1 1951, Articles divers (1951-1956). Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)
1 e notre civilisation peut mourir demain et que ce n’ est pas là une phrase1. Nous sommes ici parce que nous savons tous que
2 à prendre notre part, qui pour l’instant encore, n’ est pas la moindre dans cette défense qui vous intéresse tous directem
3 , l’autre guerre suivra. Si nous la gagnons, nous n’ aurons pas encore tout sauvé, mais nous aurons, à notre place et selon
4 but du Kominform, en lançant ses appels à la paix n’ est pas du tout de servir une paix durable, mais de donner un répit à
5 ements. Vous pourrez juger alors vous-mêmes qu’on n’ aura jamais vu des loups déclarer avec moins de pudeur leur amour pass
6 roupes dans l’intention de nous désarmer. Si vous n’ êtes pas dans le camp politique qui s’est emparé du mot « paix », vous
7 sophisme. Et puis, vous le savez tous, tout cela ne sonne pas vrai, n’est pas sincère ; ce qu’on nous a volé, ce qu’on no
8 vous le savez tous, tout cela ne sonne pas vrai, n’ est pas sincère ; ce qu’on nous a volé, ce qu’on nous a pris en otage,
9 on nous a volé, ce qu’on nous a pris en otage, ce n’ est pas la paix, c’est un mot. Il est très facile, à mon avis, de dist
10 la liberté, se dénoncent eux-mêmes. La vraie paix n’ est pas défendue quand la liberté ne l’est pas ; elle n’est donc nulle
11 La vraie paix n’est pas défendue quand la liberté ne l’est pas ; elle n’est donc nullement défendue par les « Partisans de
12 pas défendue quand la liberté ne l’est pas ; elle n’ est donc nullement défendue par les « Partisans de la Paix ». À nous d
13 d’artillerie. Quelle peut être notre riposte ? Je n’ hésiterai pas à lui donner ce nom, bien que ce nom soit très mal vu de
14 peut et l’on doit détester la propagande, mais on ne veut pas nier qu’elle existe et qu’elle joue — avec quel succès ! — c
15 t aussi détester les microbes, mais cette opinion ne les tue pas. Pasteur aussi détestait les microbes, mais il a su les e
16 es, qu’elle vise d’abord, et les élites aussi qui ne sont pas moins contaminées. Certes, nous n’allons pas opposer aux cam
17 i qui ne sont pas moins contaminées. Certes, nous n’ allons pas opposer aux campagnes massives et mécaniques des totalitair
18 s totalitaires, des procédés de même nature. Nous n’ opposerons pas au fanatisme un autre fanatisme qui dans notre cas, ser
19 erait absolument artificiel. Notre but, en effet, n’ est pas d’endormir ou d’hypnotiser les esprits mais au contraire, de r
20 is au contraire, de réveiller les consciences. Il n’ est pas de répandre une mystique qui promet la lune pour demain, mais
21 itaient pourtant qu’on les défende. La démocratie n’ est pas une panacée. Elle ne résout aucun des grands problèmes humains
22 éfende. La démocratie n’est pas une panacée. Elle ne résout aucun des grands problèmes humains et personnels, mais s’ils s
23 ’ils respirent et qu’ils perdraient demain, s’ils ne se réveillaient pas… Pour nous, la défense de la paix suppose des moy
24 cette puissance paradoxale ? La péninsule Europe ne représente, en effet, que 5 % des terres du globe. Ni son étendue, ni
25 bre de ses habitants, ni ses richesses naturelles ne la destinaient fatalement au rôle qu’elle a pourtant joué. D’autres f
26 sprit courant, voilà qui prouve que notre culture n’ est pas menacée seulement de l’extérieur. En effet, comparer la cultur
27 campagnes culturelles, soyez bien certains qu’il ne joue pas aux vieilles dames, qu’il ne fait pas de la broderie, et que
28 tains qu’il ne joue pas aux vieilles dames, qu’il ne fait pas de la broderie, et que les armées qu’il met en marche sont p
29 t être appelés un jour à défendre l’Europe et qui ne le feront pas si le point de vue de l’adversaire les a, par avance, «
2 1951, Articles divers (1951-1956). Comment fabriquer un Européen ?
30 iquer, ou presque, paraît-il. L’homme synthétique n’ a pas encore vu le jour, il est vrai, mais nous ne perdons rien pour l
31 n’a pas encore vu le jour, il est vrai, mais nous ne perdons rien pour l’attendre : il est déjà conçu, il naîtra donc. Cet
32 us faciles). Pour réussir un bon Américain moyen, ne prenez pas un Mohican : ces premiers habitants du bois et du rocher,
33 s à Fenimore Cooper, au mythe, à notre enfance, —  n’ y touchons plus. Mais prenez deux Européens de nations différentes, si
34 taines de milliers d’émigrants : un Smith de plus ne la fera pas couler. Apprenez maintenant au jeune homme la phrase célè
35 t stériles. Un mélange de catholiques et de juifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx et de Ma
36 ts ; pas plus qu’un mélange de Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’Allemands, d
37 lange de Français et d’Allemands, des Suisses. Je n’ entrevois aucun espoir d’obtenir par de tels procédés l’Européen synth
38 nos vertus, nos croyances, nos partis pris vitaux ne sauraient être additionnés dans un seul homme. Ils ne pourraient que
39 auraient être additionnés dans un seul homme. Ils ne pourraient que se neutraliser et s’annuler réciproquement. La vérité,
40 différer de son voisin et des modèles fournis. Il n’ existe donc pas, il ne peut exister d’Européen moyen, résumant les ver
41 et des modèles fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut exister d’Européen moyen, résumant les vertus et les défauts con
42 s et les défauts contradictoires du continent. Il n’ y a que des Français, des Danois, des Croates, des parpaillots, des mé
43 des partisans motorisés de la paix concentrée. Il n’ y a que des hommes habitués à différer les uns des autres, et c’est to
44 péen, ce serait tenter de faire quelque chose qui ne ressemblerait plus à rien d’européen. Après tout, pourquoi voudrait-o
45 si on les empêchait de vivre à leur manière, qui n’ est pas celle de leurs voisins. J’en vois la preuve par neuf dans le r
46 ble ! » (Que dirions-nous d’autres régimes, où ce n’ est pas la pression de la mode, mais celle de la police qui ramène « d
47 volution, des libertés publiques ou morales, pour ne citer que ces trois grands exemples, sont à peu près les mêmes chez t
48 avons beaucoup en commun, beaucoup plus que nous ne le croyons. Mais nous n’avons rien de plus fort, pour nous unir, que
49 , beaucoup plus que nous ne le croyons. Mais nous n’ avons rien de plus fort, pour nous unir, que cette passion de rester d
50 ou Saxons, si nous voulons rester nous-mêmes, il n’ y a plus une minute à perdre : il nous faut combiner nos ressources. F
51 n fait de notre droit de différer, sans lequel il n’ est point de dialogue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur d
52 e c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’il n’ est plus d’espoir que dans l’union, — celle qui veut surmonter nos div
3 1951, Articles divers (1951-1956). Défense de nos libertés (octobre 1951)
53 tre la liberté humaine en soi, on en vient vite à ne plus savoir si elle existe ou non, si elle est légitime ou non comme
54 el ou paysan, sait très bien ce qu’il a perdu. Il n’ en demande pas la définition. Il en exige la jouissance immédiate, à n
55 éfinition. Il en exige la jouissance immédiate, à n’ importe quel prix. En ce milieu du xxe siècle, c’est moins le problèm
56 parce que le monde est divisé en deux partis, qui ne se définissent clairement que par rapport à la liberté. D’un côté, le
57 re, ceux qui vivent en régime totalitaire, et qui n’ ont pas nos libertés, qu’ils jugent trompeuses. Tous les autres motifs
58 ce plan-là, peut-être. Les passions nationalistes ne sont plus que des survivances, d’ailleurs également réparties entre l
59 . Les conceptions de la justice sociale elle-même ne suffisent pas pour distinguer nettement les adversaires : il serait p
60 t clair que l’enjeu est en définitive la liberté, n’ est-il pas urgent que nous prenions une conscience nette et forte des
61 défendre ? Beaucoup d’entre nous, soyons francs, ne savent plus bien répondre à ces questions. C’est là que gît la force
62 ent avant de répondre. Quand on nous dit : « Vous ne pourriez défendre l’Europe qu’en opposant à ses ennemis une idéologie
63 ogie plus puissante que la leur, mais hélas, vous n’ avez aucun passé ! », quand on nous dit cela, et que nous cherchons al
64 totale. Il faut que nous répondions ceci : « Nous n’ avons pas besoin comme vous d’une mystique qui masque les faits, nous
65 me vous d’une mystique qui masque les faits, nous n’ avons pas besoin d’une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n
66 une idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’ est pas notre passé que nous défendons, mais bien les libertés qu’il a
67 aux peuples qui en ont grand besoin, parce qu’ils n’ ont pas nos réalités — et leurs chefs doivent masquer cette absence pa
68 ivent masquer cette absence par des slogans. Nous n’ avons nul besoin d’une mystique « aussi puissante » ou « plus puissant
69 aits objectifs sont meilleurs que notre lassitude ne le pensait. Rendus conscients des forces véritables de l’Europe et de
70 e personne fait obstacle à la fatalité. Léviathan ne devient fatal que dans la mesure où nous quittons la lutte. Léviathan
71 à morte : — Là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. c. Rougemont Denis de, « Défense de nos l
72 Les Libertés que nous pouvons perdre , dont nous ne saurions trop recommander la lecture. »
4 1952, Articles divers (1951-1956). Robert de Traz, l’Européen (1952)
73 comprendre ce qui se passe vous possède, comment n’ irait-on pas, en écartant les préjugés et les abstractions, questionne
74 collectives, aux philosophies de combat, et qu’il ne fallait pas laisser ce peuple « dans les ténèbres du dehors, mais le
75 usion forment ensemble un essai politique dont je ne vois pas encore l’égal dans notre époque. Il en est de plus « efficac
76 la civilisation « grecque et chrétienne — et Rome n’ a fait qu’amplifier et parfois corrompre ces termes essentiels » que l
77 ondes », que l’Europe se fera, une et diverse. Je ne vois pas une phrase, dans cet essai final, animé par un long mouvemen
78 long mouvement d’éloquence lucide et sereine, qui ne porte encore mieux sur notre temps que sur celui de sa naissance — 19
79 servitude. « L’Europe vassale ! Cette perspective ne va-t-elle pas nous mettre debout ? Avons-nous donc cessé d’être des m
80 t dirigent, et, dans notre détresse complaisante, ne souhaitons-nous plus qu’être séduits et passivement satisfaits ? Le s
81 chévique, le snobisme oriental, le snobisme nègre n’ ont-ils pas assez duré, avec leur goût de veulerie et de reniement ? »
82 magnifiquement privilégiés, les hommes d’Occident n’ ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ils se rapprochent d
83 le produit d’une collaboration séculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d’aucun peuple sans la défigurer et l’a
84 n. À force d’imagination et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase somnolente : ils sont actifs. » Enfin
85 nt son unité conquise sur des différences qu’elle ne détruirait pas pour autant, elle donnerait au monde un exemple à suiv
86 es continents que les océans séparent. » Pourquoi ne pas le dire ici ? Cette relecture avive en moi d’amers regrets. Je vo
87 ternel qu’une longue amitié, dès mon adolescence, n’ a pu me le faire concevoir de son vivant. Dans le recueil récemment p
88 un œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’ a-t-il pas joint l’action dont il avait, bien avant nous, aperçu la né
89 rment la pensée dans une conclusion claire. Elles ne visaient point à entraîner, mais à cerner, à définir, à dire le vrai.
90 Europe… de se reconnaître une mission ? » Non, ce n’ était pas rêver, il le savait, mais ce n’est plus assez de conseiller.
91 Non, ce n’était pas rêver, il le savait, mais ce n’ est plus assez de conseiller. Ce convaincu n’était pas de l’espèce des
92 s ce n’est plus assez de conseiller. Ce convaincu n’ était pas de l’espèce des militants d’une politique. Ce moraliste voul
5 1952, Articles divers (1951-1956). Prototype T.E.L. (janvier 1952)
93 impropre à la fabrication de série : son intérêt n’ en est pas amoindri. Car il fournit une connaissance nouvelle de certa
94 es, souvent moins purs ou moins achevés. Lawrence ne fut un écrivain que par accident, semble-t-il. Mais cet accident fit
95 la singularité exemplaire du cas de Lawrence, ce n’ est pas à la seule analyse de l’œuvre en soi qu’il faut recourir, mais
96 ociété de son temps. L’écrivain du xviiie siècle ne l’est guère moins, bien qu’il mette en question, ou raille agressivem
97 ns le nihilisme, exilés dans la transcendance. Il n’ y a plus de commune mesure entre celui qui pense et ceux qui agissent 
98 e entre celui qui pense et ceux qui agissent ; il n’ y a donc plus de communauté réelle. Et c’est pourquoi le xxe siècle v
99 l’existence quotidienne : « Premier point : nous ne sommes pas liés au sol », écrit Lawrence, à propos de la RAF.) Ils co
100 ême, qui meurt pour la libération des Grecs, mais n’ eût rien fait contre les droits des lords ou des capitalistes en Angle
101 évolutions mais que d’autres ont déclenchées, qui n’ en sont plus au stade des revendications mais des coups de feu, et qui
102 s syllabes peuvent gâter l’allure d’un texte, ils n’ en ont cure. Les meilleurs se rattrapent sur un plan plus profond d’ef
103 mandement — leur sont connues ou instinctives. Ce n’ est pas seulement à leur réputation d’aventuriers, de révolutionnaires
104 rite de Saint-Exupéry). Soulignons que ces écrits ne sont nullement pour eux les substituts de l’action terminée ou provis
105 s par nature, ils livrent peu de confidences. Ils n’ avouent guère d’autre ambition que celle d’un serviteur de la cause co
106 e celle d’un serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés
107 e, loin d’y recevoir la réponse la plus attendue, n’ y apparaît que plus fondamental : c’est pour tenter de le résoudre que
108 à l’action ; pourtant, ce qu’il nous laisse enfin n’ est qu’une question, l’exemple d’une « passion » dont l’enjeu n’est pa
109 uestion, l’exemple d’une « passion » dont l’enjeu n’ est pas clair. Et certes, les péripéties d’une telle passion peuvent b
110 poirs à la Conférence de Versailles. Mais comment ne pas penser à Saint-Exupéry ? Le parallèle s’impose entre ces deux fig
111 si contrastées dans leurs données individuelles, ne fait qu’accentuer l’intérêt d’un rapprochement entre les deux personn
112 uencer et de manier les hommes par des moyens qui ne sont pas ceux du règlement, et qui ne doivent rien aux titres officie
113 moyens qui ne sont pas ceux du règlement, et qui ne doivent rien aux titres officiels : goût de l’autorité, non du pouvoi
114 se sont illustrés. (Pour le courage physique, ils n’ en parlent jamais qu’avec un scepticisme dénué de coquetterie.) Le seu
115 angible » à la mémoire d’un effort collectif. Ils n’ écrivent pas plus facilement l’un que l’autre ; se vantent parfois, ma
116 n langage ; cependant ils veulent être simples et n’ employer que des mots éprouvés… C’est à ce stade que naissent Les Sept
117 assion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ ont pas le choix, et que la vie parmi les autres, les civils, s’est ré
118 tais fauché ? », écrit Lawrence en 1923. L’argent n’ est ici qu’un symbole : il pouvait en gagner autrement.) Il va de soi
119 e hantés par leur besoin d’écrire, et bien qu’ils ne puissent ignorer qu’à des postes moins anonymes, ils seraient plus di
120 taines vocations religieuses, et cette similitude ne manque pas de les frapper. Lawrence décrit son engagement dans l’armé
121 nt revenus de tant d’autres dangers, et peut-être n’ ont-ils disparu que pour assumer d’autres tâches, plus secrètes et plu
122 lle, dont Lawrence est le prototype. Le dictateur n’ est fort que de la faiblesse des autres, et sa grandeur est négative :
123 tateur est le parasite des maux publics. Lawrence n’ a jamais rien demandé que de lui-même. Son pouvoir sur autrui lui fait
124 fait horreur, il l’avoue à plusieurs reprises. Il n’ en use qu’avec répugnance (pour en garder longtemps le remords) si les
125 e ce fut le cas dans sa campagne d’Arabie ; et il ne peut se retenir de dénoncer dans cet usage, même légal, un abus. Forc
126 e. Il dépasse tous les autres dans ce sens. Et je ne lui vois d’égal, dans l’exigence quant à soi-même, le mépris de la fr
127 Et puis il y a l’absence de responsabilité : je n’ ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes
128 hysiques à l’exercice. Depuis que je suis ici, il ne s’est présenté à moi pas un seul choix : tout est prescrit — à l’exce
129 je me suis convaincu que le progrès, aujourd’hui, n’ est pas le fait du génie isolé, mais de l’effort commun. Pour moi, c’e
130 pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’ a pas d’importance ». De tels textes peuvent servir de repères pour ce
131 sophie. Car Lawrence, comme plusieurs de sa race, ne se situe dans nos problèmes que d’une manière fragmentaire, en des oc
132 ctiviste. (L’effort commun qui porte le progrès ; n’ être qu’un rouage numéroté ; apprendre à se compter pour rien ; trouve
133 qui en résulte est un travail de second ordre. Je n’ ai rien rencontré de plus honnête et dévoué que nos hommes politiques
134 ilier d’aujourd’hui. Je hais les meubles. » Qu’on ne voie pas là une dérobade devant le grand choix politique de ce siècle
135 omme qui a raté ses « sorties » et pour lequel il n’ est plus d’autre solution que de s’assurer une petite place dans la ci
136 mais qu’il faut pourtant bien accepter, lorsqu’on n’ a pas connu, ou que l’on refuse, la transcendance qui pourrait seule l
137 sa sincérité, à travers tant de déguisements. On ne peut s’empêcher de l’aimer. Mais il n’est pas question de le suivre.
138 ements. On ne peut s’empêcher de l’aimer. Mais il n’ est pas question de le suivre. Le nihilisme, si « décent » soit-il, es
139 en est le fourrier. Les fausses fois totalitaires n’ ont d’ennemi sérieux que la foi. Pourtant, à ceux qui disent que Lawre
140 qui disent que Lawrence est décevant parce qu’il n’ a pas laissé de « message », je répondrai qu’il nous apprend au moins
141 age », je répondrai qu’il nous apprend au moins à n’ en pas attendre des hommes. Nous demandons trop aux écrivains. En somm
142 il décrit mieux l’état véritable de l’homme. Rien ne tient, à l’épreuve, qui n’ait commencé là. 3. Letters, p. 412. 4
143 table de l’homme. Rien ne tient, à l’épreuve, qui n’ ait commencé là. 3. Letters, p. 412. 4. T. E. Lawrence, par Char
144 r à les paraphraser, les lettres de Saint-Exupéry n’ étant pas encore publiées. Quant à La Citadelle, on notera qu’elle n’a
145 publiées. Quant à La Citadelle, on notera qu’elle n’ a point son équivalent chez Lawrence. Et certes, rien n’empêche d’imag
146 int son équivalent chez Lawrence. Et certes, rien n’ empêche d’imaginer que ce dernier, s’il eût vécu tranquille dans son c
6 1952, Articles divers (1951-1956). L’Heure de l’impatience (mars 1952)
147 L’Heure de l’impatience (mars 1952)h Ce n’ est pas un pamphlétaire irresponsable, c’est un homme politique avisé
148 e croire aussi nombreux qu’ils sont, parce qu’ils n’ ont pas encore pris l’habitude de se sentir Européens. Au lieu d’un bl
149 s, voici donc vingt petits pays, dont pas un seul n’ est à l’échelle du siècle. Il semble évident que leur union renversera
150 taires, mais ils oublient que leurs nationalismes ne remontent qu’au siècle dernier, et qu’ils ont deux-mille ans d’usage
151 ane au détriment des autres. Le cœur ni le poumon ne vivraient isolés, et leur santé dépend d’une bonne circulation. Enfin
152 santé dépend d’une bonne circulation. Enfin, rien n’ est plus clair au monde que la nécessité de notre union, rien n’est mo
153 ir au monde que la nécessité de notre union, rien n’ est moins contesté et cependant, comme il arrive parfois dans les cauc
154 comme il arrive parfois dans les cauchemars, rien ne peut avancer, tout s’entrave. Cette lenteur insensée, angoissante, du
155 , l’heure est venue de l’impatience créatrice. Je n’ imagine pas de meilleur mot d’ordre pour une Campagne européenne de la
7 1952, Articles divers (1951-1956). Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)
156 différent de celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas de longues incursions dans le passé, mais je rappellerai la
157 nt de connaissances orales, car les textes écrits n’ avaient pas de circulation publique. On passait donc ainsi du foyer d
158 la division de la population en classes sociales ne parlant pas le même langage, la division en nations, qui existe depui
159 e un rôle beaucoup plus vaste qu’au Moyen Âge. Il n’ existe guère aujourd’hui dans nos pays qu’une seule forme de culture c
160 ournaux. C’est une forme de diffusion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne nécessite aucune traduction. Vous rec
161 usion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne nécessite aucune traduction. Vous reconnaîtrez que c’est peu — ce n’e
162 traduction. Vous reconnaîtrez que c’est peu — ce n’ est même rien — pour former l’homme et le jugement personnel. Le résul
163 fragmente en toutes sortes de petits morceaux. On ne peut plus dire : l’Europe, c’est une forme de culture, la substance d
164 st affaire d’ingénieurs ou d’hommes politiques et ne nous intéresse pas ici. ⁂ Je voudrais maintenant vous présenter un ce
165 ous présenter un certain nombre de thèmes : 1° Il n’ est pas possible que la culture puisse agir — c’est-à-dire former ou m
166 destinée, sans eux, à mourir à bref délai. 2° Il n’ y a pas de culture vivante sans une incarnation, une implantation loca
167 arnation, une implantation locale. Un foyer local ne peut être appelé foyer de culture que s’il réalise à la fois cette po
168 re et cette ouverture aux échanges universels. Il n’ y a pas d’Europe vivante sans ces deux courants. Je reviens toujours à
169 ur lui viendront de la réalité quotidienne. 3° Il ne faut pas que l’Europe se fabrique comme un immense trust super-étatiq
170 le fédéralisme est une tension permanente — pour ne pas dire une contradiction — entre le mouvement vers l’union et les a
171 ein le stade national, intermédiaire ; la culture ne s’est jamais faite par les nations, c’est une plaisanterie, une thèse
172 ontée dans les livres d’école depuis cent ans. Il n’ existe pas de culture nationale, aucun historien sérieux ne peut défen
173 pas de culture nationale, aucun historien sérieux ne peut défendre cette idée. La culture a toujours été internationale. I
174 oraires qu’ils ont déjà prévus. Ces conférenciers ne seraient pas des professeurs d’éloquence ni des hommes politiques, ma
175 n a parlé tout à l’heure de culture populaire. Je ne crois pas qu’il y ait une culture populaire, comme je ne crois pas au
176 s pas qu’il y ait une culture populaire, comme je ne crois pas aux cultures nationales. Il y a la culture, qu’il s’agit d’
177 cette distinction, à faire que le mot « Culture » ne soit plus synonyme d’académisme, de propriété bourgeoise, de luxe int
178 it : « j’espère que dans un foyer la maison seule ne compte pas, ni la mystique locale, c’est la culture qui doit être le
179 et me suis dit que je vous la retransmettrai. Je ne veux faire de peine à personne, mais les maisons de culture sont là p
8 1952, Articles divers (1951-1956). La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952)
180 it le professeur Rappard. Ce que je préconise, ce n’ est certes pas une européanisation de la Suisse, mais bien au contrair
181 dans l’ordre où il les a énumérés lui-même. « Je ne crois pas, dit-il, que la petite Europe puisse se faire et durer »…
182 s adversaires les plus acharnés ont reconnu qu’il n’ était plus temps de s’interroger sur son opportunité, mais bien de tra
183 s — qui furent ses adversaires les plus absolus — n’ ont pas tardé à lui envoyer des ambassadeurs comme à tout autre gouver
184 mark et l’Autriche s’apprêtent à suivre. L’Europe n’ existe pas, n’a jamais moins existé qu’aujourd’hui, affirmait le profe
185 iche s’apprêtent à suivre. L’Europe n’existe pas, n’ a jamais moins existé qu’aujourd’hui, affirmait le professeur Rappard,
186 tes études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n’ a pas attendu les Américains, pas plus que la mise en place de la Haut
187 de fait que le rideau de fer l’a séparée en deux… N’ allez pas plus loin, je connais l’antienne ! Non, le rideau de fer ne
188 in, je connais l’antienne ! Non, le rideau de fer ne nous a pas séparés en deux de la façon dont on voudrait nous le faire
189 remièrement, on peut espérer que cette séparation ne sera que provisoire, et ensuite, vous êtes-vous demandé quelles sont
190 u, nous sommes quelque 320 millions, tandis qu’il n’ y en a pas quatre-vingt-dix-millions de l’autre… Soit. Mais ces 320 mi
191 millions avec lesquels vous voulez faire l’Europe n’ ont pas de traditions communes ou d’impérieuses raisons de s’unir, com
192 qu’y a-t-il de commun entre Genève et Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « miracle suisse » précisément parce que tout s’opp
193 on ? Alors, pourquoi pas l’Europe ? Les Européens n’ ont-ils pas des traditions communes que les Suisses n’avaient pas ? L’
194 t-ils pas des traditions communes que les Suisses n’ avaient pas ? L’Europe est tout de même plus ancienne que la Suisse, e
195 ffirmations du professeur Rappard, « cette Europe ne connaît même pas encore un début de véritable réalisation ». Mais c’e
196 assé le plan Marshall ! Quant au plan Schuman, ce n’ est plus un projet mais une réalisation en cours… Non, voyez-vous, ces
197 lisation en cours… Non, voyez-vous, ces arguments ne sont pas sérieux. … mais des réalités économiques Il en est d’a
198 s économiques Il en est d’autres cependant qui ne peuvent nous laisser indifférents, et ce sont ceux de notre économie,
199 merce extérieur avec les six pays du plan Schuman ne représentait l’an dernier que le 40 % du volume de nos échanges. C’es
200 60 % restant de notre commerce extérieur ? Et je ne vois vraiment pas pourquoi, si la Haute Autorité se solidifie toujour
201 ofesseur Rappard fonde-t-il cette déclaration, je ne le comprends pas, et l’argument de cette finis Helvetiae me semble un
202 elvetiae me semble un rien démagogique. Non, rien ne sera fait contre nous si nous gardons un contact actif au lieu de nou
203 tré maintenant dans sa phase de réalisation. Mais ne croyez-vous pas, qu’isolés de la mer et de ceux qui furent toujours à
204 de la part du professeur Rappard encore plus. Je ne sache pas que le Royaume-Uni ait joué un grand rôle dans la constitut
205 e idée américaine, notre adhésion à l’Europe unie ne pourrait que combler les vœux américains. Alors comment oser sincèrem
206 en me semble tout aussi erronée. Cette fédération n’ est pas une ligue séparée, elle n’est pas en révolte contre une ligue
207 ette fédération n’est pas une ligue séparée, elle n’ est pas en révolte contre une ligue plus vaste : elle est un début, et
208 vaste : elle est un début, et non seulement elle ne s’oppose pas à ce que d’autres pays lui donnent leur adhésion, mais e
209 onnent leur adhésion, mais elle le souhaite. Elle n’ est pas plus opposée à une fédération plus vaste que la Confédération
210 e la Confédération des huit ou des treize cantons ne pouvait être opposée à celle des vingt-deux cantons. Et pourquoi p
211 iste anglais, Josiah Tucker, doyen de Gloucester, n’ écrivait-il pas un an avant l’adoption par les États-Unis de leur cons
212 abitudes nous donnent une certitude, c’est qu’ils ne pourront jamais trouver un centre d’union et un seul intérêt commun »
213 commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’ironie qu’il faut, quelques prédictions
214 ons de M. Rappard, elle courrait un grave danger. Ne dit-il pas en effet : « Au lieu d’isoler quelques pays de l’Europe co
215 en cherchant à en faire une seule et même patrie, ne vaudrait-il pas mille fois mieux les unir tous dans une seule et même
216 p, renoncer à notre neutralité. Or, la neutralité ne doit pas nous empêcher de collaborer ; mais pourquoi renoncerions-nou
217 oi, je vous le demande ? Encore une fois, non. Il ne s’agit pas de renoncer à cette neutralité, mais il ne faut pas non pl
218 ’agit pas de renoncer à cette neutralité, mais il ne faut pas non plus qu’elle nous empêche de collaborer sur le plan euro
219 ntradiction avec tout ce qui a précédé, puisqu’il ne craint pas d’inclure l’alliance militaire. Mais il a raison d’insiste
220 . Rappard, fédéraliste suisse : nul mieux que lui ne sait que les intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux
221 eux que lui ne sait que les intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Europe. Ainsi prend fin cet entre
9 1952, Articles divers (1951-1956). Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952)
222 er. De la moitié restante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore que quinze pays, sans le Portugal, sans l’Espagne, sans
223 ns d’habitants, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’ est donc qu’un peu plus d’un cinquième des Européens que nous perdons,
224 uste autant d’habitants, ou de la petite URSS qui n’ en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez que le nombre d’habit
225 lus. Vous me répondrez que le nombre d’habitants ne fait pas tout. Et, en effet, Paul Valéry faisait remarquer que si l’o
226 llons plus loin. Les chiffres et les statistiques n’ épuisent pas la réalité. Les six pays que groupe la Haute Autorité for
227 Europe ? » La Sibérie, certes, est plus vaste… Il n’ en résulte pas que la Grande-Bretagne, les Pays scandinaves, l’Espagne
228 utriche, la Grèce et la Turquie, enfin la Suisse, n’ aient rien ajouté à ces gloires, ni que les Six aient décidé de vivre
10 1953, Articles divers (1951-1956). Préface à Photo + scène (1953)
229 ène (1953)n o Le Centre européen de la culture n’ avait pas attendu le succès remporté l’an dernier par l’Exposition int
230 importance que le drame sacré japonais ou hindou ne pouvait lui accorder. Enfin, l’art photographique dérive non seulemen
231 ublic, de prendre conscience de ce fait que l’art n’ est pas le produit d’une nation mais de toute une culture, — ici l’eur
11 1953, Articles divers (1951-1956). Rudolf Kassner (1953)
232 poser une allure à la fois calme et circonspecte, n’ admettant que des gestes précis et maîtrisés, puis de la briser soudai
233 u avec une œuvre dont la difficulté, précisément, n’ a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu bana
234 Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention profondément délibérée
235 on pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’ est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de
236 on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. » Ainsi Kassner, dans s
237 et chacun nous convainc si bien que la conclusion ne saurait être qu’implicite et comme transcendante à l’échange. Ainsi s
12 1953, Articles divers (1951-1956). Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement (janvier 1953)
238 (janvier 1953)q r Les fins d’une civilisation ne sont pas visibles à son terme, et rien ne se passe jamais comme si el
239 isation ne sont pas visibles à son terme, et rien ne se passe jamais comme si elle finissait par les atteindre : au contra
240 saisir. De même, les origines d’une civilisation ne doivent pas être recherchées dans son passé le plus reculé : elles ne
241 recherchées dans son passé le plus reculé : elles ne sont saisissables que dans la dialectique de ses succès et de ses éch
242 ccidentale : ni dans le temps ni dans l’espace on ne saurait la délimiter. Mais il y a plus dans ce cas particulier, car a
243 précolombiennes ou africaines, celle de l’Europe ne saurait être interprétée ni définie par un ensemble de mesures sacrée
244 mots du Credo : « sous Ponce Pilate ». Les Pères ne savaient pas que le dogme de l’incarnation — c’est-à-dire du vrai Die
245 médecine et de la physique à la psychologie. Rien n’ existe, au sens fort, en dehors de leur lutte, dont le réel figure la
246 meilleur et pour le pire sans quoi nulle science ne serait possible. Cette même possibilité de réciprocité créatrice ou c
247 ition d’une peinture dite abstraite, ambition qui n’ est point ou ne doit pas être celle de coïncider, soit avec des struct
248 nture dite abstraite, ambition qui n’est point ou ne doit pas être celle de coïncider, soit avec des structures préformées
249 out ce vocabulaire est à reprendre. 3) L’Occident ne saurait se désintégrer, comme beaucoup le redoutent ou l’espèrent. Ca
250 coup le redoutent ou l’espèrent. Car, intégré, il ne le fut jamais, je l’ai rappelé. Mais il est en train de franchir le s
251 où naquit l’Occident, tout avide de systèmes qui ne l’apaiseront jamais, qui le consument et dont il vit. q. Rougemont
13 1953, Articles divers (1951-1956). Suisse, Europe et neutralité (6 mars 1953)
252 , et nous devons donc l’éviter ; 2. La neutralité ne doit pas servir de prétexte à la Suisse pour refuser de collaborer à
253 laire. Mais ni l’une ni l’autre de ces conditions n’ est présente. Si nous voulions aujourd’hui renoncer à la neutralité, q
254 enoncer à la neutralité, que se passerait-il ? On ne le voit pas. À qui irions-nous offrir cette renonciation ? Qui pourra
255 l resterait gratuit, au pire sens de ce terme. On ne voit donc pas d’objet concret à une discussion, aujourd’hui, sur l’ab
256 uropéennes, or vous êtes des Européens, donc vous ne pouvez pas rester neutres entre l’Europe et ses ennemis. À cela, je r
257 hoix de notre peuple est fait. Le parti stalinien ne peut réunir chez nous que 2,5 % des voix électorales. Le Conseil fédé
258 e stalinienne, les Russes seraient les premiers à ne pas nous croire. En fait, ils ne cessent de répéter que la Suisse a c
259 t les premiers à ne pas nous croire. En fait, ils ne cessent de répéter que la Suisse a cessé d’être neutre : si nous déci
260 fficiellement d’abandonner notre neutralité, rien ne serait donc changé à cet égard. Nombre de pays qui ne sont pas neutre
261 erait donc changé à cet égard. Nombre de pays qui ne sont pas neutres ont fait beaucoup moins que nous pour lutter contre
262 us forte que tous les autres pays. Ici encore, on ne voit pas ce que l’abandon de notre neutralité pourrait changer à la s
263 revient-il à dire que la neutralité de la Suisse ne pose aucune question réelle ? Certes non. Notre neutralité est devenu
264 Europe et de la Suisse en Europe. Je précise : ce ne sont pas les partisans de la fédération européenne, les Schuman, les
265 oncer à toute idée de construction européenne. Ce n’ est pas nous qui opposons fédération de l’Europe et neutralité suisse,
266 ve (sans même prononcer le mot de neutralité). Il n’ en a pas fallu davantage pour que le Conseil fédéral, puis le Conseil
267 èmes d’une campagne efficace : Les fédéralistes ne demandent pas l’abandon de la neutralité, mesure qui serait actuellem
268 neutralité reste pour la Suisse un atout, qu’elle ne doit pas jouer sans d’impérieuses raisons. Les fédéralistes rappelle
269 pe. (Même si M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que de 40 % avec les six pays du plan Schuman, nous ne sommes pa
270 e de 40 % avec les six pays du plan Schuman, nous ne sommes pas prêts à juger négligeable ce client n° 1 !) Les fédéralist
271 doit porter. Les fédéralistes constatent que rien ne s’oppose dans notre statut de neutres à des conversations avec la Hau
272 e nos intérêts exigent. Les fédéralistes suisses n’ ont pas attendu les Américains pour proclamer depuis 1933 la nécessité
273 ls pensent que l’expérience suisse du fédéralisme n’ est pas sans valeur pour l’Europe en construction, et que la vraie que
274 ’Europe en construction, et que la vraie question n’ est pas d’européaniser la Suisse, mais plutôt d’helvétiser l’Europe. L
275 magistrats aux vues courtes s’efforcent encore de ne pas regarder en face : la Suisse ne sera pas sauvée si l’Europe est p
276 ent encore de ne pas regarder en face : la Suisse ne sera pas sauvée si l’Europe est perdue, demain, faute de s’unir.
14 1953, Articles divers (1951-1956). Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)
277 confusions. En effet, l’absence actuelle d’union ne signifie pas que l’unité millénaire de l’Europe n’existe plus. Ensuit
278 e signifie pas que l’unité millénaire de l’Europe n’ existe plus. Ensuite, il faudrait distinguer entre nos divisions prése
279 nationalisme, au sens précis et néfaste du terme, n’ a sévi que pendant un siècle et demi sur les deux-mille ans de notre è
280 forme d’association périmée à bien des égards. Il n’ est pas une nation de l’Europe d’aujourd’hui qui puisse se dire indépe
281 s et le sénat, d’où viennent nos parlements. Rien ne se ressemble plus que nos folklores, prétendus « nationaux » par la s
282 e ni la peinture, créations typiques de l’Europe, n’ ont jamais été nationales : elles furent des œuvres collectives, passa
283 erché la perte du moi dans le Tout. Le Soviétique n’ a plus le droit de dire « je » que lorsqu’il s’avoue criminel. L’Europ
284 t sacré, entretiennent un esprit nationaliste qui n’ est plus gagé sur les faits, sur les diversités vivantes, et qui frein
285 ons, en perdant ses racines dans la réalité, cela ne signifie pas qu’il ait cessé de nuire. Les écrivains — poètes et phil
15 1953, Articles divers (1951-1956). Pourquoi je suis Européen (20 juin 1953)
286 rance — retrouvant des cousins un peu partout, je ne me suis jamais senti étranger dans aucun de nos pays. Tel est, si vou
287 ns eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’ a jamais eu la notion de l’individuel, les Russes font tout ce qu’ils
288 ilà la personne. On l’a dit : pour l’individu, il n’ y a que des voisins inévitables, pour la personne il y a des prochains
289 écouverte de l’Europe. Aux yeux des Américains il n’ y a pas des Français, des Suisses, des Allemands, mais seulement des E
290 pour moi, comme une guerre pour l’Europe unie. Je ne me doutais pas, alors, qu’Hitler s’était emparé du slogan de la « Nou
291 York, je reçus la visite de Raymond Silva, que je ne connaissais pas, et qui, sans préambule, me demanda d’ouvrir par un d
292 à intervenir dans une situation politique que je n’ avais pu suivre que de très loin, il me dit : « Vous n’avez qu’à repre
293 is pu suivre que de très loin, il me dit : « Vous n’ avez qu’à reprendre vos textes de 1939 et 1940 : c’est exactement ce q
294 empirique, et seul réaliste. En tant que Suisse, ne regrettez-vous pas que votre pays ne prenne pas une part plus active
295 que Suisse, ne regrettez-vous pas que votre pays ne prenne pas une part plus active à la construction européenne ? Je cra
296 construction européenne ? Je crains que la Suisse ne soit le dernier pays à entrer dans la fédération européenne. Mais alo
297 s Maignial, précédés de la note suivante : « Nous ne présenterons pas à nos lecteurs cet écrivain pénétrant devenu ardent
298 ans notre journal. » x. Aucun livre de Rougemont n’ a été publié sous ce titre, mais un essai paru dans la revue Preuves e
16 1953, Articles divers (1951-1956). Une fausse nouvelle : « Dieu est mort » (juin-juillet 1953)
299 ens, qui devraient savoir que l’existence de Dieu n’ est pas affectée par une polémique locale dans le temps et dans l’espa
300 s le temps et dans l’espace. Mais l’inconséquence n’ est pas moindre dans le camp, d’ailleurs divisé, des agnostiques. Déjà
301 sans Dieu. Malraux se demande si la mort de Dieu n’ entraîne pas celle de l’homme, — pensée difficile à comprendre. De jeu
302 décrire un monde « absurde », etc. Cependant, je ne vois pas que ce thème, partout mentionné, ait été vraiment discuté, j
303 dire simplement : « Pour ce qui me concerne, Dieu n’ existe plus », car il n’y aurait là rien de nouveau : on retomberait a
304 ce qui me concerne, Dieu n’existe plus », car il n’ y aurait là rien de nouveau : on retomberait au spleen métaphysique du
305 secondement, la crédibilité de l’information. Je ne discuterai pas l’inventeur de la phrase : Nietzsche est un cas suffis
306 ivant un jour ceci : « La réfutation de Dieu : ce n’ est que le Dieu moral qui est réfuté. » (Œuvres posthumes.) Tout autre
307 J.-P. Sartre. L’argument majeur de ce philosophe ne porte pas, bien entendu, sur l’essence de Dieu et du diable, mais sur
308 peut trancher une question d’existence réelle. Il ne faut pas que Dieu et le diable existent, car alors la responsabilité
309 Il était loin de s’en réjouir, mais pour autant, n’ allait pas jusqu’à nier que la vérité existât. La vérité n’est peut-êt
310 pas jusqu’à nier que la vérité existât. La vérité n’ est peut-être pas existentialiste. Dieu limite peut-être fortement la
311 homme. Il suffit pour que Sartre décrète que Dieu n’ existe pas, et bien plus, qu’il est mort. D’où peut lui venir cette pa
312 ci couvre une étrange équivoque. En effet, Sartre ne prend pas le mot « responsable » au sens authentique et littéral de «
313 elle d’autrui (« L’enfer, c’est les autres »). Il n’ en marque pas moins la limite de l’arrogance intellectuelle, le terme
314 irant d’un individualisme de surcompensation, qui ne pourra plus que se nier lui-même s’il veut rejoindre la morale. Il se
315 el que Sartre l’imagine : gênant pour l’homme. Il n’ en résulte pas que Dieu ait cessé d’exister, d’aider l’homme ou de le
316 u de le juger. Et dans le fait, numériquement, il n’ y a jamais eu dans l’Histoire autant d’hommes qu’aujourd’hui pour affi
317 crédibilité de la nouvelle. (Il est clair qu’elle ne peut être estimée sur le fait qu’une majorité la récuse.) ⁂ Hors du p
318 est mort » est un non-sens. Car où bien « Dieu » ne signifie rien — et dans ce cas il ne peut pas mourir ; ou bien il sig
319 ien « Dieu » ne signifie rien — et dans ce cas il ne peut pas mourir ; ou bien il signifie la Vie, l’Éternité, le Total, l
320 u l’Éternel avait été vivant, puis était mort, il n’ eût jamais été Dieu l’Éternel, en sorte qu’il faudrait dire que s’il e
321 u’il faudrait dire que s’il est mort, c’est qu’il n’ a pas vécu : ce qui est absurde. Si Dieu l’Inconnaissable était mort,
322 surdités que je viens d’énumérer. À vrai dire, ce n’ est pas surprenant. C’est même aisément explicable. Un Dieu personnel
323 disait Pascal. Et de même, l’énergie fondamentale ne peut être décelée et étudiée que dans le noyau de l’atome, dans ce cœ
324 ort des masses, l’énergie nucléaire non seulement n’ eût jamais été visible ou sensible, mais encore elle fût demeurée inim
325 ns politiques, économiques et sociales. Puisqu’il n’ est sensible qu’au cœur, c’est-à-dire au plus intime d’une personne bi
326 el reste l’Absurde, en dehors d’une rencontre qui ne peut avoir lieu que dans l’intime, comme la transformation de l’énerg
327 isme. 8. Car Dieu, même si quelqu’un croit qu’il n’ est pas, reste en tout cas une réalité pour l’écrasante majorité des h
17 1954, Articles divers (1951-1956). Ce petit cap de l’Asie (1er juin 1954)
328 ar les Jaunes ! ». La phrase est plus vraie qu’on ne le croit. Ce ne sont pas seulement des palaces et quelques belles vil
329 ». La phrase est plus vraie qu’on ne le croit. Ce ne sont pas seulement des palaces et quelques belles villas qu’« occupen
330 é l’Allemagne et libéré l’Autriche, ces décisions ne pouvaient écarter les menaces qui pèsent sur l’ensemble du continent,
331 hec sur tous les points de l’ordre du jour, elles n’ en ont pas moins apporté un élément de pittoresque au débat sur l’unio
332 ne Europe des Trente-Deux. (J’avoue que le compte n’ est pas facile à établir. Mais la Russie est du nombre…) Les neutralis
333 e européenne a fait de tel progrès que M. Molotov ne peut plus la combattre sans feindre de l’accepter d’abord. Quitte à t
334 olide : nous avions quelque chose à défendre, qui n’ était pas seulement le statu quo, mais l’avenir commun de nos peuples.
335 peu « diplomatiques ». Pendant des mois, l’Europe ne fera plus rien pour son union ; bien plus, elle va laisser pourrir la
336 u de nous immiscer dans vos affaires. L’Indochine ne vous regarde pas, mais le problème allemand nous intéresse beaucoup…
337 nous intéresse beaucoup… Le colonialisme européen n’ existe plus que dans les dénonciations que récitent les Russes et leur
338 élan irrépressible vers l’indépendance nationale ne sera plus arrêté par l’Europe, mais peut bien être détourné de ses fi
339 la Russie. Ils voient encore notre colonialisme. Ne sauront-ils pas voir aussi, M. Nehru le premier, que nous nous en all
340 tant que l’Amérique, l’Europe unie. Mais l’Europe ne sera pas unie en temps utile si les efforts présents de fédération de
341 le monde dépend d’une poignée de députés dont on ne saura jamais les noms : ceux qui se décideront à la dernière minute.
18 1954, Articles divers (1951-1956). La CED, ses mythes et sa réalité (12 août 1954)
342 oût 1954)z La Communauté européenne de défense n’ est pour le moment qu’un traité, ou mieux, un projet de traité, dont t
343 le secret de leur cœur, mais que presque personne n’ a lu ! On me confiait récemment, à Paris, le résultat de sondages disc
344 ls, les Allemands, qui sont les premiers menacés, n’ auraient-ils pas le droit et le devoir de reconstituer une armée ? — L
345 onc décisif. Après deux ans de débats passionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’un peu plus près de quoi l’on par
346 commun. Ils prévoient aussi qu’aucun État membre ne recrutera plus de forces armées nationales pour son propre compte, en
347 et imprimé ont simplement donné la preuve qu’ils n’ avaient jamais lu le traité. En vérité, il s’agit simplement d’un plan
348 es des six pays porteront le même uniforme. (Mais n’ est-ce pas déjà le cas, à quelques détails près ?) Les généraux de cor
349 rps d’armée et d’armée pourront être choisis dans n’ importe lequel des pays membres. (C’est ce qui s’est passé déjà pendan
350 s ou unanimité des États, selon les cas) que l’on ne saurait imaginer d’autre emploi de l’armée qu’en cas d’agression qual
351 politiques qui la contrôlent, l’Armée européenne ne pourra donc servir qu’à des tâches strictement et purement défensives
352 nt, ils combattent un projet fantôme que personne n’ a jamais défendu. Je vais le montrer par quelques exemples : « Quoi !
353 spositions fondamentales du traité, l’intégration n’ étant prévue qu’à l’échelon du corps d’armée — nous venons de le voir.
354 e — nous venons de le voir. — « Mais si la France n’ a pas le droit d’entretenir sa propre armée, comment défendra-t-elle s
355 droits égaux à l’Allemagne ». En fait, le traité ne rend à l’Allemagne une souveraineté toute théorique que pour mieux lu
356 La vérité sobre et limpide, c’est que si l’Europe ne se donne pas elle-même les moyens d’assurer sa défense, c’est-à-dire
357 le rêve d’une souveraineté nationale sans limites n’ est plus qu’un rêve, que l’Europe n’est pas menacée par une armée alle
358 sans limites n’est plus qu’un rêve, que l’Europe n’ est pas menacée par une armée allemande inexistante, mais par une expa
359 is par une expansion soviétique bien réelle, pour ne rien dire des révoltes montantes de l’Asie, de l’Afrique, du Proche-O
360 question. Mais je vois un pays réaliste qui, lui, ne doute pas de l’efficacité de la CED : c’est la Russie, dont tout l’ef
361 dont tout l’effort diplomatique, depuis deux ans, ne vise qu’à retarder la décision française. Et même en admettant qu’un
362 olotov se trompe, qu’il surestime la CED, comment ne pas voir qu’au-delà de sa valeur militaire — dont chacun souhaite qu’
363 a valeur militaire — dont chacun souhaite qu’elle n’ ait jamais à faire les preuves — la CED ouvre toutes grandes les persp
19 1954, Articles divers (1951-1956). Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954)
364 a victoire. Remarquez que ce cri, à ce moment-là, ne signifie point : « Vive la France ! » — pas davantage que le cri : « 
365 davantage que le cri : « Les Soviets partout ! » ne signifiera sous Lénine : « Vive la Russie ! » Il proclame un nouveau
366 ’avenir et de volonté. Toutefois, cette idéologie n’ est pas le fait du peuple tout entier, mais d’un parti ; et ce parti a
367 ants, car la nation est religion et les religions ne transigent pas. L’État se voit donc contraint de renforcer la police,
368 niformisation est sa réponse à tout. Que personne ne diffère, il deviendrait mon juge ! pense l’État idéologique, né d’une
369 ifice « temporaire » de certaines libertés. Or il n’ est presque aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on
370 te la nation comme une croisade pour l’idée. « Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent s
371 d comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il n’ a plus rien à faire dans le monde. » Et encore : « À chaque époque dom
372 ds voisins. Aucun de ces « concepts de l’esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longtemps, mais aucu
373 ’esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longtemps, mais aucune n’en tirera la conclusion, une fois v
374 aucune nation ne dominera longtemps, mais aucune n’ en tirera la conclusion, une fois vaincue, « qu’elle n’a plus rien à f
375 tirera la conclusion, une fois vaincue, « qu’elle n’ a plus rien à faire au monde », comme le disait Hegel. Les guerres ser
376  souveraine », à l’imitation des rois absolus qui n’ avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus de Die
377 ient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’ y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le droit divin se traduit donc
378 onc par le droit de l’État le plus fort. Celui-ci ne connaît plus d’autres obligations que les contrats passés avec ses co
379 iances ou traités de commerce révoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-douzaine d’« États-gangsters »,
380 ossible en principe et par définition, puisqu’ils n’ acceptent aucune instance supérieure à leurs « droits » et limitant le
381 que l’on a comparée très justement au shintoïsme, n’ attaquera même pas le christianisme, elle se contentera de l’annexer d
382 vent se sentir « Français d’abord », nulle Église ne proteste contre cette subordination méprisante de sa foi à l’esprit n
383 tion méprisante de sa foi à l’esprit national. On n’ y voit qu’une manière de parler… Et cependant cet esprit national est
384 ion où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’ oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son nous.
385 un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infiniment plus, à l’absurde. Principe de haine, plus que d’am
386 ne France non absolument et totalement souveraine n’ était plus la France. La seule évocation d’une atteinte possible à la
387 té un fanatique de la religion de la nation. S’il n’ était pas aveuglé par la superstition jacobine, il verrait comme nous
388 rrait comme nous tous que la souveraineté absolue n’ est qu’un mythe, inventé par les prêtres de la nation dans le dessein
389 vir les esprits à l’État. La souveraineté absolue n’ existe pas, et cependant la France existe bel et bien. On a défini la
390 par le droit applicable à chaque domaine ». Or il n’ est pas un seul État européen qui, de nos jours, ait conservé la facul
391 vé la faculté d’agir à sa guise à l’extérieur. Il n’ en est pas un seul qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclu
392 u pirate. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont point posées par le droit, mais par les circonstances réelles du
393 souveraineté nationale, vis-à-vis de l’extérieur, n’ a plus d’autre existence que celle d’une illusion pseudo-religieuse et
394 ues sur la souveraineté nationale. Le fédéraliste ne peut donc adopter, devant la croyance à la souveraineté nationale abs
395 n souci de clinicien : le nationaliste, en effet, n’ est pas simplement un homme qui a tort, ou qui persiste méchamment dan
396 ainte morbide de perdre une puissance magique qui n’ existe pas ! Il s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’éviter d’exc
397 à une nation, des territoires à un État, mais on ne peut rien annexer à une Patrie. Ensuite, l’État est une structure adm
398 s nations les plus diverses. D’autre part, l’État n’ entretient avec la nation que les rapports d’usurpation et de confisca
399 ue j’indiquais plus haut. Quant à la Langue, elle ne correspond historiquement et géographiquement ni à la Patrie, ni à la
400 la Nation, ni à l’État. Ces évidences accablantes n’ empêchent pas le nationaliste moyen de revendiquer l’annexion à son Ét
401 tés de Versailles, Trianon et Saint-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle sert de prétexte au premier nigaud venu pour
402 ous-sol muet. La tendance à l’autarcie économique n’ est qu’une transposition particulièrement insensée de la volonté d’iso
403 que représente l’État-nation. Nulle part, l’État ne trahit mieux que dans ce domaine son mépris foncier des hommes. Car l
404 sens jacobin). C’est pratiquement idiot, mais on ne s’en aperçoit que si c’est dit dans une langue étrangère, ou par un l
405 ie économique est irréalisable au xxe siècle, et n’ existe pas, même en URSS. Tout comme la souveraineté absolue, elle ne
406 en URSS. Tout comme la souveraineté absolue, elle ne représente rien d’autre qu’une tendance psychologique morbide, un pré
407 e « culture nationale ». On prétend que les idées ne connaissent pas de frontières, mais l’instruction publique a changé c
408 les lettres, les arts et la philosophie, pourquoi n’ y aurait-il pas une biologie soviétique et une algèbre allemande ? Ce
409 quoi le refuserait-on ailleurs à des systèmes qui ne s’en distinguent nullement par les principes, mais uniquement par une
410 res et les plus pacifiques de l’ère moderne : ils n’ ont provoqué aucune guerre. Toutes les dernières guerres, sans aucune
411 aux frontières des États-nations. Le nationalisme n’ est donc pas seulement une dernière résistance que le sentiment patrio
412 me la juxtaposition de monades ou d’autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalement. Nos coutume
413 systèmes philosophiques en perpétuelle polémique ne lui apparaissent pas comme autant de contradictions insupportables, q
414 ’il faut tenter de réduire à l’uniformité si l’on ne peut les isoler par des cloisons étanches, mais comme autant de valeu
415 nd habitable. ⁂ Mais il y a plus. Le fédéralisme n’ est pas seulement en prise avec l’époque, si je puis dire, il est auss
416 hique et la liberté fédéralistes. Le nationaliste n’ y voit qu’une dispersion qui l’angoisse et où il craint de perdre son
417 ous faut faire l’Europe en dépit d’eux, mais nous ne pouvons la faire sans eux. Voilà le problème concret qui se pose aujo
418 l’avantage important de défendre une cause qu’ils n’ osent pas attaquer : celle de l’union européenne. Il est clair que tou
419 re. Mais il est clair aussi que les nationalistes n’ osent pas se déclarer contre l’union. Ils la sabotent, en fait, sous d
420 t M. Molotov lui-même propose un plan… Certes, on ne peut espérer faire l’Europe qu’en appliquant le fédéralisme, c’est-à-
421 tactique, elle doit tenir compte du fait que nous ne sommes pas seuls en Europe, et que les nationalistes ne cesseront pas
422 mes pas seuls en Europe, et que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt d’opposer leurs « solutions de rechange » à no
423 le thème de « l’abandon des souverainetés » ? Je ne le crois pas, pour deux raisons. La première, c’est que la souveraine
424 de raison, c’est que les souverainetés nationales n’ existent plus, comme je l’ai rappelé tout à l’heure. J’estime donc qu
425 es cantons souverains étaient trop lâches : elles ne permettaient pas une défense commune efficace. Tout le monde admettai
426 ons sont souverains en tant que leur souveraineté n’ est pas limitée par la constitution fédérale, et comme tels, ils exerc
427 , et comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération
428 pragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’ est pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et po
429 u moins fictive, direz-vous ? Raison de plus pour ne point s’épuiser à la combattre. Laissant aux nationalistes un terme v
430 a réalité derrière les étiquettes. Le fédéralisme n’ est pas plus libéral que planificateur, et il doit refuser ce faux dil
431 nier la nécessité d’une coopération continentale, ne proposent que des marchandages entre autarcies nationales un peu amél
432 péen, non point du national à l’international. Je ne puis ici qu’indiquer sommairement cette direction de recherches écono
433 er leurs échanges. Mais notre culture occidentale n’ a jamais coïncidé avec les frontières de nos États actuels, pour l’exc
434 s », tentative barbare et d’ailleurs avortée, qui n’ a guère qu’un siècle et demi d’âge en France, moins d’un demi-siècle e
435 urquie et en Irlande. Jamais la culture en Europe ne s’est développée par des échanges contrôlés et officiels de nation à
436 à nation. Elle est née dans des foyers locaux qui ne correspondent à aucun de nos États-nations — la Lombardie, l’Ombrie,
437 Espagnols des œuvres d’art en tant que suédoises ne présente qu’un médiocre intérêt. Ce n’est pas en tant qu’Italien que
438 suédoises ne présente qu’un médiocre intérêt. Ce n’ est pas en tant qu’Italien que Raphaël m’intéresse, ni Shakespeare en
439 téresse, ni Shakespeare en tant qu’Anglais. Et je ne suis pas du tout sûr qu’il faille « apprendre à nos peuples à se mieu
440 d’un peuple sont en général les plus mauvais. Ce n’ est pas Mallarmé, ni Renoir, c’est Déroulède et Detaille qui représent
441 ns des cadres administratifs ou nationaux ; et ce n’ est pas une libération surveillée des échanges de prison à prison que
442 s États — et demain le Pouvoir fédéral européen — n’ ont qu’un moyen d’aider la culture : c’est d’offrir à ceux qui la crée
443 il a besoin d’être entouré par des douaniers pour ne pas se perdre ? Conclusions J’ai tenté par ces quelques exemple
444 sée par les Anglais et baptisée « fonctionnelle » n’ était pas incompatible en théorie avec une tactique fédéraliste. Mais
445 , lors du refus de la CED. Nous voyons donc qu’il n’ est pas plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que de l
446 ptiques, les méfiants, et les saboteurs sournois, n’ est pas plus facile que d’attaquer de front, franchement, une fois pou
20 1955, Articles divers (1951-1956). Une présence (1955)
447 és fascistes. Le risque est là, bien sûr, mais ce n’ est qu’un risque. Et pourtant, à certains, il apparaît si grand que pa
448 d que par crainte de le courir ils choisissent de ne point résister du tout, et de s’inscrire par exemple aux « partisans
449 ar les prétextes humanitaires de la Terreur. Nous n’ avons pas opposé à la propagande des Bons Tyrans je ne sais quel « fro
450 ons pas opposé à la propagande des Bons Tyrans je ne sais quel « front uni » exigeant farouchement le sacrifice « temporai
451 semblement. Peut-être a-t-il contribué plus qu’on ne le croit à changer l’atmosphère de l’après-guerre mondiale. La mode é
452 n peut se fédérer sans renoncer à sa vocation. Ce n’ est pas un ersatz d’église, ce n’est pas un parti jaloux, ce n’est pas
453 sa vocation. Ce n’est pas un ersatz d’église, ce n’ est pas un parti jaloux, ce n’est pas un bastion de défense. C’est plu
454 ersatz d’église, ce n’est pas un parti jaloux, ce n’ est pas un bastion de défense. C’est plutôt un réseau d’amitiés agissa
21 1955, Articles divers (1951-1956). Reynold et l’Europe (1955)
455 )ac Il y a quinze ans j’osais louer Reynold de n’ avoir pas craint de porter un jugement pessimiste sur l’avenir immédia
456 ommes au-delà, devant d’autres périls. Et Reynold ne s’est pas arrêté à l’éloge des vertus qui tiennent un peuple ensemble
457  concrète » (comme on dit bien à tort), celle qui ne prend vraiment au sérieux que les débats sur le prix du lait ; mais v
458 réalités essentielles, hors de quoi notre Suisse n’ eût jamais existé ! Car comment comprendre la Suisse sans la situer da
459 verse notre histoire et pointe vers un avenir qui ne peut être distinct de celui d’une Europe soit fédérée par la libre in
460 vention, soit unifiée par une force étrangère. Je ne vois pas un seul peuple européen qui ait autant besoin que le nôtre d
461 outes nos réalités se moquent de ces excuses : il n’ est que de regarder la carte. Tout nous rattache dans le passé, comme
462 nt très largement, mais sans lesquelles notre vie ne serait pas concevable. Prendre conscience de l’être suisse, au-delà d
463 tirées de l’étude d’une Europe romano-germanique, n’ est-il pas frappant de constater qu’elles résument l’expérience fédéra
464 Reynold et lui donnent sa valeur exemplaire : je n’ en connais pas de plus « suisse », ni par là même de plus fécondes à m
22 1955, Articles divers (1951-1956). Rien n’est perdu, tout reste à faire (janvier 1955)
465 Rien n’ est perdu, tout reste à faire (janvier 1955)ad Deux événements poli
466 s ici à relever deux faits : — Le rejet de la CED ne met pas fin à la construction européenne, comme on l’a répété bien à
467 devenue majorité grâce à l’appui des communistes) n’ a pas encore senti la nécessité historique de cette construction — néc
468 irmer le principe supranational. En résumé : rien n’ est perdu, mais rien n’est fait. Et tout ce qui vient de se passer pro
469 national. En résumé : rien n’est perdu, mais rien n’ est fait. Et tout ce qui vient de se passer prouve une fois de plus qu
470 autre, nous avons tous été tentés de penser qu’on ne pouvait réussir l’union que par une série de mesures « concrètes », t
471 dopter l’une après l’autre par les parlements. On n’ a pas cherché à produire sur l’opinion publique le choc révolutionnair
472 ’union ont déclenché leur propagande massive. Eux n’ ont pas hésité un instant à agiter les passions : ils ont gagné contre
473 ndeur, que l’on a négligée de mener — ou que l’on n’ a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvements de militants europée
474 des agences de presse, mais sans lesquelles rien ne se ferait. L’Europe unie est une révolution. Elle doit passer par tou
475 ue de Lausanne). ad. Rougemont Denis de, « Rien n’ est perdu, tout reste à faire », France Europe, Paris, janvier 1955, p
23 1956, Articles divers (1951-1956). Réponse à l’enquête « Pour une bibliothèque idéale » (1956)
476 alvin, Marx, ou Descartes, Einstein, etc. Mais on ne peut les placer sur le même plan que nos œuvres critiques ou d’imagin
477 racer la limite entre le sacré et la culture ? Je n’ ai tenu compte d’écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils
24 1956, Articles divers (1951-1956). L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)
478 ient à Genève. Jamais encore, une telle rencontre n’ avait eu lieu dans les annales de l’Europe. Une seule journée de délib
479 des valeurs. Le public, sollicité de tous côtés, ne sait plus où aller et voudrait qu’on l’oriente. Les artistes, orchest
480 Les artistes, orchestres et les chefs de qualité ne suffisent plus à la demande. Les programmes tendent à devenir uniform
481 nces plus commerciales qu’artistiques. Certes, on ne peut pas souhaiter, encore moins obtenir, une diminution du nombre de
482 icale d’une région. Voilà pourquoi l’association n’ admet comme membres que ceux des festivals européens qui réunissent ce
483 de la musique européenne, et d’être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’une fête à l’autre. L’échange
484 La musique, création la plus typique de l’Europe, n’ était-elle pas faite pour manifester la première cette communauté prof
25 1956, Articles divers (1951-1956). « Je vivais en ce temps-là… » (janvier 1956)
485 très savamment discrète de la rue de l’Odéon. Il n’ était pas lieu de Paris que j’avais l’impression de mieux connaître, s
486 ouvoir acheter l’édition rare.) Bon pour ceux qui n’ y « croyaient » pas, d’entrer là sans façon ni vergogne pour acheter b
487 is plus sérieux et plus aimable que tout cela, et ne se plaçait à vrai dire que sous la seule invocation « du grand saint
488 élus d’Adrienne, qu’on pourrait publier en album, ne ferait-il pas un bel hommage à sa mémoire ? Il faudrait y ajouter les
26 1956, Articles divers (1951-1956). Tableau du phénomène courtois (janvier 1956)
489 ezia et l’atmosphère religieuse du catharisme. Je n’ indiquais que par analogies la nature des relations possibles entre un
490 ces gens me paraîtrait plus étonnante encore que n’ importe quelle hypothèse, « sérieuse » ou non, sur la nature de ces ra
491 manière de beaucoup d’historiens pour qui le réel n’ est défini que par des documents écrits. J’irai maintenant un peu plus
492 us loin, mais dans mon sens, non dans le leur. Je ne prétends pas fonder sur pièces une de ces solutions textuelles et « s
493 » après quoi, comme le dit Jaspers, « la question ne s’arrête plus devant le mystère et perd stupidement son existence dan
494 nt et souffrent la passion au moins autant qu’ils ne parviennent à la transmuer en vertus et en vérités théologiques. Sain
495 u’il fait avec son corps — cette part du diable — ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du
496 ulte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’opposer une croyance et un culte qui répondissent
497 lle que l’usage de l’Église ignore, que la raison n’ approuve pas, que la tradition n’autorise point… et qui introduit la n
498 e, que la raison n’approuve pas, que la tradition n’ autorise point… et qui introduit la nouveauté, sœur de la superstition
499 cise : « Si Marie eût été conçue sans péché, elle n’ aurait pas eu besoin d’être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de l
500 traînée… La papauté, plusieurs siècles plus tard, ne put que sanctionner un sentiment qui n’avait pas attendu le dogme pou
501 lus tard, ne put que sanctionner un sentiment qui n’ avait pas attendu le dogme pour triompher dans tous les arts. Enfin,
502 in de la femme, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’être virginale, qu’elle échappe donc à l’interdit mainten
503 re d’une divinisation du principe féminin. Ce qui ne peut qu’aviver la contradiction entre les idéaux (eux-mêmes en confli
504 hez lesquels nous constatons cette contradiction, ne s’en plaignent pas ! On dirait qu’ils ont trouvé le secret d’une conc
505 é par leur Église. Beaucoup de troubadours — cela n’ est pas douteux — étaient cathares ou, du moins, très au courant des i
506 intes. Le même auteur ajoute qu’à son avis, « il n’ est pas question de voir dans la chasteté, ainsi feinte, une habitude
507 , où les passions « religieuses » et la théologie n’ occupaient tout de même pas le plus clair de la vie, et n’avaient tout
508 ient tout de même pas le plus clair de la vie, et n’ avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsions naturelles
509 19 — ou l’inverse aussi bien. À tel point « qu’on ne peut jamais préciser si maithuna est un acte réel ou simplement une a
510 devient la proie de la triste loi karmique, comme n’ importe quel débauché. » Mais la femme, dans tout cela ? Elle reste ob
511 du corps humain à l’aide de l’acte même qui, pour n’ importe quel ascétisme, symbolise l’état par excellence du péché et de
512 que ma dame me fasse longtemps attendre et que je n’ aie point d’elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service
513 ra bientôt indifférente : J’ai une amie, mais je ne sais qui elle est, car jamais de par ma foi je ne la vis… et je l’aim
514 ne sais qui elle est, car jamais de par ma foi je ne la vis… et je l’aime fort… Nulle joie ne me plaît autant que la posse
515 a foi je ne la vis… et je l’aime fort… Nulle joie ne me plaît autant que la possession de cet amour lointain. La « joie d
516 ssion de cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’ est pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et Prouesse,
517 r le cœur et renouveler mon corps, si bien que je ne puisse vieillir… Celui-là vivra cent ans qui réussira à posséder la j
518 a joie de son amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des
519 iteront ce que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’ est plus de l’amour courtois, si on le matérialise ou si la Dame se re
520 écompense », écrit Daude de Prades, qui cependant ne craint pas de donner des précisions sur les gestes érotiques que l’on
521 On y accède par quatre degrés très doux, mais là n’ entrent ni vilains ni malotrus, ces gens-là sont logés dans le faubour
522 i qui couve Faux Amour ». (Et en effet, le diable n’ est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, se
523 clameurs gémissantes, défends-moi, de peur que je ne sois retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me tiens pour ton pr
524 ées par le « service » d’amour courtois, Cercamon n’ hésite pas à écrire en mettant les points sur les i : Ces troubadours
525 e sentimentale. 6. Excuse aux historiens Je ne crois guère à l’histoire « scientifique » comme critère des réalités
526 s analogies illustratives et illuminatives. Et je ne prétends aucunement confirmer une thèse quelconque en appelant l’atte
527 cette hypothèse soit un jour vérifiée ou non, il n’ en reste pas moins que l’origine manichéenne du Roman est attestée par
528 Tout cela nous aide à mieux comprendre — si rien ne suffit à l’« expliquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de
529 mariage. Mais il nous resterait indifférent s’il n’ avait gardé dans nos vies, au travers des nombreux avatars dont nous a
530 ti le nom même du Dieu qui est Amour. 14. Ce qui n’ empêchera pas l’Église de Rome, en la personne du pape Innocent III qu
531 nocent III qui rêvait de « l’empire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de
532 210 et 212. 22. Id., ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de chans
533 e double trahison. Qu’il soit bien entendu que je n’ épingle ici que des dépouilles de sens… 24. Note du professeur Jeanro
534 ris trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’ eussent pas manqué de lire simplement : juges, prêtres, reclus, et mar
27 1956, Articles divers (1951-1956). Denis de Rougemont et l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)
535 n. Dès lors je dépassais largement mon sujet : il ne s’agissait plus d’exposer ce que j’appelle la crise contemporaine du
536 religieuse. Voulez-vous dire que l’amour-passion n’ est pas un des caractères permanents de la nature humaine ? Exactement
537 Il a des causes, des raisons. Peut-être eût-il pu ne pas exister. En tout cas, il n’apparaît pas avant le xiie siècle. Ma
538 ut-être eût-il pu ne pas exister. En tout cas, il n’ apparaît pas avant le xiie siècle. Mais Ovide, Properce, Tibulle ? Et
539  ? Faites attention aux textes. Vous verrez qu’il ne s’agit que d’amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous présen
540 t que d’amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous présente l’amour comme lié à la mort, avec ce goût de cendres te
541 et les maîtres de Sorbonne. Certains spécialistes n’ ont pas aimé que j’établisse des connexions entre les sombres cathares
542 ’état inconscient habite toujours les esprits. Il n’ est pas une femme qui ne rêve de connaître le grand amour, la passion
543 toujours les esprits. Il n’est pas une femme qui ne rêve de connaître le grand amour, la passion unique, totale, mortelle
544 un monstrueux contresens. Il y a un point aussi à ne pas oublier : dans l’amour-passion, les êtres sont dominés par leur a
545 ssion, les êtres sont dominés par leur amour. Ils ne peuvent pas ne pas s’aimer : un philtre, la beauté diabolique de l’un
546 s sont dominés par leur amour. Ils ne peuvent pas ne pas s’aimer : un philtre, la beauté diabolique de l’un ou simplement
547 rce extérieure qu’ils peuvent arriver à haïr, ils ne s’aiment pas vraiment ! J’aimerais que l’amour fût moins fatal et qu’
548 e mariage plus difficile. Le temps, la réflexion, ne gâchent rien. Pauvres cathares ! ai. Rougemont Denis de, « [Entret
549 r quelques jours mais avec un emploi du temps qui ne lui laissait aucun loisir. Nous avons pu l’isoler quelques minutes en
28 1956, Articles divers (1951-1956). Petits trajets sur les axes du monde (août 1956)
550 défilent, des visages s’immobilisent et plus rien n’ est étrange ni beau, tout rejoint l’habituel indifférent, le rôle util
551 s qui se côtoient partout mais qui s’ignorent, je ne sais combien de races, de classes et de dialectes jalousement préserv
552 oupe et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but est restrein
553 le… Comment bouger, dans ce complexe bien réglé ? N’ oublions pas que l’horlogerie est une science des petits mouvements. E
554 uisent en moins d’une heure d’un monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits déplacements, qui sont des voyages co
555 les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée ne s’établit jamais cette monotonie des heures de plaine et d’océan de n
556 e des heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour un véritable voyage
557 ine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’ y a pas de place en Suisse pour un véritable voyage, on s’en tire en c
558 ures de musique russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la ruptur
559 oisième, les gens chics parfois en seconde, et je ne savais rien des premières sinon qu’un morceau de dentelle ornait le h
560 arfaitement « en règle », il fallait simplement «  ne pas faire attendre », en vertu de cette discipline spontanée, voire p
561 L’expérience de la vie new-yorkaise, où personne ne vous voit jamais, me propose par contraste une réponse. C’est qu’en S
562 des, mais directs, trop sérieux et choqués par on ne sait quoi… ? Vous les soutenez d’abord avec curiosité, puis vous trou
563 nfini, en vertu de quelque inertie, et finalement ne se détournent qu’avec cet air exaspérant de celui qui renonce à compr
564 nne raison. Quand on possède la pax helvetica, on ne saurait se montrer trop vigilant, je veux dire trop méfiant et même i
565 ile, la direction de l’hôtel prie sa clientèle de ne pas donner à manger aux mouettes. C’était l’été des expériences de B
566 l’industrie. L’authentique usager de cette classe n’ est pas curieux, comme les gens de troisième, des menus incidents du t
567 it qu’il s’installe dans son bureau, et sa pensée ne vagabonde pas, reste enfermée dans sa serviette de cuir. Rien d’étonn
568 quilleurs, ces jeunes gens excités qui prétendent ne pas payer de supplément parce qu’il n’y avait plus de place dans les
569 prétendent ne pas payer de supplément parce qu’il n’ y avait plus de place dans les troisièmes : ils ont l’air trop content
570 ent juste. Ces gens traversent le pays comme s’il n’ existait pas, ils vont plus loin. Confirmation de la sentence ésotériq
571 onfirmation de la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse, j
572 de la sentence ésotérique : l’œil qui ne voit pas n’ est pas vu. Les passagers de première classe, en Suisse, je les nomme
573 les imperméables. Ils traversent et passent, rien ne les touche. Ce sont aussi, et pour la même raison, des transparents.
574 isent sont transparents s’ils vont très vite ? On ne cesse de voir le paysage au travers.) Ils appartiennent au vaste mond
29 1956, Articles divers (1951-1956). Un exemple pour l’Europe (octobre 1956)
575 plus d’un siècle. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer en exemple. Mais combien savent comment ce m
576 neté aux fédérés Jusqu’à cette date, la Suisse n’ était qu’une alliance d’États souverains. Pendant des siècles, leur li
577 ien légal avait consisté dans une Diète, laquelle n’ avait guère plus de pouvoir que l’Assemblée consultative de Strasbourg
578 uverains, pourvus du droit de veto, cette Diète «  n’ avait en fait d’emprise sur les cantons que dans la mesure où elle se
579 e a fait votre État fédératif. Vouloir la vaincre ne peut pas être d’un homme sage. » Entre les deux extrêmes de l’allianc
580 ons sont souverains en tant que leur souveraineté n’ est pas limitée par la constitution fédérale et, comme tels, ils exerc
581 et, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération
582 es ? Voyons le concret. La souveraineté nationale n’ est exercée en fait que par l’État. M. van Kieffens l’a définie comme
583 ar le droit applicable à chaque domaine ». Or, on ne voit plus aucun État européen qui ait conservé la faculté d’agir à sa
584 ase clos. Ces limites décisives à la souveraineté ne sont plus posées par le droit, mais par d’implacables circonstances t
585 ques. Il en résulte que la souveraineté nationale n’ a plus guère d’autre existence que psychologique. Refoulée du domaine
586 « Il faut dire franchement à nos nations qu’elles ne pourront sauver leur individualité qu’en sacrifiant leur souveraineté
587 ujourd’hui les décisions principales et le peuple n’ a sur elles aucun contrôle. Au contraire, les organisations supranatio
588 scite la perte de la souveraineté nationale. » Il n’ est donc pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doivent sacrifie
30 1956, Articles divers (1951-1956). Serrer la main d’un communiste, désormais… (10 novembre 1956)
589 udiants et par les écrivains du cercle Petöfi, il n’ a pas été répondu. Nous ne pouvions pas répondre, ils le savaient. S’i
590 ns du cercle Petöfi, il n’a pas été répondu. Nous ne pouvions pas répondre, ils le savaient. S’ils nous ont appelés, cepen
591 ture sachent qu’ils trouveront ici des hommes qui n’ oublient pas l’appel des écrivains de Budapest, qui ne le laisseront p
592 blient pas l’appel des écrivains de Budapest, qui ne le laisseront pas oublier, et dont tout le programme est maintenant d