1 1951, Articles divers (1951-1956). Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)
1 Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)a
2 la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)a Nous sommes ici parce que nous savons tous que notre civili
3 c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951 )a Nous sommes ici parce que nous savons tous que notre civilisatio
4 e salut reste encore possible, mais qu’il suppose deux conditions premières : la liberté et la paix. Si l’on nous demande qu
5 ui a pu rassembler des hommes aussi divers à tant d’ égards que ceux que vous voyez sur cette tribune, je répondrai : Nous
6 té indivisibles, qu’elles sont la condition l’une de l’autre et pratiquement synonymes. J’espère bien que vous êtes de ceu
7 atiquement synonymes. J’espère bien que vous êtes de ceux qui se méfient des grands mots du genre de paix et de liberté et
8 s de ceux qui se méfient des grands mots du genre de paix et de liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces
9 ui se méfient des grands mots du genre de paix et de liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces syllabes pr
10 J’espère, parce que c’est précisément notre rôle d’ intellectuels libres que de monter une garde vigilante et continue aut
11 précisément notre rôle d’intellectuels libres que de monter une garde vigilante et continue autour du sens humain, concret
12 ilante et continue autour du sens humain, concret de ces grands mots et d’entretenir une saine méfiance critique à l’égard
13 our du sens humain, concret de ces grands mots et d’ entretenir une saine méfiance critique à l’égard de ceux qui en abusen
14 ui en abusent. Tel est peut-être le premier point de notre programme et j’y reviendrai. Mais j’entends dire partout avec d
15 se défendre, simplement, et chacun dans sa sphère d’ action et d’intérêts. Nous, intellectuels, nous sommes prêts à prendre
16 simplement, et chacun dans sa sphère d’action et d’ intérêts. Nous, intellectuels, nous sommes prêts à prendre notre part,
17 visés en premier lieu par la menace totalitaire, d’ où qu’elle vienne. Nous savons que la phase actuelle de la lutte contr
18 qu’elle vienne. Nous savons que la phase actuelle de la lutte contre la tyrannie et pour la liberté est une phase idéologi
19 et avant nous ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague, de Varsovie tout récemment. C’est justement ce
20 ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague, de Varsovie tout récemment. C’est justement ce qui nous inqui
21 des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague, de Varsovie tout récemment. C’est justement ce qui nous inquiète pour la
22 la souris et nous avons des raisons très précises de le penser. Nous publierons à ce sujet bientôt des textes que les gran
23 ntôt des textes que les grands chefs totalitaires de divers pays ont pris soin d’écrire eux-mêmes depuis longtemps et d’au
24 s chefs totalitaires de divers pays ont pris soin d’ écrire eux-mêmes depuis longtemps et d’autres textes plus récents d’où
25 depuis longtemps et d’autres textes plus récents d’ où il ressort, par exemple, que le but du Kominform, en lançant ses ap
26 en lançant ses appels à la paix n’est pas du tout de servir une paix durable, mais de donner un répit à l’armée russe pour
27 ’est pas du tout de servir une paix durable, mais de donner un répit à l’armée russe pour renforcer ses armements. Vous po
28 on n’aura jamais vu des loups déclarer avec moins de pudeur leur amour passionné pour les brebis. La vérité, voyez-vous, c
29 érité, voyez-vous, c’est qu’on nous a volé ce mot de paix. On nous l’a kidnappé ; on l’a pris en otage ; on nous le présen
30 nant devant le front des troupes dans l’intention de nous désarmer. Si vous n’êtes pas dans le camp politique qui s’est em
31 ix », vous êtes, nous dit-on, pour la guerre. Des millions de naïfs dans nos pays, 14 millions en Europe, paraît-il, ont succomb
32 s êtes, nous dit-on, pour la guerre. Des millions de naïfs dans nos pays, 14 millions en Europe, paraît-il, ont succombé à
33 r la guerre. Des millions de naïfs dans nos pays, 14 millions en Europe, paraît-il, ont succombé à ce raisonnement d’une é
34 a guerre. Des millions de naïfs dans nos pays, 14 millions en Europe, paraît-il, ont succombé à ce raisonnement d’une écrasante
35 Europe, paraît-il, ont succombé à ce raisonnement d’ une écrasante simplicité dans le sophisme. Et puis, vous le savez tous
36 ix, c’est un mot. Il est très facile, à mon avis, de distinguer entre le mot paix et la réalité vivante qu’il devrait dési
37 n’est donc nullement défendue par les « Partisans de la Paix ». À nous donc, à nous tous, de reprendre la tâche, honnêteme
38 Partisans de la Paix ». À nous donc, à nous tous, de reprendre la tâche, honnêtement cette fois-ci, cartes sur table. L
39 cette fois-ci, cartes sur table. La propagande de la Liberté Quelles sont nos armes ? Je pense que leur nature doit
40 nature doit nous être indiquée par la nature même de la lutte en cours qui, pour l’instant, encore, dans nos pays démocrat
41 depuis un an, à ce que l’on a nommé une offensive de paix — d’un terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’
42 an, à ce que l’on a nommé une offensive de paix — d’ un terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’on appelai
43 n terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’on appelait jadis — naguère — une préparation d’artillerie. Que
44 qu’on appelait jadis — naguère — une préparation d’ artillerie. Quelle peut être notre riposte ? Je n’hésiterai pas à lui
45 i donner ce nom, bien que ce nom soit très mal vu de nos élites, peut-être même sans raison : c’est une mission de propaga
46 s, peut-être même sans raison : c’est une mission de propagande qui nous incombe au premier chef. Je désire m’expliquer su
47 mployer, les enrôler, pour ainsi dire, au service de la santé des hommes. Utilisons de cette manière la propagande pour va
48 ire, au service de la santé des hommes. Utilisons de cette manière la propagande pour vacciner contre elle les masses, qu’
49 lument artificiel. Notre but, en effet, n’est pas d’ endormir ou d’hypnotiser les esprits mais au contraire, de réveiller l
50 iel. Notre but, en effet, n’est pas d’endormir ou d’ hypnotiser les esprits mais au contraire, de réveiller les consciences
51 ir ou d’hypnotiser les esprits mais au contraire, de réveiller les consciences. Il n’est pas de répandre une mystique qui
52 raire, de réveiller les consciences. Il n’est pas de répandre une mystique qui promet la lune pour demain, mais de rappele
53 une mystique qui promet la lune pour demain, mais de rappeler les hommes aux réalités, à leurs responsabilités. Nous savon
54 ibertés démocratiques occidentales sont très loin d’ être parfaites, mais si nous les perdons un jour, nous penserons dans
55 rendrons qu’il eût peut-être mieux valu s’occuper de ces problèmes pendant qu’on le pouvait, sauver au moins la possibilit
56 qu’on le pouvait, sauver au moins la possibilité de les vivre à notre manière. Pour notre part, nous agirons. Nous allons
57 ur nous, la défense de la paix suppose des moyens de liberté, elle suppose la libre discussion. Nous voulons des moyens co
58 que la liberté est à nos yeux la condition vitale de toute culture, de toute culture digne de ce nom. Pour nous intellectu
59 à nos yeux la condition vitale de toute culture, de toute culture digne de ce nom. Pour nous intellectuels, hommes de cul
60 n vitale de toute culture, de toute culture digne de ce nom. Pour nous intellectuels, hommes de culture, faire la propagan
61 digne de ce nom. Pour nous intellectuels, hommes de culture, faire la propagande de la liberté, c’est, en fin de compte e
62 llectuels, hommes de culture, faire la propagande de la liberté, c’est, en fin de compte et du même coup sauver notre cult
63 consacrer à d’autres activités dites distinguées de ce genre, je voudrais poser une simple question très précise et concr
64 ser une simple question très précise et concrète. D’ où vient que l’Europe ait régné sur le monde, incontestablement depuis
65 ait régné sur le monde, incontestablement depuis quatre ou cinq siècles ? Quelles ont été les sources vives de cette puissanc
66 sur le monde, incontestablement depuis quatre ou cinq siècles ? Quelles ont été les sources vives de cette puissance parado
67 cinq siècles ? Quelles ont été les sources vives de cette puissance paradoxale ? La péninsule Europe ne représente, en ef
68 La péninsule Europe ne représente, en effet, que 5  % des terres du globe. Ni son étendue, ni le nombre de ses habitants,
69 des terres du globe. Ni son étendue, ni le nombre de ses habitants, ni ses richesses naturelles ne la destinaient fataleme
70 intervenus. En fait le rayonnement, la puissance de l’Europe ont résulté tout à la fois de ses conceptions religieuses et
71 puissance de l’Europe ont résulté tout à la fois de ses conceptions religieuses et morales, d’un pouvoir d’invention sans
72 a fois de ses conceptions religieuses et morales, d’ un pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois garantissant
73 conceptions religieuses et morales, d’un pouvoir d’ invention sans égal et d’un système de lois garantissant de mieux en m
74 et morales, d’un pouvoir d’invention sans égal et d’ un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la p
75 ’un pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la personne. C’es
76 on sans égal et d’un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la personne. C’est là qu’il faut cherc
77 lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la personne. C’est là qu’il faut chercher les vrais secrets de notre
78 e. C’est là qu’il faut chercher les vrais secrets de notre puissance, même matérielle, dans le passé, et aujourd’hui les v
79 , dans le passé, et aujourd’hui les vrais secrets de notre survivance indépendante, donc de nos libertés les plus concrète
80 is secrets de notre survivance indépendante, donc de nos libertés les plus concrètes. Il s’en faut cependant, hélas ! de b
81 s plus concrètes. Il s’en faut cependant, hélas ! de beaucoup, que la plupart de nos contemporains, même en Europe, prenne
82 ope, prennent au sérieux, pratiquement, ce secret de leur force. Ce qui est sérieux, croient-ils, ce sont les armements ou
83 e, que l’Assemblée européenne fût privée du droit de s’occuper des choses militaires et des choses économiques, s’écriait
84 des choses économiques, s’écriait avec une sorte de désespoir ironique, et très sûr de son effet : « Notre Assemblée, Mes
85 avec une sorte de désespoir ironique, et très sûr de son effet : « Notre Assemblée, Messieurs, se voit réduite à parler de
86 re Assemblée, Messieurs, se voit réduite à parler de questions culturelles. Cela me fait penser à de vieilles dames qui fo
87 r de questions culturelles. Cela me fait penser à de vieilles dames qui font du crochet pendant que les armées ennemies se
88 uve que notre culture n’est pas menacée seulement de l’extérieur. En effet, comparer la culture à de la broderie, accepter
89 t de l’extérieur. En effet, comparer la culture à de la broderie, accepter qu’il en soit ainsi, le laisser croire, c’est r
90 en soit ainsi, le laisser croire, c’est renoncer d’ avance à nos meilleurs atouts dans la lutte historique où nous sommes
91 storique où nous sommes engagés qui est une lutte d’ idées, de croyances, de conceptions du monde. Les totalitaires, eux, l
92 où nous sommes engagés qui est une lutte d’idées, de croyances, de conceptions du monde. Les totalitaires, eux, le savent
93 engagés qui est une lutte d’idées, de croyances, de conceptions du monde. Les totalitaires, eux, le savent très bien.
94 Staline rédige lui-même un long article en forme d’ encyclique sur la science linguistique dans son empire ou lorsqu’il la
95 purement scientifique, déclare-t-il — avec l’aide de 500 000 propagandistes entraînés, munis de films, d’expositions itiné
96 ement scientifique, déclare-t-il — avec l’aide de 500  000 propagandistes entraînés, munis de films, d’expositions itinérant
97 t scientifique, déclare-t-il — avec l’aide de 500  000 propagandistes entraînés, munis de films, d’expositions itinérantes e
98 l’aide de 500 000 propagandistes entraînés, munis de films, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le t
99 500 000 propagandistes entraînés, munis de films, d’ expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largem
100 nés, munis de films, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds du
101 , munis de films, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds du par
102 unis de films, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds du parti, c’est
103 ilms, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds du parti, c’est-à-
104 ment financé par les fonds du parti, c’est-à-dire de l’État, lorsque Staline déclenche ses campagnes culturelles, soyez bi
105 ne joue pas aux vieilles dames, qu’il ne fait pas de la broderie, et que les armées qu’il met en marche sont plus redoutab
106 ins, elles veulent occuper le cœur et les esprits de ceux-là mêmes qui pourraient être appelés un jour à défendre l’Europe
107 Europe et qui ne le feront pas si le point de vue de l’adversaire les a, par avance, « occupés ». Ainsi donc, pratiquement
108 t — j’insiste sur le mot « pratiquement » — point d’ Europe sans culture, point de culture sans libre discussion, point de
109 atiquement » — point d’Europe sans culture, point de culture sans libre discussion, point de liberté de critique et de rec
110 re, point de culture sans libre discussion, point de liberté de critique et de recherche sans droits civiques et politique
111 e culture sans libre discussion, point de liberté de critique et de recherche sans droits civiques et politiques et point
112 libre discussion, point de liberté de critique et de recherche sans droits civiques et politiques et point de paix digne d
113 erche sans droits civiques et politiques et point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de libe
114 its civiques et politiques et point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de liberté vigilant e
115 e ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de liberté vigilant et militant… La tâche est très vaste, c’est l’éviden
116 ceux qui se taisent et qui se découragent. À vous de les rejoindre. J’ajoute que, pour nous, intellectuels, le fait d’assu
117 . J’ajoute que, pour nous, intellectuels, le fait d’ assumer publiquement notre part bien définie dans cette bataille commu
118 n définie dans cette bataille commune est un acte de propreté, un acte vital aussi pour notre pensée même ; car si nous re
119 ensée même ; car si nous reculions devant ce défi de l’histoire, que pourrions-nous encore penser écrire ou dire sans une
120 ire ou dire sans une honte intime, sans une sorte de mépris pour nous-mêmes ? 1. Ce texte est extrait du discours pron
121 e, sans une sorte de mépris pour nous-mêmes ? 1. Ce texte est extrait du discours prononcé à Bruxelles, devant le comi
122 e comité international du Congrès pour la Liberté de la culture, par Denis de Rougemont, directeur du secrétariat internat
123 at international du Congrès. a. Rougemont Denis de , « Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture », L
124 s. a. Rougemont Denis de, « Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture », Les Amis de la liberté, Par
125 a liberté, c’est sauver notre culture », Les Amis de la liberté, Paris, décembre 1950–janvier 1951, p. 1-3.
126 ulture », Les Amis de la liberté, Paris, décembre 1950 –janvier 1951, p. 1-3.
127 Amis de la liberté, Paris, décembre 1950–janvier 1951, p. 1-3.
2 1951, Articles divers (1951-1956). Comment fabriquer un Européen ?
128 C’est absolument impossible. Et je vais essayer de dire pourquoi. On peut tout fabriquer, ou presque, paraît-il. L’homme
129 de cette thèse absolue, j’invoquerai tout d’abord deux exemples connus qui feront mieux distinguer, par contraste, combien j
130 à notre enfance, — n’y touchons plus. Mais prenez deux Européens de nations différentes, si possible. Mariez leur fils avec
131 , — n’y touchons plus. Mais prenez deux Européens de nations différentes, si possible. Mariez leur fils avec la fille de d
132 ntes, si possible. Mariez leur fils avec la fille de deux autres Européens. Attendez une génération. Répétez le processus
133 s, si possible. Mariez leur fils avec la fille de deux autres Européens. Attendez une génération. Répétez le processus quatr
134 ns. Attendez une génération. Répétez le processus quatre ou cinq fois. Lorsque Schmidt, fils de Schmidt, sera baptisé Smith, c
135 ez une génération. Répétez le processus quatre ou cinq fois. Lorsque Schmidt, fils de Schmidt, sera baptisé Smith, changez s
136 cessus quatre ou cinq fois. Lorsque Schmidt, fils de Schmidt, sera baptisé Smith, changez son arbre généalogique. Déclarez
137 qu’il descend en droite ligne des émigrants venus d’ Angleterre sur le fameux bateau nommé le Mayflower. Il semble bien que
138 bien que cette caravelle ait transporté plusieurs centaines de milliers d’émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. App
139 ette caravelle ait transporté plusieurs centaines de milliers d’émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. Appren
140 e caravelle ait transporté plusieurs centaines de milliers d’émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. Apprenez mainte
141 le ait transporté plusieurs centaines de milliers d’ émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. Apprenez maintenan
142 renez maintenant au jeune homme la phrase célèbre de Lincoln sur le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple
143 nement du peuple par le peuple et pour le peuple, deux strophes du Star-Spangled Banner, le vocabulaire du base-ball et le p
144 z sur un rythme nègre, emballez (moralement) dans de la cellophane, et servez frais. Pour fabriquer un Soviétique, c’est p
145 c’est plus rapide. Prenez un Russe, passez-le au MVD — sorte de DDT moral nettoyant les idées subversives, et tirez le rid
146 rapide. Prenez un Russe, passez-le au MVD — sorte de DDT moral nettoyant les idées subversives, et tirez le rideau. Mais p
147 des Américains manqués. Les mélanges arbitraires de couleurs donnent du brun sale. Vous pouvez alors essayer des combinai
148 vez alors essayer des combinaisons plus savantes, deux par deux ou trois par trois. Vous pouvez mélanger, par exemple, de la
149 essayer des combinaisons plus savantes, deux par deux ou trois par trois. Vous pouvez mélanger, par exemple, de la culture
150 des combinaisons plus savantes, deux par deux ou trois par trois. Vous pouvez mélanger, par exemple, de la culture germaniqu
151 naisons plus savantes, deux par deux ou trois par trois . Vous pouvez mélanger, par exemple, de la culture germanique et des E
152 ois par trois. Vous pouvez mélanger, par exemple, de la culture germanique et des Espagnols, du socialisme plus ou moins m
153 up de combinaisons resteront stériles. Un mélange de catholiques et de juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’
154 resteront stériles. Un mélange de catholiques et de juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx
155 nera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Fran
156 s protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’A
157 aurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’o
158 ra des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’ Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par de t
159 lemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’ obtenir par de tels procédés l’Européen synthétique ou moyen : nos ver
160 uisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par de tels procédés l’Européen synthétique ou moyen : nos vertus, nos croya
161 e moyenne, si le sujet des Soviets est le produit d’ un plan, l’Européen est par essence un être qui diffère et tient à dif
162 r essence un être qui diffère et tient à différer de son voisin et des modèles fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut e
163 fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut exister d’ Européen moyen, résumant les vertus et les défauts contradictoires du
164 onégasques insouciants et des partisans motorisés de la paix concentrée. Il n’y a que des hommes habitués à différer les u
165 ’est pourquoi faire un Européen, ce serait tenter de faire quelque chose qui ne ressemblerait plus à rien d’européen. Aprè
166 re quelque chose qui ne ressemblerait plus à rien d’ européen. Après tout, pourquoi voudrait-on « fabriquer » des Européens
167 s ? C’est uniquement parce que l’on veut unir les 25 États souverains qui se divisent le continent. Mais nous venons de mo
168 nt. Mais nous venons de montrer qu’il serait vain de rêver cette union sous forme de mélange. Il nous faut faire l’Europe,
169 e. Pour la faire, il nous faut partir des quelque 300 millions d’hommes réels qui peuplent la partie libre du continent. Il
170 our la faire, il nous faut partir des quelque 300 millions d’hommes réels qui peuplent la partie libre du continent. Il faut les
171 ire, il nous faut partir des quelque 300 millions d’ hommes réels qui peuplent la partie libre du continent. Il faut les pr
172 t. Il faut les prendre comme ils sont, avec leurs vingt nations, leurs trois religions, leurs douze langues, leurs trente-six
173 e comme ils sont, avec leurs vingt nations, leurs trois religions, leurs douze langues, leurs trente-six partis et leurs inno
174 leurs vingt nations, leurs trois religions, leurs douze langues, leurs trente-six partis et leurs innombrables coutumes, tout
175 leurs trois religions, leurs douze langues, leurs trente-six partis et leurs innombrables coutumes, toutes supérieures à celles du
176 les coutumes, toutes supérieures à celles du pays d’ à côté. Et puisqu’il faut baser l’union sur quelque chose qui soit com
177 le problème revient donc à faire comprendre à ces 300 millions d’hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisémen
178 roblème revient donc à faire comprendre à ces 300 millions d’hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur v
179 evient donc à faire comprendre à ces 300 millions d’ hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volo
180 à faire comprendre à ces 300 millions d’hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de reste
181 ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de rester chacun soi-même à sa façon. Voilà ce qui les distingue en bloc
182 es et des Américains, voilà le principe paradoxal de leur communauté profonde. Ce qu’il y a de plus humain chez tout homme
183 angoissante pour l’adolescent — qu’il est le seul de son espèce, qu’il est un cas absolument unique. Ce qu’il y a de plus
184 Ce qu’il y a de plus européen chez les habitants de notre cap, c’est l’idée qu’ils ont tous d’appartenir d’abord à une fa
185 itants de notre cap, c’est l’idée qu’ils ont tous d’ appartenir d’abord à une famille, à une région, à une patrie, à une co
186 ils perdraient leurs libertés si on les empêchait de vivre à leur manière, qui n’est pas celle de leurs voisins. J’en vois
187 hait de vivre à leur manière, qui n’est pas celle de leurs voisins. J’en vois la preuve par neuf dans le reproche si coura
188 s celle de leurs voisins. J’en vois la preuve par neuf dans le reproche si courant qu’à tort ou à raison nous faisons à l’Am
189 ous d’autres régimes, où ce n’est pas la pression de la mode, mais celle de la police qui ramène « dans la ligne » !) Cert
190 ù ce n’est pas la pression de la mode, mais celle de la police qui ramène « dans la ligne » !) Certes, il y a d’autres lie
191 !) Certes, il y a d’autres liens entre les hommes d’ Europe. Il y a leur héritage commun de civilisation, de valeurs spirit
192 les hommes d’Europe. Il y a leur héritage commun de civilisation, de valeurs spirituelles, de formes politiques, et même
193 ope. Il y a leur héritage commun de civilisation, de valeurs spirituelles, de formes politiques, et même de mœurs. Les con
194 commun de civilisation, de valeurs spirituelles, de formes politiques, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de l
195 leurs spirituelles, de formes politiques, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libertés pub
196 mes politiques, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libertés publiques ou morales, pour ne
197 es, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libertés publiques ou morales, pour ne citer que c
198 ertés publiques ou morales, pour ne citer que ces trois grands exemples, sont à peu près les mêmes chez tous nos peuples. Ell
199 n de plus fort, pour nous unir, que cette passion de rester différents, indissolublement liée pour nous à la pratique des
200 dre : il nous faut combiner nos ressources. Faute de former à temps cette libre union, nous serons unifiés par la force, m
201 européenne consistera donc non point à fabriquer de l’Européen moyen, mais bien à réveiller en chacun de nous, tels que n
202 l’Européen moyen, mais bien à réveiller en chacun de nous, tels que nous sommes, la conscience de nos libertés ; puis à vo
203 acun de nous, tels que nous sommes, la conscience de nos libertés ; puis à vouloir le moyen de les sauver. L’éducation eur
204 science de nos libertés ; puis à vouloir le moyen de les sauver. L’éducation européenne devra montrer que nos libertés dép
205 devra montrer que nos libertés dépendent en fait de notre droit de différer, sans lequel il n’est point de dialogue créat
206 que nos libertés dépendent en fait de notre droit de différer, sans lequel il n’est point de dialogue créateur. Et que c’e
207 tre droit de différer, sans lequel il n’est point de dialogue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe.
208 ue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe. Et que c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’il n’es
209 a précisément qui est menacé. Et qu’il n’est plus d’ espoir que dans l’union, — celle qui veut surmonter nos divisions pour
210 pour sauver nos diversités. b. Rougemont Denis de , « Comment fabriquer un Européen ? », Notre Europe, Strasbourg, mars
211 r un Européen ? », Notre Europe, Strasbourg, mars 1951, p. 41-44.
3 1951, Articles divers (1951-1956). Défense de nos libertés (octobre 1951)
212 Défense de nos libertés (octobre 1951)c d Si l’on passe en revue tous les arg
213 Défense de nos libertés (octobre 1951 )c d Si l’on passe en revue tous les arguments avancés depuis des s
214 ce milieu du xxe siècle, c’est moins le problème de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dé
215 me de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hu
216 berté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’an
217 s. Car si nous vivons aujourd’hui dans l’angoisse d’ une nouvelle guerre mondiale, c’est parce que le monde est divisé en d
218 mondiale, c’est parce que le monde est divisé en deux partis, qui ne se définissent clairement que par rapport à la liberté
219 inissent clairement que par rapport à la liberté. D’ un côté, les peuples qui se disent libres et entendent le rester ; de
220 les qui se disent libres et entendent le rester ; de l’autre, ceux qui vivent en régime totalitaire, et qui n’ont pas nos
221 qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres motifs de conflit que l’on pourrait énumérer sont discutables et peu clairs. Le
222 ivances, d’ailleurs également réparties entre les deux camps. Les conceptions de la justice sociale elle-même ne suffisent p
223 t réparties entre les deux camps. Les conceptions de la justice sociale elle-même ne suffisent pas pour distinguer netteme
224 er nettement les adversaires : il serait possible de discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a l
225 serait possible de discuter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théoriq
226 uter longtemps pour savoir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise
227 voir de quel côté du rideau de fer il y a le plus de justice sociale, théorique ou pratique, promise ou réalisée. Par cont
228 ou réalisée. Par contre, ce qu’il est impossible de discuter, ce qui est évident aux yeux de tous, des deux côtés, c’est
229 iscuter, ce qui est évident aux yeux de tous, des deux côtés, c’est que nous voulons la liberté, et que les autres veulent l
230 concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner d’ avance — avant une guerre, qui serait perdue par tous — cette lutte où
231 tte où nous sommes engagés, la première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos liber
232 s engagés, la première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos libertés ? Sont-elles
233 s questions. C’est là que gît la force principale de l’autre camp. Quand on nous dit : « Qu’avez-vous à opposer à l’idéolo
234 désespérément une réplique, ou que nous essayons d’ improviser quelque « mystique » nouvelle, nous sommes déjà battus. Pou
235 alors à coup sûr, il faut que nous soyons en état de répondre instantanément, avec une conviction totale. Il faut que nous
236 dions ceci : « Nous n’avons pas besoin comme vous d’ une mystique qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’une idéol
237 que qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’ une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est pas notre pass
238 u’il a conquises, et qui sont la réalité présente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’un avenir meilleur ! » Ce la
239 résente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’ un avenir meilleur ! » Ce langage seul peut nous sauver. Encore faut-i
240 sauver. Encore faut-il que nous soyons en mesure de le tenir sans équivoque, et en pleine connaissance de cause. Le temps
241 absence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’ une mystique « aussi puissante » ou « plus puissante » que les leurs.
242 avons plus que nous méritons. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, qu
243 a prise de conscience : c’est d’une part le début de la guérison, quand le mal est d’ordre psychique ; c’est d’autre part
244 ne part le début de la guérison, quand le mal est d’ ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, q
245 d’ordre psychique ; c’est d’autre part une source de confiance en soi, quand les faits objectifs sont meilleurs que notre
246 pensait. Rendus conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renver
247 s conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde s
248 t de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurde situation volontairement créée par les mystiques
249 irement créée par les mystiques adverses. Au défi de la propagande, répondons tranquillement par les faits. Nous pouvons p
250 bertés. Nous pouvons aussi les sauver en décidant de les répandre. Si nous voyons les faits, et savons les faire voir, nou
251 s l’initiative. C’est l’autre camp qui sera forcé de se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies liber
252 se mettre sur la défensive, contre le rayonnement de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’es
253 ment de nos vraies libertés. Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à cel
254 Or le meilleur moyen de les faire rayonner, c’est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de n
255 est de les faire passer du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos force
256 r du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédérer
257 lui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’ appeler toutes nos forces éparses à se fédérer solidement, non point à
258 es sont nos chances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque pe
259 s chances ? Je dirai qu’elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque personne fai
260 dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’ un général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité. Lév
261 ittons la lutte. Léviathan, c’est la somme exacte de nos petites démissions personnelles. Et c’est pourquoi je conclurai,
262 us, par ce delenda Carthago que j’opposais il y a quinze ans à une autre « mystique millénaire », mais déjà morte : — Là où l’
263 ne sera jamais totalitaire. c. Rougemont Denis de , « Défense de nos libertés », Contacts littéraires et sociaux, Paris,
264 totalitaire. c. Rougemont Denis de, « Défense de nos libertés », Contacts littéraires et sociaux, Paris, octobre 1951,
265 , Contacts littéraires et sociaux, Paris, octobre 1951, p. 1 et 6. d. Présenté par la note suivante : « Nous remercions le C
266 téraires et sociaux, Paris, octobre 1951, p. 1 et 6. d. Présenté par la note suivante : « Nous remercions le Congrès pour
267 te : « Nous remercions le Congrès pour la liberté de la culture d’avoir bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait
268 mercions le Congrès pour la liberté de la culture d’ avoir bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait de la brochure
269 bien voulu nous autoriser à reproduire un extrait de la brochure de Denis de Rougemont, Les Libertés que nous pouvons per
270 autoriser à reproduire un extrait de la brochure de Denis de Rougemont, Les Libertés que nous pouvons perdre , dont nous
4 1952, Articles divers (1951-1956). Robert de Traz, l’Européen (1952)
271 Robert de Traz, l’Européen ( 1952 )e Peu d’hommes ont vu plus juste, entre-deux-guerres. Peu d’écriva
272 Robert de Traz, l’Européen (1952)e Peu d’ hommes ont vu plus juste, entre-deux-guerres. Peu d’écrivains ont si b
273 hommes ont vu plus juste, entre-deux-guerres. Peu d’ écrivains ont si bien voyagé, et mieux dit ce qu’ils avaient vu. La pl
274 de leurs découvertes ; ils rapportaient des états d’ âme ; mais lui, de ses Dépaysements f, nous rapportait l’Europe vivant
275 es ; ils rapportaient des états d’âme ; mais lui, de ses Dépaysements f, nous rapportait l’Europe vivante, interrogée sur
276 raliste : il la définissait comme « une puissance d’ adhésion, qui tantôt s’identifie à son objet, et tantôt, rétablissant
277 variétés mêmes, qu’on nomme Europe. « Si le désir de comprendre ce qui se passe vous possède, comment n’irait-on pas, en é
278 les abstractions, questionner sur place l’Europe d’ aujourd’hui, cette Europe révolutionnaire et nationaliste, violente, i
279 aliste, violente, ignorante, à moitié démolie, et d’ où montent, comme les fumées d’un sol volcanique, la haine, la douleur
280 moitié démolie, et d’où montent, comme les fumées d’ un sol volcanique, la haine, la douleur et l’espérance. Europe, vaste
281 ont l’essentiel est dans les âmes. » Ses tableaux de l’Allemagne, dès 1923, dessinent en creux ce qui sera le lit de l’hit
282 dans les âmes. » Ses tableaux de l’Allemagne, dès 1923, dessinent en creux ce qui sera le lit de l’hitlérisme, un peu plus ta
283 , dès 1923, dessinent en creux ce qui sera le lit de l’hitlérisme, un peu plus tard : il a senti l’appel aux passions coll
284 ’appel aux passions collectives, aux philosophies de combat, et qu’il ne fallait pas laisser ce peuple « dans les ténèbres
285 péenne ». Il a, l’un des premiers, ravivé l’idéal de cette communauté indispensable au monde, souligné sa nécessité, défin
286 ggéré sa structure fédérale. Dans tous ses livres de voyages, d’analyse morale ou d’histoire — mais nulle part mieux que d
287 ucture fédérale. Dans tous ses livres de voyages, d’ analyse morale ou d’histoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit
288 s tous ses livres de voyages, d’analyse morale ou d’ histoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit de Genève. Je viens
289 istoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit de Genève. Je viens de relire cet ouvrage, paru en 1929 : c’est un class
290 e Genève. Je viens de relire cet ouvrage, paru en 1929  : c’est un classique. Seuls quelques chapitres médians, qui décrivent
291 décrivent (et critiquent d’ailleurs) les méthodes de la SDN, peuvent nous paraître hors de saison, s’il est vrai que le sp
292 unies réduit à peu, sinon à rien, les espoirs que de Traz se faisait une vertu et même une raison d’entretenir, malgré tou
293 e de Traz se faisait une vertu et même une raison d’ entretenir, malgré toutes ses méfiances et toute la précision d’un reg
294 malgré toutes ses méfiances et toute la précision d’ un regard souvent railleur ou amusé. Mais l’ouverture et la longue con
295 plus justes, et peu de plus actuels dans la durée de nos problèmes fondamentaux. On y reviendra, comme on est revenu à L’E
296 x. On y reviendra, comme on est revenu à L’Esprit de conquête de Benjamin Constant, malgré le style parfois pompeux et app
297 endra, comme on est revenu à L’Esprit de conquête de Benjamin Constant, malgré le style parfois pompeux et apprêté de cet
298 stant, malgré le style parfois pompeux et apprêté de cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel et concis. C’est dans
299 parfois pompeux et apprêté de cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel et concis. C’est dans le fédéralisme qu’il vo
300 s. C’est dans le fédéralisme qu’il voit « la base de l’internationale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’une m
301 it « la base de l’internationale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’une mystique, qu’il attend « la refonte de
302 nale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’ une mystique, qu’il attend « la refonte de l’Europe ». C’est par la ci
303 tôt que d’une mystique, qu’il attend « la refonte de l’Europe ». C’est par la civilisation « grecque et chrétienne — et Ro
304 rmes essentiels » que l’Europe est devenue patrie de la personne. Et c’est enfin en s’opposant non seulement « aux États-U
305 s’opposant non seulement « aux États-Unis, tentés de la soumettre » et à la Russie « dont le système politique comporte un
306 dans cet essai final, animé par un long mouvement d’ éloquence lucide et sereine, qui ne porte encore mieux sur notre temps
307 porte encore mieux sur notre temps que sur celui de sa naissance — 1929, je le répète. « Petite Europe, toute seule dans
308 x sur notre temps que sur celui de sa naissance — 1929, je le répète. « Petite Europe, toute seule dans un monde en tumulte,
309 lités intérieures sont archaïques » et qu’au-delà de ses frontières resserrées, des civilisations rajeunies vont se dresse
310 le pas nous mettre debout ? Avons-nous donc cessé d’ être des mâles, qui formulent et dirigent, et, dans notre détresse com
311 me nègre n’ont-ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur
312 ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus en
313 veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus encore convaincu qu’indigné : « Tout de
314  Héritiers magnifiquement privilégiés, les hommes d’ Occident n’ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ils se ra
315 vilégiés, les hommes d’Occident n’ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ils se rapprochent donc pour mieux en
316 er. Qu’ils fassent, avec sang-froid, l’inventaire de leur patrimoine commun. La civilisation européenne est le produit d’u
317 commun. La civilisation européenne est le produit d’ une collaboration séculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d
318 éculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d’ aucun peuple sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie d’invent
319 sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie d’ invention est intact. Nos méthodes critiques doivent à leurs principes
320 éthodes critiques doivent à leurs principes mêmes de pouvoir toujours s’adapter aux circonstances imprévues. Une égale pas
321 er aux circonstances imprévues. Une égale passion de l’effort nous anime encore, de l’effort qui conquiert, qui utilise, e
322 Une égale passion de l’effort nous anime encore, de l’effort qui conquiert, qui utilise, et surtout qui transfigure. Car
323 possibilité réside peut-être dans notre capacité de renouvellement. Je dirai mieux : notre capacité de résurrection. À fo
324 e renouvellement. Je dirai mieux : notre capacité de résurrection. À force d’imagination et de courage, nos rêves ne se pe
325 i mieux : notre capacité de résurrection. À force d’ imagination et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase
326 apacité de résurrection. À force d’imagination et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase somnolente : ils
327 du libéralisme viril : « Est-ce rêver encore que de conseiller à l’Europe, pour se redresser, pour imposer silence à ses
328 edresser, pour imposer silence à ses détracteurs, de se reconnaître une mission nouvelle ? En affirmant son unité conquise
329 es dangers du dedans, elle aurait conclu un pacte d’ alliance entre ses fils : ce pacte, elle le proposerait ensuite à l’un
330 tur, elle les désarmerait en harmonisant non plus de petits États que divisent quelques collines, mais des continents que
331 ne pas le dire ici ? Cette relecture avive en moi d’ amers regrets. Je voudrais écrire à de Traz sur toutes ces choses, ce
332 vive en moi d’amers regrets. Je voudrais écrire à de Traz sur toutes ces choses, ce soir : il est trop tard. Il m’était en
333 dès mon adolescence, n’a pu me le faire concevoir de son vivant. Dans le recueil récemment publié de ses chroniques2, j’e
334 de son vivant. Dans le recueil récemment publié de ses chroniques2, j’en trouve quelques-unes sur l’Europe : sur nos con
335 ouve quelques-unes sur l’Europe : sur nos congrès de La Haye et de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le
336 unes sur l’Europe : sur nos congrès de La Haye et de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le Mouvement euro
337 os congrès de La Haye et de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur, d’un
338 culture en Europe. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur, d’un œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’a-
339 pe. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur, d’ un œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’a-t-il pas joint l
340 la lucidité. « Est-ce rêver, se demandait-il, que de conseiller à l’Europe… de se reconnaître une mission ? » Non, ce n’ét
341 r, se demandait-il, que de conseiller à l’Europe… de se reconnaître une mission ? » Non, ce n’était pas rêver, il le savai
342 pas rêver, il le savait, mais ce n’est plus assez de conseiller. Ce convaincu n’était pas de l’espèce des militants d’une
343 lus assez de conseiller. Ce convaincu n’était pas de l’espèce des militants d’une politique. Ce moraliste voulait d’abord
344 e convaincu n’était pas de l’espèce des militants d’ une politique. Ce moraliste voulait d’abord comprendre : pudeur ou foi
345 : pudeur ou foi dans la seule force du bon droit, de la clairvoyance alertée ? Sa vocation était tout attentive ; sa curio
346 s lentement dépasser les baladins et les bruyants de son époque, et son beau profil prend sa place parmi les effigies d’un
347 son beau profil prend sa place parmi les effigies d’ une Europe renaissante. 2. Témoin, p. 119-129. e. Rougemont Denis
348 ce parmi les effigies d’une Europe renaissante. 2. Témoin, p. 119-129. e. Rougemont Denis de, « Robert de Traz, l’Eur
349 e. 2. Témoin, p. 119-129. e. Rougemont Denis de , « Robert de Traz, l’Européen », Revue de Suisse, Genève, 1952, p. 3-
350 t Denis de, « Robert de Traz, l’Européen », Revue de Suisse, Genève, 1952, p. 3-5. f. Allusion au Dépaysement oriental de
351 t de Traz, l’Européen », Revue de Suisse, Genève, 1952, p. 3-5. f. Allusion au Dépaysement oriental de Robert de Traz, paru
352 952, p. 3-5. f. Allusion au Dépaysement oriental de Robert de Traz, paru en 1926, et dont Rougemont a rendu compte dans l
353 u Dépaysement oriental de Robert de Traz, paru en 1926, et dont Rougemont a rendu compte dans le Journal de Genève .
354 et dont Rougemont a rendu compte dans le Journal de Genève .
5 1952, Articles divers (1951-1956). Prototype T.E.L. (janvier 1952)
355 Prototype T.E.L. (janvier 1952 )g Entouré de soins extravagants, soumis à des épreuves exceptionne
356 Prototype T.E.L. (janvier 1952)g Entouré de soins extravagants, soumis à des épreuves exceptionnelles, étudié dan
357 es exceptionnelles, étudié dans le moindre détail de son comportement souvent imprévisible, le prototype peut se révéler i
358 ototype peut se révéler impropre à la fabrication de série : son intérêt n’en est pas amoindri. Car il fournit une connais
359 moindri. Car il fournit une connaissance nouvelle de certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que s
360 it une connaissance nouvelle de certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on
361 issance nouvelle de certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on les atteint
362 e certaines limites de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on les atteint ? Jusqu’où peut-o
363 x construire des appareils utiles. Je me proposer d’ envisager Lawrence comme prototype d’une race d’écrivains dont le sièc
364 me proposer d’envisager Lawrence comme prototype d’ une race d’écrivains dont le siècle déjà nous donne plusieurs exemples
365 r d’envisager Lawrence comme prototype d’une race d’ écrivains dont le siècle déjà nous donne plusieurs exemples, souvent m
366 re, et nous donne seul la possibilité et le désir de parler de lui. Bien d’autres ont vécu des aventures semblables, mais
367 s donne seul la possibilité et le désir de parler de lui. Bien d’autres ont vécu des aventures semblables, mais lui « sava
368 ain de faire, tandis que les autres travaillaient d’ instinct3 ». Les Sept Piliers de la Sagesse, et toutes ses lettres, té
369 s que les autres travaillaient d’instinct3 ». Les Sept Piliers de la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent d’une volont
370 res travaillaient d’instinct3 ». Les Sept Piliers de la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent d’une volonté de consci
371 de la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent d’ une volonté de conscience et d’expression qui justifie le point de dép
372 , et toutes ses lettres, témoignent d’une volonté de conscience et d’expression qui justifie le point de départ de cet ess
373 ettres, témoignent d’une volonté de conscience et d’ expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros-éc
374 conscience et d’expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros-écrivain du xxe siècle Pour disti
375 e et d’expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros-écrivain du xxe siècle Pour distinguer la s
376 Pour distinguer la singularité exemplaire du cas de Lawrence, ce n’est pas à la seule analyse de l’œuvre en soi qu’il fau
377 cas de Lawrence, ce n’est pas à la seule analyse de l’œuvre en soi qu’il faut recourir, mais d’abord il convient de cherc
378 soi qu’il faut recourir, mais d’abord il convient de chercher le rôle qu’a joué cette œuvre dans le conflit entre l’auteur
379 le nous paraît intégré naturellement à la société de son temps. L’écrivain du xviiie siècle ne l’est guère moins, bien qu
380 mette en question, ou raille agressivement, mais de l’intérieur où il est installé, les principes de l’ordre existant (Ro
381 de l’intérieur où il est installé, les principes de l’ordre existant (Rousseau, à peu près seul, s’en désolidarise). Aprè
382 zsche en sont les types — exilés dans la négation d’ un ordre qui les cerne sans les incorporer, exilés dans le nihilisme,
383 isme, exilés dans la transcendance. Il n’y a plus de commune mesure entre celui qui pense et ceux qui agissent ; il n’y a
384 i pense et ceux qui agissent ; il n’y a donc plus de communauté réelle. Et c’est pourquoi le xxe siècle verra tant de nom
385 pourquoi le xxe siècle verra tant de nomades et de vrais émigrés. Les uns voyagent vers des climats et des coutumes où l
386 nté, soit du moins compensé par quelque sentiment de participation choisie (Rilke à travers l’Europe ; Gide en Afrique ; D
387 sie (Rilke à travers l’Europe ; Gide en Afrique ; D. H. Lawrence en Italie et chez les Indiens du Mexique ; Bernanos à Maj
388 ns américains). D’autres s’exilent dans un métier d’ errants (Joseph Conrad, Claudel et Saint-John Perse). Et beaucoup se s
389 lés par le parti qui avait confisqué leur patrie ( de Silone à Koestler, en passant par les Allemands, les Espagnols, les R
390 les Allemands, les Espagnols, les Russes et ceux de l’Est européen). Certains, enfin, parlent en quête d’une communauté à
391 ’Est européen). Certains, enfin, parlent en quête d’ une communauté à rejoindre où à recréer dans l’action, et là seulement
392 dans l’action à se réaliser, à mesurer le pouvoir d’ un homme contre le monde et sur soi-même. Est-ce encore une compensati
393 ividualisme exaspéré, ou au contraire la décision de servir sans beaucoup d’illusions une cause dont la valeur importe moi
394 au contraire la décision de servir sans beaucoup d’ illusions une cause dont la valeur importe moins que les épreuves qu’e
395 ’elle impose. Nous voici tout près de Lawrence et d’ une classe d’écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre
396 Nous voici tout près de Lawrence et d’une classe d’ écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre siècle. Ils
397 ’écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre siècle. Ils sont héros par autre chose que par leur œuvre : pa
398 re son efficacité particulière. Car l’action sert de gage aux mots, et dans ce sens technique ces hommes sont engagés : il
399 technique ces hommes sont engagés : ils ont payé de leur personne le prix d’une signification. Que ces héros soient les n
400 t engagés : ils ont payé de leur personne le prix d’ une signification. Que ces héros soient les nomades, on vient d’en voi
401 ation. Que ces héros soient les nomades, on vient d’ en voir la raison générale. La plupart courent leur aventure hors de c
402 hors de chez eux, sourdement irrités qu’ils sont de se sentir étrangers dans leur peuple. S’expatrier devient une mise au
403 ent entre leurs exigences intimes et l’insipidité de la vie défaite de leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée, e
404 igences intimes et l’insipidité de la vie défaite de leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée, et surtout, dans l’
405 ns l’armée, et surtout, dans l’aviation, le moyen de s’expatrier sans passer les frontières de leur pays. L’aviateur est t
406 e moyen de s’expatrier sans passer les frontières de leur pays. L’aviateur est toujours en instance de départ, et par là,
407 de leur pays. L’aviateur est toujours en instance de départ, et par là, séparé de l’existence quotidienne : « Premier poin
408 toujours en instance de départ, et par là, séparé de l’existence quotidienne : « Premier point : nous ne sommes pas liés a
409 alistes en Angleterre. À vrai dire, c’est un goût de la lutte contre la vie, avec des camarades donnés par le hasard, qui
410 ui les jette dans des entreprises où la technique de la conquête (même pacifique) se confond avec celle du complot. On les
411 onfond avec celle du complot. On les voit engagés de préférence dans des conquêtes hasardeuses, que les gouvernements sout
412 ais des coups de feu, et qui demandent bien moins de conviction politique que d’audace ou de discipline, de goût du sacrif
413 demandent bien moins de conviction politique que d’ audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissan
414 ien moins de conviction politique que d’audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exem
415 nviction politique que d’audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exemples précis de
416 ’audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de K
417 de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de
418 e ou de volonté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première pério
419 onté de puissance. Les exemples précis de Jünger, d’ Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première période ; mieux
420 sance. Les exemples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première période ; mieux encore, de T
421 emples précis de Jünger, d’Edschmid, de Koestler, de Malraux, dans leur première période ; mieux encore, de T. E. Lawrence
422 lraux, dans leur première période ; mieux encore, de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et
423 emière période ; mieux encore, de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent
424 ieux encore, de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces
425 Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces remarques générales e
426 leur morale ou littéraire, par l’importance aussi de leur rôle historique et la sincérité de leurs convictions, tous ces h
427 nce aussi de leur rôle historique et la sincérité de leurs convictions, tous ces hommes sont, ou furent, des individualist
428 nt, ou furent, des individualistes à la recherche d’ une action commune, action conduite à l’étranger, et dont les fins der
429 ins que l’expérience elle-même, moins que le fait de servir en soi, ou d’éprouver les limites de l’homme. Ces anarchistes
430 elle-même, moins que le fait de servir en soi, ou d’ éprouver les limites de l’homme. Ces anarchistes engagés se reconnaiss
431 fait de servir en soi, ou d’éprouver les limites de l’homme. Ces anarchistes engagés se reconnaissent à un signe certain 
432 souvent à grand péril, il y a toujours une marge de conscience. Et dans cette marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’hom
433 tte marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’homme d’ un seul livre, sous des titres divers, peu d’entre eux sont des écriva
434 entre eux sont des écrivains nés, au sens courant de l’expression, qui suppose non seulement le don mais une certaine faci
435 , où l’exactitude est vitale, soit qu’il s’agisse d’ un ordre à rédiger ou d’une opération technique. Ces scrupules à plier
436 tale, soit qu’il s’agisse d’un ordre à rédiger ou d’ une opération technique. Ces scrupules à plier le sens précis au rythm
437 hme ou au jeu des syllabes peuvent gâter l’allure d’ un texte, ils n’en ont cure. Les meilleurs se rattrapent sur un plan p
438 meilleurs se rattrapent sur un plan plus profond d’ efficacité du langage : certaines recettes pour manier les esprits, et
439 es esprits, et surtout pour leur imposer un angle de vision déterminé — c’est tout le secret du commandement — leur sont c
440 nctives. Ce n’est pas seulement à leur réputation d’ aventuriers, de révolutionnaires ou d’aviateur qu’est dû le prestige p
441 st pas seulement à leur réputation d’aventuriers, de révolutionnaires ou d’aviateur qu’est dû le prestige particulier de l
442 réputation d’aventuriers, de révolutionnaires ou d’ aviateur qu’est dû le prestige particulier de leurs écrits, mais tout
443 s ou d’aviateur qu’est dû le prestige particulier de leurs écrits, mais tout autant à l’efficacité d’une syntaxe qui sait
444 de leurs écrits, mais tout autant à l’efficacité d’ une syntaxe qui sait comment « saisir » (expression favorite de Saint-
445 qui sait comment « saisir » (expression favorite de Saint-Exupéry). Soulignons que ces écrits ne sont nullement pour eux
446 écrits ne sont nullement pour eux les substituts de l’action terminée ou provisoirement suspendue, mais plutôt les effort
447 s pour lui trouver un sens, et justifier l’auteur de l’avoir entreprise. Témoignages cependant ambigus : autobiographiques
448 s livrent peu de confidences. Ils n’avouent guère d’ autre ambition que celle d’un serviteur de la cause collective, et ne
449 s. Ils n’avouent guère d’autre ambition que celle d’ un serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un
450 t guère d’autre ambition que celle d’un serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un portrait simpl
451 n serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoi
452 u qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’ un besoin de s’expliquer, ils restent obscurs sur un point décisif : c
453 rait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoin de s’expliquer, ils restent obscurs sur un point décisif : celui des fin
454 intimes, et l’on s’aperçoit que le problème, loin d’ y recevoir la réponse la plus attendue, n’y apparaît que plus fondamen
455 apparaît que plus fondamental : c’est pour tenter de le résoudre que l’homme écrit, et que parfois il retourne à l’action 
456 ous laisse enfin n’est qu’une question, l’exemple d’ une « passion » dont l’enjeu n’est pas clair. Et certes, les péripétie
457 ’enjeu n’est pas clair. Et certes, les péripéties d’ une telle passion peuvent bien suffire à l’intérêt de l’œuvre. Elles f
458 ne telle passion peuvent bien suffire à l’intérêt de l’œuvre. Elles font pâlir presque toutes nos fictions. Elles nous for
459 u’ici, enfin, un homme nous parle avec l’autorité d’ une expérience virile poussée jusqu’aux extrêmes, dans la rigueur mora
460 chez ceux qui s’y exposent ? Névrose, ou volonté de sainteté « laïque » ? Par quels buts souverains les justifier ? Si l’
461 , nous demandons alors : qui va revêtir cet homme d’ une vocation plus vraie que les causes qu’il a servies et qui se révèl
462 lent toujours, au bout du compte, décevantes ? II . T.E.L. et Saint-Exupéry « L’ambition est un motif méprisable ; l’
463 « L’ambition est un motif méprisable ; l’amour de la liberté une illusion ; le patriotisme, difficile quand ceux — comm
464 s Anglais ; quant à l’honneur, il est plus facile de mourir pour lui que d’en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire le
465 onneur, il est plus facile de mourir pour lui que d’ en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire les autres, dans l’intrig
466 r pour lui que d’en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire les autres, dans l’intrigue et la cruauté, vers la désillusi
467 t en ces termes que la plus sobre des biographies de Lawrence4 décrit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin de ses
468 hies de Lawrence4 décrit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de s
469 s de Lawrence4 décrit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de ses
470 crit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à la fin de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de ses espoirs à la Conf
471 rit du héros de 30 ans, à la fin de ses campagnes d’ Arabie, avant le grand échec de ses espoirs à la Conférence de Versail
472 n de ses campagnes d’Arabie, avant le grand échec de ses espoirs à la Conférence de Versailles. Mais comment ne pas penser
473 ant le grand échec de ses espoirs à la Conférence de Versailles. Mais comment ne pas penser à Saint-Exupéry ? Le parallèle
474 à Saint-Exupéry ? Le parallèle s’impose entre ces deux figures. Qu’elles aient été si différentes à tant d’égards, si contra
475 figures. Qu’elles aient été si différentes à tant d’ égards, si contrastées dans leurs données individuelles, ne fait qu’ac
476 ées individuelles, ne fait qu’accentuer l’intérêt d’ un rapprochement entre les deux personnes. Relevons d’abord les différ
477 ’accentuer l’intérêt d’un rapprochement entre les deux personnes. Relevons d’abord les différences afin de mieux déterminer
478 s différences afin de mieux déterminer la formule d’ homme qui, malgré tout ou presque tout, leur est commune. L’un Anglais
479 nglais et l’autre Français, et bien qu’ayant tous deux vécu leur aventure à l’étranger, parfaits représentants de leur natio
480 eur aventure à l’étranger, parfaits représentants de leur nation, dans ce qu’elle a justement de plus différent de l’autre
481 on, dans ce qu’elle a justement de plus différent de l’autre. L’un protestant et l’autre catholique, et bien que tous les
482 stant et l’autre catholique, et bien que tous les deux éloignés de leur foi, irrévocablement marqués par deux morales aussi
483 re catholique, et bien que tous les deux éloignés de leur foi, irrévocablement marqués par deux morales aussi extrêmes dan
484 éloignés de leur foi, irrévocablement marqués par deux morales aussi extrêmes dans leur domaine qu’hostiles entre elles : la
485 la femme est le repos du guerrier. L’un tourmenté de scrupules dans l’action et plein d’humour quand il parlait de son œuv
486 ’un tourmenté de scrupules dans l’action et plein d’ humour quand il parlait de son œuvre écrite, l’autre contant ses avent
487 dans l’action et plein d’humour quand il parlait de son œuvre écrite, l’autre contant ses aventures avec brio et insistan
488 ant pour lire à ses amis les versions successives de ses livres en train. L’un réservé jusqu’au silence total, l’autre tou
489 jusqu’au silence total, l’autre toujours en quête d’ une audience amicale. L’un petit et durci, l’autre grand et sérieux. O
490 ’autre grand et sérieux. On imagine difficilement deux hommes aux caractères mieux contrastés. Tout ce qui chez l’un et l’au
491 enant leur personne, j’entends ce qu’ils ont fait de ces données natives, et les tensions qu’ils ont instituées entre ce q
492 leur action, et leur drame. Une ultime structure de destinée semble gouverner ces deux vies. Leur vocation s’est marquée
493 ultime structure de destinée semble gouverner ces deux vies. Leur vocation s’est marquée dès l’enfance et affirmée pendant l
494 s l’enfance et affirmée pendant l’adolescence : à 20 ans les voilà partis, l’un pour des fouilles dans les pays arabes qu’
495 sion ; l’autre sur ces avions qu’il essayait déjà de manœuvrer en cachette à 16 ans. Les deux intellectuels qui resteront
496 ns qu’il essayait déjà de manœuvrer en cachette à 16 ans. Les deux intellectuels qui resteront toujours si furieux de l’av
497 ayait déjà de manœuvrer en cachette à 16 ans. Les deux intellectuels qui resteront toujours si furieux de l’avant-garde litt
498 x intellectuels qui resteront toujours si furieux de l’avant-garde littéraire, l’un tourné vers l’histoire et l’autre vers
499 ’histoire et l’autre vers les sciences, mais tous deux inventeurs de machines, vont choisir des métiers où la technique s’al
500 utre vers les sciences, mais tous deux inventeurs de machines, vont choisir des métiers où la technique s’allie à l’art du
501 désert avec les mêmes Arabes. Soit qu’il s’agisse de négocier avec ceux-ci pour libérer un camarade pris en otage, ou de l
502 eux-ci pour libérer un camarade pris en otage, ou de les inciter à la révolte, dans les deux cas il faut parler leur langu
503 n otage, ou de les inciter à la révolte, dans les deux cas il faut parler leur langue, pénétrer leurs modes de penser, s’ass
504 il faut parler leur langue, pénétrer leurs modes de penser, s’assimiler les procédés subtils qui fondent le prestige de l
505 iler les procédés subtils qui fondent le prestige de leurs chefs. De ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous
506 s subtils qui fondent le prestige de leurs chefs. De ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous les deux garder
507 estige de leurs chefs. De ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous les deux garderont le secret d’influencer
508 rce prolongé et de la coutume du désert, tous les deux garderont le secret d’influencer et de manier les hommes par des moye
509 tume du désert, tous les deux garderont le secret d’ influencer et de manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux
510 tous les deux garderont le secret d’influencer et de manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux du règlement, e
511 t qui ne doivent rien aux titres officiels : goût de l’autorité, non du pouvoir. (Lawrence, plus tard, se le reprochera, m
512 le reprochera, mais non Saint-Exupéry.) Tous les deux se moquent des grades, qu’on leur en donne ou non, et sont perpétuell
513 en donne ou non, et sont perpétuellement sur pied de fronde. Leur mépris orgueilleux pour les fonctions sans risques de ce
514 épris orgueilleux pour les fonctions sans risques de ceux dont ils reçoivent les ordres, donne la mesure de leur sens du s
515 ux dont ils reçoivent les ordres, donne la mesure de leur sens du service : ils se soumettent, non pas au fonctionnaire, m
516 ire, mais à la vertu mystérieuse qu’ils attendent de la règle, même injuste. Au reste, leurs plus grandes actions furent a
517 mpétences supérieures. Parfois cependant, cet art de persuader (qu’ils tiennent en partie des Arabes) leur vaut des appuis
518 , durement gagnés, et que souvent leurs camarades d’ équipe sont restés les seuls à connaître. Ils se retournent vers le mo
519 rnent vers le monde des autres, et c’est le début de l’écœurement. Signe objectif d’une mésentente profonde : ils entrent
520 et c’est le début de l’écœurement. Signe objectif d’ une mésentente profonde : ils entrent en conflit avec la politique des
521 profonds, et les mieux motivés, quant à la valeur de l’action par laquelle ils se sont illustrés. (Pour le courage physiqu
522 n’en parlent jamais qu’avec un scepticisme dénué de coquetterie.) Le seul désir bien déclaré est désormais de se retirer
523 tterie.) Le seul désir bien déclaré est désormais de se retirer dans une maison de campagne, avec le livre qu’ils portent
524 toujours le même, et qui doit être un commentaire de leur activité, visant à la sauver de l’anecdote historique pour en ex
525 commentaire de leur activité, visant à la sauver de l’anecdote historique pour en extraire une sagesse commune, et pour é
526 nument « durable » ou « intangible » à la mémoire d’ un effort collectif. Ils n’écrivent pas plus facilement l’un que l’aut
527 e vantent parfois, mais plus souvent se plaignent de leur exigence excessive et de leurs ratures infinies. C’est qu’ils se
528 ouvent se plaignent de leur exigence excessive et de leurs ratures infinies. C’est qu’ils se refusent aux entraînements de
529 inies. C’est qu’ils se refusent aux entraînements de l’idéologie ou du lyrisme, s’appliquent aux descriptions exactes, et
530 mots éprouvés… C’est à ce stade que naissent Les Sept Piliers de la Sagesse et Terre des Hommes. L’aventure paraît consommé
531 s… C’est à ce stade que naissent Les Sept Piliers de la Sagesse et Terre des Hommes. L’aventure paraît consommée. Et cepen
532 e se noue à ce moment précis, devant la tentation de la « vie normale » d’un écrivain chargé des honneurs du héros. Au lie
533 précis, devant la tentation de la « vie normale » d’ un écrivain chargé des honneurs du héros. Au lieu de se retirer dans u
534 ieu de se retirer dans une maison de campagne, ou d’ accepter quelque fonction publique, ils reprennent subitement du servi
535 isons variables et même contradictoires. Dans les deux cas, et nonobstant les circonstances historiques différentes, il para
536 nces historiques différentes, il paraît difficile de distinguer leurs vrais motifs, parmi tant de prétextes qu’ils allègue
537 tant de prétextes qu’ils allèguent. S’agirait-il d’ une fuite devant leur « personnage », ou d’une réelle passion de servi
538 ait-il d’une fuite devant leur « personnage », ou d’ une réelle passion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ont pa
539 vant leur « personnage », ou d’une réelle passion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ont pas le choix, et que la
540 s parce que j’étais fauché ? », écrit Lawrence en 1923. L’argent n’est ici qu’un symbole : il pouvait en gagner autrement.) I
541 es (ces « licornes » comme disait Lawrence), font de leur mieux pour les décourager ; mais eux s’obstinent, bien que plus
542 gnes précédentes, bien que hantés par leur besoin d’ écrire, et bien qu’ils ne puissent ignorer qu’à des postes moins anony
543 nt plus difficiles à remplacer. Inextricable nœud d’ orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de
544 ciles à remplacer. Inextricable nœud d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée
545 er. Inextricable nœud d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée contre la socié
546 d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission au
547 ochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission aux règles de son jeu
548 rté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission aux règles de son jeu, les mêmes énigmes d’ailleurs, sans
549 lée contre la société et de soumission aux règles de son jeu, les mêmes énigmes d’ailleurs, sans plus de solution, se trou
550 ns religieuses, et cette similitude ne manque pas de les frapper. Lawrence décrit son engagement dans l’armée de l’air com
551 pper. Lawrence décrit son engagement dans l’armée de l’air comme « le meilleur équivalent moderne de l’entrée au couvent a
552 e de l’air comme « le meilleur équivalent moderne de l’entrée au couvent au Moyen Âge ». Tous deux sont détachés de la foi
553 derne de l’entrée au couvent au Moyen Âge ». Tous deux sont détachés de la foi, et peut-être à la fin de la foi en eux-mêmes
554 u couvent au Moyen Âge ». Tous deux sont détachés de la foi, et peut-être à la fin de la foi en eux-mêmes ou dans le rôle
555 ux sont détachés de la foi, et peut-être à la fin de la foi en eux-mêmes ou dans le rôle qu’ils peuvent encore jouer parmi
556 es qui rendent le même son.) S’approche le moment de la retraite forcée, — fin de son engagement pour l’un, de la guerre p
557 S’approche le moment de la retraite forcée, — fin de son engagement pour l’un, de la guerre pour l’autre. Et survient l’ac
558 traite forcée, — fin de son engagement pour l’un, de la guerre pour l’autre. Et survient l’accident mortel. Ils sont tués
559 sont tués par la machine qui avait été la passion de leur vie. Mais leur légende prévaut contre le fait. Pendant longtemps
560 aut contre le fait. Pendant longtemps on refusera de les croire morts : ils sont revenus de tant d’autres dangers, et peut
561 n refusera de les croire morts : ils sont revenus de tant d’autres dangers, et peut-être n’ont-ils disparu que pour assume
562 es tâches, plus secrètes et plus importantes5. III . Un « message » de modestie J’essaierai maintenant de répondre à l
563 ètes et plus importantes5. III. Un « message » de modestie J’essaierai maintenant de répondre à la question dont ces
564 « message » de modestie J’essaierai maintenant de répondre à la question dont ces pages sont nées : « Que signifie pour
565 r nous Lawrence ? » Les dictateurs sont les héros de la masse, qui les produit dans sa panique devant une liberté sans con
566 t une liberté sans contenu. Il est des dictateurs de toutes sortes, il est vrai, mais la prostitution leur est commune : i
567 tionaliste. Je vois leur antithèse dans les héros de l’intégrité personnelle, dont Lawrence est le prototype. Le dictateur
568 nce est le prototype. Le dictateur n’est fort que de la faiblesse des autres, et sa grandeur est négative : il est le symb
569 us lui apportons pour faire nombre. Mais la force d’ un Lawrence a sa source dans les seules exigences qu’il s’impose. Le d
570 aux publics. Lawrence n’a jamais rien demandé que de lui-même. Son pouvoir sur autrui lui fait horreur, il l’avoue à plusi
571 en garder longtemps le remords) si les nécessités de l’action l’y contraignent, comme ce fut le cas dans sa campagne d’Ara
572 ontraignent, comme ce fut le cas dans sa campagne d’ Arabie ; et il ne peut se retenir de dénoncer dans cet usage, même lég
573 s sa campagne d’Arabie ; et il ne peut se retenir de dénoncer dans cet usage, même légal, un abus. Forcer autrui sera touj
574 mne ce viol, c’est qu’il se veut intègre, au prix d’ un sacrifice dont il reste le maître. Son héroïsme le plus réel est là
575 dépens de son propre individu et pour l’éducation de sa personne. Il dépasse tous les autres dans ce sens. Et je ne lui vo
576 e tous les autres dans ce sens. Et je ne lui vois d’ égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris de la fraude, et le
577 égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris de la fraude, et le scrupule fécond, que chez Kafka, — cet autre prototy
578 t autre prototype. Voici précisément ce qu’il eut d’ exemplaire : il a soumis la condition de l’homme moderne aux épreuves
579 qu’il eut d’exemplaire : il a soumis la condition de l’homme moderne aux épreuves les plus dures dans divers ordres, faisa
580 es dans divers ordres, faisant lui-même les frais de l’expérience et se refusant à tous les faux-fuyants que nous offrent
581 Liberté, Violence, Angoisse, et le plus équivoque de tous : Révolution. On dirait qu’il a fait sur lui-même une étude de l
582 on. On dirait qu’il a fait sur lui-même une étude de la résistance du matériel et du moral humain dans l’état où se trouve
583 at où se trouve notre monde. Et voici le résultat de cette étude — la meilleure description que je puisse imaginer de la r
584 — la meilleure description que je puisse imaginer de la réalité moderne en tant que telle. Lawrence est dans un camp de la
585 erne en tant que telle. Lawrence est dans un camp de la RAF quand il écrit cette lettre à Lionel Curtis, le 30 mai 1923 :
586 F quand il écrit cette lettre à Lionel Curtis, le 30 mai 1923 : Et puis il y a l’absence de responsabilité : je n’ai à ré
587 il écrit cette lettre à Lionel Curtis, le 30 mai 1923  : Et puis il y a l’absence de responsabilité : je n’ai à répondre ic
588 urtis, le 30 mai 1923 : Et puis il y a l’absence de responsabilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau
589 ce de responsabilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certai
590 ilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude d
591 ’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude dans les évol
592 ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude dans les évolutions physique
593 reté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’ une certaine exactitude dans les évolutions physiques à l’exercice. De
594 un seul choix : tout est prescrit — à l’exception de cette possibilité torturante de choisir de m’en aller d’ici, au momen
595 t — à l’exception de cette possibilité torturante de choisir de m’en aller d’ici, au moment où ma volonté de rester s’effo
596 eption de cette possibilité torturante de choisir de m’en aller d’ici, au moment où ma volonté de rester s’effondrera. À c
597 isir de m’en aller d’ici, au moment où ma volonté de rester s’effondrera. À cela près, ce serait le complet déterminisme —
598 etée (pas l’obéissance, car mon effort actuel est de trouver l’égalité dans la seule subordination. C’est l’exercice de l’
599 ité dans la seule subordination. C’est l’exercice de l’autorité qui m’écœure) ; l’action, je l’ai rejetée ; et la vie inte
600 e ; et la vie réceptive des sens ; et les assauts d’ esprit. Autant d’échecs, et ma raison me dit qu’en conséquence l’obéis
601 eptive des sens ; et les assauts d’esprit. Autant d’ échecs, et ma raison me dit qu’en conséquence l’obéissance, le non-sav
602 non-savoir échoueront aussi, puisque les racines de l’échec commun doivent être en moi, — et pourtant, en dépit de la rai
603 pourtant, en dépit de la raison, je m’y essaie. Douze ans plus tard, et très peu de temps avant sa mort, il tire de ses « e
604 tard, et très peu de temps avant sa mort, il tire de ses « essais » les conclusions suivantes : le Règlement du Proche-Ori
605 du Proche-Orient (qui fut en partie son œuvre en 1921 ) pèse à ses yeux plus que ses campagnes, mais moins que son activité
606 ns que son activité dans la RAF « car la conquête de l’air me paraît être la seule tâche majeure de notre génération ; et
607 te de l’air me paraît être la seule tâche majeure de notre génération ; et je me suis convaincu que le progrès, aujourd’hu
608 jourd’hui, n’est pas le fait du génie isolé, mais de l’effort commun. Pour moi, c’est la multitude des rudes chauffeurs de
609 Pour moi, c’est la multitude des rudes chauffeurs de camion, couvrant chaque nuit toutes les routes de l’Angleterre, qui f
610 de camion, couvrant chaque nuit toutes les routes de l’Angleterre, qui fait notre âge mécanique. » Et ce sont aussi les si
611 nique. » Et ce sont aussi les simples mécaniciens de la RAF, non les grands as. « C’est pourquoi je suis resté dans le ran
612 ourquoi je suis resté dans le rang, et j’ai servi de mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose « d’intangible », qui
613 e rang, et j’ai servi de mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose « d’intangible », qui l’avait soutenu dans son ef
614 mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose «  d’ intangible », qui l’avait soutenu dans son effort d’artiste alors qu’i
615 intangible », qui l’avait soutenu dans son effort d’ artiste alors qu’il écrivait les Sept Piliers, il la renie ; car « tou
616 ans son effort d’artiste alors qu’il écrivait les Sept Piliers, il la renie ; car « toute création est tangible. Et ce que j
617 tangible. Et ce que j’essayais, je crois, c’était de poser une superstructure d’idées sur tout ce que je faisais. Eh bien,
618 is, je crois, c’était de poser une superstructure d’ idées sur tout ce que je faisais. Eh bien, en cela, j’ai échoué. J’ai
619 . Eh bien, en cela, j’ai échoué. J’ai donc changé de direction… Je me suis engagé dans la RAF pour me mettre au service d’
620 suis engagé dans la RAF pour me mettre au service d’ une entreprise mécanique, non pas comme un chef, mais comme un rouage
621 ense, c’est machine… Je laisse à d’autres le soin de dire si j’ai bien ou mal choisi : l’un des avantages d’être une pièce
622 e si j’ai bien ou mal choisi : l’un des avantages d’ être une pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’im
623 mal choisi : l’un des avantages d’être une pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’importance ». De te
624 e la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’ importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ceux qui,
625 est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ceux qui, parmi nous, faut
626 pas d’importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ceux qui, parmi nous, faute d’un ordre acceptable, tente
627 ervir de repères pour ceux qui, parmi nous, faute d’ un ordre acceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos. De repères
628 parmi nous, faute d’un ordre acceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos. De repères, simplement, non de philosophi
629 cceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos. De repères, simplement, non de philosophie. Car Lawrence, comme plusieur
630 librer dans le chaos. De repères, simplement, non de philosophie. Car Lawrence, comme plusieurs de sa race, ne se situe da
631 non de philosophie. Car Lawrence, comme plusieurs de sa race, ne se situe dans nos problèmes que d’une manière fragmentair
632 rs de sa race, ne se situe dans nos problèmes que d’ une manière fragmentaire, en des occasions si concrètes que la techniq
633 casions si concrètes que la technique vécue, gage de son honnêteté, devient aussi son alibi. Du point de vue de nos débats
634 nnêteté, devient aussi son alibi. Du point de vue de nos débats politiques, pour se borner à un problème brûlant, qu’est-i
635 borner à un problème brûlant, qu’est-il possible d’ inférer de son exemple ? Les citations que je viens de traduire semble
636 un problème brûlant, qu’est-il possible d’inférer de son exemple ? Les citations que je viens de traduire semblent indique
637 re semblent indiquer que Lawrence eût été capable de justifier, de la manière la plus tentante, le stalinisme et les mouve
638 diquer que Lawrence eût été capable de justifier, de la manière la plus tentante, le stalinisme et les mouvements totalita
639 il se fût battu contre eux. Faudra-t-il l’accuser d’ inconséquence ? Le problème est un peu différent. Sans aucun doute, la
640 s aucun doute, la morale qu’il professe, au terme de son expérience de douze années dans l’aviation, est une morale collec
641 morale qu’il professe, au terme de son expérience de douze années dans l’aviation, est une morale collectiviste. (L’effort
642 ale qu’il professe, au terme de son expérience de douze années dans l’aviation, est une morale collectiviste. (L’effort commu
643 dans le complet déterminisme ; et jusqu’au culte de la machine !) Mais d’autre part, son aversion pour l’idéologie, son r
644 re part, son aversion pour l’idéologie, son refus de l’impérialisme sous toutes ses formes, surtout morales, l’écœurement
645 s, l’écœurement qu’il ressent devant la nécessité d’ imposer son pouvoir et d’user d’autorité, tout l’opposait à la dictatu
646 sent devant la nécessité d’imposer son pouvoir et d’ user d’autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique coll
647 vant la nécessité d’imposer son pouvoir et d’user d’ autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique collectivis
648 r un tel homme ? Je le cite encore : « Les idéaux d’ une politique sont de ces choses qui vous montent à la tête : leur tra
649 e cite encore : « Les idéaux d’une politique sont de ces choses qui vous montent à la tête : leur traduction en termes de
650 a structure sociale qui en résulte est un travail de second ordre. Je n’ai rien rencontré de plus honnête et dévoué que no
651 bien constitué comme le nôtre, peut se permettre 1  % de monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour
652 n constitué comme le nôtre, peut se permettre 1 % de monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour moi.
653 me le nôtre, peut se permettre 1 % de monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour moi. L’ennui avec le
654 monistes ou de nihilistes. Voilà qui laisse assez de place pour moi. L’ennui avec le communisme, c’est qu’il accepte trop
655 communisme, c’est qu’il accepte trop du mobilier d’ aujourd’hui. Je hais les meubles. » Qu’on ne voie pas là une dérobade
656 s là une dérobade devant le grand choix politique de ce siècle : démocratie ou totalitarisme. Ces petites phrases d’un hum
657 démocratie ou totalitarisme. Ces petites phrases d’ un humour cynique, bien que jetées dans une lettre hâtive, traduisent
658 nt une attitude mûrie. C’est la morale du Château de Kafka, la ligne de repli (devant les problèmes métaphysiques) d’un ho
659 ie. C’est la morale du Château de Kafka, la ligne de repli (devant les problèmes métaphysiques) d’un homme qui a raté ses
660 gne de repli (devant les problèmes métaphysiques) d’ un homme qui a raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus d’aut
661 raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus d’ autre solution que de s’assurer une petite place dans la cité, un rôle
662 et pour lequel il n’est plus d’autre solution que de s’assurer une petite place dans la cité, un rôle utile dans ce monde
663 ans ce monde qu’il juge assez absurde — par excès de conscience éthique — mais qu’il faut pourtant bien accepter, lorsqu’o
664 n grand courage, et surtout sans le moindre souci d’ être un exemple ou d’enseigner : de là vient sa sincérité, à travers t
665 urtout sans le moindre souci d’être un exemple ou d’ enseigner : de là vient sa sincérité, à travers tant de déguisements.
666 moindre souci d’être un exemple ou d’enseigner : de là vient sa sincérité, à travers tant de déguisements. On ne peut s’e
667 avers tant de déguisements. On ne peut s’empêcher de l’aimer. Mais il n’est pas question de le suivre. Le nihilisme, si « 
668 s’empêcher de l’aimer. Mais il n’est pas question de le suivre. Le nihilisme, si « décent » soit-il, est une faible défens
669 it-il, est une faible défense contre les monstres de ce temps. Bien plus : objectivement, il en est le fourrier. Les fauss
670 le fourrier. Les fausses fois totalitaires n’ont d’ ennemi sérieux que la foi. Pourtant, à ceux qui disent que Lawrence es
671 Lawrence est décevant parce qu’il n’a pas laissé de « message », je répondrai qu’il nous apprend au moins à n’en pas atte
672 cent la religion. Le plus honnête, s’il est privé de foi, s’avoue sans rien à révéler, mais par là même il décrit mieux l’
673 mais par là même il décrit mieux l’état véritable de l’homme. Rien ne tient, à l’épreuve, qui n’ait commencé là. 3. Le
674 ne tient, à l’épreuve, qui n’ait commencé là. 3. Letters, p. 412. 4. T. E. Lawrence, par Charles Edmonde. 5. Chaq
675 , qui n’ait commencé là. 3. Letters, p. 412. 4. T. E. Lawrence, par Charles Edmonde. 5. Chaque phrase et chaque nu
676  412. 4. T. E. Lawrence, par Charles Edmonde. 5. Chaque phrase et chaque nuance de ce parallèle pourraient être appuyé
677 rles Edmonde. 5. Chaque phrase et chaque nuance de ce parallèle pourraient être appuyées par des documents précis et par
678 s fréquentes tirées des livres ou des lettres des deux hommes. J’ai dû me borner à les paraphraser, les lettres de Saint-Exu
679 J’ai dû me borner à les paraphraser, les lettres de Saint-Exupéry n’étant pas encore publiées. Quant à La Citadelle, on n
680 uivalent chez Lawrence. Et certes, rien n’empêche d’ imaginer que ce dernier, s’il eût vécu tranquille dans son cottage, eû
681 osition lyrique et « littéraire » des expériences de l’homme d’action. Mais on sait que Churchill le destinait à des fonct
682 ique et « littéraire » des expériences de l’homme d’ action. Mais on sait que Churchill le destinait à des fonctions milita
683 rtantes, que la guerre l’eût sans doute contraint d’ accepter. Au total, Saint-Exupéry fut davantage un écrivain, Lawrence
684 péry fut davantage un écrivain, Lawrence un agent de l’Histoire. g. Rougemont Denis de, « Prototype T.E.L. », La Table
685 nce un agent de l’Histoire. g. Rougemont Denis de , « Prototype T.E.L. », La Table ronde, Paris, janvier 1952, p. 32-44.
686 rototype T.E.L. », La Table ronde, Paris, janvier 1952, p. 32-44.
6 1952, Articles divers (1951-1956). L’Heure de l’impatience (mars 1952)
687 L’Heure de l’impatience (mars 1952)h Ce n’est pas un pamphlétaire irresponsab
688 L’Heure de l’impatience (mars 1952 )h Ce n’est pas un pamphlétaire irresponsable, c’est un homme polit
689 ccurrence, qui s’écriait naguère dans l’hémicycle de Strasbourg : « L’Europe vit, depuis des années, de la peur des Russes
690 e Strasbourg : « L’Europe vit, depuis des années, de la peur des Russes et de la charité des Américains ! » Traduisons, ma
691 vit, depuis des années, de la peur des Russes et de la charité des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri d’alarme
692 des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri d’ alarme en chiffres dûment vérifiés. Cela donne, en millions d’habitant
693 larme en chiffres dûment vérifiés. Cela donne, en millions d’habitants : « 320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et d
694 chiffres dûment vérifiés. Cela donne, en millions d’ habitants : « 320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de l
695 vérifiés. Cela donne, en millions d’habitants : «  320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de la charité de 150.
696 nts : « 320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation
697  : « 320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation appa
698 0 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation apparaisse
699 s des années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation apparaisse plus choquant
700 es années dans la peur de 210 et de la charité de 150.  » On souhaite qu’une telle constatation apparaisse plus choquante enc
701 ent s’explique d’ailleurs par des raisons connues de chacun. Tout d’abord, les Européens refusent de se croire aussi nombr
702 s de chacun. Tout d’abord, les Européens refusent de se croire aussi nombreux qu’ils sont, parce qu’ils n’ont pas encore p
703 nt, parce qu’ils n’ont pas encore pris l’habitude de se sentir Européens. Au lieu d’un bloc à peu près aussi grand que les
704 Au lieu d’un bloc à peu près aussi grand que les deux autres additionnés, voici donc vingt petits pays, dont pas un seul n’
705 grand que les deux autres additionnés, voici donc vingt petits pays, dont pas un seul n’est à l’échelle du siècle. Il semble
706 le. Il semble évident que leur union renverserait d’ un coup la situation. Tout les y pousse : la logique de l’Histoire com
707 coup la situation. Tout les y pousse : la logique de l’Histoire comme le calcul de leurs vrais intérêts, les nécessités de
708 pousse : la logique de l’Histoire comme le calcul de leurs vrais intérêts, les nécessités de leur défense comme celles de
709 le calcul de leurs vrais intérêts, les nécessités de leur défense comme celles de leur vie culturelle, le passé comme l’av
710 rêts, les nécessités de leur défense comme celles de leur vie culturelle, le passé comme l’avenir, la raison comme les rêv
711 les rêves. Qu’est-ce qui les retient ? Une sorte de myopie de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs tra
712 . Qu’est-ce qui les retient ? Une sorte de myopie de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs traditions, p
713 de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs traditions, parlent d’ennemis héréditaires, mais ils oublient q
714 Ils tirent prétexte de leurs traditions, parlent d’ ennemis héréditaires, mais ils oublient que leurs nationalismes ne rem
715 u’au siècle dernier, et qu’ils ont deux-mille ans d’ usage commun d’un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tiren
716 nier, et qu’ils ont deux-mille ans d’usage commun d’ un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tirent prétexte des
717 lle ans d’usage commun d’un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tirent prétexte des intérêts à court terme de l
718 e. Ils tirent prétexte des intérêts à court terme de leurs États, mais ils oublient qu’ils forment un seul corps, et qu’il
719 nt qu’ils forment un seul corps, et qu’il est fou d’ essayer de sauver un seul organe au détriment des autres. Le cœur ni l
720 forment un seul corps, et qu’il est fou d’essayer de sauver un seul organe au détriment des autres. Le cœur ni le poumon n
721 poumon ne vivraient isolés, et leur santé dépend d’ une bonne circulation. Enfin, rien n’est plus clair au monde que la né
722 , rien n’est plus clair au monde que la nécessité de notre union, rien n’est moins contesté et cependant, comme il arrive
723 angoissante, durera jusqu’au réveil qu’il s’agit de provoquer. Europe, jadis, fut enlevée à l’Asie par une fougueuse divi
724 , fut enlevée à l’Asie par une fougueuse divinité de l’Occident : Jupiter changé en Taureau. On nous dit qu’Europe, aujour
725 nous dit qu’Europe, aujourd’hui, risque à nouveau d’ être séduite, cette fois-ci par un Ours, ou par un Aigle. Craignons pl
726 u par un Aigle. Craignons plutôt le prudent idéal de certains députés de Strasbourg : l’enlèvement d’Europe par un escargo
727 gnons plutôt le prudent idéal de certains députés de Strasbourg : l’enlèvement d’Europe par un escargot ! La prudence a mo
728 de certains députés de Strasbourg : l’enlèvement d’ Europe par un escargot ! La prudence a montré ce qu’elle savait faire.
729 venue de l’impatience créatrice. Je n’imagine pas de meilleur mot d’ordre pour une Campagne européenne de la jeunesse. h
730 meilleur mot d’ordre pour une Campagne européenne de la jeunesse. h. Rougemont Denis de, « L’heure de l’impatience », J
731 européenne de la jeunesse. h. Rougemont Denis de , « L’heure de l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin d’informat
732 la jeunesse. h. Rougemont Denis de, « L’heure de l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin d’information de la Camp
733 t Denis de, « L’heure de l’impatience », Jeunesse d’ Europe : bulletin d’information de la Campagne européenne de la jeunes
734 e de l’impatience », Jeunesse d’Europe : bulletin d’ information de la Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952
735 nce », Jeunesse d’Europe : bulletin d’information de la Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952, p. 1.
736 bulletin d’information de la Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952, p. 1.
737 a Campagne européenne de la jeunesse, Paris, mars 1952, p. 1.
7 1952, Articles divers (1951-1956). Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)
738 Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)i Je vais limiter mon exposé à u
739 Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952 )i Je vais limiter mon exposé à un seul thème, un thème-cathédrale 
740 je vais développer rapidement pourrait s’exprimer de cette manière, sous sa forme la plus brutale : l’Europe égale les foy
741 forme la plus brutale : l’Europe égale les foyers de culture, ou : les foyers de culture sont l’Europe. Je précise tout de
742 rope égale les foyers de culture, ou : les foyers de culture sont l’Europe. Je précise tout de suite que je prends le term
743 récise tout de suite que je prends le terme foyer de culture au sens le plus général, le plus large ; je vous dirai aussi
744 e plus large ; je vous dirai aussi que les foyers de culture qui ont fait l’Europe jouaient, à d’autres époques, un rôle d
745 e jouaient, à d’autres époques, un rôle différent de celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas de longues incursio
746 celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas de longues incursions dans le passé, mais je rappellerai la leçon de l’h
747 sions dans le passé, mais je rappellerai la leçon de l’histoire ; avant le Moyen Âge, l’Europe s’est faite à partir des se
748 e, l’Europe s’est faite à partir des seuls foyers de culture existants : les couvents. Comment la culture devenait-elle vi
749 s les universités, formant les clercs, les hommes de culture, chargés d’élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient
750 ormant les clercs, les hommes de culture, chargés d’ élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient de règles aux hommes
751 mmes de culture, chargés d’élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient de règles aux hommes publics : princes, magis
752 élaborer les doctrines de l’Église, qui servaient de règles aux hommes publics : princes, magistrats, légistes. À un stade
753 s sermons entendus à l’Église, et tout un courant de connaissances orales, car les textes écrits n’avaient pas de circulat
754 ances orales, car les textes écrits n’avaient pas de circulation publique. On passait donc ainsi du foyer de culture à la
755 ulation publique. On passait donc ainsi du foyer de culture à la masse de la population par une série de maillons success
756 passait donc ainsi du foyer de culture à la masse de la population par une série de maillons successifs que je vous rappel
757 culture à la masse de la population par une série de maillons successifs que je vous rappelle : la méditation se formulant
758 issance populaire par transmission orale. L’unité de croyance fondamentale créait l’unité de culture entre toutes les clas
759 . L’unité de croyance fondamentale créait l’unité de culture entre toutes les classes de la population ; une commune mesur
760 réait l’unité de culture entre toutes les classes de la population ; une commune mesure existait entre les riches, les cle
761 st élaborée par des individus — plus rarement par de petites équipes de chercheurs ; puis coulée dans des moules uniformes
762 individus — plus rarement par de petites équipes de chercheurs ; puis coulée dans des moules uniformes : [par]j l’école,
763 elle est transmise à la masse et ces moyens mêmes de diffusion la rendent abstraite. Elle se heurte à des obstacles qui so
764 se heurte à des obstacles qui sont : la division de la population en classes sociales ne parlant pas le même langage, la
765 ge, la division en nations, qui existe depuis une centaine d’années, la division en langues, qui joue un rôle beaucoup plus vast
766 vision en nations, qui existe depuis une centaine d’ années, la division en langues, qui joue un rôle beaucoup plus vaste q
767 uère aujourd’hui dans nos pays qu’une seule forme de culture commune à tout le monde, sans distinction de classes, de pays
768 culture commune à tout le monde, sans distinction de classes, de pays, de langues : la culture par l’image : cinéma, télév
769 une à tout le monde, sans distinction de classes, de pays, de langues : la culture par l’image : cinéma, télévision, « com
770 t le monde, sans distinction de classes, de pays, de langues : la culture par l’image : cinéma, télévision, « comics” illu
771 « comics” illustrés des journaux. C’est une forme de diffusion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne nécessite au
772 une forme de diffusion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne nécessite aucune traduction. Vous reconnaîtrez que c
773 mer l’homme et le jugement personnel. Le résultat de ces cloisons horizontales ou verticales par classes, nations et langu
774 ou verticales par classes, nations et langues est de faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’e
775 angues est de faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’empêcher son unité. Des conceptions diff
776 faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’empêcher son unité. Des conceptions différentes se fo
777 bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’ empêcher son unité. Des conceptions différentes se forment ; le même t
778 ons différentes se forment ; le même terme change de sens en passant d’une classe sociale à l’autre. Finalement, la cultur
779 forment ; le même terme change de sens en passant d’ une classe sociale à l’autre. Finalement, la culture humaniste, née co
780 culture humaniste, née comme une création commune de l’Europe, se fragmente en toutes sortes de petits morceaux. On ne peu
781 ommune de l’Europe, se fragmente en toutes sortes de petits morceaux. On ne peut plus dire : l’Europe, c’est une forme de
782 On ne peut plus dire : l’Europe, c’est une forme de culture, la substance de la culture est ignorée de la masse des popul
783 ’Europe, c’est une forme de culture, la substance de la culture est ignorée de la masse des populations, comme l’est le se
784 e culture, la substance de la culture est ignorée de la masse des populations, comme l’est le sens de l’Europe. Pourtant,
785 de la masse des populations, comme l’est le sens de l’Europe. Pourtant, cette culture existe, elle se poursuit. Comment p
786  L’Europe-Culture ». Là, se pose le vrai problème de vos foyers de culture. Un foyer constitue le lieu de rencontre entre
787 ure ». Là, se pose le vrai problème de vos foyers de culture. Un foyer constitue le lieu de rencontre entre l’essence de l
788 vos foyers de culture. Un foyer constitue le lieu de rencontre entre l’essence de la culture et une situation locale bien
789 er constitue le lieu de rencontre entre l’essence de la culture et une situation locale bien définie, les problèmes d’urba
790 une situation locale bien définie, les problèmes d’ urbanisme, d’éducation populaire, de questions sociales y sont évoqués
791 n locale bien définie, les problèmes d’urbanisme, d’ éducation populaire, de questions sociales y sont évoqués par des homm
792 les problèmes d’urbanisme, d’éducation populaire, de questions sociales y sont évoqués par des hommes de classes différent
793 questions sociales y sont évoqués par des hommes de classes différentes et de niveaux intellectuels divers, mais réunis p
794 évoqués par des hommes de classes différentes et de niveaux intellectuels divers, mais réunis par des préoccupations comm
795 ons communes. Ainsi je vois l’activité des foyers de culture s’insérer dans ce grand phénomène historique, capable, vu à d
796 and phénomène historique, capable, vu à distance, de dominer tout le xxe siècle : la création de l’Europe unie, contre le
797 nce, de dominer tout le xxe siècle : la création de l’Europe unie, contre les dictatures et contre l’anarchie. L’homme eu
798 bord former des hommes. Tout le reste est affaire d’ ingénieurs ou d’hommes politiques et ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je v
799 hommes. Tout le reste est affaire d’ingénieurs ou d’ hommes politiques et ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je voudrais maintena
800 drais maintenant vous présenter un certain nombre de thèmes : 1° Il n’est pas possible que la culture puisse agir — c’est-
801 nant vous présenter un certain nombre de thèmes : Il n’est pas possible que la culture puisse agir — c’est-à-dire forme
802 asses sociales et les peuples. Née historiquement de ces échanges, fruits d’une grande circulation commune à toute l’Europ
803 uples. Née historiquement de ces échanges, fruits d’ une grande circulation commune à toute l’Europe, elle est destinée, sa
804 le est destinée, sans eux, à mourir à bref délai. Il n’y a pas de culture vivante sans une incarnation, une implantatio
805 sans eux, à mourir à bref délai. 2° Il n’y a pas de culture vivante sans une incarnation, une implantation locale. Un foy
806 locale. Un foyer local ne peut être appelé foyer de culture que s’il réalise à la fois cette possibilité d’incarnation de
807 ture que s’il réalise à la fois cette possibilité d’ incarnation de la culture et cette ouverture aux échanges universels.
808 réalise à la fois cette possibilité d’incarnation de la culture et cette ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas d
809 e ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas d’ Europe vivante sans ces deux courants. Je reviens toujours à ces réali
810 niversels. Il n’y a pas d’Europe vivante sans ces deux courants. Je reviens toujours à ces réalités : pour faire l’Europe, i
811 : pour faire l’Europe, il faut que les foyers par centaines et par milliers, si possible, apportent leur coopération active. Eux,
812 rope, il faut que les foyers par centaines et par milliers , si possible, apportent leur coopération active. Eux, et eux seuls, p
813 euvent donner un contenu humain à la construction de l’idée européenne ; vie et chaleur lui viendront de la réalité quotid
814 chaleur lui viendront de la réalité quotidienne. Il ne faut pas que l’Europe se fabrique comme un immense trust super-
815 e aux masses, qui prépare pour l’avenir une sorte d’ uniformité du cadre de la vie matérielle. Cela risque d’arriver avec l
816 are pour l’avenir une sorte d’uniformité du cadre de la vie matérielle. Cela risque d’arriver avec la Haute Autorité du ch
817 ormité du cadre de la vie matérielle. Cela risque d’ arriver avec la Haute Autorité du charbon et de l’acier, très difficil
818 ue d’arriver avec la Haute Autorité du charbon et de l’acier, très difficile à comprendre. Contre cette uniformité, qui pe
819 rilisante, les foyers doivent défendre les droits de leurs diversités locales. J’insiste sur ce double mouvement, il faut
820 faut que les foyers collaborent à la constitution de l’Europe, mais aussi qu’ils défendent la diversité européenne contre
821 défendent la diversité européenne contre le germe de tyrannie que peut contenir l’aspiration à l’unité. C’est le paradoxe
822 ui défendent leurs particularités ; paradoxe même de la vie, lutte permanente entre deux dynamismes contraires également v
823 ; paradoxe même de la vie, lutte permanente entre deux dynamismes contraires également valables, condition nécessaire à la c
824 valables, condition nécessaire à la construction de l’Europe. Nous devons être en garde constamment d’une part contre une
825 en garde constamment d’une part contre une espèce de mystique régionaliste, d’autre part contre une tentation d’internatio
826 e régionaliste, d’autre part contre une tentation d’ internationalisme qui voudrait supprimer toutes diversités. Nous lutte
827 diversités. Nous lutterons contre ces déviations de l’esprit par une pratique de la circulation des idées et des personne
828 ontre ces déviations de l’esprit par une pratique de la circulation des idées et des personnes entre les communautés local
829 onnes entre les communautés locales et l’ensemble de l’Europe. Vous remarquerez que je saute à dessein le stade national,
830 une thèse sans fondement racontée dans les livres d’ école depuis cent ans. Il n’existe pas de culture nationale, aucun his
831 fondement racontée dans les livres d’école depuis cent ans. Il n’existe pas de culture nationale, aucun historien sérieux ne
832 s livres d’école depuis cent ans. Il n’existe pas de culture nationale, aucun historien sérieux ne peut défendre cette idé
833 culture a toujours été internationale. Il s’agit de passer de l’ensemble européen aux implantations locales, et du foyer
834 toujours été internationale. Il s’agit de passer de l’ensemble européen aux implantations locales, et du foyer local dire
835 je proposerai que s’établisse un réseau européen de distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de fil
836 ue s’établisse un réseau européen de distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateur
837 sse un réseau européen de distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau q
838 européen de distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait êt
839 distribution de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait être constitu
840 de livres, de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constam
841 brochures, de revues, de journaux, de films, et d’ orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constamment alimenté
842 imenté par cette Communauté européenne des foyers de culture, dont nous avons adopté le nom avant-hier. Je verrais les cho
843 s adopté le nom avant-hier. Je verrais les choses de cette façon ; chaque foyer, quelle que soit sa forme, sa structure, s
844 expressément par un vœu formulé si possible ici — de devenir un centre de diffusion locale de ce matériel européen, si vou
845 œu formulé si possible ici — de devenir un centre de diffusion locale de ce matériel européen, si vous permettez cette exp
846 le ici — de devenir un centre de diffusion locale de ce matériel européen, si vous permettez cette expression. Chaque foye
847 z cette expression. Chaque foyer serait une sorte de haut-parleur diffusant l’idée de l’Europe, et, en même temps, un cham
848 serait une sorte de haut-parleur diffusant l’idée de l’Europe, et, en même temps, un champ d’expérience pour des réalisati
849 t l’idée de l’Europe, et, en même temps, un champ d’ expérience pour des réalisations concrètes. Pour être valables, celles
850 ncrètes. Pour être valables, celles-ci ont besoin d’ être essayées dans le vif, passées au crible de la vie quotidienne, pu
851 in d’être essayées dans le vif, passées au crible de la vie quotidienne, puis modifiées dans leur pensée, si cela est néce
852 difiées dans leur pensée, si cela est nécessaire. De cette manière, l’idée européenne pourrait vraiment s’incarner. Pour p
853 r préciser encore, je voudrais que ce même réseau de distribution, de diffusion et de critique soit alimenté par le plus g
854 , je voudrais que ce même réseau de distribution, de diffusion et de critique soit alimenté par le plus grand nombre possi
855 e ce même réseau de distribution, de diffusion et de critique soit alimenté par le plus grand nombre possible d’organisati
856 e soit alimenté par le plus grand nombre possible d’ organisations au niveau européen, comme le Conseil des communes d’Euro
857 au niveau européen, comme le Conseil des communes d’ Europe, par exemple ; le Centre européen de la culture peut mettre à l
858 ropéen de la culture peut mettre à la disposition de cette Communauté européenne des foyers de culture tout d’abord ses pl
859 osition de cette Communauté européenne des foyers de culture tout d’abord ses plans de causeries — je crois qu’on vous les
860 enne des foyers de culture tout d’abord ses plans de causeries — je crois qu’on vous les a remis. J’explique en quoi ils c
861 emis. J’explique en quoi ils consistent : ce sont de petits plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets diffé
862 en quoi ils consistent : ce sont de petits plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets différents concernant
863 quoi ils consistent : ce sont de petits plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets différents concernant l
864 ils consistent : ce sont de petits plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets différents concernant la vie
865 ts plans de 5 ou 6 pages, englobant une vingtaine de sujets différents concernant la vie européenne et contenant chacun un
866 ues rappels historiques permettant à une personne de faire, sans préparation, une causerie suffisamment documentée, d’une
867 réparation, une causerie suffisamment documentée, d’ une heure ou d’une demi-heure. En collaboration avec la Campagne europ
868 causerie suffisamment documentée, d’une heure ou d’ une demi-heure. En collaboration avec la Campagne européenne de la jeu
869 ure. En collaboration avec la Campagne européenne de la jeunesse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23 de ces plan
870 la jeunesse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23 de ces plans ; nous sommes prêts à en rédiger de nouveaux, corr
871 unesse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23 de ces plans ; nous sommes prêts à en rédiger de nouveaux, correspond
872 sse, nous avons pu mettre en circulation 22 ou 23 de ces plans ; nous sommes prêts à en rédiger de nouveaux, correspondant
873 23 de ces plans ; nous sommes prêts à en rédiger de nouveaux, correspondant aux désirs exprimés par vos foyers. Nous seri
874 xprimés par vos foyers. Nous serions très heureux de recevoir vos suggestions et de les étudier à Genève. Ensuite, nous po
875 rions très heureux de recevoir vos suggestions et de les étudier à Genève. Ensuite, nous pourrions mettre en circulation d
876 ve. Ensuite, nous pourrions mettre en circulation d’ une manière périodique une sorte de fiche bibliographique comportant d
877 en circulation d’une manière périodique une sorte de fiche bibliographique comportant des listes d’ouvrages récemment paru
878 te de fiche bibliographique comportant des listes d’ ouvrages récemment parus, avec les moyens de se les procurer gratuitem
879 istes d’ouvrages récemment parus, avec les moyens de se les procurer gratuitement si possible, ou à prix réduit. Nous vous
880 ssible, ou à prix réduit. Nous vous offrons aussi de faire circuler dans vos foyers des listes de conférenciers, choisis d
881 ussi de faire circuler dans vos foyers des listes de conférenciers, choisis dans tous les pays européens, avec le temps do
882 Ces conférenciers ne seraient pas des professeurs d’ éloquence ni des hommes politiques, mais des écrivains, des explorateu
883 énieurs et, pourquoi pas, des sportifs. Au Centre de la culture, nous avons en préparation une Commission d’hygiène et de
884 culture, nous avons en préparation une Commission d’ hygiène et de psychologie sportive. Quelques personnes compétentes — d
885 avons en préparation une Commission d’hygiène et de psychologie sportive. Quelques personnes compétentes — dont d’anciens
886 e sportive. Quelques personnes compétentes — dont d’ anciens champions du monde — sont prêtes à faire le tour des foyers de
887 du monde — sont prêtes à faire le tour des foyers de culture, si on les y invite, pour parler de leurs expériences et lanc
888 oyers de culture, si on les y invite, pour parler de leurs expériences et lancer des groupes intéressés par ces questions
889 roupes intéressés par ces questions passionnantes d’ hygiène et de psychologie sportives. Quatrième proposition : nous pour
890 ssés par ces questions passionnantes d’hygiène et de psychologie sportives. Quatrième proposition : nous pourrions faire c
891 urrions faire circuler parmi les foyers une sorte de lettre circulaire d’information sur l’état actuel de l’organisation e
892 r parmi les foyers une sorte de lettre circulaire d’ information sur l’état actuel de l’organisation européenne, les positi
893 lettre circulaire d’information sur l’état actuel de l’organisation européenne, les positions à prendre sur différents suj
894 prendre sur différents sujets et les possibilités d’ action à mener. Nous offrons d’établir des contacts entre la Communaut
895 t les possibilités d’action à mener. Nous offrons d’ établir des contacts entre la Communauté européenne des foyers de cult
896 ontacts entre la Communauté européenne des foyers de culture et notre organisation, qui comprend des associations des guil
897 s du livre, des clubs européens, et des festivals de musique. Ceux-ci groupent, à l’heure actuelle, 15 des plus grands fes
898 de musique. Ceux-ci groupent, à l’heure actuelle, 15 des plus grands festivals de musique européenne. En nouant des liens
899 à l’heure actuelle, 15 des plus grands festivals de musique européenne. En nouant des liens avec eux, il serait possible
900 En nouant des liens avec eux, il serait possible de monter des représentations gratuites pour jeunes ou membres de nos fo
901 représentations gratuites pour jeunes ou membres de nos foyers. Je signale également notre Association des instituts d’ét
902 signale également notre Association des instituts d’ études européennes, dont les résultats sont remarquables. Enfin, il y
903 ultats sont remarquables. Enfin, il y aurait lieu d’ étudier, me semble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et d’écha
904 aurait lieu d’étudier, me semble-t-il, une sorte d’ organisation de voyages et d’échanges, comme celle établie par le Cent
905 étudier, me semble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et d’échanges, comme celle établie par le Centre d’échanges i
906 mble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et d’ échanges, comme celle établie par le Centre d’échanges internationaux
907 et d’échanges, comme celle établie par le Centre d’ échanges internationaux en France. Je vous signale que d’autres associ
908 s, demandant à entrer en relation avec les foyers de culture, celle par exemple du Chantier européen, qui établit des sent
909 européen, qui établit des sentiers allant du nord de l’Écosse au sud de l’Italie ; il serait intéressant de jalonner ces s
910 it des sentiers allant du nord de l’Écosse au sud de l’Italie ; il serait intéressant de jalonner ces sentiers de foyers o
911 Écosse au sud de l’Italie ; il serait intéressant de jalonner ces sentiers de foyers où les voyageurs pourraient s’arrêter
912  ; il serait intéressant de jalonner ces sentiers de foyers où les voyageurs pourraient s’arrêter. Voici une belle idée de
913 ageurs pourraient s’arrêter. Voici une belle idée de circulation à travers l’Europe — et pas seulement pour les jeunes, ca
914 ards qui marchent —, avec comme relais les foyers de culture. Voici ce que le Centre européen de la culture se propose de
915 e que le Centre européen de la culture se propose de mettre à votre disposition. En retour, il voudrait bien que chacun de
916 sposition. En retour, il voudrait bien que chacun de vous prenne l’habitude de lui écrire pour suggérer des actions pratiq
917 oudrait bien que chacun de vous prenne l’habitude de lui écrire pour suggérer des actions pratiques ou formuler des critiq
918 rmuler des critiques fécondes. On risque toujours de tomber dans l’abstrait ; et nous avons besoin de votre opinion pour o
919 de tomber dans l’abstrait ; et nous avons besoin de votre opinion pour orienter notre action d’alimentation selon vos bes
920 esoin de votre opinion pour orienter notre action d’ alimentation selon vos besoins. Le Centre européen de la culture voudr
921 n de la culture voudrait être la plaque tournante de vos foyers, leur forum. Un dernier mot : on a parlé tout à l’heure de
922 forum. Un dernier mot : on a parlé tout à l’heure de culture populaire. Je ne crois pas qu’il y ait une culture populaire,
923 tures nationales. Il y a la culture, qu’il s’agit d’ implanter dans des sols différents avec des méthodes qui peuvent diffé
924 universitaires. C’est une grande tâche des foyers de contribuer à effacer cette distinction, à faire que le mot « Culture 
925 aire que le mot « Culture » ne soit plus synonyme d’ académisme, de propriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’
926 t « Culture » ne soit plus synonyme d’académisme, de propriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’ils coopèrent
927 s synonyme d’académisme, de propriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’ils coopèrent dans un effort général po
928 ort général pour donner au mot culture un contenu de vitalité humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir, de liberté.
929 er au mot culture un contenu de vitalité humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu une
930 ture un contenu de vitalité humaine, de création, d’ ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu une lettre parlan
931 humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu une lettre parlant des foyers où l’on disait
932 t que je vous la retransmettrai. Je ne veux faire de peine à personne, mais les maisons de culture sont là pour « bâtir l’
933 veux faire de peine à personne, mais les maisons de culture sont là pour « bâtir l’Europe », non pour organiser les tourn
934 bâtir l’Europe », non pour organiser les tournois de ping-pong. Elles sont là pour des activités récréatives, bien entendu
935 surtout pour des activités créatrices, créatrices de quoi ? d’hommes à la fois libres et responsables ! Je voudrais que vo
936 ur des activités créatrices, créatrices de quoi ? d’ hommes à la fois libres et responsables ! Je voudrais que vous soyez t
937 ais que vous soyez très ambitieux pour vos foyers de culture, et très ambitieux sur ce terme de culture, car, à mon sens,
938 foyers de culture, et très ambitieux sur ce terme de culture, car, à mon sens, l’Europe de demain, l’Europe unie, vaudra e
939 ur ce terme de culture, car, à mon sens, l’Europe de demain, l’Europe unie, vaudra exactement ce que vaudront ces centaine
940 urope unie, vaudra exactement ce que vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers de Culture dont vous représentez un grand n
941 a exactement ce que vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers de Culture dont vous représentez un grand nombre. Je dirai,
942 ent ce que vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers de Culture dont vous représentez un grand nombre. Je dirai, en
943 vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers de Culture dont vous représentez un grand nombre. Je dirai, en terminant
944 urtout depuis que je vous ai vus approuver ce mot de Communauté. i. Rougemont Denis de, « Les foyers de culture et l’Eu
945 ouver ce mot de Communauté. i. Rougemont Denis de , « Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Eu
946 ommunauté. i. Rougemont Denis de, « Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octo
947 « Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octobre 1952), Paris, Mouvement européen
948 Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octobre 1952 ), Paris, Mouvement européen / Secrétariat international pour la jeune
949 éen / Secrétariat international pour la jeunesse, 1952, p. 7-14. j. On a ici modifié le texte imprimé original, dont la synt
8 1952, Articles divers (1951-1956). La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952)
950 uisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit ( 14 novembre 1952)k Sous ce titre de « La Suisse et l’Europe », notre
951 urope : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952 )k Sous ce titre de « La Suisse et l’Europe », notre collaborateur
952 emont réagit (14 novembre 1952)k Sous ce titre de « La Suisse et l’Europe », notre collaborateur M. René-Henri Wüst a r
953 collaborateur M. René-Henri Wüst a relaté ici, le 1er novembre, un entretien qu’il eut avec le professeur William Rappard.
954 rsonnelles qu’y exprimait l’éminent interlocuteur de notre confrère ont ouvert la porte à un vaste débat sur ce sujet de l
955 ont ouvert la porte à un vaste débat sur ce sujet de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son éga
956 à un vaste débat sur ce sujet de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de
957 at sur ce sujet de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, dire
958 de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, directeur du Centre
959 européen de la culture, se sentant en sa qualité d’ « européaniste » visé par les déclarations du professeur Rappard, a ex
960 rations du professeur Rappard, a exprimé le désir de présenter son point de vue qui s’oppose totalement à celui du directe
961 vue qui s’oppose totalement à celui du directeur de l’Institut de hautes études internationales. Voici les propos que nou
962 ose totalement à celui du directeur de l’Institut de hautes études internationales. Voici les propos que nous avons recuei
963 ici les propos que nous avons recueillis au cours d’ un entretien avec M. de Rougemont. Laissez-moi commencer par dire que
964 réconise, ce n’est certes pas une européanisation de la Suisse, mais bien au contraire une helvétisation de l’Europe, c’es
965 Suisse, mais bien au contraire une helvétisation de l’Europe, c’est-à-dire d’une Europe qui s’inspirerait de l’expérience
966 raire une helvétisation de l’Europe, c’est-à-dire d’ une Europe qui s’inspirerait de l’expérience fédéraliste suisse. Or, c
967 rope, c’est-à-dire d’une Europe qui s’inspirerait de l’expérience fédéraliste suisse. Or, ce qu’a déclaré M. Rappard me to
968 ervi et voici qu’il paraît renier les conclusions de la plupart de ses ouvrages ; c’est pourquoi après cette interview, je
969 ès cette interview, je pense qu’il est nécessaire de montrer nettement le point de vue de ceux qui croient à l’Europe. Si
970 t nécessaire de montrer nettement le point de vue de ceux qui croient à l’Europe. Si vous le voulez bien, nous pourrions r
971 n, nous pourrions reprendre les principaux points de l’argumentation de M. Rappard, dans l’ordre où il les a énumérés lui-
972 eprendre les principaux points de l’argumentation de M. Rappard, dans l’ordre où il les a énumérés lui-même. « Je ne crois
973 lus acharnés ont reconnu qu’il n’était plus temps de s’interroger sur son opportunité, mais bien de traiter avec elle. La
974 ps de s’interroger sur son opportunité, mais bien de traiter avec elle. La petite Europe est faite depuis que le 13 septem
975 ec elle. La petite Europe est faite depuis que le 13 septembre la Haute Autorité du plan Schuman a été installée à Luxembo
976 mait le professeur Rappard, qui ajoutait : L’idée d’ une fédération européenne est maintenant une idée américaine, qui aura
977 rouvé son expression dans le discours prononcé le 31 octobre 1949 par l’administrateur du plan Marshall. C’est peut-être u
978 xpression dans le discours prononcé le 31 octobre 1949 par l’administrateur du plan Marshall. C’est peut-être une idée améri
979 -Europe du comte Coudenhove-Kalergi, et le projet de Briand de 1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est
980 comte Coudenhove-Kalergi, et le projet de Briand de 1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est qu’il sem
981 mte Coudenhove-Kalergi, et le projet de Briand de 1923l . Et ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est qu’il semble av
982 ’il présidait la commission économique du Congrès de l’Europe tenu à La Haye en 1948, préparé par la conférence de Montreu
983 onomique du Congrès de l’Europe tenu à La Haye en 1948, préparé par la conférence de Montreux de 1947. Avant que l’administra
984 tenu à La Haye en 1948, préparé par la conférence de Montreux de 1947. Avant que l’administrateur du plan Marshall ait pro
985 ye en 1948, préparé par la conférence de Montreux de 1947. Avant que l’administrateur du plan Marshall ait prononcé son di
986 en 1948, préparé par la conférence de Montreux de 1947. Avant que l’administrateur du plan Marshall ait prononcé son discours
987 ait prononcé son discours, donc avant que l’idée d’ une fédération européenne soit devenue américaine, M. Rappard avait en
988 ncore été un des délégués suisses à la conférence de Londres, en 1949. Ainsi donc, et sans remonter à Henri IV ou à Victor
989 s délégués suisses à la conférence de Londres, en 1949. Ainsi donc, et sans remonter à Henri IV ou à Victor Hugo, on trouve s
990 Henri IV ou à Victor Hugo, on trouve suffisamment d’ éléments, et dans l’activité même du directeur de l’Institut des haute
991 d’éléments, et dans l’activité même du directeur de l’Institut des hautes études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n
992 itut des hautes études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n’a pas attendu les Américains, pas plus que la mise en plac
993 ndu les Américains, pas plus que la mise en place de la Haute Autorité qui en est la première réalisation. Oui, mais… l
994 la première réalisation. Oui, mais… le rideau de fer ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’a séparée
995 , mais… le rideau de fer ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’a séparée en deux… N’allez pas plus loin,
996 er ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’a séparée en deux… N’allez pas plus loin, je connais l’antienne
997 l est de fait que le rideau de fer l’a séparée en deux … N’allez pas plus loin, je connais l’antienne ! Non, le rideau de fer
998 plus loin, je connais l’antienne ! Non, le rideau de fer ne nous a pas séparés en deux de la façon dont on voudrait nous l
999  ! Non, le rideau de fer ne nous a pas séparés en deux de la façon dont on voudrait nous le faire croire. Premièrement, on p
1000 n, le rideau de fer ne nous a pas séparés en deux de la façon dont on voudrait nous le faire croire. Premièrement, on peut
1001 us êtes-vous demandé quelles sont les proportions de cette séparation ? De ce côté-ci du fameux rideau, nous sommes quelqu
1002 uelles sont les proportions de cette séparation ? De ce côté-ci du fameux rideau, nous sommes quelque 320 millions, tandis
1003 ce côté-ci du fameux rideau, nous sommes quelque 320 millions, tandis qu’il n’y en a pas quatre-vingt-dix-millions de l’au
1004 côté-ci du fameux rideau, nous sommes quelque 320 millions , tandis qu’il n’y en a pas quatre-vingt-dix-millions de l’autre… Soit
1005 ndis qu’il n’y en a pas quatre-vingt-dix-millions de l’autre… Soit. Mais ces 320 millions avec lesquels vous voulez faire
1006 tre-vingt-dix-millions de l’autre… Soit. Mais ces 320 millions avec lesquels vous voulez faire l’Europe n’ont pas de tradit
1007 vingt-dix-millions de l’autre… Soit. Mais ces 320 millions avec lesquels vous voulez faire l’Europe n’ont pas de traditions comm
1008 vec lesquels vous voulez faire l’Europe n’ont pas de traditions communes ou d’impérieuses raisons de s’unir, comme en avai
1009 aire l’Europe n’ont pas de traditions communes ou d’ impérieuses raisons de s’unir, comme en avaient ceux qui ont fait la S
1010 s de traditions communes ou d’impérieuses raisons de s’unir, comme en avaient ceux qui ont fait la Suisse moderne. Ah ! ou
1011 ssait » protestants et catholiques sur les champs de bataille de Villmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l
1012 estants et catholiques sur les champs de bataille de Villmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l’Allemagne e
1013 ons-villes et les cantons-campagnes : qu’y a-t-il de commun entre Genève et Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « miracle sui
1014 ue tout s’opposait, humainement, à la réalisation de cette confédération ? Alors, pourquoi pas l’Europe ? Les Européens n’
1015 emps de la prépondérance grecque, puis à l’Empire de Rome, on constate qu’elle avait déjà deux-mille ans d’existence quand
1016 me, on constate qu’elle avait déjà deux-mille ans d’ existence quand les montagnards des trois pays firent alliance en 1291
1017 x-mille ans d’existence quand les montagnards des trois pays firent alliance en 1291. Non plus des projets… Oui, mais m
1018 les montagnards des trois pays firent alliance en 1291. Non plus des projets… Oui, mais malgré cette antiquité, et pour
1019  cette Europe ne connaît même pas encore un début de véritable réalisation ». Mais c’est nier l’évidence même, et je le ré
1020 , depuis que la Haute Autorité a été installée le 13 septembre passé. Remarquez que M. Rappard juge naturel, souhaitable,
1021 naturel, souhaitable, heureux que nous discutions de projets tels que les plans Marshall, Schuman ou Pflimlin… Comment pou
1022 ou Pflimlin… Comment pouvez-vous parler du projet de plan Marshall puisque la réalisation de celui-ci est déjà achevée ? C
1023 du projet de plan Marshall puisque la réalisation de celui-ci est déjà achevée ? C’est du passé le plan Marshall ! Quant a
1024 euvent nous laisser indifférents, et ce sont ceux de notre économie, puisque, comme le note M. Rappard, notre commerce ext
1025 ote M. Rappard, notre commerce extérieur avec les six pays du plan Schuman ne représentait l’an dernier que le 40 % du volu
1026 plan Schuman ne représentait l’an dernier que le 40  % du volume de nos échanges. C’est donc, de la part de M. Rappard, ju
1027 e représentait l’an dernier que le 40 % du volume de nos échanges. C’est donc, de la part de M. Rappard, juger de la viabi
1028 nges. C’est donc, de la part de M. Rappard, juger de la viabilité de l’Europe d’après le volume des échanges de la Suisse 
1029 , de la part de M. Rappard, juger de la viabilité de l’Europe d’après le volume des échanges de la Suisse ! Mais à notre p
1030 bilité de l’Europe d’après le volume des échanges de la Suisse ! Mais à notre point de vue, ce 40 % est-il vraiment si nég
1031 nges de la Suisse ! Mais à notre point de vue, ce 40  % est-il vraiment si négligeable ? Est-il proportionnellement inférie
1032 ue qui se partagent avec la Scandinavie, les pays de l’Est, la péninsule Ibérique, l’Amérique du Sud, l’Égypte et les pays
1033 rique du Sud, l’Égypte et les pays asiatiques, le 60  % restant de notre commerce extérieur ? Et je ne vois vraiment pas po
1034 l’Égypte et les pays asiatiques, le 60 % restant de notre commerce extérieur ? Et je ne vois vraiment pas pourquoi, si la
1035 solidifie toujours plus, la Suisse serait coupée de tout accès à la mer et réduite à l’état de province enclavée. Sur quo
1036 coupée de tout accès à la mer et réduite à l’état de province enclavée. Sur quoi, le professeur Rappard fonde-t-il cette d
1037 éclaration, je ne le comprends pas, et l’argument de cette finis Helvetiae me semble un rien démagogique. Non, rien ne ser
1038 ardons un contact actif au lieu de nous contenter de traiter de chimère ce plan qui est entré maintenant dans sa phase de
1039 ontact actif au lieu de nous contenter de traiter de chimère ce plan qui est entré maintenant dans sa phase de réalisation
1040 re ce plan qui est entré maintenant dans sa phase de réalisation. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux
1041 e réalisation. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux qui furent toujours à travers l’histoire nos grands
1042 . Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux qui furent toujours à travers l’histoire nos grands amis politiq
1043 re nos grands amis politiques, nous risquons fort de perdre notre autonomie extérieure ? Quels sont, à travers l’histoire,
1044 Quels sont, à travers l’histoire, nos grands amis de toujours ? L’Angleterre et les États-Unis ? Vraiment, voilà qui surpr
1045 e-Uni ait joué un grand rôle dans la constitution de la Suisse, ou que l’Amérique du Nord ait eu une grande influence sur
1046 du Nord ait eu une grande influence sur le cours de notre histoire. Et si cela était, et si comme le prétend M. Rappard l
1047 a était, et si comme le prétend M. Rappard l’idée de cette fédération européenne est une idée américaine, notre adhésion à
1048 ser sincèrement prétendre que nous serions isolés d’ eux, même sur le plan économique ? Et sa comparaison d’un Sonderbund e
1049 , même sur le plan économique ? Et sa comparaison d’ un Sonderbund européen me semble tout aussi erronée. Cette fédération
1050 ne fédération plus vaste que la Confédération des huit ou des treize cantons ne pouvait être opposée à celle des vingt-deux
1051 n plus vaste que la Confédération des huit ou des treize cantons ne pouvait être opposée à celle des vingt-deux cantons. Et
1052 reize cantons ne pouvait être opposée à celle des vingt-deux cantons. Et pourquoi pas l’Europe ? La France, l’Allemagne, l’I
1053 rope ? La France, l’Allemagne, l’Italie et les trois pays du Benelux trouvent assurément dans leur passé singulièrement pl
1054 nt assurément dans leur passé singulièrement plus de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondr
1055 nt dans leur passé singulièrement plus de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une se
1056 singulièrement plus de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune
1057 us de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune, constate M. Rapp
1058 de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune, constate M. Rappard. Eh ! oui.
1059 Un grand économiste anglais, Josiah Tucker, doyen de Gloucester, n’écrivait-il pas un an avant l’adoption par les États-Un
1060 -il pas un an avant l’adoption par les États-Unis de leur constitution fédérale que « L’idée que l’Amérique pourrait deven
1061 beaucoup plus illusoire que toutes les inventions d’ un romancier. Les antipathies réciproques et les intérêts contradictoi
1062 c’est qu’ils ne pourront jamais trouver un centre d’ union et un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rap
1063 d’union et un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’ironie qu’i
1064 dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’ironie qu’il faut, quelques prédictions identiques de
1065 ronie qu’il faut, quelques prédictions identiques de Cherbuliez ou de Pyrame de Candolle… Renoncer à notre neutralité ?
1066 quelques prédictions identiques de Cherbuliez ou de Pyrame de Candolle… Renoncer à notre neutralité ? Reste le prob
1067 prédictions identiques de Cherbuliez ou de Pyrame de Candolle… Renoncer à notre neutralité ? Reste le problème de no
1068 enoncer à notre neutralité ? Reste le problème de notre neutralité dans une fédération européenne ? Reconnaissons qu’à
1069 éenne ? Reconnaissons qu’à suivre les suggestions de M. Rappard, elle courrait un grave danger. Ne dit-il pas en effet : «
1070 l pas en effet : « Au lieu d’isoler quelques pays de l’Europe continentale (face au péril bolchévique) de leurs alliés nat
1071 l’Europe continentale (face au péril bolchévique) de leurs alliés naturels d’outre-Manche et d’outre-mer, en cherchant à e
1072 ce au péril bolchévique) de leurs alliés naturels d’ outre-Manche et d’outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même
1073 vique) de leurs alliés naturels d’outre-Manche et d’ outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même patrie, ne vaudra
1074 aire une seule et même patrie, ne vaudrait-il pas mille fois mieux les unir tous dans une seule et même alliance ? » Alors qu
1075 lité. Or, la neutralité ne doit pas nous empêcher de collaborer ; mais pourquoi renoncerions-nous à cet avantage, et contr
1076 demande ? Encore une fois, non. Il ne s’agit pas de renoncer à cette neutralité, mais il ne faut pas non plus qu’elle nou
1077 mais il ne faut pas non plus qu’elle nous empêche de collaborer sur le plan européen. À nous de rechercher une adaptation.
1078 mpêche de collaborer sur le plan européen. À nous de rechercher une adaptation. Mais ce que je trouve le plus étonnant dan
1079 je trouve le plus étonnant dans ces déclarations de M. Rappard, c’est précisément que sa conclusion est en contradiction
1080 ec tout ce qui a précédé, puisqu’il ne craint pas d’ inclure l’alliance militaire. Mais il a raison d’insister sur le fait
1081 d’inclure l’alliance militaire. Mais il a raison d’ insister sur le fait que ces problèmes sont vitaux pour notre pays, et
1082 isse : nul mieux que lui ne sait que les intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Europe. Ainsi prend
1083 s intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Europe. Ainsi prend fin cet entretien dont nous avons essay
1084 ts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Europe. Ainsi prend fin cet entretien dont nous avons essayé de ren
1085 si prend fin cet entretien dont nous avons essayé de rendre compte aussi fidèlement que possible. k. Rougemont Denis d
1086 i fidèlement que possible. k. Rougemont Denis de , « [Entretien] La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit »
1087 . Denis de Rougemont réagit », La Suisse, Genève, 14 novembre 1952, p. 1-2. l. Une erreur s’est manifestement glissée ici
1088 ougemont réagit », La Suisse, Genève, 14 novembre 1952, p. 1-2. l. Une erreur s’est manifestement glissée ici, le projet Bri
1089 s’est manifestement glissée ici, le projet Briand d’ union européenne ayant été présenté à la SDN en 1929.
1090 d’union européenne ayant été présenté à la SDN en 1929.
9 1952, Articles divers (1951-1956). Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952)
1091 Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952)m Je vais partout disant que l’E
1092 Grandeur de la Petite Europe ( 5 décembre 1952)m Je vais partout disant que l’Europe est faite. On
1093 Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952 )m Je vais partout disant que l’Europe est faite. On me demande : l
1094 n me demande : laquelle ? — Eh bien, l’Europe des Six , l’Europe de Luxembourg, la Haute Autorité, que certains nomment la S
1095 ciel : — Quoi ! me dit-on, mais l’Europe, cela va de Moscou à Gibraltar, et du Cap Nord aux Dardanelles ! De cette Europe,
1096 cou à Gibraltar, et du Cap Nord aux Dardanelles ! De cette Europe, vous commencez par laisser une moitié derrière le ridea
1097 mmencez par laisser une moitié derrière le rideau de fer. De la moitié restante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore q
1098 par laisser une moitié derrière le rideau de fer. De la moitié restante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore que quinz
1099 ante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore que quinze pays, sans le Portugal, sans l’Espagne, sans l’Autriche et sans la Su
1100 spagne, sans l’Autriche et sans la Suisse. Enfin, de cette « Europe-croupion », déjà privée de son Est, de son extrême-Oue
1101 Enfin, de cette « Europe-croupion », déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen
1102 ette « Europe-croupion », déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen d’exclure l
1103 , déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen d’exclure les Scandinaves, la Grand
1104 ême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen d’ exclure les Scandinaves, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce et la
1105 après toutes ces amputations, vous avez le front de dire que c’est l’Europe ? — Oui, j’ai cette conviction et je m’expliq
1106 vous faites une erreur en répétant que le rideau de fer coupe notre Europe par le milieu. Car vous avez à l’est du rideau
1107 e par le milieu. Car vous avez à l’est du rideau, 88 millions d’habitants, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu
1108 ar le milieu. Car vous avez à l’est du rideau, 88 millions d’habitants, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu p
1109 ieu. Car vous avez à l’est du rideau, 88 millions d’ habitants, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu plus
1110 l’est du rideau, 88 millions d’habitants, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu plus d’un cinquième des E
1111 st du rideau, 88 millions d’habitants, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu plus d’un cinquième des Européens
1112 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’un peu plus d’ un cinquième des Européens que nous perdons, provisoirement, du côté e
1113 provisoirement, du côté est. Et le meilleur moyen de les ramener parmi nous sera sans doute de créer un noyau dense et ric
1114 r moyen de les ramener parmi nous sera sans doute de créer un noyau dense et riche d’Europe unie, qui exercera sur eux une
1115 sera sans doute de créer un noyau dense et riche d’ Europe unie, qui exercera sur eux une puissante attraction. Ensuite, a
1116 ttraction. Ensuite, avez-vous bien compté que les six pays de la Haute Autorité font tous ensemble un peu plus de 155 milli
1117 . Ensuite, avez-vous bien compté que les six pays de la Haute Autorité font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’ha
1118 la Haute Autorité font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’habitants ? Si vous appelez ce groupe la « Petite Euro
1119 Haute Autorité font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’habitants ? Si vous appelez ce groupe la « Petite Europe »
1120 te Autorité font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’habitants ? Si vous appelez ce groupe la « Petite Europe », disait
1121 té font tous ensemble un peu plus de 155 millions d’ habitants ? Si vous appelez ce groupe la « Petite Europe », disait l’a
1122 i des petits États-Unis qui ont tout juste autant d’ habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. V
1123 ts-Unis qui ont tout juste autant d’habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez
1124 d’habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez que le nombre d’habitants ne fai
1125 habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez que le nombre d’habitants ne fait pas tou
1126 illions de plus. Vous me répondrez que le nombre d’ habitants ne fait pas tout. Et, en effet, Paul Valéry faisait remarque
1127 ait remarquer que si l’on mettait dans un plateau de la balance l’Empire des Indes, dans l’autre le Royaume-Uni, le platea
1128 yaume-Uni, le plateau chargé du plus petit nombre d’ habitants pencherait. Il faut donc tenir compte des richesses naturell
1129 aut donc tenir compte des richesses naturelles et de la production matérielle. Or, on peut vérifier facilement que pour la
1130 ier facilement que pour la production du charbon, de l’acier et de l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissan
1131 que pour la production du charbon, de l’acier et de l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissance du monde :
1132 bon, de l’acier et de l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissance du monde : elle vient tout de suite après l
1133 e après les USA, bien avant l’URSS même augmentée de ses satellites. Allons plus loin. Les chiffres et les statistiques n’
1134 t les statistiques n’épuisent pas la réalité. Les six pays que groupe la Haute Autorité forment une unité de civilisation e
1135 ys que groupe la Haute Autorité forment une unité de civilisation et culture inégalée dans le monde moderne. Ils ont fait
1136 des siècles et grâce à leurs échanges continuels d’ idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui com
1137 cles et grâce à leurs échanges continuels d’idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans
1138 à leurs échanges continuels d’idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans la peinture,
1139 ges continuels d’idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans la peinture, dans la musiq
1140 Et les plus grandes philosophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Pet
1141 ndes philosophies. Le rayonnement de leurs écoles d’ art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Petite Europe ? » L
1142 osophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Petite Europe ? » La Sibérie
1143 se, n’aient rien ajouté à ces gloires, ni que les Six aient décidé de vivre désormais dans un vase clos. La « Petite Europe
1144 ajouté à ces gloires, ni que les Six aient décidé de vivre désormais dans un vase clos. La « Petite Europe » a cherché son
1145 malgré l’hostilité, la méfiance ou l’indifférence de ses voisins et frères en civilisation. Ceux-ci seraient donc bien mal
1146 être assez grande pour leur laisser tout le temps de réfléchir et de recalculer leurs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont
1147 e pour leur laisser tout le temps de réfléchir et de recalculer leurs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont répétant qu’un
1148 ation plus étendue, ils ont contre eux les leçons de l’Histoire entière et tous les exemples vécus par trois-mille-cinq-ce
1149 les exemples vécus par trois-mille-cinq-cents ans de civilisation occidentale, États-Unis inclus. J’y reviendrai. m. Ro
1150 nis inclus. J’y reviendrai. m. Rougemont Denis de , « Grandeur de la Petite Europe », La IVe République des Pyrénées, Pa
1151 reviendrai. m. Rougemont Denis de, « Grandeur de la Petite Europe », La IVe République des Pyrénées, Pau, 5 décembre 1
1152 te Europe », La IVe République des Pyrénées, Pau, 5 décembre 1952, p. 1-2.
1153 , La IVe République des Pyrénées, Pau, 5 décembre 1952, p. 1-2.
10 1953, Articles divers (1951-1956). Préface à Photo + scène (1953)
1154 Préface à Photo + scène ( 1953 )n o Le Centre européen de la culture n’avait pas attendu le succès
1155 orté l’an dernier par l’Exposition internationale de photographies de scène, pour lui accorder dès le départ son patronage
1156 par l’Exposition internationale de photographies de scène, pour lui accorder dès le départ son patronage et son appui pra
1157 i pratique. Il salue cette année l’épanouissement de cette initiative. Si la musique reste une création spécifique de l’Eu
1158 tive. Si la musique reste une création spécifique de l’Europe, le théâtre est un langage mondial, mais qui exprime mieux q
1159 qui exprime mieux que tout autre le rythme intime d’ une civilisation. Le décor a pris en Europe, depuis la Renaissance ita
1160 Enfin, l’art photographique dérive non seulement de nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une expo
1161 hique dérive non seulement de nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scè
1162 ue dérive non seulement de nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scène ac
1163 seulement de nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scène accomplissant
1164 q siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musiq
1165 de peinture occidentale. Une exposition de photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musique offre d
1166 on de photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musique offre donc un instantané saisissant de l’éta
1167 cène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musique offre donc un instantané saisissant de l’état présent des art
1168 ls de musique offre donc un instantané saisissant de l’état présent des arts en Occident. Une dizaine de pays prennent par
1169 ssant de l’état présent des arts en Occident. Une dizaine de pays prennent part à ce concours. Belle occasion pour les auteurs
1170 l’état présent des arts en Occident. Une dizaine de pays prennent part à ce concours. Belle occasion pour les auteurs et
1171 tteurs en scène, les photographes et les peintres de méditer non seulement sur leur métier propre, mais sur les surprises
1172 laboration. Belle occasion aussi, pour le public, de prendre conscience de ce fait que l’art n’est pas le produit d’une na
1173 sion aussi, pour le public, de prendre conscience de ce fait que l’art n’est pas le produit d’une nation mais de toute une
1174 science de ce fait que l’art n’est pas le produit d’ une nation mais de toute une culture, — ici l’européenne. Quelques gra
1175 que l’art n’est pas le produit d’une nation mais de toute une culture, — ici l’européenne. Quelques grands thèmes ou arch
1176 l’Hamlet du Piccolo Teatro ; comparez-le à celui de John Gielgud ; voyez le Don Juan de Munich, comparez-le à celui d’Aix
1177 voyez le Don Juan de Munich, comparez-le à celui d’ Aix, comme on peut comparer dans nos musées l’évolution d’un grand suj
1178 omme on peut comparer dans nos musées l’évolution d’ un grand sujet au cours des âges, de l’Italie aux Pays-Bas, puis à la
1179 s l’évolution d’un grand sujet au cours des âges, de l’Italie aux Pays-Bas, puis à la France, puis à l’Allemagne — et vous
1180 puis à l’Allemagne — et vous verrez l’unité vraie de notre Europe : celle qui se réalise dans la diversité des langages, d
1181 er, pour les nouveaux départs que le monde attend de nous. n. Rougemont Denis de, « [Préface] Photo + scène  », Photo +
1182 ue le monde attend de nous. n. Rougemont Denis de , « [Préface] Photo + scène  », Photo + scène : deuxième exposition in
1183 hoto + scène : deuxième exposition internationale de photographie de théâtre, Illertissen, Sittler & Federmann, 1953,
1184 euxième exposition internationale de photographie de théâtre, Illertissen, Sittler & Federmann, 1953, p. 1-3. o. Non
1185 de théâtre, Illertissen, Sittler & Federmann, 1953, p. 1-3. o. Non paginé, avec des traductions italienne, allemande, an
11 1953, Articles divers (1951-1956). Rudolf Kassner (1953)
1186 Rudolf Kassner ( 1953 )p Ces premiers textes de Kassner, lus en français dans une précieu
1187 Rudolf Kassner (1953)p Ces premiers textes de Kassner, lus en français dans une précieuse et simple traduction (de
1188 français dans une précieuse et simple traduction ( de Jean Paulhan et Bernard Groethuysen, mais non signée)6, lorsque j’ess
1189 n Paulhan et Bernard Groethuysen, mais non signée) 6, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 2
1190 Groethuysen, mais non signée)6, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot m
1191 gnée)6, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : auto
1192 e me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’avoir compri
1193 un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’ avoir compris ce qui était dit, j’avais reconnu la grandeur d’un ton,
1194 ris ce qui était dit, j’avais reconnu la grandeur d’ un ton, d’un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière « d’occup
1195 était dit, j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’ un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper la scèn
1196 j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style, d’ une impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper la scène » en trois
1197 style, d’une impatience rigoureuse. Une manière «  d’ occuper la scène » en trois répliques, d’imposer une allure à la fois
1198 rigoureuse. Une manière « d’occuper la scène » en trois répliques, d’imposer une allure à la fois calme et circonspecte, n’ad
1199 anière « d’occuper la scène » en trois répliques, d’ imposer une allure à la fois calme et circonspecte, n’admettant que de
1200 dmettant que des gestes précis et maîtrisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ellipses saisissantes qui laissai
1201 trisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ ellipses saisissantes qui laissaient le lecteur pantois, comme l’antiq
1202 : devine, ou je te dévore ! Une constante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensai
1203 onstante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’ exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent encore exclure avec
1204 ntolérance instantanée à l’égard du doute faible, de l’adjectif incertain, et en général des complaisances « artistes » ou
1205 réflexion passionnément originale. Et je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publié en France su
1206 , publié en France sur Kassner — « l’acuité lente de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié h
1207 ’acuité lente de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennell
1208 e de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui s
1209 ion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse frôl
1210 mposaient au sens magique du mot, les « charmes » de cette prose et son autorité. Telle fut ma première impression. Vingt
1211 t son autorité. Telle fut ma première impression. Vingt ans plus tard, je la vois confirmée par un commerce rarement interrom
1212 re dont la difficulté, précisément, n’a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer
1213 ire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pou
1214 l de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait
1215 alogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention pr
1216 tention profondément délibérée. Car il s’agit ici d’ une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à
1217 t ici d’une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes », et c’ét
1218 ur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ ellipses « saisissantes », et c’était au sens littéral, non pathétique
1219 s », et c’était au sens littéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner, un pro
1220 ittéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une m
1221 pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitudes intermé
1222 ez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte d
1223 es ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte de vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plusieurs obje
1224 tume sépare, non seulement elle oblige à les voir d’ un œil neuf, mais encore elle excite à découvrir l’angle particulier s
1225 re, non seulement elle oblige à les voir d’un œil neuf , mais encore elle excite à découvrir l’angle particulier sous lequel
1226 ir, proches ou confondues, son auteur. (Cet angle de vision étant son vrai « message ».) Elle propose donc à l’imagination
1227 qu’imposent aux néophytes les moines bouddhistes de la secte du zen. Le thème profond, omniprésent, de l’œuvre, c’est le
1228 e la secte du zen. Le thème profond, omniprésent, de l’œuvre, c’est le problème du Dieu-homme, d’où naît celui de la perso
1229 ent, de l’œuvre, c’est le problème du Dieu-homme, d’ où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambig
1230 c’est le problème du Dieu-homme, d’où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fût, e
1231 homme, d’où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fût, et qui échappe par définitio
1232 on à la pensée systématique et discursive : point de réponse rationnelle au « cur deus homo » de saint Anselme. Kassner gr
1233 point de réponse rationnelle au « cur deus homo » de saint Anselme. Kassner gravite autour de ce mystère, l’approche par l
1234 ite autour de ce mystère, l’approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disp
1235 ce mystère, l’approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qu
1236 approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordon
1237 oyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ?
1238 qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme. « La faculté principale de l’âme est de c
1239 ette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’ âme. « La faculté principale de l’âme est de comparer » remarque Monte
1240 ésie, c’est-à-dire d’âme. « La faculté principale de l’âme est de comparer » remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui
1241 -dire d’âme. « La faculté principale de l’âme est de comparer » remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui fait ordinai
1242 ombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout d’ un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. »
1243 nt, tour à tour, à l’expression la plus virulente de sa vérité, et chacun nous convainc si bien que la conclusion ne saura
1244 moderne, ou les grandes intuitions tautologiques de l’Inde : par leurs images plutôt que leurs concepts ; sans conclusion
1245 ue leurs concepts ; sans conclusion. Mais l’angle de vision s’est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente ve
1246 , s’oriente vers le mystère crucial. S’agirait-il d’ une théologie ? Certainement non. Kassner veut voir. D’une gnose alors
1247 théologie ? Certainement non. Kassner veut voir. D’ une gnose alors ? On pourrait le penser. Mais ceux qui se font de la p
1248 rs ? On pourrait le penser. Mais ceux qui se font de la poésie une idée finalement plus favorable au « Livre de Job » et a
1249 sie une idée finalement plus favorable au « Livre de Job » et aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtr
1250 reconnaîtront dans les dialogues et les paraboles de Kassner son irréfutable présence. 6. Les Éléments de la grandeur h
1251 paraboles de Kassner son irréfutable présence. 6. Les Éléments de la grandeur humaine, Paris, Gallimard, 1931, Collect
1252 sner son irréfutable présence. 6. Les Éléments de la grandeur humaine, Paris, Gallimard, 1931, Collection blanche, 222
1253 léments de la grandeur humaine, Paris, Gallimard, 1931, Collection blanche, 222 Seiten, enthält u. a. die zuerst in der von P
1254 aine, Paris, Gallimard, 1931, Collection blanche, 222 Seiten, enthält u. a. die zuerst in der von P. Valéry, Valery Larbaud
1255 schienenen Werke Rudolf Kassners : « Des éléments de la grandeur humaine », « La chimère », « Le lépreux », « Le Christ et
1256 vidu et l’homme collectif ». p. Rougemont Denis de , « Rudolf Kassner », Rudolf Kassner zum achtzigsten Geburtstag, Zuric
1257 r zum achtzigsten Geburtstag, Zurich, E. Rentsch, 1953, p. 80-82.
12 1953, Articles divers (1951-1956). Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement (janvier 1953)
1258 atomique ou la fin dans le commencement (janvier 1953 )q r Les fins d’une civilisation ne sont pas visibles à son terme,
1259 ans le commencement (janvier 1953)q r Les fins d’ une civilisation ne sont pas visibles à son terme, et rien ne se passe
1260 on meurt, c’est justement qu’elle a perdu le sens de ses fins ou qu’elle renonce à les saisir. De même, les origines d’une
1261 ’elle renonce à les saisir. De même, les origines d’ une civilisation ne doivent pas être recherchées dans son passé le plu
1262 lles ne sont saisissables que dans la dialectique de ses succès et de ses échecs, c’est-à-dire dans les moments mêmes où s
1263 issables que dans la dialectique de ses succès et de ses échecs, c’est-à-dire dans les moments mêmes où ses fins deviennen
1264 sans oublier que l’inverse est aussi vrai. Ainsi de l’Europe, qui est une culture, foyer de toute la civilisation occiden
1265 ai. Ainsi de l’Europe, qui est une culture, foyer de toute la civilisation occidentale : ni dans le temps ni dans l’espace
1266 , car au contraire de ce que l’on pourrait croire de la plupart des civilisations antiques, asiatiques, précolombiennes ou
1267 asiatiques, précolombiennes ou africaines, celle de l’Europe ne saurait être interprétée ni définie par un ensemble de me
1268 urait être interprétée ni définie par un ensemble de mesures sacrées, encore moins par quelque système rendant compte de s
1269 , encore moins par quelque système rendant compte de son unité. Si l’on veut établir son passeport pour l’Histoire, les do
1270 atéralement antagonistes. L’Europe est le produit de ces antagonismes, convergeant au carrefour hasardeux d’une Histoire n
1271 antagonismes, convergeant au carrefour hasardeux d’ une Histoire née comme telle de trois mots du Credo : « sous Ponce Pil
1272 arrefour hasardeux d’une Histoire née comme telle de trois mots du Credo : « sous Ponce Pilate ». Les Pères ne savaient pa
1273 efour hasardeux d’une Histoire née comme telle de trois mots du Credo : « sous Ponce Pilate ». Les Pères ne savaient pas que
1274 Pilate ». Les Pères ne savaient pas que le dogme de l’incarnation — c’est-à-dire du vrai Dieu et vrai homme à la fois — f
1275 oute la logique antinomique, dont l’un des points d’ éclatement naturel (ou diabolique) serait un jour Hiroshima ; ni que l
1276 lique) serait un jour Hiroshima ; ni que le dogme de la Trinité — trois fonctions personnelles en un seul Créateur — fonda
1277 jour Hiroshima ; ni que le dogme de la Trinité — trois fonctions personnelles en un seul Créateur — fondait ou refondait la
1278 ns juridiques, éthiques et sociales qui découlent de l’idée de personne à la fois libre et responsable, distincte et relié
1279 ues, éthiques et sociales qui découlent de l’idée de personne à la fois libre et responsable, distincte et reliée, unique
1280 versait tout) se trouva définir, aux grands jours de Nicée, le type de réalité que des siècles d’Europe entreprendraient d
1281 rouva définir, aux grands jours de Nicée, le type de réalité que des siècles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou
1282 ours de Nicée, le type de réalité que des siècles d’ Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaître, même quand
1283 réalité que des siècles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaître, même quand ils essaieraient de l’élim
1284 cles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaître, même quand ils essaieraient de l’éliminer. Tant il est v
1285  » ou de reconnaître, même quand ils essaieraient de l’éliminer. Tant il est vrai que les polémiques sur le principe de co
1286 nt il est vrai que les polémiques sur le principe de contradiction et le tiers exclus sans lesquelles les recherches nuclé
1287 otype ou, pour mieux dire : la décisive épiphanie de leur archétype. La réalité se définit, pour une civilisation donnée,
1288 finit, pour une civilisation donnée, par le champ de recherches qu’instituent certaines options fondamentales : pour l’Ori
1289 oir la nature agonique, et non point rationnelle, de la recherche, de la création ou de la connaissance dite scientifique.
1290 nique, et non point rationnelle, de la recherche, de la création ou de la connaissance dite scientifique. La complicité fo
1291 t rationnelle, de la recherche, de la création ou de la connaissance dite scientifique. La complicité fondamentale du suje
1292 entifique. La complicité fondamentale du sujet et de l’anti-sujet affrontés, et leur interaction antinomique, nous apparai
1293 omique, nous apparaissent dans le détail très fin de toutes nos sciences, de la logique mathématique à la médecine et de l
1294 t dans le détail très fin de toutes nos sciences, de la logique mathématique à la médecine et de la physique à la psycholo
1295 nces, de la logique mathématique à la médecine et de la physique à la psychologie. Rien n’existe, au sens fort, en dehors
1296 lutte, dont le réel figure la résultante. Au-delà de tout idéalisme ou réalisme, de tout spiritualisme ou matérialisme, le
1297 ésultante. Au-delà de tout idéalisme ou réalisme, de tout spiritualisme ou matérialisme, le réel vivant — faut-il dire le
1298 insi comme la frontière (au sens Far West du mot) de deux systèmes énergétiques qui sont comme l’ombre l’une de l’autre et
1299 i comme la frontière (au sens Far West du mot) de deux systèmes énergétiques qui sont comme l’ombre l’une de l’autre et dont
1300 ystèmes énergétiques qui sont comme l’ombre l’une de l’autre et dont l’affrontement ou l’étreinte crée le jour et la nuit
1301 e et le néant, l’actuel et le virtuel. Là-dessus, trois observations : 1) La nature dialectique du réel vivant, intuitivement
1302 el et le virtuel. Là-dessus, trois observations : 1 ) La nature dialectique du réel vivant, intuitivement perçue par les a
1303 les aventuriers des arts, explique l’incertitude de leur vocabulaire. Adonnés à la même recherche, ils nous parlent tantô
1304 nnés à la même recherche, ils nous parlent tantôt de musique concrète ou de peinture abstraite, et les deux adjectifs sont
1305 e, ils nous parlent tantôt de musique concrète ou de peinture abstraite, et les deux adjectifs sont évidemment faux : on p
1306 musique concrète ou de peinture abstraite, et les deux adjectifs sont évidemment faux : on pourrait aussi bien — ou aussi ma
1307 nt tantôt qu’ils découvrent ou qu’ils inventent ; deux descriptions apparem­ment contradictoires et notoirement insuffisante
1308 ment contradictoires et notoirement insuffisantes d’ un acte de l’esprit qui est pourtant bien le même, mais qu’il nous res
1309 adictoires et notoirement insuffisantes d’un acte de l’esprit qui est pourtant bien le même, mais qu’il nous reste à défin
1310 me, mais qu’il nous reste à définir. (Concevoir a deux sens aussi, mais en un mot.) 2) L’éclatement d’une bombe H vérifie ce
1311 r. (Concevoir a deux sens aussi, mais en un mot.) 2 ) L’éclatement d’une bombe H vérifie cette harmonie préétablie, ou ce
1312 deux sens aussi, mais en un mot.) 2) L’éclatement d’ une bombe H vérifie cette harmonie préétablie, ou ce mariage de notre
1313 vérifie cette harmonie préétablie, ou ce mariage de notre esprit et du cosmos pour le meilleur et pour le pire sans quoi
1314 cience ne serait possible. Cette même possibilité de réciprocité créatrice ou conformatrice se trouve justifier, par aille
1315 ice se trouve justifier, par ailleurs, l’ambition d’ une peinture dite abstraite, ambition qui n’est point ou ne doit pas ê
1316 mbition qui n’est point ou ne doit pas être celle de coïncider, soit avec des structures préformées de notre esprit, soit
1317 de coïncider, soit avec des structures préformées de notre esprit, soit avec quelque loi formatrice du cosmos, mais d’illu
1318 soit avec quelque loi formatrice du cosmos, mais d’ illustrer l’instant de leur amour. C’est celui de leur haine chez beau
1319 formatrice du cosmos, mais d’illustrer l’instant de leur amour. C’est celui de leur haine chez beaucoup de mauvais peintr
1320 d’illustrer l’instant de leur amour. C’est celui de leur haine chez beaucoup de mauvais peintres : on parle alors de dési
1321 hez beaucoup de mauvais peintres : on parle alors de désintégration — mais tout ce vocabulaire est à reprendre. 3) L’Occid
1322 ation — mais tout ce vocabulaire est à reprendre. 3 ) L’Occident ne saurait se désintégrer, comme beaucoup le redoutent ou
1323 appelé. Mais il est en train de franchir le seuil d’ une connaissance nouvelle. La découverte (ou l’invention ?) de l’antim
1324 ssance nouvelle. La découverte (ou l’invention ?) de l’antimatière pourrait marquer symboliquement ce seuil. Rien de plus
1325 s congénial au mouvement dialectique, au complexe de tensions où naquit l’Occident, tout avide de systèmes qui ne l’apaise
1326 lexe de tensions où naquit l’Occident, tout avide de systèmes qui ne l’apaiseront jamais, qui le consument et dont il vit.
1327 e consument et dont il vit. q. Rougemont Denis de , « Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement »,
1328 ncement », The Alliance Review, Alliance, janvier 1953, p. 1. r. Le texte français est publié avec une traduction anglaise e
1329 signifié la fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la science, recherche imp
1330 nées de la peur, qu’il a permis le développement de la science, recherche impitoyable de la vérité. Au moment où la physi
1331 éveloppement de la science, recherche impitoyable de la vérité. Au moment où la physique actuelle retire à la matière ses
1332 uelle retire à la matière ses qualités classiques de vraie matière pour lui accorder les attributs que les matérialistes p
1333 tributs que les matérialistes pensaient être ceux de l’esprit, Denis de Rougemont nous rappelle, fort opportunément, que l
13 1953, Articles divers (1951-1956). Suisse, Europe et neutralité (6 mars 1953)
1334 Suisse, Europe et neutralité ( 6 mars 1953)s La thèse que je voudrais défendre devant vous tient en
1335 Suisse, Europe et neutralité (6 mars 1953 )s La thèse que je voudrais défendre devant vous tient en deux phra
1336 èse que je voudrais défendre devant vous tient en deux phrases : 1. Une discussion sur l’abandon volontaire de notre neutral
1337 rais défendre devant vous tient en deux phrases : 1. Une discussion sur l’abandon volontaire de notre neutralité serait au
1338 ases : 1. Une discussion sur l’abandon volontaire de notre neutralité serait aujourd’hui sans objet, et nous devons donc l
1339 rd’hui sans objet, et nous devons donc l’éviter ; 2. La neutralité ne doit pas servir de prétexte à la Suisse pour refuser
1340 nc l’éviter ; 2. La neutralité ne doit pas servir de prétexte à la Suisse pour refuser de collaborer à l’union européenne.
1341 t pas servir de prétexte à la Suisse pour refuser de collaborer à l’union européenne. I En effet, pour que la Suisse
1342 our refuser de collaborer à l’union européenne. I En effet, pour que la Suisse en vienne à décider qu’elle abandonne
1343 re contre la Suisse, — soit une autorité fédérale de l’Europe à laquelle nous puissions adhérer. L’une ou l’autre de ces c
1344 laquelle nous puissions adhérer. L’une ou l’autre de ces conditions étant donnée entraînerait automatiquement l’abandon de
1345 ant donnée entraînerait automatiquement l’abandon de notre neutralité, sans qu’il y ait lieu dans discuter dans le premier
1346 s le second cas, comme une conséquence accessoire de notre entrée dans un corps politique plus large, entrée qui aurait ét
1347 s large, entrée qui aurait été le véritable objet de la discussion avant le vote populaire. Mais ni l’une ni l’autre de ce
1348 avant le vote populaire. Mais ni l’une ni l’autre de ces conditions n’est présente. Si nous voulions aujourd’hui renoncer
1349 ets pratiques ? Dans l’état présent des choses et de l’opinion publique, chez nous et dans les pays voisins, un tel geste
1350 voisins, un tel geste paraîtrait à la fois dénué de sagesse et d’efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce ter
1351 el geste paraîtrait à la fois dénué de sagesse et d’ efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce terme. On ne voit
1352 d’efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce terme. On ne voit donc pas d’objet concret à une discussion, aujou
1353 it, au pire sens de ce terme. On ne voit donc pas d’ objet concret à une discussion, aujourd’hui, sur l’abandon de notre ne
1354 cret à une discussion, aujourd’hui, sur l’abandon de notre neutralité. Dans ces conditions, comment se fait-il que la ques
1355 es conditions, comment se fait-il que la question de la neutralité soit sans cesse reposée depuis le fin de la guerre, et
1356 neutralité soit sans cesse reposée depuis le fin de la guerre, et menace de devenir un sujet de discorde entre les Conféd
1357 sse reposée depuis le fin de la guerre, et menace de devenir un sujet de discorde entre les Confédérés ? Cela tient à deux
1358 e fin de la guerre, et menace de devenir un sujet de discorde entre les Confédérés ? Cela tient à deux causes bien précise
1359 t de discorde entre les Confédérés ? Cela tient à deux causes bien précises, extérieures à la Suisse, qui sont l’impérialism
1360 ont l’impérialisme bolchévique et la construction de l’Europe, et à une troisième cause, intérieure celle-là, qui est la m
1361 et ses ennemis. À cela, je répondrai que le choix de notre peuple est fait. Le parti stalinien ne peut réunir chez nous qu
1362 . Le parti stalinien ne peut réunir chez nous que 2,5  % des voix électorales. Le Conseil fédéral a pris des mesures de défe
1363 lectorales. Le Conseil fédéral a pris des mesures de défense contre les staliniens (exclusions de fonctionnaires, actions
1364 ures de défense contre les staliniens (exclusions de fonctionnaires, actions légales, etc.). Si nous disions que nous rest
1365 ers à ne pas nous croire. En fait, ils ne cessent de répéter que la Suisse a cessé d’être neutre : si nous décidions offic
1366 , ils ne cessent de répéter que la Suisse a cessé d’ être neutre : si nous décidions officiellement d’abandonner notre neut
1367 d’être neutre : si nous décidions officiellement d’ abandonner notre neutralité, rien ne serait donc changé à cet égard. N
1368 é, rien ne serait donc changé à cet égard. Nombre de pays qui ne sont pas neutres ont fait beaucoup moins que nous pour lu
1369 est ainsi, nous dira-t-on, pourquoi refusez-vous de participer à la défense commune de l’Europe ? La réponse est qu’en fa
1370 i refusez-vous de participer à la défense commune de l’Europe ? La réponse est qu’en fait, nous sommes presque les seuls à
1371 tinent, et que nous lui consacrons une proportion de notre budget national beaucoup plus forte que tous les autres pays. I
1372 pays. Ici encore, on ne voit pas ce que l’abandon de notre neutralité pourrait changer à la situation. Tout ceci revient-i
1373 on. Tout ceci revient-il à dire que la neutralité de la Suisse ne pose aucune question réelle ? Certes non. Notre neutrali
1374 Certes non. Notre neutralité est devenue un objet de discussions par la seule faute de ceux qui s’en réclament à tout prop
1375 ent à tout propos et hors de propos, pour refuser de faire face à la situation concrète de l’Europe et de la Suisse en Eur
1376 our refuser de faire face à la situation concrète de l’Europe et de la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les p
1377 faire face à la situation concrète de l’Europe et de la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans de la
1378 Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans de la fédération européenne, les Schuman, les Spaak, les de Gasperi, les
1379 édération européenne, les Schuman, les Spaak, les de Gasperi, les Adenauer, qui nous ont jamais sommés de renoncer à la ne
1380 Gasperi, les Adenauer, qui nous ont jamais sommés de renoncer à la neutralité, mais ce sont les partisans de la neutralité
1381 oncer à la neutralité, mais ce sont les partisans de la neutralité-tabou qui nous somment, nous fédéralistes, de renoncer
1382 ralité-tabou qui nous somment, nous fédéralistes, de renoncer à toute idée de construction européenne. Ce n’est pas nous q
1383 ment, nous fédéralistes, de renoncer à toute idée de construction européenne. Ce n’est pas nous qui opposons fédération de
1384 péenne. Ce n’est pas nous qui opposons fédération de l’Europe et neutralité suisse, c’est eux. Et dès lors la neutralité d
1385 problème épineux. J’aborde ici la seconde partie de ma thèse. II En tant que professionnel de l’idée européenne, j’
1386 x. J’aborde ici la seconde partie de ma thèse. II En tant que professionnel de l’idée européenne, j’ai pu mesurer qu
1387 e de ma thèse. II En tant que professionnel de l’idée européenne, j’ai pu mesurer quotidiennement, depuis 5 ans, les
1388 ropéenne, j’ai pu mesurer quotidiennement, depuis 5 ans, les résistances têtues que l’on oppose, en Suisse, à notre actio
1389 culture, à Genève, s’est vu refuser toute espèce de subvention (en argent ou en facilités habituelles données aux institu
1390 es données aux institutions internationales) pour deux raisons : la première, c’est que le Centre est au service de l’idée e
1391 : la première, c’est que le Centre est au service de l’idée européenne ; la seconde, c’est que son directeur a parlé de l’
1392 nne ; la seconde, c’est que son directeur a parlé de l’Europe dans son discours du 1er août 1952 à Genève (sans même prono
1393 irecteur a parlé de l’Europe dans son discours du 1er août 1952 à Genève (sans même prononcer le mot de neutralité). Il n’e
1394 a parlé de l’Europe dans son discours du 1er août 1952 à Genève (sans même prononcer le mot de neutralité). Il n’en a pas fa
1395 er août 1952 à Genève (sans même prononcer le mot de neutralité). Il n’en a pas fallu davantage pour que le Conseil fédéra
1396 tage pour que le Conseil fédéral, puis le Conseil d’ État de Genève, aient froidement refusé, l’un après l’autre, d’aider l
1397 ève, aient froidement refusé, l’un après l’autre, d’ aider le Centre en aucune manière. Les prétextes allégués sont vagues,
1398 sincérité pose des problèmes. Les vraies raisons de ces deux refus, je le sais, sont d’un ordre psychologique bien plus e
1399 ité pose des problèmes. Les vraies raisons de ces deux refus, je le sais, sont d’un ordre psychologique bien plus encore que
1400 raies raisons de ces deux refus, je le sais, sont d’ un ordre psychologique bien plus encore que politique : toute personne
1401  : toute personne physique ou morale qui s’occupe de l’Europe, en Suisse, se voit automatiquement « mise à l’index ». L’ar
1402 utomatiquement « mise à l’index ». L’arrière-plan de cette étrange mentalité, c’est la croyance en la neutralité-tabou. On
1403 éclairé restent sans prises sur l’épaisse inertie de pareils préjugés. J’ai cité cet exemple précis pour définir une situa
1404 er ? Je vous propose, pour aujourd’hui, une série de dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes d’une campagne efficace
1405 ? Je vous propose, pour aujourd’hui, une série de dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes d’une campagne efficace :
1406 de dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes d’ une campagne efficace : Les fédéralistes ne demandent pas l’abandon
1407 e : Les fédéralistes ne demandent pas l’abandon de la neutralité, mesure qui serait actuellement sans effet. Ils laissen
1408 sans effet. Ils laissent aux communistes le soin de verser des larmes de crocodile sur cet abandon prétendu. Ils estiment
1409 sent aux communistes le soin de verser des larmes de crocodile sur cet abandon prétendu. Ils estiment que la neutralité re
1410 a Suisse un atout, qu’elle ne doit pas jouer sans d’ impérieuses raisons. Les fédéralistes rappellent que la Suisse est si
1411 la Suisse est située, géographiquement, au centre de l’Europe ; qu’elle a pris naissance un peu après le milieu de l’histo
1412 ; qu’elle a pris naissance un peu après le milieu de l’histoire de l’Europe ; que son sort dépend donc à tous égards du so
1413 is naissance un peu après le milieu de l’histoire de l’Europe ; que son sort dépend donc à tous égards du sort de l’Europe
1414  ; que son sort dépend donc à tous égards du sort de l’Europe. (Même si M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que d
1415 M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que de 40 % avec les six pays du plan Schuman, nous ne sommes pas prêts à ju
1416 Rappard démontre que ses échanges ne sont que de 40  % avec les six pays du plan Schuman, nous ne sommes pas prêts à juger
1417 tre que ses échanges ne sont que de 40 % avec les six pays du plan Schuman, nous ne sommes pas prêts à juger négligeable ce
1418 sommes pas prêts à juger négligeable ce client n°  1  !) Les fédéralistes font remarquer que les grands industriels suisses
1419 grands industriels suisses qui souriaient, il y a 2 ans, quand on leur parlait du plan Schuman, s’inquiètent de le voir r
1420 and on leur parlait du plan Schuman, s’inquiètent de le voir réalisé sans eux. Cette bonne leçon de choses doit porter. Le
1421 nt de le voir réalisé sans eux. Cette bonne leçon de choses doit porter. Les fédéralistes constatent que rien ne s’oppose
1422 constatent que rien ne s’oppose dans notre statut de neutres à des conversations avec la Haute-Autorité de Luxembourg, con
1423 pas attendu les Américains pour proclamer depuis 1933 la nécessité d’une Europe unie. Ils sont seuls à entretenir en Suisse
1424 méricains pour proclamer depuis 1933 la nécessité d’ une Europe unie. Ils sont seuls à entretenir en Suisse des contacts ét
1425 s qui ont obtenu la création du noyau fédéral des six pays du pool charbon-acier. Concernant la défense de l’Europe, les fé
1426 l’Europe, les fédéralistes rappellent l’existence de 15 divisions suisses (la moitié de ce que demandait Eisenhower pour t
1427 urope, les fédéralistes rappellent l’existence de 15 divisions suisses (la moitié de ce que demandait Eisenhower pour tout
1428 nt l’existence de 15 divisions suisses (la moitié de ce que demandait Eisenhower pour toute l’Europe) et la nécessité tech
1429 et la nécessité technique, pour tout état-major, de se concerter avec les voisins. Les fédéralistes suisses estiment que
1430 e notre constitution fédérale peut et doit servir de modèle pour une Europe fédérée, dans le respect des diversités nation
1431 construction, et que la vraie question n’est pas d’ européaniser la Suisse, mais plutôt d’helvétiser l’Europe. Les fédéral
1432 n n’est pas d’européaniser la Suisse, mais plutôt d’ helvétiser l’Europe. Les fédéralistes sont convaincus que notre neutra
1433 Europe sera fédérée : à ce moment seulement, mais de toute évidence, la neutralité suisse perdra toute raison d’être. Les
1434 vidence, la neutralité suisse perdra toute raison d’ être. Les fédéralistes européens de Suisse entendent rester les porteu
1435 a toute raison d’être. Les fédéralistes européens de Suisse entendent rester les porteurs, parmi leurs compatriotes, de ce
1436 nt rester les porteurs, parmi leurs compatriotes, de cette vérité fondamentale, mais qu’une opinion somnolente et des magi
1437 es magistrats aux vues courtes s’efforcent encore de ne pas regarder en face : la Suisse ne sera pas sauvée si l’Europe es
1438 demain, faute de s’unir. s. Rougemont Denis de , « Suisse, Europe et neutralité », L’Essor, Genève, 6 mars 1953, p. 4
1439  Suisse, Europe et neutralité », L’Essor, Genève, 6 mars 1953, p. 4-5.
1440 , Europe et neutralité », L’Essor, Genève, 6 mars 1953, p. 4-5.
14 1953, Articles divers (1951-1956). Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)
1441 Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)t Beaucoup pensent aujourd’hui que l’Europe es
1442 Unité et diversité de l’Europe (juin 1953 )t Beaucoup pensent aujourd’hui que l’Europe est trop diverse pour
1443 uelle au Moyen Âge et elle avait atteint au début de ce siècle une espèce d’unité matérielle : le voyageur pouvait la trav
1444 le avait atteint au début de ce siècle une espèce d’ unité matérielle : le voyageur pouvait la traverser de Madrid à Berlin
1445 ité matérielle : le voyageur pouvait la traverser de Madrid à Berlin ou d’Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni
1446 yageur pouvait la traverser de Madrid à Berlin ou d’ Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni de passeport : la car
1447 drid à Berlin ou d’Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni de passeport : la carte de visite suffisait. Mais aujo
1448 ’Athènes à Stockholm sans souci de « devises » ni de passeport : la carte de visite suffisait. Mais aujourd’hui ! Barrière
1449 s souci de « devises » ni de passeport : la carte de visite suffisait. Mais aujourd’hui ! Barrières douanières, quotas, vi
1450 rselle, nationalismes exacerbés par les souvenirs de deux guerres : où trouver dans tout cela un dénominateur commun, et q
1451 lle, nationalismes exacerbés par les souvenirs de deux guerres : où trouver dans tout cela un dénominateur commun, et que ve
1452 un dénominateur commun, et que venez-vous parler d’ union, quand l’unité foncière a disparu ? Il serait fou, et il est imp
1453 e a disparu ? Il serait fou, et il est impossible de fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de p
1454 ou, et il est impossible de fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’int
1455 t impossible de fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans
1456 e fondre nos diversités de langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’e
1457 rsités de langues, de religions, de nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’espéranto totalita
1458 ligions, de nationalités, de partis politiques et d’ intérêts, dans une espèce d’espéranto totalitaire… Cette vision pessim
1459 partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’ espéranto totalitaire… Cette vision pessimiste de notre sort repose su
1460 d’espéranto totalitaire… Cette vision pessimiste de notre sort repose sur deux graves confusions. En effet, l’absence act
1461 Cette vision pessimiste de notre sort repose sur deux graves confusions. En effet, l’absence actuelle d’union ne signifie p
1462 x graves confusions. En effet, l’absence actuelle d’ union ne signifie pas que l’unité millénaire de l’Europe n’existe plus
1463 le d’union ne signifie pas que l’unité millénaire de l’Europe n’existe plus. Ensuite, il faudrait distinguer entre nos div
1464 duit nos vraies richesses, et la meilleure raison de nous fédérer, c’est que seule l’union fédérale peut les sauver et les
1465 es sauver et les garantir dans notre siècle. Mais d’ où proviennent ces confusions courantes ? Ce qui fausse notre optique
1466 enu plus tard l’esprit nationaliste, pour aboutir de nos jours à l’esprit totalitaire, nous a fait croire que l’unité et l
1467 t sacrées ; et qu’en conséquence l’union fédérale de nos pays, sauvegardant leurs diversités, était une rêverie condamnabl
1468 diversités, était une rêverie condamnable doublée d’ une erreur de logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un
1469 tait une rêverie condamnable doublée d’une erreur de logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un exemple bien
1470 able doublée d’une erreur de logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un exemple bien connu, et par un rappel
1471 ique ou non, la Suisse existe, réfutation vivante de toutes les théories nationalo-totalitaires. Et l’histoire nous enseig
1472 pendant un siècle et demi sur les deux-mille ans de notre ère. Le phénomène de la nation fermée, imposant la limite d’une
1473 sur les deux-mille ans de notre ère. Le phénomène de la nation fermée, imposant la limite d’une langue à des réalités tout
1474 phénomène de la nation fermée, imposant la limite d’ une langue à des réalités toutes différentes, comme l’économie, les éc
1475 la géographie, se réduit à une tranche très mince de l’immense aventure humaine. Ce manque d’épaisseur historique du natio
1476 ès mince de l’immense aventure humaine. Ce manque d’ épaisseur historique du nationalisme suffirait à nous rendre méfiants,
1477 uffirait à nous rendre méfiants, lorsqu’il s’agit de porter un jugement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union de l’Eu
1478 orter un jugement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union de l’Europe. Mais il y a plus. Il est parfaitement clair que
1479 gement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union de l’Europe. Mais il y a plus. Il est parfaitement clair que la nation,
1480 on, au sens dix-neuviémiste du mot, est une forme d’ association périmée à bien des égards. Il n’est pas une nation de l’Eu
1481 érimée à bien des égards. Il n’est pas une nation de l’Europe d’aujourd’hui qui puisse se dire indépendante, soit pour sa
1482 n des égards. Il n’est pas une nation de l’Europe d’ aujourd’hui qui puisse se dire indépendante, soit pour sa production,
1483 te, soit pour sa production, soit du point de vue de sa défense. Qu’en est-il du point de vue de la culture, qui fut l’élé
1484 e vue de sa défense. Qu’en est-il du point de vue de la culture, qui fut l’élément décisif pour la formation de nos nation
1485 ture, qui fut l’élément décisif pour la formation de nos nations ? Les faits historiques les mieux établis et les plus fac
1486 s et les plus faciles à vérifier dénoncent le peu d’ importance réelle de nos différences nationales. Pour peu que l’on com
1487 s à vérifier dénoncent le peu d’importance réelle de nos différences nationales. Pour peu que l’on compare l’ensemble des
1488 es. Pour peu que l’on compare l’ensemble des pays de l’Europe à d’autres continents, comme l’Asie, l’Afrique ou l’URSS, le
1489 communs à tous nos peuples apparaissent aussitôt mille fois plus importants que nos différenciations récentes. Nous voyons t
1490 , avec toutes ses subdivisions qui portent un air de famille. (Les textes des liturgies de communion romaine, anglicane, l
1491 tent un air de famille. (Les textes des liturgies de communion romaine, anglicane, luthérienne et même calviniste ont tous
1492 et l’autre cas, le langage est le même, il dérive de la théologie, fût-ce à travers Hegel et Marx. De Kierkegaard à Heideg
1493 de la théologie, fût-ce à travers Hegel et Marx. De Kierkegaard à Heidegger, puis Sartre, les mêmes concepts, proprement
1494 es concepts, proprement impensables hors du champ de l’influence chrétienne, se groupent, s’opposent et se regroupent. Nos
1495 groupent, s’opposent et se regroupent. Nos formes d’ expression sont identiques, qu’il s’agisse du sonnet, dans toutes les
1496 qu’il s’agisse du sonnet, dans toutes les langues d’ Europe, du roman (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’o
1497 ans toutes les langues d’Europe, du roman (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la sy
1498 ’Europe, du roman (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade
1499 an (dérivé de Tristan), du tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’un palais. No
1500 u tableau de chevalet ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation
1501 et ou de l’opéra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale o
1502 éra, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’ un palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale ou politique d
1503 ymphonie ou de la façade d’un palais. Nos modèles d’ organisation de la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et d
1504 la façade d’un palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et de l’Église : au
1505 tion de la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et de l’Église : au commencement furent la paroisse et la commun
1506 vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et de l’Église : au commencement furent la paroisse et la commune, totaleme
1507 t la paroisse et la commune, totalement inconnues de l’Orient ; les synodes et le sénat, d’où viennent nos parlements. Rie
1508 inconnues de l’Orient ; les synodes et le sénat, d’ où viennent nos parlements. Rien ne se ressemble plus que nos folklore
1509 s, prétendus « nationaux » par la science démodée de Herder et des romantiques mais dont la science actuelle tire au contr
1510 illeurs arguments pour démontrer l’unité foncière de nos peuples. Ni la musique ni la peinture, créations typiques de l’Eu
1511 Ni la musique ni la peinture, créations typiques de l’Europe, n’ont jamais été nationales : elles furent des œuvres colle
1512 es : elles furent des œuvres collectives, passant de foyers en écoles, du sud au nord, à l’ouest puis à l’est, au cours de
1513 ontières. Et enfin, et surtout, ce que nous avons de commun, c’est une certaine passion de différer, une certaine manière
1514 nous avons de commun, c’est une certaine passion de différer, une certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer
1515 ertaine passion de différer, une certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps mag
1516 ifférer, une certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps magique collectif. Déco
1517 ière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps magique collectif. Découverte par la Grèce avec
1518 r l’Église romaine et la Réforme avec leur notion de la personne, cette manière de se croire et de se sentir unique, carac
1519 me avec leur notion de la personne, cette manière de se croire et de se sentir unique, caractérise l’homo europæus, quelle
1520 ion de la personne, cette manière de se croire et de se sentir unique, caractérise l’homo europæus, quelle que soit d’aill
1521 oit d’ailleurs sa naissance, et le rend différent de l’Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non
1522 issance, et le rend différent de l’Hindou qui est d’ une caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non moins que du Soviéti
1523 e rend différent de l’Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non moins que du Soviétique condition
1524 Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui est d’ une tribu, non moins que du Soviétique conditionné par les décrets du
1525 moi dans le Tout. Le Soviétique n’a plus le droit de dire « je » que lorsqu’il s’avoue criminel. L’Européen seul a placé l
1526 el. L’Européen seul a placé la personne au-dessus de la collectivité. Comparées à la communauté fondamentale et millénaire
1527 parées à la communauté fondamentale et millénaire de nos structures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types
1528 auté fondamentale et millénaire de nos structures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types d’organisation so
1529 ntale et millénaire de nos structures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types d’organisation sociale et pol
1530 naire de nos structures de pensées, de nos formes d’ expression et de nos types d’organisation sociale et politique, nos di
1531 uctures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types d’organisation sociale et politique, nos divisions présente
1532 nsées, de nos formes d’expression et de nos types d’ organisation sociale et politique, nos divisions présentes perdent leu
1533 s redeviennent alors un trait fondamental du mode de vivre européen : chez nous seulement elles ont été admises (« Il y a
1534 belles créations. Certes, l’école par ses manuels d’ histoire, le journal par son exploitation des préjugés reçus de l’écol
1535 e journal par son exploitation des préjugés reçus de l’école, certaine littérature aussi pour laquelle tout ce qui est nat
1536 la réalité, cela ne signifie pas qu’il ait cessé de nuire. Les écrivains — poètes et philosophes — qui ont tant fait pour
1537 er au début du xixe siècle, pourraient beaucoup, de nos jours, pour nous en délivrer. Entre l’agoraphobie du nationalisme
1538 y a place pour un réalisme. t. Rougemont Denis de , « Unité et diversité de l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p.
1539 e. t. Rougemont Denis de, « Unité et diversité de l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p. 1.
1540 diversité de l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p. 1.
15 1953, Articles divers (1951-1956). Pourquoi je suis Européen (20 juin 1953)
1541 Pourquoi je suis Européen ( 20 juin 1953)v w Je voudrais vous demander quelles ont été les raison
1542 Pourquoi je suis Européen (20 juin 1953 )v w Je voudrais vous demander quelles ont été les raisons toutes p
1543 été les raisons toutes personnelles qui ont fait de vous un partisan de l’Europe unie ? Je suis né à Neuchâtel, c’est-à-d
1544 tes personnelles qui ont fait de vous un partisan de l’Europe unie ? Je suis né à Neuchâtel, c’est-à-dire dans le canton q
1545 le dernier à se rallier à la fédération suisse en 1848. Jusqu’à cette date, Neuchâtel était une principauté dont le souverain
1546 i-chemin entre France et Allemagne, avec beaucoup d’ ancêtres français et quelques allemands. Quand je me suis mis à voyage
1547 t, je ne me suis jamais senti étranger dans aucun de nos pays. Tel est, si vous le voulez, l’aspect « cosmopolite » de mon
1548 est, si vous le voulez, l’aspect « cosmopolite » de mon européanisme : il m’est instinctif, comme d’ailleurs beaucoup de
1549 comme d’ailleurs beaucoup de Suisses. Dès la fin de mes études, j’ai longuement habité Paris et la France, et c’est penda
1550 art de mes livres, tous centrés sur la définition d’ une doctrine personnaliste dont la traduction politique est, à mes yeu
1551 des groupes personnalistes dont elles étaient les deux foyers. C’était aussi le moment où Kierkegaard commençait à être conn
1552 ençait à être connu en France, et j’avais coutume de l’opposer à Hegel, préférant, en philosophie comme en politique, la t
1553 nsion et le drame au système et à la synthèse. En 1938, j’ai publié mon Journal d’Allemagne , à la fin duquel je dénonçais H
1554 à la synthèse. En 1938, j’ai publié mon Journal d’ Allemagne , à la fin duquel je dénonçais Hitler comme antieuropéen par
1555 publié un ouvrage intitulé Mission ou démission de la Suisse , dans lequel j’exposais plus nettement qu’auparavant la li
1556 ison nécessaire entre la conception personnaliste de l’homme, la doctrine, ou pour mieux dire, l’attitude fédéraliste, et
1557 eux dire, l’attitude fédéraliste, et la nécessité d’ une union européenne. C’est donc bien en tant que fédéraliste que je r
1558 en chemise brune ». Étant lecteur à l’Université de Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cour
1559 rune ». Étant lecteur à l’Université de Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cours sur le para
1560 e ». Étant lecteur à l’Université de Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cours sur le paralléli
1561 ant lecteur à l’Université de Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cours sur le parallélisme entr
1562 Francfort de 1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer un cours sur le parallélisme entre les doctrines jacobines
1563 Du jacobinisme est sorti Napoléon et des guerres de Napoléon le nationalisme de tout un siècle. Napoléon voulait faire l’
1564 poléon et des guerres de Napoléon le nationalisme de tout un siècle. Napoléon voulait faire l’Europe, oui, mais comme Hitl
1565 et nécessairement totalitaire est le pire ennemi de l’Europe fédérée, dont la richesse et la créativité naissent de la di
1566 dérée, dont la richesse et la créativité naissent de la diversité. Mais si l’on insiste trop sur nos diversités, que devie
1567 ut-on la fonder ? Précisément, dans notre passion de différer les uns des autres : c’est ce que nous avons tous en commun.
1568 en ce moment un livre qui sera intitulé : Le Sens de nos vies x, et dans lequel j’esquisse une histoire de l’homme europée
1569 os vies x, et dans lequel j’esquisse une histoire de l’homme européen, ou plutôt de sa manière de dire « je » ou « moi ».
1570 uisse une histoire de l’homme européen, ou plutôt de sa manière de dire « je » ou « moi ». C’est là une notion essentielle
1571 oire de l’homme européen, ou plutôt de sa manière de dire « je » ou « moi ». C’est là une notion essentiellement européenn
1572 ntiellement européenne, et que nous avons eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notion de l’indi
1573 universelle. L’Asiatique n’a jamais eu la notion de l’individuel, les Russes font tout ce qu’ils peuvent pour l’interdire
1574 e à se déprimer en Amérique. Elle reste la source de nos grandeurs comme de nos faiblesses : notre risque créateur. Mais q
1575 ique. Elle reste la source de nos grandeurs comme de nos faiblesses : notre risque créateur. Mais quand je parle d’individ
1576 sses : notre risque créateur. Mais quand je parle d’ individu, il faut s’entendre. Le véritable Européen, c’est l’individu
1577 e, bien autre chose que l’entrée dans un parti !) D’ où notre critique de l’individualisme irresponsable qui, depuis le xvi
1578 que l’entrée dans un parti !) D’où notre critique de l’individualisme irresponsable qui, depuis le xviiie siècle, a prépa
1579 nisme lui a ajouté la vocation. L’individu chargé d’ une vocation qui, à la fois, le distingue de la tribu et le relie à so
1580 hargé d’une vocation qui, à la fois, le distingue de la tribu et le relie à son prochain, voilà la personne. On l’a dit :
1581 ne il y a des prochains… Mais nous nous éloignons de notre sujet… Tout ce que je viens de vous dire résume la phase doctri
1582 je viens de vous dire résume la phase doctrinale de mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ai
1583 a phase doctrinale de mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour
1584 hase doctrinale de mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour une s
1585 de mon européanisme. Repartons de 1940. À la fin de cette année-là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour une série de conf
1586 là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour une série de conférences. De là, j’ai été en Argentine et, à mon retour à New York
1587 oyé aux États-Unis pour une série de conférences. De là, j’ai été en Argentine et, à mon retour à New York, en novembre 19
1588 rgentine et, à mon retour à New York, en novembre 1941, les États-Unis sont entrés en guerre : plus moyen de revenir en Suiss
1589 les États-Unis sont entrés en guerre : plus moyen de revenir en Suisse. À New York, j’ai fait une nouvelle découverte de l
1590 se. À New York, j’ai fait une nouvelle découverte de l’Europe. Aux yeux des Américains il n’y a pas des Français, des Suis
1591 is pas, alors, qu’Hitler s’était emparé du slogan de la « Nouvelle Europe »… À mon premier retour, en 1946, je fus invité
1592 la « Nouvelle Europe »… À mon premier retour, en 1946, je fus invité à parler sur « l’Esprit européen » aux Rencontres inter
1593 ’Esprit européen » aux Rencontres internationales de Genève… En juillet 1947, rentrant d’un nouveau séjour à New York, je
1594 Rencontres internationales de Genève… En juillet 1947, rentrant d’un nouveau séjour à New York, je reçus la visite de Raymon
1595 ernationales de Genève… En juillet 1947, rentrant d’ un nouveau séjour à New York, je reçus la visite de Raymond Silva, que
1596 ’un nouveau séjour à New York, je reçus la visite de Raymond Silva, que je ne connaissais pas, et qui, sans préambule, me
1597 nnaissais pas, et qui, sans préambule, me demanda d’ ouvrir par un discours le premier congrès fédéraliste qui allait se te
1598 situation politique que je n’avais pu suivre que de très loin, il me dit : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 193
1599 me dit : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 1939 et 1940 : c’est exactement ce que notre congrès attend. » Ainsi
1600 dit : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 1939 et 1940 : c’est exactement ce que notre congrès attend. » Ainsi fut f
1601  Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 1939 et 1940  : c’est exactement ce que notre congrès attend. » Ainsi fut fait. Mon
1602 part par le nazisme, d’autre part par mes années d’ Amérique. Quelles sont à votre avis les maladies infantiles de la cons
1603 Quelles sont à votre avis les maladies infantiles de la construction européenne ? Il y a d’abord la maladie que j’appeller
1604 Je pense non seulement à l’instabilité politique de la France, mais aussi aux difficultés qu’elle éprouve à liquider le p
1605 ’elle éprouve à liquider le passé récent, la peur de l’Allemagne. La France, qui a été à l’avant-garde de la construction
1606 l’Allemagne. La France, qui a été à l’avant-garde de la construction européenne, en constitue aujourd’hui le point faible.
1607 is la faiblesse présente et les forces virtuelles de l’Europe. Nehru, énumérant les puissances qui comptent dans notre mon
1608 lle a infecté les autres continents. C’est à nous de trouver le contrepoison de ce nationalisme. Mais d’autre part il y a
1609 ntinents. C’est à nous de trouver le contrepoison de ce nationalisme. Mais d’autre part il y a nos forces réelles, dont il
1610 ndre conscience. Vous savez que c’est à ce réveil de la conscience européenne que sont consacrés tous les efforts du Centr
1611 turellement. Je suis aussi pour la fédération des Six . Il est conforme à la doctrine et surtout à la pratique fédéraliste d
1612 la doctrine et surtout à la pratique fédéraliste de commencer par des petites réalisations, par quelques-uns, ceux qui ve
1613 ferme et solide. Et ce sera aussi l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mission de la Suisse. Je vais vous citer deux a
1614 l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mission de la Suisse. Je vais vous citer deux alexandrins qui résument parfaitem
1615 ppelé la mission de la Suisse. Je vais vous citer deux alexandrins qui résument parfaitement notre isolationnisme un peu mes
1616 otre isolationnisme un peu mesquin et la grandeur de l’idée fédéraliste que nous avons réalisée en petit, et presque sans
1617 istoire aura le dernier mot. Saviez-vous que ces deux vers sont de Victor Hugo ? v. Rougemont Denis de, « [Entretien] Po
1618 dernier mot. Saviez-vous que ces deux vers sont de Victor Hugo ? v. Rougemont Denis de, « [Entretien] Pourquoi je sui
1619 vers sont de Victor Hugo ? v. Rougemont Denis de , « [Entretien] Pourquoi je suis Européen », Jeune Europe, Paris, 20 j
1620 Pourquoi je suis Européen », Jeune Europe, Paris, 20 juin 1953, p. 7-8. w. Propos recueillis par Charles Maignial, précéd
1621 je suis Européen », Jeune Europe, Paris, 20 juin 1953, p. 7-8. w. Propos recueillis par Charles Maignial, précédés de la no
1622 Propos recueillis par Charles Maignial, précédés de la note suivante : « Nous ne présenterons pas à nos lecteurs cet écri
1623 urs cet écrivain pénétrant devenu ardent militant de l’Europe qu’est Denis de Rougemont. Le directeur du Centre européen d
1624 eur du Centre européen de la culture s’est soumis de fort bonne grâce à cet examen de conscience européenne que nous somme
1625 ure s’est soumis de fort bonne grâce à cet examen de conscience européenne que nous sommes heureux de publier dans notre j
1626 de conscience européenne que nous sommes heureux de publier dans notre journal. » x. Aucun livre de Rougemont n’a été pu
1627 mais un essai paru dans la revue Preuves en juin 1952. L’Aventure occidentale de l’homme , et Lettre ouverte aux Européens
1628 vue Preuves en juin 1952. L’Aventure occidentale de l’homme , et Lettre ouverte aux Européens approfondiront cette ques
16 1953, Articles divers (1951-1956). Une fausse nouvelle : « Dieu est mort » (juin-juillet 1953)
1629 fausse nouvelle : « Dieu est mort » (juin-juillet 1953 )u Le thème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guer
1630  Dieu est mort » (juin-juillet 1953)u Le thème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’u
1631 ort » (juin-juillet 1953)u Le thème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’une partie a
1632 hème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’une partie assez importante de la littérature
1633 a constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’ une partie assez importante de la littérature contemporaine. Repris de
1634 a guerre la hantise d’une partie assez importante de la littérature contemporaine. Repris de Nietzsche vers 1944 par des é
1635 mportante de la littérature contemporaine. Repris de Nietzsche vers 1944 par des écrivains que les circonstances rendaient
1636 ttérature contemporaine. Repris de Nietzsche vers 1944 par des écrivains que les circonstances rendaient influents, il est q
1637 t répété par leurs disciples et cité comme allant de soi par ceux qui vivent de l’écho. Les bien-pensants s’indignent, com
1638 s et cité comme allant de soi par ceux qui vivent de l’écho. Les bien-pensants s’indignent, comme si l’on avait proféré un
1639 ’indignent, comme si l’on avait proféré un propos d’ une extrême gravité : attitude incompréhensible de la part des chrétie
1640 s chrétiens, qui devraient savoir que l’existence de Dieu n’est pas affectée par une polémique locale dans le temps et dan
1641 ailleurs divisé, des agnostiques. Déjà l’on parle de mystiques sans Dieu, des saints sans Dieu. Malraux se demande si la m
1642 s saints sans Dieu. Malraux se demande si la mort de Dieu n’entraîne pas celle de l’homme, — pensée difficile à comprendre
1643 e demande si la mort de Dieu n’entraîne pas celle de l’homme, — pensée difficile à comprendre. De jeunes romanciers s’auto
1644 elle de l’homme, — pensée difficile à comprendre. De jeunes romanciers s’autorisent de la « mort de Dieu » pour s’abandonn
1645 e à comprendre. De jeunes romanciers s’autorisent de la « mort de Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste de décrir
1646 e. De jeunes romanciers s’autorisent de la « mort de Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste de décrire un monde « 
1647 de Dieu » pour s’abandonner au plaisir masochiste de décrire un monde « absurde », etc. Cependant, je ne vois pas que ce t
1648 té vraiment discuté, jusqu’ici. Du défi désespéré de Nietzsche, de l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguem
1649 scuté, jusqu’ici. Du défi désespéré de Nietzsche, de l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguement) supputé l
1650 sespéré de Nietzsche, de l’affirmation méthodique de Sartre, on a (plutôt vaguement) supputé les effets sur la psychologie
1651 est mort, ce qu’ils entendent exactement par là ? De quel Dieu s’agit-il, en somme ? De celui qu’ils imaginent ou de celui
1652 ement par là ? De quel Dieu s’agit-il, en somme ? De celui qu’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’une carica
1653 ’agit-il, en somme ? De celui qu’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’une caricature commode ou de la premièr
1654 u’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’ une caricature commode ou de la première Personne de la Trinité ? Du D
1655 que beaucoup prient ? D’une caricature commode ou de la première Personne de la Trinité ? Du Dieu des philosophes ou du Di
1656 une caricature commode ou de la première Personne de la Trinité ? Du Dieu des philosophes ou du Dieu des Prophètes ? D’une
1657 u Dieu des philosophes ou du Dieu des Prophètes ? D’ une attitude psychologique ou d’une réalité ontologique ? Ou seulement
1658 u des Prophètes ? D’une attitude psychologique ou d’ une réalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’un nouveau co
1659 u d’une réalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’un nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’honnêt
1660 éalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’ un nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’honnête clarté,
1661 nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’ honnête clarté, ce serait le moyen de faire entrevoir quelques difficu
1662 cela un peu d’honnête clarté, ce serait le moyen de faire entrevoir quelques difficultés inextricables, où cette affirmat
1663 ù cette affirmation jette non seulement la pensée de ses auteurs récents, mais toute la pensée du type occidental. Gardons
1664 toute la pensée du type occidental. Gardons-nous d’ admettre — ce serait leur faire injure — qu’ils aient voulu dire simpl
1665 u romantisme ou même aux platitudes rationalistes de l’athéisme occidental, qu’ils ont largement reniés. Ils insistent, au
1666 ent, au contraire, par ce tour dramatique au goût de l’immédiate après-guerre, sur la nouveauté du message, et sur son obj
1667 ndent annoncer une nouvelle, la mauvaise nouvelle de la mort récente de Dieu, c’est-à-dire un anti-évangile (evangelos : l
1668 nouvelle, la mauvaise nouvelle de la mort récente de Dieu, c’est-à-dire un anti-évangile (evangelos : la bonne nouvelle).
1669  : la bonne nouvelle). Nous voici donc contraints d’ examiner premièrement les sources et, secondement, la crédibilité de l
1670 ement les sources et, secondement, la crédibilité de l’information. Je ne discuterai pas l’inventeur de la phrase : Nietzs
1671 e l’information. Je ne discuterai pas l’inventeur de la phrase : Nietzsche est un cas suffisamment connu7. Et, d’ailleurs,
1672 essage en écrivant un jour ceci : « La réfutation de Dieu : ce n’est que le Dieu moral qui est réfuté. » (Œuvres posthumes
1673 futé. » (Œuvres posthumes.) Tout autre est le cas de l’auteur contemporain auquel l’ignorance générale fait remonter la ru
1674 ur dont je parle, J.-P. Sartre. L’argument majeur de ce philosophe ne porte pas, bien entendu, sur l’essence de Dieu et du
1675 losophe ne porte pas, bien entendu, sur l’essence de Dieu et du diable, mais sur leur existence qui, selon lui, diminuerai
1676 ui, diminuerait ou supprimerait la responsabilité de l’homme. Si telle est bien sa position, l’on en déduit nécessairement
1677 puisqu’en son nom l’on peut trancher une question d’ existence réelle. Il ne faut pas que Dieu et le diable existent, car a
1678 t le diable existent, car alors la responsabilité de l’homme en pâtirait. Nous sommes donc en présence d’une morale fanati
1679 en présence d’une morale fanatique, c’est-à-dire d’ une morale prête à nier telle ou telle réalité8, pour peu que celle-ci
1680 fortement la responsabilité — cependant réelle — de l’homme. Il suffit pour que Sartre décrète que Dieu n’existe pas, et
1681 Dieu n’existe pas, et bien plus, qu’il est mort. D’ où peut lui venir cette passion de la responsabilité ? D’une volonté d
1682 qu’il est mort. D’où peut lui venir cette passion de la responsabilité ? D’une volonté d’affirmer l’homme et ses pouvoirs,
1683 ut lui venir cette passion de la responsabilité ? D’ une volonté d’affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’es
1684 ette passion de la responsabilité ? D’une volonté d’ affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’une manièr
1685 l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’ une manière analogue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri de
1686 ue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri de Nietzsche : comme une proclamation de l’avènement de l’homme. Ceci co
1687 ici le cri de Nietzsche : comme une proclamation de l’avènement de l’homme. Ceci couvre une étrange équivoque. En effet,
1688 Nietzsche : comme une proclamation de l’avènement de l’homme. Ceci couvre une étrange équivoque. En effet, Sartre ne prend
1689 t « responsable » au sens authentique et littéral de « capable de répondre » (de ses actes et pensées devant Dieu ou devan
1690 le » au sens authentique et littéral de « capable de répondre » (de ses actes et pensées devant Dieu ou devant autrui), ma
1691 thentique et littéral de « capable de répondre » ( de ses actes et pensées devant Dieu ou devant autrui), mais au sens de «
1692 nsées devant Dieu ou devant autrui), mais au sens de « capable de décider » (de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens ch
1693 Dieu ou devant autrui), mais au sens de « capable de décider » (de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de missi
1694 autrui), mais au sens de « capable de décider » ( de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à cel
1695 de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’aventurier qui assume ses risques et périls e
1696 ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’ aventurier qui assume ses risques et périls et qui les choisit souvera
1697 qui les choisit souverainement ; non pas au sens de créature, mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens d’un homme,
1698  ; non pas au sens de créature, mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens d’un homme, mais bien d’un dieu. Ce dernie
1699 , mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens d’ un homme, mais bien d’un dieu. Ce dernier trait est capital. On sent q
1700 démiurge ; non pas au sens d’un homme, mais bien d’ un dieu. Ce dernier trait est capital. On sent qu’il trahit un refus d
1701 trait est capital. On sent qu’il trahit un refus de la réalité donnée, la sienne d’abord (« Je vais me faire à mon idée »
1702 Je vais me faire à mon idée ») et par suite celle d’ autrui (« L’enfer, c’est les autres »). Il n’en marque pas moins la li
1703 les autres »). Il n’en marque pas moins la limite de l’arrogance intellectuelle, le terme délirant d’un individualisme de
1704 de l’arrogance intellectuelle, le terme délirant d’ un individualisme de surcompensation, qui ne pourra plus que se nier l
1705 llectuelle, le terme délirant d’un individualisme de surcompensation, qui ne pourra plus que se nier lui-même s’il veut re
1706 t rejoindre la morale. Il se niera donc au profit de quelque dictature collectiviste, car là seulement il croira retrouver
1707 p du communisme, où naguère encore on le traitait de rat visqueux, ou d’une manière plus précise, d’individualiste petit-b
1708 naguère encore on le traitait de rat visqueux, ou d’ une manière plus précise, d’individualiste petit-bourgeois. Ce rapide
1709 t de rat visqueux, ou d’une manière plus précise, d’ individualiste petit-bourgeois. Ce rapide examen des sources nous ramè
1710 apide examen des sources nous ramène à des prises de position peu compliquées. Sartre annonçant que Dieu est mort nous dit
1711 r l’homme. Il n’en résulte pas que Dieu ait cessé d’ exister, d’aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquemen
1712 Il n’en résulte pas que Dieu ait cessé d’exister, d’ aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’y a
1713 que Dieu ait cessé d’exister, d’aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’y a jamais eu dans l’H
1714 uement, il n’y a jamais eu dans l’Histoire autant d’ hommes qu’aujourd’hui pour affirmer qu’ils croient leur Dieu vivant. (
1715 u vivant. (Cf. les statistiques du christianisme, de l’islam et de bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons m
1716 les statistiques du christianisme, de l’islam et de bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons maintenant la c
1717 mmons païennes.) Voyons maintenant la crédibilité de la nouvelle. (Il est clair qu’elle ne peut être estimée sur le fait q
1718 e fait qu’une majorité la récuse.) ⁂ Hors du plan de la polémique, soit nietzschéenne, soit anticléricale, littéralement e
1719 évélation du Dieu vivant par l’Évangile, que dire de la révélation inverse que nous apportent ces deux hommes ? Nous somme
1720 e de la révélation inverse que nous apportent ces deux hommes ? Nous sommes en pleine absurdité. La crédibilité de la nouvel
1721 ? Nous sommes en pleine absurdité. La crédibilité de la nouvelle est nulle. ⁂ Reste le fait que le Dieu du christianisme,
1722 fait que le Dieu du christianisme, du judaïsme et de l’islam, le Dieu qui s’intéresse à chaque homme (et même à chaque pas
1723 au dit l’Évangile), et cela dans le détail intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards d’humains souffrants ou méditan
1724 s le détail intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards d’humains souffrants ou méditants, génies ou pauvres types essayant d
1725 l intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards d’ humains souffrants ou méditants, génies ou pauvres types essayant de s
1726 ts ou méditants, génies ou pauvres types essayant de s’en tirer, ont prié et prient encore pour qu’il les assiste individu
1727 et absurde que toutes les absurdités que je viens d’ énumérer. À vrai dire, ce n’est pas surprenant. C’est même aisément ex
1728 gination aujourd’hui courante du cosmos. Question d’ échelle. Cette vermine fugitive que représente l’homme sur la terre, a
1729 gitive que représente l’homme sur la terre, atome d’ un système solaire, atome lui-même d’une galaxie, atome à son tour de
1730 terre, atome d’un système solaire, atome lui-même d’ une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’un univers à l’expan
1731 e, atome lui-même d’une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’un univers à l’expansion indéfinie… Et compter les c
1732 d’une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’ un univers à l’expansion indéfinie… Et compter les cheveux de sa tête 
1733 s à l’expansion indéfinie… Et compter les cheveux de sa tête ! Mais à l’inverse, le Dieu personnel redevient non seulement
1734 non seulement croyable mais indiscutable au sens de chaque vie, dès que le regard se tourne vers l’homme, vers un homme b
1735 , et le voit de plus en plus près, dans le secret de son cœur, dans le noyau de son esprit. « Dieu sensible au cœur », dis
1736 s près, dans le secret de son cœur, dans le noyau de son esprit. « Dieu sensible au cœur », disait Pascal. Et de même, l’é
1737 ne peut être décelée et étudiée que dans le noyau de l’atome, dans ce cœur du réel physique. Si nos savants s’étaient born
1738 es villes, la mer, le ciel, des autos, des livres d’ économie politique ou le sort des masses, l’énergie nucléaire non seul
1739 ût demeurée inimaginable. De même, il est absurde de « chercher Dieu dans la nature » ou dans l’Histoire, ou encore dans n
1740 sensible qu’au cœur, c’est-à-dire au plus intime d’ une personne bien réelle et distincte. Il est donc normal que le Dieu
1741 r lieu que dans l’intime, comme la transformation de l’énergie que dans l’infime, et comme l’amour nulle part ailleurs que
1742 e l’amour nulle part ailleurs que dans un cœur. 7. Voir le bref et admirable ouvrage de Karl Jaspers : Nietzsche et le c
1743 s un cœur. 7. Voir le bref et admirable ouvrage de Karl Jaspers : Nietzsche et le christianisme. 8. Car Dieu, même si q
1744 de Karl Jaspers : Nietzsche et le christianisme. 8. Car Dieu, même si quelqu’un croit qu’il n’est pas, reste en tout cas
1745 majorité des hommes vivants. u. Rougemont Denis de , « Une fausse nouvelle : “Dieu est mort” », Liberté de l’esprit, Pari
1746  Une fausse nouvelle : “Dieu est mort” », Liberté de l’esprit, Paris, juin–juillet 1953, p. 141-142.
1747 mort” », Liberté de l’esprit, Paris, juin–juillet 1953, p. 141-142.
17 1954, Articles divers (1951-1956). Ce petit cap de l’Asie (1er juin 1954)
1748 Ce petit cap de l’Asie ( 1er juin 1954)y J’entends dire tous les jours à Genève : « Nous sommes
1749 Ce petit cap de l’Asie (1er juin 1954 )y J’entends dire tous les jours à Genève : « Nous sommes occupés p
1750 lles villas qu’« occupent » les Asiatiques. C’est de l’attention mondiale qu’ils se sont emparés, et du jeu politique, et
1751 e qu’ils se sont emparés, et du jeu politique, et de l’initiative, et du calendrier de nos propres décisions, nous détourn
1752 u politique, et de l’initiative, et du calendrier de nos propres décisions, nous détournant ainsi du vrai problème, des vr
1753 nsi du vrai problème, des vrais périls urgents et de leur solution pour le salut de l’Occident. Même si la conférence de B
1754 périls urgents et de leur solution pour le salut de l’Occident. Même si la conférence de Berlin avait unifié l’Allemagne
1755 our le salut de l’Occident. Même si la conférence de Berlin avait unifié l’Allemagne et libéré l’Autriche, ces décisions n
1756 èsent sur l’ensemble du continent, les impératifs de son économie, et cette grande nostalgie de l’homme occidental, beauco
1757 ratifs de son économie, et cette grande nostalgie de l’homme occidental, beaucoup plus que la paix, qui demande un sens à
1758 ion à son espoir… Et cependant, si les rencontres de Berlin se sont soldées par un échec sur tous les points de l’ordre du
1759 se sont soldées par un échec sur tous les points de l’ordre du jour, elles n’en ont pas moins apporté un élément de pitto
1760 jour, elles n’en ont pas moins apporté un élément de pittoresque au débat sur l’union de l’Europe : M. Molotov, qui voit g
1761 té un élément de pittoresque au débat sur l’union de l’Europe : M. Molotov, qui voit grand, jugeant mesquine l’Europe des
1762 ov, qui voit grand, jugeant mesquine l’Europe des Six , a promis une Europe des Trente-Deux. (J’avoue que le compte n’est pa
1763 esquine l’Europe des Six, a promis une Europe des Trente-Deux . (J’avoue que le compte n’est pas facile à établir. Mais la Russie es
1764 ands cris la disproportion des forces au sein des Six , entre la France et l’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 4
1765 ance et l’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions d’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’un
1766 t l’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions d’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’un bloc r
1767 ’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions d’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’un bloc russe de 2
1768 e de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions d’ habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’un bloc russe de 200
1769 d’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’ un bloc russe de 200 millions établissant d’un seul coup la balance. L
1770 ront sans doute rassurés à l’idée d’un bloc russe de 200 millions établissant d’un seul coup la balance. Les États-Unis dé
1771 t sans doute rassurés à l’idée d’un bloc russe de 200 millions établissant d’un seul coup la balance. Les États-Unis déséqu
1772 ns doute rassurés à l’idée d’un bloc russe de 200 millions établissant d’un seul coup la balance. Les États-Unis déséquilibraien
1773 déséquilibraient l’Alliance atlantique. La masse de l’URSS équilibrerait alors l’Alliance eurasiatique, cela saute aux ye
1774 géographique et matérialiste du monde, Retenons, de ces divagations, un fait curieux : l’idée européenne a fait de tel pr
1775 tions, un fait curieux : l’idée européenne a fait de tel progrès que M. Molotov ne peut plus la combattre sans feindre de
1776 M. Molotov ne peut plus la combattre sans feindre de l’accepter d’abord. Quitte à tenter de l’écraser par une surenchère i
1777 ns feindre de l’accepter d’abord. Quitte à tenter de l’écraser par une surenchère insensée. Et surtout soulignons d’autant
1778 ar une surenchère insensée. Et surtout soulignons d’ autant plus fortement que la presse a manqué de le faire qu’à la confé
1779 ns d’autant plus fortement que la presse a manqué de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’Europe unie a constitu
1780 la presse a manqué de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’Europe unie a constitué le plus sérieux atout des peu
1781 é de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’ Europe unie a constitué le plus sérieux atout des peuples libres dans
1782 onfrontation avec Moscou. Non point que le projet de CED et le projet de fédération qui est sa vraie base aient jamais été
1783 scou. Non point que le projet de CED et le projet de fédération qui est sa vraie base aient jamais été considéré comme mon
1784 aie base aient jamais été considéré comme monnaie d’ échange éventuelle — MM. Bidault et Eden l’ont précisé — mais ce sont
1785 sont ces projets qui ont mis l’Occident en mesure de discuter sur un fondement solide : nous avions quelque chose à défend
1786 pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun de nos peuples. La « conférence asiatique » s’ouvre à Genève à l’heure c
1787 l’heure choisie par l’Est. Du côté russe, l’idée de manœuvre est claire : fixer la France d’abord, puis la Grande-Bretagn
1788 s États-Unis, sur l’imbroglio des guerres locales d’ Extrême-Orient, afin de nous détourner du problème préalable qui reste
1789 e nous détourner du problème préalable qui reste, de toute évidence, l’union de l’Europe, condition de sa force (notre opi
1790 e préalable qui reste, de toute évidence, l’union de l’Europe, condition de sa force (notre opinion l’oublie. Molotov, non
1791 de toute évidence, l’union de l’Europe, condition de sa force (notre opinion l’oublie. Molotov, non). Longtemps, toute l’
1792 ttention du monde va se concentrer sur le théâtre d’ une bataille où l’Occident désormais joue perdant. Le monde entier ver
1793 s défaites militaires, et l’insolence des envoyés de l’Asie rouge distribuant à nos hommes d’État des camouflets très peu
1794 rrir la CED, seule capable — à tort ou à raison — d’ inspirer quelque crainte à la Russie. Dans son premier discours à Genè
1795 ous menace à bout portant : il a déjà conquis nos six nations de l’Est, et quatre nations en Asie. Il baptise « paix » cett
1796 bout portant : il a déjà conquis nos six nations de l’Est, et quatre nations en Asie. Il baptise « paix » cette conquête
1797  : il a déjà conquis nos six nations de l’Est, et quatre nations en Asie. Il baptise « paix » cette conquête par la force et «
1798 rce et « provocation belliciste » toute tentative de résistance à son emprise. Annexer l’Indochine à l’empire communiste s
1799 l’Indochine à l’empire communiste serait un moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque celle-ci sera
1800 un moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque celle-ci serait ouverte à l’expansion russe et chinoi
1801 itive entre la France et l’Allemagne par le moyen de leur fédération, ce serait agir en « bellicistes », puisque ce serait
1802 ’Europe aux armées rouges. Sous la double poussée de la révolte asiatique et du colonialisme soviétique, une Europe persis
1803 croissantes ; par suite, l’invasion irrésistible de la propagande totalitaire, et démission finale entre les mains d’une
1804 totalitaire, et démission finale entre les mains d’ une petit groupe d’« apaiseurs », formule Bénès : on sait la suite. Se
1805 mission finale entre les mains d’une petit groupe d’ « apaiseurs », formule Bénès : on sait la suite. Seule riposte possibl
1806 le riposte possible : l’union européenne, capable d’ opposer aux Russes une puissance qui les tienne en respect. Et tout le
1807 nce qui les tienne en respect. Et tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprendre que son élan irrépressible vers l’indépenda
1808 arrêté par l’Europe, mais peut bien être détourné de ses fins par la Russie. Ils voient encore notre colonialisme. Ne saur
1809 a pas unie en temps utile si les efforts présents de fédération des Six échouent. (Début modeste, si l’on veut, mais seul
1810 s utile si les efforts présents de fédération des Six échouent. (Début modeste, si l’on veut, mais seul concret.) Ces effor
1811 Communauté politique et son élargissement rapide de toute l’Europe. L’enchaînement de ces faits laisse peu de jeu à l’ima
1812 issement rapide de toute l’Europe. L’enchaînement de ces faits laisse peu de jeu à l’imagination et aux surprises. Une rem
1813 sée : Si la CED était votée demain, la conférence de Genève se terminerait dans les huit jours, ayant perdu son intérêt st
1814 , la conférence de Genève se terminerait dans les huit jours, ayant perdu son intérêt stratégique pour M. Molotov. C’est da
1815 ective — qui déclasse brutalement les discussions de « préalables » » et de garanties à obtenir sur le papier contre une A
1816 rutalement les discussions de « préalables » » et de garanties à obtenir sur le papier contre une Allemagne d’après-demain
1817 ties à obtenir sur le papier contre une Allemagne d’ après-demain — que l’Histoire va juger le vote français sur le projet
1818 ’Histoire va juger le vote français sur le projet de CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend d’une poignée de député
1819 er le vote français sur le projet de CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend d’une poignée de députés dont on ne sau
1820 de CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend d’ une poignée de députés dont on ne saura jamais les noms : ceux qui se
1821 rt de l’Europe dans le monde dépend d’une poignée de députés dont on ne saura jamais les noms : ceux qui se décideront à l
1822 et Hannibal ante portas qu’on voudrait leur crier de Genève ? y. Rougemont Denis de, « Ce petit cap de l’Asie », Jeune
1823 rait leur crier de Genève ? y. Rougemont Denis de , « Ce petit cap de l’Asie », Jeune Europe, Paris, 1 juin 1954, p. 1 e
1824 « Ce petit cap de l’Asie », Jeune Europe, Paris, 1 juin 1954, p. 1 et 8.
1825 etit cap de l’Asie », Jeune Europe, Paris, 1 juin 1954, p. 1 et 8.
1826 Asie », Jeune Europe, Paris, 1 juin 1954, p. 1 et 8.
18 1954, Articles divers (1951-1956). La CED, ses mythes et sa réalité (12 août 1954)
1827 La CED, ses mythes et sa réalité ( 12 août 1954)z La Communauté européenne de défense n’est pour le mome
1828 La CED, ses mythes et sa réalité (12 août 1954 )z La Communauté européenne de défense n’est pour le moment qu’un t
1829 pour le moment qu’un traité, ou mieux, un projet de traité, dont tout le monde parle depuis deux ans, sur lequel tous les
1830 projet de traité, dont tout le monde parle depuis deux ans, sur lequel tous les députés et journalistes européens ont pris p
1831 ens ont pris position en public ou dans le secret de leur cœur, mais que presque personne n’a lu ! On me confiait récemmen
1832  ! On me confiait récemment, à Paris, le résultat de sondages discrets opérés à la Chambre française : il semble qu’un peu
1833 la Chambre française : il semble qu’un peu moins d’ un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus
1834 çaise : il semble qu’un peu moins d’un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus aride mais bien
1835 n peu moins d’un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’un
1836 député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’un roman policier o
1837 uté sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’un roman policier ordi
1838 rouve que le sort du traité, et par suite le sort de l’Europe, dépend en fait des députés français, appelés par M. Mendès
1839 endès France à le ratifier — ou non — vers la fin de ce mois. C’est dire que le lecteur moyen a bien le droit de demander
1840 . C’est dire que le lecteur moyen a bien le droit de demander à son tour, sans rougir de son ignorance : après tout, de qu
1841 bien le droit de demander à son tour, sans rougir de son ignorance : après tout, de quoi s’agit-il ? Je vais tenter de lui
1842 tour, sans rougir de son ignorance : après tout, de quoi s’agit-il ? Je vais tenter de lui répondre objectivement, sans c
1843  : après tout, de quoi s’agit-il ? Je vais tenter de lui répondre objectivement, sans cacher pour autant mes préférences.
1844 s cacher pour autant mes préférences. Naissance de l’idée Quelle était la situation lorsque le traité fut rédigé, au
1845 situation lorsque le traité fut rédigé, au début de 1952 ? En présence de l’URSS, disposant de plus de 200 divisions, l’E
1846 tuation lorsque le traité fut rédigé, au début de 1952  ? En présence de l’URSS, disposant de plus de 200 divisions, l’Europe
1847 e 1952 ? En présence de l’URSS, disposant de plus de 200 divisions, l’Europe était pratiquement désarmée, à l’exception de
1848 952 ? En présence de l’URSS, disposant de plus de 200 divisions, l’Europe était pratiquement désarmée, à l’exception de la
1849 Europe était pratiquement désarmée, à l’exception de la Suisse et de la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est di
1850 tiquement désarmée, à l’exception de la Suisse et de la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est dire que l’Europe
1851 l’exception de la Suisse et de la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est dire que l’Europe dépendait, pour sa défe
1852 e l’Europe dépendait, pour sa défense éventuelle, de quelques divisions américaines occupant leur secteur en Allemagne. Dé
1853 Américains trouvaient lourde et coûteuse la tâche de protéger l’Europe. Ils souhaitaient que nous les aidions à nous aider
1854 menacés, n’auraient-ils pas le droit et le devoir de reconstituer une armée ? — Les Hollandais, les Belges, et surtout les
1855 a se comprend. Une Wehrmacht autonome, renaissant de ses cendres, leur paraissait plus menaçante que rassurante. Son nom s
1856 çante que rassurante. Son nom seul leur rappelait de durs souvenirs. Elle pouvait aussi bien les attaquer que les protéger
1857 t défendre sérieusement l’Europe sans le concours d’ un de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première li
1858 endre sérieusement l’Europe sans le concours d’un de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première ligne ?
1859 sans le concours d’un de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première ligne ? C’est pour tenter de résoud
1860 se trouvait en première ligne ? C’est pour tenter de résoudre ce dilemme que fut conçue la CED. — Contre l’opinion (à l’ép
1861 urope — et enfin pour hâter l’indispensable union de nos pays, la France imagina le plan d’une « communauté de défense »,
1862 able union de nos pays, la France imagina le plan d’ une « communauté de défense », c’est-à-dire d’une armée européenne, re
1863 ays, la France imagina le plan d’une « communauté de défense », c’est-à-dire d’une armée européenne, remplaçant les armées
1864 lan d’une « communauté de défense », c’est-à-dire d’ une armée européenne, remplaçant les armées nationales. Après des mois
1865 remplaçant les armées nationales. Après des mois de discussions d’experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 p
1866 armées nationales. Après des mois de discussions d’ experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministre
1867 près des mois de discussions d’experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministres des Affaires étrang
1868 sions d’experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministres des Affaires étrangères des six pays déjà
1869 ’experts, un projet de traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministres des Affaires étrangères des six pays déjà liés par
1870 952 par les ministres des Affaires étrangères des six pays déjà liés par la Communauté du charbon et de l’acier, plus connu
1871 ix pays déjà liés par la Communauté du charbon et de l’acier, plus connue sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité qu’
1872 du charbon et de l’acier, plus connue sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité qu’ont déjà ratifié la Hollande et le L
1873 ai très court. Son choix sera donc décisif. Après deux ans de débats passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’un p
1874 ourt. Son choix sera donc décisif. Après deux ans de débats passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’un peu plus
1875 e débats passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’un peu plus près de quoi l’on parle ? Quel est donc le contenu
1876 passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’ un peu plus près de quoi l’on parle ? Quel est donc le contenu du proj
1877 Divisions nationales, armées européennes Les 132 articles du traité prévoient des institutions communes, des forces ar
1878 ient aussi qu’aucun État membre ne recrutera plus de forces armées nationales pour son propre compte, en dehors de celles
1879 ette mise en commun des ressources militaires des six pays ? S’agit-il de mélanger les soldats allemands et français dans d
1880 es ressources militaires des six pays ? S’agit-il de mélanger les soldats allemands et français dans des compagnies comman
1881 ais lu le traité. En vérité, il s’agit simplement d’ un plan de mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs
1882 traité. En vérité, il s’agit simplement d’un plan de mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs propres o
1883 , il s’agit simplement d’un plan de mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs propres officiers jusqu’à
1884 s strictement nationales seront groupées en corps d’ armée et placées à la disposition d’un état-major général, qui, lui, s
1885 pées en corps d’armée et placées à la disposition d’ un état-major général, qui, lui, sera européen par sa composition et s
1886 demain, que se passera-t-il donc, pratiquement ? Trois choses, dont la première seulement sera visible et sensible au grand
1887 ible et sensible au grand public. Les troupes des six pays porteront le même uniforme. (Mais n’est-ce pas déjà le cas, à qu
1888 à le cas, à quelques détails près ?) Les généraux de corps d’armée et d’armée pourront être choisis dans n’importe lequel
1889 à quelques détails près ?) Les généraux de corps d’ armée et d’armée pourront être choisis dans n’importe lequel des pays
1890 détails près ?) Les généraux de corps d’armée et d’ armée pourront être choisis dans n’importe lequel des pays membres. (C
1891 mbres. (C’est ce qui s’est passé déjà pendant les deux dernières guerres.) Enfin, les méthodes d’instruction et la productio
1892 les deux dernières guerres.) Enfin, les méthodes d’ instruction et la production des armements seront standardisées. (D’où
1893 a production des armements seront standardisées. ( D’ où un considérable allègement des budgets militaires, et une efficacit
1894 hnique accrue.) Il s’agit donc, en fin de compte, de l’organisation dès le temps de paix d’un commandement suprême europée
1895 en fin de compte, de l’organisation dès le temps de paix d’un commandement suprême européen. — Mais quel sera le pouvoir
1896 de compte, de l’organisation dès le temps de paix d’ un commandement suprême européen. — Mais quel sera le pouvoir disposan
1897 e européen. — Mais quel sera le pouvoir disposant de cette armée ? Le traité prévoit un Conseil des ministres nationaux (r
1898 ministres nationaux (représentant le point de vue de chacun des six États considérés comme égaux), un Commissariat de 9 me
1899 onaux (représentant le point de vue de chacun des six États considérés comme égaux), un Commissariat de 9 membres, sorte de
1900 ix États considérés comme égaux), un Commissariat de 9 membres, sorte de ministère européen de la Défense ; une Cour de ju
1901 États considérés comme égaux), un Commissariat de 9 membres, sorte de ministère européen de la Défense ; une Cour de just
1902 comme égaux), un Commissariat de 9 membres, sorte de ministère européen de la Défense ; une Cour de justice et une Assembl
1903 ssariat de 9 membres, sorte de ministère européen de la Défense ; une Cour de justice et une Assemblée parlementaire, qui
1904 te de ministère européen de la Défense ; une Cour de justice et une Assemblée parlementaire, qui existent déjà : ce seraie
1905 le contrôle national et le contrôle démocratique de l’Armée commune. La procédure prévue pour la mobilisation et l’entrée
1906 n et l’entrée en campagne est telle (majorité des deux tiers ou unanimité des États, selon les cas) que l’on ne saurait imag
1907 tats, selon les cas) que l’on ne saurait imaginer d’ autre emploi de l’armée qu’en cas d’agression qualifiée contre un ou p
1908 cas) que l’on ne saurait imaginer d’autre emploi de l’armée qu’en cas d’agression qualifiée contre un ou plusieurs des Ét
1909 rait imaginer d’autre emploi de l’armée qu’en cas d’ agression qualifiée contre un ou plusieurs des États membres. Par sa s
1910 français vont-ils être commandés en allemand par d’ anciens feldweibel hitlériens ? » Ce serait en effet scandaleux pour l
1911 ndaleux pour le sentiment national des résistants de la dernière guerre. Mais c’est absolument exclu par les dispositions
1912 ntégration n’étant prévue qu’à l’échelon du corps d’ armée — nous venons de le voir. — « Mais si la France n’a pas le droit
1913 e le voir. — « Mais si la France n’a pas le droit d’ entretenir sa propre armée, comment défendra-t-elle ses colonies ? » p
1914 ant. Or, le cas est dûment prévu par les articles 10 et suivants, autorisant un État membre à détacher de son contingent l
1915 et suivants, autorisant un État membre à détacher de son contingent les forces nécessaires à la défense de ses territoires
1916 édé polémique des plus courants consiste à parler de la CED comme d’un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette conf
1917 s plus courants consiste à parler de la CED comme d’ un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beau
1918 s consiste à parler de la CED comme d’un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beaucoup de lecteu
1919 arler de la CED comme d’un « traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beaucoup de lecteurs, et tend à
1920 ecteurs, et tend à leur faire croire le contraire de ce qui est. Nous avons vu que le premier souci des auteurs français d
1921 ouci des auteurs français du traité fut justement d’ éliminer toute renaissance possible d’une Wehrmacht autonome. C’est au
1922 t justement d’éliminer toute renaissance possible d’ une Wehrmacht autonome. C’est au contraire si l’on refuse la CED que c
1923 rôle possible. J’entends et lis aussi des phrases de ce genre : « Ce traité désastreux va supprimer d’un trait de plume no
1924 de ce genre : « Ce traité désastreux va supprimer d’ un trait de plume notre glorieuse armée française, en même temps qu’il
1925  : « Ce traité désastreux va supprimer d’un trait de plume notre glorieuse armée française, en même temps qu’il réarmera l
1926 té. Si vraiment ce traité signifie la disparition de l’armée française, il empêche pour les mêmes raisons la réapparition
1927 il empêche pour les mêmes raisons la réapparition d’ une armée allemande. C’est en vertu d’une erreur semblable que d’excel
1928 emande. C’est en vertu d’une erreur semblable que d’ excellents patriotes redoutent « la perte de la souveraineté française
1929 e que d’excellents patriotes redoutent « la perte de la souveraineté française et la restitution de ses droits égaux à l’A
1930 te de la souveraineté française et la restitution de ses droits égaux à l’Allemagne ». En fait, le traité ne rend à l’Alle
1931 neté toute théorique que pour mieux lui permettre de la sacrifier aussitôt sur l’autel commun — au même titre que les cinq
1932 ssitôt sur l’autel commun — au même titre que les cinq autres pays. Enfin, certains soutiennent que le traité « impose à l’E
1933 si l’Europe ne se donne pas elle-même les moyens d’ assurer sa défense, c’est-à-dire si elle refuse la CED, alors et dans
1934 able. Qui est pour ? qui est contre ? Après deux ans de discussions et à la veille des décisions finales, la répartiti
1935 Qui est pour ? qui est contre ? Après deux ans de discussions et à la veille des décisions finales, la répartition des
1936 , la répartition des adversaires et des partisans de la CED apparaît facile à décrire. On peut même la prévoir selon l’âge
1937 s du communisme, du nationalisme traditionnel, et de certains intérêts privés, calculant à court terme. Les communistes ve
1938 autre part, les personnes âgées qui vivent encore de souvenirs glorieux, et de rancunes qui parfois le sont moins, entreti
1939 âgées qui vivent encore de souvenirs glorieux, et de rancunes qui parfois le sont moins, entretiennent l’illusion touchant
1940 tant que moi ! En faveur de la CED, nous trouvons d’ une manière générale ceux qui ont compris qu’ils vivent au xxe siècle
1941 compris qu’ils vivent au xxe siècle, que le rêve d’ une souveraineté nationale sans limites n’est plus qu’un rêve, que l’E
1942 réelle, pour ne rien dire des révoltes montantes de l’Asie, de l’Afrique, du Proche-Orient… En faveur de la CED, je vois
1943 ur ne rien dire des révoltes montantes de l’Asie, de l’Afrique, du Proche-Orient… En faveur de la CED, je vois l’Histoire,
1944 is l’Histoire, le réalisme, la raison, la volonté de sauver nos libertés, et la jeunesse. Certes, on peut se demander s’il
1945 ’elle est, si prudente et respectueuse des droits de chacun des États membres, suffira pour notre défense. Je me pose moi-
1946 s je vois un pays réaliste qui, lui, ne doute pas de l’efficacité de la CED : c’est la Russie, dont tout l’effort diplomat
1947 s réaliste qui, lui, ne doute pas de l’efficacité de la CED : c’est la Russie, dont tout l’effort diplomatique, depuis deu
1948 a Russie, dont tout l’effort diplomatique, depuis deux ans, ne vise qu’à retarder la décision française. Et même en admettan
1949 surestime la CED, comment ne pas voir qu’au-delà de sa valeur militaire — dont chacun souhaite qu’elle n’ait jamais à fai
1950 ouvre toutes grandes les perspectives prochaines d’ une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour t
1951 erspectives prochaines d’une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour tout un continent — dont la
1952 une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour tout un continent — dont la Suisse est le cœur. z.
1953 ont la Suisse est le cœur. z. Rougemont Denis de , « La CED, ses mythes et sa réalité », L’Illustré, Lausanne, 12 août
1954 ses mythes et sa réalité », L’Illustré, Lausanne, 12 août 1954, p. 19.
1955 es et sa réalité », L’Illustré, Lausanne, 12 août 1954, p. 19.
19 1954, Articles divers (1951-1956). Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954)
1956 Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954 )aa Parler fédéralisme sur un plan théorique serait contraire à l’a
1957 u nom desquels on le juge néfaste, et les maximes de l’action qui permettra de le surmonter. I. Naissance et proliférati
1958 néfaste, et les maximes de l’action qui permettra de le surmonter. I. Naissance et prolifération du nationalisme Goet
1959 imes de l’action qui permettra de le surmonter. I . Naissance et prolifération du nationalisme Goethe, assistant à la
1960 u nationalisme Goethe, assistant à la bataille de Valmy, s’écriait : « De ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle
1961 , assistant à la bataille de Valmy, s’écriait : «  De ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cr
1962 à la bataille de Valmy, s’écriait : « De ce lieu, de ce jour, on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cri de « Vive
1963 on datera l’ère nouvelle ». C’est en effet au cri de « Vive la Nation », clamé sur tout le front des troupes, que les Fran
1964 comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte de « Gott mit uns ! » aussitôt exaucé, puisque par ce seul cri la batail
1965 , c’est donc un idéal, une idéologie, le principe d’ une nouvelle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté.
1966 ologie, le principe d’une nouvelle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’e
1967 e d’une nouvelle communauté non de naissance mais d’ avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du
1968 elle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du peuple tout
1969 gie n’est pas le fait du peuple tout entier, mais d’ un parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du p
1970 , mais d’un parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du pays, la première tâche de l’État sera d’écr
1971 l’État. À l’intérieur du pays, la première tâche de l’État sera d’écraser les opposants, car la nation est religion et le
1972 térieur du pays, la première tâche de l’État sera d’ écraser les opposants, car la nation est religion et les religions ne
1973 ne transigent pas. L’État se voit donc contraint de renforcer la police, de centraliser tous les éléments du pouvoir, et
1974 at se voit donc contraint de renforcer la police, de centraliser tous les éléments du pouvoir, et de transformer la justic
1975 , de centraliser tous les éléments du pouvoir, et de transformer la justice en instrument de l’idéologie, le tout au nom d
1976 uvoir, et de transformer la justice en instrument de l’idéologie, le tout au nom de la nation. Il confond dans une même ré
1977 viendrait mon juge ! pense l’État idéologique, né d’ une révolution sanglante, et qui se sait illégitime dans sa prétention
1978 moitié du peuple. Mais si, à l’intérieur, l’idée de nation devient entre les mains de l’État un instrument d’oppression e
1979 térieur, l’idée de nation devient entre les mains de l’État un instrument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’ext
1980 n devient entre les mains de l’État un instrument d’ oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir u
1981 les mains de l’État un instrument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument de
1982 rvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument de guerre déclarée. Pourquoi la nation doit-elle faire la guerre ? Tout
1983 me le dira Hegel. Ensuite, parce que la collusion de l’État centralisé et de la nation missionnaire produit comme résultan
1984 e, parce que la collusion de l’État centralisé et de la nation missionnaire produit comme résultante fatale l’impérialisme
1985 e : et voici la France napoléonienne. L’idéologie de la nation est par essence conquérante : elle veut apporter la Liberté
1986 les, par la force au besoin. De plus, à la faveur de ces guerres que l’État présente toujours comme une « défense de nos f
1987 par l’État : nous assistons à la première en date de toutes les « nationalisations », celle des patriotismes locaux ! Noto
1988 ée, justifie toujours le sacrifice « temporaire » de certaines libertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’urgen
1989 de certaines libertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on ait vue rapportée une
1990 bertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’ urgence, prises par l’État, qu’on ait vue rapportée une fois la paix r
1991 tée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme de l’État-nation non seulement conduit à la guerre, mais trouve en elle
1992 en elle les conditions du renforcement continuel de son pouvoir. Mais voici que la guerre nationale menée par les soldats
1993 e nationale menée par les soldats « libérateurs » de la Révolution et de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Eu
1994 r les soldats « libérateurs » de la Révolution et de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Europe l’idéologie uni
1995 e constituer. Hegel est la contrepartie réflexive de Napoléon. Hegel, conformément à l’esprit de Valmy, se représente la n
1996 exive de Napoléon. Hegel, conformément à l’esprit de Valmy, se représente la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce n
1997 e. « Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son caractère, mais c’est son esprit nation
1998 ure.) Cet esprit national est « un dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint
1999 domine le peuple qui incarne le plus haut concept de l’Esprit. » Voici donc les peuples élevés à la dignité d’intentions p
2000 rit. » Voici donc les peuples élevés à la dignité d’ intentions particulières de l’esprit mondial, mais en même temps, les
2001 es élevés à la dignité d’intentions particulières de l’esprit mondial, mais en même temps, les voici privés sous peine de
2002 voici privés sous peine de « nullité politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans l
2003 s peine de « nullité politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur et sans
2004 té politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous as
2005 ans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. ⁂ Mais cet Éta
2006 re. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. ⁂ Mais cet État-nation,
2007 ux nations. ⁂ Mais cet État-nation, une fois doué de toute la personnalité dont il tend à priver les hommes réels, comment
2008 -il se comporter dans le monde ? L’idéal primitif de la nation, confisqué par l’État français, lui-même confisqué par un C
2009 é et récemment conquis —, a conduit à des guerres d’ agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes, qui vont
2010 lismes, qui vont revendiquer à leur tour le droit de dominer l’époque, après s’être arrogé (au nom de la liberté) le droit
2011 rès s’être arrogé (au nom de la liberté) le droit de régner absolument sur leurs sujets. À cette fin, chacun prétendra qu’
2012 un prétendra qu’il incarne « le plus haut concept de l’esprit ». Pour la Prusse, l’idée de l’État définie par Hegel et Fic
2013 aut concept de l’esprit ». Pour la Prusse, l’idée de l’État définie par Hegel et Fichte. Pour l’Angleterre, la maîtrise de
2014 uie, l’Irlande et Israël se livrer au jeu pénible de restaurer artificiellement leur « langue nationale », parfaitement ou
2015 puis longtemps, afin de mieux prouver leur raison d’ être. Nationalisme de reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai
2016 de mieux prouver leur raison d’être. Nationalisme de reflet, d’imitation, parfois plus proche du vrai patriotisme, mais to
2017 ouver leur raison d’être. Nationalisme de reflet, d’ imitation, parfois plus proche du vrai patriotisme, mais tout aussi ja
2018 même hargneux que celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts de l’esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation
2019 celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts de l’esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longte
2020 u’au jour où seront proclamés certains « concepts de l’esprit » plus redoutables : encore la « race des maîtres », le « He
2021 vement parlant. À partir de Napoléon, les nations de l’Europe vont se conduire comme des « individus » sans foi ni loi, au
2022 foi ni loi, au détriment de la grande communauté de civilisation qu’était l’Europe. Chacune se dira « souveraine », à l’i
2023 e », à l’imitation des rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessu
2024 ptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc par le dro
2025 ions. Le droit divin se traduit donc par le droit de l’État le plus fort. Celui-ci ne connaît plus d’autres obligations qu
2026 passés avec ses concurrents, alliances ou traités de commerce révoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-
2027 ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-douzaine d’ « États-gangsters », follement susceptibles, dépourvus de tout scrupul
2028 ts-gangsters », follement susceptibles, dépourvus de tout scrupule communautaire, main dans la poche, prêts à tirer, vont
2029 , main dans la poche, prêts à tirer, vont essayer de faire la loi en Europe. On parlera beaucoup de « concert des nations 
2030 n parlera beaucoup de « concert des nations », et de « droit international », mais il est clair que ces États-nations-Indi
2031 t limitant leur « absolue souveraineté ». Pendant cent ans, l’Europe qui se croit rationnelle vivra sur cette absurdité fond
2032 nnelle vivra sur cette absurdité fondamentale. En 1914, elle en mourra. Mais comment cette absurdité a-t-elle pu triompher pe
2033 on enseignement, en devenant elle-même une source de « sacré ». L’Aigle, les Trois Couleurs et le Petit Chapeau jouent au
2034 t elle-même une source de « sacré ». L’Aigle, les Trois Couleurs et le Petit Chapeau jouent au début le rôle du labarum, du c
2035 ouent au début le rôle du labarum, du crucifix et de la mitre. Les cérémonies viendront plus tard, avec les monuments aux
2036 l’instruction publique obligatoire se chargeront d’ en rédiger les hymnes et le catéchisme. Cette religion nationale, que
2037 era même pas le christianisme, elle se contentera de l’annexer dans les occasions décisives. Lorsqu’un Maurice Barrès célè
2038 rsqu’un Maurice Barrès célèbre l’union « sacrée » de la nation dans laquelle catholiques, protestants et agnostiques « oub
2039 ne proteste contre cette subordination méprisante de sa foi à l’esprit national. On n’y voit qu’une manière de parler… Et
2040 i à l’esprit national. On n’y voit qu’une manière de parler… Et cependant cet esprit national est un dieu bien réel, et qu
2041 roit vraiment, puisqu’il peut exiger le sacrifice de la vie même du citoyen. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vi
2042 e du citoyen. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vies ? Une certaine communion vague et puissante, qui permet à l’
2043 union vague et puissante, qui permet à l’individu de dépasser son horizon restreint, de s’affranchir de ses soucis privés
2044 t à l’individu de dépasser son horizon restreint, de s’affranchir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se senti
2045 e dépasser son horizon restreint, de s’affranchir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se sentir comme transpor
2046 t, de s’affranchir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se sentir comme transporté dans une espèce de transcend
2047 chir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vrai d
2048 et de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’un égoïsme, mais telle
2049 e de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’ un égoïsme, mais tellement élargi qu’il en devient vertu. On l’enseign
2050 vertu. On l’enseigne dans les écoles sous le nom de « patriotisme ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité, et jusq
2051 icites et honorables, dès qu’on les met au compte de la nation où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dir
2052 et au compte de la nation où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de
2053 ris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette
2054 l n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette religion nationale demeure bien
2055 dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous. Pourtant, cette religion nationale demeure bien incapable d
2056 , cette religion nationale demeure bien incapable d’ animer l’existence tout entière de l’homme. « L’orgueil national est l
2057 bien incapable d’animer l’existence tout entière de l’homme. « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne » remarq
2058 ne donne, infiniment plus, à l’absurde. Principe de haine, plus que d’amour, la nation revendique des absolus dont il est
2059 nt plus, à l’absurde. Principe de haine, plus que d’ amour, la nation revendique des absolus dont il est manifeste qu’elle
2060 ement indigne et matériellement incapable : celui de la souveraineté sans limites, par exemple, qui est un des attributs d
2061 ns limites, par exemple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraisemblance. « La
2062 mple, qui est un des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraisemblance. « La France éternelle »
2063 ibuts de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraisemblance. « La France éternelle », « l’Allemagne immortell
2064 ortelle » sont des expressions courantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut des millions d’hommes, qui en oublient
2065 es en temps de guerre. Cette rhétorique émeut des millions d’hommes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’Histoire. Ce
2066 ps de guerre. Cette rhétorique émeut des millions d’ hommes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’Histoire. Ces c
2067 mes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’ Histoire. Ces contradictions essentielles — entre la souveraineté abso
2068 ienne, entre la nation et la paix — ont éclaté en 1914. Et l’Europe depuis lors se trouve devant ce choix, dont nous devons l
2069 une et diverse, et cela suppose briser le carcan de l’État-nation, recréer des pouvoirs locaux, dévaloriser les frontière
2070 assumant au mépris des personnes ses prétentions d’ Église sans Dieu, et réclamant non seulement la mort en masse mais la
2071 t non seulement la mort en masse mais la totalité de la vie des hommes. Voilà le grand dilemme de notre temps. II. Crit
2072 lité de la vie des hommes. Voilà le grand dilemme de notre temps. II. Critique fédéraliste du nationalisme Appliquon
2073 hommes. Voilà le grand dilemme de notre temps. II . Critique fédéraliste du nationalisme Appliquons maintenant notre
2074 t au moins dans nos réflexes acquis sur les bancs de l’école primaire. ⁂ La souveraineté nationale, tout d’abord. On a rem
2075 nfondaient sincèrement et réellement les concepts de patrie réelle, de nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple,
2076 ment et réellement les concepts de patrie réelle, de nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennell
2077 ement les concepts de patrie réelle, de nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennellement que la
2078 s’écria solennellement que la CED était « la fin de la France », parce que la CED prétendait limiter la souveraineté de l
2079 rce que la CED prétendait limiter la souveraineté de l’État dans le domaine militaire. À ses yeux donc, une France non abs
2080 eraine n’était plus la France. La seule évocation d’ une atteinte possible à la souveraineté absolue lui paraissait suffisa
2081 rès laïque M. Herriot est en réalité un fanatique de la religion de la nation. S’il n’était pas aveuglé par la superstitio
2082 erriot est en réalité un fanatique de la religion de la nation. S’il n’était pas aveuglé par la superstition jacobine, il
2083 bsolue n’est qu’un mythe, inventé par les prêtres de la nation dans le dessein d’asservir les esprits à l’État. La souvera
2084 enté par les prêtres de la nation dans le dessein d’ asservir les esprits à l’État. La souveraineté absolue n’existe pas, e
2085 i la souveraineté comme « la faculté pour un État d’ agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites
2086 ine ». Or il n’est pas un seul État européen qui, de nos jours, ait conservé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur. I
2087 ropéen qui, de nos jours, ait conservé la faculté d’ agir à sa guise à l’extérieur. Il n’en est pas un seul qui soit capabl
2088 térieur. Il n’en est pas un seul qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assure
2089 un seul qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assurer seul sa prospérité, de
2090 guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’ assurer seul sa prospérité, de se défendre seul pendant plus de quelqu
2091 comme il l’entend, d’assurer seul sa prospérité, de se défendre seul pendant plus de quelques heures contre une attaque d
2092 l sa prospérité, de se défendre seul pendant plus de quelques heures contre une attaque des Russes ou des Américains, bref
2093 re une attaque des Russes ou des Américains, bref de vivre en vase clos ou de jouer au pirate. Ces limites décisives à la
2094 ou des Américains, bref de vivre en vase clos ou de jouer au pirate. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont poin
2095 eté nationale, vis-à-vis de l’extérieur, n’a plus d’ autre existence que celle d’une illusion pseudo-religieuse et obsessiv
2096 l’extérieur, n’a plus d’autre existence que celle d’ une illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où la voit-on à l’œuvre ?
2097 mais seulement dans les discours des adversaires de la CED ou de toute autre forme d’organisation de l’Europe. Non pas co
2098 nt dans les discours des adversaires de la CED ou de toute autre forme d’organisation de l’Europe. Non pas comme une réali
2099 des adversaires de la CED ou de toute autre forme d’ organisation de l’Europe. Non pas comme une réalité, mais bien comme u
2100 de la CED ou de toute autre forme d’organisation de l’Europe. Non pas comme une réalité, mais bien comme un prétexte à re
2101 réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’une H
2102 ées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’ une Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout ang
2103 ’école, agressivité frustrée, et surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’un c
2104 entité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’ un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’
2105 donc pris les caractères cliniques d’un complexe. D’ où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réa
2106 où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevo
2107 apter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus g
2108 changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’ où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus grossières du commun
2109 r affectivité inquiète comme Iago sur la jalousie d’ Othello. D’où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saug
2110 té inquiète comme Iago sur la jalousie d’Othello. D’ où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui c
2111 lo. D’où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur la souverainet
2112 a souveraineté nationale absolue, qu’une attitude de scepticisme intégral, tempérée par un souci de clinicien : le nationa
2113 de de scepticisme intégral, tempérée par un souci de clinicien : le nationaliste, en effet, n’est pas simplement un homme
2114 on erreur. C’est bien plutôt un homme qui souffre de la crainte morbide de perdre une puissance magique qui n’existe pas !
2115 plutôt un homme qui souffre de la crainte morbide de perdre une puissance magique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup mo
2116 gique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’éviter d’exciter sa névrose. Nous reviendrons sur le
2117 pas ! Il s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’ éviter d’exciter sa névrose. Nous reviendrons sur les conséquences à t
2118 s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’éviter d’ exciter sa névrose. Nous reviendrons sur les conséquences à tirer de c
2119 se. Nous reviendrons sur les conséquences à tirer de ce diagnostic. ⁂ Un autre élément du nationalisme profondément induré
2120 isme profondément induré dans les esprits, depuis quatre ou cinq générations, par les soins de l’instruction publique, c’est l
2121 ndément induré dans les esprits, depuis quatre ou cinq générations, par les soins de l’instruction publique, c’est la confus
2122 depuis quatre ou cinq générations, par les soins de l’instruction publique, c’est la confusion établie entre « Patrie »,
2123 La Patrie, pour le fédéraliste, est une réalité d’ instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique
2124 our le fédéraliste, est une réalité d’instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique, une implanta
2125 t une réalité d’instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique, une implantation géophysique, loca
2126 contraire, est une réalité idéale ou idéologique. D’ où la différence foncière que voici : on peut annexer des peuples à un
2127 ent influencée et jamais déterminée par la nature de la patrie concrète, encore moins par ses limites naturelles. Il suffi
2128 ncore moins par ses limites naturelles. Il suffit de constater que la forme de l’État est à peu près la même de nos jours
2129 s naturelles. Il suffit de constater que la forme de l’État est à peu près la même de nos jours dans les patries et les na
2130 ter que la forme de l’État est à peu près la même de nos jours dans les patries et les nations les plus diverses. D’autre
2131 État n’entretient avec la nation que les rapports d’ usurpation et de confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la La
2132 t avec la nation que les rapports d’usurpation et de confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la Langue, elle ne co
2133 accablantes n’empêchent pas le nationaliste moyen de revendiquer l’annexion à son État, au nom de son propre sentiment pat
2134 État, au nom de son propre sentiment patriotique, de peuples qui ont l’honneur de parler sa langue, quand celle-ci se trou
2135 ntiment patriotique, de peuples qui ont l’honneur de parler sa langue, quand celle-ci se trouve être celle d’une majorité
2136 er sa langue, quand celle-ci se trouve être celle d’ une majorité dans les frontières actuelles de l’État en question. La c
2137 elle d’une majorité dans les frontières actuelles de l’État en question. La confusion Patrie-État-nation-Langue, résultat
2138 La confusion Patrie-État-nation-Langue, résultat d’ une ignorance crasse, sévit dans plusieurs chapitres des traités de Ve
2139 rasse, sévit dans plusieurs chapitres des traités de Versailles, Trianon et Saint-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle
2140 int-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle sert de prétexte au premier nigaud venu pour mettre en doute la possibilité d
2141 r nigaud venu pour mettre en doute la possibilité d’ une Europe unie. Dissocier ce conglomérat monstrueux, réfuter cette co
2142 confusion séculaire, la ridiculiser et l’extirper de l’enseignement, voilà qui me paraît l’une des toutes premières tâches
2143 urde. Non content de prétendre forcer dans le lit de Procuste des mêmes frontières administratives, patries locales, natio
2144 venu français ou allemand selon qu’il se trouvait d’ un côté ou de l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolong
2145 ou allemand selon qu’il se trouvait d’un côté ou de l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolongée dans le so
2146 d selon qu’il se trouvait d’un côté ou de l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolongée dans le sous-sol muet
2147 st qu’une transposition particulièrement insensée de la volonté d’isolement à la fois anxieux et agressif que représente l
2148 sposition particulièrement insensée de la volonté d’ isolement à la fois anxieux et agressif que représente l’État-nation.
2149 bien-être des hommes soit sacrifié à la puissance de l’État, et leurs libertés concrètes à sa liberté abstraite, qu’il nom
2150 humaine, puisqu’en fait on lui sacrifie la santé d’ un pays et son niveau de vie, la liberté économique et la justice elle
2151 la souveraineté absolue, elle ne représente rien d’ autre qu’une tendance psychologique morbide, un prétexte à refuser tou
2152 bide, un prétexte à refuser toute mesure réaliste de coopération et à autoriser les tricheries les plus effrontées dans le
2153 ris pour la religion, l’a remplacé par le concept de « culture nationale ». On prétend que les idées ne connaissent pas de
2154 le ». On prétend que les idées ne connaissent pas de frontières, mais l’instruction publique a changé cela. (Et l’Universi
2155 es encyclopédies et les revues parlent couramment de « science française », de « science allemande », etc. (variétés que l
2156 vues parlent couramment de « science française », de « science allemande », etc. (variétés que les Soviets englobent d’ail
2157 iets englobent d’ailleurs sous le titre diffamant de « science bourgeoise »). Sous Hitler, on parlait également de mathéma
2158 bourgeoise »). Sous Hitler, on parlait également de mathématiques allemandes, et sous Staline, d’une biologie marxiste. C
2159 ent de mathématiques allemandes, et sous Staline, d’ une biologie marxiste. Ces excès doivent nous rendre attentifs à l’usa
2160 une plus grande rigueur ? La volonté fondamentale de l’État-nation : imposer les mêmes frontières au patriotisme, à l’admi
2161 nationalisme. Et ceci nous permet, par contraste, de décrire l’attitude fédéraliste comme un simple retour au respect des
2162 des réalités, comme une référence au bon sens. III . Deux modes de penser Il y a dans notre Europe du xxe siècle, deu
2163 éalités, comme une référence au bon sens. III. Deux modes de penser Il y a dans notre Europe du xxe siècle, deux type
2164 mme une référence au bon sens. III. Deux modes de penser Il y a dans notre Europe du xxe siècle, deux types d’espri
2165 enser Il y a dans notre Europe du xxe siècle, deux types d’esprit et de sensibilité politique : les nationalistes (dont
2166 y a dans notre Europe du xxe siècle, deux types d’ esprit et de sensibilité politique : les nationalistes (dont les plus
2167 tre Europe du xxe siècle, deux types d’esprit et de sensibilité politique : les nationalistes (dont les plus conséquents
2168 on peut rapporter sans conteste à l’un ou l’autre de ces types d’esprit, dans le passé récent de l’Occident ? Le nationali
2169 rter sans conteste à l’un ou l’autre de ces types d’ esprit, dans le passé récent de l’Occident ? Le nationalisme a représe
2170 autre de ces types d’esprit, dans le passé récent de l’Occident ? Le nationalisme a représenté au xixe siècle le seul pri
2171 sme a représenté au xixe siècle le seul principe de communion civique qui ait survécu au raz-de-marée rationaliste et jac
2172 ionaliste et jacobin ; et aussi l’agent principal de l’expansion européenne. Ce sont en effet les États-nations, et non pa
2173 Européens, le nationalisme développait les germes de notre décadence. D’une part, chez les peuples lointains qu’il venait
2174 es peuples lointains qu’il venait de coloniser et d’ humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’« indépendance nation
2175 e coloniser et d’humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’« indépendance nationale » qui allait se dresser contre
2176 d’humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’ « indépendance nationale » qui allait se dresser contre lui au nom de
2177 e de plus en plus totalitaire. Si l’Europe, entre 1914 et 1954, a connu la décadence rapide, la chute de potentiel, le recul
2178 s en plus totalitaire. Si l’Europe, entre 1914 et 1954, a connu la décadence rapide, la chute de potentiel, le recul mondial
2179 14 et 1954, a connu la décadence rapide, la chute de potentiel, le recul mondial que l’on sait, elle le doit, à un double
2180 au-dedans. En revanche, le fédéralisme a produit deux témoignages exemplaires de sa vitalité : les USA et la Suisse. Ces de
2181 édéralisme a produit deux témoignages exemplaires de sa vitalité : les USA et la Suisse. Ces deux pays ont été à la fois l
2182 laires de sa vitalité : les USA et la Suisse. Ces deux pays ont été à la fois les plus prospères et les plus pacifiques de l
2183 la fois les plus prospères et les plus pacifiques de l’ère moderne : ils n’ont provoqué aucune guerre. Toutes les dernière
2184 ique du xxe siècle, et avec les intérêts majeurs de l’Europe, tant spirituels que matériels. En s’opposant à l’ouverture
2185 ériels. En s’opposant à l’ouverture indispensable d’ un grand marché continental, il entretient dans les pays protectionnis
2186 leur nature, ou par leur portée, ou par leur coût de production, ou enfin par les échanges que ces techniques multiplient
2187 ’égoïsme politique mal compris opposent à l’union de l’Europe ; il est devenu au surplus une forme de pensée réactionnaire
2188 de l’Europe ; il est devenu au surplus une forme de pensée réactionnaire, un système de références démodé et rétrograde,
2189 lus une forme de pensée réactionnaire, un système de références démodé et rétrograde, et cela un siècle et demi seulement
2190 vec l’évolution technique et les nouvelles formes de la pensée scientifique. La pensée fédéraliste, en effet, se représent
2191 nte la société européenne comme une constellation de foyers créateurs, non comme un puzzle formé de pièces rigides et défi
2192 on de foyers créateurs, non comme un puzzle formé de pièces rigides et définies d’abord par leur contour. Elle conçoit les
2193 rapports humains et politiques comme un complexe de tensions normales entre des pôles opposés mais valables, non comme la
2194 opposés mais valables, non comme la juxtaposition de monades ou d’autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrech
2195 alables, non comme la juxtaposition de monades ou d’ autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalem
2196 position de monades ou d’autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalement. Nos coutumes et nos st
2197 le polémique ne lui apparaissent pas comme autant de contradictions insupportables, qu’il faut tenter de réduire à l’unifo
2198 contradictions insupportables, qu’il faut tenter de réduire à l’uniformité si l’on ne peut les isoler par des cloisons ét
2199 oler par des cloisons étanches, mais comme autant de valeurs « complémentaires », dont le dialogue fait la richesse de l’O
2200 plémentaires », dont le dialogue fait la richesse de l’Occident. Or nous voyons que la science actuelle pense également pa
2201 ue la science actuelle pense également par champs de forces en interaction, non par entités statiques, et qu’elle a substi
2202 tés statiques, et qu’elle a substitué au principe de non-contradiction qui bloquait le progrès des sciences physiques, le
2203 it le progrès des sciences physiques, le principe de complémentarité. Qu’il s’agisse de la théorie des jeux appliquée par
2204 s, le principe de complémentarité. Qu’il s’agisse de la théorie des jeux appliquée par von Neumann à la politique et à l’é
2205 ar von Neumann à la politique et à l’économie, ou de l’organisation technique des entreprises, la science actuelle dépasse
2206 à rechercher le meilleur équilibre « en tension » de deux groupes différents, sauvegardant de la sorte à la fois leur indi
2207 echercher le meilleur équilibre « en tension » de deux groupes différents, sauvegardant de la sorte à la fois leur individua
2208 ension » de deux groupes différents, sauvegardant de la sorte à la fois leur individualité et leur relation créatrice. Il
2209 et leur relation créatrice. Il serait bien utile de prolonger ce parallèle dans le domaine de la biologie et de la psycho
2210 n utile de prolonger ce parallèle dans le domaine de la biologie et de la psychologie : je le suggère à des esprits plus c
2211 er ce parallèle dans le domaine de la biologie et de la psychologie : je le suggère à des esprits plus compétents. J’enten
2212 science moderne a conçue ; et il suppose un monde de relations libres et décentralisées qui est précisément celui que la t
2213 ans le droit fil des traditions les plus fécondes de l’Occident. On sait que l’Orient et l’Occident s’opposent comme le mo
2214 est aussi le principe vivant du fédéralisme. Être d’ une patrie locale en tant qu’on y est né, mais d’une religion universe
2215 d’une patrie locale en tant qu’on y est né, mais d’ une religion universelle en tant qu’on y croit ; se rattacher par la l
2216 ; pouvoir au surplus s’affilier à une telle école de pensée, d’art ou de doctrine politique, proche ou lointaine dans le t
2217 u surplus s’affilier à une telle école de pensée, d’ art ou de doctrine politique, proche ou lointaine dans le temps ou l’e
2218 s’affilier à une telle école de pensée, d’art ou de doctrine politique, proche ou lointaine dans le temps ou l’espace, se
2219 qu’une dispersion qui l’angoisse et où il craint de perdre son identité. Le fédéraliste au contraire y voit une possibili
2220 e fédéraliste au contraire y voit une possibilité d’ enrichissement de la personne. (J’ai souvent défini la liberté comme l
2221 contraire y voit une possibilité d’enrichissement de la personne. (J’ai souvent défini la liberté comme le droit d’apparte
2222 e. (J’ai souvent défini la liberté comme le droit d’ appartenir à plusieurs clubs !) Ce pluralisme redouté par le nationali
2223 alitaire, est le secret des pouvoirs créateurs et de la santé mentale de l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédérali
2224 ret des pouvoirs créateurs et de la santé mentale de l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédéralisme est dans la lign
2225 rappellerai que le fédéralisme est dans la ligne de la pensée chrétienne, alors que le nationalisme est foncièrement païe
2226 ment païen, idolâtre et antichrétien. L’idée même de nation est étrangère au dogme et à la foi chrétienne. Le Christ est m
2227 che une organisation personnaliste et fédéraliste de la société et de la communauté des peuples. Là encore, la cause est j
2228 ion personnaliste et fédéraliste de la société et de la communauté des peuples. Là encore, la cause est jugée. L’Histoire,
2229 ent sans appel le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe et de sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme
2230 le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe et de sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme Et cependant,
2231 aliste, destructeur de l’Europe et de sa paix. IV . Stratégie et tactique du fédéralisme Et cependant, il nous faut b
2232 tionalistes ont sur nous les avantages du nombre, d’ une routine centenaire (qu’ils prennent à tort pour la tradition), du
2233 cocardier, encore si puissant sur les foules, et de l’appui d’intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous av
2234 encore si puissant sur les foules, et de l’appui d’ intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous avons sur eux
2235 aut. Mais nous avons sur eux l’avantage important de défendre une cause qu’ils n’osent pas attaquer : celle de l’union eur
2236 dre une cause qu’ils n’osent pas attaquer : celle de l’union européenne. Il est clair que tous les obstacles à cette union
2237 férents prétextes, mais ils lui rendent l’hommage d’ une adhésion de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le n
2238 es, mais ils lui rendent l’hommage d’une adhésion de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le nationalisme ren
2239 e d’une adhésion de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le nationalisme rend à l’Europe unie. Et M. Molotov
2240 lisme, c’est-à-dire en tenant compte à chaque pas de cette double nécessité : instituer une union réelle, sauvegarder nos
2241 is si l’on opprime ses diversités, l’Europe cesse d’ être elle-même. Ces deux exigences, bien moins contradictoires que « c
2242 diversités, l’Europe cesse d’être elle-même. Ces deux exigences, bien moins contradictoires que « complémentaires », comman
2243 Europe, et que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt d’opposer leurs « solutions de rechange » à notre volonté const
2244 t que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt d’ opposer leurs « solutions de rechange » à notre volonté constructive.
2245 esseront pas de sitôt d’opposer leurs « solutions de rechange » à notre volonté constructive. Quelles seront les maximes d
2246 volonté constructive. Quelles seront les maximes de notre lutte, dans cette situation de fait ? ⁂ J’envisagerai trois exe
2247 les maximes de notre lutte, dans cette situation de fait ? ⁂ J’envisagerai trois exemples typiques, l’un concernant la po
2248 e, dans cette situation de fait ? ⁂ J’envisagerai trois exemples typiques, l’un concernant la politique, le second l’économie
2249 e, le second l’économie, le troisième la culture. — Il y a d’abord la fameuse querelle de la souveraineté nationale. Fa
2250 culture. 1° — Il y a d’abord la fameuse querelle de la souveraineté nationale. Faut-il la sacrifier ? Suffit-il de la lim
2251 ineté nationale. Faut-il la sacrifier ? Suffit-il de la limiter ? Ou bien peut-on la conserver tout en faisant l’Europe ?
2252 comme M. Herriot, nous disent qu’ils veulent bien d’ une Europe unie, à condition qu’elle respecte les souverainetés nation
2253 elle conduit à refuser toute proposition concrète d’ union — on vient de le voir par le rejet de la CED. Ceci dit, les fédé
2254 ncrète d’union — on vient de le voir par le rejet de la CED. Ceci dit, les fédéralistes doivent-ils engager la bataille su
2255 stes doivent-ils engager la bataille sur le thème de « l’abandon des souverainetés » ? Je ne le crois pas, pour deux raiso
2256 on des souverainetés » ? Je ne le crois pas, pour deux raisons. La première, c’est que la souveraineté nationale est encore
2257 e un mythe puissamment agissant sur les primaires de la presse, des parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. D
2258 ur les primaires de la presse, des parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque un
2259 la presse, des parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque une opposition passio
2260 emme : souveraineté ou fédération. Et sur la base d’ une expérience historique probante, je leur propose une solution prati
2261 s réussies, on peut citer la Suisse sans soulever d’ objections. Chacun sait que son régime politique est l’un des plus sta
2262 e fédéraliste parvint à se faire accepter par les 22 cantons qui étaient encore, au début de 1848, des États parfaitement
2263 r par les 22 cantons qui étaient encore, au début de 1848, des États parfaitement souverains. Tout le monde admettait, à c
2264 ar les 22 cantons qui étaient encore, au début de 1848, des États parfaitement souverains. Tout le monde admettait, à ce mome
2265 ns étouffaient l’économie. Mais toute proposition de pacte fédéral plus étroit se heurtait au veto des cantons, jaloux de
2266 us étroit se heurtait au veto des cantons, jaloux de leur souveraineté sacrée. La solution qui s’imposa finalement, au len
2267 La solution qui s’imposa finalement, au lendemain de la guerre civile dite du Sonderbund (1847), fut la suivante : loin d’
2268 lendemain de la guerre civile dite du Sonderbund ( 1847 ), fut la suivante : loin d’exiger des cantons une renonciation à leur
2269 dite du Sonderbund (1847), fut la suivante : loin d’ exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, la Constituti
2270 ation à leur souveraineté, la Constitution suisse de 1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle
2271 on à leur souveraineté, la Constitution suisse de 1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle en dé
2272 les textes : Article premier. — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance… forme
2273 . — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance… forment dans leur ensemble
2274 s leur ensemble la Confédération suisse. Article 3. — Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas
2275 ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération garantit aux cantons leur territoire, la souverain
2276 ouveraineté dans les limites fixées par l’article 3, leurs constitutions, la liberté et les droits du peuple… (etc.) Rati
2277 e depuis cent-six ans. On peut les qualifier soit d’ habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pr
2278 peut les qualifier soit d’habile compromis, soit d’ échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.
2279 ue ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant ell
2280 st pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres !
2281 Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres ! Souveraineté plus ou moins fictive, direz-vous ? Raison
2282 iveau de la fédération. Tout cela me paraît plein d’ enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Tout cela nous indique une
2283 ela me paraît plein d’enseignements pour l’Europe d’ aujourd’hui. Tout cela nous indique une voie : nous devons désormais c
2284 sur la mise en discussion et sur la ratification d’ une Constitution fédérale de l’Europe, afin que l’Europe recouvre, ent
2285 t sur la ratification d’une Constitution fédérale de l’Europe, afin que l’Europe recouvre, entre les grands empires, une s
2286 les grands empires, une souveraineté qui échappe de toute manière à ses nations. Nous savons bien comment vont réagir le
2287 dissimuler derrière ce petit préfixe leur qualité d’ adversaires réels de l’union. Mais là encore, je demande que les fédér
2288 ce petit préfixe leur qualité d’adversaires réels de l’union. Mais là encore, je demande que les fédéralistes refusent de
2289 encore, je demande que les fédéralistes refusent de se battre pour des mots trompeurs. C’est le contenu et la visée fédér
2290 des nationalismes intégraux, — je serai content. — Dans le domaine économique, également, cherchons la réalité derrièr
2291 ce faux dilemme, pour la même raison qu’il refuse de choisir entre les autonomies régionales absolues et l’unification for
2292 me est une manière souple et sans cesse réajustée de distinguer entre ce qui doit être mis en commun pour mieux fonctionne
2293 nes la part des automatismes nécessaires et celle de l’invention libre, la part des fonctions étatiques collectivisées et
2294 risques personnels. Les nationalistes, incapables de nier la nécessité d’une coopération continentale, ne proposent que de
2295 es nationalistes, incapables de nier la nécessité d’ une coopération continentale, ne proposent que des marchandages entre
2296 services fédéraux organisant toutes les activités de production, d’investissement et de transport qui, par nature, déborde
2297 ux organisant toutes les activités de production, d’ investissement et de transport qui, par nature, débordent la capacité
2298 les activités de production, d’investissement et de transport qui, par nature, débordent la capacité d’un seul pays ; et
2299 transport qui, par nature, débordent la capacité d’ un seul pays ; et nous demandons la libération correspondante ou compl
2300 ou complémentaire des entreprises dont l’optimum de production reste local ou régional. Ici, comme sur le plan des struct
2301 puis ici qu’indiquer sommairement cette direction de recherches économiques. Mais je tenais à marquer son articulation sol
2302 ions fédéralistes et personnalistes d’autre part. — Deux mots enfin sur le problème de la culture. Il est une phrase qu
2303 fédéralistes et personnalistes d’autre part. 3° — Deux mots enfin sur le problème de la culture. Il est une phrase que je re
2304 ’autre part. 3° — Deux mots enfin sur le problème de la culture. Il est une phrase que je retrouve dans tous les plans et
2305 t même par Strasbourg : il s’agit, nous dit-on, «  d’ organiser des échanges culturels entre nations ». Une sensibilité fédé
2306 cidentale n’a jamais coïncidé avec les frontières de nos États actuels, pour l’excellente raison qu’elle existait bien ava
2307 n qu’elle existait bien avant eux. Elle a précédé de mille à deux-mille ans la tentative de morceler notre héritage commun
2308 u’elle existait bien avant eux. Elle a précédé de mille à deux-mille ans la tentative de morceler notre héritage commun en « 
2309 a précédé de mille à deux-mille ans la tentative de morceler notre héritage commun en « cultures nationales », tentative
2310 leurs avortée, qui n’a guère qu’un siècle et demi d’ âge en France, moins d’un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’
2311 guère qu’un siècle et demi d’âge en France, moins d’ un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’années en Turquie et en
2312 ance, moins d’un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’années en Turquie et en Irlande. Jamais la culture en Europe ne s’e
2313 ns d’un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’ années en Turquie et en Irlande. Jamais la culture en Europe ne s’est
2314 éveloppée par des échanges contrôlés et officiels de nation à nation. Elle est née dans des foyers locaux qui ne correspon
2315 ns des foyers locaux qui ne correspondent à aucun de nos États-nations — la Lombardie, l’Ombrie, les Flandres, la Rhénanie
2316 is, Bâle ou Oxford. Elle s’est propagée librement de l’un à l’autre de ces foyers. Et grâce à cette interaction perpétuell
2317 tes ses formes nous sont communes, qu’il s’agisse de la symphonie ou du concerto, du roman ou du sonnet, de l’équation ou
2318 symphonie ou du concerto, du roman ou du sonnet, de l’équation ou de la théorie des groupes, de la fresque ou du tableau
2319 concerto, du roman ou du sonnet, de l’équation ou de la théorie des groupes, de la fresque ou du tableau de chevalet, du v
2320 nnet, de l’équation ou de la théorie des groupes, de la fresque ou du tableau de chevalet, du vocabulaire ou des catégorie
2321 théorie des groupes, de la fresque ou du tableau de chevalet, du vocabulaire ou des catégories philosophiques, et en géné
2322 e ou des catégories philosophiques, et en général de toutes les théories et procédés scientifiques. À quoi servirait, dès
2323 océdés scientifiques. À quoi servirait, dès lors, de « multiplier les échanges culturels » comme on dit, entre la Suède et
2324 peuples à se mieux connaître » par le truchement d’ œuvres d’art nées sur leur territoire actuel. Les artistes les plus ty
2325 territoire actuel. Les artistes les plus typiques de l’esprit national d’un peuple sont en général les plus mauvais. Ce n’
2326 s artistes les plus typiques de l’esprit national d’ un peuple sont en général les plus mauvais. Ce n’est pas Mallarmé, ni
2327 comme telle. Et les peuples ont bien moins besoin de se connaître personnellement que d’être enfin débarrassés de l’enseig
2328 moins besoin de se connaître personnellement que d’ être enfin débarrassés de l’enseignement nationaliste, qui leur inculq
2329 ître personnellement que d’être enfin débarrassés de l’enseignement nationaliste, qui leur inculque dès l’enfance la méfia
2330 ur inculque dès l’enfance la méfiance et la haine de leurs voisins. Il résulte de ces brèves remarques que préconiser comm
2331 méfiance et la haine de leurs voisins. Il résulte de ces brèves remarques que préconiser comme on fait des échanges cultur
2332 e préconiser comme on fait des échanges culturels de nation à nation, c’est essayer de consolider les mythes nationalistes
2333 anges culturels de nation à nation, c’est essayer de consolider les mythes nationalistes, c’est reconnaître aux États le d
2334 tionalistes, c’est reconnaître aux États le droit d’ élever ou d’abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des id
2335 c’est reconnaître aux États le droit d’élever ou d’ abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des idées et des œ
2336 ulturels. La culture est par essence un phénomène d’ échanges libres ; elle meurt d’être enfermée dans des cadres administr
2337 sence un phénomène d’échanges libres ; elle meurt d’ être enfermée dans des cadres administratifs ou nationaux ; et ce n’es
2338 n’est pas une libération surveillée des échanges de prison à prison que nous devons exiger mais l’élargissement immédiat
2339 u — j’entends : la suppression totale des mesures de discrimination nationales et des barrières douanières imposées à la v
2340 barrières douanières imposées à la vie culturelle de l’Europe et à ses produits. Les États — et demain le Pouvoir fédéral
2341 n le Pouvoir fédéral européen — n’ont qu’un moyen d’ aider la culture : c’est d’offrir à ceux qui la créent et la transmett
2342 en — n’ont qu’un moyen d’aider la culture : c’est d’ offrir à ceux qui la créent et la transmettent les moyens de vivre déc
2343 ceux qui la créent et la transmettent les moyens de vivre décemment. Et quant à ceux qui feignent de redouter que la supp
2344 de vivre décemment. Et quant à ceux qui feignent de redouter que la suppression des frontières « culturelles » entraîne u
2345 ières « culturelles » entraîne un affreux mélange de nos vertus et caractères nationaux, nous leur dirons : qu’est-ce que
2346 est-ce que votre « génie national » s’il a besoin d’ être entouré par des douaniers pour ne pas se perdre ? Conclusions
2347 clusions J’ai tenté par ces quelques exemples, de montrer comment l’analyse fédéraliste, en même temps qu’elle rend com
2348 emps qu’elle rend compte des causes nationalistes de la décadence de l’Europe, dégage les principes d’une méthode et les m
2349 d compte des causes nationalistes de la décadence de l’Europe, dégage les principes d’une méthode et les maximes d’une act
2350 de la décadence de l’Europe, dégage les principes d’ une méthode et les maximes d’une action seules susceptibles de conduir
2351 dégage les principes d’une méthode et les maximes d’ une action seules susceptibles de conduire à une union vivante de nos
2352 e et les maximes d’une action seules susceptibles de conduire à une union vivante de nos peuples. Dans chaque cas, mes con
2353 ules susceptibles de conduire à une union vivante de nos peuples. Dans chaque cas, mes conclusions ont été pareilles : ell
2354 seul objectif décisif : la Constitution fédérale de l’Europe. La méthode proposée par les Anglais et baptisée « fonctionn
2355 iste. Mais elle a conduit à l’échec. Elle a servi de prétexte à trop de marchandages entre les vraies forces d’union et le
2356 onduit à l’échec. Elle a servi de prétexte à trop de marchandages entre les vraies forces d’union et les répugnances natio
2357 te à trop de marchandages entre les vraies forces d’ union et les répugnances nationalistes, plus ou moins avouées comme te
2358 lisme le plus franc qui a triomphé, lors du refus de la CED. Nous voyons donc qu’il n’est pas plus facile de faire l’Europ
2359 CED. Nous voyons donc qu’il n’est pas plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que de la faire dans un seul é
2360 ile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que de la faire dans un seul élan. Tourner un à un les obstacles multipliés
2361 les saboteurs sournois, n’est pas plus facile que d’ attaquer de front, franchement, une fois pour toutes, ce qui inspire t
2362 rs sournois, n’est pas plus facile que d’attaquer de front, franchement, une fois pour toutes, ce qui inspire toutes les r
2363  : l’esprit nationaliste. aa. Rougemont Denis de , « Fédéralisme et nationalisme », Fédération, Paris, septembre–octobr
2364 ionalisme », Fédération, Paris, septembre–octobre 1954, p. 1-16.
20 1955, Articles divers (1951-1956). Une présence (1955)
2365 Une présence ( 1955 )ab Depuis le début de l’ère des dictatures, nombre d’intellectuels
2366 Une présence (1955)ab Depuis le début de l’ère des dictatures, nombre d’intellectuels occidentaux et asiatique
2367 Depuis le début de l’ère des dictatures, nombre d’ intellectuels occidentaux et asiatiques nous répètent qu’il est imposs
2368 et asiatiques nous répètent qu’il est impossible de résister au fanatisme politique sans devenir soi-même fanatique, de l
2369 atisme politique sans devenir soi-même fanatique, de lutter contre le fascisme sans adopter la ligne communiste, ou de lut
2370 le fascisme sans adopter la ligne communiste, ou de lutter contre le stalinisme sans adopter les procédés fascistes. Le r
2371 rand que par crainte de le courir ils choisissent de ne point résister du tout, et de s’inscrire par exemple aux « partisa
2372 ils choisissent de ne point résister du tout, et de s’inscrire par exemple aux « partisans de la paix », qui sont ceux d’
2373 out, et de s’inscrire par exemple aux « partisans de la paix », qui sont ceux d’une armée et de sa politique. L’action du
2374 emple aux « partisans de la paix », qui sont ceux d’ une armée et de sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de l
2375 tisans de la paix », qui sont ceux d’une armée et de sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de la culture, depu
2376 sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de la culture, depuis cinq ans, a démontré la possibilité de lutter libr
2377 du Congrès pour la liberté de la culture, depuis cinq ans, a démontré la possibilité de lutter librement contre la tyrannie
2378 lture, depuis cinq ans, a démontré la possibilité de lutter librement contre la tyrannie, et de surmonter le défaitisme an
2379 bilité de lutter librement contre la tyrannie, et de surmonter le défaitisme anxieux d’une intelligentsia trop facilement
2380 a tyrannie, et de surmonter le défaitisme anxieux d’ une intelligentsia trop facilement dupée par les prétextes humanitaire
2381 p facilement dupée par les prétextes humanitaires de la Terreur. Nous n’avons pas opposé à la propagande des Bons Tyrans j
2382 acrifice « temporaire » mais concret des libertés de la personne et des impératifs de la justice. Mais nous avons créé un
2383 ret des libertés de la personne et des impératifs de la justice. Mais nous avons créé un point de ralliement pour des espr
2384 tifs de la justice. Mais nous avons créé un point de ralliement pour des esprits venus d’horizons différents, et visant de
2385 réé un point de ralliement pour des esprits venus d’ horizons différents, et visant des buts très divers. Quoi de commun, p
2386 différents, et visant des buts très divers. Quoi de commun, pourrait-on demander, entre nos présidents d’honneur ? Entre
2387 ommun, pourrait-on demander, entre nos présidents d’ honneur ? Entre Maritain et Russell, entre Niebuhr et Madariaga, entre
2388 ebuhr et Madariaga, entre Jaspers et Croce ? Rien de facile à définir, sans doute. Pas un slogan. Mais ce fait et ce mode
2389 ans doute. Pas un slogan. Mais ce fait et ce mode d’ expérience — comme l’eût dit John Dewey, leur grand aîné — qu’est l’ex
2390 grand aîné — qu’est l’exercice vivant et militant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps. Quels furent
2391 u’est l’exercice vivant et militant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps. Quels furent les actes du
2392 itant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps. Quels furent les actes du Congrès pendant cinq ans ? On
2393 temps. Quels furent les actes du Congrès pendant cinq ans ? On rappelle plus loin nos conférences de savants, d’écrivains,
2394 cinq ans ? On rappelle plus loin nos conférences de savants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes,
2395 On rappelle plus loin nos conférences de savants, d’ écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues e
2396 lus loin nos conférences de savants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues et publication
2397 onférences de savants, d’écrivains, de musiciens, d’ économistes et de philosophes, nos revues et publications, nos spectac
2398 ants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues et publications, nos spectacles et nos débats
2399 spectacles et nos débats, et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et
2400 et nos débats, et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan.
2401 et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais si
2402 ndes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement me
2403 ons de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en re
2404 , de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en relief un fait 
2405 , de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en relief un fait : celui de not
2406 drais simplement mettre en relief un fait : celui de notre Rassemblement. Peut-être a-t-il contribué plus qu’on ne le croi
2407 bué plus qu’on ne le croit à changer l’atmosphère de l’après-guerre mondiale. La mode était aux démissions de l’esprit dev
2408 rès-guerre mondiale. La mode était aux démissions de l’esprit devant l’autel d’une Histoire déifiée. Les hommes libres se
2409 e était aux démissions de l’esprit devant l’autel d’ une Histoire déifiée. Les hommes libres se sentaient seuls. Ils ont tr
2410 ns renoncer à sa vocation. Ce n’est pas un ersatz d’ église, ce n’est pas un parti jaloux, ce n’est pas un bastion de défen
2411 ’est pas un parti jaloux, ce n’est pas un bastion de défense. C’est plutôt un réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo
2412 pas un bastion de défense. C’est plutôt un réseau d’ amitiés agissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-O
2413 ense. C’est plutôt un réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Me
2414 un réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une vo
2415 gissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une volonté de justice qui s
2416 lin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une volonté de justice qui se moque des opportunismes et c’est une action permanente
2417 , le Congrès va mener plus que jamais l’offensive de la liberté, sa vraie lutte pour une paix vivante. ab. Rougemont De
2418 tte pour une paix vivante. ab. Rougemont Denis de , « Une présence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955). L
2419 nte. ab. Rougemont Denis de, « Une présence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955). Le Congrès pour la libert
2420 . Rougemont Denis de, « Une présence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955). Le Congrès pour la liberté de la
2421 de, « Une présence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955). Le Congrès pour la liberté de la culture, Paris, 1955, p. 5-6.
2422 ence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955 ). Le Congrès pour la liberté de la culture, Paris, 1955, p. 5-6.
2423 1950-septembre 1955). Le Congrès pour la liberté de la culture, Paris, 1955, p. 5-6.
2424 Le Congrès pour la liberté de la culture, Paris, 1955, p. 5-6.
21 1955, Articles divers (1951-1956). Reynold et l’Europe (1955)
2425 Reynold et l’Europe ( 1955 )ac Il y a quinze ans j’osais louer Reynold de n’avoir pas craint d
2426 Reynold et l’Europe (1955)ac Il y a quinze ans j’osais louer Reynold de n’avoir pas craint de porter un jugement
2427 955)ac Il y a quinze ans j’osais louer Reynold de n’avoir pas craint de porter un jugement pessimiste sur l’avenir immé
2428 e ans j’osais louer Reynold de n’avoir pas craint de porter un jugement pessimiste sur l’avenir immédiat de la Suisse, sau
2429 rter un jugement pessimiste sur l’avenir immédiat de la Suisse, sauvant ainsi chez nous le sens du pire, la conscience d’u
2430 nt ainsi chez nous le sens du pire, la conscience d’ une menace totale à laquelle, pour faire face, il fallait d’abord croi
2431 , c’est pour une part minime mais qui est la part de l’homme, parce que Reynold a eu raison et parce qu’il a su se faire e
2432 ire entendre. Cités et pays suisses et Conscience de la Suisse — l’avertissement venant après l’illustration —, ces deux l
2433 ’avertissement venant après l’illustration —, ces deux livres ont porté, et je suis de ceux qui tiennent pour capital leur r
2434 stration —, ces deux livres ont porté, et je suis de ceux qui tiennent pour capital leur rôle dans la défense de ce pays,
2435 us qui tiennent un peuple ensemble. Dans la liste de ses ouvrages, je trouve un tournant symbolique, vers 1940 précisément
2436 ouvrages, je trouve un tournant symbolique, vers 1940 précisément : succédant à Grandeur de la Suisse, voici Qu’est-ce que
2437 que, vers 1940 précisément : succédant à Grandeur de la Suisse, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’un grand œuv
2438 isse, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’ un grand œuvre consacré à la formation du plus vaste ensemble historiq
2439 istorique dans lequel se situe la Suisse. Le sens de la grandeur et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Sui
2440 itue la Suisse. Le sens de la grandeur et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et de la
2441 r et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et de la Suisse « concrète » (comme on dit bie
2442 ilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et de la Suisse « concrète » (comme on dit bien à tort), celle qui ne prend
2443 fois spirituelles et historiques, qui sont celles de l’Europe entière ? Cités et pays suisses nous disait qui nous sommes,
2444 uisses nous disait qui nous sommes, et Conscience de la Suisse, où nous en sommes. Formation de l’Europe montre d’où nous
2445 cience de la Suisse, où nous en sommes. Formation de l’Europe montre d’où nous venons. Ces repères définissent un axe. Cet
2446 , où nous en sommes. Formation de l’Europe montre d’ où nous venons. Ces repères définissent un axe. Cet axe part de l’Euro
2447 ons. Ces repères définissent un axe. Cet axe part de l’Europe des Romains et des Francs, traverse notre histoire et pointe
2448 t pointe vers un avenir qui ne peut être distinct de celui d’une Europe soit fédérée par la libre invention, soit unifiée
2449 vers un avenir qui ne peut être distinct de celui d’ une Europe soit fédérée par la libre invention, soit unifiée par une f
2450 euple européen qui ait autant besoin que le nôtre d’ exercer ce que Reynold appelle « l’imagination historique ». On sait q
2451 gés déguisés en vertus — bon sens pratique, tabou de la neutralité — tendent à stériliser chez nous cette faculté. Mais to
2452 ette faculté. Mais toutes nos réalités se moquent de ces excuses : il n’est que de regarder la carte. Tout nous rattache d
2453 réalités se moquent de ces excuses : il n’est que de regarder la carte. Tout nous rattache dans le passé, comme pour l’ave
2454 vie ne serait pas concevable. Prendre conscience de l’être suisse, au-delà des apparences souvent médiocres, c’est prendr
2455 ences souvent médiocres, c’est prendre conscience de l’Europe. Car l’Europe est faite dans l’ensemble des mêmes éléments q
2456 fondeurs du passé, dans cet inconscient collectif d’ où remontent les rêves qui nous guident, par les deux utopies directri
2457 ’où remontent les rêves qui nous guident, par les deux utopies directrices du Saint-Empire et de l’esprit des communes. Tout
2458 r les deux utopies directrices du Saint-Empire et de l’esprit des communes. Toutefois ces éléments, séparés en Europe, voi
2459 leur conciliation vivante nous définit. Principe d’ autorité, principe d’association, « à la rencontre l’un de l’autre, ve
2460 vante nous définit. Principe d’autorité, principe d’ association, « à la rencontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’u
2461 té, principe d’association, « à la rencontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’un et du multiple » : ces formules que
2462  à la rencontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’un et du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude
2463 du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’une Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de cons
2464  » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’ une Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de constater qu’el
2465 e Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de constater qu’elles résument l’expérience fédérale et fédéraliste de l
2466 les résument l’expérience fédérale et fédéraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mou
2467 expérience fédérale et fédéraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mouvements de syst
2468 déraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et de diastole animen
2469 a Suisse, de la Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donn
2470 a Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donnent sa valeur
2471 de systole et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donnent sa valeur exemplaire : je n’en connais pas de
2472 de plus fécondes à méditer par les constructeurs de l’Europe. ac. Rougemont Denis de, « Reynold et l’Europe », Gonzagu
2473 constructeurs de l’Europe. ac. Rougemont Denis de , « Reynold et l’Europe », Gonzague de Reynold et son œuvre, Fribourg,
2474 et son œuvre, Fribourg, Éditions universitaires, 1955, p. 313-314.
22 1955, Articles divers (1951-1956). Rien n’est perdu, tout reste à faire (janvier 1955)
2475 Rien n’est perdu, tout reste à faire (janvier 1955 )ad Deux événements politiques ont absorbé l’attention des Européen
2476 est perdu, tout reste à faire (janvier 1955)ad Deux événements politiques ont absorbé l’attention des Européens et des mi
2477 bsorbé l’attention des Européens et des militants de l’Europe unie depuis l’été dernier : l’abandon du projet de CED et le
2478 e unie depuis l’été dernier : l’abandon du projet de CED et les accords de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce q
2479 rnier : l’abandon du projet de CED et les accords de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce que la CED était accusé
2480 ans l’euphorie ce que la CED était accusée à tort de préparer ; ce quelle avait pour objet principal de prévenir ; ce qui
2481 e préparer ; ce quelle avait pour objet principal de prévenir ; ce qui enfin devenait fatal dès l’instant qu’on la rejetai
2482 jeter ce qu’elle seule pouvait empêcher. Le moyen de décrire plus simplement ce vertige de contradictions ? Il y faudrait
2483 r. Le moyen de décrire plus simplement ce vertige de contradictions ? Il y faudrait une parabole. En voici une. Il y avait
2484 leur proposa un vaccin. Ayant remarqué que le nom de ce vaccin évoquait le nom de la maladie, comme il arrive en général,
2485 remarqué que le nom de ce vaccin évoquait le nom de la maladie, comme il arrive en général, ils votèrent contre le remède
2486 soulagés. Laissant aux historiens futurs le soin de tirer les conclusions de ce pataquès exemplaire, nous nous bornons ic
2487 istoriens futurs le soin de tirer les conclusions de ce pataquès exemplaire, nous nous bornons ici à relever deux faits :
2488 aquès exemplaire, nous nous bornons ici à relever deux faits : — Le rejet de la CED ne met pas fin à la construction europée
2489 ous bornons ici à relever deux faits : — Le rejet de la CED ne met pas fin à la construction européenne, comme on l’a répé
2490 bien à tort : il montre simplement qu’une partie d’ un parlement (devenue majorité grâce à l’appui des communistes) n’a pa
2491 tes) n’a pas encore senti la nécessité historique de cette construction — nécessité qui demeure intacte après leur vote. —
2492 te. — En revanche, il est douteux que les accords de Londres représentent « un premier pas vers l’intégration européenne »
2493 s de plus que l’éducation européenne des peuples, de leurs cadres et de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Eu
2494 cation européenne des peuples, de leurs cadres et de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Europe unie ont péché
2495 et de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Europe unie ont péché depuis quelques années — et non seulement dan
2496 quelques années — et non seulement dans l’affaire de la CED — par complaisance à une double illusion : ils ont cru que le
2497 ondeur, lent par nature, représenterait une perte de temps ; et ils ont cru que la propagande pour l’idée européenne était
2498 t faite. Examinons les réalités que cachaient ces deux illusions. I. — À un moment ou à un autre, nous avons tous été tentés
2499 ns les réalités que cachaient ces deux illusions. I . — À un moment ou à un autre, nous avons tous été tentés de penser qu
2500 moment ou à un autre, nous avons tous été tentés de penser qu’on ne pouvait réussir l’union que par une série de mesures
2501 u’on ne pouvait réussir l’union que par une série de mesures « concrètes », telles que l’OECE, la CECA, la CED, qu’on espé
2502 utionnaire qu’eût représenté l’exigence immédiate d’ une fédération politique. C’était pratiquement se rallier à la méthode
2503 à petit l’oiseau fait son nid9, méthode qui évite d’ agiter « inutilement » les esprits et les passions, et qui préfère l’a
2504 préfère l’action diplomatique ou les combinaisons de coulisses parlementaires. Cette méthode a réussi (OECE, CECA) jusqu’a
2505 ssi (OECE, CECA) jusqu’au jour où les adversaires de l’union ont déclenché leur propagande massive. Eux n’ont pas hésité u
2506  : elle consistait à croire qu’il est plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux que de la faire dans un seul él
2507 cile de faire l’Europe par pièces et morceaux que de la faire dans un seul élan fédérateur : qu’il est plus facile de tour
2508 s un seul élan fédérateur : qu’il est plus facile de tourner les obstacles que de les attaquer là où ils sont : dans les r
2509 u’il est plus facile de tourner les obstacles que de les attaquer là où ils sont : dans les routines de l’esprit nationali
2510 e les attaquer là où ils sont : dans les routines de l’esprit nationaliste, autant et plus que dans les intérêts particuli
2511 agne éducative en profondeur, que l’on a négligée de mener — ou que l’on n’a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvemen
2512 ener — ou que l’on n’a pas sérieusement soutenue. II . — Les mouvements de militants européens ont été surpris par l’échec
2513 a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvements de militants européens ont été surpris par l’échec de la CED. En effet,
2514 e militants européens ont été surpris par l’échec de la CED. En effet, cet échec a résulté du fait qu’on laissait le publi
2515 du fait qu’on laissait le public dans l’ignorance de la vraie situation européenne, des vrais buts du traité, du traité lu
2516 u traité, du traité lui-même, et des conséquences de son rejet. Or, les militants européens croyaient avoir expliqué tout
2517 ’explique. Une enquête menée par le CEC10 au mois de septembre a donné les résultats suivants : le nombre des brochures, t
2518  : le nombre des brochures, tracts, petits livres de propagande ou d’information européenne publiés depuis 1947 dans les s
2519 brochures, tracts, petits livres de propagande ou d’ information européenne publiés depuis 1947 dans les seize pays du CE e
2520 agande ou d’information européenne publiés depuis 1947 dans les seize pays du CE et en Suisse, s’élève à quatre-cent-quatre-
2521 formation européenne publiés depuis 1947 dans les seize pays du CE et en Suisse, s’élève à quatre-cent-quatre-vingt-onze. Leu
2522 ingt-onze. Leur tirage total a légèrement dépassé trois millions d’exemplaires. Cela paraît considérable quand on est assis d
2523 nze. Leur tirage total a légèrement dépassé trois millions d’exemplaires. Cela paraît considérable quand on est assis dans le bu
2524 tirage total a légèrement dépassé trois millions d’ exemplaires. Cela paraît considérable quand on est assis dans le burea
2525 dérable quand on est assis dans le bureau central d’ un mouvement, devant près de cinq-cents brochures de titres différents
2526 un mouvement, devant près de cinq-cents brochures de titres différents. En fait, cela représente en moyenne quatre-cents e
2527 la représente en moyenne quatre-cents exemplaires de chaque brochure distribuée dans chaque pays. Une goutte d’eau dans la
2528 brochure distribuée dans chaque pays. Une goutte d’ eau dans la mer. Comment s’étonner après cela de l’ignorance presque t
2529 e d’eau dans la mer. Comment s’étonner après cela de l’ignorance presque totale où sont restés nos peuples et leurs élites
2530 e, depuis un siècle, et notamment par les manuels d’ histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus. De notre côté, tout reste à
2531 uels d’histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus. De notre côté, tout reste à faire, ou presque. Une révolution est l’abou
2532 e, ou presque. Une révolution est l’aboutissement d’ une série d’actions d’abord morales, intellectuelles et spirituelles,
2533 e. Une révolution est l’aboutissement d’une série d’ actions d’abord morales, intellectuelles et spirituelles, puis économi
2534 par nature restent invisibles à l’œil des agences de presse, mais sans lesquelles rien ne se ferait. L’Europe unie est une
2535 stades préparatoires des révolutions réussies. 9. Proverbe qui repose sur l’ignorance des mœurs des oiseaux : ceux-ci c
2536 leur nid en un jour, toutes affaires cessantes. 10. « Centre européen de la culture », dont le siège est à Genève. L’arti
2537 culture », dont le siège est à Genève. L’article de M. Denis de Rougemont est extrait du ">n° 6 du bulletin de ce Cent
2538 e de M. Denis de Rougemont est extrait du ">n°  6 du bulletin de ce Centre (122, rue de Lausanne). ad. Rougemont Deni
2539 de Rougemont est extrait du ">n° 6 du bulletin de ce Centre (122, rue de Lausanne). ad. Rougemont Denis de, « Rien n’
2540 st extrait du ">n° 6 du bulletin de ce Centre ( 122, rue de Lausanne). ad. Rougemont Denis de, « Rien n’est perdu, tout
2541 tre (122, rue de Lausanne). ad. Rougemont Denis de , « Rien n’est perdu, tout reste à faire », France Europe, Paris, janv
2542 ut reste à faire », France Europe, Paris, janvier 1955, p. 5.
23 1956, Articles divers (1951-1956). Réponse à l’enquête « Pour une bibliothèque idéale » (1956)
2543 nse à l’enquête « Pour une bibliothèque idéale » ( 1956 )ae af S’il s’agissait de nommer les cent grands livres de l’humani
2544 liothèque idéale » (1956)ae af S’il s’agissait de nommer les cent grands livres de l’humanité (ceux que l’on prend pour
2545 le » (1956)ae af S’il s’agissait de nommer les cent grands livres de l’humanité (ceux que l’on prend pour base des études
2546 S’il s’agissait de nommer les cent grands livres de l’humanité (ceux que l’on prend pour base des études dans certaines u
2547 e me bornerais aux écrits religieux, ou créateurs de communautés, ou scientifiques, tels que la Bible, le Coran, les Vedas
2548 acer sur le même plan que nos œuvres critiques ou d’ imagination. Et d’autre part, où tracer la limite entre le sacré et la
2549 ntre le sacré et la culture ? Je n’ai tenu compte d’ écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhéto
2550 acré et la culture ? Je n’ai tenu compte d’écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique de
2551 la culture ? Je n’ai tenu compte d’écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique de l’une de n
2552 que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique de l’une de nos langues nationales. (Il faudrait ajouter les traductions
2553 la mesure où ils ont fixé la rhétorique de l’une de nos langues nationales. (Il faudrait ajouter les traductions de la Bi
2554 nationales. (Il faudrait ajouter les traductions de la Bible en Angleterre et en Allemagne.) Pour les autres, je propose
2555 par un chiffre romain derrière les titres marqués d’ une croix : I. — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience
2556 romain derrière les titres marqués d’une croix : I . — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience collective. II
2557 ormé nos cultures et notre conscience collective. II . — Livres ayant contribué à notre éducation occidentale, depuis cent
2558 t contribué à notre éducation occidentale, depuis cent ans. III. — Livres qui excitent aujourd’hui ma pensée. l. — Livres
2559 é à notre éducation occidentale, depuis cent ans. III . — Livres qui excitent aujourd’hui ma pensée. l. — Livres ayant for
2560 mé nos cultures et notre conscience collective 1. Homère : L’Odyssée. 2. Eschyle : Théâtre. 3. Platon : Dialogues. 4. P
2561 e conscience collective 1. Homère : L’Odyssée. 2. Eschyle : Théâtre. 3. Platon : Dialogues. 4. Plotin : Ennéades. 5. Ci
2562 e 1. Homère : L’Odyssée. 2. Eschyle : Théâtre. 3. Platon : Dialogues. 4. Plotin : Ennéades. 5. Cicéron : Traités moraux
2563 sée. 2. Eschyle : Théâtre. 3. Platon : Dialogues. 4. Plotin : Ennéades. 5. Cicéron : Traités moraux et philosophiques (hél
2564 tre. 3. Platon : Dialogues. 4. Plotin : Ennéades. 5. Cicéron : Traités moraux et philosophiques (hélas !). 6. Saint August
2565 ron : Traités moraux et philosophiques (hélas !). 6. Saint Augustin : Les Confessions. 7. Saint Thomas d’Aquin : Somme thé
2566 s (hélas !). 6. Saint Augustin : Les Confessions. 7. Saint Thomas d’Aquin : Somme théologique. 8. Béroul : Tristan. 9. Chr
2567 ons. 7. Saint Thomas d’Aquin : Somme théologique. 8. Béroul : Tristan. 9. Chrétien de Troyes : Le Chevalier au lion. 10. R
2568 d’Aquin : Somme théologique. 8. Béroul : Tristan. 9. Chrétien de Troyes : Le Chevalier au lion. 10. Rabelais : Pantagruel.
2569 an. 9. Chrétien de Troyes : Le Chevalier au lion. 10. Rabelais : Pantagruel. 11. — Gargantua. 12. Calvin : Institution de l
2570 Le Chevalier au lion. 10. Rabelais : Pantagruel. 11. — Gargantua. 12. Calvin : Institution de la religion chrétienne. 13.
2571 lion. 10. Rabelais : Pantagruel. 11. — Gargantua. 12. Calvin : Institution de la religion chrétienne. 13. Montaigne : Essai
2572 agruel. 11. — Gargantua. 12. Calvin : Institution de la religion chrétienne. 13. Montaigne : Essais. 14. Descartes : Disco
2573 . Calvin : Institution de la religion chrétienne. 13. Montaigne : Essais. 14. Descartes : Discours de la méthode. 15. Pasca
2574 e la religion chrétienne. 13. Montaigne : Essais. 14. Descartes : Discours de la méthode. 15. Pascal : Pensées. 16. Charles
2575 13. Montaigne : Essais. 14. Descartes : Discours de la méthode. 15. Pascal : Pensées. 16. Charles Perrault : Contes. 17.
2576 : Essais. 14. Descartes : Discours de la méthode. 15. Pascal : Pensées. 16. Charles Perrault : Contes. 17. Montesquieu : L’
2577 s : Discours de la méthode. 15. Pascal : Pensées. 16. Charles Perrault : Contes. 17. Montesquieu : L’Esprit des lois. 18. J
2578 Pascal : Pensées. 16. Charles Perrault : Contes. 17. Montesquieu : L’Esprit des lois. 18. J.-J. Rousseau : Les Confessions
2579 lt : Contes. 17. Montesquieu : L’Esprit des lois. 18. J.-J. Rousseau : Les Confessions. 19. Proudhon : Du Principe fédérali
2580 t des lois. 18. J.-J. Rousseau : Les Confessions. 19. Proudhon : Du Principe fédéraliste. 20. Balzac : La Comédie humaine.
2581 fessions. 19. Proudhon : Du Principe fédéraliste. 20. Balzac : La Comédie humaine. 21. Bacon : Essais. 22. Shakespeare : T
2582 ipe fédéraliste. 20. Balzac : La Comédie humaine. 21. Bacon : Essais. 22. Shakespeare : Théâtre. 23. Swift : Les Voyages d
2583 Balzac : La Comédie humaine. 21. Bacon : Essais. 22. Shakespeare : Théâtre. 23. Swift : Les Voyages de Gulliver. 24. De Fo
2584 . 21. Bacon : Essais. 22. Shakespeare : Théâtre. 23. Swift : Les Voyages de Gulliver. 24. De Foe : Robinson Crusoé. 25. Le
2585 2. Shakespeare : Théâtre. 23. Swift : Les Voyages de Gulliver. 24. De Foe : Robinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au
2586 e : Théâtre. 23. Swift : Les Voyages de Gulliver. 24. De Foe : Robinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au pays des merve
2587 Théâtre. 23. Swift : Les Voyages de Gulliver. 24. De Foe : Robinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au pays des merveill
2588 oyages de Gulliver. 24. De Foe : Robinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au pays des merveilles. 26. — À travers le miro
2589 25. Lewis Carroll : Alice au pays des merveilles. 26. — À travers le miroir. 27. William James : L’Expérience religieuse. 2
2590 u pays des merveilles. 26. — À travers le miroir. 27. William James : L’Expérience religieuse. 28. Maître Eckhart : Sermons
2591 oir. 27. William James : L’Expérience religieuse. 28. Maître Eckhart : Sermons. 29. Luther : De Servo arbitrio. 30. Goethe 
2592 érience religieuse. 28. Maître Eckhart : Sermons. 29. Luther : De Servo arbitrio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosoph
2593 ieuse. 28. Maître Eckhart : Sermons. 29. Luther : De Servo arbitrio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosophie de l’espr
2594 ckhart : Sermons. 29. Luther : De Servo arbitrio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosophie de l’esprit. 32. Freud : La S
2595 . Luther : De Servo arbitrio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosophie de l’esprit. 32. Freud : La Science des rêves. 33
2596 trio. 30. Goethe : Faust. 31. Hegel : Philosophie de l’esprit. 32. Freud : La Science des rêves. 33. Saint Jean de la Croi
2597 the : Faust. 31. Hegel : Philosophie de l’esprit. 32. Freud : La Science des rêves. 33. Saint Jean de la Croix : La Nuit ob
2598 ie de l’esprit. 32. Freud : La Science des rêves. 33. Saint Jean de la Croix : La Nuit obscure de l’âme. 34. Cervantès : Do
2599 ves. 33. Saint Jean de la Croix : La Nuit obscure de l’âme. 34. Cervantès : Don Quichotte. 35. Dante : La Divine Comédie.
2600 aint Jean de la Croix : La Nuit obscure de l’âme. 34. Cervantès : Don Quichotte. 35. Dante : La Divine Comédie. 36. Raimbau
2601 obscure de l’âme. 34. Cervantès : Don Quichotte. 35. Dante : La Divine Comédie. 36. Raimbaut d’Orange : Œuvres poétiques.
2602 s : Don Quichotte. 35. Dante : La Divine Comédie. 36. Raimbaut d’Orange : Œuvres poétiques. 37. Al-Hallaj : Divan. II. —
2603 omédie. 36. Raimbaut d’Orange : Œuvres poétiques. 37. Al-Hallaj : Divan. II. — Livres ayant contribué à notre éducation
2604 nge : Œuvres poétiques. 37. Al-Hallaj : Divan. II . — Livres ayant contribué à notre éducation occidentale depuis cent a
2605 nt contribué à notre éducation occidentale depuis cent ans 38. Tibulle : Élégies. 39. Dante : De la Langue vulgaire. 40.
2606 à notre éducation occidentale depuis cent ans 38. Tibulle : Élégies. 39. Dante : De la Langue vulgaire. 40. Spinoza : É
2607 dentale depuis cent ans 38. Tibulle : Élégies. 39. Dante : De la Langue vulgaire. 40. Spinoza : Éthique. 41. Agrippa d’A
2608 is cent ans 38. Tibulle : Élégies. 39. Dante : De la Langue vulgaire. 40. Spinoza : Éthique. 41. Agrippa d’Aubigné : Le
2609 lle : Élégies. 39. Dante : De la Langue vulgaire. 40. Spinoza : Éthique. 41. Agrippa d’Aubigné : Les Tragiques. 42. Cardina
2610 e : De la Langue vulgaire. 40. Spinoza : Éthique. 41. Agrippa d’Aubigné : Les Tragiques. 42. Cardinal de Retz : Mémoires. 4
2611 : Éthique. 41. Agrippa d’Aubigné : Les Tragiques. 42. Cardinal de Retz : Mémoires. 43. Prince de Ligne : Écrits. 44. Casano
2612 : Les Tragiques. 42. Cardinal de Retz : Mémoires. 43. Prince de Ligne : Écrits. 44. Casanova : Mémoires. 45. Chateaubriand:
2613 de Retz : Mémoires. 43. Prince de Ligne : Écrits. 44. Casanova : Mémoires. 45. Chateaubriand: Mémoires d’outre-tombe. 46. V
2614 rince de Ligne : Écrits. 44. Casanova : Mémoires. 45. Chateaubriand: Mémoires d’outre-tombe. 46. Victor Hugo : Choses vues.
2615 Casanova : Mémoires. 45. Chateaubriand: Mémoires d’ outre-tombe. 46. Victor Hugo : Choses vues. 47. Stendhal : La Chartreu
2616 oires. 45. Chateaubriand: Mémoires d’outre-tombe. 46. Victor Hugo : Choses vues. 47. Stendhal : La Chartreuse de Parme. 48.
2617 res d’outre-tombe. 46. Victor Hugo : Choses vues. 47. Stendhal : La Chartreuse de Parme. 48. Charles Baudelaire : Les Fleur
2618 Hugo : Choses vues. 47. Stendhal : La Chartreuse de Parme. 48. Charles Baudelaire : Les Fleurs du mal. 49. Stéphane Mall
2619 oses vues. 47. Stendhal : La Chartreuse de Parme. 48. Charles Baudelaire : Les Fleurs du mal. 49. Stéphane Mallarmé : Poés
2620 rme. 48. Charles Baudelaire : Les Fleurs du mal. 49. Stéphane Mallarmé : Poésies. 50. Arthur Rimbaud : Une saison en enfer
2621 Fleurs du mal. 49. Stéphane Mallarmé : Poésies. 50. Arthur Rimbaud : Une saison en enfer. 51. Charles Péguy : L’Argent. 5
2622 oésies. 50. Arthur Rimbaud : Une saison en enfer. 51. Charles Péguy : L’Argent. 52. G. Apollinaire : Alcools. 53. Marcel Pr
2623 ne saison en enfer. 51. Charles Péguy : L’Argent. 52. G. Apollinaire : Alcools. 53. Marcel Proust : À la recherche du temps
2624 s Péguy : L’Argent. 52. G. Apollinaire : Alcools. 53. Marcel Proust : À la recherche du temps perdu. 54. John Donne : Sermo
2625 3. Marcel Proust : À la recherche du temps perdu. 54. John Donne : Sermons. 55. James Joyce : Ulysse. 56. T. E. Lawrence: C
2626 cherche du temps perdu. 54. John Donne : Sermons. 55. James Joyce : Ulysse. 56. T. E. Lawrence: Correspondance. 57. Edgar P
2627 . John Donne : Sermons. 55. James Joyce : Ulysse. 56. T. E. Lawrence: Correspondance. 57. Edgar Poe : Contes. 58. T. S. Eli
2628 yce : Ulysse. 56. T. E. Lawrence: Correspondance. 57. Edgar Poe : Contes. 58. T. S. Eliot : Poèmes. 59. Thomas Hardy : Jude
2629 Lawrence: Correspondance. 57. Edgar Poe : Contes. 58. T. S. Eliot : Poèmes. 59. Thomas Hardy : Jude l’obscur. 60. Hemingway
2630 57. Edgar Poe : Contes. 58. T. S. Eliot : Poèmes. 59. Thomas Hardy : Jude l’obscur. 60. Hemingway : Pour qui sonne le glas.
2631 Eliot : Poèmes. 59. Thomas Hardy : Jude l’obscur. 60. Hemingway : Pour qui sonne le glas. 61. D. H. Lawrence : L’Amant de l
2632 l’obscur. 60. Hemingway : Pour qui sonne le glas. 61. D. H. Lawrence : L’Amant de lady Chatterley. 62. Paracelse : Liber pa
2633 scur. 60. Hemingway : Pour qui sonne le glas. 61. D. H. Lawrence : L’Amant de lady Chatterley. 62. Paracelse : Liber param
2634 r qui sonne le glas. 61. D. H. Lawrence : L’Amant de lady Chatterley. 62. Paracelse : Liber paramirum. 63. — Prognosticati
2635 61. D. H. Lawrence : L’Amant de lady Chatterley. 62. Paracelse : Liber paramirum. 63. — Prognostication. 64. Novalis : Poé
2636 lady Chatterley. 62. Paracelse : Liber paramirum. 63. — Prognostication. 64. Novalis : Poésies et fragments philosophiques.
2637 racelse : Liber paramirum. 63. — Prognostication. 64. Novalis : Poésies et fragments philosophiques. 65. Hölderlin : Poèmes
2638 4. Novalis : Poésies et fragments philosophiques. 65. Hölderlin : Poèmes. 66. Chamisso : L’Histoire merveilleuse de Peter S
2639 fragments philosophiques. 65. Hölderlin : Poèmes. 66. Chamisso : L’Histoire merveilleuse de Peter Schlemihl. 67. Gottfried
2640  : Poèmes. 66. Chamisso : L’Histoire merveilleuse de Peter Schlemihl. 67. Gottfried Keller : Henri le vert. 68. Nietzsche 
2641 sso : L’Histoire merveilleuse de Peter Schlemihl. 67. Gottfried Keller : Henri le vert. 68. Nietzsche : Aurore. 69. Rainer
2642 Schlemihl. 67. Gottfried Keller : Henri le vert. 68. Nietzsche : Aurore. 69. Rainer Maria Rilke : Élégies de Duino. 70. R.
2643 d Keller : Henri le vert. 68. Nietzsche : Aurore. 69. Rainer Maria Rilke : Élégies de Duino. 70. R. Kassner : Toute son œuv
2644 tzsche : Aurore. 69. Rainer Maria Rilke : Élégies de Duino. 70. R. Kassner : Toute son œuvre ou, en tout cas Les Éléments
2645 urore. 69. Rainer Maria Rilke : Élégies de Duino. 70. R. Kassner : Toute son œuvre ou, en tout cas Les Éléments de la grand
2646 er : Toute son œuvre ou, en tout cas Les Éléments de la grandeur humaine. 71. M. de Unamuno : Le Sentiment tragique de la
2647 en tout cas Les Éléments de la grandeur humaine. 71. M. de Unamuno : Le Sentiment tragique de la vie. 72. Silone : Le Pain
2648 umaine. 71. M. de Unamuno : Le Sentiment tragique de la vie. 72. Silone : Le Pain et le vin. 73. Dostoïevski : L’Idiot. 74
2649 M. de Unamuno : Le Sentiment tragique de la vie. 72. Silone : Le Pain et le vin. 73. Dostoïevski : L’Idiot. 74. — Les Frèr
2650 agique de la vie. 72. Silone : Le Pain et le vin. 73. Dostoïevski : L’Idiot. 74. — Les Frères Karamazov. 75. Kierkegaard :
2651 e : Le Pain et le vin. 73. Dostoïevski : L’Idiot. 74. — Les Frères Karamazov. 75. Kierkegaard : Post-scriptum aux riens phi
2652 ostoïevski : L’Idiot. 74. — Les Frères Karamazov. 75. Kierkegaard : Post-scriptum aux riens philosophiques. 76. Andersen :
2653 kegaard : Post-scriptum aux riens philosophiques. 76. Andersen : Contes. 77. G. Bernanos : Journal d’un curé de campagne.
2654 aux riens philosophiques. 76. Andersen : Contes. 77. G. Bernanos : Journal d’un curé de campagne. 78. Valery Larbaud : Ama
2655 76. Andersen : Contes. 77. G. Bernanos : Journal d’ un curé de campagne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79.
2656 en : Contes. 77. G. Bernanos : Journal d’un curé de campagne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79. Ramuz : Ad
2657 77. G. Bernanos : Journal d’un curé de campagne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79. Ramuz : Adam et Ève (ou
2658 gne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79. Ramuz : Adam et Ève (ou Derborence). 80. Saint-John Perse : Anabase.
2659 Amants. 79. Ramuz : Adam et Ève (ou Derborence). 80. Saint-John Perse : Anabase. 81. D. de Rougemont : L’Amour et l’Occid
2660 (ou Derborence). 80. Saint-John Perse : Anabase. 81. D. de Rougemont : L’Amour et l’Occident . 82. Paul Valéry : Variété.
2661 Derborence). 80. Saint-John Perse : Anabase. 81. D. de Rougemont : L’Amour et l’Occident . 82. Paul Valéry : Variété. 83
2662 e. 81. D. de Rougemont : L’Amour et l’Occident . 82. Paul Valéry : Variété. 83. Gide : Journal. 84. Burckhardt : Considéra
2663 ’Amour et l’Occident . 82. Paul Valéry : Variété. 83. Gide : Journal. 84. Burckhardt : Considérations sur l’histoire du mon
2664 . 82. Paul Valéry : Variété. 83. Gide : Journal. 84. Burckhardt : Considérations sur l’histoire du monde. 85. Kafka : Le P
2665 ckhardt : Considérations sur l’histoire du monde. 85. Kafka : Le Procès. 86. Webster : Le Démon blanc. 87. Huizinga : La Fi
2666 s sur l’histoire du monde. 85. Kafka : Le Procès. 86. Webster : Le Démon blanc. 87. Huizinga : La Fin du Moyen Âge. Déjà
2667 Kafka : Le Procès. 86. Webster : Le Démon blanc. 87. Huizinga : La Fin du Moyen Âge. Déjà cités (I) Lewis Carroll :
2668 87. Huizinga : La Fin du Moyen Âge. Déjà cités ( I ) Lewis Carroll : Alice au pays des merveilles. — À travers le mir
2669 u pays des merveilles. — À travers le miroir. III . — Livres qui excitent aujourd’hui ma pensée 88. Benjamin Constant
2670 I. — Livres qui excitent aujourd’hui ma pensée 88. Benjamin Constant : Journal intime. 89. De Tocqueville : La Démocrati
2671 pensée 88. Benjamin Constant : Journal intime. 89. De Tocqueville : La Démocratie en Amérique. 90. Toynbee : A Study of
2672 ée 88. Benjamin Constant : Journal intime. 89. De Tocqueville : La Démocratie en Amérique. 90. Toynbee : A Study of His
2673 . 89. De Tocqueville : La Démocratie en Amérique. 90. Toynbee : A Study of History. 91. W. A. Auden : Collected Poems. 92.
2674 ie en Amérique. 90. Toynbee : A Study of History. 91. W. A. Auden : Collected Poems. 92. Bitzius (Jérémie Gotthelf) : L’Ara
2675 dy of History. 91. W. A. Auden : Collected Poems. 92. Bitzius (Jérémie Gotthelf) : L’Araignée noire. 93. Garcia Lorca : Thé
2676 2. Bitzius (Jérémie Gotthelf) : L’Araignée noire. 93. Garcia Lorca : Théâtre. 94. J. L. Borgès : Œuvre. 95. Machiavel : Dis
2677 ) : L’Araignée noire. 93. Garcia Lorca : Théâtre. 94. J. L. Borgès : Œuvre. 95. Machiavel : Discours sur la première décade
2678 Garcia Lorca : Théâtre. 94. J. L. Borgès : Œuvre. 95. Machiavel : Discours sur la première décade de Tite Live. 96. André
2679 . 95. Machiavel : Discours sur la première décade de Tite Live. 96. André Breton : L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie
2680  : Discours sur la première décade de Tite Live. 96. André Breton : L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie de l’art. 98.
2681 de de Tite Live. 96. André Breton : L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie de l’art. 98. Jean Paulhan  : Les Fleurs de Ta
2682 é Breton : L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie de l’art. 98. Jean Paulhan  : Les Fleurs de Tarbes. 99. Graham Greene :
2683 L’Amour fou. 97. Malraux : Psychologie de l’art. 98. Jean Paulhan  : Les Fleurs de Tarbes. 99. Graham Greene : La Puissan
2684 hologie de l’art. 98. Jean Paulhan  : Les Fleurs de Tarbes. 99. Graham Greene : La Puissance et la gloire. Déjà cités (
2685 l’art. 98. Jean Paulhan  : Les Fleurs de Tarbes. 99. Graham Greene : La Puissance et la gloire. Déjà cités (I et II)
2686 Greene : La Puissance et la gloire. Déjà cités ( I et II) Cardinal de Retz : Mémoires. Pascal : Pensées. Swift : L
2687 e : La Puissance et la gloire. Déjà cités (I et II ) Cardinal de Retz : Mémoires. Pascal : Pensées. Swift : Les Voy
2688 Mémoires. Pascal : Pensées. Swift : Les Voyages de Gulliver. Lewis Carroll : Alice au pays des merveilles. — À travers
2689 ux riens philosophiques. ae. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Pour une bibliothèque idéale », Pour une b
2690 , Pour une bibliothèque idéale, Paris, Gallimard, 1956, p. 279‑284. af. Introduit par cette notice : « Né en 1906. Brillant
2691 bliothèque idéale, Paris, Gallimard, 1956, p. 279‑ 284. af. Introduit par cette notice : « Né en 1906. Brillant essayiste, i
2692 79‑284. af. Introduit par cette notice : « Né en 1906. Brillant essayiste, il s’est fait l’ardent défenseur du mouvement féd
2693 du mouvement fédéraliste : Le Paysan du Danube ( 1932 ), Politique de la personne (1934), Penser avec les mains (1936),
2694 aliste : Le Paysan du Danube (1932), Politique de la personne (1934), Penser avec les mains (1936), Journal d’un in
2695 an du Danube (1932), Politique de la personne ( 1934 ), Penser avec les mains (1936), Journal d’un intellectuel en chôma
2696 de la personne (1934), Penser avec les mains ( 1936 ), Journal d’un intellectuel en chômage (1937), L’Amour et l’Occide
2697 (1934), Penser avec les mains (1936), Journal d’ un intellectuel en chômage (1937), L’Amour et l’Occident (1939), et
2698 (1936), Journal d’un intellectuel en chômage ( 1937 ), L’Amour et l’Occident (1939), etc. »
2699 tuel en chômage (1937), L’Amour et l’Occident ( 1939 ), etc. »
24 1956, Articles divers (1951-1956). L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)
2700 L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à une invi
2701 Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à une invitation lancée p
2702 n européenne des festivals de musique a cinq ans ( 1956 )ap À la fin de 1951, répondant à une invitation lancée par le Cent
2703 tivals de musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à une invitation lancée par le Centre européen de la
2704 als de musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à une invitation lancée par le Centre européen de la cultur
2705 entre européen de la culture, sur une proposition de son conseiller musical, Igor Markevitch, les directeurs de quinze gra
2706 nseiller musical, Igor Markevitch, les directeurs de quinze grands festivals se réunissaient à Genève. Jamais encore, une
2707 iller musical, Igor Markevitch, les directeurs de quinze grands festivals se réunissaient à Genève. Jamais encore, une telle r
2708 telle rencontre n’avait eu lieu dans les annales de l’Europe. Une seule journée de délibérations suffit à dégager un acco
2709 u dans les annales de l’Europe. Une seule journée de délibérations suffit à dégager un accord unanime. Les quinze directeu
2710 bérations suffit à dégager un accord unanime. Les quinze directeurs décidèrent avec enthousiasme de créer une organisation com
2711 es quinze directeurs décidèrent avec enthousiasme de créer une organisation commune. Un secrétariat fut établi à Genève, a
2712 paraissait une brochure contenant les programmes de tous les festivals-membres pour la saison suivante. Premier témoignag
2713 r la saison suivante. Premier témoignage tangible d’ un esprit de collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d
2714 suivante. Premier témoignage tangible d’un esprit de collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’une vision
2715 esprit de collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’une vision européenne dépassant les intérêts locaux to
2716 oration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’ une vision européenne dépassant les intérêts locaux tout en les servan
2717 En effet, la multiplication rapide des festivals de musique dans tous nos pays et presque dans toutes nos villes, posait
2718 posait des problèmes tout nouveaux. Plus on joue de musique, et mieux cela vaut, dira-t-on. Oui, mais cela peut aussi cré
2719 ines confusions des valeurs. Le public, sollicité de tous côtés, ne sait plus où aller et voudrait qu’on l’oriente. Les ar
2720 l’oriente. Les artistes, orchestres et les chefs de qualité ne suffisent plus à la demande. Les programmes tendent à deve
2721 ge des meilleurs. ⁂ Qu’est-ce qu’un bon festival de musique ? Telle est la première question que s’est posée notre associ
2722 festival est d’abord une fête, donc quelque chose d’ exceptionnel, qui sort de la routine des programmes de l’hiver et qui
2723 fête, donc quelque chose d’exceptionnel, qui sort de la routine des programmes de l’hiver et qui doit créer une atmosphère
2724 ceptionnel, qui sort de la routine des programmes de l’hiver et qui doit créer une atmosphère spéciale, à laquelle contrib
2725 ontribuent non seulement la qualité des œuvres et de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’une cité, et la traditi
2726 et de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’ une cité, et la tradition musicale d’une région. Voilà pourquoi l’ass
2727 , l’ambiance d’une cité, et la tradition musicale d’ une région. Voilà pourquoi l’association n’admet comme membres que ce
2728 n établi. Pour un festival européen, faire partie de l’association devient ainsi une garantie de qualité et d’authenticité
2729 artie de l’association devient ainsi une garantie de qualité et d’authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation
2730 ociation devient ainsi une garantie de qualité et d’ authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation de notre asso
2731 icité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation de notre association : il s’agissait de présenter l’ensemble des meilleu
2732 la formation de notre association : il s’agissait de présenter l’ensemble des meilleurs festivals comme une seule et grand
2733 tivals comme une seule et grandiose manifestation de la musique européenne, dans son unité fondamentale et dans la richess
2734 , dans son unité fondamentale et dans la richesse de ses diversités nationales et régionales. Notre but est donc à la fois
2735 nales et régionales. Notre but est donc à la fois d’ harmoniser les efforts dans un esprit de collaboration européenne, tou
2736 à la fois d’harmoniser les efforts dans un esprit de collaboration européenne, tout en développant toujours plus le caract
2737 éveloppant toujours plus le caractère particulier de chaque festival. Pratiquement, l’association s’efforce d’atteindre ce
2738 e festival. Pratiquement, l’association s’efforce d’ atteindre ce but par les moyens suivants : La publication annuelle de
2739 par les moyens suivants : La publication annuelle de la brochure Saison, donnant les programmes des festivals membres plus
2740 membres plusieurs mois avant que la première note d’ un concert d’ouverture retentisse en Allemagne, en France ou en Italie
2741 eurs mois avant que la première note d’un concert d’ ouverture retentisse en Allemagne, en France ou en Italie, offre au pu
2742 ique en son genre, parce qu’il permet à l’amateur de s’orienter vers la qualité, de se composer selon ses goûts un itinéra
2743 permet à l’amateur de s’orienter vers la qualité, de se composer selon ses goûts un itinéraire des hauts lieux de la musiq
2744 ser selon ses goûts un itinéraire des hauts lieux de la musique européenne, et d’être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu
2745 aire des hauts lieux de la musique européenne, et d’ être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’une fête à
2746 uré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’ une fête à l’autre. L’échange de « créations », de spectacles nouveaux
2747 u’il ira vraiment d’une fête à l’autre. L’échange de « créations », de spectacles nouveaux montés par tel ou tel festival,
2748 d’une fête à l’autre. L’échange de « créations », de spectacles nouveaux montés par tel ou tel festival, et dont d’autres
2749 t ainsi bénéficier, diminue les risques matériels d’ une création, favorise le renouvellement des programmes et doit stimul
2750 créateur des artistes contemporains. La création d’ archives musicales — uniques en Europe — permet à tous les festivals m
2751 s en Europe — permet à tous les festivals membres de savoir ce qui a été fait par d’autres et dans quelles conditions, que
2752 chefs on pourra faire appel, etc. Enfin, l’étude d’ entreprises communes, telles qu’une revue musicale européenne ou certa
2753 uropéenne ou certaines manifestations artistiques de grande envergure conduit l’association à resserrer toujours plus les
2754 us les frontières et les rivalités nationales. En cinq ans, l’association a fait ses preuves. Sa brochure Saison, tirée en t
2755 a fait ses preuves. Sa brochure Saison, tirée en trois langues à 160 000 exemplaires, et distribuée dans toute l’Europe et e
2756 ves. Sa brochure Saison, tirée en trois langues à 160  000 exemplaires, et distribuée dans toute l’Europe et en Amérique, do
2757 Sa brochure Saison, tirée en trois langues à 160  000 exemplaires, et distribuée dans toute l’Europe et en Amérique, donne
2758 ns toute l’Europe et en Amérique, donne la preuve d’ une coopération étroite entre dix-sept des meilleurs festivals de huit
2759 , donne la preuve d’une coopération étroite entre dix-sept des meilleurs festivals de huit pays. Elle fournit ainsi un exemple,
2760 on étroite entre dix-sept des meilleurs festivals de huit pays. Elle fournit ainsi un exemple, encore modeste, mais convai
2761 étroite entre dix-sept des meilleurs festivals de huit pays. Elle fournit ainsi un exemple, encore modeste, mais convaincant
2762 nsi un exemple, encore modeste, mais convaincant, de cette union européenne qui doit s’opérer dans les cœurs avant de pouv
2763 our la paix. La musique, création la plus typique de l’Europe, n’était-elle pas faite pour manifester la première cette co
2764 première cette communauté profonde des réactions de la sensibilité et de l’esprit qui définit une civilisation ? ap. R
2765 nauté profonde des réactions de la sensibilité et de l’esprit qui définit une civilisation ? ap. Rougemont Denis de, « 
2766 définit une civilisation ? ap. Rougemont Denis de , « L’Association des festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM,
2767 Rougemont Denis de, « L’Association des festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM, 1956, p. 12-13.
2768 is de, « L’Association des festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM, 1956, p. 12-13.
2769 festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM, 1956, p. 12-13.
25 1956, Articles divers (1951-1956). « Je vivais en ce temps-là… » (janvier 1956)
2770 « Je vivais en ce temps-là… » (janvier 1956 )ag Je vivais en ce temps-là, terminant mes études, dans la petite
2771 ps-là, terminant mes études, dans la petite ville de Neuchâtel, et nous étions passionnément surréalistes, comme nos aînés
2772 nnément surréalistes, comme nos aînés avaient été d’ Action française, ou encore anarcho-gidiens, avec un sérieux redoutabl
2773 able, — pensant au fond tout autre chose que ceux de Paris, et nous donnant le ridicule de vouloir vivre ces doctrines. In
2774 se que ceux de Paris, et nous donnant le ridicule de vouloir vivre ces doctrines. Inquiétude et ferveur étaient les mots d
2775 doctrines. Inquiétude et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’or de la Littérature, qui triomphait dans le temps mê
2776 tude et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’ or de la Littérature, qui triomphait dans le temps même que nous pensi
2777 et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’or de la Littérature, qui triomphait dans le temps même que nous pensions l
2778 ions la renier comme telle, au nom de l’Aventure, de la Révolution, ou de quelque règle de vie, mais subversive bien enten
2779 telle, au nom de l’Aventure, de la Révolution, ou de quelque règle de vie, mais subversive bien entendu. L’un des deux tem
2780 l’Aventure, de la Révolution, ou de quelque règle de vie, mais subversive bien entendu. L’un des deux temples de ce culte
2781 le de vie, mais subversive bien entendu. L’un des deux temples de ce culte (l’autre étant comme on pense la NRF ) se cachai
2782 is subversive bien entendu. L’un des deux temples de ce culte (l’autre étant comme on pense la NRF ) se cachait derrière
2783 hait derrière une vitrine très savamment discrète de la rue de l’Odéon. Il n’était pas lieu de Paris que j’avais l’impress
2784 iscrète de la rue de l’Odéon. Il n’était pas lieu de Paris que j’avais l’impression de mieux connaître, sans y être jamais
2785 ’était pas lieu de Paris que j’avais l’impression de mieux connaître, sans y être jamais entré. Boutique de gloire où fréq
2786 eux connaître, sans y être jamais entré. Boutique de gloire où fréquentaient nos Dieux ! Nous en connaissions la légende.
2787 là, devant le jeune André Breton immobile et muet d’ admiration, comme transfixé. Valéry venait y bavarder avec Fargue et L
2788 l’improbable nom venait de s’inscrire au fronton d’ un considérable poème. (Nous en avions appris par cœur de longs fragme
2789 nsidérable poème. (Nous en avions appris par cœur de longs fragments, faute de pouvoir acheter l’édition rare.) Bon pour c
2790 n rare.) Bon pour ceux qui n’y « croyaient » pas, d’ entrer là sans façon ni vergogne pour acheter banalement un livre : al
2791 ter banalement un livre : alors que l’on risquait de se trouver tout d’un coup devant Gide, Claudel, ou James Joyce conver
2792 ivre : alors que l’on risquait de se trouver tout d’ un coup devant Gide, Claudel, ou James Joyce conversant comme de simpl
2793 nt Gide, Claudel, ou James Joyce conversant comme de simples humains avec la desservante du sanctuaire, en robe de bure no
2794 umains avec la desservante du sanctuaire, en robe de bure nouée d’une cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de
2795 desservante du sanctuaire, en robe de bure nouée d’ une cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de l’enseigne « 
2796 cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de l’enseigne « à jamais littéraire » de la Maison des amis des livres.
2797 s prestiges de l’enseigne « à jamais littéraire » de la Maison des amis des livres. (Commerce en éloignait toute idée comm
2798 encore dans sa petite cuisine, en train de peler de fines patates pour un dîner improvisé. Je rentrais d’Amérique, je vou
2799 ines patates pour un dîner improvisé. Je rentrais d’ Amérique, je voulais tout savoir sur nos amis, leurs œuvres et leurs v
2800 fraîche et la plus sûre… Qu’est devenue la série de photos en couleur qui furent prises à la veille de la guerre dans l’a
2801 e photos en couleur qui furent prises à la veille de la guerre dans l’appartement d’Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux je
2802 rises à la veille de la guerre dans l’appartement d’ Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux jeunes d’alors, tous ceux qu’elle
2803 ille de la guerre dans l’appartement d’Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux jeunes d’alors, tous ceux qu’elle estimait défi
2804 ment d’Adrienne ? De l’ancêtre Claudel aux jeunes d’ alors, tous ceux qu’elle estimait défilèrent un à un devant l’objectif
2805 filèrent un à un devant l’objectif — bien nommé — de Gisèle Freund. Ce choix des élus d’Adrienne, qu’on pourrait publier e
2806 bien nommé — de Gisèle Freund. Ce choix des élus d’ Adrienne, qu’on pourrait publier en album, ne ferait-il pas un bel hom
2807 ces, incisives et toujours amicales qu’elle donna de plusieurs des modèles dans son Navire d’argent et sa Gazette des amis
2808 le donna de plusieurs des modèles dans son Navire d’ argent et sa Gazette des amis des livres : autant de petits chefs-d’œu
2809 argent et sa Gazette des amis des livres : autant de petits chefs-d’œuvre d’intelligence du cœur. Quel art ferme et subtil
2810 amis des livres : autant de petits chefs-d’œuvre d’ intelligence du cœur. Quel art ferme et subtil, quel familier respect
2811 me et subtil, quel familier respect du langage et de ses artisans, et quel savoureux naturel ! Aurions-nous perdu avec ell
2812 acieusement que personne ? ag. Rougemont Denis de , « ‟Je vivais en ce temps-là…” », Mercure de France, Paris, janvier 1
2813 e temps-là…” », Mercure de France, Paris, janvier 1956, p. 50-51.
26 1956, Articles divers (1951-1956). Tableau du phénomène courtois (janvier 1956)
2814 Tableau du phénomène courtois (janvier 1956 )ah Revenant après de longues années sur les problèmes soulevés par
2815 omène courtois (janvier 1956)ah Revenant après de longues années sur les problèmes soulevés par L’Amour et l’Occident
2816 es problèmes soulevés par L’Amour et l’Occident 11, j’éprouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’observations
2817 r L’Amour et l’Occident 11, j’éprouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’observations nouvelles. Le lecteur
2818 ouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’ observations nouvelles. Le lecteur va juger si elles infirment ou si a
2819 conception religieuse, ou simplement une théorie de l’homme — et une forme lyrique déterminée. (Rapports entre le soufism
2820 sme et la poésie courtoise des Arabes ; influence de Freud sur l’école surréaliste.) Les polémiques parfois fort vives pro
2821 en comprise12, les découvertes multipliées depuis quinze ans par des spécialistes, de l’amour courtois, du catharisme et du ma
2822 ltipliées depuis quinze ans par des spécialistes, de l’amour courtois, du catharisme et du manichéisme, et peut-être l’exp
2823 éisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches personnelles, tout cela m’amène aujourd’hui à un
2824 s, tout cela m’amène aujourd’hui à une conception de la cortezia à peine moins « historique » que celle que j’esquissais a
2825 oute plus psychologique. Je rappelais la relation de fait (lieux et dates remarquablement identiques) entre cathares et tr
2826 is à dire : il y a là quelque chose, et l’absence de rapports entre ces gens me paraîtrait plus étonnante encore que n’imp
2827 lle hypothèse, « sérieuse » ou non, sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des in
2828 sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des influences à la manière de beaucoup d’
2829 il précis des influences à la manière de beaucoup d’ historiens pour qui le réel n’est défini que par des documents écrits.
2830 le leur. Je ne prétends pas fonder sur pièces une de ces solutions textuelles et « scientifiques » après quoi, comme le di
2831 isant autant qu’il est possible, la problématique de l’amour courtois — parce que je la crois vitale pour l’Occident moder
2832 lques faits, comme un piège. J’éviterai à la fois d’ indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément d
2833 ge. J’éviterai à la fois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on p
2834 ois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on pourrait citer hors du
2835 : « Des preuves ! » ou « Comme c’est vrai ! » ⁂ 1. La révolution psychique du xiie siècle Une hérésie néo-manichéenn
2836 condamnant le mariage, mais fondant une « Église d’ Amour », opposée à l’Église de Rome13, envahit rapidement la France, d
2837 ondant une « Église d’Amour », opposée à l’Église de Rome13, envahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et de l’Ita
2838 l’Église de Rome13, envahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de l
2839 ahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. D
2840 e et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. Dans le même temps, d’autres mouvements hétéro
2841 sant aux prélats ambitieux et aux pompes sacrales de l’Église un spiritualisme épuré, ils aboutissent parfois, plus ou moi
2842 nt Bernard de Clairvaux et Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la spéculation. Mais hors de
2843 incompréhensibles, les oscillations s’amplifient. D’ Henri de Lausanne et Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène et aux
2844 squ’à un Amaury de Bène et aux frères ortliebiens de Strasbourg, tous condamnent le mariage, — que par ailleurs, le pape-m
2845 ue par ailleurs, le pape-moine Grégoire VII vient d’ interdire aux prêtres. En revanche, beaucoup professent que l’homme ét
2846 beaucoup professent que l’homme étant divin, rien de ce qu’il fait avec son corps — cette part du diable — ne saurait enga
2847 ette part du diable — ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêqu
2848 ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêque dualiste, excusant
2849 ée par plusieurs sectes. Une forme toute nouvelle de poésie naît dans le Midi de la France, patrie cathare : elle célèbre
2850 ’idée platonicienne du principe féminin, le culte de l’Amour contre le mariage, en même temps que la chasteté. Saint Bern
2851 u Parfaits, puis oppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques son
2852 ppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques sont écrits pour les
2853 sont écrits pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour —
2854 pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le co
2855 nnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le comte Guillaum
2856 e comte Guillaume de Poitiers — jusqu’au Paraclet d’ Héloïse. Cette mystique épithalamique se retrouve à la fois chez Berna
2857 es courtois et en lettres, le premier grand roman d’ amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras
2858 n lettres, le premier grand roman d’amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse d
2859 re histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse de Tripoli, « princesse lointaine » qu’il aime sans l’avo
2860 x et au temps où se nouent la légende et le mythe de la passion mortelle : Tristan. À cette montée puissante et comme uni
2861 n. À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne p
2862 sante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’oppo
2863 lisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’ opposer une croyance et un culte qui répondissent au même désir profon
2864 lte qui répondissent au même désir profond, surgi de l’âme collective. Il fallait « convertir » ce désir, tout en se laiss
2865 mme pour mieux le capter dans le courant puissant de l’orthodoxie14. De là les tentatives multipliées, dès le début du xii
2866 apter dans le courant puissant de l’orthodoxie14. De là les tentatives multipliées, dès le début du xiie siècle, pour ins
2867 le début du xiie siècle, pour instituer un culte de la Vierge. Marie reçoit généralement, dès cette époque, le titre de r
2868 e reçoit généralement, dès cette époque, le titre de regina coeli, et c’est en Reine désormais que l’art va la représenter
2869 ’art va la représenter. À la « Dame des Pensées » de la cortezia, on substituera « Notre Dame ». Et les ordres monastiques
2870 ordres chevaleresques : le moine est « chevalier de Marie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Imm
2871 resques : le moine est « chevalier de Marie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Immaculée Conception
2872 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Immaculée Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut
2873 es établissent une fête de l’Immaculée Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut beau protester dans une le
2874 fameuse contre « cette fête nouvelle que l’usage de l’Église ignore, que la raison n’approuve pas, que la tradition n’aut
2875 torise point… et qui introduit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas, au siècle
2876 duit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire
2877 saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire de la manière la plus précise : « Si Marie eût été conçue sans péché, el
2878 té conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’ être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à un
2879 soin d’être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à une nécessité d’ordre vital pour l’Église menac
2880 » Le culte de la Vierge répondait à une nécessité d’ ordre vital pour l’Église menacée et entraînée… La papauté, plusieurs
2881 ier trait dont on verra qu’il est tout impossible de le rattacher latéralement aux précédents. C’est au xiie siècle que s
2882 tteste en Europe une modification radicale du jeu d’ échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient l
2883 modification radicale du jeu d’échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient le jeu primitif, on vo
2884 u jeu d’échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient le jeu primitif, on voit la Dame (ou Reine) prend
2885 trouvant d’ailleurs réduit à sa moindre puissance d’ action réelle, tout en demeurant l’enjeu final et le personnage sacré.
2886 emeurant l’enjeu final et le personnage sacré. 2. Œdipe et les dieux Freud désigne du nom d’Œdipe le complexe compos
2887 2. Œdipe et les dieux Freud désigne du nom d’ Œdipe le complexe composé dans l’inconscient par l’agressivité du fils
2888 tacle à l’amour pour la mère) et par le sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit
2889 sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit le fils au conformisme social et moral 
2890 le fils au conformisme social et moral ; le poids de l’interdit lié à la mère (donc au principe féminin) inhibe l’amour :
2891 ui touche à la femme reste « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’autant plus contraignant que la structure s
2892 « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’ autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide, la
2893 ouvoirs plus révéré. Imaginons maintenant un état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance éc
2894 s maintenant un état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance économique détenue par le père
2895 divine se divise elle-même, soit en une pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-déesse, comme en Égypte
2896 compulsion qui créait le complexe œdipien faiblit d’ autant. La haine pour le père se concentre sur le démiurge et sur son
2897 sexualité procréatrice, — tandis qu’un sentiment d’ adoration purifiée peut se porter sur le Dieu-Esprit. En même temps, l
2898 iellement libéré : il peut s’avouer sous la forme d’ un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette
2899 ous la forme d’un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’être virgi
2900 e, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’ être virginale, qu’elle échappe donc à l’interdit maintenu sur la femm
2901 e échappe donc à l’interdit maintenu sur la femme de chair. L’union mystique avec cette divinité féminine devient alors un
2902 iasme libérateur unifiant l’être, le « consolant » 15. 3. Une illustration Au xiie siècle, l’on assiste dans le Midi
2903 ibérateur unifiant l’être, le « consolant »15. 3. Une illustration Au xiie siècle, l’on assiste dans le Midi de la
2904 des domaines entre tous les fils, ou « pariage », d’ où perte d’autorité du suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance indi
2905 s entre tous les fils, ou « pariage », d’où perte d’ autorité du suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste 
2906 d’où perte d’autorité du suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’une religion dualiste
2907 de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’ une religion dualiste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’
2908 aliste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’Amour, dont je viens de rappeler les manifestations. Nous voici don
2909 nie dans l’Histoire) du phénomène que nous venons d’ imaginer au paragraphe précédent. Si nous cherchons à nous représente
2910 ous représenter la situation psychique et éthique de l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’il se trouve impli
2911 és dans le cas des simples croyants, c’est-à-dire de l’immense majorité des hérétiques. Du côté catholique, le mariage est
2912 ent, cependant qu’il repose en fait sur des bases d’ intérêt matériel et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soi
2913 voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des
2914 e leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibi
2915 , comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle d’ admettre la femme, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’un
2916 ouvelle d’admettre la femme, mais sous le couvert d’ une idéalisation, voire d’une divinisation du principe féminin. Ce qui
2917 e, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’ une divinisation du principe féminin. Ce qui ne peut qu’aviver la cont
2918 ies dans leur fascinante nouveauté… C’est au cœur de cette situation inextricable, c’est comme une résultante de tant de c
2919 ituation inextricable, c’est comme une résultante de tant de confusions qui devaient s’y nouer, qu’apparaît la cortezia, «
2920 qu’apparaît la cortezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « pitié » particulière
2921 tezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « pitié » particulière, la joy d’amors, s
2922 idéalisée, avec sa « pitié » particulière, la joy d’ amors, ses « rites » précis, la rhétorique des troubadours, sa morale
2923 précis, la rhétorique des troubadours, sa morale de l’hommage et du service, sa « théologie » et ses disputes théologique
2924 ans toute l’Europe. Or nous voyons cette religion de l’amour ennoblissant célébrée par les mêmes hommes qui persistent à t
2925 vent dans le même poète un adorateur enthousiaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse 
2926 iaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’un
2927 l rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’ un Marcabru ou d’un Rambaut d’Orange. Chose curieuse, les troubadours
2928 n se rappelle seulement les vers d’un Marcabru ou d’ un Rambaut d’Orange. Chose curieuse, les troubadours chez lesquels nou
2929 gnent pas ! On dirait qu’ils ont trouvé le secret d’ une conciliation vivante des inconciliables. Ils semblent refléter, ma
2930 a division des consciences (elle-même productrice de mauvaise conscience) dans la grande masse d’une société partagée non
2931 rice de mauvaise conscience) dans la grande masse d’ une société partagée non seulement entre la chair et l’esprit, mais en
2932 entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein même de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie réelle des Croyant
2933 ssus l’un des plus sensibles interprètes modernes de la cortezia, René Nelli : Presque toutes les dames du Carcassès, du
2934 s les dames du Carcassès, du Toulousain, du Foix, de l’Albigeois étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent
2935 et qui leur demandaient non pas tant une illusion d’ amour sincère qu’un antipode spirituel au mariage où elles avaient été
2936 eur ajoute qu’à son avis, « il n’est pas question de voir dans la chasteté, ainsi feinte, une habitude réelle ni un reflet
2937 morale des Parfaits. Mais enfin, dit le sceptique d’ aujourd’hui, que peut bien signifier au concret cette « chasteté » prô
2938 gleurs ? Et comment expliquer le succès si rapide d’ une prétendue morale à ce point ambiguë, dans un Languedoc, une Italie
2939 logie n’occupaient tout de même pas le plus clair de la vie, et n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsi
2940 n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’ impulsions naturelles ? Les modernes, en effet, depuis Rousseau, croie
2941 , depuis Rousseau, croient qu’il existe une sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues
2942 que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais
2943 civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprise
2944 et rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclusives, mais qui se superposent ou se combinent à l
2945 i se superposent ou se combinent à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais d’autant plus
2946 à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais d’autant plus actifs ; et d’instincts hérités
2947 nduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais d’ autant plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque natu
2948 complexes ignorés, mais d’autant plus actifs ; et d’ instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes
2949 t plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues
2950 hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues traces ou cicatrices mentales
2951 ces ou cicatrices mentales tout inconscientes et, de ce fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt des
2952 ines à la fois dans le temps et dans l’espace. 4. Une technique de la « chasteté » À partir du vie siècle se répand
2953 ns le temps et dans l’espace. 4. Une technique de la « chasteté » À partir du vie siècle se répand rapidement dans
2954 ipe cosmique féminin ; la méditation tient compte de ses « pouvoirs », la délivrance devient possible par la Çatki… Dans c
2955 vient elle-même une chose sacrée, une incarnation de la mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à
2956 ne incarnation de la mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à tous les courants mystiques du Moye
2957 Il s’agit, par le cérémonial du yoga tantrique, de transcender la condition humaine. Le tantrisme bouddhique trouve des
2958 ha yoga hindou, technique du contrôle du corps et de l’énergie vitale. C’est ainsi que certaines postures (mudras) décrite
2959 mudras) décrites par le hatha yoga ont pour but «  d’ utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unifi
2960 hatha yoga ont pour but « d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unification finale, la fonct
2961 d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’ intégration, d’unification finale, la fonction par excellence humaine,
2962 e moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’ unification finale, la fonction par excellence humaine, celle-là même
2963 es naissances et des morts, la fonction sexuelle » 17. Ainsi parle Shiva18 : « Pour mes dévots, je vais décrire le geste de
2964 a18 : « Pour mes dévots, je vais décrire le geste de l’Éclair (vajroli mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être
2965 onnées par le texte font allusion à une technique de l’acte sexuel sans consommation, car « celui qui garde (ou reprend) s
2966 a semence dans son corps, qu’aurait-il à craindre de la mort ? » comme le dit un upanishad. Dans le tantrisme, la maithuna
2967 ecret, obscur, à double sens, dans lequel un état de conscience est exprimé par un terme érotique »19 — ou l’inverse aussi
2968 de conscience est exprimé par un terme érotique » 19 — ou l’inverse aussi bien. À tel point « qu’on ne peut jamais précise
2969 a est un acte réel ou simplement une allégorie ». De toute manière, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’an
2970 e, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’anéantissement du moi ». Et cette « béatitude érotique », obtenue p
2971 ique », obtenue par l’arrêt, non du plaisir, mais de son effet physique, est utilisée comme expérience immédiate pour obte
2972 rappellent les textes, le dévot devient la proie de la triste loi karmique, comme n’importe quel débauché. » Mais la femm
2973 Mais la femme, dans tout cela ? Elle reste objet d’ un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’aman
2974 bjet d’un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle
2975 ulte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle est mère, s
2976 sœur, épouse, fille… elle est le chemin du salut » 20. Ainsi le tantrisme apporte cette nouveauté qui consiste à « expérimen
2977 isme, symbolise l’état par excellence du péché et de la mort : l’acte sexuel »21. Mais l’acte est toujours décrit comme ét
2978 xcellence du péché et de la mort : l’acte sexuel » 21. Mais l’acte est toujours décrit comme étant celui de l’homme. La femm
2979 Mais l’acte est toujours décrit comme étant celui de l’homme. La femme reste passive, impersonnelle, pur principe, sans vi
2980 On y accorde une grande importance à toute sorte d’ « amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un
2981 importance à toute sorte d’« amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent et difficile appren
2982 rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’ un lent et difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir
2983 phyte doit servir la « femme dévote » pendant les quatre premiers mois, comme un domestique, dormir dans la même chambre qu’el
2984 me chambre qu’elle, puis à ses pieds. Pendant les quatre mois suivants et tout en continuant à la servir comme avant, il dort
2985 dans le même lit, du côté gauche. Pendant encore quatre mois, il dormira du côté droit, après ils dormiront enlacés, etc. Tou
2986 s préliminaires ont pour but « l’autonomisation » de la volupté — considérée comme l’unique expérience humaine qui peut ré
2987 vie en économisant le principe vital, plutôt que de conquérir la liberté spirituelle par la déification du corps. La « ch
2988 e et la béatitude à travers une Elle qu’il s’agit de « servir » en posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi
2989 posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, le
2990 oi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, lequel ferait retomber le chevalier servant dans la réal
2991 alier servant dans la réalité fatale du Karma. 5. La joie d’amour En contraste indéniable avec ces textes mystiques
2992 nt dans la réalité fatale du Karma. 5. La joie d’ amour En contraste indéniable avec ces textes mystiques et cette ab
2993 hysiologique, citons maintenant quelques chansons de « légers troubadours méridionaux », grands seigneurs amateurs ou jong
2994 que les romanistes unanimes nous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs23 ». D’Amour, je sais qu’il donne aisément gran
2995 ous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs23 ». D’ Amour, je sais qu’il donne aisément grande joie à celui qui observe se
2996 itiers et neuvième duc d’Aquitaine, qui mourut en 1127. Dès le début du xiie siècle, ces « lois d’Amour » sont donc déjà fix
2997 en 1127. Dès le début du xiie siècle, ces « lois d’ Amour » sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Servic
2998 s conduisent à la Joie, qui est signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter c
2999 arantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter celui qui sait garder Mesure… Le bien-être
3000 me fasse longtemps attendre et que je n’aie point d’ elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame :
3001 qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle de dure merci, pourvu que
3002 ice de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle de dure merci, pourvu que vous m’accordiez que par vous au ciel je tende
3003 « La soumission à l’aimée est la marque naturelle d’ un homme courtois. ») Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aime
3004 Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer d’ amour sensuel se met en guerre avec lui-même, car le sot après avoir v
3005 riste contenance ! (Marcabru.) Écoutez ! Sa voix ( d’ Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui
3006 ! Sa voix (d’Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui coupez la queue !24 (Marcabru.) Chast
3007 coupez la queue !24 (Marcabru.) Chasteté délivre de la tyrannie du désir en portant le Désir (courtois) à l’extrême : Pa
3008 tant le Désir (courtois) à l’extrême : Par excès de désir, je crois que je me l’enlèverai, si l’on peut rien perdre à for
3009 Ibn Dawoud louait la chasteté pour son pouvoir «  d’ éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « jo
3010 ouvoir « d’éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus élo
3011 le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupa
3012 « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libé
3013 el se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libération : la présence ph
3014 us loin dans la libération : la présence physique de l’objet aimé lui deviendra bientôt indifférente : J’ai une amie, mai
3015 … Nulle joie ne me plaît autant que la possession de cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’est pas seulement libératr
3016 e la possession de cet amour lointain. La « joie d’ Amour » n’est pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et
3017 é par Mesure et Prouesse, elle est aussi fontaine de Jouvence : Je veux garder (ma dame) pour me rafraîchir le cœur et re
3018 si bien que je ne puisse vieillir… Celui-là vivra cent ans qui réussira à posséder la joie de son amour. (Guillaume de Poiti
3019 là vivra cent ans qui réussira à posséder la joie de son amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de l
3020 llaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180
3021 .) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180 environ). Au xiiie
3022 ière et de la seconde génération des troubadours ( 1120 à 1180 environ). Au xiiie siècle, ceux de la dernière génération exp
3023 de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180 environ). Au xiiie siècle, ceux de la dernière génération expliciter
3024 urs (1120 à 1180 environ). Au xiiie siècle, ceux de la dernière génération expliciteront ce que leurs modèles avaient cha
3025 que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’est plus de l’amour courtois, si on le matérialise ou si la Dame se rend comme ré
3026 crit Daude de Prades, qui cependant ne craint pas de donner des précisions sur les gestes érotiques que l’on peut se perme
3027 on : Dans le palais où elle siège (la Dame) sont cinq portes : celui qui peut ouvrir les deux premières passe aisément les
3028 ame) sont cinq portes : celui qui peut ouvrir les deux premières passe aisément les trois autres, mais il lui est difficile
3029 peut ouvrir les deux premières passe aisément les trois autres, mais il lui est difficile d’en sortir. Il vit dans la joie, c
3030 ément les trois autres, mais il lui est difficile d’ en sortir. Il vit dans la joie, celui qui peut y rester. On y accède p
3031 la joie, celui qui peut y rester. On y accède par quatre degrés très doux, mais là n’entrent ni vilains ni malotrus, ces gens-
3032 à sont logés dans le faubourg, lequel occupe plus de la moitié du monde. Celui que l’on nomme parfois le dernier troubad
3033 s le dernier troubadour, Guiraut Riquier, donnera de ces vers le commentaire suivant : Les cinq portes sont Désir, Prière
3034 donnera de ces vers le commentaire suivant : Les cinq portes sont Désir, Prière, Servir, Baiser, et Faire, par où Amour pér
3035 rvir, Baiser, et Faire, par où Amour périt. » Les quatre degrés sont « honorer, dissimuler, bien servir, patiemment attendre.2
3036 qui peuvent éclairer indirectement sur la nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ses aspects. Et tout d’abord
3037 a nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ses aspects. Et tout d’abord, dit Marcabru, « Il lie partie avec le d
3038 r ». (Et en effet, le diable n’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?)
3039 ’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amour
3040 res, faux abbés, fausses recluses et faux reclus » 26. Ils seront détruits « soumis à toute ruine », et tourmentés en enfer.
3041 entation des désespérés. Ah ! noble Amour, source de bonté, par qui le monde entier est illuminé, je te crie merci. Contre
3042 ci. Contre ces clameurs gémissantes, défends-moi, de peur que je ne sois retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me ti
3043 ouvent des ambiguïtés ménagées par le « service » d’ amour courtois, Cercamon n’hésite pas à écrire en mettant les points s
3044 femmes et les époux. Ils vous disent qu’Amour va de travers, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames s
3045 u’un grand nombre abandonnent Mérite et éloignent d’ eux Jeunesse. Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalité
3046 se. Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalités « matérielles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à d
3047 lles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système
3048 orrespondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés,
3049 e langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent
3050 la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffi
3051 ue courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire.
3052 son système de vertus, de péchés, de louanges et d’ interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir
3053 t d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’Arthur,
3054 e va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’ Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drame
3055 ers du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulemen
3056 idi, pour une pure fantasmagorie sentimentale. 6. Excuse aux historiens Je ne crois guère à l’histoire « scientifiqu
3057 téressent dans cet ouvrage. Je lui laisse le soin d’ affirmer que telle « filiation » reste indémontrable « dans l’état act
3058 iation » reste indémontrable « dans l’état actuel de nos connaissances », reste donc incroyable jusqu’à nouvel avis. Je ch
3059 ujourd’hui pour établis. Simplement, je les crois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on
3060 es crois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil de
3061 ois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil de con
3062 quoi l’on peut rêver. La Pantcha Tantra, recueil de contes bouddhistes, fut traduit au vie siècle du sanscrit en pehlevi
3063 ie siècle du sanscrit en pehlevi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide
3064 vi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide vers l’Europe à travers une sér
3065 progrès rapide vers l’Europe à travers une série de traductions en syriaque, en arabe, en latin, en espagnol, etc. Au xvi
3066 r une ancienne version arabe. Le périple du Roman de Barlaam et Josaphat est encore plus surprenant. Sous sa forme connue
3067 est encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui c
3068 me connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui conduit Josaphat, prince indien, à découv
3069 es grandes lignes, porte des traces indiscutables de manichéisme. Selon l’école néo-cathare française, les hérétiques du x
3070 nichéenne du Roman est attestée par les fragments de son texte original (en langage ouïgour du viiie siècle) retrouvés da
3071 » (var. Yudhâsaf). Innombrables sont les exemples de relations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai choisi ces deux
3072 l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai choisi ces deux cas, solidement attestés, parce qu’ils réfutent le préjugé moderne en
3073 aître « hautement fantaisiste et improbable ». 7. En lieu et place de conclusions définitives L’amour courtois resse
3074 r courtois ressemble à l’amour encore chaste — et d’ autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à
3075 ’amour encore chaste — et d’autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à l’amour chanté par les
3076 ront repris par presque tous les grands mystiques de l’Occident. Il nous semble parfois se réduire à des fadaises sophisti
3077 i les réalités précises, mais non moins ambiguës, d’ une certaine discipline érotico-mystique dont l’Inde, la Chine et le P
3078 ai » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux comprendre — si rien
3079 it à l’« expliquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compt
3080 liquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compte tenu des o
3081 ensées que firent à ma thèse minima les partisans d’ écoles au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-
3082 au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois e
3083 e voici ramené par une sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois est né au xiie siècle
3084 tois est né au xiie siècle, en pleine révolution de la psyché occidentale. Il a surgi du même mouvement qui fit remonter
3085 i du même mouvement qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Fémini
3086 qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le cu
3087 -jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la M
3088 ’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il particip
3089 l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie d
3090 incipe Féminin de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qu
3091 in de la çatki, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à m
3092 la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occid
3093 re, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’
3094 re à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’ un Orient symbolique. Il nous devient intelligible par certaines de se
3095 lique. Il nous devient intelligible par certaines de ses marques historiques : sa relation littéralement congénitale avec
3096 ne virulence intime, perpétuellement nouvelle. 11. Le présent texte constitue le chapitre X du Livre II de la version re
3097 le. 11. Le présent texte constitue le chapitre X du Livre II de la version remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv.
3098 Le présent texte constitue le chapitre X du Livre II de la version remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon.
3099 présent texte constitue le chapitre X du Livre II de la version remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 195
3100 le chapitre X du Livre II de la version remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 1956). 12. Il faut avouer
3101 iée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 1956 ). 12. Il faut avouer que les réfutations les plus virulentes qui aie
3102 ’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 1956). 12. Il faut avouer que les réfutations les plus virulentes qui aient été
3103 eule hypothèse que j’avais mentionnée au chapitre VII de ce livre, à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être —
3104 hypothèse que j’avais mentionnée au chapitre VII de ce livre, à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être — se
3105 t être — selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte de langage secret du catharisme — une relecture des chapitres VIII et IX
3106 ecret du catharisme — une relecture des chapitres VIII et IX suffit à « réduire » à son tour cette simplification tout à fai
3107 catharisme — une relecture des chapitres VIII et IX suffit à « réduire » à son tour cette simplification tout à fait abus
3108 ables que moi — en dépit de certaines imprudences d’ expression. (Ce sont elles, par malheur, qui ont le plus fait pour ass
3109 heur, qui ont le plus fait pour assurer le succès de l’ouvrage dans un large public pressé, comme il arrive.) 13. Comme A
3110 e dans un large public pressé, comme il arrive.) 13. Comme Amor s’oppose à Roma. Les hérétiques reprochaient à l’Église ca
3111 Les hérétiques reprochaient à l’Église catholique d’ avoir inverti le nom même du Dieu qui est Amour. 14. Ce qui n’empêche
3112 avoir inverti le nom même du Dieu qui est Amour. 14. Ce qui n’empêchera pas l’Église de Rome, en la personne du pape Innoc
3113 i est Amour. 14. Ce qui n’empêchera pas l’Église de Rome, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du
3114 l’Église de Rome, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du monde » et ne pouvait tolérer la défectio
3115 e, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie
3116 ire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade c
3117 la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade contre les cathares : le premier génoc
3118 ’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade contre les cathares : le premier génocide ou massacre sys
3119 es : le premier génocide ou massacre systématique d’ un peuple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident.
3120 ple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident. 15. Consoler vient de consolari, formée de cum et de so
3121 par notre histoire « chrétienne » de l’Occident. 15. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dir
3122 cident. 15. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifi
3123 5. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifie donc éty
3124 signifie donc étymologiquement : rendre entier. 16. Voir Mircea Eliade, Technique du yoga, p. 176 à 191. 17. Id., ibid.
3125 . Voir Mircea Eliade, Technique du yoga, p. 176 à 191. 17. Id., ibid., p. 199. 18. Civa Samhitâ, 4, 78 à 102. Cf. Alain
3126 Mircea Eliade, Technique du yoga, p. 176 à 191. 17. Id., ibid., p. 199. 18. Civa Samhitâ, 4, 78 à 102. Cf. Alain Danié
3127 du yoga, p. 176 à 191. 17. Id., ibid., p. 199. 18. Civa Samhitâ, 4, 78 à 102. Cf. Alain Daniélou, Yoga, the Method of R
3128 91. 17. Id., ibid., p. 199. 18. Civa Samhitâ, 4, 78 à 102. Cf. Alain Daniélou, Yoga, the Method of Reintegration, 1949
3129 17. Id., ibid., p. 199. 18. Civa Samhitâ, 4, 78 à 102. Cf. Alain Daniélou, Yoga, the Method of Reintegration, 1949, p
3130 Id., ibid., p. 199. 18. Civa Samhitâ, 4, 78 à 102. Cf. Alain Daniélou, Yoga, the Method of Reintegration, 1949, p. 45 et
3131 lain Daniélou, Yoga, the Method of Reintegration, 1949, p. 45 et suiv. 19. Mircea Eliade, op. cit., p.  205 et suiv. On trou
3132 he Method of Reintegration, 1949, p. 45 et suiv. 19. Mircea Eliade, op. cit., p.  205 et suiv. On trouve parfois « jusqu’à
3133 it., p.  205 et suiv. On trouve parfois « jusqu’à cinq sens équivalents pour un seul terme ». 20. L. De La Vallée-Poussin,
3134 qu’à cinq sens équivalents pour un seul terme ». 20. L. De La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 21.
3135 cinq sens équivalents pour un seul terme ». 20. L. De La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 21. El
3136 q sens équivalents pour un seul terme ». 20. L. De La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 21. Eliad
3137 Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 21. Eliade, op. cit., p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’ex
3138 -Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 21. Eliade, op. cit., p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse
3139 atériaux, 1898. 21. Eliade, op. cit., p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fr
3140 ux, 1898. 21. Eliade, op. cit., p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragmen
3141 iade, op. cit., p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — d
3142 p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de ch
3143 ’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduit
3144 pouvoir citer ici que des fragments de chansons —  de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privés
3145 er ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privés de toute be
3146  ! — souvent très pauvrement traduites, et privés de toute beauté proprement poétique et rythmique par cette double trahis
3147 n entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 24. Note du professeur Jeanroy : « C’est-à-dire, si vous parve
3148 que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 24. Note du professeur Jeanroy : « C’est-à-dire, si vous parvenez à suppr
3149 si vous parvenez à supprimer ses conséquences. » 25. Cf. plus haut (p. 22) la description du « service » selon l’école Sah
3150 ce » selon l’école Sahajiya. Cette interprétation de Guiraut Riquier est exacte. On peut s’en assurer en lisant cette phra
3151 acte. On peut s’en assurer en lisant cette phrase d’ Ælius Donatus (commentaire sur Térence, ive siècle) : Quinque lineoe
3152 qui enflamme – et servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’amour peut être suivi à travers toute la poésie latine du Mo
3153 e – et servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’ amour peut être suivi à travers toute la poésie latine du Moyen Âge, j
3154 onsard. Les variations sont très légères. Mais en 1510, Jean Lemaire de Belges écrit dans son Illustrations de Gaule : « Les
3155 an Lemaire de Belges écrit dans son Illustrations de Gaule : « Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en amours, … l
3156 rations de Gaule : « Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en amours, … le regard, le parler, l’attouchement, le bais
3157 ion, c’est celui qu’on nomme par honnêteté le don de mercy. » Le contraste avec l’amour courtois est clair. Et non moins l
3158 pour leur part à la Grâce, chez les troubadours… 26. Les cathares condamnaient la guerre et toute forme d’homicide, légal
3159 es cathares condamnaient la guerre et toute forme d’ homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux
3160 toute forme d’homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inq
3161 lace de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’eussent pas man
3162 quisiteurs du siècle suivant n’eussent pas manqué de lire simplement : juges, prêtres, reclus, et maris ! ah. Rougemont
3163 prêtres, reclus, et maris ! ah. Rougemont Denis de , « Tableau du phénomène courtois », La Table ronde, Paris, janvier 19
3164 nomène courtois », La Table ronde, Paris, janvier 1956, p. 16-27.
27 1956, Articles divers (1951-1956). Denis de Rougemont et l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)
3165 ugemont et l’amour-passion, phénomène historique ( 4 février 1956)ai aj Pourquoi aviez-vous écrit ce livre ? L’amour de
3166 l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956 )ai aj Pourquoi aviez-vous écrit ce livre ? L’amour des découvertes
3167 mort avec l’amour pour la vie. Je voulais donner 150 pages ; j’en fis 400. En cours de route, en effet, je me mis à recher
3168 ur la vie. Je voulais donner 150 pages ; j’en fis 400. En cours de route, en effet, je me mis à rechercher l’origine de l’am
3169 voulais donner 150 pages ; j’en fis 400. En cours de route, en effet, je me mis à rechercher l’origine de l’amour-passion
3170 route, en effet, je me mis à rechercher l’origine de l’amour-passion et je m’aperçus qu’il apparaissait pour la première f
3171 it pour la première fois clairement dans le mythe de Tristan. Dès lors je dépassais largement mon sujet : il ne s’agissait
3172 ssais largement mon sujet : il ne s’agissait plus d’ exposer ce que j’appelle la crise contemporaine du mariage mais d’alle
3173 j’appelle la crise contemporaine du mariage mais d’ aller véritablement à l’essentiel : étudier l’amour-passion à travers
3174 autres aussi, jusqu’à la dégradation qu’il subit de nos jours. J’ai tenté de le décrire comme un phénomène historique, d’
3175 dégradation qu’il subit de nos jours. J’ai tenté de le décrire comme un phénomène historique, d’origine proprement religi
3176 enté de le décrire comme un phénomène historique, d’ origine proprement religieuse. Voulez-vous dire que l’amour-passion n’
3177 ur-passion n’est pas un des caractères permanents de la nature humaine ? Exactement. L’amour-passion est un sentiment hist
3178 ntion aux textes. Vous verrez qu’il ne s’agit que d’ amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous présente l’amour com
3179 qu’il ne s’agit que d’amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous présente l’amour comme lié à la mort, avec ce goû
3180 résente l’amour comme lié à la mort, avec ce goût de cendres tel que l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l
3181 t de cendres tel que l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l’éprouver. En Orient et dans la Grèce contempora
3182 l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l’éprouver. En Orient et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amo
3183 prouver. En Orient et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain est très généralement conçu comme un plaisir,
3184 où elle exerce ses ravages aux dépens du monde et de soi. Pourquoi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amo
3185 soi. Pourquoi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amour de la mort sont-ils apparus à ce moment-là ? Il fa
3186 volution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amour de la mort sont-ils apparus à ce moment-là ? Il faut relier l’amour cour
3187 s condamnaient le mariage. On vous avait reproché d’ avoir fait trop d’hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effe
3188 mariage. On vous avait reproché d’avoir fait trop d’ hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effet. Quand parut mon
3189 hé d’avoir fait trop d’hypothèses sur la doctrine de cette hérésie. En effet. Quand parut mon livre, on ignorait encore be
3190 parut mon livre, on ignorait encore beaucoup trop de choses sur cette doctrine. J’avoue que j’en avais été réduit à un gra
3191 avoue que j’en avais été réduit à un grand nombre d’ hypothèses. Mais, en 1940, le Père Dondaine retrouva dans une biblioth
3192 é réduit à un grand nombre d’hypothèses. Mais, en 1940, le Père Dondaine retrouva dans une bibliothèque de Florence le Livre
3193 , le Père Dondaine retrouva dans une bibliothèque de Florence le Livre des deux principes, premier texte cathare en notre
3194 va dans une bibliothèque de Florence le Livre des deux principes, premier texte cathare en notre possession. J’eus le bonheu
3195 xte cathare en notre possession. J’eus le bonheur de voir qu’il confirmait ce que j’avais avancé. C’est pourquoi je propos
3196 artie historique. Mais votre propos demeure celui d’ un moraliste. J’en conviens. Mon livre est celui d’un moraliste dans l
3197 ’un moraliste. J’en conviens. Mon livre est celui d’ un moraliste dans la mesure où il cherche à faire prendre conscience a
3198 he à faire prendre conscience aux gens des motifs de leurs actes. Nous en revenons à mon but initial : dénoncer la crise d
3199 initial : dénoncer la crise du mariage. Le mythe de Tristan, dégradé, édulcoré, à l’état inconscient habite toujours les
3200 s les esprits. Il n’est pas une femme qui ne rêve de connaître le grand amour, la passion unique, totale, mortelle. L’adul
3201 presque devenu une vertu. Le cinéma fournit assez de preuves à ce que j’avance. Fonder le mariage sur l’amour-passion est
3202 ne pas s’aimer : un philtre, la beauté diabolique de l’un ou simplement la fatalité les contraint à s’aimer. Mais alors, s
3203 t rien. Pauvres cathares ! ai. Rougemont Denis de , « [Entretien] L’amour-passion, phénomène historique », L’Information
3204 ation financière, économique et politique, Paris, 4 février 1956, p. 6. aj. Propos recueillis par Guy Bechtel et introdu
3205 ncière, économique et politique, Paris, 4 février 1956, p. 6. aj. Propos recueillis par Guy Bechtel et introduits par la not
3206 et augmentée, aggravée dit M. de Rougemont qui a de l’esprit, vient de paraître chez Plon. La première édition, née en 19
3207 e paraître chez Plon. La première édition, née en 1939, avait provoqué une série de polémiques qui attestait l’importance de
3208 re édition, née en 1939, avait provoqué une série de polémiques qui attestait l’importance de l’ouvrage : on s’accorde à l
3209 ne série de polémiques qui attestait l’importance de l’ouvrage : on s’accorde à le tenir pour un des livres les plus impor
3210 à le tenir pour un des livres les plus importants de notre époque. M. de Rougemont vit peu en France. Après avoir passé se
3211 ntenant fixé à Genève et s’occupe essentiellement d’ économie politique. La semaine dernière, il a toutefois retrouvé Paris
3212 ir. Nous avons pu l’isoler quelques minutes entre deux émissions de radio et l’interroger pour les lecteurs de L’Information
3213 pu l’isoler quelques minutes entre deux émissions de radio et l’interroger pour les lecteurs de L’Information. »
3214 ssions de radio et l’interroger pour les lecteurs de L’Information. »
28 1956, Articles divers (1951-1956). Petits trajets sur les axes du monde (août 1956)
3215 Petits trajets sur les axes du monde (août 1956 )ak al Cette beauté bien drue d’énergie pure et neuve, aux matins l
3216 monde (août 1956)ak al Cette beauté bien drue d’ énergie pure et neuve, aux matins luisants de rosée, quand le pays ent
3217 drue d’énergie pure et neuve, aux matins luisants de rosée, quand le pays entier émerge de la brume, repeint durant la nui
3218 ns luisants de rosée, quand le pays entier émerge de la brume, repeint durant la nuit comme un banc vert auprès du lac pré
3219 à peine moins translucides que le ciel, ce temps de création du monde juste avant l’homme, c’est ma Suisse telle que je l
3220 nt l’homme, c’est ma Suisse telle que je la vois, de très loin, dans mon souvenir. J’y reviens. Les gros plans tout d’un c
3221 ns mon souvenir. J’y reviens. Les gros plans tout d’ un coup anéantissent l’exaltant panorama. Les maisons sages, un peu sc
3222 le compartiment. Compartiments, c’est le mot-clé de la Suisse. Douze paysages ou décors types juxtaposés, et l’on va de l
3223 nt. Compartiments, c’est le mot-clé de la Suisse. Douze paysages ou décors types juxtaposés, et l’on va de l’un à l’autre en
3224 e paysages ou décors types juxtaposés, et l’on va de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme il ar
3225 a de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme il arrive quand on traverse le tunnel de Chexbres : il
3226 nutes comme il arrive quand on traverse le tunnel de Chexbres : il se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénan
3227 e tunnel de Chexbres : il se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénans — collines où montent les sapins en bat
3228 le — et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’ un ciel méridional que double un lac immense. Vingt-cinq États distinc
3229 é d’un ciel méridional que double un lac immense. Vingt-cinq États distincts sans nulle frontière visible, deux confessions majeur
3230 inq États distincts sans nulle frontière visible, deux confessions majeures et trente-six sectes qui se côtoient partout mai
3231 e frontière visible, deux confessions majeures et trente-six sectes qui se côtoient partout mais qui s’ignorent, je ne sais combie
3232 t partout mais qui s’ignorent, je ne sais combien de races, de classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, san
3233 mais qui s’ignorent, je ne sais combien de races, de classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, sans mélange.
3234 orent, je ne sais combien de races, de classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, sans mélange. Si bien que l
3235 ervés, séparés, sans mélange. Si bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’un
3236 oids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’ une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamai
3237 rtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’ une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la
3238 mme d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’ un canton, presque jamais celui de la nation entière. Tandis que le gr
3239 rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la nation entière. Tandis que le grand esprit, solidement raciné dans
3240 rtiment natal, cherchera dans les jeux survolants de la synthèse les grandes dimensions qui lui manquent. Paracelse était
3241 s qui lui manquent. Paracelse était suisse, comme C. G. Jung, et Rousseau comme Jacob Burckhart, et Madame de Staël comme
3242 ckhart, et Madame de Staël comme personne. « Pays de gens moyens, oui, disait Lucien Febvre, mais quand ils réussissent à
3243 n Febvre, mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors, pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au
3244 ssissent à se dégager de leur canton — alors, pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de
3245 de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les ha
3246 gnent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa pri
3247 versel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’i
3248 de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la
3249 de Goeschenen, de Viège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors, cette ivresse des
3250 ne… Alors, cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée… »am Compartiments
3251 des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’ obstacles devant la pensée… »am Compartiments, esprit de groupe et so
3252 cles devant la pensée… »am Compartiments, esprit de groupe et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent
3253 esprit de groupe et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but
3254 p, et sociétés solides si leur but est restreint. D’ où l’extrême importance accordée à la vie, à la santé de l’individu, à
3255 ’extrême importance accordée à la vie, à la santé de l’individu, à son confort : médecine, hygiène, vêtement, technique mi
3256 ents. Et découvrons la Suisse réelle dans l’usage de ses trains locaux. Les trains suisses, bien qu’ils vous conduisent e
3257 ins suisses, bien qu’ils vous conduisent en moins d’ une heure d’un monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits dép
3258 bien qu’ils vous conduisent en moins d’une heure d’ un monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits déplacements, q
3259 ée ne s’établit jamais cette monotonie des heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de pla
3260 it jamais cette monotonie des heures de plaine et d’ océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse
3261 s cette monotonie des heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un
3262 céan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un véritable voyage, on s’en tire en coupant le
3263 on s’en tire en coupant le milieu, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures de musique russe indéfiniment répétées,
3264 pant le milieu, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures de musique russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le
3265 u, ce remplissage de kilomètres, ces deux mesures de musique russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le meilleur,
3266 usion qui en ouvre une autre, tandis qu’entre les deux s’opère en un clin d’œil la silencieuse révolution du centre où se co
3267 nt les extrêmes les plus touchants du souvenir et de l’espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouvert
3268 s romantiques contraints par les dimensions mêmes de leur État au classicisme véritable, celui qui exprime le tout en disa
3269 prime le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’un raccourci métaphorique. J’idéalise,
3270 s, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’ un raccourci métaphorique. J’idéalise, mais pourquoi pas ? S’il me fal
3271 t décrire nos petits déplacements du point de vue de l’usager moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes,
3272 ger moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien v
3273 rouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les g
3274 en trois classes, pour la commodité de l’exposé. De mon temps, les gens bien voyageaient en troisième, les gens chics par
3275 ne savais rien des premières sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelqu
3276 es sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelque usage ignoré du commun. P
3277 orceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge, pour quelque usage ignoré du commun. Presque toujours
3278 ens bien, gracieusement mêlés au peuple souverain de la région, dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs
3279 e égalité scolaire que créent en Suisse les bancs de bois peints en faux bois jaune clair. On s’attendait à être interrogé
3280 clair. On s’attendait à être interrogé, dans les trois langues nationales. À mi-chemin entre l’instituteur et le gendarme, u
3281 l’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’ un sévère uniforme au col bordé de perles blanches mordant sur l’encol
3282 personnage vêtu d’un sévère uniforme au col bordé de perles blanches mordant sur l’encolure bien rasée entrait, claquait l
3283 t annonçait avec une emphatique autorité des noms de villages que tout le monde connaissait, mais cela faisait partie du j
3284 se passait d’ailleurs sans angoisse. On était sûr de son affaire, on était parfaitement « en règle », il fallait simplemen
3285 e, voire prévenante, qui fait la force principale de notre régime fédéral. Revenant en Suisse après la longue absence de m
3286 déral. Revenant en Suisse après la longue absence de mes années américaines et plus que jamais frappé par ce trait nationa
3287 toires du monde ont une fin — la fatale faiblesse de notre État : cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc de nou
3288 a fatale faiblesse de notre État : cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc de nous croire protégés par toutes le
3289 cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc de nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines, comme s
3290 manité où nous plongeons se conformait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse de troisième classe,
3291 rmait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d’ un wagon suisse de troisième classe, tant il respire naturellement l’h
3292 e la bonne conduite. » L’aspect d’un wagon suisse de troisième classe, tant il respire naturellement l’honnêteté, tendrait
3293 tion, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’hu
3294 rresponsable et affamée ; et notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespeare et les Pères de
3295 dit Freud, Shakespeare et les Pères de l’Église… Dix années ont passé, et plus que jamais, s’il faut que j’en croie mes ye
3296 xtravagantes menacent quotidiennement, depuis des millénaires , l’existence même de la plupart des autres hommes. En dépit du langag
3297 nnement, depuis des millénaires, l’existence même de la plupart des autres hommes. En dépit du langage courant, c’est le n
3298 t le normal qui est exceptionnel. Ce sont les cas d’ ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils parais
3299 al qui est exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils paraissent, phé
3300 exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils paraissent, phénomènes hau
3301 lieu de nous rebattre les oreilles du train-train de nos corruptions. Donc les Suisses que je vois en troisième classe off
3302 s que je vois en troisième classe offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu
3303 n troisième classe offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les
3304 asse offrent l’image de l’homme sûr de son monde. D’ où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les étrangers sens
3305 e sûr de son monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’éprouvent les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent plac
3306 nnent place dans nos trains locaux ? L’expérience de la vie new-yorkaise, où personne ne vous voit jamais, me propose par
3307 en somme, inconsciemment, comme si notre système de sécurité devait être à chaque instant vérifié, mis au point, méticule
3308 méticuleusement nettoyé des moindres suggestions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une c
3309 nettoyé des moindres suggestions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une cravate insolente,
3310 ndiscrétion du regard suisse me surprend à chacun de mes retours. Comment décrire et comment justifier l’espèce particuliè
3311 écrire et comment justifier l’espèce particulière d’ irritation que provoquent ces regards apparemment timides, mais direct
3312 ement ne se détournent qu’avec cet air exaspérant de celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir
3313 naisé près de la porte du balcon dans une chambre d’ hôtel des bords du lac Léman : Afin d’éviter tout bruit inutile, la d
3314 : Afin d’éviter tout bruit inutile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’
3315 nutile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’était l’été des expériences d
3316 nger aux mouettes. C’était l’été des expériences de Bikini. Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’indus
3317 Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux,
3318 commerce et de l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieux, comme les gens de troisième, des menu
3319 de cette classe n’est pas curieux, comme les gens de troisième, des menus incidents du trajet. On sent bien qu’il a l’habi
3320 e vagabonde pas, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’étonnant si le contrôleur distingue à première vue les r
3321 s, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’ étonnant si le contrôleur distingue à première vue les resquilleurs, c
3322 s jeunes gens excités qui prétendent ne pas payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes :
3323 as payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’être là, on
3324 dans les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’ être là, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple
3325 s aux moues insolentes, vêtues comme des réclames de magazines, discutent avec un accent révoltant le prix de leurs nylons
3326 zines, discutent avec un accent révoltant le prix de leurs nylons ou de cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par l
3327 ec un accent révoltant le prix de leurs nylons ou de cette « Cadillac » promise, affirment-elles, par le jeune mâle placid
3328 les troisièmes. Mais il faut traverser un couloir de premières. Et je m’arrête, fasciné. Un vieux monsieur en noir, au col
3329 n’existait pas, ils vont plus loin. Confirmation de la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les pass
3330 l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse, je les nomme les imperméables. Ils traver
3331 t transparents s’ils vont très vite ? On ne cesse de voir le paysage au travers.) Ils appartiennent au vaste monde dont je
3332 nent au vaste monde dont je rêvais avec fièvre, à 12 ans, quand je lisais sur les longs wagons bruns qui s’engouffraient a
3333 axes du monde. Quel ennui, ces Secondes entre les deux  ! ak. Rougemont Denis de, « Petits trajets sur les axes du monde »
3334 Secondes entre les deux ! ak. Rougemont Denis de , « Petits trajets sur les axes du monde », Médecine de France, Paris,
3335  Petits trajets sur les axes du monde », Médecine de France, Paris, août 1956, p. 33-35. al. Ce texte est une nouvelle ve
3336 axes du monde », Médecine de France, Paris, août 1956, p. 33-35. al. Ce texte est une nouvelle version, remaniée, de « La l
3337 al. Ce texte est une nouvelle version, remaniée, de « La lutte des classes ». am. Il s’agit d’un extrait de la préface à
3338 niée, de « La lutte des classes ». am. Il s’agit d’ un extrait de la préface à la Confédération helvétique , que Rougemont
3339 lutte des classes ». am. Il s’agit d’un extrait de la préface à la Confédération helvétique , que Rougemont publie en 19
3340 onfédération helvétique , que Rougemont publie en 1953.
29 1956, Articles divers (1951-1956). Un exemple pour l’Europe (octobre 1956)
3341 Un exemple pour l’Europe (octobre 1956 )an Parmi les fédérations réussies, l’on peut citer la Suisse sans
3342 réussies, l’on peut citer la Suisse sans soulever d’ objections. Tout le monde sait que son régime politique est l’un des p
3343 e est l’un des plus stables au monde, depuis plus d’ un siècle. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer
3344 au monde, depuis plus d’un siècle. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer en exemple. Mais combien sa
3345 e. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer en exemple. Mais combien savent comment ce modèle d’un systè
3346 en exemple. Mais combien savent comment ce modèle d’ un système politique fédéral a pris naissance en 1848 ? Une fédérati
3347 ’un système politique fédéral a pris naissance en 1848  ? Une fédération qui garantit leur souveraineté aux fédérés Jusq
3348 u’à cette date, la Suisse n’était qu’une alliance d’ États souverains. Pendant des siècles, leur lien légal avait consisté
3349 sisté dans une Diète, laquelle n’avait guère plus de pouvoir que l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée d’ambass
3350 uère plus de pouvoir que l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée d’ambassadeurs des cantons souverains, pourvus d
3351 l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée d’ ambassadeurs des cantons souverains, pourvus du droit de veto, cette D
3352 ssadeurs des cantons souverains, pourvus du droit de veto, cette Diète « n’avait en fait d’emprise sur les cantons que dan
3353 s du droit de veto, cette Diète « n’avait en fait d’ emprise sur les cantons que dans la mesure où elle se conformait à leu
3354 la mesure où elle se conformait à leurs volontés » 27. La division des petits États, leur impuissance à adopter en temps uti
3355 ne politique commune expliquent la chute soudaine de l’ancienne Confédération devant les armées de la Révolution française
3356 ine de l’ancienne Confédération devant les armées de la Révolution française, en 1798. L’essai d’unification jacobine entr
3357 devant les armées de la Révolution française, en 1798. L’essai d’unification jacobine entrepris à ce moment-là sous le nom d
3358 mées de la Révolution française, en 1798. L’essai d’ unification jacobine entrepris à ce moment-là sous le nom de « Républi
3359 ion jacobine entrepris à ce moment-là sous le nom de « République helvétique une et indivisible » échoua rapidement, et Na
3360 issant l’erreur commise, déclarait aux Suisses en 1802  : « La Nature a fait votre État fédératif. Vouloir la vaincre ne peut
3361 at fédératif. Vouloir la vaincre ne peut pas être d’ un homme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’États souvera
3362 cre ne peut pas être d’un homme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’États souverains sans pouvoir central et de
3363 s être d’un homme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’États souverains sans pouvoir central et de la totale un
3364 mme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’ États souverains sans pouvoir central et de la totale unification, la
3365 liance d’États souverains sans pouvoir central et de la totale unification, la Suisse chercha pendant près d’un demi-siècl
3366 otale unification, la Suisse chercha pendant près d’ un demi-siècle un équilibre malaisé. Toute tentative de révision du « 
3367 demi-siècle un équilibre malaisé. Toute tentative de révision du « Pacte fédéral », comme celle de 1832, se voyait repouss
3368 ive de révision du « Pacte fédéral », comme celle de 1832, se voyait repoussée à la fois par la gauche, qui lui reprochait
3369 de révision du « Pacte fédéral », comme celle de 1832, se voyait repoussée à la fois par la gauche, qui lui reprochait son r
3370 La solution qui s’imposa finalement au lendemain de la guerre civile dite du Sonderbund (1847) peut être qualifiée soit d
3371 lendemain de la guerre civile dite du Sonderbund ( 1847 ) peut être qualifiée soit d’habile compris soit d’échappatoire, selon
3372 ite du Sonderbund (1847) peut être qualifiée soit d’ habile compris soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragm
3373 7) peut être qualifiée soit d’habile compris soit d’ échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.
3374 fait, elle a tranquillement supprimé le problème de la souveraineté cantonale (ou nationale), et cela d’une manière qui m
3375 la souveraineté cantonale (ou nationale), et cela d’ une manière qui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe d’aujou
3376 nale), et cela d’une manière qui me paraît pleine d’ enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Loin d’exiger des cantons u
3377 ui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe d’ aujourd’hui. Loin d’exiger des cantons une renonciation à leur souvera
3378 d’enseignements pour l’Europe d’aujourd’hui. Loin d’ exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, la Constituti
3379 ation à leur souveraineté, la Constitution suisse de 1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle
3380 on à leur souveraineté, la Constitution suisse de 1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle la li
3381 au pouvoir fédéral. Voici les textes : Article 1. — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis pa
3382 Voici les textes : Article 1. — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance… forme
3383 . — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance… forment dans leur ensemble
3384 s leur ensemble la Confédération suisse. Article 3. — Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas
3385 ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération garantit aux cantons leur territoire, la souverain
3386 ouveraineté dans les limites fixées par l’article 3, leurs constitutions, la liberté et les droits du peuple, etc. Per
3387 ffens l’a définie comme « la faculté pour un État d’ agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les limites
3388 s aucun État européen qui ait conservé la faculté d’ agir à sa guise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable de déclar
3389 uise à l’extérieur, c’est-à-dire qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assure
3390 -à-dire qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’assurer sa prospérité sans plus
3391 guerre ou de conclure la paix comme il l’entend, d’ assurer sa prospérité sans plus dépendre de l’étranger, de se défendre
3392 ntend, d’assurer sa prospérité sans plus dépendre de l’étranger, de se défendre plus de quelques heures contre les Russes
3393 r sa prospérité sans plus dépendre de l’étranger, de se défendre plus de quelques heures contre les Russes ou les Américai
3394 plus dépendre de l’étranger, de se défendre plus de quelques heures contre les Russes ou les Américains : donc de se cond
3395 heures contre les Russes ou les Américains : donc de se conduire en pirate ou de vivre en vase clos. Ces limites décisives
3396 les Américains : donc de se conduire en pirate ou de vivre en vase clos. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont p
3397 aineté ne sont plus posées par le droit, mais par d’ implacables circonstances techniques, économiques et politiques. Il en
3398 ulte que la souveraineté nationale n’a plus guère d’ autre existence que psychologique. Refoulée du domaine des forces réel
3399 ogique. Refoulée du domaine des forces réelles et de pouvoirs concrets elle est devenue le réceptacle où se recueillent pê
3400 réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’une H
3401 ées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’ une Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout ang
3402 ’école, agressivité frustrée, et surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’un c
3403 entité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’ un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’
3404 donc pris les caractères cliniques d’un complexe. D’ où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réa
3405 où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevo
3406 apter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus g
3407 changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’ où la prise qu’ils offrent aux manœuvres les plus grossières du commun
3408 r affectivité inquiète comme Iago sur la jalousie d’ Othello. D’où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugr
3409 té inquiète comme Iago sur la jalousie d’Othello. D’ où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui ca
3410 llo. D’où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur la souverainet
3411 es sur la souveraineté nationale. Lors des débats de la table ronde de l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ont
3412 neté nationale. Lors des débats de la table ronde de l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ont frappé comme étan
3413 ats de la table ronde de l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ont frappé comme étant propres à éduquer le sens eur
3414 la table ronde de l’Europe tenue à Rome en 1953, deux arguments m’ont frappé comme étant propres à éduquer le sens européen
3415 pé comme étant propres à éduquer le sens européen de notre opinion publique. Le premier fut apporté par M. Ernst Friedlaen
3416 ’on doit rassurer ceux qui tremblent, disent-ils, de voir leur patrie « se perdre dans la masse informe d’une Europe unie 
3417 oir leur patrie « se perdre dans la masse informe d’ une Europe unie ». Le second argument est dû à M. Cotsaridas, publicis
3418 le peuple sera associé à leur gestion. Il importe d’ expliquer cela aux masses, car ainsi sera dissipée la crainte que susc
3419 nsi sera dissipée la crainte que suscite la perte de la souveraineté nationale. » Il n’est donc pas exact que nos nations,
3420 vue de s’unir, doivent sacrifier ce qui subsiste de leur souveraineté nominale. Quant à l’essentiel de cette souveraineté
3421 e leur souveraineté nominale. Quant à l’essentiel de cette souveraineté, elles l’ont perdu, et sans retour. À la question 
3422 s, une souveraineté qui échappe à ses nations. 27. William Rappard, La Constitution fédérale de la Suisse, p. 20. 28.
3423 27. William Rappard, La Constitution fédérale de la Suisse, p. 20. 28. Ibid., p. 83. an. Rougemont Denis de, « Un
3424 d, La Constitution fédérale de la Suisse, p. 20. 28. Ibid., p. 83. an. Rougemont Denis de, « Un exemple pour l’Europe »
3425 p. 20. 28. Ibid., p. 83. an. Rougemont Denis de , « Un exemple pour l’Europe », Fédération, Paris, octobre 1956, p. 59
3426 emple pour l’Europe », Fédération, Paris, octobre 1956, p. 596-598.
30 1956, Articles divers (1951-1956). Serrer la main d’un communiste, désormais… (10 novembre 1956)
3427 Serrer la main d’ un communiste, désormais… (10 novembre 1956)ao Le dimanche 4 novemb
3428 Serrer la main d’un communiste, désormais… ( 10 novembre 1956)ao Le dimanche 4 novembre, à 7 h 57, Radio-Kossuth d
3429 la main d’un communiste, désormais… (10 novembre 1956 )ao Le dimanche 4 novembre, à 7 h 57, Radio-Kossuth diffuse le text
3430 e, désormais… (10 novembre 1956)ao Le dimanche 4 novembre, à 7 h 57, Radio-Kossuth diffuse le texte que voici : Atten
3431 (10 novembre 1956)ao Le dimanche 4 novembre, à 7  h 57, Radio-Kossuth diffuse le texte que voici : Attention ! attenti
3432 novembre 1956)ao Le dimanche 4 novembre, à 7 h  57, Radio-Kossuth diffuse le texte que voici : Attention ! attention ! c
3433 chers auditeurs, vous allez entendre le manifeste de la Fédération des écrivains hongrois. Ici la Fédération des écrivains
3434 de, à tous les savants, à toutes les associations d’ écrivains et académies, à l’élite intellectuelle du monde entier, nous
3435 peu de temps. Vous connaissez les faits. Inutile de rappeler ce qui se passe. Aidez la Hongrie. Aidez le peuple hongrois.
3436 u secours ! au secours ! Le manifeste est répété trois fois en anglais, en allemand et en russe. Puis quelques minutes de mu
3437 s, en allemand et en russe. Puis quelques minutes de musique. À 8 h 7, Radio-Kossuth se tait. QUI RÉPONDRA ? À ces dernièr
3438 et en russe. Puis quelques minutes de musique. À 8  h 7, Radio-Kossuth se tait. QUI RÉPONDRA ? À ces dernières paroles de
3439 en russe. Puis quelques minutes de musique. À 8 h  7, Radio-Kossuth se tait. QUI RÉPONDRA ? À ces dernières paroles de la r
3440 h se tait. QUI RÉPONDRA ? À ces dernières paroles de la révolution déclenchée par les étudiants et par les écrivains du ce
3441 u, cet appel propagé dans le monde entier. Chacun de nous doit maintenant y répondre. Chacun de nous peut faire quelque ch
3442 Chacun de nous doit maintenant y répondre. Chacun de nous peut faire quelque chose. Le monstrueux forfait de Budapest a mi
3443 s peut faire quelque chose. Le monstrueux forfait de Budapest a mis le communisme au ban de l’humanité. Il fallait tout d’
3444 ux forfait de Budapest a mis le communisme au ban de l’humanité. Il fallait tout d’abord le déclarer. Mais il faut en tire
3445 e part, nous pensons ce qui suit : Serrer la main d’ un communiste occidental, qui approuve « librement » son parti, c’est
3446 nt » son parti, c’est saluer un complice du crime de Budapest. Publier ses écrits, c’est contribuer au genre de propagande
3447 st. Publier ses écrits, c’est contribuer au genre de propagande intellectuelle qui mène au crime de Budapest. Discuter ses
3448 re de propagande intellectuelle qui mène au crime de Budapest. Discuter ses raisons, c’est oublier qu’elles « justifient »
3449 elles « justifient » nécessairement les massacres de Budapest. Continuer les dialogues Europe-URSS, engagés sous le signe
3450 ogues Europe-URSS, engagés sous le signe trompeur d’ une « détente » qui vient de montrer sa vraie nature à Budapest, c’est
3451 uet-apens. Accueillir et fêter les jolies troupes d’ artistes, les intellectuels asservis que nous envoie le régime de Mosc
3452 intellectuels asservis que nous envoie le régime de Moscou, c’est oublier la voix des écrivains martyrs qui nous appelaie
3453 la voix des écrivains martyrs qui nous appelaient de Budapest, et c’est trahir leur testament. Que chacun s’interroge et d
3454 ament. Que chacun s’interroge et décide librement de l’action qu’il entend mener, dans sa sphère d’influence personnelle o
3455 nt de l’action qu’il entend mener, dans sa sphère d’ influence personnelle ou civique, contre ceux qui applaudissent au cri
3456 re ceux qui applaudissent au crime, qui tenteront de le faire oublier, ou de lui chercher des excuses. Que tous les esprit
3457 t au crime, qui tenteront de le faire oublier, ou de lui chercher des excuses. Que tous les esprits libres qui voudraient
3458 ’action internationale du Congrès pour la liberté de la culture sachent qu’ils trouveront ici des hommes qui n’oublient pa
3459 s hommes qui n’oublient pas l’appel des écrivains de Budapest, qui ne le laisseront pas oublier, et dont tout le programme
3460 oublier, et dont tout le programme est maintenant d’ y répondre. Au nom du Congrès pour la liberté de la culture, Le présid
3461 t d’y répondre. Au nom du Congrès pour la liberté de la culture, Le président du comité exécutif, Denis de Rougemont ao.
3462 écutif, Denis de Rougemont ao. Rougemont Denis de , « Serrer la main d’un communiste, désormais… », Le Figaro littéraire
3463 emont ao. Rougemont Denis de, « Serrer la main d’ un communiste, désormais… », Le Figaro littéraire, Paris, 10 novembre
3464 niste, désormais… », Le Figaro littéraire, Paris, 10 novembre 1956.
3465 mais… », Le Figaro littéraire, Paris, 10 novembre 1956.