1 1951, Articles divers (1951-1956). Faire la propagande de la liberté, c’est sauver notre culture (décembre 1950-janvier 1951)
1 1)a Nous sommes ici parce que nous savons tous que notre civilisation peut mourir demain et que ce n’est pas là une phra
2 tous que notre civilisation peut mourir demain et que ce n’est pas là une phrase1. Nous sommes ici parce que nous savons to
3 rase1. Nous sommes ici parce que nous savons tous que le salut reste encore possible, mais qu’il suppose deux conditions pr
4 ons tous que le salut reste encore possible, mais qu’ il suppose deux conditions premières : la liberté et la paix. Si l’on
5 assembler des hommes aussi divers à tant d’égards que ceux que vous voyez sur cette tribune, je répondrai : Nous sommes ici
6 des hommes aussi divers à tant d’égards que ceux que vous voyez sur cette tribune, je répondrai : Nous sommes ici parce qu
7 rai : Nous sommes ici parce que nous croyons tous que la paix et la liberté sont en réalité indivisibles, qu’elles sont la
8 paix et la liberté sont en réalité indivisibles, qu’ elles sont la condition l’une de l’autre et pratiquement synonymes. J’
9 de paix et de liberté et qui demandent à voir ce qu’ on met derrière ces syllabes prestigieuses. J’espère, parce que c’est
10 est précisément notre rôle d’intellectuels libres que de monter une garde vigilante et continue autour du sens humain, conc
11 aces dont vous venez de parler, sont trop graves. Que peut-on faire encore ? Eh bien ! On peut se défendre, simplement, et
12 s en premier lieu par la menace totalitaire, d’où qu’ elle vienne. Nous savons que la phase actuelle de la lutte contre la t
13 ace totalitaire, d’où qu’elle vienne. Nous savons que la phase actuelle de la lutte contre la tyrannie et pour la liberté e
14 liberté est une phase idéologique et nous savons que , dans ce domaine, la guerre est déclarée depuis longtemps. Si nous ga
15 aix. On nous a volé le mot « paix » D’autres que nous défendent la paix, je le sais bien. D’autres que nous et avant n
16 nous défendent la paix, je le sais bien. D’autres que nous et avant nous ont lancé des appels pour la paix, de Stockholm, d
17 qui nous inquiète pour la paix, car nous pensons qu’ ils aiment la paix, un peu comme le chat aime la souris et nous avons
18 er. Nous publierons à ce sujet bientôt des textes que les grands chefs totalitaires de divers pays ont pris soin d’écrire e
19 textes plus récents d’où il ressort, par exemple, que le but du Kominform, en lançant ses appels à la paix n’est pas du tou
20 es armements. Vous pourrez juger alors vous-mêmes qu’ on n’aura jamais vu des loups déclarer avec moins de pudeur leur amour
21 nné pour les brebis. La vérité, voyez-vous, c’est qu’ on nous a volé ce mot de paix. On nous l’a kidnappé ; on l’a pris en o
22 ut cela ne sonne pas vrai, n’est pas sincère ; ce qu’ on nous a volé, ce qu’on nous a pris en otage, ce n’est pas la paix, c
23 rai, n’est pas sincère ; ce qu’on nous a volé, ce qu’ on nous a pris en otage, ce n’est pas la paix, c’est un mot. Il est tr
24 istinguer entre le mot paix et la réalité vivante qu’ il devrait désigner. Ceux qui prétendent défendre la paix sans vouloir
25 e la Liberté Quelles sont nos armes ? Je pense que leur nature doit nous être indiquée par la nature même de la lutte en
26 tre-temps. Nous sommes soumis, depuis un an, à ce que l’on a nommé une offensive de paix — d’un terme militaire bien caract
27 e militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’ on appelait jadis — naguère — une préparation d’artillerie. Quelle peu
28 détester la propagande, mais on ne veut pas nier qu’ elle existe et qu’elle joue — avec quel succès ! — contre tout ce que
29 gande, mais on ne veut pas nier qu’elle existe et qu’ elle joue — avec quel succès ! — contre tout ce que nous aimons. On pe
30 u’elle joue — avec quel succès ! — contre tout ce que nous aimons. On peut aussi détester les microbes, mais cette opinion
31 propagande pour vacciner contre elle les masses, qu’ elle vise d’abord, et les élites aussi qui ne sont pas moins contaminé
32 es perdons un jour, nous penserons dans les camps qu’ elles méritaient pourtant qu’on les défende. La démocratie n’est pas u
33 erons dans les camps qu’elles méritaient pourtant qu’ on les défende. La démocratie n’est pas une panacée. Elle ne résout au
34 quivoque derrière les barbelés, nous comprendrons qu’ il eût peut-être mieux valu s’occuper de ces problèmes pendant qu’on l
35 notre part, nous agirons. Nous allons employer ce qu’ on appelle les grands moyens, la radio, le film et la presse pour info
36 es peuples libres sur la liberté dont ils vivent, qu’ ils ignorent, comme l’air qu’ils respirent et qu’ils perdraient demain
37 rté dont ils vivent, qu’ils ignorent, comme l’air qu’ ils respirent et qu’ils perdraient demain, s’ils ne se réveillaient pa
38 qu’ils ignorent, comme l’air qu’ils respirent et qu’ ils perdraient demain, s’ils ne se réveillaient pas… Pour nous, la déf
39 Notre culture est menacée À ceux qui pensent que la culture consiste en somme à lire des romans, à se tenir un peu au
40 ple question très précise et concrète. D’où vient que l’Europe ait régné sur le monde, incontestablement depuis quatre ou c
41 le ? La péninsule Europe ne représente, en effet, que 5 % des terres du globe. Ni son étendue, ni le nombre de ses habitant
42 s naturelles ne la destinaient fatalement au rôle qu’ elle a pourtant joué. D’autres facteurs sont donc intervenus. En fait
43 ux en mieux les libertés de la personne. C’est là qu’ il faut chercher les vrais secrets de notre puissance, même matérielle
44 tes. Il s’en faut cependant, hélas ! de beaucoup, que la plupart de nos contemporains, même en Europe, prennent au sérieux,
45 cien ministre français, déplorant, à juste titre, que l’Assemblée européenne fût privée du droit de s’occuper des choses mi
46 intelligent, mais surtout et plus encore le fait que cette phrase ait paru toute naturelle, qu’elle reflète donc un état d
47 e fait que cette phrase ait paru toute naturelle, qu’ elle reflète donc un état d’esprit courant, voilà qui prouve que notre
48 e donc un état d’esprit courant, voilà qui prouve que notre culture n’est pas menacée seulement de l’extérieur. En effet, c
49 t, comparer la culture à de la broderie, accepter qu’ il en soit ainsi, le laisser croire, c’est renoncer d’avance à nos mei
50 he ses campagnes culturelles, soyez bien certains qu’ il ne joue pas aux vieilles dames, qu’il ne fait pas de la broderie, e
51 en certains qu’il ne joue pas aux vieilles dames, qu’ il ne fait pas de la broderie, et que les armées qu’il met en marche s
52 illes dames, qu’il ne fait pas de la broderie, et que les armées qu’il met en marche sont plus redoutables encore que celle
53 ’il ne fait pas de la broderie, et que les armées qu’ il met en marche sont plus redoutables encore que celles qu’évoquait M
54 qu’il met en marche sont plus redoutables encore que celles qu’évoquait M. Reynaud, car ces armées veulent occuper bien au
55 en marche sont plus redoutables encore que celles qu’ évoquait M. Reynaud, car ces armées veulent occuper bien autre chose q
56 , car ces armées veulent occuper bien autre chose que des terrains, elles veulent occuper le cœur et les esprits de ceux-là
57 t très vaste, c’est l’évidence, mais le seul fait que nous existons dorénavant, me semble-t-il, peut rendre à beaucoup un e
58 se découragent. À vous de les rejoindre. J’ajoute que , pour nous, intellectuels, le fait d’assumer publiquement notre part
59 r si nous reculions devant ce défi de l’histoire, que pourrions-nous encore penser écrire ou dire sans une honte intime, sa
2 1951, Articles divers (1951-1956). Comment fabriquer un Européen ?
60 éjà conçu, il naîtra donc. Cet homme sera tout ce qu’ on voudra, mais jamais un Européen. À l’appui de cette thèse absolue,
61 é Smith, changez son arbre généalogique. Déclarez qu’ il descend en droite ligne des émigrants venus d’Angleterre sur le fam
62 tirez le rideau. Mais pour fabriquer un Européen, que prendrez-vous ? Si vous mélangez toutes nos nationalités, au hasard,
63 e Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’ un mélange de Français et d’Allemands, des Suisses. Je n’entrevois auc
64 additionnés dans un seul homme. Ils ne pourraient que se neutraliser et s’annuler réciproquement. La vérité, c’est que le p
65 ser et s’annuler réciproquement. La vérité, c’est que le problème posé est insoluble par définition. Car si l’Américain ten
66 es défauts contradictoires du continent. Il n’y a que des Français, des Danois, des Croates, des parpaillots, des mécréants
67 rtisans motorisés de la paix concentrée. Il n’y a que des hommes habitués à différer les uns des autres, et c’est tout cela
68 à différer les uns des autres, et c’est tout cela qu’ on nomme l’Europe. Et c’est pourquoi faire un Européen, ce serait tent
69 ivisent le continent. Mais nous venons de montrer qu’ il serait vain de rêver cette union sous forme de mélange. Il nous fau
70 prendre à ces 300 millions d’hommes et de femmes, qu’ ils ont tous en commun, précisément, leur volonté de rester chacun soi
71 rincipe paradoxal de leur communauté profonde. Ce qu’ il y a de plus humain chez tout homme, c’est l’idée qui lui vient un j
72 i vient un jour — angoissante pour l’adolescent — qu’ il est le seul de son espèce, qu’il est un cas absolument unique. Ce q
73 r l’adolescent — qu’il est le seul de son espèce, qu’ il est un cas absolument unique. Ce qu’il y a de plus européen chez le
74 on espèce, qu’il est un cas absolument unique. Ce qu’ il y a de plus européen chez les habitants de notre cap, c’est l’idée
75 éen chez les habitants de notre cap, c’est l’idée qu’ ils ont tous d’appartenir d’abord à une famille, à une région, à une p
76 à une coutume ou une langue, bien distinctes, et qu’ ils perdraient leurs libertés si on les empêchait de vivre à leur mani
77 is la preuve par neuf dans le reproche si courant qu’ à tort ou à raison nous faisons à l’Amérique : « Là-bas, répétons-nous
78 : « Là-bas, répétons-nous, tout se ressemble ! » ( Que dirions-nous d’autres régimes, où ce n’est pas la pression de la mode
79 des libertés publiques ou morales, pour ne citer que ces trois grands exemples, sont à peu près les mêmes chez tous nos pe
80 sie. Nous avons beaucoup en commun, beaucoup plus que nous ne le croyons. Mais nous n’avons rien de plus fort, pour nous un
81 s nous n’avons rien de plus fort, pour nous unir, que cette passion de rester différents, indissolublement liée pour nous à
82 t personnelles. C’est pour sauver ces différences qu’ il faut maintenant nous fédérer. Si nous voulons rester Français, Vaud
83 en, mais bien à réveiller en chacun de nous, tels que nous sommes, la conscience de nos libertés ; puis à vouloir le moyen
84 les sauver. L’éducation européenne devra montrer que nos libertés dépendent en fait de notre droit de différer, sans leque
85 ns lequel il n’est point de dialogue créateur. Et que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe. Et que c’est cela précisém
86 que c’est cela qui fait la valeur de l’Europe. Et que c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’il n’est plus d’espoir q
87 Et que c’est cela précisément qui est menacé. Et qu’ il n’est plus d’espoir que dans l’union, — celle qui veut surmonter no
88 ment qui est menacé. Et qu’il n’est plus d’espoir que dans l’union, — celle qui veut surmonter nos divisions pour sauver no
3 1951, Articles divers (1951-1956). Défense de nos libertés (octobre 1951)
89 idéal ou comme réalité. Mais un homme en prison, qu’ il soit intellectuel ou paysan, sait très bien ce qu’il a perdu. Il n’
90 il soit intellectuel ou paysan, sait très bien ce qu’ il a perdu. Il n’en demande pas la définition. Il en exige la jouissan
91 moins le problème de la liberté qui nous importe, que son drame. De l’issue de ce drame dépendent nos vies. Car si nous viv
92 en deux partis, qui ne se définissent clairement que par rapport à la liberté. D’un côté, les peuples qui se disent libres
93 égime totalitaire, et qui n’ont pas nos libertés, qu’ ils jugent trompeuses. Tous les autres motifs de conflit que l’on pour
94 ent trompeuses. Tous les autres motifs de conflit que l’on pourrait énumérer sont discutables et peu clairs. Les intérêts é
95 eut-être. Les passions nationalistes ne sont plus que des survivances, d’ailleurs également réparties entre les deux camps.
96 ou pratique, promise ou réalisée. Par contre, ce qu’ il est impossible de discuter, ce qui est évident aux yeux de tous, de
97 t évident aux yeux de tous, des deux côtés, c’est que nous voulons la liberté, et que les autres veulent la dictature. Ils
98 deux côtés, c’est que nous voulons la liberté, et que les autres veulent la dictature. Ils la préfèrent — provisoirement di
99 ent — provisoirement disent-ils — à notre liberté qu’ ils nomment purement « formelle », affirmant que leur dictature prépar
100 é qu’ils nomment purement « formelle », affirmant que leur dictature prépare une liberté « réelle ». Mais alors, s’il est c
101 ne liberté « réelle ». Mais alors, s’il est clair que l’enjeu est en définitive la liberté, n’est-il pas urgent que nous pr
102 est en définitive la liberté, n’est-il pas urgent que nous prenions une conscience nette et forte des libertés concrètes qu
103 conscience nette et forte des libertés concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner d’avance — avant une guerre, qui
104 première condition de succès, c’est de savoir ce que nous défendons. Quelles sont nos libertés ? Sont-elles purement forme
105 vent plus bien répondre à ces questions. C’est là que gît la force principale de l’autre camp. Quand on nous dit : « Qu’ave
106 principale de l’autre camp. Quand on nous dit : «  Qu’ avez-vous à opposer à l’idéologie stalinienne, à cette grande espéranc
107 n nous dit : « Vous ne pourriez défendre l’Europe qu’ en opposant à ses ennemis une idéologie plus puissante que la leur, ma
108 posant à ses ennemis une idéologie plus puissante que la leur, mais hélas, vous n’avez aucun passé ! », quand on nous dit c
109 ’avez aucun passé ! », quand on nous dit cela, et que nous cherchons alors désespérément une réplique, ou que nous essayons
110 us cherchons alors désespérément une réplique, ou que nous essayons d’improviser quelque « mystique » nouvelle, nous sommes
111 ttus. Pour gagner, mais alors à coup sûr, il faut que nous soyons en état de répondre instantanément, avec une conviction t
112 stantanément, avec une conviction totale. Il faut que nous répondions ceci : « Nous n’avons pas besoin comme vous d’une mys
113 s avons nos libertés. Et ce n’est pas notre passé que nous défendons, mais bien les libertés qu’il a conquises, et qui sont
114 passé que nous défendons, mais bien les libertés qu’ il a conquises, et qui sont la réalité présente de nos vies, bien plus
115 Ce langage seul peut nous sauver. Encore faut-il que nous soyons en mesure de le tenir sans équivoque, et en pleine connai
116 ystique « aussi puissante » ou « plus puissante » que les leurs. Car les faits nous suffisent, et quant aux libertés, nous
117 fisent, et quant aux libertés, nous en avons plus que nous méritons. Je crois à la vertu de la prise de conscience : c’est
118 en soi, quand les faits objectifs sont meilleurs que notre lassitude ne le pensait. Rendus conscients des forces véritable
119 us demandez : quelles sont nos chances ? Je dirai qu’ elles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général am
120 lles dépendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’un général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité.
121 bstacle à la fatalité. Léviathan ne devient fatal que dans la mesure où nous quittons la lutte. Léviathan, c’est la somme e
122 clurai, une fois de plus, par ce delenda Carthago que j’opposais il y a quinze ans à une autre « mystique millénaire », mai
123 la brochure de Denis de Rougemont, Les Libertés que nous pouvons perdre , dont nous ne saurions trop recommander la lectu
4 1952, Articles divers (1951-1956). Robert de Traz, l’Européen (1952)
124 u d’écrivains ont si bien voyagé, et mieux dit ce qu’ ils avaient vu. La plupart se rendaient trop visibles ou trop sensible
125 tance, le conçoit et le définit ». Et je constate qu’ il l’appliquait de préférence au phénomène unique par ses variétés mêm
126 rence au phénomène unique par ses variétés mêmes, qu’ on nomme Europe. « Si le désir de comprendre ce qui se passe vous poss
127 sions collectives, aux philosophies de combat, et qu’ il ne fallait pas laisser ce peuple « dans les ténèbres du dehors, mai
128 lyse morale ou d’histoire — mais nulle part mieux que dans L’Esprit de Genève. Je viens de relire cet ouvrage, paru en 1929
129 uvent nous paraître hors de saison, s’il est vrai que le spectacle des Nations unies réduit à peu, sinon à rien, les espoir
130 ons unies réduit à peu, sinon à rien, les espoirs que de Traz se faisait une vertu et même une raison d’entretenir, malgré
131 vif, naturel et concis. C’est dans le fédéralisme qu’ il voit « la base de l’internationale moderne ». C’est de la nécessité
132 ationale moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’une mystique, qu’il attend « la refonte de l’Europe ». C’est par la
133 C’est de la nécessité, plutôt que d’une mystique, qu’ il attend « la refonte de l’Europe ». C’est par la civilisation « grec
134 sation « grecque et chrétienne — et Rome n’a fait qu’ amplifier et parfois corrompre ces termes essentiels » que l’Europe es
135 fier et parfois corrompre ces termes essentiels » que l’Europe est devenue patrie de la personne. Et c’est enfin en s’oppos
136 raînent au rebours de ses traditions profondes », que l’Europe se fera, une et diverse. Je ne vois pas une phrase, dans cet
137 ereine, qui ne porte encore mieux sur notre temps que sur celui de sa naissance — 1929, je le répète. « Petite Europe, tout
138 onde en tumulte, il faudra bien qu’elle comprenne que ses rivalités intérieures sont archaïques » et qu’au-delà de ses fron
139 ue ses rivalités intérieures sont archaïques » et qu’ au-delà de ses frontières resserrées, des civilisations rajeunies vont
140 re détresse complaisante, ne souhaitons-nous plus qu’ être séduits et passivement satisfaits ? Le snobisme bolchévique, le s
141 de Traz ajouter sur un ton plus encore convaincu qu’ indigné : « Tout de même !… » Mais aussitôt, rectifiant la tenue, il p
142 n’ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ ils se rapprochent donc pour mieux en délibérer. Qu’ils fassent, avec
143 ’ils se rapprochent donc pour mieux en délibérer. Qu’ ils fassent, avec sang-froid, l’inventaire de leur patrimoine commun.
144 tyle du libéralisme viril : « Est-ce rêver encore que de conseiller à l’Europe, pour se redresser, pour imposer silence à s
145 affirmant son unité conquise sur des différences qu’ elle ne détruirait pas pour autant, elle donnerait au monde un exemple
146 sarmerait en harmonisant non plus de petits États que divisent quelques collines, mais des continents que les océans sépare
147 e divisent quelques collines, mais des continents que les océans séparent. » Pourquoi ne pas le dire ici ? Cette relecture
148 l est trop tard. Il m’était encore plus fraternel qu’ une longue amitié, dès mon adolescence, n’a pu me le faire concevoir d
149 e à la lucidité. « Est-ce rêver, se demandait-il, que de conseiller à l’Europe… de se reconnaître une mission ? » Non, ce n
150 ention passionnée. Il voulait être ouvert, plutôt qu’ ouvrir. Tous ses personnages romanesques sont des renfermés, et qui en
5 1952, Articles divers (1951-1956). Prototype T.E.L. (janvier 1952)
151 tes de vitesse, de résistance, ou de maniabilité. Que se passe-t-il quand on les atteint ? Jusqu’où peut-on les reculer ? E
152 urs ou moins achevés. Lawrence ne fut un écrivain que par accident, semble-t-il. Mais cet accident fit sa gloire, et nous d
153 cu des aventures semblables, mais lui « savait ce qu’ il était en train de faire, tandis que les autres travaillaient d’inst
154 ce n’est pas à la seule analyse de l’œuvre en soi qu’ il faut recourir, mais d’abord il convient de chercher le rôle qu’a jo
155 rir, mais d’abord il convient de chercher le rôle qu’ a joué cette œuvre dans le conflit entre l’auteur et son époque. L’écr
156 ’illusions une cause dont la valeur importe moins que les épreuves qu’elle impose. Nous voici tout près de Lawrence et d’un
157 use dont la valeur importe moins que les épreuves qu’ elle impose. Nous voici tout près de Lawrence et d’une classe d’écriva
158 de notre siècle. Ils sont héros par autre chose que par leur œuvre : par l’action dont cette œuvre témoigne, et dont elle
159 ayé de leur personne le prix d’une signification. Que ces héros soient les nomades, on vient d’en voir la raison générale.
160 eur aventure hors de chez eux, sourdement irrités qu’ ils sont de se sentir étrangers dans leur peuple. S’expatrier devient
161 mise au point, une traduction spatiale du conflit qu’ ils constatent entre leurs exigences intimes et l’insipidité de la vie
162 gés de préférence dans des conquêtes hasardeuses, que les gouvernements soutiennent à contrecœur, et parfois découragent en
163 t en sous-main, ou bien dans des révolutions mais que d’autres ont déclenchées, qui n’en sont plus au stade des revendicati
164 qui demandent bien moins de conviction politique que d’audace ou de discipline, de goût du sacrifice ou de volonté de puis
165 rques générales et les nuancent d’ailleurs autant qu’ il faut. Si divers que nous les jugions par la valeur morale ou littér
166 nuancent d’ailleurs autant qu’il faut. Si divers que nous les jugions par la valeur morale ou littéraire, par l’importance
167 nt les fins dernières leur importaient bien moins que l’expérience elle-même, moins que le fait de servir en soi, ou d’épro
168 ient bien moins que l’expérience elle-même, moins que le fait de servir en soi, ou d’éprouver les limites de l’homme. Ces a
169 aissent à un signe certain : entre eux et le rôle qu’ ils jouent, souvent à grand péril, il y a toujours une marge de consci
170 eulement le don mais une certaine facilité. C’est qu’ ils se sont formés dans un monde où l’erreur entraîne des sanctions im
171 ions immédiates, où l’exactitude est vitale, soit qu’ il s’agisse d’un ordre à rédiger ou d’une opération technique. Ces scr
172 d’aventuriers, de révolutionnaires ou d’aviateur qu’ est dû le prestige particulier de leurs écrits, mais tout autant à l’e
173 expression favorite de Saint-Exupéry). Soulignons que ces écrits ne sont nullement pour eux les substituts de l’action term
174 confidences. Ils n’avouent guère d’autre ambition que celle d’un serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’indiv
175 la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’ un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoin de s’explique
176 s sur un point décisif : celui des fins dernières que poursuivait l’auteur quand il vivait ce qu’il raconte. On se reporte
177 ières que poursuivait l’auteur quand il vivait ce qu’ il raconte. On se reporte alors à des écrits posthumes, à des lettres
178 es lettres ou carnets intimes, et l’on s’aperçoit que le problème, loin d’y recevoir la réponse la plus attendue, n’y appar
179 ecevoir la réponse la plus attendue, n’y apparaît que plus fondamental : c’est pour tenter de le résoudre que l’homme écrit
180 us fondamental : c’est pour tenter de le résoudre que l’homme écrit, et que parfois il retourne à l’action ; pourtant, ce q
181 pour tenter de le résoudre que l’homme écrit, et que parfois il retourne à l’action ; pourtant, ce qu’il nous laisse enfin
182 que parfois il retourne à l’action ; pourtant, ce qu’ il nous laisse enfin n’est qu’une question, l’exemple d’une « passion 
183 tion ; pourtant, ce qu’il nous laisse enfin n’est qu’ une question, l’exemple d’une « passion » dont l’enjeu n’est pas clair
184 toutes nos fictions. Elles nous forcent à croire qu’ ici, enfin, un homme nous parle avec l’autorité d’une expérience viril
185 ls buts souverains les justifier ? Si l’on répond qu’ elles dénudent l’homme dans sa plus sobre vérité, nous demandons alors
186 ui va revêtir cet homme d’une vocation plus vraie que les causes qu’il a servies et qui se révèlent toujours, au bout du co
187 et homme d’une vocation plus vraie que les causes qu’ il a servies et qui se révèlent toujours, au bout du compte, décevante
188 l’honneur, il est plus facile de mourir pour lui que d’en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire les autres, dans l’int
189 ourir pour lui que d’en vivre ; mieux vaut mourir que de conduire les autres, dans l’intrigue et la cruauté, vers la désill
190 vers la désillusion finale. » C’est en ces termes que la plus sobre des biographies de Lawrence4 décrit l’état d’esprit du
191 y ? Le parallèle s’impose entre ces deux figures. Qu’ elles aient été si différentes à tant d’égards, si contrastées dans le
192 rastées dans leurs données individuelles, ne fait qu’ accentuer l’intérêt d’un rapprochement entre les deux personnes. Relev
193 r, parfaits représentants de leur nation, dans ce qu’ elle a justement de plus différent de l’autre. L’un protestant et l’au
194 par deux morales aussi extrêmes dans leur domaine qu’ hostiles entre elles : la puritaine et la jésuite. L’un ascète, l’autr
195 vivant. L’un chaste, et l’autre aimant à répéter que la femme est le repos du guerrier. L’un tourmenté de scrupules dans l
196 ais voyons maintenant leur personne, j’entends ce qu’ ils ont fait de ces données natives, et les tensions qu’ils ont instit
197 ont fait de ces données natives, et les tensions qu’ ils ont instituées entre ce qu’ils étaient et ce qu’ils se voulaient.
198 s, et les tensions qu’ils ont instituées entre ce qu’ ils étaient et ce qu’ils se voulaient. Voyons leur création, leur acti
199 ’ils ont instituées entre ce qu’ils étaient et ce qu’ ils se voulaient. Voyons leur création, leur action, et leur drame. Un
200 rtis, l’un pour des fouilles dans les pays arabes qu’ il avait étudiés avec passion ; l’autre sur ces avions qu’il essayait
201 ait étudiés avec passion ; l’autre sur ces avions qu’ il essayait déjà de manœuvrer en cachette à 16 ans. Les deux intellect
202 prises dans le désert avec les mêmes Arabes. Soit qu’ il s’agisse de négocier avec ceux-ci pour libérer un camarade pris en
203 nt-Exupéry.) Tous les deux se moquent des grades, qu’ on leur en donne ou non, et sont perpétuellement sur pied de fronde. L
204 pas au fonctionnaire, mais à la vertu mystérieuse qu’ ils attendent de la règle, même injuste. Au reste, leurs plus grandes
205 rieures. Parfois cependant, cet art de persuader ( qu’ ils tiennent en partie des Arabes) leur vaut des appuis surprenants de
206 des appuis surprenants de la part d’un grand chef qu’ ils savent séduire sans passer par la voie du service. Les voici maint
207 boires, par les succès aussi, durement gagnés, et que souvent leurs camarades d’équipe sont restés les seuls à connaître. I
208 s dans leur patrie (ou en son nom), ceux-là mêmes qu’ ils viennent de servir, mais dont les buts ou les méthodes soudain se
209 Pour le courage physique, ils n’en parlent jamais qu’ avec un scepticisme dénué de coquetterie.) Le seul désir bien déclaré
210 etirer dans une maison de campagne, avec le livre qu’ ils portent en eux, toujours le même, et qui doit être un commentaire
211 ollectif. Ils n’écrivent pas plus facilement l’un que l’autre ; se vantent parfois, mais plus souvent se plaignent de leur
212 nce excessive et de leurs ratures infinies. C’est qu’ ils se refusent aux entraînements de l’idéologie ou du lyrisme, s’appl
213 cependant ils veulent être simples et n’employer que des mots éprouvés… C’est à ce stade que naissent Les Sept Piliers de
214 ’employer que des mots éprouvés… C’est à ce stade que naissent Les Sept Piliers de la Sagesse et Terre des Hommes. L’aventu
215 nguer leurs vrais motifs, parmi tant de prétextes qu’ ils allèguent. S’agirait-il d’une fuite devant leur « personnage », ou
216 éelle passion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ ils n’ont pas le choix, et que la vie parmi les autres, les civils, s’
217 erait-ce simplement qu’ils n’ont pas le choix, et que la vie parmi les autres, les civils, s’est révélée pour eux pratiquem
218 ratiquement intenable ? (« Avez-vous bien compris que je me suis engagé non pour écrire des livres mais parce que j’étais f
219 é ? », écrit Lawrence en 1923. L’argent n’est ici qu’ un symbole : il pouvait en gagner autrement.) Il va de soi que leurs s
220 e : il pouvait en gagner autrement.) Il va de soi que leurs supérieurs, gênés par ces gloires encombrantes (ces « licornes 
221 rager ; mais eux s’obstinent, bien que plus vieux que leurs camarades, bien qu’ayant eu « tous les membres brisés » au cour
222 soin d’écrire, et bien qu’ils ne puissent ignorer qu’ à des postes moins anonymes, ils seraient plus difficiles à remplacer.
223 e à la fin de la foi en eux-mêmes ou dans le rôle qu’ ils peuvent encore jouer parmi les hommes tels qu’ils les jugent. « J’
224 qu’ils peuvent encore jouer parmi les hommes tels qu’ ils les jugent. « J’en suis à désirer sans cesse que le rideau tombe p
225 ’ils les jugent. « J’en suis à désirer sans cesse que le rideau tombe pour moi. On dirait que j’ai fini maintenant », écrit
226 ans cesse que le rideau tombe pour moi. On dirait que j’ai fini maintenant », écrit Lawrence quelques semaines avant sa mor
227 d’autres dangers, et peut-être n’ont-ils disparu que pour assumer d’autres tâches, plus secrètes et plus importantes5.
228 pondre à la question dont ces pages sont nées : «  Que signifie pour nous Lawrence ? » Les dictateurs sont les héros de la m
229 xures, comme par exemple au narcissisme collectif qu’ est la passion nationaliste. Je vois leur antithèse dans les héros de
230 awrence est le prototype. Le dictateur n’est fort que de la faiblesse des autres, et sa grandeur est négative : il est le s
231 ative : il est le symbole des secrètes démissions que nous lui apportons pour faire nombre. Mais la force d’un Lawrence a s
232 un Lawrence a sa source dans les seules exigences qu’ il s’impose. Le dictateur est le parasite des maux publics. Lawrence n
233 es maux publics. Lawrence n’a jamais rien demandé que de lui-même. Son pouvoir sur autrui lui fait horreur, il l’avoue à pl
234 eur, il l’avoue à plusieurs reprises. Il n’en use qu’ avec répugnance (pour en garder longtemps le remords) si les nécessité
235 toujours un viol, et s’il condamne ce viol, c’est qu’ il se veut intègre, au prix d’un sacrifice dont il reste le maître. So
236 tre. Son héroïsme le plus réel est là : s’il faut que quelqu’un paye, que ce soit lui, aux dépens de son propre individu et
237 plus réel est là : s’il faut que quelqu’un paye, que ce soit lui, aux dépens de son propre individu et pour l’éducation de
238 e, le mépris de la fraude, et le scrupule fécond, que chez Kafka, — cet autre prototype. Voici précisément ce qu’il eut d’e
239 afka, — cet autre prototype. Voici précisément ce qu’ il eut d’exemplaire : il a soumis la condition de l’homme moderne aux
240 expérience et se refusant à tous les faux-fuyants que nous offrent les causes politiques, le romantisme religieux, et les g
241 le romantisme religieux, et les grands mots tels que Révolte et Conformisme, Liberté, Violence, Angoisse, et le plus équiv
242 le plus équivoque de tous : Révolution. On dirait qu’ il a fait sur lui-même une étude de la résistance du matériel et du mo
243 ésultat de cette étude — la meilleure description que je puisse imaginer de la réalité moderne en tant que telle. Lawrence
244 bsence de responsabilité : je n’ai à répondre ici que de la propreté de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’une cer
245 ans les évolutions physiques à l’exercice. Depuis que je suis ici, il ne s’est présenté à moi pas un seul choix : tout est
246 — et c’est peut-être dans le complet déterminisme que gît la paix parfaite après laquelle j’ai si longtemps soupiré. J’ai e
247 ts d’esprit. Autant d’échecs, et ma raison me dit qu’ en conséquence l’obéissance, le non-savoir échoueront aussi, puisque l
248 en partie son œuvre en 1921) pèse à ses yeux plus que ses campagnes, mais moins que son activité dans la RAF « car la conqu
249 èse à ses yeux plus que ses campagnes, mais moins que son activité dans la RAF « car la conquête de l’air me paraît être la
250 ure de notre génération ; et je me suis convaincu que le progrès, aujourd’hui, n’est pas le fait du génie isolé, mais de l’
251 renie ; car « toute création est tangible. Et ce que j’essayais, je crois, c’était de poser une superstructure d’idées sur
252 t de poser une superstructure d’idées sur tout ce que je faisais. Eh bien, en cela, j’ai échoué. J’ai donc changé de direct
253 s avantages d’être une pièce de la machine, c’est qu’ on y apprend qu’on n’a pas d’importance ». De tels textes peuvent serv
254 re une pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’ on n’a pas d’importance ». De tels textes peuvent servir de repères po
255 sieurs de sa race, ne se situe dans nos problèmes que d’une manière fragmentaire, en des occasions si concrètes que la tech
256 nière fragmentaire, en des occasions si concrètes que la technique vécue, gage de son honnêteté, devient aussi son alibi. D
257 politiques, pour se borner à un problème brûlant, qu’ est-il possible d’inférer de son exemple ? Les citations que je viens
258 possible d’inférer de son exemple ? Les citations que je viens de traduire semblent indiquer que Lawrence eût été capable d
259 ations que je viens de traduire semblent indiquer que Lawrence eût été capable de justifier, de la manière la plus tentante
260 est un peu différent. Sans aucun doute, la morale qu’ il professe, au terme de son expérience de douze années dans l’aviatio
261 e. (L’effort commun qui porte le progrès ; n’être qu’ un rouage numéroté ; apprendre à se compter pour rien ; trouver la pai
262 toutes ses formes, surtout morales, l’écœurement qu’ il ressent devant la nécessité d’imposer son pouvoir et d’user d’autor
263 t à la dictature et à la politique collectiviste. Que reste-t-il à faire pour un tel homme ? Je le cite encore : « Les idéa
264 Je n’ai rien rencontré de plus honnête et dévoué que nos hommes politiques — mais je me ferais plutôt balayeur. Un nihilis
265 is plutôt balayeur. Un nihilisme décent, c’est ce que j’espère, en général. Je pense qu’un pays bien constitué comme le nôt
266 cent, c’est ce que j’espère, en général. Je pense qu’ un pays bien constitué comme le nôtre, peut se permettre 1 % de monist
267 place pour moi. L’ennui avec le communisme, c’est qu’ il accepte trop du mobilier d’aujourd’hui. Je hais les meubles. » Qu’o
268 du mobilier d’aujourd’hui. Je hais les meubles. » Qu’ on ne voie pas là une dérobade devant le grand choix politique de ce s
269 s » et pour lequel il n’est plus d’autre solution que de s’assurer une petite place dans la cité, un rôle utile dans ce mon
270 e place dans la cité, un rôle utile dans ce monde qu’ il juge assez absurde — par excès de conscience éthique — mais qu’il f
271 absurde — par excès de conscience éthique — mais qu’ il faut pourtant bien accepter, lorsqu’on n’a pas connu, ou que l’on r
272 urtant bien accepter, lorsqu’on n’a pas connu, ou que l’on refuse, la transcendance qui pourrait seule le transformer. Atti
273 titude exemplaire par son honnêteté. S’il fallait qu’ on nous montre où nous en sommes et ce que peut un homme sans la foi,
274 fallait qu’on nous montre où nous en sommes et ce que peut un homme sans la foi, Lawrence nous l’a montré avec un grand cou
275 fausses fois totalitaires n’ont d’ennemi sérieux que la foi. Pourtant, à ceux qui disent que Lawrence est décevant parce q
276 i sérieux que la foi. Pourtant, à ceux qui disent que Lawrence est décevant parce qu’il n’a pas laissé de « message », je r
277 qu’il n’a pas laissé de « message », je répondrai qu’ il nous apprend au moins à n’en pas attendre des hommes. Nous demandon
278 ons trop aux écrivains. En sommes, nous attendons qu’ ils remplacent la religion. Le plus honnête, s’il est privé de foi, s’
279 encore publiées. Quant à La Citadelle, on notera qu’ elle n’a point son équivalent chez Lawrence. Et certes, rien n’empêche
280 ez Lawrence. Et certes, rien n’empêche d’imaginer que ce dernier, s’il eût vécu tranquille dans son cottage, eût pu être te
281 des expériences de l’homme d’action. Mais on sait que Churchill le destinait à des fonctions militaires importantes, que la
282 destinait à des fonctions militaires importantes, que la guerre l’eût sans doute contraint d’accepter. Au total, Saint-Exup
6 1952, Articles divers (1951-1956). L’Heure de l’impatience (mars 1952)
283 e, c’est un homme politique avisé et mieux averti que quiconque, Paul-Henri Spaak en l’occurrence, qui s’écriait naguère da
284 eur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’ une telle constatation apparaisse plus choquante encore que surprenant
285 lle constatation apparaisse plus choquante encore que surprenante. Le paradoxe qu’elle éclaire si crûment s’explique d’aill
286 lus choquante encore que surprenante. Le paradoxe qu’ elle éclaire si crûment s’explique d’ailleurs par des raisons connues
287 es Européens refusent de se croire aussi nombreux qu’ ils sont, parce qu’ils n’ont pas encore pris l’habitude de se sentir E
288 ropéens. Au lieu d’un bloc à peu près aussi grand que les deux autres additionnés, voici donc vingt petits pays, dont pas u
289 ul n’est à l’échelle du siècle. Il semble évident que leur union renverserait d’un coup la situation. Tout les y pousse : l
290 passé comme l’avenir, la raison comme les rêves. Qu’ est-ce qui les retient ? Une sorte de myopie de la mémoire et du jugem
291 parlent d’ennemis héréditaires, mais ils oublient que leurs nationalismes ne remontent qu’au siècle dernier, et qu’ils ont
292 ils oublient que leurs nationalismes ne remontent qu’ au siècle dernier, et qu’ils ont deux-mille ans d’usage commun d’un hé
293 tionalismes ne remontent qu’au siècle dernier, et qu’ ils ont deux-mille ans d’usage commun d’un héritage que le reste de la
294 s ont deux-mille ans d’usage commun d’un héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tirent prétexte des intérêts à cour
295 s à court terme de leurs États, mais ils oublient qu’ ils forment un seul corps, et qu’il est fou d’essayer de sauver un seu
296 ais ils oublient qu’ils forment un seul corps, et qu’ il est fou d’essayer de sauver un seul organe au détriment des autres.
297 irculation. Enfin, rien n’est plus clair au monde que la nécessité de notre union, rien n’est moins contesté et cependant,
298 eur insensée, angoissante, durera jusqu’au réveil qu’ il s’agit de provoquer. Europe, jadis, fut enlevée à l’Asie par une fo
299 Occident : Jupiter changé en Taureau. On nous dit qu’ Europe, aujourd’hui, risque à nouveau d’être séduite, cette fois-ci pa
300 ’Europe par un escargot ! La prudence a montré ce qu’ elle savait faire. Si l’on veut que l’Europe survive, l’heure est venu
301 ce a montré ce qu’elle savait faire. Si l’on veut que l’Europe survive, l’heure est venue de l’impatience créatrice. Je n’i
7 1952, Articles divers (1951-1956). Les foyers de culture et l’Europe (octobre 1952)
302 l thème, un thème-cathédrale : l’Europe. La thèse que je vais développer rapidement pourrait s’exprimer de cette manière, s
303 e culture sont l’Europe. Je précise tout de suite que je prends le terme foyer de culture au sens le plus général, le plus
304 plus général, le plus large ; je vous dirai aussi que les foyers de culture qui ont fait l’Europe jouaient, à d’autres époq
305 t, à d’autres époques, un rôle différent de celui qu’ ils auraient maintenant. Je ne ferai pas de longues incursions dans le
306 a population par une série de maillons successifs que je vous rappelle : la méditation se formulant en écrits, l’enseigneme
307 en langues, qui joue un rôle beaucoup plus vaste qu’ au Moyen Âge. Il n’existe guère aujourd’hui dans nos pays qu’une seule
308 Âge. Il n’existe guère aujourd’hui dans nos pays qu’ une seule forme de culture commune à tout le monde, sans distinction d
309 ne nécessite aucune traduction. Vous reconnaîtrez que c’est peu — ce n’est même rien — pour former l’homme et le jugement p
310 rtain nombre de thèmes : 1° Il n’est pas possible que la culture puisse agir — c’est-à-dire former ou modifier la réalité —
311 foyer local ne peut être appelé foyer de culture que s’il réalise à la fois cette possibilité d’incarnation de la culture
312 urs à ces réalités : pour faire l’Europe, il faut que les foyers par centaines et par milliers, si possible, apportent leur
313 ront de la réalité quotidienne. 3° Il ne faut pas que l’Europe se fabrique comme un immense trust super-étatique, construct
314 cales. J’insiste sur ce double mouvement, il faut que les foyers collaborent à la constitution de l’Europe, mais aussi qu’i
315 aborent à la constitution de l’Europe, mais aussi qu’ ils défendent la diversité européenne contre le germe de tyrannie que
316 diversité européenne contre le germe de tyrannie que peut contenir l’aspiration à l’unité. C’est le paradoxe du fédéralism
317 cales et l’ensemble de l’Europe. Vous remarquerez que je saute à dessein le stade national, intermédiaire ; la culture ne s
318 à des propositions plus pratiques, je proposerai que s’établisse un réseau européen de distribution de livres, de brochure
319 les choses de cette façon ; chaque foyer, quelle que soit sa forme, sa structure, se donnerait pour tâche — et je voudrais
320 ructure, se donnerait pour tâche — et je voudrais qu’ il le fasse expressément par un vœu formulé si possible ici — de deven
321 ent s’incarner. Pour préciser encore, je voudrais que ce même réseau de distribution, de diffusion et de critique soit alim
322 re tout d’abord ses plans de causeries — je crois qu’ on vous les a remis. J’explique en quoi ils consistent : ce sont de pe
323 s, avec le temps dont ils disposent, les horaires qu’ ils ont déjà prévus. Ces conférenciers ne seraient pas des professeurs
324 changes internationaux en France. Je vous signale que d’autres associations viennent nous voir de temps en temps, demandant
325 avec comme relais les foyers de culture. Voici ce que le Centre européen de la culture se propose de mettre à votre disposi
326 t à l’heure de culture populaire. Je ne crois pas qu’ il y ait une culture populaire, comme je ne crois pas aux cultures nat
327 s pas aux cultures nationales. Il y a la culture, qu’ il s’agit d’implanter dans des sols différents avec des méthodes qui p
328 e contribuer à effacer cette distinction, à faire que le mot « Culture » ne soit plus synonyme d’académisme, de propriété b
329 opriété bourgeoise, de luxe intellectuel. Il faut qu’ ils coopèrent dans un effort général pour donner au mot culture un con
330 re parlant des foyers où l’on disait : « j’espère que dans un foyer la maison seule ne compte pas, ni la mystique locale, c
331 » J’ai beaucoup aimé cette formule et me suis dit que je vous la retransmettrai. Je ne veux faire de peine à personne, mais
332 es à la fois libres et responsables ! Je voudrais que vous soyez très ambitieux pour vos foyers de culture, et très ambitie
333 pe de demain, l’Europe unie, vaudra exactement ce que vaudront ces centaines et ces milliers de Foyers de Culture dont vous
334 résentez un grand nombre. Je dirai, en terminant, que j’ai grande confiance depuis que je vous vois ici rassemblés et surto
335 i, en terminant, que j’ai grande confiance depuis que je vous vois ici rassemblés et surtout depuis que je vous ai vus appr
336 que je vous vois ici rassemblés et surtout depuis que je vous ai vus approuver ce mot de Communauté. i. Rougemont Denis
8 1952, Articles divers (1951-1956). La Suisse et l’Europe : M. Denis de Rougemont réagit (14 novembre 1952)
337 Wüst a relaté ici, le 1er novembre, un entretien qu’ il eut avec le professeur William Rappard. Les vues personnelles qu’y
338 professeur William Rappard. Les vues personnelles qu’ y exprimait l’éminent interlocuteur de notre confrère ont ouvert la po
339 e hautes études internationales. Voici les propos que nous avons recueillis au cours d’un entretien avec M. de Rougemont. L
340 c M. de Rougemont. Laissez-moi commencer par dire que je suis très heureux que votre journal ait institué ce débat, qui est
341 z-moi commencer par dire que je suis très heureux que votre journal ait institué ce débat, qui est réellement vital pour la
342 r la Suisse, et si je tiens à y participer, c’est que je suis réellement très loin de ce que dit le professeur Rappard. Ce
343 per, c’est que je suis réellement très loin de ce que dit le professeur Rappard. Ce que je préconise, ce n’est certes pas u
344 très loin de ce que dit le professeur Rappard. Ce que je préconise, ce n’est certes pas une européanisation de la Suisse, m
345 rerait de l’expérience fédéraliste suisse. Or, ce qu’ a déclaré M. Rappard me touche personnellement, car j’ai beaucoup lu s
346 ses livres, je m’en suis beaucoup servi et voici qu’ il paraît renier les conclusions de la plupart de ses ouvrages ; c’est
347  ; c’est pourquoi après cette interview, je pense qu’ il est nécessaire de montrer nettement le point de vue de ceux qui cro
348 s a énumérés lui-même. « Je ne crois pas, dit-il, que la petite Europe puisse se faire et durer »… L’Europe est faite !
349 e ! Ses adversaires les plus acharnés ont reconnu qu’ il n’était plus temps de s’interroger sur son opportunité, mais bien d
350 iter avec elle. La petite Europe est faite depuis que le 13 septembre la Haute Autorité du plan Schuman a été installée à L
351 e. L’Europe n’existe pas, n’a jamais moins existé qu’ aujourd’hui, affirmait le professeur Rappard, qui ajoutait : L’idée d’
352 ce qui me surprend le plus chez M. Rappard, c’est qu’ il semble avoir oublié qu’il présidait la commission économique du Con
353 chez M. Rappard, c’est qu’il semble avoir oublié qu’ il présidait la commission économique du Congrès de l’Europe tenu à La
354 r de l’Institut des hautes études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n’a pas attendu les Américains, pas plus que la mi
355 le rideau de fer ? Mais hélas ! il est de fait que le rideau de fer l’a séparée en deux… N’allez pas plus loin, je conna
356 us le faire croire. Premièrement, on peut espérer que cette séparation ne sera que provisoire, et ensuite, vous êtes-vous d
357 ent, on peut espérer que cette séparation ne sera que provisoire, et ensuite, vous êtes-vous demandé quelles sont les propo
358 tre les cantons-villes et les cantons-campagnes : qu’ y a-t-il de commun entre Genève et Glaris ? Et ne parle-t-on pas du « 
359 s Européens n’ont-ils pas des traditions communes que les Suisses n’avaient pas ? L’Europe est tout de même plus ancienne q
360 ent pas ? L’Europe est tout de même plus ancienne que la Suisse, et si l’on remonte au temps de la prépondérance grecque, p
361 nce grecque, puis à l’Empire de Rome, on constate qu’ elle avait déjà deux-mille ans d’existence quand les montagnards des t
362 est nier l’évidence même, et je le répète, depuis que la Haute Autorité a été installée le 13 septembre passé. Remarquez qu
363 a été installée le 13 septembre passé. Remarquez que M. Rappard juge naturel, souhaitable, heureux que nous discutions de
364 que M. Rappard juge naturel, souhaitable, heureux que nous discutions de projets tels que les plans Marshall, Schuman ou Pf
365 able, heureux que nous discutions de projets tels que les plans Marshall, Schuman ou Pflimlin… Comment pouvez-vous parler d
366 pays du plan Schuman ne représentait l’an dernier que le 40 % du volume de nos échanges. C’est donc, de la part de M. Rappa
367 sa phase de réalisation. Mais ne croyez-vous pas, qu’ isolés de la mer et de ceux qui furent toujours à travers l’histoire n
368 u professeur Rappard encore plus. Je ne sache pas que le Royaume-Uni ait joué un grand rôle dans la constitution de la Suis
369 grand rôle dans la constitution de la Suisse, ou que l’Amérique du Nord ait eu une grande influence sur le cours de notre
370 caine, notre adhésion à l’Europe unie ne pourrait que combler les vœux américains. Alors comment oser sincèrement prétendre
371 ricains. Alors comment oser sincèrement prétendre que nous serions isolés d’eux, même sur le plan économique ? Et sa compar
372 début, et non seulement elle ne s’oppose pas à ce que d’autres pays lui donnent leur adhésion, mais elle le souhaite. Elle
373 ’est pas plus opposée à une fédération plus vaste que la Confédération des huit ou des treize cantons ne pouvait être oppos
374 t plus de raisons de se redouter et de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en une seule patrie commune, constate M. R
375 par les États-Unis de leur constitution fédérale que « L’idée que l’Amérique pourrait devenir, soit sous la forme républic
376 s-Unis de leur constitution fédérale que « L’idée que l’Amérique pourrait devenir, soit sous la forme républicaine, soit so
377 rêmement ingénieuse, mais beaucoup plus illusoire que toutes les inventions d’un romancier. Les antipathies réciproques et
378 leurs habitudes nous donnent une certitude, c’est qu’ ils ne pourront jamais trouver un centre d’union et un seul intérêt co
379 . Rappard ne manque pas de relever, avec l’ironie qu’ il faut, quelques prédictions identiques de Cherbuliez ou de Pyrame de
380 té dans une fédération européenne ? Reconnaissons qu’ à suivre les suggestions de M. Rappard, elle courrait un grave danger.
381 e et même alliance ? » Alors quoi : est-ce à dire que nous devions entrer dans l’Alliance atlantique, avec ceux qui « furen
382 éen. À nous de rechercher une adaptation. Mais ce que je trouve le plus étonnant dans ces déclarations de M. Rappard, c’est
383 ces déclarations de M. Rappard, c’est précisément que sa conclusion est en contradiction avec tout ce qui a précédé, puisqu
384 ilitaire. Mais il a raison d’insister sur le fait que ces problèmes sont vitaux pour notre pays, et, contre M. Rappard anti
385 elle à M. Rappard, fédéraliste suisse : nul mieux que lui ne sait que les intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés d
386 d, fédéraliste suisse : nul mieux que lui ne sait que les intérêts de la Suisse ne peuvent être dissociés de ceux de l’Euro
387 us avons essayé de rendre compte aussi fidèlement que possible. k. Rougemont Denis de, « [Entretien] La Suisse et l’Eur
9 1952, Articles divers (1951-1956). Grandeur de la Petite Europe (5 décembre 1952)
388 rope (5 décembre 1952)m Je vais partout disant que l’Europe est faite. On me demande : laquelle ? — Eh bien, l’Europe de
389 s Six, l’Europe de Luxembourg, la Haute Autorité, que certains nomment la Schumanie, bien qu’elle soit présidée par Jean Mo
390 restante, le Conseil de l’Europe ne groupe encore que quinze pays, sans le Portugal, sans l’Espagne, sans l’Autriche et san
391 outes ces amputations, vous avez le front de dire que c’est l’Europe ? — Oui, j’ai cette conviction et je m’explique. Tout
392 Tout d’abord, vous faites une erreur en répétant que le rideau de fer coupe notre Europe par le milieu. Car vous avez à l’
393 nts, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’ un peu plus d’un cinquième des Européens que nous perdons, provisoirem
394 donc qu’un peu plus d’un cinquième des Européens que nous perdons, provisoirement, du côté est. Et le meilleur moyen de le
395 ssante attraction. Ensuite, avez-vous bien compté que les six pays de la Haute Autorité font tous ensemble un peu plus de 1
396 tant d’habitants, ou de la petite URSS qui n’en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez que le nombre d’habitants ne
397 ’en a que 30 millions de plus. Vous me répondrez que le nombre d’habitants ne fait pas tout. Et, en effet, Paul Valéry fai
398 tout. Et, en effet, Paul Valéry faisait remarquer que si l’on mettait dans un plateau de la balance l’Empire des Indes, dan
399 ction matérielle. Or, on peut vérifier facilement que pour la production du charbon, de l’acier et de l’électricité, l’Euro
400 tistiques n’épuisent pas la réalité. Les six pays que groupe la Haute Autorité forment une unité de civilisation et culture
401 érie, certes, est plus vaste… Il n’en résulte pas que la Grande-Bretagne, les Pays scandinaves, l’Espagne, l’Autriche, la G
402 la Suisse, n’aient rien ajouté à ces gloires, ni que les Six aient décidé de vivre désormais dans un vase clos. La « Petit
403 ent donc bien mal venus à se plaindre aujourd’hui qu’ on les exclut. Les Anglais, qui sont lents à se laisser convaincre, ma
404 encore à se frotter les yeux. Ils savent pourtant que les portes leur sont ouvertes à Luxembourg. La « Petite Europe » se t
405 urs intérêts. Quant à ceux qui s’en vont répétant qu’ un noyau fédéral fait obstacle à une fédération plus étendue, ils ont
10 1953, Articles divers (1951-1956). Préface à Photo + scène (1953)
406 re est un langage mondial, mais qui exprime mieux que tout autre le rythme intime d’une civilisation. Le décor a pris en Eu
407 enaissance italienne et française, une importance que le drame sacré japonais ou hindou ne pouvait lui accorder. Enfin, l’a
408 pour le public, de prendre conscience de ce fait que l’art n’est pas le produit d’une nation mais de toute une culture, — 
409 ages, des écoles, des sensibilités. Et c’est cela que notre union doit préserver, pour les nouveaux départs que le monde at
410 e union doit préserver, pour les nouveaux départs que le monde attend de nous. n. Rougemont Denis de, « [Préface] Photo
11 1953, Articles divers (1951-1956). Rudolf Kassner (1953)
411 lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Ava
412 lure à la fois calme et circonspecte, n’admettant que des gestes précis et maîtrisés, puis de la briser soudain par une cas
413 ’a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’ il est devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de
414 leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’ une intention profondément délibérée. Car il s’agit ici d’une maïeutiq
415 d’un seul coup, sans transition, plusieurs objets que la coutume sépare, non seulement elle oblige à les voir d’un œil neuf
416 e spirituel, assez analogue, il me semble, à ceux qu’ imposent aux néophytes les moines bouddhistes de la secte du zen. Le t
417 ose qui en fait voir un grand nombre d’autres, et qu’ on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espérer
418 s, et qu’on nous fait découvrir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. » Ainsi Kassner
419 ir tout d’un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’ après une grande lecture. » Ainsi Kassner, dans ses dialogues. Chaque
420 onvainc si bien que la conclusion ne saurait être qu’ implicite et comme transcendante à l’échange. Ainsi s’opposent et se c
421 tautologiques de l’Inde : par leurs images plutôt que leurs concepts ; sans conclusion. Mais l’angle de vision s’est imposé
422 avorable au « Livre de Job » et aux proverbes zen qu’ à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtront dans les dialogues et les p
12 1953, Articles divers (1951-1956). Des conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement (janvier 1953)
423 re, quand une civilisation meurt, c’est justement qu’ elle a perdu le sens de ses fins ou qu’elle renonce à les saisir. De m
424 justement qu’elle a perdu le sens de ses fins ou qu’ elle renonce à les saisir. De même, les origines d’une civilisation ne
425 passé le plus reculé : elles ne sont saisissables que dans la dialectique de ses succès et de ses échecs, c’est-à-dire dans
426 iot, d’après saint Jean de la Croix, sans oublier que l’inverse est aussi vrai. Ainsi de l’Europe, qui est une culture, foy
427 s dans ce cas particulier, car au contraire de ce que l’on pourrait croire de la plupart des civilisations antiques, asiati
428 « sous Ponce Pilate ». Les Pères ne savaient pas que le dogme de l’incarnation — c’est-à-dire du vrai Dieu et vrai homme à
429 rel (ou diabolique) serait un jour Hiroshima ; ni que le dogme de la Trinité — trois fonctions personnelles en un seul Créa
430 ir, aux grands jours de Nicée, le type de réalité que des siècles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaît
431 ils essaieraient de l’éliminer. Tant il est vrai que les polémiques sur le principe de contradiction et le tiers exclus sa
432 e civilisation donnée, par le champ de recherches qu’ instituent certaines options fondamentales : pour l’Orient l’âme et le
433 cident le corps, la psyché, le cosmos et les lois qu’ y découvre l’esprit. L’erreur scientiste a consisté à croire que c’éta
434 l’esprit. L’erreur scientiste a consisté à croire que c’était bien la Réalité en soi qu’étudiaient, mesuraient et formulaie
435 sisté à croire que c’était bien la Réalité en soi qu’ étudiaient, mesuraient et formulaient les sciences physiques et nature
436 xemple. Et de même les savants nous disent tantôt qu’ ils découvrent ou qu’ils inventent ; deux descriptions apparem­ment co
437 s savants nous disent tantôt qu’ils découvrent ou qu’ ils inventent ; deux descriptions apparem­ment contradictoires et noto
438 e de l’esprit qui est pourtant bien le même, mais qu’ il nous reste à définir. (Concevoir a deux sens aussi, mais en un mot.
439 fin des religions et des magies, nées de la peur, qu’ il a permis le développement de la science, recherche impitoyable de l
440 de vraie matière pour lui accorder les attributs que les matérialistes pensaient être ceux de l’esprit, Denis de Rougemont
441 s de Rougemont nous rappelle, fort opportunément, que la science est liée à l’attitude et à la dialectique fondamentale du
13 1953, Articles divers (1951-1956). Suisse, Europe et neutralité (6 mars 1953)
442 , Europe et neutralité (6 mars 1953)s La thèse que je voudrais défendre devant vous tient en deux phrases : 1. Une discu
443 En effet, pour que la Suisse en vienne à décider qu’ elle abandonne sa neutralité traditionnelle, il faudrait que l’une ou
444 andonne sa neutralité traditionnelle, il faudrait que l’une ou l’autre des conditions suivantes soit donnée : — soit une at
445 us voulions aujourd’hui renoncer à la neutralité, que se passerait-il ? On ne le voit pas. À qui irions-nous offrir cette r
446 utralité. Dans ces conditions, comment se fait-il que la question de la neutralité soit sans cesse reposée depuis le fin de
447 sence de l’attaque permanente contre vos libertés que représente l’action du communisme international, dirigée par le Kreml
448 tre l’Europe et ses ennemis. À cela, je répondrai que le choix de notre peuple est fait. Le parti stalinien ne peut réunir
449 fait. Le parti stalinien ne peut réunir chez nous que 2,5 % des voix électorales. Le Conseil fédéral a pris des mesures de
450 onnaires, actions légales, etc.). Si nous disions que nous restions neutres entre la démoratie occidentale et la dictature
451 s nous croire. En fait, ils ne cessent de répéter que la Suisse a cessé d’être neutre : si nous décidions officiellement d’
452 s qui ne sont pas neutres ont fait beaucoup moins que nous pour lutter contre le stalinisme. Mais s’il en est ainsi, nous d
453 à la défense commune de l’Europe ? La réponse est qu’ en fait, nous sommes presque les seuls à pouvoir y participer, le cas
454 ntretenons la seule armée solide du continent, et que nous lui consacrons une proportion de notre budget national beaucoup
455 tion de notre budget national beaucoup plus forte que tous les autres pays. Ici encore, on ne voit pas ce que l’abandon de
456 us les autres pays. Ici encore, on ne voit pas ce que l’abandon de notre neutralité pourrait changer à la situation. Tout c
457 anger à la situation. Tout ceci revient-il à dire que la neutralité de la Suisse ne pose aucune question réelle ? Certes no
458 idiennement, depuis 5 ans, les résistances têtues que l’on oppose, en Suisse, à notre action. Je vous en donnerai un exempl
459 ationales) pour deux raisons : la première, c’est que le Centre est au service de l’idée européenne ; la seconde, c’est que
460 service de l’idée européenne ; la seconde, c’est que son directeur a parlé de l’Europe dans son discours du 1er août 1952
461 s, sont d’un ordre psychologique bien plus encore que politique : toute personne physique ou morale qui s’occupe de l’Europ
462 la croyance en la neutralité-tabou. On s’imagine que prononcer le mot Europe, c’est déjà violer le tabou. Nous sommes ici
463 crocodile sur cet abandon prétendu. Ils estiment que la neutralité reste pour la Suisse un atout, qu’elle ne doit pas joue
464 que la neutralité reste pour la Suisse un atout, qu’ elle ne doit pas jouer sans d’impérieuses raisons. Les fédéralistes r
465 impérieuses raisons. Les fédéralistes rappellent que la Suisse est située, géographiquement, au centre de l’Europe ; qu’el
466 située, géographiquement, au centre de l’Europe ; qu’ elle a pris naissance un peu après le milieu de l’histoire de l’Europe
467 n peu après le milieu de l’histoire de l’Europe ; que son sort dépend donc à tous égards du sort de l’Europe. (Même si M. R
468 du sort de l’Europe. (Même si M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que de 40 % avec les six pays du plan Schuman, n
469 e si M. Rappard démontre que ses échanges ne sont que de 40 % avec les six pays du plan Schuman, nous ne sommes pas prêts à
470 ce client n° 1 !) Les fédéralistes font remarquer que les grands industriels suisses qui souriaient, il y a 2 ans, quand on
471 e choses doit porter. Les fédéralistes constatent que rien ne s’oppose dans notre statut de neutres à des conversations ave
472 ec la Haute-Autorité de Luxembourg, conversations que nos intérêts exigent. Les fédéralistes suisses n’ont pas attendu les
473 xistence de 15 divisions suisses (la moitié de ce que demandait Eisenhower pour toute l’Europe) et la nécessité technique,
474 ec les voisins. Les fédéralistes suisses estiment que notre constitution fédérale peut et doit servir de modèle pour une Eu
475 elles ou récemment acquises. De plus, ils pensent que l’expérience suisse du fédéralisme n’est pas sans valeur pour l’Europ
476 pas sans valeur pour l’Europe en construction, et que la vraie question n’est pas d’européaniser la Suisse, mais plutôt d’h
477 étiser l’Europe. Les fédéralistes sont convaincus que notre neutralité peut rester un statut politique utile à la Suisse et
478 compatriotes, de cette vérité fondamentale, mais qu’ une opinion somnolente et des magistrats aux vues courtes s’efforcent
14 1953, Articles divers (1951-1956). Unité et diversité de l’Europe (juin 1953)
479 rope (juin 1953)t Beaucoup pensent aujourd’hui que l’Europe est trop diverse pour qu’on puisse l’unir. Elle eut, disent-
480 trouver dans tout cela un dénominateur commun, et que venez-vous parler d’union, quand l’unité foncière a disparu ? Il sera
481 effet, l’absence actuelle d’union ne signifie pas que l’unité millénaire de l’Europe n’existe plus. Ensuite, il faudrait di
482 es, et la meilleure raison de nous fédérer, c’est que seule l’union fédérale peut les sauver et les garantir dans notre siè
483 jours à l’esprit totalitaire, nous a fait croire que l’unité et la diversité étaient des réalités contradictoires ; que no
484 diversité étaient des réalités contradictoires ; que nos divisions nationales étaient sacrées ; et qu’en conséquence l’uni
485 que nos divisions nationales étaient sacrées ; et qu’ en conséquence l’union fédérale de nos pays, sauvegardant leurs divers
486 tionalo-totalitaires. Et l’histoire nous enseigne que le nationalisme, au sens précis et néfaste du terme, n’a sévi que pen
487 sme, au sens précis et néfaste du terme, n’a sévi que pendant un siècle et demi sur les deux-mille ans de notre ère. Le phé
488 rope. Mais il y a plus. Il est parfaitement clair que la nation, au sens dix-neuviémiste du mot, est une forme d’associatio
489 a production, soit du point de vue de sa défense. Qu’ en est-il du point de vue de la culture, qui fut l’élément décisif pou
490 ce réelle de nos différences nationales. Pour peu que l’on compare l’ensemble des pays de l’Europe à d’autres continents, c
491 apparaissent aussitôt mille fois plus importants que nos différenciations récentes. Nous voyons tout d’abord une religion
492 e, anticléricalisme) ou bien imitent à rebours ce qu’ elles combattent, ou bien prétendent faire mieux mais dans le même sen
493 roupent. Nos formes d’expression sont identiques, qu’ il s’agisse du sonnet, dans toutes les langues d’Europe, du roman (dér
494 iennent nos parlements. Rien ne se ressemble plus que nos folklores, prétendus « nationaux » par la science démodée de Herd
495 es âges sans frontières. Et enfin, et surtout, ce que nous avons de commun, c’est une certaine passion de différer, une cer
496 entir unique, caractérise l’homo europæus, quelle que soit d’ailleurs sa naissance, et le rend différent de l’Hindou qui es
497 ste, de l’Africain qui est d’une tribu, non moins que du Soviétique conditionné par les décrets du « déterminisme historiqu
498 t. Le Soviétique n’a plus le droit de dire « je » que lorsqu’il s’avoue criminel. L’Européen seul a placé la personne au-de
499 c’est à leur dialogue, parfois à leurs conflits, que l’Occident doit ses plus belles créations. Certes, l’école par ses ma
500 sités vivantes, et qui freine l’union nécessaire. Qu’ un tel nationalisme survive à ses raisons, en perdant ses racines dans
501 ses racines dans la réalité, cela ne signifie pas qu’ il ait cessé de nuire. Les écrivains — poètes et philosophes — qui ont
15 1953, Articles divers (1951-1956). Pourquoi je suis Européen (20 juin 1953)
502 aris et la France, et c’est pendant cette période que j’ai écrit la plupart de mes livres, tous centrés sur la définition d
503 la Suisse , dans lequel j’exposais plus nettement qu’ auparavant la liaison nécessaire entre la conception personnaliste de
504 ropéenne. C’est donc bien en tant que fédéraliste que je réagissais violemment aux hitlériens, que je décrivais alors comme
505 iste que je réagissais violemment aux hitlériens, que je décrivais alors comme des « jacobins en chemise brune ». Étant lec
506 té. Mais si l’on insiste trop sur nos diversités, que devient notre unité et dans quoi peut-on la fonder ? Précisément, dan
507 passion de différer les uns des autres : c’est ce que nous avons tous en commun. J’écris en ce moment un livre qui sera int
508 ’est là une notion essentiellement européenne, et que nous avons eu tort de tenir pour universelle. L’Asiatique n’a jamais
509 a notion de l’individuel, les Russes font tout ce qu’ ils peuvent pour l’interdire et la détruire, et peut-être commence-t-e
510 responsable, à la fois autonome et engagé, celui que j’appelle la personne. (Cette formule a été reprise par Sartre, mais
511 r Mounier, Dandieu, et moi-même, bien autre chose que l’entrée dans un parti !) D’où notre critique de l’individualisme irr
512 xviiie siècle, a préparé la réaction totalitaire que nous subissons. C’est avec la poussière des individus que l’État fait
513 subissons. C’est avec la poussière des individus que l’État fait son ciment. Les Grecs ont inventé l’individu mais le chri
514 personne. On l’a dit : pour l’individu, il n’y a que des voisins inévitables, pour la personne il y a des prochains… Mais
515 Mais nous nous éloignons de notre sujet… Tout ce que je viens de vous dire résume la phase doctrinale de mon européanisme.
516 pour l’Europe unie. Je ne me doutais pas, alors, qu’ Hitler s’était emparé du slogan de la « Nouvelle Europe »… À mon premi
517 à New York, je reçus la visite de Raymond Silva, que je ne connaissais pas, et qui, sans préambule, me demanda d’ouvrir pa
518 ésitais à intervenir dans une situation politique que je n’avais pu suivre que de très loin, il me dit : « Vous n’avez qu’à
519 une situation politique que je n’avais pu suivre que de très loin, il me dit : « Vous n’avez qu’à reprendre vos textes de
520 uivre que de très loin, il me dit : « Vous n’avez qu’ à reprendre vos textes de 1939 et 1940 : c’est exactement ce que notre
521 vos textes de 1939 et 1940 : c’est exactement ce que notre congrès attend. » Ainsi fut fait. Mon discours publié en brochu
522 nstruction européenne ? Il y a d’abord la maladie que j’appellerais française. Je pense non seulement à l’instabilité polit
523 olitique de la France, mais aussi aux difficultés qu’ elle éprouve à liquider le passé récent, la peur de l’Allemagne. La Fr
524 qui voit se retourner contre elle le nationalisme qu’ elle a inventé et dont elle a infecté les autres continents. C’est à n
525 lles, dont il faut prendre conscience. Vous savez que c’est à ce réveil de la conscience européenne que sont consacrés tous
526 que c’est à ce réveil de la conscience européenne que sont consacrés tous les efforts du Centre européen de la culture. Fau
527 Centre européen de la culture. Faut-il comprendre que vous êtes partisan des efforts pour l’union politique qui se poursuiv
528 aliste. En tant que Suisse, ne regrettez-vous pas que votre pays ne prenne pas une part plus active à la construction europ
529 s active à la construction européenne ? Je crains que la Suisse ne soit le dernier pays à entrer dans la fédération europée
530 péenne. Mais alors, cette adhésion sera la preuve que la fédération est ferme et solide. Et ce sera aussi l’aboutissement d
531 et solide. Et ce sera aussi l’aboutissement de ce que j’ai appelé la mission de la Suisse. Je vais vous citer deux alexandr
532 peu mesquin et la grandeur de l’idée fédéraliste que nous avons réalisée en petit, et presque sans nous en rendre compte.
533 dans l’histoire aura le dernier mot. Saviez-vous que ces deux vers sont de Victor Hugo ? v. Rougemont Denis de, « [Entr
534 vain pénétrant devenu ardent militant de l’Europe qu’ est Denis de Rougemont. Le directeur du Centre européen de la culture
535 bonne grâce à cet examen de conscience européenne que nous sommes heureux de publier dans notre journal. » x. Aucun livre
16 1953, Articles divers (1951-1956). Une fausse nouvelle : « Dieu est mort » (juin-juillet 1953)
536 . Repris de Nietzsche vers 1944 par des écrivains que les circonstances rendaient influents, il est quotidiennement répété
537 le de la part des chrétiens, qui devraient savoir que l’existence de Dieu n’est pas affectée par une polémique locale dans
538 monde « absurde », etc. Cependant, je ne vois pas que ce thème, partout mentionné, ait été vraiment discuté, jusqu’ici. Du
539 été. Mais a-t-on jamais demandé à ceux qui disent que Dieu est mort, ce qu’ils entendent exactement par là ? De quel Dieu s
540 s demandé à ceux qui disent que Dieu est mort, ce qu’ ils entendent exactement par là ? De quel Dieu s’agit-il, en somme ? D
541 là ? De quel Dieu s’agit-il, en somme ? De celui qu’ ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’une caricature commo
542 en somme ? De celui qu’ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’une caricature commode ou de la première Personne
543 s-nous d’admettre — ce serait leur faire injure — qu’ ils aient voulu dire simplement : « Pour ce qui me concerne, Dieu n’ex
544 latitudes rationalistes de l’athéisme occidental, qu’ ils ont largement reniés. Ils insistent, au contraire, par ce tour dra
545 un jour ceci : « La réfutation de Dieu : ce n’est que le Dieu moral qui est réfuté. » (Œuvres posthumes.) Tout autre est le
546 t bien sa position, l’on en déduit nécessairement qu’ aux yeux de Sartre, la valeur morale suprême est la responsabilité, et
547 a valeur morale suprême est la responsabilité, et que cette valeur morale est plus importante que tout, puisqu’en son nom l
548 é, et que cette valeur morale est plus importante que tout, puisqu’en son nom l’on peut trancher une question d’existence r
549 r une question d’existence réelle. Il ne faut pas que Dieu et le diable existent, car alors la responsabilité de l’homme en
550 le prête à nier telle ou telle réalité8, pour peu que celle-ci fasse obstacle à la passion maîtresse dont on est animé. « L
551 ouir, mais pour autant, n’allait pas jusqu’à nier que la vérité existât. La vérité n’est peut-être pas existentialiste. Die
552 e — de l’homme. Il suffit pour que Sartre décrète que Dieu n’existe pas, et bien plus, qu’il est mort. D’où peut lui venir
553 rtre décrète que Dieu n’existe pas, et bien plus, qu’ il est mort. D’où peut lui venir cette passion de la responsabilité ?
554 s, répondrait-il. Et c’est d’une manière analogue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri de Nietzsche : comme une p
555 i), mais au sens de « capable de décider » (de ce qu’ on est et sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’av
556 d’un dieu. Ce dernier trait est capital. On sent qu’ il trahit un refus de la réalité donnée, la sienne d’abord (« Je vais
557 vidualisme de surcompensation, qui ne pourra plus que se nier lui-même s’il veut rejoindre la morale. Il se niera donc au p
558 là seulement il croira retrouver « l’engagement » que sa doctrine prônait, mais rendait par ailleurs impraticable — et dans
559 mpraticable — et dans le fait impratiqué. On sait que Sartre vient de joindre le camp du communisme, où naguère encore on l
560 ses de position peu compliquées. Sartre annonçant que Dieu est mort nous dit seulement que l’homme doit refuser Dieu tel qu
561 re annonçant que Dieu est mort nous dit seulement que l’homme doit refuser Dieu tel que Sartre l’imagine : gênant pour l’ho
562 s dit seulement que l’homme doit refuser Dieu tel que Sartre l’imagine : gênant pour l’homme. Il n’en résulte pas que Dieu
563 magine : gênant pour l’homme. Il n’en résulte pas que Dieu ait cessé d’exister, d’aider l’homme ou de le juger. Et dans le
564 l n’y a jamais eu dans l’Histoire autant d’hommes qu’ aujourd’hui pour affirmer qu’ils croient leur Dieu vivant. (Cf. les st
565 oire autant d’hommes qu’aujourd’hui pour affirmer qu’ ils croient leur Dieu vivant. (Cf. les statistiques du christianisme,
566 hristianisme, de l’islam et de bien des religions que nous nommons païennes.) Voyons maintenant la crédibilité de la nouvel
567 nant la crédibilité de la nouvelle. (Il est clair qu’ elle ne peut être estimée sur le fait qu’une majorité la récuse.) ⁂ Ho
568 st clair qu’elle ne peut être estimée sur le fait qu’ une majorité la récuse.) ⁂ Hors du plan de la polémique, soit nietzsch
569 e en soi, l’Inconnaissable, et, dans ce cas, dire qu’ il est mort, revient à faire du bruit avec la bouche. Car si Dieu l’Ét
570 été Dieu l’Éternel, en sorte qu’il faudrait dire que s’il est mort, c’est qu’il n’a pas vécu : ce qui est absurde. Si Dieu
571 orte qu’il faudrait dire que s’il est mort, c’est qu’ il n’a pas vécu : ce qui est absurde. Si Dieu l’Inconnaissable était m
572 nconnaissable était mort, cela reviendrait à dire que l’on sait tout ; ce qui est absurde. Si Dieu le Révélé était mort, ap
573 cernant l’être », précise Jaspers. Comment croire que Nietzsche seul l’ait appris, que Sartre en ait été spécialement infor
574 . Comment croire que Nietzsche seul l’ait appris, que Sartre en ait été spécialement informé ? Si l’on tient pour problémat
575 ique la révélation du Dieu vivant par l’Évangile, que dire de la révélation inverse que nous apportent ces deux hommes ? No
576 par l’Évangile, que dire de la révélation inverse que nous apportent ces deux hommes ? Nous sommes en pleine absurdité. La
577 ibilité de la nouvelle est nulle. ⁂ Reste le fait que le Dieu du christianisme, du judaïsme et de l’islam, le Dieu qui s’in
578 et cela dans le détail intime de sa vie, le Dieu que tant de milliards d’humains souffrants ou méditants, génies ou pauvre
579 s contemporains comme aussi incroyable et absurde que toutes les absurdités que je viens d’énumérer. À vrai dire, ce n’est
580 i incroyable et absurde que toutes les absurdités que je viens d’énumérer. À vrai dire, ce n’est pas surprenant. C’est même
581 osmos. Question d’échelle. Cette vermine fugitive que représente l’homme sur la terre, atome d’un système solaire, atome lu
582 rgie fondamentale ne peut être décelée et étudiée que dans le noyau de l’atome, dans ce cœur du réel physique. Si nos savan
583 économiques et sociales. Puisqu’il n’est sensible qu’ au cœur, c’est-à-dire au plus intime d’une personne bien réelle et dis
584 onne bien réelle et distincte. Il est donc normal que le Dieu personnel reste l’Absurde, en dehors d’une rencontre qui ne p
585 en dehors d’une rencontre qui ne peut avoir lieu que dans l’intime, comme la transformation de l’énergie que dans l’infime
586 ns l’intime, comme la transformation de l’énergie que dans l’infime, et comme l’amour nulle part ailleurs que dans un cœur.
587 ns l’infime, et comme l’amour nulle part ailleurs que dans un cœur. 7. Voir le bref et admirable ouvrage de Karl Jaspers 
588 istianisme. 8. Car Dieu, même si quelqu’un croit qu’ il n’est pas, reste en tout cas une réalité pour l’écrasante majorité
17 1954, Articles divers (1951-1956). Ce petit cap de l’Asie (1er juin 1954)
589 upés par les Jaunes ! ». La phrase est plus vraie qu’ on ne le croit. Ce ne sont pas seulement des palaces et quelques belle
590 s seulement des palaces et quelques belles villas qu’ « occupent » les Asiatiques. C’est de l’attention mondiale qu’ils se s
591 t » les Asiatiques. C’est de l’attention mondiale qu’ ils se sont emparés, et du jeu politique, et de l’initiative, et du ca
592 de nostalgie de l’homme occidental, beaucoup plus que la paix, qui demande un sens à sa vie, une direction à son espoir… Et
593 ix, a promis une Europe des Trente-Deux. (J’avoue que le compte n’est pas facile à établir. Mais la Russie est du nombre…)
594 x yeux. Après tout, l’Europe est-elle autre chose qu’ un cap de l’Asie ? Elle retrouverait ainsi sa juste place, dans une co
595 curieux : l’idée européenne a fait de tel progrès que M. Molotov ne peut plus la combattre sans feindre de l’accepter d’abo
596 ée. Et surtout soulignons d’autant plus fortement que la presse a manqué de le faire qu’à la conférence de Berlin l’idée d’
597 plus fortement que la presse a manqué de le faire qu’ à la conférence de Berlin l’idée d’Europe unie a constitué le plus sér
598 es dans leur confrontation avec Moscou. Non point que le projet de CED et le projet de fédération qui est sa vraie base aie
599 beaucoup… Le colonialisme européen n’existe plus que dans les dénonciations que récitent les Russes et leurs satellites en
600 européen n’existe plus que dans les dénonciations que récitent les Russes et leurs satellites en Asie. Mais le colonialisme
601 . Et tout le Sud-Est de l’Asie devrait comprendre que son élan irrépressible vers l’indépendance nationale ne sera plus arr
602 sauront-ils pas voir aussi, M. Nehru le premier, que nous nous en allons, mais que les autres arrivent ! L’Asie, donc, doi
603 . Nehru le premier, que nous nous en allons, mais que les autres arrivent ! L’Asie, donc, doit vouloir autant que nous, et
604 tres arrivent ! L’Asie, donc, doit vouloir autant que nous, et autant que l’Amérique, l’Europe unie. Mais l’Europe ne sera
605 ie, donc, doit vouloir autant que nous, et autant que l’Amérique, l’Europe unie. Mais l’Europe ne sera pas unie en temps ut
606 r le papier contre une Allemagne d’après-demain — que l’Histoire va juger le vote français sur le projet de CED. Le sort de
607 e minute. Entendront-ils cet Hannibal ante portas qu’ on voudrait leur crier de Genève ? y. Rougemont Denis de, « Ce peti
18 1954, Articles divers (1951-1956). La CED, ses mythes et sa réalité (12 août 1954)
608 unauté européenne de défense n’est pour le moment qu’ un traité, ou mieux, un projet de traité, dont tout le monde parle dep
609 on en public ou dans le secret de leur cœur, mais que presque personne n’a lu ! On me confiait récemment, à Paris, le résul
610 iscrets opérés à la Chambre française : il semble qu’ un peu moins d’un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de
611 de 96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’ un roman policier ordinaire. Or il se trouve que le sort du traité, et
612 é qu’un roman policier ordinaire. Or il se trouve que le sort du traité, et par suite le sort de l’Europe, dépend en fait d
613 ier — ou non — vers la fin de ce mois. C’est dire que le lecteur moyen a bien le droit de demander à son tour, sans rougir
614 de. Or, ces deux pays étaient neutres. C’est dire que l’Europe dépendait, pour sa défense éventuelle, de quelques divisions
615 e la tâche de protéger l’Europe. Ils souhaitaient que nous les aidions à nous aider. Et pourquoi, disaient-ils, les Alleman
616 nt de ses cendres, leur paraissait plus menaçante que rassurante. Son nom seul leur rappelait de durs souvenirs. Elle pouva
617 s souvenirs. Elle pouvait aussi bien les attaquer que les protéger. Elle pouvait même s’allier un jour aux Russes. Il falla
618 ligne ? C’est pour tenter de résoudre ce dilemme que fut conçue la CED. — Contre l’opinion (à l’époque) des dirigeants amé
619 nnue sous le nom de plan Schuman. C’est ce traité qu’ ont déjà ratifié la Hollande et le Luxembourg, puis l’Allemagne et enf
620 i peu. La France hésite encore, mais tout indique qu’ elle doit se prononcer dans un délai très court. Son choix sera donc d
621 s armées et un budget commun. Ils prévoient aussi qu’ aucun État membre ne recrutera plus de forces armées nationales pour s
622 nales pour son propre compte, en dehors de celles que nécessitent la police intérieure et la protection des colonies. — Mai
623 ont dit et imprimé ont simplement donné la preuve qu’ ils n’avaient jamais lu le traité. En vérité, il s’agit simplement d’u
624 et sa nomination. Si la CED est acceptée demain, que se passera-t-il donc, pratiquement ? Trois choses, dont la première s
625 deux tiers ou unanimité des États, selon les cas) que l’on ne saurait imaginer d’autre emploi de l’armée qu’en cas d’agress
626 ’on ne saurait imaginer d’autre emploi de l’armée qu’ en cas d’agression qualifiée contre un ou plusieurs des États membres.
627 es États membres. Par sa structure interne autant que par la nature des pouvoirs politiques qui la contrôlent, l’Armée euro
628 trôlent, l’Armée européenne ne pourra donc servir qu’ à des tâches strictement et purement défensives — en cela comparable à
629 ivement les arguments anticédistes, on s’aperçoit qu’ ils sont rarement motivés par le texte réel du traité. Le plus souvent
630 Le plus souvent, ils combattent un projet fantôme que personne n’a jamais défendu. Je vais le montrer par quelques exemples
631 amentales du traité, l’intégration n’étant prévue qu’ à l’échelon du corps d’armée — nous venons de le voir. — « Mais si la
632 croire le contraire de ce qui est. Nous avons vu que le premier souci des auteurs français du traité fut justement d’élimi
633 utonome. C’est au contraire si l’on refuse la CED que cette Wehrmacht sera reconstituée, mais alors sans contrôle possible.
634 ment oblitère la logique. Il est clair, en effet, que les unités allemandes et les unités françaises auront le même statut,
635 allemande. C’est en vertu d’une erreur semblable que d’excellents patriotes redoutent « la perte de la souveraineté frança
636 nd à l’Allemagne une souveraineté toute théorique que pour mieux lui permettre de la sacrifier aussitôt sur l’autel commun
637 ifier aussitôt sur l’autel commun — au même titre que les cinq autres pays. Enfin, certains soutiennent que le traité « imp
638 les cinq autres pays. Enfin, certains soutiennent que le traité « impose à l’Europe la volonté américaine ». La vérité sobr
639 é américaine ». La vérité sobre et limpide, c’est que si l’Europe ne se donne pas elle-même les moyens d’assurer sa défense
640 et raviver les haines provoquées par les guerres qu’ il a lui-même causées. D’autre part, les personnes âgées qui vivent en
641 s, entretiennent l’illusion touchante mais tenace que leur nation pourrait se défendre seule, pour peu qu’elle soit « bien
642 leur nation pourrait se défendre seule, pour peu qu’ elle soit « bien gouvernée ». Enfin certains se disent : périsse l’Eur
643 fin certains se disent : périsse l’Europe, pourvu que mes bénéfices continuent à rentrer, cela durera bien autant que moi !
644 ces continuent à rentrer, cela durera bien autant que moi ! En faveur de la CED, nous trouvons d’une manière générale ceux
645 uvons d’une manière générale ceux qui ont compris qu’ ils vivent au xxe siècle, que le rêve d’une souveraineté nationale sa
646 eux qui ont compris qu’ils vivent au xxe siècle, que le rêve d’une souveraineté nationale sans limites n’est plus qu’un rê
647 ne souveraineté nationale sans limites n’est plus qu’ un rêve, que l’Europe n’est pas menacée par une armée allemande inexis
648 eté nationale sans limites n’est plus qu’un rêve, que l’Europe n’est pas menacée par une armée allemande inexistante, mais
649 se. Certes, on peut se demander s’il est bien sûr que la CED telle qu’elle est, si prudente et respectueuse des droits de c
650 ut se demander s’il est bien sûr que la CED telle qu’ elle est, si prudente et respectueuse des droits de chacun des États m
651 t l’effort diplomatique, depuis deux ans, ne vise qu’ à retarder la décision française. Et même en admettant qu’un Molotov s
652 arder la décision française. Et même en admettant qu’ un Molotov se trompe, qu’il surestime la CED, comment ne pas voir qu’a
653 se. Et même en admettant qu’un Molotov se trompe, qu’ il surestime la CED, comment ne pas voir qu’au-delà de sa valeur milit
654 ompe, qu’il surestime la CED, comment ne pas voir qu’ au-delà de sa valeur militaire — dont chacun souhaite qu’elle n’ait ja
655 elà de sa valeur militaire — dont chacun souhaite qu’ elle n’ait jamais à faire les preuves — la CED ouvre toutes grandes le
19 1954, Articles divers (1951-1956). Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954)
656 nfronter cette attitude avec l’obstacle principal que rencontre aujourd’hui l’idée européenne, c’est décrire activement not
657 la Nation », clamé sur tout le front des troupes, que les Français durent la victoire. Remarquez que ce cri, à ce moment-là
658 s, que les Français durent la victoire. Remarquez que ce cri, à ce moment-là, ne signifie point : « Vive la France ! » — pa
659 ifie point : « Vive la France ! » — pas davantage que le cri : « Les Soviets partout ! » ne signifiera sous Lénine : « Vive
660 souples. L’uniformisation est sa réponse à tout. Que personne ne diffère, il deviendrait mon juge ! pense l’État idéologiq
661 ce au besoin. De plus, à la faveur de ces guerres que l’État présente toujours comme une « défense de nos foyers », l’insti
662 celle des patriotismes locaux ! Notons au passage que la guerre, qu’elle soit civile ou étrangère, froide ou déclarée, just
663 otismes locaux ! Notons au passage que la guerre, qu’ elle soit civile ou étrangère, froide ou déclarée, justifie toujours l
664 cune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’ on ait vue rapportée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme de
665 renforcement continuel de son pouvoir. Mais voici que la guerre nationale menée par les soldats « libérateurs » de la Révol
666 ement l’agression napoléonienne, c’est en Prusse, que la philosophie du nationalisme va se constituer. Hegel est la contrep
667 , mais c’est son esprit national. » (On voit donc que nation et Patrie diffèrent pour lui comme esprit et nature.) Cet espr
668 t sur leurs sujets. À cette fin, chacun prétendra qu’ il incarne « le plus haut concept de l’esprit ». Pour la Prusse, l’idé
669 leur folklore, ou même leur langue : c’est ainsi qu’ on a vu dans notre siècle, la Norvège, la Turquie, l’Irlande et Israël
670 riotisme, mais tout aussi jaloux et même hargneux que celui des grands voisins. Aucun de ces « concepts de l’esprit » ne pa
671 ne n’en tirera la conclusion, une fois vaincue, «  qu’ elle n’a plus rien à faire au monde », comme le disait Hegel. Les guer
672 détriment de la grande communauté de civilisation qu’ était l’Europe. Chacune se dira « souveraine », à l’imitation des rois
673 es rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’ à Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessus des nations. Le dro
674 rt. Celui-ci ne connaît plus d’autres obligations que les contrats passés avec ses concurrents, alliances ou traités de com
675 e révoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’ une demi-douzaine d’« États-gangsters », follement susceptibles, dépou
676 et de « droit international », mais il est clair que ces États-nations-Individus rendent tout ordre international impossib
677 ymnes et le catéchisme. Cette religion nationale, que l’on a comparée très justement au shintoïsme, n’attaquera même pas le
678 isante de sa foi à l’esprit national. On n’y voit qu’ une manière de parler… Et cependant cet esprit national est un dieu bi
679 ant cet esprit national est un dieu bien réel, et que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger le sacrifice de la vie mêm
680 iger le sacrifice de la vie même du citoyen. Mais que nous offre-t-il en échange de nos vies ? Une certaine communion vague
681 s’agit encore d’un égoïsme, mais tellement élargi qu’ il en devient vertu. On l’enseigne dans les écoles sous le nom de « pa
682 oles sous le nom de « patriotisme ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité, et jusqu’aux vantardises les plus stupide
683 e la nation où l’on a pris la peine de naître. Ce que nul n’oserait dire de son moi, il a le devoir sacré de le dire de son
684 n est un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’ il ne donne, infiniment plus, à l’absurde. Principe de haine, plus que
685 niment plus, à l’absurde. Principe de haine, plus que d’amour, la nation revendique des absolus dont il est manifeste qu’el
686 tion revendique des absolus dont il est manifeste qu’ elle est spirituellement indigne et matériellement incapable : celui d
687 abord. On a remarqué, lors des débats sur la CED, que les adversaires du traité confondaient sincèrement et réellement les
688 . M. Herriot, par exemple, s’écria solennellement que la CED était « la fin de la France », parce que la CED prétendait lim
689 superstition jacobine, il verrait comme nous tous que la souveraineté absolue n’est qu’un mythe, inventé par les prêtres de
690 comme nous tous que la souveraineté absolue n’est qu’ un mythe, inventé par les prêtres de la nation dans le dessein d’asser
691 our un État d’agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’ à l’extérieur, dans les limites posées par le droit applicable à chaqu
692 hniques, économiques et politiques. Il en résulte que la souveraineté nationale, vis-à-vis de l’extérieur, n’a plus d’autre
693 -à-vis de l’extérieur, n’a plus d’autre existence que celle d’une illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où la voit-on à
694 siècle, et même de les apercevoir. D’où la prise qu’ ils offrent aux manœuvres les plus grossières du communisme, jouant su
695 la croyance à la souveraineté nationale absolue, qu’ une attitude de scepticisme intégral, tempérée par un souci de clinici
696 iste pas ! Il s’agit beaucoup moins de le réfuter que d’éviter d’exciter sa névrose. Nous reviendrons sur les conséquences
697 déale ou idéologique. D’où la différence foncière que voici : on peut annexer des peuples à une nation, des territoires à u
698 ar ses limites naturelles. Il suffit de constater que la forme de l’État est à peu près la même de nos jours dans les patri
699 D’autre part, l’État n’entretient avec la nation que les rapports d’usurpation et de confiscation que j’indiquais plus hau
700 que les rapports d’usurpation et de confiscation que j’indiquais plus haut. Quant à la Langue, elle ne correspond historiq
701 rsailles, Trianon et Saint-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle sert de prétexte au premier nigaud venu pour mettre en
702 é à l’Europe. Mais le nationalisme, si incroyable que cela paraisse, a poussé plus loin dans l’absurde. Non content de prét
703 r ce carcan aux réalités économiques. C’est ainsi que le charbon est devenu français ou allemand selon qu’il se trouvait d’
704 le charbon est devenu français ou allemand selon qu’ il se trouvait d’un côté ou de l’autre de la frontière linguistique, i
705 l muet. La tendance à l’autarcie économique n’est qu’ une transposition particulièrement insensée de la volonté d’isolement
706 volonté d’isolement à la fois anxieux et agressif que représente l’État-nation. Nulle part, l’État ne trahit mieux que dans
707 l’État-nation. Nulle part, l’État ne trahit mieux que dans ce domaine son mépris foncier des hommes. Car l’autarcie impliqu
708 épris foncier des hommes. Car l’autarcie implique que le bien-être des hommes soit sacrifié à la puissance de l’État, et le
709 leurs libertés concrètes à sa liberté abstraite, qu’ il nomme indépendance nationale. Le nationalisme a réussi à faire croi
710 à faire croire aux masses et aux élites modernes que l’indépendance nationale est la suprême valeur humaine, puisqu’en fai
711 ’est pratiquement idiot, mais on ne s’en aperçoit que si c’est dit dans une langue étrangère, ou par un lointain Mossadegh,
712 ant son peuple au nom de l’indépendance. Ajoutons que l’autarcie économique est irréalisable au xxe siècle, et n’existe pa
713 eraineté absolue, elle ne représente rien d’autre qu’ une tendance psychologique morbide, un prétexte à refuser toute mesure
714 r le concept de « culture nationale ». On prétend que les idées ne connaissent pas de frontières, mais l’instruction publiq
715 çaise », de « science allemande », etc. (variétés que les Soviets englobent d’ailleurs sous le titre diffamant de « science
716 s doivent nous rendre attentifs à l’usage courant qu’ ils prolongent. Si nous croyons qu’il est une « culture nationale », f
717 ’usage courant qu’ils prolongent. Si nous croyons qu’ il est une « culture nationale », française ou danoise, par exemple, c
718 biologie soviétique et une algèbre allemande ? Ce que l’on donne au nationalisme, chez nous, au nom de quoi le refuserait-o
719 fédéralistes. Quelles ont été les manifestations que l’on peut rapporter sans conteste à l’un ou l’autre de ces types d’es
720 le moyen du colonialisme. Mais dans le même temps qu’ il portait à son apogée la puissance mondiale des Européens, le nation
721 décadence. D’une part, chez les peuples lointains qu’ il venait de coloniser et d’humilier, il suscitait un esprit de révolt
722 ant des guerres de plus en plus totales, à mesure qu’ il se faisait lui-même de plus en plus totalitaire. Si l’Europe, entre
723 e rapide, la chute de potentiel, le recul mondial que l’on sait, elle le doit, à un double titre, au nationalisme : à celui
724 oit, à un double titre, au nationalisme : à celui qu’ elle a suscité contre elle au-dehors, à celui qu’elle a pratiqué au-de
725 qu’elle a suscité contre elle au-dehors, à celui qu’ elle a pratiqué au-dedans. En revanche, le fédéralisme a produit deux
726 e. Aux yeux de l’Histoire, la cause paraît jugée. Qu’ en est-il au regard de l’avenir ? Le nationalisme apparaît en pleine c
727 les intérêts majeurs de l’Europe, tant spirituels que matériels. En s’opposant à l’ouverture indispensable d’un grand march
728 eur coût de production, ou enfin par les échanges que ces techniques multiplient sans limites entre les hommes, dans la plu
729 n’est donc pas seulement une dernière résistance que le sentiment patriotique dénaturé et l’égoïsme politique mal compris
730 onades ou d’autarcies qui ne cessent de s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalement. Nos coutumes et nos styles contrasté
731 as comme autant de contradictions insupportables, qu’ il faut tenter de réduire à l’uniformité si l’on ne peut les isoler pa
732 ue fait la richesse de l’Occident. Or nous voyons que la science actuelle pense également par champs de forces en interacti
733 ces en interaction, non par entités statiques, et qu’ elle a substitué au principe de non-contradiction qui bloquait le prog
734 iences physiques, le principe de complémentarité. Qu’ il s’agisse de la théorie des jeux appliquée par von Neumann à la poli
735 d à une vision du monde qui est précisément celle que la science moderne a conçue ; et il suppose un monde de relations lib
736 ibres et décentralisées qui est précisément celui que la technique moderne rend habitable. ⁂ Mais il y a plus. Le fédérali
737 aditions les plus fécondes de l’Occident. On sait que l’Orient et l’Occident s’opposent comme le monisme et le pluralisme.
738 ttacher par la langue à une communauté plus vaste que l’État dont on est le citoyen ; pouvoir au surplus s’affilier à une t
739 la liberté fédéralistes. Le nationaliste n’y voit qu’ une dispersion qui l’angoisse et où il craint de perdre son identité.
740 anté mentale de l’Occident. Enfin, je rappellerai que le fédéralisme est dans la ligne de la pensée chrétienne, alors que l
741 lisme Et cependant, il nous faut bien admettre que ces nationalistes condamnés en principe, et qui se trompent radicalem
742 sont encore là, sont même, en fait, plus nombreux que nous en Europe. Il nous faut faire l’Europe en dépit d’eux, mais nous
743 es avantages du nombre, d’une routine centenaire ( qu’ ils prennent à tort pour la tradition), du sentimentalisme cocardier,
744 t de l’appui d’intérêts privés décidés à payer ce qu’ il faut. Mais nous avons sur eux l’avantage important de défendre une
745 ur eux l’avantage important de défendre une cause qu’ ils n’osent pas attaquer : celle de l’union européenne. Il est clair q
746 aquer : celle de l’union européenne. Il est clair que tous les obstacles à cette union viennent de l’esprit nationaliste, j
747 cobin et paratotalitaire. Mais il est clair aussi que les nationalistes n’osent pas se déclarer contre l’union. Ils la sabo
748 de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le nationalisme rend à l’Europe unie. Et M. Molotov lui-même propose
749 n plan… Certes, on ne peut espérer faire l’Europe qu’ en appliquant le fédéralisme, c’est-à-dire en tenant compte à chaque p
750 e. Ces deux exigences, bien moins contradictoires que « complémentaires », commandent la stratégie fédéraliste. Quant à la
751 ant à la tactique, elle doit tenir compte du fait que nous ne sommes pas seuls en Europe, et que les nationalistes ne cesse
752 u fait que nous ne sommes pas seuls en Europe, et que les nationalistes ne cesseront pas de sitôt d’opposer leurs « solutio
753 ains nationalistes, comme M. Herriot, nous disent qu’ ils veulent bien d’une Europe unie, à condition qu’elle respecte les s
754 u’ils veulent bien d’une Europe unie, à condition qu’ elle respecte les souverainetés nationales. Ce qui revient à dire : « 
755 crois pas, pour deux raisons. La première, c’est que la souveraineté nationale est encore un mythe puissamment agissant su
756 ut dialogue raisonnable. La seconde raison, c’est que les souverainetés nationales n’existent plus, comme je l’ai rappelé t
757 me je l’ai rappelé tout à l’heure. J’estime donc que les fédéralistes doivent refuser le faux dilemme : souveraineté ou fé
758 la Suisse sans soulever d’objections. Chacun sait que son régime politique est l’un des plus stables du monde, depuis un si
759 n des plus stables du monde, depuis un siècle. Ce que l’on sait moins, c’est la manière dont ce régime fédéraliste parvint
760 souverains. Tout le monde admettait, à ce moment, que les alliances qui existaient depuis des siècles entre les cantons sou
761 défense commune efficace. Tout le monde admettait que les cordons douaniers séparant les cantons étouffaient l’économie. Ma
762 it d’habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’ on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n
763 e : il n’est pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses
764 ires réels de l’union. Mais là encore, je demande que les fédéralistes refusent de se battre pour des mots trompeurs. C’est
765 son étiquette, qui nous importent. Rappelons-nous que la Suisse elle-même s’intitule Confédération ! Eh bien, si l’on nous
766 nous fait une Europe aussi réellement fédéraliste que la Suisse, on pourra la nommer comme on voudra, Confédération, Allian
767 étiquettes. Le fédéralisme n’est pas plus libéral que planificateur, et il doit refuser ce faux dilemme, pour la même raiso
768 doit refuser ce faux dilemme, pour la même raison qu’ il refuse de choisir entre les autonomies régionales absolues et l’uni
769 Économiquement, cela se traduit par la dichotomie qu’ ont préconisée Robert Aron et Arnaud Dandieu, méthode qui consiste à d
770 sité d’une coopération continentale, ne proposent que des marchandages entre autarcies nationales un peu améliorées et asso
771 int du national à l’international. Je ne puis ici qu’ indiquer sommairement cette direction de recherches économiques. Mais
772 sur le problème de la culture. Il est une phrase que je retrouve dans tous les plans et projets « culturels » élaborés par
773 es de nos États actuels, pour l’excellente raison qu’ elle existait bien avant eux. Elle a précédé de mille à deux-mille ans
774 tive barbare et d’ailleurs avortée, qui n’a guère qu’ un siècle et demi d’âge en France, moins d’un demi-siècle en Norvège,
775 erpétuelle, toutes ses formes nous sont communes, qu’ il s’agisse de la symphonie ou du concerto, du roman ou du sonnet, de
776 es œuvres d’art en tant que suédoises ne présente qu’ un médiocre intérêt. Ce n’est pas en tant qu’Italien que Raphaël m’int
777 médiocre intérêt. Ce n’est pas en tant qu’Italien que Raphaël m’intéresse, ni Shakespeare en tant qu’Anglais. Et je ne suis
778 en tant qu’Anglais. Et je ne suis pas du tout sûr qu’ il faille « apprendre à nos peuples à se mieux connaître » par le truc
779 bien moins besoin de se connaître personnellement que d’être enfin débarrassés de l’enseignement nationaliste, qui leur inc
780 leurs voisins. Il résulte de ces brèves remarques que préconiser comme on fait des échanges culturels de nation à nation, c
781 ration surveillée des échanges de prison à prison que nous devons exiger mais l’élargissement immédiat et sans condition du
782 s — et demain le Pouvoir fédéral européen — n’ont qu’ un moyen d’aider la culture : c’est d’offrir à ceux qui la créent et l
783 cemment. Et quant à ceux qui feignent de redouter que la suppression des frontières « culturelles » entraîne un affreux mél
784 ertus et caractères nationaux, nous leur dirons : qu’ est-ce que votre « génie national » s’il a besoin d’être entouré par d
785 aractères nationaux, nous leur dirons : qu’est-ce que votre « génie national » s’il a besoin d’être entouré par des douanie
786 pareilles : elles tendent toutes à nous persuader que , désormais, le fédéralisme européen doit concentrer tout son effort s
787 iomphé, lors du refus de la CED. Nous voyons donc qu’ il n’est pas plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que
788 facile de faire l’Europe par pièces et morceaux, que de la faire dans un seul élan. Tourner un à un les obstacles multipli
789 et les saboteurs sournois, n’est pas plus facile que d’attaquer de front, franchement, une fois pour toutes, ce qui inspir
20 1955, Articles divers (1951-1956). Une présence (1955)
790 llectuels occidentaux et asiatiques nous répètent qu’ il est impossible de résister au fanatisme politique sans devenir soi-
791 cistes. Le risque est là, bien sûr, mais ce n’est qu’ un risque. Et pourtant, à certains, il apparaît si grand que par crain
792 ue. Et pourtant, à certains, il apparaît si grand que par crainte de le courir ils choisissent de ne point résister du tout
793 e — comme l’eût dit John Dewey, leur grand aîné — qu’ est l’exercice vivant et militant de la liberté de l’esprit, dans l’ac
794 re Rassemblement. Peut-être a-t-il contribué plus qu’ on ne le croit à changer l’atmosphère de l’après-guerre mondiale. La m
795 ortunismes et c’est une action permanente. Quelle que soit la valeur des sourires que prodiguent désormais les césariens, l
796 ermanente. Quelle que soit la valeur des sourires que prodiguent désormais les césariens, le Congrès va mener plus que jama
797 désormais les césariens, le Congrès va mener plus que jamais l’offensive de la liberté, sa vraie lutte pour une paix vivant
21 1955, Articles divers (1951-1956). Reynold et l’Europe (1955)
798 sément : succédant à Grandeur de la Suisse, voici Qu’ est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’un grand œuvre consacré à la form
799 uccédant à Grandeur de la Suisse, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’un grand œuvre consacré à la formation du p
800 n à tort), celle qui ne prend vraiment au sérieux que les débats sur le prix du lait ; mais voilà qui, en même temps, nous
801 pas un seul peuple européen qui ait autant besoin que le nôtre d’exercer ce que Reynold appelle « l’imagination historique 
802 n qui ait autant besoin que le nôtre d’exercer ce que Reynold appelle « l’imagination historique ». On sait quels préjugés
803 nos réalités se moquent de ces excuses : il n’est que de regarder la carte. Tout nous rattache dans le passé, comme pour l’
804 rope est faite dans l’ensemble des mêmes éléments que la Suisse : à la fois catholique et protestante, latine et germanique
805 synthèse de l’un et du multiple » : ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’une Europe romano-germanique, n’est-il
806 no-germanique, n’est-il pas frappant de constater qu’ elles résument l’expérience fédérale et fédéraliste de la Suisse ? De
22 1955, Articles divers (1951-1956). Rien n’est perdu, tout reste à faire (janvier 1955)
807 de Londres. Londres a réalisé dans l’euphorie ce que la CED était accusée à tort de préparer ; ce quelle avait pour objet
808 venir ; ce qui enfin devenait fatal dès l’instant qu’ on la rejetait, sous prétexte de rejeter ce qu’elle seule pouvait empê
809 nt qu’on la rejetait, sous prétexte de rejeter ce qu’ elle seule pouvait empêcher. Le moyen de décrire plus simplement ce ve
810 une maladie dont ils craignaient la contagion, et qu’ ils nommaient réarmement allemand. On leur proposa un vaccin. Ayant re
811 lemand. On leur proposa un vaccin. Ayant remarqué que le nom de ce vaccin évoquait le nom de la maladie, comme il arrive en
812 on l’a répété bien à tort : il montre simplement qu’ une partie d’un parlement (devenue majorité grâce à l’appui des commun
813 te après leur vote. — En revanche, il est douteux que les accords de Londres représentent « un premier pas vers l’intégrati
814 ce qui vient de se passer prouve une fois de plus que l’éducation européenne des peuples, de leurs cadres et de leurs élite
815 complaisance à une double illusion : ils ont cru que le travail éducatif en profondeur, lent par nature, représenterait un
816 eprésenterait une perte de temps ; et ils ont cru que la propagande pour l’idée européenne était faite. Examinons les réali
817 ée européenne était faite. Examinons les réalités que cachaient ces deux illusions. I. — À un moment ou à un autre, nous av
818 à un autre, nous avons tous été tentés de penser qu’ on ne pouvait réussir l’union que par une série de mesures « concrètes
819 tentés de penser qu’on ne pouvait réussir l’union que par une série de mesures « concrètes », telles que l’OECE, la CECA, l
820 ue par une série de mesures « concrètes », telles que l’OECE, la CECA, la CED, qu’on espérait faire adopter l’une après l’a
821  concrètes », telles que l’OECE, la CECA, la CED, qu’ on espérait faire adopter l’une après l’autre par les parlements. On n
822 re sur l’opinion publique le choc révolutionnaire qu’ eût représenté l’exigence immédiate d’une fédération politique. C’étai
823 ns le voir aujourd’hui : elle consistait à croire qu’ il est plus facile de faire l’Europe par pièces et morceaux que de la
824 s facile de faire l’Europe par pièces et morceaux que de la faire dans un seul élan fédérateur : qu’il est plus facile de t
825 ux que de la faire dans un seul élan fédérateur : qu’ il est plus facile de tourner les obstacles que de les attaquer là où
826  : qu’il est plus facile de tourner les obstacles que de les attaquer là où ils sont : dans les routines de l’esprit nation
827 routines de l’esprit nationaliste, autant et plus que dans les intérêts particuliers. Or, cette attaque eût impliqué une ca
828 ût impliqué une campagne éducative en profondeur, que l’on a négligée de mener — ou que l’on n’a pas sérieusement soutenue.
829 en profondeur, que l’on a négligée de mener — ou que l’on n’a pas sérieusement soutenue. II. — Les mouvements de militants
830 de la CED. En effet, cet échec a résulté du fait qu’ on laissait le public dans l’ignorance de la vraie situation européenn
23 1956, Articles divers (1951-1956). Réponse à l’enquête « Pour une bibliothèque idéale » (1956)
831 nommer les cent grands livres de l’humanité (ceux que l’on prend pour base des études dans certaines universités américaine
832 créateurs de communautés, ou scientifiques, tels que la Bible, le Coran, les Vedas ; ou Aristote, saint Thomas, Calvin, Ma
833 etc. Mais on ne peut les placer sur le même plan que nos œuvres critiques ou d’imagination. Et d’autre part, où tracer la
834 Je n’ai tenu compte d’écrits de ces trois ordres que dans la mesure où ils ont fixé la rhétorique de l’une de nos langues
835 es autres, je propose les distinctions suivantes, que j’indique par un chiffre romain derrière les titres marqués d’une cro
24 1956, Articles divers (1951-1956). L’Association européenne des festivals de musique a cinq ans (1956)
836 de tous côtés, ne sait plus où aller et voudrait qu’ on l’oriente. Les artistes, orchestres et les chefs de qualité ne suff
837 , et à répondre à des exigences plus commerciales qu’ artistiques. Certes, on ne peut pas souhaiter, encore moins obtenir, u
838 prix la qualité et le prestige des meilleurs. ⁂ Qu’ est-ce qu’un bon festival de musique ? Telle est la première question
839 ualité et le prestige des meilleurs. ⁂ Qu’est-ce qu’ un bon festival de musique ? Telle est la première question que s’est
840 tival de musique ? Telle est la première question que s’est posée notre association. Un festival est d’abord une fête, donc
841 oilà pourquoi l’association n’admet comme membres que ceux des festivals européens qui réunissent ces conditions : — ceux q
842 lieux de la musique européenne, et d’être assuré qu’ il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’une fête à l’autre. L’éch
843 enne, et d’être assuré qu’il ne sera pas déçu, et qu’ il ira vraiment d’une fête à l’autre. L’échange de « créations », de s
844 tc. Enfin, l’étude d’entreprises communes, telles qu’ une revue musicale européenne ou certaines manifestations artistiques
25 1956, Articles divers (1951-1956). « Je vivais en ce temps-là… » (janvier 1956)
845 ux redoutable, — pensant au fond tout autre chose que ceux de Paris, et nous donnant le ridicule de vouloir vivre ces doctr
846 la Littérature, qui triomphait dans le temps même que nous pensions la renier comme telle, au nom de l’Aventure, de la Révo
847 e la rue de l’Odéon. Il n’était pas lieu de Paris que j’avais l’impression de mieux connaître, sans y être jamais entré. Bo
848 …) Bien des années plus tard, je devais découvrir que le culte des Lettres chez Adrienne Monnier était à la fois plus série
849 nier était à la fois plus sérieux et plus aimable que tout cela, et ne se plaçait à vrai dire que sous la seule invocation
850 mable que tout cela, et ne se plaçait à vrai dire que sous la seule invocation « du grand saint San Sérémoni » célébré par
851 omme à la source la plus fraîche et la plus sûre… Qu’ est devenue la série de photos en couleur qui furent prises à la veill
852 e l’ancêtre Claudel aux jeunes d’alors, tous ceux qu’ elle estimait défilèrent un à un devant l’objectif — bien nommé — de G
853 — de Gisèle Freund. Ce choix des élus d’Adrienne, qu’ on pourrait publier en album, ne ferait-il pas un bel hommage à sa mém
854 criptions vivaces, incisives et toujours amicales qu’ elle donna de plusieurs des modèles dans son Navire d’argent et sa Gaz
855 voureux naturel ! Aurions-nous perdu avec elle ce qu’ elle a servi mieux qu’elle-même, et plus gracieusement que personne ?
856 ons-nous perdu avec elle ce qu’elle a servi mieux qu’ elle-même, et plus gracieusement que personne ? ag. Rougemont Denis
857 a servi mieux qu’elle-même, et plus gracieusement que personne ? ag. Rougemont Denis de, « ‟Je vivais en ce temps-là…” »
26 1956, Articles divers (1951-1956). Tableau du phénomène courtois (janvier 1956)
858 gissent pour mieux l’asseoir ma thèse originelle, que je réitère, sur la liaison profonde entre la cortezia et l’atmosphère
859 mosphère religieuse du catharisme. Je n’indiquais que par analogies la nature des relations possibles entre une mystique, u
860 nichéisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches personnelles, tout cela m’amène aujourd’hui à
861 ption de la cortezia à peine moins « historique » que celle que j’esquissais alors, mais sans doute plus psychologique. Je
862 a cortezia à peine moins « historique » que celle que j’esquissais alors, mais sans doute plus psychologique. Je rappelais
863 ntre ces gens me paraîtrait plus étonnante encore que n’importe quelle hypothèse, « sérieuse » ou non, sur la nature de ces
864 aucoup d’historiens pour qui le réel n’est défini que par des documents écrits. J’irai maintenant un peu plus loin, mais da
865 ontraire approfondir, tout en la précisant autant qu’ il est possible, la problématique de l’amour courtois — parce que je l
866 ffet, et de formuler expressément des conclusions que l’on pourrait citer hors du contexte — accords sans clé — et sur lesq
867 subissent et souffrent la passion au moins autant qu’ ils ne parviennent à la transmuer en vertus et en vérités théologiques
868 iens de Strasbourg, tous condamnent le mariage, —  que par ailleurs, le pape-moine Grégoire VII vient d’interdire aux prêtre
869 ire aux prêtres. En revanche, beaucoup professent que l’homme étant divin, rien de ce qu’il fait avec son corps — cette par
870 up professent que l’homme étant divin, rien de ce qu’ il fait avec son corps — cette part du diable — ne saurait engager le
871 e la comtesse de Tripoli, « princesse lointaine » qu’ il aime sans l’avoir jamais vue. Et Joachim de Flore annonce que l’Esp
872 s l’avoir jamais vue. Et Joachim de Flore annonce que l’Esprit saint, dont l’ère est imminente, s’incarnera dans une Femme.
873 itre de regina coeli, et c’est en Reine désormais que l’art va la représenter. À la « Dame des Pensées » de la cortezia, on
874 s une lettre fameuse contre « cette fête nouvelle que l’usage de l’Église ignore, que la raison n’approuve pas, que la trad
875 tte fête nouvelle que l’usage de l’Église ignore, que la raison n’approuve pas, que la tradition n’autorise point… et qui i
876 de l’Église ignore, que la raison n’approuve pas, que la tradition n’autorise point… et qui introduit la nouveauté, sœur de
877 … La papauté, plusieurs siècles plus tard, ne put que sanctionner un sentiment qui n’avait pas attendu le dogme pour triomp
878 rts. Enfin, voici un dernier trait dont on verra qu’ il est tout impossible de le rattacher latéralement aux précédents. C’
879 atéralement aux précédents. C’est au xiie siècle que s’atteste en Europe une modification radicale du jeu d’échecs, origin
880 entiments œdipiens est d’autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide, la puissance du père plus assur
881 endu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’être virginale, qu’elle échappe donc
882 cette Déesse-Mère ne cesse pas d’être virginale, qu’ elle échappe donc à l’interdit maintenu sur la femme de chair. L’union
883 ation (ou épiphanie dans l’Histoire) du phénomène que nous venons d’imaginer au paragraphe précédent. Si nous cherchons à
884 e l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’ il se trouve impliqué bon gré mal gré dans la lutte qui divise profond
885 divinisation du principe féminin. Ce qui ne peut qu’ aviver la contradiction entre les idéaux (eux-mêmes en conflit !) et l
886 nte de tant de confusions qui devaient s’y nouer, qu’ apparaît la cortezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la
887 même poète un adorateur enthousiaste de la Dame, qu’ il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’on se ra
888 ame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’ il rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’un Marcabru ou d’
889 , et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’ on se rappelle seulement les vers d’un Marcabru ou d’un Rambaut d’Oran
890 contradiction, ne s’en plaignent pas ! On dirait qu’ ils ont trouvé le secret d’une conciliation vivante des inconciliables
891 s » et savaient — bien qu’elles fussent mariées — que le mariage était condamné par leur Église. Beaucoup de troubadours —
892 ndaient non pas tant une illusion d’amour sincère qu’ un antipode spirituel au mariage où elles avaient été contraintes. Le
893 s avaient été contraintes. Le même auteur ajoute qu’ à son avis, « il n’est pas question de voir dans la chasteté, ainsi fe
894 aits. Mais enfin, dit le sceptique d’aujourd’hui, que peut bien signifier au concret cette « chasteté » prônée par des jong
895 Les modernes, en effet, depuis Rousseau, croient qu’ il existe une sorte de nature normale, à laquelle la culture et la rel
896 ais non pas à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une co
897 ncts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues traces ou cicatrices mental
898 d rapidement dans l’Inde entière, tant hindouiste que bouddhistes une école ou mode religieuse, dont l’influence s’épanouir
899 rôle du corps et de l’énergie vitale. C’est ainsi que certaines postures (mudras) décrites par le hatha yoga ont pour but «
900 qui garde (ou reprend) sa semence dans son corps, qu’ aurait-il à craindre de la mort ? » comme le dit un upanishad. Dans le
901 ique »19 — ou l’inverse aussi bien. À tel point «  qu’ on ne peut jamais préciser si maithuna est un acte réel ou simplement
902 comme un domestique, dormir dans la même chambre qu’ elle, puis à ses pieds. Pendant les quatre mois suivants et tout en co
903 t la vie en économisant le principe vital, plutôt que de conquérir la liberté spirituelle par la déification du corps. La «
904 ation mystique et la béatitude à travers une Elle qu’ il s’agit de « servir » en posture humiliée, mais en gardant cette maî
905 grands seigneurs amateurs ou jongleurs besogneux, que les romanistes unanimes nous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs2
906 me de purs « rhétoriqueurs23 ». D’Amour, je sais qu’ il donne aisément grande joie à celui qui observe ses lois, dit le pre
907 consiste en Joie, Patience et Mesure… J’approuve que ma dame me fasse longtemps attendre et que je n’aie point d’elle ce q
908 prouve que ma dame me fasse longtemps attendre et que je n’aie point d’elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Se
909 ongtemps attendre et que je n’aie point d’elle ce qu’ elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame : Prenez ma
910 ez ma vie en hommage, belle de dure merci, pourvu que vous m’accordiez que par vous au ciel je tende ! (Uc de Saint-Circ.)
911 belle de dure merci, pourvu que vous m’accordiez que par vous au ciel je tende ! (Uc de Saint-Circ.) Chaque jour je m’amé
912 tois) à l’extrême : Par excès de désir, je crois que je me l’enlèverai, si l’on peut rien perdre à force de bien aimer. (A
913 est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « 
914 et je l’aime fort… Nulle joie ne me plaît autant que la possession de cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’est pas s
915 son amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours
916 , ceux de la dernière génération expliciteront ce que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’est plus de l’amour courtois, si
917 de donner des précisions sur les gestes érotiques que l’on peut se permettre avec cette Dame. Et Guiraut de Calenson : Dan
918 lequel occupe plus de la moitié du monde. Celui que l’on nomme parfois le dernier troubadour, Guiraut Riquier, donnera de
919  », et tourmentés en enfer. Noble Amour a promis qu’ il en serait ainsi, là sera la lamentation des désespérés. Ah ! noble
920 re ces clameurs gémissantes, défends-moi, de peur que je ne sois retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me tiens pour
921 t, réconforté par toi sur toutes choses, j’espère que tu seras mon guide. Enfin, contre certains des troubadours qui sans
922 amants, les femmes et les époux. Ils vous disent qu’ Amour va de travers, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et
923 ames sont dans l’angoisse… Ces faux servants font qu’ un grand nombre abandonnent Mérite et éloignent d’eux Jeunesse. Quell
924 nent Mérite et éloignent d’eux Jeunesse. Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalités « matérielles » qui aien
925 des drames, et non plus seulement pour chanter ce que l’on pourrait encore tenir, chez les troubadours du Midi, pour une pu
926 ans cet ouvrage. Je lui laisse le soin d’affirmer que telle « filiation » reste indémontrable « dans l’état actuel de nos c
927 ppelant l’attention du lecteur sur certains faits que la « science sérieuse » tient aujourd’hui pour établis. Simplement, j
928 ar les catholiques, et plus proche de l’original. Que cette hypothèse soit un jour vérifiée ou non, il n’en reste pas moins
929 un jour vérifiée ou non, il n’en reste pas moins que l’origine manichéenne du Roman est attestée par les fragments de son
930 êvé, et beaucoup se refusent à y voir autre chose qu’ un tournoi verbal. Il peut traduire aussi les réalités précises, mais
931 r, et compte tenu des objections les plus sensées que firent à ma thèse minima les partisans d’écoles au moins diverses, me
932 t . (Nouv. édit. Plon. 1956). 12. Il faut avouer que les réfutations les plus virulentes qui aient été publiées portaient
933 publiées portaient beaucoup moins sur cette thèse que sur sa réduction à la seule hypothèse que j’avais mentionnée au chapi
934 e thèse que sur sa réduction à la seule hypothèse que j’avais mentionnée au chapitre VII de ce livre, à savoir que les poèm
935 mentionnée au chapitre VII de ce livre, à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être — selon Rahn, Aroux et Péla
936 sive, dont mes adversaires sont plus responsables que moi — en dépit de certaines imprudences d’expression. (Ce sont elles,
937 , ibid. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — souvent très p
938 poétique et rythmique par cette double trahison. Qu’ il soit bien entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens…
939 ar cette double trahison. Qu’il soit bien entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 24. Note du professeur
940 son. Qu’il soit bien entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 24. Note du professeur Jeanroy : « C’est-à-d
941 isus, allocutio, tactus, osculum, coitits. (Noter que Désir correspond à visus — le fameux premier regard qui enflamme – et
942 lustrations de Gaule : « Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en amours, … le regard, le parler, l’attouchement, le
943 tendent pour leur finale résolution, c’est celui qu’ on nomme par honnêteté le don de mercy. » Le contraste avec l’amour co
944 is est clair. Et non moins le sens donné à mercy, que plusieurs auteurs assimilent pour leur part à la Grâce, chez les trou
27 1956, Articles divers (1951-1956). Denis de Rougemont et l’amour-passion, phénomène historique (4 février 1956)
945 cher l’origine de l’amour-passion et je m’aperçus qu’ il apparaissait pour la première fois clairement dans le mythe de Tris
946 nt mon sujet : il ne s’agissait plus d’exposer ce que j’appelle la crise contemporaine du mariage mais d’aller véritablemen
947 formes, les autres aussi, jusqu’à la dégradation qu’ il subit de nos jours. J’ai tenté de le décrire comme un phénomène his
948 d’origine proprement religieuse. Voulez-vous dire que l’amour-passion n’est pas un des caractères permanents de la nature h
949 le. Mais Ovide, Properce, Tibulle ? Et la passion que Catulle portait à la Lesbie ? Faites attention aux textes. Vous verre
950 Lesbie ? Faites attention aux textes. Vous verrez qu’ il ne s’agit que d’amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous p
951 attention aux textes. Vous verrez qu’il ne s’agit que d’amour charnel. Aucun texte de l’antiquité ne nous présente l’amour
952 comme lié à la mort, avec ce goût de cendres tel que l’Occident a pris l’habitude de le considérer ou de l’éprouver. En Or
953 de Sorbonne. Certains spécialistes n’ont pas aimé que j’établisse des connexions entre les sombres cathares et les joyeux t
954 aucoup trop de choses sur cette doctrine. J’avoue que j’en avais été réduit à un grand nombre d’hypothèses. Mais, en 1940,
955 are en notre possession. J’eus le bonheur de voir qu’ il confirmait ce que j’avais avancé. C’est pourquoi je propose aujourd
956 ion. J’eus le bonheur de voir qu’il confirmait ce que j’avais avancé. C’est pourquoi je propose aujourd’hui une nouvelle éd
957 ne vertu. Le cinéma fournit assez de preuves à ce que j’avance. Fonder le mariage sur l’amour-passion est un monstrueux con
958 ment malgré eux, poussés par une force extérieure qu’ ils peuvent arriver à haïr, ils ne s’aiment pas vraiment ! J’aimerais
959 à haïr, ils ne s’aiment pas vraiment ! J’aimerais que l’amour fût moins fatal et qu’on choisît davantage les gens qu’on aim
960 iment ! J’aimerais que l’amour fût moins fatal et qu’ on choisît davantage les gens qu’on aime : par volonté. Il faut unir É
961 t moins fatal et qu’on choisît davantage les gens qu’ on aime : par volonté. Il faut unir Éros et Agapè. Et plus prosaïqueme
28 1956, Articles divers (1951-1956). Petits trajets sur les axes du monde (août 1956)
962 où trempent des parois à peine moins translucides que le ciel, ce temps de création du monde juste avant l’homme, c’est ma
963 monde juste avant l’homme, c’est ma Suisse telle que je la vois, de très loin, dans mon souvenir. J’y reviens. Les gros pl
964 utre bout dans l’espace doré d’un ciel méridional que double un lac immense. Vingt-cinq États distincts sans nulle frontièr
965 Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but est restreint. D’où l’extrême i
966 ger, dans ce complexe bien réglé ? N’oublions pas que l’horlogerie est une science des petits mouvements. Et découvrons la
967 qui sont des voyages concentrés et plus émouvants que les vrais, parce qu’entre le départ et l’arrivée ne s’établit jamais
968 sique russe indéfiniment répétées, pour ne garder que le meilleur, le plus actif et le plus déchirant, la rupture et la déc
969 ents du point de vue de l’usager moyen, je dirais que je les trouve divisés en trois classes, pour la commodité de l’exposé
970 seconde, et je ne savais rien des premières sinon qu’ un morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge
971 uverain de la région, dans cette égalité scolaire que créent en Suisse les bancs de bois peints en faux bois jaune clair. O
972 avec une emphatique autorité des noms de villages que tout le monde connaissait, mais cela faisait partie du jeu. En bons é
973 longue absence de mes années américaines et plus que jamais frappé par ce trait national — le seul sans doute, chez nous,
974 lement l’honnêteté, tendrait à nous faire oublier que la correction, la décence et la sécurité des citoyens sont de purs et
975 é des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’humanité dans sa très grande majo
976 Pères de l’Église… Dix années ont passé, et plus que jamais, s’il faut que j’en croie mes yeux, la confiance règne. Mais c
977 x années ont passé, et plus que jamais, s’il faut que j’en croie mes yeux, la confiance règne. Mais ce miracle est si bien
978 ce miracle est si bien déguisé en exacte banalité que les Suisses le prennent pour banal. Ils pensent mener la vie normale
979 bables, très rarement observés sur la planète, et que la presse devrait mettre en vedette, au lieu de nous rebattre les ore
980 train-train de nos corruptions. Donc les Suisses que je vois en troisième classe offrent l’image de l’homme sûr de son mon
981 n monde. D’où vient alors cette espèce de malaise qu’ éprouvent les étrangers sensibles lorsqu’ils prennent place dans nos t
982 mais, me propose par contraste une réponse. C’est qu’ en Suisse on se sent regardé, examiné, jugé, jaugé, plus que nulle par
983 se on se sent regardé, examiné, jugé, jaugé, plus que nulle part ailleurs au monde. Tout se passe, en somme, inconsciemment
984 stions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que peuvent représenter une cravate insolente, une conversation à voix tr
985 ment justifier l’espèce particulière d’irritation que provoquent ces regards apparemment timides, mais directs, trop sérieu
986 outenez d’abord avec curiosité, puis vous trouvez que cela suffit, mais eux, bien loin de se troubler, pèsent encore un tem
987 e quelque inertie, et finalement ne se détournent qu’ avec cet air exaspérant de celui qui renonce à comprendre… Ah ! mais i
988 nt, je veux dire trop méfiant et même intolérant. Qu’ ils aient seulement l’air étonnés suppose déjà beaucoup de retenue… À
989 … À propos de cette pax helvetica, si vous pensez que j’exagère, laissez-moi recopier un « avis » imprimé que j’ai pu lire
990 exagère, laissez-moi recopier un « avis » imprimé que j’ai pu lire il y a quelques années, punaisé près de la porte du balc
991 rajet. On sent bien qu’il a l’habitude. On dirait qu’ il s’installe dans son bureau, et sa pensée ne vagabonde pas, reste en
992 à, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple suisse paraît de plus en plus enclin à respecter le velours
993 somnole. En face de lui, la beauté même, « ô toi que j’eusse aimée », sa fille sans doute, fume en feuilletant un magazine
994 en feuilletant un magazine. Je croyais autrefois que les premières étaient vides. C’était vrai, les enfants voient juste.
995 ême raison, des transparents. (Avez-vous remarqué que les trains qui vous croisent sont transparents s’ils vont très vite ?
996 b-Bucuresti. Voici la Suisse en raccourci, telle que je l’aime : croisement des traditions locales les plus touchantes et
997 ait de la préface à la Confédération helvétique , que Rougemont publie en 1953.
29 1956, Articles divers (1951-1956). Un exemple pour l’Europe (octobre 1956)
998 se sans soulever d’objections. Tout le monde sait que son régime politique est l’un des plus stables au monde, depuis plus
999 fédérés Jusqu’à cette date, la Suisse n’était qu’ une alliance d’États souverains. Pendant des siècles, leur lien légal
1000 une Diète, laquelle n’avait guère plus de pouvoir que l’Assemblée consultative de Strasbourg. Composée d’ambassadeurs des c
1001 Diète « n’avait en fait d’emprise sur les cantons que dans la mesure où elle se conformait à leurs volontés »27. La divisio
1002 soit d’habile compris soit d’échappatoire, selon qu’ on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire. En fait, elle a tranqu
1003 ineté, en même temps qu’elle la limite, ou plutôt qu’ elle en délègue partiellement l’exercice au pouvoir fédéral. Voici les
1004 souveraineté ? Non : la recouvrer Est-il vrai que nos souverainetés doivent être abandonnées, si l’on veut faire l’Euro
1005 onnées, si l’on veut faire l’Europe ? Est-il vrai qu’ il y ait là un obstacle à l’Union ? Ces souverainetés ont-elles quelqu
1006 . La souveraineté nationale n’est exercée en fait que par l’État. M. van Kieffens l’a définie comme « la faculté pour un Ét
1007 our un État d’agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’ à l’extérieur, dans les limites posées par le droit applicable à chaqu
1008 hniques, économiques et politiques. Il en résulte que la souveraineté nationale n’a plus guère d’autre existence que psycho
1009 aineté nationale n’a plus guère d’autre existence que psychologique. Refoulée du domaine des forces réelles et de pouvoirs
1010 siècle, et même de les apercevoir. D’où la prise qu’ ils offrent aux manœuvres les plus grossières du communisme, jouant su
1011 aender : « Il faut dire franchement à nos nations qu’ elles ne pourront sauver leur individualité qu’en sacrifiant leur souv
1012 ns qu’elles ne pourront sauver leur individualité qu’ en sacrifiant leur souveraineté fictive. » (Étant entendu que l’accent
1013 fiant leur souveraineté fictive. » (Étant entendu que l’accent porte sur fictive.) C’est ainsi que l’on doit rassurer ceux
1014 endu que l’accent porte sur fictive.) C’est ainsi que l’on doit rassurer ceux qui tremblent, disent-ils, de voir leur patri
1015 organisations internationales existantes (telles que l’OTAN) prennent aujourd’hui les décisions principales et le peuple n
1016 la aux masses, car ainsi sera dissipée la crainte que suscite la perte de la souveraineté nationale. » Il n’est donc pas ex
1017 souveraineté nationale. » Il n’est donc pas exact que nos nations, en vue de s’unir, doivent sacrifier ce qui subsiste de l
30 1956, Articles divers (1951-1956). Serrer la main d’un communiste, désormais… (10 novembre 1956)
1018 ovembre, à 7 h 57, Radio-Kossuth diffuse le texte que voici : Attention ! attention ! chers auditeurs, vous allez entendre
1019 renons la consigne ainsi transmise. Ils voulaient que leur combat survive à leur défaite. Ce message doit être entendu, cet
1020 de Budapest. Discuter ses raisons, c’est oublier qu’ elles « justifient » nécessairement les massacres de Budapest. Continu
1021 es troupes d’artistes, les intellectuels asservis que nous envoie le régime de Moscou, c’est oublier la voix des écrivains
1022 ient de Budapest, et c’est trahir leur testament. Que chacun s’interroge et décide librement de l’action qu’il entend mener
1023 hacun s’interroge et décide librement de l’action qu’ il entend mener, dans sa sphère d’influence personnelle ou civique, co
1024 le faire oublier, ou de lui chercher des excuses. Que tous les esprits libres qui voudraient s’associer à l’action internat
1025 du Congrès pour la liberté de la culture sachent qu’ ils trouveront ici des hommes qui n’oublient pas l’appel des écrivains