1
isation peut mourir demain et que ce n’est pas là
une
phrase1. Nous sommes ici parce que nous savons tous que le salut rest
2
e quel est le principe simple qui a pu rassembler
des
hommes aussi divers à tant d’égards que ceux que vous voyez sur cette
3
’espère bien que vous êtes de ceux qui se méfient
des
grands mots du genre de paix et de liberté et qui demandent à voir ce
4
t notre rôle d’intellectuels libres que de monter
une
garde vigilante et continue autour du sens humain, concret de ces gra
5
umain, concret de ces grands mots et d’entretenir
une
saine méfiance critique à l’égard de ceux qui en abusent. Tel est peu
6
a lutte contre la tyrannie et pour la liberté est
une
phase idéologique et nous savons que, dans ce domaine, la guerre est
7
s bien. D’autres que nous et avant nous ont lancé
des
appels pour la paix, de Stockholm, de Prague, de Varsovie tout récemm
8
la paix, car nous pensons qu’ils aiment la paix,
un
peu comme le chat aime la souris et nous avons des raisons très préci
9
un peu comme le chat aime la souris et nous avons
des
raisons très précises de le penser. Nous publierons à ce sujet bientô
10
de le penser. Nous publierons à ce sujet bientôt
des
textes que les grands chefs totalitaires de divers pays ont pris soin
11
ses appels à la paix n’est pas du tout de servir
une
paix durable, mais de donner un répit à l’armée russe pour renforcer
12
u tout de servir une paix durable, mais de donner
un
répit à l’armée russe pour renforcer ses armements. Vous pourrez juge
13
rez juger alors vous-mêmes qu’on n’aura jamais vu
des
loups déclarer avec moins de pudeur leur amour passionné pour les bre
14
; on nous le présente maintenant devant le front
des
troupes dans l’intention de nous désarmer. Si vous n’êtes pas dans le
15
« paix », vous êtes, nous dit-on, pour la guerre.
Des
millions de naïfs dans nos pays, 14 millions en Europe, paraît-il, on
16
rope, paraît-il, ont succombé à ce raisonnement d’
une
écrasante simplicité dans le sophisme. Et puis, vous le savez tous, t
17
nous a pris en otage, ce n’est pas la paix, c’est
un
mot. Il est très facile, à mon avis, de distinguer entre le mot paix
18
stant, encore, dans nos pays démocratiques, reste
une
lutte idéologique et qui le restera en dernière analyse, même si la g
19
ntervenir entre-temps. Nous sommes soumis, depuis
un
an, à ce que l’on a nommé une offensive de paix — d’un terme militair
20
ommes soumis, depuis un an, à ce que l’on a nommé
une
offensive de paix — d’un terme militaire bien caractéristique. Il s’a
21
, à ce que l’on a nommé une offensive de paix — d’
un
terme militaire bien caractéristique. Il s’agit de ce qu’on appelait
22
Il s’agit de ce qu’on appelait jadis — naguère —
une
préparation d’artillerie. Quelle peut être notre riposte ? Je n’hésit
23
de nos élites, peut-être même sans raison : c’est
une
mission de propagande qui nous incombe au premier chef. Je désire m’e
24
enrôler, pour ainsi dire, au service de la santé
des
hommes. Utilisons de cette manière la propagande pour vacciner contre
25
pas opposer aux campagnes massives et mécaniques
des
totalitaires, des procédés de même nature. Nous n’opposerons pas au f
26
ampagnes massives et mécaniques des totalitaires,
des
procédés de même nature. Nous n’opposerons pas au fanatisme un autre
27
e même nature. Nous n’opposerons pas au fanatisme
un
autre fanatisme qui dans notre cas, serait absolument artificiel. Not
28
veiller les consciences. Il n’est pas de répandre
une
mystique qui promet la lune pour demain, mais de rappeler les hommes
29
s loin d’être parfaites, mais si nous les perdons
un
jour, nous penserons dans les camps qu’elles méritaient pourtant qu’o
30
urtant qu’on les défende. La démocratie n’est pas
une
panacée. Elle ne résout aucun des grands problèmes humains et personn
31
ratie n’est pas une panacée. Elle ne résout aucun
des
grands problèmes humains et personnels, mais s’ils sont un jour résol
32
problèmes humains et personnels, mais s’ils sont
un
jour résolus sans équivoque derrière les barbelés, nous comprendrons
33
ent pas… Pour nous, la défense de la paix suppose
des
moyens de liberté, elle suppose la libre discussion. Nous voulons des
34
é, elle suppose la libre discussion. Nous voulons
des
moyens conformes à notre fin et nous voulons cette fin parce que la l
35
i pensent que la culture consiste en somme à lire
des
romans, à se tenir un peu au courant, à jeter parfois un regard distr
36
e consiste en somme à lire des romans, à se tenir
un
peu au courant, à jeter parfois un regard distrait sur un tableau qua
37
ns, à se tenir un peu au courant, à jeter parfois
un
regard distrait sur un tableau quand on passe à la salle à manger ou
38
u courant, à jeter parfois un regard distrait sur
un
tableau quand on passe à la salle à manger ou à se consacrer à d’autr
39
dites distinguées de ce genre, je voudrais poser
une
simple question très précise et concrète. D’où vient que l’Europe ait
40
péninsule Europe ne représente, en effet, que 5 %
des
terres du globe. Ni son étendue, ni le nombre de ses habitants, ni se
41
fois de ses conceptions religieuses et morales, d’
un
pouvoir d’invention sans égal et d’un système de lois garantissant de
42
morales, d’un pouvoir d’invention sans égal et d’
un
système de lois garantissant de mieux en mieux les libertés de la per
43
ts ou les échanges économiques, voire même le jeu
des
partis politiques. L’été dernier, à Strasbourg, un ancien ministre fr
44
s partis politiques. L’été dernier, à Strasbourg,
un
ancien ministre français, déplorant, à juste titre, que l’Assemblée e
45
mblée européenne fût privée du droit de s’occuper
des
choses militaires et des choses économiques, s’écriait avec une sorte
46
ée du droit de s’occuper des choses militaires et
des
choses économiques, s’écriait avec une sorte de désespoir ironique, e
47
itaires et des choses économiques, s’écriait avec
une
sorte de désespoir ironique, et très sûr de son effet : « Notre Assem
48
rche. » Eh bien ! Cette phrase typique échappée à
un
homme d’État, d’autre part fort intelligent, mais surtout et plus enc
49
se ait paru toute naturelle, qu’elle reflète donc
un
état d’esprit courant, voilà qui prouve que notre culture n’est pas m
50
a lutte historique où nous sommes engagés qui est
une
lutte d’idées, de croyances, de conceptions du monde. Les totalitaire
51
evant le défi… Lorsque Staline rédige lui-même
un
long article en forme d’encyclique sur la science linguistique dans s
52
e linguistique dans son empire ou lorsqu’il lance
une
offensive contre la conception chrétienne du monde — sur une base pur
53
ve contre la conception chrétienne du monde — sur
une
base purement scientifique, déclare-t-il — avec l’aide de 500 000 pro
54
r ces armées veulent occuper bien autre chose que
des
terrains, elles veulent occuper le cœur et les esprits de ceux-là mêm
55
rits de ceux-là mêmes qui pourraient être appelés
un
jour à défendre l’Europe et qui ne le feront pas si le point de vue d
56
ix digne de ce nom sans, à la base et avant tout,
un
esprit de liberté vigilant et militant… La tâche est très vaste, c’es
57
orénavant, me semble-t-il, peut rendre à beaucoup
un
espoir. Quelques-uns répondent, enfin, pour tous ceux qui se taisent
58
part bien définie dans cette bataille commune est
un
acte de propreté, un acte vital aussi pour notre pensée même ; car si
59
s cette bataille commune est un acte de propreté,
un
acte vital aussi pour notre pensée même ; car si nous reculions devan
60
pourrions-nous encore penser écrire ou dire sans
une
honte intime, sans une sorte de mépris pour nous-mêmes ? 1. Ce te
61
penser écrire ou dire sans une honte intime, sans
une
sorte de mépris pour nous-mêmes ? 1. Ce texte est extrait du disc
62
Comment fabriquer
un
Européen ?b C’est absolument impossible. Et je vais essayer de dir
63
Cet homme sera tout ce qu’on voudra, mais jamais
un
Européen. À l’appui de cette thèse absolue, j’invoquerai tout d’abord
64
emandons-nous comment on fait pour fabriquer soit
un
Yankee, soit un citoyen des Soviets (il faut toujours partir des cas
65
mment on fait pour fabriquer soit un Yankee, soit
un
citoyen des Soviets (il faut toujours partir des cas les plus faciles
66
it pour fabriquer soit un Yankee, soit un citoyen
des
Soviets (il faut toujours partir des cas les plus faciles). Pour réus
67
t un citoyen des Soviets (il faut toujours partir
des
cas les plus faciles). Pour réussir un bon Américain moyen, ne prenez
68
rs partir des cas les plus faciles). Pour réussir
un
bon Américain moyen, ne prenez pas un Mohican : ces premiers habitant
69
our réussir un bon Américain moyen, ne prenez pas
un
Mohican : ces premiers habitants du bois et du rocher, seuls vrais Am
70
avec la fille de deux autres Européens. Attendez
une
génération. Répétez le processus quatre ou cinq fois. Lorsque Schmidt
71
éalogique. Déclarez qu’il descend en droite ligne
des
émigrants venus d’Angleterre sur le fameux bateau nommé le Mayflower.
72
rté plusieurs centaines de milliers d’émigrants :
un
Smith de plus ne la fera pas couler. Apprenez maintenant au jeune hom
73
ts avec du chewing-gum. Psychanalysez, agitez sur
un
rythme nègre, emballez (moralement) dans de la cellophane, et servez
74
de la cellophane, et servez frais. Pour fabriquer
un
Soviétique, c’est plus rapide. Prenez un Russe, passez-le au MVD — so
75
abriquer un Soviétique, c’est plus rapide. Prenez
un
Russe, passez-le au MVD — sorte de DDT moral nettoyant les idées subv
76
versives, et tirez le rideau. Mais pour fabriquer
un
Européen, que prendrez-vous ? Si vous mélangez toutes nos nationalité
77
nationalités, au hasard, vous obtiendrez au mieux
des
Américains manqués. Les mélanges arbitraires de couleurs donnent du b
78
s donnent du brun sale. Vous pouvez alors essayer
des
combinaisons plus savantes, deux par deux ou trois par trois. Vous po
79
élanger, par exemple, de la culture germanique et
des
Espagnols, du socialisme plus ou moins marxiste et des chrétiens, des
80
spagnols, du socialisme plus ou moins marxiste et
des
chrétiens, des Juifs anglais et des conservateurs, et cela donnera pa
81
cialisme plus ou moins marxiste et des chrétiens,
des
Juifs anglais et des conservateurs, et cela donnera parfois des produ
82
s marxiste et des chrétiens, des Juifs anglais et
des
conservateurs, et cela donnera parfois des produits remarquables : Or
83
ais et des conservateurs, et cela donnera parfois
des
produits remarquables : Ortega, Sir Stafford Cripps, Disraeli. Mais b
84
Mais beaucoup de combinaisons resteront stériles.
Un
mélange de catholiques et de juifs ne donnera pas des protestants ; p
85
mélange de catholiques et de juifs ne donnera pas
des
protestants ; pas plus qu’un mélange de Marx et de Maurras ne donnera
86
uifs ne donnera pas des protestants ; pas plus qu’
un
mélange de Marx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’un méla
87
us qu’un mélange de Marx et de Maurras ne donnera
des
libéraux ; ou qu’un mélange de Français et d’Allemands, des Suisses.
88
arx et de Maurras ne donnera des libéraux ; ou qu’
un
mélange de Français et d’Allemands, des Suisses. Je n’entrevois aucun
89
ux ; ou qu’un mélange de Français et d’Allemands,
des
Suisses. Je n’entrevois aucun espoir d’obtenir par de tels procédés l
90
is pris vitaux ne sauraient être additionnés dans
un
seul homme. Ils ne pourraient que se neutraliser et s’annuler récipro
91
le par définition. Car si l’Américain tend à être
une
moyenne, si le sujet des Soviets est le produit d’un plan, l’Européen
92
l’Américain tend à être une moyenne, si le sujet
des
Soviets est le produit d’un plan, l’Européen est par essence un être
93
moyenne, si le sujet des Soviets est le produit d’
un
plan, l’Européen est par essence un être qui diffère et tient à diffé
94
le produit d’un plan, l’Européen est par essence
un
être qui diffère et tient à différer de son voisin et des modèles fou
95
qui diffère et tient à différer de son voisin et
des
modèles fournis. Il n’existe donc pas, il ne peut exister d’Européen
96
éfauts contradictoires du continent. Il n’y a que
des
Français, des Danois, des Croates, des parpaillots, des mécréants et
97
ictoires du continent. Il n’y a que des Français,
des
Danois, des Croates, des parpaillots, des mécréants et des papistes ;
98
continent. Il n’y a que des Français, des Danois,
des
Croates, des parpaillots, des mécréants et des papistes ; des sociali
99
n’y a que des Français, des Danois, des Croates,
des
parpaillots, des mécréants et des papistes ; des socialistes suédois
100
ançais, des Danois, des Croates, des parpaillots,
des
mécréants et des papistes ; des socialistes suédois et luthériens, de
101
s, des Croates, des parpaillots, des mécréants et
des
papistes ; des socialistes suédois et luthériens, des anarchistes esp
102
des parpaillots, des mécréants et des papistes ;
des
socialistes suédois et luthériens, des anarchistes espagnols et athée
103
papistes ; des socialistes suédois et luthériens,
des
anarchistes espagnols et athées, des conservateurs autrichiens et cat
104
luthériens, des anarchistes espagnols et athées,
des
conservateurs autrichiens et catholiques ; des Monégasques insouciant
105
s, des conservateurs autrichiens et catholiques ;
des
Monégasques insouciants et des partisans motorisés de la paix concent
106
s et catholiques ; des Monégasques insouciants et
des
partisans motorisés de la paix concentrée. Il n’y a que des hommes ha
107
ans motorisés de la paix concentrée. Il n’y a que
des
hommes habitués à différer les uns des autres, et c’est tout cela qu’
108
n’y a que des hommes habitués à différer les uns
des
autres, et c’est tout cela qu’on nomme l’Europe. Et c’est pourquoi fa
109
ela qu’on nomme l’Europe. Et c’est pourquoi faire
un
Européen, ce serait tenter de faire quelque chose qui ne ressemblerai
110
n. Après tout, pourquoi voudrait-on « fabriquer »
des
Européens ? C’est uniquement parce que l’on veut unir les 25 États so
111
vrai problème. Pour la faire, il nous faut partir
des
quelque 300 millions d’hommes réels qui peuplent la partie libre du c
112
me à sa façon. Voilà ce qui les distingue en bloc
des
Russes et des Américains, voilà le principe paradoxal de leur communa
113
Voilà ce qui les distingue en bloc des Russes et
des
Américains, voilà le principe paradoxal de leur communauté profonde.
114
umain chez tout homme, c’est l’idée qui lui vient
un
jour — angoissante pour l’adolescent — qu’il est le seul de son espèc
115
cent — qu’il est le seul de son espèce, qu’il est
un
cas absolument unique. Ce qu’il y a de plus européen chez les habitan
116
est l’idée qu’ils ont tous d’appartenir d’abord à
une
famille, à une région, à une patrie, à une coutume ou une langue, bie
117
ls ont tous d’appartenir d’abord à une famille, à
une
région, à une patrie, à une coutume ou une langue, bien distinctes, e
118
appartenir d’abord à une famille, à une région, à
une
patrie, à une coutume ou une langue, bien distinctes, et qu’ils perdr
119
bord à une famille, à une région, à une patrie, à
une
coutume ou une langue, bien distinctes, et qu’ils perdraient leurs li
120
lle, à une région, à une patrie, à une coutume ou
une
langue, bien distinctes, et qu’ils perdraient leurs libertés si on le
121
rs. Les conceptions de l’amour, de la révolution,
des
libertés publiques ou morales, pour ne citer que ces trois grands exe
122
ts, indissolublement liée pour nous à la pratique
des
libertés réelles et personnelles. C’est pour sauver ces différences q
123
si nous voulons rester nous-mêmes, il n’y a plus
une
minute à perdre : il nous faut combiner nos ressources. Faute de form
124
és. b. Rougemont Denis de, « Comment fabriquer
un
Européen ? », Notre Europe, Strasbourg, mars 1951, p. 41-44.
125
passe en revue tous les arguments avancés depuis
des
siècles pour ou contre la liberté humaine en soi, on en vient vite à
126
égitime ou non comme idéal ou comme réalité. Mais
un
homme en prison, qu’il soit intellectuel ou paysan, sait très bien ce
127
Car si nous vivons aujourd’hui dans l’angoisse d’
une
nouvelle guerre mondiale, c’est parce que le monde est divisé en deux
128
issent clairement que par rapport à la liberté. D’
un
côté, les peuples qui se disent libres et entendent le rester ; de l’
129
être. Les passions nationalistes ne sont plus que
des
survivances, d’ailleurs également réparties entre les deux camps. Les
130
de discuter, ce qui est évident aux yeux de tous,
des
deux côtés, c’est que nous voulons la liberté, et que les autres veul
131
formelle », affirmant que leur dictature prépare
une
liberté « réelle ». Mais alors, s’il est clair que l’enjeu est en déf
132
la liberté, n’est-il pas urgent que nous prenions
une
conscience nette et forte des libertés concrètes que nous avons ? Si
133
t que nous prenions une conscience nette et forte
des
libertés concrètes que nous avons ? Si nous voulons gagner d’avance —
134
s avons ? Si nous voulons gagner d’avance — avant
une
guerre, qui serait perdue par tous — cette lutte où nous sommes engag
135
l’idéologie stalinienne, à cette grande espérance
des
prolétaires, à cette religion nouvelle ? », nous hésitons souvent ava
136
ez défendre l’Europe qu’en opposant à ses ennemis
une
idéologie plus puissante que la leur, mais hélas, vous n’avez aucun p
137
t cela, et que nous cherchons alors désespérément
une
réplique, ou que nous essayons d’improviser quelque « mystique » nouv
138
s soyons en état de répondre instantanément, avec
une
conviction totale. Il faut que nous répondions ceci : « Nous n’avons
139
ons ceci : « Nous n’avons pas besoin comme vous d’
une
mystique qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’une idéologi
140
e qui masque les faits, nous n’avons pas besoin d’
une
idéologie, car nous avons nos libertés. Et ce n’est pas notre passé q
141
sente de nos vies, bien plus : qui sont le gage d’
un
avenir meilleur ! » Ce langage seul peut nous sauver. Encore faut-il
142
et leurs chefs doivent masquer cette absence par
des
slogans. Nous n’avons nul besoin d’une mystique « aussi puissante » o
143
bsence par des slogans. Nous n’avons nul besoin d’
une
mystique « aussi puissante » ou « plus puissante » que les leurs. Car
144
le mal est d’ordre psychique ; c’est d’autre part
une
source de confiance en soi, quand les faits objectifs sont meilleurs
145
notre lassitude ne le pensait. Rendus conscients
des
forces véritables de l’Europe et de l’Occident, nous serons en mesure
146
faire rayonner, c’est de les faire passer du plan
des
faits à celui de nos consciences et de nos volontés ; c’est d’appeler
147
épendent de chacun de nous, — beaucoup plus que d’
un
général américain. Chaque personne fait obstacle à la fatalité. Lévia
148
lenda Carthago que j’opposais il y a quinze ans à
une
autre « mystique millénaire », mais déjà morte : — Là où l’homme veut
149
re d’avoir bien voulu nous autoriser à reproduire
un
extrait de la brochure de Denis de Rougemont, Les Libertés que nous
150
ux dépens de leurs découvertes ; ils rapportaient
des
états d’âme ; mais lui, de ses Dépaysements f, nous rapportait l’Euro
151
ée sur place, ou vue du Proche-Orient. Il avouait
une
curiosité « inextinguible », non celle du reporter mais celle du mora
152
is celle du moraliste : il la définissait comme «
une
puissance d’adhésion, qui tantôt s’identifie à son objet, et tantôt,
153
itié démolie, et d’où montent, comme les fumées d’
un
sol volcanique, la haine, la douleur et l’espérance. Europe, vaste sp
154
nent en creux ce qui sera le lit de l’hitlérisme,
un
peu plus tard : il a senti l’appel aux passions collectives, aux phil
155
ramener à la communauté européenne ». Il a, l’un
des
premiers, ravivé l’idéal de cette communauté indispensable au monde,
156
viens de relire cet ouvrage, paru en 1929 : c’est
un
classique. Seuls quelques chapitres médians, qui décrivent (et critiq
157
re hors de saison, s’il est vrai que le spectacle
des
Nations unies réduit à peu, sinon à rien, les espoirs que de Traz se
158
sinon à rien, les espoirs que de Traz se faisait
une
vertu et même une raison d’entretenir, malgré toutes ses méfiances et
159
espoirs que de Traz se faisait une vertu et même
une
raison d’entretenir, malgré toutes ses méfiances et toute la précisio
160
lgré toutes ses méfiances et toute la précision d’
un
regard souvent railleur ou amusé. Mais l’ouverture et la longue concl
161
uverture et la longue conclusion forment ensemble
un
essai politique dont je ne vois pas encore l’égal dans notre époque.
162
le moderne ». C’est de la nécessité, plutôt que d’
une
mystique, qu’il attend « la refonte de l’Europe ». C’est par la civil
163
à la Russie « dont le système politique comporte
une
destruction du sien », mais encore « à elle-même… aux idées dissocian
164
ses traditions profondes », que l’Europe se fera,
une
et diverse. Je ne vois pas une phrase, dans cet essai final, animé pa
165
l’Europe se fera, une et diverse. Je ne vois pas
une
phrase, dans cet essai final, animé par un long mouvement d’éloquence
166
s pas une phrase, dans cet essai final, animé par
un
long mouvement d’éloquence lucide et sereine, qui ne porte encore mie
167
, je le répète. « Petite Europe, toute seule dans
un
monde en tumulte, il faudra bien qu’elle comprenne que ses rivalités
168
ues » et qu’au-delà de ses frontières resserrées,
des
civilisations rajeunies vont se dresser, qui voudront la réduire en s
169
nous mettre debout ? Avons-nous donc cessé d’être
des
mâles, qui formulent et dirigent, et, dans notre détresse complaisant
170
ment ? » Et je crois entendre de Traz ajouter sur
un
ton plus encore convaincu qu’indigné : « Tout de même !… » Mais aussi
171
mmun. La civilisation européenne est le produit d’
une
collaboration séculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d’au
172
r toujours s’adapter aux circonstances imprévues.
Une
égale passion de l’effort nous anime encore, de l’effort qui conquier
173
n et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans
une
extase somnolente : ils sont actifs. » Enfin cette page dans le grand
174
oser silence à ses détracteurs, de se reconnaître
une
mission nouvelle ? En affirmant son unité conquise sur des différence
175
on nouvelle ? En affirmant son unité conquise sur
des
différences qu’elle ne détruirait pas pour autant, elle donnerait au
176
truirait pas pour autant, elle donnerait au monde
un
exemple à suivre. Contre les dangers du dedans, elle aurait conclu un
177
Contre les dangers du dedans, elle aurait conclu
un
pacte d’alliance entre ses fils : ce pacte, elle le proposerait ensui
178
petits États que divisent quelques collines, mais
des
continents que les océans séparent. » Pourquoi ne pas le dire ici ? C
179
st trop tard. Il m’était encore plus fraternel qu’
une
longue amitié, dès mon adolescence, n’a pu me le faire concevoir de s
180
. Il suit le Mouvement européen de l’extérieur, d’
un
œil amical et critique. Pourquoi ce précurseur n’a-t-il pas joint l’a
181
aperçu la nécessité ? Son style même nous suggère
une
réponse. Ses courtes phrases bien dessinées constatent, enferment la
182
en dessinées constatent, enferment la pensée dans
une
conclusion claire. Elles ne visaient point à entraîner, mais à cerner
183
, que de conseiller à l’Europe… de se reconnaître
une
mission ? » Non, ce n’était pas rêver, il le savait, mais ce n’est pl
184
conseiller. Ce convaincu n’était pas de l’espèce
des
militants d’une politique. Ce moraliste voulait d’abord comprendre :
185
convaincu n’était pas de l’espèce des militants d’
une
politique. Ce moraliste voulait d’abord comprendre : pudeur ou foi da
186
attentive ; sa curiosité même se transformait en
une
attention passionnée. Il voulait être ouvert, plutôt qu’ouvrir. Tous
187
qu’ouvrir. Tous ses personnages romanesques sont
des
renfermés, et qui en souffrent : il les avait vécus, mais libérés en
188
vécus, mais libérés en lui. Modeste et probe avec
une
discrète élégance, je le vois lentement dépasser les baladins et les
189
n beau profil prend sa place parmi les effigies d’
une
Europe renaissante. 2. Témoin, p. 119-129. e. Rougemont Denis de
190
1952)g Entouré de soins extravagants, soumis à
des
épreuves exceptionnelles, étudié dans le moindre détail de son compor
191
son intérêt n’en est pas amoindri. Car il fournit
une
connaissance nouvelle de certaines limites de vitesse, de résistance,
192
? Tout cela servira finalement à mieux construire
des
appareils utiles. Je me proposer d’envisager Lawrence comme prototype
193
e proposer d’envisager Lawrence comme prototype d’
une
race d’écrivains dont le siècle déjà nous donne plusieurs exemples, s
194
vent moins purs ou moins achevés. Lawrence ne fut
un
écrivain que par accident, semble-t-il. Mais cet accident fit sa gloi
195
le désir de parler de lui. Bien d’autres ont vécu
des
aventures semblables, mais lui « savait ce qu’il était en train de fa
196
e la Sagesse, et toutes ses lettres, témoignent d’
une
volonté de conscience et d’expression qui justifie le point de départ
197
ès Napoléon, tout change. Paraît la race nouvelle
des
exilés sur place — Kierkegaard, Baudelaire et Nietzsche en sont les t
198
che en sont les types — exilés dans la négation d’
un
ordre qui les cerne sans les incorporer, exilés dans le nihilisme, ex
199
omades et de vrais émigrés. Les uns voyagent vers
des
climats et des coutumes où l’isolement social, sans être surmonté, so
200
ais émigrés. Les uns voyagent vers des climats et
des
coutumes où l’isolement social, sans être surmonté, soit du moins com
201
es écrivains américains). D’autres s’exilent dans
un
métier d’errants (Joseph Conrad, Claudel et Saint-John Perse). Et bea
202
st européen). Certains, enfin, parlent en quête d’
une
communauté à rejoindre où à recréer dans l’action, et là seulement le
203
tion, et là seulement les mots pourront reprendre
un
sens, et le langage un pouvoir authentique. Mais ceux-là pensent d’ab
204
es mots pourront reprendre un sens, et le langage
un
pouvoir authentique. Mais ceux-là pensent d’abord à l’action, et dans
205
ns l’action à se réaliser, à mesurer le pouvoir d’
un
homme contre le monde et sur soi-même. Est-ce encore une compensation
206
me contre le monde et sur soi-même. Est-ce encore
une
compensation ? Le dépit amoureux peut rendre chaste ou au contraire j
207
Et de même, le dépit communautaire peut provoquer
un
individualisme exaspéré, ou au contraire la décision de servir sans b
208
e la décision de servir sans beaucoup d’illusions
une
cause dont la valeur importe moins que les épreuves qu’elle impose. N
209
lle impose. Nous voici tout près de Lawrence et d’
une
classe d’écrivains qui restera sans doute la plus typique de notre si
210
engagés : ils ont payé de leur personne le prix d’
une
signification. Que ces héros soient les nomades, on vient d’en voir l
211
r étrangers dans leur peuple. S’expatrier devient
une
mise au point, une traduction spatiale du conflit qu’ils constatent e
212
ur peuple. S’expatrier devient une mise au point,
une
traduction spatiale du conflit qu’ils constatent entre leurs exigence
213
t leur aventure hors de chez eux, à la fois comme
des
conquérants et comme des révolutionnaires. Ce trait mérite une attent
214
hez eux, à la fois comme des conquérants et comme
des
révolutionnaires. Ce trait mérite une attention spéciale. Peu sont de
215
ts et comme des révolutionnaires. Ce trait mérite
une
attention spéciale. Peu sont des partisans au premier chef, et peut-ê
216
Ce trait mérite une attention spéciale. Peu sont
des
partisans au premier chef, et peut-être plusieurs d’entre eux se fuss
217
t l’exemple extrême, qui meurt pour la libération
des
Grecs, mais n’eût rien fait contre les droits des lords ou des capita
218
des Grecs, mais n’eût rien fait contre les droits
des
lords ou des capitalistes en Angleterre. À vrai dire, c’est un goût d
219
is n’eût rien fait contre les droits des lords ou
des
capitalistes en Angleterre. À vrai dire, c’est un goût de la lutte co
220
es capitalistes en Angleterre. À vrai dire, c’est
un
goût de la lutte contre la vie, avec des camarades donnés par le hasa
221
re, c’est un goût de la lutte contre la vie, avec
des
camarades donnés par le hasard, qui les jette dans des entreprises où
222
amarades donnés par le hasard, qui les jette dans
des
entreprises où la technique de la conquête (même pacifique) se confon
223
u complot. On les voit engagés de préférence dans
des
conquêtes hasardeuses, que les gouvernements soutiennent à contrecœur
224
et parfois découragent en sous-main, ou bien dans
des
révolutions mais que d’autres ont déclenchées, qui n’en sont plus au
225
tres ont déclenchées, qui n’en sont plus au stade
des
revendications mais des coups de feu, et qui demandent bien moins de
226
i n’en sont plus au stade des revendications mais
des
coups de feu, et qui demandent bien moins de conviction politique que
227
urs convictions, tous ces hommes sont, ou furent,
des
individualistes à la recherche d’une action commune, action conduite
228
, ou furent, des individualistes à la recherche d’
une
action commune, action conduite à l’étranger, et dont les fins derniè
229
homme. Ces anarchistes engagés se reconnaissent à
un
signe certain : entre eux et le rôle qu’ils jouent, souvent à grand p
230
ls jouent, souvent à grand péril, il y a toujours
une
marge de conscience. Et dans cette marge naît leur œuvre écrite. Souv
231
e marge naît leur œuvre écrite. Souvent l’homme d’
un
seul livre, sous des titres divers, peu d’entre eux sont des écrivain
232
vre écrite. Souvent l’homme d’un seul livre, sous
des
titres divers, peu d’entre eux sont des écrivains nés, au sens couran
233
vre, sous des titres divers, peu d’entre eux sont
des
écrivains nés, au sens courant de l’expression, qui suppose non seule
234
expression, qui suppose non seulement le don mais
une
certaine facilité. C’est qu’ils se sont formés dans un monde où l’err
235
rtaine facilité. C’est qu’ils se sont formés dans
un
monde où l’erreur entraîne des sanctions immédiates, où l’exactitude
236
se sont formés dans un monde où l’erreur entraîne
des
sanctions immédiates, où l’exactitude est vitale, soit qu’il s’agisse
237
où l’exactitude est vitale, soit qu’il s’agisse d’
un
ordre à rédiger ou d’une opération technique. Ces scrupules à plier l
238
le, soit qu’il s’agisse d’un ordre à rédiger ou d’
une
opération technique. Ces scrupules à plier le sens précis au rythme o
239
upules à plier le sens précis au rythme ou au jeu
des
syllabes peuvent gâter l’allure d’un texte, ils n’en ont cure. Les me
240
e ou au jeu des syllabes peuvent gâter l’allure d’
un
texte, ils n’en ont cure. Les meilleurs se rattrapent sur un plan plu
241
ls n’en ont cure. Les meilleurs se rattrapent sur
un
plan plus profond d’efficacité du langage : certaines recettes pour m
242
manier les esprits, et surtout pour leur imposer
un
angle de vision déterminé — c’est tout le secret du commandement — le
243
e leurs écrits, mais tout autant à l’efficacité d’
une
syntaxe qui sait comment « saisir » (expression favorite de Saint-Exu
244
spendue, mais plutôt les efforts pour lui trouver
un
sens, et justifier l’auteur de l’avoir entreprise. Témoignages cepend
245
Ils n’avouent guère d’autre ambition que celle d’
un
serviteur de la cause collective, et ne donnent de l’individu qu’un p
246
cause collective, et ne donnent de l’individu qu’
un
portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’un besoin de s’expliquer,
247
qu’un portrait simplifié et dûment stylisé. Nés d’
un
besoin de s’expliquer, ils restent obscurs sur un point décisif : cel
248
un besoin de s’expliquer, ils restent obscurs sur
un
point décisif : celui des fins dernières que poursuivait l’auteur qua
249
ils restent obscurs sur un point décisif : celui
des
fins dernières que poursuivait l’auteur quand il vivait ce qu’il raco
250
il vivait ce qu’il raconte. On se reporte alors à
des
écrits posthumes, à des lettres ou carnets intimes, et l’on s’aperçoi
251
te. On se reporte alors à des écrits posthumes, à
des
lettres ou carnets intimes, et l’on s’aperçoit que le problème, loin
252
n ; pourtant, ce qu’il nous laisse enfin n’est qu’
une
question, l’exemple d’une « passion » dont l’enjeu n’est pas clair. E
253
s laisse enfin n’est qu’une question, l’exemple d’
une
« passion » dont l’enjeu n’est pas clair. Et certes, les péripéties d
254
njeu n’est pas clair. Et certes, les péripéties d’
une
telle passion peuvent bien suffire à l’intérêt de l’œuvre. Elles font
255
tions. Elles nous forcent à croire qu’ici, enfin,
un
homme nous parle avec l’autorité d’une expérience virile poussée jusq
256
ici, enfin, un homme nous parle avec l’autorité d’
une
expérience virile poussée jusqu’aux extrêmes, dans la rigueur morale
257
es. Mais cédant à l’exigence extrême éveillée par
un
tel exemple, nous demandons : pourquoi ces épreuves inhumaines ? Quel
258
nous demandons alors : qui va revêtir cet homme d’
une
vocation plus vraie que les causes qu’il a servies et qui se révèlent
259
II. T.E.L. et Saint-Exupéry « L’ambition est
un
motif méprisable ; l’amour de la liberté une illusion ; le patriotism
260
n est un motif méprisable ; l’amour de la liberté
une
illusion ; le patriotisme, difficile quand ceux — comme dit Lawrence
261
n finale. » C’est en ces termes que la plus sobre
des
biographies de Lawrence4 décrit l’état d’esprit du héros de 30 ans, à
262
s individuelles, ne fait qu’accentuer l’intérêt d’
un
rapprochement entre les deux personnes. Relevons d’abord les différen
263
squ’au silence total, l’autre toujours en quête d’
une
audience amicale. L’un petit et durci, l’autre grand et sérieux. On i
264
Voyons leur création, leur action, et leur drame.
Une
ultime structure de destinée semble gouverner ces deux vies. Leur voc
265
dolescence : à 20 ans les voilà partis, l’un pour
des
fouilles dans les pays arabes qu’il avait étudiés avec passion ; l’au
266
is tous deux inventeurs de machines, vont choisir
des
métiers où la technique s’allie à l’art du commandement, et le risque
267
iscipline. Le travail s’y poursuit en équipe avec
des
camarades frustes et durs. Bien plus, ce travail les entraîne loin de
268
ce travail les entraîne loin de leur patrie, dans
des
régions sauvages. Les voici doublement dépaysés, et par la plus curie
269
il s’agisse de négocier avec ceux-ci pour libérer
un
camarade pris en otage, ou de les inciter à la révolte, dans les deux
270
e secret d’influencer et de manier les hommes par
des
moyens qui ne sont pas ceux du règlement, et qui ne doivent rien aux
271
mais non Saint-Exupéry.) Tous les deux se moquent
des
grades, qu’on leur en donne ou non, et sont perpétuellement sur pied
272
ctions furent accomplies en dépit des pouvoirs et
des
incompétences supérieures. Parfois cependant, cet art de persuader (q
273
, cet art de persuader (qu’ils tiennent en partie
des
Arabes) leur vaut des appuis surprenants de la part d’un grand chef q
274
(qu’ils tiennent en partie des Arabes) leur vaut
des
appuis surprenants de la part d’un grand chef qu’ils savent séduire s
275
es) leur vaut des appuis surprenants de la part d’
un
grand chef qu’ils savent séduire sans passer par la voie du service.
276
euls à connaître. Ils se retournent vers le monde
des
autres, et c’est le début de l’écœurement. Signe objectif d’une mésen
277
c’est le début de l’écœurement. Signe objectif d’
une
mésentente profonde : ils entrent en conflit avec la politique des po
278
ofonde : ils entrent en conflit avec la politique
des
pouvoirs établis dans leur patrie (ou en son nom), ceux-là mêmes qu’i
279
courage physique, ils n’en parlent jamais qu’avec
un
scepticisme dénué de coquetterie.) Le seul désir bien déclaré est dés
280
sir bien déclaré est désormais de se retirer dans
une
maison de campagne, avec le livre qu’ils portent en eux, toujours le
281
ortent en eux, toujours le même, et qui doit être
un
commentaire de leur activité, visant à la sauver de l’anecdote histor
282
sauver de l’anecdote historique pour en extraire
une
sagesse commune, et pour élever un monument « durable » ou « intangib
283
r en extraire une sagesse commune, et pour élever
un
monument « durable » ou « intangible » à la mémoire d’un effort colle
284
ment « durable » ou « intangible » à la mémoire d’
un
effort collectif. Ils n’écrivent pas plus facilement l’un que l’autre
285
scriptions exactes, et se meuvent en général dans
une
psychologie qui déconcerte la morale classique et son langage ; cepen
286
endant ils veulent être simples et n’employer que
des
mots éprouvés… C’est à ce stade que naissent Les Sept Piliers de la S
287
naissent Les Sept Piliers de la Sagesse et Terre
des
Hommes. L’aventure paraît consommée. Et cependant leur drame le plus
288
écis, devant la tentation de la « vie normale » d’
un
écrivain chargé des honneurs du héros. Au lieu de se retirer dans une
289
tation de la « vie normale » d’un écrivain chargé
des
honneurs du héros. Au lieu de se retirer dans une maison de campagne,
290
des honneurs du héros. Au lieu de se retirer dans
une
maison de campagne, ou d’accepter quelque fonction publique, ils repr
291
voit l’un et l’autre expliquer cette conduite par
des
raisons variables et même contradictoires. Dans les deux cas, et nono
292
ant de prétextes qu’ils allèguent. S’agirait-il d’
une
fuite devant leur « personnage », ou d’une réelle passion de servir ?
293
t-il d’une fuite devant leur « personnage », ou d’
une
réelle passion de servir ? Ou serait-ce simplement qu’ils n’ont pas l
294
ien compris que je me suis engagé non pour écrire
des
livres mais parce que j’étais fauché ? », écrit Lawrence en 1923. L’a
295
», écrit Lawrence en 1923. L’argent n’est ici qu’
un
symbole : il pouvait en gagner autrement.) Il va de soi que leurs sup
296
d’écrire, et bien qu’ils ne puissent ignorer qu’à
des
postes moins anonymes, ils seraient plus difficiles à remplacer. Inex
297
int-Exupéry, dans toutes ses dernières lettres, a
des
phrases qui rendent le même son.) S’approche le moment de la retraite
298
ches, plus secrètes et plus importantes5. III.
Un
« message » de modestie J’essaierai maintenant de répondre à la qu
299
la masse, qui les produit dans sa panique devant
une
liberté sans contenu. Il est des dictateurs de toutes sortes, il est
300
a panique devant une liberté sans contenu. Il est
des
dictateurs de toutes sortes, il est vrai, mais la prostitution leur e
301
type. Le dictateur n’est fort que de la faiblesse
des
autres, et sa grandeur est négative : il est le symbole des secrètes
302
, et sa grandeur est négative : il est le symbole
des
secrètes démissions que nous lui apportons pour faire nombre. Mais la
303
lui apportons pour faire nombre. Mais la force d’
un
Lawrence a sa source dans les seules exigences qu’il s’impose. Le dic
304
nces qu’il s’impose. Le dictateur est le parasite
des
maux publics. Lawrence n’a jamais rien demandé que de lui-même. Son p
305
e retenir de dénoncer dans cet usage, même légal,
un
abus. Forcer autrui sera toujours un viol, et s’il condamne ce viol,
306
même légal, un abus. Forcer autrui sera toujours
un
viol, et s’il condamne ce viol, c’est qu’il se veut intègre, au prix
307
e ce viol, c’est qu’il se veut intègre, au prix d’
un
sacrifice dont il reste le maître. Son héroïsme le plus réel est là :
308
: Révolution. On dirait qu’il a fait sur lui-même
une
étude de la résistance du matériel et du moral humain dans l’état où
309
lité moderne en tant que telle. Lawrence est dans
un
camp de la RAF quand il écrit cette lettre à Lionel Curtis, le 30 mai
310
té de ma peau, de la propreté de mes habits, et d’
une
certaine exactitude dans les évolutions physiques à l’exercice. Depui
311
s que je suis ici, il ne s’est présenté à moi pas
un
seul choix : tout est prescrit — à l’exception de cette possibilité t
312
; et la vie intellectuelle ; et la vie réceptive
des
sens ; et les assauts d’esprit. Autant d’échecs, et ma raison me dit
313
de l’effort commun. Pour moi, c’est la multitude
des
rudes chauffeurs de camion, couvrant chaque nuit toutes les routes de
314
Et ce que j’essayais, je crois, c’était de poser
une
superstructure d’idées sur tout ce que je faisais. Eh bien, en cela,
315
is engagé dans la RAF pour me mettre au service d’
une
entreprise mécanique, non pas comme un chef, mais comme un rouage dan
316
service d’une entreprise mécanique, non pas comme
un
chef, mais comme un rouage dans la machine. Le mot-clé, je pense, c’e
317
rise mécanique, non pas comme un chef, mais comme
un
rouage dans la machine. Le mot-clé, je pense, c’est machine… Je laiss
318
le soin de dire si j’ai bien ou mal choisi : l’un
des
avantages d’être une pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on
319
ai bien ou mal choisi : l’un des avantages d’être
une
pièce de la machine, c’est qu’on y apprend qu’on n’a pas d’importance
320
vir de repères pour ceux qui, parmi nous, faute d’
un
ordre acceptable, tentent de s’équilibrer dans le chaos. De repères,
321
de sa race, ne se situe dans nos problèmes que d’
une
manière fragmentaire, en des occasions si concrètes que la technique
322
nos problèmes que d’une manière fragmentaire, en
des
occasions si concrètes que la technique vécue, gage de son honnêteté,
323
de vue de nos débats politiques, pour se borner à
un
problème brûlant, qu’est-il possible d’inférer de son exemple ? Les c
324
-t-il l’accuser d’inconséquence ? Le problème est
un
peu différent. Sans aucun doute, la morale qu’il professe, au terme d
325
n expérience de douze années dans l’aviation, est
une
morale collectiviste. (L’effort commun qui porte le progrès ; n’être
326
(L’effort commun qui porte le progrès ; n’être qu’
un
rouage numéroté ; apprendre à se compter pour rien ; trouver la paix
327
itique collectiviste. Que reste-t-il à faire pour
un
tel homme ? Je le cite encore : « Les idéaux d’une politique sont de
328
un tel homme ? Je le cite encore : « Les idéaux d’
une
politique sont de ces choses qui vous montent à la tête : leur traduc
329
omis avec la structure sociale qui en résulte est
un
travail de second ordre. Je n’ai rien rencontré de plus honnête et dé
330
s politiques — mais je me ferais plutôt balayeur.
Un
nihilisme décent, c’est ce que j’espère, en général. Je pense qu’un p
331
t, c’est ce que j’espère, en général. Je pense qu’
un
pays bien constitué comme le nôtre, peut se permettre 1 % de monistes
332
’hui. Je hais les meubles. » Qu’on ne voie pas là
une
dérobade devant le grand choix politique de ce siècle : démocratie ou
333
émocratie ou totalitarisme. Ces petites phrases d’
un
humour cynique, bien que jetées dans une lettre hâtive, traduisent un
334
phrases d’un humour cynique, bien que jetées dans
une
lettre hâtive, traduisent une attitude mûrie. C’est la morale du Chât
335
ien que jetées dans une lettre hâtive, traduisent
une
attitude mûrie. C’est la morale du Château de Kafka, la ligne de repl
336
e de repli (devant les problèmes métaphysiques) d’
un
homme qui a raté ses « sorties » et pour lequel il n’est plus d’autre
337
l il n’est plus d’autre solution que de s’assurer
une
petite place dans la cité, un rôle utile dans ce monde qu’il juge ass
338
n que de s’assurer une petite place dans la cité,
un
rôle utile dans ce monde qu’il juge assez absurde — par excès de cons
339
u’on nous montre où nous en sommes et ce que peut
un
homme sans la foi, Lawrence nous l’a montré avec un grand courage, et
340
homme sans la foi, Lawrence nous l’a montré avec
un
grand courage, et surtout sans le moindre souci d’être un exemple ou
341
courage, et surtout sans le moindre souci d’être
un
exemple ou d’enseigner : de là vient sa sincérité, à travers tant de
342
suivre. Le nihilisme, si « décent » soit-il, est
une
faible défense contre les monstres de ce temps. Bien plus : objective
343
i qu’il nous apprend au moins à n’en pas attendre
des
hommes. Nous demandons trop aux écrivains. En sommes, nous attendons
344
ance de ce parallèle pourraient être appuyées par
des
documents précis et par des citations fréquentes tirées des livres ou
345
ent être appuyées par des documents précis et par
des
citations fréquentes tirées des livres ou des lettres des deux hommes
346
nts précis et par des citations fréquentes tirées
des
livres ou des lettres des deux hommes. J’ai dû me borner à les paraph
347
par des citations fréquentes tirées des livres ou
des
lettres des deux hommes. J’ai dû me borner à les paraphraser, les let
348
tions fréquentes tirées des livres ou des lettres
des
deux hommes. J’ai dû me borner à les paraphraser, les lettres de Sain
349
ranquille dans son cottage, eût pu être tenté par
une
œuvre analogue, transposition lyrique et « littéraire » des expérienc
350
analogue, transposition lyrique et « littéraire »
des
expériences de l’homme d’action. Mais on sait que Churchill le destin
351
action. Mais on sait que Churchill le destinait à
des
fonctions militaires importantes, que la guerre l’eût sans doute cont
352
d’accepter. Au total, Saint-Exupéry fut davantage
un
écrivain, Lawrence un agent de l’Histoire. g. Rougemont Denis de,
353
Saint-Exupéry fut davantage un écrivain, Lawrence
un
agent de l’Histoire. g. Rougemont Denis de, « Prototype T.E.L. »,
354
eure de l’impatience (mars 1952)h Ce n’est pas
un
pamphlétaire irresponsable, c’est un homme politique avisé et mieux a
355
Ce n’est pas un pamphlétaire irresponsable, c’est
un
homme politique avisé et mieux averti que quiconque, Paul-Henri Spaak
356
’hémicycle de Strasbourg : « L’Europe vit, depuis
des
années, de la peur des Russes et de la charité des Américains ! » Tra
357
g : « L’Europe vit, depuis des années, de la peur
des
Russes et de la charité des Américains ! » Traduisons, maintenant, ce
358
es années, de la peur des Russes et de la charité
des
Américains ! » Traduisons, maintenant, ce cri d’alarme en chiffres dû
359
ne, en millions d’habitants : « 320 vivent depuis
des
années dans la peur de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’
360
de 210 et de la charité de 150. » On souhaite qu’
une
telle constatation apparaisse plus choquante encore que surprenante.
361
elle éclaire si crûment s’explique d’ailleurs par
des
raisons connues de chacun. Tout d’abord, les Européens refusent de se
362
pris l’habitude de se sentir Européens. Au lieu d’
un
bloc à peu près aussi grand que les deux autres additionnés, voici do
363
ditionnés, voici donc vingt petits pays, dont pas
un
seul n’est à l’échelle du siècle. Il semble évident que leur union re
364
. Il semble évident que leur union renverserait d’
un
coup la situation. Tout les y pousse : la logique de l’Histoire comme
365
ison comme les rêves. Qu’est-ce qui les retient ?
Une
sorte de myopie de la mémoire et du jugement. Ils tirent prétexte de
366
er, et qu’ils ont deux-mille ans d’usage commun d’
un
héritage que le reste de la Terre jalouse. Ils tirent prétexte des in
367
le reste de la Terre jalouse. Ils tirent prétexte
des
intérêts à court terme de leurs États, mais ils oublient qu’ils forme
368
de leurs États, mais ils oublient qu’ils forment
un
seul corps, et qu’il est fou d’essayer de sauver un seul organe au dé
369
seul corps, et qu’il est fou d’essayer de sauver
un
seul organe au détriment des autres. Le cœur ni le poumon ne vivraien
370
u d’essayer de sauver un seul organe au détriment
des
autres. Le cœur ni le poumon ne vivraient isolés, et leur santé dépen
371
oumon ne vivraient isolés, et leur santé dépend d’
une
bonne circulation. Enfin, rien n’est plus clair au monde que la néces
372
rovoquer. Europe, jadis, fut enlevée à l’Asie par
une
fougueuse divinité de l’Occident : Jupiter changé en Taureau. On nous
373
isque à nouveau d’être séduite, cette fois-ci par
un
Ours, ou par un Aigle. Craignons plutôt le prudent idéal de certains
374
d’être séduite, cette fois-ci par un Ours, ou par
un
Aigle. Craignons plutôt le prudent idéal de certains députés de Stras
375
députés de Strasbourg : l’enlèvement d’Europe par
un
escargot ! La prudence a montré ce qu’elle savait faire. Si l’on veut
376
ce. Je n’imagine pas de meilleur mot d’ordre pour
une
Campagne européenne de la jeunesse. h. Rougemont Denis de, « L’heu
377
e (octobre 1952)i Je vais limiter mon exposé à
un
seul thème, un thème-cathédrale : l’Europe. La thèse que je vais déve
378
)i Je vais limiter mon exposé à un seul thème,
un
thème-cathédrale : l’Europe. La thèse que je vais développer rapideme
379
i ont fait l’Europe jouaient, à d’autres époques,
un
rôle différent de celui qu’ils auraient maintenant. Je ne ferai pas d
380
avant le Moyen Âge, l’Europe s’est faite à partir
des
seuls foyers de culture existants : les couvents. Comment la culture
381
hommes publics : princes, magistrats, légistes. À
un
stade nouveau, l’éducation du peuple était faite par ces institutions
382
tutions, les sermons entendus à l’Église, et tout
un
courant de connaissances orales, car les textes écrits n’avaient pas
383
foyer de culture à la masse de la population par
une
série de maillons successifs que je vous rappelle : la méditation se
384
on se formulant en écrits, l’enseignement formant
des
clercs, ceux-ci créant les institutions et répandant la sagesse commu
385
lture entre toutes les classes de la population ;
une
commune mesure existait entre les riches, les clercs et le peuple. To
386
. Tout est changé aujourd’hui. Nous sommes devant
une
situation complètement différente. La culture actuelle est élaborée p
387
différente. La culture actuelle est élaborée par
des
individus — plus rarement par de petites équipes de chercheurs ; puis
388
petites équipes de chercheurs ; puis coulée dans
des
moules uniformes : [par]j l’école, le livre, la revue, le journal, el
389
diffusion la rendent abstraite. Elle se heurte à
des
obstacles qui sont : la division de la population en classes sociales
390
angage, la division en nations, qui existe depuis
une
centaine d’années, la division en langues, qui joue un rôle beaucoup
391
e. Il n’existe guère aujourd’hui dans nos pays qu’
une
seule forme de culture commune à tout le monde, sans distinction de c
392
l’image : cinéma, télévision, « comics” illustrés
des
journaux. C’est une forme de diffusion facile, qui ne connaît pas de
393
lévision, « comics” illustrés des journaux. C’est
une
forme de diffusion facile, qui ne connaît pas de frontières et ne néc
394
ations et langues est de faire perdre le bénéfice
des
moyens de diffusion de la culture et d’empêcher son unité. Des concep
395
diffusion de la culture et d’empêcher son unité.
Des
conceptions différentes se forment ; le même terme change de sens en
396
rment ; le même terme change de sens en passant d’
une
classe sociale à l’autre. Finalement, la culture humaniste, née comme
397
utre. Finalement, la culture humaniste, née comme
une
création commune de l’Europe, se fragmente en toutes sortes de petits
398
morceaux. On ne peut plus dire : l’Europe, c’est
une
forme de culture, la substance de la culture est ignorée de la masse
399
a substance de la culture est ignorée de la masse
des
populations, comme l’est le sens de l’Europe. Pourtant, cette culture
400
ouver aujourd’hui sa fonction éducatrice : former
des
hommes et des communautés ? Comment faire renaître « L’Europe-Culture
401
hui sa fonction éducatrice : former des hommes et
des
communautés ? Comment faire renaître « L’Europe-Culture ». Là, se pos
402
e pose le vrai problème de vos foyers de culture.
Un
foyer constitue le lieu de rencontre entre l’essence de la culture et
403
ieu de rencontre entre l’essence de la culture et
une
situation locale bien définie, les problèmes d’urbanisme, d’éducation
404
pulaire, de questions sociales y sont évoqués par
des
hommes de classes différentes et de niveaux intellectuels divers, mai
405
de niveaux intellectuels divers, mais réunis par
des
préoccupations communes. Ainsi je vois l’activité des foyers de cultu
406
préoccupations communes. Ainsi je vois l’activité
des
foyers de culture s’insérer dans ce grand phénomène historique, capab
407
ouve inséré. Faire l’Europe, c’est d’abord former
des
hommes. Tout le reste est affaire d’ingénieurs ou d’hommes politiques
408
pas ici. ⁂ Je voudrais maintenant vous présenter
un
certain nombre de thèmes : 1° Il n’est pas possible que la culture pu
409
former ou modifier la réalité — en se limitant à
un
groupe local. La culture est par essence internationale, universelle
410
e et non pas nationale ni régionale. Elle suppose
des
échanges multiples entre les classes sociales et les peuples. Née his
411
les. Née historiquement de ces échanges, fruits d’
une
grande circulation commune à toute l’Europe, elle est destinée, sans
412
ef délai. 2° Il n’y a pas de culture vivante sans
une
incarnation, une implantation locale. Un foyer local ne peut être app
413
’y a pas de culture vivante sans une incarnation,
une
implantation locale. Un foyer local ne peut être appelé foyer de cult
414
te sans une incarnation, une implantation locale.
Un
foyer local ne peut être appelé foyer de culture que s’il réalise à l
415
ération active. Eux, et eux seuls, peuvent donner
un
contenu humain à la construction de l’idée européenne ; vie et chaleu
416
3° Il ne faut pas que l’Europe se fabrique comme
un
immense trust super-étatique, construction sans âme, bureaucratie, in
417
préhensible aux masses, qui prépare pour l’avenir
une
sorte d’uniformité du cadre de la vie matérielle. Cela risque d’arriv
418
déralisme, au sens doctrinal ; le fédéralisme est
une
tension permanente — pour ne pas dire une contradiction — entre le mo
419
sme est une tension permanente — pour ne pas dire
une
contradiction — entre le mouvement vers l’union et les autonomies loc
420
evons être en garde constamment d’une part contre
une
espèce de mystique régionaliste, d’autre part contre une tentation d’
421
èce de mystique régionaliste, d’autre part contre
une
tentation d’internationalisme qui voudrait supprimer toutes diversité
422
s lutterons contre ces déviations de l’esprit par
une
pratique de la circulation des idées et des personnes entre les commu
423
ns de l’esprit par une pratique de la circulation
des
idées et des personnes entre les communautés locales et l’ensemble de
424
t par une pratique de la circulation des idées et
des
personnes entre les communautés locales et l’ensemble de l’Europe. Vo
425
ture ne s’est jamais faite par les nations, c’est
une
plaisanterie, une thèse sans fondement racontée dans les livres d’éco
426
is faite par les nations, c’est une plaisanterie,
une
thèse sans fondement racontée dans les livres d’école depuis cent ans
427
yer local directement à l’Europe. Pour en venir à
des
propositions plus pratiques, je proposerai que s’établisse un réseau
428
ons plus pratiques, je proposerai que s’établisse
un
réseau européen de distribution de livres, de brochures, de revues, d
429
stamment alimenté par cette Communauté européenne
des
foyers de culture, dont nous avons adopté le nom avant-hier. Je verra
430
— et je voudrais qu’il le fasse expressément par
un
vœu formulé si possible ici — de devenir un centre de diffusion local
431
t par un vœu formulé si possible ici — de devenir
un
centre de diffusion locale de ce matériel européen, si vous permettez
432
s permettez cette expression. Chaque foyer serait
une
sorte de haut-parleur diffusant l’idée de l’Europe, et, en même temps
433
diffusant l’idée de l’Europe, et, en même temps,
un
champ d’expérience pour des réalisations concrètes. Pour être valable
434
pe, et, en même temps, un champ d’expérience pour
des
réalisations concrètes. Pour être valables, celles-ci ont besoin d’êt
435
rganisations au niveau européen, comme le Conseil
des
communes d’Europe, par exemple ; le Centre européen de la culture peu
436
e à la disposition de cette Communauté européenne
des
foyers de culture tout d’abord ses plans de causeries — je crois qu’o
437
e sont de petits plans de 5 ou 6 pages, englobant
une
vingtaine de sujets différents concernant la vie européenne et conten
438
concernant la vie européenne et contenant chacun
un
thème, quelques arguments, quelques chiffres, quelques rappels histor
439
iffres, quelques rappels historiques permettant à
une
personne de faire, sans préparation, une causerie suffisamment docume
440
ettant à une personne de faire, sans préparation,
une
causerie suffisamment documentée, d’une heure ou d’une demi-heure. En
441
paration, une causerie suffisamment documentée, d’
une
heure ou d’une demi-heure. En collaboration avec la Campagne européen
442
auserie suffisamment documentée, d’une heure ou d’
une
demi-heure. En collaboration avec la Campagne européenne de la jeunes
443
. Ensuite, nous pourrions mettre en circulation d’
une
manière périodique une sorte de fiche bibliographique comportant des
444
ns mettre en circulation d’une manière périodique
une
sorte de fiche bibliographique comportant des listes d’ouvrages récem
445
que une sorte de fiche bibliographique comportant
des
listes d’ouvrages récemment parus, avec les moyens de se les procurer
446
s offrons aussi de faire circuler dans vos foyers
des
listes de conférenciers, choisis dans tous les pays européens, avec l
447
nt déjà prévus. Ces conférenciers ne seraient pas
des
professeurs d’éloquence ni des hommes politiques, mais des écrivains,
448
rs ne seraient pas des professeurs d’éloquence ni
des
hommes politiques, mais des écrivains, des explorateurs, des cinéaste
449
sseurs d’éloquence ni des hommes politiques, mais
des
écrivains, des explorateurs, des cinéastes, des pédagogues, des médec
450
nce ni des hommes politiques, mais des écrivains,
des
explorateurs, des cinéastes, des pédagogues, des médecins, des psycho
451
politiques, mais des écrivains, des explorateurs,
des
cinéastes, des pédagogues, des médecins, des psychologues, des ingéni
452
s des écrivains, des explorateurs, des cinéastes,
des
pédagogues, des médecins, des psychologues, des ingénieurs et, pourqu
453
des explorateurs, des cinéastes, des pédagogues,
des
médecins, des psychologues, des ingénieurs et, pourquoi pas, des spor
454
urs, des cinéastes, des pédagogues, des médecins,
des
psychologues, des ingénieurs et, pourquoi pas, des sportifs. Au Centr
455
, des pédagogues, des médecins, des psychologues,
des
ingénieurs et, pourquoi pas, des sportifs. Au Centre de la culture, n
456
es psychologues, des ingénieurs et, pourquoi pas,
des
sportifs. Au Centre de la culture, nous avons en préparation une Comm
457
u Centre de la culture, nous avons en préparation
une
Commission d’hygiène et de psychologie sportive. Quelques personnes c
458
champions du monde — sont prêtes à faire le tour
des
foyers de culture, si on les y invite, pour parler de leurs expérienc
459
nvite, pour parler de leurs expériences et lancer
des
groupes intéressés par ces questions passionnantes d’hygiène et de ps
460
: nous pourrions faire circuler parmi les foyers
une
sorte de lettre circulaire d’information sur l’état actuel de l’organ
461
ibilités d’action à mener. Nous offrons d’établir
des
contacts entre la Communauté européenne des foyers de culture et notr
462
ablir des contacts entre la Communauté européenne
des
foyers de culture et notre organisation, qui comprend des association
463
rs de culture et notre organisation, qui comprend
des
associations des guildes du livre, des clubs européens, et des festiv
464
notre organisation, qui comprend des associations
des
guildes du livre, des clubs européens, et des festivals de musique. C
465
i comprend des associations des guildes du livre,
des
clubs européens, et des festivals de musique. Ceux-ci groupent, à l’h
466
ons des guildes du livre, des clubs européens, et
des
festivals de musique. Ceux-ci groupent, à l’heure actuelle, 15 des pl
467
musique. Ceux-ci groupent, à l’heure actuelle, 15
des
plus grands festivals de musique européenne. En nouant des liens avec
468
grands festivals de musique européenne. En nouant
des
liens avec eux, il serait possible de monter des représentations grat
469
des liens avec eux, il serait possible de monter
des
représentations gratuites pour jeunes ou membres de nos foyers. Je si
470
os foyers. Je signale également notre Association
des
instituts d’études européennes, dont les résultats sont remarquables.
471
nfin, il y aurait lieu d’étudier, me semble-t-il,
une
sorte d’organisation de voyages et d’échanges, comme celle établie pa
472
lle par exemple du Chantier européen, qui établit
des
sentiers allant du nord de l’Écosse au sud de l’Italie ; il serait in
473
yers où les voyageurs pourraient s’arrêter. Voici
une
belle idée de circulation à travers l’Europe — et pas seulement pour
474
t pas seulement pour les jeunes, car il y a aussi
des
vieillards qui marchent —, avec comme relais les foyers de culture. V
475
ous prenne l’habitude de lui écrire pour suggérer
des
actions pratiques ou formuler des critiques fécondes. On risque toujo
476
e pour suggérer des actions pratiques ou formuler
des
critiques fécondes. On risque toujours de tomber dans l’abstrait ; et
477
re la plaque tournante de vos foyers, leur forum.
Un
dernier mot : on a parlé tout à l’heure de culture populaire. Je ne c
478
de culture populaire. Je ne crois pas qu’il y ait
une
culture populaire, comme je ne crois pas aux cultures nationales. Il
479
Il y a la culture, qu’il s’agit d’implanter dans
des
sols différents avec des méthodes qui peuvent différer, être populair
480
s’agit d’implanter dans des sols différents avec
des
méthodes qui peuvent différer, être populaires ou universitaires. C’e
481
ifférer, être populaires ou universitaires. C’est
une
grande tâche des foyers de contribuer à effacer cette distinction, à
482
ulaires ou universitaires. C’est une grande tâche
des
foyers de contribuer à effacer cette distinction, à faire que le mot
483
luxe intellectuel. Il faut qu’ils coopèrent dans
un
effort général pour donner au mot culture un contenu de vitalité huma
484
dans un effort général pour donner au mot culture
un
contenu de vitalité humaine, de création, d’ouverture vers l’avenir,
485
erture vers l’avenir, de liberté. Hier, j’ai reçu
une
lettre parlant des foyers où l’on disait : « j’espère que dans un foy
486
r, de liberté. Hier, j’ai reçu une lettre parlant
des
foyers où l’on disait : « j’espère que dans un foyer la maison seule
487
t des foyers où l’on disait : « j’espère que dans
un
foyer la maison seule ne compte pas, ni la mystique locale, c’est la
488
ser les tournois de ping-pong. Elles sont là pour
des
activités récréatives, bien entendu, mais surtout pour des activités
489
ités récréatives, bien entendu, mais surtout pour
des
activités créatrices, créatrices de quoi ? d’hommes à la fois libres
490
lliers de Foyers de Culture dont vous représentez
un
grand nombre. Je dirai, en terminant, que j’ai grande confiance depui
491
M. René-Henri Wüst a relaté ici, le 1er novembre,
un
entretien qu’il eut avec le professeur William Rappard. Les vues pers
492
rlocuteur de notre confrère ont ouvert la porte à
un
vaste débat sur ce sujet de la constitution de l’Europe et de la posi
493
i les propos que nous avons recueillis au cours d’
un
entretien avec M. de Rougemont. Laissez-moi commencer par dire que je
494
Rappard. Ce que je préconise, ce n’est certes pas
une
européanisation de la Suisse, mais bien au contraire une helvétisatio
495
opéanisation de la Suisse, mais bien au contraire
une
helvétisation de l’Europe, c’est-à-dire d’une Europe qui s’inspirerai
496
ire une helvétisation de l’Europe, c’est-à-dire d’
une
Europe qui s’inspirerait de l’expérience fédéraliste suisse. Or, ce q
497
plan Schuman a été installée à Luxembourg : c’est
un
fait, elle existe, et Anglais et Scandinaves — qui furent ses adversa
498
les plus absolus — n’ont pas tardé à lui envoyer
des
ambassadeurs comme à tout autre gouvernement souverain, et le Danemar
499
it le professeur Rappard, qui ajoutait : L’idée d’
une
fédération européenne est maintenant une idée américaine, qui aurait
500
L’idée d’une fédération européenne est maintenant
une
idée américaine, qui aurait trouvé son expression dans le discours pr
501
’administrateur du plan Marshall. C’est peut-être
une
idée américaine pour les Américains, mais pour nous ? C’est un peu vi
502
caine pour les Américains, mais pour nous ? C’est
un
peu vite oublier la Pan-Europe du comte Coudenhove-Kalergi, et le pro
503
it prononcé son discours, donc avant que l’idée d’
une
fédération européenne soit devenue américaine, M. Rappard avait encor
504
t devenue américaine, M. Rappard avait encore été
un
des délégués suisses à la conférence de Londres, en 1949. Ainsi donc,
505
evenue américaine, M. Rappard avait encore été un
des
délégués suisses à la conférence de Londres, en 1949. Ainsi donc, et
506
t dans l’activité même du directeur de l’Institut
des
hautes études, pour démontrer que l’idée de l’Europe n’a pas attendu
507
la Suisse moderne. Ah ! oui ? Vous voulez parler
des
traditions communes des Vaudois et des Bernois, je pense ? Longue tra
508
oui ? Vous voulez parler des traditions communes
des
Vaudois et des Bernois, je pense ? Longue tradition en effet… comme c
509
lez parler des traditions communes des Vaudois et
des
Bernois, je pense ? Longue tradition en effet… comme celle qui « unis
510
ux-là, la France et l’Allemagne en ont également.
Des
traditions communes ? Entre les cantons-villes et les cantons-campagn
511
urquoi pas l’Europe ? Les Européens n’ont-ils pas
des
traditions communes que les Suisses n’avaient pas ? L’Europe est tout
512
deux-mille ans d’existence quand les montagnards
des
trois pays firent alliance en 1291. Non plus des projets… Oui,
513
s trois pays firent alliance en 1291. Non plus
des
projets… Oui, mais malgré cette antiquité, et pour reprendre une d
514
i, mais malgré cette antiquité, et pour reprendre
une
des affirmations du professeur Rappard, « cette Europe ne connaît mêm
515
ais malgré cette antiquité, et pour reprendre une
des
affirmations du professeur Rappard, « cette Europe ne connaît même pa
516
appard, « cette Europe ne connaît même pas encore
un
début de véritable réalisation ». Mais c’est nier l’évidence même, et
517
n Marshall ! Quant au plan Schuman, ce n’est plus
un
projet mais une réalisation en cours… Non, voyez-vous, ces arguments
518
ant au plan Schuman, ce n’est plus un projet mais
une
réalisation en cours… Non, voyez-vous, ces arguments ne sont pas séri
519
ous, ces arguments ne sont pas sérieux. … mais
des
réalités économiques Il en est d’autres cependant qui ne peuvent n
520
ger de la viabilité de l’Europe d’après le volume
des
échanges de la Suisse ! Mais à notre point de vue, ce 40 % est-il vra
521
et l’argument de cette finis Helvetiae me semble
un
rien démagogique. Non, rien ne sera fait contre nous si nous gardons
522
on, rien ne sera fait contre nous si nous gardons
un
contact actif au lieu de nous contenter de traiter de chimère ce plan
523
plus. Je ne sache pas que le Royaume-Uni ait joué
un
grand rôle dans la constitution de la Suisse, ou que l’Amérique du No
524
on de la Suisse, ou que l’Amérique du Nord ait eu
une
grande influence sur le cours de notre histoire. Et si cela était, et
525
Rappard l’idée de cette fédération européenne est
une
idée américaine, notre adhésion à l’Europe unie ne pourrait que combl
526
même sur le plan économique ? Et sa comparaison d’
un
Sonderbund européen me semble tout aussi erronée. Cette fédération n’
527
le tout aussi erronée. Cette fédération n’est pas
une
ligue séparée, elle n’est pas en révolte contre une ligue plus vaste
528
e ligue séparée, elle n’est pas en révolte contre
une
ligue plus vaste : elle est un début, et non seulement elle ne s’oppo
529
en révolte contre une ligue plus vaste : elle est
un
début, et non seulement elle ne s’oppose pas à ce que d’autres pays l
530
s elle le souhaite. Elle n’est pas plus opposée à
une
fédération plus vaste que la Confédération des huit ou des treize can
531
à une fédération plus vaste que la Confédération
des
huit ou des treize cantons ne pouvait être opposée à celle des vingt-
532
ation plus vaste que la Confédération des huit ou
des
treize cantons ne pouvait être opposée à celle des vingt-deux cantons
533
es treize cantons ne pouvait être opposée à celle
des
vingt-deux cantons. Et pourquoi pas l’Europe ? La France, l’All
534
t de se méfier… que de s’aimer et de se fondre en
une
seule patrie commune, constate M. Rappard. Eh ! oui. Un grand économi
535
le patrie commune, constate M. Rappard. Eh ! oui.
Un
grand économiste anglais, Josiah Tucker, doyen de Gloucester, n’écriv
536
ah Tucker, doyen de Gloucester, n’écrivait-il pas
un
an avant l’adoption par les États-Unis de leur constitution fédérale
537
rme républicaine, soit sous la forme monarchiste,
une
grande puissance, constitue une rêverie extrêmement ingénieuse, mais
538
orme monarchiste, une grande puissance, constitue
une
rêverie extrêmement ingénieuse, mais beaucoup plus illusoire que tout
539
aucoup plus illusoire que toutes les inventions d’
un
romancier. Les antipathies réciproques et les intérêts contradictoire
540
thies réciproques et les intérêts contradictoires
des
Américains, les différences qui existent entre leurs gouvernements, l
541
ments, leurs usages, leurs habitudes nous donnent
une
certitude, c’est qu’ils ne pourront jamais trouver un centre d’union
542
ertitude, c’est qu’ils ne pourront jamais trouver
un
centre d’union et un seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrag
543
s ne pourront jamais trouver un centre d’union et
un
seul intérêt commun » ! Et dans un de ses ouvrages, M. Rappard ne man
544
tre d’union et un seul intérêt commun » ! Et dans
un
de ses ouvrages, M. Rappard ne manque pas de relever, avec l’ironie q
545
é ? Reste le problème de notre neutralité dans
une
fédération européenne ? Reconnaissons qu’à suivre les suggestions de
546
ivre les suggestions de M. Rappard, elle courrait
un
grave danger. Ne dit-il pas en effet : « Au lieu d’isoler quelques pa
547
re-Manche et d’outre-mer, en cherchant à en faire
une
seule et même patrie, ne vaudrait-il pas mille fois mieux les unir to
548
udrait-il pas mille fois mieux les unir tous dans
une
seule et même alliance ? » Alors quoi : est-ce à dire que nous devion
549
aborer sur le plan européen. À nous de rechercher
une
adaptation. Mais ce que je trouve le plus étonnant dans ces déclarati
550
La Suisse, Genève, 14 novembre 1952, p. 1-2. l.
Une
erreur s’est manifestement glissée ici, le projet Briand d’union euro
551
e. On me demande : laquelle ? — Eh bien, l’Europe
des
Six, l’Europe de Luxembourg, la Haute Autorité, que certains nomment
552
les ! De cette Europe, vous commencez par laisser
une
moitié derrière le rideau de fer. De la moitié restante, le Conseil d
553
ction et je m’explique. Tout d’abord, vous faites
une
erreur en répétant que le rideau de fer coupe notre Europe par le mil
554
, contre 332 millions à l’ouest. Ce n’est donc qu’
un
peu plus d’un cinquième des Européens que nous perdons, provisoiremen
555
uest. Ce n’est donc qu’un peu plus d’un cinquième
des
Européens que nous perdons, provisoirement, du côté est. Et le meille
556
e les ramener parmi nous sera sans doute de créer
un
noyau dense et riche d’Europe unie, qui exercera sur eux une puissant
557
ense et riche d’Europe unie, qui exercera sur eux
une
puissante attraction. Ensuite, avez-vous bien compté que les six pays
558
six pays de la Haute Autorité font tous ensemble
un
peu plus de 155 millions d’habitants ? Si vous appelez ce groupe la «
559
», disait l’autre jour Jean Monnet, parlez aussi
des
petits États-Unis qui ont tout juste autant d’habitants, ou de la pet
560
Valéry faisait remarquer que si l’on mettait dans
un
plateau de la balance l’Empire des Indes, dans l’autre le Royaume-Uni
561
on mettait dans un plateau de la balance l’Empire
des
Indes, dans l’autre le Royaume-Uni, le plateau chargé du plus petit n
562
d’habitants pencherait. Il faut donc tenir compte
des
richesses naturelles et de la production matérielle. Or, on peut véri
563
charbon, de l’acier et de l’électricité, l’Europe
des
Six est la deuxième puissance du monde : elle vient tout de suite apr
564
Les six pays que groupe la Haute Autorité forment
une
unité de civilisation et culture inégalée dans le monde moderne. Ils
565
monde moderne. Ils ont fait à eux seuls, au cours
des
siècles et grâce à leurs échanges continuels d’idées de procédés, de
566
l’architecture européennes. Et la majeure partie
des
sciences. Et les plus grandes philosophies. Le rayonnement de leurs é
567
que les Six aient décidé de vivre désormais dans
un
vase clos. La « Petite Europe » a cherché son salut dans l’union. Ell
568
le fait accompli, ont envoyé dès le premier jour,
une
ambassade auprès de la Haute Autorité. Les Suédois et peut-être demai
569
intérêts. Quant à ceux qui s’en vont répétant qu’
un
noyau fédéral fait obstacle à une fédération plus étendue, ils ont co
570
vont répétant qu’un noyau fédéral fait obstacle à
une
fédération plus étendue, ils ont contre eux les leçons de l’Histoire
571
Grandeur de la Petite Europe », La IVe République
des
Pyrénées, Pau, 5 décembre 1952, p. 1-2.
572
issement de cette initiative. Si la musique reste
une
création spécifique de l’Europe, le théâtre est un langage mondial, m
573
e création spécifique de l’Europe, le théâtre est
un
langage mondial, mais qui exprime mieux que tout autre le rythme inti
574
i exprime mieux que tout autre le rythme intime d’
une
civilisation. Le décor a pris en Europe, depuis la Renaissance italie
575
pe, depuis la Renaissance italienne et française,
une
importance que le drame sacré japonais ou hindou ne pouvait lui accor
576
ues mais de cinq siècles de peinture occidentale.
Une
exposition de photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos fest
577
pèlerinage de nos festivals de musique offre donc
un
instantané saisissant de l’état présent des arts en Occident. Une diz
578
e donc un instantané saisissant de l’état présent
des
arts en Occident. Une dizaine de pays prennent part à ce concours. Be
579
aisissant de l’état présent des arts en Occident.
Une
dizaine de pays prennent part à ce concours. Belle occasion pour les
580
ience de ce fait que l’art n’est pas le produit d’
une
nation mais de toute une culture, — ici l’européenne. Quelques grands
581
t n’est pas le produit d’une nation mais de toute
une
culture, — ici l’européenne. Quelques grands thèmes ou archétypes exp
582
me on peut comparer dans nos musées l’évolution d’
un
grand sujet au cours des âges, de l’Italie aux Pays-Bas, puis à la Fr
583
nos musées l’évolution d’un grand sujet au cours
des
âges, de l’Italie aux Pays-Bas, puis à la France, puis à l’Allemagne
584
e Europe : celle qui se réalise dans la diversité
des
langages, des écoles, des sensibilités. Et c’est cela que notre union
585
le qui se réalise dans la diversité des langages,
des
écoles, des sensibilités. Et c’est cela que notre union doit préserve
586
alise dans la diversité des langages, des écoles,
des
sensibilités. Et c’est cela que notre union doit préserver, pour les
587
mp; Federmann, 1953, p. 1-3. o. Non paginé, avec
des
traductions italienne, allemande, anglaise et hollandaise.
588
premiers textes de Kassner, lus en français dans
une
précieuse et simple traduction (de Jean Paulhan et Bernard Groethuyse
589
émorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans,
un
seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’avoir compris ce qui
590
s ce qui était dit, j’avais reconnu la grandeur d’
un
ton, d’un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper
591
tait dit, j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’
un
style, d’une impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper la scène
592
avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style, d’
une
impatience rigoureuse. Une manière « d’occuper la scène » en trois ré
593
’un ton, d’un style, d’une impatience rigoureuse.
Une
manière « d’occuper la scène » en trois répliques, d’imposer une allu
594
’occuper la scène » en trois répliques, d’imposer
une
allure à la fois calme et circonspecte, n’admettant que des gestes pr
595
à la fois calme et circonspecte, n’admettant que
des
gestes précis et maîtrisés, puis de la briser soudain par une cascade
596
récis et maîtrisés, puis de la briser soudain par
une
cascade d’ellipses saisissantes qui laissaient le lecteur pantois, co
597
injonction du Sphinx : devine, ou je te dévore !
Une
constante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’exclusion. Seuls
598
te dévore ! Une constante énergie de l’énoncé. Et
une
grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent enco
599
ette parfaite assurance, mais par manie, au nom d’
une
mode ; ici, tout au contraire, la force simplificatrice, l’intoléranc
600
te faible, de l’adjectif incertain, et en général
des
complaisances « artistes » ou des clichés philosophiques, s’exerçaien
601
, et en général des complaisances « artistes » ou
des
clichés philosophiques, s’exerçaient en vertu d’une réflexion passion
602
s clichés philosophiques, s’exerçaient en vertu d’
une
réflexion passionnément originale. Et je tentais de décrire — dans le
603
on. Vingt ans plus tard, je la vois confirmée par
un
commerce rarement interrompu avec une œuvre dont la difficulté, préci
604
onfirmée par un commerce rarement interrompu avec
une
œuvre dont la difficulté, précisément, n’a pas cessé de me séduire et
605
se qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité
des
essais et dialogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur
606
r pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’
une
intention profondément délibérée. Car il s’agit ici d’une maïeutique,
607
ntion profondément délibérée. Car il s’agit ici d’
une
maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’h
608
’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner,
un
procédé de rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitu
609
ullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique,
une
manière de sauter les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle es
610
évidences ou platitudes intermédiaires. Elle est
un
acte de vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plusie
611
me sépare, non seulement elle oblige à les voir d’
un
œil neuf, mais encore elle excite à découvrir l’angle particulier sou
612
i « message ».) Elle propose donc à l’imagination
un
exercice spirituel, assez analogue, il me semble, à ceux qu’imposent
613
quieu, et il ajoute : « Ce qui fait ordinairement
une
grande pensée, c’est lorsqu’on dit une chose qui en fait voir un gran
614
inairement une grande pensée, c’est lorsqu’on dit
une
chose qui en fait voir un grand nombre d’autres, et qu’on nous fait d
615
e, c’est lorsqu’on dit une chose qui en fait voir
un
grand nombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout d’un coup ce
616
bre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout d’
un
coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. » A
617
’un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après
une
grande lecture. » Ainsi Kassner, dans ses dialogues. Chaque interlocu
618
s’oriente vers le mystère crucial. S’agirait-il d’
une
théologie ? Certainement non. Kassner veut voir. D’une gnose alors ?
619
héologie ? Certainement non. Kassner veut voir. D’
une
gnose alors ? On pourrait le penser. Mais ceux qui se font de la poés
620
ait le penser. Mais ceux qui se font de la poésie
une
idée finalement plus favorable au « Livre de Job » et aux proverbes z
621
t Commerce erschienenen Werke Rudolf Kassners : «
Des
éléments de la grandeur humaine », « La chimère », « Le lépreux », «
622
Des
conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement (janvier
623
s le commencement (janvier 1953)q r Les fins d’
une
civilisation ne sont pas visibles à son terme, et rien ne se passe ja
624
finissait par les atteindre : au contraire, quand
une
civilisation meurt, c’est justement qu’elle a perdu le sens de ses fi
625
lle renonce à les saisir. De même, les origines d’
une
civilisation ne doivent pas être recherchées dans son passé le plus r
626
nverse est aussi vrai. Ainsi de l’Europe, qui est
une
culture, foyer de toute la civilisation occidentale : ni dans le temp
627
Europe ne saurait être interprétée ni définie par
un
ensemble de mesures sacrées, encore moins par quelque système rendant
628
vie siècle. Ces options tracent les résultantes
des
apports grecs, romains, juifs et chrétiens, bi- et multilatéralement
629
ntagonismes, convergeant au carrefour hasardeux d’
une
Histoire née comme telle de trois mots du Credo : « sous Ponce Pilate
630
— fondait toute la logique antinomique, dont l’un
des
points d’éclatement naturel (ou diabolique) serait un jour Hiroshima
631
oints d’éclatement naturel (ou diabolique) serait
un
jour Hiroshima ; ni que le dogme de la Trinité — trois fonctions pers
632
e de la Trinité — trois fonctions personnelles en
un
seul Créateur — fondait ou refondait la dialectique et tout l’ensembl
633
it ou refondait la dialectique et tout l’ensemble
des
institutions juridiques, éthiques et sociales qui découlent de l’idée
634
, la sémantique la plus follement précise (puisqu’
un
iota bouleversait tout) se trouva définir, aux grands jours de Nicée,
635
aux grands jours de Nicée, le type de réalité que
des
siècles d’Europe entreprendraient de « vérifier » ou de reconnaître,
636
ie de leur archétype. La réalité se définit, pour
une
civilisation donnée, par le champ de recherches qu’instituent certain
637
vivant, intuitivement perçue par les aventuriers
des
arts, explique l’incertitude de leur vocabulaire. Adonnés à la même r
638
nt contradictoires et notoirement insuffisantes d’
un
acte de l’esprit qui est pourtant bien le même, mais qu’il nous reste
639
à définir. (Concevoir a deux sens aussi, mais en
un
mot.) 2) L’éclatement d’une bombe H vérifie cette harmonie préétablie
640
ux sens aussi, mais en un mot.) 2) L’éclatement d’
une
bombe H vérifie cette harmonie préétablie, ou ce mariage de notre esp
641
e se trouve justifier, par ailleurs, l’ambition d’
une
peinture dite abstraite, ambition qui n’est point ou ne doit pas être
642
ou ne doit pas être celle de coïncider, soit avec
des
structures préformées de notre esprit, soit avec quelque loi formatri
643
pelé. Mais il est en train de franchir le seuil d’
une
connaissance nouvelle. La découverte (ou l’invention ?) de l’antimati
644
ument et dont il vit. q. Rougemont Denis de, «
Des
conciles à la bombe atomique ou la fin dans le commencement », The Al
645
1953, p. 1. r. Le texte français est publié avec
une
traduction anglaise en regard. Introduit par la note suivante : « C’e
646
s la mesure où le christianisme a signifié la fin
des
religions et des magies, nées de la peur, qu’il a permis le développe
647
christianisme a signifié la fin des religions et
des
magies, nées de la peur, qu’il a permis le développement de la scienc
648
s défendre devant vous tient en deux phrases : 1.
Une
discussion sur l’abandon volontaire de notre neutralité serait aujour
649
traditionnelle, il faudrait que l’une ou l’autre
des
conditions suivantes soit donnée : — soit une attaque militaire contr
650
tre des conditions suivantes soit donnée : — soit
une
attaque militaire contre la Suisse, — soit une autorité fédérale de l
651
it une attaque militaire contre la Suisse, — soit
une
autorité fédérale de l’Europe à laquelle nous puissions adhérer. L’un
652
dans le premier cas, et dans le second cas, comme
une
conséquence accessoire de notre entrée dans un corps politique plus l
653
e une conséquence accessoire de notre entrée dans
un
corps politique plus large, entrée qui aurait été le véritable objet
654
raient les effets pratiques ? Dans l’état présent
des
choses et de l’opinion publique, chez nous et dans les pays voisins,
655
ion publique, chez nous et dans les pays voisins,
un
tel geste paraîtrait à la fois dénué de sagesse et d’efficacité. Il r
656
e ce terme. On ne voit donc pas d’objet concret à
une
discussion, aujourd’hui, sur l’abandon de notre neutralité. Dans ces
657
depuis le fin de la guerre, et menace de devenir
un
sujet de discorde entre les Confédérés ? Cela tient à deux causes bie
658
ure celle-là, qui est la manière dont la majorité
des
Suisses considèrent la neutralité : comme un tabou, non comme une mes
659
ité des Suisses considèrent la neutralité : comme
un
tabou, non comme une mesure politique. On nous dit : comment pouvez-v
660
idèrent la neutralité : comme un tabou, non comme
une
mesure politique. On nous dit : comment pouvez-vous rester neutres en
661
visés comme les autres peuples. Le stalinisme est
une
doctrine et une pratique expressément anti-européennes, or vous êtes
662
autres peuples. Le stalinisme est une doctrine et
une
pratique expressément anti-européennes, or vous êtes des Européens, d
663
tique expressément anti-européennes, or vous êtes
des
Européens, donc vous ne pouvez pas rester neutres entre l’Europe et s
664
arti stalinien ne peut réunir chez nous que 2,5 %
des
voix électorales. Le Conseil fédéral a pris des mesures de défense co
665
% des voix électorales. Le Conseil fédéral a pris
des
mesures de défense contre les staliniens (exclusions de fonctionnaire
666
e solide du continent, et que nous lui consacrons
une
proportion de notre budget national beaucoup plus forte que tous les
667
réelle ? Certes non. Notre neutralité est devenue
un
objet de discussions par la seule faute de ceux qui s’en réclament à
668
sse, c’est eux. Et dès lors la neutralité devient
un
problème épineux. J’aborde ici la seconde partie de ma thèse. II
669
e, en Suisse, à notre action. Je vous en donnerai
un
exemple. Le Centre européen de la culture, à Genève, s’est vu refuser
670
xtes allégués sont vagues, et leur sincérité pose
des
problèmes. Les vraies raisons de ces deux refus, je le sais, sont d’u
671
ies raisons de ces deux refus, je le sais, sont d’
un
ordre psychologique bien plus encore que politique : toute personne p
672
ans le domaine du « sacré », selon le vocabulaire
des
sociologues. La raison et le bon sens éclairé restent sans prises sur
673
éjugés. J’ai cité cet exemple précis pour définir
une
situation psychologique. Comment pourrons-nous la redresser ? Je vous
674
la redresser ? Je vous propose, pour aujourd’hui,
une
série de dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes d’une campagne
675
e dix arguments, qui peuvent fournir les thèmes d’
une
campagne efficace : Les fédéralistes ne demandent pas l’abandon de
676
t. Ils laissent aux communistes le soin de verser
des
larmes de crocodile sur cet abandon prétendu. Ils estiment que la neu
677
s estiment que la neutralité reste pour la Suisse
un
atout, qu’elle ne doit pas jouer sans d’impérieuses raisons. Les féd
678
au centre de l’Europe ; qu’elle a pris naissance
un
peu après le milieu de l’histoire de l’Europe ; que son sort dépend d
679
e rien ne s’oppose dans notre statut de neutres à
des
conversations avec la Haute-Autorité de Luxembourg, conversations que
680
ricains pour proclamer depuis 1933 la nécessité d’
une
Europe unie. Ils sont seuls à entretenir en Suisse des contacts étroi
681
urope unie. Ils sont seuls à entretenir en Suisse
des
contacts étroits avec les mouvements qui ont obtenu la création du no
682
ments qui ont obtenu la création du noyau fédéral
des
six pays du pool charbon-acier. Concernant la défense de l’Europe, le
683
ution fédérale peut et doit servir de modèle pour
une
Europe fédérée, dans le respect des diversités nationales, traditionn
684
e modèle pour une Europe fédérée, dans le respect
des
diversités nationales, traditionnelles ou récemment acquises. De plus
685
sont convaincus que notre neutralité peut rester
un
statut politique utile à la Suisse et non nuisible à l’Europe, jusqu’
686
mpatriotes, de cette vérité fondamentale, mais qu’
une
opinion somnolente et des magistrats aux vues courtes s’efforcent enc
687
é fondamentale, mais qu’une opinion somnolente et
des
magistrats aux vues courtes s’efforcent encore de ne pas regarder en
688
n Âge et elle avait atteint au début de ce siècle
une
espèce d’unité matérielle : le voyageur pouvait la traverser de Madri
689
enirs de deux guerres : où trouver dans tout cela
un
dénominateur commun, et que venez-vous parler d’union, quand l’unité
690
nalités, de partis politiques et d’intérêts, dans
une
espèce d’espéranto totalitaire… Cette vision pessimiste de notre sort
691
a fait croire que l’unité et la diversité étaient
des
réalités contradictoires ; que nos divisions nationales étaient sacré
692
de nos pays, sauvegardant leurs diversités, était
une
rêverie condamnable doublée d’une erreur de logique. Il est aisé de r
693
versités, était une rêverie condamnable doublée d’
une
erreur de logique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par un exe
694
ique. Il est aisé de répondre à ces sophismes par
un
exemple bien connu, et par un rappel à l’histoire. Logique ou non, la
695
à ces sophismes par un exemple bien connu, et par
un
rappel à l’histoire. Logique ou non, la Suisse existe, réfutation viv
696
précis et néfaste du terme, n’a sévi que pendant
un
siècle et demi sur les deux-mille ans de notre ère. Le phénomène de l
697
énomène de la nation fermée, imposant la limite d’
une
langue à des réalités toutes différentes, comme l’économie, les échan
698
nation fermée, imposant la limite d’une langue à
des
réalités toutes différentes, comme l’économie, les échanges, la défen
699
échanges, la défense, la géographie, se réduit à
une
tranche très mince de l’immense aventure humaine. Ce manque d’épaisse
700
nous rendre méfiants, lorsqu’il s’agit de porter
un
jugement sur l’avenir, comme dans le cas de l’union de l’Europe. Mais
701
ue la nation, au sens dix-neuviémiste du mot, est
une
forme d’association périmée à bien des égards. Il n’est pas une natio
702
u mot, est une forme d’association périmée à bien
des
égards. Il n’est pas une nation de l’Europe d’aujourd’hui qui puisse
703
sociation périmée à bien des égards. Il n’est pas
une
nation de l’Europe d’aujourd’hui qui puisse se dire indépendante, soi
704
nationales. Pour peu que l’on compare l’ensemble
des
pays de l’Europe à d’autres continents, comme l’Asie, l’Afrique ou l’
705
fférenciations récentes. Nous voyons tout d’abord
une
religion commune, avec toutes ses subdivisions qui portent un air de
706
commune, avec toutes ses subdivisions qui portent
un
air de famille. (Les textes des liturgies de communion romaine, angli
707
isions qui portent un air de famille. (Les textes
des
liturgies de communion romaine, anglicane, luthérienne et même calvin
708
peu de phrases près. Nous l’ignorons, mais c’est
un
fait.) Les réactions parfois violentes au christianisme (athéisme, an
709
a, du concerto, de la symphonie ou de la façade d’
un
palais. Nos modèles d’organisation de la vie sociale ou politique dér
710
« nationaux » par la science démodée de Herder et
des
romantiques mais dont la science actuelle tire au contraire ses meill
711
urope, n’ont jamais été nationales : elles furent
des
œuvres collectives, passant de foyers en écoles, du sud au nord, à l’
712
du sud au nord, à l’ouest puis à l’est, au cours
des
âges sans frontières. Et enfin, et surtout, ce que nous avons de comm
713
n, et surtout, ce que nous avons de commun, c’est
une
certaine passion de différer, une certaine manière de dire « moi », e
714
e commun, c’est une certaine passion de différer,
une
certaine manière de dire « moi », et de nous distinguer ainsi de la t
715
sance, et le rend différent de l’Hindou qui est d’
une
caste, de l’Africain qui est d’une tribu, non moins que du Soviétique
716
ndou qui est d’une caste, de l’Africain qui est d’
une
tribu, non moins que du Soviétique conditionné par les décrets du « d
717
. Au contraire, nos diversités redeviennent alors
un
trait fondamental du mode de vivre européen : chez nous seulement ell
718
nuels d’histoire, le journal par son exploitation
des
préjugés reçus de l’école, certaine littérature aussi pour laquelle t
719
tout ce qui est national est sacré, entretiennent
un
esprit nationaliste qui n’est plus gagé sur les faits, sur les divers
720
és vivantes, et qui freine l’union nécessaire. Qu’
un
tel nationalisme survive à ses raisons, en perdant ses racines dans l
721
austrophobie du cosmopolitisme, il y a place pour
un
réalisme. t. Rougemont Denis de, « Unité et diversité de l’Europe
722
raisons toutes personnelles qui ont fait de vous
un
partisan de l’Europe unie ? Je suis né à Neuchâtel, c’est-à-dire dans
723
isse en 1848. Jusqu’à cette date, Neuchâtel était
une
principauté dont le souverain se trouvait être, en même temps, le roi
724
, en Allemagne, en Italie, en France — retrouvant
des
cousins un peu partout, je ne me suis jamais senti étranger dans aucu
725
ne, en Italie, en France — retrouvant des cousins
un
peu partout, je ne me suis jamais senti étranger dans aucun de nos pa
726
t de mes livres, tous centrés sur la définition d’
une
doctrine personnaliste dont la traduction politique est, à mes yeux,
727
yeux, le fédéralisme. J’ai participé au lancement
des
revues L’Ordre nouveau et Esprit et des groupes personnalistes do
728
ement des revues L’Ordre nouveau et Esprit et
des
groupes personnalistes dont elles étaient les deux foyers. C’était au
729
ropéen parce qu’antifédéraliste. Mobilisé pendant
un
an en Suisse, et dans un pays entièrement cerné par les nazis et les
730
aliste. Mobilisé pendant un an en Suisse, et dans
un
pays entièrement cerné par les nazis et les fascistes, j’ai publié un
731
cerné par les nazis et les fascistes, j’ai publié
un
ouvrage intitulé Mission ou démission de la Suisse , dans lequel j’e
732
x dire, l’attitude fédéraliste, et la nécessité d’
une
union européenne. C’est donc bien en tant que fédéraliste que je réag
733
ment aux hitlériens, que je décrivais alors comme
des
« jacobins en chemise brune ». Étant lecteur à l’Université de Francf
734
1935 à 1936, j’avais eu l’insolence de professer
un
cours sur le parallélisme entre les doctrines jacobines et hitlérienn
735
nes jacobines et hitlériennes, cours qui provoqua
des
mouvements divers parmi les étudiants, dont plusieurs étaient en unif
736
oir et brun. Du jacobinisme est sorti Napoléon et
des
guerres de Napoléon le nationalisme de tout un siècle. Napoléon voula
737
t des guerres de Napoléon le nationalisme de tout
un
siècle. Napoléon voulait faire l’Europe, oui, mais comme Hitler : il
738
ire l’Europe, oui, mais comme Hitler : il voulait
un
État européen et non l’Europe réelle. Il voulait nommer des préfets…
739
uropéen et non l’Europe réelle. Il voulait nommer
des
préfets… L’état d’esprit jacobin, centralisateur, unificateur et néce
740
écisément, dans notre passion de différer les uns
des
autres : c’est ce que nous avons tous en commun. J’écris en ce moment
741
e nous avons tous en commun. J’écris en ce moment
un
livre qui sera intitulé : Le Sens de nos vies x, et dans lequel j’esq
742
Le Sens de nos vies x, et dans lequel j’esquisse
une
histoire de l’homme européen, ou plutôt de sa manière de dire « je »
743
de sa manière de dire « je » ou « moi ». C’est là
une
notion essentiellement européenne, et que nous avons eu tort de tenir
744
, et moi-même, bien autre chose que l’entrée dans
un
parti !) D’où notre critique de l’individualisme irresponsable qui, d
745
taire que nous subissons. C’est avec la poussière
des
individus que l’État fait son ciment. Les Grecs ont inventé l’individ
746
sme lui a ajouté la vocation. L’individu chargé d’
une
vocation qui, à la fois, le distingue de la tribu et le relie à son p
747
sonne. On l’a dit : pour l’individu, il n’y a que
des
voisins inévitables, pour la personne il y a des prochains… Mais nous
748
des voisins inévitables, pour la personne il y a
des
prochains… Mais nous nous éloignons de notre sujet… Tout ce que je vi
749
tte année-là, j’ai été envoyé aux États-Unis pour
une
série de conférences. De là, j’ai été en Argentine et, à mon retour à
750
moyen de revenir en Suisse. À New York, j’ai fait
une
nouvelle découverte de l’Europe. Aux yeux des Américains il n’y a pas
751
ait une nouvelle découverte de l’Europe. Aux yeux
des
Américains il n’y a pas des Français, des Suisses, des Allemands, mai
752
de l’Europe. Aux yeux des Américains il n’y a pas
des
Français, des Suisses, des Allemands, mais seulement des Européens. M
753
ux yeux des Américains il n’y a pas des Français,
des
Suisses, des Allemands, mais seulement des Européens. Ma position féd
754
méricains il n’y a pas des Français, des Suisses,
des
Allemands, mais seulement des Européens. Ma position fédéraliste euro
755
nçais, des Suisses, des Allemands, mais seulement
des
Européens. Ma position fédéraliste européenne était par essence antih
756
erre contre Hitler se présentait, pour moi, comme
une
guerre pour l’Europe unie. Je ne me doutais pas, alors, qu’Hitler s’é
757
nationales de Genève… En juillet 1947, rentrant d’
un
nouveau séjour à New York, je reçus la visite de Raymond Silva, que j
758
, et qui, sans préambule, me demanda d’ouvrir par
un
discours le premier congrès fédéraliste qui allait se tenir à Montreu
759
ir à Montreux. Comme j’hésitais à intervenir dans
une
situation politique que je n’avais pu suivre que de très loin, il me
760
ilitants du nouveau mouvement, l’Union européenne
des
fédéralistes. J’étais embarqué. Résumons : j’ai été conduit à l’idée
761
tion philosophique et même théologique, enfin par
une
double prise de conscience historique, provoquée d’une part par le na
762
ulture. Faut-il comprendre que vous êtes partisan
des
efforts pour l’union politique qui se poursuivent à Strasbourg et à L
763
? Naturellement. Je suis aussi pour la fédération
des
Six. Il est conforme à la doctrine et surtout à la pratique fédéralis
764
urtout à la pratique fédéraliste de commencer par
des
petites réalisations, par quelques-uns, ceux qui veulent. Le fédérali
765
e regrettez-vous pas que votre pays ne prenne pas
une
part plus active à la construction européenne ? Je crains que la Suis
766
ns qui résument parfaitement notre isolationnisme
un
peu mesquin et la grandeur de l’idée fédéraliste que nous avons réali
767
e de Rougemont n’a été publié sous ce titre, mais
un
essai paru dans la revue Preuves en juin 1952. L’Aventure occidental
768
Une
fausse nouvelle : « Dieu est mort » (juin-juillet 1953)u Le thème
769
constitué depuis la fin de la guerre la hantise d’
une
partie assez importante de la littérature contemporaine. Repris de Ni
770
contemporaine. Repris de Nietzsche vers 1944 par
des
écrivains que les circonstances rendaient influents, il est quotidien
771
pensants s’indignent, comme si l’on avait proféré
un
propos d’une extrême gravité : attitude incompréhensible de la part d
772
ndignent, comme si l’on avait proféré un propos d’
une
extrême gravité : attitude incompréhensible de la part des chrétiens,
773
ir que l’existence de Dieu n’est pas affectée par
une
polémique locale dans le temps et dans l’espace. Mais l’inconséquence
774
’est pas moindre dans le camp, d’ailleurs divisé,
des
agnostiques. Déjà l’on parle de mystiques sans Dieu, des saints sans
775
ostiques. Déjà l’on parle de mystiques sans Dieu,
des
saints sans Dieu. Malraux se demande si la mort de Dieu n’entraîne pa
776
our s’abandonner au plaisir masochiste de décrire
un
monde « absurde », etc. Cependant, je ne vois pas que ce thème, parto
777
ils imaginent ou de celui que beaucoup prient ? D’
une
caricature commode ou de la première Personne de la Trinité ? Du Dieu
778
u de la première Personne de la Trinité ? Du Dieu
des
philosophes ou du Dieu des Prophètes ? D’une attitude psychologique o
779
e la Trinité ? Du Dieu des philosophes ou du Dieu
des
Prophètes ? D’une attitude psychologique ou d’une réalité ontologique
780
Dieu des philosophes ou du Dieu des Prophètes ? D’
une
attitude psychologique ou d’une réalité ontologique ? Ou seulement du
781
des Prophètes ? D’une attitude psychologique ou d’
une
réalité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’un nouveau confo
782
lité ontologique ? Ou seulement du mot de passe d’
un
nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela un peu d’honnête clarté, c
783
e d’un nouveau conformisme ? Exiger sur tout cela
un
peu d’honnête clarté, ce serait le moyen de faire entrevoir quelques
784
, et sur son objectivité. Ils prétendent annoncer
une
nouvelle, la mauvaise nouvelle de la mort récente de Dieu, c’est-à-di
785
nouvelle de la mort récente de Dieu, c’est-à-dire
un
anti-évangile (evangelos : la bonne nouvelle). Nous voici donc contra
786
erai pas l’inventeur de la phrase : Nietzsche est
un
cas suffisamment connu7. Et, d’ailleurs, il a partiellement démenti s
787
l a partiellement démenti son message en écrivant
un
jour ceci : « La réfutation de Dieu : ce n’est que le Dieu moral qui
788
te que tout, puisqu’en son nom l’on peut trancher
une
question d’existence réelle. Il ne faut pas que Dieu et le diable exi
789
homme en pâtirait. Nous sommes donc en présence d’
une
morale fanatique, c’est-à-dire d’une morale prête à nier telle ou tel
790
n présence d’une morale fanatique, c’est-à-dire d’
une
morale prête à nier telle ou telle réalité8, pour peu que celle-ci fa
791
lui venir cette passion de la responsabilité ? D’
une
volonté d’affirmer l’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d
792
’homme et ses pouvoirs, répondrait-il. Et c’est d’
une
manière analogue que Malraux et Jaspers interprètent ici le cri de Ni
793
pers interprètent ici le cri de Nietzsche : comme
une
proclamation de l’avènement de l’homme. Ceci couvre une étrange équiv
794
oclamation de l’avènement de l’homme. Ceci couvre
une
étrange équivoque. En effet, Sartre ne prend pas le mot « responsable
795
mais bien à celui de démiurge ; non pas au sens d’
un
homme, mais bien d’un dieu. Ce dernier trait est capital. On sent qu’
796
émiurge ; non pas au sens d’un homme, mais bien d’
un
dieu. Ce dernier trait est capital. On sent qu’il trahit un refus de
797
e dernier trait est capital. On sent qu’il trahit
un
refus de la réalité donnée, la sienne d’abord (« Je vais me faire à m
798
e l’arrogance intellectuelle, le terme délirant d’
un
individualisme de surcompensation, qui ne pourra plus que se nier lui
799
guère encore on le traitait de rat visqueux, ou d’
une
manière plus précise, d’individualiste petit-bourgeois. Ce rapide exa
800
’individualiste petit-bourgeois. Ce rapide examen
des
sources nous ramène à des prises de position peu compliquées. Sartre
801
geois. Ce rapide examen des sources nous ramène à
des
prises de position peu compliquées. Sartre annonçant que Dieu est mor
802
tistiques du christianisme, de l’islam et de bien
des
religions que nous nommons païennes.) Voyons maintenant la crédibilit
803
clair qu’elle ne peut être estimée sur le fait qu’
une
majorité la récuse.) ⁂ Hors du plan de la polémique, soit nietzschéen
804
t et logiquement, la phrase « Dieu est mort » est
un
non-sens. Car où bien « Dieu » ne signifie rien — et dans ce cas il n
805
n tant que personne, il se serait donc produit, à
un
certain moment précis, dans le temps et dans l’espace (mais où et qua
806
s le temps et dans l’espace (mais où et quand ?),
un
événement cosmique sans précédent, « un événement concernant l’être »
807
quand ?), un événement cosmique sans précédent, «
un
événement concernant l’être », précise Jaspers. Comment croire que Ni
808
grandes et petites épreuves, le Dieu personnel en
un
mot, omniscient et omniprésent apparaît à beaucoup de nos contemporai
809
t pas surprenant. C’est même aisément explicable.
Un
Dieu personnel est incroyable et absurde, en effet, dans une vue stat
810
rsonnel est incroyable et absurde, en effet, dans
une
vue statistique du monde et pour l’imagination aujourd’hui courante d
811
tive que représente l’homme sur la terre, atome d’
un
système solaire, atome lui-même d’une galaxie, atome à son tour de l’
812
rre, atome d’un système solaire, atome lui-même d’
une
galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’un univers à l’expansio
813
une galaxie, atome à son tour de l’espace-temps d’
un
univers à l’expansion indéfinie… Et compter les cheveux de sa tête !
814
e, dès que le regard se tourne vers l’homme, vers
un
homme bien déterminé, vers « moi », et le voit de plus en plus près,
815
que. Si nos savants s’étaient bornés à considérer
des
paysages, des villes, la mer, le ciel, des autos, des livres d’économ
816
vants s’étaient bornés à considérer des paysages,
des
villes, la mer, le ciel, des autos, des livres d’économie politique o
817
idérer des paysages, des villes, la mer, le ciel,
des
autos, des livres d’économie politique ou le sort des masses, l’énerg
818
paysages, des villes, la mer, le ciel, des autos,
des
livres d’économie politique ou le sort des masses, l’énergie nucléair
819
autos, des livres d’économie politique ou le sort
des
masses, l’énergie nucléaire non seulement n’eût jamais été visible ou
820
ensible qu’au cœur, c’est-à-dire au plus intime d’
une
personne bien réelle et distincte. Il est donc normal que le Dieu per
821
ue le Dieu personnel reste l’Absurde, en dehors d’
une
rencontre qui ne peut avoir lieu que dans l’intime, comme la transfor
822
me, et comme l’amour nulle part ailleurs que dans
un
cœur. 7. Voir le bref et admirable ouvrage de Karl Jaspers : Nietzs
823
uelqu’un croit qu’il n’est pas, reste en tout cas
une
réalité pour l’écrasante majorité des hommes vivants. u. Rougemont
824
en tout cas une réalité pour l’écrasante majorité
des
hommes vivants. u. Rougemont Denis de, « Une fausse nouvelle : “Die
825
té des hommes vivants. u. Rougemont Denis de, «
Une
fausse nouvelle : “Dieu est mort” », Liberté de l’esprit, Paris, juin
826
vraie qu’on ne le croit. Ce ne sont pas seulement
des
palaces et quelques belles villas qu’« occupent » les Asiatiques. C’e
827
écisions, nous détournant ainsi du vrai problème,
des
vrais périls urgents et de leur solution pour le salut de l’Occident.
828
ccidental, beaucoup plus que la paix, qui demande
un
sens à sa vie, une direction à son espoir… Et cependant, si les renco
829
p plus que la paix, qui demande un sens à sa vie,
une
direction à son espoir… Et cependant, si les rencontres de Berlin se
830
, si les rencontres de Berlin se sont soldées par
un
échec sur tous les points de l’ordre du jour, elles n’en ont pas moin
831
l’ordre du jour, elles n’en ont pas moins apporté
un
élément de pittoresque au débat sur l’union de l’Europe : M. Molotov,
832
olotov, qui voit grand, jugeant mesquine l’Europe
des
Six, a promis une Europe des Trente-Deux. (J’avoue que le compte n’es
833
rand, jugeant mesquine l’Europe des Six, a promis
une
Europe des Trente-Deux. (J’avoue que le compte n’est pas facile à éta
834
nt mesquine l’Europe des Six, a promis une Europe
des
Trente-Deux. (J’avoue que le compte n’est pas facile à établir. Mais
835
s, qui dénonçaient à grands cris la disproportion
des
forces au sein des Six, entre la France et l’Allemagne de l’Ouest c’e
836
à grands cris la disproportion des forces au sein
des
Six, entre la France et l’Allemagne de l’Ouest c’est-à-dire entre 43
837
’habitants, seront sans doute rassurés à l’idée d’
un
bloc russe de 200 millions établissant d’un seul coup la balance. Les
838
eux. Après tout, l’Europe est-elle autre chose qu’
un
cap de l’Asie ? Elle retrouverait ainsi sa juste place, dans une conc
839
ie ? Elle retrouverait ainsi sa juste place, dans
une
conception sainement géographique et matérialiste du monde, Retenons,
840
érialiste du monde, Retenons, de ces divagations,
un
fait curieux : l’idée européenne a fait de tel progrès que M. Molotov
841
ccepter d’abord. Quitte à tenter de l’écraser par
une
surenchère insensée. Et surtout soulignons d’autant plus fortement qu
842
e d’Europe unie a constitué le plus sérieux atout
des
peuples libres dans leur confrontation avec Moscou. Non point que le
843
qui ont mis l’Occident en mesure de discuter sur
un
fondement solide : nous avions quelque chose à défendre, qui n’était
844
rande-Bretagne et les États-Unis, sur l’imbroglio
des
guerres locales d’Extrême-Orient, afin de nous détourner du problème
845
ention du monde va se concentrer sur le théâtre d’
une
bataille où l’Occident désormais joue perdant. Le monde entier verra
846
ier verra nos défaites militaires, et l’insolence
des
envoyés de l’Asie rouge distribuant à nos hommes d’État des camouflet
847
s de l’Asie rouge distribuant à nos hommes d’État
des
camouflets très peu « diplomatiques ». Pendant des mois, l’Europe ne
848
es camouflets très peu « diplomatiques ». Pendant
des
mois, l’Europe ne fera plus rien pour son union ; bien plus, elle va
849
Annexer l’Indochine à l’empire communiste serait
un
moyen de rétablir la « paix » dans le Sud-Est de l’Asie, puisque cell
850
révolte asiatique et du colonialisme soviétique,
une
Europe persistant à rester désunie doit rapidement périr par asphyxie
851
intellectuel et spirituel déprimé, repliement sur
une
misère et des rancunes croissantes ; par suite, l’invasion irrésistib
852
t spirituel déprimé, repliement sur une misère et
des
rancunes croissantes ; par suite, l’invasion irrésistible de la propa
853
otalitaire, et démission finale entre les mains d’
une
petit groupe d’« apaiseurs », formule Bénès : on sait la suite. Seule
854
l’union européenne, capable d’opposer aux Russes
une
puissance qui les tienne en respect. Et tout le Sud-Est de l’Asie dev
855
temps utile si les efforts présents de fédération
des
Six échouent. (Début modeste, si l’on veut, mais seul concret.) Ces e
856
isse peu de jeu à l’imagination et aux surprises.
Une
remarque finale résumera ma pensée : Si la CED était votée demain, la
857
» et de garanties à obtenir sur le papier contre
une
Allemagne d’après-demain — que l’Histoire va juger le vote français s
858
e CED. Le sort de l’Europe dans le monde dépend d’
une
poignée de députés dont on ne saura jamais les noms : ceux qui se déc
859
uté européenne de défense n’est pour le moment qu’
un
traité, ou mieux, un projet de traité, dont tout le monde parle depui
860
ense n’est pour le moment qu’un traité, ou mieux,
un
projet de traité, dont tout le monde parle depuis deux ans, sur leque
861
rets opérés à la Chambre française : il semble qu’
un
peu moins d’un député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 9
862
a Chambre française : il semble qu’un peu moins d’
un
député sur dix ait pris la peine de lire ce texte de 96 pages, plus a
863
96 pages, plus aride mais bien moins compliqué qu’
un
roman policier ordinaire. Or il se trouve que le sort du traité, et p
864
et par suite le sort de l’Europe, dépend en fait
des
députés français, appelés par M. Mendès France à le ratifier — ou non
865
ent-ils pas le droit et le devoir de reconstituer
une
armée ? — Les Hollandais, les Belges, et surtout les Français, pensai
866
ais, pensaient différemment, et cela se comprend.
Une
Wehrmacht autonome, renaissant de ses cendres, leur paraissait plus m
867
quer que les protéger. Elle pouvait même s’allier
un
jour aux Russes. Il fallait donc empêcher cela. Mais, d’autre part, c
868
défendre sérieusement l’Europe sans le concours d’
un
de ses plus grands pays, et de celui qui se trouvait en première lign
869
ut conçue la CED. — Contre l’opinion (à l’époque)
des
dirigeants américains — afin d’empêcher le réarmement autonome des Al
870
éricains — afin d’empêcher le réarmement autonome
des
Allemands, tout en assurant la défense de l’Europe — et enfin pour hâ
871
le union de nos pays, la France imagina le plan d’
une
« communauté de défense », c’est-à-dire d’une armée européenne, rempl
872
n d’une « communauté de défense », c’est-à-dire d’
une
armée européenne, remplaçant les armées nationales. Après des mois de
873
ropéenne, remplaçant les armées nationales. Après
des
mois de discussions d’experts, un projet de traité fut signé le 27 ma
874
ionales. Après des mois de discussions d’experts,
un
projet de traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministres des Affai
875
traité fut signé le 27 mai 1952 par les ministres
des
Affaires étrangères des six pays déjà liés par la Communauté du charb
876
ai 1952 par les ministres des Affaires étrangères
des
six pays déjà liés par la Communauté du charbon et de l’acier, plus c
877
mais tout indique qu’elle doit se prononcer dans
un
délai très court. Son choix sera donc décisif. Après deux ans de déba
878
assionnés, ne serait-il pas grand temps de voir d’
un
peu plus près de quoi l’on parle ? Quel est donc le contenu du projet
879
ropéennes Les 132 articles du traité prévoient
des
institutions communes, des forces armées et un budget commun. Ils pré
880
es du traité prévoient des institutions communes,
des
forces armées et un budget commun. Ils prévoient aussi qu’aucun État
881
t des institutions communes, des forces armées et
un
budget commun. Ils prévoient aussi qu’aucun État membre ne recrutera
882
nécessitent la police intérieure et la protection
des
colonies. — Mais jusqu’où s’étend, pratiquement, cette mise en commun
883
qu’où s’étend, pratiquement, cette mise en commun
des
ressources militaires des six pays ? S’agit-il de mélanger les soldat
884
t, cette mise en commun des ressources militaires
des
six pays ? S’agit-il de mélanger les soldats allemands et français da
885
e mélanger les soldats allemands et français dans
des
compagnies commandées par des caporaux belges et des officiers italie
886
ds et français dans des compagnies commandées par
des
caporaux belges et des officiers italiens ? Ceux qui l’ont dit et imp
887
compagnies commandées par des caporaux belges et
des
officiers italiens ? Ceux qui l’ont dit et imprimé ont simplement don
888
s lu le traité. En vérité, il s’agit simplement d’
un
plan de mise sur pied de contingents nationaux, commandés par leurs p
889
es en corps d’armée et placées à la disposition d’
un
état-major général, qui, lui, sera européen par sa composition et sa
890
visible et sensible au grand public. Les troupes
des
six pays porteront le même uniforme. (Mais n’est-ce pas déjà le cas,
891
armée pourront être choisis dans n’importe lequel
des
pays membres. (C’est ce qui s’est passé déjà pendant les deux dernièr
892
nfin, les méthodes d’instruction et la production
des
armements seront standardisées. (D’où un considérable allègement des
893
duction des armements seront standardisées. (D’où
un
considérable allègement des budgets militaires, et une efficacité tec
894
t standardisées. (D’où un considérable allègement
des
budgets militaires, et une efficacité technique accrue.) Il s’agit do
895
onsidérable allègement des budgets militaires, et
une
efficacité technique accrue.) Il s’agit donc, en fin de compte, de l’
896
compte, de l’organisation dès le temps de paix d’
un
commandement suprême européen. — Mais quel sera le pouvoir disposant
897
voir disposant de cette armée ? Le traité prévoit
un
Conseil des ministres nationaux (représentant le point de vue de chac
898
ant de cette armée ? Le traité prévoit un Conseil
des
ministres nationaux (représentant le point de vue de chacun des six É
899
nationaux (représentant le point de vue de chacun
des
six États considérés comme égaux), un Commissariat de 9 membres, sort
900
de chacun des six États considérés comme égaux),
un
Commissariat de 9 membres, sorte de ministère européen de la Défense
901
bres, sorte de ministère européen de la Défense ;
une
Cour de justice et une Assemblée parlementaire, qui existent déjà : c
902
e européen de la Défense ; une Cour de justice et
une
Assemblée parlementaire, qui existent déjà : ce seraient en effet la
903
ation et l’entrée en campagne est telle (majorité
des
deux tiers ou unanimité des États, selon les cas) que l’on ne saurait
904
e est telle (majorité des deux tiers ou unanimité
des
États, selon les cas) que l’on ne saurait imaginer d’autre emploi de
905
de l’armée qu’en cas d’agression qualifiée contre
un
ou plusieurs des États membres. Par sa structure interne autant que p
906
cas d’agression qualifiée contre un ou plusieurs
des
États membres. Par sa structure interne autant que par la nature des
907
Par sa structure interne autant que par la nature
des
pouvoirs politiques qui la contrôlent, l’Armée européenne ne pourra d
908
nt, l’Armée européenne ne pourra donc servir qu’à
des
tâches strictement et purement défensives — en cela comparable à l’ar
909
mment expliquer, dans ces conditions, la violence
des
polémiques soulevées, en France surtout, par ce projet ? Si l’on cher
910
e réel du traité. Le plus souvent, ils combattent
un
projet fantôme que personne n’a jamais défendu. Je vais le montrer pa
911
it en effet scandaleux pour le sentiment national
des
résistants de la dernière guerre. Mais c’est absolument exclu par les
912
prévu par les articles 10 et suivants, autorisant
un
État membre à détacher de son contingent les forces nécessaires à la
913
ritoires associés ou colonies hors de l’Europe. —
Un
procédé polémique des plus courants consiste à parler de la CED comme
914
colonies hors de l’Europe. — Un procédé polémique
des
plus courants consiste à parler de la CED comme d’un « traité de réar
915
plus courants consiste à parler de la CED comme d’
un
« traité de réarmement de l’Allemagne ». Cette confusion égare beauco
916
de ce qui est. Nous avons vu que le premier souci
des
auteurs français du traité fut justement d’éliminer toute renaissance
917
justement d’éliminer toute renaissance possible d’
une
Wehrmacht autonome. C’est au contraire si l’on refuse la CED que cett
918
rs sans contrôle possible. J’entends et lis aussi
des
phrases de ce genre : « Ce traité désastreux va supprimer d’un trait
919
ce genre : « Ce traité désastreux va supprimer d’
un
trait de plume notre glorieuse armée française, en même temps qu’il r
920
empêche pour les mêmes raisons la réapparition d’
une
armée allemande. C’est en vertu d’une erreur semblable que d’excellen
921
pparition d’une armée allemande. C’est en vertu d’
une
erreur semblable que d’excellents patriotes redoutent « la perte de l
922
magne ». En fait, le traité ne rend à l’Allemagne
une
souveraineté toute théorique que pour mieux lui permettre de la sacri
923
cas précisément, elle tombera sous la dépendance
des
USA ; et cela malgré elle et malgré eux, par une nécessité inéluctabl
924
des USA ; et cela malgré elle et malgré eux, par
une
nécessité inéluctable. Qui est pour ? qui est contre ? Après de
925
? Après deux ans de discussions et à la veille
des
décisions finales, la répartition des adversaires et des partisans de
926
à la veille des décisions finales, la répartition
des
adversaires et des partisans de la CED apparaît facile à décrire. On
927
isions finales, la répartition des adversaires et
des
partisans de la CED apparaît facile à décrire. On peut même la prévoi
928
selon l’âge, le parti, et surtout la psychologie
des
interlocuteurs. La CED a coalisé contre elle les forces par ailleurs
929
calculant à court terme. Les communistes veulent
une
Europe soviétisée. L’Europe unie serait forte et leur résisterait. Il
930
erait forte et leur résisterait. Ils veulent donc
une
Europe divisée. Or, ce qui nous divise, c’est le nationalisme : il fa
931
nt que moi ! En faveur de la CED, nous trouvons d’
une
manière générale ceux qui ont compris qu’ils vivent au xxe siècle, q
932
mpris qu’ils vivent au xxe siècle, que le rêve d’
une
souveraineté nationale sans limites n’est plus qu’un rêve, que l’Euro
933
souveraineté nationale sans limites n’est plus qu’
un
rêve, que l’Europe n’est pas menacée par une armée allemande inexista
934
us qu’un rêve, que l’Europe n’est pas menacée par
une
armée allemande inexistante, mais par une expansion soviétique bien r
935
cée par une armée allemande inexistante, mais par
une
expansion soviétique bien réelle, pour ne rien dire des révoltes mont
936
pansion soviétique bien réelle, pour ne rien dire
des
révoltes montantes de l’Asie, de l’Afrique, du Proche-Orient… En fave
937
ED telle qu’elle est, si prudente et respectueuse
des
droits de chacun des États membres, suffira pour notre défense. Je me
938
si prudente et respectueuse des droits de chacun
des
États membres, suffira pour notre défense. Je me pose moi-même la que
939
se. Je me pose moi-même la question. Mais je vois
un
pays réaliste qui, lui, ne doute pas de l’efficacité de la CED : c’es
940
er la décision française. Et même en admettant qu’
un
Molotov se trompe, qu’il surestime la CED, comment ne pas voir qu’au-
941
uvre toutes grandes les perspectives prochaines d’
une
Europe fédérée, gage de paix pour le monde et de prospérité pour tout
942
de paix pour le monde et de prospérité pour tout
un
continent — dont la Suisse est le cœur. z. Rougemont Denis de, «
943
ptembre-octobre 1954)aa Parler fédéralisme sur
un
plan théorique serait contraire à l’attitude fédéraliste. En revanche
944
ri de « Vive la Nation », clamé sur tout le front
des
troupes, que les Français durent la victoire. Remarquez que ce cri, à
945
ra sous Lénine : « Vive la Russie ! » Il proclame
un
nouveau mythe. Il est comme une invocation à un dieu nouveau, une sor
946
ie ! » Il proclame un nouveau mythe. Il est comme
une
invocation à un dieu nouveau, une sorte de « Gott mit uns ! » aussitô
947
e un nouveau mythe. Il est comme une invocation à
un
dieu nouveau, une sorte de « Gott mit uns ! » aussitôt exaucé, puisqu
948
e. Il est comme une invocation à un dieu nouveau,
une
sorte de « Gott mit uns ! » aussitôt exaucé, puisque par ce seul cri
949
ssant, comme nous la trouvons à Valmy, c’est donc
un
idéal, une idéologie, le principe d’une nouvelle communauté non de na
950
me nous la trouvons à Valmy, c’est donc un idéal,
une
idéologie, le principe d’une nouvelle communauté non de naissance mai
951
c’est donc un idéal, une idéologie, le principe d’
une
nouvelle communauté non de naissance mais d’avenir et de volonté. Tou
952
e n’est pas le fait du peuple tout entier, mais d’
un
parti ; et ce parti agit par le moyen de l’État. À l’intérieur du pay
953
gie, le tout au nom de la nation. Il confond dans
une
même répression la réaction qui veut le renverser, et les diversités
954
cales ou spirituelles qui demanderaient seulement
des
lois plus souples. L’uniformisation est sa réponse à tout. Que person
955
endrait mon juge ! pense l’État idéologique, né d’
une
révolution sanglante, et qui se sait illégitime dans sa prétention à
956
dans sa prétention à régner au nom de tous contre
une
moitié du peuple. Mais si, à l’intérieur, l’idée de nation devient e
957
’idée de nation devient entre les mains de l’État
un
instrument d’oppression et de guerre civile larvée, à l’extérieur ell
958
erre civile larvée, à l’extérieur elle va devenir
un
instrument de guerre déclarée. Pourquoi la nation doit-elle faire la
959
de ces guerres que l’État présente toujours comme
une
« défense de nos foyers », l’instinct patriotique est mis en jeu et b
960
en date de toutes les « nationalisations », celle
des
patriotismes locaux ! Notons au passage que la guerre, qu’elle soit c
961
riompher dans toute l’Europe l’idéologie unitaire
des
jacobins, va susciter des nationalismes rivaux. Et c’est dans le pays
962
pe l’idéologie unitaire des jacobins, va susciter
des
nationalismes rivaux. Et c’est dans le pays qui aura subi le plus dur
963
l’esprit de Valmy, se représente la nation comme
une
croisade pour l’idée. « Ce ne sont pas les déterminations naturelles
964
omme esprit et nature.) Cet esprit national est «
un
dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’
965
atalement décline et meurt. « Chaque peuple mûrit
un
fruit ; son activité consiste à accomplir son principe, non à en joui
966
transfert décisif de l’idée de vocation, passant
des
personnes aux nations. ⁂ Mais cet État-nation, une fois doué de toute
967
isqué par l’État français, lui-même confisqué par
un
Corse — patriote humilié et récemment conquis —, a conduit à des guer
968
riote humilié et récemment conquis —, a conduit à
des
guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes
969
r Hegel et Fichte. Pour l’Angleterre, la maîtrise
des
mers. Pour la Russie, un messianisme despotique. Les petits pays se b
970
Angleterre, la maîtrise des mers. Pour la Russie,
un
messianisme despotique. Les petits pays se borneront à invoquer leurs
971
mais tout aussi jaloux et même hargneux que celui
des
grands voisins. Aucun de ces « concepts de l’esprit » ne parvenant à
972
de l’esprit » plus redoutables : encore la « race
des
maîtres », le « Herrenvolk », le « prolétariat » et sa dictature… Heg
973
n, les nations de l’Europe vont se conduire comme
des
« individus » sans foi ni loi, au détriment de la grande communauté d
974
pe. Chacune se dira « souveraine », à l’imitation
des
rois absolus qui n’avaient de comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais
975
Dieu seul — mais il n’y a plus de Dieu au-dessus
des
nations. Le droit divin se traduit donc par le droit de l’État le plu
976
évoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’
une
demi-douzaine d’« États-gangsters », follement susceptibles, dépourvu
977
a loi en Europe. On parlera beaucoup de « concert
des
nations », et de « droit international », mais il est clair que ces É
978
ent cette absurdité a-t-elle pu triompher pendant
un
siècle et plus ? En singeant la religion et son enseignement, en deve
979
ligion et son enseignement, en devenant elle-même
une
source de « sacré ». L’Aigle, les Trois Couleurs et le Petit Chapeau
980
de l’annexer dans les occasions décisives. Lorsqu’
un
Maurice Barrès célèbre l’union « sacrée » de la nation dans laquelle
981
nte de sa foi à l’esprit national. On n’y voit qu’
une
manière de parler… Et cependant cet esprit national est un dieu bien
982
e de parler… Et cependant cet esprit national est
un
dieu bien réel, et que l’on croit vraiment, puisqu’il peut exiger le
983
Mais que nous offre-t-il en échange de nos vies ?
Une
certaine communion vague et puissante, qui permet à l’individu de dép
984
de guerre) et de se sentir comme transporté dans
une
espèce de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’un égoïsme,
985
de transcendance. À vrai dire, il s’agit encore d’
un
égoïsme, mais tellement élargi qu’il en devient vertu. On l’enseigne
986
Weil. Cette petite phrase dit tout. La nation est
un
dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infiniment p
987
de haine, plus que d’amour, la nation revendique
des
absolus dont il est manifeste qu’elle est spirituellement indigne et
988
a souveraineté sans limites, par exemple, qui est
un
des attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vr
989
ouveraineté sans limites, par exemple, qui est un
des
attributs de Dieu ; ou celui de l’éternité, au mépris de toute vraise
990
ance éternelle », « l’Allemagne immortelle » sont
des
expressions courantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut des
991
rantes en temps de guerre. Cette rhétorique émeut
des
millions d’hommes, qui en oublient du même coup leurs rudiments d’His
992
mule fédéraliste, qui traduit seule notre réalité
une
et diverse, et cela suppose briser le carcan de l’État-nation, recrée
993
uppose briser le carcan de l’État-nation, recréer
des
pouvoirs locaux, dévaloriser les frontières ; ou bien il faut aller j
994
les jacobins, et soumettre alors toute l’Europe à
une
nation unique, totalitaire, assumant au mépris des personnes ses prét
995
ne nation unique, totalitaire, assumant au mépris
des
personnes ses prétentions d’Église sans Dieu, et réclamant non seulem
996
ement la mort en masse mais la totalité de la vie
des
hommes. Voilà le grand dilemme de notre temps. II. Critique fédéra
997
intenant notre analyse fédéraliste à quelques-uns
des
éléments du nationalisme choisis parmi les plus typiques et les plus
998
neté nationale, tout d’abord. On a remarqué, lors
des
débats sur la CED, que les adversaires du traité confondaient sincère
999
’État dans le domaine militaire. À ses yeux donc,
une
France non absolument et totalement souveraine n’était plus la France
1000
aine n’était plus la France. La seule évocation d’
une
atteinte possible à la souveraineté absolue lui paraissait suffisante
1001
u Sacré. Le très laïque M. Herriot est en réalité
un
fanatique de la religion de la nation. S’il n’était pas aveuglé par l
1002
me nous tous que la souveraineté absolue n’est qu’
un
mythe, inventé par les prêtres de la nation dans le dessein d’asservi
1003
a défini la souveraineté comme « la faculté pour
un
État d’agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les
1004
it applicable à chaque domaine ». Or il n’est pas
un
seul État européen qui, de nos jours, ait conservé la faculté d’agir
1005
d’agir à sa guise à l’extérieur. Il n’en est pas
un
seul qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix co
1006
endre seul pendant plus de quelques heures contre
une
attaque des Russes ou des Américains, bref de vivre en vase clos ou d
1007
endant plus de quelques heures contre une attaque
des
Russes ou des Américains, bref de vivre en vase clos ou de jouer au p
1008
quelques heures contre une attaque des Russes ou
des
Américains, bref de vivre en vase clos ou de jouer au pirate. Ces lim
1009
extérieur, n’a plus d’autre existence que celle d’
une
illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où la voit-on à l’œuvre ? No
1010
dans les faits, mais seulement dans les discours
des
adversaires de la CED ou de toute autre forme d’organisation de l’Eur
1011
e forme d’organisation de l’Europe. Non pas comme
une
réalité, mais bien comme un prétexte à refuser les évidences. Refoulé
1012
urope. Non pas comme une réalité, mais bien comme
un
prétexte à refuser les évidences. Refoulée du domaine des forces réel
1013
exte à refuser les évidences. Refoulée du domaine
des
forces réelles et des pouvoirs concrets, elle est devenue le réceptac
1014
dences. Refoulée du domaine des forces réelles et
des
pouvoirs concrets, elle est devenue le réceptacle où se recueillent p
1015
s, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’
une
Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout angois
1016
tité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’
un
complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’ad
1017
croyance à la souveraineté nationale absolue, qu’
une
attitude de scepticisme intégral, tempérée par un souci de clinicien
1018
ne attitude de scepticisme intégral, tempérée par
un
souci de clinicien : le nationaliste, en effet, n’est pas simplement
1019
: le nationaliste, en effet, n’est pas simplement
un
homme qui a tort, ou qui persiste méchamment dans son erreur. C’est b
1020
ste méchamment dans son erreur. C’est bien plutôt
un
homme qui souffre de la crainte morbide de perdre une puissance magiq
1021
homme qui souffre de la crainte morbide de perdre
une
puissance magique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup moins de le r
1022
sur les conséquences à tirer de ce diagnostic. ⁂
Un
autre élément du nationalisme profondément induré dans les esprits, d
1023
« Langue ». La Patrie, pour le fédéraliste, est
une
réalité d’instinct et de sentiment, un fait de naissance, comme le mo
1024
iste, est une réalité d’instinct et de sentiment,
un
fait de naissance, comme le mot l’indique, une implantation géophysiq
1025
nt, un fait de naissance, comme le mot l’indique,
une
implantation géophysique, locale et peu extensible. La Nation, au con
1026
e et peu extensible. La Nation, au contraire, est
une
réalité idéale ou idéologique. D’où la différence foncière que voici
1027
a différence foncière que voici : on peut annexer
des
peuples à une nation, des territoires à un État, mais on ne peut rien
1028
oncière que voici : on peut annexer des peuples à
une
nation, des territoires à un État, mais on ne peut rien annexer à une
1029
voici : on peut annexer des peuples à une nation,
des
territoires à un État, mais on ne peut rien annexer à une Patrie. Ens
1030
nexer des peuples à une nation, des territoires à
un
État, mais on ne peut rien annexer à une Patrie. Ensuite, l’État est
1031
itoires à un État, mais on ne peut rien annexer à
une
Patrie. Ensuite, l’État est une structure administrative et politique
1032
ut rien annexer à une Patrie. Ensuite, l’État est
une
structure administrative et politique, artificielle par définition, r
1033
sa langue, quand celle-ci se trouve être celle d’
une
majorité dans les frontières actuelles de l’État en question. La conf
1034
a confusion Patrie-État-nation-Langue, résultat d’
une
ignorance crasse, sévit dans plusieurs chapitres des traités de Versa
1035
ignorance crasse, sévit dans plusieurs chapitres
des
traités de Versailles, Trianon et Saint-Germain, pour ne citer que ce
1036
nigaud venu pour mettre en doute la possibilité d’
une
Europe unie. Dissocier ce conglomérat monstrueux, réfuter cette confu
1037
rper de l’enseignement, voilà qui me paraît l’une
des
toutes premières tâches du fédéralisme appliqué à l’Europe. Mais le n
1038
ntent de prétendre forcer dans le lit de Procuste
des
mêmes frontières administratives, patries locales, nation et langue,
1039
nu français ou allemand selon qu’il se trouvait d’
un
côté ou de l’autre de la frontière linguistique, idéalement prolongée
1040
uet. La tendance à l’autarcie économique n’est qu’
une
transposition particulièrement insensée de la volonté d’isolement à l
1041
ahit mieux que dans ce domaine son mépris foncier
des
hommes. Car l’autarcie implique que le bien-être des hommes soit sacr
1042
hommes. Car l’autarcie implique que le bien-être
des
hommes soit sacrifié à la puissance de l’État, et leurs libertés conc
1043
umaine, puisqu’en fait on lui sacrifie la santé d’
un
pays et son niveau de vie, la liberté économique et la justice elle-m
1044
uy british ! », « Achetez français ! ». Cela rend
un
son patriotique et vertueux (au sens jacobin). C’est pratiquement idi
1045
t, mais on ne s’en aperçoit que si c’est dit dans
une
langue étrangère, ou par un lointain Mossadegh, ruinant son peuple au
1046
ue si c’est dit dans une langue étrangère, ou par
un
lointain Mossadegh, ruinant son peuple au nom de l’indépendance. Ajou
1047
ineté absolue, elle ne représente rien d’autre qu’
une
tendance psychologique morbide, un prétexte à refuser toute mesure ré
1048
en d’autre qu’une tendance psychologique morbide,
un
prétexte à refuser toute mesure réaliste de coopération et à autorise
1049
res, industries parasites protégées, cours forcés
des
devises, inflations et dévaluations, et autres formes légalisées mais
1050
t de mathématiques allemandes, et sous Staline, d’
une
biologie marxiste. Ces excès doivent nous rendre attentifs à l’usage
1051
rant qu’ils prolongent. Si nous croyons qu’il est
une
« culture nationale », française ou danoise, par exemple, comme la cu
1052
rts et la philosophie, pourquoi n’y aurait-il pas
une
biologie soviétique et une algèbre allemande ? Ce que l’on donne au n
1053
quoi n’y aurait-il pas une biologie soviétique et
une
algèbre allemande ? Ce que l’on donne au nationalisme, chez nous, au
1054
nous, au nom de quoi le refuserait-on ailleurs à
des
systèmes qui ne s’en distinguent nullement par les principes, mais un
1055
nullement par les principes, mais uniquement par
une
plus grande rigueur ? La volonté fondamentale de l’État-nation : impo
1056
ontraste, de décrire l’attitude fédéraliste comme
un
simple retour au respect des libertés et des réalités, comme une réfé
1057
ude fédéraliste comme un simple retour au respect
des
libertés et des réalités, comme une référence au bon sens. III. De
1058
comme un simple retour au respect des libertés et
des
réalités, comme une référence au bon sens. III. Deux modes de pens
1059
ur au respect des libertés et des réalités, comme
une
référence au bon sens. III. Deux modes de penser Il y a dans no
1060
et non pas l’Europe comme telle, qui ont conquis
des
débouchés à nos produits matériels et culturels, en Asie et en Afriqu
1061
qu’il portait à son apogée la puissance mondiale
des
Européens, le nationalisme développait les germes de notre décadence.
1062
l venait de coloniser et d’humilier, il suscitait
un
esprit de révolte et d’« indépendance nationale » qui allait se dress
1063
’autre part, il épuisait l’Europe en y provoquant
des
guerres de plus en plus totales, à mesure qu’il se faisait lui-même d
1064
, le recul mondial que l’on sait, elle le doit, à
un
double titre, au nationalisme : à celui qu’elle a suscité contre elle
1065
iels. En s’opposant à l’ouverture indispensable d’
un
grand marché continental, il entretient dans les pays protectionniste
1066
tal, il entretient dans les pays protectionnistes
une
économie malsaine, de plus en plus inapte à soutenir la concurrence d
1067
de plus en plus inapte à soutenir la concurrence
des
voisins et des autres continents. Les conquêtes techniques du siècle,
1068
s inapte à soutenir la concurrence des voisins et
des
autres continents. Les conquêtes techniques du siècle, l’énergie élec
1069
dans la plus parfaite indifférence aux frontières
des
États-nations. Le nationalisme n’est donc pas seulement une dernière
1070
nations. Le nationalisme n’est donc pas seulement
une
dernière résistance que le sentiment patriotique dénaturé et l’égoïsm
1071
à l’union de l’Europe ; il est devenu au surplus
une
forme de pensée réactionnaire, un système de références démodé et rét
1072
enu au surplus une forme de pensée réactionnaire,
un
système de références démodé et rétrograde, et cela un siècle et demi
1073
stème de références démodé et rétrograde, et cela
un
siècle et demi seulement après son apparition révolutionnaire dans no
1074
effet, se représente la société européenne comme
une
constellation de foyers créateurs, non comme un puzzle formé de pièce
1075
une constellation de foyers créateurs, non comme
un
puzzle formé de pièces rigides et définies d’abord par leur contour.
1076
conçoit les rapports humains et politiques comme
un
complexe de tensions normales entre des pôles opposés mais valables,
1077
ques comme un complexe de tensions normales entre
des
pôles opposés mais valables, non comme la juxtaposition de monades ou
1078
ire à l’uniformité si l’on ne peut les isoler par
des
cloisons étanches, mais comme autant de valeurs « complémentaires »,
1079
cipe de non-contradiction qui bloquait le progrès
des
sciences physiques, le principe de complémentarité. Qu’il s’agisse de
1080
de complémentarité. Qu’il s’agisse de la théorie
des
jeux appliquée par von Neumann à la politique et à l’économie, ou de
1081
e et à l’économie, ou de l’organisation technique
des
entreprises, la science actuelle dépasse la logique des incompatibles
1082
treprises, la science actuelle dépasse la logique
des
incompatibles en s’appliquant à la recherche des optima. Or cette mét
1083
des incompatibles en s’appliquant à la recherche
des
optima. Or cette méthode est typiquement fédéraliste, puisqu’elle con
1084
a biologie et de la psychologie : je le suggère à
des
esprits plus compétents. J’entendais simplement marquer cette converg
1085
r cette convergence : le fédéralisme correspond à
une
vision du monde qui est précisément celle que la science moderne a co
1086
e que la science moderne a conçue ; et il suppose
un
monde de relations libres et décentralisées qui est précisément celui
1087
, si je puis dire, il est aussi dans le droit fil
des
traditions les plus fécondes de l’Occident. On sait que l’Orient et l
1088
comme le monisme et le pluralisme. Le pluralisme
des
allégeances politiques et spirituelles a toujours été la condition de
1089
iques et spirituelles a toujours été la condition
des
libertés personnelles en Europe. Mais c’est aussi le principe vivant
1090
t aussi le principe vivant du fédéralisme. Être d’
une
patrie locale en tant qu’on y est né, mais d’une religion universelle
1091
’une patrie locale en tant qu’on y est né, mais d’
une
religion universelle en tant qu’on y croit ; se rattacher par la lang
1092
tant qu’on y croit ; se rattacher par la langue à
une
communauté plus vaste que l’État dont on est le citoyen ; pouvoir au
1093
est le citoyen ; pouvoir au surplus s’affilier à
une
telle école de pensée, d’art ou de doctrine politique, proche ou loin
1094
liberté fédéralistes. Le nationaliste n’y voit qu’
une
dispersion qui l’angoisse et où il craint de perdre son identité. Le
1095
son identité. Le fédéraliste au contraire y voit
une
possibilité d’enrichissement de la personne. (J’ai souvent défini la
1096
liste, interdit par le totalitaire, est le secret
des
pouvoirs créateurs et de la santé mentale de l’Occident. Enfin, je ra
1097
foi chrétienne. Le Christ est mort pour le salut
des
hommes personnels, non pour le salut des nations ou des collectivités
1098
le salut des hommes personnels, non pour le salut
des
nations ou des collectivités. Les plus grands penseurs politiques du
1099
mmes personnels, non pour le salut des nations ou
des
collectivités. Les plus grands penseurs politiques du catholicisme et
1100
e au nom de leur foi, et à préconiser en revanche
une
organisation personnaliste et fédéraliste de la société et de la comm
1101
et fédéraliste de la société et de la communauté
des
peuples. Là encore, la cause est jugée. L’Histoire, la science et la
1102
onalistes ont sur nous les avantages du nombre, d’
une
routine centenaire (qu’ils prennent à tort pour la tradition), du sen
1103
us avons sur eux l’avantage important de défendre
une
cause qu’ils n’osent pas attaquer : celle de l’union européenne. Il e
1104
rents prétextes, mais ils lui rendent l’hommage d’
une
adhésion de principe. M. Herriot est l’un de ces hommages que le nati
1105
d à l’Europe unie. Et M. Molotov lui-même propose
un
plan… Certes, on ne peut espérer faire l’Europe qu’en appliquant le f
1106
chaque pas de cette double nécessité : instituer
une
union réelle, sauvegarder nos diversités. Sans union, l’Europe dispar
1107
mme M. Herriot, nous disent qu’ils veulent bien d’
une
Europe unie, à condition qu’elle respecte les souverainetés nationale
1108
s engager la bataille sur le thème de « l’abandon
des
souverainetés » ? Je ne le crois pas, pour deux raisons. La première,
1109
e, c’est que la souveraineté nationale est encore
un
mythe puissamment agissant sur les primaires de la presse, des parlem
1110
ssamment agissant sur les primaires de la presse,
des
parlements, et de tous les degrés de l’enseignement. Dès qu’on y touc
1111
e l’enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque
une
opposition passionnelle qui met fin à tout dialogue raisonnable. La s
1112
me : souveraineté ou fédération. Et sur la base d’
une
expérience historique probante, je leur propose une solution pratique
1113
e expérience historique probante, je leur propose
une
solution pratique. Parmi les fédérations réussies, on peut citer la S
1114
ns. Chacun sait que son régime politique est l’un
des
plus stables du monde, depuis un siècle. Ce que l’on sait moins, c’es
1115
itique est l’un des plus stables du monde, depuis
un
siècle. Ce que l’on sait moins, c’est la manière dont ce régime fédér
1116
22 cantons qui étaient encore, au début de 1848,
des
États parfaitement souverains. Tout le monde admettait, à ce moment,
1117
e moment, que les alliances qui existaient depuis
des
siècles entre les cantons souverains étaient trop lâches : elles ne p
1118
s étaient trop lâches : elles ne permettaient pas
une
défense commune efficace. Tout le monde admettait que les cordons dou
1119
de pacte fédéral plus étroit se heurtait au veto
des
cantons, jaloux de leur souveraineté sacrée. La solution qui s’imposa
1120
onderbund (1847), fut la suivante : loin d’exiger
des
cantons une renonciation à leur souveraineté, la Constitution suisse
1121
847), fut la suivante : loin d’exiger des cantons
une
renonciation à leur souveraineté, la Constitution suisse de 1848 gara
1122
ici les textes : Article premier. — Les peuples
des
vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alli
1123
le… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et
des
cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction généra
1124
u’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.
Un
fait demeure : il n’est pas de constitution plus fédéraliste que cell
1125
puiser à la combattre. Laissant aux nationalistes
un
terme vide, la Constitution suisse a gardé le concret : elle a créé u
1126
stitution suisse a gardé le concret : elle a créé
une
souveraineté nouvelle et bien réelle au niveau de la fédération. Tout
1127
ur l’Europe d’aujourd’hui. Tout cela nous indique
une
voie : nous devons désormais concentrer nos efforts sur la mise en di
1128
ur la mise en discussion et sur la ratification d’
une
Constitution fédérale de l’Europe, afin que l’Europe recouvre, entre
1129
que l’Europe recouvre, entre les grands empires,
une
souveraineté qui échappe de toute manière à ses nations. Nous savons
1130
r les nationalistes. Là encore, ils vont soulever
une
controverse purement verbale. Ils vont réclamer, au lieu de la fédéra
1131
ale. Ils vont réclamer, au lieu de la fédération,
une
simple confédération, croyant dissimuler derrière ce petit préfixe le
1132
e que les fédéralistes refusent de se battre pour
des
mots trompeurs. C’est le contenu et la visée fédéraliste du traité, n
1133
titule Confédération ! Eh bien, si l’on nous fait
une
Europe aussi réellement fédéraliste que la Suisse, on pourra la nomme
1134
ation, Alliance, ou même Ligue pour la protection
des
nationalismes intégraux, — je serai content. 2° — Dans le domaine éco
1135
ication forcée. Politiquement, le fédéralisme est
une
manière souple et sans cesse réajustée de distinguer entre ce qui doi
1136
à distinguer dans les activités humaines la part
des
automatismes nécessaires et celle de l’invention libre, la part des f
1137
écessaires et celle de l’invention libre, la part
des
fonctions étatiques collectivisées et celle des risques personnels. L
1138
t des fonctions étatiques collectivisées et celle
des
risques personnels. Les nationalistes, incapables de nier la nécessit
1139
nationalistes, incapables de nier la nécessité d’
une
coopération continentale, ne proposent que des marchandages entre aut
1140
d’une coopération continentale, ne proposent que
des
marchandages entre autarcies nationales un peu améliorées et assoupli
1141
t que des marchandages entre autarcies nationales
un
peu améliorées et assouplies. Nous demandons au contraire des service
1142
iorées et assouplies. Nous demandons au contraire
des
services fédéraux organisant toutes les activités de production, d’in
1143
ransport qui, par nature, débordent la capacité d’
un
seul pays ; et nous demandons la libération correspondante ou complém
1144
ns la libération correspondante ou complémentaire
des
entreprises dont l’optimum de production reste local ou régional. Ici
1145
n reste local ou régional. Ici, comme sur le plan
des
structures politiques, le fédéralisme va du local à l’européen, non p
1146
mots enfin sur le problème de la culture. Il est
une
phrase que je retrouve dans tous les plans et projets « culturels » é
1147
trasbourg : il s’agit, nous dit-on, « d’organiser
des
échanges culturels entre nations ». Une sensibilité fédéraliste s’irr
1148
organiser des échanges culturels entre nations ».
Une
sensibilité fédéraliste s’irrite immédiatement à ce langage, révélate
1149
e s’irrite immédiatement à ce langage, révélateur
des
plus dangereux réflexes nationalistes. S’il existait vraiment des cu
1150
x réflexes nationalistes. S’il existait vraiment
des
cultures nationales, il y aurait intérêt à favoriser leurs échanges.
1151
e barbare et d’ailleurs avortée, qui n’a guère qu’
un
siècle et demi d’âge en France, moins d’un demi-siècle en Norvège, qu
1152
ère qu’un siècle et demi d’âge en France, moins d’
un
demi-siècle en Norvège, quelques dizaines d’années en Turquie et en I
1153
mais la culture en Europe ne s’est développée par
des
échanges contrôlés et officiels de nation à nation. Elle est née dans
1154
t officiels de nation à nation. Elle est née dans
des
foyers locaux qui ne correspondent à aucun de nos États-nations — la
1155
oman ou du sonnet, de l’équation ou de la théorie
des
groupes, de la fresque ou du tableau de chevalet, du vocabulaire ou d
1156
sque ou du tableau de chevalet, du vocabulaire ou
des
catégories philosophiques, et en général de toutes les théories et pr
1157
agne, par exemple ? Faire connaître aux Espagnols
des
œuvres d’art en tant que suédoises ne présente qu’un médiocre intérêt
1158
œuvres d’art en tant que suédoises ne présente qu’
un
médiocre intérêt. Ce n’est pas en tant qu’Italien que Raphaël m’intér
1159
artistes les plus typiques de l’esprit national d’
un
peuple sont en général les plus mauvais. Ce n’est pas Mallarmé, ni Re
1160
ces brèves remarques que préconiser comme on fait
des
échanges culturels de nation à nation, c’est essayer de consolider le
1161
nnaître aux États le droit d’élever ou d’abaisser
des
obstacles arbitraires à la circulation des idées et des œuvres, c’est
1162
aisser des obstacles arbitraires à la circulation
des
idées et des œuvres, c’est donc aller diamétralement à l’encontre du
1163
stacles arbitraires à la circulation des idées et
des
œuvres, c’est donc aller diamétralement à l’encontre du but allégué.
1164
diamétralement à l’encontre du but allégué. Seule
une
Europe fédéraliste peut résoudre, en le supprimant, le problème mal p
1165
résoudre, en le supprimant, le problème mal posé
des
échanges culturels. La culture est par essence un phénomène d’échange
1166
es échanges culturels. La culture est par essence
un
phénomène d’échanges libres ; elle meurt d’être enfermée dans des cad
1167
échanges libres ; elle meurt d’être enfermée dans
des
cadres administratifs ou nationaux ; et ce n’est pas une libération s
1168
res administratifs ou nationaux ; et ce n’est pas
une
libération surveillée des échanges de prison à prison que nous devons
1169
onaux ; et ce n’est pas une libération surveillée
des
échanges de prison à prison que nous devons exiger mais l’élargisseme
1170
on du prévenu — j’entends : la suppression totale
des
mesures de discrimination nationales et des barrières douanières impo
1171
otale des mesures de discrimination nationales et
des
barrières douanières imposées à la vie culturelle de l’Europe et à se
1172
et demain le Pouvoir fédéral européen — n’ont qu’
un
moyen d’aider la culture : c’est d’offrir à ceux qui la créent et la
1173
ceux qui feignent de redouter que la suppression
des
frontières « culturelles » entraîne un affreux mélange de nos vertus
1174
ppression des frontières « culturelles » entraîne
un
affreux mélange de nos vertus et caractères nationaux, nous leur diro
1175
génie national » s’il a besoin d’être entouré par
des
douaniers pour ne pas se perdre ? Conclusions J’ai tenté par ce
1176
se fédéraliste, en même temps qu’elle rend compte
des
causes nationalistes de la décadence de l’Europe, dégage les principe
1177
la décadence de l’Europe, dégage les principes d’
une
méthode et les maximes d’une action seules susceptibles de conduire à
1178
gage les principes d’une méthode et les maximes d’
une
action seules susceptibles de conduire à une union vivante de nos peu
1179
es d’une action seules susceptibles de conduire à
une
union vivante de nos peuples. Dans chaque cas, mes conclusions ont ét
1180
isme européen doit concentrer tout son effort sur
un
seul objectif décisif : la Constitution fédérale de l’Europe. La méth
1181
nnelle » n’était pas incompatible en théorie avec
une
tactique fédéraliste. Mais elle a conduit à l’échec. Elle a servi de
1182
rope par pièces et morceaux, que de la faire dans
un
seul élan. Tourner un à un les obstacles multipliés par les sceptique
1183
ceaux, que de la faire dans un seul élan. Tourner
un
à un les obstacles multipliés par les sceptiques, les méfiants, et le
1184
, que de la faire dans un seul élan. Tourner un à
un
les obstacles multipliés par les sceptiques, les méfiants, et les sab
1185
Une
présence (1955)ab Depuis le début de l’ère des dictatures, nombre
1186
Une présence (1955)ab Depuis le début de l’ère
des
dictatures, nombre d’intellectuels occidentaux et asiatiques nous rép
1187
tes. Le risque est là, bien sûr, mais ce n’est qu’
un
risque. Et pourtant, à certains, il apparaît si grand que par crainte
1188
ple aux « partisans de la paix », qui sont ceux d’
une
armée et de sa politique. L’action du Congrès pour la liberté de la c
1189
tyrannie, et de surmonter le défaitisme anxieux d’
une
intelligentsia trop facilement dupée par les prétextes humanitaires d
1190
Terreur. Nous n’avons pas opposé à la propagande
des
Bons Tyrans je ne sais quel « front uni » exigeant farouchement le sa
1191
uchement le sacrifice « temporaire » mais concret
des
libertés de la personne et des impératifs de la justice. Mais nous av
1192
ire » mais concret des libertés de la personne et
des
impératifs de la justice. Mais nous avons créé un point de ralliement
1193
es impératifs de la justice. Mais nous avons créé
un
point de ralliement pour des esprits venus d’horizons différents, et
1194
Mais nous avons créé un point de ralliement pour
des
esprits venus d’horizons différents, et visant des buts très divers.
1195
es esprits venus d’horizons différents, et visant
des
buts très divers. Quoi de commun, pourrait-on demander, entre nos pré
1196
Croce ? Rien de facile à définir, sans doute. Pas
un
slogan. Mais ce fait et ce mode d’expérience — comme l’eût dit John D
1197
de Milan. Je voudrais simplement mettre en relief
un
fait : celui de notre Rassemblement. Peut-être a-t-il contribué plus
1198
était aux démissions de l’esprit devant l’autel d’
une
Histoire déifiée. Les hommes libres se sentaient seuls. Ils ont trouv
1199
fédérer sans renoncer à sa vocation. Ce n’est pas
un
ersatz d’église, ce n’est pas un parti jaloux, ce n’est pas un bastio
1200
on. Ce n’est pas un ersatz d’église, ce n’est pas
un
parti jaloux, ce n’est pas un bastion de défense. C’est plutôt un rés
1201
glise, ce n’est pas un parti jaloux, ce n’est pas
un
bastion de défense. C’est plutôt un réseau d’amitiés agissantes de Pa
1202
ce n’est pas un bastion de défense. C’est plutôt
un
réseau d’amitiés agissantes de Paris à Tokyo, de New York à Bombay, d
1203
mbay, de Berlin-Ouest à Santiago et Mexico. C’est
une
volonté de justice qui se moque des opportunismes et c’est une action
1204
Mexico. C’est une volonté de justice qui se moque
des
opportunismes et c’est une action permanente. Quelle que soit la vale
1205
e justice qui se moque des opportunismes et c’est
une
action permanente. Quelle que soit la valeur des sourires que prodigu
1206
une action permanente. Quelle que soit la valeur
des
sourires que prodiguent désormais les césariens, le Congrès va mener
1207
is l’offensive de la liberté, sa vraie lutte pour
une
paix vivante. ab. Rougemont Denis de, « Une présence », Cinq ans d
1208
ur une paix vivante. ab. Rougemont Denis de, «
Une
présence », Cinq ans de présence (juin 1950-septembre 1955). Le Congr
1209
ais louer Reynold de n’avoir pas craint de porter
un
jugement pessimiste sur l’avenir immédiat de la Suisse, sauvant ainsi
1210
ainsi chez nous le sens du pire, la conscience d’
une
menace totale à laquelle, pour faire face, il fallait d’abord croire.
1211
otre Suisse prospère, modèle européen, c’est pour
une
part minime mais qui est la part de l’homme, parce que Reynold a eu r
1212
périls. Et Reynold ne s’est pas arrêté à l’éloge
des
vertus qui tiennent un peuple ensemble. Dans la liste de ses ouvrages
1213
’est pas arrêté à l’éloge des vertus qui tiennent
un
peuple ensemble. Dans la liste de ses ouvrages, je trouve un tournant
1214
nsemble. Dans la liste de ses ouvrages, je trouve
un
tournant symbolique, vers 1940 précisément : succédant à Grandeur de
1215
se, voici Qu’est-ce que l’Europe ? et l’annonce d’
un
grand œuvre consacré à la formation du plus vaste ensemble historique
1216
de l’Europe : voilà qui nous éloigne de la Suisse
des
manuels, et de la Suisse « concrète » (comme on dit bien à tort), cel
1217
t ; mais voilà qui, en même temps, nous rapproche
des
réalités essentielles, hors de quoi notre Suisse n’eût jamais existé
1218
montre d’où nous venons. Ces repères définissent
un
axe. Cet axe part de l’Europe des Romains et des Francs, traverse not
1219
ères définissent un axe. Cet axe part de l’Europe
des
Romains et des Francs, traverse notre histoire et pointe vers un aven
1220
t un axe. Cet axe part de l’Europe des Romains et
des
Francs, traverse notre histoire et pointe vers un avenir qui ne peut
1221
es Francs, traverse notre histoire et pointe vers
un
avenir qui ne peut être distinct de celui d’une Europe soit fédérée p
1222
rs un avenir qui ne peut être distinct de celui d’
une
Europe soit fédérée par la libre invention, soit unifiée par une forc
1223
fédérée par la libre invention, soit unifiée par
une
force étrangère. Je ne vois pas un seul peuple européen qui ait autan
1224
t unifiée par une force étrangère. Je ne vois pas
un
seul peuple européen qui ait autant besoin que le nôtre d’exercer ce
1225
us rattache dans le passé, comme pour l’avenir, à
des
entités spirituelles, historiques et géographiques qui nous dépassent
1226
ble. Prendre conscience de l’être suisse, au-delà
des
apparences souvent médiocres, c’est prendre conscience de l’Europe. C
1227
l’Europe. Car l’Europe est faite dans l’ensemble
des
mêmes éléments que la Suisse : à la fois catholique et protestante, l
1228
topies directrices du Saint-Empire et de l’esprit
des
communes. Toutefois ces éléments, séparés en Europe, voisinent dans n
1229
: ces formules que Reynold a tirées de l’étude d’
une
Europe romano-germanique, n’est-il pas frappant de constater qu’elles
1230
eux événements politiques ont absorbé l’attention
des
Européens et des militants de l’Europe unie depuis l’été dernier : l’
1231
litiques ont absorbé l’attention des Européens et
des
militants de l’Europe unie depuis l’été dernier : l’abandon du projet
1232
ment ce vertige de contradictions ? Il y faudrait
une
parabole. En voici une. Il y avait une fois des députés. Ils étaient
1233
radictions ? Il y faudrait une parabole. En voici
une
. Il y avait une fois des députés. Ils étaient très effrayés par une m
1234
t une parabole. En voici une. Il y avait une fois
des
députés. Ils étaient très effrayés par une maladie dont ils craignaie
1235
e fois des députés. Ils étaient très effrayés par
une
maladie dont ils craignaient la contagion, et qu’ils nommaient réarme
1236
ls nommaient réarmement allemand. On leur proposa
un
vaccin. Ayant remarqué que le nom de ce vaccin évoquait le nom de la
1237
l’a répété bien à tort : il montre simplement qu’
une
partie d’un parlement (devenue majorité grâce à l’appui des communist
1238
ien à tort : il montre simplement qu’une partie d’
un
parlement (devenue majorité grâce à l’appui des communistes) n’a pas
1239
d’un parlement (devenue majorité grâce à l’appui
des
communistes) n’a pas encore senti la nécessité historique de cette co
1240
rouve une fois de plus que l’éducation européenne
des
peuples, de leurs cadres et de leurs élites, reste à faire. Les parti
1241
ent dans l’affaire de la CED — par complaisance à
une
double illusion : ils ont cru que le travail éducatif en profondeur,
1242
if en profondeur, lent par nature, représenterait
une
perte de temps ; et ils ont cru que la propagande pour l’idée europée
1243
réalités que cachaient ces deux illusions. I. — À
un
moment ou à un autre, nous avons tous été tentés de penser qu’on ne p
1244
chaient ces deux illusions. I. — À un moment ou à
un
autre, nous avons tous été tentés de penser qu’on ne pouvait réussir
1245
e penser qu’on ne pouvait réussir l’union que par
une
série de mesures « concrètes », telles que l’OECE, la CECA, la CED, q
1246
ionnaire qu’eût représenté l’exigence immédiate d’
une
fédération politique. C’était pratiquement se rallier à la méthode br
1247
ché leur propagande massive. Eux n’ont pas hésité
un
instant à agiter les passions : ils ont gagné contre la CED. Où était
1248
urope par pièces et morceaux que de la faire dans
un
seul élan fédérateur : qu’il est plus facile de tourner les obstacles
1249
rêts particuliers. Or, cette attaque eût impliqué
une
campagne éducative en profondeur, que l’on a négligée de mener — ou q
1250
ans l’ignorance de la vraie situation européenne,
des
vrais buts du traité, du traité lui-même, et des conséquences de son
1251
des vrais buts du traité, du traité lui-même, et
des
conséquences de son rejet. Or, les militants européens croyaient avoi
1252
ofonde, comme on va le voir, mais qui s’explique.
Une
enquête menée par le CEC10 au mois de septembre a donné les résultats
1253
tembre a donné les résultats suivants : le nombre
des
brochures, tracts, petits livres de propagande ou d’information europ
1254
rable quand on est assis dans le bureau central d’
un
mouvement, devant près de cinq-cents brochures de titres différents.
1255
s de chaque brochure distribuée dans chaque pays.
Une
goutte d’eau dans la mer. Comment s’étonner après cela de l’ignorance
1256
oblème européen ? Avant toute propagande massive,
une
préparation des esprits en profondeur reste indispensable. Du côté na
1257
? Avant toute propagande massive, une préparation
des
esprits en profondeur reste indispensable. Du côté nationaliste, cett
1258
aliste, cette préparation se trouve faite, depuis
un
siècle, et notamment par les manuels d’histoire : l’anti-Europe a jou
1259
s. De notre côté, tout reste à faire, ou presque.
Une
révolution est l’aboutissement d’une série d’actions d’abord morales,
1260
ou presque. Une révolution est l’aboutissement d’
une
série d’actions d’abord morales, intellectuelles et spirituelles, pui
1261
ciales, qui par nature restent invisibles à l’œil
des
agences de presse, mais sans lesquelles rien ne se ferait. L’Europe u
1262
s lesquelles rien ne se ferait. L’Europe unie est
une
révolution. Elle doit passer par tous les stades préparatoires des ré
1263
lle doit passer par tous les stades préparatoires
des
révolutions réussies. 9. Proverbe qui repose sur l’ignorance des mœ
1264
éussies. 9. Proverbe qui repose sur l’ignorance
des
mœurs des oiseaux : ceux-ci construisent leur nid en un jour, toutes
1265
9. Proverbe qui repose sur l’ignorance des mœurs
des
oiseaux : ceux-ci construisent leur nid en un jour, toutes affaires c
1266
rs des oiseaux : ceux-ci construisent leur nid en
un
jour, toutes affaires cessantes. 10. « Centre européen de la culture
1267
Réponse à l’enquête « Pour
une
bibliothèque idéale » (1956)ae af S’il s’agissait de nommer les ce
1268
vres de l’humanité (ceux que l’on prend pour base
des
études dans certaines universités américaines), je me bornerais aux é
1269
ose les distinctions suivantes, que j’indique par
un
chiffre romain derrière les titres marqués d’une croix : I. — Livres
1270
r un chiffre romain derrière les titres marqués d’
une
croix : I. — Livres ayant formé nos cultures et notre conscience col
1271
les Perrault : Contes. 17. Montesquieu : L’Esprit
des
lois. 18. J.-J. Rousseau : Les Confessions. 19. Proudhon : Du Princip
1272
obinson Crusoé. 25. Lewis Carroll : Alice au pays
des
merveilles. 26. — À travers le miroir. 27. William James : L’Expérien
1273
: Philosophie de l’esprit. 32. Freud : La Science
des
rêves. 33. Saint Jean de la Croix : La Nuit obscure de l’âme. 34. Cer
1274
Stéphane Mallarmé : Poésies. 50. Arthur Rimbaud :
Une
saison en enfer. 51. Charles Péguy : L’Argent. 52. G. Apollinaire : A
1275
. Andersen : Contes. 77. G. Bernanos : Journal d’
un
curé de campagne. 78. Valery Larbaud : Amants, heureux Amants. 79. Ra
1276
Déjà cités (I) Lewis Carroll : Alice au pays
des
merveilles. — À travers le miroir. III. — Livres qui excitent auj
1277
yages de Gulliver. Lewis Carroll : Alice au pays
des
merveilles. — À travers le miroir. Kierkegaard : Post-scriptum aux r
1278
hiques. ae. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] Pour une bibliothèque idéale », Pour une bibliothèque idéale
1279
ougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Pour
une
bibliothèque idéale », Pour une bibliothèque idéale, Paris, Gallimard
1280
une enquête] Pour une bibliothèque idéale », Pour
une
bibliothèque idéale, Paris, Gallimard, 1956, p. 279‑284. af. Introdu
1281
1934), Penser avec les mains (1936), Journal d’
un
intellectuel en chômage (1937), L’Amour et l’Occident (1939), etc.
1282
L’Association européenne
des
festivals de musique a cinq ans (1956)ap À la fin de 1951, réponda
1283
inq ans (1956)ap À la fin de 1951, répondant à
une
invitation lancée par le Centre européen de la culture, sur une propo
1284
lancée par le Centre européen de la culture, sur
une
proposition de son conseiller musical, Igor Markevitch, les directeur
1285
estivals se réunissaient à Genève. Jamais encore,
une
telle rencontre n’avait eu lieu dans les annales de l’Europe. Une seu
1286
tre n’avait eu lieu dans les annales de l’Europe.
Une
seule journée de délibérations suffit à dégager un accord unanime. Le
1287
e seule journée de délibérations suffit à dégager
un
accord unanime. Les quinze directeurs décidèrent avec enthousiasme de
1288
directeurs décidèrent avec enthousiasme de créer
une
organisation commune. Un secrétariat fut établi à Genève, au CEC, et
1289
c enthousiasme de créer une organisation commune.
Un
secrétariat fut établi à Genève, au CEC, et quelques mois plus tard p
1290
ve, au CEC, et quelques mois plus tard paraissait
une
brochure contenant les programmes de tous les festivals-membres pour
1291
la saison suivante. Premier témoignage tangible d’
un
esprit de collaboration se substituant à l’esprit de rivalité, et d’u
1292
ation se substituant à l’esprit de rivalité, et d’
une
vision européenne dépassant les intérêts locaux tout en les servant.
1293
es servant. ⁂ L’association nouvelle répondait à
un
besoin très général. En effet, la multiplication rapide des festivals
1294
très général. En effet, la multiplication rapide
des
festivals de musique dans tous nos pays et presque dans toutes nos vi
1295
os pays et presque dans toutes nos villes, posait
des
problèmes tout nouveaux. Plus on joue de musique, et mieux cela vaut,
1296
ertains dangers pratiques et certaines confusions
des
valeurs. Le public, sollicité de tous côtés, ne sait plus où aller et
1297
devenir uniformes ou routiniers, et à répondre à
des
exigences plus commerciales qu’artistiques. Certes, on ne peut pas so
1298
, on ne peut pas souhaiter, encore moins obtenir,
une
diminution du nombre des festivals. Mais il faut sauvegarder à tout p
1299
r, encore moins obtenir, une diminution du nombre
des
festivals. Mais il faut sauvegarder à tout prix la qualité et le pres
1300
sauvegarder à tout prix la qualité et le prestige
des
meilleurs. ⁂ Qu’est-ce qu’un bon festival de musique ? Telle est la
1301
ité et le prestige des meilleurs. ⁂ Qu’est-ce qu’
un
bon festival de musique ? Telle est la première question que s’est po
1302
mière question que s’est posée notre association.
Un
festival est d’abord une fête, donc quelque chose d’exceptionnel, qui
1303
posée notre association. Un festival est d’abord
une
fête, donc quelque chose d’exceptionnel, qui sort de la routine des p
1304
lque chose d’exceptionnel, qui sort de la routine
des
programmes de l’hiver et qui doit créer une atmosphère spéciale, à la
1305
utine des programmes de l’hiver et qui doit créer
une
atmosphère spéciale, à laquelle contribuent non seulement la qualité
1306
, à laquelle contribuent non seulement la qualité
des
œuvres et de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’une cité,
1307
de leur exécution, mais le paysage, l’ambiance d’
une
cité, et la tradition musicale d’une région. Voilà pourquoi l’associ
1308
l’ambiance d’une cité, et la tradition musicale d’
une
région. Voilà pourquoi l’association n’admet comme membres que ceux
1309
quoi l’association n’admet comme membres que ceux
des
festivals européens qui réunissent ces conditions : — ceux qui ont un
1310
ns qui réunissent ces conditions : — ceux qui ont
un
caractère particulier, une tradition bien définie, des racines locale
1311
itions : — ceux qui ont un caractère particulier,
une
tradition bien définie, des racines locales ou régionales, et un pres
1312
aractère particulier, une tradition bien définie,
des
racines locales ou régionales, et un prestige international bien étab
1313
en définie, des racines locales ou régionales, et
un
prestige international bien établi. Pour un festival européen, faire
1314
s, et un prestige international bien établi. Pour
un
festival européen, faire partie de l’association devient ainsi une ga
1315
péen, faire partie de l’association devient ainsi
une
garantie de qualité et d’authenticité. ⁂ Une idée simple a présidé à
1316
insi une garantie de qualité et d’authenticité. ⁂
Une
idée simple a présidé à la formation de notre association : il s’agis
1317
sociation : il s’agissait de présenter l’ensemble
des
meilleurs festivals comme une seule et grandiose manifestation de la
1318
résenter l’ensemble des meilleurs festivals comme
une
seule et grandiose manifestation de la musique européenne, dans son u
1319
est donc à la fois d’harmoniser les efforts dans
un
esprit de collaboration européenne, tout en développant toujours plus
1320
lle de la brochure Saison, donnant les programmes
des
festivals membres plusieurs mois avant que la première note d’un conc
1321
mbres plusieurs mois avant que la première note d’
un
concert d’ouverture retentisse en Allemagne, en France ou en Italie,
1322
llemagne, en France ou en Italie, offre au public
un
guide unique en son genre, parce qu’il permet à l’amateur de s’orient
1323
r vers la qualité, de se composer selon ses goûts
un
itinéraire des hauts lieux de la musique européenne, et d’être assuré
1324
ité, de se composer selon ses goûts un itinéraire
des
hauts lieux de la musique européenne, et d’être assuré qu’il ne sera
1325
é qu’il ne sera pas déçu, et qu’il ira vraiment d’
une
fête à l’autre. L’échange de « créations », de spectacles nouveaux mo
1326
ainsi bénéficier, diminue les risques matériels d’
une
création, favorise le renouvellement des programmes et doit stimuler
1327
ériels d’une création, favorise le renouvellement
des
programmes et doit stimuler l’esprit créateur des artistes contempora
1328
des programmes et doit stimuler l’esprit créateur
des
artistes contemporains. La création d’archives musicales — uniques en
1329
Enfin, l’étude d’entreprises communes, telles qu’
une
revue musicale européenne ou certaines manifestations artistiques de
1330
toute l’Europe et en Amérique, donne la preuve d’
une
coopération étroite entre dix-sept des meilleurs festivals de huit pa
1331
a preuve d’une coopération étroite entre dix-sept
des
meilleurs festivals de huit pays. Elle fournit ainsi un exemple, enco
1332
lleurs festivals de huit pays. Elle fournit ainsi
un
exemple, encore modeste, mais convaincant, de cette union européenne
1333
manifester la première cette communauté profonde
des
réactions de la sensibilité et de l’esprit qui définit une civilisati
1334
ions de la sensibilité et de l’esprit qui définit
une
civilisation ? ap. Rougemont Denis de, « L’Association des festiva
1335
tion ? ap. Rougemont Denis de, « L’Association
des
festivals de musique a cinq ans », Saison, AEFM, 1956, p. 12-13.
1336
Action française, ou encore anarcho-gidiens, avec
un
sérieux redoutable, — pensant au fond tout autre chose que ceux de Pa
1337
règle de vie, mais subversive bien entendu. L’un
des
deux temples de ce culte (l’autre étant comme on pense la NRF ) se c
1338
tant comme on pense la NRF ) se cachait derrière
une
vitrine très savamment discrète de la rue de l’Odéon. Il n’était pas
1339
’improbable nom venait de s’inscrire au fronton d’
un
considérable poème. (Nous en avions appris par cœur de longs fragment
1340
là sans façon ni vergogne pour acheter banalement
un
livre : alors que l’on risquait de se trouver tout d’un coup devant G
1341
re : alors que l’on risquait de se trouver tout d’
un
coup devant Gide, Claudel, ou James Joyce conversant comme de simples
1342
esservante du sanctuaire, en robe de bure nouée d’
une
cordelette. Tels étaient à nos yeux les prestiges de l’enseigne « à j
1343
e l’enseigne « à jamais littéraire » de la Maison
des
amis des livres. (Commerce en éloignait toute idée commerciale…) Bien
1344
gne « à jamais littéraire » de la Maison des amis
des
livres. (Commerce en éloignait toute idée commerciale…) Bien des anné
1345
mmerce en éloignait toute idée commerciale…) Bien
des
années plus tard, je devais découvrir que le culte des Lettres chez A
1346
nnées plus tard, je devais découvrir que le culte
des
Lettres chez Adrienne Monnier était à la fois plus sérieux et plus ai
1347
cuisine, en train de peler de fines patates pour
un
dîner improvisé. Je rentrais d’Amérique, je voulais tout savoir sur n
1348
es d’alors, tous ceux qu’elle estimait défilèrent
un
à un devant l’objectif — bien nommé — de Gisèle Freund. Ce choix des
1349
alors, tous ceux qu’elle estimait défilèrent un à
un
devant l’objectif — bien nommé — de Gisèle Freund. Ce choix des élus
1350
bjectif — bien nommé — de Gisèle Freund. Ce choix
des
élus d’Adrienne, qu’on pourrait publier en album, ne ferait-il pas un
1351
qu’on pourrait publier en album, ne ferait-il pas
un
bel hommage à sa mémoire ? Il faudrait y ajouter les descriptions viv
1352
s et toujours amicales qu’elle donna de plusieurs
des
modèles dans son Navire d’argent et sa Gazette des amis des livres :
1353
es modèles dans son Navire d’argent et sa Gazette
des
amis des livres : autant de petits chefs-d’œuvre d’intelligence du cœ
1354
s dans son Navire d’argent et sa Gazette des amis
des
livres : autant de petits chefs-d’œuvre d’intelligence du cœur. Quel
1355
t 11, j’éprouve le besoin de rassembler ici tout
un
faisceau d’observations nouvelles. Le lecteur va juger si elles infir
1356
risme. Je n’indiquais que par analogies la nature
des
relations possibles entre une mystique, une conception religieuse, ou
1357
analogies la nature des relations possibles entre
une
mystique, une conception religieuse, ou simplement une théorie de l’h
1358
ature des relations possibles entre une mystique,
une
conception religieuse, ou simplement une théorie de l’homme — et une
1359
ystique, une conception religieuse, ou simplement
une
théorie de l’homme — et une forme lyrique déterminée. (Rapports entre
1360
gieuse, ou simplement une théorie de l’homme — et
une
forme lyrique déterminée. (Rapports entre le soufisme et la poésie co
1361
Rapports entre le soufisme et la poésie courtoise
des
Arabes ; influence de Freud sur l’école surréaliste.) Les polémiques
1362
les découvertes multipliées depuis quinze ans par
des
spécialistes, de l’amour courtois, du catharisme et du manichéisme, e
1363
hes personnelles, tout cela m’amène aujourd’hui à
une
conception de la cortezia à peine moins « historique » que celle que
1364
Mais je me gardais de démontrer le détail précis
des
influences à la manière de beaucoup d’historiens pour qui le réel n’e
1365
’historiens pour qui le réel n’est défini que par
des
documents écrits. J’irai maintenant un peu plus loin, mais dans mon s
1366
i que par des documents écrits. J’irai maintenant
un
peu plus loin, mais dans mon sens, non dans le leur. Je ne prétends p
1367
ans le leur. Je ne prétends pas fonder sur pièces
une
de ces solutions textuelles et « scientifiques » après quoi, comme le
1368
igieuse. Je vais donc poser quelques faits, comme
un
piège. J’éviterai à la fois d’indiquer des relations de cause à effet
1369
, comme un piège. J’éviterai à la fois d’indiquer
des
relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusio
1370
ons de cause à effet, et de formuler expressément
des
conclusions que l’on pourrait citer hors du contexte — accords sans c
1371
ecteurs trop pressés se jetteraient en criant : «
Des
preuves ! » ou « Comme c’est vrai ! » ⁂ 1. La révolution psychique
1372
⁂ 1. La révolution psychique du xiie siècle
Une
hérésie néo-manichéenne, venue du Proche-Orient par l’Arménie et la B
1373
ient par l’Arménie et la Bulgarie bogomile, celle
des
« bonshommes » ou cathares, ascètes condamnant le mariage, mais fonda
1374
ares, ascètes condamnant le mariage, mais fondant
une
« Église d’Amour », opposée à l’Église de Rome13, envahit rapidement
1375
lats ambitieux et aux pompes sacrales de l’Église
un
spiritualisme épuré, ils aboutissent parfois, plus ou moins consciemm
1376
boutissent parfois, plus ou moins consciemment, à
des
doctrines naturalistes et même matérialistes avant la lettre. Le « qu
1377
traduisent bien plutôt la nature révolutionnaire
des
problèmes qui surgissent dans l’époque, l’inordinatio profonde du siè
1378
t. D’Henri de Lausanne et Pierre de Bruys jusqu’à
un
Amaury de Bène et aux frères ortliebiens de Strasbourg, tous condamne
1379
Point de péché au-dessous du nombril ! » précise
un
évêque dualiste, excusant ainsi la licence favorisée ou tolérée par p
1380
icence favorisée ou tolérée par plusieurs sectes.
Une
forme toute nouvelle de poésie naît dans le Midi de la France, patrie
1381
la France, patrie cathare : elle célèbre la Dame
des
pensées, l’idée platonicienne du principe féminin, le culte de l’Amou
1382
t en campagne pour combattre le catharisme, fonde
un
ordre ascétique orthodoxe, face à celui des « bonshommes » ou Parfait
1383
fonde un ordre ascétique orthodoxe, face à celui
des
« bonshommes » ou Parfaits, puis oppose à la cortezia la mystique de
1384
Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique
des
Cantiques sont écrits pour les nonnes des premiers couvents de femmes
1385
antique des Cantiques sont écrits pour les nonnes
des
premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du
1386
saint, dont l’ère est imminente, s’incarnera dans
une
Femme. Tout cela se passe dans la réalité, ou dans les imaginations q
1387
glise et le clergé ne pouvaient manquer d’opposer
une
croyance et un culte qui répondissent au même désir profond, surgi de
1388
gé ne pouvaient manquer d’opposer une croyance et
un
culte qui répondissent au même désir profond, surgi de l’âme collecti
1389
ées, dès le début du xiie siècle, pour instituer
un
culte de la Vierge. Marie reçoit généralement, dès cette époque, le t
1390
ésormais que l’art va la représenter. À la « Dame
des
Pensées » de la cortezia, on substituera « Notre Dame ». Et les ordre
1391
es ordres monastiques qui apparaissent alors sont
des
répliques aux ordres chevaleresques : le moine est « chevalier de Mar
1392
rie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent
une
fête de l’Immaculée Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairv
1393
aint Bernard de Clairvaux eut beau protester dans
une
lettre fameuse contre « cette fête nouvelle que l’usage de l’Église i
1394
Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à
une
nécessité d’ordre vital pour l’Église menacée et entraînée… La papaut
1395
usieurs siècles plus tard, ne put que sanctionner
un
sentiment qui n’avait pas attendu le dogme pour triompher dans tous l
1396
pour triompher dans tous les arts. Enfin, voici
un
dernier trait dont on verra qu’il est tout impossible de le rattacher
1397
ts. C’est au xiie siècle que s’atteste en Europe
une
modification radicale du jeu d’échecs, originaire de l’Inde. Au lieu
1398
le du jeu d’échecs, originaire de l’Inde. Au lieu
des
quatre rois qui dominaient le jeu primitif, on voit la Dame (ou Reine
1399
nt ses pouvoirs plus révéré. Imaginons maintenant
un
état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puis
1400
la puissance divine se divise elle-même, soit en
une
pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-déesse, co
1401
n une pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en
un
couple dieu-déesse, comme en Égypte, soit enfin comme dans le maniché
1402
Égypte, soit enfin comme dans le manichéisme, en
un
Dieu bon qui est pur esprit et un démiurge qui domine la matière et l
1403
manichéisme, en un Dieu bon qui est pur esprit et
un
démiurge qui domine la matière et la chair. La compulsion qui créait
1404
tière, chair, sexualité procréatrice, — tandis qu’
un
sentiment d’adoration purifiée peut se porter sur le Dieu-Esprit. En
1405
llement libéré : il peut s’avouer sous la forme d’
un
culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette Dé
1406
stique avec cette divinité féminine devient alors
une
participation à la puissance légitime du Dieu lumineux, un « endieuse
1407
ipation à la puissance légitime du Dieu lumineux,
un
« endieusement », c’est-à-dire littéralement un enthousiasme libérate
1408
, un « endieusement », c’est-à-dire littéralement
un
enthousiasme libérateur unifiant l’être, le « consolant »15. 3. Un
1409
rateur unifiant l’être, le « consolant »15. 3.
Une
illustration Au xiie siècle, l’on assiste dans le Midi de la Fran
1410
siècle, l’on assiste dans le Midi de la France à
un
relâchement notable du lien féodal et patriarcal (partage égal des do
1411
otable du lien féodal et patriarcal (partage égal
des
domaines entre tous les fils, ou « pariage », d’où perte d’autorité d
1412
pariage », d’où perte d’autorité du suzerain) ; à
une
sorte de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’une religion
1413
e pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’
une
religion dualiste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’Amo
1414
ppeler les manifestations. Nous voici donc devant
une
réalisation (ou épiphanie dans l’Histoire) du phénomène que nous veno
1415
« consolés », mais demeurent tolérés dans le cas
des
simples croyants, c’est-à-dire de l’immense majorité des hérétiques.
1416
ples croyants, c’est-à-dire de l’immense majorité
des
hérétiques. Du côté catholique, le mariage est tenu pour sacrement, c
1417
our sacrement, cependant qu’il repose en fait sur
des
bases d’intérêt matériel et social, et se voit imposé aux époux sans
1418
s. En même temps, le relâchement de l’autorité et
des
pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle d’ad
1419
té et des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu,
une
possibilité nouvelle d’admettre la femme, mais sous le couvert d’une
1420
velle d’admettre la femme, mais sous le couvert d’
une
idéalisation, voire d’une divinisation du principe féminin. Ce qui ne
1421
mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’
une
divinisation du principe féminin. Ce qui ne peut qu’aviver la contrad
1422
cœur de cette situation inextricable, c’est comme
une
résultante de tant de confusions qui devaient s’y nouer, qu’apparaît
1423
joy d’amors, ses « rites » précis, la rhétorique
des
troubadours, sa morale de l’hommage et du service, sa « théologie » e
1424
ine » ; et nous voyons souvent dans le même poète
un
adorateur enthousiaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de
1425
orateur enthousiaste de la Dame, qu’il exalte, et
un
contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’on se rappelle seulement
1426
rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’
un
Marcabru ou d’un Rambaut d’Orange. Chose curieuse, les troubadours ch
1427
se rappelle seulement les vers d’un Marcabru ou d’
un
Rambaut d’Orange. Chose curieuse, les troubadours chez lesquels nous
1428
ent pas ! On dirait qu’ils ont trouvé le secret d’
une
conciliation vivante des inconciliables. Ils semblent refléter, mais
1429
s ont trouvé le secret d’une conciliation vivante
des
inconciliables. Ils semblent refléter, mais en la surmontant, la divi
1430
lent refléter, mais en la surmontant, la division
des
consciences (elle-même productrice de mauvaise conscience) dans la gr
1431
ce de mauvaise conscience) dans la grande masse d’
une
société partagée non seulement entre la chair et l’esprit, mais encor
1432
e, et au sein même de l’hérésie, entre l’exigence
des
Parfaits et la vie réelle des Croyants… Citons-là-dessus l’un des plu
1433
e, entre l’exigence des Parfaits et la vie réelle
des
Croyants… Citons-là-dessus l’un des plus sensibles interprètes modern
1434
la vie réelle des Croyants… Citons-là-dessus l’un
des
plus sensibles interprètes modernes de la cortezia, René Nelli : Pre
1435
— étaient cathares ou, du moins, très au courant
des
idées qui étaient dans l’air depuis deux-cents ans. Dans tous les cas
1436
cents ans. Dans tous les cas, ils chantaient pour
des
châtelaines dont il fallait apaiser par des chansons la mauvaise cons
1437
pour des châtelaines dont il fallait apaiser par
des
chansons la mauvaise conscience, et qui leur demandaient non pas tant
1438
conscience, et qui leur demandaient non pas tant
une
illusion d’amour sincère qu’un antipode spirituel au mariage où elles
1439
ient non pas tant une illusion d’amour sincère qu’
un
antipode spirituel au mariage où elles avaient été contraintes. Le m
1440
question de voir dans la chasteté, ainsi feinte,
une
habitude réelle ni un reflet des mœurs », mais seulement « un hommage
1441
la chasteté, ainsi feinte, une habitude réelle ni
un
reflet des mœurs », mais seulement « un hommage ‟religieux” (et forma
1442
é, ainsi feinte, une habitude réelle ni un reflet
des
mœurs », mais seulement « un hommage ‟religieux” (et formaliste) rend
1443
réelle ni un reflet des mœurs », mais seulement «
un
hommage ‟religieux” (et formaliste) rendu par l’imperfection à la per
1444
ubadours et par les croyants inquiets à la morale
des
Parfaits. Mais enfin, dit le sceptique d’aujourd’hui, que peut bien s
1445
ignifier au concret cette « chasteté » prônée par
des
jongleurs ? Et comment expliquer le succès si rapide d’une prétendue
1446
eurs ? Et comment expliquer le succès si rapide d’
une
prétendue morale à ce point ambiguë, dans un Languedoc, une Italie du
1447
e d’une prétendue morale à ce point ambiguë, dans
un
Languedoc, une Italie du Nord, une Germanie rhénane, une Europe tout
1448
due morale à ce point ambiguë, dans un Languedoc,
une
Italie du Nord, une Germanie rhénane, une Europe tout entière enfin,
1449
t ambiguë, dans un Languedoc, une Italie du Nord,
une
Germanie rhénane, une Europe tout entière enfin, où les passions « re
1450
guedoc, une Italie du Nord, une Germanie rhénane,
une
Europe tout entière enfin, où les passions « religieuses » et la théo
1451
, en effet, depuis Rousseau, croient qu’il existe
une
sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraien
1452
sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans
une
confusion proprement insensée de religions jamais tout à fait mortes,
1453
t confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt
des
artifices cruels, tantôt des rites sacrés ou des gestes magiques, par
1454
Elles furent tantôt des artifices cruels, tantôt
des
rites sacrés ou des gestes magiques, parfois aussi des disciplines pr
1455
des artifices cruels, tantôt des rites sacrés ou
des
gestes magiques, parfois aussi des disciplines profondes élaborées pa
1456
ites sacrés ou des gestes magiques, parfois aussi
des
disciplines profondes élaborées par des mystiques lointaines à la foi
1457
ois aussi des disciplines profondes élaborées par
des
mystiques lointaines à la fois dans le temps et dans l’espace. 4.
1458
s à la fois dans le temps et dans l’espace. 4.
Une
technique de la « chasteté » À partir du vie siècle se répand rap
1459
s l’Inde entière, tant hindouiste que bouddhistes
une
école ou mode religieuse, dont l’influence s’épanouira pendant des si
1460
religieuse, dont l’influence s’épanouira pendant
des
siècles. Du point de vue formel, le tantrisme se présente comme une
1461
int de vue formel, le tantrisme se présente comme
une
nouvelle manifestation triomphante du shaktisme. La force secrète (ça
1462
nes sectes tantriques, la femme devient elle-même
une
chose sacrée, une incarnation de la mère. L’apothéose religieuse de l
1463
ues, la femme devient elle-même une chose sacrée,
une
incarnation de la mère. L’apothéose religieuse de la femme est commun
1464
Moyen Âge indien… Le tantrisme est par excellence
une
technique, bien que fondamentalement il soit une métaphysique et une
1465
une technique, bien que fondamentalement il soit
une
métaphysique et une mystique… La méditation éveille certaines forces
1466
que fondamentalement il soit une métaphysique et
une
mystique… La méditation éveille certaines forces occultes qui dorment
1467
e fois éveillées, transforment le corps humain en
un
corps mystique.16 Il s’agit, par le cérémonial du yoga tantrique, d
1468
condition humaine. Le tantrisme bouddhique trouve
des
analogies précises dans le hatha yoga hindou, technique du contrôle d
1469
e, celle-là même qui détermine le cycle incessant
des
naissances et des morts, la fonction sexuelle »17. Ainsi parle Shiva1
1470
ui détermine le cycle incessant des naissances et
des
morts, la fonction sexuelle »17. Ainsi parle Shiva18 : « Pour mes dév
1471
Ténèbre du monde et doit être tenu pour le secret
des
secrets. » Les précisions données par le texte font allusion à une te
1472
s précisions données par le texte font allusion à
une
technique de l’acte sexuel sans consommation, car « celui qui garde (
1473
’aurait-il à craindre de la mort ? » comme le dit
un
upanishad. Dans le tantrisme, la maithuna (union sexuelle cérémoniell
1474
la maithuna (union sexuelle cérémonielle) devient
un
exercice yogique. Mais la plupart des textes qui la décrivent « sont
1475
rt des textes qui la décrivent « sont écrits dans
un
langage intentionnel, secret, obscur, à double sens, dans lequel un é
1476
onnel, secret, obscur, à double sens, dans lequel
un
état de conscience est exprimé par un terme érotique »19 — ou l’inver
1477
dans lequel un état de conscience est exprimé par
un
terme érotique »19 — ou l’inverse aussi bien. À tel point « qu’on ne
1478
t « qu’on ne peut jamais préciser si maithuna est
un
acte réel ou simplement une allégorie ». De toute manière, le but est
1479
éciser si maithuna est un acte réel ou simplement
une
allégorie ». De toute manière, le but est le « suprême grand bonheur…
1480
ais la femme, dans tout cela ? Elle reste objet d’
un
culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante
1481
rsonnelle, pur principe, sans visage et sans nom.
Une
école mystique du tantrisme tardif, le Sahajiyâ, amplifie l’érotique
1482
e Sahajiyâ, amplifie l’érotique rituelle jusqu’à
des
proportions étonnantes… On y accorde une grande importance à toute so
1483
jusqu’à des proportions étonnantes… On y accorde
une
grande importance à toute sorte d’« amour » et le rituel de maithuna
1484
tuel de maithuna apparaît comme le couronnement d’
un
lent et difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir la
1485
dévote » pendant les quatre premiers mois, comme
un
domestique, dormir dans la même chambre qu’elle, puis à ses pieds. Pe
1486
t réaliser la béatitude nirvanique et la maîtrise
des
sens, i. e. l’arrêt séminal.22 Des pratiques similaires sont prescr
1487
la maîtrise des sens, i. e. l’arrêt séminal.22
Des
pratiques similaires sont prescrites par le taoïsme, mais en vue de p
1488
r l’exaltation mystique et la béatitude à travers
une
Elle qu’il s’agit de « servir » en posture humiliée, mais en gardant
1489
ise de soi dont la perte pourrait se traduire par
un
acte de procréation, lequel ferait retomber le chevalier servant dans
1490
joie à celui qui observe ses lois, dit le premier
des
troubadours connus, Guillaume, sixième comte de Poitiers et neuvième
1491
ces « lois d’Amour » sont donc déjà fixées, comme
un
rituel. Ce sont Mesure, Service, Prouesse, Longue Attente, Chasteté,
1492
vanter celui qui sait garder Mesure… Le bien-être
des
amoureux consiste en Joie, Patience et Mesure… J’approuve que ma dame
1493
La soumission à l’aimée est la marque naturelle d’
un
homme courtois. ») Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer
1494
t aimé lui deviendra bientôt indifférente : J’ai
une
amie, mais je ne sais qui elle est, car jamais de par ma foi je ne la
1495
amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ai cité que
des
poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (11
1496
poètes de la première et de la seconde génération
des
troubadours (1120 à 1180 environ). Au xiiie siècle, ceux de la derni
1497
de Prades, qui cependant ne craint pas de donner
des
précisions sur les gestes érotiques que l’on peut se permettre avec c
1498
ement dénoncé par Marcabru et ses successeurs, en
des
termes qui peuvent éclairer indirectement sur la nature de l’amour vr
1499
mis qu’il en serait ainsi, là sera la lamentation
des
désespérés. Ah ! noble Amour, source de bonté, par qui le monde entie
1500
e que tu seras mon guide. Enfin, contre certains
des
troubadours qui sans doute abusaient trop souvent des ambiguïtés ména
1501
troubadours qui sans doute abusaient trop souvent
des
ambiguïtés ménagées par le « service » d’amour courtois, Cercamon n’h
1502
s sont dans l’angoisse… Ces faux servants font qu’
un
grand nombre abandonnent Mérite et éloignent d’eux Jeunesse. Quelles
1503
s, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure
un
fait patent : il suffit de lire. Elle va servir aux romanciers du Nor
1504
e d’Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire
des
actions et des drames, et non plus seulement pour chanter ce que l’on
1505
Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et
des
drames, et non plus seulement pour chanter ce que l’on pourrait encor
1506
encore tenir, chez les troubadours du Midi, pour
une
pure fantasmagorie sentimentale. 6. Excuse aux historiens Je ne
1507
guère à l’histoire « scientifique » comme critère
des
réalités qui m’intéressent dans cet ouvrage. Je lui laisse le soin d’
1508
e donc incroyable jusqu’à nouvel avis. Je cherche
un
sens, donc des analogies illustratives et illuminatives. Et je ne pré
1509
ble jusqu’à nouvel avis. Je cherche un sens, donc
des
analogies illustratives et illuminatives. Et je ne prétends aucunemen
1510
minatives. Et je ne prétends aucunement confirmer
une
thèse quelconque en appelant l’attention du lecteur sur certains fait
1511
raduit au vie siècle du sanscrit en pehlevi, par
un
médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son prog
1512
suivre son progrès rapide vers l’Europe à travers
une
série de traductions en syriaque, en arabe, en latin, en espagnol, et
1513
ie siècle, La Fontaine le lira en français, dans
une
nouvelle traduction du persan faite sur une ancienne version arabe. L
1514
dans une nouvelle traduction du persan faite sur
une
ancienne version arabe. Le périple du Roman de Barlaam et Josaphat es
1515
, quoiqu’orthodoxe dans les grandes lignes, porte
des
traces indiscutables de manichéisme. Selon l’école néo-cathare frança
1516
se, les hérétiques du xiie siècle auraient connu
une
version non amendée par les catholiques, et plus proche de l’original
1517
us proche de l’original. Que cette hypothèse soit
un
jour vérifiée ou non, il n’en reste pas moins que l’origine manichéen
1518
n oriental. Et l’on peut suivre la transformation
des
noms hindous « Baghavan » et « Boddisattva » (le Bouddha) en « Barlaa
1519
e furent plusieurs troubadours. Il s’exprime dans
des
termes qui seront repris par presque tous les grands mystiques de l’O
1520
e l’Occident. Il nous semble parfois se réduire à
des
fadaises sophistiquées, dans le goût des petites cours du Moyen Âge.
1521
éduire à des fadaises sophistiquées, dans le goût
des
petites cours du Moyen Âge. Il peut être purement rêvé, et beaucoup s
1522
, et beaucoup se refusent à y voir autre chose qu’
un
tournoi verbal. Il peut traduire aussi les réalités précises, mais no
1523
les réalités précises, mais non moins ambiguës, d’
une
certaine discipline érotico-mystique dont l’Inde, la Chine et le Proc
1524
à laquelle je viens de me livrer, et compte tenu
des
objections les plus sensées que firent à ma thèse minima les partisan
1525
s d’écoles au moins diverses, me voici ramené par
une
sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour c
1526
à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’
un
Orient symbolique. Il nous devient intelligible par certaines de ses
1527
relation littéralement congénitale avec l’hérésie
des
cathares, et son opposition sournoise ou déclarée au concept chrétien
1528
rent s’il n’avait gardé dans nos vies, au travers
des
nombreux avatars dont nous allons décrire la procession, une virulenc
1529
x avatars dont nous allons décrire la procession,
une
virulence intime, perpétuellement nouvelle. 11. Le présent texte c
1530
chapitre VII de ce livre, à savoir que les poèmes
des
troubadours pouvaient être — selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte
1531
s pouvaient être — selon Rahn, Aroux et Péladan —
une
sorte de langage secret du catharisme — une relecture des chapitres V
1532
dan — une sorte de langage secret du catharisme —
une
relecture des chapitres VIII et IX suffit à « réduire » à son tour ce
1533
e de langage secret du catharisme — une relecture
des
chapitres VIII et IX suffit à « réduire » à son tour cette simplifica
1534
lus fait pour assurer le succès de l’ouvrage dans
un
large public pressé, comme il arrive.) 13. Comme Amor s’oppose à Rom
1535
: le premier génocide ou massacre systématique d’
un
peuple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident.
1536
ouve parfois « jusqu’à cinq sens équivalents pour
un
seul terme ». 20. L. De La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et ma
1537
id. 23. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que
des
fragments de chansons — de paroles de chansons ! — souvent très pauvr
1538
Qu’il soit bien entendu que je n’épingle ici que
des
dépouilles de sens… 24. Note du professeur Jeanroy : « C’est-à-dire,
1539
gard qui enflamme – et servir à tactus.) Le thème
des
Cinq lignes d’amour peut être suivi à travers toute la poésie latine
1540
j Pourquoi aviez-vous écrit ce livre ? L’amour
des
découvertes ? Mon propos initial était assez simple. Je voulais mettr
1541
tial était assez simple. Je voulais mettre à jour
un
paradoxe dont l’époque semble nourrie mais inconsciente : on fonde au
1542
aujourd’hui le mariage sur la passion, ce qui est
une
stupidité car c’est confondre l’amour pour la mort avec l’amour pour
1543
ubit de nos jours. J’ai tenté de le décrire comme
un
phénomène historique, d’origine proprement religieuse. Voulez-vous di
1544
e. Voulez-vous dire que l’amour-passion n’est pas
un
des caractères permanents de la nature humaine ? Exactement. L’amour-
1545
Voulez-vous dire que l’amour-passion n’est pas un
des
caractères permanents de la nature humaine ? Exactement. L’amour-pass
1546
nature humaine ? Exactement. L’amour-passion est
un
sentiment historique, qui a une histoire. Il a des causes, des raison
1547
’amour-passion est un sentiment historique, qui a
une
histoire. Il a des causes, des raisons. Peut-être eût-il pu ne pas ex
1548
un sentiment historique, qui a une histoire. Il a
des
causes, des raisons. Peut-être eût-il pu ne pas exister. En tout cas,
1549
historique, qui a une histoire. Il a des causes,
des
raisons. Peut-être eût-il pu ne pas exister. En tout cas, il n’appara
1550
l’amour humain est très généralement conçu comme
un
plaisir, la simple volupté physique. Et la passion — au sens tragique
1551
tout, y est méprisée par la morale courante comme
une
maladie frénétique. Il y a un bouleversement au xiie siècle : subite
1552
ale courante comme une maladie frénétique. Il y a
un
bouleversement au xiie siècle : subitement, c’est le mariage qui est
1553
tains spécialistes n’ont pas aimé que j’établisse
des
connexions entre les sombres cathares et les joyeux troubadours. Et p
1554
tte doctrine. J’avoue que j’en avais été réduit à
un
grand nombre d’hypothèses. Mais, en 1940, le Père Dondaine retrouva d
1555
es. Mais, en 1940, le Père Dondaine retrouva dans
une
bibliothèque de Florence le Livre des deux principes, premier texte c
1556
trouva dans une bibliothèque de Florence le Livre
des
deux principes, premier texte cathare en notre possession. J’eus le b
1557
ais avancé. C’est pourquoi je propose aujourd’hui
une
nouvelle édition, où l’idée du livre reste la même mais s’appuie main
1558
livre reste la même mais s’appuie maintenant sur
des
textes : j’ai repris la partie historique. Mais votre propos demeure
1559
tie historique. Mais votre propos demeure celui d’
un
moraliste. J’en conviens. Mon livre est celui d’un moraliste dans la
1560
n moraliste. J’en conviens. Mon livre est celui d’
un
moraliste dans la mesure où il cherche à faire prendre conscience aux
1561
où il cherche à faire prendre conscience aux gens
des
motifs de leurs actes. Nous en revenons à mon but initial : dénoncer
1562
nscient habite toujours les esprits. Il n’est pas
une
femme qui ne rêve de connaître le grand amour, la passion unique, tot
1563
, totale, mortelle. L’adultère est presque devenu
une
vertu. Le cinéma fournit assez de preuves à ce que j’avance. Fonder l
1564
avance. Fonder le mariage sur l’amour-passion est
un
monstrueux contresens. Il y a un point aussi à ne pas oublier : dans
1565
mour-passion est un monstrueux contresens. Il y a
un
point aussi à ne pas oublier : dans l’amour-passion, les êtres sont d
1566
r leur amour. Ils ne peuvent pas ne pas s’aimer :
un
philtre, la beauté diabolique de l’un ou simplement la fatalité les c
1567
ais alors, s’ils s’aiment malgré eux, poussés par
une
force extérieure qu’ils peuvent arriver à haïr, ils ne s’aiment pas v
1568
a note suivante : « L’Amour et l’Occident , dans
une
édition remaniée et augmentée, aggravée dit M. de Rougemont qui a de
1569
La première édition, née en 1939, avait provoqué
une
série de polémiques qui attestait l’importance de l’ouvrage : on s’ac
1570
tance de l’ouvrage : on s’accorde à le tenir pour
un
des livres les plus importants de notre époque. M. de Rougemont vit p
1571
ce de l’ouvrage : on s’accorde à le tenir pour un
des
livres les plus importants de notre époque. M. de Rougemont vit peu e
1572
passé sept ans aux États-Unis, où ses livres ont
un
grand retentissement, il s’est maintenant fixé à Genève et s’occupe e
1573
fois retrouvé Paris pour quelques jours mais avec
un
emploi du temps qui ne lui laissait aucun loisir. Nous avons pu l’iso
1574
émerge de la brume, repeint durant la nuit comme
un
banc vert auprès du lac précieux où trempent des parois à peine moins
1575
e un banc vert auprès du lac précieux où trempent
des
parois à peine moins translucides que le ciel, ce temps de création d
1576
mon souvenir. J’y reviens. Les gros plans tout d’
un
coup anéantissent l’exaltant panorama. Les maisons sages, un peu scol
1577
antissent l’exaltant panorama. Les maisons sages,
un
peu scolaires, et les gens en gris vert défilent, des visages s’immob
1578
peu scolaires, et les gens en gris vert défilent,
des
visages s’immobilisent et plus rien n’est étrange ni beau, tout rejoi
1579
types juxtaposés, et l’on va de l’un à l’autre en
une
demi-heure, parfois en deux minutes comme il arrive quand on traverse
1580
traverse le tunnel de Chexbres : il se ferme sur
un
paysage de plateaux nordiques et rhénans — collines où montent les sa
1581
— et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’
un
ciel méridional que double un lac immense. Vingt-cinq États distincts
1582
ans l’espace doré d’un ciel méridional que double
un
lac immense. Vingt-cinq États distincts sans nulle frontière visible,
1583
ds y sera surtout local. Il sera le grand homme d’
une
vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais c
1584
out local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’
une
cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la nat
1585
e d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’
un
canton, presque jamais celui de la nation entière. Tandis que le gran
1586
s’il monte sur la montagne… Alors, cette ivresse
des
sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacles devant la pe
1587
bien réglé ? N’oublions pas que l’horlogerie est
une
science des petits mouvements. Et découvrons la Suisse réelle dans l’
1588
? N’oublions pas que l’horlogerie est une science
des
petits mouvements. Et découvrons la Suisse réelle dans l’usage de ses
1589
s suisses, bien qu’ils vous conduisent en moins d’
une
heure d’un monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits déplac
1590
ien qu’ils vous conduisent en moins d’une heure d’
un
monde à l’autre, ne servent cependant qu’aux petits déplacements, qui
1591
nt cependant qu’aux petits déplacements, qui sont
des
voyages concentrés et plus émouvants que les vrais, parce qu’entre le
1592
et l’arrivée ne s’établit jamais cette monotonie
des
heures de plaine et d’océan de nuit où rien ne bouge. Comme il n’y a
1593
bouge. Comme il n’y a pas de place en Suisse pour
un
véritable voyage, on s’en tire en coupant le milieu, ce remplissage d
1594
évasion qui se mue en invasion, ce début qui clôt
une
vie, cette conclusion qui en ouvre une autre, tandis qu’entre les deu
1595
t qui clôt une vie, cette conclusion qui en ouvre
une
autre, tandis qu’entre les deux s’opère en un clin d’œil la silencieu
1596
re une autre, tandis qu’entre les deux s’opère en
un
clin d’œil la silencieuse révolution du centre où se confondent les e
1597
ouvenir et de l’espoir, quand les portes du cœur,
un
instant, sont à la fois ouvertes et fermées. Ainsi la Suisse est la p
1598
uvertes et fermées. Ainsi la Suisse est la patrie
des
romantiques contraints par les dimensions mêmes de leur État au class
1599
et qui témoigne de l’inspiration par le signal d’
un
raccourci métaphorique. J’idéalise, mais pourquoi pas ? S’il me falla
1600
ns chics parfois en seconde, et je ne savais rien
des
premières sinon qu’un morceau de dentelle ornait le haut de leurs siè
1601
onde, et je ne savais rien des premières sinon qu’
un
morceau de dentelle ornait le haut de leurs sièges de velours rouge,
1602
. À mi-chemin entre l’instituteur et le gendarme,
un
personnage vêtu d’un sévère uniforme au col bordé de perles blanches
1603
’instituteur et le gendarme, un personnage vêtu d’
un
sévère uniforme au col bordé de perles blanches mordant sur l’encolur
1604
ait, claquait la porte étroite, et annonçait avec
une
emphatique autorité des noms de villages que tout le monde connaissai
1605
troite, et annonçait avec une emphatique autorité
des
noms de villages que tout le monde connaissait, mais cela faisait par
1606
isais : « C’est notre force, et ce sera peut-être
un
jour, au dernier jour — car les plus belles histoires du monde ont un
1607
jour — car les plus belles histoires du monde ont
une
fin — la fatale faiblesse de notre État : cette habitude de nous sent
1608
ait aux règles de la bonne conduite. » L’aspect d’
un
wagon suisse de troisième classe, tant il respire naturellement l’hon
1609
lier que la correction, la décence et la sécurité
des
citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jung
1610
nt de purs et simples miracles ; que le monde est
une
jungle atomique, l’humanité dans sa très grande majorité une espèce a
1611
atomique, l’humanité dans sa très grande majorité
une
espèce animale désordonnée, lubrique, rapace, irresponsable et affamé
1612
, rapace, irresponsable et affamée ; et notre âme
un
cloaque de crimes potentiels, comme l’ont dit Freud, Shakespeare et l
1613
le du genre humain, l’anarchie et la guerre étant
des
exceptions. Ainsi pensent les Français du climat tempéré dont ils jou
1614
es extravagantes menacent quotidiennement, depuis
des
millénaires, l’existence même de la plupart des autres hommes. En dép
1615
nne ne vous voit jamais, me propose par contraste
une
réponse. C’est qu’en Suisse on se sent regardé, examiné, jugé, jaugé,
1616
nt vérifié, mis au point, méticuleusement nettoyé
des
moindres suggestions de bizarrerie ou de virtuelle indiscipline que p
1617
de virtuelle indiscipline que peuvent représenter
une
cravate insolente, une conversation à voix trop haute, une semelle ap
1618
ne que peuvent représenter une cravate insolente,
une
conversation à voix trop haute, une semelle appuyée sur le banc, quel
1619
te insolente, une conversation à voix trop haute,
une
semelle appuyée sur le banc, quelque geste imprévu, un air, un rien.
1620
melle appuyée sur le banc, quelque geste imprévu,
un
air, un rien. L’indiscrétion du regard suisse me surprend à chacun de
1621
puyée sur le banc, quelque geste imprévu, un air,
un
rien. L’indiscrétion du regard suisse me surprend à chacun de mes ret
1622
mais eux, bien loin de se troubler, pèsent encore
un
temps infini, en vertu de quelque inertie, et finalement ne se détour
1623
pour réagir comme je le dis. Dès que je m’éloigne
un
peu, l’indulgence me reprend. Tout compte fait, je leur donne raison.
1624
i vous pensez que j’exagère, laissez-moi recopier
un
« avis » imprimé que j’ai pu lire il y a quelques années, punaisé prè
1625
s années, punaisé près de la porte du balcon dans
une
chambre d’hôtel des bords du lac Léman : Afin d’éviter tout bruit in
1626
ès de la porte du balcon dans une chambre d’hôtel
des
bords du lac Léman : Afin d’éviter tout bruit inutile, la direction
1627
pas donner à manger aux mouettes. C’était l’été
des
expériences de Bikini. Dans les secondes règne la gravité du commerc
1628
e n’est pas curieux, comme les gens de troisième,
des
menus incidents du trajet. On sent bien qu’il a l’habitude. On dirait
1629
en plus enclin à respecter le velours gris et dru
des
secondes : il a tort, c’est la classe vulgaire. Des jeunes femmes aux
1630
s secondes : il a tort, c’est la classe vulgaire.
Des
jeunes femmes aux moues insolentes, vêtues comme des réclames de maga
1631
jeunes femmes aux moues insolentes, vêtues comme
des
réclames de magazines, discutent avec un accent révoltant le prix de
1632
s comme des réclames de magazines, discutent avec
un
accent révoltant le prix de leurs nylons ou de cette « Cadillac » pro
1633
ns devenir réactionnaire, ce qui m’effraye encore
un
peu, bien que je voie venir le jour où certaine « réaction » sera le
1634
r où certaine « réaction » sera le dernier refuge
des
esprits libres. Je me décide à regagner les troisièmes. Mais il faut
1635
à regagner les troisièmes. Mais il faut traverser
un
couloir de premières. Et je m’arrête, fasciné. Un vieux monsieur en n
1636
un couloir de premières. Et je m’arrête, fasciné.
Un
vieux monsieur en noir, au col rond, dur et haut, ce doit être un évê
1637
r en noir, au col rond, dur et haut, ce doit être
un
évêque anglican, somnole. En face de lui, la beauté même, « ô toi que
1638
aimée », sa fille sans doute, fume en feuilletant
un
magazine. Je croyais autrefois que les premières étaient vides. C’éta
1639
es touche. Ce sont aussi, et pour la même raison,
des
transparents. (Avez-vous remarqué que les trains qui vous croisent so
1640
se en raccourci, telle que je l’aime : croisement
des
traditions locales les plus touchantes et des express européens, peti
1641
ent des traditions locales les plus touchantes et
des
express européens, petits trajets portés sur les axes du monde. Quel
1642
ce, Paris, août 1956, p. 33-35. al. Ce texte est
une
nouvelle version, remaniée, de « La lutte des classes ». am. Il s’ag
1643
ée, de « La lutte des classes ». am. Il s’agit d’
un
extrait de la préface à la Confédération helvétique , que Rougemont p
1644
Un
exemple pour l’Europe (octobre 1956)an Parmi les fédérations réuss
1645
t le monde sait que son régime politique est l’un
des
plus stables au monde, depuis plus d’un siècle. Les partisans de l’Eu
1646
est l’un des plus stables au monde, depuis plus d’
un
siècle. Les partisans de l’Europe unie ne manquent pas de le citer en
1647
exemple. Mais combien savent comment ce modèle d’
un
système politique fédéral a pris naissance en 1848 ? Une fédération
1648
me politique fédéral a pris naissance en 1848 ?
Une
fédération qui garantit leur souveraineté aux fédérés Jusqu’à cett
1649
dérés Jusqu’à cette date, la Suisse n’était qu’
une
alliance d’États souverains. Pendant des siècles, leur lien légal ava
1650
était qu’une alliance d’États souverains. Pendant
des
siècles, leur lien légal avait consisté dans une Diète, laquelle n’av
1651
des siècles, leur lien légal avait consisté dans
une
Diète, laquelle n’avait guère plus de pouvoir que l’Assemblée consult
1652
nsultative de Strasbourg. Composée d’ambassadeurs
des
cantons souverains, pourvus du droit de veto, cette Diète « n’avait e
1653
e se conformait à leurs volontés »27. La division
des
petits États, leur impuissance à adopter en temps utile une politique
1654
États, leur impuissance à adopter en temps utile
une
politique commune expliquent la chute soudaine de l’ancienne Confédér
1655
moment-là sous le nom de « République helvétique
une
et indivisible » échoua rapidement, et Napoléon reconnaissant l’erreu
1656
fédératif. Vouloir la vaincre ne peut pas être d’
un
homme sage. » Entre les deux extrêmes de l’alliance d’États souverain
1657
ale unification, la Suisse chercha pendant près d’
un
demi-siècle un équilibre malaisé. Toute tentative de révision du « Pa
1658
, la Suisse chercha pendant près d’un demi-siècle
un
équilibre malaisé. Toute tentative de révision du « Pacte fédéral »,
1659
a gauche, qui lui reprochait son respect excessif
des
souverainetés cantonales, et par la droite, qui jugeait ces souverain
1660
souveraineté cantonale (ou nationale), et cela d’
une
manière qui me paraît pleine d’enseignements pour l’Europe d’aujourd’
1661
ements pour l’Europe d’aujourd’hui. Loin d’exiger
des
cantons une renonciation à leur souveraineté, la Constitution suisse
1662
l’Europe d’aujourd’hui. Loin d’exiger des cantons
une
renonciation à leur souveraineté, la Constitution suisse de 1848 gara
1663
al. Voici les textes : Article 1. — Les peuples
des
vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alli
1664
veut faire l’Europe ? Est-il vrai qu’il y ait là
un
obstacle à l’Union ? Ces souverainetés ont-elles quelques réalité et
1665
van Kieffens l’a définie comme « la faculté pour
un
État d’agir à sa guise, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans les
1666
existence que psychologique. Refoulée du domaine
des
forces réelles et de pouvoirs concrets elle est devenue le réceptacle
1667
s, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités d’
une
Histoire faussée par l’école, agressivité frustrée, et surtout angois
1668
tité. Elle a donc pris les caractères cliniques d’
un
complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en sont victimes, de s’ad
1669
es polémiques sur la souveraineté nationale. Lors
des
débats de la table ronde de l’Europe tenue à Rome en 1953, deux argum
1670
r leur patrie « se perdre dans la masse informe d’
une
Europe unie ». Le second argument est dû à M. Cotsaridas, publiciste
1671
que l’Europe recouvre, entre les grands empires,
une
souveraineté qui échappe à ses nations. 27. William Rappard, La Co
1672
. 28. Ibid., p. 83. an. Rougemont Denis de, «
Un
exemple pour l’Europe », Fédération, Paris, octobre 1956, p. 596-598.
1673
Serrer la main d’
un
communiste, désormais… (10 novembre 1956)ao Le dimanche 4 novembre
1674
vous allez entendre le manifeste de la Fédération
des
écrivains hongrois. Ici la Fédération des écrivains hongrois : À tous
1675
ération des écrivains hongrois. Ici la Fédération
des
écrivains hongrois : À tous les écrivains du monde, à tous les savant
1676
part, nous pensons ce qui suit : Serrer la main d’
un
communiste occidental, qui approuve « librement » son parti, c’est sa
1677
ui approuve « librement » son parti, c’est saluer
un
complice du crime de Budapest. Publier ses écrits, c’est contribuer a
1678
ues Europe-URSS, engagés sous le signe trompeur d’
une
« détente » qui vient de montrer sa vraie nature à Budapest, c’est do
1679
rer sa vraie nature à Budapest, c’est donner dans
un
guet-apens. Accueillir et fêter les jolies troupes d’artistes, les in
1680
envoie le régime de Moscou, c’est oublier la voix
des
écrivains martyrs qui nous appelaient de Budapest, et c’est trahir le
1681
tenteront de le faire oublier, ou de lui chercher
des
excuses. Que tous les esprits libres qui voudraient s’associer à l’ac
1682
berté de la culture sachent qu’ils trouveront ici
des
hommes qui n’oublient pas l’appel des écrivains de Budapest, qui ne l
1683
uveront ici des hommes qui n’oublient pas l’appel
des
écrivains de Budapest, qui ne le laisseront pas oublier, et dont tout
1684
ont ao. Rougemont Denis de, « Serrer la main d’
un
communiste, désormais… », Le Figaro littéraire, Paris, 10 novembre 19