1 1951, Articles divers (1951-1956). Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)
1 Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)a
2 ui a pu rassembler des hommes aussi divers à tant d’ égards que ceux que vous voyez sur cette tribune, je répondrai : Nous
3 té indivisibles, qu’elles sont la condition l’une de l’autre et pratiquement synonymes. J’espère bien que vous êtes de ceu
4 atiquement synonymes. J’espère bien que vous êtes de ceux qui se méfient des grands mots du genre de paix et de liberté et
5 s de ceux qui se méfient des grands mots du genre de paix et de liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces
6 ui se méfient des grands mots du genre de paix et de liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces syllabes pr
7 J’espère, parce que c’est précisément notre rôle d’ intellectuels libres que de monter une garde vigilante et continue aut
8 précisément notre rôle d’intellectuels libres que de monter une garde vigilante et continue autour du sens humain, concret
9 ilante et continue autour du sens humain, concret de ces grands mots et d’entretenir une saine méfiance critique à l’égard
10 our du sens humain, concret de ces grands mots et d’ entretenir une saine méfiance critique à l’égard de ceux qui en abusen
11 ui en abusent. Tel est peut-être le premier point de notre programme et j’y reviendrai. Mais j’entends dire partout avec d
12 se défendre, simplement, et chacun dans sa sphère d’ action et d’intérêts. Nous, intellectuels, nous sommes prêts à prendre
13 simplement, et chacun dans sa sphère d’action et d’ intérêts. Nous, intellectuels, nous sommes prêts à prendre notre part,
14 visés en premier lieu par la menace totalitaire, d’ où qu’elle vienne. Nous savons que la phase actuelle de la lutte contr
15 qu’elle vienne. Nous savons que la phase actuelle de la lutte contre la tyrannie et pour la liberté est une phase idéologi
16 et avant nous ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague, de Varsovie tout récemment. C’est justement ce
17 ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague, de Varsovie tout récemment. C’est justement ce qui nous inqui
18 des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague, de Varsovie tout récemment. C’est justement ce qui nous inquiète pour la
19 la souris et nous avons des raisons très précises de le penser. Nous publierons à ce sujet bientôt des textes que les gran
20 ntôt des textes que les grands chefs totalitaires de divers pays ont pris soin d’écrire eux-mêmes depuis longtemps et d’au
21 s chefs totalitaires de divers pays ont pris soin d’ écrire eux-mêmes depuis longtemps et d’autres textes plus récents d’où
22 depuis longtemps et d’autres textes plus récents d’ où il ressort, par exemple, que le but du Kominform, en lançant ses ap
23 en lançant ses appels à la paix n’est pas du tout de servir une paix durable, mais de donner un répit à l’armée russe pour
24 ’est pas du tout de servir une paix durable, mais de donner un répit à l’armée russe pour renforcer ses armements. Vous po
25 on n’aura jamais vu des loups déclarer avec moins de pudeur leur amour passionné pour les brebis. La vérité, voyez-vous, c
26 érité, voyez-vous, c’est qu’on nous a volé ce mot de paix. On nous l’a kidnappé ; on l’a pris en otage ; on nous le présen
27 nant devant le front des troupes dans l’intention de nous désarmer. Si vous n’êtes pas dans le camp politique qui s’est em
28 s êtes, nous dit-on, pour la guerre. Des millions de naïfs dans nos pays, 14 millions en Europe, paraît-il, ont succombé à
29 Europe, paraît-il, ont succombé à ce raisonnement d’ une écrasante simplicité dans le sophisme. Et puis, vous le savez tous
30 ix, c’est un mot. Il est très facile, à mon avis, de distinguer entre le mot paix et la réalité vivante qu’il devrait dési
31 n’est donc nullement défendue par les « Partisans de la Paix ». À nous donc, à nous tous, de reprendre la tâche, honnêteme
32 Partisans de la Paix ». À nous donc, à nous tous, de reprendre la tâche, honnêtement cette fois-ci, cartes sur table. L
33 cette fois-ci, cartes sur table. La propagande de la Liberté Quelles sont nos armes ? Je pense que leur nature doit
34 nature doit nous être indiquée par la nature même de la lutte en cours qui, pour l’instant, encore, dans nos pays démocrat
35 depuis un an, à ce que l’on a nommé une offensive de paix — d’un terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’
36 an, à ce que l’on a nommé une offensive de paix — d’ un terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’on appelai
37 n terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’on appelait jadis — naguère — une préparation d’artillerie. Que
38 qu’on appelait jadis — naguère — une préparation d’ artillerie. Quelle peut être notre riposte ? Je n’hésiterai pas à lui
39 i donner ce nom, bien que ce nom soit très mal vu de nos élites, peut-être même sans raison : c’est une mission de propaga
40 s, peut-être même sans raison : c’est une mission de propagande qui nous incombe au premier chef. Je désire m’expliquer su
41 mployer, les enrôler, pour ainsi dire, au service de la santé des hommes. Utilisons de cette manière la propagande pour va
42 ire, au service de la santé des hommes. Utilisons de cette manière la propagande pour vacciner contre elle les masses, qu’
43 lument artificiel. Notre but, en effet, n’est pas d’ endormir ou d’hypnotiser les esprits mais au contraire, de réveiller l
44 iel. Notre but, en effet, n’est pas d’endormir ou d’ hypnotiser les esprits mais au contraire, de réveiller les consciences
45 ir ou d’hypnotiser les esprits mais au contraire, de réveiller les consciences. Il n’est pas de répandre une mystique qui
46 raire, de réveiller les consciences. Il n’est pas de répandre une mystique qui promet la lune pour demain, mais de rappele
47 une mystique qui promet la lune pour demain, mais de rappeler les hommes aux réalités, à leurs responsabilités. Nous savon
48 ibertés démocratiques occidentales sont très loin d’ être parfaites, mais si nous les perdons un jour, nous penserons dans
49 rendrons qu’il eût peut-être mieux valu s’occuper de ces problèmes pendant qu’on le pouvait, sauver au moins la possibilit
50 qu’on le pouvait, sauver au moins la possibilité de les vivre à notre manière. Pour notre part, nous agirons. Nous allons
51 ur nous, la défense de la paix suppose des moyens de liberté, elle suppose la libre discussion. Nous voulons des moyens co
52 que la liberté est à nos yeux la condition vitale de toute culture, de toute culture digne de ce nom. Pour nous intellectu
53 à nos yeux la condition vitale de toute culture, de toute culture digne de ce nom. Pour nous intellectuels, hommes de cul
54 n vitale de toute culture, de toute culture digne de ce nom. Pour nous intellectuels, hommes de culture, faire la propagan
55 digne de ce nom. Pour nous intellectuels, hommes de culture, faire la propagande de la liberté, c’est, en fin de compte e
56 llectuels, hommes de culture, faire la propagande de la liberté, c’est, en fin de compte et du même coup sauver notre cult
57 consacrer à d’autres activités dites distinguées de ce genre, je voudrais poser une simple question très précise et concr
58 ser une simple question très précise et concrète. D’ où vient que l’Europe ait régné sur le monde, incontestablement depuis
59 cinq siècles ? Quelles ont été les sources vives de cette puissance paradoxale ? La péninsule Europe ne représente, en ef
60 des terres du globe. Ni son étendue, ni le nombre de ses habitants, ni ses richesses naturelles ne la destinaient fataleme
61 intervenus. En fait le rayonnement, la puissance de l’Europe ont résulté tout à la fois de ses conceptions religieuses et
62 puissance de l’Europe ont résulté tout à la fois de ses conceptions religieuses et morales, d’un pouvoir d’invention sans
63 a fois de ses conceptions religieuses et morales, d’ un pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois garantissant
64 conceptions religieuses et morales, d’un pouvoir d’ invention sans égal et d’un système de lois garantissant de mieux en m
65 et morales, d’un pouvoir d’invention sans égal et d’ un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la p
66 ’un pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la personne. C’es
67 on sans égal et d’un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la personne. C’est là qu’il faut cherc
68 lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la personne. C’est là qu’il faut chercher les vrais secrets de notre
69 e. C’est là qu’il faut chercher les vrais secrets de notre puissance, même matérielle, dans le passé, et aujourd’hui les v
70 , dans le passé, et aujourd’hui les vrais secrets de notre survivance indépendante, donc de nos libertés les plus concrète
71 is secrets de notre survivance indépendante, donc de nos libertés les plus concrètes. Il s’en faut cependant, hélas ! de b
72 s plus concrètes. Il s’en faut cependant, hélas ! de beaucoup, que la plupart de nos contemporains, même en Europe, prenne
73 ope, prennent au sérieux, pratiquement, ce secret de leur force. Ce qui est sérieux, croient-ils, ce sont les armements ou
74 e, que l’Assemblée européenne fût privée du droit de s’occuper des choses militaires et des choses économiques, s’écriait
75 des choses économiques, s’écriait avec une sorte de désespoir ironique, et très sûr de son effet : « Notre Assemblée, Mes
76 avec une sorte de désespoir ironique, et très sûr de son effet : « Notre Assemblée, Messieurs, se voit réduite à parler de
77 re Assemblée, Messieurs, se voit réduite à parler de questions culturelles. Cela me fait penser à de vieilles dames qui fo
78 r de questions culturelles. Cela me fait penser à de vieilles dames qui font du crochet pendant que les armées ennemies se
79 uve que notre culture n’est pas menacée seulement de l’extérieur. En effet, comparer la culture à de la broderie, accepter
80 t de l’extérieur. En effet, comparer la culture à de la broderie, accepter qu’il en soit ainsi, le laisser croire, c’est r
81 en soit ainsi, le laisser croire, c’est renoncer d’ avance à nos meilleurs atouts dans la lutte historique où nous sommes
82 storique où nous sommes engagés qui est une lutte d’ idées, de croyances, de conceptions du monde. Les totalitaires, eux, l
83 où nous sommes engagés qui est une lutte d’idées, de croyances, de conceptions du monde. Les totalitaires, eux, le savent
84 engagés qui est une lutte d’idées, de croyances, de conceptions du monde. Les totalitaires, eux, le savent très bien.
85 Staline rédige lui-même un long article en forme d’ encyclique sur la science linguistique dans son empire ou lorsqu’il la
86 purement scientifique, déclare-t-il — avec l’aide de 500 000 propagandistes entraînés, munis de films, d’expositions itiné
87 l’aide de 500 000 propagandistes entraînés, munis de films, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le t
88 500 000 propagandistes entraînés, munis de films, d’ expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largem
89 nés, munis de films, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds du
90 ilms, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds du parti, c’est-à-
91 ment financé par les fonds du parti, c’est-à-dire de l’État, lorsque Staline déclenche ses campagnes culturelles, soyez bi
92 ne joue pas aux vieilles dames, qu’il ne fait pas de la broderie, et que les armées qu’il met en marche sont plus redoutab
93 ins, elles veulent occuper le cœur et les esprits de ceux-là mêmes qui pourraient être appelés un jour à défendre l’Europe
94 Europe et qui ne le feront pas si le point de vue de l’adversaire les a, par avance, « occupés ». Ainsi donc, pratiquement
95 t — j’insiste sur le mot « pratiquement » — point d’ Europe sans culture, point de culture sans libre discussion, point de
96 atiquement » — point d’Europe sans culture, point de culture sans libre discussion, point de liberté de critique et de rec
97 re, point de culture sans libre discussion, point de liberté de critique et de recherche sans droits civiques et politique
98 e culture sans libre discussion, point de liberté de critique et de recherche sans droits civiques et politiques et point
99 libre discussion, point de liberté de critique et de recherche sans droits civiques et politiques et point de paix digne d
100 erche sans droits civiques et politiques et point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de libe
101 its civiques et politiques et point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de liberté vigilant e
102 e ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de liberté vigilant et militant… La tâche est très vaste, c’est l’éviden
103 ceux qui se taisent et qui se découragent. À vous de les rejoindre. J’ajoute que, pour nous, intellectuels, le fait d’assu
104 . J’ajoute que, pour nous, intellectuels, le fait d’ assumer publiquement notre part bien définie dans cette bataille commu
105 n définie dans cette bataille commune est un acte de propreté, un acte vital aussi pour notre pensée même ; car si nous re
106 ensée même ; car si nous reculions devant ce défi de l’histoire, que pourrions-nous encore penser écrire ou dire sans une
107 ire ou dire sans une honte intime, sans une sorte de mépris pour nous-mêmes ? 1. Ce texte est extrait du discours pron
108 e comité international du Congrès pour la Liberté de la culture, par Denis de Rougemont, directeur du secrétariat internat
109 at international du Congrès. a. Rougemont Denis de , « Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture », L
110 s. a. Rougemont Denis de, « Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture », Les Amis de la liberté, Par
111 a liberté, c’est sauver notre culture », Les Amis de la liberté, Paris, décembre 1950–janvier 1951, p. 1-3.
2 1951, Articles divers (1951-1956). Comment fabriquer un Européen ?
112 C’est absolument impossible. Et je vais essayer de dire pourquoi. On peut tout fabriquer, ou presque, paraît-il. L’homme
113 , — n’y touchons plus. Mais prenez deux Européens de nations différentes, si possible. Mariez leur fils avec la fille de d
114 ntes, si possible. Mariez leur fils avec la fille de deux autres Européens. Attendez une génération. Répétez le processus
115 cessus quatre ou cinq fois. Lorsque Schmidt, fils de Schmidt, sera baptisé Smith, changez son arbre généalogique. Déclarez
116 qu’il descend en droite ligne des émigrants venus d’ Angleterre sur le fameux bateau nommé le Mayflower. Il semble bien que
117 ette caravelle ait transporté plusieurs centaines de milliers d’émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. Appren
118 le ait transporté plusieurs centaines de milliers d’ émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. Apprenez maintenan
119 renez maintenant au jeune homme la phrase célèbre de Lincoln sur le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple
120 z sur un rythme nègre, emballez (moralement) dans de la cellophane, et servez frais. Pour fabriquer un Soviétique, c’est p
121 rapide. Prenez un Russe, passez-le au MVD — sorte de DDT moral nettoyant les idées subversives, et tirez le rideau. Mais p
122 des Américains manqués. Les mélanges arbitraires de couleurs donnent du brun sale. Vous pouvez alors essayer des combinai
123 ois par trois. Vous pouvez mélanger, par exemple, de la culture germanique et des Espagnols, du socialisme plus ou moins m
124 up de combinaisons resteront stériles. Un mélange de catholiques et de juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’
125 resteront stériles. Un mélange de catholiques et de juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx
126 nera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Fran
127 s protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’A
128 aurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’o
129 ra des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’ Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par de t
130 lemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’ obtenir par de tels procédés l’Européen synthétique ou moyen : nos ver
131 uisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par de tels procédés l’Européen synthétique ou moyen : nos vertus, nos croya
132 e moyenne, si le sujet des Soviets est le produit d’ un plan, l’Européen est par essence un être qui diffère et tient à dif
133 r essence un être qui diffère et tient à différer de son voisin et des modèles fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut e
134 fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut exister d’ Européen moyen, résumant les vertus et les défauts contradictoires du
135 onégasques insouciants et des partisans motorisés de la paix concentrée. Il n’y a que des hommes habitués à différer les u
136 ’est pourquoi faire un Européen, ce serait tenter de faire quelque chose qui ne ressemblerait plus à rien d’européen. Aprè
137 re quelque chose qui ne ressemblerait plus à rien d’ européen. Après tout, pourquoi voudrait-on « fabriquer » des Européens
138 nt. Mais nous venons de montrer qu’il serait vain de rêver cette union sous forme de mélange. Il nous faut faire l’Europe,
139 ire, il nous faut partir des quelque 300 millions d’ hommes réels qui peuplent la partie libre du continent. Il faut les pr
140 les coutumes, toutes supérieures à celles du pays d’ à côté. Et puisqu’il faut baser l’union sur quelque chose qui soit com
141 evient donc à faire comprendre à ces 300 millions d’ hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volo
142 à faire comprendre à ces 300 millions d’hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de reste
143 ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de rester chacun soi-même à sa façon. Voilà ce qui les distingue en bloc
144 es et des Américains, voilà le principe paradoxal de leur communauté profonde. Ce qu’il y a de plus humain chez tout homme
145 angoissante pour l’adolescent — qu’il est le seul de son espèce, qu’il est un cas absolument unique. Ce qu’il y a de plus
146 Ce qu’il y a de plus européen chez les habitants de notre cap, c’est l’idée qu’ils ont tous d’appartenir d’abord à une fa
147 itants de notre cap, c’est l’idée qu’ils ont tous d’ appartenir d’abord à une famille, à une région, à une patrie, à une co
148 ils perdraient leurs libertés si on les empêchait de vivre à leur manière, qui n’est pas celle de leurs voisins. J’en vois
149 hait de vivre à leur manière, qui n’est pas celle de leurs voisins. J’en vois la preuve par neuf dans le reproche si coura
150 ous d’autres régimes, où ce n’est pas la pression de la mode, mais celle de la police qui ramène « dans la ligne » !) Cert
151 ù ce n’est pas la pression de la mode, mais celle de la police qui ramène « dans la ligne » !) Certes, il y a d’autres lie
152 !) Certes, il y a d’autres liens entre les hommes d’ Europe. Il y a leur héritage commun de civilisation, de valeurs spirit
153 les hommes d’Europe. Il y a leur héritage commun de civilisation, de valeurs spirituelles, de formes politiques, et même
154 ope. Il y a leur héritage commun de civilisation, de valeurs spirituelles, de formes politiques, et même de mœurs. Les con
155 commun de civilisation, de valeurs spirituelles, de formes politiques, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de l
156 leurs spirituelles, de formes politiques, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libertés pub
157 mes politiques, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libertés publiques ou morales, pour ne
158 es, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libertés publiques ou morales, pour ne citer que c
159 n de plus fort, pour nous unir, que cette passion de rester différents, indissolublement liée pour nous à la pratique des
160 dre : il nous faut combiner nos ressources. Faute de former à temps cette libre union, nous serons unifiés par la force, m
161 européenne consistera donc non point à fabriquer de l’Européen moyen, mais bien à réveiller en chacun de nous, tels que n
162 l’Européen moyen, mais bien à réveiller en chacun de nous, tels que nous sommes, la conscience de nos libertés ; puis à vo
163 acun de nous, tels que nous sommes, la conscience de nos libertés ; puis à vouloir le moyen de les sauver. L’éducation eur
164 science de nos libertés ; puis à vouloir le moyen de les sauver. L’éducation européenne devra montrer que nos libertés dép
165 devra montrer que nos libertés dépendent en fait de notre droit de différer, sans lequel il n’est point de dialogue créat
166 que nos libertés dépendent en fait de notre droit de différer, sans lequel il n’est point de dialogue créateur. Et que c’e
167 tre droit de différer, sans lequel il n’est point de dialogue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe.
168 ue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe. Et que c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’il n’es
169 a précisément qui est menacé. Et qu’il n’est plus d’ espoir que dans l’union, — celle qui veut surmonter nos divisions pour
170 pour sauver nos diversités. b. Rougemont Denis de , « Comment fabriquer un Européen ? », Notre Europe, Strasbourg, mars
3 1951, Articles divers (1951-1956). Défense de nos libertés (octobre 1951)
171 Défense de nos libertés (octobre 1951)c d Si l’on passe en revue tous les arg
172 ce milieu du xxe siècle, c’est moins le problème de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dé
173 me de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hu
174 berté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’an
175 s. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’angoisse d’ une nouvelle guerre mondiale, c’est parce que le monde est divisé en d
176 inissent clairement que par rapport à la liberté. D’ un côté, les peuples qui se disent libres et entendent le rester ; de
177 les qui se disent libres et entendent le rester ; de l’autre, ceux qui vivent en régime totalitaire, et qui n’ont pas nos
178 qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres motifs de conflit que l’on pourrait énumérer sont discutables et peu clairs. Le
179 t réparties entre les deux camps. Les conceptions de la justice sociale elle-même ne suffisent pas pour distinguer netteme
180 er nettement les adversaires : il serait possible de discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a l
181 serait possible de discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théoriq
182 uter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise
183 voir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise ou réalisée. Par cont
184 ou réalisée. Par contre, ce qu’il est impossible de discuter, ce qui est évident aux yeux de tous, des deux côtés, c’est
185 concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner d’ avance — avant une guerre, qui serait perdue par tous — cette lutte où
186 tte où nous sommes engagés, la première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos liber
187 s engagés, la première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos libertés ? Sont-elles
188 s questions. C’est là que gît la force principale de l’autre camp. Quand on nous dit : « Qu’avez-vous à opposer à l’idéolo
189 désespérément une réplique, ou que nous essayons d’ improviser quelque « mystique » nouvelle, nous sommes déjà battus. Pou
190 alors à coup sûr, il faut que nous soyons en état de répondre instantanément, avec une conviction totale. Il faut que nous
191 dions ceci : « Nous n’avons pas besoin comme vous d’ une mystique qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’une idéol
192 que qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’ une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est pas notre pass
193 u’il a conquises, et qui sont la réalité présente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’un avenir meilleur ! » Ce la
194 résente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’ un avenir meilleur ! » Ce langage seul peut nous sauver. Encore faut-i
195 sauver. Encore faut-il que nous soyons en mesure de le tenir sans équivoque, et en pleine connaissance de cause. Le temps
196 absence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’ une mystique « aussi puissante » ou « plus puissante » que les leurs.
197 avons plus que nous méritons. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, qu
198 a prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, quand le mal est d’ordre psychique ; c’est d’autre part
199 ne part le début de la guérison, quand le mal est d’ ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, q
200 d’ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, quand les faits objectifs sont meilleurs que notre
201 pensait. Rendus conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renver
202 s conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde s
203 t de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde situation volontairement créée par les mystiques
204 irement créée par les mystiques adverses. Au défi de la propagande, répondons tranquillement par les faits. Nous pouvons p
205 bertés. Nous pouvons aussi les sauver en décidant de les répandre. Si nous voyons les faits, et savons les faire voir, nou
206 s l’initiative. C’est l’autre camp qui sera forcé de se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies liber
207 se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’es
208 ment de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à cel
209 Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de n
210 est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos force
211 r du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer
212 lui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’ appeler toutes nos forces éparses à se fédérer solidement, non point à
213 es sont nos chances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque pe
214 s chances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque personne fai
215 dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’ un général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité. Lév
216 ittons la lutte. Léviathan, c’est la somme exacte de nos petites démissions personnelles. Et c’est pourquoi je conclurai,
217 ne sera jamais totalitaire. c. Rougemont Denis de , « Défense de nos libertés », Contacts littéraires et sociaux, Paris,
218 totalitaire. c. Rougemont Denis de, « Défense de nos libertés », Contacts littéraires et sociaux, Paris, octobre 1951,
219 te : « Nous remercions le Congrès pour la liberté de la culture d’avoir bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait
220 mercions le Congrès pour la liberté de la culture d’ avoir bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait de la brochure
221 bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait de la brochure de Denis de Rougemont, Les Libertés que nous pouvons per
222 autoriser à reproduire un extrait de la brochure de Denis de Rougemont, Les Libertés que nous pouvons perdre , dont nous
4 1952, Articles divers (1951-1956). Robert de Traz, l’Européen (1952)
223 Robert de Traz, l’Européen (1952)e Peu d’ hommes ont vu plus juste, entre-deux-guerres. Peu d’écrivains ont si b
224 hommes ont vu plus juste, entre-deux-guerres. Peu d’ écrivains ont si bien voyagé, et mieux dit ce qu’ils avaient vu. La pl
225 de leurs découvertes ; ils rapportaient des états d’ âme ; mais lui, de ses Dépaysements f, nous rapportait l’Europe vivant
226 es ; ils rapportaient des états d’âme ; mais lui, de ses Dépaysements f, nous rapportait l’Europe vivante, interrogée sur
227 raliste : il la définissait comme « une puissance d’ adhésion, qui tantôt s’identifie à son objet, et tantôt, rétablissant
228 variétés mêmes, qu’on nomme Europe. « Si le désir de comprendre ce qui se passe vous possède, comment n’irait-on pas, en é
229 les abstractions, questionner sur place l’Europe d’ aujourd’hui, cette Europe révolutionnaire et nationaliste, violente, i
230 aliste, violente, ignorante, à moitié démolie, et d’ où montent, comme les fumées d’un sol volcanique, la haine, la douleur
231 moitié démolie, et d’où montent, comme les fumées d’ un sol volcanique, la haine, la douleur et l’espérance. Europe, vaste
232 ont l’essentiel est dans les âmes. » Ses tableaux de l’Allemagne, dès 1923, dessinent en creux ce qui sera le lit de l’hit
233 , dès 1923, dessinent en creux ce qui sera le lit de l’hitlérisme, un peu plus tard : il a senti l’appel aux passions coll
234 ’appel aux passions collectives, aux philosophies de combat, et qu’il ne fallait pas laisser ce peuple « dans les ténèbres
235 péenne ». Il a, l’un des premiers, ravivé l’idéal de cette communauté indispensable au monde, souligné sa nécessité, défin
236 ggéré sa structure fédérale. Dans tous ses livres de voyages, d’analyse morale ou d’histoire — mais nulle part mieux que d
237 ucture fédérale. Dans tous ses livres de voyages, d’ analyse morale ou d’histoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit
238 s tous ses livres de voyages, d’analyse morale ou d’ histoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit de Genève. Je viens
239 istoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit de Genève. Je viens de relire cet ouvrage, paru en 1929 : c’est un class
240 décrivent (et critiquent d’ailleurs) les méthodes de la SDN, peuvent nous paraître hors de saison, s’il est vrai que le sp
241 unies réduit à peu, sinon à rien, les espoirs que de Traz se faisait une vertu et même une raison d’entretenir, malgré tou
242 e de Traz se faisait une vertu et même une raison d’ entretenir, malgré toutes ses méfiances et toute la précision d’un reg
243 malgré toutes ses méfiances et toute la précision d’ un regard souvent railleur ou amusé. Mais l’ouverture et la longue con
244 plus justes, et peu de plus actuels dans la durée de nos problèmes fondamentaux. On y reviendra, comme on est revenu à L’E
245 x. On y reviendra, comme on est revenu à L’Esprit de conquête de Benjamin Constant, malgré le style parfois pompeux et app
246 endra, comme on est revenu à L’Esprit de conquête de Benjamin Constant, malgré le style parfois pompeux et apprêté de cet
247 stant, malgré le style parfois pompeux et apprêté de cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel et concis. C’est dans
248 parfois pompeux et apprêté de cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel et concis. C’est dans le fédéralisme qu’il vo
249 s. C’est dans le fédéralisme qu’il voit « la base de l’internationale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’une m
250 it « la base de l’internationale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’une mystique, qu’il attend « la refonte de
251 nale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’ une mystique, qu’il attend « la refonte de l’Europe ». C’est par la ci
252 tôt que d’une mystique, qu’il attend « la refonte de l’Europe ». C’est par la civilisation « grecque et chrétienne — et Ro
253 rmes essentiels » que l’Europe est devenue patrie de la personne. Et c’est enfin en s’opposant non seulement « aux États-U
254 s’opposant non seulement « aux États-Unis, tentés de la soumettre » et à la Russie « dont le système politique comporte un
255 dans cet essai final, animé par un long mouvement d’ éloquence lucide et sereine, qui ne porte encore mieux sur notre temps
256 porte encore mieux sur notre temps que sur celui de sa naissance — 1929, je le répète. « Petite Europe, toute seule dans
257 lités intérieures sont archaïques » et qu’au-delà de ses frontières resserrées, des civilisations rajeunies vont se dresse
258 le pas nous mettre debout ? Avons-nous donc cessé d’ être des mâles, qui formulent et dirigent, et, dans notre détresse com
259 me nègre n’ont-ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur
260 ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus en
261 veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus encore convaincu qu’indigné : « Tout de
262  Héritiers magnifiquement privilégiés, les hommes d’ Occident n’ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ils se ra
263 vilégiés, les hommes d’Occident n’ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ils se rapprochent donc pour mieux en
264 er. Qu’ils fassent, avec sang-froid, l’inventaire de leur patrimoine commun. La civilisation européenne est le produit d’u
265 commun. La civilisation européenne est le produit d’ une collaboration séculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d
266 éculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d’ aucun peuple sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie d’invent
267 sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie d’ invention est intact. Nos méthodes critiques doivent à leurs principes
268 éthodes critiques doivent à leurs principes mêmes de pouvoir toujours s’adapter aux circonstances imprévues. Une égale pas
269 er aux circonstances imprévues. Une égale passion de l’effort nous anime encore, de l’effort qui conquiert, qui utilise, e
270 Une égale passion de l’effort nous anime encore, de l’effort qui conquiert, qui utilise, et surtout qui transfigure. Car
271 possibilité réside peut-être dans notre capacité de renouvellement. Je dirai mieux : notre capacité de résurrection. À fo
272 e renouvellement. Je dirai mieux : notre capacité de résurrection. À force d’imagination et de courage, nos rêves ne se pe
273 i mieux : notre capacité de résurrection. À force d’ imagination et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase
274 apacité de résurrection. À force d’imagination et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase somnolente : ils
275 du libéralisme viril : « Est-ce rêver encore que de conseiller à l’Europe, pour se redresser, pour imposer silence à ses
276 edresser, pour imposer silence à ses détracteurs, de se reconnaître une mission nouvelle ? En affirmant son unité conquise
277 es dangers du dedans, elle aurait conclu un pacte d’ alliance entre ses fils : ce pacte, elle le proposerait ensuite à l’un
278 tur, elle les désarmerait en harmonisant non plus de petits États que divisent quelques collines, mais des continents que
279 ne pas le dire ici ? Cette relecture avive en moi d’ amers regrets. Je voudrais écrire à de Traz sur toutes ces choses, ce
280 vive en moi d’amers regrets. Je voudrais écrire à de Traz sur toutes ces choses, ce soir : il est trop tard. Il m’était en
281 dès mon adolescence, n’a pu me le faire concevoir de son vivant. Dans le recueil récemment publié de ses chroniques2, j’e
282 de son vivant. Dans le recueil récemment publié de ses chroniques2, j’en trouve quelques-unes sur l’Europe : sur nos con
283 ouve quelques-unes sur l’Europe : sur nos congrès de La Haye et de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le
284 unes sur l’Europe : sur nos congrès de La Haye et de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le Mouvement euro
285 os congrès de La Haye et de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur, d’un
286 culture en Europe. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur, d’un œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’a-
287 pe. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur, d’ un œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’a-t-il pas joint l
288 la lucidité. « Est-ce rêver, se demandait-il, que de conseiller à l’Europe… de se reconnaître une mission ? » Non, ce n’ét
289 r, se demandait-il, que de conseiller à l’Europe… de se reconnaître une mission ? » Non, ce n’était pas rêver, il le savai
290 pas rêver, il le savait, mais ce n’est plus assez de conseiller. Ce convaincu n’était pas de l’espèce des militants d’une
291 lus assez de conseiller. Ce convaincu n’était pas de l’espèce des militants d’une politique. Ce moraliste voulait d’abord
292 e convaincu n’était pas de l’espèce des militants d’ une politique. Ce moraliste voulait d’abord comprendre : pudeur ou foi
293 : pudeur ou foi dans la seule force du bon droit, de la clairvoyance alertée ? Sa vocation était tout attentive ; sa curio
294 s lentement dépasser les baladins et les bruyants de son époque, et son beau profil prend sa place parmi les effigies d’un
295 son beau profil prend sa place parmi les effigies d’ une Europe renaissante. 2. Témoin, p. 119-129. e. Rougemont Denis
296 e. 2. Témoin, p. 119-129. e. Rougemont Denis de , « Robert de Traz, l’Européen », Revue de Suisse, Genève, 1952, p. 3-
297 t Denis de, « Robert de Traz, l’Européen », Revue de Suisse, Genève, 1952, p. 3-5. f. Allusion au Dépaysement oriental de
298 952, p. 3-5. f. Allusion au Dépaysement oriental de Robert de Traz, paru en 1926, et dont Rougemont a rendu compte dans l
299 et dont Rougemont a rendu compte dans le Journal de Genève .
5 1952, Articles divers (1951-1956). Prototype T.E.L. (janvier 1952)
300 Prototype T.E.L. (janvier 1952)g Entouré de soins extravagants, soumis à des épreuves exceptionnelles, étudié dan
301 es exceptionnelles, étudié dans le moindre détail de son comportement souvent imprévisible, le prototype peut se révéler i
302 ototype peut se révéler impropre à la fabrication de série : son intérêt n’en est pas amoindri. Car il fournit une connais
303 moindri. Car il fournit une connaissance nouvelle de certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que s
304 it une connaissance nouvelle de certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on
305 issance nouvelle de certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on les atteint
306 e certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on les atteint ? Jusqu’où peut-o
307 x construire des appareils utiles. Je me proposer d’ envisager Lawrence comme prototype d’une race d’écrivains dont le sièc
308 me proposer d’envisager Lawrence comme prototype d’ une race d’écrivains dont le siècle déjà nous donne plusieurs exemples
309 r d’envisager Lawrence comme prototype d’une race d’ écrivains dont le siècle déjà nous donne plusieurs exemples, souvent m
310 re, et nous donne seul la possibilité et le désir de parler de lui. Bien d’autres ont vécu des aventures semblables, mais
311 s donne seul la possibilité et le désir de parler de lui. Bien d’autres ont vécu des aventures semblables, mais lui « sava
312 ain de faire, tandis que les autres travaillaient d’ instinct3 ». Les Sept Piliers de la Sagesse, et toutes ses lettres, té
313 res travaillaient d’instinct3 ». Les Sept Piliers de la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent d’une volonté de consci
314 de la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent d’ une volonté de conscience et d’expression qui justifie le point de dép
315 , et toutes ses lettres, témoignent d’une volonté de conscience et d’expression qui justifie le point de départ de cet ess
316 ettres, témoignent d’une volonté de conscience et d’ expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros-éc
317 conscience et d’expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros-écrivain du xxe siècle Pour disti
318 e et d’expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros-écrivain du xxe siècle Pour distinguer la s
319 Pour distinguer la singularité exemplaire du cas de Lawrence, ce n’est pas à la seule analyse de l’œuvre en soi qu’il fau
320 cas de Lawrence, ce n’est pas à la seule analyse de l’œuvre en soi qu’il faut recourir, mais d’abord il convient de cherc
321 soi qu’il faut recourir, mais d’abord il convient de chercher le rôle qu’a joué cette œuvre dans le conflit entre l’auteur
322 le nous paraît intégré naturellement à la société de son temps. L’écrivain du xviiie siècle ne l’est guère moins, bien qu
323 mette en question, ou raille agressivement, mais de l’intérieur où il est installé, les principes de l’ordre existant (Ro
324 de l’intérieur où il est installé, les principes de l’ordre existant (Rousseau, à peu près seul, s’en désolidarise). Aprè
325 zsche en sont les types — exilés dans la négation d’ un ordre qui les cerne sans les incorporer, exilés dans le nihilisme,
326 isme, exilés dans la transcendance. Il n’y a plus de commune mesure entre celui qui pense et ceux qui agissent ; il n’y a
327 i pense et ceux qui agissent ; il n’y a donc plus de communauté réelle. Et c’est pourquoi le xxe siècle verra tant de nom
328 pourquoi le xxe siècle verra tant de nomades et de vrais émigrés. Les uns voyagent vers des climats et des coutumes où l
329 nté, soit du moins compensé par quelque sentiment de participation choisie (Rilke à travers l’Europe ; Gide en Afrique ; D
330 ns américains). D’autres s’exilent dans un métier d’ errants (Joseph Conrad, Claudel et Saint-John Perse). Et beaucoup se s
331 lés par le parti qui avait confisqué leur patrie ( de Silone à Koestler, en passant par les Allemands, les Espagnols, les R
332 les Allemands, les Espagnols, les Russes et ceux de l’Est européen). Certains, enfin, parlent en quête d’une communauté à
333 ’Est européen). Certains, enfin, parlent en quête d’ une communauté à rejoindre où à recréer dans l’action, et là seulement
334 dans l’action à se réaliser, à mesurer le pouvoir d’ un homme contre le monde et sur soi-même. Est-ce encore une compensati
335 ividualisme exaspéré, ou au contraire la décision de servir sans beaucoup d’illusions une cause dont la valeur importe moi
336 au contraire la décision de servir sans beaucoup d’ illusions une cause dont la valeur importe moins que les épreuves qu’e
337 ’elle impose. Nous voici tout près de Lawrence et d’ une classe d’écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre
338 Nous voici tout près de Lawrence et d’une classe d’ écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre siècle. Ils
339 ’écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre siècle. Ils sont héros par autre chose que par leur œuvre : pa
340 re son efficacité particulière. Car l’action sert de gage aux mots, et dans ce sens technique ces hommes sont engagés : il
341 technique ces hommes sont engagés : ils ont payé de leur personne le prix d’une signification. Que ces héros soient les n
342 t engagés : ils ont payé de leur personne le prix d’ une signification. Que ces héros soient les nomades, on vient d’en voi
343 ation. Que ces héros soient les nomades, on vient d’ en voir la raison générale. La plupart courent leur aventure hors de c
344 hors de chez eux, sourdement irrités qu’ils sont de se sentir étrangers dans leur peuple. S’expatrier devient une mise au
345 ent entre leurs exigences intimes et l’insipidité de la vie défaite de leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée, e
346 igences intimes et l’insipidité de la vie défaite de leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée, et surtout, dans l’
347 ns l’armée, et surtout, dans l’aviation, le moyen de s’expatrier sans passer les frontières de leur pays. L’aviateur est t
348 e moyen de s’expatrier sans passer les frontières de leur pays. L’aviateur est toujours en instance de départ, et par là,
349 de leur pays. L’aviateur est toujours en instance de départ, et par là, séparé de l’existence quotidienne : « Premier poin
350 toujours en instance de départ, et par là, séparé de l’existence quotidienne : « Premier point : nous ne sommes pas liés a
351 alistes en Angleterre. À vrai dire, c’est un goût de la lutte contre la vie, avec des camarades donnés par le hasard, qui
352 ui les jette dans des entreprises où la technique de la conquête (même pacifique) se confond avec celle du complot. On les
353 onfond avec celle du complot. On les voit engagés de préférence dans des conquêtes hasardeuses, que les gouvernements sout
354 ais des coups de feu, et qui demandent bien moins de conviction politique que d’audace ou de discipline, de goût du sacrif
355 demandent bien moins de conviction politique que d’ audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissan
356 ien moins de conviction politique que d’audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exem
357 nviction politique que d’audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exemples précis de
358 ’audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de K
359 de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de
360 e ou de volonté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première pério
361 onté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’ Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première période ; mieux
362 sance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première période ; mieux encore, de T
363 emples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première période ; mieux encore, de T. E. Lawrence
364 lraux, dans leur première période ; mieux encore, de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et
365 emière période ; mieux encore, de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent
366 ieux encore, de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces
367 Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces remarques générales e
368 leur morale ou littéraire, par l’importance aussi de leur rôle historique et la sincérité de leurs convictions, tous ces h
369 nce aussi de leur rôle historique et la sincérité de leurs convictions, tous ces hommes sont, ou furent, des individualist
370 nt, ou furent, des individualistes à la recherche d’ une action commune, action conduite à l’étranger, et dont les fins der
371 ins que l’expérience elle-même, moins que le fait de servir en soi, ou d’éprouver les limites de l’homme. Ces anarchistes
372 elle-même, moins que le fait de servir en soi, ou d’ éprouver les limites de l’homme. Ces anarchistes engagés se reconnaiss
373 fait de servir en soi, ou d’éprouver les limites de l’homme. Ces anarchistes engagés se reconnaissent à un signe certain 
374 souvent à grand péril, il y a toujours une marge de conscience. Et dans cette marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’hom
375 tte marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’homme d’ un seul livre, sous des titres divers, peu d’entre eux sont des écriva
376 entre eux sont des écrivains nés, au sens courant de l’expression, qui suppose non seulement le don mais une certaine faci
377 , où l’exactitude est vitale, soit qu’il s’agisse d’ un ordre à rédiger ou d’une opération technique. Ces scrupules à plier
378 tale, soit qu’il s’agisse d’un ordre à rédiger ou d’ une opération technique. Ces scrupules à plier le sens précis au rythm
379 hme ou au jeu des syllabes peuvent gâter l’allure d’ un texte, ils n’en ont cure. Les meilleurs se rattrapent sur un plan p
380 meilleurs se rattrapent sur un plan plus profond d’ efficacité du langage : certaines recettes pour manier les esprits, et
381 es esprits, et surtout pour leur imposer un angle de vision déterminé — c’est tout le secret du commandement — leur sont c
382 nctives. Ce n’est pas seulement à leur réputation d’ aventuriers, de révolutionnaires ou d’aviateur qu’est dû le prestige p
383 st pas seulement à leur réputation d’aventuriers, de révolutionnaires ou d’aviateur qu’est dû le prestige particulier de l
384 réputation d’aventuriers, de révolutionnaires ou d’ aviateur qu’est dû le prestige particulier de leurs écrits, mais tout
385 s ou d’aviateur qu’est dû le prestige particulier de leurs écrits, mais tout autant à l’efficacité d’une syntaxe qui sait
386 de leurs écrits, mais tout autant à l’efficacité d’ une syntaxe qui sait comment « saisir » (expression favorite de Saint-
387 qui sait comment « saisir » (expression favorite de Saint-Exupéry). Soulignons que ces écrits ne sont nullement pour eux
388 écrits ne sont nullement pour eux les substituts de l’action terminée ou provisoirement suspendue, mais plutôt les effort
389 s pour lui trouver un sens, et justifier l’auteur de l’avoir entreprise. Témoignages cependant ambigus : autobiographiques
390 s livrent peu de confidences. Ils n’avouent guère d’ autre ambition que celle d’un serviteur de la cause collective, et ne
391 s. Ils n’avouent guère d’autre ambition que celle d’ un serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un
392 t guère d’autre ambition que celle d’un serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un portrait simpl
393 n serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoi
394 u qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’ un besoin de s’expliquer, ils restent obscurs sur un point décisif : c
395 rait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoin de s’expliquer, ils restent obscurs sur un point décisif : celui des fin
396 intimes, et l’on s’aperçoit que le problème, loin d’ y recevoir la réponse la plus attendue, n’y apparaît que plus fondamen
397 apparaît que plus fondamental : c’est pour tenter de le résoudre que l’homme écrit, et que parfois il retourne à l’action 
398 ous laisse enfin n’est qu’une question, l’exemple d’ une « passion » dont l’enjeu n’est pas clair. Et certes, les péripétie
399 ’enjeu n’est pas clair. Et certes, les péripéties d’ une telle passion peuvent bien suffire à l’intérêt de l’œuvre. Elles f
400 ne telle passion peuvent bien suffire à l’intérêt de l’œuvre. Elles font pâlir presque toutes nos fictions. Elles nous for
401 u’ici, enfin, un homme nous parle avec l’autorité d’ une expérience virile poussée jusqu’aux extrêmes, dans la rigueur mora
402 chez ceux qui s’y exposent ? Névrose, ou volonté de sainteté « laïque » ? Par quels buts souverains les justifier ? Si l’
403 , nous demandons alors : qui va revêtir cet homme d’ une vocation plus vraie que les causes qu’il a servies et qui se révèl
404 « L’ambition est un motif méprisable ; l’amour de la liberté une illusion ; le patriotisme, difficile quand ceux — comm
405 s Anglais ; quant à l’honneur, il est plus facile de mourir pour lui que d’en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire le
406 onneur, il est plus facile de mourir pour lui que d’ en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire les autres, dans l’intrig
407 r pour lui que d’en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire les autres, dans l’intrigue et la cruauté, vers la désillusi
408 t en ces termes que la plus sobre des biographies de Lawrence4 décrit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin de ses
409 hies de Lawrence4 décrit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de s
410 crit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de ses espoirs à la Conf
411 rit du héros de 30 ans, à la fin de ses campagnes d’ Arabie, avant le grand échec de ses espoirs à la Conférence de Versail
412 n de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de ses espoirs à la Conférence de Versailles. Mais comment ne pas penser
413 ant le grand échec de ses espoirs à la Conférence de Versailles. Mais comment ne pas penser à Saint-Exupéry ? Le parallèle
414 figures. Qu’elles aient été si différentes à tant d’ égards, si contrastées dans leurs données individuelles, ne fait qu’ac
415 ées individuelles, ne fait qu’accentuer l’intérêt d’ un rapprochement entre les deux personnes. Relevons d’abord les différ
416 s différences afin de mieux déterminer la formule d’ homme qui, malgré tout ou presque tout, leur est commune. L’un Anglais
417 eur aventure à l’étranger, parfaits représentants de leur nation, dans ce qu’elle a justement de plus différent de l’autre
418 on, dans ce qu’elle a justement de plus différent de l’autre. L’un protestant et l’autre catholique, et bien que tous les
419 re catholique, et bien que tous les deux éloignés de leur foi, irrévocablement marqués par deux morales aussi extrêmes dan
420 la femme est le repos du guerrier. L’un tourmenté de scrupules dans l’action et plein d’humour quand il parlait de son œuv
421 ’un tourmenté de scrupules dans l’action et plein d’ humour quand il parlait de son œuvre écrite, l’autre contant ses avent
422 dans l’action et plein d’humour quand il parlait de son œuvre écrite, l’autre contant ses aventures avec brio et insistan
423 ant pour lire à ses amis les versions successives de ses livres en train. L’un réservé jusqu’au silence total, l’autre tou
424 jusqu’au silence total, l’autre toujours en quête d’ une audience amicale. L’un petit et durci, l’autre grand et sérieux. O
425 enant leur personne, j’entends ce qu’ils ont fait de ces données natives, et les tensions qu’ils ont instituées entre ce q
426 leur action, et leur drame. Une ultime structure de destinée semble gouverner ces deux vies. Leur vocation s’est marquée
427 sion ; l’autre sur ces avions qu’il essayait déjà de manœuvrer en cachette à 16 ans. Les deux intellectuels qui resteront
428 x intellectuels qui resteront toujours si furieux de l’avant-garde littéraire, l’un tourné vers l’histoire et l’autre vers
429 utre vers les sciences, mais tous deux inventeurs de machines, vont choisir des métiers où la technique s’allie à l’art du
430 désert avec les mêmes Arabes. Soit qu’il s’agisse de négocier avec ceux-ci pour libérer un camarade pris en otage, ou de l
431 eux-ci pour libérer un camarade pris en otage, ou de les inciter à la révolte, dans les deux cas il faut parler leur langu
432 il faut parler leur langue, pénétrer leurs modes de penser, s’assimiler les procédés subtils qui fondent le prestige de l
433 iler les procédés subtils qui fondent le prestige de leurs chefs. De ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous
434 s subtils qui fondent le prestige de leurs chefs. De ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous les deux garder
435 estige de leurs chefs. De ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous les deux garderont le secret d’influencer
436 tume du désert, tous les deux garderont le secret d’ influencer et de manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux
437 tous les deux garderont le secret d’influencer et de manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux du règlement, e
438 t qui ne doivent rien aux titres officiels : goût de l’autorité, non du pouvoir. (Lawrence, plus tard, se le reprochera, m
439 en donne ou non, et sont perpétuellement sur pied de fronde. Leur mépris orgueilleux pour les fonctions sans risques de ce
440 épris orgueilleux pour les fonctions sans risques de ceux dont ils reçoivent les ordres, donne la mesure de leur sens du s
441 ux dont ils reçoivent les ordres, donne la mesure de leur sens du service : ils se soumettent, non pas au fonctionnaire, m
442 ire, mais à la vertu mystérieuse qu’ils attendent de la règle, même injuste. Au reste, leurs plus grandes actions furent a
443 mpétences supérieures. Parfois cependant, cet art de persuader (qu’ils tiennent en partie des Arabes) leur vaut des appuis
444 , durement gagnés, et que souvent leurs camarades d’ équipe sont restés les seuls à connaître. Ils se retournent vers le mo
445 rnent vers le monde des autres, et c’est le début de l’écœurement. Signe objectif d’une mésentente profonde : ils entrent
446 et c’est le début de l’écœurement. Signe objectif d’ une mésentente profonde : ils entrent en conflit avec la politique des
447 profonds, et les mieux motivés, quant à la valeur de l’action par laquelle ils se sont illustrés. (Pour le courage physiqu
448 n’en parlent jamais qu’avec un scepticisme dénué de coquetterie.) Le seul désir bien déclaré est désormais de se retirer
449 tterie.) Le seul désir bien déclaré est désormais de se retirer dans une maison de campagne, avec le livre qu’ils portent
450 toujours le même, et qui doit être un commentaire de leur activité, visant à la sauver de l’anecdote historique pour en ex
451 commentaire de leur activité, visant à la sauver de l’anecdote historique pour en extraire une sagesse commune, et pour é
452 nument « durable » ou « intangible » à la mémoire d’ un effort collectif. Ils n’écrivent pas plus facilement l’un que l’aut
453 e vantent parfois, mais plus souvent se plaignent de leur exigence excessive et de leurs ratures infinies. C’est qu’ils se
454 ouvent se plaignent de leur exigence excessive et de leurs ratures infinies. C’est qu’ils se refusent aux entraînements de
455 inies. C’est qu’ils se refusent aux entraînements de l’idéologie ou du lyrisme, s’appliquent aux descriptions exactes, et
456 s… C’est à ce stade que naissent Les Sept Piliers de la Sagesse et Terre des Hommes. L’aventure paraît consommée. Et cepen
457 e se noue à ce moment précis, devant la tentation de la « vie normale » d’un écrivain chargé des honneurs du héros. Au lie
458 précis, devant la tentation de la « vie normale » d’ un écrivain chargé des honneurs du héros. Au lieu de se retirer dans u
459 ieu de se retirer dans une maison de campagne, ou d’ accepter quelque fonction publique, ils reprennent subitement du servi
460 nces historiques différentes, il paraît difficile de distinguer leurs vrais motifs, parmi tant de prétextes qu’ils allègue
461 tant de prétextes qu’ils allèguent. S’agirait-il d’ une fuite devant leur « personnage », ou d’une réelle passion de servi
462 ait-il d’une fuite devant leur « personnage », ou d’ une réelle passion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ont pa
463 vant leur « personnage », ou d’une réelle passion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ont pas le choix, et que la
464 es (ces « licornes » comme disait Lawrence), font de leur mieux pour les décourager ; mais eux s’obstinent, bien que plus
465 gnes précédentes, bien que hantés par leur besoin d’ écrire, et bien qu’ils ne puissent ignorer qu’à des postes moins anony
466 nt plus difficiles à remplacer. Inextricable nœud d’ orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de
467 ciles à remplacer. Inextricable nœud d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée
468 er. Inextricable nœud d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée contre la socié
469 d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission au
470 ochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission aux règles de son jeu
471 rté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission aux règles de son jeu, les mêmes énigmes d’ailleurs, sans
472 lée contre la société et de soumission aux règles de son jeu, les mêmes énigmes d’ailleurs, sans plus de solution, se trou
473 ns religieuses, et cette similitude ne manque pas de les frapper. Lawrence décrit son engagement dans l’armée de l’air com
474 pper. Lawrence décrit son engagement dans l’armée de l’air comme « le meilleur équivalent moderne de l’entrée au couvent a
475 e de l’air comme « le meilleur équivalent moderne de l’entrée au couvent au Moyen Âge ». Tous deux sont détachés de la foi
476 u couvent au Moyen Âge ». Tous deux sont détachés de la foi, et peut-être à la fin de la foi en eux-mêmes ou dans le rôle
477 ux sont détachés de la foi, et peut-être à la fin de la foi en eux-mêmes ou dans le rôle qu’ils peuvent encore jouer parmi
478 es qui rendent le même son.) S’approche le moment de la retraite forcée, — fin de son engagement pour l’un, de la guerre p
479 S’approche le moment de la retraite forcée, — fin de son engagement pour l’un, de la guerre pour l’autre. Et survient l’ac
480 traite forcée, — fin de son engagement pour l’un, de la guerre pour l’autre. Et survient l’accident mortel. Ils sont tués
481 sont tués par la machine qui avait été la passion de leur vie. Mais leur légende prévaut contre le fait. Pendant longtemps
482 aut contre le fait. Pendant longtemps on refusera de les croire morts : ils sont revenus de tant d’autres dangers, et peut
483 n refusera de les croire morts : ils sont revenus de tant d’autres dangers, et peut-être n’ont-ils disparu que pour assume
484 ètes et plus importantes5. III. Un « message » de modestie J’essaierai maintenant de répondre à la question dont ces
485 « message » de modestie J’essaierai maintenant de répondre à la question dont ces pages sont nées : « Que signifie pour
486 r nous Lawrence ? » Les dictateurs sont les héros de la masse, qui les produit dans sa panique devant une liberté sans con
487 t une liberté sans contenu. Il est des dictateurs de toutes sortes, il est vrai, mais la prostitution leur est commune : i
488 tionaliste. Je vois leur antithèse dans les héros de l’intégrité personnelle, dont Lawrence est le prototype. Le dictateur
489 nce est le prototype. Le dictateur n’est fort que de la faiblesse des autres, et sa grandeur est négative : il est le symb
490 us lui apportons pour faire nombre. Mais la force d’ un Lawrence a sa source dans les seules exigences qu’il s’impose. Le d
491 aux publics. Lawrence n’a jamais rien demandé que de lui-même. Son pouvoir sur autrui lui fait horreur, il l’avoue à plusi
492 en garder longtemps le remords) si les nécessités de l’action l’y contraignent, comme ce fut le cas dans sa campagne d’Ara
493 ontraignent, comme ce fut le cas dans sa campagne d’ Arabie ; et il ne peut se retenir de dénoncer dans cet usage, même lég
494 s sa campagne d’Arabie ; et il ne peut se retenir de dénoncer dans cet usage, même légal, un abus. Forcer autrui sera touj
495 mne ce viol, c’est qu’il se veut intègre, au prix d’ un sacrifice dont il reste le maître. Son héroïsme le plus réel est là
496 dépens de son propre individu et pour l’éducation de sa personne. Il dépasse tous les autres dans ce sens. Et je ne lui vo
497 e tous les autres dans ce sens. Et je ne lui vois d’ égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris de la fraude, et le
498 égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris de la fraude, et le scrupule fécond, que chez Kafka, — cet autre prototy
499 t autre prototype. Voici précisément ce qu’il eut d’ exemplaire : il a soumis la condition de l’homme moderne aux épreuves
500 qu’il eut d’exemplaire : il a soumis la condition de l’homme moderne aux épreuves les plus dures dans divers ordres, faisa
501 es dans divers ordres, faisant lui-même les frais de l’expérience et se refusant à tous les faux-fuyants que nous offrent
502 Liberté, Violence, Angoisse, et le plus équivoque de tous : Révolution. On dirait qu’il a fait sur lui-même une étude de l
503 on. On dirait qu’il a fait sur lui-même une étude de la résistance du matériel et du moral humain dans l’état où se trouve
504 at où se trouve notre monde. Et voici le résultat de cette étude — la meilleure description que je puisse imaginer de la r
505 — la meilleure description que je puisse imaginer de la réalité moderne en tant que telle. Lawrence est dans un camp de la
506 erne en tant que telle. Lawrence est dans un camp de la RAF quand il écrit cette lettre à Lionel Curtis, le 30 mai 1923 :
507 urtis, le 30 mai 1923 : Et puis il y a l’absence de responsabilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau
508 ce de responsabilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certai
509 ilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude d
510 ’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude dans les évol
511 ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude dans les évolutions physique
512 reté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’ une certaine exactitude dans les évolutions physiques à l’exercice. De
513 un seul choix : tout est prescrit — à l’exception de cette possibilité torturante de choisir de m’en aller d’ici, au momen
514 t — à l’exception de cette possibilité torturante de choisir de m’en aller d’ici, au moment où ma volonté de rester s’effo
515 eption de cette possibilité torturante de choisir de m’en aller d’ici, au moment où ma volonté de rester s’effondrera. À c
516 isir de m’en aller d’ici, au moment où ma volonté de rester s’effondrera. À cela près, ce serait le complet déterminisme —
517 etée (pas l’obéissance, car mon effort actuel est de trouver l’égalité dans la seule subordination. C’est l’exercice de l’
518 ité dans la seule subordination. C’est l’exercice de l’autorité qui m’écœure) ; l’action, je l’ai rejetée ; et la vie inte
519 e ; et la vie réceptive des sens ; et les assauts d’ esprit. Autant d’échecs, et ma raison me dit qu’en conséquence l’obéis
520 eptive des sens ; et les assauts d’esprit. Autant d’ échecs, et ma raison me dit qu’en conséquence l’obéissance, le non-sav
521 non-savoir échoueront aussi, puisque les racines de l’échec commun doivent être en moi, — et pourtant, en dépit de la rai
522 tard, et très peu de temps avant sa mort, il tire de ses « essais » les conclusions suivantes : le Règlement du Proche-Ori
523 ns que son activité dans la RAF « car la conquête de l’air me paraît être la seule tâche majeure de notre génération ; et
524 te de l’air me paraît être la seule tâche majeure de notre génération ; et je me suis convaincu que le progrès, aujourd’hu
525 jourd’hui, n’est pas le fait du génie isolé, mais de l’effort commun. Pour moi, c’est la multitude des rudes chauffeurs de
526 Pour moi, c’est la multitude des rudes chauffeurs de camion, couvrant chaque nuit toutes les routes de l’Angleterre, qui f
527 de camion, couvrant chaque nuit toutes les routes de l’Angleterre, qui fait notre âge mécanique. » Et ce sont aussi les si
528 nique. » Et ce sont aussi les simples mécaniciens de la RAF, non les grands as. « C’est pourquoi je suis resté dans le ran
529 ourquoi je suis resté dans le rang, et j’ai servi de mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose « d’intangible », qui
530 e rang, et j’ai servi de mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose « d’intangible », qui l’avait soutenu dans son ef
531 mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose «  d’ intangible », qui l’avait soutenu dans son effort d’artiste alors qu’i
532 intangible », qui l’avait soutenu dans son effort d’ artiste alors qu’il écrivait les Sept Piliers, il la renie ; car « tou
533 tangible. Et ce que j’essayais, je crois, c’était de poser une superstructure d’idées sur tout ce que je faisais. Eh bien,
534 is, je crois, c’était de poser une superstructure d’ idées sur tout ce que je faisais. Eh bien, en cela, j’ai échoué. J’ai
535 . Eh bien, en cela, j’ai échoué. J’ai donc changé de direction… Je me suis engagé dans la RAF pour me mettre au service d’
536 suis engagé dans la RAF pour me mettre au service d’ une entreprise mécanique, non pas comme un chef, mais comme un rouage
537 ense, c’est machine… Je laisse à d’autres le soin de dire si j’ai bien ou mal choisi : l’un des avantages d’être une pièce
538 e si j’ai bien ou mal choisi : l’un des avantages d’ être une pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’im
539 mal choisi : l’un des avantages d’être une pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’importance ». De te
540 e la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’ importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ceux qui,
541 est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ceux qui, parmi nous, faut
542 pas d’importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ceux qui, parmi nous, faute d’un ordre acceptable, tente
543 ervir de repères pour ceux qui, parmi nous, faute d’ un ordre acceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos. De repères
544 parmi nous, faute d’un ordre acceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos. De repères, simplement, non de philosophi
545 cceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos. De repères, simplement, non de philosophie. Car Lawrence, comme plusieur
546 librer dans le chaos. De repères, simplement, non de philosophie. Car Lawrence, comme plusieurs de sa race, ne se situe da
547 non de philosophie. Car Lawrence, comme plusieurs de sa race, ne se situe dans nos problèmes que d’une manière fragmentair
548 rs de sa race, ne se situe dans nos problèmes que d’ une manière fragmentaire, en des occasions si concrètes que la techniq
549 casions si concrètes que la technique vécue, gage de son honnêteté, devient aussi son alibi. Du point de vue de nos débats
550 nnêteté, devient aussi son alibi. Du point de vue de nos débats politiques, pour se borner à un problème brûlant, qu’est-i
551 borner à un problème brûlant, qu’est-il possible d’ inférer de son exemple ? Les citations que je viens de traduire semble
552 un problème brûlant, qu’est-il possible d’inférer de son exemple ? Les citations que je viens de traduire semblent indique
553 re semblent indiquer que Lawrence eût été capable de justifier, de la manière la plus tentante, le stalinisme et les mouve
554 diquer que Lawrence eût été capable de justifier, de la manière la plus tentante, le stalinisme et les mouvements totalita
555 il se fût battu contre eux. Faudra-t-il l’accuser d’ inconséquence ? Le problème est un peu différent. Sans aucun doute, la
556 s aucun doute, la morale qu’il professe, au terme de son expérience de douze années dans l’aviation, est une morale collec
557 morale qu’il professe, au terme de son expérience de douze années dans l’aviation, est une morale collectiviste. (L’effort
558 dans le complet déterminisme ; et jusqu’au culte de la machine !) Mais d’autre part, son aversion pour l’idéologie, son r
559 re part, son aversion pour l’idéologie, son refus de l’impérialisme sous toutes ses formes, surtout morales, l’écœurement
560 s, l’écœurement qu’il ressent devant la nécessité d’ imposer son pouvoir et d’user d’autorité, tout l’opposait à la dictatu
561 sent devant la nécessité d’imposer son pouvoir et d’ user d’autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique coll
562 vant la nécessité d’imposer son pouvoir et d’user d’ autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique collectivis
563 r un tel homme ? Je le cite encore : « Les idéaux d’ une politique sont de ces choses qui vous montent à la tête : leur tra
564 e cite encore : « Les idéaux d’une politique sont de ces choses qui vous montent à la tête : leur traduction en termes de
565 a structure sociale qui en résulte est un travail de second ordre. Je n’ai rien rencontré de plus honnête et dévoué que no
566 n constitué comme le nôtre, peut se permettre 1 % de monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour moi.
567 me le nôtre, peut se permettre 1 % de monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour moi. L’ennui avec le
568 monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour moi. L’ennui avec le communisme, c’est qu’il accepte trop
569 communisme, c’est qu’il accepte trop du mobilier d’ aujourd’hui. Je hais les meubles. » Qu’on ne voie pas là une dérobade
570 s là une dérobade devant le grand choix politique de ce siècle : démocratie ou totalitarisme. Ces petites phrases d’un hum
571 démocratie ou totalitarisme. Ces petites phrases d’ un humour cynique, bien que jetées dans une lettre hâtive, traduisent
572 nt une attitude mûrie. C’est la morale du Château de Kafka, la ligne de repli (devant les problèmes métaphysiques) d’un ho
573 ie. C’est la morale du Château de Kafka, la ligne de repli (devant les problèmes métaphysiques) d’un homme qui a raté ses
574 gne de repli (devant les problèmes métaphysiques) d’ un homme qui a raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus d’aut
575 raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus d’ autre solution que de s’assurer une petite place dans la cité, un rôle
576 et pour lequel il n’est plus d’autre solution que de s’assurer une petite place dans la cité, un rôle utile dans ce monde
577 ans ce monde qu’il juge assez absurde — par excès de conscience éthique — mais qu’il faut pourtant bien accepter, lorsqu’o
578 n grand courage, et surtout sans le moindre souci d’ être un exemple ou d’enseigner : de là vient sa sincérité, à travers t
579 urtout sans le moindre souci d’être un exemple ou d’ enseigner : de là vient sa sincérité, à travers tant de déguisements.
580 moindre souci d’être un exemple ou d’enseigner : de là vient sa sincérité, à travers tant de déguisements. On ne peut s’e
581 avers tant de déguisements. On ne peut s’empêcher de l’aimer. Mais il n’est pas question de le suivre. Le nihilisme, si « 
582 s’empêcher de l’aimer. Mais il n’est pas question de le suivre. Le nihilisme, si « décent » soit-il, est une faible défens
583 it-il, est une faible défense contre les monstres de ce temps. Bien plus : objectivement, il en est le fourrier. Les fauss
584 le fourrier. Les fausses fois totalitaires n’ont d’ ennemi sérieux que la foi. Pourtant, à ceux qui disent que Lawrence es
585 Lawrence est décevant parce qu’il n’a pas laissé de « message », je répondrai qu’il nous apprend au moins à n’en pas atte
586 cent la religion. Le plus honnête, s’il est privé de foi, s’avoue sans rien à révéler, mais par là même il décrit mieux l’
587 mais par là même il décrit mieux l’état véritable de l’homme. Rien ne tient, à l’épreuve, qui n’ait commencé là. 3. Le
588 rles Edmonde. 5. Chaque phrase et chaque nuance de ce parallèle pourraient être appuyées par des documents précis et par
589 J’ai dû me borner à les paraphraser, les lettres de Saint-Exupéry n’étant pas encore publiées. Quant à La Citadelle, on n
590 uivalent chez Lawrence. Et certes, rien n’empêche d’ imaginer que ce dernier, s’il eût vécu tranquille dans son cottage, eû
591 osition lyrique et « littéraire » des expériences de l’homme d’action. Mais on sait que Churchill le destinait à des fonct
592 ique et « littéraire » des expériences de l’homme d’ action. Mais on sait que Churchill le destinait à des fonctions milita
593 rtantes, que la guerre l’eût sans doute contraint d’ accepter. Au total, Saint-Exupéry fut davantage un écrivain, Lawrence
594 péry fut davantage un écrivain, Lawrence un agent de l’Histoire. g. Rougemont Denis de, « Prototype T.E.L. », La Table
595 nce un agent de l’Histoire. g. Rougemont Denis de , « Prototype T.E.L. », La Table ronde, Paris, janvier 1952, p. 32-44.
6 1952, Articles divers (1951-1956). L’Heure de l’impatience (mars 1952)
596 L’Heure de l’impatience (mars 1952)h Ce n’est pas un pamphlétaire irresponsab
597 ccurrence, qui s’écriait naguère dans l’hémicycle de Strasbourg : « L’Europe vit, depuis des années, de la peur des Russes
598 e Strasbourg : « L’Europe vit, depuis des années, de la peur des Russes et de la charité des Américains ! » Traduisons, ma
599 vit, depuis des années, de la peur des Russes et de la charité des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri d’alarme
600 des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri d’ alarme en chiffres dûment vérifiés. Cela donne, en millions d’habitant
601 chiffres dûment vérifiés. Cela donne, en millions d’ habitants : « 320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de l
602 nts : « 320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation
603 0 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation apparaisse
604 s des années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation apparaisse plus choquant
605 ent s’explique d’ailleurs par des raisons connues de chacun. Tout d’abord, les Européens refusent de se croire aussi nombr
606 s de chacun. Tout d’abord, les Européens refusent de se croire aussi nombreux qu’ils sont, parce qu’ils n’ont pas encore p
607 nt, parce qu’ils n’ont pas encore pris l’habitude de se sentir Européens. Au lieu d’un bloc à peu près aussi grand que les
608 le. Il semble évident que leur union renverserait d’ un coup la situation. Tout les y pousse : la logique de l’Histoire com
609 coup la situation. Tout les y pousse : la logique de l’Histoire comme le calcul de leurs vrais intérêts, les nécessités de
610 pousse : la logique de l’Histoire comme le calcul de leurs vrais intérêts, les nécessités de leur défense comme celles de
611 le calcul de leurs vrais intérêts, les nécessités de leur défense comme celles de leur vie culturelle, le passé comme l’av
612 rêts, les nécessités de leur défense comme celles de leur vie culturelle, le passé comme l’avenir, la raison comme les rêv
613 les rêves. Qu’est-ce qui les retient ? Une sorte de myopie de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs tra
614 . Qu’est-ce qui les retient ? Une sorte de myopie de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs traditions, p
615 de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs traditions, parlent d’ennemis héréditaires, mais ils oublient q
616 Ils tirent prétexte de leurs traditions, parlent d’ ennemis héréditaires, mais ils oublient que leurs nationalismes ne rem
617 u’au siècle dernier, et qu’ils ont deux-mille ans d’ usage commun d’un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tiren
618 nier, et qu’ils ont deux-mille ans d’usage commun d’ un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tirent prétexte des
619 lle ans d’usage commun d’un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tirent prétexte des intérêts à court terme de l
620 e. Ils tirent prétexte des intérêts à court terme de leurs États, mais ils oublient qu’ils forment un seul corps, et qu’il
621 nt qu’ils forment un seul corps, et qu’il est fou d’ essayer de sauver un seul organe au détriment des autres. Le cœur ni l
622 forment un seul corps, et qu’il est fou d’essayer de sauver un seul organe au détriment des autres. Le cœur ni le poumon n
623 poumon ne vivraient isolés, et leur santé dépend d’ une bonne circulation. Enfin, rien n’est plus clair au monde que la né
624 , rien n’est plus clair au monde que la nécessité de notre union, rien n’est moins contesté et cependant, comme il arrive
625 angoissante, durera jusqu’au réveil qu’il s’agit de provoquer. Europe, jadis, fut enlevée à l’Asie par une fougueuse divi
626 , fut enlevée à l’Asie par une fougueuse divinité de l’Occident : Jupiter changé en Taureau. On nous dit qu’Europe, aujour
627 nous dit qu’Europe, aujourd’hui, risque à nouveau d’ être séduite, cette fois-ci par un Ours, ou par un Aigle. Craignons pl
628 u par un Aigle. Craignons plutôt le prudent idéal de certains députés de Strasbourg : l’enlèvement d’Europe par un escargo
629 gnons plutôt le prudent idéal de certains députés de Strasbourg : l’enlèvement d’Europe par un escargot ! La prudence a mo
630 de certains députés de Strasbourg : l’enlèvement d’ Europe par un escargot ! La prudence a montré ce qu’elle savait faire.
631 venue de l’impatience créatrice. Je n’imagine pas de meilleur mot d’ordre pour une Campagne européenne de la jeunesse. h
632 meilleur mot d’ordre pour une Campagne européenne de la jeunesse. h. Rougemont Denis de, « L’heure de l’impatience », J
633 européenne de la jeunesse. h. Rougemont Denis de , « L’heure de l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin d’informat
634 la jeunesse. h. Rougemont Denis de, « L’heure de l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin d’information de la Camp
635 t Denis de, « L’heure de l’impatience », Jeunesse d’ Europe : bulletin d’information de la Campagne européenne de la jeunes
636 e de l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin d’ information de la Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952
637 nce », Jeunesse d’Europe : bulletin d’information de la Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952, p. 1.
638 bulletin d’information de la Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952, p. 1.
7 1952, Articles divers (1951-1956). Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)
639 Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)i Je vais limiter mon exposé à u
640 je vais développer rapidement pourrait s’exprimer de cette manière, sous sa forme la plus brutale : l’Europe égale les foy
641 forme la plus brutale : l’Europe égale les foyers de culture, ou : les foyers de culture sont l’Europe. Je précise tout de
642 rope égale les foyers de culture, ou : les foyers de culture sont l’Europe. Je précise tout de suite que je prends le term
643 récise tout de suite que je prends le terme foyer de culture au sens le plus général, le plus large ; je vous dirai aussi
644 e plus large ; je vous dirai aussi que les foyers de culture qui ont fait l’Europe jouaient, à d’autres époques, un rôle d
645 e jouaient, à d’autres époques, un rôle différent de celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas de longues incursio
646 celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas de longues incursions dans le passé, mais je rappellerai la leçon de l’h
647 sions dans le passé, mais je rappellerai la leçon de l’histoire ; avant le Moyen Âge, l’Europe s’est faite à partir des se
648 e, l’Europe s’est faite à partir des seuls foyers de culture existants : les couvents. Comment la culture devenait-elle vi
649 s les universités, formant les clercs, les hommes de culture, chargés d’élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient
650 ormant les clercs, les hommes de culture, chargés d’ élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient de règles aux hommes
651 mmes de culture, chargés d’élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient de règles aux hommes publics : princes, magis
652 élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient de règles aux hommes publics : princes, magistrats, légistes. À un stade
653 s sermons entendus à l’Église, et tout un courant de connaissances orales, car les textes écrits n’avaient pas de circulat
654 ances orales, car les textes écrits n’avaient pas de circulation publique. On passait donc ainsi du foyer de culture à la
655 ulation publique. On passait donc ainsi du foyer de culture à la masse de la population par une série de maillons success
656 passait donc ainsi du foyer de culture à la masse de la population par une série de maillons successifs que je vous rappel
657 culture à la masse de la population par une série de maillons successifs que je vous rappelle : la méditation se formulant
658 issance populaire par transmission orale. L’unité de croyance fondamentale créait l’unité de culture entre toutes les clas
659 . L’unité de croyance fondamentale créait l’unité de culture entre toutes les classes de la population ; une commune mesur
660 réait l’unité de culture entre toutes les classes de la population ; une commune mesure existait entre les riches, les cle
661 st élaborée par des individus — plus rarement par de petites équipes de chercheurs ; puis coulée dans des moules uniformes
662 individus — plus rarement par de petites équipes de chercheurs ; puis coulée dans des moules uniformes : [par]j l’école,
663 elle est transmise à la masse et ces moyens mêmes de diffusion la rendent abstraite. Elle se heurte à des obstacles qui so
664 se heurte à des obstacles qui sont : la division de la population en classes sociales ne parlant pas le même langage, la
665 vision en nations, qui existe depuis une centaine d’ années, la division en langues, qui joue un rôle beaucoup plus vaste q
666 uère aujourd’hui dans nos pays qu’une seule forme de culture commune à tout le monde, sans distinction de classes, de pays
667 culture commune à tout le monde, sans distinction de classes, de pays, de langues : la culture par l’image : cinéma, télév
668 une à tout le monde, sans distinction de classes, de pays, de langues : la culture par l’image : cinéma, télévision, « com
669 t le monde, sans distinction de classes, de pays, de langues : la culture par l’image : cinéma, télévision, « comics” illu
670 « comics” illustrés des journaux. C’est une forme de diffusion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne nécessite au
671 une forme de diffusion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne nécessite aucune traduction. Vous reconnaîtrez que c
672 mer l’homme et le jugement personnel. Le résultat de ces cloisons horizontales ou verticales par classes, nations et langu
673 ou verticales par classes, nations et langues est de faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’e
674 angues est de faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’empêcher son unité. Des conceptions diff
675 faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’empêcher son unité. Des conceptions différentes se fo
676 bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’ empêcher son unité. Des conceptions différentes se forment ; le même t
677 ons différentes se forment ; le même terme change de sens en passant d’une classe sociale à l’autre. Finalement, la cultur
678 forment ; le même terme change de sens en passant d’ une classe sociale à l’autre. Finalement, la culture humaniste, née co
679 culture humaniste, née comme une création commune de l’Europe, se fragmente en toutes sortes de petits morceaux. On ne peu
680 ommune de l’Europe, se fragmente en toutes sortes de petits morceaux. On ne peut plus dire : l’Europe, c’est une forme de
681 On ne peut plus dire : l’Europe, c’est une forme de culture, la substance de la culture est ignorée de la masse des popul
682 ’Europe, c’est une forme de culture, la substance de la culture est ignorée de la masse des populations, comme l’est le se
683 e culture, la substance de la culture est ignorée de la masse des populations, comme l’est le sens de l’Europe. Pourtant,
684 de la masse des populations, comme l’est le sens de l’Europe. Pourtant, cette culture existe, elle se poursuit. Comment p
685  L’Europe-Culture ». Là, se pose le vrai problème de vos foyers de culture. Un foyer constitue le lieu de rencontre entre
686 ure ». Là, se pose le vrai problème de vos foyers de culture. Un foyer constitue le lieu de rencontre entre l’essence de l
687 vos foyers de culture. Un foyer constitue le lieu de rencontre entre l’essence de la culture et une situation locale bien
688 er constitue le lieu de rencontre entre l’essence de la culture et une situation locale bien définie, les problèmes d’urba
689 une situation locale bien définie, les problèmes d’ urbanisme, d’éducation populaire, de questions sociales y sont évoqués
690 n locale bien définie, les problèmes d’urbanisme, d’ éducation populaire, de questions sociales y sont évoqués par des homm
691 les problèmes d’urbanisme, d’éducation populaire, de questions sociales y sont évoqués par des hommes de classes différent
692 questions sociales y sont évoqués par des hommes de classes différentes et de niveaux intellectuels divers, mais réunis p
693 évoqués par des hommes de classes différentes et de niveaux intellectuels divers, mais réunis par des préoccupations comm
694 ons communes. Ainsi je vois l’activité des foyers de culture s’insérer dans ce grand phénomène historique, capable, vu à d
695 and phénomène historique, capable, vu à distance, de dominer tout le xxe siècle : la création de l’Europe unie, contre le
696 nce, de dominer tout le xxe siècle : la création de l’Europe unie, contre les dictatures et contre l’anarchie. L’homme eu
697 bord former des hommes. Tout le reste est affaire d’ ingénieurs ou d’hommes politiques et ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je v
698 hommes. Tout le reste est affaire d’ingénieurs ou d’ hommes politiques et ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je voudrais maintena
699 drais maintenant vous présenter un certain nombre de thèmes : 1° Il n’est pas possible que la culture puisse agir — c’est-
700 asses sociales et les peuples. Née historiquement de ces échanges, fruits d’une grande circulation commune à toute l’Europ
701 uples. Née historiquement de ces échanges, fruits d’ une grande circulation commune à toute l’Europe, elle est destinée, sa
702 sans eux, à mourir à bref délai. 2° Il n’y a pas de culture vivante sans une incarnation, une implantation locale. Un foy
703 locale. Un foyer local ne peut être appelé foyer de culture que s’il réalise à la fois cette possibilité d’incarnation de
704 ture que s’il réalise à la fois cette possibilité d’ incarnation de la culture et cette ouverture aux échanges universels.
705 réalise à la fois cette possibilité d’incarnation de la culture et cette ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas d
706 e ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas d’ Europe vivante sans ces deux courants. Je reviens toujours à ces réali
707 euvent donner un contenu humain à la construction de l’idée européenne ; vie et chaleur lui viendront de la réalité quotid
708 e aux masses, qui prépare pour l’avenir une sorte d’ uniformité du cadre de la vie matérielle. Cela risque d’arriver avec l
709 are pour l’avenir une sorte d’uniformité du cadre de la vie matérielle. Cela risque d’arriver avec la Haute Autorité du ch
710 ormité du cadre de la vie matérielle. Cela risque d’ arriver avec la Haute Autorité du charbon et de l’acier, très difficil
711 ue d’arriver avec la Haute Autorité du charbon et de l’acier, très difficile à comprendre. Contre cette uniformité, qui pe
712 rilisante, les foyers doivent défendre les droits de leurs diversités locales. J’insiste sur ce double mouvement, il faut
713 faut que les foyers collaborent à la constitution de l’Europe, mais aussi qu’ils défendent la diversité européenne contre
714 défendent la diversité européenne contre le germe de tyrannie que peut contenir l’aspiration à l’unité. C’est le paradoxe
715 ui défendent leurs particularités ; paradoxe même de la vie, lutte permanente entre deux dynamismes contraires également v
716 valables, condition nécessaire à la construction de l’Europe. Nous devons être en garde constamment d’une part contre une
717 en garde constamment d’une part contre une espèce de mystique régionaliste, d’autre part contre une tentation d’internatio
718 e régionaliste, d’autre part contre une tentation d’ internationalisme qui voudrait supprimer toutes diversités. Nous lutte
719 diversités. Nous lutterons contre ces déviations de l’esprit par une pratique de la circulation des idées et des personne
720 ontre ces déviations de l’esprit par une pratique de la circulation des idées et des personnes entre les communautés local
721 onnes entre les communautés locales et l’ensemble de l’Europe. Vous remarquerez que je saute à dessein le stade national,
722 une thèse sans fondement racontée dans les livres d’ école depuis cent ans. Il n’existe pas de culture nationale, aucun his
723 s livres d’école depuis cent ans. Il n’existe pas de culture nationale, aucun historien sérieux ne peut défendre cette idé
724 culture a toujours été internationale. Il s’agit de passer de l’ensemble européen aux implantations locales, et du foyer
725 toujours été internationale. Il s’agit de passer de l’ensemble européen aux implantations locales, et du foyer local dire
726 je proposerai que s’établisse un réseau européen de distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de fil
727 ue s’établisse un réseau européen de distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateur
728 sse un réseau européen de distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau q
729 européen de distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait êt
730 distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait être constitu
731 de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constam
732 brochures, de revues, de journaux, de films, et d’ orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constamment alimenté
733 imenté par cette Communauté européenne des foyers de culture, dont nous avons adopté le nom avant-hier. Je verrais les cho
734 s adopté le nom avant-hier. Je verrais les choses de cette façon ; chaque foyer, quelle que soit sa forme, sa structure, s
735 expressément par un vœu formulé si possible ici — de devenir un centre de diffusion locale de ce matériel européen, si vou
736 œu formulé si possible ici — de devenir un centre de diffusion locale de ce matériel européen, si vous permettez cette exp
737 le ici — de devenir un centre de diffusion locale de ce matériel européen, si vous permettez cette expression. Chaque foye
738 z cette expression. Chaque foyer serait une sorte de haut-parleur diffusant l’idée de l’Europe, et, en même temps, un cham
739 serait une sorte de haut-parleur diffusant l’idée de l’Europe, et, en même temps, un champ d’expérience pour des réalisati
740 t l’idée de l’Europe, et, en même temps, un champ d’ expérience pour des réalisations concrètes. Pour être valables, celles
741 ncrètes. Pour être valables, celles-ci ont besoin d’ être essayées dans le vif, passées au crible de la vie quotidienne, pu
742 in d’être essayées dans le vif, passées au crible de la vie quotidienne, puis modifiées dans leur pensée, si cela est néce
743 difiées dans leur pensée, si cela est nécessaire. De cette manière, l’idée européenne pourrait vraiment s’incarner. Pour p
744 r préciser encore, je voudrais que ce même réseau de distribution, de diffusion et de critique soit alimenté par le plus g
745 , je voudrais que ce même réseau de distribution, de diffusion et de critique soit alimenté par le plus grand nombre possi
746 e ce même réseau de distribution, de diffusion et de critique soit alimenté par le plus grand nombre possible d’organisati
747 e soit alimenté par le plus grand nombre possible d’ organisations au niveau européen, comme le Conseil des communes d’Euro
748 au niveau européen, comme le Conseil des communes d’ Europe, par exemple ; le Centre européen de la culture peut mettre à l
749 ropéen de la culture peut mettre à la disposition de cette Communauté européenne des foyers de culture tout d’abord ses pl
750 osition de cette Communauté européenne des foyers de culture tout d’abord ses plans de causeries — je crois qu’on vous les
751 enne des foyers de culture tout d’abord ses plans de causeries — je crois qu’on vous les a remis. J’explique en quoi ils c
752 emis. J’explique en quoi ils consistent : ce sont de petits plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets diffé
753 en quoi ils consistent : ce sont de petits plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets différents concernant
754 ts plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets différents concernant la vie européenne et contenant chacun un
755 ues rappels historiques permettant à une personne de faire, sans préparation, une causerie suffisamment documentée, d’une
756 réparation, une causerie suffisamment documentée, d’ une heure ou d’une demi-heure. En collaboration avec la Campagne europ
757 causerie suffisamment documentée, d’une heure ou d’ une demi-heure. En collaboration avec la Campagne européenne de la jeu
758 ure. En collaboration avec la Campagne européenne de la jeunesse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23 de ces plan
759 sse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23 de ces plans ; nous sommes prêts à en rédiger de nouveaux, correspondant
760 23 de ces plans ; nous sommes prêts à en rédiger de nouveaux, correspondant aux désirs exprimés par vos foyers. Nous seri
761 xprimés par vos foyers. Nous serions très heureux de recevoir vos suggestions et de les étudier à Genève. Ensuite, nous po
762 rions très heureux de recevoir vos suggestions et de les étudier à Genève. Ensuite, nous pourrions mettre en circulation d
763 ve. Ensuite, nous pourrions mettre en circulation d’ une manière périodique une sorte de fiche bibliographique comportant d
764 en circulation d’une manière périodique une sorte de fiche bibliographique comportant des listes d’ouvrages récemment paru
765 te de fiche bibliographique comportant des listes d’ ouvrages récemment parus, avec les moyens de se les procurer gratuitem
766 istes d’ouvrages récemment parus, avec les moyens de se les procurer gratuitement si possible, ou à prix réduit. Nous vous
767 ssible, ou à prix réduit. Nous vous offrons aussi de faire circuler dans vos foyers des listes de conférenciers, choisis d
768 ussi de faire circuler dans vos foyers des listes de conférenciers, choisis dans tous les pays européens, avec le temps do
769 Ces conférenciers ne seraient pas des professeurs d’ éloquence ni des hommes politiques, mais des écrivains, des explorateu
770 énieurs et, pourquoi pas, des sportifs. Au Centre de la culture, nous avons en préparation une Commission d’hygiène et de
771 culture, nous avons en préparation une Commission d’ hygiène et de psychologie sportive. Quelques personnes compétentes — d
772 avons en préparation une Commission d’hygiène et de psychologie sportive. Quelques personnes compétentes — dont d’anciens
773 e sportive. Quelques personnes compétentes — dont d’ anciens champions du monde — sont prêtes à faire le tour des foyers de
774 du monde — sont prêtes à faire le tour des foyers de culture, si on les y invite, pour parler de leurs expériences et lanc
775 oyers de culture, si on les y invite, pour parler de leurs expériences et lancer des groupes intéressés par ces questions
776 roupes intéressés par ces questions passionnantes d’ hygiène et de psychologie sportives. Quatrième proposition : nous pour
777 ssés par ces questions passionnantes d’hygiène et de psychologie sportives. Quatrième proposition : nous pourrions faire c
778 urrions faire circuler parmi les foyers une sorte de lettre circulaire d’information sur l’état actuel de l’organisation e
779 r parmi les foyers une sorte de lettre circulaire d’ information sur l’état actuel de l’organisation européenne, les positi
780 lettre circulaire d’information sur l’état actuel de l’organisation européenne, les positions à prendre sur différents suj
781 prendre sur différents sujets et les possibilités d’ action à mener. Nous offrons d’établir des contacts entre la Communaut
782 t les possibilités d’action à mener. Nous offrons d’ établir des contacts entre la Communauté européenne des foyers de cult
783 ontacts entre la Communauté européenne des foyers de culture et notre organisation, qui comprend des associations des guil
784 s du livre, des clubs européens, et des festivals de musique. Ceux-ci groupent, à l’heure actuelle, 15 des plus grands fes
785 à l’heure actuelle, 15 des plus grands festivals de musique européenne. En nouant des liens avec eux, il serait possible
786 En nouant des liens avec eux, il serait possible de monter des représentations gratuites pour jeunes ou membres de nos fo
787 représentations gratuites pour jeunes ou membres de nos foyers. Je signale également notre Association des instituts d’ét
788 signale également notre Association des instituts d’ études européennes, dont les résultats sont remarquables. Enfin, il y
789 ultats sont remarquables. Enfin, il y aurait lieu d’ étudier, me semble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et d’écha
790 aurait lieu d’étudier, me semble-t-il, une sorte d’ organisation de voyages et d’échanges, comme celle établie par le Cent
791 étudier, me semble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et d’échanges, comme celle établie par le Centre d’échanges i
792 mble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et d’ échanges, comme celle établie par le Centre d’échanges internationaux
793 et d’échanges, comme celle établie par le Centre d’ échanges internationaux en France. Je vous signale que d’autres associ
794 s, demandant à entrer en relation avec les foyers de culture, celle par exemple du Chantier européen, qui établit des sent
795 européen, qui établit des sentiers allant du nord de l’Écosse au sud de l’Italie ; il serait intéressant de jalonner ces s
796 it des sentiers allant du nord de l’Écosse au sud de l’Italie ; il serait intéressant de jalonner ces sentiers de foyers o
797 Écosse au sud de l’Italie ; il serait intéressant de jalonner ces sentiers de foyers où les voyageurs pourraient s’arrêter
798  ; il serait intéressant de jalonner ces sentiers de foyers où les voyageurs pourraient s’arrêter. Voici une belle idée de
799 ageurs pourraient s’arrêter. Voici une belle idée de circulation à travers l’Europe — et pas seulement pour les jeunes, ca
800 ards qui marchent —, avec comme relais les foyers de culture. Voici ce que le Centre européen de la culture se propose de
801 e que le Centre européen de la culture se propose de mettre à votre disposition. En retour, il voudrait bien que chacun de
802 sposition. En retour, il voudrait bien que chacun de vous prenne l’habitude de lui écrire pour suggérer des actions pratiq
803 oudrait bien que chacun de vous prenne l’habitude de lui écrire pour suggérer des actions pratiques ou formuler des critiq
804 rmuler des critiques fécondes. On risque toujours de tomber dans l’abstrait ; et nous avons besoin de votre opinion pour o
805 de tomber dans l’abstrait ; et nous avons besoin de votre opinion pour orienter notre action d’alimentation selon vos bes
806 esoin de votre opinion pour orienter notre action d’ alimentation selon vos besoins. Le Centre européen de la culture voudr
807 n de la culture voudrait être la plaque tournante de vos foyers, leur forum. Un dernier mot : on a parlé tout à l’heure de
808 forum. Un dernier mot : on a parlé tout à l’heure de culture populaire. Je ne crois pas qu’il y ait une culture populaire,
809 tures nationales. Il y a la culture, qu’il s’agit d’ implanter dans des sols différents avec des méthodes qui peuvent diffé
810 universitaires. C’est une grande tâche des foyers de contribuer à effacer cette distinction, à faire que le mot « Culture 
811 aire que le mot « Culture » ne soit plus synonyme d’ académisme, de propriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’
812 t « Culture » ne soit plus synonyme d’académisme, de propriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’ils coopèrent
813 s synonyme d’académisme, de propriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’ils coopèrent dans un effort général po
814 ort général pour donner au mot culture un contenu de vitalité humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir, de liberté.
815 er au mot culture un contenu de vitalité humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu une
816 ture un contenu de vitalité humaine, de création, d’ ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu une lettre parlan
817 humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu une lettre parlant des foyers où l’on disait
818 t que je vous la retransmettrai. Je ne veux faire de peine à personne, mais les maisons de culture sont là pour « bâtir l’
819 veux faire de peine à personne, mais les maisons de culture sont là pour « bâtir l’Europe », non pour organiser les tourn
820 bâtir l’Europe », non pour organiser les tournois de ping-pong. Elles sont là pour des activités récréatives, bien entendu
821 surtout pour des activités créatrices, créatrices de quoi ? d’hommes à la fois libres et responsables ! Je voudrais que vo
822 ur des activités créatrices, créatrices de quoi ? d’ hommes à la fois libres et responsables ! Je voudrais que vous soyez t
823 ais que vous soyez très ambitieux pour vos foyers de culture, et très ambitieux sur ce terme de culture, car, à mon sens,
824 foyers de culture, et très ambitieux sur ce terme de culture, car, à mon sens, l’Europe de demain, l’Europe unie, vaudra e
825 ur ce terme de culture, car, à mon sens, l’Europe de demain, l’Europe unie, vaudra exactement ce que vaudront ces centaine
826 ent ce que vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers de Culture dont vous représentez un grand nombre. Je dirai, en
827 vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers de Culture dont vous représentez un grand nombre. Je dirai, en terminant
828 urtout depuis que je vous ai vus approuver ce mot de Communauté. i. Rougemont Denis de, « Les foyers de culture et l’Eu
829 ouver ce mot de Communauté. i. Rougemont Denis de , « Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Eu
830 ommunauté. i. Rougemont Denis de, « Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octo
831 « Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octobre 1952), Paris, Mouvement européen
8 1952, Articles divers (1951-1956). La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952)
832 emont réagit (14 novembre 1952)k Sous ce titre de « La Suisse et l’Europe », notre collaborateur M. René-Henri Wüst a r
833 rsonnelles qu’y exprimait l’éminent interlocuteur de notre confrère ont ouvert la porte à un vaste débat sur ce sujet de l
834 ont ouvert la porte à un vaste débat sur ce sujet de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son éga
835 à un vaste débat sur ce sujet de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de
836 at sur ce sujet de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, dire
837 de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, directeur du Centre
838 européen de la culture, se sentant en sa qualité d’ « européaniste » visé par les déclarations du professeur Rappard, a ex
839 rations du professeur Rappard, a exprimé le désir de présenter son point de vue qui s’oppose totalement à celui du directe
840 vue qui s’oppose totalement à celui du directeur de l’Institut de hautes études internationales. Voici les propos que nou
841 ose totalement à celui du directeur de l’Institut de hautes études internationales. Voici les propos que nous avons recuei
842 ici les propos que nous avons recueillis au cours d’ un entretien avec M. de Rougemont. Laissez-moi commencer par dire que
843 réconise, ce n’est certes pas une européanisation de la Suisse, mais bien au contraire une helvétisation de l’Europe, c’es
844 Suisse, mais bien au contraire une helvétisation de l’Europe, c’est-à-dire d’une Europe qui s’inspirerait de l’expérience
845 raire une helvétisation de l’Europe, c’est-à-dire d’ une Europe qui s’inspirerait de l’expérience fédéraliste suisse. Or, c
846 rope, c’est-à-dire d’une Europe qui s’inspirerait de l’expérience fédéraliste suisse. Or, ce qu’a déclaré M. Rappard me to
847 ervi et voici qu’il paraît renier les conclusions de la plupart de ses ouvrages ; c’est pourquoi après cette interview, je
848 ès cette interview, je pense qu’il est nécessaire de montrer nettement le point de vue de ceux qui croient à l’Europe. Si
849 t nécessaire de montrer nettement le point de vue de ceux qui croient à l’Europe. Si vous le voulez bien, nous pourrions r
850 n, nous pourrions reprendre les principaux points de l’argumentation de M. Rappard, dans l’ordre où il les a énumérés lui-
851 eprendre les principaux points de l’argumentation de M. Rappard, dans l’ordre où il les a énumérés lui-même. « Je ne crois
852 lus acharnés ont reconnu qu’il n’était plus temps de s’interroger sur son opportunité, mais bien de traiter avec elle. La
853 ps de s’interroger sur son opportunité, mais bien de traiter avec elle. La petite Europe est faite depuis que le 13 septem
854 mait le professeur Rappard, qui ajoutait : L’idée d’ une fédération européenne est maintenant une idée américaine, qui aura
855 -Europe du comte Coudenhove-Kalergi, et le projet de Briand de 1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est
856 comte Coudenhove-Kalergi, et le projet de Briand de 1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est qu’il sem
857 ’il présidait la commission économique du Congrès de l’Europe tenu à La Haye en 1948, préparé par la conférence de Montreu
858 tenu à La Haye en 1948, préparé par la conférence de Montreux de 1947. Avant que l’administrateur du plan Marshall ait pro
859 ye en 1948, préparé par la conférence de Montreux de 1947. Avant que l’administrateur du plan Marshall ait prononcé son di
860 ait prononcé son discours, donc avant que l’idée d’ une fédération européenne soit devenue américaine, M. Rappard avait en
861 ncore été un des délégués suisses à la conférence de Londres, en 1949. Ainsi donc, et sans remonter à Henri IV ou à Victor
862 Henri IV ou à Victor Hugo, on trouve suffisamment d’ éléments, et dans l’activité même du directeur de l’Institut des haute
863 d’éléments, et dans l’activité même du directeur de l’Institut des hautes études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n
864 itut des hautes études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n’a pas attendu les Américains, pas plus que la mise en plac
865 ndu les Américains, pas plus que la mise en place de la Haute Autorité qui en est la première réalisation. Oui, mais… l
866 la première réalisation. Oui, mais… le rideau de fer ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’a séparée
867 , mais… le rideau de fer ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’a séparée en deux… N’allez pas plus loin,
868 er ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’a séparée en deux… N’allez pas plus loin, je connais l’antienne
869 plus loin, je connais l’antienne ! Non, le rideau de fer ne nous a pas séparés en deux de la façon dont on voudrait nous l
870 n, le rideau de fer ne nous a pas séparés en deux de la façon dont on voudrait nous le faire croire. Premièrement, on peut
871 us êtes-vous demandé quelles sont les proportions de cette séparation ? De ce côté-ci du fameux rideau, nous sommes quelqu
872 uelles sont les proportions de cette séparation ? De ce côté-ci du fameux rideau, nous sommes quelque 320 millions, tandis
873 ndis qu’il n’y en a pas quatre-vingt-dix-millions de l’autre… Soit. Mais ces 320 millions avec lesquels vous voulez faire
874 vec lesquels vous voulez faire l’Europe n’ont pas de traditions communes ou d’impérieuses raisons de s’unir, comme en avai
875 aire l’Europe n’ont pas de traditions communes ou d’ impérieuses raisons de s’unir, comme en avaient ceux qui ont fait la S
876 s de traditions communes ou d’impérieuses raisons de s’unir, comme en avaient ceux qui ont fait la Suisse moderne. Ah ! ou
877 ssait » protestants et catholiques sur les champs de bataille de Villmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l
878 estants et catholiques sur les champs de bataille de Villmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l’Allemagne e
879 ons-villes et les cantons-campagnes : qu’y a-t-il de commun entre Genève et Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « miracle sui
880 ue tout s’opposait, humainement, à la réalisation de cette confédération ? Alors, pourquoi pas l’Europe ? Les Européens n’
881 emps de la prépondérance grecque, puis à l’Empire de Rome, on constate qu’elle avait déjà deux-mille ans d’existence quand
882 me, on constate qu’elle avait déjà deux-mille ans d’ existence quand les montagnards des trois pays firent alliance en 1291
883  cette Europe ne connaît même pas encore un début de véritable réalisation ». Mais c’est nier l’évidence même, et je le ré
884 naturel, souhaitable, heureux que nous discutions de projets tels que les plans Marshall, Schuman ou Pflimlin… Comment pou
885 ou Pflimlin… Comment pouvez-vous parler du projet de plan Marshall puisque la réalisation de celui-ci est déjà achevée ? C
886 du projet de plan Marshall puisque la réalisation de celui-ci est déjà achevée ? C’est du passé le plan Marshall ! Quant a
887 euvent nous laisser indifférents, et ce sont ceux de notre économie, puisque, comme le note M. Rappard, notre commerce ext
888 e représentait l’an dernier que le 40 % du volume de nos échanges. C’est donc, de la part de M. Rappard, juger de la viabi
889 nges. C’est donc, de la part de M. Rappard, juger de la viabilité de l’Europe d’après le volume des échanges de la Suisse 
890 , de la part de M. Rappard, juger de la viabilité de l’Europe d’après le volume des échanges de la Suisse ! Mais à notre p
891 bilité de l’Europe d’après le volume des échanges de la Suisse ! Mais à notre point de vue, ce 40 % est-il vraiment si nég
892 ue qui se partagent avec la Scandinavie, les pays de l’Est, la péninsule Ibérique, l’Amérique du Sud, l’Égypte et les pays
893 l’Égypte et les pays asiatiques, le 60 % restant de notre commerce extérieur ? Et je ne vois vraiment pas pourquoi, si la
894 solidifie toujours plus, la Suisse serait coupée de tout accès à la mer et réduite à l’état de province enclavée. Sur quo
895 coupée de tout accès à la mer et réduite à l’état de province enclavée. Sur quoi, le professeur Rappard fonde-t-il cette d
896 éclaration, je ne le comprends pas, et l’argument de cette finis Helvetiae me semble un rien démagogique. Non, rien ne ser
897 ardons un contact actif au lieu de nous contenter de traiter de chimère ce plan qui est entré maintenant dans sa phase de
898 ontact actif au lieu de nous contenter de traiter de chimère ce plan qui est entré maintenant dans sa phase de réalisation
899 re ce plan qui est entré maintenant dans sa phase de réalisation. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux
900 e réalisation. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux qui furent toujours à travers l’histoire nos grands
901 . Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux qui furent toujours à travers l’histoire nos grands amis politiq
902 re nos grands amis politiques, nous risquons fort de perdre notre autonomie extérieure ? Quels sont, à travers l’histoire,
903 Quels sont, à travers l’histoire, nos grands amis de toujours ? L’Angleterre et les États-Unis ? Vraiment, voilà qui surpr
904 e-Uni ait joué un grand rôle dans la constitution de la Suisse, ou que l’Amérique du Nord ait eu une grande influence sur
905 du Nord ait eu une grande influence sur le cours de notre histoire. Et si cela était, et si comme le prétend M. Rappard l
906 a était, et si comme le prétend M. Rappard l’idée de cette fédération européenne est une idée américaine, notre adhésion à
907 ser sincèrement prétendre que nous serions isolés d’ eux, même sur le plan économique ? Et sa comparaison d’un Sonderbund e
908 , même sur le plan économique ? Et sa comparaison d’ un Sonderbund européen me semble tout aussi erronée. Cette fédération
909 nt assurément dans leur passé singulièrement plus de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondr
910 nt dans leur passé singulièrement plus de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une se
911 singulièrement plus de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune
912 us de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune, constate M. Rapp
913 de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune, constate M. Rappard. Eh ! oui.
914 Un grand économiste anglais, Josiah Tucker, doyen de Gloucester, n’écrivait-il pas un an avant l’adoption par les États-Un
915 -il pas un an avant l’adoption par les États-Unis de leur constitution fédérale que « L’idée que l’Amérique pourrait deven
916 beaucoup plus illusoire que toutes les inventions d’ un romancier. Les antipathies réciproques et les intérêts contradictoi
917 c’est qu’ils ne pourront jamais trouver un centre d’ union et un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rap
918 d’union et un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’ironie qu’i
919 dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’ironie qu’il faut, quelques prédictions identiques de
920 ronie qu’il faut, quelques prédictions identiques de Cherbuliez ou de Pyrame de Candolle… Renoncer à notre neutralité ?
921 quelques prédictions identiques de Cherbuliez ou de Pyrame de Candolle… Renoncer à notre neutralité ? Reste le prob
922 prédictions identiques de Cherbuliez ou de Pyrame de Candolle… Renoncer à notre neutralité ? Reste le problème de no
923 enoncer à notre neutralité ? Reste le problème de notre neutralité dans une fédération européenne ? Reconnaissons qu’à
924 éenne ? Reconnaissons qu’à suivre les suggestions de M. Rappard, elle courrait un grave danger. Ne dit-il pas en effet : «
925 l pas en effet : « Au lieu d’isoler quelques pays de l’Europe continentale (face au péril bolchévique) de leurs alliés nat
926 l’Europe continentale (face au péril bolchévique) de leurs alliés naturels d’outre-Manche et d’outre-mer, en cherchant à e
927 ce au péril bolchévique) de leurs alliés naturels d’ outre-Manche et d’outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même
928 vique) de leurs alliés naturels d’outre-Manche et d’ outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même patrie, ne vaudra
929 lité. Or, la neutralité ne doit pas nous empêcher de collaborer ; mais pourquoi renoncerions-nous à cet avantage, et contr
930 demande ? Encore une fois, non. Il ne s’agit pas de renoncer à cette neutralité, mais il ne faut pas non plus qu’elle nou
931 mais il ne faut pas non plus qu’elle nous empêche de collaborer sur le plan européen. À nous de rechercher une adaptation.
932 mpêche de collaborer sur le plan européen. À nous de rechercher une adaptation. Mais ce que je trouve le plus étonnant dan
933 je trouve le plus étonnant dans ces déclarations de M. Rappard, c’est précisément que sa conclusion est en contradiction
934 ec tout ce qui a précédé, puisqu’il ne craint pas d’ inclure l’alliance militaire. Mais il a raison d’insister sur le fait
935 d’inclure l’alliance militaire. Mais il a raison d’ insister sur le fait que ces problèmes sont vitaux pour notre pays, et
936 isse : nul mieux que lui ne sait que les intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Europe. Ainsi prend
937 s intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Europe. Ainsi prend fin cet entretien dont nous avons essay
938 ts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Europe. Ainsi prend fin cet entretien dont nous avons essayé de ren
939 si prend fin cet entretien dont nous avons essayé de rendre compte aussi fidèlement que possible. k. Rougemont Denis d
940 i fidèlement que possible. k. Rougemont Denis de , « [Entretien] La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit »
941 s’est manifestement glissée ici, le projet Briand d’ union européenne ayant été présenté à la SDN en 1929.
9 1952, Articles divers (1951-1956). Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952)
942 Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952)m Je vais partout disant que l’E
943 ciel : — Quoi ! me dit-on, mais l’Europe, cela va de Moscou à Gibraltar, et du Cap Nord aux Dardanelles ! De cette Europe,
944 cou à Gibraltar, et du Cap Nord aux Dardanelles ! De cette Europe, vous commencez par laisser une moitié derrière le ridea
945 mmencez par laisser une moitié derrière le rideau de fer. De la moitié restante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore q
946 par laisser une moitié derrière le rideau de fer. De la moitié restante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore que quinz
947 spagne, sans l’Autriche et sans la Suisse. Enfin, de cette « Europe-croupion », déjà privée de son Est, de son extrême-Oue
948 Enfin, de cette « Europe-croupion », déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen
949 ette « Europe-croupion », déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen d’exclure l
950 , déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen d’exclure les Scandinaves, la Grand
951 ême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen d’ exclure les Scandinaves, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce et la
952 après toutes ces amputations, vous avez le front de dire que c’est l’Europe ? — Oui, j’ai cette conviction et je m’expliq
953 vous faites une erreur en répétant que le rideau de fer coupe notre Europe par le milieu. Car vous avez à l’est du rideau
954 ieu. Car vous avez à l’est du rideau, 88 millions d’ habitants, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu plus
955 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu plus d’ un cinquième des Européens que nous perdons, provisoirement, du côté e
956 provisoirement, du côté est. Et le meilleur moyen de les ramener parmi nous sera sans doute de créer un noyau dense et ric
957 r moyen de les ramener parmi nous sera sans doute de créer un noyau dense et riche d’Europe unie, qui exercera sur eux une
958 sera sans doute de créer un noyau dense et riche d’ Europe unie, qui exercera sur eux une puissante attraction. Ensuite, a
959 . Ensuite, avez-vous bien compté que les six pays de la Haute Autorité font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’ha
960 la Haute Autorité font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’habitants ? Si vous appelez ce groupe la « Petite Euro
961 té font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’ habitants ? Si vous appelez ce groupe la « Petite Europe », disait l’a
962 i des petits États-Unis qui ont tout juste autant d’ habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. V
963 ts-Unis qui ont tout juste autant d’habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez
964 illions de plus. Vous me répondrez que le nombre d’ habitants ne fait pas tout. Et, en effet, Paul Valéry faisait remarque
965 ait remarquer que si l’on mettait dans un plateau de la balance l’Empire des Indes, dans l’autre le Royaume-Uni, le platea
966 yaume-Uni, le plateau chargé du plus petit nombre d’ habitants pencherait. Il faut donc tenir compte des richesses naturell
967 aut donc tenir compte des richesses naturelles et de la production matérielle. Or, on peut vérifier facilement que pour la
968 ier facilement que pour la production du charbon, de l’acier et de l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissan
969 que pour la production du charbon, de l’acier et de l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissance du monde :
970 e après les USA, bien avant l’URSS même augmentée de ses satellites. Allons plus loin. Les chiffres et les statistiques n’
971 ys que groupe la Haute Autorité forment une unité de civilisation et culture inégalée dans le monde moderne. Ils ont fait
972 des siècles et grâce à leurs échanges continuels d’ idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui com
973 cles et grâce à leurs échanges continuels d’idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans
974 à leurs échanges continuels d’idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans la peinture,
975 ges continuels d’idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans la peinture, dans la musiq
976 Et les plus grandes philosophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Pet
977 ndes philosophies. Le rayonnement de leurs écoles d’ art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Petite Europe ? » L
978 osophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Petite Europe ? » La Sibérie
979 ajouté à ces gloires, ni que les Six aient décidé de vivre désormais dans un vase clos. La « Petite Europe » a cherché son
980 malgré l’hostilité, la méfiance ou l’indifférence de ses voisins et frères en civilisation. Ceux-ci seraient donc bien mal
981 être assez grande pour leur laisser tout le temps de réfléchir et de recalculer leurs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont
982 e pour leur laisser tout le temps de réfléchir et de recalculer leurs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont répétant qu’un
983 ation plus étendue, ils ont contre eux les leçons de l’Histoire entière et tous les exemples vécus par trois-mille-cinq-ce
984 les exemples vécus par trois-mille-cinq-cents ans de civilisation occidentale, États-Unis inclus. J’y reviendrai. m. Ro
985 nis inclus. J’y reviendrai. m. Rougemont Denis de , « Grandeur de la Petite Europe », La IVe République des Pyrénées, Pa
986 reviendrai. m. Rougemont Denis de, « Grandeur de la Petite Europe », La IVe République des Pyrénées, Pau, 5 décembre 1
10 1953, Articles divers (1951-1956). Préface à Photo + scène (1953)
987 orté l’an dernier par l’Exposition internationale de photographies de scène, pour lui accorder dès le départ son patronage
988 par l’Exposition internationale de photographies de scène, pour lui accorder dès le départ son patronage et son appui pra
989 i pratique. Il salue cette année l’épanouissement de cette initiative. Si la musique reste une création spécifique de l’Eu
990 tive. Si la musique reste une création spécifique de l’Europe, le théâtre est un langage mondial, mais qui exprime mieux q
991 qui exprime mieux que tout autre le rythme intime d’ une civilisation. Le décor a pris en Europe, depuis la Renaissance ita
992 Enfin, l’art photographique dérive non seulement de nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une expo
993 hique dérive non seulement de nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scè
994 seulement de nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scène accomplissant
995 q siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musiq
996 de peinture occidentale. Une exposition de photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musique offre d
997 on de photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musique offre donc un instantané saisissant de l’éta
998 cène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musique offre donc un instantané saisissant de l’état présent des art
999 ls de musique offre donc un instantané saisissant de l’état présent des arts en Occident. Une dizaine de pays prennent par
1000 l’état présent des arts en Occident. Une dizaine de pays prennent part à ce concours. Belle occasion pour les auteurs et
1001 tteurs en scène, les photographes et les peintres de méditer non seulement sur leur métier propre, mais sur les surprises
1002 laboration. Belle occasion aussi, pour le public, de prendre conscience de ce fait que l’art n’est pas le produit d’une na
1003 sion aussi, pour le public, de prendre conscience de ce fait que l’art n’est pas le produit d’une nation mais de toute une
1004 science de ce fait que l’art n’est pas le produit d’ une nation mais de toute une culture, — ici l’européenne. Quelques gra
1005 que l’art n’est pas le produit d’une nation mais de toute une culture, — ici l’européenne. Quelques grands thèmes ou arch
1006 l’Hamlet du Piccolo Teatro ; comparez-le à celui de John Gielgud ; voyez le Don Juan de Munich, comparez-le à celui d’Aix
1007 voyez le Don Juan de Munich, comparez-le à celui d’ Aix, comme on peut comparer dans nos musées l’évolution d’un grand suj
1008 omme on peut comparer dans nos musées l’évolution d’ un grand sujet au cours des âges, de l’Italie aux Pays-Bas, puis à la
1009 s l’évolution d’un grand sujet au cours des âges, de l’Italie aux Pays-Bas, puis à la France, puis à l’Allemagne — et vous
1010 puis à l’Allemagne — et vous verrez l’unité vraie de notre Europe : celle qui se réalise dans la diversité des langages, d
1011 er, pour les nouveaux départs que le monde attend de nous. n. Rougemont Denis de, « [Préface] Photo + scène  », Photo +
1012 ue le monde attend de nous. n. Rougemont Denis de , « [Préface] Photo + scène  », Photo + scène : deuxième exposition in
1013 hoto + scène : deuxième exposition internationale de photographie de théâtre, Illertissen, Sittler & Federmann, 1953,
1014 euxième exposition internationale de photographie de théâtre, Illertissen, Sittler & Federmann, 1953, p. 1-3. o. Non
11 1953, Articles divers (1951-1956). Rudolf Kassner (1953)
1015 Rudolf Kassner (1953)p Ces premiers textes de Kassner, lus en français dans une précieuse et simple traduction (de
1016 français dans une précieuse et simple traduction ( de Jean Paulhan et Bernard Groethuysen, mais non signée)6, lorsque j’ess
1017 Groethuysen, mais non signée)6, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot m
1018 gnée)6, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : auto
1019 un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’ avoir compris ce qui était dit, j’avais reconnu la grandeur d’un ton,
1020 ris ce qui était dit, j’avais reconnu la grandeur d’ un ton, d’un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière « d’occup
1021 était dit, j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’ un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper la scèn
1022 j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style, d’ une impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper la scène » en trois
1023 style, d’une impatience rigoureuse. Une manière «  d’ occuper la scène » en trois répliques, d’imposer une allure à la fois
1024 anière « d’occuper la scène » en trois répliques, d’ imposer une allure à la fois calme et circonspecte, n’admettant que de
1025 dmettant que des gestes précis et maîtrisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ellipses saisissantes qui laissai
1026 trisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ ellipses saisissantes qui laissaient le lecteur pantois, comme l’antiq
1027 : devine, ou je te dévore ! Une constante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensai
1028 onstante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’ exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent encore exclure avec
1029 ntolérance instantanée à l’égard du doute faible, de l’adjectif incertain, et en général des complaisances « artistes » ou
1030 réflexion passionnément originale. Et je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publié en France su
1031 , publié en France sur Kassner — « l’acuité lente de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié h
1032 ’acuité lente de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennell
1033 e de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui s
1034 ion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse frôl
1035 mposaient au sens magique du mot, les « charmes » de cette prose et son autorité. Telle fut ma première impression. Vingt
1036 re dont la difficulté, précisément, n’a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer
1037 ire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pou
1038 l de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait
1039 alogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention pr
1040 tention profondément délibérée. Car il s’agit ici d’ une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à
1041 t ici d’une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes », et c’ét
1042 ur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ ellipses « saisissantes », et c’était au sens littéral, non pathétique
1043 s », et c’était au sens littéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner, un pro
1044 ittéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une m
1045 pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitudes intermé
1046 ez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte d
1047 es ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte de vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plusieurs obje
1048 tume sépare, non seulement elle oblige à les voir d’ un œil neuf, mais encore elle excite à découvrir l’angle particulier s
1049 ir, proches ou confondues, son auteur. (Cet angle de vision étant son vrai « message ».) Elle propose donc à l’imagination
1050 qu’imposent aux néophytes les moines bouddhistes de la secte du zen. Le thème profond, omniprésent, de l’œuvre, c’est le
1051 e la secte du zen. Le thème profond, omniprésent, de l’œuvre, c’est le problème du Dieu-homme, d’où naît celui de la perso
1052 ent, de l’œuvre, c’est le problème du Dieu-homme, d’ où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambig
1053 c’est le problème du Dieu-homme, d’où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fût, e
1054 homme, d’où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fût, et qui échappe par définitio
1055 on à la pensée systématique et discursive : point de réponse rationnelle au « cur deus homo » de saint Anselme. Kassner gr
1056 point de réponse rationnelle au « cur deus homo » de saint Anselme. Kassner gravite autour de ce mystère, l’approche par l
1057 ite autour de ce mystère, l’approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disp
1058 ce mystère, l’approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qu
1059 approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordon
1060 oyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ?
1061 qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme. « La faculté principale de l’âme est de c
1062 ette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’ âme. « La faculté principale de l’âme est de comparer » remarque Monte
1063 ésie, c’est-à-dire d’âme. « La faculté principale de l’âme est de comparer » remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui
1064 -dire d’âme. « La faculté principale de l’âme est de comparer » remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui fait ordinai
1065 ombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout d’ un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. »
1066 nt, tour à tour, à l’expression la plus virulente de sa vérité, et chacun nous convainc si bien que la conclusion ne saura
1067 moderne, ou les grandes intuitions tautologiques de l’Inde : par leurs images plutôt que leurs concepts ; sans conclusion
1068 ue leurs concepts ; sans conclusion. Mais l’angle de vision s’est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente ve
1069 , s’oriente vers le mystère crucial. S’agirait-il d’ une théologie ? Certainement non. Kassner veut voir. D’une gnose alors
1070 théologie ? Certainement non. Kassner veut voir. D’ une gnose alors ? On pourrait le penser. Mais ceux qui se font de la p
1071 rs ? On pourrait le penser. Mais ceux qui se font de la poésie une idée finalement plus favorable au « Livre de Job » et a
1072 sie une idée finalement plus favorable au « Livre de Job » et aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtr
1073 reconnaîtront dans les dialogues et les paraboles de Kassner son irréfutable présence. 6. Les Éléments de la grandeur h
1074 sner son irréfutable présence. 6. Les Éléments de la grandeur humaine, Paris, Gallimard, 1931, Collection blanche, 222
1075 schienenen Werke Rudolf Kassners : « Des éléments de la grandeur humaine », « La chimère », « Le lépreux », « Le Christ et
1076 vidu et l’homme collectif ». p. Rougemont Denis de , « Rudolf Kassner », Rudolf Kassner zum achtzigsten Geburtstag, Zuric
12 1953, Articles divers (1951-1956). Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement (janvier 1953)
1077 ans le commencement (janvier 1953)q r Les fins d’ une civilisation ne sont pas visibles à son terme, et rien ne se passe
1078 on meurt, c’est justement qu’elle a perdu le sens de ses fins ou qu’elle renonce à les saisir. De même, les origines d’une
1079 ’elle renonce à les saisir. De même, les origines d’ une civilisation ne doivent pas être recherchées dans son passé le plu
1080 lles ne sont saisissables que dans la dialectique de ses succès et de ses échecs, c’est-à-dire dans les moments mêmes où s
1081 issables que dans la dialectique de ses succès et de ses échecs, c’est-à-dire dans les moments mêmes où ses fins deviennen
1082 sans oublier que l’inverse est aussi vrai. Ainsi de l’Europe, qui est une culture, foyer de toute la civilisation occiden
1083 ai. Ainsi de l’Europe, qui est une culture, foyer de toute la civilisation occidentale : ni dans le temps ni dans l’espace
1084 , car au contraire de ce que l’on pourrait croire de la plupart des civilisations antiques, asiatiques, précolombiennes ou
1085 asiatiques, précolombiennes ou africaines, celle de l’Europe ne saurait être interprétée ni définie par un ensemble de me
1086 urait être interprétée ni définie par un ensemble de mesures sacrées, encore moins par quelque système rendant compte de s
1087 , encore moins par quelque système rendant compte de son unité. Si l’on veut établir son passeport pour l’Histoire, les do
1088 atéralement antagonistes. L’Europe est le produit de ces antagonismes, convergeant au carrefour hasardeux d’une Histoire n
1089 antagonismes, convergeant au carrefour hasardeux d’ une Histoire née comme telle de trois mots du Credo : « sous Ponce Pil
1090 arrefour hasardeux d’une Histoire née comme telle de trois mots du Credo : « sous Ponce Pilate ». Les Pères ne savaient pa
1091 Pilate ». Les Pères ne savaient pas que le dogme de l’incarnation — c’est-à-dire du vrai Dieu et vrai homme à la fois — f
1092 oute la logique antinomique, dont l’un des points d’ éclatement naturel (ou diabolique) serait un jour Hiroshima ; ni que l
1093 lique) serait un jour Hiroshima ; ni que le dogme de la Trinité — trois fonctions personnelles en un seul Créateur — fonda
1094 ns juridiques, éthiques et sociales qui découlent de l’idée de personne à la fois libre et responsable, distincte et relié
1095 ues, éthiques et sociales qui découlent de l’idée de personne à la fois libre et responsable, distincte et reliée, unique
1096 versait tout) se trouva définir, aux grands jours de Nicée, le type de réalité que des siècles d’Europe entreprendraient d
1097 rouva définir, aux grands jours de Nicée, le type de réalité que des siècles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou
1098 ours de Nicée, le type de réalité que des siècles d’ Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaître, même quand
1099 réalité que des siècles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaître, même quand ils essaieraient de l’élim
1100 cles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaître, même quand ils essaieraient de l’éliminer. Tant il est v
1101  » ou de reconnaître, même quand ils essaieraient de l’éliminer. Tant il est vrai que les polémiques sur le principe de co
1102 nt il est vrai que les polémiques sur le principe de contradiction et le tiers exclus sans lesquelles les recherches nuclé
1103 otype ou, pour mieux dire : la décisive épiphanie de leur archétype. La réalité se définit, pour une civilisation donnée,
1104 finit, pour une civilisation donnée, par le champ de recherches qu’instituent certaines options fondamentales : pour l’Ori
1105 oir la nature agonique, et non point rationnelle, de la recherche, de la création ou de la connaissance dite scientifique.
1106 nique, et non point rationnelle, de la recherche, de la création ou de la connaissance dite scientifique. La complicité fo
1107 t rationnelle, de la recherche, de la création ou de la connaissance dite scientifique. La complicité fondamentale du suje
1108 entifique. La complicité fondamentale du sujet et de l’anti-sujet affrontés, et leur interaction antinomique, nous apparai
1109 omique, nous apparaissent dans le détail très fin de toutes nos sciences, de la logique mathématique à la médecine et de l
1110 t dans le détail très fin de toutes nos sciences, de la logique mathématique à la médecine et de la physique à la psycholo
1111 nces, de la logique mathématique à la médecine et de la physique à la psychologie. Rien n’existe, au sens fort, en dehors
1112 lutte, dont le réel figure la résultante. Au-delà de tout idéalisme ou réalisme, de tout spiritualisme ou matérialisme, le
1113 ésultante. Au-delà de tout idéalisme ou réalisme, de tout spiritualisme ou matérialisme, le réel vivant — faut-il dire le
1114 insi comme la frontière (au sens Far West du mot) de deux systèmes énergétiques qui sont comme l’ombre l’une de l’autre et
1115 ystèmes énergétiques qui sont comme l’ombre l’une de l’autre et dont l’affrontement ou l’étreinte crée le jour et la nuit
1116 les aventuriers des arts, explique l’incertitude de leur vocabulaire. Adonnés à la même recherche, ils nous parlent tantô
1117 nnés à la même recherche, ils nous parlent tantôt de musique concrète ou de peinture abstraite, et les deux adjectifs sont
1118 e, ils nous parlent tantôt de musique concrète ou de peinture abstraite, et les deux adjectifs sont évidemment faux : on p
1119 ment contradictoires et notoirement insuffisantes d’ un acte de l’esprit qui est pourtant bien le même, mais qu’il nous res
1120 adictoires et notoirement insuffisantes d’un acte de l’esprit qui est pourtant bien le même, mais qu’il nous reste à défin
1121 deux sens aussi, mais en un mot.) 2) L’éclatement d’ une bombe H vérifie cette harmonie préétablie, ou ce mariage de notre
1122 vérifie cette harmonie préétablie, ou ce mariage de notre esprit et du cosmos pour le meilleur et pour le pire sans quoi
1123 cience ne serait possible. Cette même possibilité de réciprocité créatrice ou conformatrice se trouve justifier, par aille
1124 ice se trouve justifier, par ailleurs, l’ambition d’ une peinture dite abstraite, ambition qui n’est point ou ne doit pas ê
1125 mbition qui n’est point ou ne doit pas être celle de coïncider, soit avec des structures préformées de notre esprit, soit
1126 de coïncider, soit avec des structures préformées de notre esprit, soit avec quelque loi formatrice du cosmos, mais d’illu
1127 soit avec quelque loi formatrice du cosmos, mais d’ illustrer l’instant de leur amour. C’est celui de leur haine chez beau
1128 formatrice du cosmos, mais d’illustrer l’instant de leur amour. C’est celui de leur haine chez beaucoup de mauvais peintr
1129 d’illustrer l’instant de leur amour. C’est celui de leur haine chez beaucoup de mauvais peintres : on parle alors de dési
1130 hez beaucoup de mauvais peintres : on parle alors de désintégration — mais tout ce vocabulaire est à reprendre. 3) L’Occid
1131 appelé. Mais il est en train de franchir le seuil d’ une connaissance nouvelle. La découverte (ou l’invention ?) de l’antim
1132 ssance nouvelle. La découverte (ou l’invention ?) de l’antimatière pourrait marquer symboliquement ce seuil. Rien de plus
1133 s congénial au mouvement dialectique, au complexe de tensions où naquit l’Occident, tout avide de systèmes qui ne l’apaise
1134 lexe de tensions où naquit l’Occident, tout avide de systèmes qui ne l’apaiseront jamais, qui le consument et dont il vit.
1135 e consument et dont il vit. q. Rougemont Denis de , « Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement »,
1136 signifié la fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la science, recherche imp
1137 nées de la peur, qu’il a permis le développement de la science, recherche impitoyable de la vérité. Au moment où la physi
1138 éveloppement de la science, recherche impitoyable de la vérité. Au moment où la physique actuelle retire à la matière ses
1139 uelle retire à la matière ses qualités classiques de vraie matière pour lui accorder les attributs que les matérialistes p
1140 tributs que les matérialistes pensaient être ceux de l’esprit, Denis de Rougemont nous rappelle, fort opportunément, que l
13 1953, Articles divers (1951-1956). Suisse, Europe et neutralité (6 mars 1953)
1141 ases : 1. Une discussion sur l’abandon volontaire de notre neutralité serait aujourd’hui sans objet, et nous devons donc l
1142 nc l’éviter ; 2. La neutralité ne doit pas servir de prétexte à la Suisse pour refuser de collaborer à l’union européenne.
1143 t pas servir de prétexte à la Suisse pour refuser de collaborer à l’union européenne. I En effet, pour que la Suisse
1144 re contre la Suisse, — soit une autorité fédérale de l’Europe à laquelle nous puissions adhérer. L’une ou l’autre de ces c
1145 laquelle nous puissions adhérer. L’une ou l’autre de ces conditions étant donnée entraînerait automatiquement l’abandon de
1146 ant donnée entraînerait automatiquement l’abandon de notre neutralité, sans qu’il y ait lieu dans discuter dans le premier
1147 s le second cas, comme une conséquence accessoire de notre entrée dans un corps politique plus large, entrée qui aurait ét
1148 s large, entrée qui aurait été le véritable objet de la discussion avant le vote populaire. Mais ni l’une ni l’autre de ce
1149 avant le vote populaire. Mais ni l’une ni l’autre de ces conditions n’est présente. Si nous voulions aujourd’hui renoncer
1150 ets pratiques ? Dans l’état présent des choses et de l’opinion publique, chez nous et dans les pays voisins, un tel geste
1151 voisins, un tel geste paraîtrait à la fois dénué de sagesse et d’efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce ter
1152 el geste paraîtrait à la fois dénué de sagesse et d’ efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce terme. On ne voit
1153 d’efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce terme. On ne voit donc pas d’objet concret à une discussion, aujou
1154 it, au pire sens de ce terme. On ne voit donc pas d’ objet concret à une discussion, aujourd’hui, sur l’abandon de notre ne
1155 cret à une discussion, aujourd’hui, sur l’abandon de notre neutralité. Dans ces conditions, comment se fait-il que la ques
1156 es conditions, comment se fait-il que la question de la neutralité soit sans cesse reposée depuis le fin de la guerre, et
1157 neutralité soit sans cesse reposée depuis le fin de la guerre, et menace de devenir un sujet de discorde entre les Conféd
1158 sse reposée depuis le fin de la guerre, et menace de devenir un sujet de discorde entre les Confédérés ? Cela tient à deux
1159 e fin de la guerre, et menace de devenir un sujet de discorde entre les Confédérés ? Cela tient à deux causes bien précise
1160 ont l’impérialisme bolchévique et la construction de l’Europe, et à une troisième cause, intérieure celle-là, qui est la m
1161 et ses ennemis. À cela, je répondrai que le choix de notre peuple est fait. Le parti stalinien ne peut réunir chez nous qu
1162 lectorales. Le Conseil fédéral a pris des mesures de défense contre les staliniens (exclusions de fonctionnaires, actions
1163 ures de défense contre les staliniens (exclusions de fonctionnaires, actions légales, etc.). Si nous disions que nous rest
1164 ers à ne pas nous croire. En fait, ils ne cessent de répéter que la Suisse a cessé d’être neutre : si nous décidions offic
1165 , ils ne cessent de répéter que la Suisse a cessé d’ être neutre : si nous décidions officiellement d’abandonner notre neut
1166 d’être neutre : si nous décidions officiellement d’ abandonner notre neutralité, rien ne serait donc changé à cet égard. N
1167 é, rien ne serait donc changé à cet égard. Nombre de pays qui ne sont pas neutres ont fait beaucoup moins que nous pour lu
1168 est ainsi, nous dira-t-on, pourquoi refusez-vous de participer à la défense commune de l’Europe ? La réponse est qu’en fa
1169 i refusez-vous de participer à la défense commune de l’Europe ? La réponse est qu’en fait, nous sommes presque les seuls à
1170 tinent, et que nous lui consacrons une proportion de notre budget national beaucoup plus forte que tous les autres pays. I
1171 pays. Ici encore, on ne voit pas ce que l’abandon de notre neutralité pourrait changer à la situation. Tout ceci revient-i
1172 on. Tout ceci revient-il à dire que la neutralité de la Suisse ne pose aucune question réelle ? Certes non. Notre neutrali
1173 Certes non. Notre neutralité est devenue un objet de discussions par la seule faute de ceux qui s’en réclament à tout prop
1174 ent à tout propos et hors de propos, pour refuser de faire face à la situation concrète de l’Europe et de la Suisse en Eur
1175 our refuser de faire face à la situation concrète de l’Europe et de la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les p
1176 faire face à la situation concrète de l’Europe et de la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans de la
1177 Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans de la fédération européenne, les Schuman, les Spaak, les de Gasperi, les
1178 édération européenne, les Schuman, les Spaak, les de Gasperi, les Adenauer, qui nous ont jamais sommés de renoncer à la ne
1179 Gasperi, les Adenauer, qui nous ont jamais sommés de renoncer à la neutralité, mais ce sont les partisans de la neutralité
1180 oncer à la neutralité, mais ce sont les partisans de la neutralité-tabou qui nous somment, nous fédéralistes, de renoncer
1181 ralité-tabou qui nous somment, nous fédéralistes, de renoncer à toute idée de construction européenne. Ce n’est pas nous q
1182 ment, nous fédéralistes, de renoncer à toute idée de construction européenne. Ce n’est pas nous qui opposons fédération de
1183 péenne. Ce n’est pas nous qui opposons fédération de l’Europe et neutralité suisse, c’est eux. Et dès lors la neutralité d
1184 problème épineux. J’aborde ici la seconde partie de ma thèse. II En tant que professionnel de l’idée européenne, j’
1185 e de ma thèse. II En tant que professionnel de l’idée européenne, j’ai pu mesurer quotidiennement, depuis 5 ans, les
1186 culture, à Genève, s’est vu refuser toute espèce de subvention (en argent ou en facilités habituelles données aux institu
1187 : la première, c’est que le Centre est au service de l’idée européenne ; la seconde, c’est que son directeur a parlé de l’
1188 nne ; la seconde, c’est que son directeur a parlé de l’Europe dans son discours du 1er août 1952 à Genève (sans même prono
1189 er août 1952 à Genève (sans même prononcer le mot de neutralité). Il n’en a pas fallu davantage pour que le Conseil fédéra
1190 tage pour que le Conseil fédéral, puis le Conseil d’ État de Genève, aient froidement refusé, l’un après l’autre, d’aider l
1191 ève, aient froidement refusé, l’un après l’autre, d’ aider le Centre en aucune manière. Les prétextes allégués sont vagues,
1192 sincérité pose des problèmes. Les vraies raisons de ces deux refus, je le sais, sont d’un ordre psychologique bien plus e
1193 raies raisons de ces deux refus, je le sais, sont d’ un ordre psychologique bien plus encore que politique : toute personne
1194  : toute personne physique ou morale qui s’occupe de l’Europe, en Suisse, se voit automatiquement « mise à l’index ». L’ar
1195 utomatiquement « mise à l’index ». L’arrière-plan de cette étrange mentalité, c’est la croyance en la neutralité-tabou. On
1196 éclairé restent sans prises sur l’épaisse inertie de pareils préjugés. J’ai cité cet exemple précis pour définir une situa
1197 er ? Je vous propose, pour aujourd’hui, une série de dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes d’une campagne efficace
1198 de dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes d’ une campagne efficace : Les fédéralistes ne demandent pas l’abandon
1199 e : Les fédéralistes ne demandent pas l’abandon de la neutralité, mesure qui serait actuellement sans effet. Ils laissen
1200 sans effet. Ils laissent aux communistes le soin de verser des larmes de crocodile sur cet abandon prétendu. Ils estiment
1201 sent aux communistes le soin de verser des larmes de crocodile sur cet abandon prétendu. Ils estiment que la neutralité re
1202 a Suisse un atout, qu’elle ne doit pas jouer sans d’ impérieuses raisons. Les fédéralistes rappellent que la Suisse est si
1203 la Suisse est située, géographiquement, au centre de l’Europe ; qu’elle a pris naissance un peu après le milieu de l’histo
1204 ; qu’elle a pris naissance un peu après le milieu de l’histoire de l’Europe ; que son sort dépend donc à tous égards du so
1205 is naissance un peu après le milieu de l’histoire de l’Europe ; que son sort dépend donc à tous égards du sort de l’Europe
1206  ; que son sort dépend donc à tous égards du sort de l’Europe. (Même si M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que d
1207 M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que de 40 % avec les six pays du plan Schuman, nous ne sommes pas prêts à ju
1208 and on leur parlait du plan Schuman, s’inquiètent de le voir réalisé sans eux. Cette bonne leçon de choses doit porter. Le
1209 nt de le voir réalisé sans eux. Cette bonne leçon de choses doit porter. Les fédéralistes constatent que rien ne s’oppose
1210 constatent que rien ne s’oppose dans notre statut de neutres à des conversations avec la Haute-Autorité de Luxembourg, con
1211 méricains pour proclamer depuis 1933 la nécessité d’ une Europe unie. Ils sont seuls à entretenir en Suisse des contacts ét
1212 l’Europe, les fédéralistes rappellent l’existence de 15 divisions suisses (la moitié de ce que demandait Eisenhower pour t
1213 nt l’existence de 15 divisions suisses (la moitié de ce que demandait Eisenhower pour toute l’Europe) et la nécessité tech
1214 et la nécessité technique, pour tout état-major, de se concerter avec les voisins. Les fédéralistes suisses estiment que
1215 e notre constitution fédérale peut et doit servir de modèle pour une Europe fédérée, dans le respect des diversités nation
1216 construction, et que la vraie question n’est pas d’ européaniser la Suisse, mais plutôt d’helvétiser l’Europe. Les fédéral
1217 n n’est pas d’européaniser la Suisse, mais plutôt d’ helvétiser l’Europe. Les fédéralistes sont convaincus que notre neutra
1218 Europe sera fédérée : à ce moment seulement, mais de toute évidence, la neutralité suisse perdra toute raison d’être. Les
1219 vidence, la neutralité suisse perdra toute raison d’ être. Les fédéralistes européens de Suisse entendent rester les porteu
1220 a toute raison d’être. Les fédéralistes européens de Suisse entendent rester les porteurs, parmi leurs compatriotes, de ce
1221 nt rester les porteurs, parmi leurs compatriotes, de cette vérité fondamentale, mais qu’une opinion somnolente et des magi
1222 es magistrats aux vues courtes s’efforcent encore de ne pas regarder en face : la Suisse ne sera pas sauvée si l’Europe es
1223 demain, faute de s’unir. s. Rougemont Denis de , « Suisse, Europe et neutralité », L’Essor, Genève, 6 mars 1953, p. 4
14 1953, Articles divers (1951-1956). Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)
1224 Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)t Beaucoup pensent aujourd’hui que l’Europe es
1225 uelle au Moyen Âge et elle avait atteint au début de ce siècle une espèce d’unité matérielle : le voyageur pouvait la trav
1226 le avait atteint au début de ce siècle une espèce d’ unité matérielle : le voyageur pouvait la traverser de Madrid à Berlin
1227 ité matérielle : le voyageur pouvait la traverser de Madrid à Berlin ou d’Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni
1228 yageur pouvait la traverser de Madrid à Berlin ou d’ Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni de passeport : la car
1229 drid à Berlin ou d’Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni de passeport : la carte de visite suffisait. Mais aujo
1230 ’Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni de passeport : la carte de visite suffisait. Mais aujourd’hui ! Barrière
1231 s souci de « devises » ni de passeport : la carte de visite suffisait. Mais aujourd’hui ! Barrières douanières, quotas, vi
1232 rselle, nationalismes exacerbés par les souvenirs de deux guerres : où trouver dans tout cela un dénominateur commun, et q
1233 un dénominateur commun, et que venez-vous parler d’ union, quand l’unité foncière a disparu ? Il serait fou, et il est imp
1234 e a disparu ? Il serait fou, et il est impossible de fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de p
1235 ou, et il est impossible de fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’int
1236 t impossible de fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans
1237 e fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’e
1238 rsités de langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’espéranto totalita
1239 ligions, de nationalités, de partis politiques et d’ intérêts, dans une espèce d’espéranto totalitaire… Cette vision pessim
1240 partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’ espéranto totalitaire… Cette vision pessimiste de notre sort repose su
1241 d’espéranto totalitaire… Cette vision pessimiste de notre sort repose sur deux graves confusions. En effet, l’absence act
1242 x graves confusions. En effet, l’absence actuelle d’ union ne signifie pas que l’unité millénaire de l’Europe n’existe plus
1243 le d’union ne signifie pas que l’unité millénaire de l’Europe n’existe plus. Ensuite, il faudrait distinguer entre nos div
1244 duit nos vraies richesses, et la meilleure raison de nous fédérer, c’est que seule l’union fédérale peut les sauver et les
1245 es sauver et les garantir dans notre siècle. Mais d’ où proviennent ces confusions courantes ? Ce qui fausse notre optique
1246 enu plus tard l’esprit nationaliste, pour aboutir de nos jours à l’esprit totalitaire, nous a fait croire que l’unité et l
1247 t sacrées ; et qu’en conséquence l’union fédérale de nos pays, sauvegardant leurs diversités, était une rêverie condamnabl
1248 diversités, était une rêverie condamnable doublée d’ une erreur de logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un
1249 tait une rêverie condamnable doublée d’une erreur de logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un exemple bien
1250 able doublée d’une erreur de logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un exemple bien connu, et par un rappel
1251 ique ou non, la Suisse existe, réfutation vivante de toutes les théories nationalo-totalitaires. Et l’histoire nous enseig
1252 pendant un siècle et demi sur les deux-mille ans de notre ère. Le phénomène de la nation fermée, imposant la limite d’une
1253 sur les deux-mille ans de notre ère. Le phénomène de la nation fermée, imposant la limite d’une langue à des réalités tout
1254 phénomène de la nation fermée, imposant la limite d’ une langue à des réalités toutes différentes, comme l’économie, les éc
1255 la géographie, se réduit à une tranche très mince de l’immense aventure humaine. Ce manque d’épaisseur historique du natio
1256 ès mince de l’immense aventure humaine. Ce manque d’ épaisseur historique du nationalisme suffirait à nous rendre méfiants,
1257 uffirait à nous rendre méfiants, lorsqu’il s’agit de porter un jugement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union de l’Eu
1258 orter un jugement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union de l’Europe. Mais il y a plus. Il est parfaitement clair que
1259 gement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union de l’Europe. Mais il y a plus. Il est parfaitement clair que la nation,
1260 on, au sens dix-neuviémiste du mot, est une forme d’ association périmée à bien des égards. Il n’est pas une nation de l’Eu
1261 érimée à bien des égards. Il n’est pas une nation de l’Europe d’aujourd’hui qui puisse se dire indépendante, soit pour sa
1262 n des égards. Il n’est pas une nation de l’Europe d’ aujourd’hui qui puisse se dire indépendante, soit pour sa production,
1263 te, soit pour sa production, soit du point de vue de sa défense. Qu’en est-il du point de vue de la culture, qui fut l’élé
1264 e vue de sa défense. Qu’en est-il du point de vue de la culture, qui fut l’élément décisif pour la formation de nos nation
1265 ture, qui fut l’élément décisif pour la formation de nos nations ? Les faits historiques les mieux établis et les plus fac
1266 s et les plus faciles à vérifier dénoncent le peu d’ importance réelle de nos différences nationales. Pour peu que l’on com
1267 s à vérifier dénoncent le peu d’importance réelle de nos différences nationales. Pour peu que l’on compare l’ensemble des
1268 es. Pour peu que l’on compare l’ensemble des pays de l’Europe à d’autres continents, comme l’Asie, l’Afrique ou l’URSS, le
1269 , avec toutes ses subdivisions qui portent un air de famille. (Les textes des liturgies de communion romaine, anglicane, l
1270 tent un air de famille. (Les textes des liturgies de communion romaine, anglicane, luthérienne et même calviniste ont tous
1271 et l’autre cas, le langage est le même, il dérive de la théologie, fût-ce à travers Hegel et Marx. De Kierkegaard à Heideg
1272 de la théologie, fût-ce à travers Hegel et Marx. De Kierkegaard à Heidegger, puis Sartre, les mêmes concepts, proprement
1273 es concepts, proprement impensables hors du champ de l’influence chrétienne, se groupent, s’opposent et se regroupent. Nos
1274 groupent, s’opposent et se regroupent. Nos formes d’ expression sont identiques, qu’il s’agisse du sonnet, dans toutes les
1275 qu’il s’agisse du sonnet, dans toutes les langues d’ Europe, du roman (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’o
1276 ans toutes les langues d’Europe, du roman (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la sy
1277 ’Europe, du roman (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade
1278 an (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’un palais. No
1279 u tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation
1280 et ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale o
1281 éra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’ un palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale ou politique d
1282 ymphonie ou de la façade d’un palais. Nos modèles d’ organisation de la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et d
1283 la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et de l’Église : au
1284 tion de la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et de l’Église : au commencement furent la paroisse et la commun
1285 vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et de l’Église : au commencement furent la paroisse et la commune, totaleme
1286 t la paroisse et la commune, totalement inconnues de l’Orient ; les synodes et le sénat, d’où viennent nos parlements. Rie
1287 inconnues de l’Orient ; les synodes et le sénat, d’ où viennent nos parlements. Rien ne se ressemble plus que nos folklore
1288 s, prétendus « nationaux » par la science démodée de Herder et des romantiques mais dont la science actuelle tire au contr
1289 illeurs arguments pour démontrer l’unité foncière de nos peuples. Ni la musique ni la peinture, créations typiques de l’Eu
1290 Ni la musique ni la peinture, créations typiques de l’Europe, n’ont jamais été nationales : elles furent des œuvres colle
1291 es : elles furent des œuvres collectives, passant de foyers en écoles, du sud au nord, à l’ouest puis à l’est, au cours de
1292 ontières. Et enfin, et surtout, ce que nous avons de commun, c’est une certaine passion de différer, une certaine manière
1293 nous avons de commun, c’est une certaine passion de différer, une certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer
1294 ertaine passion de différer, une certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps mag
1295 ifférer, une certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps magique collectif. Déco
1296 ière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps magique collectif. Découverte par la Grèce avec
1297 r l’Église romaine et la Réforme avec leur notion de la personne, cette manière de se croire et de se sentir unique, carac
1298 me avec leur notion de la personne, cette manière de se croire et de se sentir unique, caractérise l’homo europæus, quelle
1299 ion de la personne, cette manière de se croire et de se sentir unique, caractérise l’homo europæus, quelle que soit d’aill
1300 oit d’ailleurs sa naissance, et le rend différent de l’Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non
1301 issance, et le rend différent de l’Hindou qui est d’ une caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non moins que du Soviéti
1302 e rend différent de l’Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non moins que du Soviétique condition
1303 Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui est d’ une tribu, non moins que du Soviétique conditionné par les décrets du
1304 moi dans le Tout. Le Soviétique n’a plus le droit de dire « je » que lorsqu’il s’avoue criminel. L’Européen seul a placé l
1305 el. L’Européen seul a placé la personne au-dessus de la collectivité. Comparées à la communauté fondamentale et millénaire
1306 parées à la communauté fondamentale et millénaire de nos structures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types
1307 auté fondamentale et millénaire de nos structures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types d’organisation so
1308 ntale et millénaire de nos structures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types d’organisation sociale et pol
1309 naire de nos structures de pensées, de nos formes d’ expression et de nos types d’organisation sociale et politique, nos di
1310 uctures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types d’organisation sociale et politique, nos divisions présente
1311 nsées, de nos formes d’expression et de nos types d’ organisation sociale et politique, nos divisions présentes perdent leu
1312 s redeviennent alors un trait fondamental du mode de vivre européen : chez nous seulement elles ont été admises (« Il y a
1313 belles créations. Certes, l’école par ses manuels d’ histoire, le journal par son exploitation des préjugés reçus de l’écol
1314 e journal par son exploitation des préjugés reçus de l’école, certaine littérature aussi pour laquelle tout ce qui est nat
1315 la réalité, cela ne signifie pas qu’il ait cessé de nuire. Les écrivains — poètes et philosophes — qui ont tant fait pour
1316 er au début du xixe siècle, pourraient beaucoup, de nos jours, pour nous en délivrer. Entre l’agoraphobie du nationalisme
1317 y a place pour un réalisme. t. Rougemont Denis de , « Unité et diversité de l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p.
1318 e. t. Rougemont Denis de, « Unité et diversité de l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p. 1.
15 1953, Articles divers (1951-1956). Pourquoi je suis Européen (20 juin 1953)
1319 été les raisons toutes personnelles qui ont fait de vous un partisan de l’Europe unie ? Je suis né à Neuchâtel, c’est-à-d
1320 tes personnelles qui ont fait de vous un partisan de l’Europe unie ? Je suis né à Neuchâtel, c’est-à-dire dans le canton q
1321 i-chemin entre France et Allemagne, avec beaucoup d’ ancêtres français et quelques allemands. Quand je me suis mis à voyage
1322 t, je ne me suis jamais senti étranger dans aucun de nos pays. Tel est, si vous le voulez, l’aspect « cosmopolite » de mon
1323 est, si vous le voulez, l’aspect « cosmopolite » de mon européanisme : il m’est instinctif, comme d’ailleurs beaucoup de
1324 comme d’ailleurs beaucoup de Suisses. Dès la fin de mes études, j’ai longuement habité Paris et la France, et c’est penda
1325 art de mes livres, tous centrés sur la définition d’ une doctrine personnaliste dont la traduction politique est, à mes yeu
1326 ençait à être connu en France, et j’avais coutume de l’opposer à Hegel, préférant, en philosophie comme en politique, la t
1327 à la synthèse. En 1938, j’ai publié mon Journal d’ Allemagne , à la fin duquel je dénonçais Hitler comme antieuropéen par
1328 publié un ouvrage intitulé Mission ou démission de la Suisse , dans lequel j’exposais plus nettement qu’auparavant la li
1329 ison nécessaire entre la conception personnaliste de l’homme, la doctrine, ou pour mieux dire, l’attitude fédéraliste, et
1330 eux dire, l’attitude fédéraliste, et la nécessité d’ une union européenne. C’est donc bien en tant que fédéraliste que je r
1331 en chemise brune ». Étant lecteur à l’Université de Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cour
1332 rune ». Étant lecteur à l’Université de Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cours sur le para
1333 Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cours sur le parallélisme entre les doctrines jacobines
1334 Du jacobinisme est sorti Napoléon et des guerres de Napoléon le nationalisme de tout un siècle. Napoléon voulait faire l’
1335 poléon et des guerres de Napoléon le nationalisme de tout un siècle. Napoléon voulait faire l’Europe, oui, mais comme Hitl
1336 et nécessairement totalitaire est le pire ennemi de l’Europe fédérée, dont la richesse et la créativité naissent de la di
1337 dérée, dont la richesse et la créativité naissent de la diversité. Mais si l’on insiste trop sur nos diversités, que devie
1338 ut-on la fonder ? Précisément, dans notre passion de différer les uns des autres : c’est ce que nous avons tous en commun.
1339 en ce moment un livre qui sera intitulé : Le Sens de nos vies x, et dans lequel j’esquisse une histoire de l’homme europée
1340 os vies x, et dans lequel j’esquisse une histoire de l’homme européen, ou plutôt de sa manière de dire « je » ou « moi ».
1341 uisse une histoire de l’homme européen, ou plutôt de sa manière de dire « je » ou « moi ». C’est là une notion essentielle
1342 oire de l’homme européen, ou plutôt de sa manière de dire « je » ou « moi ». C’est là une notion essentiellement européenn
1343 ntiellement européenne, et que nous avons eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notion de l’indi
1344 universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notion de l’individuel, les Russes font tout ce qu’ils peuvent pour l’interdire
1345 e à se déprimer en Amérique. Elle reste la source de nos grandeurs comme de nos faiblesses : notre risque créateur. Mais q
1346 ique. Elle reste la source de nos grandeurs comme de nos faiblesses : notre risque créateur. Mais quand je parle d’individ
1347 sses : notre risque créateur. Mais quand je parle d’ individu, il faut s’entendre. Le véritable Européen, c’est l’individu
1348 e, bien autre chose que l’entrée dans un parti !) D’ où notre critique de l’individualisme irresponsable qui, depuis le xvi
1349 que l’entrée dans un parti !) D’où notre critique de l’individualisme irresponsable qui, depuis le xviiie siècle, a prépa
1350 nisme lui a ajouté la vocation. L’individu chargé d’ une vocation qui, à la fois, le distingue de la tribu et le relie à so
1351 hargé d’une vocation qui, à la fois, le distingue de la tribu et le relie à son prochain, voilà la personne. On l’a dit :
1352 ne il y a des prochains… Mais nous nous éloignons de notre sujet… Tout ce que je viens de vous dire résume la phase doctri
1353 je viens de vous dire résume la phase doctrinale de mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ai
1354 a phase doctrinale de mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour
1355 de mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour une série de conf
1356 là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour une série de conférences. De là, j’ai été en Argentine et, à mon retour à New York
1357 oyé aux États-Unis pour une série de conférences. De là, j’ai été en Argentine et, à mon retour à New York, en novembre 19
1358 les États-Unis sont entrés en guerre : plus moyen de revenir en Suisse. À New York, j’ai fait une nouvelle découverte de l
1359 se. À New York, j’ai fait une nouvelle découverte de l’Europe. Aux yeux des Américains il n’y a pas des Français, des Suis
1360 is pas, alors, qu’Hitler s’était emparé du slogan de la « Nouvelle Europe »… À mon premier retour, en 1946, je fus invité
1361 ’Esprit européen » aux Rencontres internationales de Genève… En juillet 1947, rentrant d’un nouveau séjour à New York, je
1362 ernationales de Genève… En juillet 1947, rentrant d’ un nouveau séjour à New York, je reçus la visite de Raymond Silva, que
1363 ’un nouveau séjour à New York, je reçus la visite de Raymond Silva, que je ne connaissais pas, et qui, sans préambule, me
1364 nnaissais pas, et qui, sans préambule, me demanda d’ ouvrir par un discours le premier congrès fédéraliste qui allait se te
1365 situation politique que je n’avais pu suivre que de très loin, il me dit : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 193
1366 me dit : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 1939 et 1940 : c’est exactement ce que notre congrès attend. » Ainsi
1367 part par le nazisme, d’autre part par mes années d’ Amérique. Quelles sont à votre avis les maladies infantiles de la cons
1368 Quelles sont à votre avis les maladies infantiles de la construction européenne ? Il y a d’abord la maladie que j’appeller
1369 Je pense non seulement à l’instabilité politique de la France, mais aussi aux difficultés qu’elle éprouve à liquider le p
1370 ’elle éprouve à liquider le passé récent, la peur de l’Allemagne. La France, qui a été à l’avant-garde de la construction
1371 l’Allemagne. La France, qui a été à l’avant-garde de la construction européenne, en constitue aujourd’hui le point faible.
1372 is la faiblesse présente et les forces virtuelles de l’Europe. Nehru, énumérant les puissances qui comptent dans notre mon
1373 lle a infecté les autres continents. C’est à nous de trouver le contrepoison de ce nationalisme. Mais d’autre part il y a
1374 ntinents. C’est à nous de trouver le contrepoison de ce nationalisme. Mais d’autre part il y a nos forces réelles, dont il
1375 ndre conscience. Vous savez que c’est à ce réveil de la conscience européenne que sont consacrés tous les efforts du Centr
1376 la doctrine et surtout à la pratique fédéraliste de commencer par des petites réalisations, par quelques-uns, ceux qui ve
1377 ferme et solide. Et ce sera aussi l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mission de la Suisse. Je vais vous citer deux a
1378 l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mission de la Suisse. Je vais vous citer deux alexandrins qui résument parfaitem
1379 otre isolationnisme un peu mesquin et la grandeur de l’idée fédéraliste que nous avons réalisée en petit, et presque sans
1380 dernier mot. Saviez-vous que ces deux vers sont de Victor Hugo ? v. Rougemont Denis de, « [Entretien] Pourquoi je sui
1381 vers sont de Victor Hugo ? v. Rougemont Denis de , « [Entretien] Pourquoi je suis Européen », Jeune Europe, Paris, 20 j
1382 Propos recueillis par Charles Maignial, précédés de la note suivante : « Nous ne présenterons pas à nos lecteurs cet écri
1383 urs cet écrivain pénétrant devenu ardent militant de l’Europe qu’est Denis de Rougemont. Le directeur du Centre européen d
1384 eur du Centre européen de la culture s’est soumis de fort bonne grâce à cet examen de conscience européenne que nous somme
1385 ure s’est soumis de fort bonne grâce à cet examen de conscience européenne que nous sommes heureux de publier dans notre j
1386 de conscience européenne que nous sommes heureux de publier dans notre journal. » x. Aucun livre de Rougemont n’a été pu
1387 vue Preuves en juin 1952. L’Aventure occidentale de l’homme , et Lettre ouverte aux Européens approfondiront cette ques
16 1953, Articles divers (1951-1956). Une fausse nouvelle : « Dieu est mort » (juin-juillet 1953)
1388  Dieu est mort » (juin-juillet 1953)u Le thème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’u
1389 ort » (juin-juillet 1953)u Le thème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’une partie a
1390 hème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’une partie assez importante de la littérature
1391 a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’ une partie assez importante de la littérature contemporaine. Repris de
1392 a guerre la hantise d’une partie assez importante de la littérature contemporaine. Repris de Nietzsche vers 1944 par des é
1393 mportante de la littérature contemporaine. Repris de Nietzsche vers 1944 par des écrivains que les circonstances rendaient
1394 t répété par leurs disciples et cité comme allant de soi par ceux qui vivent de l’écho. Les bien-pensants s’indignent, com
1395 s et cité comme allant de soi par ceux qui vivent de l’écho. Les bien-pensants s’indignent, comme si l’on avait proféré un
1396 ’indignent, comme si l’on avait proféré un propos d’ une extrême gravité : attitude incompréhensible de la part des chrétie
1397 s chrétiens, qui devraient savoir que l’existence de Dieu n’est pas affectée par une polémique locale dans le temps et dan
1398 ailleurs divisé, des agnostiques. Déjà l’on parle de mystiques sans Dieu, des saints sans Dieu. Malraux se demande si la m
1399 s saints sans Dieu. Malraux se demande si la mort de Dieu n’entraîne pas celle de l’homme, — pensée difficile à comprendre
1400 e demande si la mort de Dieu n’entraîne pas celle de l’homme, — pensée difficile à comprendre. De jeunes romanciers s’auto
1401 elle de l’homme, — pensée difficile à comprendre. De jeunes romanciers s’autorisent de la « mort de Dieu » pour s’abandonn
1402 e à comprendre. De jeunes romanciers s’autorisent de la « mort de Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste de décrir
1403 e. De jeunes romanciers s’autorisent de la « mort de Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste de décrire un monde « 
1404 de Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste de décrire un monde « absurde », etc. Cependant, je ne vois pas que ce t
1405 té vraiment discuté, jusqu’ici. Du défi désespéré de Nietzsche, de l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguem
1406 scuté, jusqu’ici. Du défi désespéré de Nietzsche, de l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguement) supputé l
1407 sespéré de Nietzsche, de l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguement) supputé les effets sur la psychologie
1408 est mort, ce qu’ils entendent exactement par là ? De quel Dieu s’agit-il, en somme ? De celui qu’ils imaginent ou de celui
1409 ement par là ? De quel Dieu s’agit-il, en somme ? De celui qu’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’une carica
1410 ’agit-il, en somme ? De celui qu’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’une caricature commode ou de la premièr
1411 u’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’ une caricature commode ou de la première Personne de la Trinité ? Du D
1412 que beaucoup prient ? D’une caricature commode ou de la première Personne de la Trinité ? Du Dieu des philosophes ou du Di
1413 une caricature commode ou de la première Personne de la Trinité ? Du Dieu des philosophes ou du Dieu des Prophètes ? D’une
1414 u Dieu des philosophes ou du Dieu des Prophètes ? D’ une attitude psychologique ou d’une réalité ontologique ? Ou seulement
1415 u des Prophètes ? D’une attitude psychologique ou d’ une réalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’un nouveau co
1416 u d’une réalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’un nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’honnêt
1417 éalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’ un nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’honnête clarté,
1418 nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’ honnête clarté, ce serait le moyen de faire entrevoir quelques difficu
1419 cela un peu d’honnête clarté, ce serait le moyen de faire entrevoir quelques difficultés inextricables, où cette affirmat
1420 ù cette affirmation jette non seulement la pensée de ses auteurs récents, mais toute la pensée du type occidental. Gardons
1421 toute la pensée du type occidental. Gardons-nous d’ admettre — ce serait leur faire injure — qu’ils aient voulu dire simpl
1422 u romantisme ou même aux platitudes rationalistes de l’athéisme occidental, qu’ils ont largement reniés. Ils insistent, au
1423 ent, au contraire, par ce tour dramatique au goût de l’immédiate après-guerre, sur la nouveauté du message, et sur son obj
1424 ndent annoncer une nouvelle, la mauvaise nouvelle de la mort récente de Dieu, c’est-à-dire un anti-évangile (evangelos : l
1425 nouvelle, la mauvaise nouvelle de la mort récente de Dieu, c’est-à-dire un anti-évangile (evangelos : la bonne nouvelle).
1426  : la bonne nouvelle). Nous voici donc contraints d’ examiner premièrement les sources et, secondement, la crédibilité de l
1427 ement les sources et, secondement, la crédibilité de l’information. Je ne discuterai pas l’inventeur de la phrase : Nietzs
1428 e l’information. Je ne discuterai pas l’inventeur de la phrase : Nietzsche est un cas suffisamment connu7. Et, d’ailleurs,
1429 essage en écrivant un jour ceci : « La réfutation de Dieu : ce n’est que le Dieu moral qui est réfuté. » (Œuvres posthumes
1430 futé. » (Œuvres posthumes.) Tout autre est le cas de l’auteur contemporain auquel l’ignorance générale fait remonter la ru
1431 ur dont je parle, J.-P. Sartre. L’argument majeur de ce philosophe ne porte pas, bien entendu, sur l’essence de Dieu et du
1432 losophe ne porte pas, bien entendu, sur l’essence de Dieu et du diable, mais sur leur existence qui, selon lui, diminuerai
1433 ui, diminuerait ou supprimerait la responsabilité de l’homme. Si telle est bien sa position, l’on en déduit nécessairement
1434 puisqu’en son nom l’on peut trancher une question d’ existence réelle. Il ne faut pas que Dieu et le diable existent, car a
1435 t le diable existent, car alors la responsabilité de l’homme en pâtirait. Nous sommes donc en présence d’une morale fanati
1436 en présence d’une morale fanatique, c’est-à-dire d’ une morale prête à nier telle ou telle réalité8, pour peu que celle-ci
1437 fortement la responsabilité — cependant réelle — de l’homme. Il suffit pour que Sartre décrète que Dieu n’existe pas, et
1438 Dieu n’existe pas, et bien plus, qu’il est mort. D’ où peut lui venir cette passion de la responsabilité ? D’une volonté d
1439 qu’il est mort. D’où peut lui venir cette passion de la responsabilité ? D’une volonté d’affirmer l’homme et ses pouvoirs,
1440 ut lui venir cette passion de la responsabilité ? D’ une volonté d’affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’es
1441 ette passion de la responsabilité ? D’une volonté d’ affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’une manièr
1442 l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’ une manière analogue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri de
1443 ue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri de Nietzsche : comme une proclamation de l’avènement de l’homme. Ceci co
1444 ici le cri de Nietzsche : comme une proclamation de l’avènement de l’homme. Ceci couvre une étrange équivoque. En effet,
1445 Nietzsche : comme une proclamation de l’avènement de l’homme. Ceci couvre une étrange équivoque. En effet, Sartre ne prend
1446 t « responsable » au sens authentique et littéral de « capable de répondre » (de ses actes et pensées devant Dieu ou devan
1447 le » au sens authentique et littéral de « capable de répondre » (de ses actes et pensées devant Dieu ou devant autrui), ma
1448 thentique et littéral de « capable de répondre » ( de ses actes et pensées devant Dieu ou devant autrui), mais au sens de «
1449 nsées devant Dieu ou devant autrui), mais au sens de « capable de décider » (de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens ch
1450 Dieu ou devant autrui), mais au sens de « capable de décider » (de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de missi
1451 autrui), mais au sens de « capable de décider » ( de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à cel
1452 de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’aventurier qui assume ses risques et périls e
1453 ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’ aventurier qui assume ses risques et périls et qui les choisit souvera
1454 qui les choisit souverainement ; non pas au sens de créature, mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens d’un homme,
1455  ; non pas au sens de créature, mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens d’un homme, mais bien d’un dieu. Ce dernie
1456 , mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens d’ un homme, mais bien d’un dieu. Ce dernier trait est capital. On sent q
1457 démiurge ; non pas au sens d’un homme, mais bien d’ un dieu. Ce dernier trait est capital. On sent qu’il trahit un refus d
1458 trait est capital. On sent qu’il trahit un refus de la réalité donnée, la sienne d’abord (« Je vais me faire à mon idée »
1459 Je vais me faire à mon idée ») et par suite celle d’ autrui (« L’enfer, c’est les autres »). Il n’en marque pas moins la li
1460 les autres »). Il n’en marque pas moins la limite de l’arrogance intellectuelle, le terme délirant d’un individualisme de
1461 de l’arrogance intellectuelle, le terme délirant d’ un individualisme de surcompensation, qui ne pourra plus que se nier l
1462 llectuelle, le terme délirant d’un individualisme de surcompensation, qui ne pourra plus que se nier lui-même s’il veut re
1463 t rejoindre la morale. Il se niera donc au profit de quelque dictature collectiviste, car là seulement il croira retrouver
1464 p du communisme, où naguère encore on le traitait de rat visqueux, ou d’une manière plus précise, d’individualiste petit-b
1465 naguère encore on le traitait de rat visqueux, ou d’ une manière plus précise, d’individualiste petit-bourgeois. Ce rapide
1466 t de rat visqueux, ou d’une manière plus précise, d’ individualiste petit-bourgeois. Ce rapide examen des sources nous ramè
1467 apide examen des sources nous ramène à des prises de position peu compliquées. Sartre annonçant que Dieu est mort nous dit
1468 r l’homme. Il n’en résulte pas que Dieu ait cessé d’ exister, d’aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquemen
1469 Il n’en résulte pas que Dieu ait cessé d’exister, d’ aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’y a
1470 que Dieu ait cessé d’exister, d’aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’y a jamais eu dans l’H
1471 uement, il n’y a jamais eu dans l’Histoire autant d’ hommes qu’aujourd’hui pour affirmer qu’ils croient leur Dieu vivant. (
1472 u vivant. (Cf. les statistiques du christianisme, de l’islam et de bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons m
1473 les statistiques du christianisme, de l’islam et de bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons maintenant la c
1474 mmons païennes.) Voyons maintenant la crédibilité de la nouvelle. (Il est clair qu’elle ne peut être estimée sur le fait q
1475 e fait qu’une majorité la récuse.) ⁂ Hors du plan de la polémique, soit nietzschéenne, soit anticléricale, littéralement e
1476 évélation du Dieu vivant par l’Évangile, que dire de la révélation inverse que nous apportent ces deux hommes ? Nous somme
1477 ? Nous sommes en pleine absurdité. La crédibilité de la nouvelle est nulle. ⁂ Reste le fait que le Dieu du christianisme,
1478 fait que le Dieu du christianisme, du judaïsme et de l’islam, le Dieu qui s’intéresse à chaque homme (et même à chaque pas
1479 au dit l’Évangile), et cela dans le détail intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards d’humains souffrants ou méditan
1480 l intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards d’ humains souffrants ou méditants, génies ou pauvres types essayant de s
1481 ts ou méditants, génies ou pauvres types essayant de s’en tirer, ont prié et prient encore pour qu’il les assiste individu
1482 et absurde que toutes les absurdités que je viens d’ énumérer. À vrai dire, ce n’est pas surprenant. C’est même aisément ex
1483 gination aujourd’hui courante du cosmos. Question d’ échelle. Cette vermine fugitive que représente l’homme sur la terre, a
1484 gitive que représente l’homme sur la terre, atome d’ un système solaire, atome lui-même d’une galaxie, atome à son tour de
1485 terre, atome d’un système solaire, atome lui-même d’ une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’un univers à l’expan
1486 e, atome lui-même d’une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’un univers à l’expansion indéfinie… Et compter les c
1487 d’une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’ un univers à l’expansion indéfinie… Et compter les cheveux de sa tête 
1488 s à l’expansion indéfinie… Et compter les cheveux de sa tête ! Mais à l’inverse, le Dieu personnel redevient non seulement
1489 non seulement croyable mais indiscutable au sens de chaque vie, dès que le regard se tourne vers l’homme, vers un homme b
1490 , et le voit de plus en plus près, dans le secret de son cœur, dans le noyau de son esprit. « Dieu sensible au cœur », dis
1491 s près, dans le secret de son cœur, dans le noyau de son esprit. « Dieu sensible au cœur », disait Pascal. Et de même, l’é
1492 ne peut être décelée et étudiée que dans le noyau de l’atome, dans ce cœur du réel physique. Si nos savants s’étaient born
1493 es villes, la mer, le ciel, des autos, des livres d’ économie politique ou le sort des masses, l’énergie nucléaire non seul
1494 ût demeurée inimaginable. De même, il est absurde de « chercher Dieu dans la nature » ou dans l’Histoire, ou encore dans n
1495 sensible qu’au cœur, c’est-à-dire au plus intime d’ une personne bien réelle et distincte. Il est donc normal que le Dieu
1496 r lieu que dans l’intime, comme la transformation de l’énergie que dans l’infime, et comme l’amour nulle part ailleurs que
1497 s un cœur. 7. Voir le bref et admirable ouvrage de Karl Jaspers : Nietzsche et le christianisme. 8. Car Dieu, même si q
1498 majorité des hommes vivants. u. Rougemont Denis de , « Une fausse nouvelle : “Dieu est mort” », Liberté de l’esprit, Pari
1499  Une fausse nouvelle : “Dieu est mort” », Liberté de l’esprit, Paris, juin–juillet 1953, p. 141-142.
17 1954, Articles divers (1951-1956). Ce petit cap de l’Asie (1er juin 1954)
1500 lles villas qu’« occupent » les Asiatiques. C’est de l’attention mondiale qu’ils se sont emparés, et du jeu politique, et
1501 e qu’ils se sont emparés, et du jeu politique, et de l’initiative, et du calendrier de nos propres décisions, nous détourn
1502 u politique, et de l’initiative, et du calendrier de nos propres décisions, nous détournant ainsi du vrai problème, des vr
1503 nsi du vrai problème, des vrais périls urgents et de leur solution pour le salut de l’Occident. Même si la conférence de B
1504 périls urgents et de leur solution pour le salut de l’Occident. Même si la conférence de Berlin avait unifié l’Allemagne
1505 our le salut de l’Occident. Même si la conférence de Berlin avait unifié l’Allemagne et libéré l’Autriche, ces décisions n
1506 èsent sur l’ensemble du continent, les impératifs de son économie, et cette grande nostalgie de l’homme occidental, beauco
1507 ratifs de son économie, et cette grande nostalgie de l’homme occidental, beaucoup plus que la paix, qui demande un sens à
1508 ion à son espoir… Et cependant, si les rencontres de Berlin se sont soldées par un échec sur tous les points de l’ordre du
1509 se sont soldées par un échec sur tous les points de l’ordre du jour, elles n’en ont pas moins apporté un élément de pitto
1510 jour, elles n’en ont pas moins apporté un élément de pittoresque au débat sur l’union de l’Europe : M. Molotov, qui voit g
1511 té un élément de pittoresque au débat sur l’union de l’Europe : M. Molotov, qui voit grand, jugeant mesquine l’Europe des
1512 e de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions d’ habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’un bloc russe de 200
1513 d’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’ un bloc russe de 200 millions établissant d’un seul coup la balance. L
1514 ront sans doute rassurés à l’idée d’un bloc russe de 200 millions établissant d’un seul coup la balance. Les États-Unis dé
1515 déséquilibraient l’Alliance atlantique. La masse de l’URSS équilibrerait alors l’Alliance eurasiatique, cela saute aux ye
1516 géographique et matérialiste du monde, Retenons, de ces divagations, un fait curieux : l’idée européenne a fait de tel pr
1517 tions, un fait curieux : l’idée européenne a fait de tel progrès que M. Molotov ne peut plus la combattre sans feindre de
1518 M. Molotov ne peut plus la combattre sans feindre de l’accepter d’abord. Quitte à tenter de l’écraser par une surenchère i
1519 ns feindre de l’accepter d’abord. Quitte à tenter de l’écraser par une surenchère insensée. Et surtout soulignons d’autant
1520 ar une surenchère insensée. Et surtout soulignons d’ autant plus fortement que la presse a manqué de le faire qu’à la confé
1521 ns d’autant plus fortement que la presse a manqué de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’Europe unie a constitu
1522 la presse a manqué de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’Europe unie a constitué le plus sérieux atout des peu
1523 é de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’ Europe unie a constitué le plus sérieux atout des peuples libres dans
1524 onfrontation avec Moscou. Non point que le projet de CED et le projet de fédération qui est sa vraie base aient jamais été
1525 scou. Non point que le projet de CED et le projet de fédération qui est sa vraie base aient jamais été considéré comme mon
1526 aie base aient jamais été considéré comme monnaie d’ échange éventuelle — MM. Bidault et Eden l’ont précisé — mais ce sont
1527 sont ces projets qui ont mis l’Occident en mesure de discuter sur un fondement solide : nous avions quelque chose à défend
1528 pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun de nos peuples. La « conférence asiatique » s’ouvre à Genève à l’heure c
1529 l’heure choisie par l’Est. Du côté russe, l’idée de manœuvre est claire : fixer la France d’abord, puis la Grande-Bretagn
1530 s États-Unis, sur l’imbroglio des guerres locales d’ Extrême-Orient, afin de nous détourner du problème préalable qui reste
1531 e nous détourner du problème préalable qui reste, de toute évidence, l’union de l’Europe, condition de sa force (notre opi
1532 e préalable qui reste, de toute évidence, l’union de l’Europe, condition de sa force (notre opinion l’oublie. Molotov, non
1533 de toute évidence, l’union de l’Europe, condition de sa force (notre opinion l’oublie. Molotov, non). Longtemps, toute l’
1534 ttention du monde va se concentrer sur le théâtre d’ une bataille où l’Occident désormais joue perdant. Le monde entier ver
1535 s défaites militaires, et l’insolence des envoyés de l’Asie rouge distribuant à nos hommes d’État des camouflets très peu
1536 rrir la CED, seule capable — à tort ou à raison — d’ inspirer quelque crainte à la Russie. Dans son premier discours à Genè
1537 bout portant : il a déjà conquis nos six nations de l’Est, et quatre nations en Asie. Il baptise « paix » cette conquête
1538 rce et « provocation belliciste » toute tentative de résistance à son emprise. Annexer l’Indochine à l’empire communiste s
1539 l’Indochine à l’empire communiste serait un moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque celle-ci sera
1540 un moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque celle-ci serait ouverte à l’expansion russe et chinoi
1541 itive entre la France et l’Allemagne par le moyen de leur fédération, ce serait agir en « bellicistes », puisque ce serait
1542 ’Europe aux armées rouges. Sous la double poussée de la révolte asiatique et du colonialisme soviétique, une Europe persis
1543 croissantes ; par suite, l’invasion irrésistible de la propagande totalitaire, et démission finale entre les mains d’une
1544 totalitaire, et démission finale entre les mains d’ une petit groupe d’« apaiseurs », formule Bénès : on sait la suite. Se
1545 mission finale entre les mains d’une petit groupe d’ « apaiseurs », formule Bénès : on sait la suite. Seule riposte possibl
1546 le riposte possible : l’union européenne, capable d’ opposer aux Russes une puissance qui les tienne en respect. Et tout le
1547 nce qui les tienne en respect. Et tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprendre que son élan irrépressible vers l’indépenda
1548 arrêté par l’Europe, mais peut bien être détourné de ses fins par la Russie. Ils voient encore notre colonialisme. Ne saur
1549 a pas unie en temps utile si les efforts présents de fédération des Six échouent. (Début modeste, si l’on veut, mais seul
1550 Communauté politique et son élargissement rapide de toute l’Europe. L’enchaînement de ces faits laisse peu de jeu à l’ima
1551 issement rapide de toute l’Europe. L’enchaînement de ces faits laisse peu de jeu à l’imagination et aux surprises. Une rem
1552 sée : Si la CED était votée demain, la conférence de Genève se terminerait dans les huit jours, ayant perdu son intérêt st
1553 ective — qui déclasse brutalement les discussions de « préalables » » et de garanties à obtenir sur le papier contre une A
1554 rutalement les discussions de « préalables » » et de garanties à obtenir sur le papier contre une Allemagne d’après-demain
1555 ties à obtenir sur le papier contre une Allemagne d’ après-demain — que l’Histoire va juger le vote français sur le projet
1556 ’Histoire va juger le vote français sur le projet de CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend d’une poignée de député
1557 er le vote français sur le projet de CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend d’une poignée de députés dont on ne sau
1558 de CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend d’ une poignée de députés dont on ne saura jamais les noms : ceux qui se
1559 rt de l’Europe dans le monde dépend d’une poignée de députés dont on ne saura jamais les noms : ceux qui se décideront à l
1560 et Hannibal ante portas qu’on voudrait leur crier de Genève ? y. Rougemont Denis de, « Ce petit cap de l’Asie », Jeune
1561 rait leur crier de Genève ? y. Rougemont Denis de , « Ce petit cap de l’Asie », Jeune Europe, Paris, 1 juin 1954, p. 1 e
18 1954, Articles divers (1951-1956). La CED, ses mythes et sa réalité (12 août 1954)
1562 pour le moment qu’un traité, ou mieux, un projet de traité, dont tout le monde parle depuis deux ans, sur lequel tous les
1563 ens ont pris position en public ou dans le secret de leur cœur, mais que presque personne n’a lu ! On me confiait récemmen
1564  ! On me confiait récemment, à Paris, le résultat de sondages discrets opérés à la Chambre française : il semble qu’un peu
1565 la Chambre française : il semble qu’un peu moins d’ un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus
1566 n peu moins d’un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’un
1567 député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’un roman policier o
1568 rouve que le sort du traité, et par suite le sort de l’Europe, dépend en fait des députés français, appelés par M. Mendès
1569 endès France à le ratifier — ou non — vers la fin de ce mois. C’est dire que le lecteur moyen a bien le droit de demander
1570 . C’est dire que le lecteur moyen a bien le droit de demander à son tour, sans rougir de son ignorance : après tout, de qu
1571 bien le droit de demander à son tour, sans rougir de son ignorance : après tout, de quoi s’agit-il ? Je vais tenter de lui
1572 tour, sans rougir de son ignorance : après tout, de quoi s’agit-il ? Je vais tenter de lui répondre objectivement, sans c
1573  : après tout, de quoi s’agit-il ? Je vais tenter de lui répondre objectivement, sans cacher pour autant mes préférences.
1574 s cacher pour autant mes préférences. Naissance de l’idée Quelle était la situation lorsque le traité fut rédigé, au
1575 situation lorsque le traité fut rédigé, au début de 1952 ? En présence de l’URSS, disposant de plus de 200 divisions, l’E
1576 e 1952 ? En présence de l’URSS, disposant de plus de 200 divisions, l’Europe était pratiquement désarmée, à l’exception de
1577 Europe était pratiquement désarmée, à l’exception de la Suisse et de la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est di
1578 tiquement désarmée, à l’exception de la Suisse et de la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est dire que l’Europe
1579 e l’Europe dépendait, pour sa défense éventuelle, de quelques divisions américaines occupant leur secteur en Allemagne. Dé
1580 Américains trouvaient lourde et coûteuse la tâche de protéger l’Europe. Ils souhaitaient que nous les aidions à nous aider
1581 menacés, n’auraient-ils pas le droit et le devoir de reconstituer une armée ? — Les Hollandais, les Belges, et surtout les
1582 a se comprend. Une Wehrmacht autonome, renaissant de ses cendres, leur paraissait plus menaçante que rassurante. Son nom s
1583 çante que rassurante. Son nom seul leur rappelait de durs souvenirs. Elle pouvait aussi bien les attaquer que les protéger
1584 t défendre sérieusement l’Europe sans le concours d’ un de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première li
1585 endre sérieusement l’Europe sans le concours d’un de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première ligne ?
1586 sans le concours d’un de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première ligne ? C’est pour tenter de résoud
1587 se trouvait en première ligne ? C’est pour tenter de résoudre ce dilemme que fut conçue la CED. — Contre l’opinion (à l’ép
1588 urope — et enfin pour hâter l’indispensable union de nos pays, la France imagina le plan d’une « communauté de défense »,
1589 able union de nos pays, la France imagina le plan d’ une « communauté de défense », c’est-à-dire d’une armée européenne, re
1590 ays, la France imagina le plan d’une « communauté de défense », c’est-à-dire d’une armée européenne, remplaçant les armées
1591 lan d’une « communauté de défense », c’est-à-dire d’ une armée européenne, remplaçant les armées nationales. Après des mois
1592 remplaçant les armées nationales. Après des mois de discussions d’experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 p
1593 armées nationales. Après des mois de discussions d’ experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministre
1594 près des mois de discussions d’experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministres des Affaires étrang
1595 ix pays déjà liés par la Communauté du charbon et de l’acier, plus connue sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité qu’
1596 du charbon et de l’acier, plus connue sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité qu’ont déjà ratifié la Hollande et le L
1597 ourt. Son choix sera donc décisif. Après deux ans de débats passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’un peu plus
1598 e débats passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’un peu plus près de quoi l’on parle ? Quel est donc le contenu
1599 passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’ un peu plus près de quoi l’on parle ? Quel est donc le contenu du proj
1600 ient aussi qu’aucun État membre ne recrutera plus de forces armées nationales pour son propre compte, en dehors de celles
1601 es ressources militaires des six pays ? S’agit-il de mélanger les soldats allemands et français dans des compagnies comman
1602 ais lu le traité. En vérité, il s’agit simplement d’ un plan de mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs
1603 traité. En vérité, il s’agit simplement d’un plan de mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs propres o
1604 , il s’agit simplement d’un plan de mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs propres officiers jusqu’à
1605 s strictement nationales seront groupées en corps d’ armée et placées à la disposition d’un état-major général, qui, lui, s
1606 pées en corps d’armée et placées à la disposition d’ un état-major général, qui, lui, sera européen par sa composition et s
1607 à le cas, à quelques détails près ?) Les généraux de corps d’armée et d’armée pourront être choisis dans n’importe lequel
1608 à quelques détails près ?) Les généraux de corps d’ armée et d’armée pourront être choisis dans n’importe lequel des pays
1609 détails près ?) Les généraux de corps d’armée et d’ armée pourront être choisis dans n’importe lequel des pays membres. (C
1610 les deux dernières guerres.) Enfin, les méthodes d’ instruction et la production des armements seront standardisées. (D’où
1611 a production des armements seront standardisées. ( D’ où un considérable allègement des budgets militaires, et une efficacit
1612 hnique accrue.) Il s’agit donc, en fin de compte, de l’organisation dès le temps de paix d’un commandement suprême europée
1613 en fin de compte, de l’organisation dès le temps de paix d’un commandement suprême européen. — Mais quel sera le pouvoir
1614 de compte, de l’organisation dès le temps de paix d’ un commandement suprême européen. — Mais quel sera le pouvoir disposan
1615 e européen. — Mais quel sera le pouvoir disposant de cette armée ? Le traité prévoit un Conseil des ministres nationaux (r
1616 ministres nationaux (représentant le point de vue de chacun des six États considérés comme égaux), un Commissariat de 9 me
1617 ix États considérés comme égaux), un Commissariat de 9 membres, sorte de ministère européen de la Défense ; une Cour de ju
1618 comme égaux), un Commissariat de 9 membres, sorte de ministère européen de la Défense ; une Cour de justice et une Assembl
1619 ssariat de 9 membres, sorte de ministère européen de la Défense ; une Cour de justice et une Assemblée parlementaire, qui
1620 te de ministère européen de la Défense ; une Cour de justice et une Assemblée parlementaire, qui existent déjà : ce seraie
1621 le contrôle national et le contrôle démocratique de l’Armée commune. La procédure prévue pour la mobilisation et l’entrée
1622 tats, selon les cas) que l’on ne saurait imaginer d’ autre emploi de l’armée qu’en cas d’agression qualifiée contre un ou p
1623 cas) que l’on ne saurait imaginer d’autre emploi de l’armée qu’en cas d’agression qualifiée contre un ou plusieurs des Ét
1624 rait imaginer d’autre emploi de l’armée qu’en cas d’ agression qualifiée contre un ou plusieurs des États membres. Par sa s
1625 français vont-ils être commandés en allemand par d’ anciens feldweibel hitlériens ? » Ce serait en effet scandaleux pour l
1626 ndaleux pour le sentiment national des résistants de la dernière guerre. Mais c’est absolument exclu par les dispositions
1627 ntégration n’étant prévue qu’à l’échelon du corps d’ armée — nous venons de le voir. — « Mais si la France n’a pas le droit
1628 e le voir. — « Mais si la France n’a pas le droit d’ entretenir sa propre armée, comment défendra-t-elle ses colonies ? » p
1629 et suivants, autorisant un État membre à détacher de son contingent les forces nécessaires à la défense de ses territoires
1630 édé polémique des plus courants consiste à parler de la CED comme d’un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette conf
1631 s plus courants consiste à parler de la CED comme d’ un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beau
1632 s consiste à parler de la CED comme d’un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beaucoup de lecteu
1633 arler de la CED comme d’un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beaucoup de lecteurs, et tend à
1634 ecteurs, et tend à leur faire croire le contraire de ce qui est. Nous avons vu que le premier souci des auteurs français d
1635 ouci des auteurs français du traité fut justement d’ éliminer toute renaissance possible d’une Wehrmacht autonome. C’est au
1636 t justement d’éliminer toute renaissance possible d’ une Wehrmacht autonome. C’est au contraire si l’on refuse la CED que c
1637 rôle possible. J’entends et lis aussi des phrases de ce genre : « Ce traité désastreux va supprimer d’un trait de plume no
1638 de ce genre : « Ce traité désastreux va supprimer d’ un trait de plume notre glorieuse armée française, en même temps qu’il
1639  : « Ce traité désastreux va supprimer d’un trait de plume notre glorieuse armée française, en même temps qu’il réarmera l
1640 té. Si vraiment ce traité signifie la disparition de l’armée française, il empêche pour les mêmes raisons la réapparition
1641 il empêche pour les mêmes raisons la réapparition d’ une armée allemande. C’est en vertu d’une erreur semblable que d’excel
1642 emande. C’est en vertu d’une erreur semblable que d’ excellents patriotes redoutent « la perte de la souveraineté française
1643 e que d’excellents patriotes redoutent « la perte de la souveraineté française et la restitution de ses droits égaux à l’A
1644 te de la souveraineté française et la restitution de ses droits égaux à l’Allemagne ». En fait, le traité ne rend à l’Alle
1645 neté toute théorique que pour mieux lui permettre de la sacrifier aussitôt sur l’autel commun — au même titre que les cinq
1646 si l’Europe ne se donne pas elle-même les moyens d’ assurer sa défense, c’est-à-dire si elle refuse la CED, alors et dans
1647 Qui est pour ? qui est contre ? Après deux ans de discussions et à la veille des décisions finales, la répartition des
1648 , la répartition des adversaires et des partisans de la CED apparaît facile à décrire. On peut même la prévoir selon l’âge
1649 s du communisme, du nationalisme traditionnel, et de certains intérêts privés, calculant à court terme. Les communistes ve
1650 autre part, les personnes âgées qui vivent encore de souvenirs glorieux, et de rancunes qui parfois le sont moins, entreti
1651 âgées qui vivent encore de souvenirs glorieux, et de rancunes qui parfois le sont moins, entretiennent l’illusion touchant
1652 tant que moi ! En faveur de la CED, nous trouvons d’ une manière générale ceux qui ont compris qu’ils vivent au xxe siècle
1653 compris qu’ils vivent au xxe siècle, que le rêve d’ une souveraineté nationale sans limites n’est plus qu’un rêve, que l’E
1654 réelle, pour ne rien dire des révoltes montantes de l’Asie, de l’Afrique, du Proche-Orient… En faveur de la CED, je vois
1655 ur ne rien dire des révoltes montantes de l’Asie, de l’Afrique, du Proche-Orient… En faveur de la CED, je vois l’Histoire,
1656 is l’Histoire, le réalisme, la raison, la volonté de sauver nos libertés, et la jeunesse. Certes, on peut se demander s’il
1657 ’elle est, si prudente et respectueuse des droits de chacun des États membres, suffira pour notre défense. Je me pose moi-
1658 s je vois un pays réaliste qui, lui, ne doute pas de l’efficacité de la CED : c’est la Russie, dont tout l’effort diplomat
1659 s réaliste qui, lui, ne doute pas de l’efficacité de la CED : c’est la Russie, dont tout l’effort diplomatique, depuis deu
1660 surestime la CED, comment ne pas voir qu’au-delà de sa valeur militaire — dont chacun souhaite qu’elle n’ait jamais à fai
1661 ouvre toutes grandes les perspectives prochaines d’ une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour t
1662 erspectives prochaines d’une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour tout un continent — dont la
1663 une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour tout un continent — dont la Suisse est le cœur. z.
1664 ont la Suisse est le cœur. z. Rougemont Denis de , « La CED, ses mythes et sa réalité », L’Illustré, Lausanne, 12 août
19 1954, Articles divers (1951-1956). Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954)
1665 u nom desquels on le juge néfaste, et les maximes de l’action qui permettra de le surmonter. I. Naissance et proliférati
1666 néfaste, et les maximes de l’action qui permettra de le surmonter. I. Naissance et prolifération du nationalisme Goet
1667 u nationalisme Goethe, assistant à la bataille de Valmy, s’écriait : « De ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle
1668 , assistant à la bataille de Valmy, s’écriait : «  De ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cr
1669 à la bataille de Valmy, s’écriait : « De ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cri de « Vive
1670 on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cri de « Vive la Nation », clamé sur tout le front des troupes, que les Fran
1671 comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de « Gott mit uns ! » aussitôt exaucé, puisque par ce seul cri la batail
1672 , c’est donc un idéal, une idéologie, le principe d’ une nouvelle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté.
1673 ologie, le principe d’une nouvelle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’e
1674 e d’une nouvelle communauté non de naissance mais d’ avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du
1675 elle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du peuple tout
1676 gie n’est pas le fait du peuple tout entier, mais d’ un parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du p
1677 , mais d’un parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du pays, la première tâche de l’État sera d’écr
1678 l’État. À l’intérieur du pays, la première tâche de l’État sera d’écraser les opposants, car la nation est religion et le
1679 térieur du pays, la première tâche de l’État sera d’ écraser les opposants, car la nation est religion et les religions ne
1680 ne transigent pas. L’État se voit donc contraint de renforcer la police, de centraliser tous les éléments du pouvoir, et
1681 at se voit donc contraint de renforcer la police, de centraliser tous les éléments du pouvoir, et de transformer la justic
1682 , de centraliser tous les éléments du pouvoir, et de transformer la justice en instrument de l’idéologie, le tout au nom d
1683 uvoir, et de transformer la justice en instrument de l’idéologie, le tout au nom de la nation. Il confond dans une même ré
1684 viendrait mon juge ! pense l’État idéologique, né d’ une révolution sanglante, et qui se sait illégitime dans sa prétention
1685 moitié du peuple. Mais si, à l’intérieur, l’idée de nation devient entre les mains de l’État un instrument d’oppression e
1686 térieur, l’idée de nation devient entre les mains de l’État un instrument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’ext
1687 n devient entre les mains de l’État un instrument d’ oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir u
1688 les mains de l’État un instrument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument de
1689 rvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument de guerre déclarée. Pourquoi la nation doit-elle faire la guerre ? Tout
1690 me le dira Hegel. Ensuite, parce que la collusion de l’État centralisé et de la nation missionnaire produit comme résultan
1691 e, parce que la collusion de l’État centralisé et de la nation missionnaire produit comme résultante fatale l’impérialisme
1692 e : et voici la France napoléonienne. L’idéologie de la nation est par essence conquérante : elle veut apporter la Liberté
1693 les, par la force au besoin. De plus, à la faveur de ces guerres que l’État présente toujours comme une « défense de nos f
1694 par l’État : nous assistons à la première en date de toutes les « nationalisations », celle des patriotismes locaux ! Noto
1695 ée, justifie toujours le sacrifice « temporaire » de certaines libertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’urgen
1696 de certaines libertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on ait vue rapportée une
1697 bertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’ urgence, prises par l’État, qu’on ait vue rapportée une fois la paix r
1698 tée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme de l’État-nation non seulement conduit à la guerre, mais trouve en elle
1699 en elle les conditions du renforcement continuel de son pouvoir. Mais voici que la guerre nationale menée par les soldats
1700 e nationale menée par les soldats « libérateurs » de la Révolution et de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Eu
1701 r les soldats « libérateurs » de la Révolution et de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Europe l’idéologie uni
1702 e constituer. Hegel est la contrepartie réflexive de Napoléon. Hegel, conformément à l’esprit de Valmy, se représente la n
1703 exive de Napoléon. Hegel, conformément à l’esprit de Valmy, se représente la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce n
1704 e. « Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son caractère, mais c’est son esprit nation
1705 ure.) Cet esprit national est « un dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint
1706 domine le peuple qui incarne le plus haut concept de l’Esprit. » Voici donc les peuples élevés à la dignité d’intentions p
1707 rit. » Voici donc les peuples élevés à la dignité d’ intentions particulières de l’esprit mondial, mais en même temps, les
1708 es élevés à la dignité d’intentions particulières de l’esprit mondial, mais en même temps, les voici privés sous peine de
1709 voici privés sous peine de « nullité politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans l
1710 s peine de « nullité politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur et sans
1711 té politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous as
1712 ans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. ⁂ Mais cet Éta
1713 re. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. ⁂ Mais cet État-nation,
1714 ux nations. ⁂ Mais cet État-nation, une fois doué de toute la personnalité dont il tend à priver les hommes réels, comment
1715 -il se comporter dans le monde ? L’idéal primitif de la nation, confisqué par l’État français, lui-même confisqué par un C
1716 é et récemment conquis —, a conduit à des guerres d’ agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes, qui vont
1717 lismes, qui vont revendiquer à leur tour le droit de dominer l’époque, après s’être arrogé (au nom de la liberté) le droit
1718 rès s’être arrogé (au nom de la liberté) le droit de régner absolument sur leurs sujets. À cette fin, chacun prétendra qu’
1719 un prétendra qu’il incarne « le plus haut concept de l’esprit ». Pour la Prusse, l’idée de l’État définie par Hegel et Fic
1720 aut concept de l’esprit ». Pour la Prusse, l’idée de l’État définie par Hegel et Fichte. Pour l’Angleterre, la maîtrise de
1721 uie, l’Irlande et Israël se livrer au jeu pénible de restaurer artificiellement leur « langue nationale », parfaitement ou
1722 puis longtemps, afin de mieux prouver leur raison d’ être. Nationalisme de reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai
1723 de mieux prouver leur raison d’être. Nationalisme de reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai patriotisme, mais to
1724 ouver leur raison d’être. Nationalisme de reflet, d’ imitation, parfois plus proche du vrai patriotisme, mais tout aussi ja
1725 même hargneux que celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts de l’esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation
1726 celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts de l’esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longte
1727 u’au jour où seront proclamés certains « concepts de l’esprit » plus redoutables : encore la « race des maîtres », le « He
1728 vement parlant. À partir de Napoléon, les nations de l’Europe vont se conduire comme des « individus » sans foi ni loi, au
1729 foi ni loi, au détriment de la grande communauté de civilisation qu’était l’Europe. Chacune se dira « souveraine », à l’i
1730 e », à l’imitation des rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessu
1731 ptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc par le dro
1732 ions. Le droit divin se traduit donc par le droit de l’État le plus fort. Celui-ci ne connaît plus d’autres obligations qu
1733 passés avec ses concurrents, alliances ou traités de commerce révoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-
1734 ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-douzaine d’ « États-gangsters », follement susceptibles, dépourvus de tout scrupul
1735 ts-gangsters », follement susceptibles, dépourvus de tout scrupule communautaire, main dans la poche, prêts à tirer, vont
1736 , main dans la poche, prêts à tirer, vont essayer de faire la loi en Europe. On parlera beaucoup de « concert des nations 
1737 n parlera beaucoup de « concert des nations », et de « droit international », mais il est clair que ces États-nations-Indi
1738 on enseignement, en devenant elle-même une source de « sacré ». L’Aigle, les Trois Couleurs et le Petit Chapeau jouent au
1739 ouent au début le rôle du labarum, du crucifix et de la mitre. Les cérémonies viendront plus tard, avec les monuments aux
1740 l’instruction publique obligatoire se chargeront d’ en rédiger les hymnes et le catéchisme. Cette religion nationale, que
1741 era même pas le christianisme, elle se contentera de l’annexer dans les occasions décisives. Lorsqu’un Maurice Barrès célè
1742 rsqu’un Maurice Barrès célèbre l’union « sacrée » de la nation dans laquelle catholiques, protestants et agnostiques « oub
1743 ne proteste contre cette subordination méprisante de sa foi à l’esprit national. On n’y voit qu’une manière de parler… Et
1744 i à l’esprit national. On n’y voit qu’une manière de parler… Et cependant cet esprit national est un dieu bien réel, et qu
1745 roit vraiment, puisqu’il peut exiger le sacrifice de la vie même du citoyen. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vi
1746 e du citoyen. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vies ? Une certaine communion vague et puissante, qui permet à l’
1747 union vague et puissante, qui permet à l’individu de dépasser son horizon restreint, de s’affranchir de ses soucis privés
1748 t à l’individu de dépasser son horizon restreint, de s’affranchir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se senti
1749 e dépasser son horizon restreint, de s’affranchir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se sentir comme transpor
1750 t, de s’affranchir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se sentir comme transporté dans une espèce de transcend
1751 chir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vrai d
1752 et de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’un égoïsme, mais telle
1753 e de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’ un égoïsme, mais tellement élargi qu’il en devient vertu. On l’enseign
1754 vertu. On l’enseigne dans les écoles sous le nom de « patriotisme ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité, et jusq
1755 icites et honorables, dès qu’on les met au compte de la nation où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dir
1756 et au compte de la nation où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de
1757 ris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette
1758 l n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette religion nationale demeure bien
1759 dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette religion nationale demeure bien incapable d
1760 , cette religion nationale demeure bien incapable d’ animer l’existence tout entière de l’homme. « L’orgueil national est l
1761 bien incapable d’animer l’existence tout entière de l’homme. « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne » remarq
1762 ne donne, infiniment plus, à l’absurde. Principe de haine, plus que d’amour, la nation revendique des absolus dont il est
1763 nt plus, à l’absurde. Principe de haine, plus que d’ amour, la nation revendique des absolus dont il est manifeste qu’elle
1764 ement indigne et matériellement incapable : celui de la souveraineté sans limites, par exemple, qui est un des attributs d
1765 ns limites, par exemple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraisemblance. « La
1766 mple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraisemblance. « La France éternelle »
1767 ibuts de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraisemblance. « La France éternelle », « l’Allemagne immortell
1768 ortelle » sont des expressions courantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut des millions d’hommes, qui en oublient
1769 ps de guerre. Cette rhétorique émeut des millions d’ hommes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’Histoire. Ces c
1770 mes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’ Histoire. Ces contradictions essentielles — entre la souveraineté abso
1771 une et diverse, et cela suppose briser le carcan de l’État-nation, recréer des pouvoirs locaux, dévaloriser les frontière
1772 assumant au mépris des personnes ses prétentions d’ Église sans Dieu, et réclamant non seulement la mort en masse mais la
1773 t non seulement la mort en masse mais la totalité de la vie des hommes. Voilà le grand dilemme de notre temps. II. Crit
1774 lité de la vie des hommes. Voilà le grand dilemme de notre temps. II. Critique fédéraliste du nationalisme Appliquon
1775 t au moins dans nos réflexes acquis sur les bancs de l’école primaire. ⁂ La souveraineté nationale, tout d’abord. On a rem
1776 nfondaient sincèrement et réellement les concepts de patrie réelle, de nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple,
1777 ment et réellement les concepts de patrie réelle, de nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennell
1778 ement les concepts de patrie réelle, de nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennellement que la
1779 s’écria solennellement que la CED était « la fin de la France », parce que la CED prétendait limiter la souveraineté de l
1780 rce que la CED prétendait limiter la souveraineté de l’État dans le domaine militaire. À ses yeux donc, une France non abs
1781 eraine n’était plus la France. La seule évocation d’ une atteinte possible à la souveraineté absolue lui paraissait suffisa
1782 rès laïque M. Herriot est en réalité un fanatique de la religion de la nation. S’il n’était pas aveuglé par la superstitio
1783 erriot est en réalité un fanatique de la religion de la nation. S’il n’était pas aveuglé par la superstition jacobine, il
1784 bsolue n’est qu’un mythe, inventé par les prêtres de la nation dans le dessein d’asservir les esprits à l’État. La souvera
1785 enté par les prêtres de la nation dans le dessein d’ asservir les esprits à l’État. La souveraineté absolue n’existe pas, e
1786 i la souveraineté comme « la faculté pour un État d’ agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites
1787 ine ». Or il n’est pas un seul État européen qui, de nos jours, ait conservé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur. I
1788 ropéen qui, de nos jours, ait conservé la faculté d’ agir à sa guise à l’extérieur. Il n’en est pas un seul qui soit capabl
1789 térieur. Il n’en est pas un seul qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assure
1790 un seul qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assurer seul sa prospérité, de
1791 guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’ assurer seul sa prospérité, de se défendre seul pendant plus de quelqu
1792 comme il l’entend, d’assurer seul sa prospérité, de se défendre seul pendant plus de quelques heures contre une attaque d
1793 l sa prospérité, de se défendre seul pendant plus de quelques heures contre une attaque des Russes ou des Américains, bref
1794 re une attaque des Russes ou des Américains, bref de vivre en vase clos ou de jouer au pirate. Ces limites décisives à la
1795 ou des Américains, bref de vivre en vase clos ou de jouer au pirate. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont poin
1796 eté nationale, vis-à-vis de l’extérieur, n’a plus d’ autre existence que celle d’une illusion pseudo-religieuse et obsessiv
1797 l’extérieur, n’a plus d’autre existence que celle d’ une illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où la voit-on à l’œuvre ?
1798 mais seulement dans les discours des adversaires de la CED ou de toute autre forme d’organisation de l’Europe. Non pas co
1799 nt dans les discours des adversaires de la CED ou de toute autre forme d’organisation de l’Europe. Non pas comme une réali
1800 des adversaires de la CED ou de toute autre forme d’ organisation de l’Europe. Non pas comme une réalité, mais bien comme u
1801 de la CED ou de toute autre forme d’organisation de l’Europe. Non pas comme une réalité, mais bien comme un prétexte à re
1802 réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’une H
1803 ées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’ une Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout ang
1804 ’école, agressivité frustrée, et surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’un c
1805 entité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’ un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’
1806 donc pris les caractères cliniques d’un complexe. D’ où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réa
1807 où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevo
1808 apter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus g
1809 changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’ où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus grossières du commun
1810 r affectivité inquiète comme Iago sur la jalousie d’ Othello. D’où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saug
1811 té inquiète comme Iago sur la jalousie d’Othello. D’ où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui c
1812 lo. D’où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur la souverainet
1813 a souveraineté nationale absolue, qu’une attitude de scepticisme intégral, tempérée par un souci de clinicien : le nationa
1814 de de scepticisme intégral, tempérée par un souci de clinicien : le nationaliste, en effet, n’est pas simplement un homme
1815 on erreur. C’est bien plutôt un homme qui souffre de la crainte morbide de perdre une puissance magique qui n’existe pas !
1816 plutôt un homme qui souffre de la crainte morbide de perdre une puissance magique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup mo
1817 gique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’éviter d’exciter sa névrose. Nous reviendrons sur le
1818 pas ! Il s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’ éviter d’exciter sa névrose. Nous reviendrons sur les conséquences à t
1819 s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’éviter d’ exciter sa névrose. Nous reviendrons sur les conséquences à tirer de c
1820 se. Nous reviendrons sur les conséquences à tirer de ce diagnostic. ⁂ Un autre élément du nationalisme profondément induré
1821 depuis quatre ou cinq générations, par les soins de l’instruction publique, c’est la confusion établie entre « Patrie »,
1822 La Patrie, pour le fédéraliste, est une réalité d’ instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique
1823 our le fédéraliste, est une réalité d’instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique, une implanta
1824 t une réalité d’instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique, une implantation géophysique, loca
1825 contraire, est une réalité idéale ou idéologique. D’ où la différence foncière que voici : on peut annexer des peuples à un
1826 ent influencée et jamais déterminée par la nature de la patrie concrète, encore moins par ses limites naturelles. Il suffi
1827 ncore moins par ses limites naturelles. Il suffit de constater que la forme de l’État est à peu près la même de nos jours
1828 s naturelles. Il suffit de constater que la forme de l’État est à peu près la même de nos jours dans les patries et les na
1829 ter que la forme de l’État est à peu près la même de nos jours dans les patries et les nations les plus diverses. D’autre
1830 État n’entretient avec la nation que les rapports d’ usurpation et de confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la La
1831 t avec la nation que les rapports d’usurpation et de confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la Langue, elle ne co
1832 accablantes n’empêchent pas le nationaliste moyen de revendiquer l’annexion à son État, au nom de son propre sentiment pat
1833 État, au nom de son propre sentiment patriotique, de peuples qui ont l’honneur de parler sa langue, quand celle-ci se trou
1834 ntiment patriotique, de peuples qui ont l’honneur de parler sa langue, quand celle-ci se trouve être celle d’une majorité
1835 er sa langue, quand celle-ci se trouve être celle d’ une majorité dans les frontières actuelles de l’État en question. La c
1836 elle d’une majorité dans les frontières actuelles de l’État en question. La confusion Patrie-État-nation-Langue, résultat
1837 La confusion Patrie-État-nation-Langue, résultat d’ une ignorance crasse, sévit dans plusieurs chapitres des traités de Ve
1838 rasse, sévit dans plusieurs chapitres des traités de Versailles, Trianon et Saint-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle
1839 int-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle sert de prétexte au premier nigaud venu pour mettre en doute la possibilité d
1840 r nigaud venu pour mettre en doute la possibilité d’ une Europe unie. Dissocier ce conglomérat monstrueux, réfuter cette co
1841 confusion séculaire, la ridiculiser et l’extirper de l’enseignement, voilà qui me paraît l’une des toutes premières tâches
1842 urde. Non content de prétendre forcer dans le lit de Procuste des mêmes frontières administratives, patries locales, natio
1843 venu français ou allemand selon qu’il se trouvait d’ un côté ou de l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolong
1844 ou allemand selon qu’il se trouvait d’un côté ou de l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolongée dans le so
1845 d selon qu’il se trouvait d’un côté ou de l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolongée dans le sous-sol muet
1846 st qu’une transposition particulièrement insensée de la volonté d’isolement à la fois anxieux et agressif que représente l
1847 sposition particulièrement insensée de la volonté d’ isolement à la fois anxieux et agressif que représente l’État-nation.
1848 bien-être des hommes soit sacrifié à la puissance de l’État, et leurs libertés concrètes à sa liberté abstraite, qu’il nom
1849 humaine, puisqu’en fait on lui sacrifie la santé d’ un pays et son niveau de vie, la liberté économique et la justice elle
1850 la souveraineté absolue, elle ne représente rien d’ autre qu’une tendance psychologique morbide, un prétexte à refuser tou
1851 bide, un prétexte à refuser toute mesure réaliste de coopération et à autoriser les tricheries les plus effrontées dans le
1852 ris pour la religion, l’a remplacé par le concept de « culture nationale ». On prétend que les idées ne connaissent pas de
1853 le ». On prétend que les idées ne connaissent pas de frontières, mais l’instruction publique a changé cela. (Et l’Universi
1854 es encyclopédies et les revues parlent couramment de « science française », de « science allemande », etc. (variétés que l
1855 vues parlent couramment de « science française », de « science allemande », etc. (variétés que les Soviets englobent d’ail
1856 iets englobent d’ailleurs sous le titre diffamant de « science bourgeoise »). Sous Hitler, on parlait également de mathéma
1857 bourgeoise »). Sous Hitler, on parlait également de mathématiques allemandes, et sous Staline, d’une biologie marxiste. C
1858 ent de mathématiques allemandes, et sous Staline, d’ une biologie marxiste. Ces excès doivent nous rendre attentifs à l’usa
1859 une plus grande rigueur ? La volonté fondamentale de l’État-nation : imposer les mêmes frontières au patriotisme, à l’admi
1860 nationalisme. Et ceci nous permet, par contraste, de décrire l’attitude fédéraliste comme un simple retour au respect des
1861 mme une référence au bon sens. III. Deux modes de penser Il y a dans notre Europe du xxe siècle, deux types d’espri
1862 y a dans notre Europe du xxe siècle, deux types d’ esprit et de sensibilité politique : les nationalistes (dont les plus
1863 tre Europe du xxe siècle, deux types d’esprit et de sensibilité politique : les nationalistes (dont les plus conséquents
1864 on peut rapporter sans conteste à l’un ou l’autre de ces types d’esprit, dans le passé récent de l’Occident ? Le nationali
1865 rter sans conteste à l’un ou l’autre de ces types d’ esprit, dans le passé récent de l’Occident ? Le nationalisme a représe
1866 autre de ces types d’esprit, dans le passé récent de l’Occident ? Le nationalisme a représenté au xixe siècle le seul pri
1867 sme a représenté au xixe siècle le seul principe de communion civique qui ait survécu au raz-de-marée rationaliste et jac
1868 ionaliste et jacobin ; et aussi l’agent principal de l’expansion européenne. Ce sont en effet les États-nations, et non pa
1869 Européens, le nationalisme développait les germes de notre décadence. D’une part, chez les peuples lointains qu’il venait
1870 es peuples lointains qu’il venait de coloniser et d’ humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’« indépendance nation
1871 e coloniser et d’humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’« indépendance nationale » qui allait se dresser contre
1872 d’humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’ « indépendance nationale » qui allait se dresser contre lui au nom de
1873 14 et 1954, a connu la décadence rapide, la chute de potentiel, le recul mondial que l’on sait, elle le doit, à un double
1874 édéralisme a produit deux témoignages exemplaires de sa vitalité : les USA et la Suisse. Ces deux pays ont été à la fois l
1875 la fois les plus prospères et les plus pacifiques de l’ère moderne : ils n’ont provoqué aucune guerre. Toutes les dernière
1876 ique du xxe siècle, et avec les intérêts majeurs de l’Europe, tant spirituels que matériels. En s’opposant à l’ouverture
1877 ériels. En s’opposant à l’ouverture indispensable d’ un grand marché continental, il entretient dans les pays protectionnis
1878 leur nature, ou par leur portée, ou par leur coût de production, ou enfin par les échanges que ces techniques multiplient
1879 ’égoïsme politique mal compris opposent à l’union de l’Europe ; il est devenu au surplus une forme de pensée réactionnaire
1880 de l’Europe ; il est devenu au surplus une forme de pensée réactionnaire, un système de références démodé et rétrograde,
1881 lus une forme de pensée réactionnaire, un système de références démodé et rétrograde, et cela un siècle et demi seulement
1882 vec l’évolution technique et les nouvelles formes de la pensée scientifique. La pensée fédéraliste, en effet, se représent
1883 nte la société européenne comme une constellation de foyers créateurs, non comme un puzzle formé de pièces rigides et défi
1884 on de foyers créateurs, non comme un puzzle formé de pièces rigides et définies d’abord par leur contour. Elle conçoit les
1885 rapports humains et politiques comme un complexe de tensions normales entre des pôles opposés mais valables, non comme la
1886 opposés mais valables, non comme la juxtaposition de monades ou d’autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrech
1887 alables, non comme la juxtaposition de monades ou d’ autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalem
1888 position de monades ou d’autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalement. Nos coutumes et nos st
1889 le polémique ne lui apparaissent pas comme autant de contradictions insupportables, qu’il faut tenter de réduire à l’unifo
1890 contradictions insupportables, qu’il faut tenter de réduire à l’uniformité si l’on ne peut les isoler par des cloisons ét
1891 oler par des cloisons étanches, mais comme autant de valeurs « complémentaires », dont le dialogue fait la richesse de l’O
1892 plémentaires », dont le dialogue fait la richesse de l’Occident. Or nous voyons que la science actuelle pense également pa
1893 ue la science actuelle pense également par champs de forces en interaction, non par entités statiques, et qu’elle a substi
1894 tés statiques, et qu’elle a substitué au principe de non-contradiction qui bloquait le progrès des sciences physiques, le
1895 it le progrès des sciences physiques, le principe de complémentarité. Qu’il s’agisse de la théorie des jeux appliquée par
1896 s, le principe de complémentarité. Qu’il s’agisse de la théorie des jeux appliquée par von Neumann à la politique et à l’é
1897 ar von Neumann à la politique et à l’économie, ou de l’organisation technique des entreprises, la science actuelle dépasse
1898 à rechercher le meilleur équilibre « en tension » de deux groupes différents, sauvegardant de la sorte à la fois leur indi
1899 ension » de deux groupes différents, sauvegardant de la sorte à la fois leur individualité et leur relation créatrice. Il
1900 et leur relation créatrice. Il serait bien utile de prolonger ce parallèle dans le domaine de la biologie et de la psycho
1901 n utile de prolonger ce parallèle dans le domaine de la biologie et de la psychologie : je le suggère à des esprits plus c
1902 er ce parallèle dans le domaine de la biologie et de la psychologie : je le suggère à des esprits plus compétents. J’enten
1903 science moderne a conçue ; et il suppose un monde de relations libres et décentralisées qui est précisément celui que la t
1904 ans le droit fil des traditions les plus fécondes de l’Occident. On sait que l’Orient et l’Occident s’opposent comme le mo
1905 est aussi le principe vivant du fédéralisme. Être d’ une patrie locale en tant qu’on y est né, mais d’une religion universe
1906 d’une patrie locale en tant qu’on y est né, mais d’ une religion universelle en tant qu’on y croit ; se rattacher par la l
1907 ; pouvoir au surplus s’affilier à une telle école de pensée, d’art ou de doctrine politique, proche ou lointaine dans le t
1908 u surplus s’affilier à une telle école de pensée, d’ art ou de doctrine politique, proche ou lointaine dans le temps ou l’e
1909 s’affilier à une telle école de pensée, d’art ou de doctrine politique, proche ou lointaine dans le temps ou l’espace, se
1910 qu’une dispersion qui l’angoisse et où il craint de perdre son identité. Le fédéraliste au contraire y voit une possibili
1911 e fédéraliste au contraire y voit une possibilité d’ enrichissement de la personne. (J’ai souvent défini la liberté comme l
1912 contraire y voit une possibilité d’enrichissement de la personne. (J’ai souvent défini la liberté comme le droit d’apparte
1913 e. (J’ai souvent défini la liberté comme le droit d’ appartenir à plusieurs clubs !) Ce pluralisme redouté par le nationali
1914 alitaire, est le secret des pouvoirs créateurs et de la santé mentale de l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédérali
1915 ret des pouvoirs créateurs et de la santé mentale de l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédéralisme est dans la lign
1916 rappellerai que le fédéralisme est dans la ligne de la pensée chrétienne, alors que le nationalisme est foncièrement païe
1917 ment païen, idolâtre et antichrétien. L’idée même de nation est étrangère au dogme et à la foi chrétienne. Le Christ est m
1918 che une organisation personnaliste et fédéraliste de la société et de la communauté des peuples. Là encore, la cause est j
1919 ion personnaliste et fédéraliste de la société et de la communauté des peuples. Là encore, la cause est jugée. L’Histoire,
1920 ent sans appel le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe et de sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme
1921 le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe et de sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme Et cependant,
1922 tionalistes ont sur nous les avantages du nombre, d’ une routine centenaire (qu’ils prennent à tort pour la tradition), du
1923 cocardier, encore si puissant sur les foules, et de l’appui d’intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous av
1924 encore si puissant sur les foules, et de l’appui d’ intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous avons sur eux
1925 aut. Mais nous avons sur eux l’avantage important de défendre une cause qu’ils n’osent pas attaquer : celle de l’union eur
1926 dre une cause qu’ils n’osent pas attaquer : celle de l’union européenne. Il est clair que tous les obstacles à cette union
1927 férents prétextes, mais ils lui rendent l’hommage d’ une adhésion de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le n
1928 es, mais ils lui rendent l’hommage d’une adhésion de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le nationalisme ren
1929 e d’une adhésion de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le nationalisme rend à l’Europe unie. Et M. Molotov
1930 lisme, c’est-à-dire en tenant compte à chaque pas de cette double nécessité : instituer une union réelle, sauvegarder nos
1931 is si l’on opprime ses diversités, l’Europe cesse d’ être elle-même. Ces deux exigences, bien moins contradictoires que « c
1932 Europe, et que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt d’opposer leurs « solutions de rechange » à notre volonté const
1933 t que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt d’ opposer leurs « solutions de rechange » à notre volonté constructive.
1934 esseront pas de sitôt d’opposer leurs « solutions de rechange » à notre volonté constructive. Quelles seront les maximes d
1935 volonté constructive. Quelles seront les maximes de notre lutte, dans cette situation de fait ? ⁂ J’envisagerai trois exe
1936 les maximes de notre lutte, dans cette situation de fait ? ⁂ J’envisagerai trois exemples typiques, l’un concernant la po
1937 culture. 1° — Il y a d’abord la fameuse querelle de la souveraineté nationale. Faut-il la sacrifier ? Suffit-il de la lim
1938 ineté nationale. Faut-il la sacrifier ? Suffit-il de la limiter ? Ou bien peut-on la conserver tout en faisant l’Europe ?
1939 comme M. Herriot, nous disent qu’ils veulent bien d’ une Europe unie, à condition qu’elle respecte les souverainetés nation
1940 elle conduit à refuser toute proposition concrète d’ union — on vient de le voir par le rejet de la CED. Ceci dit, les fédé
1941 ncrète d’union — on vient de le voir par le rejet de la CED. Ceci dit, les fédéralistes doivent-ils engager la bataille su
1942 stes doivent-ils engager la bataille sur le thème de « l’abandon des souverainetés » ? Je ne le crois pas, pour deux raiso
1943 e un mythe puissamment agissant sur les primaires de la presse, des parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. D
1944 ur les primaires de la presse, des parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque un
1945 la presse, des parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque une opposition passio
1946 emme : souveraineté ou fédération. Et sur la base d’ une expérience historique probante, je leur propose une solution prati
1947 s réussies, on peut citer la Suisse sans soulever d’ objections. Chacun sait que son régime politique est l’un des plus sta
1948 r par les 22 cantons qui étaient encore, au début de 1848, des États parfaitement souverains. Tout le monde admettait, à c
1949 ns étouffaient l’économie. Mais toute proposition de pacte fédéral plus étroit se heurtait au veto des cantons, jaloux de
1950 us étroit se heurtait au veto des cantons, jaloux de leur souveraineté sacrée. La solution qui s’imposa finalement, au len
1951 La solution qui s’imposa finalement, au lendemain de la guerre civile dite du Sonderbund (1847), fut la suivante : loin d’
1952 dite du Sonderbund (1847), fut la suivante : loin d’ exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, la Constituti
1953 ation à leur souveraineté, la Constitution suisse de 1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle
1954 . — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance… forment dans leur ensemble
1955 e depuis cent-six ans. On peut les qualifier soit d’ habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pr
1956 peut les qualifier soit d’habile compromis, soit d’ échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.
1957 ue ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant ell
1958 st pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres !
1959 Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres ! Souveraineté plus ou moins fictive, direz-vous ? Raison
1960 iveau de la fédération. Tout cela me paraît plein d’ enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Tout cela nous indique une
1961 ela me paraît plein d’enseignements pour l’Europe d’ aujourd’hui. Tout cela nous indique une voie : nous devons désormais c
1962 sur la mise en discussion et sur la ratification d’ une Constitution fédérale de l’Europe, afin que l’Europe recouvre, ent
1963 t sur la ratification d’une Constitution fédérale de l’Europe, afin que l’Europe recouvre, entre les grands empires, une s
1964 les grands empires, une souveraineté qui échappe de toute manière à ses nations. Nous savons bien comment vont réagir le
1965 dissimuler derrière ce petit préfixe leur qualité d’ adversaires réels de l’union. Mais là encore, je demande que les fédér
1966 ce petit préfixe leur qualité d’adversaires réels de l’union. Mais là encore, je demande que les fédéralistes refusent de
1967 encore, je demande que les fédéralistes refusent de se battre pour des mots trompeurs. C’est le contenu et la visée fédér
1968 ce faux dilemme, pour la même raison qu’il refuse de choisir entre les autonomies régionales absolues et l’unification for
1969 me est une manière souple et sans cesse réajustée de distinguer entre ce qui doit être mis en commun pour mieux fonctionne
1970 nes la part des automatismes nécessaires et celle de l’invention libre, la part des fonctions étatiques collectivisées et
1971 risques personnels. Les nationalistes, incapables de nier la nécessité d’une coopération continentale, ne proposent que de
1972 es nationalistes, incapables de nier la nécessité d’ une coopération continentale, ne proposent que des marchandages entre
1973 services fédéraux organisant toutes les activités de production, d’investissement et de transport qui, par nature, déborde
1974 ux organisant toutes les activités de production, d’ investissement et de transport qui, par nature, débordent la capacité
1975 les activités de production, d’investissement et de transport qui, par nature, débordent la capacité d’un seul pays ; et
1976 transport qui, par nature, débordent la capacité d’ un seul pays ; et nous demandons la libération correspondante ou compl
1977 ou complémentaire des entreprises dont l’optimum de production reste local ou régional. Ici, comme sur le plan des struct
1978 puis ici qu’indiquer sommairement cette direction de recherches économiques. Mais je tenais à marquer son articulation sol
1979 ’autre part. 3° — Deux mots enfin sur le problème de la culture. Il est une phrase que je retrouve dans tous les plans et
1980 t même par Strasbourg : il s’agit, nous dit-on, «  d’ organiser des échanges culturels entre nations ». Une sensibilité fédé
1981 cidentale n’a jamais coïncidé avec les frontières de nos États actuels, pour l’excellente raison qu’elle existait bien ava
1982 n qu’elle existait bien avant eux. Elle a précédé de mille à deux-mille ans la tentative de morceler notre héritage commun
1983 a précédé de mille à deux-mille ans la tentative de morceler notre héritage commun en « cultures nationales », tentative
1984 leurs avortée, qui n’a guère qu’un siècle et demi d’ âge en France, moins d’un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’
1985 guère qu’un siècle et demi d’âge en France, moins d’ un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’années en Turquie et en
1986 ns d’un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’ années en Turquie et en Irlande. Jamais la culture en Europe ne s’est
1987 éveloppée par des échanges contrôlés et officiels de nation à nation. Elle est née dans des foyers locaux qui ne correspon
1988 ns des foyers locaux qui ne correspondent à aucun de nos États-nations — la Lombardie, l’Ombrie, les Flandres, la Rhénanie
1989 is, Bâle ou Oxford. Elle s’est propagée librement de l’un à l’autre de ces foyers. Et grâce à cette interaction perpétuell
1990 tes ses formes nous sont communes, qu’il s’agisse de la symphonie ou du concerto, du roman ou du sonnet, de l’équation ou
1991 symphonie ou du concerto, du roman ou du sonnet, de l’équation ou de la théorie des groupes, de la fresque ou du tableau
1992 concerto, du roman ou du sonnet, de l’équation ou de la théorie des groupes, de la fresque ou du tableau de chevalet, du v
1993 nnet, de l’équation ou de la théorie des groupes, de la fresque ou du tableau de chevalet, du vocabulaire ou des catégorie
1994 théorie des groupes, de la fresque ou du tableau de chevalet, du vocabulaire ou des catégories philosophiques, et en géné
1995 e ou des catégories philosophiques, et en général de toutes les théories et procédés scientifiques. À quoi servirait, dès
1996 océdés scientifiques. À quoi servirait, dès lors, de « multiplier les échanges culturels » comme on dit, entre la Suède et
1997 peuples à se mieux connaître » par le truchement d’ œuvres d’art nées sur leur territoire actuel. Les artistes les plus ty
1998 territoire actuel. Les artistes les plus typiques de l’esprit national d’un peuple sont en général les plus mauvais. Ce n’
1999 s artistes les plus typiques de l’esprit national d’ un peuple sont en général les plus mauvais. Ce n’est pas Mallarmé, ni
2000 comme telle. Et les peuples ont bien moins besoin de se connaître personnellement que d’être enfin débarrassés de l’enseig
2001 moins besoin de se connaître personnellement que d’ être enfin débarrassés de l’enseignement nationaliste, qui leur inculq
2002 ître personnellement que d’être enfin débarrassés de l’enseignement nationaliste, qui leur inculque dès l’enfance la méfia
2003 ur inculque dès l’enfance la méfiance et la haine de leurs voisins. Il résulte de ces brèves remarques que préconiser comm
2004 méfiance et la haine de leurs voisins. Il résulte de ces brèves remarques que préconiser comme on fait des échanges cultur
2005 e préconiser comme on fait des échanges culturels de nation à nation, c’est essayer de consolider les mythes nationalistes
2006 anges culturels de nation à nation, c’est essayer de consolider les mythes nationalistes, c’est reconnaître aux États le d
2007 tionalistes, c’est reconnaître aux États le droit d’ élever ou d’abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des id
2008 c’est reconnaître aux États le droit d’élever ou d’ abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des idées et des œ
2009 ulturels. La culture est par essence un phénomène d’ échanges libres ; elle meurt d’être enfermée dans des cadres administr
2010 sence un phénomène d’échanges libres ; elle meurt d’ être enfermée dans des cadres administratifs ou nationaux ; et ce n’es
2011 n’est pas une libération surveillée des échanges de prison à prison que nous devons exiger mais l’élargissement immédiat
2012 u — j’entends : la suppression totale des mesures de discrimination nationales et des barrières douanières imposées à la v
2013 barrières douanières imposées à la vie culturelle de l’Europe et à ses produits. Les États — et demain le Pouvoir fédéral
2014 n le Pouvoir fédéral européen — n’ont qu’un moyen d’ aider la culture : c’est d’offrir à ceux qui la créent et la transmett
2015 en — n’ont qu’un moyen d’aider la culture : c’est d’ offrir à ceux qui la créent et la transmettent les moyens de vivre déc
2016 ceux qui la créent et la transmettent les moyens de vivre décemment. Et quant à ceux qui feignent de redouter que la supp
2017 de vivre décemment. Et quant à ceux qui feignent de redouter que la suppression des frontières « culturelles » entraîne u
2018 ières « culturelles » entraîne un affreux mélange de nos vertus et caractères nationaux, nous leur dirons : qu’est-ce que
2019 est-ce que votre « génie national » s’il a besoin d’ être entouré par des douaniers pour ne pas se perdre ? Conclusions
2020 clusions J’ai tenté par ces quelques exemples, de montrer comment l’analyse fédéraliste, en même temps qu’elle rend com
2021 emps qu’elle rend compte des causes nationalistes de la décadence de l’Europe, dégage les principes d’une méthode et les m
2022 d compte des causes nationalistes de la décadence de l’Europe, dégage les principes d’une méthode et les maximes d’une act
2023 de la décadence de l’Europe, dégage les principes d’ une méthode et les maximes d’une action seules susceptibles de conduir
2024 dégage les principes d’une méthode et les maximes d’ une action seules susceptibles de conduire à une union vivante de nos
2025 e et les maximes d’une action seules susceptibles de conduire à une union vivante de nos peuples. Dans chaque cas, mes con
2026 ules susceptibles de conduire à une union vivante de nos peuples. Dans chaque cas, mes conclusions ont été pareilles : ell
2027 seul objectif décisif : la Constitution fédérale de l’Europe. La méthode proposée par les Anglais et baptisée « fonctionn
2028 iste. Mais elle a conduit à l’échec. Elle a servi de prétexte à trop de marchandages entre les vraies forces d’union et le
2029 onduit à l’échec. Elle a servi de prétexte à trop de marchandages entre les vraies forces d’union et les répugnances natio
2030 te à trop de marchandages entre les vraies forces d’ union et les répugnances nationalistes, plus ou moins avouées comme te
2031 lisme le plus franc qui a triomphé, lors du refus de la CED. Nous voyons donc qu’il n’est pas plus facile de faire l’Europ
2032 CED. Nous voyons donc qu’il n’est pas plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que de la faire dans un seul é
2033 ile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que de la faire dans un seul élan. Tourner un à un les obstacles multipliés
2034 les saboteurs sournois, n’est pas plus facile que d’ attaquer de front, franchement, une fois pour toutes, ce qui inspire t
2035 rs sournois, n’est pas plus facile que d’attaquer de front, franchement, une fois pour toutes, ce qui inspire toutes les r
2036  : l’esprit nationaliste. aa. Rougemont Denis de , « Fédéralisme et nationalisme », Fédération, Paris, septembre–octobr
20 1955, Articles divers (1951-1956). Une présence (1955)
2037 Une présence (1955)ab Depuis le début de l’ère des dictatures, nombre d’intellectuels occidentaux et asiatique
2038 Depuis le début de l’ère des dictatures, nombre d’ intellectuels occidentaux et asiatiques nous répètent qu’il est imposs
2039 et asiatiques nous répètent qu’il est impossible de résister au fanatisme politique sans devenir soi-même fanatique, de l
2040 atisme politique sans devenir soi-même fanatique, de lutter contre le fascisme sans adopter la ligne communiste, ou de lut
2041 le fascisme sans adopter la ligne communiste, ou de lutter contre le stalinisme sans adopter les procédés fascistes. Le r
2042 rand que par crainte de le courir ils choisissent de ne point résister du tout, et de s’inscrire par exemple aux « partisa
2043 ils choisissent de ne point résister du tout, et de s’inscrire par exemple aux « partisans de la paix », qui sont ceux d’
2044 out, et de s’inscrire par exemple aux « partisans de la paix », qui sont ceux d’une armée et de sa politique. L’action du
2045 emple aux « partisans de la paix », qui sont ceux d’ une armée et de sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de l
2046 tisans de la paix », qui sont ceux d’une armée et de sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de la culture, depu
2047 sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de la culture, depuis cinq ans, a démontré la possibilité de lutter libr
2048 lture, depuis cinq ans, a démontré la possibilité de lutter librement contre la tyrannie, et de surmonter le défaitisme an
2049 bilité de lutter librement contre la tyrannie, et de surmonter le défaitisme anxieux d’une intelligentsia trop facilement
2050 a tyrannie, et de surmonter le défaitisme anxieux d’ une intelligentsia trop facilement dupée par les prétextes humanitaire
2051 p facilement dupée par les prétextes humanitaires de la Terreur. Nous n’avons pas opposé à la propagande des Bons Tyrans j
2052 acrifice « temporaire » mais concret des libertés de la personne et des impératifs de la justice. Mais nous avons créé un
2053 ret des libertés de la personne et des impératifs de la justice. Mais nous avons créé un point de ralliement pour des espr
2054 tifs de la justice. Mais nous avons créé un point de ralliement pour des esprits venus d’horizons différents, et visant de
2055 réé un point de ralliement pour des esprits venus d’ horizons différents, et visant des buts très divers. Quoi de commun, p
2056 différents, et visant des buts très divers. Quoi de commun, pourrait-on demander, entre nos présidents d’honneur ? Entre
2057 ommun, pourrait-on demander, entre nos présidents d’ honneur ? Entre Maritain et Russell, entre Niebuhr et Madariaga, entre
2058 ebuhr et Madariaga, entre Jaspers et Croce ? Rien de facile à définir, sans doute. Pas un slogan. Mais ce fait et ce mode
2059 ans doute. Pas un slogan. Mais ce fait et ce mode d’ expérience — comme l’eût dit John Dewey, leur grand aîné — qu’est l’ex
2060 grand aîné — qu’est l’exercice vivant et militant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps. Quels furent
2061 u’est l’exercice vivant et militant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps. Quels furent les actes du
2062 itant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps. Quels furent les actes du Congrès pendant cinq ans ? On
2063 cinq ans ? On rappelle plus loin nos conférences de savants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes,
2064 On rappelle plus loin nos conférences de savants, d’ écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues e
2065 lus loin nos conférences de savants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues et publication
2066 onférences de savants, d’écrivains, de musiciens, d’ économistes et de philosophes, nos revues et publications, nos spectac
2067 ants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues et publications, nos spectacles et nos débats
2068 spectacles et nos débats, et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et
2069 et nos débats, et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan.
2070 et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais si
2071 ndes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement me
2072 ons de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en re
2073 , de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en relief un fait 
2074 , de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en relief un fait : celui de not
2075 drais simplement mettre en relief un fait : celui de notre Rassemblement. Peut-être a-t-il contribué plus qu’on ne le croi
2076 bué plus qu’on ne le croit à changer l’atmosphère de l’après-guerre mondiale. La mode était aux démissions de l’esprit dev
2077 rès-guerre mondiale. La mode était aux démissions de l’esprit devant l’autel d’une Histoire déifiée. Les hommes libres se
2078 e était aux démissions de l’esprit devant l’autel d’ une Histoire déifiée. Les hommes libres se sentaient seuls. Ils ont tr
2079 ns renoncer à sa vocation. Ce n’est pas un ersatz d’ église, ce n’est pas un parti jaloux, ce n’est pas un bastion de défen
2080 ’est pas un parti jaloux, ce n’est pas un bastion de défense. C’est plutôt un réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo
2081 pas un bastion de défense. C’est plutôt un réseau d’ amitiés agissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-O
2082 ense. C’est plutôt un réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Me
2083 un réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une vo
2084 gissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une volonté de justice qui s
2085 lin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une volonté de justice qui se moque des opportunismes et c’est une action permanente
2086 , le Congrès va mener plus que jamais l’offensive de la liberté, sa vraie lutte pour une paix vivante. ab. Rougemont De
2087 tte pour une paix vivante. ab. Rougemont Denis de , « Une présence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955). L
2088 . Rougemont Denis de, « Une présence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955). Le Congrès pour la liberté de la
2089 1950-septembre 1955). Le Congrès pour la liberté de la culture, Paris, 1955, p. 5-6.
21 1955, Articles divers (1951-1956). Reynold et l’Europe (1955)
2090 955)ac Il y a quinze ans j’osais louer Reynold de n’avoir pas craint de porter un jugement pessimiste sur l’avenir immé
2091 e ans j’osais louer Reynold de n’avoir pas craint de porter un jugement pessimiste sur l’avenir immédiat de la Suisse, sau
2092 rter un jugement pessimiste sur l’avenir immédiat de la Suisse, sauvant ainsi chez nous le sens du pire, la conscience d’u
2093 nt ainsi chez nous le sens du pire, la conscience d’ une menace totale à laquelle, pour faire face, il fallait d’abord croi
2094 , c’est pour une part minime mais qui est la part de l’homme, parce que Reynold a eu raison et parce qu’il a su se faire e
2095 ire entendre. Cités et pays suisses et Conscience de la Suisse — l’avertissement venant après l’illustration —, ces deux l
2096 stration —, ces deux livres ont porté, et je suis de ceux qui tiennent pour capital leur rôle dans la défense de ce pays,
2097 us qui tiennent un peuple ensemble. Dans la liste de ses ouvrages, je trouve un tournant symbolique, vers 1940 précisément
2098 que, vers 1940 précisément : succédant à Grandeur de la Suisse, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’un grand œuv
2099 isse, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’ un grand œuvre consacré à la formation du plus vaste ensemble historiq
2100 istorique dans lequel se situe la Suisse. Le sens de la grandeur et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Sui
2101 itue la Suisse. Le sens de la grandeur et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et de la
2102 r et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et de la Suisse « concrète » (comme on dit bie
2103 ilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et de la Suisse « concrète » (comme on dit bien à tort), celle qui ne prend
2104 fois spirituelles et historiques, qui sont celles de l’Europe entière ? Cités et pays suisses nous disait qui nous sommes,
2105 uisses nous disait qui nous sommes, et Conscience de la Suisse, où nous en sommes. Formation de l’Europe montre d’où nous
2106 cience de la Suisse, où nous en sommes. Formation de l’Europe montre d’où nous venons. Ces repères définissent un axe. Cet
2107 , où nous en sommes. Formation de l’Europe montre d’ où nous venons. Ces repères définissent un axe. Cet axe part de l’Euro
2108 ons. Ces repères définissent un axe. Cet axe part de l’Europe des Romains et des Francs, traverse notre histoire et pointe
2109 t pointe vers un avenir qui ne peut être distinct de celui d’une Europe soit fédérée par la libre invention, soit unifiée
2110 vers un avenir qui ne peut être distinct de celui d’ une Europe soit fédérée par la libre invention, soit unifiée par une f
2111 euple européen qui ait autant besoin que le nôtre d’ exercer ce que Reynold appelle « l’imagination historique ». On sait q
2112 gés déguisés en vertus — bon sens pratique, tabou de la neutralité — tendent à stériliser chez nous cette faculté. Mais to
2113 ette faculté. Mais toutes nos réalités se moquent de ces excuses : il n’est que de regarder la carte. Tout nous rattache d
2114 réalités se moquent de ces excuses : il n’est que de regarder la carte. Tout nous rattache dans le passé, comme pour l’ave
2115 vie ne serait pas concevable. Prendre conscience de l’être suisse, au-delà des apparences souvent médiocres, c’est prendr
2116 ences souvent médiocres, c’est prendre conscience de l’Europe. Car l’Europe est faite dans l’ensemble des mêmes éléments q
2117 fondeurs du passé, dans cet inconscient collectif d’ où remontent les rêves qui nous guident, par les deux utopies directri
2118 r les deux utopies directrices du Saint-Empire et de l’esprit des communes. Toutefois ces éléments, séparés en Europe, voi
2119 leur conciliation vivante nous définit. Principe d’ autorité, principe d’association, « à la rencontre l’un de l’autre, ve
2120 vante nous définit. Principe d’autorité, principe d’ association, « à la rencontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’u
2121 té, principe d’association, « à la rencontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’un et du multiple » : ces formules que
2122  à la rencontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’un et du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude
2123 du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’une Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de cons
2124  » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’ une Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de constater qu’el
2125 e Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de constater qu’elles résument l’expérience fédérale et fédéraliste de l
2126 les résument l’expérience fédérale et fédéraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mou
2127 expérience fédérale et fédéraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mouvements de syst
2128 déraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et de diastole animen
2129 a Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donn
2130 a Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donnent sa valeur
2131 de systole et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donnent sa valeur exemplaire : je n’en connais pas de
2132 de plus fécondes à méditer par les constructeurs de l’Europe. ac. Rougemont Denis de, « Reynold et l’Europe », Gonzagu
2133 constructeurs de l’Europe. ac. Rougemont Denis de , « Reynold et l’Europe », Gonzague de Reynold et son œuvre, Fribourg,
22 1955, Articles divers (1951-1956). Rien n’est perdu, tout reste à faire (janvier 1955)
2134 bsorbé l’attention des Européens et des militants de l’Europe unie depuis l’été dernier : l’abandon du projet de CED et le
2135 e unie depuis l’été dernier : l’abandon du projet de CED et les accords de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce q
2136 rnier : l’abandon du projet de CED et les accords de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce que la CED était accusé
2137 ans l’euphorie ce que la CED était accusée à tort de préparer ; ce quelle avait pour objet principal de prévenir ; ce qui
2138 e préparer ; ce quelle avait pour objet principal de prévenir ; ce qui enfin devenait fatal dès l’instant qu’on la rejetai
2139 jeter ce qu’elle seule pouvait empêcher. Le moyen de décrire plus simplement ce vertige de contradictions ? Il y faudrait
2140 r. Le moyen de décrire plus simplement ce vertige de contradictions ? Il y faudrait une parabole. En voici une. Il y avait
2141 leur proposa un vaccin. Ayant remarqué que le nom de ce vaccin évoquait le nom de la maladie, comme il arrive en général,
2142 remarqué que le nom de ce vaccin évoquait le nom de la maladie, comme il arrive en général, ils votèrent contre le remède
2143 soulagés. Laissant aux historiens futurs le soin de tirer les conclusions de ce pataquès exemplaire, nous nous bornons ic
2144 istoriens futurs le soin de tirer les conclusions de ce pataquès exemplaire, nous nous bornons ici à relever deux faits :
2145 ous bornons ici à relever deux faits : — Le rejet de la CED ne met pas fin à la construction européenne, comme on l’a répé
2146 bien à tort : il montre simplement qu’une partie d’ un parlement (devenue majorité grâce à l’appui des communistes) n’a pa
2147 tes) n’a pas encore senti la nécessité historique de cette construction — nécessité qui demeure intacte après leur vote. —
2148 te. — En revanche, il est douteux que les accords de Londres représentent « un premier pas vers l’intégration européenne »
2149 s de plus que l’éducation européenne des peuples, de leurs cadres et de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Eu
2150 cation européenne des peuples, de leurs cadres et de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Europe unie ont péché
2151 et de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Europe unie ont péché depuis quelques années — et non seulement dan
2152 quelques années — et non seulement dans l’affaire de la CED — par complaisance à une double illusion : ils ont cru que le
2153 ondeur, lent par nature, représenterait une perte de temps ; et ils ont cru que la propagande pour l’idée européenne était
2154 moment ou à un autre, nous avons tous été tentés de penser qu’on ne pouvait réussir l’union que par une série de mesures
2155 u’on ne pouvait réussir l’union que par une série de mesures « concrètes », telles que l’OECE, la CECA, la CED, qu’on espé
2156 utionnaire qu’eût représenté l’exigence immédiate d’ une fédération politique. C’était pratiquement se rallier à la méthode
2157 à petit l’oiseau fait son nid9, méthode qui évite d’ agiter « inutilement » les esprits et les passions, et qui préfère l’a
2158 préfère l’action diplomatique ou les combinaisons de coulisses parlementaires. Cette méthode a réussi (OECE, CECA) jusqu’a
2159 ssi (OECE, CECA) jusqu’au jour où les adversaires de l’union ont déclenché leur propagande massive. Eux n’ont pas hésité u
2160  : elle consistait à croire qu’il est plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux que de la faire dans un seul él
2161 cile de faire l’Europe par pièces et morceaux que de la faire dans un seul élan fédérateur : qu’il est plus facile de tour
2162 s un seul élan fédérateur : qu’il est plus facile de tourner les obstacles que de les attaquer là où ils sont : dans les r
2163 u’il est plus facile de tourner les obstacles que de les attaquer là où ils sont : dans les routines de l’esprit nationali
2164 e les attaquer là où ils sont : dans les routines de l’esprit nationaliste, autant et plus que dans les intérêts particuli
2165 agne éducative en profondeur, que l’on a négligée de mener — ou que l’on n’a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvemen
2166 a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvements de militants européens ont été surpris par l’échec de la CED. En effet,
2167 e militants européens ont été surpris par l’échec de la CED. En effet, cet échec a résulté du fait qu’on laissait le publi
2168 du fait qu’on laissait le public dans l’ignorance de la vraie situation européenne, des vrais buts du traité, du traité lu
2169 u traité, du traité lui-même, et des conséquences de son rejet. Or, les militants européens croyaient avoir expliqué tout
2170 ’explique. Une enquête menée par le CEC10 au mois de septembre a donné les résultats suivants : le nombre des brochures, t
2171  : le nombre des brochures, tracts, petits livres de propagande ou d’information européenne publiés depuis 1947 dans les s
2172 brochures, tracts, petits livres de propagande ou d’ information européenne publiés depuis 1947 dans les seize pays du CE e
2173 tirage total a légèrement dépassé trois millions d’ exemplaires. Cela paraît considérable quand on est assis dans le burea
2174 dérable quand on est assis dans le bureau central d’ un mouvement, devant près de cinq-cents brochures de titres différents
2175 un mouvement, devant près de cinq-cents brochures de titres différents. En fait, cela représente en moyenne quatre-cents e
2176 la représente en moyenne quatre-cents exemplaires de chaque brochure distribuée dans chaque pays. Une goutte d’eau dans la
2177 brochure distribuée dans chaque pays. Une goutte d’ eau dans la mer. Comment s’étonner après cela de l’ignorance presque t
2178 e d’eau dans la mer. Comment s’étonner après cela de l’ignorance presque totale où sont restés nos peuples et leurs élites
2179 e, depuis un siècle, et notamment par les manuels d’ histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus. De notre côté, tout reste à
2180 uels d’histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus. De notre côté, tout reste à faire, ou presque. Une révolution est l’abou
2181 e, ou presque. Une révolution est l’aboutissement d’ une série d’actions d’abord morales, intellectuelles et spirituelles,
2182 e. Une révolution est l’aboutissement d’une série d’ actions d’abord morales, intellectuelles et spirituelles, puis économi
2183 par nature restent invisibles à l’œil des agences de presse, mais sans lesquelles rien ne se ferait. L’Europe unie est une
2184 culture », dont le siège est à Genève. L’article de M. Denis de Rougemont est extrait du ">n° 6 du bulletin de ce Cent
2185 de Rougemont est extrait du ">n° 6 du bulletin de ce Centre (122, rue de Lausanne). ad. Rougemont Denis de, « Rien n’
2186 tre (122, rue de Lausanne). ad. Rougemont Denis de , « Rien n’est perdu, tout reste à faire », France Europe, Paris, janv
23 1956, Articles divers (1951-1956). Réponse à l’enquête « Pour une bibliothèque idéale » (1956)
2187 liothèque idéale » (1956)ae af S’il s’agissait de nommer les cent grands livres de l’humanité (ceux que l’on prend pour
2188 S’il s’agissait de nommer les cent grands livres de l’humanité (ceux que l’on prend pour base des études dans certaines u
2189 e me bornerais aux écrits religieux, ou créateurs de communautés, ou scientifiques, tels que la Bible, le Coran, les Vedas
2190 acer sur le même plan que nos œuvres critiques ou d’ imagination. Et d’autre part, où tracer la limite entre le sacré et la
2191 ntre le sacré et la culture ? Je n’ai tenu compte d’ écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhéto
2192 acré et la culture ? Je n’ai tenu compte d’écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique de
2193 que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique de l’une de nos langues nationales. (Il faudrait ajouter les traductions
2194 la mesure où ils ont fixé la rhétorique de l’une de nos langues nationales. (Il faudrait ajouter les traductions de la Bi
2195 nationales. (Il faudrait ajouter les traductions de la Bible en Angleterre et en Allemagne.) Pour les autres, je propose
2196 par un chiffre romain derrière les titres marqués d’ une croix : I. — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience
2197 agruel. 11. — Gargantua. 12. Calvin : Institution de la religion chrétienne. 13. Montaigne : Essais. 14. Descartes : Disco
2198 13. Montaigne : Essais. 14. Descartes : Discours de la méthode. 15. Pascal : Pensées. 16. Charles Perrault : Contes. 17.
2199 2. Shakespeare : Théâtre. 23. Swift : Les Voyages de Gulliver. 24. De Foe : Robinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au
2200 Théâtre. 23. Swift : Les Voyages de Gulliver. 24. De Foe : Robinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au pays des merveill
2201 ieuse. 28. Maître Eckhart : Sermons. 29. Luther : De Servo arbitrio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosophie de l’espr
2202 trio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosophie de l’esprit. 32. Freud : La Science des rêves. 33. Saint Jean de la Croi
2203 ves. 33. Saint Jean de la Croix : La Nuit obscure de l’âme. 34. Cervantès : Don Quichotte. 35. Dante : La Divine Comédie.
2204 is cent ans 38. Tibulle : Élégies. 39. Dante : De la Langue vulgaire. 40. Spinoza : Éthique. 41. Agrippa d’Aubigné : Le
2205 Casanova : Mémoires. 45. Chateaubriand: Mémoires d’ outre-tombe. 46. Victor Hugo : Choses vues. 47. Stendhal : La Chartreu
2206 Hugo : Choses vues. 47. Stendhal : La Chartreuse de Parme. 48. Charles Baudelaire : Les Fleurs du mal. 49. Stéphane Mall
2207 r qui sonne le glas. 61. D. H. Lawrence : L’Amant de lady Chatterley. 62. Paracelse : Liber paramirum. 63. — Prognosticati
2208  : Poèmes. 66. Chamisso : L’Histoire merveilleuse de Peter Schlemihl. 67. Gottfried Keller : Henri le vert. 68. Nietzsche 
2209 tzsche : Aurore. 69. Rainer Maria Rilke : Élégies de Duino. 70. R. Kassner : Toute son œuvre ou, en tout cas Les Éléments
2210 er : Toute son œuvre ou, en tout cas Les Éléments de la grandeur humaine. 71. M. de Unamuno : Le Sentiment tragique de la
2211 umaine. 71. M. de Unamuno : Le Sentiment tragique de la vie. 72. Silone : Le Pain et le vin. 73. Dostoïevski : L’Idiot. 74
2212 76. Andersen : Contes. 77. G. Bernanos : Journal d’ un curé de campagne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79.
2213 en : Contes. 77. G. Bernanos : Journal d’un curé de campagne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79. Ramuz : Ad
2214 ée 88. Benjamin Constant : Journal intime. 89. De Tocqueville : La Démocratie en Amérique. 90. Toynbee : A Study of His
2215 . 95. Machiavel : Discours sur la première décade de Tite Live. 96. André Breton : L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie
2216 é Breton : L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie de l’art. 98. Jean Paulhan  : Les Fleurs de Tarbes. 99. Graham Greene :
2217 hologie de l’art. 98. Jean Paulhan  : Les Fleurs de Tarbes. 99. Graham Greene : La Puissance et la gloire. Déjà cités (
2218 Mémoires. Pascal : Pensées. Swift : Les Voyages de Gulliver. Lewis Carroll : Alice au pays des merveilles. — À travers
2219 ux riens philosophiques. ae. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Pour une bibliothèque idéale », Pour une b
2220 aliste : Le Paysan du Danube (1932), Politique de la personne (1934), Penser avec les mains (1936), Journal d’un in
2221 (1934), Penser avec les mains (1936), Journal d’ un intellectuel en chômage (1937), L’Amour et l’Occident (1939), et
24 1956, Articles divers (1951-1956). L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)
2222 L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à une invi
2223 tivals de musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à une invitation lancée par le Centre européen de la
2224 entre européen de la culture, sur une proposition de son conseiller musical, Igor Markevitch, les directeurs de quinze gra
2225 nseiller musical, Igor Markevitch, les directeurs de quinze grands festivals se réunissaient à Genève. Jamais encore, une
2226 telle rencontre n’avait eu lieu dans les annales de l’Europe. Une seule journée de délibérations suffit à dégager un acco
2227 u dans les annales de l’Europe. Une seule journée de délibérations suffit à dégager un accord unanime. Les quinze directeu
2228 es quinze directeurs décidèrent avec enthousiasme de créer une organisation commune. Un secrétariat fut établi à Genève, a
2229 paraissait une brochure contenant les programmes de tous les festivals-membres pour la saison suivante. Premier témoignag
2230 r la saison suivante. Premier témoignage tangible d’ un esprit de collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d
2231 suivante. Premier témoignage tangible d’un esprit de collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’une vision
2232 esprit de collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’une vision européenne dépassant les intérêts locaux to
2233 oration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’ une vision européenne dépassant les intérêts locaux tout en les servan
2234 En effet, la multiplication rapide des festivals de musique dans tous nos pays et presque dans toutes nos villes, posait
2235 posait des problèmes tout nouveaux. Plus on joue de musique, et mieux cela vaut, dira-t-on. Oui, mais cela peut aussi cré
2236 ines confusions des valeurs. Le public, sollicité de tous côtés, ne sait plus où aller et voudrait qu’on l’oriente. Les ar
2237 l’oriente. Les artistes, orchestres et les chefs de qualité ne suffisent plus à la demande. Les programmes tendent à deve
2238 ge des meilleurs. ⁂ Qu’est-ce qu’un bon festival de musique ? Telle est la première question que s’est posée notre associ
2239 festival est d’abord une fête, donc quelque chose d’ exceptionnel, qui sort de la routine des programmes de l’hiver et qui
2240 fête, donc quelque chose d’exceptionnel, qui sort de la routine des programmes de l’hiver et qui doit créer une atmosphère
2241 ceptionnel, qui sort de la routine des programmes de l’hiver et qui doit créer une atmosphère spéciale, à laquelle contrib
2242 ontribuent non seulement la qualité des œuvres et de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’une cité, et la traditi
2243 et de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’ une cité, et la tradition musicale d’une région. Voilà pourquoi l’ass
2244 , l’ambiance d’une cité, et la tradition musicale d’ une région. Voilà pourquoi l’association n’admet comme membres que ce
2245 n établi. Pour un festival européen, faire partie de l’association devient ainsi une garantie de qualité et d’authenticité
2246 artie de l’association devient ainsi une garantie de qualité et d’authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation
2247 ociation devient ainsi une garantie de qualité et d’ authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation de notre asso
2248 icité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation de notre association : il s’agissait de présenter l’ensemble des meilleu
2249 la formation de notre association : il s’agissait de présenter l’ensemble des meilleurs festivals comme une seule et grand
2250 tivals comme une seule et grandiose manifestation de la musique européenne, dans son unité fondamentale et dans la richess
2251 , dans son unité fondamentale et dans la richesse de ses diversités nationales et régionales. Notre but est donc à la fois
2252 nales et régionales. Notre but est donc à la fois d’ harmoniser les efforts dans un esprit de collaboration européenne, tou
2253 à la fois d’harmoniser les efforts dans un esprit de collaboration européenne, tout en développant toujours plus le caract
2254 éveloppant toujours plus le caractère particulier de chaque festival. Pratiquement, l’association s’efforce d’atteindre ce
2255 e festival. Pratiquement, l’association s’efforce d’ atteindre ce but par les moyens suivants : La publication annuelle de
2256 par les moyens suivants : La publication annuelle de la brochure Saison, donnant les programmes des festivals membres plus
2257 membres plusieurs mois avant que la première note d’ un concert d’ouverture retentisse en Allemagne, en France ou en Italie
2258 eurs mois avant que la première note d’un concert d’ ouverture retentisse en Allemagne, en France ou en Italie, offre au pu
2259 ique en son genre, parce qu’il permet à l’amateur de s’orienter vers la qualité, de se composer selon ses goûts un itinéra
2260 permet à l’amateur de s’orienter vers la qualité, de se composer selon ses goûts un itinéraire des hauts lieux de la musiq
2261 ser selon ses goûts un itinéraire des hauts lieux de la musique européenne, et d’être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu
2262 aire des hauts lieux de la musique européenne, et d’ être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’une fête à
2263 uré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’ une fête à l’autre. L’échange de « créations », de spectacles nouveaux
2264 u’il ira vraiment d’une fête à l’autre. L’échange de « créations », de spectacles nouveaux montés par tel ou tel festival,
2265 d’une fête à l’autre. L’échange de « créations », de spectacles nouveaux montés par tel ou tel festival, et dont d’autres
2266 t ainsi bénéficier, diminue les risques matériels d’ une création, favorise le renouvellement des programmes et doit stimul
2267 créateur des artistes contemporains. La création d’ archives musicales — uniques en Europe — permet à tous les festivals m
2268 s en Europe — permet à tous les festivals membres de savoir ce qui a été fait par d’autres et dans quelles conditions, que
2269 chefs on pourra faire appel, etc. Enfin, l’étude d’ entreprises communes, telles qu’une revue musicale européenne ou certa
2270 uropéenne ou certaines manifestations artistiques de grande envergure conduit l’association à resserrer toujours plus les
2271 ns toute l’Europe et en Amérique, donne la preuve d’ une coopération étroite entre dix-sept des meilleurs festivals de huit
2272 on étroite entre dix-sept des meilleurs festivals de huit pays. Elle fournit ainsi un exemple, encore modeste, mais convai
2273 nsi un exemple, encore modeste, mais convaincant, de cette union européenne qui doit s’opérer dans les cœurs avant de pouv
2274 our la paix. La musique, création la plus typique de l’Europe, n’était-elle pas faite pour manifester la première cette co
2275 première cette communauté profonde des réactions de la sensibilité et de l’esprit qui définit une civilisation ? ap. R
2276 nauté profonde des réactions de la sensibilité et de l’esprit qui définit une civilisation ? ap. Rougemont Denis de, « 
2277 définit une civilisation ? ap. Rougemont Denis de , « L’Association des festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM,
2278 Rougemont Denis de, « L’Association des festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM, 1956, p. 12-13.
25 1956, Articles divers (1951-1956). « Je vivais en ce temps-là… » (janvier 1956)
2279 ps-là, terminant mes études, dans la petite ville de Neuchâtel, et nous étions passionnément surréalistes, comme nos aînés
2280 nnément surréalistes, comme nos aînés avaient été d’ Action française, ou encore anarcho-gidiens, avec un sérieux redoutabl
2281 able, — pensant au fond tout autre chose que ceux de Paris, et nous donnant le ridicule de vouloir vivre ces doctrines. In
2282 se que ceux de Paris, et nous donnant le ridicule de vouloir vivre ces doctrines. Inquiétude et ferveur étaient les mots d
2283 doctrines. Inquiétude et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’or de la Littérature, qui triomphait dans le temps mê
2284 tude et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’ or de la Littérature, qui triomphait dans le temps même que nous pensi
2285 et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’or de la Littérature, qui triomphait dans le temps même que nous pensions l
2286 ions la renier comme telle, au nom de l’Aventure, de la Révolution, ou de quelque règle de vie, mais subversive bien enten
2287 telle, au nom de l’Aventure, de la Révolution, ou de quelque règle de vie, mais subversive bien entendu. L’un des deux tem
2288 l’Aventure, de la Révolution, ou de quelque règle de vie, mais subversive bien entendu. L’un des deux temples de ce culte
2289 is subversive bien entendu. L’un des deux temples de ce culte (l’autre étant comme on pense la NRF ) se cachait derrière
2290 hait derrière une vitrine très savamment discrète de la rue de l’Odéon. Il n’était pas lieu de Paris que j’avais l’impress
2291 iscrète de la rue de l’Odéon. Il n’était pas lieu de Paris que j’avais l’impression de mieux connaître, sans y être jamais
2292 ’était pas lieu de Paris que j’avais l’impression de mieux connaître, sans y être jamais entré. Boutique de gloire où fréq
2293 eux connaître, sans y être jamais entré. Boutique de gloire où fréquentaient nos Dieux ! Nous en connaissions la légende.
2294 là, devant le jeune André Breton immobile et muet d’ admiration, comme transfixé. Valéry venait y bavarder avec Fargue et L
2295 l’improbable nom venait de s’inscrire au fronton d’ un considérable poème. (Nous en avions appris par cœur de longs fragme
2296 nsidérable poème. (Nous en avions appris par cœur de longs fragments, faute de pouvoir acheter l’édition rare.) Bon pour c
2297 n rare.) Bon pour ceux qui n’y « croyaient » pas, d’ entrer là sans façon ni vergogne pour acheter banalement un livre : al
2298 ter banalement un livre : alors que l’on risquait de se trouver tout d’un coup devant Gide, Claudel, ou James Joyce conver
2299 ivre : alors que l’on risquait de se trouver tout d’ un coup devant Gide, Claudel, ou James Joyce conversant comme de simpl
2300 nt Gide, Claudel, ou James Joyce conversant comme de simples humains avec la desservante du sanctuaire, en robe de bure no
2301 umains avec la desservante du sanctuaire, en robe de bure nouée d’une cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de
2302 desservante du sanctuaire, en robe de bure nouée d’ une cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de l’enseigne « 
2303 cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de l’enseigne « à jamais littéraire » de la Maison des amis des livres.
2304 s prestiges de l’enseigne « à jamais littéraire » de la Maison des amis des livres. (Commerce en éloignait toute idée comm
2305 encore dans sa petite cuisine, en train de peler de fines patates pour un dîner improvisé. Je rentrais d’Amérique, je vou
2306 ines patates pour un dîner improvisé. Je rentrais d’ Amérique, je voulais tout savoir sur nos amis, leurs œuvres et leurs v
2307 fraîche et la plus sûre… Qu’est devenue la série de photos en couleur qui furent prises à la veille de la guerre dans l’a
2308 e photos en couleur qui furent prises à la veille de la guerre dans l’appartement d’Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux je
2309 rises à la veille de la guerre dans l’appartement d’ Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux jeunes d’alors, tous ceux qu’elle
2310 ille de la guerre dans l’appartement d’Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux jeunes d’alors, tous ceux qu’elle estimait défi
2311 ment d’Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux jeunes d’ alors, tous ceux qu’elle estimait défilèrent un à un devant l’objectif
2312 filèrent un à un devant l’objectif — bien nommé — de Gisèle Freund. Ce choix des élus d’Adrienne, qu’on pourrait publier e
2313 bien nommé — de Gisèle Freund. Ce choix des élus d’ Adrienne, qu’on pourrait publier en album, ne ferait-il pas un bel hom
2314 ces, incisives et toujours amicales qu’elle donna de plusieurs des modèles dans son Navire d’argent et sa Gazette des amis
2315 le donna de plusieurs des modèles dans son Navire d’ argent et sa Gazette des amis des livres : autant de petits chefs-d’œu
2316 argent et sa Gazette des amis des livres : autant de petits chefs-d’œuvre d’intelligence du cœur. Quel art ferme et subtil
2317 amis des livres : autant de petits chefs-d’œuvre d’ intelligence du cœur. Quel art ferme et subtil, quel familier respect
2318 me et subtil, quel familier respect du langage et de ses artisans, et quel savoureux naturel ! Aurions-nous perdu avec ell
2319 acieusement que personne ? ag. Rougemont Denis de , « ‟Je vivais en ce temps-là…” », Mercure de France, Paris, janvier 1
26 1956, Articles divers (1951-1956). Tableau du phénomène courtois (janvier 1956)
2320 omène courtois (janvier 1956)ah Revenant après de longues années sur les problèmes soulevés par L’Amour et l’Occident
2321 r L’Amour et l’Occident 11, j’éprouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’observations nouvelles. Le lecteur
2322 ouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’ observations nouvelles. Le lecteur va juger si elles infirment ou si a
2323 conception religieuse, ou simplement une théorie de l’homme — et une forme lyrique déterminée. (Rapports entre le soufism
2324 sme et la poésie courtoise des Arabes ; influence de Freud sur l’école surréaliste.) Les polémiques parfois fort vives pro
2325 ltipliées depuis quinze ans par des spécialistes, de l’amour courtois, du catharisme et du manichéisme, et peut-être l’exp
2326 éisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches personnelles, tout cela m’amène aujourd’hui à un
2327 s, tout cela m’amène aujourd’hui à une conception de la cortezia à peine moins « historique » que celle que j’esquissais a
2328 oute plus psychologique. Je rappelais la relation de fait (lieux et dates remarquablement identiques) entre cathares et tr
2329 is à dire : il y a là quelque chose, et l’absence de rapports entre ces gens me paraîtrait plus étonnante encore que n’imp
2330 lle hypothèse, « sérieuse » ou non, sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des in
2331 sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des influences à la manière de beaucoup d’
2332 il précis des influences à la manière de beaucoup d’ historiens pour qui le réel n’est défini que par des documents écrits.
2333 le leur. Je ne prétends pas fonder sur pièces une de ces solutions textuelles et « scientifiques » après quoi, comme le di
2334 isant autant qu’il est possible, la problématique de l’amour courtois — parce que je la crois vitale pour l’Occident moder
2335 lques faits, comme un piège. J’éviterai à la fois d’ indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément d
2336 ge. J’éviterai à la fois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on p
2337 ois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on pourrait citer hors du
2338 condamnant le mariage, mais fondant une « Église d’ Amour », opposée à l’Église de Rome13, envahit rapidement la France, d
2339 ondant une « Église d’Amour », opposée à l’Église de Rome13, envahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et de l’Ita
2340 l’Église de Rome13, envahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de l
2341 ahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. D
2342 e et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. Dans le même temps, d’autres mouvements hétéro
2343 sant aux prélats ambitieux et aux pompes sacrales de l’Église un spiritualisme épuré, ils aboutissent parfois, plus ou moi
2344 nt Bernard de Clairvaux et Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la spéculation. Mais hors de
2345 incompréhensibles, les oscillations s’amplifient. D’ Henri de Lausanne et Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène et aux
2346 squ’à un Amaury de Bène et aux frères ortliebiens de Strasbourg, tous condamnent le mariage, — que par ailleurs, le pape-m
2347 ue par ailleurs, le pape-moine Grégoire VII vient d’ interdire aux prêtres. En revanche, beaucoup professent que l’homme ét
2348 beaucoup professent que l’homme étant divin, rien de ce qu’il fait avec son corps — cette part du diable — ne saurait enga
2349 ette part du diable — ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêqu
2350 ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêque dualiste, excusant
2351 ée par plusieurs sectes. Une forme toute nouvelle de poésie naît dans le Midi de la France, patrie cathare : elle célèbre
2352 ’idée platonicienne du principe féminin, le culte de l’Amour contre le mariage, en même temps que la chasteté. Saint Bern
2353 u Parfaits, puis oppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques son
2354 ppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques sont écrits pour les
2355 sont écrits pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour —
2356 pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le co
2357 nnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le comte Guillaum
2358 e comte Guillaume de Poitiers — jusqu’au Paraclet d’ Héloïse. Cette mystique épithalamique se retrouve à la fois chez Berna
2359 es courtois et en lettres, le premier grand roman d’ amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras
2360 n lettres, le premier grand roman d’amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse d
2361 re histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse de Tripoli, « princesse lointaine » qu’il aime sans l’avo
2362 x et au temps où se nouent la légende et le mythe de la passion mortelle : Tristan. À cette montée puissante et comme uni
2363 n. À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne p
2364 sante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’oppo
2365 lisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’ opposer une croyance et un culte qui répondissent au même désir profon
2366 lte qui répondissent au même désir profond, surgi de l’âme collective. Il fallait « convertir » ce désir, tout en se laiss
2367 mme pour mieux le capter dans le courant puissant de l’orthodoxie14. De là les tentatives multipliées, dès le début du xii
2368 apter dans le courant puissant de l’orthodoxie14. De là les tentatives multipliées, dès le début du xiie siècle, pour ins
2369 le début du xiie siècle, pour instituer un culte de la Vierge. Marie reçoit généralement, dès cette époque, le titre de r
2370 e reçoit généralement, dès cette époque, le titre de regina coeli, et c’est en Reine désormais que l’art va la représenter
2371 ’art va la représenter. À la « Dame des Pensées » de la cortezia, on substituera « Notre Dame ». Et les ordres monastiques
2372 ordres chevaleresques : le moine est « chevalier de Marie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Imm
2373 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Immaculée Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut
2374 es établissent une fête de l’Immaculée Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut beau protester dans une le
2375 fameuse contre « cette fête nouvelle que l’usage de l’Église ignore, que la raison n’approuve pas, que la tradition n’aut
2376 torise point… et qui introduit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas, au siècle
2377 duit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire
2378 saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire de la manière la plus précise : « Si Marie eût été conçue sans péché, el
2379 té conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’ être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à un
2380 soin d’être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à une nécessité d’ordre vital pour l’Église menac
2381 » Le culte de la Vierge répondait à une nécessité d’ ordre vital pour l’Église menacée et entraînée… La papauté, plusieurs
2382 ier trait dont on verra qu’il est tout impossible de le rattacher latéralement aux précédents. C’est au xiie siècle que s
2383 tteste en Europe une modification radicale du jeu d’ échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient l
2384 modification radicale du jeu d’échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient le jeu primitif, on vo
2385 trouvant d’ailleurs réduit à sa moindre puissance d’ action réelle, tout en demeurant l’enjeu final et le personnage sacré.
2386 2. Œdipe et les dieux Freud désigne du nom d’ Œdipe le complexe composé dans l’inconscient par l’agressivité du fils
2387 tacle à l’amour pour la mère) et par le sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit
2388 sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit le fils au conformisme social et moral 
2389 le fils au conformisme social et moral ; le poids de l’interdit lié à la mère (donc au principe féminin) inhibe l’amour :
2390 ui touche à la femme reste « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’autant plus contraignant que la structure s
2391 « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’ autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide, la
2392 ouvoirs plus révéré. Imaginons maintenant un état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance éc
2393 s maintenant un état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance économique détenue par le père
2394 divine se divise elle-même, soit en une pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-déesse, comme en Égypte
2395 compulsion qui créait le complexe œdipien faiblit d’ autant. La haine pour le père se concentre sur le démiurge et sur son
2396 sexualité procréatrice, — tandis qu’un sentiment d’ adoration purifiée peut se porter sur le Dieu-Esprit. En même temps, l
2397 iellement libéré : il peut s’avouer sous la forme d’ un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette
2398 ous la forme d’un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’être virgi
2399 e, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’ être virginale, qu’elle échappe donc à l’interdit maintenu sur la femm
2400 e échappe donc à l’interdit maintenu sur la femme de chair. L’union mystique avec cette divinité féminine devient alors un
2401 des domaines entre tous les fils, ou « pariage », d’ où perte d’autorité du suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance indi
2402 s entre tous les fils, ou « pariage », d’où perte d’ autorité du suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste 
2403 d’où perte d’autorité du suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’une religion dualiste
2404 de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’ une religion dualiste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’
2405 aliste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’Amour, dont je viens de rappeler les manifestations. Nous voici don
2406 nie dans l’Histoire) du phénomène que nous venons d’ imaginer au paragraphe précédent. Si nous cherchons à nous représente
2407 ous représenter la situation psychique et éthique de l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’il se trouve impli
2408 és dans le cas des simples croyants, c’est-à-dire de l’immense majorité des hérétiques. Du côté catholique, le mariage est
2409 ent, cependant qu’il repose en fait sur des bases d’ intérêt matériel et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soi
2410 voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des
2411 e leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibi
2412 , comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle d’ admettre la femme, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’un
2413 ouvelle d’admettre la femme, mais sous le couvert d’ une idéalisation, voire d’une divinisation du principe féminin. Ce qui
2414 e, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’ une divinisation du principe féminin. Ce qui ne peut qu’aviver la cont
2415 ies dans leur fascinante nouveauté… C’est au cœur de cette situation inextricable, c’est comme une résultante de tant de c
2416 ituation inextricable, c’est comme une résultante de tant de confusions qui devaient s’y nouer, qu’apparaît la cortezia, «
2417 qu’apparaît la cortezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « pitié » particulière
2418 tezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « pitié » particulière, la joy d’amors, s
2419 idéalisée, avec sa « pitié » particulière, la joy d’ amors, ses « rites » précis, la rhétorique des troubadours, sa morale
2420 précis, la rhétorique des troubadours, sa morale de l’hommage et du service, sa « théologie » et ses disputes théologique
2421 ans toute l’Europe. Or nous voyons cette religion de l’amour ennoblissant célébrée par les mêmes hommes qui persistent à t
2422 vent dans le même poète un adorateur enthousiaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse 
2423 iaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’un
2424 l rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’ un Marcabru ou d’un Rambaut d’Orange. Chose curieuse, les troubadours
2425 n se rappelle seulement les vers d’un Marcabru ou d’ un Rambaut d’Orange. Chose curieuse, les troubadours chez lesquels nou
2426 gnent pas ! On dirait qu’ils ont trouvé le secret d’ une conciliation vivante des inconciliables. Ils semblent refléter, ma
2427 a division des consciences (elle-même productrice de mauvaise conscience) dans la grande masse d’une société partagée non
2428 rice de mauvaise conscience) dans la grande masse d’ une société partagée non seulement entre la chair et l’esprit, mais en
2429 entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein même de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie réelle des Croyant
2430 ssus l’un des plus sensibles interprètes modernes de la cortezia, René Nelli : Presque toutes les dames du Carcassès, du
2431 s les dames du Carcassès, du Toulousain, du Foix, de l’Albigeois étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent
2432 et qui leur demandaient non pas tant une illusion d’ amour sincère qu’un antipode spirituel au mariage où elles avaient été
2433 eur ajoute qu’à son avis, « il n’est pas question de voir dans la chasteté, ainsi feinte, une habitude réelle ni un reflet
2434 morale des Parfaits. Mais enfin, dit le sceptique d’ aujourd’hui, que peut bien signifier au concret cette « chasteté » prô
2435 gleurs ? Et comment expliquer le succès si rapide d’ une prétendue morale à ce point ambiguë, dans un Languedoc, une Italie
2436 logie n’occupaient tout de même pas le plus clair de la vie, et n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsi
2437 n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’ impulsions naturelles ? Les modernes, en effet, depuis Rousseau, croie
2438 , depuis Rousseau, croient qu’il existe une sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues
2439 que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais
2440 civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprise
2441 et rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclusives, mais qui se superposent ou se combinent à l
2442 i se superposent ou se combinent à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais d’autant plus
2443 à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais d’autant plus actifs ; et d’instincts hérités
2444 nduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais d’ autant plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque natu
2445 complexes ignorés, mais d’autant plus actifs ; et d’ instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes
2446 t plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues
2447 hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues traces ou cicatrices mentales
2448 ces ou cicatrices mentales tout inconscientes et, de ce fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt des
2449 ns le temps et dans l’espace. 4. Une technique de la « chasteté » À partir du vie siècle se répand rapidement dans
2450 ipe cosmique féminin ; la méditation tient compte de ses « pouvoirs », la délivrance devient possible par la Çatki… Dans c
2451 vient elle-même une chose sacrée, une incarnation de la mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à
2452 ne incarnation de la mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à tous les courants mystiques du Moye
2453 Il s’agit, par le cérémonial du yoga tantrique, de transcender la condition humaine. Le tantrisme bouddhique trouve des
2454 ha yoga hindou, technique du contrôle du corps et de l’énergie vitale. C’est ainsi que certaines postures (mudras) décrite
2455 mudras) décrites par le hatha yoga ont pour but «  d’ utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unifi
2456 hatha yoga ont pour but « d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unification finale, la fonct
2457 d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’ intégration, d’unification finale, la fonction par excellence humaine,
2458 e moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’ unification finale, la fonction par excellence humaine, celle-là même
2459 a18 : « Pour mes dévots, je vais décrire le geste de l’Éclair (vajroli mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être
2460 onnées par le texte font allusion à une technique de l’acte sexuel sans consommation, car « celui qui garde (ou reprend) s
2461 a semence dans son corps, qu’aurait-il à craindre de la mort ? » comme le dit un upanishad. Dans le tantrisme, la maithuna
2462 ecret, obscur, à double sens, dans lequel un état de conscience est exprimé par un terme érotique »19 — ou l’inverse aussi
2463 a est un acte réel ou simplement une allégorie ». De toute manière, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’an
2464 e, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’anéantissement du moi ». Et cette « béatitude érotique », obtenue p
2465 ique », obtenue par l’arrêt, non du plaisir, mais de son effet physique, est utilisée comme expérience immédiate pour obte
2466 rappellent les textes, le dévot devient la proie de la triste loi karmique, comme n’importe quel débauché. » Mais la femm
2467 Mais la femme, dans tout cela ? Elle reste objet d’ un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’aman
2468 bjet d’un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle
2469 ulte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle est mère, s
2470 isme, symbolise l’état par excellence du péché et de la mort : l’acte sexuel »21. Mais l’acte est toujours décrit comme ét
2471 Mais l’acte est toujours décrit comme étant celui de l’homme. La femme reste passive, impersonnelle, pur principe, sans vi
2472 On y accorde une grande importance à toute sorte d’ « amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un
2473 importance à toute sorte d’« amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent et difficile appren
2474 rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’ un lent et difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir
2475 s préliminaires ont pour but « l’autonomisation » de la volupté — considérée comme l’unique expérience humaine qui peut ré
2476 vie en économisant le principe vital, plutôt que de conquérir la liberté spirituelle par la déification du corps. La « ch
2477 e et la béatitude à travers une Elle qu’il s’agit de « servir » en posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi
2478 posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, le
2479 oi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, lequel ferait retomber le chevalier servant dans la réal
2480 nt dans la réalité fatale du Karma. 5. La joie d’ amour En contraste indéniable avec ces textes mystiques et cette ab
2481 hysiologique, citons maintenant quelques chansons de « légers troubadours méridionaux », grands seigneurs amateurs ou jong
2482 que les romanistes unanimes nous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs23 ». D’Amour, je sais qu’il donne aisément gran
2483 ous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs23 ». D’ Amour, je sais qu’il donne aisément grande joie à celui qui observe se
2484 en 1127. Dès le début du xiie siècle, ces « lois d’ Amour » sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Servic
2485 s conduisent à la Joie, qui est signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter c
2486 arantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter celui qui sait garder Mesure… Le bien-être
2487 me fasse longtemps attendre et que je n’aie point d’ elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame :
2488 qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle de dure merci, pourvu que
2489 ice de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle de dure merci, pourvu que vous m’accordiez que par vous au ciel je tende
2490 « La soumission à l’aimée est la marque naturelle d’ un homme courtois. ») Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aime
2491 Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer d’ amour sensuel se met en guerre avec lui-même, car le sot après avoir v
2492 riste contenance ! (Marcabru.) Écoutez ! Sa voix ( d’ Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui
2493 ! Sa voix (d’Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui coupez la queue !24 (Marcabru.) Chast
2494 coupez la queue !24 (Marcabru.) Chasteté délivre de la tyrannie du désir en portant le Désir (courtois) à l’extrême : Pa
2495 tant le Désir (courtois) à l’extrême : Par excès de désir, je crois que je me l’enlèverai, si l’on peut rien perdre à for
2496 Ibn Dawoud louait la chasteté pour son pouvoir «  d’ éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « jo
2497 ouvoir « d’éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus élo
2498 le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupa
2499 « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libé
2500 el se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libération : la présence ph
2501 us loin dans la libération : la présence physique de l’objet aimé lui deviendra bientôt indifférente : J’ai une amie, mai
2502 … Nulle joie ne me plaît autant que la possession de cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’est pas seulement libératr
2503 e la possession de cet amour lointain. La « joie d’ Amour » n’est pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et
2504 é par Mesure et Prouesse, elle est aussi fontaine de Jouvence : Je veux garder (ma dame) pour me rafraîchir le cœur et re
2505 là vivra cent ans qui réussira à posséder la joie de son amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de l
2506 llaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180
2507 .) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180 environ). Au xiiie
2508 urs (1120 à 1180 environ). Au xiiie siècle, ceux de la dernière génération expliciteront ce que leurs modèles avaient cha
2509 que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’est plus de l’amour courtois, si on le matérialise ou si la Dame se rend comme ré
2510 crit Daude de Prades, qui cependant ne craint pas de donner des précisions sur les gestes érotiques que l’on peut se perme
2511 ément les trois autres, mais il lui est difficile d’ en sortir. Il vit dans la joie, celui qui peut y rester. On y accède p
2512 à sont logés dans le faubourg, lequel occupe plus de la moitié du monde. Celui que l’on nomme parfois le dernier troubad
2513 s le dernier troubadour, Guiraut Riquier, donnera de ces vers le commentaire suivant : Les cinq portes sont Désir, Prière
2514 qui peuvent éclairer indirectement sur la nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ses aspects. Et tout d’abord
2515 a nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ses aspects. Et tout d’abord, dit Marcabru, « Il lie partie avec le d
2516 r ». (Et en effet, le diable n’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?)
2517 ’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amour
2518 entation des désespérés. Ah ! noble Amour, source de bonté, par qui le monde entier est illuminé, je te crie merci. Contre
2519 ci. Contre ces clameurs gémissantes, défends-moi, de peur que je ne sois retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me ti
2520 ouvent des ambiguïtés ménagées par le « service » d’ amour courtois, Cercamon n’hésite pas à écrire en mettant les points s
2521 femmes et les époux. Ils vous disent qu’Amour va de travers, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames s
2522 u’un grand nombre abandonnent Mérite et éloignent d’ eux Jeunesse. Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalité
2523 se. Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalités « matérielles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à d
2524 lles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système
2525 orrespondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés,
2526 e langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent
2527 la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffi
2528 ue courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire.
2529 son système de vertus, de péchés, de louanges et d’ interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir
2530 t d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’Arthur,
2531 e va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’ Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drame
2532 ers du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulemen
2533 téressent dans cet ouvrage. Je lui laisse le soin d’ affirmer que telle « filiation » reste indémontrable « dans l’état act
2534 iation » reste indémontrable « dans l’état actuel de nos connaissances », reste donc incroyable jusqu’à nouvel avis. Je ch
2535 ujourd’hui pour établis. Simplement, je les crois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on
2536 ois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil de con
2537 quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil de contes bouddhistes, fut traduit au vie siècle du sanscrit en pehlevi
2538 ie siècle du sanscrit en pehlevi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide
2539 vi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide vers l’Europe à travers une sér
2540 progrès rapide vers l’Europe à travers une série de traductions en syriaque, en arabe, en latin, en espagnol, etc. Au xvi
2541 r une ancienne version arabe. Le périple du Roman de Barlaam et Josaphat est encore plus surprenant. Sous sa forme connue
2542 est encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui c
2543 me connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui conduit Josaphat, prince indien, à découv
2544 es grandes lignes, porte des traces indiscutables de manichéisme. Selon l’école néo-cathare française, les hérétiques du x
2545 nichéenne du Roman est attestée par les fragments de son texte original (en langage ouïgour du viiie siècle) retrouvés da
2546 » (var. Yudhâsaf). Innombrables sont les exemples de relations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai choisi ces deux
2547 r courtois ressemble à l’amour encore chaste — et d’ autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à
2548 ’amour encore chaste — et d’autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à l’amour chanté par les
2549 ront repris par presque tous les grands mystiques de l’Occident. Il nous semble parfois se réduire à des fadaises sophisti
2550 i les réalités précises, mais non moins ambiguës, d’ une certaine discipline érotico-mystique dont l’Inde, la Chine et le P
2551 ai » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux comprendre — si rien
2552 it à l’« expliquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compt
2553 liquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compte tenu des o
2554 ensées que firent à ma thèse minima les partisans d’ écoles au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-
2555 au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois e
2556 e voici ramené par une sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois est né au xiie siècle
2557 tois est né au xiie siècle, en pleine révolution de la psyché occidentale. Il a surgi du même mouvement qui fit remonter
2558 i du même mouvement qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Fémini
2559 qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le cu
2560 -jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la M
2561 ’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il particip
2562 l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie d
2563 incipe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qu
2564 in de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à m
2565 la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occid
2566 re, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’
2567 re à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’ un Orient symbolique. Il nous devient intelligible par certaines de se
2568 lique. Il nous devient intelligible par certaines de ses marques historiques : sa relation littéralement congénitale avec
2569 présent texte constitue le chapitre X du Livre II de la version remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 195
2570 le chapitre X du Livre II de la version remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 1956). 12. Il faut avouer
2571 ersion remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit . Plon. 1956). 12. Il faut avouer que les réfutations les plus virule
2572 hypothèse que j’avais mentionnée au chapitre VII de ce livre, à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être — se
2573 t être — selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte de langage secret du catharisme — une relecture des chapitres VIII et IX
2574 ables que moi — en dépit de certaines imprudences d’ expression. (Ce sont elles, par malheur, qui ont le plus fait pour ass
2575 heur, qui ont le plus fait pour assurer le succès de l’ouvrage dans un large public pressé, comme il arrive.) 13. Comme A
2576 Les hérétiques reprochaient à l’Église catholique d’ avoir inverti le nom même du Dieu qui est Amour. 14. Ce qui n’empêche
2577 i est Amour. 14. Ce qui n’empêchera pas l’Église de Rome, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du
2578 e, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie
2579 ire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade c
2580 la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade contre les cathares : le premier génoc
2581 es : le premier génocide ou massacre systématique d’ un peuple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident.
2582 ple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident. 15. Consoler vient de consolari, formée de cum et de so
2583 cident. 15. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifi
2584 5. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifie donc éty
2585 q sens équivalents pour un seul terme ». 20. L. De La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 21. Eliad
2586 p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de ch
2587 ’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduit
2588 pouvoir citer ici que des fragments de chansons —  de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privés
2589 er ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privés de toute be
2590  ! — souvent très pauvrement traduites, et privés de toute beauté proprement poétique et rythmique par cette double trahis
2591 n entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 24. Note du professeur Jeanroy : « C’est-à-dire, si vous parve
2592 ce » selon l’école Sahajiya. Cette interprétation de Guiraut Riquier est exacte. On peut s’en assurer en lisant cette phra
2593 acte. On peut s’en assurer en lisant cette phrase d’ Ælius Donatus (commentaire sur Térence, ive siècle) : Quinque lineoe
2594 e – et servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’ amour peut être suivi à travers toute la poésie latine du Moyen Âge, j
2595 an Lemaire de Belges écrit dans son Illustrations de Gaule : « Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en amours, … l
2596 ion, c’est celui qu’on nomme par honnêteté le don de mercy. » Le contraste avec l’amour courtois est clair. Et non moins l
2597 es cathares condamnaient la guerre et toute forme d’ homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux
2598 toute forme d’homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inq
2599 lace de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’eussent pas man
2600 quisiteurs du siècle suivant n’eussent pas manqué de lire simplement : juges, prêtres, reclus, et maris ! ah. Rougemont
2601 prêtres, reclus, et maris ! ah. Rougemont Denis de , « Tableau du phénomène courtois », La Table ronde, Paris, janvier 19
27 1956, Articles divers (1951-1956). Denis de Rougemont et l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)
2602 voulais donner 150 pages ; j’en fis 400. En cours de route, en effet, je me mis à rechercher l’origine de l’amour-passion
2603 route, en effet, je me mis à rechercher l’origine de l’amour-passion et je m’aperçus qu’il apparaissait pour la première f
2604 it pour la première fois clairement dans le mythe de Tristan. Dès lors je dépassais largement mon sujet : il ne s’agissait
2605 ssais largement mon sujet : il ne s’agissait plus d’ exposer ce que j’appelle la crise contemporaine du mariage mais d’alle
2606 j’appelle la crise contemporaine du mariage mais d’ aller véritablement à l’essentiel : étudier l’amour-passion à travers
2607 autres aussi, jusqu’à la dégradation qu’il subit de nos jours. J’ai tenté de le décrire comme un phénomène historique, d’
2608 dégradation qu’il subit de nos jours. J’ai tenté de le décrire comme un phénomène historique, d’origine proprement religi
2609 enté de le décrire comme un phénomène historique, d’ origine proprement religieuse. Voulez-vous dire que l’amour-passion n’
2610 ur-passion n’est pas un des caractères permanents de la nature humaine ? Exactement. L’amour-passion est un sentiment hist
2611 ntion aux textes. Vous verrez qu’il ne s’agit que d’ amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous présente l’amour com
2612 qu’il ne s’agit que d’amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous présente l’amour comme lié à la mort, avec ce goû
2613 résente l’amour comme lié à la mort, avec ce goût de cendres tel que l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l
2614 t de cendres tel que l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l’éprouver. En Orient et dans la Grèce contempora
2615 l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l’éprouver. En Orient et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amo
2616 prouver. En Orient et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain est très généralement conçu comme un plaisir,
2617 où elle exerce ses ravages aux dépens du monde et de soi. Pourquoi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amo
2618 soi. Pourquoi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amour de la mort sont-ils apparus à ce moment-là ? Il fa
2619 volution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amour de la mort sont-ils apparus à ce moment-là ? Il faut relier l’amour cour
2620 s condamnaient le mariage. On vous avait reproché d’ avoir fait trop d’hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effe
2621 mariage. On vous avait reproché d’avoir fait trop d’ hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effet. Quand parut mon
2622 hé d’avoir fait trop d’hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effet. Quand parut mon livre, on ignorait encore be
2623 parut mon livre, on ignorait encore beaucoup trop de choses sur cette doctrine. J’avoue que j’en avais été réduit à un gra
2624 avoue que j’en avais été réduit à un grand nombre d’ hypothèses. Mais, en 1940, le Père Dondaine retrouva dans une biblioth
2625 , le Père Dondaine retrouva dans une bibliothèque de Florence le Livre des deux principes, premier texte cathare en notre
2626 xte cathare en notre possession. J’eus le bonheur de voir qu’il confirmait ce que j’avais avancé. C’est pourquoi je propos
2627 artie historique. Mais votre propos demeure celui d’ un moraliste. J’en conviens. Mon livre est celui d’un moraliste dans l
2628 ’un moraliste. J’en conviens. Mon livre est celui d’ un moraliste dans la mesure où il cherche à faire prendre conscience a
2629 he à faire prendre conscience aux gens des motifs de leurs actes. Nous en revenons à mon but initial : dénoncer la crise d
2630 initial : dénoncer la crise du mariage. Le mythe de Tristan, dégradé, édulcoré, à l’état inconscient habite toujours les
2631 s les esprits. Il n’est pas une femme qui ne rêve de connaître le grand amour, la passion unique, totale, mortelle. L’adul
2632 presque devenu une vertu. Le cinéma fournit assez de preuves à ce que j’avance. Fonder le mariage sur l’amour-passion est
2633 ne pas s’aimer : un philtre, la beauté diabolique de l’un ou simplement la fatalité les contraint à s’aimer. Mais alors, s
2634 t rien. Pauvres cathares ! ai. Rougemont Denis de , « [Entretien] L’amour-passion, phénomène historique », L’Information
2635 et augmentée, aggravée dit M. de Rougemont qui a de l’esprit, vient de paraître chez Plon. La première édition, née en 19
2636 re édition, née en 1939, avait provoqué une série de polémiques qui attestait l’importance de l’ouvrage : on s’accorde à l
2637 ne série de polémiques qui attestait l’importance de l’ouvrage : on s’accorde à le tenir pour un des livres les plus impor
2638 à le tenir pour un des livres les plus importants de notre époque. M. de Rougemont vit peu en France. Après avoir passé se
2639 ntenant fixé à Genève et s’occupe essentiellement d’ économie politique. La semaine dernière, il a toutefois retrouvé Paris
2640 pu l’isoler quelques minutes entre deux émissions de radio et l’interroger pour les lecteurs de L’Information. »
2641 ssions de radio et l’interroger pour les lecteurs de L’Information. »
28 1956, Articles divers (1951-1956). Petits trajets sur les axes du monde (août 1956)
2642 monde (août 1956)ak al Cette beauté bien drue d’ énergie pure et neuve, aux matins luisants de rosée, quand le pays ent
2643 drue d’énergie pure et neuve, aux matins luisants de rosée, quand le pays entier émerge de la brume, repeint durant la nui
2644 ns luisants de rosée, quand le pays entier émerge de la brume, repeint durant la nuit comme un banc vert auprès du lac pré
2645 à peine moins translucides que le ciel, ce temps de création du monde juste avant l’homme, c’est ma Suisse telle que je l
2646 nt l’homme, c’est ma Suisse telle que je la vois, de très loin, dans mon souvenir. J’y reviens. Les gros plans tout d’un c
2647 ns mon souvenir. J’y reviens. Les gros plans tout d’ un coup anéantissent l’exaltant panorama. Les maisons sages, un peu sc
2648 le compartiment. Compartiments, c’est le mot-clé de la Suisse. Douze paysages ou décors types juxtaposés, et l’on va de l
2649 e paysages ou décors types juxtaposés, et l’on va de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme il ar
2650 nutes comme il arrive quand on traverse le tunnel de Chexbres : il se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénan
2651 e tunnel de Chexbres : il se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénans — collines où montent les sapins en bat
2652 le — et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’ un ciel méridional que double un lac immense. Vingt-cinq États distinc
2653 t partout mais qui s’ignorent, je ne sais combien de races, de classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, san
2654 mais qui s’ignorent, je ne sais combien de races, de classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, sans mélange.
2655 orent, je ne sais combien de races, de classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, sans mélange. Si bien que l
2656 ervés, séparés, sans mélange. Si bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’un
2657 oids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’ une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamai
2658 rtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’ une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la
2659 mme d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’ un canton, presque jamais celui de la nation entière. Tandis que le gr
2660 rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la nation entière. Tandis que le grand esprit, solidement raciné dans
2661 rtiment natal, cherchera dans les jeux survolants de la synthèse les grandes dimensions qui lui manquent. Paracelse était
2662 ckhart, et Madame de Staël comme personne. « Pays de gens moyens, oui, disait Lucien Febvre, mais quand ils réussissent à
2663 n Febvre, mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors, pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au
2664 ssissent à se dégager de leur canton — alors, pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de
2665 de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les ha
2666 gnent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa pri
2667 versel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’i
2668 de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la
2669 de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors, cette ivresse des
2670 ne… Alors, cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée… »am Compartiments
2671 des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’ obstacles devant la pensée… »am Compartiments, esprit de groupe et so
2672 cles devant la pensée… »am Compartiments, esprit de groupe et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent
2673 esprit de groupe et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but
2674 p, et sociétés solides si leur but est restreint. D’ où l’extrême importance accordée à la vie, à la santé de l’individu, à
2675 ’extrême importance accordée à la vie, à la santé de l’individu, à son confort : médecine, hygiène, vêtement, technique mi
2676 ents. Et découvrons la Suisse réelle dans l’usage de ses trains locaux. Les trains suisses, bien qu’ils vous conduisent e
2677 ins suisses, bien qu’ils vous conduisent en moins d’ une heure d’un monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits dép
2678 bien qu’ils vous conduisent en moins d’une heure d’ un monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits déplacements, q
2679 ée ne s’établit jamais cette monotonie des heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de pla
2680 it jamais cette monotonie des heures de plaine et d’ océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse
2681 s cette monotonie des heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un
2682 céan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un véritable voyage, on s’en tire en coupant le
2683 on s’en tire en coupant le milieu, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures de musique russe indéfiniment répétées,
2684 u, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures de musique russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le meilleur,
2685 nt les extrêmes les plus touchants du souvenir et de l’espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouvert
2686 s romantiques contraints par les dimensions mêmes de leur État au classicisme véritable, celui qui exprime le tout en disa
2687 prime le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’un raccourci métaphorique. J’idéalise,
2688 s, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’ un raccourci métaphorique. J’idéalise, mais pourquoi pas ? S’il me fal
2689 t décrire nos petits déplacements du point de vue de l’usager moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes,
2690 rouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les g
2691 en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les gens chics par
2692 ne savais rien des premières sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelqu
2693 es sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelque usage ignoré du commun. P
2694 orceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelque usage ignoré du commun. Presque toujours
2695 ens bien, gracieusement mêlés au peuple souverain de la région, dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs
2696 e égalité scolaire que créent en Suisse les bancs de bois peints en faux bois jaune clair. On s’attendait à être interrogé
2697 l’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’ un sévère uniforme au col bordé de perles blanches mordant sur l’encol
2698 personnage vêtu d’un sévère uniforme au col bordé de perles blanches mordant sur l’encolure bien rasée entrait, claquait l
2699 t annonçait avec une emphatique autorité des noms de villages que tout le monde connaissait, mais cela faisait partie du j
2700 se passait d’ailleurs sans angoisse. On était sûr de son affaire, on était parfaitement « en règle », il fallait simplemen
2701 e, voire prévenante, qui fait la force principale de notre régime fédéral. Revenant en Suisse après la longue absence de m
2702 déral. Revenant en Suisse après la longue absence de mes années américaines et plus que jamais frappé par ce trait nationa
2703 toires du monde ont une fin — la fatale faiblesse de notre État : cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc de nou
2704 a fatale faiblesse de notre État : cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc de nous croire protégés par toutes le
2705 cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc de nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines, comme s
2706 manité où nous plongeons se conformait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse de troisième classe,
2707 rmait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d’ un wagon suisse de troisième classe, tant il respire naturellement l’h
2708 e la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse de troisième classe, tant il respire naturellement l’honnêteté, tendrait
2709 tion, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’hu
2710 rresponsable et affamée ; et notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespeare et les Pères de
2711 nnement, depuis des millénaires, l’existence même de la plupart des autres hommes. En dépit du langage courant, c’est le n
2712 t le normal qui est exceptionnel. Ce sont les cas d’ ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils parais
2713 al qui est exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils paraissent, phé
2714 exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils paraissent, phénomènes hau
2715 lieu de nous rebattre les oreilles du train-train de nos corruptions. Donc les Suisses que je vois en troisième classe off
2716 s que je vois en troisième classe offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu
2717 n troisième classe offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les
2718 asse offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’ où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les étrangers sens
2719 e sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent plac
2720 nnent place dans nos trains locaux ? L’expérience de la vie new-yorkaise, où personne ne vous voit jamais, me propose par
2721 en somme, inconsciemment, comme si notre système de sécurité devait être à chaque instant vérifié, mis au point, méticule
2722 méticuleusement nettoyé des moindres suggestions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une c
2723 nettoyé des moindres suggestions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une cravate insolente,
2724 ndiscrétion du regard suisse me surprend à chacun de mes retours. Comment décrire et comment justifier l’espèce particuliè
2725 écrire et comment justifier l’espèce particulière d’ irritation que provoquent ces regards apparemment timides, mais direct
2726 ement ne se détournent qu’avec cet air exaspérant de celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir
2727 naisé près de la porte du balcon dans une chambre d’ hôtel des bords du lac Léman : Afin d’éviter tout bruit inutile, la d
2728 : Afin d’éviter tout bruit inutile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’
2729 nutile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’était l’été des expériences d
2730 nger aux mouettes. C’était l’été des expériences de Bikini. Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’indus
2731 Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux,
2732 commerce et de l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux, comme les gens de troisième, des menu
2733 de cette classe n’est pas curieux, comme les gens de troisième, des menus incidents du trajet. On sent bien qu’il a l’habi
2734 e vagabonde pas, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’étonnant si le contrôleur distingue à première vue les r
2735 s, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’ étonnant si le contrôleur distingue à première vue les resquilleurs, c
2736 s jeunes gens excités qui prétendent ne pas payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes :
2737 as payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’être là, on
2738 dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’ être là, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple
2739 s aux moues insolentes, vêtues comme des réclames de magazines, discutent avec un accent révoltant le prix de leurs nylons
2740 zines, discutent avec un accent révoltant le prix de leurs nylons ou de cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par l
2741 ec un accent révoltant le prix de leurs nylons ou de cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par le jeune mâle placid
2742 les troisièmes. Mais il faut traverser un couloir de premières. Et je m’arrête, fasciné. Un vieux monsieur en noir, au col
2743 n’existait pas, ils vont plus loin. Confirmation de la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les pass
2744 l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse, je les nomme les imperméables. Ils traver
2745 t transparents s’ils vont très vite ? On ne cesse de voir le paysage au travers.) Ils appartiennent au vaste monde dont je
2746 Secondes entre les deux ! ak. Rougemont Denis de , « Petits trajets sur les axes du monde », Médecine de France, Paris,
2747  Petits trajets sur les axes du monde », Médecine de France, Paris, août 1956, p. 33-35. al. Ce texte est une nouvelle ve
2748 al. Ce texte est une nouvelle version, remaniée, de « La lutte des classes ». am. Il s’agit d’un extrait de la préface à
2749 niée, de « La lutte des classes ». am. Il s’agit d’ un extrait de la préface à la Confédération helvétique , que Rougemont
2750 lutte des classes ». am. Il s’agit d’un extrait de la préface à la Confédération helvétique , que Rougemont publie en 19
29 1956, Articles divers (1951-1956). Un exemple pour l’Europe (octobre 1956)
2751 réussies, l’on peut citer la Suisse sans soulever d’ objections. Tout le monde sait que son régime politique est l’un des p
2752 e est l’un des plus stables au monde, depuis plus d’ un siècle. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer
2753 au monde, depuis plus d’un siècle. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer en exemple. Mais combien sa
2754 e. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer en exemple. Mais combien savent comment ce modèle d’un systè
2755 en exemple. Mais combien savent comment ce modèle d’ un système politique fédéral a pris naissance en 1848 ? Une fédérati
2756 u’à cette date, la Suisse n’était qu’une alliance d’ États souverains. Pendant des siècles, leur lien légal avait consisté
2757 sisté dans une Diète, laquelle n’avait guère plus de pouvoir que l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée d’ambass
2758 uère plus de pouvoir que l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée d’ambassadeurs des cantons souverains, pourvus d
2759 l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée d’ ambassadeurs des cantons souverains, pourvus du droit de veto, cette D
2760 ssadeurs des cantons souverains, pourvus du droit de veto, cette Diète « n’avait en fait d’emprise sur les cantons que dan
2761 s du droit de veto, cette Diète « n’avait en fait d’ emprise sur les cantons que dans la mesure où elle se conformait à leu
2762 ne politique commune expliquent la chute soudaine de l’ancienne Confédération devant les armées de la Révolution française
2763 ine de l’ancienne Confédération devant les armées de la Révolution française, en 1798. L’essai d’unification jacobine entr
2764 mées de la Révolution française, en 1798. L’essai d’ unification jacobine entrepris à ce moment-là sous le nom de « Républi
2765 ion jacobine entrepris à ce moment-là sous le nom de « République helvétique une et indivisible » échoua rapidement, et Na
2766 at fédératif. Vouloir la vaincre ne peut pas être d’ un homme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’États souvera
2767 s être d’un homme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’États souverains sans pouvoir central et de la totale un
2768 mme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’ États souverains sans pouvoir central et de la totale unification, la
2769 liance d’États souverains sans pouvoir central et de la totale unification, la Suisse chercha pendant près d’un demi-siècl
2770 otale unification, la Suisse chercha pendant près d’ un demi-siècle un équilibre malaisé. Toute tentative de révision du « 
2771 demi-siècle un équilibre malaisé. Toute tentative de révision du « Pacte fédéral », comme celle de 1832, se voyait repouss
2772 ive de révision du « Pacte fédéral », comme celle de 1832, se voyait repoussée à la fois par la gauche, qui lui reprochait
2773 La solution qui s’imposa finalement au lendemain de la guerre civile dite du Sonderbund (1847) peut être qualifiée soit d
2774 ite du Sonderbund (1847) peut être qualifiée soit d’ habile compris soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragm
2775 7) peut être qualifiée soit d’habile compris soit d’ échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.
2776 fait, elle a tranquillement supprimé le problème de la souveraineté cantonale (ou nationale), et cela d’une manière qui m
2777 la souveraineté cantonale (ou nationale), et cela d’ une manière qui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe d’aujou
2778 nale), et cela d’une manière qui me paraît pleine d’ enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Loin d’exiger des cantons u
2779 ui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe d’ aujourd’hui. Loin d’exiger des cantons une renonciation à leur souvera
2780 d’enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Loin d’ exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, la Constituti
2781 ation à leur souveraineté, la Constitution suisse de 1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle
2782 . — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance… forment dans leur ensemble
2783 ffens l’a définie comme « la faculté pour un État d’ agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites
2784 s aucun État européen qui ait conservé la faculté d’ agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable de déclar
2785 uise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assure
2786 -à-dire qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assurer sa prospérité sans plus
2787 guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’ assurer sa prospérité sans plus dépendre de l’étranger, de se défendre
2788 ntend, d’assurer sa prospérité sans plus dépendre de l’étranger, de se défendre plus de quelques heures contre les Russes
2789 r sa prospérité sans plus dépendre de l’étranger, de se défendre plus de quelques heures contre les Russes ou les Américai
2790 plus dépendre de l’étranger, de se défendre plus de quelques heures contre les Russes ou les Américains : donc de se cond
2791 heures contre les Russes ou les Américains : donc de se conduire en pirate ou de vivre en vase clos. Ces limites décisives
2792 les Américains : donc de se conduire en pirate ou de vivre en vase clos. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont p
2793 aineté ne sont plus posées par le droit, mais par d’ implacables circonstances techniques, économiques et politiques. Il en
2794 ulte que la souveraineté nationale n’a plus guère d’ autre existence que psychologique. Refoulée du domaine des forces réel
2795 ogique. Refoulée du domaine des forces réelles et de pouvoirs concrets elle est devenue le réceptacle où se recueillent pê
2796 réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’une H
2797 ées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’ une Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout ang
2798 ’école, agressivité frustrée, et surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’un c
2799 entité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’ un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’
2800 donc pris les caractères cliniques d’un complexe. D’ où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réa
2801 où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevo
2802 apter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus g
2803 changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’ où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus grossières du commun
2804 r affectivité inquiète comme Iago sur la jalousie d’ Othello. D’où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugr
2805 té inquiète comme Iago sur la jalousie d’Othello. D’ où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui ca
2806 llo. D’où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur la souverainet
2807 es sur la souveraineté nationale. Lors des débats de la table ronde de l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ont
2808 neté nationale. Lors des débats de la table ronde de l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ont frappé comme étan
2809 pé comme étant propres à éduquer le sens européen de notre opinion publique. Le premier fut apporté par M. Ernst Friedlaen
2810 ’on doit rassurer ceux qui tremblent, disent-ils, de voir leur patrie « se perdre dans la masse informe d’une Europe unie 
2811 oir leur patrie « se perdre dans la masse informe d’ une Europe unie ». Le second argument est dû à M. Cotsaridas, publicis
2812 le peuple sera associé à leur gestion. Il importe d’ expliquer cela aux masses, car ainsi sera dissipée la crainte que susc
2813 nsi sera dissipée la crainte que suscite la perte de la souveraineté nationale. » Il n’est donc pas exact que nos nations,
2814 vue de s’unir, doivent sacrifier ce qui subsiste de leur souveraineté nominale. Quant à l’essentiel de cette souveraineté
2815 e leur souveraineté nominale. Quant à l’essentiel de cette souveraineté, elles l’ont perdu, et sans retour. À la question 
2816 27. William Rappard, La Constitution fédérale de la Suisse, p. 20. 28. Ibid., p. 83. an. Rougemont Denis de, « Un
2817 p. 20. 28. Ibid., p. 83. an. Rougemont Denis de , « Un exemple pour l’Europe », Fédération, Paris, octobre 1956, p. 59
30 1956, Articles divers (1951-1956). Serrer la main d’un communiste, désormais… (10 novembre 1956)
2818 Serrer la main d’ un communiste, désormais… (10 novembre 1956)ao Le dimanche 4 novemb
2819 chers auditeurs, vous allez entendre le manifeste de la Fédération des écrivains hongrois. Ici la Fédération des écrivains
2820 de, à tous les savants, à toutes les associations d’ écrivains et académies, à l’élite intellectuelle du monde entier, nous
2821 peu de temps. Vous connaissez les faits. Inutile de rappeler ce qui se passe. Aidez la Hongrie. Aidez le peuple hongrois.
2822 s, en allemand et en russe. Puis quelques minutes de musique. À 8 h 7, Radio-Kossuth se tait. QUI RÉPONDRA ? À ces dernièr
2823 h se tait. QUI RÉPONDRA ? À ces dernières paroles de la révolution déclenchée par les étudiants et par les écrivains du ce
2824 u, cet appel propagé dans le monde entier. Chacun de nous doit maintenant y répondre. Chacun de nous peut faire quelque ch
2825 Chacun de nous doit maintenant y répondre. Chacun de nous peut faire quelque chose. Le monstrueux forfait de Budapest a mi
2826 s peut faire quelque chose. Le monstrueux forfait de Budapest a mis le communisme au ban de l’humanité. Il fallait tout d’
2827 ux forfait de Budapest a mis le communisme au ban de l’humanité. Il fallait tout d’abord le déclarer. Mais il faut en tire
2828 e part, nous pensons ce qui suit : Serrer la main d’ un communiste occidental, qui approuve « librement » son parti, c’est
2829 nt » son parti, c’est saluer un complice du crime de Budapest. Publier ses écrits, c’est contribuer au genre de propagande
2830 st. Publier ses écrits, c’est contribuer au genre de propagande intellectuelle qui mène au crime de Budapest. Discuter ses
2831 re de propagande intellectuelle qui mène au crime de Budapest. Discuter ses raisons, c’est oublier qu’elles « justifient »
2832 elles « justifient » nécessairement les massacres de Budapest. Continuer les dialogues Europe-URSS, engagés sous le signe
2833 ogues Europe-URSS, engagés sous le signe trompeur d’ une « détente » qui vient de montrer sa vraie nature à Budapest, c’est
2834 uet-apens. Accueillir et fêter les jolies troupes d’ artistes, les intellectuels asservis que nous envoie le régime de Mosc
2835 intellectuels asservis que nous envoie le régime de Moscou, c’est oublier la voix des écrivains martyrs qui nous appelaie
2836 la voix des écrivains martyrs qui nous appelaient de Budapest, et c’est trahir leur testament. Que chacun s’interroge et d
2837 ament. Que chacun s’interroge et décide librement de l’action qu’il entend mener, dans sa sphère d’influence personnelle o
2838 nt de l’action qu’il entend mener, dans sa sphère d’ influence personnelle ou civique, contre ceux qui applaudissent au cri
2839 re ceux qui applaudissent au crime, qui tenteront de le faire oublier, ou de lui chercher des excuses. Que tous les esprit
2840 t au crime, qui tenteront de le faire oublier, ou de lui chercher des excuses. Que tous les esprits libres qui voudraient
2841 ’action internationale du Congrès pour la liberté de la culture sachent qu’ils trouveront ici des hommes qui n’oublient pa
2842 s hommes qui n’oublient pas l’appel des écrivains de Budapest, qui ne le laisseront pas oublier, et dont tout le programme
2843 oublier, et dont tout le programme est maintenant d’ y répondre. Au nom du Congrès pour la liberté de la culture, Le présid
2844 t d’y répondre. Au nom du Congrès pour la liberté de la culture, Le président du comité exécutif, Denis de Rougemont ao.
2845 écutif, Denis de Rougemont ao. Rougemont Denis de , « Serrer la main d’un communiste, désormais… », Le Figaro littéraire
2846 emont ao. Rougemont Denis de, « Serrer la main d’ un communiste, désormais… », Le Figaro littéraire, Paris, 10 novembre