1 1951, Articles divers (1951-1956). Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)
1 ns tous que notre civilisation peut mourir demain et que ce n’est pas là une phrase1. Nous sommes ici parce que nous savon
2 il suppose deux conditions premières : la liberté et la paix. Si l’on nous demande quel est le principe simple qui a pu ra
3 ommes ici parce que nous croyons tous que la paix et la liberté sont en réalité indivisibles, qu’elles sont la condition l
4 bles, qu’elles sont la condition l’une de l’autre et pratiquement synonymes. J’espère bien que vous êtes de ceux qui se mé
5 x qui se méfient des grands mots du genre de paix et de liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces syllabes
6 nt des grands mots du genre de paix et de liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces syllabes prestigieuses
7 lectuels libres que de monter une garde vigilante et continue autour du sens humain, concret de ces grands mots et d’entre
8 autour du sens humain, concret de ces grands mots et d’entretenir une saine méfiance critique à l’égard de ceux qui en abu
9 est peut-être le premier point de notre programme et j’y reviendrai. Mais j’entends dire partout avec découragement : La m
10 core ? Eh bien ! On peut se défendre, simplement, et chacun dans sa sphère d’action et d’intérêts. Nous, intellectuels, no
11 re, simplement, et chacun dans sa sphère d’action et d’intérêts. Nous, intellectuels, nous sommes prêts à prendre notre pa
12 la phase actuelle de la lutte contre la tyrannie et pour la liberté est une phase idéologique et nous savons que, dans ce
13 nnie et pour la liberté est une phase idéologique et nous savons que, dans ce domaine, la guerre est déclarée depuis longt
14 ncore tout sauvé, mais nous aurons, à notre place et selon nos pouvoirs, fait quelque chose pour la liberté, c’est-à-dire
15 ndent la paix, je le sais bien. D’autres que nous et avant nous ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague
16 ment la paix, un peu comme le chat aime la souris et nous avons des raisons très précises de le penser. Nous publierons à
17 ont pris soin d’écrire eux-mêmes depuis longtemps et d’autres textes plus récents d’où il ressort, par exemple, que le but
18 ment d’une écrasante simplicité dans le sophisme. Et puis, vous le savez tous, tout cela ne sonne pas vrai, n’est pas sinc
19 cile, à mon avis, de distinguer entre le mot paix et la réalité vivante qu’il devrait désigner. Ceux qui prétendent défend
20 s pays démocratiques, reste une lutte idéologique et qui le restera en dernière analyse, même si la guerre physique doit i
21 chef. Je désire m’expliquer sur ce point. On peut et l’on doit détester la propagande, mais on ne veut pas nier qu’elle ex
22 opagande, mais on ne veut pas nier qu’elle existe et qu’elle joue — avec quel succès ! — contre tout ce que nous aimons. O
23 ner contre elle les masses, qu’elle vise d’abord, et les élites aussi qui ne sont pas moins contaminées. Certes, nous n’al
24 nous n’allons pas opposer aux campagnes massives et mécaniques des totalitaires, des procédés de même nature. Nous n’oppo
25 Elle ne résout aucun des grands problèmes humains et personnels, mais s’ils sont un jour résolus sans équivoque derrière l
26 u’on appelle les grands moyens, la radio, le film et la presse pour informer les peuples libres sur la liberté dont ils vi
27 nt, qu’ils ignorent, comme l’air qu’ils respirent et qu’ils perdraient demain, s’ils ne se réveillaient pas… Pour nous, la
28 on. Nous voulons des moyens conformes à notre fin et nous voulons cette fin parce que la liberté est à nos yeux la conditi
29 propagande de la liberté, c’est, en fin de compte et du même coup sauver notre culture. Notre culture est menacée À
30 e voudrais poser une simple question très précise et concrète. D’où vient que l’Europe ait régné sur le monde, incontestab
31 lté tout à la fois de ses conceptions religieuses et morales, d’un pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois g
32 es et morales, d’un pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de l
33 notre puissance, même matérielle, dans le passé, et aujourd’hui les vrais secrets de notre survivance indépendante, donc
34 rivée du droit de s’occuper des choses militaires et des choses économiques, s’écriait avec une sorte de désespoir ironiqu
35 , s’écriait avec une sorte de désespoir ironique, et très sûr de son effet : « Notre Assemblée, Messieurs, se voit réduite
36 État, d’autre part fort intelligent, mais surtout et plus encore le fait que cette phrase ait paru toute naturelle, qu’ell
37 raînés, munis de films, d’expositions itinérantes et de 20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds
38 vieilles dames, qu’il ne fait pas de la broderie, et que les armées qu’il met en marche sont plus redoutables encore que c
39 e que des terrains, elles veulent occuper le cœur et les esprits de ceux-là mêmes qui pourraient être appelés un jour à dé
40 urraient être appelés un jour à défendre l’Europe et qui ne le feront pas si le point de vue de l’adversaire les a, par av
41 ns libre discussion, point de liberté de critique et de recherche sans droits civiques et politiques et point de paix dign
42 de critique et de recherche sans droits civiques et politiques et point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant
43 t de recherche sans droits civiques et politiques et point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant tout, un espri
44 et point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant tout, un esprit de liberté vigilant et militant… La tâche est t
45 base et avant tout, un esprit de liberté vigilant et militant… La tâche est très vaste, c’est l’évidence, mais le seul fai
46 s répondent, enfin, pour tous ceux qui se taisent et qui se découragent. À vous de les rejoindre. J’ajoute que, pour nous,
2 1951, Articles divers (1951-1956). Comment fabriquer un Européen ?
47 er un Européen ?b C’est absolument impossible. Et je vais essayer de dire pourquoi. On peut tout fabriquer, ou presque,
48 z pas un Mohican : ces premiers habitants du bois et du rocher, seuls vrais Américains découverts par Colomb, appartiennen
49 ncoln sur le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, deux strophes du Star-Spangled Banner, le vocabulaire
50 Star-Spangled Banner, le vocabulaire du base-ball et le prix du dollar. Apprenez-lui à dire yea pour yes, à marcher avec l
51 i à dire yea pour yes, à marcher avec les hanches et à se laver les dents avec du chewing-gum. Psychanalysez, agitez sur u
52 gre, emballez (moralement) dans de la cellophane, et servez frais. Pour fabriquer un Soviétique, c’est plus rapide. Prenez
53 rte de DDT moral nettoyant les idées subversives, et tirez le rideau. Mais pour fabriquer un Européen, que prendrez-vous ?
54 z mélanger, par exemple, de la culture germanique et des Espagnols, du socialisme plus ou moins marxiste et des chrétiens,
55 s Espagnols, du socialisme plus ou moins marxiste et des chrétiens, des Juifs anglais et des conservateurs, et cela donner
56 oins marxiste et des chrétiens, des Juifs anglais et des conservateurs, et cela donnera parfois des produits remarquables 
57 hrétiens, des Juifs anglais et des conservateurs, et cela donnera parfois des produits remarquables : Ortega, Sir Stafford
58 ons resteront stériles. Un mélange de catholiques et de juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange de M
59 des protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et
60 nnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par d
61 seul homme. Ils ne pourraient que se neutraliser et s’annuler réciproquement. La vérité, c’est que le problème posé est i
62 n, l’Européen est par essence un être qui diffère et tient à différer de son voisin et des modèles fournis. Il n’existe do
63 tre qui diffère et tient à différer de son voisin et des modèles fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut exister d’Europ
64 eut exister d’Européen moyen, résumant les vertus et les défauts contradictoires du continent. Il n’y a que des Français,
65 nois, des Croates, des parpaillots, des mécréants et des papistes ; des socialistes suédois et luthériens, des anarchistes
66 créants et des papistes ; des socialistes suédois et luthériens, des anarchistes espagnols et athées, des conservateurs au
67 suédois et luthériens, des anarchistes espagnols et athées, des conservateurs autrichiens et catholiques ; des Monégasque
68 spagnols et athées, des conservateurs autrichiens et catholiques ; des Monégasques insouciants et des partisans motorisés
69 iens et catholiques ; des Monégasques insouciants et des partisans motorisés de la paix concentrée. Il n’y a que des homme
70 es hommes habitués à différer les uns des autres, et c’est tout cela qu’on nomme l’Europe. Et c’est pourquoi faire un Euro
71 autres, et c’est tout cela qu’on nomme l’Europe. Et c’est pourquoi faire un Européen, ce serait tenter de faire quelque c
72 ons, leurs douze langues, leurs trente-six partis et leurs innombrables coutumes, toutes supérieures à celles du pays d’à
73 es, toutes supérieures à celles du pays d’à côté. Et puisqu’il faut baser l’union sur quelque chose qui soit commun à tous
74 nc à faire comprendre à ces 300 millions d’hommes et de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de re
75 on. Voilà ce qui les distingue en bloc des Russes et des Américains, voilà le principe paradoxal de leur communauté profon
76 ie, à une coutume ou une langue, bien distinctes, et qu’ils perdraient leurs libertés si on les empêchait de vivre à leur
77 n, de valeurs spirituelles, de formes politiques, et même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libe
78 es chez tous nos peuples. Elles sont tout autres, et parfois même absentes en Russie soviétique et en Asie. Nous avons bea
79 es, et parfois même absentes en Russie soviétique et en Asie. Nous avons beaucoup en commun, beaucoup plus que nous ne le
80 liée pour nous à la pratique des libertés réelles et personnelles. C’est pour sauver ces différences qu’il faut maintenant
81 sans lequel il n’est point de dialogue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe. Et que c’est cela préc
82 Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe. Et que c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’il n’est plus d’espo
83 pe. Et que c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’il n’est plus d’espoir que dans l’union, — celle qui veut surmonte
3 1951, Articles divers (1951-1956). Défense de nos libertés (octobre 1951)
84 erté. D’un côté, les peuples qui se disent libres et entendent le rester ; de l’autre, ceux qui vivent en régime totalitai
85 e l’autre, ceux qui vivent en régime totalitaire, et qui n’ont pas nos libertés, qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres
86 nflit que l’on pourrait énumérer sont discutables et peu clairs. Les intérêts économiques, par exemple, restent conjectura
87 es deux côtés, c’est que nous voulons la liberté, et que les autres veulent la dictature. Ils la préfèrent — provisoiremen
88 pas urgent que nous prenions une conscience nette et forte des libertés concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner
89 purement formelles ? Les voulons-nous vraiment ? Et sommes-nous prêts aux derniers sacrifices pour les défendre ? Beaucou
90 s n’avez aucun passé ! », quand on nous dit cela, et que nous cherchons alors désespérément une réplique, ou que nous essa
91 oin d’une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est pas notre passé que nous défendons, mais bien les libertés q
92 endons, mais bien les libertés qu’il a conquises, et qui sont la réalité présente de nos vies, bien plus : qui sont le gag
93 nous soyons en mesure de le tenir sans équivoque, et en pleine connaissance de cause. Le temps est venu de passer à la con
94 and besoin, parce qu’ils n’ont pas nos réalités — et leurs chefs doivent masquer cette absence par des slogans. Nous n’avo
95 te » que les leurs. Car les faits nous suffisent, et quant aux libertés, nous en avons plus que nous méritons. Je crois à
96 ndus conscients des forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurd
97 cidant de les répandre. Si nous voyons les faits, et savons les faire voir, nous aurons du même coup repris l’initiative.
98 sser du plan des faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédé
99 me exacte de nos petites démissions personnelles. Et c’est pourquoi je conclurai, une fois de plus, par ce delenda Carthag
100 « Défense de nos libertés », Contacts littéraires et sociaux, Paris, octobre 1951, p. 1 et 6. d. Présenté par la note sui
101 littéraires et sociaux, Paris, octobre 1951, p. 1 et 6. d. Présenté par la note suivante : « Nous remercions le Congrès p
4 1952, Articles divers (1951-1956). Robert de Traz, l’Européen (1952)
102 deux-guerres. Peu d’écrivains ont si bien voyagé, et mieux dit ce qu’ils avaient vu. La plupart se rendaient trop visibles
103 e d’adhésion, qui tantôt s’identifie à son objet, et tantôt, rétablissant la distance, le conçoit et le définit ». Et je c
104 , et tantôt, rétablissant la distance, le conçoit et le définit ». Et je constate qu’il l’appliquait de préférence au phén
105 blissant la distance, le conçoit et le définit ». Et je constate qu’il l’appliquait de préférence au phénomène unique par
106 comment n’irait-on pas, en écartant les préjugés et les abstractions, questionner sur place l’Europe d’aujourd’hui, cette
107 urope d’aujourd’hui, cette Europe révolutionnaire et nationaliste, violente, ignorante, à moitié démolie, et d’où montent,
108 ionaliste, violente, ignorante, à moitié démolie, et d’où montent, comme les fumées d’un sol volcanique, la haine, la doul
109 fumées d’un sol volcanique, la haine, la douleur et l’espérance. Europe, vaste spectacle en désordre, où l’homme se trahi
110 passions collectives, aux philosophies de combat, et qu’il ne fallait pas laisser ce peuple « dans les ténèbres du dehors,
111 Seuls quelques chapitres médians, qui décrivent ( et critiquent d’ailleurs) les méthodes de la SDN, peuvent nous paraître
112 ien, les espoirs que de Traz se faisait une vertu et même une raison d’entretenir, malgré toutes ses méfiances et toute la
113 raison d’entretenir, malgré toutes ses méfiances et toute la précision d’un regard souvent railleur ou amusé. Mais l’ouve
114 egard souvent railleur ou amusé. Mais l’ouverture et la longue conclusion forment ensemble un essai politique dont je ne v
115 en est de plus « efficaces », non de plus justes, et peu de plus actuels dans la durée de nos problèmes fondamentaux. On y
116 enjamin Constant, malgré le style parfois pompeux et apprêté de cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel et concis.
117 de cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel et concis. C’est dans le fédéralisme qu’il voit « la base de l’internati
118 e l’Europe ». C’est par la civilisation « grecque et chrétienne — et Rome n’a fait qu’amplifier et parfois corrompre ces t
119 est par la civilisation « grecque et chrétienne — et Rome n’a fait qu’amplifier et parfois corrompre ces termes essentiels
120 que et chrétienne — et Rome n’a fait qu’amplifier et parfois corrompre ces termes essentiels » que l’Europe est devenue pa
121 » que l’Europe est devenue patrie de la personne. Et c’est enfin en s’opposant non seulement « aux États-Unis, tentés de l
122 lement « aux États-Unis, tentés de la soumettre » et à la Russie « dont le système politique comporte une destruction du s
123 traditions profondes », que l’Europe se fera, une et diverse. Je ne vois pas une phrase, dans cet essai final, animé par u
124 l, animé par un long mouvement d’éloquence lucide et sereine, qui ne porte encore mieux sur notre temps que sur celui de s
125 e que ses rivalités intérieures sont archaïques » et qu’au-delà de ses frontières resserrées, des civilisations rajeunies
126 s-nous donc cessé d’être des mâles, qui formulent et dirigent, et, dans notre détresse complaisante, ne souhaitons-nous pl
127 essé d’être des mâles, qui formulent et dirigent, et , dans notre détresse complaisante, ne souhaitons-nous plus qu’être sé
128 laisante, ne souhaitons-nous plus qu’être séduits et passivement satisfaits ? Le snobisme bolchévique, le snobisme orienta
129 nt-ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus
130 é, avec leur goût de veulerie et de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus encore convaincu qu
131 ant la tenue, il propose la formule conciliatrice et constructive : « Héritiers magnifiquement privilégiés, les hommes d’O
132 enne est le produit d’une collaboration séculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d’aucun peuple sans la défigure
133 pprimer l’apport d’aucun peuple sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie d’invention est intact. Nos méthodes crit
134 e encore, de l’effort qui conquiert, qui utilise, et surtout qui transfigure. Car notre plus grande possibilité réside peu
135 e capacité de résurrection. À force d’imagination et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase somnolente :
136 es-unes sur l’Europe : sur nos congrès de La Haye et de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le Mouvement e
137 ouvement européen de l’extérieur, d’un œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’a-t-il pas joint l’action dont il
138 s ses personnages romanesques sont des renfermés, et qui en souffrent : il les avait vécus, mais libérés en lui. Modeste e
139 il les avait vécus, mais libérés en lui. Modeste et probe avec une discrète élégance, je le vois lentement dépasser les b
140 gance, je le vois lentement dépasser les baladins et les bruyants de son époque, et son beau profil prend sa place parmi l
141 asser les baladins et les bruyants de son époque, et son beau profil prend sa place parmi les effigies d’une Europe renais
142 ysement oriental de Robert de Traz, paru en 1926, et dont Rougemont a rendu compte dans le Journal de Genève .
5 1952, Articles divers (1951-1956). Prototype T.E.L. (janvier 1952)
143 d on les atteint ? Jusqu’où peut-on les reculer ? Et à quel prix ? Tout cela servira finalement à mieux construire des app
144 nt, semble-t-il. Mais cet accident fit sa gloire, et nous donne seul la possibilité et le désir de parler de lui. Bien d’a
145 fit sa gloire, et nous donne seul la possibilité et le désir de parler de lui. Bien d’autres ont vécu des aventures sembl
146 nt d’instinct3 ». Les Sept Piliers de la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent d’une volonté de conscience et d’expre
147 s lettres, témoignent d’une volonté de conscience et d’expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros
148 a joué cette œuvre dans le conflit entre l’auteur et son époque. L’écrivain du xviie siècle nous paraît intégré naturelle
149 le des exilés sur place — Kierkegaard, Baudelaire et Nietzsche en sont les types — exilés dans la négation d’un ordre qui
150 ’y a plus de commune mesure entre celui qui pense et ceux qui agissent ; il n’y a donc plus de communauté réelle. Et c’est
151 issent ; il n’y a donc plus de communauté réelle. Et c’est pourquoi le xxe siècle verra tant de nomades et de vrais émigr
152 est pourquoi le xxe siècle verra tant de nomades et de vrais émigrés. Les uns voyagent vers des climats et des coutumes o
153 vrais émigrés. Les uns voyagent vers des climats et des coutumes où l’isolement social, sans être surmonté, soit du moins
154 rope ; Gide en Afrique ; D. H. Lawrence en Italie et chez les Indiens du Mexique ; Bernanos à Majorque, au Brésil ; Joyce
155 Brésil ; Joyce à Trieste, en Suisse, en France ; et presque tous les écrivains américains). D’autres s’exilent dans un mé
156 dans un métier d’errants (Joseph Conrad, Claudel et Saint-John Perse). Et beaucoup se sont vus exilés par le parti qui av
157 nts (Joseph Conrad, Claudel et Saint-John Perse). Et beaucoup se sont vus exilés par le parti qui avait confisqué leur pat
158 sant par les Allemands, les Espagnols, les Russes et ceux de l’Est européen). Certains, enfin, parlent en quête d’une comm
159 ommunauté à rejoindre où à recréer dans l’action, et là seulement les mots pourront reprendre un sens, et le langage un po
160 là seulement les mots pourront reprendre un sens, et le langage un pouvoir authentique. Mais ceux-là pensent d’abord à l’a
161 entique. Mais ceux-là pensent d’abord à l’action, et dans l’action à se réaliser, à mesurer le pouvoir d’un homme contre l
162 , à mesurer le pouvoir d’un homme contre le monde et sur soi-même. Est-ce encore une compensation ? Le dépit amoureux peut
163 re chaste ou au contraire jeter dans la débauche. Et de même, le dépit communautaire peut provoquer un individualisme exas
164 qu’elle impose. Nous voici tout près de Lawrence et d’une classe d’écrivains qui restera sans doute la plus typique de no
165 r œuvre : par l’action dont cette œuvre témoigne, et dont elle tire son efficacité particulière. Car l’action sert de gage
166 particulière. Car l’action sert de gage aux mots, et dans ce sens technique ces hommes sont engagés : ils ont payé de leur
167 t qu’ils constatent entre leurs exigences intimes et l’insipidité de la vie défaite de leur cité. (Quelques-uns ont trouvé
168 leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée, et surtout, dans l’aviation, le moyen de s’expatrier sans passer les fro
169 s. L’aviateur est toujours en instance de départ, et par là, séparé de l’existence quotidienne : « Premier point : nous ne
170 hors de chez eux, à la fois comme des conquérants et comme des révolutionnaires. Ce trait mérite une attention spéciale. P
171 spéciale. Peu sont des partisans au premier chef, et peut-être plusieurs d’entre eux se fussent-ils résignés, dans leur pa
172 , que les gouvernements soutiennent à contrecœur, et parfois découragent en sous-main, ou bien dans des révolutions mais q
173 u stade des revendications mais des coups de feu, et qui demandent bien moins de conviction politique que d’audace ou de d
174 de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces remarques gén
175 de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces remarques générales et les nuanc
176 ay, viennent à l’appui de ces remarques générales et les nuancent d’ailleurs autant qu’il faut. Si divers que nous les jug
177 e, par l’importance aussi de leur rôle historique et la sincérité de leurs convictions, tous ces hommes sont, ou furent, d
178 une action commune, action conduite à l’étranger, et dont les fins dernières leur importaient bien moins que l’expérience
179 s se reconnaissent à un signe certain : entre eux et le rôle qu’ils jouent, souvent à grand péril, il y a toujours une mar
180 d péril, il y a toujours une marge de conscience. Et dans cette marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’homme d’un seul li
181 age : certaines recettes pour manier les esprits, et surtout pour leur imposer un angle de vision déterminé — c’est tout l
182 mais plutôt les efforts pour lui trouver un sens, et justifier l’auteur de l’avoir entreprise. Témoignages cependant ambig
183 que celle d’un serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un portrait simplifié et dûment stylisé.
184 ne donnent de l’individu qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoin de s’expliquer, ils restent obscurs s
185 rits posthumes, à des lettres ou carnets intimes, et l’on s’aperçoit que le problème, loin d’y recevoir la réponse la plus
186 est pour tenter de le résoudre que l’homme écrit, et que parfois il retourne à l’action ; pourtant, ce qu’il nous laisse e
187 e d’une « passion » dont l’enjeu n’est pas clair. Et certes, les péripéties d’une telle passion peuvent bien suffire à l’i
188 oussée jusqu’aux extrêmes, dans la rigueur morale et les rigueurs physiques. Mais cédant à l’exigence extrême éveillée par
189 ocation plus vraie que les causes qu’il a servies et qui se révèlent toujours, au bout du compte, décevantes ? II. T.E.
190 rs, au bout du compte, décevantes ? II. T.E.L. et Saint-Exupéry « L’ambition est un motif méprisable ; l’amour de la
191 ourir que de conduire les autres, dans l’intrigue et la cruauté, vers la désillusion finale. » C’est en ces termes que la
192 t ou presque tout, leur est commune. L’un Anglais et l’autre Français, et bien qu’ayant tous deux vécu leur aventure à l’é
193 ur est commune. L’un Anglais et l’autre Français, et bien qu’ayant tous deux vécu leur aventure à l’étranger, parfaits rep
194 ent de plus différent de l’autre. L’un protestant et l’autre catholique, et bien que tous les deux éloignés de leur foi, i
195 e l’autre. L’un protestant et l’autre catholique, et bien que tous les deux éloignés de leur foi, irrévocablement marqués
196 ur domaine qu’hostiles entre elles : la puritaine et la jésuite. L’un ascète, l’autre bon vivant. L’un chaste, et l’autre
197 te. L’un ascète, l’autre bon vivant. L’un chaste, et l’autre aimant à répéter que la femme est le repos du guerrier. L’un
198 errier. L’un tourmenté de scrupules dans l’action et plein d’humour quand il parlait de son œuvre écrite, l’autre contant
199 e écrite, l’autre contant ses aventures avec brio et insistant pour lire à ses amis les versions successives de ses livres
200 jours en quête d’une audience amicale. L’un petit et durci, l’autre grand et sérieux. On imagine difficilement deux hommes
201 ience amicale. L’un petit et durci, l’autre grand et sérieux. On imagine difficilement deux hommes aux caractères mieux co
202 aractères mieux contrastés. Tout ce qui chez l’un et l’autre forma l’individu : race, nation, milieu, religion, nature phy
203 ntends ce qu’ils ont fait de ces données natives, et les tensions qu’ils ont instituées entre ce qu’ils étaient et ce qu’i
204 ons qu’ils ont instituées entre ce qu’ils étaient et ce qu’ils se voulaient. Voyons leur création, leur action, et leur dr
205 se voulaient. Voyons leur création, leur action, et leur drame. Une ultime structure de destinée semble gouverner ces deu
206 x vies. Leur vocation s’est marquée dès l’enfance et affirmée pendant l’adolescence : à 20 ans les voilà partis, l’un pour
207 ant-garde littéraire, l’un tourné vers l’histoire et l’autre vers les sciences, mais tous deux inventeurs de machines, von
208 où la technique s’allie à l’art du commandement, et le risque à la discipline. Le travail s’y poursuit en équipe avec des
209 s’y poursuit en équipe avec des camarades frustes et durs. Bien plus, ce travail les entraîne loin de leur patrie, dans de
210 régions sauvages. Les voici doublement dépaysés, et par la plus curieuse coïncidence, aux prises dans le désert avec les
211 prestige de leurs chefs. De ce commerce prolongé et de la coutume du désert, tous les deux garderont le secret d’influenc
212 t, tous les deux garderont le secret d’influencer et de manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux du règlement
213 par des moyens qui ne sont pas ceux du règlement, et qui ne doivent rien aux titres officiels : goût de l’autorité, non du
214 e moquent des grades, qu’on leur en donne ou non, et sont perpétuellement sur pied de fronde. Leur mépris orgueilleux pour
215 s actions furent accomplies en dépit des pouvoirs et des incompétences supérieures. Parfois cependant, cet art de persuade
216 t formés par leur action, trempés par les dangers et les déboires, par les succès aussi, durement gagnés, et que souvent l
217 déboires, par les succès aussi, durement gagnés, et que souvent leurs camarades d’équipe sont restés les seuls à connaîtr
218 ître. Ils se retournent vers le monde des autres, et c’est le début de l’écœurement. Signe objectif d’une mésentente profo
219 dans leurs lettres les doutes les plus profonds, et les mieux motivés, quant à la valeur de l’action par laquelle ils se
220 le livre qu’ils portent en eux, toujours le même, et qui doit être un commentaire de leur activité, visant à la sauver de
221 historique pour en extraire une sagesse commune, et pour élever un monument « durable » ou « intangible » à la mémoire d’
222 s souvent se plaignent de leur exigence excessive et de leurs ratures infinies. C’est qu’ils se refusent aux entraînements
223 u lyrisme, s’appliquent aux descriptions exactes, et se meuvent en général dans une psychologie qui déconcerte la morale c
224 ne psychologie qui déconcerte la morale classique et son langage ; cependant ils veulent être simples et n’employer que de
225 son langage ; cependant ils veulent être simples et n’employer que des mots éprouvés… C’est à ce stade que naissent Les S
226 stade que naissent Les Sept Piliers de la Sagesse et Terre des Hommes. L’aventure paraît consommée. Et cependant leur dram
227 et Terre des Hommes. L’aventure paraît consommée. Et cependant leur drame le plus typique se noue à ce moment précis, deva
228 s disciplines les plus vexantes. On les voit l’un et l’autre expliquer cette conduite par des raisons variables et même co
229 xpliquer cette conduite par des raisons variables et même contradictoires. Dans les deux cas, et nonobstant les circonstan
230 ables et même contradictoires. Dans les deux cas, et nonobstant les circonstances historiques différentes, il paraît diffi
231 u serait-ce simplement qu’ils n’ont pas le choix, et que la vie parmi les autres, les civils, s’est révélée pour eux prati
232 dentes, bien que hantés par leur besoin d’écrire, et bien qu’ils ne puissent ignorer qu’à des postes moins anonymes, ils s
233 fficiles à remplacer. Inextricable nœud d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perl
234 ud d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission
235 fierté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission aux règles de son jeu, les mêmes énigmes d’ailleurs, sa
236 es autrefois par certaines vocations religieuses, et cette similitude ne manque pas de les frapper. Lawrence décrit son en
237 u Moyen Âge ». Tous deux sont détachés de la foi, et peut-être à la fin de la foi en eux-mêmes ou dans le rôle qu’ils peuv
238 écrit Lawrence quelques semaines avant sa mort. ( Et Saint-Exupéry, dans toutes ses dernières lettres, a des phrases qui r
239 engagement pour l’un, de la guerre pour l’autre. Et survient l’accident mortel. Ils sont tués par la machine qui avait ét
240 orts : ils sont revenus de tant d’autres dangers, et peut-être n’ont-ils disparu que pour assumer d’autres tâches, plus se
241 u que pour assumer d’autres tâches, plus secrètes et plus importantes5. III. Un « message » de modestie J’essaierai
242 tateur n’est fort que de la faiblesse des autres, et sa grandeur est négative : il est le symbole des secrètes démissions
243 , comme ce fut le cas dans sa campagne d’Arabie ; et il ne peut se retenir de dénoncer dans cet usage, même légal, un abus
244 al, un abus. Forcer autrui sera toujours un viol, et s’il condamne ce viol, c’est qu’il se veut intègre, au prix d’un sacr
245 ue ce soit lui, aux dépens de son propre individu et pour l’éducation de sa personne. Il dépasse tous les autres dans ce s
246 ersonne. Il dépasse tous les autres dans ce sens. Et je ne lui vois d’égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris de
247 xigence quant à soi-même, le mépris de la fraude, et le scrupule fécond, que chez Kafka, — cet autre prototype. Voici préc
248 rdres, faisant lui-même les frais de l’expérience et se refusant à tous les faux-fuyants que nous offrent les causes polit
249 t les causes politiques, le romantisme religieux, et les grands mots tels que Révolte et Conformisme, Liberté, Violence, A
250 me religieux, et les grands mots tels que Révolte et Conformisme, Liberté, Violence, Angoisse, et le plus équivoque de tou
251 olte et Conformisme, Liberté, Violence, Angoisse, et le plus équivoque de tous : Révolution. On dirait qu’il a fait sur lu
252 r lui-même une étude de la résistance du matériel et du moral humain dans l’état où se trouve notre monde. Et voici le rés
253 oral humain dans l’état où se trouve notre monde. Et voici le résultat de cette étude — la meilleure description que je pu
254 t cette lettre à Lionel Curtis, le 30 mai 1923 : Et puis il y a l’absence de responsabilité : je n’ai à répondre ici que
255 ropreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une certaine exactitude dans les évolutions physiques à l’exercice.
256 À cela près, ce serait le complet déterminisme — et c’est peut-être dans le complet déterminisme que gît la paix parfaite
257 longtemps soupiré. J’ai essayé le libre arbitre, et l’ai rejeté ; l’autorité, je l’ai rejetée (pas l’obéissance, car mon
258 orité qui m’écœure) ; l’action, je l’ai rejetée ; et la vie intellectuelle ; et la vie réceptive des sens ; et les assauts
259 ion, je l’ai rejetée ; et la vie intellectuelle ; et la vie réceptive des sens ; et les assauts d’esprit. Autant d’échecs,
260 e intellectuelle ; et la vie réceptive des sens ; et les assauts d’esprit. Autant d’échecs, et ma raison me dit qu’en cons
261 sens ; et les assauts d’esprit. Autant d’échecs, et ma raison me dit qu’en conséquence l’obéissance, le non-savoir échoue
262 racines de l’échec commun doivent être en moi, —  et pourtant, en dépit de la raison, je m’y essaie. Douze ans plus tard,
263 e la raison, je m’y essaie. Douze ans plus tard, et très peu de temps avant sa mort, il tire de ses « essais » les conclu
264 être la seule tâche majeure de notre génération ; et je me suis convaincu que le progrès, aujourd’hui, n’est pas le fait d
265 de l’Angleterre, qui fait notre âge mécanique. » Et ce sont aussi les simples mécaniciens de la RAF, non les grands as. «
266 as. « C’est pourquoi je suis resté dans le rang, et j’ai servi de mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose « d’int
267 il la renie ; car « toute création est tangible. Et ce que j’essayais, je crois, c’était de poser une superstructure d’id
268 er, de la manière la plus tentante, le stalinisme et les mouvements totalitaires en général. Il fut pourtant leur adversai
269 aires en général. Il fut pourtant leur adversaire et il se fût battu contre eux. Faudra-t-il l’accuser d’inconséquence ? L
270  ; trouver la paix dans le complet déterminisme ; et jusqu’au culte de la machine !) Mais d’autre part, son aversion pour
271 ressent devant la nécessité d’imposer son pouvoir et d’user d’autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique c
272 d’user d’autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique collectiviste. Que reste-t-il à faire pour un tel homm
273 ond ordre. Je n’ai rien rencontré de plus honnête et dévoué que nos hommes politiques — mais je me ferais plutôt balayeur.
274 aphysiques) d’un homme qui a raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus d’autre solution que de s’assurer une petit
275 S’il fallait qu’on nous montre où nous en sommes et ce que peut un homme sans la foi, Lawrence nous l’a montré avec un gr
276 , Lawrence nous l’a montré avec un grand courage, et surtout sans le moindre souci d’être un exemple ou d’enseigner : de l
277 Lawrence, par Charles Edmonde. 5. Chaque phrase et chaque nuance de ce parallèle pourraient être appuyées par des docume
278 pourraient être appuyées par des documents précis et par des citations fréquentes tirées des livres ou des lettres des deu
279 a qu’elle n’a point son équivalent chez Lawrence. Et certes, rien n’empêche d’imaginer que ce dernier, s’il eût vécu tranq
280 nté par une œuvre analogue, transposition lyrique et « littéraire » des expériences de l’homme d’action. Mais on sait que
6 1952, Articles divers (1951-1956). L’Heure de l’impatience (mars 1952)
281 ire irresponsable, c’est un homme politique avisé et mieux averti que quiconque, Paul-Henri Spaak en l’occurrence, qui s’é
282 ope vit, depuis des années, de la peur des Russes et de la charité des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri d’ala
283  320 vivent depuis des années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation apparai
284 i les retient ? Une sorte de myopie de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de leurs traditions, parlent d’ennem
285 nationalismes ne remontent qu’au siècle dernier, et qu’ils ont deux-mille ans d’usage commun d’un héritage que le reste d
286 , mais ils oublient qu’ils forment un seul corps, et qu’il est fou d’essayer de sauver un seul organe au détriment des aut
287 autres. Le cœur ni le poumon ne vivraient isolés, et leur santé dépend d’une bonne circulation. Enfin, rien n’est plus cla
288 cessité de notre union, rien n’est moins contesté et cependant, comme il arrive parfois dans les cauchemars, rien ne peut
7 1952, Articles divers (1951-1956). Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)
289 Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)i Je vais limiter mon exposé à un seul thèm
290 elle circulait ensuite, enseignée dans les écoles et plus tard dans les universités, formant les clercs, les hommes de cul
291 es institutions, les sermons entendus à l’Église, et tout un courant de connaissances orales, car les textes écrits n’avai
292 rmant des clercs, ceux-ci créant les institutions et répandant la sagesse commune, la connaissance populaire par transmiss
293 mune mesure existait entre les riches, les clercs et le peuple. Tout est changé aujourd’hui. Nous sommes devant une situat
294 revue, le journal, elle est transmise à la masse et ces moyens mêmes de diffusion la rendent abstraite. Elle se heurte à
295 iffusion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne nécessite aucune traduction. Vous reconnaîtrez que c’est peu — ce
296 st peu — ce n’est même rien — pour former l’homme et le jugement personnel. Le résultat de ces cloisons horizontales ou ve
297 s horizontales ou verticales par classes, nations et langues est de faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la
298 le bénéfice des moyens de diffusion de la culture et d’empêcher son unité. Des conceptions différentes se forment ; le mêm
299 rd’hui sa fonction éducatrice : former des hommes et des communautés ? Comment faire renaître « L’Europe-Culture ». Là, se
300 e lieu de rencontre entre l’essence de la culture et une situation locale bien définie, les problèmes d’urbanisme, d’éduca
301 ont évoqués par des hommes de classes différentes et de niveaux intellectuels divers, mais réunis par des préoccupations c
302 création de l’Europe unie, contre les dictatures et contre l’anarchie. L’homme européen doit pouvoir réaliser sa vocation
303 e est affaire d’ingénieurs ou d’hommes politiques et ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je voudrais maintenant vous présenter un
304 lture est par essence internationale, universelle et non pas nationale ni régionale. Elle suppose des échanges multiples e
305 des échanges multiples entre les classes sociales et les peuples. Née historiquement de ces échanges, fruits d’une grande
306 ois cette possibilité d’incarnation de la culture et cette ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas d’Europe vivant
307 re l’Europe, il faut que les foyers par centaines et par milliers, si possible, apportent leur coopération active. Eux, et
308 possible, apportent leur coopération active. Eux, et eux seuls, peuvent donner un contenu humain à la construction de l’id
309 main à la construction de l’idée européenne ; vie et chaleur lui viendront de la réalité quotidienne. 3° Il ne faut pas qu
310 isque d’arriver avec la Haute Autorité du charbon et de l’acier, très difficile à comprendre. Contre cette uniformité, qui
311 tre cette uniformité, qui peut devenir tyrannique et stérilisante, les foyers doivent défendre les droits de leurs diversi
312 e contradiction — entre le mouvement vers l’union et les autonomies locales qui défendent leurs particularités ; paradoxe
313 prit par une pratique de la circulation des idées et des personnes entre les communautés locales et l’ensemble de l’Europe
314 es et des personnes entre les communautés locales et l’ensemble de l’Europe. Vous remarquerez que je saute à dessein le st
315 de l’ensemble européen aux implantations locales, et du foyer local directement à l’Europe. Pour en venir à des propositio
316 de brochures, de revues, de journaux, de films, et d’orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constamment alimen
317 t d’orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constamment alimenté par cette Communauté européenne des foyers de cu
318 sa forme, sa structure, se donnerait pour tâche — et je voudrais qu’il le fasse expressément par un vœu formulé si possibl
319 rte de haut-parleur diffusant l’idée de l’Europe, et , en même temps, un champ d’expérience pour des réalisations concrètes
320 que ce même réseau de distribution, de diffusion et de critique soit alimenté par le plus grand nombre possible d’organis
321 de sujets différents concernant la vie européenne et contenant chacun un thème, quelques arguments, quelques chiffres, que
322 serions très heureux de recevoir vos suggestions et de les étudier à Genève. Ensuite, nous pourrions mettre en circulatio
323 s, des médecins, des psychologues, des ingénieurs et , pourquoi pas, des sportifs. Au Centre de la culture, nous avons en p
324 ous avons en préparation une Commission d’hygiène et de psychologie sportive. Quelques personnes compétentes — dont d’anci
325 on les y invite, pour parler de leurs expériences et lancer des groupes intéressés par ces questions passionnantes d’hygiè
326 éressés par ces questions passionnantes d’hygiène et de psychologie sportives. Quatrième proposition : nous pourrions fair
327 ne, les positions à prendre sur différents sujets et les possibilités d’action à mener. Nous offrons d’établir des contact
328 re la Communauté européenne des foyers de culture et notre organisation, qui comprend des associations des guildes du livr
329 ations des guildes du livre, des clubs européens, et des festivals de musique. Ceux-ci groupent, à l’heure actuelle, 15 de
330 semble-t-il, une sorte d’organisation de voyages et d’échanges, comme celle établie par le Centre d’échanges internationa
331 ne belle idée de circulation à travers l’Europe — et pas seulement pour les jeunes, car il y a aussi des vieillards qui ma
332 s. On risque toujours de tomber dans l’abstrait ; et nous avons besoin de votre opinion pour orienter notre action d’alime
333 pal locataire… » J’ai beaucoup aimé cette formule et me suis dit que je vous la retransmettrai. Je ne veux faire de peine
334 s, créatrices de quoi ? d’hommes à la fois libres et responsables ! Je voudrais que vous soyez très ambitieux pour vos foy
335 soyez très ambitieux pour vos foyers de culture, et très ambitieux sur ce terme de culture, car, à mon sens, l’Europe de
336 , vaudra exactement ce que vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers de Culture dont vous représentez un grand nomb
337 confiance depuis que je vous vois ici rassemblés et surtout depuis que je vous ai vus approuver ce mot de Communauté. i
338 i. Rougemont Denis de, « Les foyers de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octobre 1952),
339 s de culture et l’Europe », Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octobre 1952), Paris, Mouvement européen / Secrétari
340 odifié le texte imprimé original, dont la syntaxe et la ponctuation sont fautives.
8 1952, Articles divers (1951-1956). La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952)
341 La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952)k Sous c
342 4 novembre 1952)k Sous ce titre de « La Suisse et l’Europe », notre collaborateur M. René-Henri Wüst a relaté ici, le 1
343 débat sur ce sujet de la constitution de l’Europe et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, d
344 rope et de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, directeur du Centre européen de la culture, se
345 e débat, qui est réellement vital pour la Suisse, et si je tiens à y participer, c’est que je suis réellement très loin de
346 aucoup lu ses livres, je m’en suis beaucoup servi et voici qu’il paraît renier les conclusions de la plupart de ses ouvrag
347 pas, dit-il, que la petite Europe puisse se faire et durer »… L’Europe est faite ! Mais elle est faite ! Ses adversai
348 tallée à Luxembourg : c’est un fait, elle existe, et Anglais et Scandinaves — qui furent ses adversaires les plus absolus
349 xembourg : c’est un fait, elle existe, et Anglais et Scandinaves — qui furent ses adversaires les plus absolus — n’ont pas
350 adeurs comme à tout autre gouvernement souverain, et le Danemark et l’Autriche s’apprêtent à suivre. L’Europe n’existe pas
351 tout autre gouvernement souverain, et le Danemark et l’Autriche s’apprêtent à suivre. L’Europe n’existe pas, n’a jamais mo
352 ublier la Pan-Europe du comte Coudenhove-Kalergi, et le projet de Briand de 1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. R
353 denhove-Kalergi, et le projet de Briand de 1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est qu’il semble avoir
354 à la conférence de Londres, en 1949. Ainsi donc, et sans remonter à Henri IV ou à Victor Hugo, on trouve suffisamment d’é
355 à Victor Hugo, on trouve suffisamment d’éléments, et dans l’activité même du directeur de l’Institut des hautes études, po
356 érer que cette séparation ne sera que provisoire, et ensuite, vous êtes-vous demandé quelles sont les proportions de cette
357 voulez parler des traditions communes des Vaudois et des Bernois, je pense ? Longue tradition en effet… comme celle qui « 
358 n effet… comme celle qui « unissait » protestants et catholiques sur les champs de bataille de Villmergen et du Sonderbund
359 holiques sur les champs de bataille de Villmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l’Allemagne en ont égalemen
360 lmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l’Allemagne en ont également. Des traditions communes ? Entre les can
361 es traditions communes ? Entre les cantons-villes et les cantons-campagnes : qu’y a-t-il de commun entre Genève et Glaris 
362 ns-campagnes : qu’y a-t-il de commun entre Genève et Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « miracle suisse » précisément parce
363  : qu’y a-t-il de commun entre Genève et Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « miracle suisse » précisément parce que tout s’
364 ope est tout de même plus ancienne que la Suisse, et si l’on remonte au temps de la prépondérance grecque, puis à l’Empire
365 des projets… Oui, mais malgré cette antiquité, et pour reprendre une des affirmations du professeur Rappard, « cette Eu
366 e réalisation ». Mais c’est nier l’évidence même, et je le répète, depuis que la Haute Autorité a été installée le 13 sept
367 pendant qui ne peuvent nous laisser indifférents, et ce sont ceux de notre économie, puisque, comme le note M. Rappard, no
368 a péninsule Ibérique, l’Amérique du Sud, l’Égypte et les pays asiatiques, le 60 % restant de notre commerce extérieur ? Et
369 es, le 60 % restant de notre commerce extérieur ? Et je ne vois vraiment pas pourquoi, si la Haute Autorité se solidifie t
370 s, la Suisse serait coupée de tout accès à la mer et réduite à l’état de province enclavée. Sur quoi, le professeur Rappar
371 e-t-il cette déclaration, je ne le comprends pas, et l’argument de cette finis Helvetiae me semble un rien démagogique. No
372 ion. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux qui furent toujours à travers l’histoire nos grands amis poli
373 toire, nos grands amis de toujours ? L’Angleterre et les États-Unis ? Vraiment, voilà qui surprend, et de la part du profe
374 et les États-Unis ? Vraiment, voilà qui surprend, et de la part du professeur Rappard encore plus. Je ne sache pas que le
375 grande influence sur le cours de notre histoire. Et si cela était, et si comme le prétend M. Rappard l’idée de cette fédé
376 sur le cours de notre histoire. Et si cela était, et si comme le prétend M. Rappard l’idée de cette fédération européenne
377 rions isolés d’eux, même sur le plan économique ? Et sa comparaison d’un Sonderbund européen me semble tout aussi erronée.
378 contre une ligue plus vaste : elle est un début, et non seulement elle ne s’oppose pas à ce que d’autres pays lui donnent
379 t être opposée à celle des vingt-deux cantons. Et pourquoi pas l’Europe ? La France, l’Allemagne, l’Italie et les tr
380 as l’Europe ? La France, l’Allemagne, l’Italie et les trois pays du Benelux trouvent assurément dans leur passé singuli
381 ssé singulièrement plus de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie comm
382 ns de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune, constate M. Rappard. Eh ! o
383 tions d’un romancier. Les antipathies réciproques et les intérêts contradictoires des Américains, les différences qui exis
384 ’ils ne pourront jamais trouver un centre d’union et un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne
385 r un centre d’union et un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’
386 chévique) de leurs alliés naturels d’outre-Manche et d’outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même patrie, ne vau
387 et d’outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même patrie, ne vaudrait-il pas mille fois mieux les unir tous dans u
388 pas mille fois mieux les unir tous dans une seule et même alliance ? » Alors quoi : est-ce à dire que nous devions entrer
389 ; mais pourquoi renoncerions-nous à cet avantage, et contre quoi, je vous le demande ? Encore une fois, non. Il ne s’agit
390 it que ces problèmes sont vitaux pour notre pays, et , contre M. Rappard antieuropéen, j’en appelle à M. Rappard, fédéralis
391 k. Rougemont Denis de, « [Entretien] La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit », La Suisse, Genève, 14 nove
9 1952, Articles divers (1951-1956). Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952)
392 on, mais l’Europe, cela va de Moscou à Gibraltar, et du Cap Nord aux Dardanelles ! De cette Europe, vous commencez par lai
393 sans le Portugal, sans l’Espagne, sans l’Autriche et sans la Suisse. Enfin, de cette « Europe-croupion », déjà privée de s
394 n », déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest et de son Centre, vous trouvez le moyen d’exclure les Scandinaves, la Gr
395 ndinaves, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce et la Turquie. Et ce qui reste après toutes ces amputations, vous avez l
396 ande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce et la Turquie. Et ce qui reste après toutes ces amputations, vous avez le front de dire
397 que c’est l’Europe ? — Oui, j’ai cette conviction et je m’explique. Tout d’abord, vous faites une erreur en répétant que l
398 ns que nous perdons, provisoirement, du côté est. Et le meilleur moyen de les ramener parmi nous sera sans doute de créer
399 armi nous sera sans doute de créer un noyau dense et riche d’Europe unie, qui exercera sur eux une puissante attraction. E
400 ndrez que le nombre d’habitants ne fait pas tout. Et , en effet, Paul Valéry faisait remarquer que si l’on mettait dans un
401 l faut donc tenir compte des richesses naturelles et de la production matérielle. Or, on peut vérifier facilement que pour
402 ent que pour la production du charbon, de l’acier et de l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissance du monde
403 de ses satellites. Allons plus loin. Les chiffres et les statistiques n’épuisent pas la réalité. Les six pays que groupe l
404 Haute Autorité forment une unité de civilisation et culture inégalée dans le monde moderne. Ils ont fait à eux seuls, au
405 e. Ils ont fait à eux seuls, au cours des siècles et grâce à leurs échanges continuels d’idées de procédés, de maîtres et
406 hanges continuels d’idées de procédés, de maîtres et de disciples, presque tout ce qui compte dans la peinture, dans la mu
407 t ce qui compte dans la peinture, dans la musique et dans l’architecture européennes. Et la majeure partie des sciences. E
408 ns la musique et dans l’architecture européennes. Et la majeure partie des sciences. Et les plus grandes philosophies. Le
409 e européennes. Et la majeure partie des sciences. Et les plus grandes philosophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art e
410 hilosophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art et de pensée s’étend sur la planète entière. « Petite Europe ? » La Sibé
411 Pays scandinaves, l’Espagne, l’Autriche, la Grèce et la Turquie, enfin la Suisse, n’aient rien ajouté à ces gloires, ni qu
412 ité, la méfiance ou l’indifférence de ses voisins et frères en civilisation. Ceux-ci seraient donc bien mal venus à se pla
413 mbassade auprès de la Haute Autorité. Les Suédois et peut-être demain, les Danois et les Autrichiens, se préparent à faire
414 rité. Les Suédois et peut-être demain, les Danois et les Autrichiens, se préparent à faire de même. Les autres en sont enc
415 ande pour leur laisser tout le temps de réfléchir et de recalculer leurs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont répétant qu’
416 s ont contre eux les leçons de l’Histoire entière et tous les exemples vécus par trois-mille-cinq-cents ans de civilisatio
10 1953, Articles divers (1951-1956). Préface à Photo + scène (1953)
417 ne, pour lui accorder dès le départ son patronage et son appui pratique. Il salue cette année l’épanouissement de cette in
418 a pris en Europe, depuis la Renaissance italienne et française, une importance que le drame sacré japonais ou hindou ne po
419 rt à ce concours. Belle occasion pour les auteurs et les acteurs, les metteurs en scène, les photographes et les peintres
420 acteurs, les metteurs en scène, les photographes et les peintres de méditer non seulement sur leur métier propre, mais su
421 Pays-Bas, puis à la France, puis à l’Allemagne — et vous verrez l’unité vraie de notre Europe : celle qui se réalise dans
422 rsité des langages, des écoles, des sensibilités. Et c’est cela que notre union doit préserver, pour les nouveaux départs
423 de photographie de théâtre, Illertissen, Sittler & Federmann, 1953, p. 1-3. o. Non paginé, avec des traductions italien
424 ec des traductions italienne, allemande, anglaise et hollandaise.
11 1953, Articles divers (1951-1956). Rudolf Kassner (1953)
425 es de Kassner, lus en français dans une précieuse et simple traduction (de Jean Paulhan et Bernard Groethuysen, mais non s
426 e précieuse et simple traduction (de Jean Paulhan et Bernard Groethuysen, mais non signée)6, lorsque j’essaie de me remémo
427 s répliques, d’imposer une allure à la fois calme et circonspecte, n’admettant que des gestes précis et maîtrisés, puis de
428 t circonspecte, n’admettant que des gestes précis et maîtrisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ellipses saisi
429 je te dévore ! Une constante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent
430 l’égard du doute faible, de l’adjectif incertain, et en général des complaisances « artistes » ou des clichés philosophiqu
431 en vertu d’une réflexion passionnément originale. Et je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publi
432 lexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse f
433 ue solennelle mais qui sans cesse frôle l’humour, et parfois tourne en sournoise malice » qui composaient au sens magique
434 ns magique du mot, les « charmes » de cette prose et son autorité. Telle fut ma première impression. Vingt ans plus tard,
435 ficulté, précisément, n’a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité de
436 t devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir,
437 r. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention profondément délibé
438 rlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes », et c’était au sens littéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de
439 ateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fût, et qui échappe par définition à la pensée systématique et discursive : p
440 i échappe par définition à la pensée systématique et discursive : point de réponse rationnelle au « cur deus homo » de sai
441 de l’âme est de comparer » remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui fait ordinairement une grande pensée, c’est lors
442 chose qui en fait voir un grand nombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espé
443 r, à l’expression la plus virulente de sa vérité, et chacun nous convainc si bien que la conclusion ne saurait être qu’imp
444 en que la conclusion ne saurait être qu’implicite et comme transcendante à l’échange. Ainsi s’opposent et se comparent, da
445 comme transcendante à l’échange. Ainsi s’opposent et se comparent, dans ces dialogues, mesure antique et démesure moderne,
446 se comparent, dans ces dialogues, mesure antique et démesure moderne, ou les grandes intuitions tautologiques de l’Inde :
447 conclusion. Mais l’angle de vision s’est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente vers le mystère crucial. S
448 dée finalement plus favorable au « Livre de Job » et aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtront dans
449 ou même à Rilke, reconnaîtront dans les dialogues et les paraboles de Kassner son irréfutable présence. 6. Les Éléments
450 ne », « La chimère », « Le lépreux », « Le Christ et l’âme du monde », « L’individu et l’homme collectif ». p. Rougemont
451  », « Le Christ et l’âme du monde », « L’individu et l’homme collectif ». p. Rougemont Denis de, « Rudolf Kassner », Rud
12 1953, Articles divers (1951-1956). Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement (janvier 1953)
452 ne civilisation ne sont pas visibles à son terme, et rien ne se passe jamais comme si elle finissait par les atteindre : a
453 aisissables que dans la dialectique de ses succès et de ses échecs, c’est-à-dire dans les moments mêmes où ses fins devien
454 moments mêmes où ses fins deviennent conscientes et manifestes. « Dans ma fin est mon commencement », écrit T. S. Eliot,
455 elques options fondamentales, à la fois initiales et finales, mises au point par les grands conciles œcuméniques du ive a
456 les résultantes des apports grecs, romains, juifs et chrétiens, bi- et multilatéralement antagonistes. L’Europe est le pro
457 s apports grecs, romains, juifs et chrétiens, bi- et multilatéralement antagonistes. L’Europe est le produit de ces antago
458 ogme de l’incarnation — c’est-à-dire du vrai Dieu et vrai homme à la fois — fondait toute la logique antinomique, dont l’u
459 ul Créateur — fondait ou refondait la dialectique et tout l’ensemble des institutions juridiques, éthiques et sociales qui
460 l’ensemble des institutions juridiques, éthiques et sociales qui découlent de l’idée de personne à la fois libre et respo
461 i découlent de l’idée de personne à la fois libre et responsable, distincte et reliée, unique et communautaire. Dans la co
462 ersonne à la fois libre et responsable, distincte et reliée, unique et communautaire. Dans la confusion générale, la séman
463 libre et responsable, distincte et reliée, unique et communautaire. Dans la confusion générale, la sémantique la plus foll
464 e les polémiques sur le principe de contradiction et le tiers exclus sans lesquelles les recherches nucléaires seraient de
465 aines options fondamentales : pour l’Orient l’âme et le pouvoir sur l’âme, pour l’Occident le corps, la psyché, le cosmos
466 e, pour l’Occident le corps, la psyché, le cosmos et les lois qu’y découvre l’esprit. L’erreur scientiste a consisté à cro
467 bien la Réalité en soi qu’étudiaient, mesuraient et formulaient les sciences physiques et naturelles. Nous commençons seu
468 mesuraient et formulaient les sciences physiques et naturelles. Nous commençons seulement à entrevoir la nature agonique,
469 mençons seulement à entrevoir la nature agonique, et non point rationnelle, de la recherche, de la création ou de la conna
470 scientifique. La complicité fondamentale du sujet et de l’anti-sujet affrontés, et leur interaction antinomique, nous appa
471 ndamentale du sujet et de l’anti-sujet affrontés, et leur interaction antinomique, nous apparaissent dans le détail très f
472 ciences, de la logique mathématique à la médecine et de la physique à la psychologie. Rien n’existe, au sens fort, en deho
473 rgétiques qui sont comme l’ombre l’une de l’autre et dont l’affrontement ou l’étreinte crée le jour et la nuit à la fois,
474 et dont l’affrontement ou l’étreinte crée le jour et la nuit à la fois, l’œuvre et le néant, l’actuel et le virtuel. Là-de
475 reinte crée le jour et la nuit à la fois, l’œuvre et le néant, l’actuel et le virtuel. Là-dessus, trois observations : 1)
476 la nuit à la fois, l’œuvre et le néant, l’actuel et le virtuel. Là-dessus, trois observations : 1) La nature dialectique
477 tôt de musique concrète ou de peinture abstraite, et les deux adjectifs sont évidemment faux : on pourrait aussi bien — ou
478 n — ou aussi mal — les interchanger, par exemple. Et de même les savants nous disent tantôt qu’ils découvrent ou qu’ils in
479  ; deux descriptions apparem­ment contradictoires et notoirement insuffisantes d’un acte de l’esprit qui est pourtant bien
480 armonie préétablie, ou ce mariage de notre esprit et du cosmos pour le meilleur et pour le pire sans quoi nulle science ne
481 age de notre esprit et du cosmos pour le meilleur et pour le pire sans quoi nulle science ne serait possible. Cette même p
482 èmes qui ne l’apaiseront jamais, qui le consument et dont il vit. q. Rougemont Denis de, « Des conciles à la bombe atom
483 le christianisme a signifié la fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la sc
484 portunément, que la science est liée à l’attitude et à la dialectique fondamentale du christianisme. »
13 1953, Articles divers (1951-1956). Suisse, Europe et neutralité (6 mars 1953)
485 Suisse, Europe et neutralité (6 mars 1953)s La thèse que je voudrais défendre devant
486 e notre neutralité serait aujourd’hui sans objet, et nous devons donc l’éviter ; 2. La neutralité ne doit pas servir de pr
487 ’il y ait lieu dans discuter dans le premier cas, et dans le second cas, comme une conséquence accessoire de notre entrée
488 frir cette renonciation ? Qui pourrait l’accepter et la reconnaître ? Quels en seraient les effets pratiques ? Dans l’état
489 effets pratiques ? Dans l’état présent des choses et de l’opinion publique, chez nous et dans les pays voisins, un tel ges
490 nt des choses et de l’opinion publique, chez nous et dans les pays voisins, un tel geste paraîtrait à la fois dénué de sag
491 n tel geste paraîtrait à la fois dénué de sagesse et d’efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce terme. On ne v
492 it sans cesse reposée depuis le fin de la guerre, et menace de devenir un sujet de discorde entre les Confédérés ? Cela ti
493 à la Suisse, qui sont l’impérialisme bolchévique et la construction de l’Europe, et à une troisième cause, intérieure cel
494 lisme bolchévique et la construction de l’Europe, et à une troisième cause, intérieure celle-là, qui est la manière dont l
495 es autres peuples. Le stalinisme est une doctrine et une pratique expressément anti-européennes, or vous êtes des Européen
496 vous ne pouvez pas rester neutres entre l’Europe et ses ennemis. À cela, je répondrai que le choix de notre peuple est fa
497 s restions neutres entre la démoratie occidentale et la dictature stalinienne, les Russes seraient les premiers à ne pas n
498 s entretenons la seule armée solide du continent, et que nous lui consacrons une proportion de notre budget national beauc
499 le faute de ceux qui s’en réclament à tout propos et hors de propos, pour refuser de faire face à la situation concrète de
500 de faire face à la situation concrète de l’Europe et de la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans de
501 ’est pas nous qui opposons fédération de l’Europe et neutralité suisse, c’est eux. Et dès lors la neutralité devient un pr
502 tion de l’Europe et neutralité suisse, c’est eux. Et dès lors la neutralité devient un problème épineux. J’aborde ici la s
503 cune manière. Les prétextes allégués sont vagues, et leur sincérité pose des problèmes. Les vraies raisons de ces deux ref
504 , selon le vocabulaire des sociologues. La raison et le bon sens éclairé restent sans prises sur l’épaisse inertie de pare
505 ce que demandait Eisenhower pour toute l’Europe) et la nécessité technique, pour tout état-major, de se concerter avec le
506 ses estiment que notre constitution fédérale peut et doit servir de modèle pour une Europe fédérée, dans le respect des di
507 st pas sans valeur pour l’Europe en construction, et que la vraie question n’est pas d’européaniser la Suisse, mais plutôt
508 peut rester un statut politique utile à la Suisse et non nuisible à l’Europe, jusqu’au jour où l’Europe sera fédérée : à c
509 rité fondamentale, mais qu’une opinion somnolente et des magistrats aux vues courtes s’efforcent encore de ne pas regarder
510 nir. s. Rougemont Denis de, « Suisse, Europe et neutralité », L’Essor, Genève, 6 mars 1953, p. 4-5.
14 1953, Articles divers (1951-1956). Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)
511 Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)t Beaucoup pensent aujourd’hui qu
512 t, disent-ils, son unité spirituelle au Moyen Âge et elle avait atteint au début de ce siècle une espèce d’unité matériell
513 où trouver dans tout cela un dénominateur commun, et que venez-vous parler d’union, quand l’unité foncière a disparu ? Il
514 quand l’unité foncière a disparu ? Il serait fou, et il est impossible de fondre nos diversités de langues, de religions,
515 religions, de nationalités, de partis politiques et d’intérêts, dans une espèce d’espéranto totalitaire… Cette vision pes
516 faudrait distinguer entre nos divisions présentes et nos diversités traditionnelles. Les premières causent notre misère, e
517 ditionnelles. Les premières causent notre misère, et doivent être à tout prix surmontées ; les secondes ont produit nos vr
518  ; les secondes ont produit nos vraies richesses, et la meilleure raison de nous fédérer, c’est que seule l’union fédérale
519 c’est que seule l’union fédérale peut les sauver et les garantir dans notre siècle. Mais d’où proviennent ces confusions
520 sprit totalitaire, nous a fait croire que l’unité et la diversité étaient des réalités contradictoires ; que nos divisions
521  ; que nos divisions nationales étaient sacrées ; et qu’en conséquence l’union fédérale de nos pays, sauvegardant leurs di
522 pondre à ces sophismes par un exemple bien connu, et par un rappel à l’histoire. Logique ou non, la Suisse existe, réfutat
523 te de toutes les théories nationalo-totalitaires. Et l’histoire nous enseigne que le nationalisme, au sens précis et néfas
524 nous enseigne que le nationalisme, au sens précis et néfaste du terme, n’a sévi que pendant un siècle et demi sur les deux
525 néfaste du terme, n’a sévi que pendant un siècle et demi sur les deux-mille ans de notre ère. Le phénomène de la nation f
526 nations ? Les faits historiques les mieux établis et les plus faciles à vérifier dénoncent le peu d’importance réelle de n
527 gies de communion romaine, anglicane, luthérienne et même calviniste ont tous la même structure, à très peu de phrases prè
528 mieux mais dans le même sens éthique : dans l’un et l’autre cas, le langage est le même, il dérive de la théologie, fût-c
529 il dérive de la théologie, fût-ce à travers Hegel et Marx. De Kierkegaard à Heidegger, puis Sartre, les mêmes concepts, pr
530 e l’influence chrétienne, se groupent, s’opposent et se regroupent. Nos formes d’expression sont identiques, qu’il s’agiss
531 la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome et de l’Église : au commencement furent la paroisse et la commune, total
532 de l’Église : au commencement furent la paroisse et la commune, totalement inconnues de l’Orient ; les synodes et le séna
533 e, totalement inconnues de l’Orient ; les synodes et le sénat, d’où viennent nos parlements. Rien ne se ressemble plus que
534 us « nationaux » par la science démodée de Herder et des romantiques mais dont la science actuelle tire au contraire ses m
535 puis à l’est, au cours des âges sans frontières. Et enfin, et surtout, ce que nous avons de commun, c’est une certaine pa
536 est, au cours des âges sans frontières. Et enfin, et surtout, ce que nous avons de commun, c’est une certaine passion de d
537 e différer, une certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps magique collectif. D
538 e avec le citoyen, consacrée par l’Église romaine et la Réforme avec leur notion de la personne, cette manière de se croir
539 notion de la personne, cette manière de se croire et de se sentir unique, caractérise l’homo europæus, quelle que soit d’a
540 uropæus, quelle que soit d’ailleurs sa naissance, et le rend différent de l’Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui
541 lectivité. Comparées à la communauté fondamentale et millénaire de nos structures de pensées, de nos formes d’expression e
542 structures de pensées, de nos formes d’expression et de nos types d’organisation sociale et politique, nos divisions prése
543 expression et de nos types d’organisation sociale et politique, nos divisions présentes perdent leur profondeur et se révè
544 , nos divisions présentes perdent leur profondeur et se révèlent éphémères. Au contraire, nos diversités redeviennent alor
545 mises (« Il y a plusieurs demeures… »), protégées et aimées en tant que vocations. Et c’est à leur dialogue, parfois à leu
546 s… »), protégées et aimées en tant que vocations. Et c’est à leur dialogue, parfois à leurs conflits, que l’Occident doit
547 gagé sur les faits, sur les diversités vivantes, et qui freine l’union nécessaire. Qu’un tel nationalisme survive à ses r
548 qu’il ait cessé de nuire. Les écrivains — poètes et philosophes — qui ont tant fait pour le fomenter au début du xixe si
549 en délivrer. Entre l’agoraphobie du nationalisme et la claustrophobie du cosmopolitisme, il y a place pour un réalisme.
550 ur un réalisme. t. Rougemont Denis de, « Unité et diversité de l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p. 1.
15 1953, Articles divers (1951-1956). Pourquoi je suis Européen (20 juin 1953)
551 Prusse. Je suis donc né à mi-chemin entre France et Allemagne, avec beaucoup d’ancêtres français et quelques allemands. Q
552 e et Allemagne, avec beaucoup d’ancêtres français et quelques allemands. Quand je me suis mis à voyager pendant mes études
553 a fin de mes études, j’ai longuement habité Paris et la France, et c’est pendant cette période que j’ai écrit la plupart d
554 tudes, j’ai longuement habité Paris et la France, et c’est pendant cette période que j’ai écrit la plupart de mes livres,
555 rticipé au lancement des revues L’Ordre nouveau et Esprit et des groupes personnalistes dont elles étaient les deux fo
556 ancement des revues L’Ordre nouveau et Esprit et des groupes personnalistes dont elles étaient les deux foyers. C’étai
557 où Kierkegaard commençait à être connu en France, et j’avais coutume de l’opposer à Hegel, préférant, en philosophie comme
558 nt, en philosophie comme en politique, la tension et le drame au système et à la synthèse. En 1938, j’ai publié mon Journ
559 e en politique, la tension et le drame au système et à la synthèse. En 1938, j’ai publié mon Journal d’Allemagne , à la f
560 ntifédéraliste. Mobilisé pendant un an en Suisse, et dans un pays entièrement cerné par les nazis et les fascistes, j’ai p
561 , et dans un pays entièrement cerné par les nazis et les fascistes, j’ai publié un ouvrage intitulé Mission ou démission
562 rine, ou pour mieux dire, l’attitude fédéraliste, et la nécessité d’une union européenne. C’est donc bien en tant que fédé
563 sur le parallélisme entre les doctrines jacobines et hitlériennes, cours qui provoqua des mouvements divers parmi les étud
564 tudiants, dont plusieurs étaient en uniforme noir et brun. Du jacobinisme est sorti Napoléon et des guerres de Napoléon le
565 e noir et brun. Du jacobinisme est sorti Napoléon et des guerres de Napoléon le nationalisme de tout un siècle. Napoléon v
566 , mais comme Hitler : il voulait un État européen et non l’Europe réelle. Il voulait nommer des préfets… L’état d’esprit j
567 tat d’esprit jacobin, centralisateur, unificateur et nécessairement totalitaire est le pire ennemi de l’Europe fédérée, do
568 pire ennemi de l’Europe fédérée, dont la richesse et la créativité naissent de la diversité. Mais si l’on insiste trop sur
569 trop sur nos diversités, que devient notre unité et dans quoi peut-on la fonder ? Précisément, dans notre passion de diff
570 livre qui sera intitulé : Le Sens de nos vies x, et dans lequel j’esquisse une histoire de l’homme européen, ou plutôt de
571 . C’est là une notion essentiellement européenne, et que nous avons eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jam
572 sses font tout ce qu’ils peuvent pour l’interdire et la détruire, et peut-être commence-t-elle à se déprimer en Amérique.
573 e qu’ils peuvent pour l’interdire et la détruire, et peut-être commence-t-elle à se déprimer en Amérique. Elle reste la so
574 itable Européen, c’est l’individu à la fois libre et responsable, à la fois autonome et engagé, celui que j’appelle la per
575 la fois libre et responsable, à la fois autonome et engagé, celui que j’appelle la personne. (Cette formule a été reprise
576 lui. L’engagement, c’était pour Mounier, Dandieu, et moi-même, bien autre chose que l’entrée dans un parti !) D’où notre c
577 vocation qui, à la fois, le distingue de la tribu et le relie à son prochain, voilà la personne. On l’a dit : pour l’indiv
578 érie de conférences. De là, j’ai été en Argentine et , à mon retour à New York, en novembre 1941, les États-Unis sont entré
579 site de Raymond Silva, que je ne connaissais pas, et qui, sans préambule, me demanda d’ouvrir par un discours le premier c
580 : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 1939 et 1940 : c’est exactement ce que notre congrès attend. » Ainsi fut fait
581 l’idée européenne par ma naissance, ma curiosité et mes voyages au temps de mes études, mon évolution philosophique et mê
582 temps de mes études, mon évolution philosophique et même théologique, enfin par une double prise de conscience historique
583 ens, on méconnaît à la fois la faiblesse présente et les forces virtuelles de l’Europe. Nehru, énumérant les puissances qu
584 itait, l’autre jour, l’Amérique, l’URSS, la Chine et l’Inde. Il oubliait simplement l’Europe ! Cette Europe qui voit se re
585 ner contre elle le nationalisme qu’elle a inventé et dont elle a infecté les autres continents. C’est à nous de trouver le
586 l’union politique qui se poursuivent à Strasbourg et à Luxembourg ? Naturellement. Je suis aussi pour la fédération des Si
587 fédération des Six. Il est conforme à la doctrine et surtout à la pratique fédéraliste de commencer par des petites réalis
588 . Le fédéralisme est antisystématique, empirique, et seul réaliste. En tant que Suisse, ne regrettez-vous pas que votre pa
589 hésion sera la preuve que la fédération est ferme et solide. Et ce sera aussi l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mis
590 la preuve que la fédération est ferme et solide. Et ce sera aussi l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mission de la
591 parfaitement notre isolationnisme un peu mesquin et la grandeur de l’idée fédéraliste que nous avons réalisée en petit, e
592 dée fédéraliste que nous avons réalisée en petit, et presque sans nous en rendre compte. Voici le premier : Le Suisse tra
593 pte. Voici le premier : Le Suisse trait sa vache et vit paisiblement. Et voici le second : La Suisse dans l’histoire au
594 : Le Suisse trait sa vache et vit paisiblement. Et voici le second : La Suisse dans l’histoire aura le dernier mot. Sa
595 n juin 1952. L’Aventure occidentale de l’homme , et Lettre ouverte aux Européens approfondiront cette question.
16 1953, Articles divers (1951-1956). Une fausse nouvelle : « Dieu est mort » (juin-juillet 1953)
596 il est quotidiennement répété par leurs disciples et cité comme allant de soi par ceux qui vivent de l’écho. Les bien-pens
597 s affectée par une polémique locale dans le temps et dans l’espace. Mais l’inconséquence n’est pas moindre dans le camp, d
598 les effets sur la psychologie moderne, la culture et la société. Mais a-t-on jamais demandé à ceux qui disent que Dieu est
599 édiate après-guerre, sur la nouveauté du message, et sur son objectivité. Ils prétendent annoncer une nouvelle, la mauvais
600 nc contraints d’examiner premièrement les sources et , secondement, la crédibilité de l’information. Je ne discuterai pas l
601 hrase : Nietzsche est un cas suffisamment connu7. Et , d’ailleurs, il a partiellement démenti son message en écrivant un jo
602 ne porte pas, bien entendu, sur l’essence de Dieu et du diable, mais sur leur existence qui, selon lui, diminuerait ou sup
603 , la valeur morale suprême est la responsabilité, et que cette valeur morale est plus importante que tout, puisqu’en son n
604 stion d’existence réelle. Il ne faut pas que Dieu et le diable existent, car alors la responsabilité de l’homme en pâtirai
605 it pour que Sartre décrète que Dieu n’existe pas, et bien plus, qu’il est mort. D’où peut lui venir cette passion de la re
606 responsabilité ? D’une volonté d’affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’une manière analogue que Malr
607 ’affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’une manière analogue que Malraux et Jaspers interprètent ici
608 t-il. Et c’est d’une manière analogue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri de Nietzsche : comme une proclamation
609 nd pas le mot « responsable » au sens authentique et littéral de « capable de répondre » (de ses actes et pensées devant D
610 littéral de « capable de répondre » (de ses actes et pensées devant Dieu ou devant autrui), mais au sens de « capable de d
611 u sens de « capable de décider » (de ce qu’on est et sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’aventurier
612 mais à celui d’aventurier qui assume ses risques et périls et qui les choisit souverainement ; non pas au sens de créatur
613 lui d’aventurier qui assume ses risques et périls et qui les choisit souverainement ; non pas au sens de créature, mais bi
614 sienne d’abord (« Je vais me faire à mon idée ») et par suite celle d’autrui (« L’enfer, c’est les autres »). Il n’en mar
615 prônait, mais rendait par ailleurs impraticable — et dans le fait impratiqué. On sait que Sartre vient de joindre le camp
616 cessé d’exister, d’aider l’homme ou de le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’y a jamais eu dans l’Histoire autan
617 Cf. les statistiques du christianisme, de l’islam et de bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons maintenant l
618 nietzschéenne, soit anticléricale, littéralement et logiquement, la phrase « Dieu est mort » est un non-sens. Car où bien
619 non-sens. Car où bien « Dieu » ne signifie rien — et dans ce cas il ne peut pas mourir ; ou bien il signifie la Vie, l’Éte
620 rnité, le Total, l’Être en soi, l’Inconnaissable, et , dans ce cas, dire qu’il est mort, revient à faire du bruit avec la b
621 roduit, à un certain moment précis, dans le temps et dans l’espace (mais où et quand ?), un événement cosmique sans précéd
622 t précis, dans le temps et dans l’espace (mais où et quand ?), un événement cosmique sans précédent, « un événement concer
623 le fait que le Dieu du christianisme, du judaïsme et de l’islam, le Dieu qui s’intéresse à chaque homme (et même à chaque
624 l’islam, le Dieu qui s’intéresse à chaque homme ( et même à chaque passereau dit l’Évangile), et cela dans le détail intim
625 omme (et même à chaque passereau dit l’Évangile), et cela dans le détail intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards d
626 ou pauvres types essayant de s’en tirer, ont prié et prient encore pour qu’il les assiste individuellement dans leurs gran
627 l les assiste individuellement dans leurs grandes et petites épreuves, le Dieu personnel en un mot, omniscient et omniprés
628 épreuves, le Dieu personnel en un mot, omniscient et omniprésent apparaît à beaucoup de nos contemporains comme aussi incr
629 ucoup de nos contemporains comme aussi incroyable et absurde que toutes les absurdités que je viens d’énumérer. À vrai dir
630 ment explicable. Un Dieu personnel est incroyable et absurde, en effet, dans une vue statistique du monde et pour l’imagin
631 urde, en effet, dans une vue statistique du monde et pour l’imagination aujourd’hui courante du cosmos. Question d’échelle
632 space-temps d’un univers à l’expansion indéfinie… Et compter les cheveux de sa tête ! Mais à l’inverse, le Dieu personnel
633 omme, vers un homme bien déterminé, vers « moi », et le voit de plus en plus près, dans le secret de son cœur, dans le noy
634 esprit. « Dieu sensible au cœur », disait Pascal. Et de même, l’énergie fondamentale ne peut être décelée et étudiée que d
635 même, l’énergie fondamentale ne peut être décelée et étudiée que dans le noyau de l’atome, dans ce cœur du réel physique.
636 e dans nos préoccupations politiques, économiques et sociales. Puisqu’il n’est sensible qu’au cœur, c’est-à-dire au plus i
637 -à-dire au plus intime d’une personne bien réelle et distincte. Il est donc normal que le Dieu personnel reste l’Absurde,
638 la transformation de l’énergie que dans l’infime, et comme l’amour nulle part ailleurs que dans un cœur. 7. Voir le bref
639 part ailleurs que dans un cœur. 7. Voir le bref et admirable ouvrage de Karl Jaspers : Nietzsche et le christianisme. 8
640 et admirable ouvrage de Karl Jaspers : Nietzsche et le christianisme. 8. Car Dieu, même si quelqu’un croit qu’il n’est p
17 1954, Articles divers (1951-1956). Ce petit cap de l’Asie (1er juin 1954)
641 ne le croit. Ce ne sont pas seulement des palaces et quelques belles villas qu’« occupent » les Asiatiques. C’est de l’att
642 t de l’attention mondiale qu’ils se sont emparés, et du jeu politique, et de l’initiative, et du calendrier de nos propres
643 iale qu’ils se sont emparés, et du jeu politique, et de l’initiative, et du calendrier de nos propres décisions, nous déto
644 emparés, et du jeu politique, et de l’initiative, et du calendrier de nos propres décisions, nous détournant ainsi du vrai
645 ainsi du vrai problème, des vrais périls urgents et de leur solution pour le salut de l’Occident. Même si la conférence d
646 la conférence de Berlin avait unifié l’Allemagne et libéré l’Autriche, ces décisions ne pouvaient écarter les menaces qui
647 ble du continent, les impératifs de son économie, et cette grande nostalgie de l’homme occidental, beaucoup plus que la pa
648 nde un sens à sa vie, une direction à son espoir… Et cependant, si les rencontres de Berlin se sont soldées par un échec s
649 rtion des forces au sein des Six, entre la France et l’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions d’habitan
650 e et l’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions d’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’un blo
651 place, dans une conception sainement géographique et matérialiste du monde, Retenons, de ces divagations, un fait curieux 
652 tenter de l’écraser par une surenchère insensée. Et surtout soulignons d’autant plus fortement que la presse a manqué de
653 ation avec Moscou. Non point que le projet de CED et le projet de fédération qui est sa vraie base aient jamais été consid
654 comme monnaie d’échange éventuelle — MM. Bidault et Eden l’ont précisé — mais ce sont ces projets qui ont mis l’Occident
655 fixer la France d’abord, puis la Grande-Bretagne et les États-Unis, sur l’imbroglio des guerres locales d’Extrême-Orient,
656 t. Le monde entier verra nos défaites militaires, et l’insolence des envoyés de l’Asie rouge distribuant à nos hommes d’Ét
657 ue dans les dénonciations que récitent les Russes et leurs satellites en Asie. Mais le colonialisme soviétique, lui, nous
658 ant : il a déjà conquis nos six nations de l’Est, et quatre nations en Asie. Il baptise « paix » cette conquête par la for
659 . Il baptise « paix » cette conquête par la force et « provocation belliciste » toute tentative de résistance à son empris
660 isque celle-ci serait ouverte à l’expansion russe et chinoise. Mais assurer la paix définitive entre la France et l’Allema
661 . Mais assurer la paix définitive entre la France et l’Allemagne par le moyen de leur fédération, ce serait agir en « bell
662 s. Sous la double poussée de la révolte asiatique et du colonialisme soviétique, une Europe persistant à rester désunie do
663 rapidement périr par asphyxie à la fois physique et morale. Marchés perdus, positions atlantiques perdues, prestige perdu
664 restige perdu : par suite, dynamisme intellectuel et spirituel déprimé, repliement sur une misère et des rancunes croissan
665 l et spirituel déprimé, repliement sur une misère et des rancunes croissantes ; par suite, l’invasion irrésistible de la p
666 vasion irrésistible de la propagande totalitaire, et démission finale entre les mains d’une petit groupe d’« apaiseurs »,
667 x Russes une puissance qui les tienne en respect. Et tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprendre que son élan irrépressib
668 ent ! L’Asie, donc, doit vouloir autant que nous, et autant que l’Amérique, l’Europe unie. Mais l’Europe ne sera pas unie
669 si le parlement français repousse demain la CED, et avec elle ses suites et ses implications, la Communauté politique et
670 s repousse demain la CED, et avec elle ses suites et ses implications, la Communauté politique et son élargissement rapide
671 ites et ses implications, la Communauté politique et son élargissement rapide de toute l’Europe. L’enchaînement de ces fai
672 nt de ces faits laisse peu de jeu à l’imagination et aux surprises. Une remarque finale résumera ma pensée : Si la CED éta
673 e brutalement les discussions de « préalables » » et de garanties à obtenir sur le papier contre une Allemagne d’après-dem
674 l’Asie », Jeune Europe, Paris, 1 juin 1954, p. 1 et 8.
18 1954, Articles divers (1951-1956). La CED, ses mythes et sa réalité (12 août 1954)
675 La CED, ses mythes et sa réalité (12 août 1954)z La Communauté européenne de défense n’e
676 arle depuis deux ans, sur lequel tous les députés et journalistes européens ont pris position en public ou dans le secret
677 ordinaire. Or il se trouve que le sort du traité, et par suite le sort de l’Europe, dépend en fait des députés français, a
678 pratiquement désarmée, à l’exception de la Suisse et de la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est dire que l’Euro
679 ngagés en Corée, les Américains trouvaient lourde et coûteuse la tâche de protéger l’Europe. Ils souhaitaient que nous les
680 s souhaitaient que nous les aidions à nous aider. Et pourquoi, disaient-ils, les Allemands, qui sont les premiers menacés,
681 les premiers menacés, n’auraient-ils pas le droit et le devoir de reconstituer une armée ? — Les Hollandais, les Belges, e
682 stituer une armée ? — Les Hollandais, les Belges, et surtout les Français, pensaient différemment, et cela se comprend. Un
683 et surtout les Français, pensaient différemment, et cela se comprend. Une Wehrmacht autonome, renaissant de ses cendres,
684 pe sans le concours d’un de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première ligne ? C’est pour tenter de rés
685 emands, tout en assurant la défense de l’Europe — et enfin pour hâter l’indispensable union de nos pays, la France imagina
686 s six pays déjà liés par la Communauté du charbon et de l’acier, plus connue sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité
687 . C’est ce traité qu’ont déjà ratifié la Hollande et le Luxembourg, puis l’Allemagne et enfin la Belgique. L’Italie le vot
688 ié la Hollande et le Luxembourg, puis l’Allemagne et enfin la Belgique. L’Italie le votera sans nul doute d’ici peu. La Fr
689 ient des institutions communes, des forces armées et un budget commun. Ils prévoient aussi qu’aucun État membre ne recrute
690 rs de celles que nécessitent la police intérieure et la protection des colonies. — Mais jusqu’où s’étend, pratiquement, ce
691 ays ? S’agit-il de mélanger les soldats allemands et français dans des compagnies commandées par des caporaux belges et de
692 des compagnies commandées par des caporaux belges et des officiers italiens ? Ceux qui l’ont dit et imprimé ont simplement
693 es et des officiers italiens ? Ceux qui l’ont dit et imprimé ont simplement donné la preuve qu’ils n’avaient jamais lu le
694 ement nationales seront groupées en corps d’armée et placées à la disposition d’un état-major général, qui, lui, sera euro
695 néral, qui, lui, sera européen par sa composition et sa nomination. Si la CED est acceptée demain, que se passera-t-il don
696 s choses, dont la première seulement sera visible et sensible au grand public. Les troupes des six pays porteront le même
697 ues détails près ?) Les généraux de corps d’armée et d’armée pourront être choisis dans n’importe lequel des pays membres.
698 ières guerres.) Enfin, les méthodes d’instruction et la production des armements seront standardisées. (D’où un considérab
699 n considérable allègement des budgets militaires, et une efficacité technique accrue.) Il s’agit donc, en fin de compte, d
700 tère européen de la Défense ; une Cour de justice et une Assemblée parlementaire, qui existent déjà : ce seraient en effet
701 qui existent déjà : ce seraient en effet la Cour et l’Assemblée du plan Schuman. Voilà donc amplement assurés le contrôle
702 Voilà donc amplement assurés le contrôle national et le contrôle démocratique de l’Armée commune. La procédure prévue pour
703 commune. La procédure prévue pour la mobilisation et l’entrée en campagne est telle (majorité des deux tiers ou unanimité
704 ne pourra donc servir qu’à des tâches strictement et purement défensives — en cela comparable à l’armée suisse. Argumen
705 la comparable à l’armée suisse. Arguments pour et contre la CED Comment expliquer, dans ces conditions, la violence
706 . Or, le cas est dûment prévu par les articles 10 et suivants, autorisant un État membre à détacher de son contingent les
707 ne ». Cette confusion égare beaucoup de lecteurs, et tend à leur faire croire le contraire de ce qui est. Nous avons vu qu
708 uée, mais alors sans contrôle possible. J’entends et lis aussi des phrases de ce genre : « Ce traité désastreux va supprim
709 Il est clair, en effet, que les unités allemandes et les unités françaises auront le même statut, dans la même armée, sur
710 redoutent « la perte de la souveraineté française et la restitution de ses droits égaux à l’Allemagne ». En fait, le trait
711 l’Europe la volonté américaine ». La vérité sobre et limpide, c’est que si l’Europe ne se donne pas elle-même les moyens d
712 éfense, c’est-à-dire si elle refuse la CED, alors et dans ce cas précisément, elle tombera sous la dépendance des USA ; et
713 sément, elle tombera sous la dépendance des USA ; et cela malgré elle et malgré eux, par une nécessité inéluctable. Qui
714 sous la dépendance des USA ; et cela malgré elle et malgré eux, par une nécessité inéluctable. Qui est pour ? qui est
715 qui est contre ? Après deux ans de discussions et à la veille des décisions finales, la répartition des adversaires et
716 décisions finales, la répartition des adversaires et des partisans de la CED apparaît facile à décrire. On peut même la pr
717 e. On peut même la prévoir selon l’âge, le parti, et surtout la psychologie des interlocuteurs. La CED a coalisé contre el
718 ires du communisme, du nationalisme traditionnel, et de certains intérêts privés, calculant à court terme. Les communistes
719 une Europe soviétisée. L’Europe unie serait forte et leur résisterait. Ils veulent donc une Europe divisée. Or, ce qui nou
720 , c’est le nationalisme : il faut donc le flatter et raviver les haines provoquées par les guerres qu’il a lui-même causée
721 es âgées qui vivent encore de souvenirs glorieux, et de rancunes qui parfois le sont moins, entretiennent l’illusion touch
722 me, la raison, la volonté de sauver nos libertés, et la jeunesse. Certes, on peut se demander s’il est bien sûr que la CED
723 ien sûr que la CED telle qu’elle est, si prudente et respectueuse des droits de chacun des États membres, suffira pour not
724 ans, ne vise qu’à retarder la décision française. Et même en admettant qu’un Molotov se trompe, qu’il surestime la CED, co
725 d’une Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour tout un continent — dont la Suisse est le cœur.
726 . z. Rougemont Denis de, « La CED, ses mythes et sa réalité », L’Illustré, Lausanne, 12 août 1954, p. 19.
19 1954, Articles divers (1951-1956). Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954)
727 Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954)aa Parler fédéralisme sur un
728 les principes au nom desquels on le juge néfaste, et les maximes de l’action qui permettra de le surmonter. I. Naissance
729 ion qui permettra de le surmonter. I. Naissance et prolifération du nationalisme Goethe, assistant à la bataille de V
730 ouvelle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du peuple to
731 le fait du peuple tout entier, mais d’un parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du pays, la premi
732 écraser les opposants, car la nation est religion et les religions ne transigent pas. L’État se voit donc contraint de ren
733 ice, de centraliser tous les éléments du pouvoir, et de transformer la justice en instrument de l’idéologie, le tout au no
734 ême répression la réaction qui veut le renverser, et les diversités locales ou spirituelles qui demanderaient seulement de
735 ’État idéologique, né d’une révolution sanglante, et qui se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom de tous con
736 re les mains de l’État un instrument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument
737 uite, parce que la collusion de l’État centralisé et de la nation missionnaire produit comme résultante fatale l’impériali
738 produit comme résultante fatale l’impérialisme : et voici la France napoléonienne. L’idéologie de la nation est par essen
739 s foyers », l’instinct patriotique est mis en jeu et bientôt il se voit réquisitionné et mobilisé par l’État : nous assist
740 st mis en jeu et bientôt il se voit réquisitionné et mobilisé par l’État : nous assistons à la première en date de toutes
741 par les soldats « libérateurs » de la Révolution et de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Europe l’idéologie
742 s jacobins, va susciter des nationalismes rivaux. Et c’est dans le pays qui aura subi le plus durement l’agression napoléo
743 t son esprit national. » (On voit donc que nation et Patrie diffèrent pour lui comme esprit et nature.) Cet esprit nationa
744 nation et Patrie diffèrent pour lui comme esprit et nature.) Cet esprit national est « un dans la marche de l’Histoire ».
745 ant, donc par la guerre), puis fatalement décline et meurt. « Chaque peuple mûrit un fruit ; son activité consiste à accom
746 teinte, il n’a plus rien à faire dans le monde. » Et encore : « À chaque époque domine le peuple qui incarne le plus haut
747 x, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocat
748 ui-même confisqué par un Corse — patriote humilié et récemment conquis —, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci o
749 our la Prusse, l’idée de l’État définie par Hegel et Fichte. Pour l’Angleterre, la maîtrise des mers. Pour la Russie, un m
750 s notre siècle, la Norvège, la Turquie, l’Irlande et Israël se livrer au jeu pénible de restaurer artificiellement leur « 
751 roche du vrai patriotisme, mais tout aussi jaloux et même hargneux que celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts d
752 maîtres », le « Herrenvolk », le « prolétariat » et sa dictature… Hegel avait vu juste, objectivement parlant. À partir d
753 . On parlera beaucoup de « concert des nations », et de « droit international », mais il est clair que ces États-nations-I
754 t tout ordre international impossible en principe et par définition, puisqu’ils n’acceptent aucune instance supérieure à l
755 ent aucune instance supérieure à leurs « droits » et limitant leur « absolue souveraineté ». Pendant cent ans, l’Europe qu
756 absurdité a-t-elle pu triompher pendant un siècle et plus ? En singeant la religion et son enseignement, en devenant elle-
757 ndant un siècle et plus ? En singeant la religion et son enseignement, en devenant elle-même une source de « sacré ». L’Ai
758 source de « sacré ». L’Aigle, les Trois Couleurs et le Petit Chapeau jouent au début le rôle du labarum, du crucifix et d
759 u jouent au début le rôle du labarum, du crucifix et de la mitre. Les cérémonies viendront plus tard, avec les monuments a
760 viendront plus tard, avec les monuments aux Morts et le culte du Soldat inconnu. Pour la piété et la morale nouvelle, les
761 orts et le culte du Soldat inconnu. Pour la piété et la morale nouvelle, les poètes populaires et l’instruction publique o
762 iété et la morale nouvelle, les poètes populaires et l’instruction publique obligatoire se chargeront d’en rédiger les hym
763 obligatoire se chargeront d’en rédiger les hymnes et le catéchisme. Cette religion nationale, que l’on a comparée très jus
764 la nation dans laquelle catholiques, protestants et agnostiques « oubliant ce qui les divise » doivent se sentir « França
765 t national. On n’y voit qu’une manière de parler… Et cependant cet esprit national est un dieu bien réel, et que l’on croi
766 endant cet esprit national est un dieu bien réel, et que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger le sacrifice de la vie
767 change de nos vies ? Une certaine communion vague et puissante, qui permet à l’individu de dépasser son horizon restreint,
768 ranchir de ses soucis privés (en temps de guerre) et de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vra
769 e ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité, et jusqu’aux vantardises les plus stupides deviennent licites et honorab
770 vantardises les plus stupides deviennent licites et honorables, dès qu’on les met au compte de la nation où l’on a pris l
771 est manifeste qu’elle est spirituellement indigne et matériellement incapable : celui de la souveraineté sans limites, par
772 ions essentielles — entre la souveraineté absolue et l’ordre européen, entre l’État-nation et la liberté, entre la religio
773 absolue et l’ordre européen, entre l’État-nation et la liberté, entre la religion nationale et la foi chrétienne, entre l
774 nation et la liberté, entre la religion nationale et la foi chrétienne, entre la nation et la paix — ont éclaté en 1914. E
775 n nationale et la foi chrétienne, entre la nation et la paix — ont éclaté en 1914. Et l’Europe depuis lors se trouve devan
776 entre la nation et la paix — ont éclaté en 1914. Et l’Europe depuis lors se trouve devant ce choix, dont nous devons la r
777 fédéraliste, qui traduit seule notre réalité une et diverse, et cela suppose briser le carcan de l’État-nation, recréer d
778 , qui traduit seule notre réalité une et diverse, et cela suppose briser le carcan de l’État-nation, recréer des pouvoirs
779 au bout de la logique instituée par les jacobins, et soumettre alors toute l’Europe à une nation unique, totalitaire, assu
780 des personnes ses prétentions d’Église sans Dieu, et réclamant non seulement la mort en masse mais la totalité de la vie d
781 s du nationalisme choisis parmi les plus typiques et les plus vivants encore dans nos esprits, ou tout au moins dans nos r
782 es adversaires du traité confondaient sincèrement et réellement les concepts de patrie réelle, de nation et de souverainet
783 ellement les concepts de patrie réelle, de nation et de souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennellement que
784 taire. À ses yeux donc, une France non absolument et totalement souveraine n’était plus la France. La seule évocation d’un
785 s à l’État. La souveraineté absolue n’existe pas, et cependant la France existe bel et bien. On a défini la souveraineté c
786 e n’existe pas, et cependant la France existe bel et bien. On a défini la souveraineté comme « la faculté pour un État d’a
787 tances réelles du siècle, techniques, économiques et politiques. Il en résulte que la souveraineté nationale, vis-à-vis de
788 stence que celle d’une illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où la voit-on à l’œuvre ? Non pas dans les faits, mais seu
789 évidences. Refoulée du domaine des forces réelles et des pouvoirs concrets, elle est devenue le réceptacle où se recueille
790 gies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’une Histoire faussée par l’école, agressivité frus
791 stoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractè
792 de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres le
793 lousie d’Othello. D’où enfin, l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur
794 on établie entre « Patrie », « État », « Nation » et « Langue ». La Patrie, pour le fédéraliste, est une réalité d’instin
795 , pour le fédéraliste, est une réalité d’instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique, une impla
796 t l’indique, une implantation géophysique, locale et peu extensible. La Nation, au contraire, est une réalité idéale ou id
797 Ensuite, l’État est une structure administrative et politique, artificielle par définition, rarement influencée et jamais
798 artificielle par définition, rarement influencée et jamais déterminée par la nature de la patrie concrète, encore moins p
799 à peu près la même de nos jours dans les patries et les nations les plus diverses. D’autre part, l’État n’entretient avec
800 ient avec la nation que les rapports d’usurpation et de confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la Langue, elle ne
801 nt à la Langue, elle ne correspond historiquement et géographiquement ni à la Patrie, ni à la Nation, ni à l’État. Ces évi
802 eurs chapitres des traités de Versailles, Trianon et Saint-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle sert de prétexte au pr
803 réfuter cette confusion séculaire, la ridiculiser et l’extirper de l’enseignement, voilà qui me paraît l’une des toutes pr
804 ontières administratives, patries locales, nation et langue, il a voulu imposer ce carcan aux réalités économiques. C’est
805 ensée de la volonté d’isolement à la fois anxieux et agressif que représente l’État-nation. Nulle part, l’État ne trahit m
806 es hommes soit sacrifié à la puissance de l’État, et leurs libertés concrètes à sa liberté abstraite, qu’il nomme indépend
807 e nationalisme a réussi à faire croire aux masses et aux élites modernes que l’indépendance nationale est la suprême valeu
808 puisqu’en fait on lui sacrifie la santé d’un pays et son niveau de vie, la liberté économique et la justice elle-même. « B
809 pays et son niveau de vie, la liberté économique et la justice elle-même. « Buy british ! », « Achetez français ! ». Cela
810 chetez français ! ». Cela rend un son patriotique et vertueux (au sens jacobin). C’est pratiquement idiot, mais on ne s’en
811 arcie économique est irréalisable au xxe siècle, et n’existe pas, même en URSS. Tout comme la souveraineté absolue, elle
812 te à refuser toute mesure réaliste de coopération et à autoriser les tricheries les plus effrontées dans le domaine commer
813 es les plus effrontées dans le domaine commercial et financier : tarifs douaniers arbitraires, industries parasites protég
814 s protégées, cours forcés des devises, inflations et dévaluations, et autres formes légalisées mais non moins démoralisant
815 s forcés des devises, inflations et dévaluations, et autres formes légalisées mais non moins démoralisantes du vol à main
816 ères, mais l’instruction publique a changé cela. ( Et l’Université, en dépit de son nom, a pareillement abdiqué devant l’Ét
817 nsez allemand, ou même suisse). Les encyclopédies et les revues parlent couramment de « science française », de « science
818 on parlait également de mathématiques allemandes, et sous Staline, d’une biologie marxiste. Ces excès doivent nous rendre
819 les sciences aussi bien que les lettres, les arts et la philosophie, pourquoi n’y aurait-il pas une biologie soviétique et
820 ourquoi n’y aurait-il pas une biologie soviétique et une algèbre allemande ? Ce que l’on donne au nationalisme, chez nous,
821 e, à l’administration, à la langue, à l’économie, et à la culture, nous jette donc finalement en plein délire totalitaire,
822 itaire, seul achèvement possible du nationalisme. Et ceci nous permet, par contraste, de décrire l’attitude fédéraliste co
823 te comme un simple retour au respect des libertés et des réalités, comme une référence au bon sens. III. Deux modes de
824 notre Europe du xxe siècle, deux types d’esprit et de sensibilité politique : les nationalistes (dont les plus conséquen
825 ont les plus conséquents se nomment totalitaires) et les fédéralistes. Quelles ont été les manifestations que l’on peut ra
826 ique qui ait survécu au raz-de-marée rationaliste et jacobin ; et aussi l’agent principal de l’expansion européenne. Ce so
827 survécu au raz-de-marée rationaliste et jacobin ; et aussi l’agent principal de l’expansion européenne. Ce sont en effet l
828 n européenne. Ce sont en effet les États-nations, et non pas l’Europe comme telle, qui ont conquis des débouchés à nos pro
829 nt conquis des débouchés à nos produits matériels et culturels, en Asie et en Afrique, par le moyen du colonialisme. Mais
830 és à nos produits matériels et culturels, en Asie et en Afrique, par le moyen du colonialisme. Mais dans le même temps qu’
831 z les peuples lointains qu’il venait de coloniser et d’humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’« indépendance nat
832 et d’humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’« indépendance nationale » qui allait se dresser contre lui au nom
833 plus en plus totalitaire. Si l’Europe, entre 1914 et 1954, a connu la décadence rapide, la chute de potentiel, le recul mo
834 témoignages exemplaires de sa vitalité : les USA et la Suisse. Ces deux pays ont été à la fois les plus prospères et les
835 es deux pays ont été à la fois les plus prospères et les plus pacifiques de l’ère moderne : ils n’ont provoqué aucune guer
836 où régnait sans conteste la religion nationaliste et ses dogmes unitaires, absorbant et dénaturant le sentiment patriotiqu
837 n nationaliste et ses dogmes unitaires, absorbant et dénaturant le sentiment patriotique. Aux yeux de l’Histoire, la cause
838 iction avec l’évolution technique du xxe siècle, et avec les intérêts majeurs de l’Europe, tant spirituels que matériels.
839 plus inapte à soutenir la concurrence des voisins et des autres continents. Les conquêtes techniques du siècle, l’énergie
840 es, échappent à tous égards aux cadres nationaux, et cela par leur nature, ou par leur portée, ou par leur coût de product
841 résistance que le sentiment patriotique dénaturé et l’égoïsme politique mal compris opposent à l’union de l’Europe ; il e
842 ée réactionnaire, un système de références démodé et rétrograde, et cela un siècle et demi seulement après son apparition
843 e, un système de références démodé et rétrograde, et cela un siècle et demi seulement après son apparition révolutionnaire
844 éférences démodé et rétrograde, et cela un siècle et demi seulement après son apparition révolutionnaire dans notre Histoi
845 e en pleine consonance avec l’évolution technique et les nouvelles formes de la pensée scientifique. La pensée fédéraliste
846 eurs, non comme un puzzle formé de pièces rigides et définies d’abord par leur contour. Elle conçoit les rapports humains
847 r leur contour. Elle conçoit les rapports humains et politiques comme un complexe de tensions normales entre des pôles opp
848 que pour s’entrechoquer brutalement. Nos coutumes et nos styles contrastés, nos confessions rivales et nos systèmes philos
849 et nos styles contrastés, nos confessions rivales et nos systèmes philosophiques en perpétuelle polémique ne lui apparaiss
850 forces en interaction, non par entités statiques, et qu’elle a substitué au principe de non-contradiction qui bloquait le
851 des jeux appliquée par von Neumann à la politique et à l’économie, ou de l’organisation technique des entreprises, la scie
852 egardant de la sorte à la fois leur individualité et leur relation créatrice. Il serait bien utile de prolonger ce parallè
853 onger ce parallèle dans le domaine de la biologie et de la psychologie : je le suggère à des esprits plus compétents. J’en
854 écisément celle que la science moderne a conçue ; et il suppose un monde de relations libres et décentralisées qui est pré
855 nçue ; et il suppose un monde de relations libres et décentralisées qui est précisément celui que la technique moderne ren
856 plus fécondes de l’Occident. On sait que l’Orient et l’Occident s’opposent comme le monisme et le pluralisme. Le pluralism
857 ’Orient et l’Occident s’opposent comme le monisme et le pluralisme. Le pluralisme des allégeances politiques et spirituell
858 ralisme. Le pluralisme des allégeances politiques et spirituelles a toujours été la condition des libertés personnelles en
859 ntaine dans le temps ou l’espace, selon ses goûts et sa vocation, c’est pratiquer l’éthique et la liberté fédéralistes. Le
860 s goûts et sa vocation, c’est pratiquer l’éthique et la liberté fédéralistes. Le nationaliste n’y voit qu’une dispersion q
861 naliste n’y voit qu’une dispersion qui l’angoisse et où il craint de perdre son identité. Le fédéraliste au contraire y vo
862 totalitaire, est le secret des pouvoirs créateurs et de la santé mentale de l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédér
863 le nationalisme est foncièrement païen, idolâtre et antichrétien. L’idée même de nation est étrangère au dogme et à la fo
864 ien. L’idée même de nation est étrangère au dogme et à la foi chrétienne. Le Christ est mort pour le salut des hommes pers
865 s plus grands penseurs politiques du catholicisme et du calvinisme sont unanimes à condamner le nationalisme au nom de leu
866 s à condamner le nationalisme au nom de leur foi, et à préconiser en revanche une organisation personnaliste et fédéralist
867 oniser en revanche une organisation personnaliste et fédéraliste de la société et de la communauté des peuples. Là encore,
868 sation personnaliste et fédéraliste de la société et de la communauté des peuples. Là encore, la cause est jugée. L’Histoi
869 ncore, la cause est jugée. L’Histoire, la science et la théologie, le progrès et la tradition sont du côté de la pensée fé
870 ’Histoire, la science et la théologie, le progrès et la tradition sont du côté de la pensée fédéraliste, et condamnent san
871 tradition sont du côté de la pensée fédéraliste, et condamnent sans appel le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe
872 el le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe et de sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme Et cependa
873 cteur de l’Europe et de sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme Et cependant, il nous faut bien admettre q
874 x. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme Et cependant, il nous faut bien admettre que ces nationalistes condamnés
875 ttre que ces nationalistes condamnés en principe, et qui se trompent radicalement, sont encore là, sont même, en fait, plu
876 sme cocardier, encore si puissant sur les foules, et de l’appui d’intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous
877 union viennent de l’esprit nationaliste, jacobin et paratotalitaire. Mais il est clair aussi que les nationalistes n’osen
878 ommages que le nationalisme rend à l’Europe unie. Et M. Molotov lui-même propose un plan… Certes, on ne peut espérer faire
879 e du fait que nous ne sommes pas seuls en Europe, et que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt d’opposer leurs « sol
880 t sur les primaires de la presse, des parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque
881 ser le faux dilemme : souveraineté ou fédération. Et sur la base d’une expérience historique probante, je leur propose une
882 é n’est pas limitée par la constitution fédérale, et comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au
883 par l’article 3, leurs constitutions, la liberté et les droits du peuple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et d
884 euple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et des cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction gé
885 titution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres ! Souveraineté
886 e concret : elle a créé une souveraineté nouvelle et bien réelle au niveau de la fédération. Tout cela me paraît plein d’e
887 concentrer nos efforts sur la mise en discussion et sur la ratification d’une Constitution fédérale de l’Europe, afin que
888 battre pour des mots trompeurs. C’est le contenu et la visée fédéraliste du traité, non pas son étiquette, qui nous impor
889 ralisme n’est pas plus libéral que planificateur, et il doit refuser ce faux dilemme, pour la même raison qu’il refuse de
890 choisir entre les autonomies régionales absolues et l’unification forcée. Politiquement, le fédéralisme est une manière s
891 itiquement, le fédéralisme est une manière souple et sans cesse réajustée de distinguer entre ce qui doit être mis en comm
892 i doit être mis en commun pour mieux fonctionner, et ce qui doit rester autonome pour mieux vivre et créer. Économiquement
893 , et ce qui doit rester autonome pour mieux vivre et créer. Économiquement, cela se traduit par la dichotomie qu’ont préco
894 t par la dichotomie qu’ont préconisée Robert Aron et Arnaud Dandieu, méthode qui consiste à distinguer dans les activités
895 tés humaines la part des automatismes nécessaires et celle de l’invention libre, la part des fonctions étatiques collectiv
896 e, la part des fonctions étatiques collectivisées et celle des risques personnels. Les nationalistes, incapables de nier l
897 ages entre autarcies nationales un peu améliorées et assouplies. Nous demandons au contraire des services fédéraux organis
898 tes les activités de production, d’investissement et de transport qui, par nature, débordent la capacité d’un seul pays ;
899 ar nature, débordent la capacité d’un seul pays ; et nous demandons la libération correspondante ou complémentaire des ent
900 solide avec les nécessités du siècle d’une part, et avec nos conceptions fédéralistes et personnalistes d’autre part. 3°
901 d’une part, et avec nos conceptions fédéralistes et personnalistes d’autre part. 3° — Deux mots enfin sur le problème de
902 st une phrase que je retrouve dans tous les plans et projets « culturels » élaborés par les États, par l’Unesco, et même p
903 culturels » élaborés par les États, par l’Unesco, et même par Strasbourg : il s’agit, nous dit-on, « d’organiser des échan
904 mun en « cultures nationales », tentative barbare et d’ailleurs avortée, qui n’a guère qu’un siècle et demi d’âge en Franc
905 et d’ailleurs avortée, qui n’a guère qu’un siècle et demi d’âge en France, moins d’un demi-siècle en Norvège, quelques diz
906 en Norvège, quelques dizaines d’années en Turquie et en Irlande. Jamais la culture en Europe ne s’est développée par des é
907 pe ne s’est développée par des échanges contrôlés et officiels de nation à nation. Elle est née dans des foyers locaux qui
908 opagée librement de l’un à l’autre de ces foyers. Et grâce à cette interaction perpétuelle, toutes ses formes nous sont co
909 du vocabulaire ou des catégories philosophiques, et en général de toutes les théories et procédés scientifiques. À quoi s
910 losophiques, et en général de toutes les théories et procédés scientifiques. À quoi servirait, dès lors, de « multiplier l
911 échanges culturels » comme on dit, entre la Suède et l’Espagne, par exemple ? Faire connaître aux Espagnols des œuvres d’a
912 l m’intéresse, ni Shakespeare en tant qu’Anglais. Et je ne suis pas du tout sûr qu’il faille « apprendre à nos peuples à s
913 Ce n’est pas Mallarmé, ni Renoir, c’est Déroulède et Detaille qui représentent valablement la Troisième République comme t
914 valablement la Troisième République comme telle. Et les peuples ont bien moins besoin de se connaître personnellement que
915 iste, qui leur inculque dès l’enfance la méfiance et la haine de leurs voisins. Il résulte de ces brèves remarques que pré
916 obstacles arbitraires à la circulation des idées et des œuvres, c’est donc aller diamétralement à l’encontre du but allég
917 mée dans des cadres administratifs ou nationaux ; et ce n’est pas une libération surveillée des échanges de prison à priso
918 nous devons exiger mais l’élargissement immédiat et sans condition du prévenu — j’entends : la suppression totale des mes
919 n totale des mesures de discrimination nationales et des barrières douanières imposées à la vie culturelle de l’Europe et
920 uanières imposées à la vie culturelle de l’Europe et à ses produits. Les États — et demain le Pouvoir fédéral européen — n
921 urelle de l’Europe et à ses produits. Les États — et demain le Pouvoir fédéral européen — n’ont qu’un moyen d’aider la cul
922 la culture : c’est d’offrir à ceux qui la créent et la transmettent les moyens de vivre décemment. Et quant à ceux qui fe
923 et la transmettent les moyens de vivre décemment. Et quant à ceux qui feignent de redouter que la suppression des frontièr
924 elles » entraîne un affreux mélange de nos vertus et caractères nationaux, nous leur dirons : qu’est-ce que votre « génie
925 e de l’Europe, dégage les principes d’une méthode et les maximes d’une action seules susceptibles de conduire à une union
926 de l’Europe. La méthode proposée par les Anglais et baptisée « fonctionnelle » n’était pas incompatible en théorie avec u
927 p de marchandages entre les vraies forces d’union et les répugnances nationalistes, plus ou moins avouées comme telles. Fi
928 ’est pas plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que de la faire dans un seul élan. Tourner un à un les obst
929 cles multipliés par les sceptiques, les méfiants, et les saboteurs sournois, n’est pas plus facile que d’attaquer de front
930 aliste. aa. Rougemont Denis de, « Fédéralisme et nationalisme », Fédération, Paris, septembre–octobre 1954, p. 1-16.
20 1955, Articles divers (1951-1956). Une présence (1955)
931 es dictatures, nombre d’intellectuels occidentaux et asiatiques nous répètent qu’il est impossible de résister au fanatism
932 que est là, bien sûr, mais ce n’est qu’un risque. Et pourtant, à certains, il apparaît si grand que par crainte de le cour
933 rir ils choisissent de ne point résister du tout, et de s’inscrire par exemple aux « partisans de la paix », qui sont ceux
934 partisans de la paix », qui sont ceux d’une armée et de sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de la culture, d
935 ssibilité de lutter librement contre la tyrannie, et de surmonter le défaitisme anxieux d’une intelligentsia trop facileme
936 oraire » mais concret des libertés de la personne et des impératifs de la justice. Mais nous avons créé un point de rallie
937 ent pour des esprits venus d’horizons différents, et visant des buts très divers. Quoi de commun, pourrait-on demander, en
938 , entre nos présidents d’honneur ? Entre Maritain et Russell, entre Niebuhr et Madariaga, entre Jaspers et Croce ? Rien de
939 onneur ? Entre Maritain et Russell, entre Niebuhr et Madariaga, entre Jaspers et Croce ? Rien de facile à définir, sans do
940 ussell, entre Niebuhr et Madariaga, entre Jaspers et Croce ? Rien de facile à définir, sans doute. Pas un slogan. Mais ce
941 définir, sans doute. Pas un slogan. Mais ce fait et ce mode d’expérience — comme l’eût dit John Dewey, leur grand aîné —
942 Dewey, leur grand aîné — qu’est l’exercice vivant et militant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps.
943 savants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes et de philosophes, nos revues et publications, nos spectacles et nos déb
944 iens, d’économistes et de philosophes, nos revues et publications, nos spectacles et nos débats, et les grandes réunions d
945 ophes, nos revues et publications, nos spectacles et nos débats, et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bomba
946 es et publications, nos spectacles et nos débats, et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de
947 les, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon et de Milan. Je voudrais simplement mettre en relief un fait : celui de
948 de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est une volonté de justice qui se moque des opportunismes e
949 volonté de justice qui se moque des opportunismes et c’est une action permanente. Quelle que soit la valeur des sourires q
21 1955, Articles divers (1951-1956). Reynold et l’Europe (1955)
950 Reynold et l’Europe (1955)ac Il y a quinze ans j’osais louer Reynold de n’avo
951 d’abord croire. Ce fut là son mérite historique. Et si les faits lui ont donné tort, si notre Suisse prospère, modèle eur
952 la part de l’homme, parce que Reynold a eu raison et parce qu’il a su se faire entendre. Cités et pays suisses et Conscien
953 ison et parce qu’il a su se faire entendre. Cités et pays suisses et Conscience de la Suisse — l’avertissement venant aprè
954 ’il a su se faire entendre. Cités et pays suisses et Conscience de la Suisse — l’avertissement venant après l’illustration
955 près l’illustration —, ces deux livres ont porté, et je suis de ceux qui tiennent pour capital leur rôle dans la défense d
956 Mais nous sommes au-delà, devant d’autres périls. Et Reynold ne s’est pas arrêté à l’éloge des vertus qui tiennent un peup
957 deur de la Suisse, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’un grand œuvre consacré à la formation du plus vaste ense
958 lequel se situe la Suisse. Le sens de la grandeur et le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels
959 voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels, et de la Suisse « concrète » (comme on dit bien à tort), celle qui ne pr
960 ans ses vraies dimensions, à la fois spirituelles et historiques, qui sont celles de l’Europe entière ? Cités et pays suis
961 ques, qui sont celles de l’Europe entière ? Cités et pays suisses nous disait qui nous sommes, et Conscience de la Suisse,
962 ités et pays suisses nous disait qui nous sommes, et Conscience de la Suisse, où nous en sommes. Formation de l’Europe mon
963 sent un axe. Cet axe part de l’Europe des Romains et des Francs, traverse notre histoire et pointe vers un avenir qui ne p
964 es Romains et des Francs, traverse notre histoire et pointe vers un avenir qui ne peut être distinct de celui d’une Europe
965 l’avenir, à des entités spirituelles, historiques et géographiques qui nous dépassent très largement, mais sans lesquelles
966 mes éléments que la Suisse : à la fois catholique et protestante, latine et germanique, française et autrichienne, rhodani
967 sse : à la fois catholique et protestante, latine et germanique, française et autrichienne, rhodanienne et rhénane, comme
968 e et protestante, latine et germanique, française et autrichienne, rhodanienne et rhénane, comme se trouve être la seule S
969 ermanique, française et autrichienne, rhodanienne et rhénane, comme se trouve être la seule Suisse, et comme elle encore t
970 et rhénane, comme se trouve être la seule Suisse, et comme elle encore travaillée dans les profondeurs du passé, dans cet
971 par les deux utopies directrices du Saint-Empire et de l’esprit des communes. Toutefois ces éléments, séparés en Europe,
972 nent dans nos cantons, nos familles, nos esprits. Et leur conciliation vivante nous définit. Principe d’autorité, principe
973 ncontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’un et du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’une Eu
974 constater qu’elles résument l’expérience fédérale et fédéraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’
975 e la Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donnent sa vale
976 et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donnent sa valeur exemplaire : je n’en connais pas de plus « suis
977 de l’Europe. ac. Rougemont Denis de, « Reynold et l’Europe », Gonzague de Reynold et son œuvre, Fribourg, Éditions univ
978 de, « Reynold et l’Europe », Gonzague de Reynold et son œuvre, Fribourg, Éditions universitaires, 1955, p. 313-314.
22 1955, Articles divers (1951-1956). Rien n’est perdu, tout reste à faire (janvier 1955)
979 politiques ont absorbé l’attention des Européens et des militants de l’Europe unie depuis l’été dernier : l’abandon du pr
980 depuis l’été dernier : l’abandon du projet de CED et les accords de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce que la C
981 ar une maladie dont ils craignaient la contagion, et qu’ils nommaient réarmement allemand. On leur proposa un vaccin. Ayan
982 résumé : rien n’est perdu, mais rien n’est fait. Et tout ce qui vient de se passer prouve une fois de plus que l’éducatio
983 éducation européenne des peuples, de leurs cadres et de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Europe unie ont pé
984 l’Europe unie ont péché depuis quelques années — et non seulement dans l’affaire de la CED — par complaisance à une doubl
985 t par nature, représenterait une perte de temps ; et ils ont cru que la propagande pour l’idée européenne était faite. Exa
986 de qui évite d’agiter « inutilement » les esprits et les passions, et qui préfère l’action diplomatique ou les combinaison
987 iter « inutilement » les esprits et les passions, et qui préfère l’action diplomatique ou les combinaisons de coulisses pa
988 u’il est plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux que de la faire dans un seul élan fédérateur : qu’il est plu
989 ans les routines de l’esprit nationaliste, autant et plus que dans les intérêts particuliers. Or, cette attaque eût impliq
990 ne, des vrais buts du traité, du traité lui-même, et des conséquences de son rejet. Or, les militants européens croyaient
991 ns croyaient avoir expliqué tout cela à l’opinion et aux parlementaires. Illusion profonde, comme on va le voir, mais qui
992 nne publiés depuis 1947 dans les seize pays du CE et en Suisse, s’élève à quatre-cent-quatre-vingt-onze. Leur tirage total
993 norance presque totale où sont restés nos peuples et leurs élites, devant le problème européen ? Avant toute propagande ma
994 te préparation se trouve faite, depuis un siècle, et notamment par les manuels d’histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus
995 série d’actions d’abord morales, intellectuelles et spirituelles, puis économiques et sociales, qui par nature restent in
996 intellectuelles et spirituelles, puis économiques et sociales, qui par nature restent invisibles à l’œil des agences de pr
23 1956, Articles divers (1951-1956). Réponse à l’enquête « Pour une bibliothèque idéale » (1956)
997 e plan que nos œuvres critiques ou d’imagination. Et d’autre part, où tracer la limite entre le sacré et la culture ? Je n
998 d’autre part, où tracer la limite entre le sacré et la culture ? Je n’ai tenu compte d’écrits de ces trois ordres que dan
999 ajouter les traductions de la Bible en Angleterre et en Allemagne.) Pour les autres, je propose les distinctions suivantes
1000 une croix : I. — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience collective. II. — Livres ayant contribué à notre édu
1001 ma pensée. l. — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience collective 1. Homère : L’Odyssée. 2. Eschyle : Th
1002 4. Plotin : Ennéades. 5. Cicéron : Traités moraux et philosophiques (hélas !). 6. Saint Augustin : Les Confessions. 7. Sai
1003 rum. 63. — Prognostication. 64. Novalis : Poésies et fragments philosophiques. 65. Hölderlin : Poèmes. 66. Chamisso : L’Hi
1004 entiment tragique de la vie. 72. Silone : Le Pain et le vin. 73. Dostoïevski : L’Idiot. 74. — Les Frères Karamazov. 75. Ki
1005 arbaud : Amants, heureux Amants. 79. Ramuz : Adam et Ève (ou Derborence). 80. Saint-John Perse : Anabase. 81. D. de Rougem
1006 n Perse : Anabase. 81. D. de Rougemont : L’Amour et l’Occident . 82. Paul Valéry : Variété. 83. Gide : Journal. 84. Burck
1007 leurs de Tarbes. 99. Graham Greene : La Puissance et la gloire. Déjà cités (I et II) Cardinal de Retz : Mémoires. P
1008 eene : La Puissance et la gloire. Déjà cités (I et II) Cardinal de Retz : Mémoires. Pascal : Pensées. Swift : Les
1009 al d’un intellectuel en chômage (1937), L’Amour et l’Occident (1939), etc. »
24 1956, Articles divers (1951-1956). L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)
1010 mune. Un secrétariat fut établi à Genève, au CEC, et quelques mois plus tard paraissait une brochure contenant les program
1011 laboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’une vision européenne dépassant les intérêts locaux tout en les ser
1012 apide des festivals de musique dans tous nos pays et presque dans toutes nos villes, posait des problèmes tout nouveaux. P
1013 problèmes tout nouveaux. Plus on joue de musique, et mieux cela vaut, dira-t-on. Oui, mais cela peut aussi créer certains
1014 cela peut aussi créer certains dangers pratiques et certaines confusions des valeurs. Le public, sollicité de tous côtés,
1015 c, sollicité de tous côtés, ne sait plus où aller et voudrait qu’on l’oriente. Les artistes, orchestres et les chefs de qu
1016 oudrait qu’on l’oriente. Les artistes, orchestres et les chefs de qualité ne suffisent plus à la demande. Les programmes t
1017 rammes tendent à devenir uniformes ou routiniers, et à répondre à des exigences plus commerciales qu’artistiques. Certes,
1018 . Mais il faut sauvegarder à tout prix la qualité et le prestige des meilleurs. ⁂ Qu’est-ce qu’un bon festival de musique
1019 qui sort de la routine des programmes de l’hiver et qui doit créer une atmosphère spéciale, à laquelle contribuent non se
1020 e contribuent non seulement la qualité des œuvres et de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’une cité, et la trad
1021 xécution, mais le paysage, l’ambiance d’une cité, et la tradition musicale d’une région. Voilà pourquoi l’association n’a
1022 bien définie, des racines locales ou régionales, et un prestige international bien établi. Pour un festival européen, fai
1023 association devient ainsi une garantie de qualité et d’authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation de notre a
1024 ’ensemble des meilleurs festivals comme une seule et grandiose manifestation de la musique européenne, dans son unité fond
1025 a musique européenne, dans son unité fondamentale et dans la richesse de ses diversités nationales et régionales. Notre bu
1026 et dans la richesse de ses diversités nationales et régionales. Notre but est donc à la fois d’harmoniser les efforts dan
1027 néraire des hauts lieux de la musique européenne, et d’être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’une fêt
1028 opéenne, et d’être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’une fête à l’autre. L’échange de « créations »,
1029 ectacles nouveaux montés par tel ou tel festival, et dont d’autres pourront ainsi bénéficier, diminue les risques matériel
1030 éation, favorise le renouvellement des programmes et doit stimuler l’esprit créateur des artistes contemporains. La créati
1031 membres de savoir ce qui a été fait par d’autres et dans quelles conditions, quelles sont les œuvres nouvelles à créer, à
1032 issent déjà ses membres par-dessus les frontières et les rivalités nationales. En cinq ans, l’association a fait ses preuv
1033 on, tirée en trois langues à 160 000 exemplaires, et distribuée dans toute l’Europe et en Amérique, donne la preuve d’une
1034 00 exemplaires, et distribuée dans toute l’Europe et en Amérique, donne la preuve d’une coopération étroite entre dix-sept
1035 s’établir dans les faits, pour notre salut commun et pour la paix. La musique, création la plus typique de l’Europe, n’éta
1036 mmunauté profonde des réactions de la sensibilité et de l’esprit qui définit une civilisation ? ap. Rougemont Denis de,
25 1956, Articles divers (1951-1956). « Je vivais en ce temps-là… » (janvier 1956)
1037 nt mes études, dans la petite ville de Neuchâtel, et nous étions passionnément surréalistes, comme nos aînés avaient été d
1038 nsant au fond tout autre chose que ceux de Paris, et nous donnant le ridicule de vouloir vivre ces doctrines. Inquiétude e
1039 dicule de vouloir vivre ces doctrines. Inquiétude et ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’or de la Littérature, qui
1040 iscouru là, devant le jeune André Breton immobile et muet d’admiration, comme transfixé. Valéry venait y bavarder avec Far
1041 e transfixé. Valéry venait y bavarder avec Fargue et Larbaud, peut-être même parfois avec l’homme du mystère dont l’improb
1042 hez Adrienne Monnier était à la fois plus sérieux et plus aimable que tout cela, et ne se plaçait à vrai dire que sous la
1043 fois plus sérieux et plus aimable que tout cela, et ne se plaçait à vrai dire que sous la seule invocation « du grand sai
1044 je voulais tout savoir sur nos amis, leurs œuvres et leurs vies : j’avais couru tout droit rue de l’Odéon, comme à la sour
1045 rue de l’Odéon, comme à la source la plus fraîche et la plus sûre… Qu’est devenue la série de photos en couleur qui furent
1046 ait y ajouter les descriptions vivaces, incisives et toujours amicales qu’elle donna de plusieurs des modèles dans son Nav
1047 de plusieurs des modèles dans son Navire d’argent et sa Gazette des amis des livres : autant de petits chefs-d’œuvre d’int
1048 fs-d’œuvre d’intelligence du cœur. Quel art ferme et subtil, quel familier respect du langage et de ses artisans, et quel
1049 ferme et subtil, quel familier respect du langage et de ses artisans, et quel savoureux naturel ! Aurions-nous perdu avec
1050 l familier respect du langage et de ses artisans, et quel savoureux naturel ! Aurions-nous perdu avec elle ce qu’elle a se
1051 avec elle ce qu’elle a servi mieux qu’elle-même, et plus gracieusement que personne ? ag. Rougemont Denis de, « ‟Je vi
26 1956, Articles divers (1951-1956). Tableau du phénomène courtois (janvier 1956)
1052 es années sur les problèmes soulevés par L’Amour et l’Occident 11, j’éprouve le besoin de rassembler ici tout un faiscea
1053 éitère, sur la liaison profonde entre la cortezia et l’atmosphère religieuse du catharisme. Je n’indiquais que par analogi
1054 eligieuse, ou simplement une théorie de l’homme — et une forme lyrique déterminée. (Rapports entre le soufisme et la poési
1055 e lyrique déterminée. (Rapports entre le soufisme et la poésie courtoise des Arabes ; influence de Freud sur l’école surré
1056 spécialistes, de l’amour courtois, du catharisme et du manichéisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvell
1057 ’amour courtois, du catharisme et du manichéisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches perso
1058 ologique. Je rappelais la relation de fait (lieux et dates remarquablement identiques) entre cathares et troubadours. Je m
1059 dates remarquablement identiques) entre cathares et troubadours. Je me risquais à dire : il y a là quelque chose, et l’ab
1060 Je me risquais à dire : il y a là quelque chose, et l’absence de rapports entre ces gens me paraîtrait plus étonnante enc
1061 fonder sur pièces une de ces solutions textuelles et « scientifiques » après quoi, comme le dit Jaspers, « la question ne
1062 « la question ne s’arrête plus devant le mystère et perd stupidement son existence dans la réponse ». Je voudrais au cont
1063 e que je la crois vitale pour l’Occident moderne, et pour notre conduite morale et religieuse. Je vais donc poser quelques
1064 l’Occident moderne, et pour notre conduite morale et religieuse. Je vais donc poser quelques faits, comme un piège. J’évit
1065 a fois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on pourrait citer hors
1066 rrait citer hors du contexte — accords sans clé — et sur lesquelles critiques et lecteurs trop pressés se jetteraient en c
1067 — accords sans clé — et sur lesquelles critiques et lecteurs trop pressés se jetteraient en criant : « Des preuves ! » ou
1068 manichéenne, venue du Proche-Orient par l’Arménie et la Bulgarie bogomile, celle des « bonshommes » ou cathares, ascètes c
1069 envahit rapidement la France, de Reims à Toulouse et de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe
1070 d’autres mouvements hétérodoxes agitent le peuple et le clergé. Opposant aux prélats ambitieux et aux pompes sacrales de l
1071 uple et le clergé. Opposant aux prélats ambitieux et aux pompes sacrales de l’Église un spiritualisme épuré, ils aboutisse
1072 moins consciemment, à des doctrines naturalistes et même matérialistes avant la lettre. Le « qui veut faire l’ange fait l
1073 o profonde du siècle, dont les plus grands saints et les plus grands docteurs subissent et souffrent la passion au moins a
1074 ands saints et les plus grands docteurs subissent et souffrent la passion au moins autant qu’ils ne parviennent à la trans
1075 nt qu’ils ne parviennent à la transmuer en vertus et en vérités théologiques. Saint Bernard de Clairvaux et Abélard sont l
1076 vérités théologiques. Saint Bernard de Clairvaux et Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la
1077 Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la spéculation. Mais hors de l’Église, dans ses marges,
1078 es oscillations s’amplifient. D’Henri de Lausanne et Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène et aux frères ortliebiens d
1079 anne et Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène et aux frères ortliebiens de Strasbourg, tous condamnent le mariage, — q
1080 chez Bernard de Clairvaux, Hughes de Saint-Victor et Abélard lui-même. Héloïse et Abélard vivent d’abord, puis publient la
1081 ghes de Saint-Victor et Abélard lui-même. Héloïse et Abélard vivent d’abord, puis publient largement en poèmes courtois et
1082 abord, puis publient largement en poèmes courtois et en lettres, le premier grand roman d’amour-passion de notre histoire.
1083 e lointaine » qu’il aime sans l’avoir jamais vue. Et Joachim de Flore annonce que l’Esprit saint, dont l’ère est imminente
1084 ans les imaginations qui la conforment, aux lieux et au temps où se nouent la légende et le mythe de la passion mortelle :
1085 nt, aux lieux et au temps où se nouent la légende et le mythe de la passion mortelle : Tristan. À cette montée puissante
1086 ion mortelle : Tristan. À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Égl
1087 montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient ma
1088 Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’opposer une croyance et un culte qui
1089 lergé ne pouvaient manquer d’opposer une croyance et un culte qui répondissent au même désir profond, surgi de l’âme colle
1090 ment, dès cette époque, le titre de regina coeli, et c’est en Reine désormais que l’art va la représenter. À la « Dame des
1091  » de la cortezia, on substituera « Notre Dame ». Et les ordres monastiques qui apparaissent alors sont des répliques aux
1092 ’approuve pas, que la tradition n’autorise point… et qui introduit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’incon
1093 œur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire de la manière la plu
1094 une nécessité d’ordre vital pour l’Église menacée et entraînée… La papauté, plusieurs siècles plus tard, ne put que sancti
1095 d’action réelle, tout en demeurant l’enjeu final et le personnage sacré. 2. Œdipe et les dieux Freud désigne du nom
1096 l’enjeu final et le personnage sacré. 2. Œdipe et les dieux Freud désigne du nom d’Œdipe le complexe composé dans l’
1097 contre le père (obstacle à l’amour pour la mère) et par le sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorit
1098 patriarcale réduit le fils au conformisme social et moral ; le poids de l’interdit lié à la mère (donc au principe fémini
1099 t plus solide, la puissance du père plus assurée, et le dieu dont le père tient ses pouvoirs plus révéré. Imaginons mainte
1100 le manichéisme, en un Dieu bon qui est pur esprit et un démiurge qui domine la matière et la chair. La compulsion qui créa
1101 t pur esprit et un démiurge qui domine la matière et la chair. La compulsion qui créait le complexe œdipien faiblit d’auta
1102 a haine pour le père se concentre sur le démiurge et sur son œuvre : matière, chair, sexualité procréatrice, — tandis qu’u
1103 la France à un relâchement notable du lien féodal et patriarcal (partage égal des domaines entre tous les fils, ou « paria
1104 erchons à nous représenter la situation psychique et éthique de l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’il se t
1105 fondément la société, les pouvoirs, les familles, et les individus eux-mêmes : celle qui oppose l’hérésie partout présente
1106 mes : celle qui oppose l’hérésie partout présente et l’orthodoxie romaine battue en brèche. Du côté cathare, le mariage et
1107 ine battue en brèche. Du côté cathare, le mariage et la sexualité sont condamnés sans rémission par les Parfaits ou « cons
1108 l repose en fait sur des bases d’intérêt matériel et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de le
1109 fait sur des bases d’intérêt matériel et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de leurs sentime
1110 ents. En même temps, le relâchement de l’autorité et des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle
1111 diction entre les idéaux (eux-mêmes en conflit !) et la réalité vécue. La psyché et la sensualité naturelles se débattent
1112 êmes en conflit !) et la réalité vécue. La psyché et la sensualité naturelles se débattent entre ces attaques convergentes
1113 nations antithétiques, ces contraintes théoriques et pratiques, ces libertés très obscurément pressenties dans leur fascin
1114 hétorique des troubadours, sa morale de l’hommage et du service, sa « théologie » et ses disputes théologiques, ses « init
1115 rale de l’hommage et du service, sa « théologie » et ses disputes théologiques, ses « initiés », les troubadours, et ses «
1116 s théologiques, ses « initiés », les troubadours, et ses « croyants », le grand public cultivé ou non, qui écoute les trou
1117 public cultivé ou non, qui écoute les troubadours et fait leur gloire mondaine dans toute l’Europe. Or nous voyons cette r
1118 ersistent à tenir la sexualité pour « vilaine » ; et nous voyons souvent dans le même poète un adorateur enthousiaste de l
1119 adorateur enthousiaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’on se rappelle seulem
1120 une société partagée non seulement entre la chair et l’esprit, mais encore entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein mêm
1121 la chair et l’esprit, mais encore entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein même de l’hérésie, entre l’exigence des Parf
1122 rit, mais encore entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein même de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie ré
1123 même de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie réelle des Croyants… Citons-là-dessus l’un des plus sensibles
1124 in, du Foix, de l’Albigeois étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent mariées — que le mariage était conda
1125 apaiser par des chansons la mauvaise conscience, et qui leur demandaient non pas tant une illusion d’amour sincère qu’un
1126 mœurs », mais seulement « un hommage ‟religieux” ( et formaliste) rendu par l’imperfection à la perfection », c’est-à-dire
1127 la perfection », c’est-à-dire par les troubadours et par les croyants inquiets à la morale des Parfaits. Mais enfin, dit l
1128 ret cette « chasteté » prônée par des jongleurs ? Et comment expliquer le succès si rapide d’une prétendue morale à ce poi
1129 ut entière enfin, où les passions « religieuses »  et la théologie n’occupaient tout de même pas le plus clair de la vie, e
1130 upaient tout de même pas le plus clair de la vie, et n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsions naturel
1131 ne sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues surajouter leurs faux problèmes… Cette il
1132 insensée de religions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclu
1133 à fait mortes, et rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclusives, mais qui se superposent ou
1134 de complexes ignorés, mais d’autant plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutu
1135 traces ou cicatrices mentales tout inconscientes et , de ce fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt
1136 des mystiques lointaines à la fois dans le temps et dans l’espace. 4. Une technique de la « chasteté » À partir du
1137 sme. La force secrète (çatki) qui anime le cosmos et soutient les dieux (en premier lieu Shiva et Bouddha)… est fortement
1138 smos et soutient les dieux (en premier lieu Shiva et Bouddha)… est fortement personnifiée : c’est la Déesse, Épouse et Mèr
1139 fortement personnifiée : c’est la Déesse, Épouse et Mère… Le dynamisme créateur revient à la Déesse… Le culte se concentr
1140 ien que fondamentalement il soit une métaphysique et une mystique… La méditation éveille certaines forces occultes qui dor
1141 aines forces occultes qui dorment en chaque homme et qui, une fois éveillées, transforment le corps humain en un corps mys
1142 hatha yoga hindou, technique du contrôle du corps et de l’énergie vitale. C’est ainsi que certaines postures (mudras) décr
1143 pour but « d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unification finale, la fonction par excellen
1144 e qui détermine le cycle incessant des naissances et des morts, la fonction sexuelle »17. Ainsi parle Shiva18 : « Pour mes
1145 r (vajroli mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être tenu pour le secret des secrets. » Les précisions données p
1146 nd bonheur… la joie de l’anéantissement du moi ». Et cette « béatitude érotique », obtenue par l’arrêt, non du plaisir, ma
1147 n culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle est mère
1148 cétisme, symbolise l’état par excellence du péché et de la mort : l’acte sexuel »21. Mais l’acte est toujours décrit comme
1149 passive, impersonnelle, pur principe, sans visage et sans nom. Une école mystique du tantrisme tardif, le Sahajiyâ, ampli
1150 e une grande importance à toute sorte d’« amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent et dif
1151 maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent et difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir la « femme
1152 uis à ses pieds. Pendant les quatre mois suivants et tout en continuant à la servir comme avant, il dort dans le même lit,
1153 humaine qui peut réaliser la béatitude nirvanique et la maîtrise des sens, i. e. l’arrêt séminal.22 Des pratiques simila
1154 le taoïsme, mais en vue de prolonger la jeunesse et la vie en économisant le principe vital, plutôt que de conquérir la l
1155 sans le faire, à rechercher l’exaltation mystique et la béatitude à travers une Elle qu’il s’agit de « servir » en posture
1156 En contraste indéniable avec ces textes mystiques et cette abstruse technique psychophysiologique, citons maintenant quelq
1157 ours connus, Guillaume, sixième comte de Poitiers et neuvième duc d’Aquitaine, qui mourut en 1127. Dès le début du xiie s
1158 rvice, Prouesse, Longue Attente, Chasteté, Secret et Merci, et, ces vertus conduisent à la Joie, qui est signe et garantie
1159 uesse, Longue Attente, Chasteté, Secret et Merci, et , ces vertus conduisent à la Joie, qui est signe et garantie de Vray A
1160 t, ces vertus conduisent à la Joie, qui est signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut
1161 est signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter celui qui sait garder Mesure
1162 bien-être des amoureux consiste en Joie, Patience et Mesure… J’approuve que ma dame me fasse longtemps attendre et que je
1163 ’approuve que ma dame me fasse longtemps attendre et que je n’aie point d’elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici l
1164  ! (Uc de Saint-Circ.) Chaque jour je m’améliore et me purifie, car je sers et révère la plus gente dame du monde. (Arnau
1165 que jour je m’améliore et me purifie, car je sers et révère la plus gente dame du monde. (Arnaut Daniel.) (De même, le tr
1166 er le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour co
1167 Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libération : la présence
1168 elle est, car jamais de par ma foi je ne la vis… et je l’aime fort… Nulle joie ne me plaît autant que la possession de ce
1169 seulement libératrice du désir dominé par Mesure et Prouesse, elle est aussi fontaine de Jouvence : Je veux garder (ma d
1170 veux garder (ma dame) pour me rafraîchir le cœur et renouveler mon corps, si bien que je ne puisse vieillir… Celui-là viv
1171 ers.) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180 environ). Au xi
1172 iques que l’on peut se permettre avec cette Dame. Et Guiraut de Calenson : Dans le palais où elle siège (la Dame) sont ci
1173 s cinq portes sont Désir, Prière, Servir, Baiser, et Faire, par où Amour périt. » Les quatre degrés sont « honorer, dissim
1174 Amour, il se voit vertement dénoncé par Marcabru et ses successeurs, en des termes qui peuvent éclairer indirectement sur
1175 our vrai ou du moins sur certains de ses aspects. Et tout d’abord, dit Marcabru, « Il lie partie avec le diable, celui qui
1176 ie avec le diable, celui qui couve Faux Amour ». ( Et en effet, le diable n’est-il pas le père de la création matérielle… e
1177 e n’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amo
1178 ux, usuriers… les maris trompeurs, les faux juges et les faux témoins, les faux prêtres, faux abbés, fausses recluses et f
1179 s, les faux prêtres, faux abbés, fausses recluses et faux reclus »26. Ils seront détruits « soumis à toute ruine », et tou
1180 26. Ils seront détruits « soumis à toute ruine », et tourmentés en enfer. Noble Amour a promis qu’il en serait ainsi, là
1181 ) ; en tous lieux je me tiens pour ton prisonnier et , réconforté par toi sur toutes choses, j’espère que tu seras mon guid
1182 té au mensonge, corrompent les amants, les femmes et les époux. Ils vous disent qu’Amour va de travers, et c’est pourquoi
1183 es époux. Ils vous disent qu’Amour va de travers, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames sont dans l’a
1184 rs, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames sont dans l’angoisse… Ces faux servants font qu’un grand no
1185 rvants font qu’un grand nombre abandonnent Mérite et éloignent d’eux Jeunesse. Quelles que soient les réalités ou l’absen
1186 es précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure
1187 et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va serv
1188 nciers du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seule
1189 du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulement pour chanter ce que l’on pourrait e
1190 Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulement pour chanter ce que l’on pourrait encore tenir, ch
1191 cherche un sens, donc des analogies illustratives et illuminatives. Et je ne prétends aucunement confirmer une thèse quelc
1192 onc des analogies illustratives et illuminatives. Et je ne prétends aucunement confirmer une thèse quelconque en appelant
1193 nne version arabe. Le périple du Roman de Barlaam et Josaphat est encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jour
1194 qui conduit Josaphat, prince indien, à découvrir et adopter le christianisme, dont les mystères lui sont communiqués par
1195 onnu une version non amendée par les catholiques, et plus proche de l’original. Que cette hypothèse soit un jour vérifiée
1196 ie siècle) retrouvés dans le Turkestan oriental. Et l’on peut suivre la transformation des noms hindous « Baghavan » et «
1197 e la transformation des noms hindous « Baghavan » et « Boddisattva » (le Bouddha) en « Barlaam » et « Josaphat », en passa
1198  » et « Boddisattva » (le Bouddha) en « Barlaam » et « Josaphat », en passant par les formes arabes « Balawhar va Budhâsaf
1199 les sont les exemples de relations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai choisi ces deux cas, solidement attestés, p
1200 on entre le tantrisme, le manichéisme bouddhiste, et les hérésies du Midi doit apparaître « hautement fantaisiste et impro
1201 s du Midi doit apparaître « hautement fantaisiste et improbable ». 7. En lieu et place de conclusions définitives L’
1202 mour courtois ressemble à l’amour encore chaste — et d’autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble auss
1203 s cours du Moyen Âge. Il peut être purement rêvé, et beaucoup se refusent à y voir autre chose qu’un tournoi verbal. Il pe
1204 discipline érotico-mystique dont l’Inde, la Chine et le Proche-Orient surent les recettes. Tout cela me paraît vraisemblab
1205 t cela peut être « vrai » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux
1206  vrai » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux comprendre — si ri
1207 contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compte tenu des objections les plus sensées que firent à ma thèse min
1208 nt qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le
1209 ralement congénitale avec l’hérésie des cathares, et son opposition sournoise ou déclarée au concept chrétien du mariage.
1210 e X du Livre II de la version remaniée de L’Amour et l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 1956). 12. Il faut avouer que les ré
1211 es troubadours pouvaient être — selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte de langage secret du catharisme — une relecture d
1212 du catharisme — une relecture des chapitres VIII et IX suffit à « réduire » à son tour cette simplification tout à fait a
1213 Innocent III qui rêvait de « l’empire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc,
1214 pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade contre les cathares :
1215 15. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifie donc
1216 u, Yoga, the Method of Reintegration, 1949, p. 45 et suiv. 19. Mircea Eliade, op. cit., p.  205 et suiv. On trouve parfoi
1217 45 et suiv. 19. Mircea Eliade, op. cit., p.  205 et suiv. On trouve parfois « jusqu’à cinq sens équivalents pour un seul
1218 20. L. De La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 21. Eliade, op. cit., p. 210 et 212. 22. Id., ib
1219 t matériaux, 1898. 21. Eliade, op. cit., p. 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que d
1220 e chansons ! — souvent très pauvrement traduites, et privés de toute beauté proprement poétique et rythmique par cette dou
1221 es, et privés de toute beauté proprement poétique et rythmique par cette double trahison. Qu’il soit bien entendu que je n
1222 à visus — le fameux premier regard qui enflamme – et servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’amour peut être suivi à
1223 qu’à la Renaissance, où on le retrouve chez Marot et Ronsard. Les variations sont très légères. Mais en 1510, Jean Lemaire
1224 le regard, le parler, l’attouchement, le baiser, et le dernier qui est plus désiré, et auquel tous les autres tendent pou
1225 nt, le baiser, et le dernier qui est plus désiré, et auquel tous les autres tendent pour leur finale résolution, c’est cel
1226 . » Le contraste avec l’amour courtois est clair. Et non moins le sens donné à mercy, que plusieurs auteurs assimilent pou
1227 badours… 26. Les cathares condamnaient la guerre et toute forme d’homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux
1228 a guerre et toute forme d’homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompe
1229 n place de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’eussent pas
1230 nqué de lire simplement : juges, prêtres, reclus, et maris ! ah. Rougemont Denis de, « Tableau du phénomène courtois »,
27 1956, Articles divers (1951-1956). Denis de Rougemont et l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)
1231 Denis de Rougemont et l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)ai aj Pourqu
1232 me mis à rechercher l’origine de l’amour-passion et je m’aperçus qu’il apparaissait pour la première fois clairement dans
1233 le xiie siècle. Mais Ovide, Properce, Tibulle ? Et la passion que Catulle portait à la Lesbie ? Faites attention aux tex
1234 tude de le considérer ou de l’éprouver. En Orient et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain est très généra
1235 nçu comme un plaisir, la simple volupté physique. Et la passion — au sens tragique et douloureux — non seulement y est rar
1236 olupté physique. Et la passion — au sens tragique et douloureux — non seulement y est rare, mais encore et surtout, y est
1237 ouloureux — non seulement y est rare, mais encore et surtout, y est méprisée par la morale courante comme une maladie frén
1238 r, où elle exerce ses ravages aux dépens du monde et de soi. Pourquoi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’
1239 oi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’amour de la mort sont-ils apparus à ce moment-là ? Il faut relier l
1240 a thèse a été souvent attaquée par les historiens et les maîtres de Sorbonne. Certains spécialistes n’ont pas aimé que j’é
1241 ablisse des connexions entre les sombres cathares et les joyeux troubadours. Et pourtant les chansons courtoises chantent
1242 e les sombres cathares et les joyeux troubadours. Et pourtant les chansons courtoises chantent l’amour hors du mariage ; o
1243 vraiment ! J’aimerais que l’amour fût moins fatal et qu’on choisît davantage les gens qu’on aime : par volonté. Il faut un
1244 gens qu’on aime : par volonté. Il faut unir Éros et Agapè. Et plus prosaïquement, rendre le mariage plus difficile. Le te
1245 n aime : par volonté. Il faut unir Éros et Agapè. Et plus prosaïquement, rendre le mariage plus difficile. Le temps, la ré
1246 istorique », L’Information financière, économique et politique, Paris, 4 février 1956, p. 6. aj. Propos recueillis par Gu
1247 956, p. 6. aj. Propos recueillis par Guy Bechtel et introduits par la note suivante : «  L’Amour et l’Occident , dans une
1248 l et introduits par la note suivante : «  L’Amour et l’Occident , dans une édition remaniée et augmentée, aggravée dit M.
1249 L’Amour et l’Occident , dans une édition remaniée et augmentée, aggravée dit M. de Rougemont qui a de l’esprit, vient de p
1250 retentissement, il s’est maintenant fixé à Genève et s’occupe essentiellement d’économie politique. La semaine dernière, i
1251 er quelques minutes entre deux émissions de radio et l’interroger pour les lecteurs de L’Information. »
28 1956, Articles divers (1951-1956). Petits trajets sur les axes du monde (août 1956)
1252 56)ak al Cette beauté bien drue d’énergie pure et neuve, aux matins luisants de rosée, quand le pays entier émerge de l
1253 nt panorama. Les maisons sages, un peu scolaires, et les gens en gris vert défilent, des visages s’immobilisent et plus ri
1254 en gris vert défilent, des visages s’immobilisent et plus rien n’est étrange ni beau, tout rejoint l’habituel indifférent,
1255 out rejoint l’habituel indifférent, le rôle utile et le compartiment. Compartiments, c’est le mot-clé de la Suisse. Douze
1256 uisse. Douze paysages ou décors types juxtaposés, et l’on va de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes
1257 il se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénans — collines où montent les sapins en bataillons noirs et pensi
1258 ollines où montent les sapins en bataillons noirs et pensifs, s’arrêtant au sommet tous ensemble — et s’ouvre à l’autre bo
1259 et pensifs, s’arrêtant au sommet tous ensemble — et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’un ciel méridional que do
1260 ulle frontière visible, deux confessions majeures et trente-six sectes qui se côtoient partout mais qui s’ignorent, je ne
1261 ignorent, je ne sais combien de races, de classes et de dialectes jalousement préservés, séparés, sans mélange. Si bien qu
1262 nquent. Paracelse était suisse, comme C. G. Jung, et Rousseau comme Jacob Burckhart, et Madame de Staël comme personne. « 
1263 me C. G. Jung, et Rousseau comme Jacob Burckhart, et Madame de Staël comme personne. « Pays de gens moyens, oui, disait Lu
1264 ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pensée… »am Compartiments, esprit de grou
1265 t la pensée… »am Compartiments, esprit de groupe et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop,
1266 s groupes de gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but est restreint. D’où l’extrême importance
1267 horlogerie est une science des petits mouvements. Et découvrons la Suisse réelle dans l’usage de ses trains locaux. Les t
1268 its déplacements, qui sont des voyages concentrés et plus émouvants que les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée n
1269 émouvants que les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée ne s’établit jamais cette monotonie des heures de plaine et
1270 ablit jamais cette monotonie des heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suis
1271 es, pour ne garder que le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la découverte, l’évasion qui se mue
1272 r, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la découverte, l’évasion qui se mue en invasion, ce début qui clôt un
1273 ndent les extrêmes les plus touchants du souvenir et de l’espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouv
1274 rtes du cœur, un instant, sont à la fois ouvertes et fermées. Ainsi la Suisse est la patrie des romantiques contraints par
1275 le, celui qui exprime le tout en disant le moins, et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’un raccourci métaphoriq
1276 en troisième, les gens chics parfois en seconde, et je ne savais rien des premières sinon qu’un morceau de dentelle ornai
1277 ngues nationales. À mi-chemin entre l’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’un sévère uniforme au col bordé de
1278 re bien rasée entrait, claquait la porte étroite, et annonçait avec une emphatique autorité des noms de villages que tout
1279 après la longue absence de mes années américaines et plus que jamais frappé par ce trait national — le seul sans doute, ch
1280 l’adjectif — je me disais : « C’est notre force, et ce sera peut-être un jour, au dernier jour — car les plus belles hist
1281 État : cette habitude de nous sentir “en règle”, et donc de nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines,
1282 nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines, comme si le monde où nous vivons était fait à notre mesure,
1283 nous faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le mo
1284 décence et la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’humanité d
1285 male désordonnée, lubrique, rapace, irresponsable et affamée ; et notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ont d
1286 née, lubrique, rapace, irresponsable et affamée ; et notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ont dit Freud, Sha
1287 es potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespeare et les Pères de l’Église… Dix années ont passé, et plus que jamais, s’il
1288 e et les Pères de l’Église… Dix années ont passé, et plus que jamais, s’il faut que j’en croie mes yeux, la confiance règn
1289 mener la vie normale du genre humain, l’anarchie et la guerre étant des exceptions. Ainsi pensent les Français du climat
1290 tandis que les déserts, les volcans, les ouragans et les températures extravagantes menacent quotidiennement, depuis des m
1291 st exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils paraissent, phénomènes
1292 probables, très rarement observés sur la planète, et que la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les
1293 surprend à chacun de mes retours. Comment décrire et comment justifier l’espèce particulière d’irritation que provoquent c
1294 s apparemment timides, mais directs, trop sérieux et choqués par on ne sait quoi… ? Vous les soutenez d’abord avec curiosi
1295 ore un temps infini, en vertu de quelque inertie, et finalement ne se détournent qu’avec cet air exaspérant de celui qui r
1296 comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir et pour réagir comme je le dis. Dès que je m’éloigne un peu, l’indulgenc
1297 montrer trop vigilant, je veux dire trop méfiant et même intolérant. Qu’ils aient seulement l’air étonnés suppose déjà be
1298 . Dans les secondes règne la gravité du commerce et de l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieu
1299 tude. On dirait qu’il s’installe dans son bureau, et sa pensée ne vagabonde pas, reste enfermée dans sa serviette de cuir.
1300 e plus en plus enclin à respecter le velours gris et dru des secondes : il a tort, c’est la classe vulgaire. Des jeunes fe
1301 . Mais il faut traverser un couloir de premières. Et je m’arrête, fasciné. Un vieux monsieur en noir, au col rond, dur et
1302 ciné. Un vieux monsieur en noir, au col rond, dur et haut, ce doit être un évêque anglican, somnole. En face de lui, la be
1303 se, je les nomme les imperméables. Ils traversent et passent, rien ne les touche. Ce sont aussi, et pour la même raison, d
1304 nt et passent, rien ne les touche. Ce sont aussi, et pour la même raison, des transparents. (Avez-vous remarqué que les tr
1305 sement des traditions locales les plus touchantes et des express européens, petits trajets portés sur les axes du monde. Q
29 1956, Articles divers (1951-1956). Un exemple pour l’Europe (octobre 1956)
1306 ent-là sous le nom de « République helvétique une et indivisible » échoua rapidement, et Napoléon reconnaissant l’erreur c
1307 elvétique une et indivisible » échoua rapidement, et Napoléon reconnaissant l’erreur commise, déclarait aux Suisses en 180
1308 ’alliance d’États souverains sans pouvoir central et de la totale unification, la Suisse chercha pendant près d’un demi-si
1309 on respect excessif des souverainetés cantonales, et par la droite, qui jugeait ces souverainetés dangereusement menacées2
1310 lème de la souveraineté cantonale (ou nationale), et cela d’une manière qui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe
1311 té n’est pas limitée par la constitution fédérale et , comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au
1312 par l’article 3, leurs constitutions, la liberté et les droits du peuple, etc. Perdre notre souveraineté ? Non : la r
1313 on ? Ces souverainetés ont-elles quelques réalité et consistance, en dehors des débats où elles figurent comme prétexte à
1314 implacables circonstances techniques, économiques et politiques. Il en résulte que la souveraineté nationale n’a plus guèr
1315 hologique. Refoulée du domaine des forces réelles et de pouvoirs concrets elle est devenue le réceptacle où se recueillent
1316 gies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’une Histoire faussée par l’école, agressivité frus
1317 stoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractè
1318 de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres le
1319 alousie d’Othello. D’où enfin l’extrême confusion et les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur
1320 rec : « Dans les domaines militaires, économiques et politiques, les organisations internationales existantes (telles que
1321 N) prennent aujourd’hui les décisions principales et le peuple n’a sur elles aucun contrôle. Au contraire, les organisatio
1322 sentiel de cette souveraineté, elles l’ont perdu, et sans retour. À la question : pourquoi l’Europe unie ? il nous faut do
30 1956, Articles divers (1951-1956). Serrer la main d’un communiste, désormais… (10 novembre 1956)
1323 es savants, à toutes les associations d’écrivains et académies, à l’élite intellectuelle du monde entier, nous demandons a
1324 tellectuelle du monde entier, nous demandons aide et secours. Il reste peu de temps. Vous connaissez les faits. Inutile de
1325 ste est répété trois fois en anglais, en allemand et en russe. Puis quelques minutes de musique. À 8 h 7, Radio-Kossuth se
1326 les de la révolution déclenchée par les étudiants et par les écrivains du cercle Petöfi, il n’a pas été répondu. Nous ne p
1327 pest, c’est donner dans un guet-apens. Accueillir et fêter les jolies troupes d’artistes, les intellectuels asservis que n
1328 crivains martyrs qui nous appelaient de Budapest, et c’est trahir leur testament. Que chacun s’interroge et décide libreme
1329 est trahir leur testament. Que chacun s’interroge et décide librement de l’action qu’il entend mener, dans sa sphère d’inf
1330 ns de Budapest, qui ne le laisseront pas oublier, et dont tout le programme est maintenant d’y répondre. Au nom du Congrès