1
ns tous que notre civilisation peut mourir demain
et
que ce n’est pas là une phrase1. Nous sommes ici parce que nous savon
2
il suppose deux conditions premières : la liberté
et
la paix. Si l’on nous demande quel est le principe simple qui a pu ra
3
ommes ici parce que nous croyons tous que la paix
et
la liberté sont en réalité indivisibles, qu’elles sont la condition l
4
bles, qu’elles sont la condition l’une de l’autre
et
pratiquement synonymes. J’espère bien que vous êtes de ceux qui se mé
5
x qui se méfient des grands mots du genre de paix
et
de liberté et qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces syllabes
6
nt des grands mots du genre de paix et de liberté
et
qui demandent à voir ce qu’on met derrière ces syllabes prestigieuses
7
lectuels libres que de monter une garde vigilante
et
continue autour du sens humain, concret de ces grands mots et d’entre
8
autour du sens humain, concret de ces grands mots
et
d’entretenir une saine méfiance critique à l’égard de ceux qui en abu
9
est peut-être le premier point de notre programme
et
j’y reviendrai. Mais j’entends dire partout avec découragement : La m
10
core ? Eh bien ! On peut se défendre, simplement,
et
chacun dans sa sphère d’action et d’intérêts. Nous, intellectuels, no
11
re, simplement, et chacun dans sa sphère d’action
et
d’intérêts. Nous, intellectuels, nous sommes prêts à prendre notre pa
12
la phase actuelle de la lutte contre la tyrannie
et
pour la liberté est une phase idéologique et nous savons que, dans ce
13
nnie et pour la liberté est une phase idéologique
et
nous savons que, dans ce domaine, la guerre est déclarée depuis longt
14
ncore tout sauvé, mais nous aurons, à notre place
et
selon nos pouvoirs, fait quelque chose pour la liberté, c’est-à-dire
15
ndent la paix, je le sais bien. D’autres que nous
et
avant nous ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm, de Prague
16
ment la paix, un peu comme le chat aime la souris
et
nous avons des raisons très précises de le penser. Nous publierons à
17
ont pris soin d’écrire eux-mêmes depuis longtemps
et
d’autres textes plus récents d’où il ressort, par exemple, que le but
18
ment d’une écrasante simplicité dans le sophisme.
Et
puis, vous le savez tous, tout cela ne sonne pas vrai, n’est pas sinc
19
cile, à mon avis, de distinguer entre le mot paix
et
la réalité vivante qu’il devrait désigner. Ceux qui prétendent défend
20
s pays démocratiques, reste une lutte idéologique
et
qui le restera en dernière analyse, même si la guerre physique doit i
21
chef. Je désire m’expliquer sur ce point. On peut
et
l’on doit détester la propagande, mais on ne veut pas nier qu’elle ex
22
opagande, mais on ne veut pas nier qu’elle existe
et
qu’elle joue — avec quel succès ! — contre tout ce que nous aimons. O
23
ner contre elle les masses, qu’elle vise d’abord,
et
les élites aussi qui ne sont pas moins contaminées. Certes, nous n’al
24
nous n’allons pas opposer aux campagnes massives
et
mécaniques des totalitaires, des procédés de même nature. Nous n’oppo
25
Elle ne résout aucun des grands problèmes humains
et
personnels, mais s’ils sont un jour résolus sans équivoque derrière l
26
u’on appelle les grands moyens, la radio, le film
et
la presse pour informer les peuples libres sur la liberté dont ils vi
27
nt, qu’ils ignorent, comme l’air qu’ils respirent
et
qu’ils perdraient demain, s’ils ne se réveillaient pas… Pour nous, la
28
on. Nous voulons des moyens conformes à notre fin
et
nous voulons cette fin parce que la liberté est à nos yeux la conditi
29
propagande de la liberté, c’est, en fin de compte
et
du même coup sauver notre culture. Notre culture est menacée À
30
e voudrais poser une simple question très précise
et
concrète. D’où vient que l’Europe ait régné sur le monde, incontestab
31
lté tout à la fois de ses conceptions religieuses
et
morales, d’un pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois g
32
es et morales, d’un pouvoir d’invention sans égal
et
d’un système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de l
33
notre puissance, même matérielle, dans le passé,
et
aujourd’hui les vrais secrets de notre survivance indépendante, donc
34
rivée du droit de s’occuper des choses militaires
et
des choses économiques, s’écriait avec une sorte de désespoir ironiqu
35
, s’écriait avec une sorte de désespoir ironique,
et
très sûr de son effet : « Notre Assemblée, Messieurs, se voit réduite
36
État, d’autre part fort intelligent, mais surtout
et
plus encore le fait que cette phrase ait paru toute naturelle, qu’ell
37
raînés, munis de films, d’expositions itinérantes
et
de 20 millions de brochures, le tout largement financé par les fonds
38
vieilles dames, qu’il ne fait pas de la broderie,
et
que les armées qu’il met en marche sont plus redoutables encore que c
39
e que des terrains, elles veulent occuper le cœur
et
les esprits de ceux-là mêmes qui pourraient être appelés un jour à dé
40
urraient être appelés un jour à défendre l’Europe
et
qui ne le feront pas si le point de vue de l’adversaire les a, par av
41
ns libre discussion, point de liberté de critique
et
de recherche sans droits civiques et politiques et point de paix dign
42
de critique et de recherche sans droits civiques
et
politiques et point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant
43
t de recherche sans droits civiques et politiques
et
point de paix digne de ce nom sans, à la base et avant tout, un espri
44
et point de paix digne de ce nom sans, à la base
et
avant tout, un esprit de liberté vigilant et militant… La tâche est t
45
base et avant tout, un esprit de liberté vigilant
et
militant… La tâche est très vaste, c’est l’évidence, mais le seul fai
46
s répondent, enfin, pour tous ceux qui se taisent
et
qui se découragent. À vous de les rejoindre. J’ajoute que, pour nous,
47
er un Européen ?b C’est absolument impossible.
Et
je vais essayer de dire pourquoi. On peut tout fabriquer, ou presque,
48
z pas un Mohican : ces premiers habitants du bois
et
du rocher, seuls vrais Américains découverts par Colomb, appartiennen
49
ncoln sur le gouvernement du peuple par le peuple
et
pour le peuple, deux strophes du Star-Spangled Banner, le vocabulaire
50
Star-Spangled Banner, le vocabulaire du base-ball
et
le prix du dollar. Apprenez-lui à dire yea pour yes, à marcher avec l
51
i à dire yea pour yes, à marcher avec les hanches
et
à se laver les dents avec du chewing-gum. Psychanalysez, agitez sur u
52
gre, emballez (moralement) dans de la cellophane,
et
servez frais. Pour fabriquer un Soviétique, c’est plus rapide. Prenez
53
rte de DDT moral nettoyant les idées subversives,
et
tirez le rideau. Mais pour fabriquer un Européen, que prendrez-vous ?
54
z mélanger, par exemple, de la culture germanique
et
des Espagnols, du socialisme plus ou moins marxiste et des chrétiens,
55
s Espagnols, du socialisme plus ou moins marxiste
et
des chrétiens, des Juifs anglais et des conservateurs, et cela donner
56
oins marxiste et des chrétiens, des Juifs anglais
et
des conservateurs, et cela donnera parfois des produits remarquables
57
hrétiens, des Juifs anglais et des conservateurs,
et
cela donnera parfois des produits remarquables : Ortega, Sir Stafford
58
ons resteront stériles. Un mélange de catholiques
et
de juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange de M
59
des protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx
et
de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et
60
nnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français
et
d’Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par d
61
seul homme. Ils ne pourraient que se neutraliser
et
s’annuler réciproquement. La vérité, c’est que le problème posé est i
62
n, l’Européen est par essence un être qui diffère
et
tient à différer de son voisin et des modèles fournis. Il n’existe do
63
tre qui diffère et tient à différer de son voisin
et
des modèles fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut exister d’Europ
64
eut exister d’Européen moyen, résumant les vertus
et
les défauts contradictoires du continent. Il n’y a que des Français,
65
nois, des Croates, des parpaillots, des mécréants
et
des papistes ; des socialistes suédois et luthériens, des anarchistes
66
créants et des papistes ; des socialistes suédois
et
luthériens, des anarchistes espagnols et athées, des conservateurs au
67
suédois et luthériens, des anarchistes espagnols
et
athées, des conservateurs autrichiens et catholiques ; des Monégasque
68
spagnols et athées, des conservateurs autrichiens
et
catholiques ; des Monégasques insouciants et des partisans motorisés
69
iens et catholiques ; des Monégasques insouciants
et
des partisans motorisés de la paix concentrée. Il n’y a que des homme
70
es hommes habitués à différer les uns des autres,
et
c’est tout cela qu’on nomme l’Europe. Et c’est pourquoi faire un Euro
71
autres, et c’est tout cela qu’on nomme l’Europe.
Et
c’est pourquoi faire un Européen, ce serait tenter de faire quelque c
72
ons, leurs douze langues, leurs trente-six partis
et
leurs innombrables coutumes, toutes supérieures à celles du pays d’à
73
es, toutes supérieures à celles du pays d’à côté.
Et
puisqu’il faut baser l’union sur quelque chose qui soit commun à tous
74
nc à faire comprendre à ces 300 millions d’hommes
et
de femmes, qu’ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de re
75
on. Voilà ce qui les distingue en bloc des Russes
et
des Américains, voilà le principe paradoxal de leur communauté profon
76
ie, à une coutume ou une langue, bien distinctes,
et
qu’ils perdraient leurs libertés si on les empêchait de vivre à leur
77
n, de valeurs spirituelles, de formes politiques,
et
même de mœurs. Les conceptions de l’amour, de la révolution, des libe
78
es chez tous nos peuples. Elles sont tout autres,
et
parfois même absentes en Russie soviétique et en Asie. Nous avons bea
79
es, et parfois même absentes en Russie soviétique
et
en Asie. Nous avons beaucoup en commun, beaucoup plus que nous ne le
80
liée pour nous à la pratique des libertés réelles
et
personnelles. C’est pour sauver ces différences qu’il faut maintenant
81
sans lequel il n’est point de dialogue créateur.
Et
que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe. Et que c’est cela préc
82
Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe.
Et
que c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’il n’est plus d’espo
83
pe. Et que c’est cela précisément qui est menacé.
Et
qu’il n’est plus d’espoir que dans l’union, — celle qui veut surmonte
84
erté. D’un côté, les peuples qui se disent libres
et
entendent le rester ; de l’autre, ceux qui vivent en régime totalitai
85
e l’autre, ceux qui vivent en régime totalitaire,
et
qui n’ont pas nos libertés, qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres
86
nflit que l’on pourrait énumérer sont discutables
et
peu clairs. Les intérêts économiques, par exemple, restent conjectura
87
es deux côtés, c’est que nous voulons la liberté,
et
que les autres veulent la dictature. Ils la préfèrent — provisoiremen
88
pas urgent que nous prenions une conscience nette
et
forte des libertés concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner
89
purement formelles ? Les voulons-nous vraiment ?
Et
sommes-nous prêts aux derniers sacrifices pour les défendre ? Beaucou
90
s n’avez aucun passé ! », quand on nous dit cela,
et
que nous cherchons alors désespérément une réplique, ou que nous essa
91
oin d’une idéologie, car nous avons nos libertés.
Et
ce n’est pas notre passé que nous défendons, mais bien les libertés q
92
endons, mais bien les libertés qu’il a conquises,
et
qui sont la réalité présente de nos vies, bien plus : qui sont le gag
93
nous soyons en mesure de le tenir sans équivoque,
et
en pleine connaissance de cause. Le temps est venu de passer à la con
94
and besoin, parce qu’ils n’ont pas nos réalités —
et
leurs chefs doivent masquer cette absence par des slogans. Nous n’avo
95
te » que les leurs. Car les faits nous suffisent,
et
quant aux libertés, nous en avons plus que nous méritons. Je crois à
96
ndus conscients des forces véritables de l’Europe
et
de l’Occident, nous serons en mesure, aussitôt, de renverser l’absurd
97
cidant de les répandre. Si nous voyons les faits,
et
savons les faire voir, nous aurons du même coup repris l’initiative.
98
sser du plan des faits à celui de nos consciences
et
de nos volontés ; c’est d’appeler toutes nos forces éparses à se fédé
99
me exacte de nos petites démissions personnelles.
Et
c’est pourquoi je conclurai, une fois de plus, par ce delenda Carthag
100
« Défense de nos libertés », Contacts littéraires
et
sociaux, Paris, octobre 1951, p. 1 et 6. d. Présenté par la note sui
101
littéraires et sociaux, Paris, octobre 1951, p. 1
et
6. d. Présenté par la note suivante : « Nous remercions le Congrès p
102
deux-guerres. Peu d’écrivains ont si bien voyagé,
et
mieux dit ce qu’ils avaient vu. La plupart se rendaient trop visibles
103
e d’adhésion, qui tantôt s’identifie à son objet,
et
tantôt, rétablissant la distance, le conçoit et le définit ». Et je c
104
, et tantôt, rétablissant la distance, le conçoit
et
le définit ». Et je constate qu’il l’appliquait de préférence au phén
105
blissant la distance, le conçoit et le définit ».
Et
je constate qu’il l’appliquait de préférence au phénomène unique par
106
comment n’irait-on pas, en écartant les préjugés
et
les abstractions, questionner sur place l’Europe d’aujourd’hui, cette
107
urope d’aujourd’hui, cette Europe révolutionnaire
et
nationaliste, violente, ignorante, à moitié démolie, et d’où montent,
108
ionaliste, violente, ignorante, à moitié démolie,
et
d’où montent, comme les fumées d’un sol volcanique, la haine, la doul
109
fumées d’un sol volcanique, la haine, la douleur
et
l’espérance. Europe, vaste spectacle en désordre, où l’homme se trahi
110
passions collectives, aux philosophies de combat,
et
qu’il ne fallait pas laisser ce peuple « dans les ténèbres du dehors,
111
Seuls quelques chapitres médians, qui décrivent (
et
critiquent d’ailleurs) les méthodes de la SDN, peuvent nous paraître
112
ien, les espoirs que de Traz se faisait une vertu
et
même une raison d’entretenir, malgré toutes ses méfiances et toute la
113
raison d’entretenir, malgré toutes ses méfiances
et
toute la précision d’un regard souvent railleur ou amusé. Mais l’ouve
114
egard souvent railleur ou amusé. Mais l’ouverture
et
la longue conclusion forment ensemble un essai politique dont je ne v
115
en est de plus « efficaces », non de plus justes,
et
peu de plus actuels dans la durée de nos problèmes fondamentaux. On y
116
enjamin Constant, malgré le style parfois pompeux
et
apprêté de cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel et concis.
117
de cet opuscule, quand de Traz reste vif, naturel
et
concis. C’est dans le fédéralisme qu’il voit « la base de l’internati
118
e l’Europe ». C’est par la civilisation « grecque
et
chrétienne — et Rome n’a fait qu’amplifier et parfois corrompre ces t
119
est par la civilisation « grecque et chrétienne —
et
Rome n’a fait qu’amplifier et parfois corrompre ces termes essentiels
120
que et chrétienne — et Rome n’a fait qu’amplifier
et
parfois corrompre ces termes essentiels » que l’Europe est devenue pa
121
» que l’Europe est devenue patrie de la personne.
Et
c’est enfin en s’opposant non seulement « aux États-Unis, tentés de l
122
lement « aux États-Unis, tentés de la soumettre »
et
à la Russie « dont le système politique comporte une destruction du s
123
traditions profondes », que l’Europe se fera, une
et
diverse. Je ne vois pas une phrase, dans cet essai final, animé par u
124
l, animé par un long mouvement d’éloquence lucide
et
sereine, qui ne porte encore mieux sur notre temps que sur celui de s
125
e que ses rivalités intérieures sont archaïques »
et
qu’au-delà de ses frontières resserrées, des civilisations rajeunies
126
s-nous donc cessé d’être des mâles, qui formulent
et
dirigent, et, dans notre détresse complaisante, ne souhaitons-nous pl
127
essé d’être des mâles, qui formulent et dirigent,
et
, dans notre détresse complaisante, ne souhaitons-nous plus qu’être sé
128
laisante, ne souhaitons-nous plus qu’être séduits
et
passivement satisfaits ? Le snobisme bolchévique, le snobisme orienta
129
nt-ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie
et
de reniement ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus
130
é, avec leur goût de veulerie et de reniement ? »
Et
je crois entendre de Traz ajouter sur un ton plus encore convaincu qu
131
ant la tenue, il propose la formule conciliatrice
et
constructive : « Héritiers magnifiquement privilégiés, les hommes d’O
132
enne est le produit d’une collaboration séculaire
et
l’on ne saurait en supprimer l’apport d’aucun peuple sans la défigure
133
pprimer l’apport d’aucun peuple sans la défigurer
et
l’affaiblir. Or notre génie d’invention est intact. Nos méthodes crit
134
e encore, de l’effort qui conquiert, qui utilise,
et
surtout qui transfigure. Car notre plus grande possibilité réside peu
135
e capacité de résurrection. À force d’imagination
et
de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase somnolente :
136
es-unes sur l’Europe : sur nos congrès de La Haye
et
de Bruxelles, sur l’idée de culture en Europe. Il suit le Mouvement e
137
ouvement européen de l’extérieur, d’un œil amical
et
critique. Pourquoi ce précurseur n’a-t-il pas joint l’action dont il
138
s ses personnages romanesques sont des renfermés,
et
qui en souffrent : il les avait vécus, mais libérés en lui. Modeste e
139
il les avait vécus, mais libérés en lui. Modeste
et
probe avec une discrète élégance, je le vois lentement dépasser les b
140
gance, je le vois lentement dépasser les baladins
et
les bruyants de son époque, et son beau profil prend sa place parmi l
141
asser les baladins et les bruyants de son époque,
et
son beau profil prend sa place parmi les effigies d’une Europe renais
142
ysement oriental de Robert de Traz, paru en 1926,
et
dont Rougemont a rendu compte dans le Journal de Genève .
143
d on les atteint ? Jusqu’où peut-on les reculer ?
Et
à quel prix ? Tout cela servira finalement à mieux construire des app
144
nt, semble-t-il. Mais cet accident fit sa gloire,
et
nous donne seul la possibilité et le désir de parler de lui. Bien d’a
145
fit sa gloire, et nous donne seul la possibilité
et
le désir de parler de lui. Bien d’autres ont vécu des aventures sembl
146
nt d’instinct3 ». Les Sept Piliers de la Sagesse,
et
toutes ses lettres, témoignent d’une volonté de conscience et d’expre
147
s lettres, témoignent d’une volonté de conscience
et
d’expression qui justifie le point de départ de cet essai. Le héros
148
a joué cette œuvre dans le conflit entre l’auteur
et
son époque. L’écrivain du xviie siècle nous paraît intégré naturelle
149
le des exilés sur place — Kierkegaard, Baudelaire
et
Nietzsche en sont les types — exilés dans la négation d’un ordre qui
150
’y a plus de commune mesure entre celui qui pense
et
ceux qui agissent ; il n’y a donc plus de communauté réelle. Et c’est
151
issent ; il n’y a donc plus de communauté réelle.
Et
c’est pourquoi le xxe siècle verra tant de nomades et de vrais émigr
152
est pourquoi le xxe siècle verra tant de nomades
et
de vrais émigrés. Les uns voyagent vers des climats et des coutumes o
153
vrais émigrés. Les uns voyagent vers des climats
et
des coutumes où l’isolement social, sans être surmonté, soit du moins
154
rope ; Gide en Afrique ; D. H. Lawrence en Italie
et
chez les Indiens du Mexique ; Bernanos à Majorque, au Brésil ; Joyce
155
Brésil ; Joyce à Trieste, en Suisse, en France ;
et
presque tous les écrivains américains). D’autres s’exilent dans un mé
156
dans un métier d’errants (Joseph Conrad, Claudel
et
Saint-John Perse). Et beaucoup se sont vus exilés par le parti qui av
157
nts (Joseph Conrad, Claudel et Saint-John Perse).
Et
beaucoup se sont vus exilés par le parti qui avait confisqué leur pat
158
sant par les Allemands, les Espagnols, les Russes
et
ceux de l’Est européen). Certains, enfin, parlent en quête d’une comm
159
ommunauté à rejoindre où à recréer dans l’action,
et
là seulement les mots pourront reprendre un sens, et le langage un po
160
là seulement les mots pourront reprendre un sens,
et
le langage un pouvoir authentique. Mais ceux-là pensent d’abord à l’a
161
entique. Mais ceux-là pensent d’abord à l’action,
et
dans l’action à se réaliser, à mesurer le pouvoir d’un homme contre l
162
, à mesurer le pouvoir d’un homme contre le monde
et
sur soi-même. Est-ce encore une compensation ? Le dépit amoureux peut
163
re chaste ou au contraire jeter dans la débauche.
Et
de même, le dépit communautaire peut provoquer un individualisme exas
164
qu’elle impose. Nous voici tout près de Lawrence
et
d’une classe d’écrivains qui restera sans doute la plus typique de no
165
r œuvre : par l’action dont cette œuvre témoigne,
et
dont elle tire son efficacité particulière. Car l’action sert de gage
166
particulière. Car l’action sert de gage aux mots,
et
dans ce sens technique ces hommes sont engagés : ils ont payé de leur
167
t qu’ils constatent entre leurs exigences intimes
et
l’insipidité de la vie défaite de leur cité. (Quelques-uns ont trouvé
168
leur cité. (Quelques-uns ont trouvé dans l’armée,
et
surtout, dans l’aviation, le moyen de s’expatrier sans passer les fro
169
s. L’aviateur est toujours en instance de départ,
et
par là, séparé de l’existence quotidienne : « Premier point : nous ne
170
hors de chez eux, à la fois comme des conquérants
et
comme des révolutionnaires. Ce trait mérite une attention spéciale. P
171
spéciale. Peu sont des partisans au premier chef,
et
peut-être plusieurs d’entre eux se fussent-ils résignés, dans leur pa
172
, que les gouvernements soutiennent à contrecœur,
et
parfois découragent en sous-main, ou bien dans des révolutions mais q
173
u stade des revendications mais des coups de feu,
et
qui demandent bien moins de conviction politique que d’audace ou de d
174
de T. E. Lawrence, de Saint-Exupéry, de Hillary ;
et
même de Salomon et Hemingway, viennent à l’appui de ces remarques gén
175
de Saint-Exupéry, de Hillary ; et même de Salomon
et
Hemingway, viennent à l’appui de ces remarques générales et les nuanc
176
ay, viennent à l’appui de ces remarques générales
et
les nuancent d’ailleurs autant qu’il faut. Si divers que nous les jug
177
e, par l’importance aussi de leur rôle historique
et
la sincérité de leurs convictions, tous ces hommes sont, ou furent, d
178
une action commune, action conduite à l’étranger,
et
dont les fins dernières leur importaient bien moins que l’expérience
179
s se reconnaissent à un signe certain : entre eux
et
le rôle qu’ils jouent, souvent à grand péril, il y a toujours une mar
180
d péril, il y a toujours une marge de conscience.
Et
dans cette marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’homme d’un seul li
181
age : certaines recettes pour manier les esprits,
et
surtout pour leur imposer un angle de vision déterminé — c’est tout l
182
mais plutôt les efforts pour lui trouver un sens,
et
justifier l’auteur de l’avoir entreprise. Témoignages cependant ambig
183
que celle d’un serviteur de la cause collective,
et
ne donnent de l’individu qu’un portrait simplifié et dûment stylisé.
184
ne donnent de l’individu qu’un portrait simplifié
et
dûment stylisé. Nés d’un besoin de s’expliquer, ils restent obscurs s
185
rits posthumes, à des lettres ou carnets intimes,
et
l’on s’aperçoit que le problème, loin d’y recevoir la réponse la plus
186
est pour tenter de le résoudre que l’homme écrit,
et
que parfois il retourne à l’action ; pourtant, ce qu’il nous laisse e
187
e d’une « passion » dont l’enjeu n’est pas clair.
Et
certes, les péripéties d’une telle passion peuvent bien suffire à l’i
188
oussée jusqu’aux extrêmes, dans la rigueur morale
et
les rigueurs physiques. Mais cédant à l’exigence extrême éveillée par
189
ocation plus vraie que les causes qu’il a servies
et
qui se révèlent toujours, au bout du compte, décevantes ? II. T.E.
190
rs, au bout du compte, décevantes ? II. T.E.L.
et
Saint-Exupéry « L’ambition est un motif méprisable ; l’amour de la
191
ourir que de conduire les autres, dans l’intrigue
et
la cruauté, vers la désillusion finale. » C’est en ces termes que la
192
t ou presque tout, leur est commune. L’un Anglais
et
l’autre Français, et bien qu’ayant tous deux vécu leur aventure à l’é
193
ur est commune. L’un Anglais et l’autre Français,
et
bien qu’ayant tous deux vécu leur aventure à l’étranger, parfaits rep
194
ent de plus différent de l’autre. L’un protestant
et
l’autre catholique, et bien que tous les deux éloignés de leur foi, i
195
e l’autre. L’un protestant et l’autre catholique,
et
bien que tous les deux éloignés de leur foi, irrévocablement marqués
196
ur domaine qu’hostiles entre elles : la puritaine
et
la jésuite. L’un ascète, l’autre bon vivant. L’un chaste, et l’autre
197
te. L’un ascète, l’autre bon vivant. L’un chaste,
et
l’autre aimant à répéter que la femme est le repos du guerrier. L’un
198
errier. L’un tourmenté de scrupules dans l’action
et
plein d’humour quand il parlait de son œuvre écrite, l’autre contant
199
e écrite, l’autre contant ses aventures avec brio
et
insistant pour lire à ses amis les versions successives de ses livres
200
jours en quête d’une audience amicale. L’un petit
et
durci, l’autre grand et sérieux. On imagine difficilement deux hommes
201
ience amicale. L’un petit et durci, l’autre grand
et
sérieux. On imagine difficilement deux hommes aux caractères mieux co
202
aractères mieux contrastés. Tout ce qui chez l’un
et
l’autre forma l’individu : race, nation, milieu, religion, nature phy
203
ntends ce qu’ils ont fait de ces données natives,
et
les tensions qu’ils ont instituées entre ce qu’ils étaient et ce qu’i
204
ons qu’ils ont instituées entre ce qu’ils étaient
et
ce qu’ils se voulaient. Voyons leur création, leur action, et leur dr
205
se voulaient. Voyons leur création, leur action,
et
leur drame. Une ultime structure de destinée semble gouverner ces deu
206
x vies. Leur vocation s’est marquée dès l’enfance
et
affirmée pendant l’adolescence : à 20 ans les voilà partis, l’un pour
207
ant-garde littéraire, l’un tourné vers l’histoire
et
l’autre vers les sciences, mais tous deux inventeurs de machines, von
208
où la technique s’allie à l’art du commandement,
et
le risque à la discipline. Le travail s’y poursuit en équipe avec des
209
s’y poursuit en équipe avec des camarades frustes
et
durs. Bien plus, ce travail les entraîne loin de leur patrie, dans de
210
régions sauvages. Les voici doublement dépaysés,
et
par la plus curieuse coïncidence, aux prises dans le désert avec les
211
prestige de leurs chefs. De ce commerce prolongé
et
de la coutume du désert, tous les deux garderont le secret d’influenc
212
t, tous les deux garderont le secret d’influencer
et
de manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux du règlement
213
par des moyens qui ne sont pas ceux du règlement,
et
qui ne doivent rien aux titres officiels : goût de l’autorité, non du
214
e moquent des grades, qu’on leur en donne ou non,
et
sont perpétuellement sur pied de fronde. Leur mépris orgueilleux pour
215
s actions furent accomplies en dépit des pouvoirs
et
des incompétences supérieures. Parfois cependant, cet art de persuade
216
t formés par leur action, trempés par les dangers
et
les déboires, par les succès aussi, durement gagnés, et que souvent l
217
déboires, par les succès aussi, durement gagnés,
et
que souvent leurs camarades d’équipe sont restés les seuls à connaîtr
218
ître. Ils se retournent vers le monde des autres,
et
c’est le début de l’écœurement. Signe objectif d’une mésentente profo
219
dans leurs lettres les doutes les plus profonds,
et
les mieux motivés, quant à la valeur de l’action par laquelle ils se
220
le livre qu’ils portent en eux, toujours le même,
et
qui doit être un commentaire de leur activité, visant à la sauver de
221
historique pour en extraire une sagesse commune,
et
pour élever un monument « durable » ou « intangible » à la mémoire d’
222
s souvent se plaignent de leur exigence excessive
et
de leurs ratures infinies. C’est qu’ils se refusent aux entraînements
223
u lyrisme, s’appliquent aux descriptions exactes,
et
se meuvent en général dans une psychologie qui déconcerte la morale c
224
ne psychologie qui déconcerte la morale classique
et
son langage ; cependant ils veulent être simples et n’employer que de
225
son langage ; cependant ils veulent être simples
et
n’employer que des mots éprouvés… C’est à ce stade que naissent Les S
226
stade que naissent Les Sept Piliers de la Sagesse
et
Terre des Hommes. L’aventure paraît consommée. Et cependant leur dram
227
et Terre des Hommes. L’aventure paraît consommée.
Et
cependant leur drame le plus typique se noue à ce moment précis, deva
228
s disciplines les plus vexantes. On les voit l’un
et
l’autre expliquer cette conduite par des raisons variables et même co
229
xpliquer cette conduite par des raisons variables
et
même contradictoires. Dans les deux cas, et nonobstant les circonstan
230
ables et même contradictoires. Dans les deux cas,
et
nonobstant les circonstances historiques différentes, il paraît diffi
231
u serait-ce simplement qu’ils n’ont pas le choix,
et
que la vie parmi les autres, les civils, s’est révélée pour eux prati
232
dentes, bien que hantés par leur besoin d’écrire,
et
bien qu’ils ne puissent ignorer qu’à des postes moins anonymes, ils s
233
fficiles à remplacer. Inextricable nœud d’orgueil
et
de masochisme, de loyauté modeste et de fierté blessée, de grève perl
234
ud d’orgueil et de masochisme, de loyauté modeste
et
de fierté blessée, de grève perlée contre la société et de soumission
235
fierté blessée, de grève perlée contre la société
et
de soumission aux règles de son jeu, les mêmes énigmes d’ailleurs, sa
236
es autrefois par certaines vocations religieuses,
et
cette similitude ne manque pas de les frapper. Lawrence décrit son en
237
u Moyen Âge ». Tous deux sont détachés de la foi,
et
peut-être à la fin de la foi en eux-mêmes ou dans le rôle qu’ils peuv
238
écrit Lawrence quelques semaines avant sa mort. (
Et
Saint-Exupéry, dans toutes ses dernières lettres, a des phrases qui r
239
engagement pour l’un, de la guerre pour l’autre.
Et
survient l’accident mortel. Ils sont tués par la machine qui avait ét
240
orts : ils sont revenus de tant d’autres dangers,
et
peut-être n’ont-ils disparu que pour assumer d’autres tâches, plus se
241
u que pour assumer d’autres tâches, plus secrètes
et
plus importantes5. III. Un « message » de modestie J’essaierai
242
tateur n’est fort que de la faiblesse des autres,
et
sa grandeur est négative : il est le symbole des secrètes démissions
243
, comme ce fut le cas dans sa campagne d’Arabie ;
et
il ne peut se retenir de dénoncer dans cet usage, même légal, un abus
244
al, un abus. Forcer autrui sera toujours un viol,
et
s’il condamne ce viol, c’est qu’il se veut intègre, au prix d’un sacr
245
ue ce soit lui, aux dépens de son propre individu
et
pour l’éducation de sa personne. Il dépasse tous les autres dans ce s
246
ersonne. Il dépasse tous les autres dans ce sens.
Et
je ne lui vois d’égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris de
247
xigence quant à soi-même, le mépris de la fraude,
et
le scrupule fécond, que chez Kafka, — cet autre prototype. Voici préc
248
rdres, faisant lui-même les frais de l’expérience
et
se refusant à tous les faux-fuyants que nous offrent les causes polit
249
t les causes politiques, le romantisme religieux,
et
les grands mots tels que Révolte et Conformisme, Liberté, Violence, A
250
me religieux, et les grands mots tels que Révolte
et
Conformisme, Liberté, Violence, Angoisse, et le plus équivoque de tou
251
olte et Conformisme, Liberté, Violence, Angoisse,
et
le plus équivoque de tous : Révolution. On dirait qu’il a fait sur lu
252
r lui-même une étude de la résistance du matériel
et
du moral humain dans l’état où se trouve notre monde. Et voici le rés
253
oral humain dans l’état où se trouve notre monde.
Et
voici le résultat de cette étude — la meilleure description que je pu
254
t cette lettre à Lionel Curtis, le 30 mai 1923 :
Et
puis il y a l’absence de responsabilité : je n’ai à répondre ici que
255
ropreté de ma peau, de la propreté de mes habits,
et
d’une certaine exactitude dans les évolutions physiques à l’exercice.
256
À cela près, ce serait le complet déterminisme —
et
c’est peut-être dans le complet déterminisme que gît la paix parfaite
257
longtemps soupiré. J’ai essayé le libre arbitre,
et
l’ai rejeté ; l’autorité, je l’ai rejetée (pas l’obéissance, car mon
258
orité qui m’écœure) ; l’action, je l’ai rejetée ;
et
la vie intellectuelle ; et la vie réceptive des sens ; et les assauts
259
ion, je l’ai rejetée ; et la vie intellectuelle ;
et
la vie réceptive des sens ; et les assauts d’esprit. Autant d’échecs,
260
e intellectuelle ; et la vie réceptive des sens ;
et
les assauts d’esprit. Autant d’échecs, et ma raison me dit qu’en cons
261
sens ; et les assauts d’esprit. Autant d’échecs,
et
ma raison me dit qu’en conséquence l’obéissance, le non-savoir échoue
262
racines de l’échec commun doivent être en moi, —
et
pourtant, en dépit de la raison, je m’y essaie. Douze ans plus tard,
263
e la raison, je m’y essaie. Douze ans plus tard,
et
très peu de temps avant sa mort, il tire de ses « essais » les conclu
264
être la seule tâche majeure de notre génération ;
et
je me suis convaincu que le progrès, aujourd’hui, n’est pas le fait d
265
de l’Angleterre, qui fait notre âge mécanique. »
Et
ce sont aussi les simples mécaniciens de la RAF, non les grands as. «
266
as. « C’est pourquoi je suis resté dans le rang,
et
j’ai servi de mon mieux… » L’idée même de créer quelque chose « d’int
267
il la renie ; car « toute création est tangible.
Et
ce que j’essayais, je crois, c’était de poser une superstructure d’id
268
er, de la manière la plus tentante, le stalinisme
et
les mouvements totalitaires en général. Il fut pourtant leur adversai
269
aires en général. Il fut pourtant leur adversaire
et
il se fût battu contre eux. Faudra-t-il l’accuser d’inconséquence ? L
270
; trouver la paix dans le complet déterminisme ;
et
jusqu’au culte de la machine !) Mais d’autre part, son aversion pour
271
ressent devant la nécessité d’imposer son pouvoir
et
d’user d’autorité, tout l’opposait à la dictature et à la politique c
272
d’user d’autorité, tout l’opposait à la dictature
et
à la politique collectiviste. Que reste-t-il à faire pour un tel homm
273
ond ordre. Je n’ai rien rencontré de plus honnête
et
dévoué que nos hommes politiques — mais je me ferais plutôt balayeur.
274
aphysiques) d’un homme qui a raté ses « sorties »
et
pour lequel il n’est plus d’autre solution que de s’assurer une petit
275
S’il fallait qu’on nous montre où nous en sommes
et
ce que peut un homme sans la foi, Lawrence nous l’a montré avec un gr
276
, Lawrence nous l’a montré avec un grand courage,
et
surtout sans le moindre souci d’être un exemple ou d’enseigner : de l
277
Lawrence, par Charles Edmonde. 5. Chaque phrase
et
chaque nuance de ce parallèle pourraient être appuyées par des docume
278
pourraient être appuyées par des documents précis
et
par des citations fréquentes tirées des livres ou des lettres des deu
279
a qu’elle n’a point son équivalent chez Lawrence.
Et
certes, rien n’empêche d’imaginer que ce dernier, s’il eût vécu tranq
280
nté par une œuvre analogue, transposition lyrique
et
« littéraire » des expériences de l’homme d’action. Mais on sait que
281
ire irresponsable, c’est un homme politique avisé
et
mieux averti que quiconque, Paul-Henri Spaak en l’occurrence, qui s’é
282
ope vit, depuis des années, de la peur des Russes
et
de la charité des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri d’ala
283
320 vivent depuis des années dans la peur de 210
et
de la charité de 150. » On souhaite qu’une telle constatation apparai
284
i les retient ? Une sorte de myopie de la mémoire
et
du jugement. Ils tirent prétexte de leurs traditions, parlent d’ennem
285
nationalismes ne remontent qu’au siècle dernier,
et
qu’ils ont deux-mille ans d’usage commun d’un héritage que le reste d
286
, mais ils oublient qu’ils forment un seul corps,
et
qu’il est fou d’essayer de sauver un seul organe au détriment des aut
287
autres. Le cœur ni le poumon ne vivraient isolés,
et
leur santé dépend d’une bonne circulation. Enfin, rien n’est plus cla
288
cessité de notre union, rien n’est moins contesté
et
cependant, comme il arrive parfois dans les cauchemars, rien ne peut
289
Les foyers de culture
et
l’Europe (octobre 1952)i Je vais limiter mon exposé à un seul thèm
290
elle circulait ensuite, enseignée dans les écoles
et
plus tard dans les universités, formant les clercs, les hommes de cul
291
es institutions, les sermons entendus à l’Église,
et
tout un courant de connaissances orales, car les textes écrits n’avai
292
rmant des clercs, ceux-ci créant les institutions
et
répandant la sagesse commune, la connaissance populaire par transmiss
293
mune mesure existait entre les riches, les clercs
et
le peuple. Tout est changé aujourd’hui. Nous sommes devant une situat
294
revue, le journal, elle est transmise à la masse
et
ces moyens mêmes de diffusion la rendent abstraite. Elle se heurte à
295
iffusion facile, qui ne connaît pas de frontières
et
ne nécessite aucune traduction. Vous reconnaîtrez que c’est peu — ce
296
st peu — ce n’est même rien — pour former l’homme
et
le jugement personnel. Le résultat de ces cloisons horizontales ou ve
297
s horizontales ou verticales par classes, nations
et
langues est de faire perdre le bénéfice des moyens de diffusion de la
298
le bénéfice des moyens de diffusion de la culture
et
d’empêcher son unité. Des conceptions différentes se forment ; le mêm
299
rd’hui sa fonction éducatrice : former des hommes
et
des communautés ? Comment faire renaître « L’Europe-Culture ». Là, se
300
e lieu de rencontre entre l’essence de la culture
et
une situation locale bien définie, les problèmes d’urbanisme, d’éduca
301
ont évoqués par des hommes de classes différentes
et
de niveaux intellectuels divers, mais réunis par des préoccupations c
302
création de l’Europe unie, contre les dictatures
et
contre l’anarchie. L’homme européen doit pouvoir réaliser sa vocation
303
e est affaire d’ingénieurs ou d’hommes politiques
et
ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je voudrais maintenant vous présenter un
304
lture est par essence internationale, universelle
et
non pas nationale ni régionale. Elle suppose des échanges multiples e
305
des échanges multiples entre les classes sociales
et
les peuples. Née historiquement de ces échanges, fruits d’une grande
306
ois cette possibilité d’incarnation de la culture
et
cette ouverture aux échanges universels. Il n’y a pas d’Europe vivant
307
re l’Europe, il faut que les foyers par centaines
et
par milliers, si possible, apportent leur coopération active. Eux, et
308
possible, apportent leur coopération active. Eux,
et
eux seuls, peuvent donner un contenu humain à la construction de l’id
309
main à la construction de l’idée européenne ; vie
et
chaleur lui viendront de la réalité quotidienne. 3° Il ne faut pas qu
310
isque d’arriver avec la Haute Autorité du charbon
et
de l’acier, très difficile à comprendre. Contre cette uniformité, qui
311
tre cette uniformité, qui peut devenir tyrannique
et
stérilisante, les foyers doivent défendre les droits de leurs diversi
312
e contradiction — entre le mouvement vers l’union
et
les autonomies locales qui défendent leurs particularités ; paradoxe
313
prit par une pratique de la circulation des idées
et
des personnes entre les communautés locales et l’ensemble de l’Europe
314
es et des personnes entre les communautés locales
et
l’ensemble de l’Europe. Vous remarquerez que je saute à dessein le st
315
de l’ensemble européen aux implantations locales,
et
du foyer local directement à l’Europe. Pour en venir à des propositio
316
de brochures, de revues, de journaux, de films,
et
d’orateurs, réseau qui pourrait être constitué, et constamment alimen
317
t d’orateurs, réseau qui pourrait être constitué,
et
constamment alimenté par cette Communauté européenne des foyers de cu
318
sa forme, sa structure, se donnerait pour tâche —
et
je voudrais qu’il le fasse expressément par un vœu formulé si possibl
319
rte de haut-parleur diffusant l’idée de l’Europe,
et
, en même temps, un champ d’expérience pour des réalisations concrètes
320
que ce même réseau de distribution, de diffusion
et
de critique soit alimenté par le plus grand nombre possible d’organis
321
de sujets différents concernant la vie européenne
et
contenant chacun un thème, quelques arguments, quelques chiffres, que
322
serions très heureux de recevoir vos suggestions
et
de les étudier à Genève. Ensuite, nous pourrions mettre en circulatio
323
s, des médecins, des psychologues, des ingénieurs
et
, pourquoi pas, des sportifs. Au Centre de la culture, nous avons en p
324
ous avons en préparation une Commission d’hygiène
et
de psychologie sportive. Quelques personnes compétentes — dont d’anci
325
on les y invite, pour parler de leurs expériences
et
lancer des groupes intéressés par ces questions passionnantes d’hygiè
326
éressés par ces questions passionnantes d’hygiène
et
de psychologie sportives. Quatrième proposition : nous pourrions fair
327
ne, les positions à prendre sur différents sujets
et
les possibilités d’action à mener. Nous offrons d’établir des contact
328
re la Communauté européenne des foyers de culture
et
notre organisation, qui comprend des associations des guildes du livr
329
ations des guildes du livre, des clubs européens,
et
des festivals de musique. Ceux-ci groupent, à l’heure actuelle, 15 de
330
semble-t-il, une sorte d’organisation de voyages
et
d’échanges, comme celle établie par le Centre d’échanges internationa
331
ne belle idée de circulation à travers l’Europe —
et
pas seulement pour les jeunes, car il y a aussi des vieillards qui ma
332
s. On risque toujours de tomber dans l’abstrait ;
et
nous avons besoin de votre opinion pour orienter notre action d’alime
333
pal locataire… » J’ai beaucoup aimé cette formule
et
me suis dit que je vous la retransmettrai. Je ne veux faire de peine
334
s, créatrices de quoi ? d’hommes à la fois libres
et
responsables ! Je voudrais que vous soyez très ambitieux pour vos foy
335
soyez très ambitieux pour vos foyers de culture,
et
très ambitieux sur ce terme de culture, car, à mon sens, l’Europe de
336
, vaudra exactement ce que vaudront ces centaines
et
ces milliers de Foyers de Culture dont vous représentez un grand nomb
337
confiance depuis que je vous vois ici rassemblés
et
surtout depuis que je vous ai vus approuver ce mot de Communauté. i
338
i. Rougemont Denis de, « Les foyers de culture
et
l’Europe », Les Foyers de culture et l’Europe (Reims, octobre 1952),
339
s de culture et l’Europe », Les Foyers de culture
et
l’Europe (Reims, octobre 1952), Paris, Mouvement européen / Secrétari
340
odifié le texte imprimé original, dont la syntaxe
et
la ponctuation sont fautives.
341
La Suisse
et
l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952)k Sous c
342
4 novembre 1952)k Sous ce titre de « La Suisse
et
l’Europe », notre collaborateur M. René-Henri Wüst a relaté ici, le 1
343
débat sur ce sujet de la constitution de l’Europe
et
de la position de notre pays à son égard, et M. Denis de Rougemont, d
344
rope et de la position de notre pays à son égard,
et
M. Denis de Rougemont, directeur du Centre européen de la culture, se
345
e débat, qui est réellement vital pour la Suisse,
et
si je tiens à y participer, c’est que je suis réellement très loin de
346
aucoup lu ses livres, je m’en suis beaucoup servi
et
voici qu’il paraît renier les conclusions de la plupart de ses ouvrag
347
pas, dit-il, que la petite Europe puisse se faire
et
durer »… L’Europe est faite ! Mais elle est faite ! Ses adversai
348
tallée à Luxembourg : c’est un fait, elle existe,
et
Anglais et Scandinaves — qui furent ses adversaires les plus absolus
349
xembourg : c’est un fait, elle existe, et Anglais
et
Scandinaves — qui furent ses adversaires les plus absolus — n’ont pas
350
adeurs comme à tout autre gouvernement souverain,
et
le Danemark et l’Autriche s’apprêtent à suivre. L’Europe n’existe pas
351
tout autre gouvernement souverain, et le Danemark
et
l’Autriche s’apprêtent à suivre. L’Europe n’existe pas, n’a jamais mo
352
ublier la Pan-Europe du comte Coudenhove-Kalergi,
et
le projet de Briand de 1923l. Et ce qui me surprend le plus chez M. R
353
denhove-Kalergi, et le projet de Briand de 1923l.
Et
ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est qu’il semble avoir
354
à la conférence de Londres, en 1949. Ainsi donc,
et
sans remonter à Henri IV ou à Victor Hugo, on trouve suffisamment d’é
355
à Victor Hugo, on trouve suffisamment d’éléments,
et
dans l’activité même du directeur de l’Institut des hautes études, po
356
érer que cette séparation ne sera que provisoire,
et
ensuite, vous êtes-vous demandé quelles sont les proportions de cette
357
voulez parler des traditions communes des Vaudois
et
des Bernois, je pense ? Longue tradition en effet… comme celle qui «
358
n effet… comme celle qui « unissait » protestants
et
catholiques sur les champs de bataille de Villmergen et du Sonderbund
359
holiques sur les champs de bataille de Villmergen
et
du Sonderbund… À ce taux-là, la France et l’Allemagne en ont égalemen
360
lmergen et du Sonderbund… À ce taux-là, la France
et
l’Allemagne en ont également. Des traditions communes ? Entre les can
361
es traditions communes ? Entre les cantons-villes
et
les cantons-campagnes : qu’y a-t-il de commun entre Genève et Glaris
362
ns-campagnes : qu’y a-t-il de commun entre Genève
et
Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « miracle suisse » précisément parce
363
: qu’y a-t-il de commun entre Genève et Glaris ?
Et
ne parle-t-on pas du « miracle suisse » précisément parce que tout s’
364
ope est tout de même plus ancienne que la Suisse,
et
si l’on remonte au temps de la prépondérance grecque, puis à l’Empire
365
des projets… Oui, mais malgré cette antiquité,
et
pour reprendre une des affirmations du professeur Rappard, « cette Eu
366
e réalisation ». Mais c’est nier l’évidence même,
et
je le répète, depuis que la Haute Autorité a été installée le 13 sept
367
pendant qui ne peuvent nous laisser indifférents,
et
ce sont ceux de notre économie, puisque, comme le note M. Rappard, no
368
a péninsule Ibérique, l’Amérique du Sud, l’Égypte
et
les pays asiatiques, le 60 % restant de notre commerce extérieur ? Et
369
es, le 60 % restant de notre commerce extérieur ?
Et
je ne vois vraiment pas pourquoi, si la Haute Autorité se solidifie t
370
s, la Suisse serait coupée de tout accès à la mer
et
réduite à l’état de province enclavée. Sur quoi, le professeur Rappar
371
e-t-il cette déclaration, je ne le comprends pas,
et
l’argument de cette finis Helvetiae me semble un rien démagogique. No
372
ion. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer
et
de ceux qui furent toujours à travers l’histoire nos grands amis poli
373
toire, nos grands amis de toujours ? L’Angleterre
et
les États-Unis ? Vraiment, voilà qui surprend, et de la part du profe
374
et les États-Unis ? Vraiment, voilà qui surprend,
et
de la part du professeur Rappard encore plus. Je ne sache pas que le
375
grande influence sur le cours de notre histoire.
Et
si cela était, et si comme le prétend M. Rappard l’idée de cette fédé
376
sur le cours de notre histoire. Et si cela était,
et
si comme le prétend M. Rappard l’idée de cette fédération européenne
377
rions isolés d’eux, même sur le plan économique ?
Et
sa comparaison d’un Sonderbund européen me semble tout aussi erronée.
378
contre une ligue plus vaste : elle est un début,
et
non seulement elle ne s’oppose pas à ce que d’autres pays lui donnent
379
t être opposée à celle des vingt-deux cantons.
Et
pourquoi pas l’Europe ? La France, l’Allemagne, l’Italie et les tr
380
as l’Europe ? La France, l’Allemagne, l’Italie
et
les trois pays du Benelux trouvent assurément dans leur passé singuli
381
ssé singulièrement plus de raisons de se redouter
et
de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie comm
382
ns de se redouter et de se méfier… que de s’aimer
et
de se fondre en une seule patrie commune, constate M. Rappard. Eh ! o
383
tions d’un romancier. Les antipathies réciproques
et
les intérêts contradictoires des Américains, les différences qui exis
384
’ils ne pourront jamais trouver un centre d’union
et
un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne
385
r un centre d’union et un seul intérêt commun » !
Et
dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’
386
chévique) de leurs alliés naturels d’outre-Manche
et
d’outre-mer, en cherchant à en faire une seule et même patrie, ne vau
387
et d’outre-mer, en cherchant à en faire une seule
et
même patrie, ne vaudrait-il pas mille fois mieux les unir tous dans u
388
pas mille fois mieux les unir tous dans une seule
et
même alliance ? » Alors quoi : est-ce à dire que nous devions entrer
389
; mais pourquoi renoncerions-nous à cet avantage,
et
contre quoi, je vous le demande ? Encore une fois, non. Il ne s’agit
390
it que ces problèmes sont vitaux pour notre pays,
et
, contre M. Rappard antieuropéen, j’en appelle à M. Rappard, fédéralis
391
k. Rougemont Denis de, « [Entretien] La Suisse
et
l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit », La Suisse, Genève, 14 nove
392
on, mais l’Europe, cela va de Moscou à Gibraltar,
et
du Cap Nord aux Dardanelles ! De cette Europe, vous commencez par lai
393
sans le Portugal, sans l’Espagne, sans l’Autriche
et
sans la Suisse. Enfin, de cette « Europe-croupion », déjà privée de s
394
n », déjà privée de son Est, de son extrême-Ouest
et
de son Centre, vous trouvez le moyen d’exclure les Scandinaves, la Gr
395
ndinaves, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce
et
la Turquie. Et ce qui reste après toutes ces amputations, vous avez l
396
ande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce et la Turquie.
Et
ce qui reste après toutes ces amputations, vous avez le front de dire
397
que c’est l’Europe ? — Oui, j’ai cette conviction
et
je m’explique. Tout d’abord, vous faites une erreur en répétant que l
398
ns que nous perdons, provisoirement, du côté est.
Et
le meilleur moyen de les ramener parmi nous sera sans doute de créer
399
armi nous sera sans doute de créer un noyau dense
et
riche d’Europe unie, qui exercera sur eux une puissante attraction. E
400
ndrez que le nombre d’habitants ne fait pas tout.
Et
, en effet, Paul Valéry faisait remarquer que si l’on mettait dans un
401
l faut donc tenir compte des richesses naturelles
et
de la production matérielle. Or, on peut vérifier facilement que pour
402
ent que pour la production du charbon, de l’acier
et
de l’électricité, l’Europe des Six est la deuxième puissance du monde
403
de ses satellites. Allons plus loin. Les chiffres
et
les statistiques n’épuisent pas la réalité. Les six pays que groupe l
404
Haute Autorité forment une unité de civilisation
et
culture inégalée dans le monde moderne. Ils ont fait à eux seuls, au
405
e. Ils ont fait à eux seuls, au cours des siècles
et
grâce à leurs échanges continuels d’idées de procédés, de maîtres et
406
hanges continuels d’idées de procédés, de maîtres
et
de disciples, presque tout ce qui compte dans la peinture, dans la mu
407
t ce qui compte dans la peinture, dans la musique
et
dans l’architecture européennes. Et la majeure partie des sciences. E
408
ns la musique et dans l’architecture européennes.
Et
la majeure partie des sciences. Et les plus grandes philosophies. Le
409
e européennes. Et la majeure partie des sciences.
Et
les plus grandes philosophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art e
410
hilosophies. Le rayonnement de leurs écoles d’art
et
de pensée s’étend sur la planète entière. « Petite Europe ? » La Sibé
411
Pays scandinaves, l’Espagne, l’Autriche, la Grèce
et
la Turquie, enfin la Suisse, n’aient rien ajouté à ces gloires, ni qu
412
ité, la méfiance ou l’indifférence de ses voisins
et
frères en civilisation. Ceux-ci seraient donc bien mal venus à se pla
413
mbassade auprès de la Haute Autorité. Les Suédois
et
peut-être demain, les Danois et les Autrichiens, se préparent à faire
414
rité. Les Suédois et peut-être demain, les Danois
et
les Autrichiens, se préparent à faire de même. Les autres en sont enc
415
ande pour leur laisser tout le temps de réfléchir
et
de recalculer leurs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont répétant qu’
416
s ont contre eux les leçons de l’Histoire entière
et
tous les exemples vécus par trois-mille-cinq-cents ans de civilisatio
417
ne, pour lui accorder dès le départ son patronage
et
son appui pratique. Il salue cette année l’épanouissement de cette in
418
a pris en Europe, depuis la Renaissance italienne
et
française, une importance que le drame sacré japonais ou hindou ne po
419
rt à ce concours. Belle occasion pour les auteurs
et
les acteurs, les metteurs en scène, les photographes et les peintres
420
acteurs, les metteurs en scène, les photographes
et
les peintres de méditer non seulement sur leur métier propre, mais su
421
Pays-Bas, puis à la France, puis à l’Allemagne —
et
vous verrez l’unité vraie de notre Europe : celle qui se réalise dans
422
rsité des langages, des écoles, des sensibilités.
Et
c’est cela que notre union doit préserver, pour les nouveaux départs
423
de photographie de théâtre, Illertissen, Sittler
&
Federmann, 1953, p. 1-3. o. Non paginé, avec des traductions italien
424
ec des traductions italienne, allemande, anglaise
et
hollandaise.
425
es de Kassner, lus en français dans une précieuse
et
simple traduction (de Jean Paulhan et Bernard Groethuysen, mais non s
426
e précieuse et simple traduction (de Jean Paulhan
et
Bernard Groethuysen, mais non signée)6, lorsque j’essaie de me remémo
427
s répliques, d’imposer une allure à la fois calme
et
circonspecte, n’admettant que des gestes précis et maîtrisés, puis de
428
t circonspecte, n’admettant que des gestes précis
et
maîtrisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ellipses saisi
429
je te dévore ! Une constante énergie de l’énoncé.
Et
une grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent
430
l’égard du doute faible, de l’adjectif incertain,
et
en général des complaisances « artistes » ou des clichés philosophiqu
431
en vertu d’une réflexion passionnément originale.
Et
je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publi
432
lexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur
et
de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse f
433
ue solennelle mais qui sans cesse frôle l’humour,
et
parfois tourne en sournoise malice » qui composaient au sens magique
434
ns magique du mot, les « charmes » de cette prose
et
son autorité. Telle fut ma première impression. Vingt ans plus tard,
435
ficulté, précisément, n’a pas cessé de me séduire
et
inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité de
436
t devenu banal de déplorer l’obscurité des essais
et
dialogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir,
437
r. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir,
et
ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention profondément délibé
438
rlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes »,
et
c’était au sens littéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de
439
ateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fût,
et
qui échappe par définition à la pensée systématique et discursive : p
440
i échappe par définition à la pensée systématique
et
discursive : point de réponse rationnelle au « cur deus homo » de sai
441
de l’âme est de comparer » remarque Montesquieu,
et
il ajoute : « Ce qui fait ordinairement une grande pensée, c’est lors
442
chose qui en fait voir un grand nombre d’autres,
et
qu’on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espé
443
r, à l’expression la plus virulente de sa vérité,
et
chacun nous convainc si bien que la conclusion ne saurait être qu’imp
444
en que la conclusion ne saurait être qu’implicite
et
comme transcendante à l’échange. Ainsi s’opposent et se comparent, da
445
comme transcendante à l’échange. Ainsi s’opposent
et
se comparent, dans ces dialogues, mesure antique et démesure moderne,
446
se comparent, dans ces dialogues, mesure antique
et
démesure moderne, ou les grandes intuitions tautologiques de l’Inde :
447
conclusion. Mais l’angle de vision s’est imposé.
Et
l’imagination, irrésistiblement, s’oriente vers le mystère crucial. S
448
dée finalement plus favorable au « Livre de Job »
et
aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtront dans
449
ou même à Rilke, reconnaîtront dans les dialogues
et
les paraboles de Kassner son irréfutable présence. 6. Les Éléments
450
ne », « La chimère », « Le lépreux », « Le Christ
et
l’âme du monde », « L’individu et l’homme collectif ». p. Rougemont
451
», « Le Christ et l’âme du monde », « L’individu
et
l’homme collectif ». p. Rougemont Denis de, « Rudolf Kassner », Rud
452
ne civilisation ne sont pas visibles à son terme,
et
rien ne se passe jamais comme si elle finissait par les atteindre : a
453
aisissables que dans la dialectique de ses succès
et
de ses échecs, c’est-à-dire dans les moments mêmes où ses fins devien
454
moments mêmes où ses fins deviennent conscientes
et
manifestes. « Dans ma fin est mon commencement », écrit T. S. Eliot,
455
elques options fondamentales, à la fois initiales
et
finales, mises au point par les grands conciles œcuméniques du ive a
456
les résultantes des apports grecs, romains, juifs
et
chrétiens, bi- et multilatéralement antagonistes. L’Europe est le pro
457
s apports grecs, romains, juifs et chrétiens, bi-
et
multilatéralement antagonistes. L’Europe est le produit de ces antago
458
ogme de l’incarnation — c’est-à-dire du vrai Dieu
et
vrai homme à la fois — fondait toute la logique antinomique, dont l’u
459
ul Créateur — fondait ou refondait la dialectique
et
tout l’ensemble des institutions juridiques, éthiques et sociales qui
460
l’ensemble des institutions juridiques, éthiques
et
sociales qui découlent de l’idée de personne à la fois libre et respo
461
i découlent de l’idée de personne à la fois libre
et
responsable, distincte et reliée, unique et communautaire. Dans la co
462
ersonne à la fois libre et responsable, distincte
et
reliée, unique et communautaire. Dans la confusion générale, la séman
463
libre et responsable, distincte et reliée, unique
et
communautaire. Dans la confusion générale, la sémantique la plus foll
464
e les polémiques sur le principe de contradiction
et
le tiers exclus sans lesquelles les recherches nucléaires seraient de
465
aines options fondamentales : pour l’Orient l’âme
et
le pouvoir sur l’âme, pour l’Occident le corps, la psyché, le cosmos
466
e, pour l’Occident le corps, la psyché, le cosmos
et
les lois qu’y découvre l’esprit. L’erreur scientiste a consisté à cro
467
bien la Réalité en soi qu’étudiaient, mesuraient
et
formulaient les sciences physiques et naturelles. Nous commençons seu
468
mesuraient et formulaient les sciences physiques
et
naturelles. Nous commençons seulement à entrevoir la nature agonique,
469
mençons seulement à entrevoir la nature agonique,
et
non point rationnelle, de la recherche, de la création ou de la conna
470
scientifique. La complicité fondamentale du sujet
et
de l’anti-sujet affrontés, et leur interaction antinomique, nous appa
471
ndamentale du sujet et de l’anti-sujet affrontés,
et
leur interaction antinomique, nous apparaissent dans le détail très f
472
ciences, de la logique mathématique à la médecine
et
de la physique à la psychologie. Rien n’existe, au sens fort, en deho
473
rgétiques qui sont comme l’ombre l’une de l’autre
et
dont l’affrontement ou l’étreinte crée le jour et la nuit à la fois,
474
et dont l’affrontement ou l’étreinte crée le jour
et
la nuit à la fois, l’œuvre et le néant, l’actuel et le virtuel. Là-de
475
reinte crée le jour et la nuit à la fois, l’œuvre
et
le néant, l’actuel et le virtuel. Là-dessus, trois observations : 1)
476
la nuit à la fois, l’œuvre et le néant, l’actuel
et
le virtuel. Là-dessus, trois observations : 1) La nature dialectique
477
tôt de musique concrète ou de peinture abstraite,
et
les deux adjectifs sont évidemment faux : on pourrait aussi bien — ou
478
n — ou aussi mal — les interchanger, par exemple.
Et
de même les savants nous disent tantôt qu’ils découvrent ou qu’ils in
479
; deux descriptions apparemment contradictoires
et
notoirement insuffisantes d’un acte de l’esprit qui est pourtant bien
480
armonie préétablie, ou ce mariage de notre esprit
et
du cosmos pour le meilleur et pour le pire sans quoi nulle science ne
481
age de notre esprit et du cosmos pour le meilleur
et
pour le pire sans quoi nulle science ne serait possible. Cette même p
482
èmes qui ne l’apaiseront jamais, qui le consument
et
dont il vit. q. Rougemont Denis de, « Des conciles à la bombe atom
483
le christianisme a signifié la fin des religions
et
des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la sc
484
portunément, que la science est liée à l’attitude
et
à la dialectique fondamentale du christianisme. »
485
Suisse, Europe
et
neutralité (6 mars 1953)s La thèse que je voudrais défendre devant
486
e notre neutralité serait aujourd’hui sans objet,
et
nous devons donc l’éviter ; 2. La neutralité ne doit pas servir de pr
487
’il y ait lieu dans discuter dans le premier cas,
et
dans le second cas, comme une conséquence accessoire de notre entrée
488
frir cette renonciation ? Qui pourrait l’accepter
et
la reconnaître ? Quels en seraient les effets pratiques ? Dans l’état
489
effets pratiques ? Dans l’état présent des choses
et
de l’opinion publique, chez nous et dans les pays voisins, un tel ges
490
nt des choses et de l’opinion publique, chez nous
et
dans les pays voisins, un tel geste paraîtrait à la fois dénué de sag
491
n tel geste paraîtrait à la fois dénué de sagesse
et
d’efficacité. Il resterait gratuit, au pire sens de ce terme. On ne v
492
it sans cesse reposée depuis le fin de la guerre,
et
menace de devenir un sujet de discorde entre les Confédérés ? Cela ti
493
à la Suisse, qui sont l’impérialisme bolchévique
et
la construction de l’Europe, et à une troisième cause, intérieure cel
494
lisme bolchévique et la construction de l’Europe,
et
à une troisième cause, intérieure celle-là, qui est la manière dont l
495
es autres peuples. Le stalinisme est une doctrine
et
une pratique expressément anti-européennes, or vous êtes des Européen
496
vous ne pouvez pas rester neutres entre l’Europe
et
ses ennemis. À cela, je répondrai que le choix de notre peuple est fa
497
s restions neutres entre la démoratie occidentale
et
la dictature stalinienne, les Russes seraient les premiers à ne pas n
498
s entretenons la seule armée solide du continent,
et
que nous lui consacrons une proportion de notre budget national beauc
499
le faute de ceux qui s’en réclament à tout propos
et
hors de propos, pour refuser de faire face à la situation concrète de
500
de faire face à la situation concrète de l’Europe
et
de la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans de
501
’est pas nous qui opposons fédération de l’Europe
et
neutralité suisse, c’est eux. Et dès lors la neutralité devient un pr
502
tion de l’Europe et neutralité suisse, c’est eux.
Et
dès lors la neutralité devient un problème épineux. J’aborde ici la s
503
cune manière. Les prétextes allégués sont vagues,
et
leur sincérité pose des problèmes. Les vraies raisons de ces deux ref
504
, selon le vocabulaire des sociologues. La raison
et
le bon sens éclairé restent sans prises sur l’épaisse inertie de pare
505
ce que demandait Eisenhower pour toute l’Europe)
et
la nécessité technique, pour tout état-major, de se concerter avec le
506
ses estiment que notre constitution fédérale peut
et
doit servir de modèle pour une Europe fédérée, dans le respect des di
507
st pas sans valeur pour l’Europe en construction,
et
que la vraie question n’est pas d’européaniser la Suisse, mais plutôt
508
peut rester un statut politique utile à la Suisse
et
non nuisible à l’Europe, jusqu’au jour où l’Europe sera fédérée : à c
509
rité fondamentale, mais qu’une opinion somnolente
et
des magistrats aux vues courtes s’efforcent encore de ne pas regarder
510
nir. s. Rougemont Denis de, « Suisse, Europe
et
neutralité », L’Essor, Genève, 6 mars 1953, p. 4-5.
511
Unité
et
diversité de l’Europe (juin 1953)t Beaucoup pensent aujourd’hui qu
512
t, disent-ils, son unité spirituelle au Moyen Âge
et
elle avait atteint au début de ce siècle une espèce d’unité matériell
513
où trouver dans tout cela un dénominateur commun,
et
que venez-vous parler d’union, quand l’unité foncière a disparu ? Il
514
quand l’unité foncière a disparu ? Il serait fou,
et
il est impossible de fondre nos diversités de langues, de religions,
515
religions, de nationalités, de partis politiques
et
d’intérêts, dans une espèce d’espéranto totalitaire… Cette vision pes
516
faudrait distinguer entre nos divisions présentes
et
nos diversités traditionnelles. Les premières causent notre misère, e
517
ditionnelles. Les premières causent notre misère,
et
doivent être à tout prix surmontées ; les secondes ont produit nos vr
518
; les secondes ont produit nos vraies richesses,
et
la meilleure raison de nous fédérer, c’est que seule l’union fédérale
519
c’est que seule l’union fédérale peut les sauver
et
les garantir dans notre siècle. Mais d’où proviennent ces confusions
520
sprit totalitaire, nous a fait croire que l’unité
et
la diversité étaient des réalités contradictoires ; que nos divisions
521
; que nos divisions nationales étaient sacrées ;
et
qu’en conséquence l’union fédérale de nos pays, sauvegardant leurs di
522
pondre à ces sophismes par un exemple bien connu,
et
par un rappel à l’histoire. Logique ou non, la Suisse existe, réfutat
523
te de toutes les théories nationalo-totalitaires.
Et
l’histoire nous enseigne que le nationalisme, au sens précis et néfas
524
nous enseigne que le nationalisme, au sens précis
et
néfaste du terme, n’a sévi que pendant un siècle et demi sur les deux
525
néfaste du terme, n’a sévi que pendant un siècle
et
demi sur les deux-mille ans de notre ère. Le phénomène de la nation f
526
nations ? Les faits historiques les mieux établis
et
les plus faciles à vérifier dénoncent le peu d’importance réelle de n
527
gies de communion romaine, anglicane, luthérienne
et
même calviniste ont tous la même structure, à très peu de phrases prè
528
mieux mais dans le même sens éthique : dans l’un
et
l’autre cas, le langage est le même, il dérive de la théologie, fût-c
529
il dérive de la théologie, fût-ce à travers Hegel
et
Marx. De Kierkegaard à Heidegger, puis Sartre, les mêmes concepts, pr
530
e l’influence chrétienne, se groupent, s’opposent
et
se regroupent. Nos formes d’expression sont identiques, qu’il s’agiss
531
la vie sociale ou politique dérivent tous de Rome
et
de l’Église : au commencement furent la paroisse et la commune, total
532
de l’Église : au commencement furent la paroisse
et
la commune, totalement inconnues de l’Orient ; les synodes et le séna
533
e, totalement inconnues de l’Orient ; les synodes
et
le sénat, d’où viennent nos parlements. Rien ne se ressemble plus que
534
us « nationaux » par la science démodée de Herder
et
des romantiques mais dont la science actuelle tire au contraire ses m
535
puis à l’est, au cours des âges sans frontières.
Et
enfin, et surtout, ce que nous avons de commun, c’est une certaine pa
536
est, au cours des âges sans frontières. Et enfin,
et
surtout, ce que nous avons de commun, c’est une certaine passion de d
537
e différer, une certaine manière de dire « moi »,
et
de nous distinguer ainsi de la tribu ou du corps magique collectif. D
538
e avec le citoyen, consacrée par l’Église romaine
et
la Réforme avec leur notion de la personne, cette manière de se croir
539
notion de la personne, cette manière de se croire
et
de se sentir unique, caractérise l’homo europæus, quelle que soit d’a
540
uropæus, quelle que soit d’ailleurs sa naissance,
et
le rend différent de l’Hindou qui est d’une caste, de l’Africain qui
541
lectivité. Comparées à la communauté fondamentale
et
millénaire de nos structures de pensées, de nos formes d’expression e
542
structures de pensées, de nos formes d’expression
et
de nos types d’organisation sociale et politique, nos divisions prése
543
expression et de nos types d’organisation sociale
et
politique, nos divisions présentes perdent leur profondeur et se révè
544
, nos divisions présentes perdent leur profondeur
et
se révèlent éphémères. Au contraire, nos diversités redeviennent alor
545
mises (« Il y a plusieurs demeures… »), protégées
et
aimées en tant que vocations. Et c’est à leur dialogue, parfois à leu
546
s… »), protégées et aimées en tant que vocations.
Et
c’est à leur dialogue, parfois à leurs conflits, que l’Occident doit
547
gagé sur les faits, sur les diversités vivantes,
et
qui freine l’union nécessaire. Qu’un tel nationalisme survive à ses r
548
qu’il ait cessé de nuire. Les écrivains — poètes
et
philosophes — qui ont tant fait pour le fomenter au début du xixe si
549
en délivrer. Entre l’agoraphobie du nationalisme
et
la claustrophobie du cosmopolitisme, il y a place pour un réalisme.
550
ur un réalisme. t. Rougemont Denis de, « Unité
et
diversité de l’Europe », Pax Romana, Paris, juin 1953, p. 1.
551
Prusse. Je suis donc né à mi-chemin entre France
et
Allemagne, avec beaucoup d’ancêtres français et quelques allemands. Q
552
e et Allemagne, avec beaucoup d’ancêtres français
et
quelques allemands. Quand je me suis mis à voyager pendant mes études
553
a fin de mes études, j’ai longuement habité Paris
et
la France, et c’est pendant cette période que j’ai écrit la plupart d
554
tudes, j’ai longuement habité Paris et la France,
et
c’est pendant cette période que j’ai écrit la plupart de mes livres,
555
rticipé au lancement des revues L’Ordre nouveau
et
Esprit et des groupes personnalistes dont elles étaient les deux fo
556
ancement des revues L’Ordre nouveau et Esprit
et
des groupes personnalistes dont elles étaient les deux foyers. C’étai
557
où Kierkegaard commençait à être connu en France,
et
j’avais coutume de l’opposer à Hegel, préférant, en philosophie comme
558
nt, en philosophie comme en politique, la tension
et
le drame au système et à la synthèse. En 1938, j’ai publié mon Journ
559
e en politique, la tension et le drame au système
et
à la synthèse. En 1938, j’ai publié mon Journal d’Allemagne , à la f
560
ntifédéraliste. Mobilisé pendant un an en Suisse,
et
dans un pays entièrement cerné par les nazis et les fascistes, j’ai p
561
, et dans un pays entièrement cerné par les nazis
et
les fascistes, j’ai publié un ouvrage intitulé Mission ou démission
562
rine, ou pour mieux dire, l’attitude fédéraliste,
et
la nécessité d’une union européenne. C’est donc bien en tant que fédé
563
sur le parallélisme entre les doctrines jacobines
et
hitlériennes, cours qui provoqua des mouvements divers parmi les étud
564
tudiants, dont plusieurs étaient en uniforme noir
et
brun. Du jacobinisme est sorti Napoléon et des guerres de Napoléon le
565
e noir et brun. Du jacobinisme est sorti Napoléon
et
des guerres de Napoléon le nationalisme de tout un siècle. Napoléon v
566
, mais comme Hitler : il voulait un État européen
et
non l’Europe réelle. Il voulait nommer des préfets… L’état d’esprit j
567
tat d’esprit jacobin, centralisateur, unificateur
et
nécessairement totalitaire est le pire ennemi de l’Europe fédérée, do
568
pire ennemi de l’Europe fédérée, dont la richesse
et
la créativité naissent de la diversité. Mais si l’on insiste trop sur
569
trop sur nos diversités, que devient notre unité
et
dans quoi peut-on la fonder ? Précisément, dans notre passion de diff
570
livre qui sera intitulé : Le Sens de nos vies x,
et
dans lequel j’esquisse une histoire de l’homme européen, ou plutôt de
571
. C’est là une notion essentiellement européenne,
et
que nous avons eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jam
572
sses font tout ce qu’ils peuvent pour l’interdire
et
la détruire, et peut-être commence-t-elle à se déprimer en Amérique.
573
e qu’ils peuvent pour l’interdire et la détruire,
et
peut-être commence-t-elle à se déprimer en Amérique. Elle reste la so
574
itable Européen, c’est l’individu à la fois libre
et
responsable, à la fois autonome et engagé, celui que j’appelle la per
575
la fois libre et responsable, à la fois autonome
et
engagé, celui que j’appelle la personne. (Cette formule a été reprise
576
lui. L’engagement, c’était pour Mounier, Dandieu,
et
moi-même, bien autre chose que l’entrée dans un parti !) D’où notre c
577
vocation qui, à la fois, le distingue de la tribu
et
le relie à son prochain, voilà la personne. On l’a dit : pour l’indiv
578
érie de conférences. De là, j’ai été en Argentine
et
, à mon retour à New York, en novembre 1941, les États-Unis sont entré
579
site de Raymond Silva, que je ne connaissais pas,
et
qui, sans préambule, me demanda d’ouvrir par un discours le premier c
580
: « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de 1939
et
1940 : c’est exactement ce que notre congrès attend. » Ainsi fut fait
581
l’idée européenne par ma naissance, ma curiosité
et
mes voyages au temps de mes études, mon évolution philosophique et mê
582
temps de mes études, mon évolution philosophique
et
même théologique, enfin par une double prise de conscience historique
583
ens, on méconnaît à la fois la faiblesse présente
et
les forces virtuelles de l’Europe. Nehru, énumérant les puissances qu
584
itait, l’autre jour, l’Amérique, l’URSS, la Chine
et
l’Inde. Il oubliait simplement l’Europe ! Cette Europe qui voit se re
585
ner contre elle le nationalisme qu’elle a inventé
et
dont elle a infecté les autres continents. C’est à nous de trouver le
586
l’union politique qui se poursuivent à Strasbourg
et
à Luxembourg ? Naturellement. Je suis aussi pour la fédération des Si
587
fédération des Six. Il est conforme à la doctrine
et
surtout à la pratique fédéraliste de commencer par des petites réalis
588
. Le fédéralisme est antisystématique, empirique,
et
seul réaliste. En tant que Suisse, ne regrettez-vous pas que votre pa
589
hésion sera la preuve que la fédération est ferme
et
solide. Et ce sera aussi l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mis
590
la preuve que la fédération est ferme et solide.
Et
ce sera aussi l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mission de la
591
parfaitement notre isolationnisme un peu mesquin
et
la grandeur de l’idée fédéraliste que nous avons réalisée en petit, e
592
dée fédéraliste que nous avons réalisée en petit,
et
presque sans nous en rendre compte. Voici le premier : Le Suisse tra
593
pte. Voici le premier : Le Suisse trait sa vache
et
vit paisiblement. Et voici le second : La Suisse dans l’histoire au
594
: Le Suisse trait sa vache et vit paisiblement.
Et
voici le second : La Suisse dans l’histoire aura le dernier mot. Sa
595
n juin 1952. L’Aventure occidentale de l’homme ,
et
Lettre ouverte aux Européens approfondiront cette question.
596
il est quotidiennement répété par leurs disciples
et
cité comme allant de soi par ceux qui vivent de l’écho. Les bien-pens
597
s affectée par une polémique locale dans le temps
et
dans l’espace. Mais l’inconséquence n’est pas moindre dans le camp, d
598
les effets sur la psychologie moderne, la culture
et
la société. Mais a-t-on jamais demandé à ceux qui disent que Dieu est
599
édiate après-guerre, sur la nouveauté du message,
et
sur son objectivité. Ils prétendent annoncer une nouvelle, la mauvais
600
nc contraints d’examiner premièrement les sources
et
, secondement, la crédibilité de l’information. Je ne discuterai pas l
601
hrase : Nietzsche est un cas suffisamment connu7.
Et
, d’ailleurs, il a partiellement démenti son message en écrivant un jo
602
ne porte pas, bien entendu, sur l’essence de Dieu
et
du diable, mais sur leur existence qui, selon lui, diminuerait ou sup
603
, la valeur morale suprême est la responsabilité,
et
que cette valeur morale est plus importante que tout, puisqu’en son n
604
stion d’existence réelle. Il ne faut pas que Dieu
et
le diable existent, car alors la responsabilité de l’homme en pâtirai
605
it pour que Sartre décrète que Dieu n’existe pas,
et
bien plus, qu’il est mort. D’où peut lui venir cette passion de la re
606
responsabilité ? D’une volonté d’affirmer l’homme
et
ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’une manière analogue que Malr
607
’affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il.
Et
c’est d’une manière analogue que Malraux et Jaspers interprètent ici
608
t-il. Et c’est d’une manière analogue que Malraux
et
Jaspers interprètent ici le cri de Nietzsche : comme une proclamation
609
nd pas le mot « responsable » au sens authentique
et
littéral de « capable de répondre » (de ses actes et pensées devant D
610
littéral de « capable de répondre » (de ses actes
et
pensées devant Dieu ou devant autrui), mais au sens de « capable de d
611
u sens de « capable de décider » (de ce qu’on est
et
sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’aventurier
612
mais à celui d’aventurier qui assume ses risques
et
périls et qui les choisit souverainement ; non pas au sens de créatur
613
lui d’aventurier qui assume ses risques et périls
et
qui les choisit souverainement ; non pas au sens de créature, mais bi
614
sienne d’abord (« Je vais me faire à mon idée »)
et
par suite celle d’autrui (« L’enfer, c’est les autres »). Il n’en mar
615
prônait, mais rendait par ailleurs impraticable —
et
dans le fait impratiqué. On sait que Sartre vient de joindre le camp
616
cessé d’exister, d’aider l’homme ou de le juger.
Et
dans le fait, numériquement, il n’y a jamais eu dans l’Histoire autan
617
Cf. les statistiques du christianisme, de l’islam
et
de bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons maintenant l
618
nietzschéenne, soit anticléricale, littéralement
et
logiquement, la phrase « Dieu est mort » est un non-sens. Car où bien
619
non-sens. Car où bien « Dieu » ne signifie rien —
et
dans ce cas il ne peut pas mourir ; ou bien il signifie la Vie, l’Éte
620
rnité, le Total, l’Être en soi, l’Inconnaissable,
et
, dans ce cas, dire qu’il est mort, revient à faire du bruit avec la b
621
roduit, à un certain moment précis, dans le temps
et
dans l’espace (mais où et quand ?), un événement cosmique sans précéd
622
t précis, dans le temps et dans l’espace (mais où
et
quand ?), un événement cosmique sans précédent, « un événement concer
623
le fait que le Dieu du christianisme, du judaïsme
et
de l’islam, le Dieu qui s’intéresse à chaque homme (et même à chaque
624
l’islam, le Dieu qui s’intéresse à chaque homme (
et
même à chaque passereau dit l’Évangile), et cela dans le détail intim
625
omme (et même à chaque passereau dit l’Évangile),
et
cela dans le détail intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards d
626
ou pauvres types essayant de s’en tirer, ont prié
et
prient encore pour qu’il les assiste individuellement dans leurs gran
627
l les assiste individuellement dans leurs grandes
et
petites épreuves, le Dieu personnel en un mot, omniscient et omniprés
628
épreuves, le Dieu personnel en un mot, omniscient
et
omniprésent apparaît à beaucoup de nos contemporains comme aussi incr
629
ucoup de nos contemporains comme aussi incroyable
et
absurde que toutes les absurdités que je viens d’énumérer. À vrai dir
630
ment explicable. Un Dieu personnel est incroyable
et
absurde, en effet, dans une vue statistique du monde et pour l’imagin
631
urde, en effet, dans une vue statistique du monde
et
pour l’imagination aujourd’hui courante du cosmos. Question d’échelle
632
space-temps d’un univers à l’expansion indéfinie…
Et
compter les cheveux de sa tête ! Mais à l’inverse, le Dieu personnel
633
omme, vers un homme bien déterminé, vers « moi »,
et
le voit de plus en plus près, dans le secret de son cœur, dans le noy
634
esprit. « Dieu sensible au cœur », disait Pascal.
Et
de même, l’énergie fondamentale ne peut être décelée et étudiée que d
635
même, l’énergie fondamentale ne peut être décelée
et
étudiée que dans le noyau de l’atome, dans ce cœur du réel physique.
636
e dans nos préoccupations politiques, économiques
et
sociales. Puisqu’il n’est sensible qu’au cœur, c’est-à-dire au plus i
637
-à-dire au plus intime d’une personne bien réelle
et
distincte. Il est donc normal que le Dieu personnel reste l’Absurde,
638
la transformation de l’énergie que dans l’infime,
et
comme l’amour nulle part ailleurs que dans un cœur. 7. Voir le bref
639
part ailleurs que dans un cœur. 7. Voir le bref
et
admirable ouvrage de Karl Jaspers : Nietzsche et le christianisme. 8
640
et admirable ouvrage de Karl Jaspers : Nietzsche
et
le christianisme. 8. Car Dieu, même si quelqu’un croit qu’il n’est p
641
ne le croit. Ce ne sont pas seulement des palaces
et
quelques belles villas qu’« occupent » les Asiatiques. C’est de l’att
642
t de l’attention mondiale qu’ils se sont emparés,
et
du jeu politique, et de l’initiative, et du calendrier de nos propres
643
iale qu’ils se sont emparés, et du jeu politique,
et
de l’initiative, et du calendrier de nos propres décisions, nous déto
644
emparés, et du jeu politique, et de l’initiative,
et
du calendrier de nos propres décisions, nous détournant ainsi du vrai
645
ainsi du vrai problème, des vrais périls urgents
et
de leur solution pour le salut de l’Occident. Même si la conférence d
646
la conférence de Berlin avait unifié l’Allemagne
et
libéré l’Autriche, ces décisions ne pouvaient écarter les menaces qui
647
ble du continent, les impératifs de son économie,
et
cette grande nostalgie de l’homme occidental, beaucoup plus que la pa
648
nde un sens à sa vie, une direction à son espoir…
Et
cependant, si les rencontres de Berlin se sont soldées par un échec s
649
rtion des forces au sein des Six, entre la France
et
l’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43 et 48 millions d’habitan
650
e et l’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43
et
48 millions d’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’un blo
651
place, dans une conception sainement géographique
et
matérialiste du monde, Retenons, de ces divagations, un fait curieux
652
tenter de l’écraser par une surenchère insensée.
Et
surtout soulignons d’autant plus fortement que la presse a manqué de
653
ation avec Moscou. Non point que le projet de CED
et
le projet de fédération qui est sa vraie base aient jamais été consid
654
comme monnaie d’échange éventuelle — MM. Bidault
et
Eden l’ont précisé — mais ce sont ces projets qui ont mis l’Occident
655
fixer la France d’abord, puis la Grande-Bretagne
et
les États-Unis, sur l’imbroglio des guerres locales d’Extrême-Orient,
656
t. Le monde entier verra nos défaites militaires,
et
l’insolence des envoyés de l’Asie rouge distribuant à nos hommes d’Ét
657
ue dans les dénonciations que récitent les Russes
et
leurs satellites en Asie. Mais le colonialisme soviétique, lui, nous
658
ant : il a déjà conquis nos six nations de l’Est,
et
quatre nations en Asie. Il baptise « paix » cette conquête par la for
659
. Il baptise « paix » cette conquête par la force
et
« provocation belliciste » toute tentative de résistance à son empris
660
isque celle-ci serait ouverte à l’expansion russe
et
chinoise. Mais assurer la paix définitive entre la France et l’Allema
661
. Mais assurer la paix définitive entre la France
et
l’Allemagne par le moyen de leur fédération, ce serait agir en « bell
662
s. Sous la double poussée de la révolte asiatique
et
du colonialisme soviétique, une Europe persistant à rester désunie do
663
rapidement périr par asphyxie à la fois physique
et
morale. Marchés perdus, positions atlantiques perdues, prestige perdu
664
restige perdu : par suite, dynamisme intellectuel
et
spirituel déprimé, repliement sur une misère et des rancunes croissan
665
l et spirituel déprimé, repliement sur une misère
et
des rancunes croissantes ; par suite, l’invasion irrésistible de la p
666
vasion irrésistible de la propagande totalitaire,
et
démission finale entre les mains d’une petit groupe d’« apaiseurs »,
667
x Russes une puissance qui les tienne en respect.
Et
tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprendre que son élan irrépressib
668
ent ! L’Asie, donc, doit vouloir autant que nous,
et
autant que l’Amérique, l’Europe unie. Mais l’Europe ne sera pas unie
669
si le parlement français repousse demain la CED,
et
avec elle ses suites et ses implications, la Communauté politique et
670
s repousse demain la CED, et avec elle ses suites
et
ses implications, la Communauté politique et son élargissement rapide
671
ites et ses implications, la Communauté politique
et
son élargissement rapide de toute l’Europe. L’enchaînement de ces fai
672
nt de ces faits laisse peu de jeu à l’imagination
et
aux surprises. Une remarque finale résumera ma pensée : Si la CED éta
673
e brutalement les discussions de « préalables » »
et
de garanties à obtenir sur le papier contre une Allemagne d’après-dem
674
l’Asie », Jeune Europe, Paris, 1 juin 1954, p. 1
et
8.
675
La CED, ses mythes
et
sa réalité (12 août 1954)z La Communauté européenne de défense n’e
676
arle depuis deux ans, sur lequel tous les députés
et
journalistes européens ont pris position en public ou dans le secret
677
ordinaire. Or il se trouve que le sort du traité,
et
par suite le sort de l’Europe, dépend en fait des députés français, a
678
pratiquement désarmée, à l’exception de la Suisse
et
de la Suède. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est dire que l’Euro
679
ngagés en Corée, les Américains trouvaient lourde
et
coûteuse la tâche de protéger l’Europe. Ils souhaitaient que nous les
680
s souhaitaient que nous les aidions à nous aider.
Et
pourquoi, disaient-ils, les Allemands, qui sont les premiers menacés,
681
les premiers menacés, n’auraient-ils pas le droit
et
le devoir de reconstituer une armée ? — Les Hollandais, les Belges, e
682
stituer une armée ? — Les Hollandais, les Belges,
et
surtout les Français, pensaient différemment, et cela se comprend. Un
683
et surtout les Français, pensaient différemment,
et
cela se comprend. Une Wehrmacht autonome, renaissant de ses cendres,
684
pe sans le concours d’un de ses plus grands pays,
et
de celui qui se trouvait en première ligne ? C’est pour tenter de rés
685
emands, tout en assurant la défense de l’Europe —
et
enfin pour hâter l’indispensable union de nos pays, la France imagina
686
s six pays déjà liés par la Communauté du charbon
et
de l’acier, plus connue sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité
687
. C’est ce traité qu’ont déjà ratifié la Hollande
et
le Luxembourg, puis l’Allemagne et enfin la Belgique. L’Italie le vot
688
ié la Hollande et le Luxembourg, puis l’Allemagne
et
enfin la Belgique. L’Italie le votera sans nul doute d’ici peu. La Fr
689
ient des institutions communes, des forces armées
et
un budget commun. Ils prévoient aussi qu’aucun État membre ne recrute
690
rs de celles que nécessitent la police intérieure
et
la protection des colonies. — Mais jusqu’où s’étend, pratiquement, ce
691
ays ? S’agit-il de mélanger les soldats allemands
et
français dans des compagnies commandées par des caporaux belges et de
692
des compagnies commandées par des caporaux belges
et
des officiers italiens ? Ceux qui l’ont dit et imprimé ont simplement
693
es et des officiers italiens ? Ceux qui l’ont dit
et
imprimé ont simplement donné la preuve qu’ils n’avaient jamais lu le
694
ement nationales seront groupées en corps d’armée
et
placées à la disposition d’un état-major général, qui, lui, sera euro
695
néral, qui, lui, sera européen par sa composition
et
sa nomination. Si la CED est acceptée demain, que se passera-t-il don
696
s choses, dont la première seulement sera visible
et
sensible au grand public. Les troupes des six pays porteront le même
697
ues détails près ?) Les généraux de corps d’armée
et
d’armée pourront être choisis dans n’importe lequel des pays membres.
698
ières guerres.) Enfin, les méthodes d’instruction
et
la production des armements seront standardisées. (D’où un considérab
699
n considérable allègement des budgets militaires,
et
une efficacité technique accrue.) Il s’agit donc, en fin de compte, d
700
tère européen de la Défense ; une Cour de justice
et
une Assemblée parlementaire, qui existent déjà : ce seraient en effet
701
qui existent déjà : ce seraient en effet la Cour
et
l’Assemblée du plan Schuman. Voilà donc amplement assurés le contrôle
702
Voilà donc amplement assurés le contrôle national
et
le contrôle démocratique de l’Armée commune. La procédure prévue pour
703
commune. La procédure prévue pour la mobilisation
et
l’entrée en campagne est telle (majorité des deux tiers ou unanimité
704
ne pourra donc servir qu’à des tâches strictement
et
purement défensives — en cela comparable à l’armée suisse. Argumen
705
la comparable à l’armée suisse. Arguments pour
et
contre la CED Comment expliquer, dans ces conditions, la violence
706
. Or, le cas est dûment prévu par les articles 10
et
suivants, autorisant un État membre à détacher de son contingent les
707
ne ». Cette confusion égare beaucoup de lecteurs,
et
tend à leur faire croire le contraire de ce qui est. Nous avons vu qu
708
uée, mais alors sans contrôle possible. J’entends
et
lis aussi des phrases de ce genre : « Ce traité désastreux va supprim
709
Il est clair, en effet, que les unités allemandes
et
les unités françaises auront le même statut, dans la même armée, sur
710
redoutent « la perte de la souveraineté française
et
la restitution de ses droits égaux à l’Allemagne ». En fait, le trait
711
l’Europe la volonté américaine ». La vérité sobre
et
limpide, c’est que si l’Europe ne se donne pas elle-même les moyens d
712
éfense, c’est-à-dire si elle refuse la CED, alors
et
dans ce cas précisément, elle tombera sous la dépendance des USA ; et
713
sément, elle tombera sous la dépendance des USA ;
et
cela malgré elle et malgré eux, par une nécessité inéluctable. Qui
714
sous la dépendance des USA ; et cela malgré elle
et
malgré eux, par une nécessité inéluctable. Qui est pour ? qui est
715
qui est contre ? Après deux ans de discussions
et
à la veille des décisions finales, la répartition des adversaires et
716
décisions finales, la répartition des adversaires
et
des partisans de la CED apparaît facile à décrire. On peut même la pr
717
e. On peut même la prévoir selon l’âge, le parti,
et
surtout la psychologie des interlocuteurs. La CED a coalisé contre el
718
ires du communisme, du nationalisme traditionnel,
et
de certains intérêts privés, calculant à court terme. Les communistes
719
une Europe soviétisée. L’Europe unie serait forte
et
leur résisterait. Ils veulent donc une Europe divisée. Or, ce qui nou
720
, c’est le nationalisme : il faut donc le flatter
et
raviver les haines provoquées par les guerres qu’il a lui-même causée
721
es âgées qui vivent encore de souvenirs glorieux,
et
de rancunes qui parfois le sont moins, entretiennent l’illusion touch
722
me, la raison, la volonté de sauver nos libertés,
et
la jeunesse. Certes, on peut se demander s’il est bien sûr que la CED
723
ien sûr que la CED telle qu’elle est, si prudente
et
respectueuse des droits de chacun des États membres, suffira pour not
724
ans, ne vise qu’à retarder la décision française.
Et
même en admettant qu’un Molotov se trompe, qu’il surestime la CED, co
725
d’une Europe fédérée, gage de paix pour le monde
et
de prospérité pour tout un continent — dont la Suisse est le cœur.
726
. z. Rougemont Denis de, « La CED, ses mythes
et
sa réalité », L’Illustré, Lausanne, 12 août 1954, p. 19.
727
Fédéralisme
et
nationalisme (septembre-octobre 1954)aa Parler fédéralisme sur un
728
les principes au nom desquels on le juge néfaste,
et
les maximes de l’action qui permettra de le surmonter. I. Naissance
729
ion qui permettra de le surmonter. I. Naissance
et
prolifération du nationalisme Goethe, assistant à la bataille de V
730
ouvelle communauté non de naissance mais d’avenir
et
de volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas le fait du peuple to
731
le fait du peuple tout entier, mais d’un parti ;
et
ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du pays, la premi
732
écraser les opposants, car la nation est religion
et
les religions ne transigent pas. L’État se voit donc contraint de ren
733
ice, de centraliser tous les éléments du pouvoir,
et
de transformer la justice en instrument de l’idéologie, le tout au no
734
ême répression la réaction qui veut le renverser,
et
les diversités locales ou spirituelles qui demanderaient seulement de
735
’État idéologique, né d’une révolution sanglante,
et
qui se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom de tous con
736
re les mains de l’État un instrument d’oppression
et
de guerre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir un instrument
737
uite, parce que la collusion de l’État centralisé
et
de la nation missionnaire produit comme résultante fatale l’impériali
738
produit comme résultante fatale l’impérialisme :
et
voici la France napoléonienne. L’idéologie de la nation est par essen
739
s foyers », l’instinct patriotique est mis en jeu
et
bientôt il se voit réquisitionné et mobilisé par l’État : nous assist
740
st mis en jeu et bientôt il se voit réquisitionné
et
mobilisé par l’État : nous assistons à la première en date de toutes
741
par les soldats « libérateurs » de la Révolution
et
de l’Empire, loin de faire triompher dans toute l’Europe l’idéologie
742
s jacobins, va susciter des nationalismes rivaux.
Et
c’est dans le pays qui aura subi le plus durement l’agression napoléo
743
t son esprit national. » (On voit donc que nation
et
Patrie diffèrent pour lui comme esprit et nature.) Cet esprit nationa
744
nation et Patrie diffèrent pour lui comme esprit
et
nature.) Cet esprit national est « un dans la marche de l’Histoire ».
745
ant, donc par la guerre), puis fatalement décline
et
meurt. « Chaque peuple mûrit un fruit ; son activité consiste à accom
746
teinte, il n’a plus rien à faire dans le monde. »
Et
encore : « À chaque époque domine le peuple qui incarne le plus haut
747
x, de « végéter », précise Hegel, dans le bonheur
et
sans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l’idée de vocat
748
ui-même confisqué par un Corse — patriote humilié
et
récemment conquis —, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci o
749
our la Prusse, l’idée de l’État définie par Hegel
et
Fichte. Pour l’Angleterre, la maîtrise des mers. Pour la Russie, un m
750
s notre siècle, la Norvège, la Turquie, l’Irlande
et
Israël se livrer au jeu pénible de restaurer artificiellement leur «
751
roche du vrai patriotisme, mais tout aussi jaloux
et
même hargneux que celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts d
752
maîtres », le « Herrenvolk », le « prolétariat »
et
sa dictature… Hegel avait vu juste, objectivement parlant. À partir d
753
. On parlera beaucoup de « concert des nations »,
et
de « droit international », mais il est clair que ces États-nations-I
754
t tout ordre international impossible en principe
et
par définition, puisqu’ils n’acceptent aucune instance supérieure à l
755
ent aucune instance supérieure à leurs « droits »
et
limitant leur « absolue souveraineté ». Pendant cent ans, l’Europe qu
756
absurdité a-t-elle pu triompher pendant un siècle
et
plus ? En singeant la religion et son enseignement, en devenant elle-
757
ndant un siècle et plus ? En singeant la religion
et
son enseignement, en devenant elle-même une source de « sacré ». L’Ai
758
source de « sacré ». L’Aigle, les Trois Couleurs
et
le Petit Chapeau jouent au début le rôle du labarum, du crucifix et d
759
u jouent au début le rôle du labarum, du crucifix
et
de la mitre. Les cérémonies viendront plus tard, avec les monuments a
760
viendront plus tard, avec les monuments aux Morts
et
le culte du Soldat inconnu. Pour la piété et la morale nouvelle, les
761
orts et le culte du Soldat inconnu. Pour la piété
et
la morale nouvelle, les poètes populaires et l’instruction publique o
762
iété et la morale nouvelle, les poètes populaires
et
l’instruction publique obligatoire se chargeront d’en rédiger les hym
763
obligatoire se chargeront d’en rédiger les hymnes
et
le catéchisme. Cette religion nationale, que l’on a comparée très jus
764
la nation dans laquelle catholiques, protestants
et
agnostiques « oubliant ce qui les divise » doivent se sentir « França
765
t national. On n’y voit qu’une manière de parler…
Et
cependant cet esprit national est un dieu bien réel, et que l’on croi
766
endant cet esprit national est un dieu bien réel,
et
que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger le sacrifice de la vie
767
change de nos vies ? Une certaine communion vague
et
puissante, qui permet à l’individu de dépasser son horizon restreint,
768
ranchir de ses soucis privés (en temps de guerre)
et
de se sentir comme transporté dans une espèce de transcendance. À vra
769
e ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité,
et
jusqu’aux vantardises les plus stupides deviennent licites et honorab
770
vantardises les plus stupides deviennent licites
et
honorables, dès qu’on les met au compte de la nation où l’on a pris l
771
est manifeste qu’elle est spirituellement indigne
et
matériellement incapable : celui de la souveraineté sans limites, par
772
ions essentielles — entre la souveraineté absolue
et
l’ordre européen, entre l’État-nation et la liberté, entre la religio
773
absolue et l’ordre européen, entre l’État-nation
et
la liberté, entre la religion nationale et la foi chrétienne, entre l
774
nation et la liberté, entre la religion nationale
et
la foi chrétienne, entre la nation et la paix — ont éclaté en 1914. E
775
n nationale et la foi chrétienne, entre la nation
et
la paix — ont éclaté en 1914. Et l’Europe depuis lors se trouve devan
776
entre la nation et la paix — ont éclaté en 1914.
Et
l’Europe depuis lors se trouve devant ce choix, dont nous devons la r
777
fédéraliste, qui traduit seule notre réalité une
et
diverse, et cela suppose briser le carcan de l’État-nation, recréer d
778
, qui traduit seule notre réalité une et diverse,
et
cela suppose briser le carcan de l’État-nation, recréer des pouvoirs
779
au bout de la logique instituée par les jacobins,
et
soumettre alors toute l’Europe à une nation unique, totalitaire, assu
780
des personnes ses prétentions d’Église sans Dieu,
et
réclamant non seulement la mort en masse mais la totalité de la vie d
781
s du nationalisme choisis parmi les plus typiques
et
les plus vivants encore dans nos esprits, ou tout au moins dans nos r
782
es adversaires du traité confondaient sincèrement
et
réellement les concepts de patrie réelle, de nation et de souverainet
783
ellement les concepts de patrie réelle, de nation
et
de souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennellement que
784
taire. À ses yeux donc, une France non absolument
et
totalement souveraine n’était plus la France. La seule évocation d’un
785
s à l’État. La souveraineté absolue n’existe pas,
et
cependant la France existe bel et bien. On a défini la souveraineté c
786
e n’existe pas, et cependant la France existe bel
et
bien. On a défini la souveraineté comme « la faculté pour un État d’a
787
tances réelles du siècle, techniques, économiques
et
politiques. Il en résulte que la souveraineté nationale, vis-à-vis de
788
stence que celle d’une illusion pseudo-religieuse
et
obsessive. Où la voit-on à l’œuvre ? Non pas dans les faits, mais seu
789
évidences. Refoulée du domaine des forces réelles
et
des pouvoirs concrets, elle est devenue le réceptacle où se recueille
790
gies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes
et
préjugés hérités d’une Histoire faussée par l’école, agressivité frus
791
stoire faussée par l’école, agressivité frustrée,
et
surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractè
792
de s’adapter aux réalités changeantes du siècle,
et
même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres le
793
lousie d’Othello. D’où enfin, l’extrême confusion
et
les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur
794
on établie entre « Patrie », « État », « Nation »
et
« Langue ». La Patrie, pour le fédéraliste, est une réalité d’instin
795
, pour le fédéraliste, est une réalité d’instinct
et
de sentiment, un fait de naissance, comme le mot l’indique, une impla
796
t l’indique, une implantation géophysique, locale
et
peu extensible. La Nation, au contraire, est une réalité idéale ou id
797
Ensuite, l’État est une structure administrative
et
politique, artificielle par définition, rarement influencée et jamais
798
artificielle par définition, rarement influencée
et
jamais déterminée par la nature de la patrie concrète, encore moins p
799
à peu près la même de nos jours dans les patries
et
les nations les plus diverses. D’autre part, l’État n’entretient avec
800
ient avec la nation que les rapports d’usurpation
et
de confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la Langue, elle ne
801
nt à la Langue, elle ne correspond historiquement
et
géographiquement ni à la Patrie, ni à la Nation, ni à l’État. Ces évi
802
eurs chapitres des traités de Versailles, Trianon
et
Saint-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle sert de prétexte au pr
803
réfuter cette confusion séculaire, la ridiculiser
et
l’extirper de l’enseignement, voilà qui me paraît l’une des toutes pr
804
ontières administratives, patries locales, nation
et
langue, il a voulu imposer ce carcan aux réalités économiques. C’est
805
ensée de la volonté d’isolement à la fois anxieux
et
agressif que représente l’État-nation. Nulle part, l’État ne trahit m
806
es hommes soit sacrifié à la puissance de l’État,
et
leurs libertés concrètes à sa liberté abstraite, qu’il nomme indépend
807
e nationalisme a réussi à faire croire aux masses
et
aux élites modernes que l’indépendance nationale est la suprême valeu
808
puisqu’en fait on lui sacrifie la santé d’un pays
et
son niveau de vie, la liberté économique et la justice elle-même. « B
809
pays et son niveau de vie, la liberté économique
et
la justice elle-même. « Buy british ! », « Achetez français ! ». Cela
810
chetez français ! ». Cela rend un son patriotique
et
vertueux (au sens jacobin). C’est pratiquement idiot, mais on ne s’en
811
arcie économique est irréalisable au xxe siècle,
et
n’existe pas, même en URSS. Tout comme la souveraineté absolue, elle
812
te à refuser toute mesure réaliste de coopération
et
à autoriser les tricheries les plus effrontées dans le domaine commer
813
es les plus effrontées dans le domaine commercial
et
financier : tarifs douaniers arbitraires, industries parasites protég
814
s protégées, cours forcés des devises, inflations
et
dévaluations, et autres formes légalisées mais non moins démoralisant
815
s forcés des devises, inflations et dévaluations,
et
autres formes légalisées mais non moins démoralisantes du vol à main
816
ères, mais l’instruction publique a changé cela. (
Et
l’Université, en dépit de son nom, a pareillement abdiqué devant l’Ét
817
nsez allemand, ou même suisse). Les encyclopédies
et
les revues parlent couramment de « science française », de « science
818
on parlait également de mathématiques allemandes,
et
sous Staline, d’une biologie marxiste. Ces excès doivent nous rendre
819
les sciences aussi bien que les lettres, les arts
et
la philosophie, pourquoi n’y aurait-il pas une biologie soviétique et
820
ourquoi n’y aurait-il pas une biologie soviétique
et
une algèbre allemande ? Ce que l’on donne au nationalisme, chez nous,
821
e, à l’administration, à la langue, à l’économie,
et
à la culture, nous jette donc finalement en plein délire totalitaire,
822
itaire, seul achèvement possible du nationalisme.
Et
ceci nous permet, par contraste, de décrire l’attitude fédéraliste co
823
te comme un simple retour au respect des libertés
et
des réalités, comme une référence au bon sens. III. Deux modes de
824
notre Europe du xxe siècle, deux types d’esprit
et
de sensibilité politique : les nationalistes (dont les plus conséquen
825
ont les plus conséquents se nomment totalitaires)
et
les fédéralistes. Quelles ont été les manifestations que l’on peut ra
826
ique qui ait survécu au raz-de-marée rationaliste
et
jacobin ; et aussi l’agent principal de l’expansion européenne. Ce so
827
survécu au raz-de-marée rationaliste et jacobin ;
et
aussi l’agent principal de l’expansion européenne. Ce sont en effet l
828
n européenne. Ce sont en effet les États-nations,
et
non pas l’Europe comme telle, qui ont conquis des débouchés à nos pro
829
nt conquis des débouchés à nos produits matériels
et
culturels, en Asie et en Afrique, par le moyen du colonialisme. Mais
830
és à nos produits matériels et culturels, en Asie
et
en Afrique, par le moyen du colonialisme. Mais dans le même temps qu’
831
z les peuples lointains qu’il venait de coloniser
et
d’humilier, il suscitait un esprit de révolte et d’« indépendance nat
832
et d’humilier, il suscitait un esprit de révolte
et
d’« indépendance nationale » qui allait se dresser contre lui au nom
833
plus en plus totalitaire. Si l’Europe, entre 1914
et
1954, a connu la décadence rapide, la chute de potentiel, le recul mo
834
témoignages exemplaires de sa vitalité : les USA
et
la Suisse. Ces deux pays ont été à la fois les plus prospères et les
835
es deux pays ont été à la fois les plus prospères
et
les plus pacifiques de l’ère moderne : ils n’ont provoqué aucune guer
836
où régnait sans conteste la religion nationaliste
et
ses dogmes unitaires, absorbant et dénaturant le sentiment patriotiqu
837
n nationaliste et ses dogmes unitaires, absorbant
et
dénaturant le sentiment patriotique. Aux yeux de l’Histoire, la cause
838
iction avec l’évolution technique du xxe siècle,
et
avec les intérêts majeurs de l’Europe, tant spirituels que matériels.
839
plus inapte à soutenir la concurrence des voisins
et
des autres continents. Les conquêtes techniques du siècle, l’énergie
840
es, échappent à tous égards aux cadres nationaux,
et
cela par leur nature, ou par leur portée, ou par leur coût de product
841
résistance que le sentiment patriotique dénaturé
et
l’égoïsme politique mal compris opposent à l’union de l’Europe ; il e
842
ée réactionnaire, un système de références démodé
et
rétrograde, et cela un siècle et demi seulement après son apparition
843
e, un système de références démodé et rétrograde,
et
cela un siècle et demi seulement après son apparition révolutionnaire
844
éférences démodé et rétrograde, et cela un siècle
et
demi seulement après son apparition révolutionnaire dans notre Histoi
845
e en pleine consonance avec l’évolution technique
et
les nouvelles formes de la pensée scientifique. La pensée fédéraliste
846
eurs, non comme un puzzle formé de pièces rigides
et
définies d’abord par leur contour. Elle conçoit les rapports humains
847
r leur contour. Elle conçoit les rapports humains
et
politiques comme un complexe de tensions normales entre des pôles opp
848
que pour s’entrechoquer brutalement. Nos coutumes
et
nos styles contrastés, nos confessions rivales et nos systèmes philos
849
et nos styles contrastés, nos confessions rivales
et
nos systèmes philosophiques en perpétuelle polémique ne lui apparaiss
850
forces en interaction, non par entités statiques,
et
qu’elle a substitué au principe de non-contradiction qui bloquait le
851
des jeux appliquée par von Neumann à la politique
et
à l’économie, ou de l’organisation technique des entreprises, la scie
852
egardant de la sorte à la fois leur individualité
et
leur relation créatrice. Il serait bien utile de prolonger ce parallè
853
onger ce parallèle dans le domaine de la biologie
et
de la psychologie : je le suggère à des esprits plus compétents. J’en
854
écisément celle que la science moderne a conçue ;
et
il suppose un monde de relations libres et décentralisées qui est pré
855
nçue ; et il suppose un monde de relations libres
et
décentralisées qui est précisément celui que la technique moderne ren
856
plus fécondes de l’Occident. On sait que l’Orient
et
l’Occident s’opposent comme le monisme et le pluralisme. Le pluralism
857
’Orient et l’Occident s’opposent comme le monisme
et
le pluralisme. Le pluralisme des allégeances politiques et spirituell
858
ralisme. Le pluralisme des allégeances politiques
et
spirituelles a toujours été la condition des libertés personnelles en
859
ntaine dans le temps ou l’espace, selon ses goûts
et
sa vocation, c’est pratiquer l’éthique et la liberté fédéralistes. Le
860
s goûts et sa vocation, c’est pratiquer l’éthique
et
la liberté fédéralistes. Le nationaliste n’y voit qu’une dispersion q
861
naliste n’y voit qu’une dispersion qui l’angoisse
et
où il craint de perdre son identité. Le fédéraliste au contraire y vo
862
totalitaire, est le secret des pouvoirs créateurs
et
de la santé mentale de l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédér
863
le nationalisme est foncièrement païen, idolâtre
et
antichrétien. L’idée même de nation est étrangère au dogme et à la fo
864
ien. L’idée même de nation est étrangère au dogme
et
à la foi chrétienne. Le Christ est mort pour le salut des hommes pers
865
s plus grands penseurs politiques du catholicisme
et
du calvinisme sont unanimes à condamner le nationalisme au nom de leu
866
s à condamner le nationalisme au nom de leur foi,
et
à préconiser en revanche une organisation personnaliste et fédéralist
867
oniser en revanche une organisation personnaliste
et
fédéraliste de la société et de la communauté des peuples. Là encore,
868
sation personnaliste et fédéraliste de la société
et
de la communauté des peuples. Là encore, la cause est jugée. L’Histoi
869
ncore, la cause est jugée. L’Histoire, la science
et
la théologie, le progrès et la tradition sont du côté de la pensée fé
870
’Histoire, la science et la théologie, le progrès
et
la tradition sont du côté de la pensée fédéraliste, et condamnent san
871
tradition sont du côté de la pensée fédéraliste,
et
condamnent sans appel le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe
872
el le mythe nationaliste, destructeur de l’Europe
et
de sa paix. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme Et cependa
873
cteur de l’Europe et de sa paix. IV. Stratégie
et
tactique du fédéralisme Et cependant, il nous faut bien admettre q
874
x. IV. Stratégie et tactique du fédéralisme
Et
cependant, il nous faut bien admettre que ces nationalistes condamnés
875
ttre que ces nationalistes condamnés en principe,
et
qui se trompent radicalement, sont encore là, sont même, en fait, plu
876
sme cocardier, encore si puissant sur les foules,
et
de l’appui d’intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous
877
union viennent de l’esprit nationaliste, jacobin
et
paratotalitaire. Mais il est clair aussi que les nationalistes n’osen
878
ommages que le nationalisme rend à l’Europe unie.
Et
M. Molotov lui-même propose un plan… Certes, on ne peut espérer faire
879
e du fait que nous ne sommes pas seuls en Europe,
et
que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt d’opposer leurs « sol
880
t sur les primaires de la presse, des parlements,
et
de tous les degrés de l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque
881
ser le faux dilemme : souveraineté ou fédération.
Et
sur la base d’une expérience historique probante, je leur propose une
882
é n’est pas limitée par la constitution fédérale,
et
comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au
883
par l’article 3, leurs constitutions, la liberté
et
les droits du peuple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et d
884
euple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple
et
des cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction gé
885
titution plus fédéraliste que celle de la Suisse,
et
pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres ! Souveraineté
886
e concret : elle a créé une souveraineté nouvelle
et
bien réelle au niveau de la fédération. Tout cela me paraît plein d’e
887
concentrer nos efforts sur la mise en discussion
et
sur la ratification d’une Constitution fédérale de l’Europe, afin que
888
battre pour des mots trompeurs. C’est le contenu
et
la visée fédéraliste du traité, non pas son étiquette, qui nous impor
889
ralisme n’est pas plus libéral que planificateur,
et
il doit refuser ce faux dilemme, pour la même raison qu’il refuse de
890
choisir entre les autonomies régionales absolues
et
l’unification forcée. Politiquement, le fédéralisme est une manière s
891
itiquement, le fédéralisme est une manière souple
et
sans cesse réajustée de distinguer entre ce qui doit être mis en comm
892
i doit être mis en commun pour mieux fonctionner,
et
ce qui doit rester autonome pour mieux vivre et créer. Économiquement
893
, et ce qui doit rester autonome pour mieux vivre
et
créer. Économiquement, cela se traduit par la dichotomie qu’ont préco
894
t par la dichotomie qu’ont préconisée Robert Aron
et
Arnaud Dandieu, méthode qui consiste à distinguer dans les activités
895
tés humaines la part des automatismes nécessaires
et
celle de l’invention libre, la part des fonctions étatiques collectiv
896
e, la part des fonctions étatiques collectivisées
et
celle des risques personnels. Les nationalistes, incapables de nier l
897
ages entre autarcies nationales un peu améliorées
et
assouplies. Nous demandons au contraire des services fédéraux organis
898
tes les activités de production, d’investissement
et
de transport qui, par nature, débordent la capacité d’un seul pays ;
899
ar nature, débordent la capacité d’un seul pays ;
et
nous demandons la libération correspondante ou complémentaire des ent
900
solide avec les nécessités du siècle d’une part,
et
avec nos conceptions fédéralistes et personnalistes d’autre part. 3°
901
d’une part, et avec nos conceptions fédéralistes
et
personnalistes d’autre part. 3° — Deux mots enfin sur le problème de
902
st une phrase que je retrouve dans tous les plans
et
projets « culturels » élaborés par les États, par l’Unesco, et même p
903
culturels » élaborés par les États, par l’Unesco,
et
même par Strasbourg : il s’agit, nous dit-on, « d’organiser des échan
904
mun en « cultures nationales », tentative barbare
et
d’ailleurs avortée, qui n’a guère qu’un siècle et demi d’âge en Franc
905
et d’ailleurs avortée, qui n’a guère qu’un siècle
et
demi d’âge en France, moins d’un demi-siècle en Norvège, quelques diz
906
en Norvège, quelques dizaines d’années en Turquie
et
en Irlande. Jamais la culture en Europe ne s’est développée par des é
907
pe ne s’est développée par des échanges contrôlés
et
officiels de nation à nation. Elle est née dans des foyers locaux qui
908
opagée librement de l’un à l’autre de ces foyers.
Et
grâce à cette interaction perpétuelle, toutes ses formes nous sont co
909
du vocabulaire ou des catégories philosophiques,
et
en général de toutes les théories et procédés scientifiques. À quoi s
910
losophiques, et en général de toutes les théories
et
procédés scientifiques. À quoi servirait, dès lors, de « multiplier l
911
échanges culturels » comme on dit, entre la Suède
et
l’Espagne, par exemple ? Faire connaître aux Espagnols des œuvres d’a
912
l m’intéresse, ni Shakespeare en tant qu’Anglais.
Et
je ne suis pas du tout sûr qu’il faille « apprendre à nos peuples à s
913
Ce n’est pas Mallarmé, ni Renoir, c’est Déroulède
et
Detaille qui représentent valablement la Troisième République comme t
914
valablement la Troisième République comme telle.
Et
les peuples ont bien moins besoin de se connaître personnellement que
915
iste, qui leur inculque dès l’enfance la méfiance
et
la haine de leurs voisins. Il résulte de ces brèves remarques que pré
916
obstacles arbitraires à la circulation des idées
et
des œuvres, c’est donc aller diamétralement à l’encontre du but allég
917
mée dans des cadres administratifs ou nationaux ;
et
ce n’est pas une libération surveillée des échanges de prison à priso
918
nous devons exiger mais l’élargissement immédiat
et
sans condition du prévenu — j’entends : la suppression totale des mes
919
n totale des mesures de discrimination nationales
et
des barrières douanières imposées à la vie culturelle de l’Europe et
920
uanières imposées à la vie culturelle de l’Europe
et
à ses produits. Les États — et demain le Pouvoir fédéral européen — n
921
urelle de l’Europe et à ses produits. Les États —
et
demain le Pouvoir fédéral européen — n’ont qu’un moyen d’aider la cul
922
la culture : c’est d’offrir à ceux qui la créent
et
la transmettent les moyens de vivre décemment. Et quant à ceux qui fe
923
et la transmettent les moyens de vivre décemment.
Et
quant à ceux qui feignent de redouter que la suppression des frontièr
924
elles » entraîne un affreux mélange de nos vertus
et
caractères nationaux, nous leur dirons : qu’est-ce que votre « génie
925
e de l’Europe, dégage les principes d’une méthode
et
les maximes d’une action seules susceptibles de conduire à une union
926
de l’Europe. La méthode proposée par les Anglais
et
baptisée « fonctionnelle » n’était pas incompatible en théorie avec u
927
p de marchandages entre les vraies forces d’union
et
les répugnances nationalistes, plus ou moins avouées comme telles. Fi
928
’est pas plus facile de faire l’Europe par pièces
et
morceaux, que de la faire dans un seul élan. Tourner un à un les obst
929
cles multipliés par les sceptiques, les méfiants,
et
les saboteurs sournois, n’est pas plus facile que d’attaquer de front
930
aliste. aa. Rougemont Denis de, « Fédéralisme
et
nationalisme », Fédération, Paris, septembre–octobre 1954, p. 1-16.
931
es dictatures, nombre d’intellectuels occidentaux
et
asiatiques nous répètent qu’il est impossible de résister au fanatism
932
que est là, bien sûr, mais ce n’est qu’un risque.
Et
pourtant, à certains, il apparaît si grand que par crainte de le cour
933
rir ils choisissent de ne point résister du tout,
et
de s’inscrire par exemple aux « partisans de la paix », qui sont ceux
934
partisans de la paix », qui sont ceux d’une armée
et
de sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de la culture, d
935
ssibilité de lutter librement contre la tyrannie,
et
de surmonter le défaitisme anxieux d’une intelligentsia trop facileme
936
oraire » mais concret des libertés de la personne
et
des impératifs de la justice. Mais nous avons créé un point de rallie
937
ent pour des esprits venus d’horizons différents,
et
visant des buts très divers. Quoi de commun, pourrait-on demander, en
938
, entre nos présidents d’honneur ? Entre Maritain
et
Russell, entre Niebuhr et Madariaga, entre Jaspers et Croce ? Rien de
939
onneur ? Entre Maritain et Russell, entre Niebuhr
et
Madariaga, entre Jaspers et Croce ? Rien de facile à définir, sans do
940
ussell, entre Niebuhr et Madariaga, entre Jaspers
et
Croce ? Rien de facile à définir, sans doute. Pas un slogan. Mais ce
941
définir, sans doute. Pas un slogan. Mais ce fait
et
ce mode d’expérience — comme l’eût dit John Dewey, leur grand aîné —
942
Dewey, leur grand aîné — qu’est l’exercice vivant
et
militant de la liberté de l’esprit, dans l’actualité de notre temps.
943
savants, d’écrivains, de musiciens, d’économistes
et
de philosophes, nos revues et publications, nos spectacles et nos déb
944
iens, d’économistes et de philosophes, nos revues
et
publications, nos spectacles et nos débats, et les grandes réunions d
945
ophes, nos revues et publications, nos spectacles
et
nos débats, et les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bomba
946
es et publications, nos spectacles et nos débats,
et
les grandes réunions de Berlin, de Bruxelles, de Bombay, de Paris, de
947
les, de Bombay, de Paris, de Hambourg, de Rangoon
et
de Milan. Je voudrais simplement mettre en relief un fait : celui de
948
de New York à Bombay, de Berlin-Ouest à Santiago
et
Mexico. C’est une volonté de justice qui se moque des opportunismes e
949
volonté de justice qui se moque des opportunismes
et
c’est une action permanente. Quelle que soit la valeur des sourires q
950
Reynold
et
l’Europe (1955)ac Il y a quinze ans j’osais louer Reynold de n’avo
951
d’abord croire. Ce fut là son mérite historique.
Et
si les faits lui ont donné tort, si notre Suisse prospère, modèle eur
952
la part de l’homme, parce que Reynold a eu raison
et
parce qu’il a su se faire entendre. Cités et pays suisses et Conscien
953
ison et parce qu’il a su se faire entendre. Cités
et
pays suisses et Conscience de la Suisse — l’avertissement venant aprè
954
’il a su se faire entendre. Cités et pays suisses
et
Conscience de la Suisse — l’avertissement venant après l’illustration
955
près l’illustration —, ces deux livres ont porté,
et
je suis de ceux qui tiennent pour capital leur rôle dans la défense d
956
Mais nous sommes au-delà, devant d’autres périls.
Et
Reynold ne s’est pas arrêté à l’éloge des vertus qui tiennent un peup
957
deur de la Suisse, voici Qu’est-ce que l’Europe ?
et
l’annonce d’un grand œuvre consacré à la formation du plus vaste ense
958
lequel se situe la Suisse. Le sens de la grandeur
et
le sens de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels
959
voilà qui nous éloigne de la Suisse des manuels,
et
de la Suisse « concrète » (comme on dit bien à tort), celle qui ne pr
960
ans ses vraies dimensions, à la fois spirituelles
et
historiques, qui sont celles de l’Europe entière ? Cités et pays suis
961
ques, qui sont celles de l’Europe entière ? Cités
et
pays suisses nous disait qui nous sommes, et Conscience de la Suisse,
962
ités et pays suisses nous disait qui nous sommes,
et
Conscience de la Suisse, où nous en sommes. Formation de l’Europe mon
963
sent un axe. Cet axe part de l’Europe des Romains
et
des Francs, traverse notre histoire et pointe vers un avenir qui ne p
964
es Romains et des Francs, traverse notre histoire
et
pointe vers un avenir qui ne peut être distinct de celui d’une Europe
965
l’avenir, à des entités spirituelles, historiques
et
géographiques qui nous dépassent très largement, mais sans lesquelles
966
mes éléments que la Suisse : à la fois catholique
et
protestante, latine et germanique, française et autrichienne, rhodani
967
sse : à la fois catholique et protestante, latine
et
germanique, française et autrichienne, rhodanienne et rhénane, comme
968
e et protestante, latine et germanique, française
et
autrichienne, rhodanienne et rhénane, comme se trouve être la seule S
969
ermanique, française et autrichienne, rhodanienne
et
rhénane, comme se trouve être la seule Suisse, et comme elle encore t
970
et rhénane, comme se trouve être la seule Suisse,
et
comme elle encore travaillée dans les profondeurs du passé, dans cet
971
par les deux utopies directrices du Saint-Empire
et
de l’esprit des communes. Toutefois ces éléments, séparés en Europe,
972
nent dans nos cantons, nos familles, nos esprits.
Et
leur conciliation vivante nous définit. Principe d’autorité, principe
973
ncontre l’un de l’autre, vers la synthèse de l’un
et
du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’une Eu
974
constater qu’elles résument l’expérience fédérale
et
fédéraliste de la Suisse ? De l’Europe à la Suisse, de la Suisse à l’
975
e la Suisse à l’Europe, ces mouvements de systole
et
de diastole animent l’œuvre entière de Reynold et lui donnent sa vale
976
et de diastole animent l’œuvre entière de Reynold
et
lui donnent sa valeur exemplaire : je n’en connais pas de plus « suis
977
de l’Europe. ac. Rougemont Denis de, « Reynold
et
l’Europe », Gonzague de Reynold et son œuvre, Fribourg, Éditions univ
978
de, « Reynold et l’Europe », Gonzague de Reynold
et
son œuvre, Fribourg, Éditions universitaires, 1955, p. 313-314.
979
politiques ont absorbé l’attention des Européens
et
des militants de l’Europe unie depuis l’été dernier : l’abandon du pr
980
depuis l’été dernier : l’abandon du projet de CED
et
les accords de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce que la C
981
ar une maladie dont ils craignaient la contagion,
et
qu’ils nommaient réarmement allemand. On leur proposa un vaccin. Ayan
982
résumé : rien n’est perdu, mais rien n’est fait.
Et
tout ce qui vient de se passer prouve une fois de plus que l’éducatio
983
éducation européenne des peuples, de leurs cadres
et
de leurs élites, reste à faire. Les partisans de l’Europe unie ont pé
984
l’Europe unie ont péché depuis quelques années —
et
non seulement dans l’affaire de la CED — par complaisance à une doubl
985
t par nature, représenterait une perte de temps ;
et
ils ont cru que la propagande pour l’idée européenne était faite. Exa
986
de qui évite d’agiter « inutilement » les esprits
et
les passions, et qui préfère l’action diplomatique ou les combinaison
987
iter « inutilement » les esprits et les passions,
et
qui préfère l’action diplomatique ou les combinaisons de coulisses pa
988
u’il est plus facile de faire l’Europe par pièces
et
morceaux que de la faire dans un seul élan fédérateur : qu’il est plu
989
ans les routines de l’esprit nationaliste, autant
et
plus que dans les intérêts particuliers. Or, cette attaque eût impliq
990
ne, des vrais buts du traité, du traité lui-même,
et
des conséquences de son rejet. Or, les militants européens croyaient
991
ns croyaient avoir expliqué tout cela à l’opinion
et
aux parlementaires. Illusion profonde, comme on va le voir, mais qui
992
nne publiés depuis 1947 dans les seize pays du CE
et
en Suisse, s’élève à quatre-cent-quatre-vingt-onze. Leur tirage total
993
norance presque totale où sont restés nos peuples
et
leurs élites, devant le problème européen ? Avant toute propagande ma
994
te préparation se trouve faite, depuis un siècle,
et
notamment par les manuels d’histoire : l’anti-Europe a joué là-dessus
995
série d’actions d’abord morales, intellectuelles
et
spirituelles, puis économiques et sociales, qui par nature restent in
996
intellectuelles et spirituelles, puis économiques
et
sociales, qui par nature restent invisibles à l’œil des agences de pr
997
e plan que nos œuvres critiques ou d’imagination.
Et
d’autre part, où tracer la limite entre le sacré et la culture ? Je n
998
d’autre part, où tracer la limite entre le sacré
et
la culture ? Je n’ai tenu compte d’écrits de ces trois ordres que dan
999
ajouter les traductions de la Bible en Angleterre
et
en Allemagne.) Pour les autres, je propose les distinctions suivantes
1000
une croix : I. — Livres ayant formé nos cultures
et
notre conscience collective. II. — Livres ayant contribué à notre édu
1001
ma pensée. l. — Livres ayant formé nos cultures
et
notre conscience collective 1. Homère : L’Odyssée. 2. Eschyle : Th
1002
4. Plotin : Ennéades. 5. Cicéron : Traités moraux
et
philosophiques (hélas !). 6. Saint Augustin : Les Confessions. 7. Sai
1003
rum. 63. — Prognostication. 64. Novalis : Poésies
et
fragments philosophiques. 65. Hölderlin : Poèmes. 66. Chamisso : L’Hi
1004
entiment tragique de la vie. 72. Silone : Le Pain
et
le vin. 73. Dostoïevski : L’Idiot. 74. — Les Frères Karamazov. 75. Ki
1005
arbaud : Amants, heureux Amants. 79. Ramuz : Adam
et
Ève (ou Derborence). 80. Saint-John Perse : Anabase. 81. D. de Rougem
1006
n Perse : Anabase. 81. D. de Rougemont : L’Amour
et
l’Occident . 82. Paul Valéry : Variété. 83. Gide : Journal. 84. Burck
1007
leurs de Tarbes. 99. Graham Greene : La Puissance
et
la gloire. Déjà cités (I et II) Cardinal de Retz : Mémoires. P
1008
eene : La Puissance et la gloire. Déjà cités (I
et
II) Cardinal de Retz : Mémoires. Pascal : Pensées. Swift : Les
1009
al d’un intellectuel en chômage (1937), L’Amour
et
l’Occident (1939), etc. »
1010
mune. Un secrétariat fut établi à Genève, au CEC,
et
quelques mois plus tard paraissait une brochure contenant les program
1011
laboration se substituant à l’esprit de rivalité,
et
d’une vision européenne dépassant les intérêts locaux tout en les ser
1012
apide des festivals de musique dans tous nos pays
et
presque dans toutes nos villes, posait des problèmes tout nouveaux. P
1013
problèmes tout nouveaux. Plus on joue de musique,
et
mieux cela vaut, dira-t-on. Oui, mais cela peut aussi créer certains
1014
cela peut aussi créer certains dangers pratiques
et
certaines confusions des valeurs. Le public, sollicité de tous côtés,
1015
c, sollicité de tous côtés, ne sait plus où aller
et
voudrait qu’on l’oriente. Les artistes, orchestres et les chefs de qu
1016
oudrait qu’on l’oriente. Les artistes, orchestres
et
les chefs de qualité ne suffisent plus à la demande. Les programmes t
1017
rammes tendent à devenir uniformes ou routiniers,
et
à répondre à des exigences plus commerciales qu’artistiques. Certes,
1018
. Mais il faut sauvegarder à tout prix la qualité
et
le prestige des meilleurs. ⁂ Qu’est-ce qu’un bon festival de musique
1019
qui sort de la routine des programmes de l’hiver
et
qui doit créer une atmosphère spéciale, à laquelle contribuent non se
1020
e contribuent non seulement la qualité des œuvres
et
de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’une cité, et la trad
1021
xécution, mais le paysage, l’ambiance d’une cité,
et
la tradition musicale d’une région. Voilà pourquoi l’association n’a
1022
bien définie, des racines locales ou régionales,
et
un prestige international bien établi. Pour un festival européen, fai
1023
association devient ainsi une garantie de qualité
et
d’authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à la formation de notre a
1024
’ensemble des meilleurs festivals comme une seule
et
grandiose manifestation de la musique européenne, dans son unité fond
1025
a musique européenne, dans son unité fondamentale
et
dans la richesse de ses diversités nationales et régionales. Notre bu
1026
et dans la richesse de ses diversités nationales
et
régionales. Notre but est donc à la fois d’harmoniser les efforts dan
1027
néraire des hauts lieux de la musique européenne,
et
d’être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’une fêt
1028
opéenne, et d’être assuré qu’il ne sera pas déçu,
et
qu’il ira vraiment d’une fête à l’autre. L’échange de « créations »,
1029
ectacles nouveaux montés par tel ou tel festival,
et
dont d’autres pourront ainsi bénéficier, diminue les risques matériel
1030
éation, favorise le renouvellement des programmes
et
doit stimuler l’esprit créateur des artistes contemporains. La créati
1031
membres de savoir ce qui a été fait par d’autres
et
dans quelles conditions, quelles sont les œuvres nouvelles à créer, à
1032
issent déjà ses membres par-dessus les frontières
et
les rivalités nationales. En cinq ans, l’association a fait ses preuv
1033
on, tirée en trois langues à 160 000 exemplaires,
et
distribuée dans toute l’Europe et en Amérique, donne la preuve d’une
1034
00 exemplaires, et distribuée dans toute l’Europe
et
en Amérique, donne la preuve d’une coopération étroite entre dix-sept
1035
s’établir dans les faits, pour notre salut commun
et
pour la paix. La musique, création la plus typique de l’Europe, n’éta
1036
mmunauté profonde des réactions de la sensibilité
et
de l’esprit qui définit une civilisation ? ap. Rougemont Denis de,
1037
nt mes études, dans la petite ville de Neuchâtel,
et
nous étions passionnément surréalistes, comme nos aînés avaient été d
1038
nsant au fond tout autre chose que ceux de Paris,
et
nous donnant le ridicule de vouloir vivre ces doctrines. Inquiétude e
1039
dicule de vouloir vivre ces doctrines. Inquiétude
et
ferveur étaient les mots de l’époque. Âge d’or de la Littérature, qui
1040
iscouru là, devant le jeune André Breton immobile
et
muet d’admiration, comme transfixé. Valéry venait y bavarder avec Far
1041
e transfixé. Valéry venait y bavarder avec Fargue
et
Larbaud, peut-être même parfois avec l’homme du mystère dont l’improb
1042
hez Adrienne Monnier était à la fois plus sérieux
et
plus aimable que tout cela, et ne se plaçait à vrai dire que sous la
1043
fois plus sérieux et plus aimable que tout cela,
et
ne se plaçait à vrai dire que sous la seule invocation « du grand sai
1044
je voulais tout savoir sur nos amis, leurs œuvres
et
leurs vies : j’avais couru tout droit rue de l’Odéon, comme à la sour
1045
rue de l’Odéon, comme à la source la plus fraîche
et
la plus sûre… Qu’est devenue la série de photos en couleur qui furent
1046
ait y ajouter les descriptions vivaces, incisives
et
toujours amicales qu’elle donna de plusieurs des modèles dans son Nav
1047
de plusieurs des modèles dans son Navire d’argent
et
sa Gazette des amis des livres : autant de petits chefs-d’œuvre d’int
1048
fs-d’œuvre d’intelligence du cœur. Quel art ferme
et
subtil, quel familier respect du langage et de ses artisans, et quel
1049
ferme et subtil, quel familier respect du langage
et
de ses artisans, et quel savoureux naturel ! Aurions-nous perdu avec
1050
l familier respect du langage et de ses artisans,
et
quel savoureux naturel ! Aurions-nous perdu avec elle ce qu’elle a se
1051
avec elle ce qu’elle a servi mieux qu’elle-même,
et
plus gracieusement que personne ? ag. Rougemont Denis de, « ‟Je vi
1052
es années sur les problèmes soulevés par L’Amour
et
l’Occident 11, j’éprouve le besoin de rassembler ici tout un faiscea
1053
éitère, sur la liaison profonde entre la cortezia
et
l’atmosphère religieuse du catharisme. Je n’indiquais que par analogi
1054
eligieuse, ou simplement une théorie de l’homme —
et
une forme lyrique déterminée. (Rapports entre le soufisme et la poési
1055
e lyrique déterminée. (Rapports entre le soufisme
et
la poésie courtoise des Arabes ; influence de Freud sur l’école surré
1056
spécialistes, de l’amour courtois, du catharisme
et
du manichéisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvell
1057
’amour courtois, du catharisme et du manichéisme,
et
peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches perso
1058
ologique. Je rappelais la relation de fait (lieux
et
dates remarquablement identiques) entre cathares et troubadours. Je m
1059
dates remarquablement identiques) entre cathares
et
troubadours. Je me risquais à dire : il y a là quelque chose, et l’ab
1060
Je me risquais à dire : il y a là quelque chose,
et
l’absence de rapports entre ces gens me paraîtrait plus étonnante enc
1061
fonder sur pièces une de ces solutions textuelles
et
« scientifiques » après quoi, comme le dit Jaspers, « la question ne
1062
« la question ne s’arrête plus devant le mystère
et
perd stupidement son existence dans la réponse ». Je voudrais au cont
1063
e que je la crois vitale pour l’Occident moderne,
et
pour notre conduite morale et religieuse. Je vais donc poser quelques
1064
l’Occident moderne, et pour notre conduite morale
et
religieuse. Je vais donc poser quelques faits, comme un piège. J’évit
1065
a fois d’indiquer des relations de cause à effet,
et
de formuler expressément des conclusions que l’on pourrait citer hors
1066
rrait citer hors du contexte — accords sans clé —
et
sur lesquelles critiques et lecteurs trop pressés se jetteraient en c
1067
— accords sans clé — et sur lesquelles critiques
et
lecteurs trop pressés se jetteraient en criant : « Des preuves ! » ou
1068
manichéenne, venue du Proche-Orient par l’Arménie
et
la Bulgarie bogomile, celle des « bonshommes » ou cathares, ascètes c
1069
envahit rapidement la France, de Reims à Toulouse
et
de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe
1070
d’autres mouvements hétérodoxes agitent le peuple
et
le clergé. Opposant aux prélats ambitieux et aux pompes sacrales de l
1071
uple et le clergé. Opposant aux prélats ambitieux
et
aux pompes sacrales de l’Église un spiritualisme épuré, ils aboutisse
1072
moins consciemment, à des doctrines naturalistes
et
même matérialistes avant la lettre. Le « qui veut faire l’ange fait l
1073
o profonde du siècle, dont les plus grands saints
et
les plus grands docteurs subissent et souffrent la passion au moins a
1074
ands saints et les plus grands docteurs subissent
et
souffrent la passion au moins autant qu’ils ne parviennent à la trans
1075
nt qu’ils ne parviennent à la transmuer en vertus
et
en vérités théologiques. Saint Bernard de Clairvaux et Abélard sont l
1076
vérités théologiques. Saint Bernard de Clairvaux
et
Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la
1077
Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église,
et
au niveau de la spéculation. Mais hors de l’Église, dans ses marges,
1078
es oscillations s’amplifient. D’Henri de Lausanne
et
Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène et aux frères ortliebiens d
1079
anne et Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène
et
aux frères ortliebiens de Strasbourg, tous condamnent le mariage, — q
1080
chez Bernard de Clairvaux, Hughes de Saint-Victor
et
Abélard lui-même. Héloïse et Abélard vivent d’abord, puis publient la
1081
ghes de Saint-Victor et Abélard lui-même. Héloïse
et
Abélard vivent d’abord, puis publient largement en poèmes courtois et
1082
abord, puis publient largement en poèmes courtois
et
en lettres, le premier grand roman d’amour-passion de notre histoire.
1083
e lointaine » qu’il aime sans l’avoir jamais vue.
Et
Joachim de Flore annonce que l’Esprit saint, dont l’ère est imminente
1084
ans les imaginations qui la conforment, aux lieux
et
au temps où se nouent la légende et le mythe de la passion mortelle :
1085
nt, aux lieux et au temps où se nouent la légende
et
le mythe de la passion mortelle : Tristan. À cette montée puissante
1086
ion mortelle : Tristan. À cette montée puissante
et
comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Égl
1087
montée puissante et comme universelle de l’Amour
et
du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient ma
1088
Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église
et
le clergé ne pouvaient manquer d’opposer une croyance et un culte qui
1089
lergé ne pouvaient manquer d’opposer une croyance
et
un culte qui répondissent au même désir profond, surgi de l’âme colle
1090
ment, dès cette époque, le titre de regina coeli,
et
c’est en Reine désormais que l’art va la représenter. À la « Dame des
1091
» de la cortezia, on substituera « Notre Dame ».
Et
les ordres monastiques qui apparaissent alors sont des répliques aux
1092
’approuve pas, que la tradition n’autorise point…
et
qui introduit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’incon
1093
œur de la superstition, fille de l’inconstance ».
Et
saint Thomas, au siècle suivant, eut beau écrire de la manière la plu
1094
une nécessité d’ordre vital pour l’Église menacée
et
entraînée… La papauté, plusieurs siècles plus tard, ne put que sancti
1095
d’action réelle, tout en demeurant l’enjeu final
et
le personnage sacré. 2. Œdipe et les dieux Freud désigne du nom
1096
l’enjeu final et le personnage sacré. 2. Œdipe
et
les dieux Freud désigne du nom d’Œdipe le complexe composé dans l’
1097
contre le père (obstacle à l’amour pour la mère)
et
par le sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorit
1098
patriarcale réduit le fils au conformisme social
et
moral ; le poids de l’interdit lié à la mère (donc au principe fémini
1099
t plus solide, la puissance du père plus assurée,
et
le dieu dont le père tient ses pouvoirs plus révéré. Imaginons mainte
1100
le manichéisme, en un Dieu bon qui est pur esprit
et
un démiurge qui domine la matière et la chair. La compulsion qui créa
1101
t pur esprit et un démiurge qui domine la matière
et
la chair. La compulsion qui créait le complexe œdipien faiblit d’auta
1102
a haine pour le père se concentre sur le démiurge
et
sur son œuvre : matière, chair, sexualité procréatrice, — tandis qu’u
1103
la France à un relâchement notable du lien féodal
et
patriarcal (partage égal des domaines entre tous les fils, ou « paria
1104
erchons à nous représenter la situation psychique
et
éthique de l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’il se t
1105
fondément la société, les pouvoirs, les familles,
et
les individus eux-mêmes : celle qui oppose l’hérésie partout présente
1106
mes : celle qui oppose l’hérésie partout présente
et
l’orthodoxie romaine battue en brèche. Du côté cathare, le mariage et
1107
ine battue en brèche. Du côté cathare, le mariage
et
la sexualité sont condamnés sans rémission par les Parfaits ou « cons
1108
l repose en fait sur des bases d’intérêt matériel
et
social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de le
1109
fait sur des bases d’intérêt matériel et social,
et
se voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de leurs sentime
1110
ents. En même temps, le relâchement de l’autorité
et
des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle
1111
diction entre les idéaux (eux-mêmes en conflit !)
et
la réalité vécue. La psyché et la sensualité naturelles se débattent
1112
êmes en conflit !) et la réalité vécue. La psyché
et
la sensualité naturelles se débattent entre ces attaques convergentes
1113
nations antithétiques, ces contraintes théoriques
et
pratiques, ces libertés très obscurément pressenties dans leur fascin
1114
hétorique des troubadours, sa morale de l’hommage
et
du service, sa « théologie » et ses disputes théologiques, ses « init
1115
rale de l’hommage et du service, sa « théologie »
et
ses disputes théologiques, ses « initiés », les troubadours, et ses «
1116
s théologiques, ses « initiés », les troubadours,
et
ses « croyants », le grand public cultivé ou non, qui écoute les trou
1117
public cultivé ou non, qui écoute les troubadours
et
fait leur gloire mondaine dans toute l’Europe. Or nous voyons cette r
1118
ersistent à tenir la sexualité pour « vilaine » ;
et
nous voyons souvent dans le même poète un adorateur enthousiaste de l
1119
adorateur enthousiaste de la Dame, qu’il exalte,
et
un contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’on se rappelle seulem
1120
une société partagée non seulement entre la chair
et
l’esprit, mais encore entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein mêm
1121
la chair et l’esprit, mais encore entre l’hérésie
et
l’orthodoxie, et au sein même de l’hérésie, entre l’exigence des Parf
1122
rit, mais encore entre l’hérésie et l’orthodoxie,
et
au sein même de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie ré
1123
même de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits
et
la vie réelle des Croyants… Citons-là-dessus l’un des plus sensibles
1124
in, du Foix, de l’Albigeois étaient « croyantes »
et
savaient — bien qu’elles fussent mariées — que le mariage était conda
1125
apaiser par des chansons la mauvaise conscience,
et
qui leur demandaient non pas tant une illusion d’amour sincère qu’un
1126
mœurs », mais seulement « un hommage ‟religieux” (
et
formaliste) rendu par l’imperfection à la perfection », c’est-à-dire
1127
la perfection », c’est-à-dire par les troubadours
et
par les croyants inquiets à la morale des Parfaits. Mais enfin, dit l
1128
ret cette « chasteté » prônée par des jongleurs ?
Et
comment expliquer le succès si rapide d’une prétendue morale à ce poi
1129
ut entière enfin, où les passions « religieuses »
et
la théologie n’occupaient tout de même pas le plus clair de la vie, e
1130
upaient tout de même pas le plus clair de la vie,
et
n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsions naturel
1131
ne sorte de nature normale, à laquelle la culture
et
la religion seraient venues surajouter leurs faux problèmes… Cette il
1132
insensée de religions jamais tout à fait mortes,
et
rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclu
1133
à fait mortes, et rarement tout à fait comprises
et
pratiquées ; de morales jadis exclusives, mais qui se superposent ou
1134
de complexes ignorés, mais d’autant plus actifs ;
et
d’instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutu
1135
traces ou cicatrices mentales tout inconscientes
et
, de ce fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt
1136
des mystiques lointaines à la fois dans le temps
et
dans l’espace. 4. Une technique de la « chasteté » À partir du
1137
sme. La force secrète (çatki) qui anime le cosmos
et
soutient les dieux (en premier lieu Shiva et Bouddha)… est fortement
1138
smos et soutient les dieux (en premier lieu Shiva
et
Bouddha)… est fortement personnifiée : c’est la Déesse, Épouse et Mèr
1139
fortement personnifiée : c’est la Déesse, Épouse
et
Mère… Le dynamisme créateur revient à la Déesse… Le culte se concentr
1140
ien que fondamentalement il soit une métaphysique
et
une mystique… La méditation éveille certaines forces occultes qui dor
1141
aines forces occultes qui dorment en chaque homme
et
qui, une fois éveillées, transforment le corps humain en un corps mys
1142
hatha yoga hindou, technique du contrôle du corps
et
de l’énergie vitale. C’est ainsi que certaines postures (mudras) décr
1143
pour but « d’utiliser comme moyen de divinisation
et
ensuite d’intégration, d’unification finale, la fonction par excellen
1144
e qui détermine le cycle incessant des naissances
et
des morts, la fonction sexuelle »17. Ainsi parle Shiva18 : « Pour mes
1145
r (vajroli mudra) qui détruit la Ténèbre du monde
et
doit être tenu pour le secret des secrets. » Les précisions données p
1146
nd bonheur… la joie de l’anéantissement du moi ».
Et
cette « béatitude érotique », obtenue par l’arrêt, non du plaisir, ma
1147
n culte. Considérée comme « source unique de joie
et
de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle est mère
1148
cétisme, symbolise l’état par excellence du péché
et
de la mort : l’acte sexuel »21. Mais l’acte est toujours décrit comme
1149
passive, impersonnelle, pur principe, sans visage
et
sans nom. Une école mystique du tantrisme tardif, le Sahajiyâ, ampli
1150
e une grande importance à toute sorte d’« amour »
et
le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent et dif
1151
maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent
et
difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir la « femme
1152
uis à ses pieds. Pendant les quatre mois suivants
et
tout en continuant à la servir comme avant, il dort dans le même lit,
1153
humaine qui peut réaliser la béatitude nirvanique
et
la maîtrise des sens, i. e. l’arrêt séminal.22 Des pratiques simila
1154
le taoïsme, mais en vue de prolonger la jeunesse
et
la vie en économisant le principe vital, plutôt que de conquérir la l
1155
sans le faire, à rechercher l’exaltation mystique
et
la béatitude à travers une Elle qu’il s’agit de « servir » en posture
1156
En contraste indéniable avec ces textes mystiques
et
cette abstruse technique psychophysiologique, citons maintenant quelq
1157
ours connus, Guillaume, sixième comte de Poitiers
et
neuvième duc d’Aquitaine, qui mourut en 1127. Dès le début du xiie s
1158
rvice, Prouesse, Longue Attente, Chasteté, Secret
et
Merci, et, ces vertus conduisent à la Joie, qui est signe et garantie
1159
uesse, Longue Attente, Chasteté, Secret et Merci,
et
, ces vertus conduisent à la Joie, qui est signe et garantie de Vray A
1160
t, ces vertus conduisent à la Joie, qui est signe
et
garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut
1161
est signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure
et
Patience : De courtoisie peut se vanter celui qui sait garder Mesure
1162
bien-être des amoureux consiste en Joie, Patience
et
Mesure… J’approuve que ma dame me fasse longtemps attendre et que je
1163
’approuve que ma dame me fasse longtemps attendre
et
que je n’aie point d’elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici l
1164
! (Uc de Saint-Circ.) Chaque jour je m’améliore
et
me purifie, car je sers et révère la plus gente dame du monde. (Arnau
1165
que jour je m’améliore et me purifie, car je sers
et
révère la plus gente dame du monde. (Arnaut Daniel.) (De même, le tr
1166
er le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai)
et
de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour co
1167
Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupable
et
de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libération : la présence
1168
elle est, car jamais de par ma foi je ne la vis…
et
je l’aime fort… Nulle joie ne me plaît autant que la possession de ce
1169
seulement libératrice du désir dominé par Mesure
et
Prouesse, elle est aussi fontaine de Jouvence : Je veux garder (ma d
1170
veux garder (ma dame) pour me rafraîchir le cœur
et
renouveler mon corps, si bien que je ne puisse vieillir… Celui-là viv
1171
ers.) Je n’ai cité que des poètes de la première
et
de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180 environ). Au xi
1172
iques que l’on peut se permettre avec cette Dame.
Et
Guiraut de Calenson : Dans le palais où elle siège (la Dame) sont ci
1173
s cinq portes sont Désir, Prière, Servir, Baiser,
et
Faire, par où Amour périt. » Les quatre degrés sont « honorer, dissim
1174
Amour, il se voit vertement dénoncé par Marcabru
et
ses successeurs, en des termes qui peuvent éclairer indirectement sur
1175
our vrai ou du moins sur certains de ses aspects.
Et
tout d’abord, dit Marcabru, « Il lie partie avec le diable, celui qui
1176
ie avec le diable, celui qui couve Faux Amour ». (
Et
en effet, le diable n’est-il pas le père de la création matérielle… e
1177
e n’est-il pas le père de la création matérielle…
et
de la procréation, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amo
1178
ux, usuriers… les maris trompeurs, les faux juges
et
les faux témoins, les faux prêtres, faux abbés, fausses recluses et f
1179
s, les faux prêtres, faux abbés, fausses recluses
et
faux reclus »26. Ils seront détruits « soumis à toute ruine », et tou
1180
26. Ils seront détruits « soumis à toute ruine »,
et
tourmentés en enfer. Noble Amour a promis qu’il en serait ainsi, là
1181
) ; en tous lieux je me tiens pour ton prisonnier
et
, réconforté par toi sur toutes choses, j’espère que tu seras mon guid
1182
té au mensonge, corrompent les amants, les femmes
et
les époux. Ils vous disent qu’Amour va de travers, et c’est pourquoi
1183
es époux. Ils vous disent qu’Amour va de travers,
et
c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames sont dans l’a
1184
rs, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux
et
les dames sont dans l’angoisse… Ces faux servants font qu’un grand no
1185
rvants font qu’un grand nombre abandonnent Mérite
et
éloignent d’eux Jeunesse. Quelles que soient les réalités ou l’absen
1186
es précisions de langage, la rhétorique courtoise
et
son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure
1187
et son système de vertus, de péchés, de louanges
et
d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va serv
1188
nciers du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal,
et
de Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seule
1189
du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions
et
des drames, et non plus seulement pour chanter ce que l’on pourrait e
1190
Tristan, pour décrire des actions et des drames,
et
non plus seulement pour chanter ce que l’on pourrait encore tenir, ch
1191
cherche un sens, donc des analogies illustratives
et
illuminatives. Et je ne prétends aucunement confirmer une thèse quelc
1192
onc des analogies illustratives et illuminatives.
Et
je ne prétends aucunement confirmer une thèse quelconque en appelant
1193
nne version arabe. Le périple du Roman de Barlaam
et
Josaphat est encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jour
1194
qui conduit Josaphat, prince indien, à découvrir
et
adopter le christianisme, dont les mystères lui sont communiqués par
1195
onnu une version non amendée par les catholiques,
et
plus proche de l’original. Que cette hypothèse soit un jour vérifiée
1196
ie siècle) retrouvés dans le Turkestan oriental.
Et
l’on peut suivre la transformation des noms hindous « Baghavan » et «
1197
e la transformation des noms hindous « Baghavan »
et
« Boddisattva » (le Bouddha) en « Barlaam » et « Josaphat », en passa
1198
» et « Boddisattva » (le Bouddha) en « Barlaam »
et
« Josaphat », en passant par les formes arabes « Balawhar va Budhâsaf
1199
les sont les exemples de relations entre l’Orient
et
l’Occident médiéval. J’ai choisi ces deux cas, solidement attestés, p
1200
on entre le tantrisme, le manichéisme bouddhiste,
et
les hérésies du Midi doit apparaître « hautement fantaisiste et impro
1201
s du Midi doit apparaître « hautement fantaisiste
et
improbable ». 7. En lieu et place de conclusions définitives L’
1202
mour courtois ressemble à l’amour encore chaste —
et
d’autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble auss
1203
s cours du Moyen Âge. Il peut être purement rêvé,
et
beaucoup se refusent à y voir autre chose qu’un tournoi verbal. Il pe
1204
discipline érotico-mystique dont l’Inde, la Chine
et
le Proche-Orient surent les recettes. Tout cela me paraît vraisemblab
1205
t cela peut être « vrai » aux divers sens du mot,
et
simultanément, et de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux
1206
vrai » aux divers sens du mot, et simultanément,
et
de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux comprendre — si ri
1207
contre-enquête à laquelle je viens de me livrer,
et
compte tenu des objections les plus sensées que firent à ma thèse min
1208
nt qui fit remonter au demi-jour de la conscience
et
de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la çatki, le
1209
ralement congénitale avec l’hérésie des cathares,
et
son opposition sournoise ou déclarée au concept chrétien du mariage.
1210
e X du Livre II de la version remaniée de L’Amour
et
l’Occident . (Nouv. édit. Plon. 1956). 12. Il faut avouer que les ré
1211
es troubadours pouvaient être — selon Rahn, Aroux
et
Péladan — une sorte de langage secret du catharisme — une relecture d
1212
du catharisme — une relecture des chapitres VIII
et
IX suffit à « réduire » à son tour cette simplification tout à fait a
1213
Innocent III qui rêvait de « l’empire du monde »
et
ne pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc,
1214
pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord
et
du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade contre les cathares :
1215
15. Consoler vient de consolari, formée de cum
et
de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifie donc
1216
u, Yoga, the Method of Reintegration, 1949, p. 45
et
suiv. 19. Mircea Eliade, op. cit., p. 205 et suiv. On trouve parfoi
1217
45 et suiv. 19. Mircea Eliade, op. cit., p. 205
et
suiv. On trouve parfois « jusqu’à cinq sens équivalents pour un seul
1218
20. L. De La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études
et
matériaux, 1898. 21. Eliade, op. cit., p. 210 et 212. 22. Id., ib
1219
t matériaux, 1898. 21. Eliade, op. cit., p. 210
et
212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que d
1220
e chansons ! — souvent très pauvrement traduites,
et
privés de toute beauté proprement poétique et rythmique par cette dou
1221
es, et privés de toute beauté proprement poétique
et
rythmique par cette double trahison. Qu’il soit bien entendu que je n
1222
à visus — le fameux premier regard qui enflamme –
et
servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’amour peut être suivi à
1223
qu’à la Renaissance, où on le retrouve chez Marot
et
Ronsard. Les variations sont très légères. Mais en 1510, Jean Lemaire
1224
le regard, le parler, l’attouchement, le baiser,
et
le dernier qui est plus désiré, et auquel tous les autres tendent pou
1225
nt, le baiser, et le dernier qui est plus désiré,
et
auquel tous les autres tendent pour leur finale résolution, c’est cel
1226
. » Le contraste avec l’amour courtois est clair.
Et
non moins le sens donné à mercy, que plusieurs auteurs assimilent pou
1227
badours… 26. Les cathares condamnaient la guerre
et
toute forme d’homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux
1228
a guerre et toute forme d’homicide, légal ou non.
Et
en place de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompe
1229
n place de faux juges, faux prêtres, faux reclus,
et
de maris trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’eussent pas
1230
nqué de lire simplement : juges, prêtres, reclus,
et
maris ! ah. Rougemont Denis de, « Tableau du phénomène courtois »,
1231
Denis de Rougemont
et
l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)ai aj Pourqu
1232
me mis à rechercher l’origine de l’amour-passion
et
je m’aperçus qu’il apparaissait pour la première fois clairement dans
1233
le xiie siècle. Mais Ovide, Properce, Tibulle ?
Et
la passion que Catulle portait à la Lesbie ? Faites attention aux tex
1234
tude de le considérer ou de l’éprouver. En Orient
et
dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain est très généra
1235
nçu comme un plaisir, la simple volupté physique.
Et
la passion — au sens tragique et douloureux — non seulement y est rar
1236
olupté physique. Et la passion — au sens tragique
et
douloureux — non seulement y est rare, mais encore et surtout, y est
1237
ouloureux — non seulement y est rare, mais encore
et
surtout, y est méprisée par la morale courante comme une maladie frén
1238
r, où elle exerce ses ravages aux dépens du monde
et
de soi. Pourquoi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour et l’
1239
oi cette révolution ? Pourquoi l’amour de l’amour
et
l’amour de la mort sont-ils apparus à ce moment-là ? Il faut relier l
1240
a thèse a été souvent attaquée par les historiens
et
les maîtres de Sorbonne. Certains spécialistes n’ont pas aimé que j’é
1241
ablisse des connexions entre les sombres cathares
et
les joyeux troubadours. Et pourtant les chansons courtoises chantent
1242
e les sombres cathares et les joyeux troubadours.
Et
pourtant les chansons courtoises chantent l’amour hors du mariage ; o
1243
vraiment ! J’aimerais que l’amour fût moins fatal
et
qu’on choisît davantage les gens qu’on aime : par volonté. Il faut un
1244
gens qu’on aime : par volonté. Il faut unir Éros
et
Agapè. Et plus prosaïquement, rendre le mariage plus difficile. Le te
1245
n aime : par volonté. Il faut unir Éros et Agapè.
Et
plus prosaïquement, rendre le mariage plus difficile. Le temps, la ré
1246
istorique », L’Information financière, économique
et
politique, Paris, 4 février 1956, p. 6. aj. Propos recueillis par Gu
1247
956, p. 6. aj. Propos recueillis par Guy Bechtel
et
introduits par la note suivante : « L’Amour et l’Occident , dans une
1248
l et introduits par la note suivante : « L’Amour
et
l’Occident , dans une édition remaniée et augmentée, aggravée dit M.
1249
L’Amour et l’Occident , dans une édition remaniée
et
augmentée, aggravée dit M. de Rougemont qui a de l’esprit, vient de p
1250
retentissement, il s’est maintenant fixé à Genève
et
s’occupe essentiellement d’économie politique. La semaine dernière, i
1251
er quelques minutes entre deux émissions de radio
et
l’interroger pour les lecteurs de L’Information. »
1252
56)ak al Cette beauté bien drue d’énergie pure
et
neuve, aux matins luisants de rosée, quand le pays entier émerge de l
1253
nt panorama. Les maisons sages, un peu scolaires,
et
les gens en gris vert défilent, des visages s’immobilisent et plus ri
1254
en gris vert défilent, des visages s’immobilisent
et
plus rien n’est étrange ni beau, tout rejoint l’habituel indifférent,
1255
out rejoint l’habituel indifférent, le rôle utile
et
le compartiment. Compartiments, c’est le mot-clé de la Suisse. Douze
1256
uisse. Douze paysages ou décors types juxtaposés,
et
l’on va de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes
1257
il se ferme sur un paysage de plateaux nordiques
et
rhénans — collines où montent les sapins en bataillons noirs et pensi
1258
ollines où montent les sapins en bataillons noirs
et
pensifs, s’arrêtant au sommet tous ensemble — et s’ouvre à l’autre bo
1259
et pensifs, s’arrêtant au sommet tous ensemble —
et
s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’un ciel méridional que do
1260
ulle frontière visible, deux confessions majeures
et
trente-six sectes qui se côtoient partout mais qui s’ignorent, je ne
1261
ignorent, je ne sais combien de races, de classes
et
de dialectes jalousement préservés, séparés, sans mélange. Si bien qu
1262
nquent. Paracelse était suisse, comme C. G. Jung,
et
Rousseau comme Jacob Burckhart, et Madame de Staël comme personne. «
1263
me C. G. Jung, et Rousseau comme Jacob Burckhart,
et
Madame de Staël comme personne. « Pays de gens moyens, oui, disait Lu
1264
ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur.
Et
plus d’obstacles devant la pensée… »am Compartiments, esprit de grou
1265
t la pensée… »am Compartiments, esprit de groupe
et
sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop,
1266
s groupes de gens qui ne se connaissent que trop,
et
sociétés solides si leur but est restreint. D’où l’extrême importance
1267
horlogerie est une science des petits mouvements.
Et
découvrons la Suisse réelle dans l’usage de ses trains locaux. Les t
1268
its déplacements, qui sont des voyages concentrés
et
plus émouvants que les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée n
1269
émouvants que les vrais, parce qu’entre le départ
et
l’arrivée ne s’établit jamais cette monotonie des heures de plaine et
1270
ablit jamais cette monotonie des heures de plaine
et
d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suis
1271
es, pour ne garder que le meilleur, le plus actif
et
le plus déchirant, la rupture et la découverte, l’évasion qui se mue
1272
r, le plus actif et le plus déchirant, la rupture
et
la découverte, l’évasion qui se mue en invasion, ce début qui clôt un
1273
ndent les extrêmes les plus touchants du souvenir
et
de l’espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouv
1274
rtes du cœur, un instant, sont à la fois ouvertes
et
fermées. Ainsi la Suisse est la patrie des romantiques contraints par
1275
le, celui qui exprime le tout en disant le moins,
et
qui témoigne de l’inspiration par le signal d’un raccourci métaphoriq
1276
en troisième, les gens chics parfois en seconde,
et
je ne savais rien des premières sinon qu’un morceau de dentelle ornai
1277
ngues nationales. À mi-chemin entre l’instituteur
et
le gendarme, un personnage vêtu d’un sévère uniforme au col bordé de
1278
re bien rasée entrait, claquait la porte étroite,
et
annonçait avec une emphatique autorité des noms de villages que tout
1279
après la longue absence de mes années américaines
et
plus que jamais frappé par ce trait national — le seul sans doute, ch
1280
l’adjectif — je me disais : « C’est notre force,
et
ce sera peut-être un jour, au dernier jour — car les plus belles hist
1281
État : cette habitude de nous sentir “en règle”,
et
donc de nous croire protégés par toutes les lois divines et humaines,
1282
nous croire protégés par toutes les lois divines
et
humaines, comme si le monde où nous vivons était fait à notre mesure,
1283
nous faire oublier que la correction, la décence
et
la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le mo
1284
décence et la sécurité des citoyens sont de purs
et
simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’humanité d
1285
male désordonnée, lubrique, rapace, irresponsable
et
affamée ; et notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ont d
1286
née, lubrique, rapace, irresponsable et affamée ;
et
notre âme un cloaque de crimes potentiels, comme l’ont dit Freud, Sha
1287
es potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespeare
et
les Pères de l’Église… Dix années ont passé, et plus que jamais, s’il
1288
e et les Pères de l’Église… Dix années ont passé,
et
plus que jamais, s’il faut que j’en croie mes yeux, la confiance règn
1289
mener la vie normale du genre humain, l’anarchie
et
la guerre étant des exceptions. Ainsi pensent les Français du climat
1290
tandis que les déserts, les volcans, les ouragans
et
les températures extravagantes menacent quotidiennement, depuis des m
1291
st exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix
et
de raison qui doivent nous étonner lorsqu’ils paraissent, phénomènes
1292
probables, très rarement observés sur la planète,
et
que la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les
1293
surprend à chacun de mes retours. Comment décrire
et
comment justifier l’espèce particulière d’irritation que provoquent c
1294
s apparemment timides, mais directs, trop sérieux
et
choqués par on ne sait quoi… ? Vous les soutenez d’abord avec curiosi
1295
ore un temps infini, en vertu de quelque inertie,
et
finalement ne se détournent qu’avec cet air exaspérant de celui qui r
1296
comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir
et
pour réagir comme je le dis. Dès que je m’éloigne un peu, l’indulgenc
1297
montrer trop vigilant, je veux dire trop méfiant
et
même intolérant. Qu’ils aient seulement l’air étonnés suppose déjà be
1298
. Dans les secondes règne la gravité du commerce
et
de l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’est pas curieu
1299
tude. On dirait qu’il s’installe dans son bureau,
et
sa pensée ne vagabonde pas, reste enfermée dans sa serviette de cuir.
1300
e plus en plus enclin à respecter le velours gris
et
dru des secondes : il a tort, c’est la classe vulgaire. Des jeunes fe
1301
. Mais il faut traverser un couloir de premières.
Et
je m’arrête, fasciné. Un vieux monsieur en noir, au col rond, dur et
1302
ciné. Un vieux monsieur en noir, au col rond, dur
et
haut, ce doit être un évêque anglican, somnole. En face de lui, la be
1303
se, je les nomme les imperméables. Ils traversent
et
passent, rien ne les touche. Ce sont aussi, et pour la même raison, d
1304
nt et passent, rien ne les touche. Ce sont aussi,
et
pour la même raison, des transparents. (Avez-vous remarqué que les tr
1305
sement des traditions locales les plus touchantes
et
des express européens, petits trajets portés sur les axes du monde. Q
1306
ent-là sous le nom de « République helvétique une
et
indivisible » échoua rapidement, et Napoléon reconnaissant l’erreur c
1307
elvétique une et indivisible » échoua rapidement,
et
Napoléon reconnaissant l’erreur commise, déclarait aux Suisses en 180
1308
’alliance d’États souverains sans pouvoir central
et
de la totale unification, la Suisse chercha pendant près d’un demi-si
1309
on respect excessif des souverainetés cantonales,
et
par la droite, qui jugeait ces souverainetés dangereusement menacées2
1310
lème de la souveraineté cantonale (ou nationale),
et
cela d’une manière qui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe
1311
té n’est pas limitée par la constitution fédérale
et
, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au
1312
par l’article 3, leurs constitutions, la liberté
et
les droits du peuple, etc. Perdre notre souveraineté ? Non : la r
1313
on ? Ces souverainetés ont-elles quelques réalité
et
consistance, en dehors des débats où elles figurent comme prétexte à
1314
implacables circonstances techniques, économiques
et
politiques. Il en résulte que la souveraineté nationale n’a plus guèr
1315
hologique. Refoulée du domaine des forces réelles
et
de pouvoirs concrets elle est devenue le réceptacle où se recueillent
1316
gies de gloires passées, orgueils déçus, rancunes
et
préjugés hérités d’une Histoire faussée par l’école, agressivité frus
1317
stoire faussée par l’école, agressivité frustrée,
et
surtout angoisse de perdre son identité. Elle a donc pris les caractè
1318
de s’adapter aux réalités changeantes du siècle,
et
même de les apercevoir. D’où la prise qu’ils offrent aux manœuvres le
1319
alousie d’Othello. D’où enfin l’extrême confusion
et
les éclats de passion saugrenus qui caractérisent les polémiques sur
1320
rec : « Dans les domaines militaires, économiques
et
politiques, les organisations internationales existantes (telles que
1321
N) prennent aujourd’hui les décisions principales
et
le peuple n’a sur elles aucun contrôle. Au contraire, les organisatio
1322
sentiel de cette souveraineté, elles l’ont perdu,
et
sans retour. À la question : pourquoi l’Europe unie ? il nous faut do
1323
es savants, à toutes les associations d’écrivains
et
académies, à l’élite intellectuelle du monde entier, nous demandons a
1324
tellectuelle du monde entier, nous demandons aide
et
secours. Il reste peu de temps. Vous connaissez les faits. Inutile de
1325
ste est répété trois fois en anglais, en allemand
et
en russe. Puis quelques minutes de musique. À 8 h 7, Radio-Kossuth se
1326
les de la révolution déclenchée par les étudiants
et
par les écrivains du cercle Petöfi, il n’a pas été répondu. Nous ne p
1327
pest, c’est donner dans un guet-apens. Accueillir
et
fêter les jolies troupes d’artistes, les intellectuels asservis que n
1328
crivains martyrs qui nous appelaient de Budapest,
et
c’est trahir leur testament. Que chacun s’interroge et décide libreme
1329
est trahir leur testament. Que chacun s’interroge
et
décide librement de l’action qu’il entend mener, dans sa sphère d’inf
1330
ns de Budapest, qui ne le laisseront pas oublier,
et
dont tout le programme est maintenant d’y répondre. Au nom du Congrès