1 1951, Articles divers (1951-1956). Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)
1 sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951) a Nous sommes ici parce que nous savons tous que notre civilisation
2 l’on nous demande quel est le principe simple qui a pu rassembler des hommes aussi divers à tant d’égards que ceux que vo
3 l’autre guerre suivra. Si nous la gagnons, nous n’ aurons pas encore tout sauvé, mais nous aurons, à notre place et selon nos p
4 s, nous n’aurons pas encore tout sauvé, mais nous aurons , à notre place et selon nos pouvoirs, fait quelque chose pour la libe
5 la liberté, c’est-à-dire pour la paix. On nous a volé le mot « paix » D’autres que nous défendent la paix, je le sa
6 je le sais bien. D’autres que nous et avant nous ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague, de Varsovie t
7 paix, un peu comme le chat aime la souris et nous avons des raisons très précises de le penser. Nous publierons à ce sujet bi
8 que les grands chefs totalitaires de divers pays ont pris soin d’écrire eux-mêmes depuis longtemps et d’autres textes plus
9 ents. Vous pourrez juger alors vous-mêmes qu’on n’ aura jamais vu des loups déclarer avec moins de pudeur leur amour passionn
10 s brebis. La vérité, voyez-vous, c’est qu’on nous a volé ce mot de paix. On nous l’a kidnappé ; on l’a pris en otage ; on
11 c’est qu’on nous a volé ce mot de paix. On nous l’ a kidnappé ; on l’a pris en otage ; on nous le présente maintenant deva
12 volé ce mot de paix. On nous l’a kidnappé ; on l’ a pris en otage ; on nous le présente maintenant devant le front des tr
13 dans nos pays, 14 millions en Europe, paraît-il, ont succombé à ce raisonnement d’une écrasante simplicité dans le sophism
14 sonne pas vrai, n’est pas sincère ; ce qu’on nous a volé, ce qu’on nous a pris en otage, ce n’est pas la paix, c’est un m
15 pas sincère ; ce qu’on nous a volé, ce qu’on nous a pris en otage, ce n’est pas la paix, c’est un mot. Il est très facile
16 . Nous sommes soumis, depuis un an, à ce que l’on a nommé une offensive de paix — d’un terme militaire bien caractéristiq
17 as. Pasteur aussi détestait les microbes, mais il a su les employer, les enrôler, pour ainsi dire, au service de la santé
18 ue derrière les barbelés, nous comprendrons qu’il eût peut-être mieux valu s’occuper de ces problèmes pendant qu’on le pouv
19 très précise et concrète. D’où vient que l’Europe ait régné sur le monde, incontestablement depuis quatre ou cinq siècles ?
20 tablement depuis quatre ou cinq siècles ? Quelles ont été les sources vives de cette puissance paradoxale ? La péninsule Eu
21 lles ne la destinaient fatalement au rôle qu’elle a pourtant joué. D’autres facteurs sont donc intervenus. En fait le ray
22 En fait le rayonnement, la puissance de l’Europe ont résulté tout à la fois de ses conceptions religieuses et morales, d’u
23 s surtout et plus encore le fait que cette phrase ait paru toute naturelle, qu’elle reflète donc un état d’esprit courant,
24 feront pas si le point de vue de l’adversaire les a , par avance, « occupés ». Ainsi donc, pratiquement — j’insiste sur le
25 recteur du secrétariat international du Congrès. a . Rougemont Denis de, « Faire la propagande de la liberté, c’est sauv
2 1951, Articles divers (1951-1956). Comment fabriquer un Européen ?
26 uer, ou presque, paraît-il. L’homme synthétique n’ a pas encore vu le jour, il est vrai, mais nous ne perdons rien pour l’
27 mieux distinguer, par contraste, combien je dois avoir raison. Demandons-nous comment on fait pour fabriquer soit un Yankee,
28 le Mayflower. Il semble bien que cette caravelle ait transporté plusieurs centaines de milliers d’émigrants : un Smith de
29 les défauts contradictoires du continent. Il n’y a que des Français, des Danois, des Croates, des parpaillots, des mécré
30 partisans motorisés de la paix concentrée. Il n’y a que des hommes habitués à différer les uns des autres, et c’est tout
31 à ces 300 millions d’hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de rester chacun soi-même à
32 z les habitants de notre cap, c’est l’idée qu’ils ont tous d’appartenir d’abord à une famille, à une région, à une patrie,
33 me absentes en Russie soviétique et en Asie. Nous avons beaucoup en commun, beaucoup plus que nous ne le croyons. Mais nous n
34 beaucoup plus que nous ne le croyons. Mais nous n’ avons rien de plus fort, pour nous unir, que cette passion de rester différ
35 Saxons, si nous voulons rester nous-mêmes, il n’y a plus une minute à perdre : il nous faut combiner nos ressources. Faut
3 1951, Articles divers (1951-1956). Défense de nos libertés (octobre 1951)
36 t intellectuel ou paysan, sait très bien ce qu’il a perdu. Il n’en demande pas la définition. Il en exige la jouissance i
37 , ceux qui vivent en régime totalitaire, et qui n’ ont pas nos libertés, qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres motifs de
38 ce nette et forte des libertés concrètes que nous avons  ? Si nous voulons gagner d’avance — avant une guerre, qui serait perd
39 ncipale de l’autre camp. Quand on nous dit : « Qu’ avez -vous à opposer à l’idéologie stalinienne, à cette grande espérance de
40 ie plus puissante que la leur, mais hélas, vous n’ avez aucun passé ! », quand on nous dit cela, et que nous cherchons alors
41 tale. Il faut que nous répondions ceci : « Nous n’ avons pas besoin comme vous d’une mystique qui masque les faits, nous n’avo
42 vous d’une mystique qui masque les faits, nous n’ avons pas besoin d’une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est
43 nous n’avons pas besoin d’une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est pas notre passé que nous défendons, mais bi
44 que nous défendons, mais bien les libertés qu’il a conquises, et qui sont la réalité présente de nos vies, bien plus : q
45 les « mystiques » synthétiques aux peuples qui en ont grand besoin, parce qu’ils n’ont pas nos réalités — et leurs chefs do
46 x peuples qui en ont grand besoin, parce qu’ils n’ ont pas nos réalités — et leurs chefs doivent masquer cette absence par d
47 ent masquer cette absence par des slogans. Nous n’ avons nul besoin d’une mystique « aussi puissante » ou « plus puissante » q
48 ts nous suffisent, et quant aux libertés, nous en avons plus que nous méritons. Je crois à la vertu de la prise de conscience
49 voyons les faits, et savons les faire voir, nous aurons du même coup repris l’initiative. C’est l’autre camp qui sera forcé d
50 rcions le Congrès pour la liberté de la culture d’ avoir bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait de la brochure de D
4 1952, Articles divers (1951-1956). Robert de Traz, l’Européen (1952)
51 obert de Traz, l’Européen (1952)e Peu d’hommes ont vu plus juste, entre-deux-guerres. Peu d’écrivains ont si bien voyagé
52 u plus juste, entre-deux-guerres. Peu d’écrivains ont si bien voyagé, et mieux dit ce qu’ils avaient vu. La plupart se rend
53 ivains ont si bien voyagé, et mieux dit ce qu’ils avaient vu. La plupart se rendaient trop visibles ou trop sensibles, aux dépe
54 era le lit de l’hitlérisme, un peu plus tard : il a senti l’appel aux passions collectives, aux philosophies de combat, e
55 mais le ramener à la communauté européenne ». Il a , l’un des premiers, ravivé l’idéal de cette communauté indispensable
56 civilisation « grecque et chrétienne — et Rome n’ a fait qu’amplifier et parfois corrompre ces termes essentiels » que l’
57 perspective ne va-t-elle pas nous mettre debout ? Avons -nous donc cessé d’être des mâles, qui formulent et dirigent, et, dans
58 évique, le snobisme oriental, le snobisme nègre n’ ont -ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie et de reniement ? » Et
59 gnifiquement privilégiés, les hommes d’Occident n’ ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ils se rapprochent donc
60 mple à suivre. Contre les dangers du dedans, elle aurait conclu un pacte d’alliance entre ses fils : ce pacte, elle le propose
61 rnel qu’une longue amitié, dès mon adolescence, n’ a pu me le faire concevoir de son vivant. Dans le recueil récemment pu
62 œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’ a-t -il pas joint l’action dont il avait, bien avant nous, aperçu la néces
63 ce précurseur n’a-t-il pas joint l’action dont il avait , bien avant nous, aperçu la nécessité ? Son style même nous suggère u
64 sont des renfermés, et qui en souffrent : il les avait vécus, mais libérés en lui. Modeste et probe avec une discrète élégan
65 e Robert de Traz, paru en 1926, et dont Rougemont a rendu compte dans le Journal de Genève .
5 1952, Articles divers (1951-1956). Prototype T.E.L. (janvier 1952)
66 ilité et le désir de parler de lui. Bien d’autres ont vécu des aventures semblables, mais lui « savait ce qu’il était en tr
67 , mais d’abord il convient de chercher le rôle qu’ a joué cette œuvre dans le conflit entre l’auteur et son époque. L’écri
68 e nihilisme, exilés dans la transcendance. Il n’y a plus de commune mesure entre celui qui pense et ceux qui agissent ; i
69 tre celui qui pense et ceux qui agissent ; il n’y a donc plus de communauté réelle. Et c’est pourquoi le xxe siècle verr
70 . Et beaucoup se sont vus exilés par le parti qui avait confisqué leur patrie (de Silone à Koestler, en passant par les Allem
71 s ce sens technique ces hommes sont engagés : ils ont payé de leur personne le prix d’une signification. Que ces héros soie
72 ité de la vie défaite de leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée, et surtout, dans l’aviation, le moyen de s’expat
73 e, qui meurt pour la libération des Grecs, mais n’ eût rien fait contre les droits des lords ou des capitalistes en Angleter
74 n, ou bien dans des révolutions mais que d’autres ont déclenchées, qui n’en sont plus au stade des revendications mais des
75 labes peuvent gâter l’allure d’un texte, ils n’en ont cure. Les meilleurs se rattrapent sur un plan plus profond d’efficaci
76 r lui trouver un sens, et justifier l’auteur de l’ avoir entreprise. Témoignages cependant ambigus : autobiographiques par nat
77 me d’une vocation plus vraie que les causes qu’il a servies et qui se révèlent toujours, au bout du compte, décevantes ?
78 rallèle s’impose entre ces deux figures. Qu’elles aient été si différentes à tant d’égards, si contrastées dans leurs données
79 une. L’un Anglais et l’autre Français, et bien qu’ ayant tous deux vécu leur aventure à l’étranger, parfaits représentants de
80 its représentants de leur nation, dans ce qu’elle a justement de plus différent de l’autre. L’un protestant et l’autre ca
81 ons maintenant leur personne, j’entends ce qu’ils ont fait de ces données natives, et les tensions qu’ils ont instituées en
82 it de ces données natives, et les tensions qu’ils ont instituées entre ce qu’ils étaient et ce qu’ils se voulaient. Voyons
83 l’un pour des fouilles dans les pays arabes qu’il avait étudiés avec passion ; l’autre sur ces avions qu’il essayait déjà de
84 u’il avait étudiés avec passion ; l’autre sur ces avions qu’il essayait déjà de manœuvrer en cachette à 16 ans. Les deux intel
85 èlent incompatibles avec l’esprit dans lequel ils ont servi. Signe plus personnel : ils avouent dans leurs lettres les dout
86 sion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ ont pas le choix, et que la vie parmi les autres, les civils, s’est révél
87 ’est révélée pour eux pratiquement intenable ? («  Avez -vous bien compris que je me suis engagé non pour écrire des livres ma
88 bien que plus vieux que leurs camarades, bien qu’ ayant eu « tous les membres brisés » au cours de leurs campagnes précédente
89 que plus vieux que leurs camarades, bien qu’ayant eu « tous les membres brisés » au cours de leurs campagnes précédentes,
90 sse que le rideau tombe pour moi. On dirait que j’ ai fini maintenant », écrit Lawrence quelques semaines avant sa mort. (E
91 Saint-Exupéry, dans toutes ses dernières lettres, a des phrases qui rendent le même son.) S’approche le moment de la retr
92 accident mortel. Ils sont tués par la machine qui avait été la passion de leur vie. Mais leur légende prévaut contre le fait.
93 revenus de tant d’autres dangers, et peut-être n’ ont -ils disparu que pour assumer d’autres tâches, plus secrètes et plus i
94 ns pour faire nombre. Mais la force d’un Lawrence a sa source dans les seules exigences qu’il s’impose. Le dictateur est
95 teur est le parasite des maux publics. Lawrence n’ a jamais rien demandé que de lui-même. Son pouvoir sur autrui lui fait
96 — cet autre prototype. Voici précisément ce qu’il eut d’exemplaire : il a soumis la condition de l’homme moderne aux épreuv
97 Voici précisément ce qu’il eut d’exemplaire : il a soumis la condition de l’homme moderne aux épreuves les plus dures da
98 s équivoque de tous : Révolution. On dirait qu’il a fait sur lui-même une étude de la résistance du matériel et du moral
99 Et puis il y a l’absence de responsabilité : je n’ ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes h
100 minisme que gît la paix parfaite après laquelle j’ ai si longtemps soupiré. J’ai essayé le libre arbitre, et l’ai rejeté ;
101 faite après laquelle j’ai si longtemps soupiré. J’ ai essayé le libre arbitre, et l’ai rejeté ; l’autorité, je l’ai rejetée
102 temps soupiré. J’ai essayé le libre arbitre, et l’ ai rejeté ; l’autorité, je l’ai rejetée (pas l’obéissance, car mon effor
103 libre arbitre, et l’ai rejeté ; l’autorité, je l’ ai rejetée (pas l’obéissance, car mon effort actuel est de trouver l’éga
104 cice de l’autorité qui m’écœure) ; l’action, je l’ ai rejetée ; et la vie intellectuelle ; et la vie réceptive des sens ; e
105 les simples mécaniciens de la RAF, non les grands as . « C’est pourquoi je suis resté dans le rang, et j’ai servi de mon mi
106 « C’est pourquoi je suis resté dans le rang, et j’ ai servi de mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose « d’intangib
107 me de créer quelque chose « d’intangible », qui l’ avait soutenu dans son effort d’artiste alors qu’il écrivait les Sept Pilie
108 s sur tout ce que je faisais. Eh bien, en cela, j’ ai échoué. J’ai donc changé de direction… Je me suis engagé dans la RAF
109 que je faisais. Eh bien, en cela, j’ai échoué. J’ ai donc changé de direction… Je me suis engagé dans la RAF pour me mettr
110 achine… Je laisse à d’autres le soin de dire si j’ ai bien ou mal choisi : l’un des avantages d’être une pièce de la machin
111 ièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’ a pas d’importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ceu
112 viens de traduire semblent indiquer que Lawrence eût été capable de justifier, de la manière la plus tentante, le stalinis
113 i en résulte est un travail de second ordre. Je n’ ai rien rencontré de plus honnête et dévoué que nos hommes politiques —
114 evant les problèmes métaphysiques) d’un homme qui a raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus d’autre solution qu
115 is qu’il faut pourtant bien accepter, lorsqu’on n’ a pas connu, ou que l’on refuse, la transcendance qui pourrait seule le
116 ce que peut un homme sans la foi, Lawrence nous l’ a montré avec un grand courage, et surtout sans le moindre souci d’être
117 est le fourrier. Les fausses fois totalitaires n’ ont d’ennemi sérieux que la foi. Pourtant, à ceux qui disent que Lawrence
118 ui disent que Lawrence est décevant parce qu’il n’ a pas laissé de « message », je répondrai qu’il nous apprend au moins à
119 ble de l’homme. Rien ne tient, à l’épreuve, qui n’ ait commencé là. 3. Letters, p. 412. 4. T. E. Lawrence, par Charles
120 rées des livres ou des lettres des deux hommes. J’ ai dû me borner à les paraphraser, les lettres de Saint-Exupéry n’étant
121 bliées. Quant à La Citadelle, on notera qu’elle n’ a point son équivalent chez Lawrence. Et certes, rien n’empêche d’imagi
122 s, rien n’empêche d’imaginer que ce dernier, s’il eût vécu tranquille dans son cottage, eût pu être tenté par une œuvre ana
123 rnier, s’il eût vécu tranquille dans son cottage, eût pu être tenté par une œuvre analogue, transposition lyrique et « litt
124 fonctions militaires importantes, que la guerre l’ eût sans doute contraint d’accepter. Au total, Saint-Exupéry fut davantag
6 1952, Articles divers (1951-1956). L’Heure de l’impatience (mars 1952)
125 croire aussi nombreux qu’ils sont, parce qu’ils n’ ont pas encore pris l’habitude de se sentir Européens. Au lieu d’un bloc
126 smes ne remontent qu’au siècle dernier, et qu’ils ont deux-mille ans d’usage commun d’un héritage que le reste de la Terre
127 enlèvement d’Europe par un escargot ! La prudence a montré ce qu’elle savait faire. Si l’on veut que l’Europe survive, l’
7 1952, Articles divers (1951-1956). Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)
128 je vous dirai aussi que les foyers de culture qui ont fait l’Europe jouaient, à d’autres époques, un rôle différent de celu
129 autres époques, un rôle différent de celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas de longues incursions dans le passé, mais
130 de connaissances orales, car les textes écrits n’ avaient pas de circulation publique. On passait donc ainsi du foyer de cultu
131 tinée, sans eux, à mourir à bref délai. 2° Il n’y a pas de culture vivante sans une incarnation, une implantation locale.
132 t cette ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas d’Europe vivante sans ces deux courants. Je reviens toujours à ce
133 n sérieux ne peut défendre cette idée. La culture a toujours été internationale. Il s’agit de passer de l’ensemble europé
134 nauté européenne des foyers de culture, dont nous avons adopté le nom avant-hier. Je verrais les choses de cette façon ; chaq
135 isations concrètes. Pour être valables, celles-ci ont besoin d’être essayées dans le vif, passées au crible de la vie quoti
136 ses plans de causeries — je crois qu’on vous les a remis. J’explique en quoi ils consistent : ce sont de petits plans de
137 avec la Campagne européenne de la jeunesse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23 de ces plans ; nous sommes prêts à
138 le temps dont ils disposent, les horaires qu’ils ont déjà prévus. Ces conférenciers ne seraient pas des professeurs d’éloq
139 pas, des sportifs. Au Centre de la culture, nous avons en préparation une Commission d’hygiène et de psychologie sportive. Q
140 sque toujours de tomber dans l’abstrait ; et nous avons besoin de votre opinion pour orienter notre action d’alimentation sel
141 te de vos foyers, leur forum. Un dernier mot : on a parlé tout à l’heure de culture populaire. Je ne crois pas qu’il y ai
142 n, d’ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ ai reçu une lettre parlant des foyers où l’on disait : « j’espère que da
143 culture qui doit être le principal locataire… » J’ ai beaucoup aimé cette formule et me suis dit que je vous la retransmett
144 ez un grand nombre. Je dirai, en terminant, que j’ ai grande confiance depuis que je vous vois ici rassemblés et surtout de
145 vois ici rassemblés et surtout depuis que je vous ai vus approuver ce mot de Communauté. i. Rougemont Denis de, « Les f
146 rnational pour la jeunesse, 1952, p. 7-14. j. On a ici modifié le texte imprimé original, dont la syntaxe et la ponctuat
8 1952, Articles divers (1951-1956). La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952)
147 ’Europe », notre collaborateur M. René-Henri Wüst a relaté ici, le 1er novembre, un entretien qu’il eut avec le professeu
148 a relaté ici, le 1er novembre, un entretien qu’il eut avec le professeur William Rappard. Les vues personnelles qu’y exprim
149 primait l’éminent interlocuteur de notre confrère ont ouvert la porte à un vaste débat sur ce sujet de la constitution de l
150 visé par les déclarations du professeur Rappard, a exprimé le désir de présenter son point de vue qui s’oppose totalemen
151 études internationales. Voici les propos que nous avons recueillis au cours d’un entretien avec M. de Rougemont. Laissez-moi
152 r dire que je suis très heureux que votre journal ait institué ce débat, qui est réellement vital pour la Suisse, et si je
153 ait de l’expérience fédéraliste suisse. Or, ce qu’ a déclaré M. Rappard me touche personnellement, car j’ai beaucoup lu se
154 claré M. Rappard me touche personnellement, car j’ ai beaucoup lu ses livres, je m’en suis beaucoup servi et voici qu’il pa
155 gumentation de M. Rappard, dans l’ordre où il les a énumérés lui-même. « Je ne crois pas, dit-il, que la petite Europe pu
156 lle est faite ! Ses adversaires les plus acharnés ont reconnu qu’il n’était plus temps de s’interroger sur son opportunité,
157 le 13 septembre la Haute Autorité du plan Schuman a été installée à Luxembourg : c’est un fait, elle existe, et Anglais e
158 — qui furent ses adversaires les plus absolus — n’ ont pas tardé à lui envoyer des ambassadeurs comme à tout autre gouvernem
159 he s’apprêtent à suivre. L’Europe n’existe pas, n’ a jamais moins existé qu’aujourd’hui, affirmait le professeur Rappard,
160 uropéenne est maintenant une idée américaine, qui aurait trouvé son expression dans le discours prononcé le 31 octobre 1949 pa
161 prend le plus chez M. Rappard, c’est qu’il semble avoir oublié qu’il présidait la commission économique du Congrès de l’Europ
162 1947. Avant que l’administrateur du plan Marshall ait prononcé son discours, donc avant que l’idée d’une fédération europée
163 on européenne soit devenue américaine, M. Rappard avait encore été un des délégués suisses à la conférence de Londres, en 194
164 s études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n’ a pas attendu les Américains, pas plus que la mise en place de la Haute
165 ais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’ a séparée en deux… N’allez pas plus loin, je connais l’antienne ! Non,
166 onnais l’antienne ! Non, le rideau de fer ne nous a pas séparés en deux de la façon dont on voudrait nous le faire croire
167 sommes quelque 320 millions, tandis qu’il n’y en a pas quatre-vingt-dix-millions de l’autre… Soit. Mais ces 320 millions
168 llions avec lesquels vous voulez faire l’Europe n’ ont pas de traditions communes ou d’impérieuses raisons de s’unir, comme
169 unes ou d’impérieuses raisons de s’unir, comme en avaient ceux qui ont fait la Suisse moderne. Ah ! oui ? Vous voulez parler de
170 uses raisons de s’unir, comme en avaient ceux qui ont fait la Suisse moderne. Ah ! oui ? Vous voulez parler des traditions
171 erbund… À ce taux-là, la France et l’Allemagne en ont également. Des traditions communes ? Entre les cantons-villes et les
172 es cantons-villes et les cantons-campagnes : qu’y a-t -il de commun entre Genève et Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « mirac
173  ? Alors, pourquoi pas l’Europe ? Les Européens n’ ont -ils pas des traditions communes que les Suisses n’avaient pas ? L’Eur
174 ils pas des traditions communes que les Suisses n’ avaient pas ? L’Europe est tout de même plus ancienne que la Suisse, et si l’
175 que, puis à l’Empire de Rome, on constate qu’elle avait déjà deux-mille ans d’existence quand les montagnards des trois pays
176 me, et je le répète, depuis que la Haute Autorité a été installée le 13 septembre passé. Remarquez que M. Rappard juge na
177 d encore plus. Je ne sache pas que le Royaume-Uni ait joué un grand rôle dans la constitution de la Suisse, ou que l’Amériq
178 stitution de la Suisse, ou que l’Amérique du Nord ait eu une grande influence sur le cours de notre histoire. Et si cela ét
179 ution de la Suisse, ou que l’Amérique du Nord ait eu une grande influence sur le cours de notre histoire. Et si cela était
180 conclusion est en contradiction avec tout ce qui a précédé, puisqu’il ne craint pas d’inclure l’alliance militaire. Mais
181 raint pas d’inclure l’alliance militaire. Mais il a raison d’insister sur le fait que ces problèmes sont vitaux pour notr
182 l’Europe. Ainsi prend fin cet entretien dont nous avons essayé de rendre compte aussi fidèlement que possible. k. Rougemo
183 glissée ici, le projet Briand d’union européenne ayant été présenté à la SDN en 1929.
9 1952, Articles divers (1951-1956). Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952)
184 t ce qui reste après toutes ces amputations, vous avez le front de dire que c’est l’Europe ? — Oui, j’ai cette conviction et
185 ez le front de dire que c’est l’Europe ? — Oui, j’ ai cette conviction et je m’explique. Tout d’abord, vous faites une erre
186 de fer coupe notre Europe par le milieu. Car vous avez à l’est du rideau, 88 millions d’habitants, contre 332 millions à l’o
187 ercera sur eux une puissante attraction. Ensuite, avez -vous bien compté que les six pays de la Haute Autorité font tous ense
188 an Monnet, parlez aussi des petits États-Unis qui ont tout juste autant d’habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30
189 autant d’habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez que le nombre d’habitants
190 on et culture inégalée dans le monde moderne. Ils ont fait à eux seuls, au cours des siècles et grâce à leurs échanges cont
191 riche, la Grèce et la Turquie, enfin la Suisse, n’ aient rien ajouté à ces gloires, ni que les Six aient décidé de vivre désor
192 n’aient rien ajouté à ces gloires, ni que les Six aient décidé de vivre désormais dans un vase clos. La « Petite Europe » a c
193 désormais dans un vase clos. La « Petite Europe » a cherché son salut dans l’union. Elle l’a trouvé malgré l’hostilité, l
194 Europe » a cherché son salut dans l’union. Elle l’ a trouvé malgré l’hostilité, la méfiance ou l’indifférence de ses voisi
195 nvaincre, mais réalistes devant le fait accompli, ont envoyé dès le premier jour, une ambassade auprès de la Haute Autorité
196 fait obstacle à une fédération plus étendue, ils ont contre eux les leçons de l’Histoire entière et tous les exemples vécu
10 1953, Articles divers (1951-1956). Préface à Photo + scène (1953)
197 e (1953)n o Le Centre européen de la culture n’ avait pas attendu le succès remporté l’an dernier par l’Exposition internat
198 tre le rythme intime d’une civilisation. Le décor a pris en Europe, depuis la Renaissance italienne et française, une imp
11 1953, Articles divers (1951-1956). Rudolf Kassner (1953)
199 seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’ avoir compris ce qui était dit, j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un
200 torité. Avant d’avoir compris ce qui était dit, j’ avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style, d’une impatience rigoureuse
201 avec une œuvre dont la difficulté, précisément, n’ a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal
202 xcite à découvrir l’angle particulier sous lequel a pu les voir, proches ou confondues, son auteur. (Cet angle de vision
203 1931, Collection blanche, 222 Seiten, enthält u. a . die zuerst in der von P. Valéry, Valery Larbaud und Léon-Paul Fargue
12 1953, Articles divers (1951-1956). Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement (janvier 1953)
204 d une civilisation meurt, c’est justement qu’elle a perdu le sens de ses fins ou qu’elle renonce à les saisir. De même, l
205 ci avec l’existentiel. La civilisation européenne a pour formule quelques options fondamentales, à la fois initiales et f
206 lois qu’y découvre l’esprit. L’erreur scientiste a consisté à croire que c’était bien la Réalité en soi qu’étudiaient, m
207 même, mais qu’il nous reste à définir. (Concevoir a deux sens aussi, mais en un mot.) 2) L’éclatement d’une bombe H vérif
208 espèrent. Car, intégré, il ne le fut jamais, je l’ ai rappelé. Mais il est en train de franchir le seuil d’une connaissance
209 ante : « C’est dans la mesure où le christianisme a signifié la fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’il a
210 s religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la science, recherche impitoyable de la vé
13 1953, Articles divers (1951-1956). Suisse, Europe et neutralité (6 mars 1953)
211 ée dans un corps politique plus large, entrée qui aurait été le véritable objet de la discussion avant le vote populaire. Mais
212 ue 2,5 % des voix électorales. Le Conseil fédéral a pris des mesures de défense contre les staliniens (exclusions de fonc
213 En fait, ils ne cessent de répéter que la Suisse a cessé d’être neutre : si nous décidions officiellement d’abandonner n
214 cet égard. Nombre de pays qui ne sont pas neutres ont fait beaucoup moins que nous pour lutter contre le stalinisme. Mais s
215 les Spaak, les de Gasperi, les Adenauer, qui nous ont jamais sommés de renoncer à la neutralité, mais ce sont les partisans
216 En tant que professionnel de l’idée européenne, j’ ai pu mesurer quotidiennement, depuis 5 ans, les résistances têtues que
217 européenne ; la seconde, c’est que son directeur a parlé de l’Europe dans son discours du 1er août 1952 à Genève (sans m
218 ans même prononcer le mot de neutralité). Il n’en a pas fallu davantage pour que le Conseil fédéral, puis le Conseil d’Ét
219 onseil fédéral, puis le Conseil d’État de Genève, aient froidement refusé, l’un après l’autre, d’aider le Centre en aucune ma
220 ises sur l’épaisse inertie de pareils préjugés. J’ ai cité cet exemple précis pour définir une situation psychologique. Com
221 géographiquement, au centre de l’Europe ; qu’elle a pris naissance un peu après le milieu de l’histoire de l’Europe ; que
222 nos intérêts exigent. Les fédéralistes suisses n’ ont pas attendu les Américains pour proclamer depuis 1933 la nécessité d’
223 isse des contacts étroits avec les mouvements qui ont obtenu la création du noyau fédéral des six pays du pool charbon-acie
14 1953, Articles divers (1951-1956). Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)
224 e est trop diverse pour qu’on puisse l’unir. Elle eut , disent-ils, son unité spirituelle au Moyen Âge et elle avait atteint
225 t-ils, son unité spirituelle au Moyen Âge et elle avait atteint au début de ce siècle une espèce d’unité matérielle : le voya
226 venez-vous parler d’union, quand l’unité foncière a disparu ? Il serait fou, et il est impossible de fondre nos diversité
227 oivent être à tout prix surmontées ; les secondes ont produit nos vraies richesses, et la meilleure raison de nous fédérer,
228 aboutir de nos jours à l’esprit totalitaire, nous a fait croire que l’unité et la diversité étaient des réalités contradi
229 tionalisme, au sens précis et néfaste du terme, n’ a sévi que pendant un siècle et demi sur les deux-mille ans de notre èr
230 omaine, anglicane, luthérienne et même calviniste ont tous la même structure, à très peu de phrases près. Nous l’ignorons,
231 ni la peinture, créations typiques de l’Europe, n’ ont jamais été nationales : elles furent des œuvres collectives, passant
232 ans frontières. Et enfin, et surtout, ce que nous avons de commun, c’est une certaine passion de différer, une certaine maniè
233 crets du « déterminisme historique ». L’Asiatique a toujours recherché la perte du moi dans le Tout. Le Soviétique n’a pl
234 ché la perte du moi dans le Tout. Le Soviétique n’ a plus le droit de dire « je » que lorsqu’il s’avoue criminel. L’Europé
235 » que lorsqu’il s’avoue criminel. L’Européen seul a placé la personne au-dessus de la collectivité. Comparées à la commun
236 ode de vivre européen : chez nous seulement elles ont été admises (« Il y a plusieurs demeures… »), protégées et aimées en
237 cines dans la réalité, cela ne signifie pas qu’il ait cessé de nuire. Les écrivains — poètes et philosophes — qui ont tant
238 uire. Les écrivains — poètes et philosophes — qui ont tant fait pour le fomenter au début du xixe siècle, pourraient beauc
15 1953, Articles divers (1951-1956). Pourquoi je suis Européen (20 juin 1953)
239 uin 1953)v w Je voudrais vous demander quelles ont été les raisons toutes personnelles qui ont fait de vous un partisan
240 elles ont été les raisons toutes personnelles qui ont fait de vous un partisan de l’Europe unie ? Je suis né à Neuchâtel, c
241 s né à Neuchâtel, c’est-à-dire dans le canton qui a été le dernier à se rallier à la fédération suisse en 1848. Jusqu’à c
242 beaucoup de Suisses. Dès la fin de mes études, j’ ai longuement habité Paris et la France, et c’est pendant cette période
243 t la France, et c’est pendant cette période que j’ ai écrit la plupart de mes livres, tous centrés sur la définition d’une
244 tion politique est, à mes yeux, le fédéralisme. J’ ai participé au lancement des revues L’Ordre nouveau et Esprit et de
245 erkegaard commençait à être connu en France, et j’ avais coutume de l’opposer à Hegel, préférant, en philosophie comme en poli
246 le drame au système et à la synthèse. En 1938, j’ ai publié mon Journal d’Allemagne , à la fin duquel je dénonçais Hitler
247 tièrement cerné par les nazis et les fascistes, j’ ai publié un ouvrage intitulé Mission ou démission de la Suisse , dans
248 eur à l’Université de Francfort de 1935 à 1936, j’ avais eu l’insolence de professer un cours sur le parallélisme entre les do
249 l’Université de Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cours sur le parallélisme entre les doctr
250 e différer les uns des autres : c’est ce que nous avons tous en commun. J’écris en ce moment un livre qui sera intitulé : Le
251 ne notion essentiellement européenne, et que nous avons eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notio
252 ion essentiellement européenne, et que nous avons eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notion d
253 eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’ a jamais eu la notion de l’individuel, les Russes font tout ce qu’ils p
254 de tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notion de l’individuel, les Russes font tout ce qu’ils peuvent pou
255 , celui que j’appelle la personne. (Cette formule a été reprise par Sartre, mais à mon sens dénaturée par lui. L’engageme
256 isme irresponsable qui, depuis le xviiie siècle, a préparé la réaction totalitaire que nous subissons. C’est avec la pou
257 s individus que l’État fait son ciment. Les Grecs ont inventé l’individu mais le christianisme lui a ajouté la vocation. L’
258 ont inventé l’individu mais le christianisme lui a ajouté la vocation. L’individu chargé d’une vocation qui, à la fois,
259 le relie à son prochain, voilà la personne. On l’ a dit : pour l’individu, il n’y a que des voisins inévitables, pour la
260 la personne. On l’a dit : pour l’individu, il n’y a que des voisins inévitables, pour la personne il y a des prochains… M
261 Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ ai été envoyé aux États-Unis pour une série de conférences. De là, j’ai
262 tats-Unis pour une série de conférences. De là, j’ ai été en Argentine et, à mon retour à New York, en novembre 1941, les É
263  : plus moyen de revenir en Suisse. À New York, j’ ai fait une nouvelle découverte de l’Europe. Aux yeux des Américains il
264 verte de l’Europe. Aux yeux des Américains il n’y a pas des Français, des Suisses, des Allemands, mais seulement des Euro
265 intervenir dans une situation politique que je n’ avais pu suivre que de très loin, il me dit : « Vous n’avez qu’à reprendre
266 pu suivre que de très loin, il me dit : « Vous n’ avez qu’à reprendre vos textes de 1939 et 1940 : c’est exactement ce que n
267 des fédéralistes. J’étais embarqué. Résumons : j’ ai été conduit à l’idée européenne par ma naissance, ma curiosité et mes
268 sé récent, la peur de l’Allemagne. La France, qui a été à l’avant-garde de la construction européenne, en constitue aujou
269 se retourner contre elle le nationalisme qu’elle a inventé et dont elle a infecté les autres continents. C’est à nous de
270 le le nationalisme qu’elle a inventé et dont elle a infecté les autres continents. C’est à nous de trouver le contrepoiso
271 ide. Et ce sera aussi l’aboutissement de ce que j’ ai appelé la mission de la Suisse. Je vais vous citer deux alexandrins q
272 uin et la grandeur de l’idée fédéraliste que nous avons réalisée en petit, et presque sans nous en rendre compte. Voici le pr
273 Et voici le second : La Suisse dans l’histoire aura le dernier mot. Saviez-vous que ces deux vers sont de Victor Hugo ?
274 s notre journal. » x. Aucun livre de Rougemont n’ a été publié sous ce titre, mais un essai paru dans la revue Preuves en
16 1953, Articles divers (1951-1956). Une fausse nouvelle : « Dieu est mort » (juin-juillet 1953)
275 uin-juillet 1953)u Le thème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’une partie assez im
276 cho. Les bien-pensants s’indignent, comme si l’on avait proféré un propos d’une extrême gravité : attitude incompréhensible d
277 , je ne vois pas que ce thème, partout mentionné, ait été vraiment discuté, jusqu’ici. Du défi désespéré de Nietzsche, de l
278 tzsche, de l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguement) supputé les effets sur la psychologie moderne, la
279 ychologie moderne, la culture et la société. Mais a-t -on jamais demandé à ceux qui disent que Dieu est mort, ce qu’ils ente
280 d’admettre — ce serait leur faire injure — qu’ils aient voulu dire simplement : « Pour ce qui me concerne, Dieu n’existe plus
281 qui me concerne, Dieu n’existe plus », car il n’y aurait là rien de nouveau : on retomberait au spleen métaphysique du romanti
282 es rationalistes de l’athéisme occidental, qu’ils ont largement reniés. Ils insistent, au contraire, par ce tour dramatique
283 st un cas suffisamment connu7. Et, d’ailleurs, il a partiellement démenti son message en écrivant un jour ceci : « La réf
284 gênant pour l’homme. Il n’en résulte pas que Dieu ait cessé d’exister, d’aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, num
285 le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’y a jamais eu dans l’Histoire autant d’hommes qu’aujourd’hui pour affirme
286 . Et dans le fait, numériquement, il n’y a jamais eu dans l’Histoire autant d’hommes qu’aujourd’hui pour affirmer qu’ils c
287 re du bruit avec la bouche. Car si Dieu l’Éternel avait été vivant, puis était mort, il n’eût jamais été Dieu l’Éternel, en s
288 l’Éternel avait été vivant, puis était mort, il n’ eût jamais été Dieu l’Éternel, en sorte qu’il faudrait dire que s’il est
289 il faudrait dire que s’il est mort, c’est qu’il n’ a pas vécu : ce qui est absurde. Si Dieu l’Inconnaissable était mort, c
290 est absurde. Si Dieu le Révélé était mort, après avoir vécu en tant que personne, il se serait donc produit, à un certain mo
291 cise Jaspers. Comment croire que Nietzsche seul l’ ait appris, que Sartre en ait été spécialement informé ? Si l’on tient po
292 re que Nietzsche seul l’ait appris, que Sartre en ait été spécialement informé ? Si l’on tient pour problématique la révéla
293 , génies ou pauvres types essayant de s’en tirer, ont prié et prient encore pour qu’il les assiste individuellement dans le
294 t des masses, l’énergie nucléaire non seulement n’ eût jamais été visible ou sensible, mais encore elle fût demeurée inimagi
17 1954, Articles divers (1951-1956). Ce petit cap de l’Asie (1er juin 1954)
295 ut de l’Occident. Même si la conférence de Berlin avait unifié l’Allemagne et libéré l’Autriche, ces décisions ne pouvaient é
296 ur tous les points de l’ordre du jour, elles n’en ont pas moins apporté un élément de pittoresque au débat sur l’union de l
297 ui voit grand, jugeant mesquine l’Europe des Six, a promis une Europe des Trente-Deux. (J’avoue que le compte n’est pas f
298 divagations, un fait curieux : l’idée européenne a fait de tel progrès que M. Molotov ne peut plus la combattre sans fei
299 soulignons d’autant plus fortement que la presse a manqué de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’Europe unie
300 qu’à la conférence de Berlin l’idée d’Europe unie a constitué le plus sérieux atout des peuples libres dans leur confront
301 et le projet de fédération qui est sa vraie base aient jamais été considéré comme monnaie d’échange éventuelle — MM. Bidault
302 naie d’échange éventuelle — MM. Bidault et Eden l’ ont précisé — mais ce sont ces projets qui ont mis l’Occident en mesure d
303 Eden l’ont précisé — mais ce sont ces projets qui ont mis l’Occident en mesure de discuter sur un fondement solide : nous a
304 mesure de discuter sur un fondement solide : nous avions quelque chose à défendre, qui n’était pas seulement le statu quo, mai
305 soviétique, lui, nous menace à bout portant : il a déjà conquis nos six nations de l’Est, et quatre nations en Asie. Il
306 nce de Genève se terminerait dans les huit jours, ayant perdu son intérêt stratégique pour M. Molotov. C’est dans cette pers
18 1954, Articles divers (1951-1956). La CED, ses mythes et sa réalité (12 août 1954)
307 lequel tous les députés et journalistes européens ont pris position en public ou dans le secret de leur cœur, mais que pres
308 secret de leur cœur, mais que presque personne n’ a lu ! On me confiait récemment, à Paris, le résultat de sondages discr
309 e : il semble qu’un peu moins d’un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus aride mais bien moin
310 a fin de ce mois. C’est dire que le lecteur moyen a bien le droit de demander à son tour, sans rougir de son ignorance :
311 , les Allemands, qui sont les premiers menacés, n’ auraient -ils pas le droit et le devoir de reconstituer une armée ? — Les Holla
312 e sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité qu’ ont déjà ratifié la Hollande et le Luxembourg, puis l’Allemagne et enfin
313 aux belges et des officiers italiens ? Ceux qui l’ ont dit et imprimé ont simplement donné la preuve qu’ils n’avaient jamais
314 fficiers italiens ? Ceux qui l’ont dit et imprimé ont simplement donné la preuve qu’ils n’avaient jamais lu le traité. En v
315 t imprimé ont simplement donné la preuve qu’ils n’ avaient jamais lu le traité. En vérité, il s’agit simplement d’un plan de mis
316 , ils combattent un projet fantôme que personne n’ a jamais défendu. Je vais le montrer par quelques exemples : « Quoi ! s
317 — nous venons de le voir. — « Mais si la France n’ a pas le droit d’entretenir sa propre armée, comment défendra-t-elle se
318 eur faire croire le contraire de ce qui est. Nous avons vu que le premier souci des auteurs français du traité fut justement
319 ue les unités allemandes et les unités françaises auront le même statut, dans la même armée, sur la base du même traité. Si vr
320 surtout la psychologie des interlocuteurs. La CED a coalisé contre elle les forces par ailleurs contradictoires du commun
321 viver les haines provoquées par les guerres qu’il a lui-même causées. D’autre part, les personnes âgées qui vivent encore
322 ED, nous trouvons d’une manière générale ceux qui ont compris qu’ils vivent au xxe siècle, que le rêve d’une souveraineté
323 valeur militaire — dont chacun souhaite qu’elle n’ ait jamais à faire les preuves — la CED ouvre toutes grandes les perspect
19 1954, Articles divers (1951-1956). Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954)
324 e ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on ait vue rapportée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme de l’État
325 s nationalismes rivaux. Et c’est dans le pays qui aura subi le plus durement l’agression napoléonienne, c’est en Prusse, que
326 à accomplir son principe, non à en jouir… Chacun a son principe auquel il tend comme à sa fin. Une fois cette fin attein
327 comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il n’ a plus rien à faire dans le monde. » Et encore : « À chaque époque domi
328 Corse — patriote humilié et récemment conquis —, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres
329 —, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes, qui vont revendiquer à leur tour
330 folklore, ou même leur langue : c’est ainsi qu’on a vu dans notre siècle, la Norvège, la Turquie, l’Irlande et Israël se
331 rera la conclusion, une fois vaincue, « qu’elle n’ a plus rien à faire au monde », comme le disait Hegel. Les guerres sero
332 volk », le « prolétariat » et sa dictature… Hegel avait vu juste, objectivement parlant. À partir de Napoléon, les nations de
333 ouveraine », à l’imitation des rois absolus qui n’ avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-de
334 de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc pa
335 914, elle en mourra. Mais comment cette absurdité a-t -elle pu triompher pendant un siècle et plus ? En singeant la religion
336 le catéchisme. Cette religion nationale, que l’on a comparée très justement au shintoïsme, n’attaquera même pas le christ
337 dès qu’on les met au compte de la nation où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a l
338 naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette religion nati
339 t la foi chrétienne, entre la nation et la paix — ont éclaté en 1914. Et l’Europe depuis lors se trouve devant ce choix, do
340 re. ⁂ La souveraineté nationale, tout d’abord. On a remarqué, lors des débats sur la CED, que les adversaires du traité c
341 as, et cependant la France existe bel et bien. On a défini la souveraineté comme « la faculté pour un État d’agir à sa gu
342 ’est pas un seul État européen qui, de nos jours, ait conservé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur. Il n’en est pas
343 uveraineté nationale, vis-à-vis de l’extérieur, n’ a plus d’autre existence que celle d’une illusion pseudo-religieuse et
344 et surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’un complexe. D’où la difficulté,
345 iste, en effet, n’est pas simplement un homme qui a tort, ou qui persiste méchamment dans son erreur. C’est bien plutôt u
346 son propre sentiment patriotique, de peuples qui ont l’honneur de parler sa langue, quand celle-ci se trouve être celle d’
347 le nationalisme, si incroyable que cela paraisse, a poussé plus loin dans l’absurde. Non content de prétendre forcer dans
348 istratives, patries locales, nation et langue, il a voulu imposer ce carcan aux réalités économiques. C’est ainsi que le
349 ’il nomme indépendance nationale. Le nationalisme a réussi à faire croire aux masses et aux élites modernes que l’indépen
350 ntes du vol à main armée. ⁂ Enfin, l’État-nation, ayant renoncé au cujus regio, ejus religio, non par esprit œcuménique mais
351 it œcuménique mais par mépris pour la religion, l’ a remplacé par le concept de « culture nationale ». On prétend que les
352 nt pas de frontières, mais l’instruction publique a changé cela. (Et l’Université, en dépit de son nom, a pareillement ab
353 angé cela. (Et l’Université, en dépit de son nom, a pareillement abdiqué devant l’État.) Au « Buy british ! » répond le «
354 lettres, les arts et la philosophie, pourquoi n’y aurait -il pas une biologie soviétique et une algèbre allemande ? Ce que l’on
355 omment totalitaires) et les fédéralistes. Quelles ont été les manifestations que l’on peut rapporter sans conteste à l’un o
356 s le passé récent de l’Occident ? Le nationalisme a représenté au xixe siècle le seul principe de communion civique qui
357 siècle le seul principe de communion civique qui ait survécu au raz-de-marée rationaliste et jacobin ; et aussi l’agent pr
358 ats-nations, et non pas l’Europe comme telle, qui ont conquis des débouchés à nos produits matériels et culturels, en Asie
359 lus totalitaire. Si l’Europe, entre 1914 et 1954, a connu la décadence rapide, la chute de potentiel, le recul mondial qu
360 n double titre, au nationalisme : à celui qu’elle a suscité contre elle au-dehors, à celui qu’elle a pratiqué au-dedans.
361 a suscité contre elle au-dehors, à celui qu’elle a pratiqué au-dedans. En revanche, le fédéralisme a produit deux témoig
362 a pratiqué au-dedans. En revanche, le fédéralisme a produit deux témoignages exemplaires de sa vitalité : les USA et la S
363 sa vitalité : les USA et la Suisse. Ces deux pays ont été à la fois les plus prospères et les plus pacifiques de l’ère mode
364 s et les plus pacifiques de l’ère moderne : ils n’ ont provoqué aucune guerre. Toutes les dernières guerres, sans aucune exc
365 tes les dernières guerres, sans aucune exception, ont été déclarées par les pays où régnait sans conteste la religion natio
366 nteraction, non par entités statiques, et qu’elle a substitué au principe de non-contradiction qui bloquait le progrès de
367 qui est précisément celle que la science moderne a conçue ; et il suppose un monde de relations libres et décentralisées
368 alisme des allégeances politiques et spirituelles a toujours été la condition des libertés personnelles en Europe. Mais c
369 e possibilité d’enrichissement de la personne. (J’ ai souvent défini la liberté comme le droit d’appartenir à plusieurs clu
370 oncret qui se pose aujourd’hui. Les nationalistes ont sur nous les avantages du nombre, d’une routine centenaire (qu’ils pr
371 s privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous avons sur eux l’avantage important de défendre une cause qu’ils n’osent pas
372 verainetés nationales n’existent plus, comme je l’ ai rappelé tout à l’heure. J’estime donc que les fédéralistes doivent r
373 a majorité du peuple et des cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction générale depuis cent-six ans. On
374 abile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est
375 tionalistes un terme vide, la Constitution suisse a gardé le concret : elle a créé une souveraineté nouvelle et bien réel
376 la Constitution suisse a gardé le concret : elle a créé une souveraineté nouvelle et bien réelle au niveau de la fédérat
377 nomiquement, cela se traduit par la dichotomie qu’ ont préconisée Robert Aron et Arnaud Dandieu, méthode qui consiste à dist
378 leurs échanges. Mais notre culture occidentale n’ a jamais coïncidé avec les frontières de nos États actuels, pour l’exce
379 ente raison qu’elle existait bien avant eux. Elle a précédé de mille à deux-mille ans la tentative de morceler notre héri
380 », tentative barbare et d’ailleurs avortée, qui n’ a guère qu’un siècle et demi d’âge en France, moins d’un demi-siècle en
381 Troisième République comme telle. Et les peuples ont bien moins besoin de se connaître personnellement que d’être enfin dé
382 États — et demain le Pouvoir fédéral européen — n’ ont qu’un moyen d’aider la culture : c’est d’offrir à ceux qui la créent
383 ons : qu’est-ce que votre « génie national » s’il a besoin d’être entouré par des douaniers pour ne pas se perdre ? Co
384 niers pour ne pas se perdre ? Conclusions J’ ai tenté par ces quelques exemples, de montrer comment l’analyse fédéral
385 de nos peuples. Dans chaque cas, mes conclusions ont été pareilles : elles tendent toutes à nous persuader que, désormais,
386 théorie avec une tactique fédéraliste. Mais elle a conduit à l’échec. Elle a servi de prétexte à trop de marchandages en
387 fédéraliste. Mais elle a conduit à l’échec. Elle a servi de prétexte à trop de marchandages entre les vraies forces d’un
388 nalement, c’est le nationalisme le plus franc qui a triomphé, lors du refus de la CED. Nous voyons donc qu’il n’est pas p
20 1955, Articles divers (1951-1956). Une présence (1955)
389 s pour la liberté de la culture, depuis cinq ans, a démontré la possibilité de lutter librement contre la tyrannie, et de
390 les prétextes humanitaires de la Terreur. Nous n’ avons pas opposé à la propagande des Bons Tyrans je ne sais quel « front un
391 rsonne et des impératifs de la justice. Mais nous avons créé un point de ralliement pour des esprits venus d’horizons différe
392 n. Mais ce fait et ce mode d’expérience — comme l’ eût dit John Dewey, leur grand aîné — qu’est l’exercice vivant et militan
393 un fait : celui de notre Rassemblement. Peut-être a-t -il contribué plus qu’on ne le croit à changer l’atmosphère de l’après
394 éifiée. Les hommes libres se sentaient seuls. Ils ont trouvé le lieu où l’on peut se fédérer sans renoncer à sa vocation. C
21 1955, Articles divers (1951-1956). Reynold et l’Europe (1955)
395 c Il y a quinze ans j’osais louer Reynold de n’ avoir pas craint de porter un jugement pessimiste sur l’avenir immédiat de
396 fut là son mérite historique. Et si les faits lui ont donné tort, si notre Suisse prospère, modèle européen, c’est pour une
397 ais qui est la part de l’homme, parce que Reynold a eu raison et parce qu’il a su se faire entendre. Cités et pays suisse
398 s qui est la part de l’homme, parce que Reynold a eu raison et parce qu’il a su se faire entendre. Cités et pays suisses e
399 mme, parce que Reynold a eu raison et parce qu’il a su se faire entendre. Cités et pays suisses et Conscience de la Suiss
400 nt venant après l’illustration —, ces deux livres ont porté, et je suis de ceux qui tiennent pour capital leur rôle dans la
401 éalités essentielles, hors de quoi notre Suisse n’ eût jamais existé ! Car comment comprendre la Suisse sans la situer dans
402 ngère. Je ne vois pas un seul peuple européen qui ait autant besoin que le nôtre d’exercer ce que Reynold appelle « l’imagi
403 l’un et du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’une Europe romano-germanique, n’est-il pas frappa
22 1955, Articles divers (1951-1956). Rien n’est perdu, tout reste à faire (janvier 1955)
404 re (janvier 1955)ad Deux événements politiques ont absorbé l’attention des Européens et des militants de l’Europe unie d
405 projet de CED et les accords de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce que la CED était accusée à tort de prépare
406 CED était accusée à tort de préparer ; ce quelle avait pour objet principal de prévenir ; ce qui enfin devenait fatal dès l’
407 t réarmement allemand. On leur proposa un vaccin. Ayant remarqué que le nom de ce vaccin évoquait le nom de la maladie, comme
408 pas fin à la construction européenne, comme on l’ a répété bien à tort : il montre simplement qu’une partie d’un parlemen
409 venue majorité grâce à l’appui des communistes) n’ a pas encore senti la nécessité historique de cette construction — néce
410 r pas vers l’intégration européenne », comme on l’ a dit à Washington, puisqu’ils renoncent à affirmer le principe suprana
411 es, reste à faire. Les partisans de l’Europe unie ont péché depuis quelques années — et non seulement dans l’affaire de la
412 ED — par complaisance à une double illusion : ils ont cru que le travail éducatif en profondeur, lent par nature, représent
413 ature, représenterait une perte de temps ; et ils ont cru que la propagande pour l’idée européenne était faite. Examinons l
414 x illusions. I. — À un moment ou à un autre, nous avons tous été tentés de penser qu’on ne pouvait réussir l’union que par un
415 pter l’une après l’autre par les parlements. On n’ a pas cherché à produire sur l’opinion publique le choc révolutionnaire
416 sur l’opinion publique le choc révolutionnaire qu’ eût représenté l’exigence immédiate d’une fédération politique. C’était p
417 aisons de coulisses parlementaires. Cette méthode a réussi (OECE, CECA) jusqu’au jour où les adversaires de l’union ont d
418 CECA) jusqu’au jour où les adversaires de l’union ont déclenché leur propagande massive. Eux n’ont pas hésité un instant à
419 nion ont déclenché leur propagande massive. Eux n’ ont pas hésité un instant à agiter les passions : ils ont gagné contre la
420 pas hésité un instant à agiter les passions : ils ont gagné contre la CED. Où était l’illusion dans tout cela ? Nous pouvon
421 dans les intérêts particuliers. Or, cette attaque eût impliqué une campagne éducative en profondeur, que l’on a négligée de
422 ué une campagne éducative en profondeur, que l’on a négligée de mener — ou que l’on n’a pas sérieusement soutenue. II. — 
423 eur, que l’on a négligée de mener — ou que l’on n’ a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvements de militants européen
424 enue. II. — Les mouvements de militants européens ont été surpris par l’échec de la CED. En effet, cet échec a résulté du f
425 urpris par l’échec de la CED. En effet, cet échec a résulté du fait qu’on laissait le public dans l’ignorance de la vraie
426 son rejet. Or, les militants européens croyaient avoir expliqué tout cela à l’opinion et aux parlementaires. Illusion profon
427 e enquête menée par le CEC10 au mois de septembre a donné les résultats suivants : le nombre des brochures, tracts, petit
428 quatre-cent-quatre-vingt-onze. Leur tirage total a légèrement dépassé trois millions d’exemplaires. Cela paraît considér
429 amment par les manuels d’histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus. De notre côté, tout reste à faire, ou presque. Une ré
23 1956, Articles divers (1951-1956). Réponse à l’enquête « Pour une bibliothèque idéale » (1956)
430 cer la limite entre le sacré et la culture ? Je n’ ai tenu compte d’écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils on
431 its de ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique de l’une de nos langues nationales. (Il faudrait a
432 ère les titres marqués d’une croix : I. — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience collective. II. — Livres ayant
433 ures et notre conscience collective. II. — Livres ayant contribué à notre éducation occidentale, depuis cent ans. III. — Livr
434 qui excitent aujourd’hui ma pensée. l. — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience collective 1. Homère : L’Od
435 poétiques. 37. Al-Hallaj : Divan. II. — Livres ayant contribué à notre éducation occidentale depuis cent ans 38. Tibull
436 eville : La Démocratie en Amérique. 90. Toynbee : A Study of History. 91. W. A. Auden : Collected Poems. 92. Bitzius (Jér
24 1956, Articles divers (1951-1956). L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)
437 L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à une invitation lan
438 nt à Genève. Jamais encore, une telle rencontre n’ avait eu lieu dans les annales de l’Europe. Une seule journée de délibérati
439 opéens qui réunissent ces conditions : — ceux qui ont un caractère particulier, une tradition bien définie, des racines loc
440 e de qualité et d’authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation de notre association : il s’agissait de présen
441 met à tous les festivals membres de savoir ce qui a été fait par d’autres et dans quelles conditions, quelles sont les œu
442 rivalités nationales. En cinq ans, l’association a fait ses preuves. Sa brochure Saison, tirée en trois langues à 160 00
443 enis de, « L’Association des festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM, 1956, p. 12-13.
25 1956, Articles divers (1951-1956). « Je vivais en ce temps-là… » (janvier 1956)
444 tions passionnément surréalistes, comme nos aînés avaient été d’Action française, ou encore anarcho-gidiens, avec un sérieux re
445 ue de l’Odéon. Il n’était pas lieu de Paris que j’ avais l’impression de mieux connaître, sans y être jamais entré. Boutique d
446 ux ! Nous en connaissions la légende. Apollinaire avait discouru là, devant le jeune André Breton immobile et muet d’admirati
447 rire au fronton d’un considérable poème. (Nous en avions appris par cœur de longs fragments, faute de pouvoir acheter l’éditio
448 voir sur nos amis, leurs œuvres et leurs vies : j’ avais couru tout droit rue de l’Odéon, comme à la source la plus fraîche et
449 e et de ses artisans, et quel savoureux naturel ! Aurions -nous perdu avec elle ce qu’elle a servi mieux qu’elle-même, et plus g
450 naturel ! Aurions-nous perdu avec elle ce qu’elle a servi mieux qu’elle-même, et plus gracieusement que personne ? ag.
26 1956, Articles divers (1951-1956). Tableau du phénomène courtois (janvier 1956)
451 ripoli, « princesse lointaine » qu’il aime sans l’ avoir jamais vue. Et Joachim de Flore annonce que l’Esprit saint, dont l’èr
452 ception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut beau protester dans une lettre fameuse contre « cette fête nouvelle q
453 nconstance ». Et saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire de la manière la plus précise : « Si Marie eût été conçue
454 écrire de la manière la plus précise : « Si Marie eût été conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’être rachetée pa
455 se : « Si Marie eût été conçue sans péché, elle n’ aurait pas eu besoin d’être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vier
456 arie eût été conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répo
457 s tard, ne put que sanctionner un sentiment qui n’ avait pas attendu le dogme pour triompher dans tous les arts. Enfin, voici
458 e l’autorité et des pouvoirs ménage, comme nous l’ avons vu, une possibilité nouvelle d’admettre la femme, mais sous le couver
459 diction, ne s’en plaignent pas ! On dirait qu’ils ont trouvé le secret d’une conciliation vivante des inconciliables. Ils s
460 cère qu’un antipode spirituel au mariage où elles avaient été contraintes. Le même auteur ajoute qu’à son avis, « il n’est pas
461 nt tout de même pas le plus clair de la vie, et n’ avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsions naturelles ? Les
462 ines postures (mudras) décrites par le hatha yoga ont pour but « d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégr
463 garde (ou reprend) sa semence dans son corps, qu’ aurait -il à craindre de la mort ? » comme le dit un upanishad. Dans le tantr
464 ls dormiront enlacés, etc. Tous ces préliminaires ont pour but « l’autonomisation » de la volupté — considérée comme l’uniq
465 e ma dame me fasse longtemps attendre et que je n’ aie point d’elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de
466 ttendre et que je n’aie point d’elle ce qu’elle m’ a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame : Prenez ma vie en
467 se met en guerre avec lui-même, car le sot après avoir vidé sa bourse fait triste contenance ! (Marcabru.) Écoutez ! Sa voix
468 bjet aimé lui deviendra bientôt indifférente : J’ ai une amie, mais je ne sais qui elle est, car jamais de par ma foi je n
469 joie de son amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des tr
470 ère génération expliciteront ce que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’est plus de l’amour courtois, si on le matérialise ou
471 ute ruine », et tourmentés en enfer. Noble Amour a promis qu’il en serait ainsi, là sera la lamentation des désespérés.
472 ités ou l’absence de réalités « matérielles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la
473 cathare française, les hérétiques du xiie siècle auraient connu une version non amendée par les catholiques, et plus proche de
474 elations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ ai choisi ces deux cas, solidement attestés, parce qu’ils réfutent le pr
475 en pleine révolution de la psyché occidentale. Il a surgi du même mouvement qui fit remonter au demi-jour de la conscienc
476 ariage. Mais il nous resterait indifférent s’il n’ avait gardé dans nos vies, au travers des nombreux avatars dont nous allons
477 vouer que les réfutations les plus virulentes qui aient été publiées portaient beaucoup moins sur cette thèse que sur sa rédu
478 e que sur sa réduction à la seule hypothèse que j’ avais mentionnée au chapitre VII de ce livre, à savoir que les poèmes des t
479 es d’expression. (Ce sont elles, par malheur, qui ont le plus fait pour assurer le succès de l’ouvrage dans un large public
480 s hérétiques reprochaient à l’Église catholique d’ avoir inverti le nom même du Dieu qui est Amour. 14. Ce qui n’empêchera pa
481 le : « Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en amours, … le regard, le parler, l’attouchement, le baiser, et le d
482 s trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’ eussent pas manqué de lire simplement : juges, prêtres, reclus, et maris ! a
27 1956, Articles divers (1951-1956). Denis de Rougemont et l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)
483 our-passion, phénomène historique (4 février 1956) ai aj Pourquoi aviez-vous écrit ce livre ? L’amour des découvertes ?
484 mène historique (4 février 1956)ai aj Pourquoi aviez -vous écrit ce livre ? L’amour des découvertes ? Mon propos initial ét
485 usqu’à la dégradation qu’il subit de nos jours. J’ ai tenté de le décrire comme un phénomène historique, d’origine propreme
486 L’amour-passion est un sentiment historique, qui a une histoire. Il a des causes, des raisons. Peut-être eût-il pu ne pa
487 t un sentiment historique, qui a une histoire. Il a des causes, des raisons. Peut-être eût-il pu ne pas exister. En tout
488 histoire. Il a des causes, des raisons. Peut-être eût -il pu ne pas exister. En tout cas, il n’apparaît pas avant le xiie s
489 mort, avec ce goût de cendres tel que l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l’éprouver. En Orient et dans
490 ur courtois à l’hérésie néo-manichéenne. Ma thèse a été souvent attaquée par les historiens et les maîtres de Sorbonne. C
491 les maîtres de Sorbonne. Certains spécialistes n’ ont pas aimé que j’établisse des connexions entre les sombres cathares et
492 fameux cathares condamnaient le mariage. On vous avait reproché d’avoir fait trop d’hypothèses sur la doctrine de cette héré
493 condamnaient le mariage. On vous avait reproché d’ avoir fait trop d’hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effet. Qu
494 op de choses sur cette doctrine. J’avoue que j’en avais été réduit à un grand nombre d’hypothèses. Mais, en 1940, le Père Don
495 pes, premier texte cathare en notre possession. J’ eus le bonheur de voir qu’il confirmait ce que j’avais avancé. C’est pour
496 ’eus le bonheur de voir qu’il confirmait ce que j’ avais avancé. C’est pourquoi je propose aujourd’hui une nouvelle édition, o
497 même mais s’appuie maintenant sur des textes : j’ ai repris la partie historique. Mais votre propos demeure celui d’un mor
498 réflexion, ne gâchent rien. Pauvres cathares ! ai . Rougemont Denis de, « [Entretien] L’amour-passion, phénomène histor
499 ée et augmentée, aggravée dit M. de Rougemont qui a de l’esprit, vient de paraître chez Plon. La première édition, née en
500 ître chez Plon. La première édition, née en 1939, avait provoqué une série de polémiques qui attestait l’importance de l’ouvr
501 époque. M. de Rougemont vit peu en France. Après avoir passé sept ans aux États-Unis, où ses livres ont un grand retentissem
502 voir passé sept ans aux États-Unis, où ses livres ont un grand retentissement, il s’est maintenant fixé à Genève et s’occup
503 ent d’économie politique. La semaine dernière, il a toutefois retrouvé Paris pour quelques jours mais avec un emploi du t
504 i du temps qui ne lui laissait aucun loisir. Nous avons pu l’isoler quelques minutes entre deux émissions de radio et l’inter
28 1956, Articles divers (1951-1956). Petits trajets sur les axes du monde (août 1956)
505 et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un véritable voyage, on s’en tire en coup
506 nt vides. En troisième, on retrouvait, comme je l’ ai dit, les gens bien, gracieusement mêlés au peuple souverain de la rég
507 ier jour — car les plus belles histoires du monde ont une fin — la fatale faiblesse de notre État : cette habitude de nous
508 otre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ ont dit Freud, Shakespeare et les Pères de l’Église… Dix années ont passé
509 Shakespeare et les Pères de l’Église… Dix années ont passé, et plus que jamais, s’il faut que j’en croie mes yeux, la conf
510 veux dire trop méfiant et même intolérant. Qu’ils aient seulement l’air étonnés suppose déjà beaucoup de retenue… À propos de
511 e, laissez-moi recopier un « avis » imprimé que j’ ai pu lire il y a quelques années, punaisé près de la porte du balcon da
512 des menus incidents du trajet. On sent bien qu’il a l’habitude. On dirait qu’il s’installe dans son bureau, et sa pensée
513 endent ne pas payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’êtr
514 l’air trop contents d’être là, on les refoule. J’ ai cru remarquer à ce propos que le peuple suisse paraît de plus en plus
515 especter le velours gris et dru des secondes : il a tort, c’est la classe vulgaire. Des jeunes femmes aux moues insolente
516 le. En face de lui, la beauté même, « ô toi que j’ eusse aimée », sa fille sans doute, fume en feuilletant un magazine. Je cro
517 aussi, et pour la même raison, des transparents. ( Avez -vous remarqué que les trains qui vous croisent sont transparents s’il
29 1956, Articles divers (1951-1956). Un exemple pour l’Europe (octobre 1956)
518 comment ce modèle d’un système politique fédéral a pris naissance en 1848 ? Une fédération qui garantit leur souverain
519 souverains. Pendant des siècles, leur lien légal avait consisté dans une Diète, laquelle n’avait guère plus de pouvoir que l
520 n légal avait consisté dans une Diète, laquelle n’ avait guère plus de pouvoir que l’Assemblée consultative de Strasbourg. Com
521 erains, pourvus du droit de veto, cette Diète « n’ avait en fait d’emprise sur les cantons que dans la mesure où elle se confo
522 mise, déclarait aux Suisses en 1802 : « La Nature a fait votre État fédératif. Vouloir la vaincre ne peut pas être d’un h
523 d’habile compris soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire. En fait, elle a tranquille
524 érament pragmatique ou doctrinaire. En fait, elle a tranquillement supprimé le problème de la souveraineté cantonale (ou
525 ait là un obstacle à l’Union ? Ces souverainetés ont -elles quelques réalité et consistance, en dehors des débats où elles
526 exercée en fait que par l’État. M. van Kieffens l’ a définie comme « la faculté pour un État d’agir à sa guise, tant à l’i
527 ne ». Or, on ne voit plus aucun État européen qui ait conservé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire qui
528 es. Il en résulte que la souveraineté nationale n’ a plus guère d’autre existence que psychologique. Refoulée du domaine d
529 et surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’un complexe. D’où la difficulté,
530 e l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ ont frappé comme étant propres à éduquer le sens européen de notre opinio
531 ourd’hui les décisions principales et le peuple n’ a sur elles aucun contrôle. Au contraire, les organisations supranation
532 uant à l’essentiel de cette souveraineté, elles l’ ont perdu, et sans retour. À la question : pourquoi l’Europe unie ? il no
30 1956, Articles divers (1951-1956). Serrer la main d’un communiste, désormais… (10 novembre 1956)
533 iants et par les écrivains du cercle Petöfi, il n’ a pas été répondu. Nous ne pouvions pas répondre, ils le savaient. S’il
534 ouvions pas répondre, ils le savaient. S’ils nous ont appelés, cependant, comprenons la consigne ainsi transmise. Ils voula
535 quelque chose. Le monstrueux forfait de Budapest a mis le communisme au ban de l’humanité. Il fallait tout d’abord le dé