réalisation de celui-ci est déjà achevée ? C
886
du projet de plan Marshall puisque la réalisation
de
celui-ci est déjà achevée ? C’est du passé le plan Marshall ! Quant a
887
euvent nous laisser indifférents, et ce sont ceux
de
notre économie, puisque, comme le note M. Rappard, notre commerce ext
888
e représentait l’an dernier que le 40 % du volume
de
nos échanges. C’est donc, de la part de M. Rappard, juger de la viabi
889
nges. C’est donc, de la part de M. Rappard, juger
de
la viabilité de l’Europe d’après le volume des échanges de la Suisse
890
, de la part de M. Rappard, juger de la viabilité
de
l’Europe d’après le volume des échanges de la Suisse ! Mais à notre p
891
bilité de l’Europe d’après le volume des échanges
de
la Suisse ! Mais à notre point de vue, ce 40 % est-il vraiment si nég
892
ue qui se partagent avec la Scandinavie, les pays
de
l’Est, la péninsule Ibérique, l’Amérique du Sud, l’Égypte et les pays
893
l’Égypte et les pays asiatiques, le 60 % restant
de
notre commerce extérieur ? Et je ne vois vraiment pas pourquoi, si la
894
solidifie toujours plus, la Suisse serait coupée
de
tout accès à la mer et réduite à l’état de province enclavée. Sur quo
895
coupée de tout accès à la mer et réduite à l’état
de
province enclavée. Sur quoi, le professeur Rappard fonde-t-il cette d
896
éclaration, je ne le comprends pas, et l’argument
de
cette finis Helvetiae me semble un rien démagogique. Non, rien ne ser
897
ardons un contact actif au lieu de nous contenter
de
traiter de chimère ce plan qui est entré maintenant dans sa phase de
898
ontact actif au lieu de nous contenter de traiter
de
chimère ce plan qui est entré maintenant dans sa phase de réalisation
899
re ce plan qui est entré maintenant dans sa phase
de
réalisation. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux
900
e réalisation. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés
de
la mer et de ceux qui furent toujours à travers l’histoire nos grands
901
. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et
de
ceux qui furent toujours à travers l’histoire nos grands amis politiq
902
re nos grands amis politiques, nous risquons fort
de
perdre notre autonomie extérieure ? Quels sont, à travers l’histoire,
903
Quels sont, à travers l’histoire, nos grands amis
de
toujours ? L’Angleterre et les États-Unis ? Vraiment, voilà qui surpr
904
e-Uni ait joué un grand rôle dans la constitution
de
la Suisse, ou que l’Amérique du Nord ait eu une grande influence sur
905
du Nord ait eu une grande influence sur le cours
de
notre histoire. Et si cela était, et si comme le prétend M. Rappard l
906
a était, et si comme le prétend M. Rappard l’idée
de
cette fédération européenne est une idée américaine, notre adhésion à
907
ser sincèrement prétendre que nous serions isolés
d’
eux, même sur le plan économique ? Et sa comparaison d’un Sonderbund e
908
, même sur le plan économique ? Et sa comparaison
d’
un Sonderbund européen me semble tout aussi erronée. Cette fédération
909
nt assurément dans leur passé singulièrement plus
de
raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondr
910
nt dans leur passé singulièrement plus de raisons
de
se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une se
911
singulièrement plus de raisons de se redouter et
de
se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune
912
us de raisons de se redouter et de se méfier… que
de
s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune, constate M. Rapp
913
de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et
de
se fondre en une seule patrie commune, constate M. Rappard. Eh ! oui.
914
Un grand économiste anglais, Josiah Tucker, doyen
de
Gloucester, n’écrivait-il pas un an avant l’adoption par les États-Un
915
-il pas un an avant l’adoption par les États-Unis
de
leur constitution fédérale que « L’idée que l’Amérique pourrait deven
916
beaucoup plus illusoire que toutes les inventions
d’
un romancier. Les antipathies réciproques et les intérêts contradictoi
917
c’est qu’ils ne pourront jamais trouver un centre
d’
union et un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rap
918
d’union et un seul intérêt commun » ! Et dans un
de
ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’ironie qu’i
919
dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas
de
relever, avec l’ironie qu’il faut, quelques prédictions identiques de
920
ronie qu’il faut, quelques prédictions identiques
de
Cherbuliez ou de Pyrame de Candolle… Renoncer à notre neutralité ?
921
quelques prédictions identiques de Cherbuliez ou
de
Pyrame de Candolle… Renoncer à notre neutralité ? Reste le prob
922
prédictions identiques de Cherbuliez ou de Pyrame
de
Candolle… Renoncer à notre neutralité ? Reste le problème de no
923
enoncer à notre neutralité ? Reste le problème
de
notre neutralité dans une fédération européenne ? Reconnaissons qu’à
924
éenne ? Reconnaissons qu’à suivre les suggestions
de
M. Rappard, elle courrait un grave danger. Ne dit-il pas en effet : «
925
l pas en effet : « Au lieu d’isoler quelques pays
de
l’Europe continentale (face au péril bolchévique) de leurs alliés nat
926
l’Europe continentale (face au péril bolchévique)
de
leurs alliés naturels d’outre-Manche et d’outre-mer, en cherchant à e
927
ce au péril bolchévique) de leurs alliés naturels
d’
outre-Manche et d’outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même
928
vique) de leurs alliés naturels d’outre-Manche et
d’
outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même patrie, ne vaudra
929
lité. Or, la neutralité ne doit pas nous empêcher
de
collaborer ; mais pourquoi renoncerions-nous à cet avantage, et contr
930
demande ? Encore une fois, non. Il ne s’agit pas
de
renoncer à cette neutralité, mais il ne faut pas non plus qu’elle nou
931
mais il ne faut pas non plus qu’elle nous empêche
de
collaborer sur le plan européen. À nous de rechercher une adaptation.
932
mpêche de collaborer sur le plan européen. À nous
de
rechercher une adaptation. Mais ce que je trouve le plus étonnant dan
933
je trouve le plus étonnant dans ces déclarations
de
M. Rappard, c’est précisément que sa conclusion est en contradiction
934
ec tout ce qui a précédé, puisqu’il ne craint pas
d’
inclure l’alliance militaire. Mais il a raison d’insister sur le fait
935
d’inclure l’alliance militaire. Mais il a raison
d’
insister sur le fait que ces problèmes sont vitaux pour notre pays, et
936
isse : nul mieux que lui ne sait que les intérêts
de
la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Europe. Ainsi prend
937
s intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés
de
ceux de l’Europe. Ainsi prend fin cet entretien dont nous avons essay
938
ts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux
de
l’Europe. Ainsi prend fin cet entretien dont nous avons essayé de ren
939
si prend fin cet entretien dont nous avons essayé
de
rendre compte aussi fidèlement que possible. k. Rougemont Denis d
940
i fidèlement que possible. k. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit »
941
s’est manifestement glissée ici, le projet Briand
d’
union européenne ayant été présenté à la SDN en 1929.
942
Grandeur
de
la Petite Europe (5 décembre 1952)m Je vais partout disant que l’E
943
ciel : — Quoi ! me dit-on, mais l’Europe, cela va
de
Moscou à Gibraltar, et du Cap Nord aux Dardanelles ! De cette Europe,
944
cou à Gibraltar, et du Cap Nord aux Dardanelles !
De
cette Europe, vous commencez par laisser une moitié derrière le ridea
945
mmencez par laisser une moitié derrière le rideau
de
fer. De la moitié restante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore q
946
par laisser une moitié derrière le rideau de fer.
De
la moitié restante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore que quinz
947
spagne, sans l’Autriche et sans la Suisse. Enfin,
de
cette « Europe-croupion », déjà privée de son Est, de son extrême-Oue
948
Enfin, de cette « Europe-croupion », déjà privée
de
son Est, de son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen
949
ette « Europe-croupion », déjà privée de son Est,
de
son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen d’exclure l
950
, déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest et
de
son Centre, vous trouvez le moyen d’exclure les Scandinaves, la Grand
951
ême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen
d’
exclure les Scandinaves, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce et la
952
après toutes ces amputations, vous avez le front
de
dire que c’est l’Europe ? — Oui, j’ai cette conviction et je m’expliq
953
vous faites une erreur en répétant que le rideau
de
fer coupe notre Europe par le milieu. Car vous avez à l’est du rideau
954
ieu. Car vous avez à l’est du rideau, 88 millions
d’
habitants, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu plus
955
millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu plus
d’
un cinquième des Européens que nous perdons, provisoirement, du côté e
956
provisoirement, du côté est. Et le meilleur moyen
de
les ramener parmi nous sera sans doute de créer un noyau dense et ric
957
r moyen de les ramener parmi nous sera sans doute
de
créer un noyau dense et riche d’Europe unie, qui exercera sur eux une
958
sera sans doute de créer un noyau dense et riche
d’
Europe unie, qui exercera sur eux une puissante attraction. Ensuite, a
959
. Ensuite, avez-vous bien compté que les six pays
de
la Haute Autorité font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’ha
960
la Haute Autorité font tous ensemble un peu plus
de
155 millions d’habitants ? Si vous appelez ce groupe la « Petite Euro
961
té font tous ensemble un peu plus de 155 millions
d’
habitants ? Si vous appelez ce groupe la « Petite Europe », disait l’a
962
i des petits États-Unis qui ont tout juste autant
d’
habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. V
963
ts-Unis qui ont tout juste autant d’habitants, ou
de
la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez
964
illions de plus. Vous me répondrez que le nombre
d’
habitants ne fait pas tout. Et, en effet, Paul Valéry faisait remarque
965
ait remarquer que si l’on mettait dans un plateau
de
la balance l’Empire des Indes, dans l’autre le Royaume-Uni, le platea
966
yaume-Uni, le plateau chargé du plus petit nombre
d’
habitants pencherait. Il faut donc tenir compte des richesses naturell
967
aut donc tenir compte des richesses naturelles et
de
la production matérielle. Or, on peut vérifier facilement que pour la
968
ier facilement que pour la production du charbon,
de
l’acier et de l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissan
969
que pour la production du charbon, de l’acier et
de
l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissance du monde :
970
e après les USA, bien avant l’URSS même augmentée
de
ses satellites. Allons plus loin. Les chiffres et les statistiques n’
971
ys que groupe la Haute Autorité forment une unité
de
civilisation et culture inégalée dans le monde moderne. Ils ont fait
972
des siècles et grâce à leurs échanges continuels
d’
idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui com
973
cles et grâce à leurs échanges continuels d’idées
de
procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans
974
à leurs échanges continuels d’idées de procédés,
de
maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans la peinture,
975
ges continuels d’idées de procédés, de maîtres et
de
disciples, presque tout ce qui compte dans la peinture, dans la musiq
976
Et les plus grandes philosophies. Le rayonnement
de
leurs écoles d’art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Pet
977
ndes philosophies. Le rayonnement de leurs écoles
d’
art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Petite Europe ? » L
978
osophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art et
de
pensée s’étend sur la planète entière. « Petite Europe ? » La Sibérie
979
ajouté à ces gloires, ni que les Six aient décidé
de
vivre désormais dans un vase clos. La « Petite Europe » a cherché son
980
malgré l’hostilité, la méfiance ou l’indifférence
de
ses voisins et frères en civilisation. Ceux-ci seraient donc bien mal
981
être assez grande pour leur laisser tout le temps
de
réfléchir et de recalculer leurs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont
982
e pour leur laisser tout le temps de réfléchir et
de
recalculer leurs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont répétant qu’un
983
ation plus étendue, ils ont contre eux les leçons
de
l’Histoire entière et tous les exemples vécus par trois-mille-cinq-ce
984
les exemples vécus par trois-mille-cinq-cents ans
de
civilisation occidentale, États-Unis inclus. J’y reviendrai. m. Ro
985
nis inclus. J’y reviendrai. m. Rougemont Denis
de
, « Grandeur de la Petite Europe », La IVe République des Pyrénées, Pa
986
reviendrai. m. Rougemont Denis de, « Grandeur
de
la Petite Europe », La IVe République des Pyrénées, Pau, 5 décembre 1
987
orté l’an dernier par l’Exposition internationale
de
photographies de scène, pour lui accorder dès le départ son patronage
988
par l’Exposition internationale de photographies
de
scène, pour lui accorder dès le départ son patronage et son appui pra
989
i pratique. Il salue cette année l’épanouissement
de
cette initiative. Si la musique reste une création spécifique de l’Eu
990
tive. Si la musique reste une création spécifique
de
l’Europe, le théâtre est un langage mondial, mais qui exprime mieux q
991
qui exprime mieux que tout autre le rythme intime
d’
une civilisation. Le décor a pris en Europe, depuis la Renaissance ita
992
Enfin, l’art photographique dérive non seulement
de
nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une expo
993
hique dérive non seulement de nos techniques mais
de
cinq siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scè
994
seulement de nos techniques mais de cinq siècles
de
peinture occidentale. Une exposition de photos de scène accomplissant
995
q siècles de peinture occidentale. Une exposition
de
photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musiq
996
de peinture occidentale. Une exposition de photos
de
scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musique offre d
997
on de photos de scène accomplissant le pèlerinage
de
nos festivals de musique offre donc un instantané saisissant de l’éta
998
cène accomplissant le pèlerinage de nos festivals
de
musique offre donc un instantané saisissant de l’état présent des art
999
ls de musique offre donc un instantané saisissant
de
l’état présent des arts en Occident. Une dizaine de pays prennent par
1000
l’état présent des arts en Occident. Une dizaine
de
pays prennent part à ce concours. Belle occasion pour les auteurs et
1001
tteurs en scène, les photographes et les peintres
de
méditer non seulement sur leur métier propre, mais sur les surprises
1002
laboration. Belle occasion aussi, pour le public,
de
prendre conscience de ce fait que l’art n’est pas le produit d’une na
1003
sion aussi, pour le public, de prendre conscience
de
ce fait que l’art n’est pas le produit d’une nation mais de toute une
1004
science de ce fait que l’art n’est pas le produit
d’
une nation mais de toute une culture, — ici l’européenne. Quelques gra
1005
que l’art n’est pas le produit d’une nation mais
de
toute une culture, — ici l’européenne. Quelques grands thèmes ou arch
1006
l’Hamlet du Piccolo Teatro ; comparez-le à celui
de
John Gielgud ; voyez le Don Juan de Munich, comparez-le à celui d’Aix
1007
voyez le Don Juan de Munich, comparez-le à celui
d’
Aix, comme on peut comparer dans nos musées l’évolution d’un grand suj
1008
omme on peut comparer dans nos musées l’évolution
d’
un grand sujet au cours des âges, de l’Italie aux Pays-Bas, puis à la
1009
s l’évolution d’un grand sujet au cours des âges,
de
l’Italie aux Pays-Bas, puis à la France, puis à l’Allemagne — et vous
1010
puis à l’Allemagne — et vous verrez l’unité vraie
de
notre Europe : celle qui se réalise dans la diversité des langages, d
1011
er, pour les nouveaux départs que le monde attend
de
nous. n. Rougemont Denis de, « [Préface] Photo + scène », Photo +
1012
ue le monde attend de nous. n. Rougemont Denis
de
, « [Préface] Photo + scène », Photo + scène : deuxième exposition in
1013
hoto + scène : deuxième exposition internationale
de
photographie de théâtre, Illertissen, Sittler & Federmann, 1953,
1014
euxième exposition internationale de photographie
de
théâtre, Illertissen, Sittler & Federmann, 1953, p. 1-3. o. Non
1015
Rudolf Kassner (1953)p Ces premiers textes
de
Kassner, lus en français dans une précieuse et simple traduction (de
1016
français dans une précieuse et simple traduction (
de
Jean Paulhan et Bernard Groethuysen, mais non signée)6, lorsque j’ess
1017
Groethuysen, mais non signée)6, lorsque j’essaie
de
me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot m
1018
gnée)6, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce
de
choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : auto
1019
un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant
d’
avoir compris ce qui était dit, j’avais reconnu la grandeur d’un ton,
1020
ris ce qui était dit, j’avais reconnu la grandeur
d’
un ton, d’un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière « d’occup
1021
était dit, j’avais reconnu la grandeur d’un ton,
d’
un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper la scèn
1022
j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style,
d’
une impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper la scène » en trois
1023
style, d’une impatience rigoureuse. Une manière «
d’
occuper la scène » en trois répliques, d’imposer une allure à la fois
1024
anière « d’occuper la scène » en trois répliques,
d’
imposer une allure à la fois calme et circonspecte, n’admettant que de
1025
dmettant que des gestes précis et maîtrisés, puis
de
la briser soudain par une cascade d’ellipses saisissantes qui laissai
1026
trisés, puis de la briser soudain par une cascade
d’
ellipses saisissantes qui laissaient le lecteur pantois, comme l’antiq
1027
: devine, ou je te dévore ! Une constante énergie
de
l’énoncé. Et une grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensai
1028
onstante énergie de l’énoncé. Et une grande force
d’
exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent encore exclure avec
1029
ntolérance instantanée à l’égard du doute faible,
de
l’adjectif incertain, et en général des complaisances « artistes » ou
1030
réflexion passionnément originale. Et je tentais
de
décrire — dans le premier article, je crois bien, publié en France su
1031
, publié en France sur Kassner — « l’acuité lente
de
la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié h
1032
’acuité lente de la réflexion, l’alliage précieux
de
hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennell
1033
e de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur,
de
rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui s
1034
ion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et
de
pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse frôl
1035
mposaient au sens magique du mot, les « charmes »
de
cette prose et son autorité. Telle fut ma première impression. Vingt
1036
re dont la difficulté, précisément, n’a pas cessé
de
me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer
1037
ire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal
de
déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pou
1038
l de déplorer l’obscurité des essais et dialogues
de
Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait
1039
alogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie
de
leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention pr
1040
tention profondément délibérée. Car il s’agit ici
d’
une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à
1041
t ici d’une maïeutique, s’exerçant sur les mythes
de
l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes », et c’ét
1042
ur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure
d’
ellipses « saisissantes », et c’était au sens littéral, non pathétique
1043
s », et c’était au sens littéral, non pathétique,
de
l’adjectif. L’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner, un pro
1044
ittéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse
de
pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une m
1045
pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé
de
rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitudes intermé
1046
ez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière
de
sauter les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte d
1047
es ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte
de
vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plusieurs obje
1048
tume sépare, non seulement elle oblige à les voir
d’
un œil neuf, mais encore elle excite à découvrir l’angle particulier s
1049
ir, proches ou confondues, son auteur. (Cet angle
de
vision étant son vrai « message ».) Elle propose donc à l’imagination
1050
qu’imposent aux néophytes les moines bouddhistes
de
la secte du zen. Le thème profond, omniprésent, de l’œuvre, c’est le
1051
e la secte du zen. Le thème profond, omniprésent,
de
l’œuvre, c’est le problème du Dieu-homme, d’où naît celui de la perso
1052
ent, de l’œuvre, c’est le problème du Dieu-homme,
d’
où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambig
1053
c’est le problème du Dieu-homme, d’où naît celui
de
la personne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fût, e
1054
homme, d’où naît celui de la personne, générateur
de
l’Occident. Problème ambigu s’il en fût, et qui échappe par définitio
1055
on à la pensée systématique et discursive : point
de
réponse rationnelle au « cur deus homo » de saint Anselme. Kassner gr
1056
point de réponse rationnelle au « cur deus homo »
de
saint Anselme. Kassner gravite autour de ce mystère, l’approche par l
1057
ite autour de ce mystère, l’approche par le moyen
de
paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disp
1058
ce mystère, l’approche par le moyen de paraboles,
de
questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qu
1059
approche par le moyen de paraboles, de questions,
de
comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordon
1060
oyen de paraboles, de questions, de comparaisons.
De
quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ?
1061
qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens
de
poésie, c’est-à-dire d’âme. « La faculté principale de l’âme est de c
1062
ette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire
d’
âme. « La faculté principale de l’âme est de comparer » remarque Monte
1063
ésie, c’est-à-dire d’âme. « La faculté principale
de
l’âme est de comparer » remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui
1064
-dire d’âme. « La faculté principale de l’âme est
de
comparer » remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui fait ordinai
1065
ombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout
d’
un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. »
1066
nt, tour à tour, à l’expression la plus virulente
de
sa vérité, et chacun nous convainc si bien que la conclusion ne saura
1067
moderne, ou les grandes intuitions tautologiques
de
l’Inde : par leurs images plutôt que leurs concepts ; sans conclusion
1068
ue leurs concepts ; sans conclusion. Mais l’angle
de
vision s’est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente ve
1069
, s’oriente vers le mystère crucial. S’agirait-il
d’
une théologie ? Certainement non. Kassner veut voir. D’une gnose alors
1070
théologie ? Certainement non. Kassner veut voir.
D’
une gnose alors ? On pourrait le penser. Mais ceux qui se font de la p
1071
rs ? On pourrait le penser. Mais ceux qui se font
de
la poésie une idée finalement plus favorable au « Livre de Job » et a
1072
sie une idée finalement plus favorable au « Livre
de
Job » et aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtr
1073
reconnaîtront dans les dialogues et les paraboles
de
Kassner son irréfutable présence. 6. Les Éléments de la grandeur h
1074
sner son irréfutable présence. 6. Les Éléments
de
la grandeur humaine, Paris, Gallimard, 1931, Collection blanche, 222
1075
schienenen Werke Rudolf Kassners : « Des éléments
de
la grandeur humaine », « La chimère », « Le lépreux », « Le Christ et
1076
vidu et l’homme collectif ». p. Rougemont Denis
de
, « Rudolf Kassner », Rudolf Kassner zum achtzigsten Geburtstag, Zuric
1077
ans le commencement (janvier 1953)q r Les fins
d’
une civilisation ne sont pas visibles à son terme, et rien ne se passe
1078
on meurt, c’est justement qu’elle a perdu le sens
de
ses fins ou qu’elle renonce à les saisir. De même, les origines d’une
1079
’elle renonce à les saisir. De même, les origines
d’
une civilisation ne doivent pas être recherchées dans son passé le plu
1080
lles ne sont saisissables que dans la dialectique
de
ses succès et de ses échecs, c’est-à-dire dans les moments mêmes où s
1081
issables que dans la dialectique de ses succès et
de
ses échecs, c’est-à-dire dans les moments mêmes où ses fins deviennen
1082
sans oublier que l’inverse est aussi vrai. Ainsi
de
l’Europe, qui est une culture, foyer de toute la civilisation occiden
1083
ai. Ainsi de l’Europe, qui est une culture, foyer
de
toute la civilisation occidentale : ni dans le temps ni dans l’espace
1084
, car au contraire de ce que l’on pourrait croire
de
la plupart des civilisations antiques, asiatiques, précolombiennes ou
1085
asiatiques, précolombiennes ou africaines, celle
de
l’Europe ne saurait être interprétée ni définie par un ensemble de me
1086
urait être interprétée ni définie par un ensemble
de
mesures sacrées, encore moins par quelque système rendant compte de s
1087
, encore moins par quelque système rendant compte
de
son unité. Si l’on veut établir son passeport pour l’Histoire, les do
1088
atéralement antagonistes. L’Europe est le produit
de
ces antagonismes, convergeant au carrefour hasardeux d’une Histoire n
1089
antagonismes, convergeant au carrefour hasardeux
d’
une Histoire née comme telle de trois mots du Credo : « sous Ponce Pil
1090
arrefour hasardeux d’une Histoire née comme telle
de
trois mots du Credo : « sous Ponce Pilate ». Les Pères ne savaient pa
1091
Pilate ». Les Pères ne savaient pas que le dogme
de
l’incarnation — c’est-à-dire du vrai Dieu et vrai homme à la fois — f
1092
oute la logique antinomique, dont l’un des points
d’
éclatement naturel (ou diabolique) serait un jour Hiroshima ; ni que l
1093
lique) serait un jour Hiroshima ; ni que le dogme
de
la Trinité — trois fonctions personnelles en un seul Créateur — fonda
1094
ns juridiques, éthiques et sociales qui découlent
de
l’idée de personne à la fois libre et responsable, distincte et relié
1095
ues, éthiques et sociales qui découlent de l’idée
de
personne à la fois libre et responsable, distincte et reliée, unique
1096
versait tout) se trouva définir, aux grands jours
de
Nicée, le type de réalité que des siècles d’Europe entreprendraient d
1097
rouva définir, aux grands jours de Nicée, le type
de
réalité que des siècles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou
1098
ours de Nicée, le type de réalité que des siècles
d’
Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaître, même quand
1099
réalité que des siècles d’Europe entreprendraient
de
« vérifier » ou de reconnaître, même quand ils essaieraient de l’élim
1100
cles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou
de
reconnaître, même quand ils essaieraient de l’éliminer. Tant il est v
1101
» ou de reconnaître, même quand ils essaieraient
de
l’éliminer. Tant il est vrai que les polémiques sur le principe de co
1102
nt il est vrai que les polémiques sur le principe
de
contradiction et le tiers exclus sans lesquelles les recherches nuclé
1103
otype ou, pour mieux dire : la décisive épiphanie
de
leur archétype. La réalité se définit, pour une civilisation donnée,
1104
finit, pour une civilisation donnée, par le champ
de
recherches qu’instituent certaines options fondamentales : pour l’Ori
1105
oir la nature agonique, et non point rationnelle,
de
la recherche, de la création ou de la connaissance dite scientifique.
1106
nique, et non point rationnelle, de la recherche,
de
la création ou de la connaissance dite scientifique. La complicité fo
1107
t rationnelle, de la recherche, de la création ou
de
la connaissance dite scientifique. La complicité fondamentale du suje
1108
entifique. La complicité fondamentale du sujet et
de
l’anti-sujet affrontés, et leur interaction antinomique, nous apparai
1109
omique, nous apparaissent dans le détail très fin
de
toutes nos sciences, de la logique mathématique à la médecine et de l
1110
t dans le détail très fin de toutes nos sciences,
de
la logique mathématique à la médecine et de la physique à la psycholo
1111
nces, de la logique mathématique à la médecine et
de
la physique à la psychologie. Rien n’existe, au sens fort, en dehors
1112
lutte, dont le réel figure la résultante. Au-delà
de
tout idéalisme ou réalisme, de tout spiritualisme ou matérialisme, le
1113
ésultante. Au-delà de tout idéalisme ou réalisme,
de
tout spiritualisme ou matérialisme, le réel vivant — faut-il dire le
1114
insi comme la frontière (au sens Far West du mot)
de
deux systèmes énergétiques qui sont comme l’ombre l’une de l’autre et
1115
ystèmes énergétiques qui sont comme l’ombre l’une
de
l’autre et dont l’affrontement ou l’étreinte crée le jour et la nuit
1116
les aventuriers des arts, explique l’incertitude
de
leur vocabulaire. Adonnés à la même recherche, ils nous parlent tantô
1117
nnés à la même recherche, ils nous parlent tantôt
de
musique concrète ou de peinture abstraite, et les deux adjectifs sont
1118
e, ils nous parlent tantôt de musique concrète ou
de
peinture abstraite, et les deux adjectifs sont évidemment faux : on p
1119
ment contradictoires et notoirement insuffisantes
d’
un acte de l’esprit qui est pourtant bien le même, mais qu’il nous res
1120
adictoires et notoirement insuffisantes d’un acte
de
l’esprit qui est pourtant bien le même, mais qu’il nous reste à défin
1121
deux sens aussi, mais en un mot.) 2) L’éclatement
d’
une bombe H vérifie cette harmonie préétablie, ou ce mariage de notre
1122
vérifie cette harmonie préétablie, ou ce mariage
de
notre esprit et du cosmos pour le meilleur et pour le pire sans quoi
1123
cience ne serait possible. Cette même possibilité
de
réciprocité créatrice ou conformatrice se trouve justifier, par aille
1124
ice se trouve justifier, par ailleurs, l’ambition
d’
une peinture dite abstraite, ambition qui n’est point ou ne doit pas ê
1125
mbition qui n’est point ou ne doit pas être celle
de
coïncider, soit avec des structures préformées de notre esprit, soit
1126
de coïncider, soit avec des structures préformées
de
notre esprit, soit avec quelque loi formatrice du cosmos, mais d’illu
1127
soit avec quelque loi formatrice du cosmos, mais
d’
illustrer l’instant de leur amour. C’est celui de leur haine chez beau
1128
formatrice du cosmos, mais d’illustrer l’instant
de
leur amour. C’est celui de leur haine chez beaucoup de mauvais peintr
1129
d’illustrer l’instant de leur amour. C’est celui
de
leur haine chez beaucoup de mauvais peintres : on parle alors de dési
1130
hez beaucoup de mauvais peintres : on parle alors
de
désintégration — mais tout ce vocabulaire est à reprendre. 3) L’Occid
1131
appelé. Mais il est en train de franchir le seuil
d’
une connaissance nouvelle. La découverte (ou l’invention ?) de l’antim
1132
ssance nouvelle. La découverte (ou l’invention ?)
de
l’antimatière pourrait marquer symboliquement ce seuil. Rien de plus
1133
s congénial au mouvement dialectique, au complexe
de
tensions où naquit l’Occident, tout avide de systèmes qui ne l’apaise
1134
lexe de tensions où naquit l’Occident, tout avide
de
systèmes qui ne l’apaiseront jamais, qui le consument et dont il vit.
1135
e consument et dont il vit. q. Rougemont Denis
de
, « Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement »,
1136
signifié la fin des religions et des magies, nées
de
la peur, qu’il a permis le développement de la science, recherche imp
1137
nées de la peur, qu’il a permis le développement
de
la science, recherche impitoyable de la vérité. Au moment où la physi
1138
éveloppement de la science, recherche impitoyable
de
la vérité. Au moment où la physique actuelle retire à la matière ses
1139
uelle retire à la matière ses qualités classiques
de
vraie matière pour lui accorder les attributs que les matérialistes p
1140
tributs que les matérialistes pensaient être ceux
de
l’esprit, Denis de Rougemont nous rappelle, fort opportunément, que l
1141
ases : 1. Une discussion sur l’abandon volontaire
de
notre neutralité serait aujourd’hui sans objet, et nous devons donc l
1142
nc l’éviter ; 2. La neutralité ne doit pas servir
de
prétexte à la Suisse pour refuser de collaborer à l’union européenne.
1143
t pas servir de prétexte à la Suisse pour refuser
de
collaborer à l’union européenne. I En effet, pour que la Suisse
1144
re contre la Suisse, — soit une autorité fédérale
de
l’Europe à laquelle nous puissions adhérer. L’une ou l’autre de ces c
1145
laquelle nous puissions adhérer. L’une ou l’autre
de
ces conditions étant donnée entraînerait automatiquement l’abandon de
1146
ant donnée entraînerait automatiquement l’abandon
de
notre neutralité, sans qu’il y ait lieu dans discuter dans le premier
1147
s le second cas, comme une conséquence accessoire
de
notre entrée dans un corps politique plus large, entrée qui aurait ét
1148
s large, entrée qui aurait été le véritable objet
de
la discussion avant le vote populaire. Mais ni l’une ni l’autre de ce
1149
avant le vote populaire. Mais ni l’une ni l’autre
de
ces conditions n’est présente. Si nous voulions aujourd’hui renoncer
1150
ets pratiques ? Dans l’état présent des choses et
de
l’opinion publique, chez nous et dans les pays voisins, un tel geste
1151
voisins, un tel geste paraîtrait à la fois dénué
de
sagesse et d’efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce ter
1152
el geste paraîtrait à la fois dénué de sagesse et
d’
efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce terme. On ne voit
1153
d’efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens
de
ce terme. On ne voit donc pas d’objet concret à une discussion, aujou
1154
it, au pire sens de ce terme. On ne voit donc pas
d’
objet concret à une discussion, aujourd’hui, sur l’abandon de notre ne
1155
cret à une discussion, aujourd’hui, sur l’abandon
de
notre neutralité. Dans ces conditions, comment se fait-il que la ques
1156
es conditions, comment se fait-il que la question
de
la neutralité soit sans cesse reposée depuis le fin de la guerre, et
1157
neutralité soit sans cesse reposée depuis le fin
de
la guerre, et menace de devenir un sujet de discorde entre les Conféd
1158
sse reposée depuis le fin de la guerre, et menace
de
devenir un sujet de discorde entre les Confédérés ? Cela tient à deux
1159
e fin de la guerre, et menace de devenir un sujet
de
discorde entre les Confédérés ? Cela tient à deux causes bien précise
1160
ont l’impérialisme bolchévique et la construction
de
l’Europe, et à une troisième cause, intérieure celle-là, qui est la m
1161
et ses ennemis. À cela, je répondrai que le choix
de
notre peuple est fait. Le parti stalinien ne peut réunir chez nous qu
1162
lectorales. Le Conseil fédéral a pris des mesures
de
défense contre les staliniens (exclusions de fonctionnaires, actions
1163
ures de défense contre les staliniens (exclusions
de
fonctionnaires, actions légales, etc.). Si nous disions que nous rest
1164
ers à ne pas nous croire. En fait, ils ne cessent
de
répéter que la Suisse a cessé d’être neutre : si nous décidions offic
1165
, ils ne cessent de répéter que la Suisse a cessé
d’
être neutre : si nous décidions officiellement d’abandonner notre neut
1166
d’être neutre : si nous décidions officiellement
d’
abandonner notre neutralité, rien ne serait donc changé à cet égard. N
1167
é, rien ne serait donc changé à cet égard. Nombre
de
pays qui ne sont pas neutres ont fait beaucoup moins que nous pour lu
1168
est ainsi, nous dira-t-on, pourquoi refusez-vous
de
participer à la défense commune de l’Europe ? La réponse est qu’en fa
1169
i refusez-vous de participer à la défense commune
de
l’Europe ? La réponse est qu’en fait, nous sommes presque les seuls à
1170
tinent, et que nous lui consacrons une proportion
de
notre budget national beaucoup plus forte que tous les autres pays. I
1171
pays. Ici encore, on ne voit pas ce que l’abandon
de
notre neutralité pourrait changer à la situation. Tout ceci revient-i
1172
on. Tout ceci revient-il à dire que la neutralité
de
la Suisse ne pose aucune question réelle ? Certes non. Notre neutrali
1173
Certes non. Notre neutralité est devenue un objet
de
discussions par la seule faute de ceux qui s’en réclament à tout prop
1174
ent à tout propos et hors de propos, pour refuser
de
faire face à la situation concrète de l’Europe et de la Suisse en Eur
1175
our refuser de faire face à la situation concrète
de
l’Europe et de la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les p
1176
faire face à la situation concrète de l’Europe et
de
la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans de la
1177
Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans
de
la fédération européenne, les Schuman, les Spaak, les de Gasperi, les
1178
édération européenne, les Schuman, les Spaak, les
de
Gasperi, les Adenauer, qui nous ont jamais sommés de renoncer à la ne
1179
Gasperi, les Adenauer, qui nous ont jamais sommés
de
renoncer à la neutralité, mais ce sont les partisans de la neutralité
1180
oncer à la neutralité, mais ce sont les partisans
de
la neutralité-tabou qui nous somment, nous fédéralistes, de renoncer
1181
ralité-tabou qui nous somment, nous fédéralistes,
de
renoncer à toute idée de construction européenne. Ce n’est pas nous q
1182
ment, nous fédéralistes, de renoncer à toute idée
de
construction européenne. Ce n’est pas nous qui opposons fédération de
1183
péenne. Ce n’est pas nous qui opposons fédération
de
l’Europe et neutralité suisse, c’est eux. Et dès lors la neutralité d
1184
problème épineux. J’aborde ici la seconde partie
de
ma thèse. II En tant que professionnel de l’idée européenne, j’
1185
e de ma thèse. II En tant que professionnel
de
l’idée européenne, j’ai pu mesurer quotidiennement, depuis 5 ans, les
1186
culture, à Genève, s’est vu refuser toute espèce
de
subvention (en argent ou en facilités habituelles données aux institu
1187
: la première, c’est que le Centre est au service
de
l’idée européenne ; la seconde, c’est que son directeur a parlé de l’
1188
nne ; la seconde, c’est que son directeur a parlé
de
l’Europe dans son discours du 1er août 1952 à Genève (sans même prono
1189
er août 1952 à Genève (sans même prononcer le mot
de
neutralité). Il n’en a pas fallu davantage pour que le Conseil fédéra
1190
tage pour que le Conseil fédéral, puis le Conseil
d’
État de Genève, aient froidement refusé, l’un après l’autre, d’aider l
1191
ève, aient froidement refusé, l’un après l’autre,
d’
aider le Centre en aucune manière. Les prétextes allégués sont vagues,
1192
sincérité pose des problèmes. Les vraies raisons
de
ces deux refus, je le sais, sont d’un ordre psychologique bien plus e
1193
raies raisons de ces deux refus, je le sais, sont
d’
un ordre psychologique bien plus encore que politique : toute personne
1194
: toute personne physique ou morale qui s’occupe
de
l’Europe, en Suisse, se voit automatiquement « mise à l’index ». L’ar
1195
utomatiquement « mise à l’index ». L’arrière-plan
de
cette étrange mentalité, c’est la croyance en la neutralité-tabou. On
1196
éclairé restent sans prises sur l’épaisse inertie
de
pareils préjugés. J’ai cité cet exemple précis pour définir une situa
1197
er ? Je vous propose, pour aujourd’hui, une série
de
dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes d’une campagne efficace
1198
de dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes
d’
une campagne efficace : Les fédéralistes ne demandent pas l’abandon
1199
e : Les fédéralistes ne demandent pas l’abandon
de
la neutralité, mesure qui serait actuellement sans effet. Ils laissen
1200
sans effet. Ils laissent aux communistes le soin
de
verser des larmes de crocodile sur cet abandon prétendu. Ils estiment
1201
sent aux communistes le soin de verser des larmes
de
crocodile sur cet abandon prétendu. Ils estiment que la neutralité re
1202
a Suisse un atout, qu’elle ne doit pas jouer sans
d’
impérieuses raisons. Les fédéralistes rappellent que la Suisse est si
1203
la Suisse est située, géographiquement, au centre
de
l’Europe ; qu’elle a pris naissance un peu après le milieu de l’histo
1204
; qu’elle a pris naissance un peu après le milieu
de
l’histoire de l’Europe ; que son sort dépend donc à tous égards du so
1205
is naissance un peu après le milieu de l’histoire
de
l’Europe ; que son sort dépend donc à tous égards du sort de l’Europe
1206
; que son sort dépend donc à tous égards du sort
de
l’Europe. (Même si M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que d
1207
M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que
de
40 % avec les six pays du plan Schuman, nous ne sommes pas prêts à ju
1208
and on leur parlait du plan Schuman, s’inquiètent
de
le voir réalisé sans eux. Cette bonne leçon de choses doit porter. Le
1209
nt de le voir réalisé sans eux. Cette bonne leçon
de
choses doit porter. Les fédéralistes constatent que rien ne s’oppose
1210
constatent que rien ne s’oppose dans notre statut
de
neutres à des conversations avec la Haute-Autorité de Luxembourg, con
1211
méricains pour proclamer depuis 1933 la nécessité
d’
une Europe unie. Ils sont seuls à entretenir en Suisse des contacts ét
1212
l’Europe, les fédéralistes rappellent l’existence
de
15 divisions suisses (la moitié de ce que demandait Eisenhower pour t
1213
nt l’existence de 15 divisions suisses (la moitié
de
ce que demandait Eisenhower pour toute l’Europe) et la nécessité tech
1214
et la nécessité technique, pour tout état-major,
de
se concerter avec les voisins. Les fédéralistes suisses estiment que
1215
e notre constitution fédérale peut et doit servir
de
modèle pour une Europe fédérée, dans le respect des diversités nation
1216
construction, et que la vraie question n’est pas
d’
européaniser la Suisse, mais plutôt d’helvétiser l’Europe. Les fédéral
1217
n n’est pas d’européaniser la Suisse, mais plutôt
d’
helvétiser l’Europe. Les fédéralistes sont convaincus que notre neutra
1218
Europe sera fédérée : à ce moment seulement, mais
de
toute évidence, la neutralité suisse perdra toute raison d’être. Les
1219
vidence, la neutralité suisse perdra toute raison
d’
être. Les fédéralistes européens de Suisse entendent rester les porteu
1220
a toute raison d’être. Les fédéralistes européens
de
Suisse entendent rester les porteurs, parmi leurs compatriotes, de ce
1221
nt rester les porteurs, parmi leurs compatriotes,
de
cette vérité fondamentale, mais qu’une opinion somnolente et des magi
1222
es magistrats aux vues courtes s’efforcent encore
de
ne pas regarder en face : la Suisse ne sera pas sauvée si l’Europe es
1223
demain, faute de s’unir. s. Rougemont Denis
de
, « Suisse, Europe et neutralité », L’Essor, Genève, 6 mars 1953, p. 4
1224
Unité et diversité
de
l’Europe (juin 1953)t Beaucoup pensent aujourd’hui que l’Europe es
1225
uelle au Moyen Âge et elle avait atteint au début
de
ce siècle une espèce d’unité matérielle : le voyageur pouvait la trav
1226
le avait atteint au début de ce siècle une espèce
d’
unité matérielle : le voyageur pouvait la traverser de Madrid à Berlin
1227
ité matérielle : le voyageur pouvait la traverser
de
Madrid à Berlin ou d’Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni
1228
yageur pouvait la traverser de Madrid à Berlin ou
d’
Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni de passeport : la car
1229
drid à Berlin ou d’Athènes à Stockholm sans souci
de
« devises » ni de passeport : la carte de visite suffisait. Mais aujo
1230
’Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni
de
passeport : la carte de visite suffisait. Mais aujourd’hui ! Barrière
1231
s souci de « devises » ni de passeport : la carte
de
visite suffisait. Mais aujourd’hui ! Barrières douanières, quotas, vi
1232
rselle, nationalismes exacerbés par les souvenirs
de
deux guerres : où trouver dans tout cela un dénominateur commun, et q
1233
un dénominateur commun, et que venez-vous parler
d’
union, quand l’unité foncière a disparu ? Il serait fou, et il est imp
1234
e a disparu ? Il serait fou, et il est impossible
de
fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de p
1235
ou, et il est impossible de fondre nos diversités
de
langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’int
1236
t impossible de fondre nos diversités de langues,
de
religions, de nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans
1237
e fondre nos diversités de langues, de religions,
de
nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’e
1238
rsités de langues, de religions, de nationalités,
de
partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’espéranto totalita
1239
ligions, de nationalités, de partis politiques et
d’
intérêts, dans une espèce d’espéranto totalitaire… Cette vision pessim
1240
partis politiques et d’intérêts, dans une espèce
d’
espéranto totalitaire… Cette vision pessimiste de notre sort repose su
1241
d’espéranto totalitaire… Cette vision pessimiste
de
notre sort repose sur deux graves confusions. En effet, l’absence act
1242
x graves confusions. En effet, l’absence actuelle
d’
union ne signifie pas que l’unité millénaire de l’Europe n’existe plus
1243
le d’union ne signifie pas que l’unité millénaire
de
l’Europe n’existe plus. Ensuite, il faudrait distinguer entre nos div
1244
duit nos vraies richesses, et la meilleure raison
de
nous fédérer, c’est que seule l’union fédérale peut les sauver et les
1245
es sauver et les garantir dans notre siècle. Mais
d’
où proviennent ces confusions courantes ? Ce qui fausse notre optique
1246
enu plus tard l’esprit nationaliste, pour aboutir
de
nos jours à l’esprit totalitaire, nous a fait croire que l’unité et l
1247
t sacrées ; et qu’en conséquence l’union fédérale
de
nos pays, sauvegardant leurs diversités, était une rêverie condamnabl
1248
diversités, était une rêverie condamnable doublée
d’
une erreur de logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un
1249
tait une rêverie condamnable doublée d’une erreur
de
logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un exemple bien
1250
able doublée d’une erreur de logique. Il est aisé
de
répondre à ces sophismes par un exemple bien connu, et par un rappel
1251
ique ou non, la Suisse existe, réfutation vivante
de
toutes les théories nationalo-totalitaires. Et l’histoire nous enseig
1252
pendant un siècle et demi sur les deux-mille ans
de
notre ère. Le phénomène de la nation fermée, imposant la limite d’une
1253
sur les deux-mille ans de notre ère. Le phénomène
de
la nation fermée, imposant la limite d’une langue à des réalités tout
1254
phénomène de la nation fermée, imposant la limite
d’
une langue à des réalités toutes différentes, comme l’économie, les éc
1255
la géographie, se réduit à une tranche très mince
de
l’immense aventure humaine. Ce manque d’épaisseur historique du natio
1256
ès mince de l’immense aventure humaine. Ce manque
d’
épaisseur historique du nationalisme suffirait à nous rendre méfiants,
1257
uffirait à nous rendre méfiants, lorsqu’il s’agit
de
porter un jugement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union de l’Eu
1258
orter un jugement sur l’avenir, comme dans le cas
de
l’union de l’Europe. Mais il y a plus. Il est parfaitement clair que
1259
gement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union
de
l’Europe. Mais il y a plus. Il est parfaitement clair que la nation,
1260
on, au sens dix-neuviémiste du mot, est une forme
d’
association périmée à bien des égards. Il n’est pas une nation de l’Eu
1261
érimée à bien des égards. Il n’est pas une nation
de
l’Europe d’aujourd’hui qui puisse se dire indépendante, soit pour sa
1262
n des égards. Il n’est pas une nation de l’Europe
d’
aujourd’hui qui puisse se dire indépendante, soit pour sa production,
1263
te, soit pour sa production, soit du point de vue
de
sa défense. Qu’en est-il du point de vue de la culture, qui fut l’élé
1264
e vue de sa défense. Qu’en est-il du point de vue
de
la culture, qui fut l’élément décisif pour la formation de nos nation
1265
ture, qui fut l’élément décisif pour la formation
de
nos nations ? Les faits historiques les mieux établis et les plus fac
1266
s et les plus faciles à vérifier dénoncent le peu
d’
importance réelle de nos différences nationales. Pour peu que l’on com
1267
s à vérifier dénoncent le peu d’importance réelle
de
nos différences nationales. Pour peu que l’on compare l’ensemble des
1268
es. Pour peu que l’on compare l’ensemble des pays
de
l’Europe à d’autres continents, comme l’Asie, l’Afrique ou l’URSS, le
1269
, avec toutes ses subdivisions qui portent un air
de
famille. (Les textes des liturgies de communion romaine, anglicane, l
1270
tent un air de famille. (Les textes des liturgies
de
communion romaine, anglicane, luthérienne et même calviniste ont tous
1271
et l’autre cas, le langage est le même, il dérive
de
la théologie, fût-ce à travers Hegel et Marx. De Kierkegaard à Heideg
1272
de la théologie, fût-ce à travers Hegel et Marx.
De
Kierkegaard à Heidegger, puis Sartre, les mêmes concepts, proprement
1273
es concepts, proprement impensables hors du champ
de
l’influence chrétienne, se groupent, s’opposent et se regroupent. Nos
1274
groupent, s’opposent et se regroupent. Nos formes
d’
expression sont identiques, qu’il s’agisse du sonnet, dans toutes les
1275
qu’il s’agisse du sonnet, dans toutes les langues
d’
Europe, du roman (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’o
1276
ans toutes les langues d’Europe, du roman (dérivé
de
Tristan), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la sy
1277
’Europe, du roman (dérivé de Tristan), du tableau
de
chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade
1278
an (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou
de
l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’un palais. No
1279
u tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto,
de
la symphonie ou de la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation
1280
et ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou
de
la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale o
1281
éra, du concerto, de la symphonie ou de la façade
d’
un palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale ou politique d
1282
ymphonie ou de la façade d’un palais. Nos modèles
d’
organisation de la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et d
1283
la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation
de
la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et de l’Église : au
1284
tion de la vie sociale ou politique dérivent tous
de
Rome et de l’Église : au commencement furent la paroisse et la commun
1285
vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et
de
l’Église : au commencement furent la paroisse et la commune, totaleme
1286
t la paroisse et la commune, totalement inconnues
de
l’Orient ; les synodes et le sénat, d’où viennent nos parlements. Rie
1287
inconnues de l’Orient ; les synodes et le sénat,
d’
où viennent nos parlements. Rien ne se ressemble plus que nos folklore
1288
s, prétendus « nationaux » par la science démodée
de
Herder et des romantiques mais dont la science actuelle tire au contr
1289
illeurs arguments pour démontrer l’unité foncière
de
nos peuples. Ni la musique ni la peinture, créations typiques de l’Eu
1290
Ni la musique ni la peinture, créations typiques
de
l’Europe, n’ont jamais été nationales : elles furent des œuvres colle
1291
es : elles furent des œuvres collectives, passant
de
foyers en écoles, du sud au nord, à l’ouest puis à l’est, au cours de
1292
ontières. Et enfin, et surtout, ce que nous avons
de
commun, c’est une certaine passion de différer, une certaine manière
1293
nous avons de commun, c’est une certaine passion
de
différer, une certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer
1294
ertaine passion de différer, une certaine manière
de
dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps mag
1295
ifférer, une certaine manière de dire « moi », et
de
nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps magique collectif. Déco
1296
ière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi
de
la tribu ou du corps magique collectif. Découverte par la Grèce avec
1297
r l’Église romaine et la Réforme avec leur notion
de
la personne, cette manière de se croire et de se sentir unique, carac
1298
me avec leur notion de la personne, cette manière
de
se croire et de se sentir unique, caractérise l’homo europæus, quelle
1299
ion de la personne, cette manière de se croire et
de
se sentir unique, caractérise l’homo europæus, quelle que soit d’aill
1300
oit d’ailleurs sa naissance, et le rend différent
de
l’Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non
1301
issance, et le rend différent de l’Hindou qui est
d’
une caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non moins que du Soviéti
1302
e rend différent de l’Hindou qui est d’une caste,
de
l’Africain qui est d’une tribu, non moins que du Soviétique condition
1303
Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui est
d’
une tribu, non moins que du Soviétique conditionné par les décrets du
1304
moi dans le Tout. Le Soviétique n’a plus le droit
de
dire « je » que lorsqu’il s’avoue criminel. L’Européen seul a placé l
1305
el. L’Européen seul a placé la personne au-dessus
de
la collectivité. Comparées à la communauté fondamentale et millénaire
1306
parées à la communauté fondamentale et millénaire
de
nos structures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types
1307
auté fondamentale et millénaire de nos structures
de
pensées, de nos formes d’expression et de nos types d’organisation so
1308
ntale et millénaire de nos structures de pensées,
de
nos formes d’expression et de nos types d’organisation sociale et pol
1309
naire de nos structures de pensées, de nos formes
d’
expression et de nos types d’organisation sociale et politique, nos di
1310
uctures de pensées, de nos formes d’expression et
de
nos types d’organisation sociale et politique, nos divisions présente
1311
nsées, de nos formes d’expression et de nos types
d’
organisation sociale et politique, nos divisions présentes perdent leu
1312
s redeviennent alors un trait fondamental du mode
de
vivre européen : chez nous seulement elles ont été admises (« Il y a
1313
belles créations. Certes, l’école par ses manuels
d’
histoire, le journal par son exploitation des préjugés reçus de l’écol
1314
e journal par son exploitation des préjugés reçus
de
l’école, certaine littérature aussi pour laquelle tout ce qui est nat
1315
la réalité, cela ne signifie pas qu’il ait cessé
de
nuire. Les écrivains — poètes et philosophes — qui ont tant fait pour
1316
er au début du xixe siècle, pourraient beaucoup,
de
nos jours, pour nous en délivrer. Entre l’agoraphobie du nationalisme
1317
y a place pour un réalisme. t. Rougemont Denis
de
, « Unité et diversité de l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p.
1318
e. t. Rougemont Denis de, « Unité et diversité
de
l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p. 1.
1319
été les raisons toutes personnelles qui ont fait
de
vous un partisan de l’Europe unie ? Je suis né à Neuchâtel, c’est-à-d
1320
tes personnelles qui ont fait de vous un partisan
de
l’Europe unie ? Je suis né à Neuchâtel, c’est-à-dire dans le canton q
1321
i-chemin entre France et Allemagne, avec beaucoup
d’
ancêtres français et quelques allemands. Quand je me suis mis à voyage
1322
t, je ne me suis jamais senti étranger dans aucun
de
nos pays. Tel est, si vous le voulez, l’aspect « cosmopolite » de mon
1323
est, si vous le voulez, l’aspect « cosmopolite »
de
mon européanisme : il m’est instinctif, comme d’ailleurs beaucoup de
1324
comme d’ailleurs beaucoup de Suisses. Dès la fin
de
mes études, j’ai longuement habité Paris et la France, et c’est penda
1325
art de mes livres, tous centrés sur la définition
d’
une doctrine personnaliste dont la traduction politique est, à mes yeu
1326
ençait à être connu en France, et j’avais coutume
de
l’opposer à Hegel, préférant, en philosophie comme en politique, la t
1327
à la synthèse. En 1938, j’ai publié mon Journal
d’
Allemagne , à la fin duquel je dénonçais Hitler comme antieuropéen par
1328
publié un ouvrage intitulé Mission ou démission
de
la Suisse , dans lequel j’exposais plus nettement qu’auparavant la li
1329
ison nécessaire entre la conception personnaliste
de
l’homme, la doctrine, ou pour mieux dire, l’attitude fédéraliste, et
1330
eux dire, l’attitude fédéraliste, et la nécessité
d’
une union européenne. C’est donc bien en tant que fédéraliste que je r
1331
en chemise brune ». Étant lecteur à l’Université
de
Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cour
1332
rune ». Étant lecteur à l’Université de Francfort
de
1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cours sur le para
1333
Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence
de
professer un cours sur le parallélisme entre les doctrines jacobines
1334
Du jacobinisme est sorti Napoléon et des guerres
de
Napoléon le nationalisme de tout un siècle. Napoléon voulait faire l’
1335
poléon et des guerres de Napoléon le nationalisme
de
tout un siècle. Napoléon voulait faire l’Europe, oui, mais comme Hitl
1336
et nécessairement totalitaire est le pire ennemi
de
l’Europe fédérée, dont la richesse et la créativité naissent de la di
1337
dérée, dont la richesse et la créativité naissent
de
la diversité. Mais si l’on insiste trop sur nos diversités, que devie
1338
ut-on la fonder ? Précisément, dans notre passion
de
différer les uns des autres : c’est ce que nous avons tous en commun.
1339
en ce moment un livre qui sera intitulé : Le Sens
de
nos vies x, et dans lequel j’esquisse une histoire de l’homme europée
1340
os vies x, et dans lequel j’esquisse une histoire
de
l’homme européen, ou plutôt de sa manière de dire « je » ou « moi ».
1341
uisse une histoire de l’homme européen, ou plutôt
de
sa manière de dire « je » ou « moi ». C’est là une notion essentielle
1342
oire de l’homme européen, ou plutôt de sa manière
de
dire « je » ou « moi ». C’est là une notion essentiellement européenn
1343
ntiellement européenne, et que nous avons eu tort
de
tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notion de l’indi
1344
universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notion
de
l’individuel, les Russes font tout ce qu’ils peuvent pour l’interdire
1345
e à se déprimer en Amérique. Elle reste la source
de
nos grandeurs comme de nos faiblesses : notre risque créateur. Mais q
1346
ique. Elle reste la source de nos grandeurs comme
de
nos faiblesses : notre risque créateur. Mais quand je parle d’individ
1347
sses : notre risque créateur. Mais quand je parle
d’
individu, il faut s’entendre. Le véritable Européen, c’est l’individu
1348
e, bien autre chose que l’entrée dans un parti !)
D’
où notre critique de l’individualisme irresponsable qui, depuis le xvi
1349
que l’entrée dans un parti !) D’où notre critique
de
l’individualisme irresponsable qui, depuis le xviiie siècle, a prépa
1350
nisme lui a ajouté la vocation. L’individu chargé
d’
une vocation qui, à la fois, le distingue de la tribu et le relie à so
1351
hargé d’une vocation qui, à la fois, le distingue
de
la tribu et le relie à son prochain, voilà la personne. On l’a dit :
1352
ne il y a des prochains… Mais nous nous éloignons
de
notre sujet… Tout ce que je viens de vous dire résume la phase doctri
1353
je viens de vous dire résume la phase doctrinale
de
mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ai
1354
a phase doctrinale de mon européanisme. Repartons
de
1940. À la fin de cette année-là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour
1355
de mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin
de
cette année-là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour une série de conf
1356
là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour une série
de
conférences. De là, j’ai été en Argentine et, à mon retour à New York
1357
oyé aux États-Unis pour une série de conférences.
De
là, j’ai été en Argentine et, à mon retour à New York, en novembre 19
1358
les États-Unis sont entrés en guerre : plus moyen
de
revenir en Suisse. À New York, j’ai fait une nouvelle découverte de l
1359
se. À New York, j’ai fait une nouvelle découverte
de
l’Europe. Aux yeux des Américains il n’y a pas des Français, des Suis
1360
is pas, alors, qu’Hitler s’était emparé du slogan
de
la « Nouvelle Europe »… À mon premier retour, en 1946, je fus invité
1361
’Esprit européen » aux Rencontres internationales
de
Genève… En juillet 1947, rentrant d’un nouveau séjour à New York, je
1362
ernationales de Genève… En juillet 1947, rentrant
d’
un nouveau séjour à New York, je reçus la visite de Raymond Silva, que
1363
’un nouveau séjour à New York, je reçus la visite
de
Raymond Silva, que je ne connaissais pas, et qui, sans préambule, me
1364
nnaissais pas, et qui, sans préambule, me demanda
d’
ouvrir par un discours le premier congrès fédéraliste qui allait se te
1365
situation politique que je n’avais pu suivre que
de
très loin, il me dit : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 193
1366
me dit : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes
de
1939 et 1940 : c’est exactement ce que notre congrès attend. » Ainsi
1367
part par le nazisme, d’autre part par mes années
d’
Amérique. Quelles sont à votre avis les maladies infantiles de la cons
1368
Quelles sont à votre avis les maladies infantiles
de
la construction européenne ? Il y a d’abord la maladie que j’appeller
1369
Je pense non seulement à l’instabilité politique
de
la France, mais aussi aux difficultés qu’elle éprouve à liquider le p
1370
’elle éprouve à liquider le passé récent, la peur
de
l’Allemagne. La France, qui a été à l’avant-garde de la construction
1371
l’Allemagne. La France, qui a été à l’avant-garde
de
la construction européenne, en constitue aujourd’hui le point faible.
1372
is la faiblesse présente et les forces virtuelles
de
l’Europe. Nehru, énumérant les puissances qui comptent dans notre mon
1373
lle a infecté les autres continents. C’est à nous
de
trouver le contrepoison de ce nationalisme. Mais d’autre part il y a
1374
ntinents. C’est à nous de trouver le contrepoison
de
ce nationalisme. Mais d’autre part il y a nos forces réelles, dont il
1375
ndre conscience. Vous savez que c’est à ce réveil
de
la conscience européenne que sont consacrés tous les efforts du Centr
1376
la doctrine et surtout à la pratique fédéraliste
de
commencer par des petites réalisations, par quelques-uns, ceux qui ve
1377
ferme et solide. Et ce sera aussi l’aboutissement
de
ce que j’ai appelé la mission de la Suisse. Je vais vous citer deux a
1378
l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mission
de
la Suisse. Je vais vous citer deux alexandrins qui résument parfaitem
1379
otre isolationnisme un peu mesquin et la grandeur
de
l’idée fédéraliste que nous avons réalisée en petit, et presque sans
1380
dernier mot. Saviez-vous que ces deux vers sont
de
Victor Hugo ? v. Rougemont Denis de, « [Entretien] Pourquoi je sui
1381
vers sont de Victor Hugo ? v. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Pourquoi je suis Européen », Jeune Europe, Paris, 20 j
1382
Propos recueillis par Charles Maignial, précédés
de
la note suivante : « Nous ne présenterons pas à nos lecteurs cet écri
1383
urs cet écrivain pénétrant devenu ardent militant
de
l’Europe qu’est Denis de Rougemont. Le directeur du Centre européen d
1384
eur du Centre européen de la culture s’est soumis
de
fort bonne grâce à cet examen de conscience européenne que nous somme
1385
ure s’est soumis de fort bonne grâce à cet examen
de
conscience européenne que nous sommes heureux de publier dans notre j
1386
de conscience européenne que nous sommes heureux
de
publier dans notre journal. » x. Aucun livre de Rougemont n’a été pu
1387
vue Preuves en juin 1952. L’Aventure occidentale
de
l’homme , et Lettre ouverte aux Européens approfondiront cette ques
1388
Dieu est mort » (juin-juillet 1953)u Le thème
de
la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’u
1389
ort » (juin-juillet 1953)u Le thème de la mort
de
Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’une partie a
1390
hème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin
de
la guerre la hantise d’une partie assez importante de la littérature
1391
a constitué depuis la fin de la guerre la hantise
d’
une partie assez importante de la littérature contemporaine. Repris de
1392
a guerre la hantise d’une partie assez importante
de
la littérature contemporaine. Repris de Nietzsche vers 1944 par des é
1393
mportante de la littérature contemporaine. Repris
de
Nietzsche vers 1944 par des écrivains que les circonstances rendaient
1394
t répété par leurs disciples et cité comme allant
de
soi par ceux qui vivent de l’écho. Les bien-pensants s’indignent, com
1395
s et cité comme allant de soi par ceux qui vivent
de
l’écho. Les bien-pensants s’indignent, comme si l’on avait proféré un
1396
’indignent, comme si l’on avait proféré un propos
d’
une extrême gravité : attitude incompréhensible de la part des chrétie
1397
s chrétiens, qui devraient savoir que l’existence
de
Dieu n’est pas affectée par une polémique locale dans le temps et dan
1398
ailleurs divisé, des agnostiques. Déjà l’on parle
de
mystiques sans Dieu, des saints sans Dieu. Malraux se demande si la m
1399
s saints sans Dieu. Malraux se demande si la mort
de
Dieu n’entraîne pas celle de l’homme, — pensée difficile à comprendre
1400
e demande si la mort de Dieu n’entraîne pas celle
de
l’homme, — pensée difficile à comprendre. De jeunes romanciers s’auto
1401
elle de l’homme, — pensée difficile à comprendre.
De
jeunes romanciers s’autorisent de la « mort de Dieu » pour s’abandonn
1402
e à comprendre. De jeunes romanciers s’autorisent
de
la « mort de Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste de décrir
1403
e. De jeunes romanciers s’autorisent de la « mort
de
Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste de décrire un monde «
1404
de Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste
de
décrire un monde « absurde », etc. Cependant, je ne vois pas que ce t
1405
té vraiment discuté, jusqu’ici. Du défi désespéré
de
Nietzsche, de l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguem
1406
scuté, jusqu’ici. Du défi désespéré de Nietzsche,
de
l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguement) supputé l
1407
sespéré de Nietzsche, de l’affirmation méthodique
de
Sartre, on a (plutôt vaguement) supputé les effets sur la psychologie
1408
est mort, ce qu’ils entendent exactement par là ?
De
quel Dieu s’agit-il, en somme ? De celui qu’ils imaginent ou de celui
1409
ement par là ? De quel Dieu s’agit-il, en somme ?
De
celui qu’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’une carica
1410
’agit-il, en somme ? De celui qu’ils imaginent ou
de
celui que beaucoup prient ? D’une caricature commode ou de la premièr
1411
u’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ?
D’
une caricature commode ou de la première Personne de la Trinité ? Du D
1412
que beaucoup prient ? D’une caricature commode ou
de
la première Personne de la Trinité ? Du Dieu des philosophes ou du Di
1413
une caricature commode ou de la première Personne
de
la Trinité ? Du Dieu des philosophes ou du Dieu des Prophètes ? D’une
1414
u Dieu des philosophes ou du Dieu des Prophètes ?
D’
une attitude psychologique ou d’une réalité ontologique ? Ou seulement
1415
u des Prophètes ? D’une attitude psychologique ou
d’
une réalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’un nouveau co
1416
u d’une réalité ontologique ? Ou seulement du mot
de
passe d’un nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’honnêt
1417
éalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe
d’
un nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’honnête clarté,
1418
nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu
d’
honnête clarté, ce serait le moyen de faire entrevoir quelques difficu
1419
cela un peu d’honnête clarté, ce serait le moyen
de
faire entrevoir quelques difficultés inextricables, où cette affirmat
1420
ù cette affirmation jette non seulement la pensée
de
ses auteurs récents, mais toute la pensée du type occidental. Gardons
1421
toute la pensée du type occidental. Gardons-nous
d’
admettre — ce serait leur faire injure — qu’ils aient voulu dire simpl
1422
u romantisme ou même aux platitudes rationalistes
de
l’athéisme occidental, qu’ils ont largement reniés. Ils insistent, au
1423
ent, au contraire, par ce tour dramatique au goût
de
l’immédiate après-guerre, sur la nouveauté du message, et sur son obj
1424
ndent annoncer une nouvelle, la mauvaise nouvelle
de
la mort récente de Dieu, c’est-à-dire un anti-évangile (evangelos : l
1425
nouvelle, la mauvaise nouvelle de la mort récente
de
Dieu, c’est-à-dire un anti-évangile (evangelos : la bonne nouvelle).
1426
: la bonne nouvelle). Nous voici donc contraints
d’
examiner premièrement les sources et, secondement, la crédibilité de l
1427
ement les sources et, secondement, la crédibilité
de
l’information. Je ne discuterai pas l’inventeur de la phrase : Nietzs
1428
e l’information. Je ne discuterai pas l’inventeur
de
la phrase : Nietzsche est un cas suffisamment connu7. Et, d’ailleurs,
1429
essage en écrivant un jour ceci : « La réfutation
de
Dieu : ce n’est que le Dieu moral qui est réfuté. » (Œuvres posthumes
1430
futé. » (Œuvres posthumes.) Tout autre est le cas
de
l’auteur contemporain auquel l’ignorance générale fait remonter la ru
1431
ur dont je parle, J.-P. Sartre. L’argument majeur
de
ce philosophe ne porte pas, bien entendu, sur l’essence de Dieu et du
1432
losophe ne porte pas, bien entendu, sur l’essence
de
Dieu et du diable, mais sur leur existence qui, selon lui, diminuerai
1433
ui, diminuerait ou supprimerait la responsabilité
de
l’homme. Si telle est bien sa position, l’on en déduit nécessairement
1434
puisqu’en son nom l’on peut trancher une question
d’
existence réelle. Il ne faut pas que Dieu et le diable existent, car a
1435
t le diable existent, car alors la responsabilité
de
l’homme en pâtirait. Nous sommes donc en présence d’une morale fanati
1436
en présence d’une morale fanatique, c’est-à-dire
d’
une morale prête à nier telle ou telle réalité8, pour peu que celle-ci
1437
fortement la responsabilité — cependant réelle —
de
l’homme. Il suffit pour que Sartre décrète que Dieu n’existe pas, et
1438
Dieu n’existe pas, et bien plus, qu’il est mort.
D’
où peut lui venir cette passion de la responsabilité ? D’une volonté d
1439
qu’il est mort. D’où peut lui venir cette passion
de
la responsabilité ? D’une volonté d’affirmer l’homme et ses pouvoirs,
1440
ut lui venir cette passion de la responsabilité ?
D’
une volonté d’affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’es
1441
ette passion de la responsabilité ? D’une volonté
d’
affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’une manièr
1442
l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est
d’
une manière analogue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri de
1443
ue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri
de
Nietzsche : comme une proclamation de l’avènement de l’homme. Ceci co
1444
ici le cri de Nietzsche : comme une proclamation
de
l’avènement de l’homme. Ceci couvre une étrange équivoque. En effet,
1445
Nietzsche : comme une proclamation de l’avènement
de
l’homme. Ceci couvre une étrange équivoque. En effet, Sartre ne prend
1446
t « responsable » au sens authentique et littéral
de
« capable de répondre » (de ses actes et pensées devant Dieu ou devan
1447
le » au sens authentique et littéral de « capable
de
répondre » (de ses actes et pensées devant Dieu ou devant autrui), ma
1448
thentique et littéral de « capable de répondre » (
de
ses actes et pensées devant Dieu ou devant autrui), mais au sens de «
1449
nsées devant Dieu ou devant autrui), mais au sens
de
« capable de décider » (de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens ch
1450
Dieu ou devant autrui), mais au sens de « capable
de
décider » (de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de missi
1451
autrui), mais au sens de « capable de décider » (
de
ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à cel
1452
de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé
de
mission, mais à celui d’aventurier qui assume ses risques et périls e
1453
; non pas au sens chargé de mission, mais à celui
d’
aventurier qui assume ses risques et périls et qui les choisit souvera
1454
qui les choisit souverainement ; non pas au sens
de
créature, mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens d’un homme,
1455
; non pas au sens de créature, mais bien à celui
de
démiurge ; non pas au sens d’un homme, mais bien d’un dieu. Ce dernie
1456
, mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens
d’
un homme, mais bien d’un dieu. Ce dernier trait est capital. On sent q
1457
démiurge ; non pas au sens d’un homme, mais bien
d’
un dieu. Ce dernier trait est capital. On sent qu’il trahit un refus d
1458
trait est capital. On sent qu’il trahit un refus
de
la réalité donnée, la sienne d’abord (« Je vais me faire à mon idée »
1459
Je vais me faire à mon idée ») et par suite celle
d’
autrui (« L’enfer, c’est les autres »). Il n’en marque pas moins la li
1460
les autres »). Il n’en marque pas moins la limite
de
l’arrogance intellectuelle, le terme délirant d’un individualisme de
1461
de l’arrogance intellectuelle, le terme délirant
d’
un individualisme de surcompensation, qui ne pourra plus que se nier l
1462
llectuelle, le terme délirant d’un individualisme
de
surcompensation, qui ne pourra plus que se nier lui-même s’il veut re
1463
t rejoindre la morale. Il se niera donc au profit
de
quelque dictature collectiviste, car là seulement il croira retrouver
1464
p du communisme, où naguère encore on le traitait
de
rat visqueux, ou d’une manière plus précise, d’individualiste petit-b
1465
naguère encore on le traitait de rat visqueux, ou
d’
une manière plus précise, d’individualiste petit-bourgeois. Ce rapide
1466
t de rat visqueux, ou d’une manière plus précise,
d’
individualiste petit-bourgeois. Ce rapide examen des sources nous ramè
1467
apide examen des sources nous ramène à des prises
de
position peu compliquées. Sartre annonçant que Dieu est mort nous dit
1468
r l’homme. Il n’en résulte pas que Dieu ait cessé
d’
exister, d’aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquemen
1469
Il n’en résulte pas que Dieu ait cessé d’exister,
d’
aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’y a
1470
que Dieu ait cessé d’exister, d’aider l’homme ou
de
le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’y a jamais eu dans l’H
1471
uement, il n’y a jamais eu dans l’Histoire autant
d’
hommes qu’aujourd’hui pour affirmer qu’ils croient leur Dieu vivant. (
1472
u vivant. (Cf. les statistiques du christianisme,
de
l’islam et de bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons m
1473
les statistiques du christianisme, de l’islam et
de
bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons maintenant la c
1474
mmons païennes.) Voyons maintenant la crédibilité
de
la nouvelle. (Il est clair qu’elle ne peut être estimée sur le fait q
1475
e fait qu’une majorité la récuse.) ⁂ Hors du plan
de
la polémique, soit nietzschéenne, soit anticléricale, littéralement e
1476
évélation du Dieu vivant par l’Évangile, que dire
de
la révélation inverse que nous apportent ces deux hommes ? Nous somme
1477
? Nous sommes en pleine absurdité. La crédibilité
de
la nouvelle est nulle. ⁂ Reste le fait que le Dieu du christianisme,
1478
fait que le Dieu du christianisme, du judaïsme et
de
l’islam, le Dieu qui s’intéresse à chaque homme (et même à chaque pas
1479
au dit l’Évangile), et cela dans le détail intime
de
sa vie, le Dieu que tant de milliards d’humains souffrants ou méditan
1480
l intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards
d’
humains souffrants ou méditants, génies ou pauvres types essayant de s
1481
ts ou méditants, génies ou pauvres types essayant
de
s’en tirer, ont prié et prient encore pour qu’il les assiste individu
1482
et absurde que toutes les absurdités que je viens
d’
énumérer. À vrai dire, ce n’est pas surprenant. C’est même aisément ex
1483
gination aujourd’hui courante du cosmos. Question
d’
échelle. Cette vermine fugitive que représente l’homme sur la terre, a
1484
gitive que représente l’homme sur la terre, atome
d’
un système solaire, atome lui-même d’une galaxie, atome à son tour de
1485
terre, atome d’un système solaire, atome lui-même
d’
une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’un univers à l’expan
1486
e, atome lui-même d’une galaxie, atome à son tour
de
l’espace-temps d’un univers à l’expansion indéfinie… Et compter les c
1487
d’une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps
d’
un univers à l’expansion indéfinie… Et compter les cheveux de sa tête
1488
s à l’expansion indéfinie… Et compter les cheveux
de
sa tête ! Mais à l’inverse, le Dieu personnel redevient non seulement
1489
non seulement croyable mais indiscutable au sens
de
chaque vie, dès que le regard se tourne vers l’homme, vers un homme b
1490
, et le voit de plus en plus près, dans le secret
de
son cœur, dans le noyau de son esprit. « Dieu sensible au cœur », dis
1491
s près, dans le secret de son cœur, dans le noyau
de
son esprit. « Dieu sensible au cœur », disait Pascal. Et de même, l’é
1492
ne peut être décelée et étudiée que dans le noyau
de
l’atome, dans ce cœur du réel physique. Si nos savants s’étaient born
1493
es villes, la mer, le ciel, des autos, des livres
d’
économie politique ou le sort des masses, l’énergie nucléaire non seul
1494
ût demeurée inimaginable. De même, il est absurde
de
« chercher Dieu dans la nature » ou dans l’Histoire, ou encore dans n
1495
sensible qu’au cœur, c’est-à-dire au plus intime
d’
une personne bien réelle et distincte. Il est donc normal que le Dieu
1496
r lieu que dans l’intime, comme la transformation
de
l’énergie que dans l’infime, et comme l’amour nulle part ailleurs que
1497
s un cœur. 7. Voir le bref et admirable ouvrage
de
Karl Jaspers : Nietzsche et le christianisme. 8. Car Dieu, même si q
1498
majorité des hommes vivants. u. Rougemont Denis
de
, « Une fausse nouvelle : “Dieu est mort” », Liberté de l’esprit, Pari
1499
Une fausse nouvelle : “Dieu est mort” », Liberté
de
l’esprit, Paris, juin–juillet 1953, p. 141-142.
1500
lles villas qu’« occupent » les Asiatiques. C’est
de
l’attention mondiale qu’ils se sont emparés, et du jeu politique, et
1501
e qu’ils se sont emparés, et du jeu politique, et
de
l’initiative, et du calendrier de nos propres décisions, nous détourn
1502
u politique, et de l’initiative, et du calendrier
de
nos propres décisions, nous détournant ainsi du vrai problème, des vr
1503
nsi du vrai problème, des vrais périls urgents et
de
leur solution pour le salut de l’Occident. Même si la conférence de B
1504
périls urgents et de leur solution pour le salut
de
l’Occident. Même si la conférence de Berlin avait unifié l’Allemagne
1505
our le salut de l’Occident. Même si la conférence
de
Berlin avait unifié l’Allemagne et libéré l’Autriche, ces décisions n
1506
èsent sur l’ensemble du continent, les impératifs
de
son économie, et cette grande nostalgie de l’homme occidental, beauco
1507
ratifs de son économie, et cette grande nostalgie
de
l’homme occidental, beaucoup plus que la paix, qui demande un sens à
1508
ion à son espoir… Et cependant, si les rencontres
de
Berlin se sont soldées par un échec sur tous les points de l’ordre du
1509
se sont soldées par un échec sur tous les points
de
l’ordre du jour, elles n’en ont pas moins apporté un élément de pitto
1510
jour, elles n’en ont pas moins apporté un élément
de
pittoresque au débat sur l’union de l’Europe : M. Molotov, qui voit g
1511
té un élément de pittoresque au débat sur l’union
de
l’Europe : M. Molotov, qui voit grand, jugeant mesquine l’Europe des
1512
e de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions
d’
habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’un bloc russe de 200
1513
d’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée
d’
un bloc russe de 200 millions établissant d’un seul coup la balance. L
1514
ront sans doute rassurés à l’idée d’un bloc russe
de
200 millions établissant d’un seul coup la balance. Les États-Unis dé
1515
déséquilibraient l’Alliance atlantique. La masse
de
l’URSS équilibrerait alors l’Alliance eurasiatique, cela saute aux ye
1516
géographique et matérialiste du monde, Retenons,
de
ces divagations, un fait curieux : l’idée européenne a fait de tel pr
1517
tions, un fait curieux : l’idée européenne a fait
de
tel progrès que M. Molotov ne peut plus la combattre sans feindre de
1518
M. Molotov ne peut plus la combattre sans feindre
de
l’accepter d’abord. Quitte à tenter de l’écraser par une surenchère i
1519
ns feindre de l’accepter d’abord. Quitte à tenter
de
l’écraser par une surenchère insensée. Et surtout soulignons d’autant
1520
ar une surenchère insensée. Et surtout soulignons
d’
autant plus fortement que la presse a manqué de le faire qu’à la confé
1521
ns d’autant plus fortement que la presse a manqué
de
le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’Europe unie a constitu
1522
la presse a manqué de le faire qu’à la conférence
de
Berlin l’idée d’Europe unie a constitué le plus sérieux atout des peu
1523
é de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée
d’
Europe unie a constitué le plus sérieux atout des peuples libres dans
1524
onfrontation avec Moscou. Non point que le projet
de
CED et le projet de fédération qui est sa vraie base aient jamais été
1525
scou. Non point que le projet de CED et le projet
de
fédération qui est sa vraie base aient jamais été considéré comme mon
1526
aie base aient jamais été considéré comme monnaie
d’
échange éventuelle — MM. Bidault et Eden l’ont précisé — mais ce sont
1527
sont ces projets qui ont mis l’Occident en mesure
de
discuter sur un fondement solide : nous avions quelque chose à défend
1528
pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun
de
nos peuples. La « conférence asiatique » s’ouvre à Genève à l’heure c
1529
l’heure choisie par l’Est. Du côté russe, l’idée
de
manœuvre est claire : fixer la France d’abord, puis la Grande-Bretagn
1530
s États-Unis, sur l’imbroglio des guerres locales
d’
Extrême-Orient, afin de nous détourner du problème préalable qui reste
1531
e nous détourner du problème préalable qui reste,
de
toute évidence, l’union de l’Europe, condition de sa force (notre opi
1532
e préalable qui reste, de toute évidence, l’union
de
l’Europe, condition de sa force (notre opinion l’oublie. Molotov, non
1533
de toute évidence, l’union de l’Europe, condition
de
sa force (notre opinion l’oublie. Molotov, non). Longtemps, toute l’
1534
ttention du monde va se concentrer sur le théâtre
d’
une bataille où l’Occident désormais joue perdant. Le monde entier ver
1535
s défaites militaires, et l’insolence des envoyés
de
l’Asie rouge distribuant à nos hommes d’État des camouflets très peu
1536
rrir la CED, seule capable — à tort ou à raison —
d’
inspirer quelque crainte à la Russie. Dans son premier discours à Genè
1537
bout portant : il a déjà conquis nos six nations
de
l’Est, et quatre nations en Asie. Il baptise « paix » cette conquête
1538
rce et « provocation belliciste » toute tentative
de
résistance à son emprise. Annexer l’Indochine à l’empire communiste s
1539
l’Indochine à l’empire communiste serait un moyen
de
rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque celle-ci sera
1540
un moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est
de
l’Asie, puisque celle-ci serait ouverte à l’expansion russe et chinoi
1541
itive entre la France et l’Allemagne par le moyen
de
leur fédération, ce serait agir en « bellicistes », puisque ce serait
1542
’Europe aux armées rouges. Sous la double poussée
de
la révolte asiatique et du colonialisme soviétique, une Europe persis
1543
croissantes ; par suite, l’invasion irrésistible
de
la propagande totalitaire, et démission finale entre les mains d’une
1544
totalitaire, et démission finale entre les mains
d’
une petit groupe d’« apaiseurs », formule Bénès : on sait la suite. Se
1545
mission finale entre les mains d’une petit groupe
d’
« apaiseurs », formule Bénès : on sait la suite. Seule riposte possibl
1546
le riposte possible : l’union européenne, capable
d’
opposer aux Russes une puissance qui les tienne en respect. Et tout le
1547
nce qui les tienne en respect. Et tout le Sud-Est
de
l’Asie devrait comprendre que son élan irrépressible vers l’indépenda
1548
arrêté par l’Europe, mais peut bien être détourné
de
ses fins par la Russie. Ils voient encore notre colonialisme. Ne saur
1549
a pas unie en temps utile si les efforts présents
de
fédération des Six échouent. (Début modeste, si l’on veut, mais seul
1550
Communauté politique et son élargissement rapide
de
toute l’Europe. L’enchaînement de ces faits laisse peu de jeu à l’ima
1551
issement rapide de toute l’Europe. L’enchaînement
de
ces faits laisse peu de jeu à l’imagination et aux surprises. Une rem
1552
sée : Si la CED était votée demain, la conférence
de
Genève se terminerait dans les huit jours, ayant perdu son intérêt st
1553
ective — qui déclasse brutalement les discussions
de
« préalables » » et de garanties à obtenir sur le papier contre une A
1554
rutalement les discussions de « préalables » » et
de
garanties à obtenir sur le papier contre une Allemagne d’après-demain
1555
ties à obtenir sur le papier contre une Allemagne
d’
après-demain — que l’Histoire va juger le vote français sur le projet
1556
’Histoire va juger le vote français sur le projet
de
CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend d’une poignée de député
1557
er le vote français sur le projet de CED. Le sort
de
l’Europe dans le monde dépend d’une poignée de députés dont on ne sau
1558
de CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend
d’
une poignée de députés dont on ne saura jamais les noms : ceux qui se
1559
rt de l’Europe dans le monde dépend d’une poignée
de
députés dont on ne saura jamais les noms : ceux qui se décideront à l
1560
et Hannibal ante portas qu’on voudrait leur crier
de
Genève ? y. Rougemont Denis de, « Ce petit cap de l’Asie », Jeune
1561
rait leur crier de Genève ? y. Rougemont Denis
de
, « Ce petit cap de l’Asie », Jeune Europe, Paris, 1 juin 1954, p. 1 e
1562
pour le moment qu’un traité, ou mieux, un projet
de
traité, dont tout le monde parle depuis deux ans, sur lequel tous les
1563
ens ont pris position en public ou dans le secret
de
leur cœur, mais que presque personne n’a lu ! On me confiait récemmen
1564
! On me confiait récemment, à Paris, le résultat
de
sondages discrets opérés à la Chambre française : il semble qu’un peu
1565
la Chambre française : il semble qu’un peu moins
d’
un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus
1566
n peu moins d’un député sur dix ait pris la peine
de
lire ce texte de 96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’un
1567
député sur dix ait pris la peine de lire ce texte
de
96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’un roman policier o
1568
rouve que le sort du traité, et par suite le sort
de
l’Europe, dépend en fait des députés français, appelés par M. Mendès
1569
endès France à le ratifier — ou non — vers la fin
de
ce mois. C’est dire que le lecteur moyen a bien le droit de demander
1570
. C’est dire que le lecteur moyen a bien le droit
de
demander à son tour, sans rougir de son ignorance : après tout, de qu
1571
bien le droit de demander à son tour, sans rougir
de
son ignorance : après tout, de quoi s’agit-il ? Je vais tenter de lui
1572
tour, sans rougir de son ignorance : après tout,
de
quoi s’agit-il ? Je vais tenter de lui répondre objectivement, sans c
1573
: après tout, de quoi s’agit-il ? Je vais tenter
de
lui répondre objectivement, sans cacher pour autant mes préférences.
1574
s cacher pour autant mes préférences. Naissance
de
l’idée Quelle était la situation lorsque le traité fut rédigé, au
1575
situation lorsque le traité fut rédigé, au début
de
1952 ? En présence de l’URSS, disposant de plus de 200 divisions, l’E
1576
e 1952 ? En présence de l’URSS, disposant de plus
de
200 divisions, l’Europe était pratiquement désarmée, à l’exception de
1577
Europe était pratiquement désarmée, à l’exception
de
la Suisse et de la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est di
1578
tiquement désarmée, à l’exception de la Suisse et
de
la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est dire que l’Europe
1579
e l’Europe dépendait, pour sa défense éventuelle,
de
quelques divisions américaines occupant leur secteur en Allemagne. Dé
1580
Américains trouvaient lourde et coûteuse la tâche
de
protéger l’Europe. Ils souhaitaient que nous les aidions à nous aider
1581
menacés, n’auraient-ils pas le droit et le devoir
de
reconstituer une armée ? — Les Hollandais, les Belges, et surtout les
1582
a se comprend. Une Wehrmacht autonome, renaissant
de
ses cendres, leur paraissait plus menaçante que rassurante. Son nom s
1583
çante que rassurante. Son nom seul leur rappelait
de
durs souvenirs. Elle pouvait aussi bien les attaquer que les protéger
1584
t défendre sérieusement l’Europe sans le concours
d’
un de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première li
1585
endre sérieusement l’Europe sans le concours d’un
de
ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première ligne ?
1586
sans le concours d’un de ses plus grands pays, et
de
celui qui se trouvait en première ligne ? C’est pour tenter de résoud
1587
se trouvait en première ligne ? C’est pour tenter
de
résoudre ce dilemme que fut conçue la CED. — Contre l’opinion (à l’ép
1588
urope — et enfin pour hâter l’indispensable union
de
nos pays, la France imagina le plan d’une « communauté de défense »,
1589
able union de nos pays, la France imagina le plan
d’
une « communauté de défense », c’est-à-dire d’une armée européenne, re
1590
ays, la France imagina le plan d’une « communauté
de
défense », c’est-à-dire d’une armée européenne, remplaçant les armées
1591
lan d’une « communauté de défense », c’est-à-dire
d’
une armée européenne, remplaçant les armées nationales. Après des mois
1592
remplaçant les armées nationales. Après des mois
de
discussions d’experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 p
1593
armées nationales. Après des mois de discussions
d’
experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministre
1594
près des mois de discussions d’experts, un projet
de
traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministres des Affaires étrang
1595
ix pays déjà liés par la Communauté du charbon et
de
l’acier, plus connue sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité qu’
1596
du charbon et de l’acier, plus connue sous le nom
de
plan Schuman. C’est ce traité qu’ont déjà ratifié la Hollande et le L
1597
ourt. Son choix sera donc décisif. Après deux ans
de
débats passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’un peu plus
1598
e débats passionnés, ne serait-il pas grand temps
de
voir d’un peu plus près de quoi l’on parle ? Quel est donc le contenu
1599
passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir
d’
un peu plus près de quoi l’on parle ? Quel est donc le contenu du proj
1600
ient aussi qu’aucun État membre ne recrutera plus
de
forces armées nationales pour son propre compte, en dehors de celles
1601
es ressources militaires des six pays ? S’agit-il
de
mélanger les soldats allemands et français dans des compagnies comman
1602
ais lu le traité. En vérité, il s’agit simplement
d’
un plan de mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs
1603
traité. En vérité, il s’agit simplement d’un plan
de
mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs propres o
1604
, il s’agit simplement d’un plan de mise sur pied
de
contingents nationaux, commandés par leurs propres officiers jusqu’à
1605
s strictement nationales seront groupées en corps
d’
armée et placées à la disposition d’un état-major général, qui, lui, s
1606
pées en corps d’armée et placées à la disposition
d’
un état-major général, qui, lui, sera européen par sa composition et s
1607
à le cas, à quelques détails près ?) Les généraux
de
corps d’armée et d’armée pourront être choisis dans n’importe lequel
1608
à quelques détails près ?) Les généraux de corps
d’
armée et d’armée pourront être choisis dans n’importe lequel des pays
1609
détails près ?) Les généraux de corps d’armée et
d’
armée pourront être choisis dans n’importe lequel des pays membres. (C
1610
les deux dernières guerres.) Enfin, les méthodes
d’
instruction et la production des armements seront standardisées. (D’où
1611
a production des armements seront standardisées. (
D’
où un considérable allègement des budgets militaires, et une efficacit
1612
hnique accrue.) Il s’agit donc, en fin de compte,
de
l’organisation dès le temps de paix d’un commandement suprême europée
1613
en fin de compte, de l’organisation dès le temps
de
paix d’un commandement suprême européen. — Mais quel sera le pouvoir
1614
de compte, de l’organisation dès le temps de paix
d’
un commandement suprême européen. — Mais quel sera le pouvoir disposan
1615
e européen. — Mais quel sera le pouvoir disposant
de
cette armée ? Le traité prévoit un Conseil des ministres nationaux (r
1616
ministres nationaux (représentant le point de vue
de
chacun des six États considérés comme égaux), un Commissariat de 9 me
1617
ix États considérés comme égaux), un Commissariat
de
9 membres, sorte de ministère européen de la Défense ; une Cour de ju
1618
comme égaux), un Commissariat de 9 membres, sorte
de
ministère européen de la Défense ; une Cour de justice et une Assembl
1619
ssariat de 9 membres, sorte de ministère européen
de
la Défense ; une Cour de justice et une Assemblée parlementaire, qui
1620
te de ministère européen de la Défense ; une Cour
de
justice et une Assemblée parlementaire, qui existent déjà : ce seraie
1621
le contrôle national et le contrôle démocratique
de
l’Armée commune. La procédure prévue pour la mobilisation et l’entrée
1622
tats, selon les cas) que l’on ne saurait imaginer
d’
autre emploi de l’armée qu’en cas d’agression qualifiée contre un ou p
1623
cas) que l’on ne saurait imaginer d’autre emploi
de
l’armée qu’en cas d’agression qualifiée contre un ou plusieurs des Ét
1624
rait imaginer d’autre emploi de l’armée qu’en cas
d’
agression qualifiée contre un ou plusieurs des États membres. Par sa s
1625
français vont-ils être commandés en allemand par
d’
anciens feldweibel hitlériens ? » Ce serait en effet scandaleux pour l
1626
ndaleux pour le sentiment national des résistants
de
la dernière guerre. Mais c’est absolument exclu par les dispositions
1627
ntégration n’étant prévue qu’à l’échelon du corps
d’
armée — nous venons de le voir. — « Mais si la France n’a pas le droit
1628
e le voir. — « Mais si la France n’a pas le droit
d’
entretenir sa propre armée, comment défendra-t-elle ses colonies ? » p
1629
et suivants, autorisant un État membre à détacher
de
son contingent les forces nécessaires à la défense de ses territoires
1630
édé polémique des plus courants consiste à parler
de
la CED comme d’un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette conf
1631
s plus courants consiste à parler de la CED comme
d’
un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beau
1632
s consiste à parler de la CED comme d’un « traité
de
réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beaucoup de lecteu
1633
arler de la CED comme d’un « traité de réarmement
de
l’Allemagne ». Cette confusion égare beaucoup de lecteurs, et tend à
1634
ecteurs, et tend à leur faire croire le contraire
de
ce qui est. Nous avons vu que le premier souci des auteurs français d
1635
ouci des auteurs français du traité fut justement
d’
éliminer toute renaissance possible d’une Wehrmacht autonome. C’est au
1636
t justement d’éliminer toute renaissance possible
d’
une Wehrmacht autonome. C’est au contraire si l’on refuse la CED que c
1637
rôle possible. J’entends et lis aussi des phrases
de
ce genre : « Ce traité désastreux va supprimer d’un trait de plume no
1638
de ce genre : « Ce traité désastreux va supprimer
d’
un trait de plume notre glorieuse armée française, en même temps qu’il
1639
: « Ce traité désastreux va supprimer d’un trait
de
plume notre glorieuse armée française, en même temps qu’il réarmera l
1640
té. Si vraiment ce traité signifie la disparition
de
l’armée française, il empêche pour les mêmes raisons la réapparition
1641
il empêche pour les mêmes raisons la réapparition
d’
une armée allemande. C’est en vertu d’une erreur semblable que d’excel
1642
emande. C’est en vertu d’une erreur semblable que
d’
excellents patriotes redoutent « la perte de la souveraineté française
1643
e que d’excellents patriotes redoutent « la perte
de
la souveraineté française et la restitution de ses droits égaux à l’A
1644
te de la souveraineté française et la restitution
de
ses droits égaux à l’Allemagne ». En fait, le traité ne rend à l’Alle
1645
neté toute théorique que pour mieux lui permettre
de
la sacrifier aussitôt sur l’autel commun — au même titre que les cinq
1646
si l’Europe ne se donne pas elle-même les moyens
d’
assurer sa défense, c’est-à-dire si elle refuse la CED, alors et dans
1647
Qui est pour ? qui est contre ? Après deux ans
de
discussions et à la veille des décisions finales, la répartition des
1648
, la répartition des adversaires et des partisans
de
la CED apparaît facile à décrire. On peut même la prévoir selon l’âge
1649
s du communisme, du nationalisme traditionnel, et
de
certains intérêts privés, calculant à court terme. Les communistes ve
1650
autre part, les personnes âgées qui vivent encore
de
souvenirs glorieux, et de rancunes qui parfois le sont moins, entreti
1651
âgées qui vivent encore de souvenirs glorieux, et
de
rancunes qui parfois le sont moins, entretiennent l’illusion touchant
1652
tant que moi ! En faveur de la CED, nous trouvons
d’
une manière générale ceux qui ont compris qu’ils vivent au xxe siècle
1653
compris qu’ils vivent au xxe siècle, que le rêve
d’
une souveraineté nationale sans limites n’est plus qu’un rêve, que l’E
1654
réelle, pour ne rien dire des révoltes montantes
de
l’Asie, de l’Afrique, du Proche-Orient… En faveur de la CED, je vois
1655
ur ne rien dire des révoltes montantes de l’Asie,
de
l’Afrique, du Proche-Orient… En faveur de la CED, je vois l’Histoire,
1656
is l’Histoire, le réalisme, la raison, la volonté
de
sauver nos libertés, et la jeunesse. Certes, on peut se demander s’il
1657
’elle est, si prudente et respectueuse des droits
de
chacun des États membres, suffira pour notre défense. Je me pose moi-
1658
s je vois un pays réaliste qui, lui, ne doute pas
de
l’efficacité de la CED : c’est la Russie, dont tout l’effort diplomat
1659
s réaliste qui, lui, ne doute pas de l’efficacité
de
la CED : c’est la Russie, dont tout l’effort diplomatique, depuis deu
1660
surestime la CED, comment ne pas voir qu’au-delà
de
sa valeur militaire — dont chacun souhaite qu’elle n’ait jamais à fai
1661
ouvre toutes grandes les perspectives prochaines
d’
une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour t
1662
erspectives prochaines d’une Europe fédérée, gage
de
paix pour le monde et de prospérité pour tout un continent — dont la
1663
une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et
de
prospérité pour tout un continent — dont la Suisse est le cœur. z.
1664
ont la Suisse est le cœur. z. Rougemont Denis
de
, « La CED, ses mythes et sa réalité », L’Illustré, Lausanne, 12 août
1665
u nom desquels on le juge néfaste, et les maximes
de
l’action qui permettra de le surmonter. I. Naissance et proliférati
1666
néfaste, et les maximes de l’action qui permettra
de
le surmonter. I. Naissance et prolifération du nationalisme Goet
1667
u nationalisme Goethe, assistant à la bataille
de
Valmy, s’écriait : « De ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle
1668
, assistant à la bataille de Valmy, s’écriait : «
De
ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cr
1669
à la bataille de Valmy, s’écriait : « De ce lieu,
de
ce jour, on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cri de « Vive
1670
on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cri
de
« Vive la Nation », clamé sur tout le front des troupes, que les Fran
1671
comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte
de
« Gott mit uns ! » aussitôt exaucé, puisque par ce seul cri la batail
1672
, c’est donc un idéal, une idéologie, le principe
d’
une nouvelle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté.
1673
ologie, le principe d’une nouvelle communauté non
de
naissance mais d’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’e
1674
e d’une nouvelle communauté non de naissance mais
d’
avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du
1675
elle communauté non de naissance mais d’avenir et
de
volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du peuple tout
1676
gie n’est pas le fait du peuple tout entier, mais
d’
un parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du p
1677
, mais d’un parti ; et ce parti agit par le moyen
de
l’État. À l’intérieur du pays, la première tâche de l’État sera d’écr
1678
l’État. À l’intérieur du pays, la première tâche
de
l’État sera d’écraser les opposants, car la nation est religion et le
1679
térieur du pays, la première tâche de l’État sera
d’
écraser les opposants, car la nation est religion et les religions ne
1680
ne transigent pas. L’État se voit donc contraint
de
renforcer la police, de centraliser tous les éléments du pouvoir, et
1681
at se voit donc contraint de renforcer la police,
de
centraliser tous les éléments du pouvoir, et de transformer la justic
1682
, de centraliser tous les éléments du pouvoir, et
de
transformer la justice en instrument de l’idéologie, le tout au nom d
1683
uvoir, et de transformer la justice en instrument
de
l’idéologie, le tout au nom de la nation. Il confond dans une même ré
1684
viendrait mon juge ! pense l’État idéologique, né
d’
une révolution sanglante, et qui se sait illégitime dans sa prétention
1685
moitié du peuple. Mais si, à l’intérieur, l’idée
de
nation devient entre les mains de l’État un instrument d’oppression e
1686
térieur, l’idée de nation devient entre les mains
de
l’État un instrument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’ext
1687
n devient entre les mains de l’État un instrument
d’
oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir u
1688
les mains de l’État un instrument d’oppression et
de
guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument de
1689
rvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument
de
guerre déclarée. Pourquoi la nation doit-elle faire la guerre ? Tout
1690
me le dira Hegel. Ensuite, parce que la collusion
de
l’État centralisé et de la nation missionnaire produit comme résultan
1691
e, parce que la collusion de l’État centralisé et
de
la nation missionnaire produit comme résultante fatale l’impérialisme
1692
e : et voici la France napoléonienne. L’idéologie
de
la nation est par essence conquérante : elle veut apporter la Liberté
1693
les, par la force au besoin. De plus, à la faveur
de
ces guerres que l’État présente toujours comme une « défense de nos f
1694
par l’État : nous assistons à la première en date
de
toutes les « nationalisations », celle des patriotismes locaux ! Noto
1695
ée, justifie toujours le sacrifice « temporaire »
de
certaines libertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’urgen
1696
de certaines libertés. Or il n’est presque aucune
de
ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on ait vue rapportée une
1697
bertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures
d’
urgence, prises par l’État, qu’on ait vue rapportée une fois la paix r
1698
tée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme
de
l’État-nation non seulement conduit à la guerre, mais trouve en elle
1699
en elle les conditions du renforcement continuel
de
son pouvoir. Mais voici que la guerre nationale menée par les soldats
1700
e nationale menée par les soldats « libérateurs »
de
la Révolution et de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Eu
1701
r les soldats « libérateurs » de la Révolution et
de
l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Europe l’idéologie uni
1702
e constituer. Hegel est la contrepartie réflexive
de
Napoléon. Hegel, conformément à l’esprit de Valmy, se représente la n
1703
exive de Napoléon. Hegel, conformément à l’esprit
de
Valmy, se représente la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce n
1704
e. « Ce ne sont pas les déterminations naturelles
de
la nation qui lui donnent son caractère, mais c’est son esprit nation
1705
ure.) Cet esprit national est « un dans la marche
de
l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint
1706
domine le peuple qui incarne le plus haut concept
de
l’Esprit. » Voici donc les peuples élevés à la dignité d’intentions p
1707
rit. » Voici donc les peuples élevés à la dignité
d’
intentions particulières de l’esprit mondial, mais en même temps, les
1708
es élevés à la dignité d’intentions particulières
de
l’esprit mondial, mais en même temps, les voici privés sous peine de
1709
voici privés sous peine de « nullité politique »
de
la permission de vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans l
1710
s peine de « nullité politique » de la permission
de
vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur et sans
1711
té politique » de la permission de vivre en paix,
de
« végéter », précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous as
1712
ans histoire. Nous assistons au transfert décisif
de
l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. ⁂ Mais cet Éta
1713
re. Nous assistons au transfert décisif de l’idée
de
vocation, passant des personnes aux nations. ⁂ Mais cet État-nation,
1714
ux nations. ⁂ Mais cet État-nation, une fois doué
de
toute la personnalité dont il tend à priver les hommes réels, comment
1715
-il se comporter dans le monde ? L’idéal primitif
de
la nation, confisqué par l’État français, lui-même confisqué par un C
1716
é et récemment conquis —, a conduit à des guerres
d’
agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes, qui vont
1717
lismes, qui vont revendiquer à leur tour le droit
de
dominer l’époque, après s’être arrogé (au nom de la liberté) le droit
1718
rès s’être arrogé (au nom de la liberté) le droit
de
régner absolument sur leurs sujets. À cette fin, chacun prétendra qu’
1719
un prétendra qu’il incarne « le plus haut concept
de
l’esprit ». Pour la Prusse, l’idée de l’État définie par Hegel et Fic
1720
aut concept de l’esprit ». Pour la Prusse, l’idée
de
l’État définie par Hegel et Fichte. Pour l’Angleterre, la maîtrise de
1721
uie, l’Irlande et Israël se livrer au jeu pénible
de
restaurer artificiellement leur « langue nationale », parfaitement ou
1722
puis longtemps, afin de mieux prouver leur raison
d’
être. Nationalisme de reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai
1723
de mieux prouver leur raison d’être. Nationalisme
de
reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai patriotisme, mais to
1724
ouver leur raison d’être. Nationalisme de reflet,
d’
imitation, parfois plus proche du vrai patriotisme, mais tout aussi ja
1725
même hargneux que celui des grands voisins. Aucun
de
ces « concepts de l’esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation
1726
celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts
de
l’esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longte
1727
u’au jour où seront proclamés certains « concepts
de
l’esprit » plus redoutables : encore la « race des maîtres », le « He
1728
vement parlant. À partir de Napoléon, les nations
de
l’Europe vont se conduire comme des « individus » sans foi ni loi, au
1729
foi ni loi, au détriment de la grande communauté
de
civilisation qu’était l’Europe. Chacune se dira « souveraine », à l’i
1730
e », à l’imitation des rois absolus qui n’avaient
de
comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessu
1731
ptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus
de
Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc par le dro
1732
ions. Le droit divin se traduit donc par le droit
de
l’État le plus fort. Celui-ci ne connaît plus d’autres obligations qu
1733
passés avec ses concurrents, alliances ou traités
de
commerce révoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-
1734
ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-douzaine
d’
« États-gangsters », follement susceptibles, dépourvus de tout scrupul
1735
ts-gangsters », follement susceptibles, dépourvus
de
tout scrupule communautaire, main dans la poche, prêts à tirer, vont
1736
, main dans la poche, prêts à tirer, vont essayer
de
faire la loi en Europe. On parlera beaucoup de « concert des nations
1737
n parlera beaucoup de « concert des nations », et
de
« droit international », mais il est clair que ces États-nations-Indi
1738
on enseignement, en devenant elle-même une source
de
« sacré ». L’Aigle, les Trois Couleurs et le Petit Chapeau jouent au
1739
ouent au début le rôle du labarum, du crucifix et
de
la mitre. Les cérémonies viendront plus tard, avec les monuments aux
1740
l’instruction publique obligatoire se chargeront
d’
en rédiger les hymnes et le catéchisme. Cette religion nationale, que
1741
era même pas le christianisme, elle se contentera
de
l’annexer dans les occasions décisives. Lorsqu’un Maurice Barrès célè
1742
rsqu’un Maurice Barrès célèbre l’union « sacrée »
de
la nation dans laquelle catholiques, protestants et agnostiques « oub
1743
ne proteste contre cette subordination méprisante
de
sa foi à l’esprit national. On n’y voit qu’une manière de parler… Et
1744
i à l’esprit national. On n’y voit qu’une manière
de
parler… Et cependant cet esprit national est un dieu bien réel, et qu
1745
roit vraiment, puisqu’il peut exiger le sacrifice
de
la vie même du citoyen. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vi
1746
e du citoyen. Mais que nous offre-t-il en échange
de
nos vies ? Une certaine communion vague et puissante, qui permet à l’
1747
union vague et puissante, qui permet à l’individu
de
dépasser son horizon restreint, de s’affranchir de ses soucis privés
1748
t à l’individu de dépasser son horizon restreint,
de
s’affranchir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se senti
1749
e dépasser son horizon restreint, de s’affranchir
de
ses soucis privés (en temps de guerre) et de se sentir comme transpor
1750
t, de s’affranchir de ses soucis privés (en temps
de
guerre) et de se sentir comme transporté dans une espèce de transcend
1751
chir de ses soucis privés (en temps de guerre) et
de
se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vrai d
1752
et de se sentir comme transporté dans une espèce
de
transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’un égoïsme, mais telle
1753
e de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore
d’
un égoïsme, mais tellement élargi qu’il en devient vertu. On l’enseign
1754
vertu. On l’enseigne dans les écoles sous le nom
de
« patriotisme ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité, et jusq
1755
icites et honorables, dès qu’on les met au compte
de
la nation où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dir
1756
et au compte de la nation où l’on a pris la peine
de
naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de
1757
ris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dire
de
son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette
1758
l n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré
de
le dire de son nous. Pourtant, cette religion nationale demeure bien
1759
dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire
de
son nous. Pourtant, cette religion nationale demeure bien incapable d
1760
, cette religion nationale demeure bien incapable
d’
animer l’existence tout entière de l’homme. « L’orgueil national est l
1761
bien incapable d’animer l’existence tout entière
de
l’homme. « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne » remarq
1762
ne donne, infiniment plus, à l’absurde. Principe
de
haine, plus que d’amour, la nation revendique des absolus dont il est
1763
nt plus, à l’absurde. Principe de haine, plus que
d’
amour, la nation revendique des absolus dont il est manifeste qu’elle
1764
ement indigne et matériellement incapable : celui
de
la souveraineté sans limites, par exemple, qui est un des attributs d
1765
ns limites, par exemple, qui est un des attributs
de
Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraisemblance. « La
1766
mple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui
de
l’éternité, au mépris de toute vraisemblance. « La France éternelle »
1767
ibuts de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris
de
toute vraisemblance. « La France éternelle », « l’Allemagne immortell
1768
ortelle » sont des expressions courantes en temps
de
guerre. Cette rhétorique émeut des millions d’hommes, qui en oublient
1769
ps de guerre. Cette rhétorique émeut des millions
d’
hommes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’Histoire. Ces c
1770
mes, qui en oublient du même coup leurs rudiments
d’
Histoire. Ces contradictions essentielles — entre la souveraineté abso
1771
une et diverse, et cela suppose briser le carcan
de
l’État-nation, recréer des pouvoirs locaux, dévaloriser les frontière
1772
assumant au mépris des personnes ses prétentions
d’
Église sans Dieu, et réclamant non seulement la mort en masse mais la
1773
t non seulement la mort en masse mais la totalité
de
la vie des hommes. Voilà le grand dilemme de notre temps. II. Crit
1774
lité de la vie des hommes. Voilà le grand dilemme
de
notre temps. II. Critique fédéraliste du nationalisme Appliquon
1775
t au moins dans nos réflexes acquis sur les bancs
de
l’école primaire. ⁂ La souveraineté nationale, tout d’abord. On a rem
1776
nfondaient sincèrement et réellement les concepts
de
patrie réelle, de nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple,
1777
ment et réellement les concepts de patrie réelle,
de
nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennell
1778
ement les concepts de patrie réelle, de nation et
de
souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennellement que la
1779
s’écria solennellement que la CED était « la fin
de
la France », parce que la CED prétendait limiter la souveraineté de l
1780
rce que la CED prétendait limiter la souveraineté
de
l’État dans le domaine militaire. À ses yeux donc, une France non abs
1781
eraine n’était plus la France. La seule évocation
d’
une atteinte possible à la souveraineté absolue lui paraissait suffisa
1782
rès laïque M. Herriot est en réalité un fanatique
de
la religion de la nation. S’il n’était pas aveuglé par la superstitio
1783
erriot est en réalité un fanatique de la religion
de
la nation. S’il n’était pas aveuglé par la superstition jacobine, il
1784
bsolue n’est qu’un mythe, inventé par les prêtres
de
la nation dans le dessein d’asservir les esprits à l’État. La souvera
1785
enté par les prêtres de la nation dans le dessein
d’
asservir les esprits à l’État. La souveraineté absolue n’existe pas, e
1786
i la souveraineté comme « la faculté pour un État
d’
agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites
1787
ine ». Or il n’est pas un seul État européen qui,
de
nos jours, ait conservé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur. I
1788
ropéen qui, de nos jours, ait conservé la faculté
d’
agir à sa guise à l’extérieur. Il n’en est pas un seul qui soit capabl
1789
térieur. Il n’en est pas un seul qui soit capable
de
déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assure
1790
un seul qui soit capable de déclarer la guerre ou
de
conclure la paix comme il l’entend, d’assurer seul sa prospérité, de
1791
guerre ou de conclure la paix comme il l’entend,
d’
assurer seul sa prospérité, de se défendre seul pendant plus de quelqu
1792
comme il l’entend, d’assurer seul sa prospérité,
de
se défendre seul pendant plus de quelques heures contre une attaque d
1793
l sa prospérité, de se défendre seul pendant plus
de
quelques heures contre une attaque des Russes ou des Américains, bref
1794
re une attaque des Russes ou des Américains, bref
de
vivre en vase clos ou de jouer au pirate. Ces limites décisives à la
1795
ou des Américains, bref de vivre en vase clos ou
de
jouer au pirate. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont poin
1796
eté nationale, vis-à-vis de l’extérieur, n’a plus
d’
autre existence que celle d’une illusion pseudo-religieuse et obsessiv
1797
l’extérieur, n’a plus d’autre existence que celle
d’
une illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où la voit-on à l’œuvre ?
1798
mais seulement dans les discours des adversaires
de
la CED ou de toute autre forme d’organisation de l’Europe. Non pas co
1799
nt dans les discours des adversaires de la CED ou
de
toute autre forme d’organisation de l’Europe. Non pas comme une réali
1800
des adversaires de la CED ou de toute autre forme
d’
organisation de l’Europe. Non pas comme une réalité, mais bien comme u
1801
de la CED ou de toute autre forme d’organisation
de
l’Europe. Non pas comme une réalité, mais bien comme un prétexte à re
1802
réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies
de
gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’une H
1803
ées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités
d’
une Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout ang
1804
’école, agressivité frustrée, et surtout angoisse
de
perdre son identité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’un c
1805
entité. Elle a donc pris les caractères cliniques
d’
un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’
1806
donc pris les caractères cliniques d’un complexe.
D’
où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réa
1807
où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes,
de
s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevo
1808
apter aux réalités changeantes du siècle, et même
de
les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus g
1809
changeantes du siècle, et même de les apercevoir.
D’
où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus grossières du commun
1810
r affectivité inquiète comme Iago sur la jalousie
d’
Othello. D’où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saug
1811
té inquiète comme Iago sur la jalousie d’Othello.
D’
où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui c
1812
lo. D’où enfin, l’extrême confusion et les éclats
de
passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur la souverainet
1813
a souveraineté nationale absolue, qu’une attitude
de
scepticisme intégral, tempérée par un souci de clinicien : le nationa
1814
de de scepticisme intégral, tempérée par un souci
de
clinicien : le nationaliste, en effet, n’est pas simplement un homme
1815
on erreur. C’est bien plutôt un homme qui souffre
de
la crainte morbide de perdre une puissance magique qui n’existe pas !
1816
plutôt un homme qui souffre de la crainte morbide
de
perdre une puissance magique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup mo
1817
gique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup moins
de
le réfuter que d’éviter d’exciter sa névrose. Nous reviendrons sur le
1818
pas ! Il s’agit beaucoup moins de le réfuter que
d’
éviter d’exciter sa névrose. Nous reviendrons sur les conséquences à t
1819
s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’éviter
d’
exciter sa névrose. Nous reviendrons sur les conséquences à tirer de c
1820
se. Nous reviendrons sur les conséquences à tirer
de
ce diagnostic. ⁂ Un autre élément du nationalisme profondément induré
1821
depuis quatre ou cinq générations, par les soins
de
l’instruction publique, c’est la confusion établie entre « Patrie »,
1822
La Patrie, pour le fédéraliste, est une réalité
d’
instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique
1823
our le fédéraliste, est une réalité d’instinct et
de
sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique, une implanta
1824
t une réalité d’instinct et de sentiment, un fait
de
naissance, comme le mot l’indique, une implantation géophysique, loca
1825
contraire, est une réalité idéale ou idéologique.
D’
où la différence foncière que voici : on peut annexer des peuples à un
1826
ent influencée et jamais déterminée par la nature
de
la patrie concrète, encore moins par ses limites naturelles. Il suffi
1827
ncore moins par ses limites naturelles. Il suffit
de
constater que la forme de l’État est à peu près la même de nos jours
1828
s naturelles. Il suffit de constater que la forme
de
l’État est à peu près la même de nos jours dans les patries et les na
1829
ter que la forme de l’État est à peu près la même
de
nos jours dans les patries et les nations les plus diverses. D’autre
1830
État n’entretient avec la nation que les rapports
d’
usurpation et de confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la La
1831
t avec la nation que les rapports d’usurpation et
de
confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la Langue, elle ne co
1832
accablantes n’empêchent pas le nationaliste moyen
de
revendiquer l’annexion à son État, au nom de son propre sentiment pat
1833
État, au nom de son propre sentiment patriotique,
de
peuples qui ont l’honneur de parler sa langue, quand celle-ci se trou
1834
ntiment patriotique, de peuples qui ont l’honneur
de
parler sa langue, quand celle-ci se trouve être celle d’une majorité
1835
er sa langue, quand celle-ci se trouve être celle
d’
une majorité dans les frontières actuelles de l’État en question. La c
1836
elle d’une majorité dans les frontières actuelles
de
l’État en question. La confusion Patrie-État-nation-Langue, résultat
1837
La confusion Patrie-État-nation-Langue, résultat
d’
une ignorance crasse, sévit dans plusieurs chapitres des traités de Ve
1838
rasse, sévit dans plusieurs chapitres des traités
de
Versailles, Trianon et Saint-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle
1839
int-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle sert
de
prétexte au premier nigaud venu pour mettre en doute la possibilité d
1840
r nigaud venu pour mettre en doute la possibilité
d’
une Europe unie. Dissocier ce conglomérat monstrueux, réfuter cette co
1841
confusion séculaire, la ridiculiser et l’extirper
de
l’enseignement, voilà qui me paraît l’une des toutes premières tâches
1842
urde. Non content de prétendre forcer dans le lit
de
Procuste des mêmes frontières administratives, patries locales, natio
1843
venu français ou allemand selon qu’il se trouvait
d’
un côté ou de l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolong
1844
ou allemand selon qu’il se trouvait d’un côté ou
de
l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolongée dans le so
1845
d selon qu’il se trouvait d’un côté ou de l’autre
de
la frontière linguistique, idéalement prolongée dans le sous-sol muet
1846
st qu’une transposition particulièrement insensée
de
la volonté d’isolement à la fois anxieux et agressif que représente l
1847
sposition particulièrement insensée de la volonté
d’
isolement à la fois anxieux et agressif que représente l’État-nation.
1848
bien-être des hommes soit sacrifié à la puissance
de
l’État, et leurs libertés concrètes à sa liberté abstraite, qu’il nom
1849
humaine, puisqu’en fait on lui sacrifie la santé
d’
un pays et son niveau de vie, la liberté économique et la justice elle
1850
la souveraineté absolue, elle ne représente rien
d’
autre qu’une tendance psychologique morbide, un prétexte à refuser tou
1851
bide, un prétexte à refuser toute mesure réaliste
de
coopération et à autoriser les tricheries les plus effrontées dans le
1852
ris pour la religion, l’a remplacé par le concept
de
« culture nationale ». On prétend que les idées ne connaissent pas de
1853
le ». On prétend que les idées ne connaissent pas
de
frontières, mais l’instruction publique a changé cela. (Et l’Universi
1854
es encyclopédies et les revues parlent couramment
de
« science française », de « science allemande », etc. (variétés que l
1855
vues parlent couramment de « science française »,
de
« science allemande », etc. (variétés que les Soviets englobent d’ail
1856
iets englobent d’ailleurs sous le titre diffamant
de
« science bourgeoise »). Sous Hitler, on parlait également de mathéma
1857
bourgeoise »). Sous Hitler, on parlait également
de
mathématiques allemandes, et sous Staline, d’une biologie marxiste. C
1858
ent de mathématiques allemandes, et sous Staline,
d’
une biologie marxiste. Ces excès doivent nous rendre attentifs à l’usa
1859
une plus grande rigueur ? La volonté fondamentale
de
l’État-nation : imposer les mêmes frontières au patriotisme, à l’admi
1860
nationalisme. Et ceci nous permet, par contraste,
de
décrire l’attitude fédéraliste comme un simple retour au respect des
1861
mme une référence au bon sens. III. Deux modes
de
penser Il y a dans notre Europe du xxe siècle, deux types d’espri
1862
y a dans notre Europe du xxe siècle, deux types
d’
esprit et de sensibilité politique : les nationalistes (dont les plus
1863
tre Europe du xxe siècle, deux types d’esprit et
de
sensibilité politique : les nationalistes (dont les plus conséquents
1864
on peut rapporter sans conteste à l’un ou l’autre
de
ces types d’esprit, dans le passé récent de l’Occident ? Le nationali
1865
rter sans conteste à l’un ou l’autre de ces types
d’
esprit, dans le passé récent de l’Occident ? Le nationalisme a représe
1866
autre de ces types d’esprit, dans le passé récent
de
l’Occident ? Le nationalisme a représenté au xixe siècle le seul pri
1867
sme a représenté au xixe siècle le seul principe
de
communion civique qui ait survécu au raz-de-marée rationaliste et jac
1868
ionaliste et jacobin ; et aussi l’agent principal
de
l’expansion européenne. Ce sont en effet les États-nations, et non pa
1869
Européens, le nationalisme développait les germes
de
notre décadence. D’une part, chez les peuples lointains qu’il venait
1870
es peuples lointains qu’il venait de coloniser et
d’
humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’« indépendance nation
1871
e coloniser et d’humilier, il suscitait un esprit
de
révolte et d’« indépendance nationale » qui allait se dresser contre
1872
d’humilier, il suscitait un esprit de révolte et
d’
« indépendance nationale » qui allait se dresser contre lui au nom de
1873
14 et 1954, a connu la décadence rapide, la chute
de
potentiel, le recul mondial que l’on sait, elle le doit, à un double
1874
édéralisme a produit deux témoignages exemplaires
de
sa vitalité : les USA et la Suisse. Ces deux pays ont été à la fois l
1875
la fois les plus prospères et les plus pacifiques
de
l’ère moderne : ils n’ont provoqué aucune guerre. Toutes les dernière
1876
ique du xxe siècle, et avec les intérêts majeurs
de
l’Europe, tant spirituels que matériels. En s’opposant à l’ouverture
1877
ériels. En s’opposant à l’ouverture indispensable
d’
un grand marché continental, il entretient dans les pays protectionnis
1878
leur nature, ou par leur portée, ou par leur coût
de
production, ou enfin par les échanges que ces techniques multiplient
1879
’égoïsme politique mal compris opposent à l’union
de
l’Europe ; il est devenu au surplus une forme de pensée réactionnaire
1880
de l’Europe ; il est devenu au surplus une forme
de
pensée réactionnaire, un système de références démodé et rétrograde,
1881
lus une forme de pensée réactionnaire, un système
de
références démodé et rétrograde, et cela un siècle et demi seulement
1882
vec l’évolution technique et les nouvelles formes
de
la pensée scientifique. La pensée fédéraliste, en effet, se représent
1883
nte la société européenne comme une constellation
de
foyers créateurs, non comme un puzzle formé de pièces rigides et défi
1884
on de foyers créateurs, non comme un puzzle formé
de
pièces rigides et définies d’abord par leur contour. Elle conçoit les
1885
rapports humains et politiques comme un complexe
de
tensions normales entre des pôles opposés mais valables, non comme la
1886
opposés mais valables, non comme la juxtaposition
de
monades ou d’autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrech
1887
alables, non comme la juxtaposition de monades ou
d’
autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalem
1888
position de monades ou d’autarcies qui ne cessent
de
s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalement. Nos coutumes et nos st
1889
le polémique ne lui apparaissent pas comme autant
de
contradictions insupportables, qu’il faut tenter de réduire à l’unifo
1890
contradictions insupportables, qu’il faut tenter
de
réduire à l’uniformité si l’on ne peut les isoler par des cloisons ét
1891
oler par des cloisons étanches, mais comme autant
de
valeurs « complémentaires », dont le dialogue fait la richesse de l’O
1892
plémentaires », dont le dialogue fait la richesse
de
l’Occident. Or nous voyons que la science actuelle pense également pa
1893
ue la science actuelle pense également par champs
de
forces en interaction, non par entités statiques, et qu’elle a substi
1894
tés statiques, et qu’elle a substitué au principe
de
non-contradiction qui bloquait le progrès des sciences physiques, le
1895
it le progrès des sciences physiques, le principe
de
complémentarité. Qu’il s’agisse de la théorie des jeux appliquée par
1896
s, le principe de complémentarité. Qu’il s’agisse
de
la théorie des jeux appliquée par von Neumann à la politique et à l’é
1897
ar von Neumann à la politique et à l’économie, ou
de
l’organisation technique des entreprises, la science actuelle dépasse
1898
à rechercher le meilleur équilibre « en tension »
de
deux groupes différents, sauvegardant de la sorte à la fois leur indi
1899
ension » de deux groupes différents, sauvegardant
de
la sorte à la fois leur individualité et leur relation créatrice. Il
1900
et leur relation créatrice. Il serait bien utile
de
prolonger ce parallèle dans le domaine de la biologie et de la psycho
1901
n utile de prolonger ce parallèle dans le domaine
de
la biologie et de la psychologie : je le suggère à des esprits plus c
1902
er ce parallèle dans le domaine de la biologie et
de
la psychologie : je le suggère à des esprits plus compétents. J’enten
1903
science moderne a conçue ; et il suppose un monde
de
relations libres et décentralisées qui est précisément celui que la t
1904
ans le droit fil des traditions les plus fécondes
de
l’Occident. On sait que l’Orient et l’Occident s’opposent comme le mo
1905
est aussi le principe vivant du fédéralisme. Être
d’
une patrie locale en tant qu’on y est né, mais d’une religion universe
1906
d’une patrie locale en tant qu’on y est né, mais
d’
une religion universelle en tant qu’on y croit ; se rattacher par la l
1907
; pouvoir au surplus s’affilier à une telle école
de
pensée, d’art ou de doctrine politique, proche ou lointaine dans le t
1908
u surplus s’affilier à une telle école de pensée,
d’
art ou de doctrine politique, proche ou lointaine dans le temps ou l’e
1909
s’affilier à une telle école de pensée, d’art ou
de
doctrine politique, proche ou lointaine dans le temps ou l’espace, se
1910
qu’une dispersion qui l’angoisse et où il craint
de
perdre son identité. Le fédéraliste au contraire y voit une possibili
1911
e fédéraliste au contraire y voit une possibilité
d’
enrichissement de la personne. (J’ai souvent défini la liberté comme l
1912
contraire y voit une possibilité d’enrichissement
de
la personne. (J’ai souvent défini la liberté comme le droit d’apparte
1913
e. (J’ai souvent défini la liberté comme le droit
d’
appartenir à plusieurs clubs !) Ce pluralisme redouté par le nationali
1914
alitaire, est le secret des pouvoirs créateurs et
de
la santé mentale de l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédérali
1915
ret des pouvoirs créateurs et de la santé mentale
de
l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédéralisme est dans la lign
1916
rappellerai que le fédéralisme est dans la ligne
de
la pensée chrétienne, alors que le nationalisme est foncièrement païe
1917
ment païen, idolâtre et antichrétien. L’idée même
de
nation est étrangère au dogme et à la foi chrétienne. Le Christ est m
1918
che une organisation personnaliste et fédéraliste
de
la société et de la communauté des peuples. Là encore, la cause est j
1919
ion personnaliste et fédéraliste de la société et
de
la communauté des peuples. Là encore, la cause est jugée. L’Histoire,
1920
ent sans appel le mythe nationaliste, destructeur
de
l’Europe et de sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme
1921
le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe et
de
sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme Et cependant,
1922
tionalistes ont sur nous les avantages du nombre,
d’
une routine centenaire (qu’ils prennent à tort pour la tradition), du
1923
cocardier, encore si puissant sur les foules, et
de
l’appui d’intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous av
1924
encore si puissant sur les foules, et de l’appui
d’
intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous avons sur eux
1925
aut. Mais nous avons sur eux l’avantage important
de
défendre une cause qu’ils n’osent pas attaquer : celle de l’union eur
1926
dre une cause qu’ils n’osent pas attaquer : celle
de
l’union européenne. Il est clair que tous les obstacles à cette union
1927
férents prétextes, mais ils lui rendent l’hommage
d’
une adhésion de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le n
1928
es, mais ils lui rendent l’hommage d’une adhésion
de
principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le nationalisme ren
1929
e d’une adhésion de principe. M. Herriot est l’un
de
ces hommages que le nationalisme rend à l’Europe unie. Et M. Molotov
1930
lisme, c’est-à-dire en tenant compte à chaque pas
de
cette double nécessité : instituer une union réelle, sauvegarder nos
1931
is si l’on opprime ses diversités, l’Europe cesse
d’
être elle-même. Ces deux exigences, bien moins contradictoires que « c
1932
Europe, et que les nationalistes ne cesseront pas
de
sitôt d’opposer leurs « solutions de rechange » à notre volonté const
1933
t que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt
d’
opposer leurs « solutions de rechange » à notre volonté constructive.
1934
esseront pas de sitôt d’opposer leurs « solutions
de
rechange » à notre volonté constructive. Quelles seront les maximes d
1935
volonté constructive. Quelles seront les maximes
de
notre lutte, dans cette situation de fait ? ⁂ J’envisagerai trois exe
1936
les maximes de notre lutte, dans cette situation
de
fait ? ⁂ J’envisagerai trois exemples typiques, l’un concernant la po
1937
culture. 1° — Il y a d’abord la fameuse querelle
de
la souveraineté nationale. Faut-il la sacrifier ? Suffit-il de la lim
1938
ineté nationale. Faut-il la sacrifier ? Suffit-il
de
la limiter ? Ou bien peut-on la conserver tout en faisant l’Europe ?
1939
comme M. Herriot, nous disent qu’ils veulent bien
d’
une Europe unie, à condition qu’elle respecte les souverainetés nation
1940
elle conduit à refuser toute proposition concrète
d’
union — on vient de le voir par le rejet de la CED. Ceci dit, les fédé
1941
ncrète d’union — on vient de le voir par le rejet
de
la CED. Ceci dit, les fédéralistes doivent-ils engager la bataille su
1942
stes doivent-ils engager la bataille sur le thème
de
« l’abandon des souverainetés » ? Je ne le crois pas, pour deux raiso
1943
e un mythe puissamment agissant sur les primaires
de
la presse, des parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. D
1944
ur les primaires de la presse, des parlements, et
de
tous les degrés de l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque un
1945
la presse, des parlements, et de tous les degrés
de
l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque une opposition passio
1946
emme : souveraineté ou fédération. Et sur la base
d’
une expérience historique probante, je leur propose une solution prati
1947
s réussies, on peut citer la Suisse sans soulever
d’
objections. Chacun sait que son régime politique est l’un des plus sta
1948
r par les 22 cantons qui étaient encore, au début
de
1848, des États parfaitement souverains. Tout le monde admettait, à c
1949
ns étouffaient l’économie. Mais toute proposition
de
pacte fédéral plus étroit se heurtait au veto des cantons, jaloux de
1950
us étroit se heurtait au veto des cantons, jaloux
de
leur souveraineté sacrée. La solution qui s’imposa finalement, au len
1951
La solution qui s’imposa finalement, au lendemain
de
la guerre civile dite du Sonderbund (1847), fut la suivante : loin d’
1952
dite du Sonderbund (1847), fut la suivante : loin
d’
exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, la Constituti
1953
ation à leur souveraineté, la Constitution suisse
de
1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle
1954
. — Les peuples des vingt-deux cantons souverains
de
la Suisse, unis par la présente alliance… forment dans leur ensemble
1955
e depuis cent-six ans. On peut les qualifier soit
d’
habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pr
1956
peut les qualifier soit d’habile compromis, soit
d’
échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.
1957
ue ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est pas
de
constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant ell
1958
st pas de constitution plus fédéraliste que celle
de
la Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres !
1959
Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté
de
ses membres ! Souveraineté plus ou moins fictive, direz-vous ? Raison
1960
iveau de la fédération. Tout cela me paraît plein
d’
enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Tout cela nous indique une
1961
ela me paraît plein d’enseignements pour l’Europe
d’
aujourd’hui. Tout cela nous indique une voie : nous devons désormais c
1962
sur la mise en discussion et sur la ratification
d’
une Constitution fédérale de l’Europe, afin que l’Europe recouvre, ent
1963
t sur la ratification d’une Constitution fédérale
de
l’Europe, afin que l’Europe recouvre, entre les grands empires, une s
1964
les grands empires, une souveraineté qui échappe
de
toute manière à ses nations. Nous savons bien comment vont réagir le
1965
dissimuler derrière ce petit préfixe leur qualité
d’
adversaires réels de l’union. Mais là encore, je demande que les fédér
1966
ce petit préfixe leur qualité d’adversaires réels
de
l’union. Mais là encore, je demande que les fédéralistes refusent de
1967
encore, je demande que les fédéralistes refusent
de
se battre pour des mots trompeurs. C’est le contenu et la visée fédér
1968
ce faux dilemme, pour la même raison qu’il refuse
de
choisir entre les autonomies régionales absolues et l’unification for
1969
me est une manière souple et sans cesse réajustée
de
distinguer entre ce qui doit être mis en commun pour mieux fonctionne
1970
nes la part des automatismes nécessaires et celle
de
l’invention libre, la part des fonctions étatiques collectivisées et
1971
risques personnels. Les nationalistes, incapables
de
nier la nécessité d’une coopération continentale, ne proposent que de
1972
es nationalistes, incapables de nier la nécessité
d’
une coopération continentale, ne proposent que des marchandages entre
1973
services fédéraux organisant toutes les activités
de
production, d’investissement et de transport qui, par nature, déborde
1974
ux organisant toutes les activités de production,
d’
investissement et de transport qui, par nature, débordent la capacité
1975
les activités de production, d’investissement et
de
transport qui, par nature, débordent la capacité d’un seul pays ; et
1976
transport qui, par nature, débordent la capacité
d’
un seul pays ; et nous demandons la libération correspondante ou compl
1977
ou complémentaire des entreprises dont l’optimum
de
production reste local ou régional. Ici, comme sur le plan des struct
1978
puis ici qu’indiquer sommairement cette direction
de
recherches économiques. Mais je tenais à marquer son articulation sol
1979
’autre part. 3° — Deux mots enfin sur le problème
de
la culture. Il est une phrase que je retrouve dans tous les plans et
1980
t même par Strasbourg : il s’agit, nous dit-on, «
d’
organiser des échanges culturels entre nations ». Une sensibilité fédé
1981
cidentale n’a jamais coïncidé avec les frontières
de
nos États actuels, pour l’excellente raison qu’elle existait bien ava
1982
n qu’elle existait bien avant eux. Elle a précédé
de
mille à deux-mille ans la tentative de morceler notre héritage commun
1983
a précédé de mille à deux-mille ans la tentative
de
morceler notre héritage commun en « cultures nationales », tentative
1984
leurs avortée, qui n’a guère qu’un siècle et demi
d’
âge en France, moins d’un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’
1985
guère qu’un siècle et demi d’âge en France, moins
d’
un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’années en Turquie et en
1986
ns d’un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines
d’
années en Turquie et en Irlande. Jamais la culture en Europe ne s’est
1987
éveloppée par des échanges contrôlés et officiels
de
nation à nation. Elle est née dans des foyers locaux qui ne correspon
1988
ns des foyers locaux qui ne correspondent à aucun
de
nos États-nations — la Lombardie, l’Ombrie, les Flandres, la Rhénanie
1989
is, Bâle ou Oxford. Elle s’est propagée librement
de
l’un à l’autre de ces foyers. Et grâce à cette interaction perpétuell
1990
tes ses formes nous sont communes, qu’il s’agisse
de
la symphonie ou du concerto, du roman ou du sonnet, de l’équation ou
1991
symphonie ou du concerto, du roman ou du sonnet,
de
l’équation ou de la théorie des groupes, de la fresque ou du tableau
1992
concerto, du roman ou du sonnet, de l’équation ou
de
la théorie des groupes, de la fresque ou du tableau de chevalet, du v
1993
nnet, de l’équation ou de la théorie des groupes,
de
la fresque ou du tableau de chevalet, du vocabulaire ou des catégorie
1994
théorie des groupes, de la fresque ou du tableau
de
chevalet, du vocabulaire ou des catégories philosophiques, et en géné
1995
e ou des catégories philosophiques, et en général
de
toutes les théories et procédés scientifiques. À quoi servirait, dès
1996
océdés scientifiques. À quoi servirait, dès lors,
de
« multiplier les échanges culturels » comme on dit, entre la Suède et
1997
peuples à se mieux connaître » par le truchement
d’
œuvres d’art nées sur leur territoire actuel. Les artistes les plus ty
1998
territoire actuel. Les artistes les plus typiques
de
l’esprit national d’un peuple sont en général les plus mauvais. Ce n’
1999
s artistes les plus typiques de l’esprit national
d’
un peuple sont en général les plus mauvais. Ce n’est pas Mallarmé, ni
2000
comme telle. Et les peuples ont bien moins besoin
de
se connaître personnellement que d’être enfin débarrassés de l’enseig
2001
moins besoin de se connaître personnellement que
d’
être enfin débarrassés de l’enseignement nationaliste, qui leur inculq
2002
ître personnellement que d’être enfin débarrassés
de
l’enseignement nationaliste, qui leur inculque dès l’enfance la méfia
2003
ur inculque dès l’enfance la méfiance et la haine
de
leurs voisins. Il résulte de ces brèves remarques que préconiser comm
2004
méfiance et la haine de leurs voisins. Il résulte
de
ces brèves remarques que préconiser comme on fait des échanges cultur
2005
e préconiser comme on fait des échanges culturels
de
nation à nation, c’est essayer de consolider les mythes nationalistes
2006
anges culturels de nation à nation, c’est essayer
de
consolider les mythes nationalistes, c’est reconnaître aux États le d
2007
tionalistes, c’est reconnaître aux États le droit
d’
élever ou d’abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des id
2008
c’est reconnaître aux États le droit d’élever ou
d’
abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des idées et des œ
2009
ulturels. La culture est par essence un phénomène
d’
échanges libres ; elle meurt d’être enfermée dans des cadres administr
2010
sence un phénomène d’échanges libres ; elle meurt
d’
être enfermée dans des cadres administratifs ou nationaux ; et ce n’es
2011
n’est pas une libération surveillée des échanges
de
prison à prison que nous devons exiger mais l’élargissement immédiat
2012
u — j’entends : la suppression totale des mesures
de
discrimination nationales et des barrières douanières imposées à la v
2013
barrières douanières imposées à la vie culturelle
de
l’Europe et à ses produits. Les États — et demain le Pouvoir fédéral
2014
n le Pouvoir fédéral européen — n’ont qu’un moyen
d’
aider la culture : c’est d’offrir à ceux qui la créent et la transmett
2015
en — n’ont qu’un moyen d’aider la culture : c’est
d’
offrir à ceux qui la créent et la transmettent les moyens de vivre déc
2016
ceux qui la créent et la transmettent les moyens
de
vivre décemment. Et quant à ceux qui feignent de redouter que la supp
2017
de vivre décemment. Et quant à ceux qui feignent
de
redouter que la suppression des frontières « culturelles » entraîne u
2018
ières « culturelles » entraîne un affreux mélange
de
nos vertus et caractères nationaux, nous leur dirons : qu’est-ce que
2019
est-ce que votre « génie national » s’il a besoin
d’
être entouré par des douaniers pour ne pas se perdre ? Conclusions
2020
clusions J’ai tenté par ces quelques exemples,
de
montrer comment l’analyse fédéraliste, en même temps qu’elle rend com
2021
emps qu’elle rend compte des causes nationalistes
de
la décadence de l’Europe, dégage les principes d’une méthode et les m
2022
d compte des causes nationalistes de la décadence
de
l’Europe, dégage les principes d’une méthode et les maximes d’une act
2023
de la décadence de l’Europe, dégage les principes
d’
une méthode et les maximes d’une action seules susceptibles de conduir
2024
dégage les principes d’une méthode et les maximes
d’
une action seules susceptibles de conduire à une union vivante de nos
2025
e et les maximes d’une action seules susceptibles
de
conduire à une union vivante de nos peuples. Dans chaque cas, mes con
2026
ules susceptibles de conduire à une union vivante
de
nos peuples. Dans chaque cas, mes conclusions ont été pareilles : ell
2027
seul objectif décisif : la Constitution fédérale
de
l’Europe. La méthode proposée par les Anglais et baptisée « fonctionn
2028
iste. Mais elle a conduit à l’échec. Elle a servi
de
prétexte à trop de marchandages entre les vraies forces d’union et le
2029
onduit à l’échec. Elle a servi de prétexte à trop
de
marchandages entre les vraies forces d’union et les répugnances natio
2030
te à trop de marchandages entre les vraies forces
d’
union et les répugnances nationalistes, plus ou moins avouées comme te
2031
lisme le plus franc qui a triomphé, lors du refus
de
la CED. Nous voyons donc qu’il n’est pas plus facile de faire l’Europ
2032
CED. Nous voyons donc qu’il n’est pas plus facile
de
faire l’Europe par pièces et morceaux, que de la faire dans un seul é
2033
ile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que
de
la faire dans un seul élan. Tourner un à un les obstacles multipliés
2034
les saboteurs sournois, n’est pas plus facile que
d’
attaquer de front, franchement, une fois pour toutes, ce qui inspire t
2035
rs sournois, n’est pas plus facile que d’attaquer
de
front, franchement, une fois pour toutes, ce qui inspire toutes les r
2036
: l’esprit nationaliste. aa. Rougemont Denis
de
, « Fédéralisme et nationalisme », Fédération, Paris, septembre–octobr
2037
Une présence (1955)ab Depuis le début
de
l’ère des dictatures, nombre d’intellectuels occidentaux et asiatique
2038
Depuis le début de l’ère des dictatures, nombre
d’
intellectuels occidentaux et asiatiques nous répètent qu’il est imposs
2039
et asiatiques nous répètent qu’il est impossible
de
résister au fanatisme politique sans devenir soi-même fanatique, de l
2040
atisme politique sans devenir soi-même fanatique,
de
lutter contre le fascisme sans adopter la ligne communiste, ou de lut
2041
le fascisme sans adopter la ligne communiste, ou
de
lutter contre le stalinisme sans adopter les procédés fascistes. Le r
2042
rand que par crainte de le courir ils choisissent
de
ne point résister du tout, et de s’inscrire par exemple aux « partisa
2043
ils choisissent de ne point résister du tout, et
de
s’inscrire par exemple aux « partisans de la paix », qui sont ceux d’
2044
out, et de s’inscrire par exemple aux « partisans
de
la paix », qui sont ceux d’une armée et de sa politique. L’action du
2045
emple aux « partisans de la paix », qui sont ceux
d’
une armée et de sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de l
2046
tisans de la paix », qui sont ceux d’une armée et
de
sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de la culture, depu
2047
sa politique. L’action du Congrès pour la liberté
de
la culture, depuis cinq ans, a démontré la possibilité de lutter libr
2048
lture, depuis cinq ans, a démontré la possibilité
de
lutter librement contre la tyrannie, et de surmonter le défaitisme an
2049
bilité de lutter librement contre la tyrannie, et
de
surmonter le défaitisme anxieux d’une intelligentsia trop facilement
2050
a tyrannie, et de surmonter le défaitisme anxieux
d’
une intelligentsia trop facilement dupée par les prétextes humanitaire
2051
p facilement dupée par les prétextes humanitaires
de
la Terreur. Nous n’avons pas opposé à la propagande des Bons Tyrans j
2052
acrifice « temporaire » mais concret des libertés
de
la personne et des impératifs de la justice. Mais nous avons créé un
2053
ret des libertés de la personne et des impératifs
de
la justice. Mais nous avons créé un point de ralliement pour des espr
2054
tifs de la justice. Mais nous avons créé un point
de
ralliement pour des esprits venus d’horizons différents, et visant de
2055
réé un point de ralliement pour des esprits venus
d’
horizons différents, et visant des buts très divers. Quoi de commun, p
2056
différents, et visant des buts très divers. Quoi
de
commun, pourrait-on demander, entre nos présidents d’honneur ? Entre
2057
ommun, pourrait-on demander, entre nos présidents
d’
honneur ? Entre Maritain et Russell, entre Niebuhr et Madariaga, entre
2058
ebuhr et Madariaga, entre Jaspers et Croce ? Rien
de
facile à définir, sans doute. Pas un slogan. Mais ce fait et ce mode
2059
ans doute. Pas un slogan. Mais ce fait et ce mode
d’
expérience — comme l’eût dit John Dewey, leur grand aîné — qu’est l’ex
2060
grand aîné — qu’est l’exercice vivant et militant
de
la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps. Quels furent
2061
u’est l’exercice vivant et militant de la liberté
de
l’esprit, dans l’actualité de notre temps. Quels furent les actes du
2062
itant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité
de
notre temps. Quels furent les actes du Congrès pendant cinq ans ? On
2063
cinq ans ? On rappelle plus loin nos conférences
de
savants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes,
2064
On rappelle plus loin nos conférences de savants,
d’
écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues e
2065
lus loin nos conférences de savants, d’écrivains,
de
musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues et publication
2066
onférences de savants, d’écrivains, de musiciens,
d’
économistes et de philosophes, nos revues et publications, nos spectac
2067
ants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et
de
philosophes, nos revues et publications, nos spectacles et nos débats
2068
spectacles et nos débats, et les grandes réunions
de
Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et
2069
et nos débats, et les grandes réunions de Berlin,
de
Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan.
2070
et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles,
de
Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais si
2071
ndes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay,
de
Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement me
2072
ons de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris,
de
Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en re
2073
, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg,
de
Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en relief un fait
2074
, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et
de
Milan. Je voudrais simplement mettre en relief un fait : celui de not
2075
drais simplement mettre en relief un fait : celui
de
notre Rassemblement. Peut-être a-t-il contribué plus qu’on ne le croi
2076
bué plus qu’on ne le croit à changer l’atmosphère
de
l’après-guerre mondiale. La mode était aux démissions de l’esprit dev
2077
rès-guerre mondiale. La mode était aux démissions
de
l’esprit devant l’autel d’une Histoire déifiée. Les hommes libres se
2078
e était aux démissions de l’esprit devant l’autel
d’
une Histoire déifiée. Les hommes libres se sentaient seuls. Ils ont tr
2079
ns renoncer à sa vocation. Ce n’est pas un ersatz
d’
église, ce n’est pas un parti jaloux, ce n’est pas un bastion de défen
2080
’est pas un parti jaloux, ce n’est pas un bastion
de
défense. C’est plutôt un réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo
2081
pas un bastion de défense. C’est plutôt un réseau
d’
amitiés agissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-O
2082
ense. C’est plutôt un réseau d’amitiés agissantes
de
Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Me
2083
un réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo,
de
New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une vo
2084
gissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay,
de
Berlin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une volonté de justice qui s
2085
lin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une volonté
de
justice qui se moque des opportunismes et c’est une action permanente
2086
, le Congrès va mener plus que jamais l’offensive
de
la liberté, sa vraie lutte pour une paix vivante. ab. Rougemont De
2087
tte pour une paix vivante. ab. Rougemont Denis
de
, « Une présence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955). L
2088
. Rougemont Denis de, « Une présence », Cinq ans
de
présence (juin 1950-septembre 1955). Le Congrès pour la liberté de la
2089
1950-septembre 1955). Le Congrès pour la liberté
de
la culture, Paris, 1955, p. 5-6.
2090
955)ac Il y a quinze ans j’osais louer Reynold
de
n’avoir pas craint de porter un jugement pessimiste sur l’avenir immé
2091
e ans j’osais louer Reynold de n’avoir pas craint
de
porter un jugement pessimiste sur l’avenir immédiat de la Suisse, sau
2092
rter un jugement pessimiste sur l’avenir immédiat
de
la Suisse, sauvant ainsi chez nous le sens du pire, la conscience d’u
2093
nt ainsi chez nous le sens du pire, la conscience
d’
une menace totale à laquelle, pour faire face, il fallait d’abord croi
2094
, c’est pour une part minime mais qui est la part
de
l’homme, parce que Reynold a eu raison et parce qu’il a su se faire e
2095
ire entendre. Cités et pays suisses et Conscience
de
la Suisse — l’avertissement venant après l’illustration —, ces deux l
2096
stration —, ces deux livres ont porté, et je suis
de
ceux qui tiennent pour capital leur rôle dans la défense de ce pays,
2097
us qui tiennent un peuple ensemble. Dans la liste
de
ses ouvrages, je trouve un tournant symbolique, vers 1940 précisément
2098
que, vers 1940 précisément : succédant à Grandeur
de
la Suisse, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’un grand œuv
2099
isse, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce
d’
un grand œuvre consacré à la formation du plus vaste ensemble historiq
2100
istorique dans lequel se situe la Suisse. Le sens
de
la grandeur et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Sui
2101
itue la Suisse. Le sens de la grandeur et le sens
de
l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et de la
2102
r et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne
de
la Suisse des manuels, et de la Suisse « concrète » (comme on dit bie
2103
ilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et
de
la Suisse « concrète » (comme on dit bien à tort), celle qui ne prend
2104
fois spirituelles et historiques, qui sont celles
de
l’Europe entière ? Cités et pays suisses nous disait qui nous sommes,
2105
uisses nous disait qui nous sommes, et Conscience
de
la Suisse, où nous en sommes. Formation de l’Europe montre d’où nous
2106
cience de la Suisse, où nous en sommes. Formation
de
l’Europe montre d’où nous venons. Ces repères définissent un axe. Cet
2107
, où nous en sommes. Formation de l’Europe montre
d’
où nous venons. Ces repères définissent un axe. Cet axe part de l’Euro
2108
ons. Ces repères définissent un axe. Cet axe part
de
l’Europe des Romains et des Francs, traverse notre histoire et pointe
2109
t pointe vers un avenir qui ne peut être distinct
de
celui d’une Europe soit fédérée par la libre invention, soit unifiée
2110
vers un avenir qui ne peut être distinct de celui
d’
une Europe soit fédérée par la libre invention, soit unifiée par une f
2111
euple européen qui ait autant besoin que le nôtre
d’
exercer ce que Reynold appelle « l’imagination historique ». On sait q
2112
gés déguisés en vertus — bon sens pratique, tabou
de
la neutralité — tendent à stériliser chez nous cette faculté. Mais to
2113
ette faculté. Mais toutes nos réalités se moquent
de
ces excuses : il n’est que de regarder la carte. Tout nous rattache d
2114
réalités se moquent de ces excuses : il n’est que
de
regarder la carte. Tout nous rattache dans le passé, comme pour l’ave
2115
vie ne serait pas concevable. Prendre conscience
de
l’être suisse, au-delà des apparences souvent médiocres, c’est prendr
2116
ences souvent médiocres, c’est prendre conscience
de
l’Europe. Car l’Europe est faite dans l’ensemble des mêmes éléments q
2117
fondeurs du passé, dans cet inconscient collectif
d’
où remontent les rêves qui nous guident, par les deux utopies directri
2118
r les deux utopies directrices du Saint-Empire et
de
l’esprit des communes. Toutefois ces éléments, séparés en Europe, voi
2119
leur conciliation vivante nous définit. Principe
d’
autorité, principe d’association, « à la rencontre l’un de l’autre, ve
2120
vante nous définit. Principe d’autorité, principe
d’
association, « à la rencontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’u
2121
té, principe d’association, « à la rencontre l’un
de
l’autre, vers la synthèse de l’un et du multiple » : ces formules que
2122
à la rencontre l’un de l’autre, vers la synthèse
de
l’un et du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude
2123
du multiple » : ces formules que Reynold a tirées
de
l’étude d’une Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de cons
2124
» : ces formules que Reynold a tirées de l’étude
d’
une Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de constater qu’el
2125
e Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant
de
constater qu’elles résument l’expérience fédérale et fédéraliste de l
2126
les résument l’expérience fédérale et fédéraliste
de
la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mou
2127
expérience fédérale et fédéraliste de la Suisse ?
De
l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mouvements de syst
2128
déraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse,
de
la Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et de diastole animen
2129
a Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mouvements
de
systole et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donn
2130
a Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et
de
diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donnent sa valeur
2131
de systole et de diastole animent l’œuvre entière
de
Reynold et lui donnent sa valeur exemplaire : je n’en connais pas de
2132
de plus fécondes à méditer par les constructeurs
de
l’Europe. ac. Rougemont Denis de, « Reynold et l’Europe », Gonzagu
2133
constructeurs de l’Europe. ac. Rougemont Denis
de
, « Reynold et l’Europe », Gonzague de Reynold et son œuvre, Fribourg,
2134
bsorbé l’attention des Européens et des militants
de
l’Europe unie depuis l’été dernier : l’abandon du projet de CED et le
2135
e unie depuis l’été dernier : l’abandon du projet
de
CED et les accords de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce q
2136
rnier : l’abandon du projet de CED et les accords
de
Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce que la CED était accusé
2137
ans l’euphorie ce que la CED était accusée à tort
de
préparer ; ce quelle avait pour objet principal de prévenir ; ce qui
2138
e préparer ; ce quelle avait pour objet principal
de
prévenir ; ce qui enfin devenait fatal dès l’instant qu’on la rejetai
2139
jeter ce qu’elle seule pouvait empêcher. Le moyen
de
décrire plus simplement ce vertige de contradictions ? Il y faudrait
2140
r. Le moyen de décrire plus simplement ce vertige
de
contradictions ? Il y faudrait une parabole. En voici une. Il y avait
2141
leur proposa un vaccin. Ayant remarqué que le nom
de
ce vaccin évoquait le nom de la maladie, comme il arrive en général,
2142
remarqué que le nom de ce vaccin évoquait le nom
de
la maladie, comme il arrive en général, ils votèrent contre le remède
2143
soulagés. Laissant aux historiens futurs le soin
de
tirer les conclusions de ce pataquès exemplaire, nous nous bornons ic
2144
istoriens futurs le soin de tirer les conclusions
de
ce pataquès exemplaire, nous nous bornons ici à relever deux faits :
2145
ous bornons ici à relever deux faits : — Le rejet
de
la CED ne met pas fin à la construction européenne, comme on l’a répé
2146
bien à tort : il montre simplement qu’une partie
d’
un parlement (devenue majorité grâce à l’appui des communistes) n’a pa
2147
tes) n’a pas encore senti la nécessité historique
de
cette construction — nécessité qui demeure intacte après leur vote. —
2148
te. — En revanche, il est douteux que les accords
de
Londres représentent « un premier pas vers l’intégration européenne »
2149
s de plus que l’éducation européenne des peuples,
de
leurs cadres et de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Eu
2150
cation européenne des peuples, de leurs cadres et
de
leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Europe unie ont péché
2151
et de leurs élites, reste à faire. Les partisans
de
l’Europe unie ont péché depuis quelques années — et non seulement dan
2152
quelques années — et non seulement dans l’affaire
de
la CED — par complaisance à une double illusion : ils ont cru que le
2153
ondeur, lent par nature, représenterait une perte
de
temps ; et ils ont cru que la propagande pour l’idée européenne était
2154
moment ou à un autre, nous avons tous été tentés
de
penser qu’on ne pouvait réussir l’union que par une série de mesures
2155
u’on ne pouvait réussir l’union que par une série
de
mesures « concrètes », telles que l’OECE, la CECA, la CED, qu’on espé
2156
utionnaire qu’eût représenté l’exigence immédiate
d’
une fédération politique. C’était pratiquement se rallier à la méthode
2157
à petit l’oiseau fait son nid9, méthode qui évite
d’
agiter « inutilement » les esprits et les passions, et qui préfère l’a
2158
préfère l’action diplomatique ou les combinaisons
de
coulisses parlementaires. Cette méthode a réussi (OECE, CECA) jusqu’a
2159
ssi (OECE, CECA) jusqu’au jour où les adversaires
de
l’union ont déclenché leur propagande massive. Eux n’ont pas hésité u
2160
: elle consistait à croire qu’il est plus facile
de
faire l’Europe par pièces et morceaux que de la faire dans un seul él
2161
cile de faire l’Europe par pièces et morceaux que
de
la faire dans un seul élan fédérateur : qu’il est plus facile de tour
2162
s un seul élan fédérateur : qu’il est plus facile
de
tourner les obstacles que de les attaquer là où ils sont : dans les r
2163
u’il est plus facile de tourner les obstacles que
de
les attaquer là où ils sont : dans les routines de l’esprit nationali
2164
e les attaquer là où ils sont : dans les routines
de
l’esprit nationaliste, autant et plus que dans les intérêts particuli
2165
agne éducative en profondeur, que l’on a négligée
de
mener — ou que l’on n’a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvemen
2166
a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvements
de
militants européens ont été surpris par l’échec de la CED. En effet,
2167
e militants européens ont été surpris par l’échec
de
la CED. En effet, cet échec a résulté du fait qu’on laissait le publi
2168
du fait qu’on laissait le public dans l’ignorance
de
la vraie situation européenne, des vrais buts du traité, du traité lu
2169
u traité, du traité lui-même, et des conséquences
de
son rejet. Or, les militants européens croyaient avoir expliqué tout
2170
’explique. Une enquête menée par le CEC10 au mois
de
septembre a donné les résultats suivants : le nombre des brochures, t
2171
: le nombre des brochures, tracts, petits livres
de
propagande ou d’information européenne publiés depuis 1947 dans les s
2172
brochures, tracts, petits livres de propagande ou
d’
information européenne publiés depuis 1947 dans les seize pays du CE e
2173
tirage total a légèrement dépassé trois millions
d’
exemplaires. Cela paraît considérable quand on est assis dans le burea
2174
dérable quand on est assis dans le bureau central
d’
un mouvement, devant près de cinq-cents brochures de titres différents
2175
un mouvement, devant près de cinq-cents brochures
de
titres différents. En fait, cela représente en moyenne quatre-cents e
2176
la représente en moyenne quatre-cents exemplaires
de
chaque brochure distribuée dans chaque pays. Une goutte d’eau dans la
2177
brochure distribuée dans chaque pays. Une goutte
d’
eau dans la mer. Comment s’étonner après cela de l’ignorance presque t
2178
e d’eau dans la mer. Comment s’étonner après cela
de
l’ignorance presque totale où sont restés nos peuples et leurs élites
2179
e, depuis un siècle, et notamment par les manuels
d’
histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus. De notre côté, tout reste à
2180
uels d’histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus.
De
notre côté, tout reste à faire, ou presque. Une révolution est l’abou
2181
e, ou presque. Une révolution est l’aboutissement
d’
une série d’actions d’abord morales, intellectuelles et spirituelles,
2182
e. Une révolution est l’aboutissement d’une série
d’
actions d’abord morales, intellectuelles et spirituelles, puis économi
2183
par nature restent invisibles à l’œil des agences
de
presse, mais sans lesquelles rien ne se ferait. L’Europe unie est une
2184
culture », dont le siège est à Genève. L’article
de
M. Denis de Rougemont est extrait du ">n° 6 du bulletin de ce Cent
2185
de Rougemont est extrait du ">n° 6 du bulletin
de
ce Centre (122, rue de Lausanne). ad. Rougemont Denis de, « Rien n’
2186
tre (122, rue de Lausanne). ad. Rougemont Denis
de
, « Rien n’est perdu, tout reste à faire », France Europe, Paris, janv
2187
liothèque idéale » (1956)ae af S’il s’agissait
de
nommer les cent grands livres de l’humanité (ceux que l’on prend pour
2188
S’il s’agissait de nommer les cent grands livres
de
l’humanité (ceux que l’on prend pour base des études dans certaines u
2189
e me bornerais aux écrits religieux, ou créateurs
de
communautés, ou scientifiques, tels que la Bible, le Coran, les Vedas
2190
acer sur le même plan que nos œuvres critiques ou
d’
imagination. Et d’autre part, où tracer la limite entre le sacré et la
2191
ntre le sacré et la culture ? Je n’ai tenu compte
d’
écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhéto
2192
acré et la culture ? Je n’ai tenu compte d’écrits
de
ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique de
2193
que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique
de
l’une de nos langues nationales. (Il faudrait ajouter les traductions
2194
la mesure où ils ont fixé la rhétorique de l’une
de
nos langues nationales. (Il faudrait ajouter les traductions de la Bi
2195
nationales. (Il faudrait ajouter les traductions
de
la Bible en Angleterre et en Allemagne.) Pour les autres, je propose
2196
par un chiffre romain derrière les titres marqués
d’
une croix : I. — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience
2197
agruel. 11. — Gargantua. 12. Calvin : Institution
de
la religion chrétienne. 13. Montaigne : Essais. 14. Descartes : Disco
2198
13. Montaigne : Essais. 14. Descartes : Discours
de
la méthode. 15. Pascal : Pensées. 16. Charles Perrault : Contes. 17.
2199
2. Shakespeare : Théâtre. 23. Swift : Les Voyages
de
Gulliver. 24. De Foe : Robinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au
2200
Théâtre. 23. Swift : Les Voyages de Gulliver. 24.
De
Foe : Robinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au pays des merveill
2201
ieuse. 28. Maître Eckhart : Sermons. 29. Luther :
De
Servo arbitrio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosophie de l’espr
2202
trio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosophie
de
l’esprit. 32. Freud : La Science des rêves. 33. Saint Jean de la Croi
2203
ves. 33. Saint Jean de la Croix : La Nuit obscure
de
l’âme. 34. Cervantès : Don Quichotte. 35. Dante : La Divine Comédie.
2204
is cent ans 38. Tibulle : Élégies. 39. Dante :
De
la Langue vulgaire. 40. Spinoza : Éthique. 41. Agrippa d’Aubigné : Le
2205
Casanova : Mémoires. 45. Chateaubriand: Mémoires
d’
outre-tombe. 46. Victor Hugo : Choses vues. 47. Stendhal : La Chartreu
2206
Hugo : Choses vues. 47. Stendhal : La Chartreuse
de
Parme. 48. Charles Baudelaire : Les Fleurs du mal. 49. Stéphane Mall
2207
r qui sonne le glas. 61. D. H. Lawrence : L’Amant
de
lady Chatterley. 62. Paracelse : Liber paramirum. 63. — Prognosticati
2208
: Poèmes. 66. Chamisso : L’Histoire merveilleuse
de
Peter Schlemihl. 67. Gottfried Keller : Henri le vert. 68. Nietzsche
2209
tzsche : Aurore. 69. Rainer Maria Rilke : Élégies
de
Duino. 70. R. Kassner : Toute son œuvre ou, en tout cas Les Éléments
2210
er : Toute son œuvre ou, en tout cas Les Éléments
de
la grandeur humaine. 71. M. de Unamuno : Le Sentiment tragique de la
2211
umaine. 71. M. de Unamuno : Le Sentiment tragique
de
la vie. 72. Silone : Le Pain et le vin. 73. Dostoïevski : L’Idiot. 74
2212
76. Andersen : Contes. 77. G. Bernanos : Journal
d’
un curé de campagne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79.
2213
en : Contes. 77. G. Bernanos : Journal d’un curé
de
campagne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79. Ramuz : Ad
2214
ée 88. Benjamin Constant : Journal intime. 89.
De
Tocqueville : La Démocratie en Amérique. 90. Toynbee : A Study of His
2215
. 95. Machiavel : Discours sur la première décade
de
Tite Live. 96. André Breton : L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie
2216
é Breton : L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie
de
l’art. 98. Jean Paulhan : Les Fleurs de Tarbes. 99. Graham Greene :
2217
hologie de l’art. 98. Jean Paulhan : Les Fleurs
de
Tarbes. 99. Graham Greene : La Puissance et la gloire. Déjà cités (
2218
Mémoires. Pascal : Pensées. Swift : Les Voyages
de
Gulliver. Lewis Carroll : Alice au pays des merveilles. — À travers
2219
ux riens philosophiques. ae. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Pour une bibliothèque idéale », Pour une b
2220
aliste : Le Paysan du Danube (1932), Politique
de
la personne (1934), Penser avec les mains (1936), Journal d’un in
2221
(1934), Penser avec les mains (1936), Journal
d’
un intellectuel en chômage (1937), L’Amour et l’Occident (1939), et
2222
L’Association européenne des festivals
de
musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à une invi
2223
tivals de musique a cinq ans (1956)ap À la fin
de
1951, répondant à une invitation lancée par le Centre européen de la
2224
entre européen de la culture, sur une proposition
de
son conseiller musical, Igor Markevitch, les directeurs de quinze gra
2225
nseiller musical, Igor Markevitch, les directeurs
de
quinze grands festivals se réunissaient à Genève. Jamais encore, une
2226
telle rencontre n’avait eu lieu dans les annales
de
l’Europe. Une seule journée de délibérations suffit à dégager un acco
2227
u dans les annales de l’Europe. Une seule journée
de
délibérations suffit à dégager un accord unanime. Les quinze directeu
2228
es quinze directeurs décidèrent avec enthousiasme
de
créer une organisation commune. Un secrétariat fut établi à Genève, a
2229
paraissait une brochure contenant les programmes
de
tous les festivals-membres pour la saison suivante. Premier témoignag
2230
r la saison suivante. Premier témoignage tangible
d’
un esprit de collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d
2231
suivante. Premier témoignage tangible d’un esprit
de
collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’une vision
2232
esprit de collaboration se substituant à l’esprit
de
rivalité, et d’une vision européenne dépassant les intérêts locaux to
2233
oration se substituant à l’esprit de rivalité, et
d’
une vision européenne dépassant les intérêts locaux tout en les servan
2234
En effet, la multiplication rapide des festivals
de
musique dans tous nos pays et presque dans toutes nos villes, posait
2235
posait des problèmes tout nouveaux. Plus on joue
de
musique, et mieux cela vaut, dira-t-on. Oui, mais cela peut aussi cré
2236
ines confusions des valeurs. Le public, sollicité
de
tous côtés, ne sait plus où aller et voudrait qu’on l’oriente. Les ar
2237
l’oriente. Les artistes, orchestres et les chefs
de
qualité ne suffisent plus à la demande. Les programmes tendent à deve
2238
ge des meilleurs. ⁂ Qu’est-ce qu’un bon festival
de
musique ? Telle est la première question que s’est posée notre associ
2239
festival est d’abord une fête, donc quelque chose
d’
exceptionnel, qui sort de la routine des programmes de l’hiver et qui
2240
fête, donc quelque chose d’exceptionnel, qui sort
de
la routine des programmes de l’hiver et qui doit créer une atmosphère
2241
ceptionnel, qui sort de la routine des programmes
de
l’hiver et qui doit créer une atmosphère spéciale, à laquelle contrib
2242
ontribuent non seulement la qualité des œuvres et
de
leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’une cité, et la traditi
2243
et de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance
d’
une cité, et la tradition musicale d’une région. Voilà pourquoi l’ass
2244
, l’ambiance d’une cité, et la tradition musicale
d’
une région. Voilà pourquoi l’association n’admet comme membres que ce
2245
n établi. Pour un festival européen, faire partie
de
l’association devient ainsi une garantie de qualité et d’authenticité
2246
artie de l’association devient ainsi une garantie
de
qualité et d’authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation
2247
ociation devient ainsi une garantie de qualité et
d’
authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation de notre asso
2248
icité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation
de
notre association : il s’agissait de présenter l’ensemble des meilleu
2249
la formation de notre association : il s’agissait
de
présenter l’ensemble des meilleurs festivals comme une seule et grand
2250
tivals comme une seule et grandiose manifestation
de
la musique européenne, dans son unité fondamentale et dans la richess
2251
, dans son unité fondamentale et dans la richesse
de
ses diversités nationales et régionales. Notre but est donc à la fois
2252
nales et régionales. Notre but est donc à la fois
d’
harmoniser les efforts dans un esprit de collaboration européenne, tou
2253
à la fois d’harmoniser les efforts dans un esprit
de
collaboration européenne, tout en développant toujours plus le caract
2254
éveloppant toujours plus le caractère particulier
de
chaque festival. Pratiquement, l’association s’efforce d’atteindre ce
2255
e festival. Pratiquement, l’association s’efforce
d’
atteindre ce but par les moyens suivants : La publication annuelle de
2256
par les moyens suivants : La publication annuelle
de
la brochure Saison, donnant les programmes des festivals membres plus
2257
membres plusieurs mois avant que la première note
d’
un concert d’ouverture retentisse en Allemagne, en France ou en Italie
2258
eurs mois avant que la première note d’un concert
d’
ouverture retentisse en Allemagne, en France ou en Italie, offre au pu
2259
ique en son genre, parce qu’il permet à l’amateur
de
s’orienter vers la qualité, de se composer selon ses goûts un itinéra
2260
permet à l’amateur de s’orienter vers la qualité,
de
se composer selon ses goûts un itinéraire des hauts lieux de la musiq
2261
ser selon ses goûts un itinéraire des hauts lieux
de
la musique européenne, et d’être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu
2262
aire des hauts lieux de la musique européenne, et
d’
être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’une fête à
2263
uré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment
d’
une fête à l’autre. L’échange de « créations », de spectacles nouveaux
2264
u’il ira vraiment d’une fête à l’autre. L’échange
de
« créations », de spectacles nouveaux montés par tel ou tel festival,
2265
d’une fête à l’autre. L’échange de « créations »,
de
spectacles nouveaux montés par tel ou tel festival, et dont d’autres
2266
t ainsi bénéficier, diminue les risques matériels
d’
une création, favorise le renouvellement des programmes et doit stimul
2267
créateur des artistes contemporains. La création
d’
archives musicales — uniques en Europe — permet à tous les festivals m
2268
s en Europe — permet à tous les festivals membres
de
savoir ce qui a été fait par d’autres et dans quelles conditions, que
2269
chefs on pourra faire appel, etc. Enfin, l’étude
d’
entreprises communes, telles qu’une revue musicale européenne ou certa
2270
uropéenne ou certaines manifestations artistiques
de
grande envergure conduit l’association à resserrer toujours plus les
2271
ns toute l’Europe et en Amérique, donne la preuve
d’
une coopération étroite entre dix-sept des meilleurs festivals de huit
2272
on étroite entre dix-sept des meilleurs festivals
de
huit pays. Elle fournit ainsi un exemple, encore modeste, mais convai
2273
nsi un exemple, encore modeste, mais convaincant,
de
cette union européenne qui doit s’opérer dans les cœurs avant de pouv
2274
our la paix. La musique, création la plus typique
de
l’Europe, n’était-elle pas faite pour manifester la première cette co
2275
première cette communauté profonde des réactions
de
la sensibilité et de l’esprit qui définit une civilisation ? ap. R
2276
nauté profonde des réactions de la sensibilité et
de
l’esprit qui définit une civilisation ? ap. Rougemont Denis de, «
2277
définit une civilisation ? ap. Rougemont Denis
de
, « L’Association des festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM,
2278
Rougemont Denis de, « L’Association des festivals
de
musique a cinq ans », Saison, AEFM, 1956, p. 12-13.
2279
ps-là, terminant mes études, dans la petite ville
de
Neuchâtel, et nous étions passionnément surréalistes, comme nos aînés
2280
nnément surréalistes, comme nos aînés avaient été
d’
Action française, ou encore anarcho-gidiens, avec un sérieux redoutabl
2281
able, — pensant au fond tout autre chose que ceux
de
Paris, et nous donnant le ridicule de vouloir vivre ces doctrines. In
2282
se que ceux de Paris, et nous donnant le ridicule
de
vouloir vivre ces doctrines. Inquiétude et ferveur étaient les mots d
2283
doctrines. Inquiétude et ferveur étaient les mots
de
l’époque. Âge d’or de la Littérature, qui triomphait dans le temps mê
2284
tude et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge
d’
or de la Littérature, qui triomphait dans le temps même que nous pensi
2285
et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’or
de
la Littérature, qui triomphait dans le temps même que nous pensions l
2286
ions la renier comme telle, au nom de l’Aventure,
de
la Révolution, ou de quelque règle de vie, mais subversive bien enten
2287
telle, au nom de l’Aventure, de la Révolution, ou
de
quelque règle de vie, mais subversive bien entendu. L’un des deux tem
2288
l’Aventure, de la Révolution, ou de quelque règle
de
vie, mais subversive bien entendu. L’un des deux temples de ce culte
2289
is subversive bien entendu. L’un des deux temples
de
ce culte (l’autre étant comme on pense la NRF ) se cachait derrière
2290
hait derrière une vitrine très savamment discrète
de
la rue de l’Odéon. Il n’était pas lieu de Paris que j’avais l’impress
2291
iscrète de la rue de l’Odéon. Il n’était pas lieu
de
Paris que j’avais l’impression de mieux connaître, sans y être jamais
2292
’était pas lieu de Paris que j’avais l’impression
de
mieux connaître, sans y être jamais entré. Boutique de gloire où fréq
2293
eux connaître, sans y être jamais entré. Boutique
de
gloire où fréquentaient nos Dieux ! Nous en connaissions la légende.
2294
là, devant le jeune André Breton immobile et muet
d’
admiration, comme transfixé. Valéry venait y bavarder avec Fargue et L
2295
l’improbable nom venait de s’inscrire au fronton
d’
un considérable poème. (Nous en avions appris par cœur de longs fragme
2296
nsidérable poème. (Nous en avions appris par cœur
de
longs fragments, faute de pouvoir acheter l’édition rare.) Bon pour c
2297
n rare.) Bon pour ceux qui n’y « croyaient » pas,
d’
entrer là sans façon ni vergogne pour acheter banalement un livre : al
2298
ter banalement un livre : alors que l’on risquait
de
se trouver tout d’un coup devant Gide, Claudel, ou James Joyce conver
2299
ivre : alors que l’on risquait de se trouver tout
d’
un coup devant Gide, Claudel, ou James Joyce conversant comme de simpl
2300
nt Gide, Claudel, ou James Joyce conversant comme
de
simples humains avec la desservante du sanctuaire, en robe de bure no
2301
umains avec la desservante du sanctuaire, en robe
de
bure nouée d’une cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de
2302
desservante du sanctuaire, en robe de bure nouée
d’
une cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de l’enseigne «
2303
cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges
de
l’enseigne « à jamais littéraire » de la Maison des amis des livres.
2304
s prestiges de l’enseigne « à jamais littéraire »
de
la Maison des amis des livres. (Commerce en éloignait toute idée comm
2305
encore dans sa petite cuisine, en train de peler
de
fines patates pour un dîner improvisé. Je rentrais d’Amérique, je vou
2306
ines patates pour un dîner improvisé. Je rentrais
d’
Amérique, je voulais tout savoir sur nos amis, leurs œuvres et leurs v
2307
fraîche et la plus sûre… Qu’est devenue la série
de
photos en couleur qui furent prises à la veille de la guerre dans l’a
2308
e photos en couleur qui furent prises à la veille
de
la guerre dans l’appartement d’Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux je
2309
rises à la veille de la guerre dans l’appartement
d’
Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux jeunes d’alors, tous ceux qu’elle
2310
ille de la guerre dans l’appartement d’Adrienne ?
De
l’ancêtre Claudel aux jeunes d’alors, tous ceux qu’elle estimait défi
2311
ment d’Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux jeunes
d’
alors, tous ceux qu’elle estimait défilèrent un à un devant l’objectif
2312
filèrent un à un devant l’objectif — bien nommé —
de
Gisèle Freund. Ce choix des élus d’Adrienne, qu’on pourrait publier e
2313
bien nommé — de Gisèle Freund. Ce choix des élus
d’
Adrienne, qu’on pourrait publier en album, ne ferait-il pas un bel hom
2314
ces, incisives et toujours amicales qu’elle donna
de
plusieurs des modèles dans son Navire d’argent et sa Gazette des amis
2315
le donna de plusieurs des modèles dans son Navire
d’
argent et sa Gazette des amis des livres : autant de petits chefs-d’œu
2316
argent et sa Gazette des amis des livres : autant
de
petits chefs-d’œuvre d’intelligence du cœur. Quel art ferme et subtil
2317
amis des livres : autant de petits chefs-d’œuvre
d’
intelligence du cœur. Quel art ferme et subtil, quel familier respect
2318
me et subtil, quel familier respect du langage et
de
ses artisans, et quel savoureux naturel ! Aurions-nous perdu avec ell
2319
acieusement que personne ? ag. Rougemont Denis
de
, « ‟Je vivais en ce temps-là…” », Mercure de France, Paris, janvier 1
2320
omène courtois (janvier 1956)ah Revenant après
de
longues années sur les problèmes soulevés par L’Amour et l’Occident
2321
r L’Amour et l’Occident 11, j’éprouve le besoin
de
rassembler ici tout un faisceau d’observations nouvelles. Le lecteur
2322
ouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau
d’
observations nouvelles. Le lecteur va juger si elles infirment ou si a
2323
conception religieuse, ou simplement une théorie
de
l’homme — et une forme lyrique déterminée. (Rapports entre le soufism
2324
sme et la poésie courtoise des Arabes ; influence
de
Freud sur l’école surréaliste.) Les polémiques parfois fort vives pro
2325
ltipliées depuis quinze ans par des spécialistes,
de
l’amour courtois, du catharisme et du manichéisme, et peut-être l’exp
2326
éisme, et peut-être l’expérience vécue autant que
de
nouvelles recherches personnelles, tout cela m’amène aujourd’hui à un
2327
s, tout cela m’amène aujourd’hui à une conception
de
la cortezia à peine moins « historique » que celle que j’esquissais a
2328
oute plus psychologique. Je rappelais la relation
de
fait (lieux et dates remarquablement identiques) entre cathares et tr
2329
is à dire : il y a là quelque chose, et l’absence
de
rapports entre ces gens me paraîtrait plus étonnante encore que n’imp
2330
lle hypothèse, « sérieuse » ou non, sur la nature
de
ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des in
2331
sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais
de
démontrer le détail précis des influences à la manière de beaucoup d’
2332
il précis des influences à la manière de beaucoup
d’
historiens pour qui le réel n’est défini que par des documents écrits.
2333
le leur. Je ne prétends pas fonder sur pièces une
de
ces solutions textuelles et « scientifiques » après quoi, comme le di
2334
isant autant qu’il est possible, la problématique
de
l’amour courtois — parce que je la crois vitale pour l’Occident moder
2335
lques faits, comme un piège. J’éviterai à la fois
d’
indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément d
2336
ge. J’éviterai à la fois d’indiquer des relations
de
cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on p
2337
ois d’indiquer des relations de cause à effet, et
de
formuler expressément des conclusions que l’on pourrait citer hors du
2338
condamnant le mariage, mais fondant une « Église
d’
Amour », opposée à l’Église de Rome13, envahit rapidement la France, d
2339
ondant une « Église d’Amour », opposée à l’Église
de
Rome13, envahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et de l’Ita
2340
l’Église de Rome13, envahit rapidement la France,
de
Reims à Toulouse et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de l
2341
ahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et
de
l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. D
2342
e et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner
de
là sur toute l’Europe. Dans le même temps, d’autres mouvements hétéro
2343
sant aux prélats ambitieux et aux pompes sacrales
de
l’Église un spiritualisme épuré, ils aboutissent parfois, plus ou moi
2344
nt Bernard de Clairvaux et Abélard sont les pôles
de
ce drame dans l’Église, et au niveau de la spéculation. Mais hors de
2345
incompréhensibles, les oscillations s’amplifient.
D’
Henri de Lausanne et Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène et aux
2346
squ’à un Amaury de Bène et aux frères ortliebiens
de
Strasbourg, tous condamnent le mariage, — que par ailleurs, le pape-m
2347
ue par ailleurs, le pape-moine Grégoire VII vient
d’
interdire aux prêtres. En revanche, beaucoup professent que l’homme ét
2348
beaucoup professent que l’homme étant divin, rien
de
ce qu’il fait avec son corps — cette part du diable — ne saurait enga
2349
ette part du diable — ne saurait engager le salut
de
son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêqu
2350
ne saurait engager le salut de son âme : « Point
de
péché au-dessous du nombril ! » précise un évêque dualiste, excusant
2351
ée par plusieurs sectes. Une forme toute nouvelle
de
poésie naît dans le Midi de la France, patrie cathare : elle célèbre
2352
’idée platonicienne du principe féminin, le culte
de
l’Amour contre le mariage, en même temps que la chasteté. Saint Bern
2353
u Parfaits, puis oppose à la cortezia la mystique
de
l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques son
2354
ppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin.
De
nombreux commentaires du Cantique des Cantiques sont écrits pour les
2355
sont écrits pour les nonnes des premiers couvents
de
femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour —
2356
pour les nonnes des premiers couvents de femmes,
de
l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le co
2357
nnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye
de
Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le comte Guillaum
2358
e comte Guillaume de Poitiers — jusqu’au Paraclet
d’
Héloïse. Cette mystique épithalamique se retrouve à la fois chez Berna
2359
es courtois et en lettres, le premier grand roman
d’
amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras
2360
n lettres, le premier grand roman d’amour-passion
de
notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse d
2361
re histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras
de
la comtesse de Tripoli, « princesse lointaine » qu’il aime sans l’avo
2362
x et au temps où se nouent la légende et le mythe
de
la passion mortelle : Tristan. À cette montée puissante et comme uni
2363
n. À cette montée puissante et comme universelle
de
l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne p
2364
sante et comme universelle de l’Amour et du culte
de
la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’oppo
2365
lisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer
d’
opposer une croyance et un culte qui répondissent au même désir profon
2366
lte qui répondissent au même désir profond, surgi
de
l’âme collective. Il fallait « convertir » ce désir, tout en se laiss
2367
mme pour mieux le capter dans le courant puissant
de
l’orthodoxie14. De là les tentatives multipliées, dès le début du xii
2368
apter dans le courant puissant de l’orthodoxie14.
De
là les tentatives multipliées, dès le début du xiie siècle, pour ins
2369
le début du xiie siècle, pour instituer un culte
de
la Vierge. Marie reçoit généralement, dès cette époque, le titre de r
2370
e reçoit généralement, dès cette époque, le titre
de
regina coeli, et c’est en Reine désormais que l’art va la représenter
2371
’art va la représenter. À la « Dame des Pensées »
de
la cortezia, on substituera « Notre Dame ». Et les ordres monastiques
2372
ordres chevaleresques : le moine est « chevalier
de
Marie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Imm
2373
1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête
de
l’Immaculée Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut
2374
es établissent une fête de l’Immaculée Conception
de
Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut beau protester dans une le
2375
fameuse contre « cette fête nouvelle que l’usage
de
l’Église ignore, que la raison n’approuve pas, que la tradition n’aut
2376
torise point… et qui introduit la nouveauté, sœur
de
la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas, au siècle
2377
duit la nouveauté, sœur de la superstition, fille
de
l’inconstance ». Et saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire
2378
saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire
de
la manière la plus précise : « Si Marie eût été conçue sans péché, el
2379
té conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin
d’
être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à un
2380
soin d’être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte
de
la Vierge répondait à une nécessité d’ordre vital pour l’Église menac
2381
» Le culte de la Vierge répondait à une nécessité
d’
ordre vital pour l’Église menacée et entraînée… La papauté, plusieurs
2382
ier trait dont on verra qu’il est tout impossible
de
le rattacher latéralement aux précédents. C’est au xiie siècle que s
2383
tteste en Europe une modification radicale du jeu
d’
échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient l
2384
modification radicale du jeu d’échecs, originaire
de
l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient le jeu primitif, on vo
2385
trouvant d’ailleurs réduit à sa moindre puissance
d’
action réelle, tout en demeurant l’enjeu final et le personnage sacré.
2386
2. Œdipe et les dieux Freud désigne du nom
d’
Œdipe le complexe composé dans l’inconscient par l’agressivité du fils
2387
tacle à l’amour pour la mère) et par le sentiment
de
culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit
2388
sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids
de
l’autorité patriarcale réduit le fils au conformisme social et moral
2389
le fils au conformisme social et moral ; le poids
de
l’interdit lié à la mère (donc au principe féminin) inhibe l’amour :
2390
ui touche à la femme reste « impur ». Ce complexe
de
sentiments œdipiens est d’autant plus contraignant que la structure s
2391
« impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est
d’
autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide, la
2392
ouvoirs plus révéré. Imaginons maintenant un état
de
la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance éc
2393
s maintenant un état de la société où le principe
de
cohésion se relâche ; où la puissance économique détenue par le père
2394
divine se divise elle-même, soit en une pluralité
de
dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-déesse, comme en Égypte
2395
compulsion qui créait le complexe œdipien faiblit
d’
autant. La haine pour le père se concentre sur le démiurge et sur son
2396
sexualité procréatrice, — tandis qu’un sentiment
d’
adoration purifiée peut se porter sur le Dieu-Esprit. En même temps, l
2397
iellement libéré : il peut s’avouer sous la forme
d’
un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette
2398
ous la forme d’un culte rendu à l’archétype divin
de
la femme, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’être virgi
2399
e, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas
d’
être virginale, qu’elle échappe donc à l’interdit maintenu sur la femm
2400
e échappe donc à l’interdit maintenu sur la femme
de
chair. L’union mystique avec cette divinité féminine devient alors un
2401
des domaines entre tous les fils, ou « pariage »,
d’
où perte d’autorité du suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance indi
2402
s entre tous les fils, ou « pariage », d’où perte
d’
autorité du suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste
2403
d’où perte d’autorité du suzerain) ; à une sorte
de
pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’une religion dualiste
2404
de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion
d’
une religion dualiste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’
2405
aliste ; enfin, à cette montée puissante du culte
de
l’Amour, dont je viens de rappeler les manifestations. Nous voici don
2406
nie dans l’Histoire) du phénomène que nous venons
d’
imaginer au paragraphe précédent. Si nous cherchons à nous représente
2407
ous représenter la situation psychique et éthique
de
l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’il se trouve impli
2408
és dans le cas des simples croyants, c’est-à-dire
de
l’immense majorité des hérétiques. Du côté catholique, le mariage est
2409
ent, cependant qu’il repose en fait sur des bases
d’
intérêt matériel et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soi
2410
voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte
de
leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des
2411
e leurs sentiments. En même temps, le relâchement
de
l’autorité et des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibi
2412
, comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle
d’
admettre la femme, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’un
2413
ouvelle d’admettre la femme, mais sous le couvert
d’
une idéalisation, voire d’une divinisation du principe féminin. Ce qui
2414
e, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire
d’
une divinisation du principe féminin. Ce qui ne peut qu’aviver la cont
2415
ies dans leur fascinante nouveauté… C’est au cœur
de
cette situation inextricable, c’est comme une résultante de tant de c
2416
ituation inextricable, c’est comme une résultante
de
tant de confusions qui devaient s’y nouer, qu’apparaît la cortezia, «
2417
qu’apparaît la cortezia, « religion » littéraire
de
l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « pitié » particulière
2418
tezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste,
de
la femme idéalisée, avec sa « pitié » particulière, la joy d’amors, s
2419
idéalisée, avec sa « pitié » particulière, la joy
d’
amors, ses « rites » précis, la rhétorique des troubadours, sa morale
2420
précis, la rhétorique des troubadours, sa morale
de
l’hommage et du service, sa « théologie » et ses disputes théologique
2421
ans toute l’Europe. Or nous voyons cette religion
de
l’amour ennoblissant célébrée par les mêmes hommes qui persistent à t
2422
vent dans le même poète un adorateur enthousiaste
de
la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse
2423
iaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur
de
la femme, qu’il rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’un
2424
l rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers
d’
un Marcabru ou d’un Rambaut d’Orange. Chose curieuse, les troubadours
2425
n se rappelle seulement les vers d’un Marcabru ou
d’
un Rambaut d’Orange. Chose curieuse, les troubadours chez lesquels nou
2426
gnent pas ! On dirait qu’ils ont trouvé le secret
d’
une conciliation vivante des inconciliables. Ils semblent refléter, ma
2427
a division des consciences (elle-même productrice
de
mauvaise conscience) dans la grande masse d’une société partagée non
2428
rice de mauvaise conscience) dans la grande masse
d’
une société partagée non seulement entre la chair et l’esprit, mais en
2429
entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein même
de
l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie réelle des Croyant
2430
ssus l’un des plus sensibles interprètes modernes
de
la cortezia, René Nelli : Presque toutes les dames du Carcassès, du
2431
s les dames du Carcassès, du Toulousain, du Foix,
de
l’Albigeois étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent
2432
et qui leur demandaient non pas tant une illusion
d’
amour sincère qu’un antipode spirituel au mariage où elles avaient été
2433
eur ajoute qu’à son avis, « il n’est pas question
de
voir dans la chasteté, ainsi feinte, une habitude réelle ni un reflet
2434
morale des Parfaits. Mais enfin, dit le sceptique
d’
aujourd’hui, que peut bien signifier au concret cette « chasteté » prô
2435
gleurs ? Et comment expliquer le succès si rapide
d’
une prétendue morale à ce point ambiguë, dans un Languedoc, une Italie
2436
logie n’occupaient tout de même pas le plus clair
de
la vie, et n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsi
2437
n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce
d’
impulsions naturelles ? Les modernes, en effet, depuis Rousseau, croie
2438
, depuis Rousseau, croient qu’il existe une sorte
de
nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues
2439
que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies
de
civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais
2440
civilisés dans une confusion proprement insensée
de
religions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprise
2441
et rarement tout à fait comprises et pratiquées ;
de
morales jadis exclusives, mais qui se superposent ou se combinent à l
2442
i se superposent ou se combinent à l’arrière-plan
de
nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais d’autant plus
2443
à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ;
de
complexes ignorés, mais d’autant plus actifs ; et d’instincts hérités
2444
nduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais
d’
autant plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque natu
2445
complexes ignorés, mais d’autant plus actifs ; et
d’
instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes
2446
t plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins
de
quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues
2447
hérités bien moins de quelque nature animale que
de
coutumes totalement oubliées, devenues traces ou cicatrices mentales
2448
ces ou cicatrices mentales tout inconscientes et,
de
ce fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt des
2449
ns le temps et dans l’espace. 4. Une technique
de
la « chasteté » À partir du vie siècle se répand rapidement dans
2450
ipe cosmique féminin ; la méditation tient compte
de
ses « pouvoirs », la délivrance devient possible par la Çatki… Dans c
2451
vient elle-même une chose sacrée, une incarnation
de
la mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à
2452
ne incarnation de la mère. L’apothéose religieuse
de
la femme est commune d’ailleurs à tous les courants mystiques du Moye
2453
Il s’agit, par le cérémonial du yoga tantrique,
de
transcender la condition humaine. Le tantrisme bouddhique trouve des
2454
ha yoga hindou, technique du contrôle du corps et
de
l’énergie vitale. C’est ainsi que certaines postures (mudras) décrite
2455
mudras) décrites par le hatha yoga ont pour but «
d’
utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unifi
2456
hatha yoga ont pour but « d’utiliser comme moyen
de
divinisation et ensuite d’intégration, d’unification finale, la fonct
2457
d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite
d’
intégration, d’unification finale, la fonction par excellence humaine,
2458
e moyen de divinisation et ensuite d’intégration,
d’
unification finale, la fonction par excellence humaine, celle-là même
2459
a18 : « Pour mes dévots, je vais décrire le geste
de
l’Éclair (vajroli mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être
2460
onnées par le texte font allusion à une technique
de
l’acte sexuel sans consommation, car « celui qui garde (ou reprend) s
2461
a semence dans son corps, qu’aurait-il à craindre
de
la mort ? » comme le dit un upanishad. Dans le tantrisme, la maithuna
2462
ecret, obscur, à double sens, dans lequel un état
de
conscience est exprimé par un terme érotique »19 — ou l’inverse aussi
2463
a est un acte réel ou simplement une allégorie ».
De
toute manière, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’an
2464
e, le but est le « suprême grand bonheur… la joie
de
l’anéantissement du moi ». Et cette « béatitude érotique », obtenue p
2465
ique », obtenue par l’arrêt, non du plaisir, mais
de
son effet physique, est utilisée comme expérience immédiate pour obte
2466
rappellent les textes, le dévot devient la proie
de
la triste loi karmique, comme n’importe quel débauché. » Mais la femm
2467
Mais la femme, dans tout cela ? Elle reste objet
d’
un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’aman
2468
bjet d’un culte. Considérée comme « source unique
de
joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle
2469
ulte. Considérée comme « source unique de joie et
de
repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle est mère, s
2470
isme, symbolise l’état par excellence du péché et
de
la mort : l’acte sexuel »21. Mais l’acte est toujours décrit comme ét
2471
Mais l’acte est toujours décrit comme étant celui
de
l’homme. La femme reste passive, impersonnelle, pur principe, sans vi
2472
On y accorde une grande importance à toute sorte
d’
« amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un
2473
importance à toute sorte d’« amour » et le rituel
de
maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent et difficile appren
2474
rituel de maithuna apparaît comme le couronnement
d’
un lent et difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir
2475
s préliminaires ont pour but « l’autonomisation »
de
la volupté — considérée comme l’unique expérience humaine qui peut ré
2476
vie en économisant le principe vital, plutôt que
de
conquérir la liberté spirituelle par la déification du corps. La « ch
2477
e et la béatitude à travers une Elle qu’il s’agit
de
« servir » en posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi
2478
posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise
de
soi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, le
2479
oi dont la perte pourrait se traduire par un acte
de
procréation, lequel ferait retomber le chevalier servant dans la réal
2480
nt dans la réalité fatale du Karma. 5. La joie
d’
amour En contraste indéniable avec ces textes mystiques et cette ab
2481
hysiologique, citons maintenant quelques chansons
de
« légers troubadours méridionaux », grands seigneurs amateurs ou jong
2482
que les romanistes unanimes nous décrivent comme
de
purs « rhétoriqueurs23 ». D’Amour, je sais qu’il donne aisément gran
2483
ous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs23 ».
D’
Amour, je sais qu’il donne aisément grande joie à celui qui observe se
2484
en 1127. Dès le début du xiie siècle, ces « lois
d’
Amour » sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Servic
2485
s conduisent à la Joie, qui est signe et garantie
de
Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter c
2486
arantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience :
De
courtoisie peut se vanter celui qui sait garder Mesure… Le bien-être
2487
me fasse longtemps attendre et que je n’aie point
d’
elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame :
2488
qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service
de
la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle de dure merci, pourvu que
2489
ice de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle
de
dure merci, pourvu que vous m’accordiez que par vous au ciel je tende
2490
« La soumission à l’aimée est la marque naturelle
d’
un homme courtois. ») Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aime
2491
Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer
d’
amour sensuel se met en guerre avec lui-même, car le sot après avoir v
2492
riste contenance ! (Marcabru.) Écoutez ! Sa voix (
d’
Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui
2493
! Sa voix (d’Amour) paraîtra douce comme le chant
de
la lyre, si seulement vous lui coupez la queue !24 (Marcabru.) Chast
2494
coupez la queue !24 (Marcabru.) Chasteté délivre
de
la tyrannie du désir en portant le Désir (courtois) à l’extrême : Pa
2495
tant le Désir (courtois) à l’extrême : Par excès
de
désir, je crois que je me l’enlèverai, si l’on peut rien perdre à for
2496
Ibn Dawoud louait la chasteté pour son pouvoir «
d’
éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « jo
2497
ouvoir « d’éterniser le désir ».) C’est au comble
de
l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus élo
2498
le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et
de
sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupa
2499
« joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné
de
l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libé
2500
el se sent le plus éloigné de l’amour coupable et
de
son « angoisse ». Il va plus loin dans la libération : la présence ph
2501
us loin dans la libération : la présence physique
de
l’objet aimé lui deviendra bientôt indifférente : J’ai une amie, mai
2502
… Nulle joie ne me plaît autant que la possession
de
cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’est pas seulement libératr
2503
e la possession de cet amour lointain. La « joie
d’
Amour » n’est pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et
2504
é par Mesure et Prouesse, elle est aussi fontaine
de
Jouvence : Je veux garder (ma dame) pour me rafraîchir le cœur et re
2505
là vivra cent ans qui réussira à posséder la joie
de
son amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de l
2506
llaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes
de
la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180
2507
.) Je n’ai cité que des poètes de la première et
de
la seconde génération des troubadours (1120 à 1180 environ). Au xiiie
2508
urs (1120 à 1180 environ). Au xiiie siècle, ceux
de
la dernière génération expliciteront ce que leurs modèles avaient cha
2509
que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’est plus
de
l’amour courtois, si on le matérialise ou si la Dame se rend comme ré
2510
crit Daude de Prades, qui cependant ne craint pas
de
donner des précisions sur les gestes érotiques que l’on peut se perme
2511
ément les trois autres, mais il lui est difficile
d’
en sortir. Il vit dans la joie, celui qui peut y rester. On y accède p
2512
à sont logés dans le faubourg, lequel occupe plus
de
la moitié du monde. Celui que l’on nomme parfois le dernier troubad
2513
s le dernier troubadour, Guiraut Riquier, donnera
de
ces vers le commentaire suivant : Les cinq portes sont Désir, Prière
2514
qui peuvent éclairer indirectement sur la nature
de
l’amour vrai ou du moins sur certains de ses aspects. Et tout d’abord
2515
a nature de l’amour vrai ou du moins sur certains
de
ses aspects. Et tout d’abord, dit Marcabru, « Il lie partie avec le d
2516
r ». (Et en effet, le diable n’est-il pas le père
de
la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?)
2517
’est-il pas le père de la création matérielle… et
de
la procréation, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amour
2518
entation des désespérés. Ah ! noble Amour, source
de
bonté, par qui le monde entier est illuminé, je te crie merci. Contre
2519
ci. Contre ces clameurs gémissantes, défends-moi,
de
peur que je ne sois retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me ti
2520
ouvent des ambiguïtés ménagées par le « service »
d’
amour courtois, Cercamon n’hésite pas à écrire en mettant les points s
2521
femmes et les époux. Ils vous disent qu’Amour va
de
travers, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames s
2522
u’un grand nombre abandonnent Mérite et éloignent
d’
eux Jeunesse. Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalité
2523
se. Quelles que soient les réalités ou l’absence
de
réalités « matérielles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à d
2524
lles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à
de
telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système
2525
orrespondre, en ces temps, à de telles précisions
de
langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés,
2526
e langage, la rhétorique courtoise et son système
de
vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent
2527
la rhétorique courtoise et son système de vertus,
de
péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffi
2528
ue courtoise et son système de vertus, de péchés,
de
louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire.
2529
son système de vertus, de péchés, de louanges et
d’
interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir
2530
t d’interdits, demeure un fait patent : il suffit
de
lire. Elle va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’Arthur,
2531
e va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle
d’
Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drame
2532
ers du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et
de
Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulemen
2533
téressent dans cet ouvrage. Je lui laisse le soin
d’
affirmer que telle « filiation » reste indémontrable « dans l’état act
2534
iation » reste indémontrable « dans l’état actuel
de
nos connaissances », reste donc incroyable jusqu’à nouvel avis. Je ch
2535
ujourd’hui pour établis. Simplement, je les crois
de
nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on
2536
ois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux
de
ces faits sur quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil de con
2537
quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil
de
contes bouddhistes, fut traduit au vie siècle du sanscrit en pehlevi
2538
ie siècle du sanscrit en pehlevi, par un médecin
de
Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide
2539
vi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse.
De
là, on peut suivre son progrès rapide vers l’Europe à travers une sér
2540
progrès rapide vers l’Europe à travers une série
de
traductions en syriaque, en arabe, en latin, en espagnol, etc. Au xvi
2541
r une ancienne version arabe. Le périple du Roman
de
Barlaam et Josaphat est encore plus surprenant. Sous sa forme connue
2542
est encore plus surprenant. Sous sa forme connue
de
nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui c
2543
me connue de nos jours, c’est l’histoire romancée
de
l’évolution spirituelle qui conduit Josaphat, prince indien, à découv
2544
es grandes lignes, porte des traces indiscutables
de
manichéisme. Selon l’école néo-cathare française, les hérétiques du x
2545
nichéenne du Roman est attestée par les fragments
de
son texte original (en langage ouïgour du viiie siècle) retrouvés da
2546
» (var. Yudhâsaf). Innombrables sont les exemples
de
relations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai choisi ces deux
2547
r courtois ressemble à l’amour encore chaste — et
d’
autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à
2548
’amour encore chaste — et d’autant plus brûlant —
de
la première adolescence. Il ressemble aussi à l’amour chanté par les
2549
ront repris par presque tous les grands mystiques
de
l’Occident. Il nous semble parfois se réduire à des fadaises sophisti
2550
i les réalités précises, mais non moins ambiguës,
d’
une certaine discipline érotico-mystique dont l’Inde, la Chine et le P
2551
ai » aux divers sens du mot, et simultanément, et
de
plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux comprendre — si rien
2552
it à l’« expliquer » — l’amour courtois. Au terme
de
l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compt
2553
liquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce
de
contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compte tenu des o
2554
ensées que firent à ma thèse minima les partisans
d’
écoles au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-
2555
au moins diverses, me voici ramené par une sorte
de
spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois e
2556
e voici ramené par une sorte de spirale au-dessus
de
mes premières constatations : l’amour courtois est né au xiie siècle
2557
tois est né au xiie siècle, en pleine révolution
de
la psyché occidentale. Il a surgi du même mouvement qui fit remonter
2558
i du même mouvement qui fit remonter au demi-jour
de
la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Fémini
2559
qui fit remonter au demi-jour de la conscience et
de
l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le cu
2560
-jour de la conscience et de l’expression lyrique
de
l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la M
2561
’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin
de
la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il particip
2562
l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le culte
de
la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie d
2563
incipe Féminin de la çatki, le culte de la Femme,
de
la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qu
2564
in de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère,
de
la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à m
2565
la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe
de
cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occid
2566
re, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie
de
l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’
2567
re à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour
d’
un Orient symbolique. Il nous devient intelligible par certaines de se
2568
lique. Il nous devient intelligible par certaines
de
ses marques historiques : sa relation littéralement congénitale avec
2569
présent texte constitue le chapitre X du Livre II
de
la version remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 195
2570
le chapitre X du Livre II de la version remaniée
de
L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 1956). 12. Il faut avouer
2571
ersion remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv.
édit
. Plon. 1956). 12. Il faut avouer que les réfutations les plus virule
2572
hypothèse que j’avais mentionnée au chapitre VII
de
ce livre, à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être — se
2573
t être — selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte
de
langage secret du catharisme — une relecture des chapitres VIII et IX
2574
ables que moi — en dépit de certaines imprudences
d’
expression. (Ce sont elles, par malheur, qui ont le plus fait pour ass
2575
heur, qui ont le plus fait pour assurer le succès
de
l’ouvrage dans un large public pressé, comme il arrive.) 13. Comme A
2576
Les hérétiques reprochaient à l’Église catholique
d’
avoir inverti le nom même du Dieu qui est Amour. 14. Ce qui n’empêche
2577
i est Amour. 14. Ce qui n’empêchera pas l’Église
de
Rome, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du
2578
e, en la personne du pape Innocent III qui rêvait
de
« l’empire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie
2579
ire du monde » et ne pouvait tolérer la défection
de
l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade c
2580
la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc,
de
déclencher en 1209 la croisade contre les cathares : le premier génoc
2581
es : le premier génocide ou massacre systématique
d’
un peuple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident.
2582
ple, enregistré par notre histoire « chrétienne »
de
l’Occident. 15. Consoler vient de consolari, formée de cum et de so
2583
cident. 15. Consoler vient de consolari, formée
de
cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifi
2584
5. Consoler vient de consolari, formée de cum et
de
solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifie donc éty
2585
q sens équivalents pour un seul terme ». 20. L.
De
La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 21. Eliad
2586
p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse
de
ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de ch
2587
’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments
de
chansons — de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduit
2588
pouvoir citer ici que des fragments de chansons —
de
paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privés
2589
er ici que des fragments de chansons — de paroles
de
chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privés de toute be
2590
! — souvent très pauvrement traduites, et privés
de
toute beauté proprement poétique et rythmique par cette double trahis
2591
n entendu que je n’épingle ici que des dépouilles
de
sens… 24. Note du professeur Jeanroy : « C’est-à-dire, si vous parve
2592
ce » selon l’école Sahajiya. Cette interprétation
de
Guiraut Riquier est exacte. On peut s’en assurer en lisant cette phra
2593
acte. On peut s’en assurer en lisant cette phrase
d’
Ælius Donatus (commentaire sur Térence, ive siècle) : Quinque lineoe
2594
e – et servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes
d’
amour peut être suivi à travers toute la poésie latine du Moyen Âge, j
2595
an Lemaire de Belges écrit dans son Illustrations
de
Gaule : « Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en amours, … l
2596
ion, c’est celui qu’on nomme par honnêteté le don
de
mercy. » Le contraste avec l’amour courtois est clair. Et non moins l
2597
es cathares condamnaient la guerre et toute forme
d’
homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux
2598
toute forme d’homicide, légal ou non. Et en place
de
faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inq
2599
lace de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et
de
maris trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’eussent pas man
2600
quisiteurs du siècle suivant n’eussent pas manqué
de
lire simplement : juges, prêtres, reclus, et maris ! ah. Rougemont
2601
prêtres, reclus, et maris ! ah. Rougemont Denis
de
, « Tableau du phénomène courtois », La Table ronde, Paris, janvier 19
2602
voulais donner 150 pages ; j’en fis 400. En cours
de
route, en effet, je me mis à rechercher l’origine de l’amour-passion
2603
route, en effet, je me mis à rechercher l’origine
de
l’amour-passion et je m’aperçus qu’il apparaissait pour la première f
2604
it pour la première fois clairement dans le mythe
de
Tristan. Dès lors je dépassais largement mon sujet : il ne s’agissait
2605
ssais largement mon sujet : il ne s’agissait plus
d’
exposer ce que j’appelle la crise contemporaine du mariage mais d’alle
2606
j’appelle la crise contemporaine du mariage mais
d’
aller véritablement à l’essentiel : étudier l’amour-passion à travers
2607
autres aussi, jusqu’à la dégradation qu’il subit
de
nos jours. J’ai tenté de le décrire comme un phénomène historique, d’
2608
dégradation qu’il subit de nos jours. J’ai tenté
de
le décrire comme un phénomène historique, d’origine proprement religi
2609
enté de le décrire comme un phénomène historique,
d’
origine proprement religieuse. Voulez-vous dire que l’amour-passion n’
2610
ur-passion n’est pas un des caractères permanents
de
la nature humaine ? Exactement. L’amour-passion est un sentiment hist
2611
ntion aux textes. Vous verrez qu’il ne s’agit que
d’
amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous présente l’amour com
2612
qu’il ne s’agit que d’amour charnel. Aucun texte
de
l’antiquité ne nous présente l’amour comme lié à la mort, avec ce goû
2613
résente l’amour comme lié à la mort, avec ce goût
de
cendres tel que l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l
2614
t de cendres tel que l’Occident a pris l’habitude
de
le considérer ou de l’éprouver. En Orient et dans la Grèce contempora
2615
l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou
de
l’éprouver. En Orient et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amo
2616
prouver. En Orient et dans la Grèce contemporaine
de
Platon, l’amour humain est très généralement conçu comme un plaisir,
2617
où elle exerce ses ravages aux dépens du monde et
de
soi. Pourquoi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amo
2618
soi. Pourquoi cette révolution ? Pourquoi l’amour
de
l’amour et l’amour de la mort sont-ils apparus à ce moment-là ? Il fa
2619
volution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amour
de
la mort sont-ils apparus à ce moment-là ? Il faut relier l’amour cour
2620
s condamnaient le mariage. On vous avait reproché
d’
avoir fait trop d’hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effe
2621
mariage. On vous avait reproché d’avoir fait trop
d’
hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effet. Quand parut mon
2622
hé d’avoir fait trop d’hypothèses sur la doctrine
de
cette hérésie. En effet. Quand parut mon livre, on ignorait encore be
2623
parut mon livre, on ignorait encore beaucoup trop
de
choses sur cette doctrine. J’avoue que j’en avais été réduit à un gra
2624
avoue que j’en avais été réduit à un grand nombre
d’
hypothèses. Mais, en 1940, le Père Dondaine retrouva dans une biblioth
2625
, le Père Dondaine retrouva dans une bibliothèque
de
Florence le Livre des deux principes, premier texte cathare en notre
2626
xte cathare en notre possession. J’eus le bonheur
de
voir qu’il confirmait ce que j’avais avancé. C’est pourquoi je propos
2627
artie historique. Mais votre propos demeure celui
d’
un moraliste. J’en conviens. Mon livre est celui d’un moraliste dans l
2628
’un moraliste. J’en conviens. Mon livre est celui
d’
un moraliste dans la mesure où il cherche à faire prendre conscience a
2629
he à faire prendre conscience aux gens des motifs
de
leurs actes. Nous en revenons à mon but initial : dénoncer la crise d
2630
initial : dénoncer la crise du mariage. Le mythe
de
Tristan, dégradé, édulcoré, à l’état inconscient habite toujours les
2631
s les esprits. Il n’est pas une femme qui ne rêve
de
connaître le grand amour, la passion unique, totale, mortelle. L’adul
2632
presque devenu une vertu. Le cinéma fournit assez
de
preuves à ce que j’avance. Fonder le mariage sur l’amour-passion est
2633
ne pas s’aimer : un philtre, la beauté diabolique
de
l’un ou simplement la fatalité les contraint à s’aimer. Mais alors, s
2634
t rien. Pauvres cathares ! ai. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] L’amour-passion, phénomène historique », L’Information
2635
et augmentée, aggravée dit M. de Rougemont qui a
de
l’esprit, vient de paraître chez Plon. La première édition, née en 19
2636
re édition, née en 1939, avait provoqué une série
de
polémiques qui attestait l’importance de l’ouvrage : on s’accorde à l
2637
ne série de polémiques qui attestait l’importance
de
l’ouvrage : on s’accorde à le tenir pour un des livres les plus impor
2638
à le tenir pour un des livres les plus importants
de
notre époque. M. de Rougemont vit peu en France. Après avoir passé se
2639
ntenant fixé à Genève et s’occupe essentiellement
d’
économie politique. La semaine dernière, il a toutefois retrouvé Paris
2640
pu l’isoler quelques minutes entre deux émissions
de
radio et l’interroger pour les lecteurs de L’Information. »
2641
ssions de radio et l’interroger pour les lecteurs
de
L’Information. »
2642
monde (août 1956)ak al Cette beauté bien drue
d’
énergie pure et neuve, aux matins luisants de rosée, quand le pays ent
2643
drue d’énergie pure et neuve, aux matins luisants
de
rosée, quand le pays entier émerge de la brume, repeint durant la nui
2644
ns luisants de rosée, quand le pays entier émerge
de
la brume, repeint durant la nuit comme un banc vert auprès du lac pré
2645
à peine moins translucides que le ciel, ce temps
de
création du monde juste avant l’homme, c’est ma Suisse telle que je l
2646
nt l’homme, c’est ma Suisse telle que je la vois,
de
très loin, dans mon souvenir. J’y reviens. Les gros plans tout d’un c
2647
ns mon souvenir. J’y reviens. Les gros plans tout
d’
un coup anéantissent l’exaltant panorama. Les maisons sages, un peu sc
2648
le compartiment. Compartiments, c’est le mot-clé
de
la Suisse. Douze paysages ou décors types juxtaposés, et l’on va de l
2649
e paysages ou décors types juxtaposés, et l’on va
de
l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme il ar
2650
nutes comme il arrive quand on traverse le tunnel
de
Chexbres : il se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénan
2651
e tunnel de Chexbres : il se ferme sur un paysage
de
plateaux nordiques et rhénans — collines où montent les sapins en bat
2652
le — et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré
d’
un ciel méridional que double un lac immense. Vingt-cinq États distinc
2653
t partout mais qui s’ignorent, je ne sais combien
de
races, de classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, san
2654
mais qui s’ignorent, je ne sais combien de races,
de
classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, sans mélange.
2655
orent, je ne sais combien de races, de classes et
de
dialectes jalousement préservés, séparés, sans mélange. Si bien que l
2656
ervés, séparés, sans mélange. Si bien que l’homme
de
poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’un
2657
oids y sera surtout local. Il sera le grand homme
d’
une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamai
2658
rtout local. Il sera le grand homme d’une vallée,
d’
une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la
2659
mme d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui
d’
un canton, presque jamais celui de la nation entière. Tandis que le gr
2660
rarement celui d’un canton, presque jamais celui
de
la nation entière. Tandis que le grand esprit, solidement raciné dans
2661
rtiment natal, cherchera dans les jeux survolants
de
la synthèse les grandes dimensions qui lui manquent. Paracelse était
2662
ckhart, et Madame de Staël comme personne. « Pays
de
gens moyens, oui, disait Lucien Febvre, mais quand ils réussissent à
2663
n Febvre, mais quand ils réussissent à se dégager
de
leur canton — alors, pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au
2664
ssissent à se dégager de leur canton — alors, pas
de
milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de
2665
de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond
de
son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les ha
2666
gnent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme
de
Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa pri
2667
versel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis,
de
Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’i
2668
de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen,
de
Viège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la
2669
de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois
de
sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors, cette ivresse des
2670
ne… Alors, cette ivresse des sommets. L’intuition
de
la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée… »am Compartiments
2671
des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus
d’
obstacles devant la pensée… »am Compartiments, esprit de groupe et so
2672
cles devant la pensée… »am Compartiments, esprit
de
groupe et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent
2673
esprit de groupe et sociétés. Mais petits groupes
de
gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but
2674
p, et sociétés solides si leur but est restreint.
D’
où l’extrême importance accordée à la vie, à la santé de l’individu, à
2675
’extrême importance accordée à la vie, à la santé
de
l’individu, à son confort : médecine, hygiène, vêtement, technique mi
2676
ents. Et découvrons la Suisse réelle dans l’usage
de
ses trains locaux. Les trains suisses, bien qu’ils vous conduisent e
2677
ins suisses, bien qu’ils vous conduisent en moins
d’
une heure d’un monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits dép
2678
bien qu’ils vous conduisent en moins d’une heure
d’
un monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits déplacements, q
2679
ée ne s’établit jamais cette monotonie des heures
de
plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de pla
2680
it jamais cette monotonie des heures de plaine et
d’
océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse
2681
s cette monotonie des heures de plaine et d’océan
de
nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un
2682
céan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas
de
place en Suisse pour un véritable voyage, on s’en tire en coupant le
2683
on s’en tire en coupant le milieu, ce remplissage
de
kilomètres, ces deux mesures de musique russe indéfiniment répétées,
2684
u, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures
de
musique russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le meilleur,
2685
nt les extrêmes les plus touchants du souvenir et
de
l’espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouvert
2686
s romantiques contraints par les dimensions mêmes
de
leur État au classicisme véritable, celui qui exprime le tout en disa
2687
prime le tout en disant le moins, et qui témoigne
de
l’inspiration par le signal d’un raccourci métaphorique. J’idéalise,
2688
s, et qui témoigne de l’inspiration par le signal
d’
un raccourci métaphorique. J’idéalise, mais pourquoi pas ? S’il me fal
2689
t décrire nos petits déplacements du point de vue
de
l’usager moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes,
2690
rouve divisés en trois classes, pour la commodité
de
l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les g
2691
en trois classes, pour la commodité de l’exposé.
De
mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les gens chics par
2692
ne savais rien des premières sinon qu’un morceau
de
dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelqu
2693
es sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut
de
leurs sièges de velours rouge, pour quelque usage ignoré du commun. P
2694
orceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges
de
velours rouge, pour quelque usage ignoré du commun. Presque toujours
2695
ens bien, gracieusement mêlés au peuple souverain
de
la région, dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs
2696
e égalité scolaire que créent en Suisse les bancs
de
bois peints en faux bois jaune clair. On s’attendait à être interrogé
2697
l’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu
d’
un sévère uniforme au col bordé de perles blanches mordant sur l’encol
2698
personnage vêtu d’un sévère uniforme au col bordé
de
perles blanches mordant sur l’encolure bien rasée entrait, claquait l
2699
t annonçait avec une emphatique autorité des noms
de
villages que tout le monde connaissait, mais cela faisait partie du j
2700
se passait d’ailleurs sans angoisse. On était sûr
de
son affaire, on était parfaitement « en règle », il fallait simplemen
2701
e, voire prévenante, qui fait la force principale
de
notre régime fédéral. Revenant en Suisse après la longue absence de m
2702
déral. Revenant en Suisse après la longue absence
de
mes années américaines et plus que jamais frappé par ce trait nationa
2703
toires du monde ont une fin — la fatale faiblesse
de
notre État : cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc de nou
2704
a fatale faiblesse de notre État : cette habitude
de
nous sentir “en règle”, et donc de nous croire protégés par toutes le
2705
cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc
de
nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines, comme s
2706
manité où nous plongeons se conformait aux règles
de
la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse de troisième classe,
2707
rmait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect
d’
un wagon suisse de troisième classe, tant il respire naturellement l’h
2708
e la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse
de
troisième classe, tant il respire naturellement l’honnêteté, tendrait
2709
tion, la décence et la sécurité des citoyens sont
de
purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’hu
2710
rresponsable et affamée ; et notre âme un cloaque
de
crimes potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespeare et les Pères de
2711
nnement, depuis des millénaires, l’existence même
de
la plupart des autres hommes. En dépit du langage courant, c’est le n
2712
t le normal qui est exceptionnel. Ce sont les cas
d’
ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils parais
2713
al qui est exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre,
de
paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils paraissent, phé
2714
exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et
de
raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils paraissent, phénomènes hau
2715
lieu de nous rebattre les oreilles du train-train
de
nos corruptions. Donc les Suisses que je vois en troisième classe off
2716
s que je vois en troisième classe offrent l’image
de
l’homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu
2717
n troisième classe offrent l’image de l’homme sûr
de
son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les
2718
asse offrent l’image de l’homme sûr de son monde.
D’
où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les étrangers sens
2719
e sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce
de
malaise qu’éprouvent les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent plac
2720
nnent place dans nos trains locaux ? L’expérience
de
la vie new-yorkaise, où personne ne vous voit jamais, me propose par
2721
en somme, inconsciemment, comme si notre système
de
sécurité devait être à chaque instant vérifié, mis au point, méticule
2722
méticuleusement nettoyé des moindres suggestions
de
bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une c
2723
nettoyé des moindres suggestions de bizarrerie ou
de
virtuelle indiscipline que peuvent représenter une cravate insolente,
2724
ndiscrétion du regard suisse me surprend à chacun
de
mes retours. Comment décrire et comment justifier l’espèce particuliè
2725
écrire et comment justifier l’espèce particulière
d’
irritation que provoquent ces regards apparemment timides, mais direct
2726
ement ne se détournent qu’avec cet air exaspérant
de
celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir
2727
naisé près de la porte du balcon dans une chambre
d’
hôtel des bords du lac Léman : Afin d’éviter tout bruit inutile, la d
2728
: Afin d’éviter tout bruit inutile, la direction
de
l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’
2729
nutile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle
de
ne pas donner à manger aux mouettes. C’était l’été des expériences d
2730
nger aux mouettes. C’était l’été des expériences
de
Bikini. Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’indus
2731
Dans les secondes règne la gravité du commerce et
de
l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux,
2732
commerce et de l’industrie. L’authentique usager
de
cette classe n’est pas curieux, comme les gens de troisième, des menu
2733
de cette classe n’est pas curieux, comme les gens
de
troisième, des menus incidents du trajet. On sent bien qu’il a l’habi
2734
e vagabonde pas, reste enfermée dans sa serviette
de
cuir. Rien d’étonnant si le contrôleur distingue à première vue les r
2735
s, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien
d’
étonnant si le contrôleur distingue à première vue les resquilleurs, c
2736
s jeunes gens excités qui prétendent ne pas payer
de
supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes :
2737
as payer de supplément parce qu’il n’y avait plus
de
place dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’être là, on
2738
dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents
d’
être là, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple
2739
s aux moues insolentes, vêtues comme des réclames
de
magazines, discutent avec un accent révoltant le prix de leurs nylons
2740
zines, discutent avec un accent révoltant le prix
de
leurs nylons ou de cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par l
2741
ec un accent révoltant le prix de leurs nylons ou
de
cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par le jeune mâle placid
2742
les troisièmes. Mais il faut traverser un couloir
de
premières. Et je m’arrête, fasciné. Un vieux monsieur en noir, au col
2743
n’existait pas, ils vont plus loin. Confirmation
de
la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les pass
2744
l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers
de
première classe, en Suisse, je les nomme les imperméables. Ils traver
2745
t transparents s’ils vont très vite ? On ne cesse
de
voir le paysage au travers.) Ils appartiennent au vaste monde dont je
2746
Secondes entre les deux ! ak. Rougemont Denis
de
, « Petits trajets sur les axes du monde », Médecine de France, Paris,
2747
Petits trajets sur les axes du monde », Médecine
de
France, Paris, août 1956, p. 33-35. al. Ce texte est une nouvelle ve
2748
al. Ce texte est une nouvelle version, remaniée,
de
« La lutte des classes ». am. Il s’agit d’un extrait de la préface à
2749
niée, de « La lutte des classes ». am. Il s’agit
d’
un extrait de la préface à la Confédération helvétique , que Rougemont
2750
lutte des classes ». am. Il s’agit d’un extrait
de
la préface à la Confédération helvétique , que Rougemont publie en 19
2751
réussies, l’on peut citer la Suisse sans soulever
d’
objections. Tout le monde sait que son régime politique est l’un des p
2752
e est l’un des plus stables au monde, depuis plus
d’
un siècle. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer
2753
au monde, depuis plus d’un siècle. Les partisans
de
l’Europe unie ne manquent pas de le citer en exemple. Mais combien sa
2754
e. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas
de
le citer en exemple. Mais combien savent comment ce modèle d’un systè
2755
en exemple. Mais combien savent comment ce modèle
d’
un système politique fédéral a pris naissance en 1848 ? Une fédérati
2756
u’à cette date, la Suisse n’était qu’une alliance
d’
États souverains. Pendant des siècles, leur lien légal avait consisté
2757
sisté dans une Diète, laquelle n’avait guère plus
de
pouvoir que l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée d’ambass
2758
uère plus de pouvoir que l’Assemblée consultative
de
Strasbourg. Composée d’ambassadeurs des cantons souverains, pourvus d
2759
l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée
d’
ambassadeurs des cantons souverains, pourvus du droit de veto, cette D
2760
ssadeurs des cantons souverains, pourvus du droit
de
veto, cette Diète « n’avait en fait d’emprise sur les cantons que dan
2761
s du droit de veto, cette Diète « n’avait en fait
d’
emprise sur les cantons que dans la mesure où elle se conformait à leu
2762
ne politique commune expliquent la chute soudaine
de
l’ancienne Confédération devant les armées de la Révolution française
2763
ine de l’ancienne Confédération devant les armées
de
la Révolution française, en 1798. L’essai d’unification jacobine entr
2764
mées de la Révolution française, en 1798. L’essai
d’
unification jacobine entrepris à ce moment-là sous le nom de « Républi
2765
ion jacobine entrepris à ce moment-là sous le nom
de
« République helvétique une et indivisible » échoua rapidement, et Na
2766
at fédératif. Vouloir la vaincre ne peut pas être
d’
un homme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’États souvera
2767
s être d’un homme sage. » Entre les deux extrêmes
de
l’alliance d’États souverains sans pouvoir central et de la totale un
2768
mme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance
d’
États souverains sans pouvoir central et de la totale unification, la
2769
liance d’États souverains sans pouvoir central et
de
la totale unification, la Suisse chercha pendant près d’un demi-siècl
2770
otale unification, la Suisse chercha pendant près
d’
un demi-siècle un équilibre malaisé. Toute tentative de révision du «
2771
demi-siècle un équilibre malaisé. Toute tentative
de
révision du « Pacte fédéral », comme celle de 1832, se voyait repouss
2772
ive de révision du « Pacte fédéral », comme celle
de
1832, se voyait repoussée à la fois par la gauche, qui lui reprochait
2773
La solution qui s’imposa finalement au lendemain
de
la guerre civile dite du Sonderbund (1847) peut être qualifiée soit d
2774
ite du Sonderbund (1847) peut être qualifiée soit
d’
habile compris soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragm
2775
7) peut être qualifiée soit d’habile compris soit
d’
échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.
2776
fait, elle a tranquillement supprimé le problème
de
la souveraineté cantonale (ou nationale), et cela d’une manière qui m
2777
la souveraineté cantonale (ou nationale), et cela
d’
une manière qui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe d’aujou
2778
nale), et cela d’une manière qui me paraît pleine
d’
enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Loin d’exiger des cantons u
2779
ui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe
d’
aujourd’hui. Loin d’exiger des cantons une renonciation à leur souvera
2780
d’enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Loin
d’
exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, la Constituti
2781
ation à leur souveraineté, la Constitution suisse
de
1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle
2782
. — Les peuples des vingt-deux cantons souverains
de
la Suisse, unis par la présente alliance… forment dans leur ensemble
2783
ffens l’a définie comme « la faculté pour un État
d’
agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites
2784
s aucun État européen qui ait conservé la faculté
d’
agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable de déclar
2785
uise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable
de
déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assure
2786
-à-dire qui soit capable de déclarer la guerre ou
de
conclure la paix comme il l’entend, d’assurer sa prospérité sans plus
2787
guerre ou de conclure la paix comme il l’entend,
d’
assurer sa prospérité sans plus dépendre de l’étranger, de se défendre
2788
ntend, d’assurer sa prospérité sans plus dépendre
de
l’étranger, de se défendre plus de quelques heures contre les Russes
2789
r sa prospérité sans plus dépendre de l’étranger,
de
se défendre plus de quelques heures contre les Russes ou les Américai
2790
plus dépendre de l’étranger, de se défendre plus
de
quelques heures contre les Russes ou les Américains : donc de se cond
2791
heures contre les Russes ou les Américains : donc
de
se conduire en pirate ou de vivre en vase clos. Ces limites décisives
2792
les Américains : donc de se conduire en pirate ou
de
vivre en vase clos. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont p
2793
aineté ne sont plus posées par le droit, mais par
d’
implacables circonstances techniques, économiques et politiques. Il en
2794
ulte que la souveraineté nationale n’a plus guère
d’
autre existence que psychologique. Refoulée du domaine des forces réel
2795
ogique. Refoulée du domaine des forces réelles et
de
pouvoirs concrets elle est devenue le réceptacle où se recueillent pê
2796
réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies
de
gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’une H
2797
ées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités
d’
une Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout ang
2798
’école, agressivité frustrée, et surtout angoisse
de
perdre son identité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’un c
2799
entité. Elle a donc pris les caractères cliniques
d’
un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’
2800
donc pris les caractères cliniques d’un complexe.
D’
où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réa
2801
où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes,
de
s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevo
2802
apter aux réalités changeantes du siècle, et même
de
les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus g
2803
changeantes du siècle, et même de les apercevoir.
D’
où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus grossières du commun
2804
r affectivité inquiète comme Iago sur la jalousie
d’
Othello. D’où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugr
2805
té inquiète comme Iago sur la jalousie d’Othello.
D’
où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui ca
2806
llo. D’où enfin l’extrême confusion et les éclats
de
passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur la souverainet
2807
es sur la souveraineté nationale. Lors des débats
de
la table ronde de l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ont
2808
neté nationale. Lors des débats de la table ronde
de
l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ont frappé comme étan
2809
pé comme étant propres à éduquer le sens européen
de
notre opinion publique. Le premier fut apporté par M. Ernst Friedlaen
2810
’on doit rassurer ceux qui tremblent, disent-ils,
de
voir leur patrie « se perdre dans la masse informe d’une Europe unie
2811
oir leur patrie « se perdre dans la masse informe
d’
une Europe unie ». Le second argument est dû à M. Cotsaridas, publicis
2812
le peuple sera associé à leur gestion. Il importe
d’
expliquer cela aux masses, car ainsi sera dissipée la crainte que susc
2813
nsi sera dissipée la crainte que suscite la perte
de
la souveraineté nationale. » Il n’est donc pas exact que nos nations,
2814
vue de s’unir, doivent sacrifier ce qui subsiste
de
leur souveraineté nominale. Quant à l’essentiel de cette souveraineté
2815
e leur souveraineté nominale. Quant à l’essentiel
de
cette souveraineté, elles l’ont perdu, et sans retour. À la question
2816
27. William Rappard, La Constitution fédérale
de
la Suisse, p. 20. 28. Ibid., p. 83. an. Rougemont Denis de, « Un
2817
p. 20. 28. Ibid., p. 83. an. Rougemont Denis
de
, « Un exemple pour l’Europe », Fédération, Paris, octobre 1956, p. 59
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Serrer la main
d’
un communiste, désormais… (10 novembre 1956)ao Le dimanche 4 novemb
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chers auditeurs, vous allez entendre le manifeste
de
la Fédération des écrivains hongrois. Ici la Fédération des écrivains
2820
de, à tous les savants, à toutes les associations
d’
écrivains et académies, à l’élite intellectuelle du monde entier, nous
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peu de temps. Vous connaissez les faits. Inutile
de
rappeler ce qui se passe. Aidez la Hongrie. Aidez le peuple hongrois.
2822
s, en allemand et en russe. Puis quelques minutes
de
musique. À 8 h 7, Radio-Kossuth se tait. QUI RÉPONDRA ? À ces dernièr
2823
h se tait. QUI RÉPONDRA ? À ces dernières paroles
de
la révolution déclenchée par les étudiants et par les écrivains du ce
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u, cet appel propagé dans le monde entier. Chacun
de
nous doit maintenant y répondre. Chacun de nous peut faire quelque ch
2825
Chacun de nous doit maintenant y répondre. Chacun
de
nous peut faire quelque chose. Le monstrueux forfait de Budapest a mi
2826
s peut faire quelque chose. Le monstrueux forfait
de
Budapest a mis le communisme au ban de l’humanité. Il fallait tout d’
2827
ux forfait de Budapest a mis le communisme au ban
de
l’humanité. Il fallait tout d’abord le déclarer. Mais il faut en tire
2828
e part, nous pensons ce qui suit : Serrer la main
d’
un communiste occidental, qui approuve « librement » son parti, c’est
2829
nt » son parti, c’est saluer un complice du crime
de
Budapest. Publier ses écrits, c’est contribuer au genre de propagande
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st. Publier ses écrits, c’est contribuer au genre
de
propagande intellectuelle qui mène au crime de Budapest. Discuter ses
2831
re de propagande intellectuelle qui mène au crime
de
Budapest. Discuter ses raisons, c’est oublier qu’elles « justifient »
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elles « justifient » nécessairement les massacres
de
Budapest. Continuer les dialogues Europe-URSS, engagés sous le signe
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ogues Europe-URSS, engagés sous le signe trompeur
d’
une « détente » qui vient de montrer sa vraie nature à Budapest, c’est
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uet-apens. Accueillir et fêter les jolies troupes
d’
artistes, les intellectuels asservis que nous envoie le régime de Mosc
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intellectuels asservis que nous envoie le régime
de
Moscou, c’est oublier la voix des écrivains martyrs qui nous appelaie
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la voix des écrivains martyrs qui nous appelaient
de
Budapest, et c’est trahir leur testament. Que chacun s’interroge et d
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ament. Que chacun s’interroge et décide librement
de
l’action qu’il entend mener, dans sa sphère d’influence personnelle o
2838
nt de l’action qu’il entend mener, dans sa sphère
d’
influence personnelle ou civique, contre ceux qui applaudissent au cri
2839
re ceux qui applaudissent au crime, qui tenteront
de
le faire oublier, ou de lui chercher des excuses. Que tous les esprit
2840
t au crime, qui tenteront de le faire oublier, ou
de
lui chercher des excuses. Que tous les esprits libres qui voudraient
2841
’action internationale du Congrès pour la liberté
de
la culture sachent qu’ils trouveront ici des hommes qui n’oublient pa
2842
s hommes qui n’oublient pas l’appel des écrivains
de
Budapest, qui ne le laisseront pas oublier, et dont tout le programme
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oublier, et dont tout le programme est maintenant
d’
y répondre. Au nom du Congrès pour la liberté de la culture, Le présid
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t d’y répondre. Au nom du Congrès pour la liberté
de
la culture, Le président du comité exécutif, Denis de Rougemont ao.
2845
écutif, Denis de Rougemont ao. Rougemont Denis
de
, « Serrer la main d’un communiste, désormais… », Le Figaro littéraire
2846
emont ao. Rougemont Denis de, « Serrer la main
d’
un communiste, désormais… », Le Figaro littéraire, Paris, 10 novembre