1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 ppellent Dieu, d’autres le Soi, ou le Total, ou l’ Être , Ramakrishna disait : « Il n’y a aucune différence, que vous l’appeli
2 que vous l’appeliez ‟Toi” ou que vous pensiez ‟Je suis Lui”. » S’il n’y avait « aucune différence », il n’y aurait pas non p
3 res plans, pourtant, les différences éclatent. Ce serait faire tort à l’homme que de nier leurs liens avec certaines options f
4 d’Occident. Contraster les contenus de ces termes sera l’objet des essais de mise au point qui suivent. Certains penseront q
5 se au point qui suivent. Certains penseront qu’il est dangereux de souligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre en va
6 istingue, au lieu de mettre en valeur ce qui nous est commun ; qu’on risque ainsi de nourrir les préjugés, et de forcer, pa
7 faut voir aussi que l’union finale des esprits ne sera jamais acquise au prix du sacrifice de nos diversités vivantes ; elle
8 suppose bien plutôt la connaissance des raisons d’ être de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les passer s
9 aix, les passer sous silence ou les minimiser, ce serait perdre d’avance les deux vertus majeures qui dénotent une union vérit
10 globale de l’Occident2. « La nuit, tous les chats sont gris », dit le proverbe. Mauvaise formule d’union, qui ne peut surviv
11 famille d’idiomes indo-européens dont le sanscrit serait le plus ancien témoignage. Admettons même entre l’Inde et l’Europe un
12 nte la divergence des évolutions ultérieures. À l’ Est , l’Inde codifie les castes ; elle en ajoute même une3, multiplie les
13 ovation ou de variation individuelles ; l’au-delà était tenu pour plus réel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’é
14 n ou de variation individuelles ; l’au-delà était tenu pour plus réel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’évader
15 t et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne sont donc pas seulement des entités géographiques faciles à situer, sinon
16 storiques, dont les mélanges et superpositions ne seraient d’ailleurs pas moins féconds à étudier que leur distinction progressi
17 s à étudier que leur distinction progressive. Ils sont cela, sans nul doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies de l’h
18 gressive. Ils sont cela, sans nul doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies de l’homme, deux directions maîtresses de
19 s sur ce sujet fondamental6. Le récit d’Avicenne est une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, contrastant a
20 treprendre le voyage mystique vers l’Orient. Quel est ce cosmos symbolique ? À droite, l’Orient des Formes et du Soleil lev
21 ent d’ailleurs… » (Thème de l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guer
22 , de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procuré d’un lieu lointain ». Entre l’Orient et l’Occid
23 u lieu de rencontre de la matière et de la forme) est une circonscription intermédiaire : « C’est celle que l’on connaît le
24 uquel l’auteur rattache d’ailleurs son conte, qui est une vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères s
25 ccidentale. Mais, du prestige de cet Orient qui n’ est pas celui de l’atlas, l’Orient réel, qui va de la Perse au Japon béné
26 possible grandeur et d’une vérité difficile, qui est l’enjeu de son aventure. b) Incarnation et Excarnation. — Si nous pas
27 es, toutes les deux légitimes, de l’Ouest et de l’ Est … (car) : le carré — ou mieux, le cube — est partout le symbole de la
28 de l’Est… (car) : le carré — ou mieux, le cube — est partout le symbole de la matière, et le cercle — ou la sphère — celui
29 de l’esprit. En sorte que la quadrature du cercle est la transformation de l’esprit en matière, ou encore la matérialisatio
30 mes de leur existence, et de les sauver là où ils sont , par la seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce
31 plus dénuée, et là découvre que la voie du salut est de refuser le monde, le corps et la souffrance, pour s’élever vers le
32 . Les deux mouvements — descente et remontée — ne sont qu’apparemment superposables ; car il s’agit en réalité dans le premi
33 le. (On perd en chemin le monde créé, sa raison d’ être , la connaissance et la maîtrise de ses structures.) Le danger, pour l
34 ci des liens de Prakriti (le monde manifesté, qui est illusion) afin qu’elle aille vers l’Esprit, sachant ce qu’elle fait.
35 , si versé dans la Loi, et si maître de lui qu’il soit , un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la libération. » (Yo
36 fois les méfiances. Car chacun pense de l’autre : est -ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa recherche ? et
37 l’objet de sa recherche ? et cet objet lui-même, est -il vraiment réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait-ce p
38 ent réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait -ce pas, pense l’Occidental, une illusion psychologique chez les très
39 on psychologique chez les très rares qui disent y être parvenus, et pour les autres un solipsisme exténuant ?… Maîtriser les
40 t peut-être demain de la vie, pense l’Oriental, n’ est -ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illuso
41 ntal, n’est-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévau
42 pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu’elles
43 puisqu’elles s’appliquent à une « réalité » qu’on tient elle-même pour illusion. Et il semble à chacun que les explications l
44 ications les plus sincères données par l’autre ne sont en vérité que des implications de son option fondamentale. Tautologie
45 cela ! c) Individu et Tradition. — Que l’Occident soit individualiste et l’Orient traditionaliste, il paraît difficile de le
46 personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront -ils jamais seuls ? L’individu peut-il vraiment compter, dans ce groui
47 grillagées, surmontés de clochetons baroques ? Ce sont des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et
48 liturgie, d’église organisée. L’Hindou grégaire n’ est seul que devant le divin. L’Occidental, jaloux de sa vie privée, s’as
49 orps spiritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’ est qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas d’iron
50 des rues et des places, l’homme des supercheries, est de son appartenance : il forme le bord, la lisière du monde du saint,
51 n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique est en forme de Boule, infinie et tout-englobante. En Occident, le moi et
52 té et le destin, la personne même et son individu sont en contradiction, tension ou dissension, et ne cessent de refaire le
53 n Inde, comme celle du mystique médiéval, ne peut être que fuite en l’Absolu. Ainsi le moi devient conscient et se détache,
54 se perdre en son accomplissement, puisque le moi est voie, et que la voie consiste à libérer progressivement une âme de l’
55 à libérer progressivement une âme de l’illusion d’ être distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition : panthéisme ou Di
56 position : panthéisme ou Dieu personnel. Car il n’ est pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît r
57 i interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel. Soit qu’on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon le système Sankya et le b
58 Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme — soit qu’on pense, selon l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il es
59 n l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il est Tout, et que le Tout ou le Réel n’est que le Moi pleinement réalisé e
60 mais qu’il est Tout, et que le Tout ou le Réel n’ est que le Moi pleinement réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’y a
61 ouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas de dialo
62 Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’ est pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni par sui
63 ce, que vous l’appeliez Toi ou que Vous disiez Je suis Lui. » Nous y lisons maintenant la vraie définition de l’attitude rel
64 nition de l’attitude religieuse orientale. Car il est bien certain que l’identité qu’elle pose évacue l’existence personnel
65 tie blanche et un point blanc la partie noire. Il est ainsi montré que l’élément masculin n’est pas absent de la région du
66 ire. Il est ainsi montré que l’élément masculin n’ est pas absent de la région du yin tandis que l’élément féminin reste pré
67 es, cette relation d’inter-présence des opposés n’ est pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orient et de l’Occ
68 te phrase : « Écarte les choses, ô Amant, ta voie est fuite » ? De quelle yâna bouddhique relève celui qui a dit : « Il fau
69 nt d’un néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel est le mystique chrétien qui nous rappelle « qu’après avoir écarté tout a
70 e « qu’après avoir écarté tout attachement » et s’ être engagé sur la voie de la connaissance divine, « il faut demeurer dans
71 oix, Eckhart, et la Bhagavad-Gita. Et pourtant il serait faux, plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans tout ». L
72 aux, plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans tout ». La partie blanche contient un cercle noir, mais elle est
73 partie blanche contient un cercle noir, mais elle est blanche tout de même, et non pas grise. Que vaut un homme ? Et
74  ? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce sont les résultantes majeures des complexes doctrinaux dont on vient de ra
75 aiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’ est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’est pas la foule de Lourde
76 n’est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’ est pas la foule de Lourdes, même si l’on pense que Dieu reconnaîtra les
77 gnent vêtus ou nus. La croyance à la métempsycose est plus naturelle qu’on ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais ell
78 l’idée de son individualité. Mon second exemple, est emprunté à un essai de Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’h
79 du rang qu’il assigne au libre arbitre. Même sans être philosophe, il s’entend sur ce point aux distinctions les plus fines,
80 très hautes tours : deux guetteurs vêtus de blanc étaient en faction sur chacune d’elles. Le grand maître voulut faire voir au
81 lité, obéissance, sacrifice, ordre et discipline, sont ici arrachées de leur place ; l’horreur d’un monde étranger lui monte
82 specte en l’homme un noyau de liberté auquel il n’ est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provien
83 sous peine de devenir vain, et même vil, comme le sont des faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tou
84 s faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction de nos deu
85 t. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’ est pas moins significative, pour notre objet présent que les histoires q
86 qui n’a rien de bouddhique, enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’est vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance.
87 enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’ est vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance. Qu’on découpe la victime e
88 a victime en tranches ou qu’on l’épargne, elle ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent-milliers de
89 qui revient, portant sa tête sous le bras ! Qu’en est -il de notre Occident ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur
90 Jünger, devant la cruauté des Orientaux ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes d
91 x ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes dans le drame, eux selon la magie. Null
92 ruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes dans le drame, eux selon la magie. Nulle « sagesse » ne nous innocent
93 notre foi nous condamne. La cruauté de l’Oriental est fatidique, et par suite sans mesure, sans péché, sans contradiction n
94 , sans péché, sans contradiction ni remords. Elle est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’une illusion tem
95 ontradiction ni remords. Elle est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’une illusion temporaire, celui qui tue
96 est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’ est qu’une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui compte 
97 te ; mais au contraire, si le moi libre et unique est une réalité tenue pour inviolable, rien ne peut justifier notre délir
98 constate. Il y a des différences. Et mon propos n’ est pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparaison
99 il n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ceci soit dit ici une fois pour toutes. Il y a seulement deux expériences globa
100 mples dans le domaine religieux, de préférence. N’ est -ce pas là que l’irritante question de la « supériorité » de ceci sur
101 n n’y dispose pas d’éléments mesurables, comme ce serait le cas au plan de l’économie ou de l’état social par exemple ? Je che
102 et leurs explications, que ces options pouvaient être surprises ; car on les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles so
103 n les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles soient causes premières ou effets ; qu’elles résument une série de facteurs
104 nséquences ont formé l’Occident. 1. L’Occident étant représenté, dans ce cas particulier, par la théologie orthodoxe des c
105 religieux de l’Inde qui conçoivent que le Tout n’ est autre que le Je pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale des
106 projettent dans un passé qui souffre tout, sauf d’ être vérifié, un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sudras,
107 indigènes assujettis ; les parias ou hors-castes étant les « résistants » au processus d’intégration sociale. 4. Il y a peu
108 que le nombre des dieux connus du panthéon hindou est estimé à 33 crores, c’est-à-dire 330 millions. 5. Je précise que dan
109 de l’Europe en Occident. C’est de l’hindouisme qu’ est issu le bouddhisme, pour recouvrir ensuite le Tibet et la Chine, la M
110 donésie, enfin le Japon. C’est du catholicisme qu’ est issue la Réforme, pour essaimer ensuite en Amérique du Nord. À la con
111 ques. Historiquement, la première confrontation s’ est vue retardée pendant longtemps par le barrage de l’islam, et n’a pu s
112 dent, c’est la Grèce d’Aristote, et leur Orient n’ est pas l’Inde ou la Chine, mais celui de la mystique « illuminée » de ce
113 sien, Hamburg, 1955. 10. L’adjectif traditionnel est pris ici dans son sens strict, initiatique et religieux, qui ne doit
114 strict, initiatique et religieux, qui ne doit pas être confondu avec « conservateur », « routinier », « réactionnaire », etc
115 inier », « réactionnaire », etc. « Traditionnel » est celui qui estime que la tradition religieuse rend nulle et non avenue
116 et que le but de la recherche humaine ne peut pas être le progrès ou l’invention, mais l’identification du chercheur avec un
117 tre I de L’Aventure occidentale de l’homme , qui sera publié chez Albin Michel en février 1957.
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
118 ais et les Suisses, les Suédois et les Castillans sont vus comme des Européens : il doit y avoir à cela quelque raison. Tout
119 ent au regard des Autres. Vue de dehors, l’Europe est évidente. L’histoire que nous vivons la définit avec une précision qu
120 doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il est bien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il est plus dangereux
121 ien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que
122 e ou scientifique à l’Europe qu’il faudrait unir, sont bien souvent les mêmes qui, faisant demi-tour, déclarent qu’on ne peu
123 assant notre tâche créatrice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas ici de politique, ma
124 nvoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’ est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cul
125 s. Or il se trouve que l’argument, précisément, n’ est pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au pla
126 t pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait -il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes
127 es différences. (Encore que les écoles d’État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de p
128 rope, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle
129 refuse l’union. 2° Si pittoresques et voyants que soient les contrastes entre Suédois et Grecs, par exemple, il n’en reste pas
130 oirs et les mêmes doutes, et malgré tout ce qu’il serait tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan milléna
131 cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que par sa culture, qui ne l’est guère. Conclusion 
132 it donc définissable que par sa culture, qui ne l’ est guère. Conclusion : il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut une, il
133 t le lecteur s’inquiète : il sent vaguement qu’il est en train de se laisser prendre dans une problématique artificielle, s
134 Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’ est pas une entité, mais une pure et simple expression. En effet, selon l
135 dans l’espace […]. On a voulu que l’Empire romain fût une première ébauche de l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenha
136 cluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler tient que l’Europe débute avec le Saint-Empire romain germanique, mais celu
137 Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites. L’Europe ne serait-elle donc pas n
138 st pas mieux connue que ses limites. L’Europe ne serait -elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date d
139 ’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est -elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou
140 mande, ou senti son climat ? Ou de cette heure où fut écrite sa première page, posée sa première touche, noté son premier a
141 uvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une inventio
142 congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus d
143 ssus de leur « nation ». Mais l’adjectif européen est d’un usage bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain de la batai
144 ise de conscience d’une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à partir de l’an 1300 : les premier
145 cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté a
146 telle, et (ce qui est encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et politique d
147 uropa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius Piccolomini, puis
148 aguère avec éclat par Valéry. 6. Mais les nations sont venues se constituer, à partir du xviiie siècle. On nous rappelle, n
149 ppelle, non sans aigreur ni sans dédain, qu’elles sont la vraie réalité. Que dis-je, on les déclare même éternelles dans la
150 guant non seulement de ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’im
151 tu n’aies reçu ? dit l’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la cultu
152 ement européenne ou non, la culture des Européens est tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou 27 États-nati
153 emier coup que les réalités décisives ont cessé d’ être nationales au xxe siècle ? Notre économie, nos techniques, se dévelo
154 ier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien s
155 urope. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrai
156 riotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’ est pas la nation, elle est en général beaucoup plus petite. La nation cu
157 me politique. La patrie n’est pas la nation, elle est en général beaucoup plus petite. La nation culturelle n’est pas l’Éta
158 éral beaucoup plus petite. La nation culturelle n’ est pas l’État, elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’on conf
159 tite. La nation culturelle n’est pas l’État, elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’on confond tout, patrie, Éta
160 ait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes ra
161 ur former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas temps de faire voir à ces na
162  ? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une
163 ines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’ est -il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée
164 re voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule en mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en
165 en sacrifierait que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour aut
166 est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soit désirable — qu’au niveau de la féd
167 ui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soit désirable — qu’au niveau de la fédération : la souveraineté peut-être
168 a fédération : la souveraineté peut-être (si elle est le droit d’un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’e
169 abrutissant) ; l’indépendance assurément (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout ce
170 ste, plus ancien, et plus fort désormais que ne l’ est aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’h
171 t aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’ est encore, aujourd’hui, qu’un fait de culture au sens large. Prendre con
172 ce qu’elle requiert. Mais la condition suffisante sera donnée par d’autres efforts. 7. Nous débouchons ici dans le domaine p
173 s débouchons ici dans le domaine politique, qui n’ est autre, à mon sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’un g
174 e d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadre institutionnel, mais par un style de vie, un sys
175 comme on vient de l’indiquer, le rapport devrait être analogue au rapport entre forme et contenu. Une politique d’union ne
176 lle envisage d’unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, traduit et tend à préserver ce qu’il y a
177 une union authentiquement européenne, ne saurait être que fédéraliste. En effet, nos diversités constituent le ressort prin
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
178 éfend avec tant de passion et de juste colère. Je suis très loin de mépriser l’Histoire ; je dis seulement que pour l’Histoi
179 lui-même peut écrire une Histoire de l’Europe. Je suis très loin de qualifier de sophistes ceux qui pensent néanmoins que l’
180 ou la tyrannie, le refus du Droit, la guerre à l’ Est , le chauvinisme européen, etc. J’approuve au contraire M. Berl quand
181 e de rappeler que l’Europe ne peut et ne doit pas être regardée comme une entité ni comme une fin, mais comme un moyen. M. d
182 un moyen. M. de Rougemont me prouve que l’urgence était plus grande que je ne pensais. Il regarde comme “sophistes” ceux qui
183 comme “sophistes” ceux qui disent que l’Europe ne sera pas, si on ne la fait pas être : la plupart des “européens” furent do
184 nt que l’Europe ne sera pas, si on ne la fait pas être  : la plupart des “européens” furent donc des sophistes. Guéhenno diri
185 ne la fait pas être : la plupart des “européens” furent donc des sophistes. Guéhenno dirigeait la revue : Europe, il ne pensa
186 la revue : Europe, il ne pensait pas que l’Europe fut déjà faite. M. de Rougemont me dit qu’il y a une Suisse, quoiqu’on pu
187 naissance. En effet. Mais on a généralement su où était , ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, elle était neutre. Mais l’Eu
188 ait, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, elle était neutre. Mais l’Europe ? était-elle pendant la bataille de Stalingrad
189 En 14, en 39, elle était neutre. Mais l’Europe ? était -elle pendant la bataille de Stalingrad avec Staline ou avec Hitler ?
190 i ? Il ne suffit pas d’ignorer quand une personne est née pour avoir la certitude qu’elle vit. Filibusterie à part, je prét
191 concorde, non si elle attise la discorde entre l’ Est et l’Ouest, si elle nourrit les affamés, non si elle les massacre, si
192 asse déjà sonner le sabre qu’elle n’a pas encore. Est -ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “filibusterie” consist
193 de sens que pour les professeurs.” Le mensonge n’ est pas mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
194 les professeurs.” Le mensonge n’est pas mon fort, fût -ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
195 les corps non moins que les âmes, mettons que ce fut assez pour justifier le scepticisme amer de nos élites à l’égard de l
196 n avait trouvé son expression suprême. Et Kafka n’ était plus que le Jean-Baptiste d’une sorte d’Évangile à rebours, « mauvais
197 poser un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’ est attestée dans le soulèvement des écrivains unis aux paysans, des ouvr
198 venir Quatre-vingt-quatre. Et soudain, celle de l’ Est lui répond Quarante-huit. C’est quatre-vingt-quatre inversé. Jamais c
199 t quatre-vingt-quatre inversé. Jamais chiffres ne furent plus chargés de symboles. Essayons de les interpréter. Tout ce qui c
200 tres, les arts et la philosophie, sait qu’il faut être subversif ou pessimiste, ou les deux à la fois, sous peine de ne plus
201 e ne plus compter. Inutile de citer des noms : ce seraient ceux, justement, que tout le monde connaît, la liste complète des mei
202 et persuadé de la valeur des conventions ; mais n’ est -ce pas lui qui ouvrit, en 1919, le grand courant du pessimisme europé
203 qui nous rappelle d’abord que notre civilisation est mortelle comme les autres et prédit à la fin que nous allons vers la
204 et fonctionnaire du premier rang ; mais sa phrase est plus subversive que tout ce qui passe pour tel dans les cafés, et sa
205 tement il a choisi l’exil en soi. Tous les autres sont contre le siècle, d’une manière encore plus évidente, soit qu’ils att
206 re le siècle, d’une manière encore plus évidente, soit qu’ils attaquent avec acharnement la morale dite bourgeoise ou les rè
207 la morale dite bourgeoise ou les règles des arts, soit qu’ils opposent à l’anarchie flagrante des esprits quelque orthodoxie
208 lque orthodoxie restaurée, justifiant elle aussi, fût -ce par son seul échec, la dissidence de la pensée dans le monde moder
209 s influences dominantes sur nos élites créatrices sont celles de Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il
210 de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il est remarquable que ce siècle n’ait retenu du précédent que les génies an
211 la Morale athéiste. Tout ce qui compte en Europe est donc antibourgeois, j’entends bien dans le domaine de l’éthique et de
212 s par ses ancêtres. Et c’est elle aujourd’hui qui est prise d’angoisse devant ce qu’ils dénonçaient en vain. C’est elle qui
213 au vertige de l’histoire, s’imagine que son heure est passée, que le Prolétariat doit la déposséder, comme elle avait elle-
214 itiers de leurs ennemis ! La bourgeoisie du xixe fut optimiste en dépit des souffrances affreuses des prolétaires industri
215 t d’un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J’ai tu jusqu’ici deux grands noms, qui dominent po
216 un zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès n’ est pas dû à la lecture de leurs œuvres ardues et complexes, mais à l’int
217 emps », au double sens de l’expression. Que Freud soit dépassé dans son propre domaine, et surtout débordé par le retour en
218 le retour en force de réalités religieuses qu’il tenait pour autant d’illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes ses pré
219 u’il tenait pour autant d’illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes ses prévisions (sauf dans celle sur l’avenir du de
220 ialectique, devenue sans prises sur les faits, en est réduite à restaurer des dogmes à coups de mensonges. Si les ouvriers
221 coups de mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas des « fascistes importés », la dialectique n’est plus qu’une « my
222 pas des « fascistes importés », la dialectique n’ est plus qu’une « mystification » comme eût dit Marx lui-même, et le « mo
223 d’opposition redevient créateur. Et la question n’ est plus de supputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais de la fai
224 e rêve d’angoisse avec notre avenir historique, à tenir cette logique démente pour l’annonce d’une fatalité. A-t-il vraiment
225 un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui serait , en fin de compte, la vraie réalité ? On pourrait s’inquiéter si d’au
226 dépendants d’ailleurs des récents événements de l’ Est , ne venaient corroborer un optimisme neuf. Budapest a gagné sa partie
227 agné sa partie — moralement. Admettons que cela n’ est pas tout. Mais qu’en est-il de l’Occident ? Trois représentations va
228 nt. Admettons que cela n’est pas tout. Mais qu’en est -il de l’Occident ? Trois représentations vagues mais obsédantes asso
229 liberté. Première illusion fataliste : « L’URSS est l’avenir… » — L’URSS était le paradis de la classe ouvrière, les USA
230 ion fataliste : « L’URSS est l’avenir… » — L’URSS était le paradis de la classe ouvrière, les USA le dernier bastion du capit
231 paupérisation croissante des travailleurs. L’URSS était donc l’avenir, tandis que les USA se voyaient condamnés par le « mouv
232 ndamnés par le « mouvement de l’histoire ». Telle était la religion des « progressistes ». Voyons les faits. Nul n’ignore que
233 s les faits. Nul n’ignore que l’ouvrier américain est le plus riche du monde, l’ouvrier soviétique l’un des plus pauvres. C
234 remise au travailleur des fruits de son travail, serait l’œuvre du communisme. Or l’examen des chiffres et des faits conduit
235 uve dans la première. » « Il n’empêche que l’URSS est l’avenir ! », répéteront nos maniaques de l’Histoire. Drôle d’avenir,
236 en vérifier les résultats, on voit que le progrès est à l’Ouest, le servage et la loi d’airain à l’Est, et qu’une classe ou
237 est à l’Ouest, le servage et la loi d’airain à l’ Est , et qu’une classe ouvrière mieux informée qu’endoctrinée, si elle a à
238 er que l’avenir, aux yeux de ces Hongrois, s’il n’ est pas l’URSS n’est pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles raiso
239 aux yeux de ces Hongrois, s’il n’est pas l’URSS n’ est pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles raisons. Mais que vale
240 elles ? Deuxième illusion fataliste : « L’Europe est condamnée. » — L’Europe détrônée par deux guerres et ruinée par sa di
241 ns » — incapables d’ailleurs de prouver qu’ils le sont — se voyait promise par l’Histoire à des partages ignominieux : l’Est
242 ise par l’Histoire à des partages ignominieux : l’ Est aux Russes, l’Ouest à l’Amérique, et le Centre neutralisé. Sa décaden
243 e l’Europe, CECA, le Marché commun et Euratom. Il serait plus qu’étrange qu’on puisse l’arrêter là. L’Assemblée constituante e
244 ’on puisse l’arrêter là. L’Assemblée constituante est sa prochaine étape. Un Pouvoir fédéral devrait en résulter, car tout
245 t en résulter, car tout l’appelle et sa nécessité est inscrite dans les faits, si elle ne l’est pas encore dans l’esprit de
246 cessité est inscrite dans les faits, si elle ne l’ est pas encore dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun de nos Éta
247 que, ni commercer comme il l’entend. Aucun donc n’ est indépendant. Mais ils peuvent l’être tous ensemble, et ils commencent
248 Aucun donc n’est indépendant. Mais ils peuvent l’ être tous ensemble, et ils commencent à le savoir. 330 millions d’habitant
249 du rideau de fer, plus 100 millions récupérés à l’ Est , feraient un ensemble supérieur aux Soviétiques et aux Américains add
250 étie, qui deviendra vraie, celle de Proudhon, qui fut quarante-huitard : « Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou
251 ra un purgatoire de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce q
252 de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’ est plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en fe
253 ique va dominer nos existences disciplinées. C’en sera fait de la liberté, et du droit d’hésiter, d’errer… Les savants, appr
254 es jours. Qui ne l’a pas dit ? Curieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’est que manière de parler abusivement p
255 ieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’ est que manière de parler abusivement prise à la lettre, et donc fautive.
256 s envahissent nos vies ? Si seulement ! Car elles sont très chères. Mais jamais une Talbot n’est entrée dans ma cour, sponta
257 elles sont très chères. Mais jamais une Talbot n’ est entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir. Et
258 vous agace, vous vous décidez à répondre. Vous n’ êtes donc pas l’esclave du téléphone, mais de votre seule curiosité. Le rè
259 l’ordre exprès d’un président, d’un général. Ce n’ est pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux électroni
260 un président, d’un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux électroniques (par métapho
261 aient eu le droit de maudire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de ce siècle, ni leurs penseurs, mais bien les ouvr
262 la tyrannie des rythmes mécaniques. Eux seuls se sont vus transformés en « compléments vivants d’un mécanisme mort », selon
263 du sans pareil s’attache à ce mot synthétique. Qu’ est -ce qu’un robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des million
264 ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’ est pas un homme automatique, comme des millions de personnes le croient
265 r Karl Marx et Proudhon, que l’on n’écoutait pas, tenait à la semi-automatisation de la production industrielle. Tout retour e
266 a production industrielle. Tout retour en arrière étant exclu, le remède devait être cherché dans l’automatisme total, libéra
267 t retour en arrière étant exclu, le remède devait être cherché dans l’automatisme total, libérant l’ouvrier non seulement de
268 qu’imposaient la machine et la chaîne. Le remède était donc le robot, dont l’application générale prit récemment le nom angl
269 le prit récemment le nom anglais d’automation. Il est curieux que la pensée occidentale, découvrant le péril avec cent ans
270 es servitudes mécaniques. Mais ses effets médiats seront plus étendus. Ils sont littéralement incalculables. L’usine sans ouvr
271 Mais ses effets médiats seront plus étendus. Ils sont littéralement incalculables. L’usine sans ouvriers, produisant jour e
272 ti communiste, ni même de la classe ouvrière, qui sera l’agent du dépassement concret des conflits institués par la techniqu
273 ens. C’est le problème des moyens de culture, qui seront mis à contribution, sur une échelle brusquement agrandie. C’est, au-d
274 os illusions mais aussi de nos scepticismes. Ce n’ est pas l’accroissement de nos biens, ni la solution de nos maux, car tou
275 lution de nos maux, car toute solution concevable serait la fin de notre liberté. J’imagine au contraire le progrès véritable
276 il y a trop à dire, et d’autres vont parler. Je n’ étais pas venu pour conclure, mais pour ouvrir des portes. f. Rougemont
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
277 ectrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’ est entendu pour trouver dans l’œuvre de Denis de Rougemont un livre qui
278 ure de l’homme occidental (Albin Michel, éd.) qui est aujourd’hui orné de ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont,
279 quelqu’un qui se levait pour déclarer : Mais ce n’ est pas possible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ? J’ai donc aujour
280 otographier, moi, auprès du Maréchal ? Moi qui ne suis que lieutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure de l’homme occiden
281 paraît simultanément à New York, Londres et Paris est destinée, me dit Denis de Rougemont, à répandre un peu plus les raiso
282 urope. On sait que cet historien, ce philosophe s’ est , depuis dix ans, consacré à militer pour l’idée de faire l’Europe com
283 é à militer pour l’idée de faire l’Europe comme a été faite l’Amérique. Il suffit, dit-il, de se trouver en Amérique, pour
284 en Amérique, pour savoir que l’Europe existe, ne serait -ce que dans l’esprit des Américains qui ne veulent pas savoir qu’il y
285 ce que j’ai tenté dans mon livre et ma conclusion est tout à fait optimiste : on parle en effet de décadence de l’Europe. M
286 s où voit-on cette décadence ? La planète entière est en train de s’occidentaliser. Personne ne se convertit au mode de vie
287 in justifie les moyens. À condition que cette fin soit juste et, pour s’opposer à Nietzsche, en considérant que, par exemple
288 , en considérant que, par exemple, la puissance n’ est pas une fin juste. Le second ouvrage essaiera de situer cette morale
289 nous satisfaisant de la version en oratorio qui a été tirée de cet opéra où Rougemont sut se montrer poète et où Honegger t
290 de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé. Je prends des notes. A
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
291 i L’énoncé des plus hautes valeurs européennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur r
292 e, elle n’ira pas plus haut, peut-être ; mais qui serait en mesure d’exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’auj
293 le monde d’aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’e
294 l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’est pas souvent digne de ces œuvres,
295 ts, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’ est pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les a créées. No
296  » l’ignorent ; ils voient plus facilement ce qui est beaucoup plus bas, au niveau du contact brutal entre leurs coutumes e
297 r sagesse quotidienne et nos machines. Nos péchés sont criants, et tout Bandung les crie, mais il n’entend pas nos grandeurs
298 ais il n’entend pas nos grandeurs, car la musique est le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est un
299 réflexion sur nos valeurs occidentales ne saurait être académique ; elle s’inscrit dans une situation dominée par le malente
300 simple, je crois : la diffusion de nos valeurs n’ est pas co-extensive avec celle de nos produits et n’en est pas non plus
301 s co-extensive avec celle de nos produits et n’en est pas non plus contemporaine ; elle reste loin derrière dans l’espace e
302 este loin derrière dans l’espace et le temps. Tel est le drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples de la Terre. Si l
303 civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’ est pas loin de recouvrir l’ensemble des terres habitées, mais que la den
304 ’Asie Mineure turque, en passant par les Balkans, est demeuré sans nul doute moins occidental que ne le sont devenus le Can
305 demeuré sans nul doute moins occidental que ne le sont devenus le Canada, le Chili ou l’Australie. Vient ensuite l’empire de
306 dépens de valeurs européennes plus complexes, qui furent éliminées avec les anciennes classes, et de valeurs autochtones et po
307 un planisphère, ces zones de diffusion pourraient être représentées par une petite tache d’un rouge sombre sur l’Europe médi
308 e médiane tandis que les Amériques et l’Australie seraient en rouge vif, les franges sud-est de l’Europe en rose, et l’URSS en q
309 ent, des stries plus ou moins serrées. Le Japon s’ est notoirement occidentalisé depuis la seconde moitié du xixe siècle. L
310 nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en train de fomenter dans le monde entier des tensions inquiétantes,
311 » Une autre fois, il me raconte que sa femme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une écol
312 connaissaient pas. Ainsi chaque machine exportée est , en fait, un cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et reti
313 avec anxiété, non point de les laisser comme ils sont , dans leur « sagesse » intacte et leur famine, mais de déclarer nos v
314 la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la garantie interne des libertés consista
315 du prochain. On voit sans peine que nos produits sont les plus faciles à exporter et les plus rapidement acceptés hors d’Eu
316 hors d’Europe ; que nos principes de vie publique sont officiellement invoqués, mais principalement contre nous, et dans la
317 condamnent notre présence ; enfin que nos valeurs sont difficiles à « vendre » (au sens américain du verbe) et sont le plus
318 iles à « vendre » (au sens américain du verbe) et sont le plus souvent totalement ignorées. Mais ce qu’il m’importe de montr
319 croyance profonde que le cosmos, créé par Dieu, n’ est pas absurde ni soumis aux caprices des divinités monstrueuses ; il va
320 e d’en scruter les lois et il attend de l’homme d’ être compris, révélé, voire sauvé, selon saint Paul. Quant à nos principes
321 i en illustra la haute portée morale ; la seconde fut définie par les premiers conciles, à l’occasion des grands débats sur
322 santes ou socialisantes de nos institutions. Tels étant les liens innombrables qui unissent les attitudes fondamentales de la
323 Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’ est qu’en vertu d’un accident de l’histoire que la France paraît seule en
324 se dans cette affaire, car en réalité le problème est mondial, il concerne tout l’Occident, dans ses relations avec le Mond
325 emps que nos créations. On voit que l’alternative est utopique, chacun de ses termes l’étant. Il nous reste à trouver des f
326 ’alternative est utopique, chacun de ses termes l’ étant . Il nous reste à trouver des formules d’équilibre ou de compromis tol
327 ité tout entière. 17. Chacun sait que « Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas de quartier européen ». h. R
328 ier livre, L’Aventure occidentale de l’homme , a été analysé dans notre n° 3. M. de Rougemont dirige le Centre européen de
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
329 de fer — en attendant les 98 millions retenus à l’ est dans l’orbite russe — la seule réussite dans douze ans d’institutions
330 ques ne peut évidemment suffire ; mais leur échec serait bientôt mortel. Or le Marché commun des Six, la zone de libre-échange
331 sa voix détermine l’économie de son pays, que ce soit d’une manière directe comme en Suisse, ou plus souvent par députés in
332 alement inaccessibles au grand public, même s’ils sont édités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’être lus que par l
333 dités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’ être lus que par leurs étudiants et leurs collègues. Entre un public ignor
334 faudrait y réfléchir en groupe, car ces problèmes sont trop complexes pour le plus génial des chercheurs, s’il reste seul. M
335 is qui le fait ? Les experts des gouvernements ne sont pas libres. Les chercheurs libres ne sont pas groupés. C’est pourquoi
336 ents ne sont pas libres. Les chercheurs libres ne sont pas groupés. C’est pourquoi le Centre européen de la culture a jugé u
337 ue se passerait-il si… les frontières économiques étaient supprimées en Europe ? Telle était la règle du jeu. Nous ne demandion
338 économiques étaient supprimées en Europe ? Telle était la règle du jeu. Nous ne demandions pas comment faire pour obtenir l’
339 acquis plus encore qu’aux résultats prévisibles — soit garante du sérieux avec lequel ils ont essayé néanmoins de répondre à
340 néanmoins de répondre à notre question. Nous nous étions efforcés de les persuader dès l’abord qu’il importait de réduire cert
341 oir toujours calculé son prix. Nos économistes se sont réunis deux fois, à six mois de distance, et leurs débats ont été cha
342 fois, à six mois de distance, et leurs débats ont été chauds. Tout parti pris de militant leur eût paru indigne d’une attit
343 n tempéré se dégage de leurs études, dont le plan fut arrêté en commun, la rédaction strictement individuelle, et la mise a
344 e pouvons-nous attendre de ces études ? Nous nous sommes refusés à leur donner après coup le tour journalistique qui leur eût
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
345 nséquence lugubre et fatale de l’union politique, sont parfois en réalité des adversaires politiques de cette union et le so
346 rt de la culture leur importe très peu ; mais ils sont plus souvent les innocentes victimes d’une illusion scolaire : ils on
347 . On ne perdra pas son temps à expliquer que tout est faux dans ces notions, hélas ! courantes, mais qu’aucune science dign
348 9. Le seul problème sérieux qui doit nous occuper est le suivant : étant donné qu’il faut unir l’Europe pour les motifs que
349 me sérieux qui doit nous occuper est le suivant : étant donné qu’il faut unir l’Europe pour les motifs que nous indique clair
350 une telle institution devra montrer que l’Europe est d’abord une culture, qu’elle doit à sa culture d’avoir dominé le mond
351 e meilleur et pour le pire ; et que cette culture est commune à tous les peuples de l’Europe, puisque leurs nations mêmes e
352 uples de l’Europe, puisque leurs nations mêmes en sont nées, non l’inverse. D’autre part, cette institution devra s’efforce
353 On ne fera pas l’Europe sans sa culture, car ce serait faire l’Europe sans ce qui la définit. Cette culture fonde et manifes
354 nit. Cette culture fonde et manifeste l’unité qui est la vraie base de notre union ; mais d’autre part, elle seule peut exp
355 ’union. On ne fera pas l’Europe en répétant qu’il est indispensable de s’unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant des
356 , il fallait ratifier des traités. Mais voilà qui est fait désormais. La condition nécessaire est acquise non la condition
357 à qui est fait désormais. La condition nécessaire est acquise non la condition suffisante. Celle-ci ne sera pas donnée par
358 acquise non la condition suffisante. Celle-ci ne sera pas donnée par la fatalité, qui joue toujours perdant sur l’homme, ma
359 is que la grande question de l’union européenne s’ est trouvée posée, au lendemain de la dernière guerre ? Parallèlement aux
360 ope, issu d’une résolution du congrès de La Haye, est constitué neuf mois plus tard, et comporte dès le début une direction
361 cipants. Une Fondation européenne de la culture a été créée à Genève en 1954, et opère depuis cette année à Amsterdam. Enfi
362 sans parler de milliers de brochures. Cet effort est immense. Est-il trop dispersé pour porter plein effet ? Est-il suffis
363 de milliers de brochures. Cet effort est immense. Est -il trop dispersé pour porter plein effet ? Est-il suffisamment souten
364 e. Est-il trop dispersé pour porter plein effet ? Est -il suffisamment soutenu par les pouvoirs publics et le mécénat privé
365 mécénat privé pour répondre aux défis du temps ? Est -il coordonné à la mesure des besoins ? Aurait-il réussi à s’imposer à
366 qui existent par milliers en Amérique du Nord. Il serait temps que nos États prennent conscience de ces deux vérités primordia
367 ette culture, elle se réduirait vite à ce qu’elle est sur la carte : 4 % des terres du globe (et très pauvres en matières p
368 riques, qui précèdent. La mission générale du CEC est de contribuer à l’union de l’Europe en ralliant les forces vives de l
369 é sous les auspices du Mouvement européen, le CEC est issu des délibérations du congrès de La Haye (mai 1948). Dès février
370 949, et formula le programme du CEC L’institution fut inaugurée à Genève le 7 octobre 1950. Elle n’est rattachée à aucune o
371 fut inaugurée à Genève le 7 octobre 1950. Elle n’ est rattachée à aucune organisation internationale officielle, ni à aucun
372 ouit de la personnalité juridique. Ses ressources sont assurées par des dons et subventions provenant de sources privées ou
373 e ses publications. Le choix des objectifs du CEC est déterminé par deux critères : l’urgence d’un problème culturel qui se
374 tion constamment subordonnée à l’efficacité, tels sont les traits qui distinguent cet organisme privé et européen de la plup
375 sant dans le cadre d’un programme commun. Quelles sont donc les grandes lignes de ce programme ? Laissant de côté des réalis
376  ? Laissant de côté des réalisations passées, qui furent entre autres le Congrès de compositeurs et critiques musicaux à Rome,
377 mondial, si elle unit ses forces pendant qu’il en est temps. Le Centre a donc suscité dans plusieurs de nos pays des expér
378 ces-pilotes d’éducation européenne prenant appui soit sur le corps enseignant d’une région donnée, soit sur des foyers de c
379 soit sur le corps enseignant d’une région donnée, soit sur des foyers de culture populaire en milieu rural ou urbain. Il leu
380 Une série, de films documentaires sur l’Europe est en cours de réalisation. Enfin, l’information de la presse est assuré
381 de réalisation. Enfin, l’information de la presse est assurée par les Actualités européennes , fascicule mensuel distribué
382 urel » peut servir à désigner (sinon à définir) n’ est pas un mal en soi, bien au contraire. Cette multiplicité traduit les
383 traduit les diversités réelles et organiques qui sont l’une des sources de la vitalité et des tensions fécondes de notre cu
384 ’agit nullement de les uniformiser. Cependant, il est urgent de leur offrir les moyens pratiques d’échanger leurs expérienc
385 ces et leurs assemblées, un effort parallèle doit être entrepris dans le domaine de la culture. Coordonner les autonomies, t
386 la culture. Coordonner les autonomies, telle doit être à mes yeux la devise, spécifiquement fédéraliste, de cet effort. Un a
387 e faire accepter à lui tout seul. Ces difficultés sont d’ordre culturel (spirituel et sociologique à la fois) bien avant d’ê
388 spirituel et sociologique à la fois) bien avant d’ être politiques. Là encore, l’Europe mise au défi en tant qu’ensemble cult
389 4 en Suisse, 2 en Belgique, tandis que l’allemand est parlé dans 6 nations, le français dans 5, etc. Le folklore révèle pré
390 unauté de traditions de tous nos peuples. Le Rhin serait une frontière naturelle, mais le Danube et le Rhône des liens naturel
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
391 L’autre répond dans la rigueur de sa pensée : il est chez lui. Que dit Einstein ? Il dit que, la guerre étant devenue le f
392 hez lui. Que dit Einstein ? Il dit que, la guerre étant devenue le fait des nations, il faut créer l’autorité législative et
393 mais dénué d’illusions. Non, la force, dit-il, n’ est pas le contraire du droit. Car le droit n’est en somme qu’une autre f
394 , n’est pas le contraire du droit. Car le droit n’ est en somme qu’une autre forme de la violence inévitable. C’est la viole
395 lusieurs faibles ». La violence d’un seul ne peut être brisée que par l’union de ses victimes, fondant sur l’intérêt et sur
396 elie les hommes ; d’autre part, à l’autorité : ce serait celle d’une élite véritable de chefs, défenseurs supérieurs qui dirig
397 La « classe régnante » et les marchands de canons tiendraient la presse, l’école et les « organisations religieuses ». Ils dominera
398 « règne » en Occident, il y a beau temps que ce n’ est plus une classe ! Les décisions qui font l’histoire concrète, et l’op
399 r d’une même nation, la résultante de leur action serait modifiée ou, dans certains cas, annulée par la pression contraire d’a
400 . L’idée d’une classe régnante fauteuse de guerre est d’un autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’étonner qu’Einstein
401 rentes, parviennent à cette même conclusion, mais sont d’accord aussi pour redouter que la force suffisante manque au législ
402 arme assez puissante pour que le pouvoir central soit obéi… Or, prenez garde : nous sommes en 1932. Einstein déplore que le
403 ouvoir central soit obéi… Or, prenez garde : nous sommes en 1932. Einstein déplore que le super-État qu’il rêve soit dépourvu
404 32. Einstein déplore que le super-État qu’il rêve soit dépourvu d’une force à sa mesure. Il la cherche en vain, ne voit rien
405 sant à Roosevelt de fabriquer la bombe. Tout ne s’ est -il point passé comme si le calcul profond du daimôn qui habitait en l
406 it la guerre impossible ? En fait, la situation s’ est renversée. Ce n’est pas un super-État qui attend son arme, mais cette
407 ble ? En fait, la situation s’est renversée. Ce n’ est pas un super-État qui attend son arme, mais cette arme qui attend un
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
408 evenir, par une évolution, l’État fédéral qu’elle est aujourd’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au terme d’une crise de
409 et d’inexistence d’un pouvoir central. Et cela s’ est produit entre le 17 février et le 17 novembre 1848. Ce raccourci dema
410 anachronisme. Car ce qui se produisit ce jour-là, fut simplement la signature d’un pacte entre les trois « communes » rural
411 maîtresses des débouchés nord du Gothard. Ce col était le seul à relier au travers d’une seule chaîne des Alpes les moitiés
412 de la mission singulière de ce pays. En effet, ce fut bien pour assurer la garde du col au nom de l’Empire, contre les entr
413 it, il a duré jusqu’à nos jours. Mais ses auteurs étaient bien loin de se douter qu’ils fondaient un État nouveau, lequel serai
414 e douter qu’ils fondaient un État nouveau, lequel serait un jour, la Suisse. Cette première alliance locale d’hommes libres de
415 is : « La Suisse ne ressemble à aucun autre État, soit par les événements qui s’y sont succédé depuis des siècles, soit par
416 aucun autre État, soit par les événements qui s’y sont succédé depuis des siècles, soit par sa situation géographique et top
417 énements qui s’y sont succédé depuis des siècles, soit par sa situation géographique et topographique, soit par les différen
418 t par sa situation géographique et topographique, soit par les différentes langues, les différentes religions et cette extrê
419 e État fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être d’un homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d
420 lpes, le Jura, le lac de Constance et le Léman, n’ était donc encore, après cinq siècles, guère plus qu’une simple Ligue d’Éta
421 éon venaient de susciter les passions nationales, était celui du renforcement de leur unité et de la création d’un État. Il e
422 ent de leur unité et de la création d’un État. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de ce problème dan
423 tenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pas les seuls à poser ce problème, dans l’Europe du xixe siècle, ils
424 r ce problème, dans l’Europe du xixe siècle, ils furent les seuls à le résoudre d’une manière efficace et durable. 2. Cris
425 ès appréciable, pendant trente-trois ans. Elle ne fut résolue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain d’une guerre civil
426 à l’Europe d’aujourd’hui. Les cantons souverains étaient les maîtres incontestés de leur politique économique. On comptait alo
427 s et 50 poids différents. » Le régime monétaire n’ était pas moins chaotique. « Incapables de s’entendre sur aucune mesure com
428 Heinrich Zschokke). Politiquement, la situation n’ était pas meilleure. Nulle autorité centrale et incontestée ne pouvait parl
429 pratiquement requise pour les grandes décisions n’ était jamais atteinte. (Les députés votaient sur instructions de leur État.
430 ructions de leur État. La chancellerie fédérale n’ était qu’un bureau chargé de préparer les affaires, et changeait de résiden
431 industriel, misérable et inhumainement exploité s’ était formé dans les cantons urbains ; et dans les cantons ruraux, les jeun
432 on du Pacte fédéral. Une commission de 15 membres fut chargée de rédiger un projet de Constitution. Le rapport qu’elle prés
433 a Suisse, comme si la grande forteresse des Alpes était un désert livré au premier occupant ». Il décrivait la paralysie qui
434 ls doivent, pour ainsi dire, servir deux maîtres, être tour à tour les hommes de la Confédération et les hommes du canton… I
435 de la Confédération et les hommes du canton… Il n’ est , ce me semble, aucun motif de conserver un pareil état de choses… Rie
436 sses : « Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous est point étrangère… Et quoi qu’en disent les détracteurs des temps moder
437 te anxiété elle-même, et ce malaise général qu’il est impossible de méconnaître, et cette espérance que dans un nouveau Pac
438 , les cantons conservant « tous les droits qui ne sont pas expressément cédés au pouvoir fédéral ». La Ligue des cantons, en
439 judiciaires, administratifs et militaires, devait être transformée en un État moderne de forme fédérative. L’éloquence de Ro
440 proposer à la ratification populaire. Le verdict fut négatif dans deux cas. L’opposition avait joué sur la « réalité prépo
441 s savaient que les grandes puissances voisines se tenaient prêtes à intervenir pour empêcher toute modification de régime favora
442 ue littéral de la guerre de Sécession américaine) fut suivie avec passion par l’opinion européenne, et apporta par son issu
443 qu’en retour, l’imminence des révolutions de 1848 fut un facteur important du succès des radicaux suisses : elle retarda ou
444 ême paralysa l’action des Puissances. La campagne fut menée avec décision, rapidité et humanité. En 26 jours, les cantons c
445 ours, les cantons catholiques, battus séparément, étaient amenés à la reddition. L’étranger n’avait pas eu le temps d’interveni
446 le 17 février 1848. La majorité des commissaires étaient des chefs de gouvernements cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’
447 mière réunion, ils décidèrent que leurs débats se tiendraient à huis clos, ceci surtout pour accélérer les travaux, éviter les disc
448 — relatent ordinairement le contraire de ce qui s’ est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de 31 séances p
449 aient du projet de 1832, mais les plus importants furent le fruit original des discussions du groupe. Dès le 15 mai, le projet
450 ussions du groupe. Dès le 15 mai, le projet ayant été transmis préalablement aux cantons, la Diète en aborda l’examen. Une
451 t en tout que six semaines. Le 27 juin, le projet était accepté par les deux tiers environ des représentants des cantons. La
452 fédéral, inaugurant un régime qui ne devait plus être remis en question jusqu’à nos jours. L’essor économique, social et cu
453 ue, social et culturel de la nouvelle Suisse unie fut immédiat. Aucune des catastrophes prédites et calculées par les adver
454 érite pas seulement l’épithète de fédérale : elle est précisément fédéraliste, dans ses visées comme par ses principales di
455 iers. Enfin et surtout, le problème théoriquement tenu pour « insoluble » de l’abolition des souverainetés nationales se tro
456 ge ou solution de sagesse, voici ce compromis qui tient en trois articles : Article 1. Les peuples des vingt-deux cantons so
457 la Confédération suisse. Article 3. Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la con
458 s sont souverains en tant que leur souveraineté n’ est pas limitée par la constitution fédérale, et, comme tels, ils exercen
459 , comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. La Confédération garanti
460 e-témoin L’adoption de la Constitution de 1848 est saluée par la quasi-unanimité des historiens suisses comme l’événemen
461 ar le mouvement de 1848, la Constitution fédérale fut présentée au peuple comme un compromis, non point comme le gage du tr
462 liste authentique… Nulle mesure de transition ne fut prévue entre l’ordre (ou le désordre) traditionnel et le nouveau régi
463 ent des citoyens d’un canton dans un autre, avait été présentée par les opposants comme devant fatalement semer le chaos et
464 s et traditions locales si chères aux Suisses. Ce furent ces craintes, précisément, qui se révélèrent, dans le fait, « rêverie
465 nomique d’un riche canton industriel comme Zurich fut immédiate ; celle d’un pauvre canton rural comme Glarus (son voisin)
466 frontières économiques. Notons en passant qu’il n’ est pas un des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été rep
467 rguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été repris, dans les débats actuels, par les opposants à l’union européen
468 e dans la grande Europe moderne, les problèmes ne sont pas homologues de ceux de la petite Suisse du siècle dernier. A-t-on
469 rendre à Paris ou à Bruxelles ? L’Europe actuelle est pratiquement plus petite que la Suisse de 1848. Ses États souverains
470 te que la Suisse de 1848. Ses États souverains ne sont guère plus différents entre eux que ne l’étaient les paysans primitif
471 ne sont guère plus différents entre eux que ne l’ étaient les paysans primitifs d’Appenzell des patriciens cosmopolites de Genè
472 nzell des patriciens cosmopolites de Genève ; ils sont moins nombreux, et souvent, de moins ancienne tradition nationale… Si
473 des communes italiennes, françaises et flamandes, était apparu comme une réaction tardive, une exception, dont les destinées
474 rdive, une exception, dont les destinées devaient être exceptionnellement heureuses. « La Confédération suisse est le seul m
475 ionnellement heureuses. « La Confédération suisse est le seul mouvement qui ait survécu au combat pour l’idée démocratique
476 sente le résultat d’une révolution générale qui a été vaincue partout ailleurs »26. De même, la guerre du Sonderbund a prod
477 se. Elle concerne le sens du mot fédéralisme, qui est le mot-clé de l’histoire suisse. Les radicaux de 1848 voulaient une v
478 saient au contraire « fédéralistes », bien qu’ils fussent opposés à tout ce qui menaçait de diminuer les souverainetés locales
479 eux qui s’intitulent « fédéralistes », en Suisse, sont les adversaires de toute extension du pouvoir central, tandis que ceu
480 i s’intitulent « fédéralistes » au plan européen, sont les partisans d’une union institutionnelle de nos pays. Cette contrad
481 ification forcée. Cette dialectique, en Suisse, n’ est pas abstraite : elle exprime la vie même de la Confédération, et donn
482 Bibliographie Les sources de l’histoire suisse sont cantonales et locales, jusqu’au xixe siècle. Nous ne pouvons songer
483 réfugié politique au début de la Restauration, il fut le premier professeur catholique à l’Académie de Calvin et l’ornement
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
484 ontraires, d’une certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque humain ; secret de notre ordre et aussi de
485 veut l’universel. Denis de Rougemont L’Europe s’ est définie dans le monde par son pouvoir d’aller au-delà d’elle-même, de
486 son destin au nom d’une vocation universelle. Qu’ est -ce en somme que la Renaissance ? Sinon le moment d’intégration violen
487 usion dégage une énergie dont le champ ne saurait être que la planète entière, conquérante d’abord, belliqueuse et commerçan
488 e qui n’existe que dans son dépassement et qui ne serait pas elle-même si elle n’était plus qu’elle-même. Quatre constatations
489 assement et qui ne serait pas elle-même si elle n’ était plus qu’elle-même. Quatre constatations fondamentales, et que chacun
490 De l’esprit de solidarité évangélique — que tous soient un comme les membres variés d’un même corps, participant du même Espr
491 gions de l’Inde et de la Chine ? Ces spécialistes sont Européens sans doute ; et, que l’on sache, ces notions ne sont point
492 s sans doute ; et, que l’on sache, ces notions ne sont point parvenues à provoquer là-bas les mêmes effets, à dégager le mêm
493  : il n’en connaissait qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’une illusion semblable lorsque nous constatons que tou
494 os délires caractéristiques, dont le nationalisme est un tragique exemple. Chose étrange, c’est avec la fin de l’ère du col
495 et de notre alphabet. Nul mouvement réciproque n’ est encore observé, ni même pressenti. 3. C’est l’Europe qui peut seule a
496 ienne route de la soie. Et son colonialisme honni fut aussi la première « mise en valeur » des possibilités complémentaires
497 dent qu’à 4 % de leur revenu national. L’Europe n’ est rien sans le monde : elle doit être mondiale, par une nécessité vital
498 al. L’Europe n’est rien sans le monde : elle doit être mondiale, par une nécessité vitale. 4. C’est l’Europe qui représente
499 ée du Monde, mais son premier laboratoire. « Tout est venu à l’Europe et tout en est venu. Ou presque tout », dit Valéry. M
500 aboratoire. « Tout est venu à l’Europe et tout en est venu. Ou presque tout », dit Valéry. Mais je ne vois rien, ou presque
501 e vois rien, ou presque rien, à part le jazz, qui soit venu à l’Europe de soi-même. L’archéologie, l’ethnographie, la paléon
502 microfilms accumulés dans les archives ; ce Musée est une invention, cette Mémoire du Monde est un acte, et cette immense R
503 e Musée est une invention, cette Mémoire du Monde est un acte, et cette immense Récapitulation du genre humain est une créa
504 , et cette immense Récapitulation du genre humain est une création de l’histoire. Qui d’autre que l’Europe a su tendre ce p
505 ce et au temps de l’humanité totale ? Pour ce qui est venu de l’Europe, on renonce à l’énumérer ; c’est « tout ou presque t
506 a Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et de l’inven
507 techniques, toutes les autres parties de la Terre sont mises en communication, bon gré mal gré, pour la première fois dans l
508 gré, pour la première fois dans l’Histoire. S’il est vrai que le monde, irréductiblement, tend à devenir un organisme, on
509 l point de vue de l’économie des échanges, elle n’ est rien si elle n’est pas l’animatrice d’une circulation planétaire. Qui
510 ’économie des échanges, elle n’est rien si elle n’ est pas l’animatrice d’une circulation planétaire. Qui peut en dire autan
511 Sud-Est asiatique et les nations arabes. La Chine est encore loin de pouvoir vendre au monde les produits de son école du s
512 ève, avec les moyens que l’on sait ; mais ils n’y sont pas vitalement contraints. Part des importations dans le revenu natio
513 le périrait, sans discussion possible, si elle en était réduite à vivre sur elle-même. L’Europe seule ne peut plus se payer u
514 redevenir — désormais sans hégémonie — ce qu’elle fut dès la Renaissance : une fonction mondiale, un foyer, une perpétuelle
515 urope ne peut répondre que dans la mesure où elle est forte et saine : c’est la mesure de son intégration, c’est-à-dire de
516 ses forces variées. Vue de l’extérieur, l’Europe est évidente en tant qu’unité de culture. Seuls les Européens qui se veul
517 rs cousins américains… Sauf si ces Asiatiques ont été les sujets de nos États colonialistes : ils exceptent aussitôt cet Ét
518 ar les valeurs européennes, aux yeux du monde, ne sont universelles que dans la mesure où elles résultent de nos variétés in
519 épondent les nécessités internes de l’union. S’il est vrai qu’aucun de nos pays ne peut prétendre à représenter valablement
520 Haye, le 12 mai 1948, commence ainsi : L’Europe est menacée, l’Europe est divisée, et la plus grave menace vient de ses d
521 commence ainsi : L’Europe est menacée, l’Europe est divisée, et la plus grave menace vient de ses divisions. Appauvrie, e
522 te », en dépit des plus dures évidences, quand il est clair que vouloir s’isoler dans une souveraineté vide de tout contenu
523 sous la coupe d’un des deux « grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’est aussi… La France est « un grand pays qui
524  grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’ est aussi… La France est « un grand pays qui n’a besoin de personne ». L’
525 est souveraine, la Hongrie l’est aussi… La France est « un grand pays qui n’a besoin de personne ». L’Angleterre est liée a
526 d pays qui n’a besoin de personne ». L’Angleterre est liée aux dominions par tous les océans, mais elle est isolée de l’Eur
527 liée aux dominions par tous les océans, mais elle est isolée de l’Europe par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’elle
528 e est isolée de l’Europe par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’elle est au centre de l’Europe, et à cause d’une hist
529 par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’elle est au centre de l’Europe, et à cause d’une histoire très ancienne ; l’Au
530 à cause d’une histoire très ancienne ; l’Autriche est neutre aussi parce qu’elle touche la Russie, et à cause d’histoires t
531 tes. Ainsi tout sert nos souverainetés, tout leur est bon pour croire qu’elles existent encore, puisqu’elles gardent au moi
532 e peut l’imaginer que fédérale, si le fédéralisme est bien compris comme une méthode d’union dans la diversité. Or cette mé
533 ode d’union dans la diversité. Or cette méthode n’ est pas seulement la plus opportune qui se présente : elle est le princip
534 eulement la plus opportune qui se présente : elle est le principe même de l’existence européenne, elle est l’Europe en tant
535 le principe même de l’existence européenne, elle est l’Europe en tant que pouvoir créateur. Une Europe uniformisée perdrai
536 ertaine logique prétendue cartésienne, mais qui n’ est guère que l’esprit de système tantôt paresseux, tantôt fanatique et j
537 ontradictoires comme l’union et l’autonomie — qui est le secret du fédéralisme. Mais tout ce qui a fait l’Europe illustre c
538 ustre cette méthode. Prenez le dogme : la Trinité est animée par l’union et la distinction de trois personnes. Prenez la mu
539 enez la peinture : les couleurs chantent si elles sont bien opposées dans leur pureté ou leurs nuances précises, non si on l
540 me des échanges économiques, voire culturels, qui est mouvant par définition. Cet incroyable amas de confusions et d’abus s
541 foyer de rayonnement planétaire, ne saurait donc être conçue selon le modèle archaïque d’un État-nation. Les questions de b
542 amateurs, des limites exactes de l’Europe, loin d’ être un sérieux « préalable », est une simple sottise à l’âge des ondes et
543 e l’Europe, loin d’être un sérieux « préalable », est une simple sottise à l’âge des ondes et des fusées intercontinentales
544 es fusées intercontinentales. Un pôle d’énergie n’ est pas défini par ses « limites », mais par l’intensité de son pouvoir d
545 r d’attraction et d’émission. Un bassin fluvial n’ est pas défini par son contour, mais par sa navigabilité. Une personne n’
546 contour, mais par sa navigabilité. Une personne n’ est pas définie par sa fiche de police. Déclencher un processus d’unio
547 d’une nation reculant un peu ses bornes, que doit être considérée l’union partielle des six pays qui ont initié le Marché co
548 ome d’avoir voulu « limiter l’Europe à six pays » sont -ils sincères, ou simplement vexés que l’Europe ait commencé en dépit
549 dépasse bien souvent le « colosse » soviétique) n’ est au fond qu’une mesure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fû
550 sure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’une zone de libre-échange. L
551 zone de libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclencher un processus d’union, il serait manqué si les Six, dès
552 Six étant de déclencher un processus d’union, il serait manqué si les Six, dès maintenant, tentaient de se suffire à eux-même
553 En revanche, vouloir ou escompter l’échec des Six serait adopter en fait la politique du Kremlin, très alertée sur le « danger
554 nds titres…) Opposer la Petite Europe à la Grande est un double non-sens ; c’est d’abord méconnaître sans nulle raison avou
555 avouable l’objectif manifeste de la première, qui est d’aboutir à la seconde. C’est ensuite méconnaître la nature même du p
556 comme fonction, c’est-à-dire d’une Europe qui ne serait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à être plus qu’elle-même.
557 ait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à être plus qu’elle-même. Ce qu’il y a de foncièrement européen dans l’exist
558 l’existence encore fragile des Six, c’est qu’ils sont vitalement intéressés à devenir ces Dix-Sept que tout en eux appelle
559 t qui, à leur tour, pourront appeler les Six de l’ Est  : ce qui ferait au total vingt-trois, qui se trouve être le nombre de
560 ce qui ferait au total vingt-trois, qui se trouve être le nombre des fils de ce Japhet auquel fut dévolue l’Europe — l’Asie
561 rouve être le nombre des fils de ce Japhet auquel fut dévolue l’Europe — l’Asie allant à Sem, l’Afrique à Chain — selon la
562 ien, c’est dans leur sang, que l’Europe entière n’ est qu’un appel au monde. Quelles sont les chances actuelles de notre uni
563 urope entière n’est qu’un appel au monde. Quelles sont les chances actuelles de notre union, en d’autres termes, les chances
564 tendu Valéry, une habitude de pensée pessimiste s’ est installée dans nos esprits. Non seulement nous avons appris que toute
565 nt nous avons appris que toutes les civilisations sont mortelles, mais nous croyons savoir pourquoi : toute grandeur serait
566 ais nous croyons savoir pourquoi : toute grandeur serait suivie nécessairement d’une décadence. Cette erreur s’explique en par
567 omain, le mieux connu. Il se trouve que l’exemple est mauvais. Bien d’autres civilisations ont disparu sans laisser d’hérit
568 t la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont -elles mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été préservées et déve
569 nt-elles mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été préservées et développées par le Musée et le Laboratoire européens, p
570 es par le Musée et le Laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours sur toute la terre ? Il s’en faut de beaucoup
571 plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues d’Égypte, le Décalog
572 vilisations antiques, sans lesquelles l’Europe ne serait guère, n’ont pas été retirées du jeu mondial, mais seulement détrônée
573 ns lesquelles l’Europe ne serait guère, n’ont pas été retirées du jeu mondial, mais seulement détrônées régulièrement, puis
574 adence plutôt que renaissance. Observons qu’elles étaient locales, comme le furent la chinoise, l’hindoue, l’indonésienne, les
575 nce. Observons qu’elles étaient locales, comme le furent la chinoise, l’hindoue, l’indonésienne, les africaines et les américa
576 de Barbares mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération, o
577 s. Les candidats à la relève étaient nombreux. En est -il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération, ou simplement la r
578 entre nous, chrétiens ou athées pour qui le doute est une forme essentielle du culte que l’homme sincère rend à la Vérité.
579 ontraires, d’une certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque humain ; et ce ne sont pas seulement les se
580 i est l’accroissement du risque humain ; et ce ne sont pas seulement les secrets de notre ordre, mais aussi de notre désordr
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
581 tes de la décadence européenne : et ces prophètes sont tous, ou presque tous Européens. Au lieu d’entonner le chant séculair
582 es civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beau
583 elles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi pe
584 istence même. Mais France, Angleterre, Russie… ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons
585 ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est
586 nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la
587 de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux. L’écho de
588 nandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux. L’écho de cette page fut immense, et je sais peu
589 les sont dans les journaux. L’écho de cette page fut immense, et je sais peu de phrases plus fréquemment citées que celle
590 ue celle qui annonce que toutes les civilisations étant mortelles, la nôtre aussi pourrait périr, va donc probablement périr.
591 a donc probablement périr. Pour émouvante qu’elle soit , elle exprime, à mon avis, l’une des erreurs les plus célèbres de not
592 pour illustrer le même argument que Valéry : Que sont devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont
593 e brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont -ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Pers
594 de Persépolis ? Hélas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que soli
595 tard, Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est « un individu dans la marche de l’Histoire » et qu’il obéit donc, com
596 débuts du xxe siècle, Spengler va plus loin ; il est convaincu que toute culture est un organisme, et correspond morpholog
597 va plus loin ; il est convaincu que toute culture est un organisme, et correspond morphologiquement à un individu, animal o
598 l. Il en résulte inexorablement que toute culture est mortelle, et nous rejoignons la phrase de Valéry. Enfin Toynbee, dans
599 rmes, tant sociales et morales que matérielles… N’ est -ce pas assez pour justifier les prophètes du désastre européen ? Que
600 dence historique. Primo, l’hégémonie politique n’ est pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’une civilisation.
601 tion. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être perdue sans que l’autre soit ruinée du même coup. Chacun sait que Gen
602 l’autre. L’une peut être perdue sans que l’autre soit ruinée du même coup. Chacun sait que Gengis Khan eut l’hégémonie sans
603 t une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’ est pas du tout certain que les précédents historiques soient applicables
604 as du tout certain que les précédents historiques soient applicables dans notre situation, ni que la courbe de croissance, gra
605 ue la courbe de croissance, grandeur et décadence soit la même pour toutes les civilisations et surtout, dans tous les temps
606 nnu des Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la civilisation gréco-romaine
607 tie occidentale de l’Empire au moins. Cet exemple est -il valable pour nous ? La civilisation européenne est-elle une civili
608 il valable pour nous ? La civilisation européenne est -elle une civilisation comme les autres ? Est-elle donc vraiment compa
609 enne est-elle une civilisation comme les autres ? Est -elle donc vraiment comparable à celles qui l’ont précédée ? Son desti
610 à celles qui l’ont précédée ? Son destin peut-il être prédit par extrapolation des exemples antiques ? Voilà qui n’est pas
611 extrapolation des exemples antiques ? Voilà qui n’ est pas sûr du tout. Il se pourrait, en effet, que notre civilisation pr
612 de rien pouvoir décider sur ce point, force nous sera donc de rechercher d’abord quelle est l’originalité de notre civilisa
613 force nous sera donc de rechercher d’abord quelle est l’originalité de notre civilisation par rapport à toutes les autres,
614 tes les autres, et quel seuil mondial elle aurait été la première et la seule à franchir, s’affranchissant ainsi des lois f
615 totalitaires d’aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Compar
616 ’elle en a héritées, la civilisation européenne s’ est trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n
617 rite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas
618 que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture
619 civilisation créée par cette culture, n’a jamais été autre chose qu’une unité dans la diversité, une unité paradoxale cons
620 mpliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement
621 nant définir brièvement ces trois vertus et ce ne sera pas dans un esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci de décrir
622 par les civilisations du Proche-Orient. Mais il a été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont montré N
623 e philosophe Karl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec lui, on ne peut pas tricher no
624 ette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi
625 . Ici encore, comparons avec ce qui se passe ou s’ est passé ailleurs. Les cultures totalitaires subordonnent les loisirs eu
626 vation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’ est pas responsable. Le Karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont to
627 rands cris et non sans haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire :
628 avons le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail a
629 t, c’est à cause du travail acharné que nous nous sommes imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que
630 ormément à nos principes, tandis que votre misère est fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illu
631 riquement que la sagesse védantique, par exemple, soit inférieure à la théologie thomiste ou calviniste. Mais cela signifie
632 s et le genre de vie que ces cultures permettent, soit pour modifier cette relation, dans le cas de l’Orient, soit pour en p
633 modifier cette relation, dans le cas de l’Orient, soit pour en prendre mieux conscience, dans notre cas. Le troisième caract
634 lture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité pe
635 t le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un
636 et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’ est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son
637 est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme
638 nsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ce
639 e ses actes que dans la seule mesure où ces actes sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le s
640 es sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec,
641 otre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec, c’est la critique frondeus
642 rieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’ être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part en
643 ses variables dans notre idée de la liberté. Il n’ est pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théori
644 à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’ est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation
645 liberté, la revendication de la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le p
646 iberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le plus généralement européen, le pl
647 eur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’ est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous disti
648 onc au total, à l’expansion. Que ce mouvement ait été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement
649 nergie, toute force physique ou spirituelle, peut être qualifiée d’impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est
650 ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui ont développé les sciences physiques et naturelles,
651 ion de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun autr
652 utre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à p
653 z les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont donné son contenu concret et ont seuls démo
654 science. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce sont
655 es Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, avec t
656 politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé l’archéologie, comme ils ont inventé l’
657 ions prodigieuses de siècles et de continents que sont nos musées et bibliothèques, ils ont élaboré les préalables d’une sci
658 car toutes les créations que je viens d’énumérer sont en expansion vers le monde, appellent le monde, s’en nourrissent, et
659 dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « 
660 éens, ayant créé « le monde » se voient menacés d’ être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et
661 aux dépens de leur propre équilibre humain. Nous sommes sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passio
662 les. Première raison : la civilisation européenne est la seule qui soit effectivement devenue universelle. Certes, bien d’a
663 son : la civilisation européenne est la seule qui soit effectivement devenue universelle. Certes, bien d’autres civilisation
664 out simplement, mais cette erreur ne saurait plus être commise, à présent que la Terre entière est explorée dans ses dernier
665 plus être commise, à présent que la Terre entière est explorée dans ses derniers recoins. Alexandre le Grand et les empereu
666 mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’ est plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précédent d
667 es et homogènes. Voilà sans doute pourquoi elle s’ est trouvé la seule assez complexe et multiforme pour pouvoir sinon satis
668 hniques que de livres et de missionnaires. Elle s’ est laïcisée, profanisée, et détachée du christianisme qui a contribué de
669 dition de son « succès » le plus visible — elle s’ est rendue plus transportable, plus acceptable et imitable qu’aucune autr
670 aleur égale de tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation, sa couleur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien d
671 e ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la vallée et du delta du Nil. Il y avait un mo
672 les barbares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’ étaient pas vraiment et complètement humains. Ces très hautes civilisations d
673 s ni hommes libres, ni hommes ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ »), cette concep
674 ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ »), cette conception devait (seule) permettre
675 de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Depuis l
676 nandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué — plus
677 nregistrées sur bandes et sur microsillons, elles sont en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Las
678 t la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont -elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été préservée
679 vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été préservées et développées par le Musée et le Laboratoire européens, p
680 es par le Musée et le Laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours sur toute la Terre ? II s’en faut de beaucoup
681 plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’
682 la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’o
683 ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres sont fécondes. Le temps est passé où les civilisations étaient mortelles. 
684 rement et que nos cendres sont fécondes. Le temps est passé où les civilisations étaient mortelles. » J’ajouterai cette sim
685 fécondes. Le temps est passé où les civilisations étaient mortelles. » J’ajouterai cette simple remarque : si tant de civilisat
686 si tant de civilisations qu’on croyait endormies sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagess
687 rminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’une civilisation rivale, soit plus primiti
688 us souvent l’agression d’une civilisation rivale, soit plus primitive, comme dans le cas des Doriens détrônant la Crète, ou
689 ônant la Crète, ou des Germains submergeant Rome, soit plus audacieuse et prestigieuse, comme dans le cas de quelques centai
690  Barbares » mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou
691 s. Les candidats à la relève étaient nombreux. En est -il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la re
692 a pourtant les États-Unis, me dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de l’Europe, et de nos jours ils s’européani
693 e de nouveau du point de vue de la civilisation ? Est -elle une autre civilisation ? Lénine définissait ainsi sa Révolution 
694 e marxisme plus l’électricité. » Or le marxisme n’ est pas une invention marxiste au sens politique de ce terme, et encore m
695 e, et encore moins une invention soviétique. Ce n’ est pas Popov qui l’a inventé, mais c’est Karl Marx, un juif allemand don
696 is c’est Karl Marx, un juif allemand dont le père était devenu protestant, et qui écrivait en Angleterre pour le New York Her
697 rre pour le New York Herald Tribune ! Le marxisme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre
698 anisé la Russie. Et c’est l’URSS maintenant qui s’ est chargée d’aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins ! C
699 ux « bond en avant » de la Chine de Mao n’a guère été jusqu’ici qu’un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés
700 a Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de l’Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse »
701 ’Amérique, qui est une invention de l’Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe ? Je vais le dire : dan
702 e péril noir. Je n’y crois guère. Notre éclipse n’ est rien que notre aveuglement sur nos propres pouvoirs et notre vocation
703 ! La civilisation européenne, devenue mondiale, n’ est menacée en fait que par les maladies qu’elle a produites et propagées
704 ité créatrice, c’est en Europe, que ce péril doit être conjuré. Car ce qui nous menace de l’extérieur c’est aussi ce qui nou
705 s, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne serait guère plus dangereux que la bêtise humaine en général, s’il n’avait p
706 étendre les ressorts créateurs du progrès dont il est trop souvent l’aboutissement. Or chacun sait que les ressorts du prog
707 ement. Or chacun sait que les ressorts du progrès sont l’inquiétude philosophique, la passion de défier le destin, le refus
708 et la police des États. Ces maladies de l’Europe sont plus dangereuses pour le reste du genre humain que pour l’Europe elle
709 enre humain que pour l’Europe elle-même, où elles sont nées. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’est vaccinée cont
710 es. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’ est vaccinée contre ces maladies. L’Europe a secrété Hitler, mais en douz
711 ès longtemps contre la tentation totalitaire, qui est l’essence du nationalisme. Il n’en va pas de même sur d’autres contin
712 t à nous : nos sages nous avaient avertis. Le mal est venu, nous l’avons vu, et nous l’avons vaincu, en peu de temps, au pr
713 en peu de temps, au prix de millions de morts, il est vrai… Et maintenant, ce n’est pas chez nous, mais chez les autres qu’
714 llions de morts, il est vrai… Et maintenant, ce n’ est pas chez nous, mais chez les autres qu’il triomphe. Permettez-moi de
715 e lettre qui date de 1871 : Le sort des ouvriers sera le plus étrange… l’État militaire va devenir le Grand Fabricant. Ces
716 s humaines dans les grandes usines ne peuvent pas être éternellement abandonnées à leur pauvreté et à leur envie. Un certain
717 ilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’ est pas chez nous, en Europe, mais en Chine, que cette prédiction se réal
718 Spoutnik. Un quart d’heure après les travailleurs étaient alignés. Sur l’ordre des commandants de compagnie et de brigades, les
719 e millénaire des paysans à vivre au petit bonheur est à jamais disparue. Quel énorme changement ! Reconnaissons que la rel
720 mais atteint en Europe de tels excès. Certes elle est née chez nous, et c’était bien chez nous que Burckhardt en avait pres
721 avec succès. Notre tâche en Europe, aujourd’hui, est de créer les anticorps qui permettront au genre humain de résister à
722 énie du spirituel. C’est dire que notre vocation est désormais de présenter au monde qui nous imite, mais d’illustrer d’ab
723 anté future de notre civilisation : — la première est le fédéralisme, art et science de l’union dans la diversité, donc art
724 ques autant que culturelles, cette union fédérale est la condition même de notre action dans le monde et pour le monde. Il
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
725 iennes concerne-t-il aussi les non-chrétiens, qui sont les deux tiers de notre humanité présente ? Oui, sans doute, dans la
726 s doute, dans la mesure où la religion chrétienne est aussi une force historique, liée en fait et depuis plus d’un millénai
727 nde par le nombre de ceux qui s’y rattachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’il est vrai que le monde communiste enfer
728 attachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’il est vrai que le monde communiste enferme un nombre équivalent d’individus
729 te enferme un nombre équivalent d’individus, ce n’ est qu’officiellement, par contrainte d’État : les communistes militants
730 par contrainte d’État : les communistes militants sont certainement bien moins nombreux que les chrétiens pratiquants des tr
731 eu frottés de sociologie. La survie de l’Occident est une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le
732 ’Occident est une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le christianisme, non de gagner le monde m
733 s » dans le monde et sur sa condition. Ces motifs sont bien évidents. Le christianisme est la religion d’un Dieu unique, de
734 . Ces motifs sont bien évidents. Le christianisme est la religion d’un Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et de l
735 i cherche l’union, et de la Vérité qui ne saurait être qu’une. C’est pour cela, et non point en vertu d’une conjoncture mond
736 ésunion persistante et déclarée du monde chrétien est un scandale, j’entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’une
737 omme chrétien, comme à l’ordre divin : « Que tous soient un… » C’est au niveau des hiérarchies ecclésiastiques, par-dessus la
738 fidèles, que les grandes divisions historiques se sont produites. Il n’est rien que je respecte au monde autant que l’instit
739 des divisions historiques se sont produites. Il n’ est rien que je respecte au monde autant que l’institution de l’Église :
740 s séparées, la volonté de l’unité formelle, qui n’ est pas l’union libre et réelle, et qui eut tôt fait de transformer en di
741 rituelles. Tant et si bien qu’au point où nous en sommes , il nous faut constater qu’en fait et avant tout, ce qui s’oppose à l
742 iante, et non de confiance évangélique. Car, s’il est vrai que l’Évangile demande l’union, ce n’est jamais aux dépens des v
743 ’il est vrai que l’Évangile demande l’union, ce n’ est jamais aux dépens des vocations diverses, dont nulle instance humaine
744 vocations diverses, dont nulle instance humaine n’ est juge en dernier ressort. Chaque Église a son Ange, selon l’Apocalypse
745 ans la maison de mon Père. » Cette parole ne peut être écartée. Elle reste au centre du mystère de l’unité. Voies vers l’u
746 puis en appeler qu’à l’union des chrétiens comme étant l’unique voie qui me paraisse ouverte vers quelque forme encore impré
747 ic et nunc, et déjà pratiquée par beaucoup. Qu’en est -il de cette existence, dans les diverses confessions ? Je suis frappé
748 tte existence, dans les diverses confessions ? Je suis frappé de la voir si différente de l’idée qu’en donneraient les débat
749 s sacrements et n’ont guère qu’un seul dogme, qui est le libre examen. Et beaucoup de protestants sont convaincus que l’Égl
750 i est le libre examen. Et beaucoup de protestants sont convaincus que l’Église catholique ignore la Bible, que sa piété se r
751 oxe, l’anglicane et la luthérienne, et celles qui sont issues du calvinisme, tous les dogmes fondamentaux sur Dieu, le Chris
752 e Saint-Esprit, l’Incarnation et la Résurrection, sont communément professés ; qu’un même Credo y est lu tous les dimanches,
753 , sont communément professés ; qu’un même Credo y est lu tous les dimanches, le même Évangile annoncé, et le même Notre Pèr
754 baptême, celles du mariage et de la confirmation sont toujours identiques par l’esprit, et plus souvent qu’on le croit par
755 t par la lettre ; que les mêmes fêtes principales sont observées, et la même morale enseignée ; et que cela compte finalemen
756 e doctrine contre l’Église romaine, où l’habitude était , au xvie siècle, de ne communier qu’une fois l’an. Les positions se
757 e ne communier qu’une fois l’an. Les positions se sont interchangées au milieu du xixe siècle. Mais déjà, chez les orthodox
758 formules et définitions dogmatiques, si l’on s’en tient aux attitudes existentielles, les fidèles de diverses Églises communi
759 ie gréco-russe, et l’union des Églises de l’Inde, sont autant de signes visibles d’une mystérieuse convergence que tout invi
760 rant les yeux sur l’autel, reconnaîtraient qu’ils sont enfin chez eux ! Et je songe à tous ceux que laisse insatisfaits la c
761 isse insatisfaits la confession dans laquelle ils sont nés (soit par hasard ou providence), dans laquelle ils ont eu le bonh
762 isfaits la confession dans laquelle ils sont nés ( soit par hasard ou providence), dans laquelle ils ont eu le bonheur d’être
763 rovidence), dans laquelle ils ont eu le bonheur d’ être élevés, qu’ils aiment comme on aime une patrie, mais l’amour est luci
764 ils aiment comme on aime une patrie, mais l’amour est lucide, la patrie n’est pas le monde… Voici qu’ils peuvent sans la tr
765 une patrie, mais l’amour est lucide, la patrie n’ est pas le monde… Voici qu’ils peuvent sans la trahir aller plus loin, ve
766 s loin, vers le But qu’elle leur désignait. Je ne suis pas étranger plus qu’un autre aux problèmes concrets de mon temps, éc
767 s de problème qui prime aujourd’hui celui-là. Qui est celui du sens de nos vies. q. Rougemont Denis de, « Un péché mort
768 dossier « Le concile de la dernière chance », et est introduit par cette note : « L’auteur de L’Amour et l’Occident et d
769 et “La nature profonde de l’Europe” en juin 1959) est l’un des plus grands essayistes chrétiens de notre temps. Calviniste
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
770 nationalisme, dans les peuples du tiers-monde, n’ est guère qu’une revendication d’indépendance, proclamée contre l’Occiden
771 e. Dans notre Europe, qui l’inventa, le phénomène est plus complexe. À la fois attitude psychologique, parti pris intellect
772 ffet ne suffit pas à le définir : ses motivations sont ailleurs, et surtout, elles sont antérieures à la nécessité présente
773 ses motivations sont ailleurs, et surtout, elles sont antérieures à la nécessité présente de l’union, au regard de laquelle
774 ctuelle qu’il faut le saisir. Car le nationalisme est idéologie, avant d’être histoire. Il est né d’une dialectique idéale
775 aisir. Car le nationalisme est idéologie, avant d’ être histoire. Il est né d’une dialectique idéale et non du jeu des forces
776 onalisme est idéologie, avant d’être histoire. Il est né d’une dialectique idéale et non du jeu des forces économiques, qu’
777 es et des méfaits du nationalisme en Europe, — ce serait refaire l’histoire du plus long de nos siècles, le xixe , — marquons
778 d donc avec le bien de l’humanité, et ses ennemis sont ceux de la paix universelle ; pour leur imposer notre bien, toute gue
779 elle ; pour leur imposer notre bien, toute guerre est sainte, et de plus elle est préventive, car il s’agit de défendre con
780 re bien, toute guerre est sainte, et de plus elle est préventive, car il s’agit de défendre contre les jaloux, les rétrogra
781 ien suprême ; Dieu lui-même, s’il existe, ne peut être que notre allié, garant de notre justice ; sinon c’est qu’il n’existe
782 1790, Robespierre a cette formule parfaite : Il est de l’intérêt des nations de protéger la nation française, parce que c
783 termes : Chantez donc, chantez une victoire qui sera celle de l’humanité. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’e
784 lle que vous allez établir, chacun de vos combats sera un pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples. D
785 ison anticléricale : La guerre ! La guerre ! tel est le cri de tous les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la l
786 uerre ! tel est le cri de tous les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la liberté répandus sur la surface de l’Eu
787 C’est à cette guerre sainte qu’Anacharsis Cloots est venu inviter l’Assemblée nationale, au nom du genre humain dont il n’
788 du genre humain dont il n’a jamais mieux mérité d’ être appelé l’ami. C’est en effet à Jean-Baptiste, dit Anacharsis Cloots,
789 « nivelé » par les lois de la Liberté : Nous ne sommes pas libres, si un seul obstacle moral arrête notre marche physique su
790 it souveraine, blesse grièvement l’humanité, elle est en pleine révolte contre le bon sens et le bonheur ; elle coupe les c
791 verselle ; sa Constitution, manquant par la base, sera contradictoire, journalière et chancelante. (Discours à la Convention
792 tinct universel, je m’y oppose ; cette résistance est un état de guerre et de servitude dont le genre humain, l’être suprêm
793 de guerre et de servitude dont le genre humain, l’ être suprême, fera justice tôt ou tard. Le 21 avril 1792, Cloots avait re
794 cement par une République mondiale dont le centre serait Paris : Un corps ne se fait pas la guerre à lui-même, et le genre hu
795 seul corps, la nation unique… La commune de Paris sera le point de réunion, le fanal central de la communauté universelle.
796 miner l’humanité sous tous les rapports : nous ne sommes pas les représentants du genre humain. Je veux donc que le législateu
797 les délires totalitaires du xxe siècle. Il peut être résumé par quelques citations tirées de l’ouvrage intitulé L’État com
798 qui parut en 1800. Les peuples du monde antique étaient séparés les uns des autres d’une manière très rigoureuse, par une fou
799 par une foule de conditions. Pour eux, l’étranger était un ennemi ou un barbare. On peut au contraire considérer les peuples
800 onceptions primitives des forêts de Germanie, ils furent aussi liés les uns aux autres, depuis leur expansion dans les provinc
801 ’empereur moderne qui, sans doute à l’origine, ne fut considéré que comme général de la chrétienté, devant être pour l’Égli
802 sidéré que comme général de la chrétienté, devant être pour l’Église entière ce qu’étaient les patrons pour les évêchés ou l
803 rétienté, devant être pour l’Église entière ce qu’ étaient les patrons pour les évêchés ou les couvents, — commencèrent à avoir
804 ions proprement politiques… Les États modernes se sont ainsi formés ; — non, comme on a coutume de décrire dans la doctrine
805 ie. Ainsi les divers États de l’Europe chrétienne sont des morceaux de l’ancien ensemble, déterminés en grande partie pour l
806 tout, le commerce des Européens entre eux devait être libre. Il est facile de faire l’application à l’état actuel des chose
807 rce des Européens entre eux devait être libre. Il est facile de faire l’application à l’état actuel des choses. Si toute l’
808 ec les colonies et les places de commerce qui s’y sont ajoutées dans les autres parties du monde, forme encore un tout, alor
809 parties entre elles doit rester libre, comme il l’ était à l’origine. Si elle est au contraire divisée en plusieurs États sous
810 ster libre, comme il l’était à l’origine. Si elle est au contraire divisée en plusieurs États sous divers gouvernements, el
811 sieurs États sous divers gouvernements, elle doit être divisée de même en plusieurs États commerciaux complètement fermés.
812 mmerciaux complètement fermés. Or, l’Europe n’en est encore qu’à la période des essais pour former de véritables Nations.
813 des citoyens, c’est-à-dire tout l’or et l’argent, sera retirée de la circulation et échangée contre une nouvelle monnaie nat
814 a moins besoin de ces marchandises qui ne peuvent être produites en leur pureté ni remplacées par des succédanés dans le pay
815 à acquérir une prépondérance commerciale, ce qui est une tendance dangereuse, mais à rendre la nation entièrement indépend
816 tion entièrement indépendante et autonome. Ce ne sont pas seulement les échanges commerciaux qu’il faut supprimer, mais aus
817 hors de l’État commercial fermé : il ne doit pas être permis plus longtemps à une vaine curiosité et à la recherche de dist
818 yager aux frais de l’État savants et artistes. Il est évident que dans une nation ainsi fermée, dont les membres ne vivent
819 qui aime avec dévouement la patrie et tout ce qui est de la patrie, l’honneur national se développera très vite, à un degré
820 nsi qu’un caractère national nettement marqué. Ce sera une autre nation absolument nouvelle. Cette introduction d’une monnai
821 le. Cette introduction d’une monnaie nationale en est véritablement la création. Le seul lien qui devra subsister entre le
822 e seul lien qui devra subsister entre les peuples sera celui de la Science : … Grâce à elle, mais à elle seule, les hommes
823 ur tout le reste, leur division en peuples divers sera achevée. Elle seule demeure leur propriété commune, après qu’ils ont
824 ’autre du continent cherchent les mêmes choses et sont attirés par les mêmes buts… ». Cette tendance unitive fournit à Ficht
825 à peu, jusqu’à ce que le genre humain tout entier soit fondu dans « une seule République de la Culture ». À l’expansion colo
826 cience et libérée de tout impérialisme… Nous n’en sommes peut-être pas loin dans cette seconde moitié du xxe siècle ; mais le
827 e que Fichte ne pouvait l’imaginer vers 1800 : ne fut -ce que par la collusion de la science et des nationalismes, ces derni
828 de la science et des nationalismes, ces derniers étant doublement liés à la guerre par leur naissance et par la loi de leur
829 e l’idéal pour lequel je me bats ». Or cet idéal, étant celui du Parti qui a saisi le pouvoir par la violence, provoque des r
830 stabilité au-dedans. L’impérialisme napoléonien sera la résultante nécessaire des tensions internes créées par la volonté
831 groupe. Notons au passage que la guerre, qu’elle soit civile ou étrangère, froide ou déclarée, justifie toujours le sacrifi
832 ice « temporaire » de certaines libertés. Or il n’ est presque aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on ait
833 a nation comme une croisade pour l’idée : « Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son ca
834 lui comme esprit et nature.) Cet esprit national est « un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propr
835 a Civilisation ou du Droit, etc. Jusqu’au jour où seront proclamés certains « concepts de l’esprit » plus redoutables encore :
836 lobale vers l’harmonie des peuples libérés a-t-il été brutalement démenti au terme même du processus de formation des grand
837 n des grandes et petites nations européennes, qui était censé produire la paix universelle et qui a produit la Première Guerr
838 apes nécessaires d’une dialectique de l’Esprit, s’ est trouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne pouvait contrôl
839 que malentendu, les poètes de la génération de 48 furent les premières victimes, enthousiastes et bernées. Ils croient tous qu
840 it, la liberté de la nation, une fois acquise, ne sera rien que la souveraineté de l’État qui s’en prévaudra. Et l’anarchie
841 z dont aussitôt la politique des États, après s’y être opposée, s’empare sans vergogne. Le grand élan libertaire des quarant
842 it l’inverse se réaliser. Jamais les idéaux n’ont été mieux démentis par les faits, ni mieux détournés de leurs buts. Jamai
843 ndant, achève de la subjuguer par les armes, ne s’ est montrée à la fois moins humanitaire et moins unie. Tout se fait par l
844 son poème « Germania » : « Oui ! le monde entier sera un jour allemand ! » Quand Heine accepte l’idée de nation, c’est dans
845 e dans la main d’un grand maître », chaque nation étant une des cordes et contribuant par un son particulier à « l’harmonie u
846 moins les « terribles niveleurs de l’Europe » que sont d’une part les hommes politiques obsédés par l’uniformité, d’autre pa
847 -Hélène disait que dans un proche avenir le monde serait une république américaine ou une monarchie universelle russe. La dépr
848 grois et les Polonais écrasés par la Russie, elle est le synonyme concret des libertés élémentaires. Et malheur à l’Europe
849 őfi, aide de camp du général polonais Bem, et qui fut tué dans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je me bornerai à
850 s en 1859 : Je me bornerai à dire que la Hongrie est la Hongrie depuis le ixe siècle, que sa gloire dans le passé et ses
851 e à sa vigoureuse existence, tout atteste qu’elle fut , tout exige qu’elle reste la Hongrie. Enlevez-lui cette qualité, et e
852 la Hongrie. Enlevez-lui cette qualité, et elle n’ est plus rien pour l’Europe, si peu que rien même ; car elle ne peut deve
853 èlerins polonais répercute ce cri de révolte de l’ Est européen abandonné par l’Ouest : Lorsque la Liberté siègera dans la
854 nations. Et elle dira à la première : Voilà que j’ étais attaquée par les brigands, et je criais vers toi, nation, afin d’avoi
855 éologien, homme d’État libéral et catholique, qui fut mêlé aux conspirations républicaines de 1833, exilé à Paris et à Brux
856 mont dont il devint le Premier ministre, Gioberti fut un néo-guelfe. Il voulait l’union de l’Italie et il voulait aussi l’u
857 e et il voulait aussi l’union de l’Europe : l’une étant condition de l’autre. À ses yeux, l’Italie (« cet Orient de l’Occiden
858 hef civil de l’Italie et ordonnateur de l’Europe, sera le fondement des diverses chrétientés nationales écrivait-il en 1843
859 ’a pas d’autre origine. La Pologne et la Hongrie sont des nationalités opprimées et qui ont perdu l’indépendance ; l’Allema
860 nt perdu l’indépendance ; l’Allemagne et l’Italie sont des nations encore à naître. On conçoit que pour ces pays, l’idée nat
861 qui l’opposent au plus vaste ensemble. Mais qu’en sera-t -il des grands aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la Fra
862 artine, ministre des Affaires étrangères en 1848, tient à rassurer l’Europe sur les intentions de la nouvelle République : ce
863 prits cette grande nationalité intellectuelle qui sera l’achèvement de la Révolution française et la constitution de la frat
864 nationale du romantisme politique. Parce qu’il n’ est pas suspect de nationalisme borné, et parce qu’il fut au xixe siècle
865 pas suspect de nationalisme borné, et parce qu’il fut au xixe siècle le prophète le plus exalté de l’union européenne, ses
866 sel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t -elle pas nécessairement interprétée par les autres comme un désir sec
867 e nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque est frère ou veut l’être. De leur côté, invasion ; du côté de la France,
868 i appelle chez elle quiconque est frère ou veut l’ être . De leur côté, invasion ; du côté de la France, expansion. Sur ce th
869 nspirées : La France a cela d’admirable, qu’elle est destinée à mourir, mais à mourir comme les dieux, par la transfigurat
870 rist […] et c’est ainsi qu’Athènes, Rome et Paris sont pléiades. Lois immenses. La Grèce s’est transfigurée, et est devenue
871 et Paris sont pléiades. Lois immenses. La Grèce s’ est transfigurée, et est devenue le monde chrétien ; la France se transfi
872 s. Lois immenses. La Grèce s’est transfigurée, et est devenue le monde chrétien ; la France se transfigurera et deviendra l
873 e ne travaille pas pour elle seule, parce qu’elle est créatrice d’espérances universelles, parce qu’elle représente toute l
874 lonté humaine, parce que là où les autres nations sont seulement des sœurs, elle est mère.31 Au xxe siècle, il y aura une
875 les autres nations sont seulement des sœurs, elle est mère.31 Au xxe siècle, il y aura une nation extraordinaire. Cette n
876 il y aura une nation extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle sera illustre, r
877 e nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’ être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au re
878 nde, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité
879 ellera l’Humanité. L’Humanité, nation définitive, est dès à présent entrevue par les penseurs, ces contemplateurs des pénom
880 our l’ensemble des États européens, principes qui sont destinés à garantir un jour la paix de l’Europe… Lorsque cet idéal se
881 ir un jour la paix de l’Europe… Lorsque cet idéal sera réalisé, alors la nationalité internationale des Suisses pourra se di
882 randes voix de 48, et de la période qui suit, à l’ Est comme à l’Ouest, et en Suisse comme en France. Il manquait à ce conce
883 Il va de soi qu’une telle fédération ne saurait être instituée d’un seul coup. Elle a besoin, d’abord, d’une base réelle,
884 aquelle elle repose et d’où la première impulsion soit donnée… S’il est vrai que c’est de l’Allemagne qu’est venue la divisi
885 e et d’où la première impulsion soit donnée… S’il est vrai que c’est de l’Allemagne qu’est venue la division de l’Église, i
886 donnée… S’il est vrai que c’est de l’Allemagne qu’ est venue la division de l’Église, il est donc du devoir de ce pays, plus
887 llemagne qu’est venue la division de l’Église, il est donc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, de recréer la comm
888 base du nouveau système (fédéraliste), voilà qui serait vraiment un acte de génie politique : ce serait poser les principes d
889 i serait vraiment un acte de génie politique : ce serait poser les principes de toute l’évolution future. Est-ce à la France,
890 poser les principes de toute l’évolution future. Est -ce à la France, à l’Italie ou à l’Allemagne voire à la Suisse fédéral
891 e oppose à l’Europe la notion d’enthousiasme, qui serait restée le privilège des Russes et que nos pays de l’Ouest auraient pe
892 t satisfaite, la mission de la Russie authentique est d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera rus
893 l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera russe. Pour Kirievsky et ses amis, la notion d’hégémonie organisatric
894 et ses amis, la notion d’hégémonie organisatrice est capitale : Pour que l’unité de l’Europe se constitue organiquement e
895 se constitue organiquement et harmonieusement, il est nécessaire qu’il existe à cette fin un centre déterminé, un peuple qu
896 ité politique et culturelle… Seule la Russie en est capable. Et c’est aussi ce que pensera Dostoïevski, et ce qu’il expri
897 grouper l’humanité en un seul faisceau, car ce n’ est pas seulement la Russie et le panslavisme que nous servons, c’est l’h
898 ité entière… Les Européens ne savent pas que nous sommes invincibles, que si nous pouvons fort bien perdre des batailles, nous
899 nom des malheureux persécutés, quand bien même ce serait aux dépens de nos intérêts actuels. Nous n’en croirons que plus forte
900 a vérité : se sacrifier pour ceux qui, en Europe, sont opprimés et abandonnés au nom des prétendus intérêts de la civilisati
901 vérité, cette vérité même du Christ telle quelle est reconnue par le simple croyant. Il faut bien que la vérité soit conse
902 par le simple croyant. Il faut bien que la vérité soit conservée quelque part, que tout au moins une nation serve de flambea
903 es Européens opprimés par une fausse civilisation sont invités à se laisser éclairer et libérer par la sainte Russie, sous p
904 Le grand historien allemand Léopold von Ranke est en plus d’un sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobr
905 irituelle, de description contrôlée de « ce qui s’ est vraiment passé », et par son refus de tout système dialectique permet
906 quelle énergie intrinsèque : « Chaque génération est immédiate à Dieu », écrit-il en une formule célèbre. Une nation ou un
907 ire, puis du catholicisme et de la Réforme, aient été des grands malheurs pour l’Europe, car cette bipolarité … est trop p
908 s malheurs pour l’Europe, car cette bipolarité … est trop profondément fondée dans la nature des choses, et ces opposition
909 olues, lui paraît beaucoup plus grave : Ceux qui tiennent simplement pour une tendance de l’Histoire le fait que les souveraine
910 nt pas pour qui sonne le glas. Car ces efforts se sont conjugués avec tant de tendances destructives, que si ces dernières p
911 dessus, c’est la Culture et le christianisme qui seraient menacés. Pour Renan, la menace porterait plutôt sur « les intérêts d
912 e en Sorbonne le 11 mars 1882 sur le thème : « Qu’ est -ce qu’une nation ? » il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme,
913 vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’ est pas de parler la même langue ou d’appartenir au même groupe ethnograp
914 ffère essentiellement de la zoologie. La race n’y est pas tout, comme chez les rongeurs ou les félins, et on n’a pas le dro
915 puis les prendre à la gorge en leur disant : « Tu es de notre sang, tu nous appartiens !… » … Ce que nous venons de dire d
916 ontraire, la Suisse, si bien faite, puisqu’elle a été faite par l’assentiment de ses différentes parties, compte trois ou q
917 gue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’ être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus importa
918 se d’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus important qu’une similitude de langage souvent obte
919 rable dans la division des nations. La géographie est un des facteurs essentiels de l’histoire. […] Peut-on dire cependant,
920 ent certains partis, que les limites d’une nation sont écrites sur la carte et que cette nation a le droit de s’adjuger ce q
921 t que cette nation a le droit de s’adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours, pour atteindre telle mont
922 a, on justifie toutes les violences. Et, d’abord, sont -ce les montagnes ou bien sont-ce les rivières qui forment ces prétend
923 ences. Et, d’abord, sont-ce les montagnes ou bien sont -ce les rivières qui forment ces prétendues frontières naturelles ? Il
924 forment ces prétendues frontières naturelles ? Il est incontestable que les montagnes séparent ; mais les fleuves réunissen
925 ontagnes ne sauraient découper des États. Quelles sont celles qui séparent et celles qui ne séparent pas ? De Biarritz à Tor
926 ttre tant d’infractions au droit fondamental, qui est la volonté des hommes. … Je me dis souvent qu’un individu qui aurait
927 dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts tenus chez les nations pour des qualités, qui se nourrirait de vaine gloire
928 qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qui ne pourrait rien support
929 r ; qui ne pourrait rien supporter sans dégainer, serait le plus insupportable des hommes. … Les nations ne sont pas quelque c
930 e plus insupportable des hommes. … Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La c
931 rs, voilà ce qui doit logiquement se produire… Il est clair que le monde va vers l’alternative suivante : démocratie totale
932 e ou despotisme absolu et sans lois, ce dernier n’ étant plus exercé par des dynasties, désormais trop faibles de cœur, mais p
933 oupçonner à quel point leur politique de désunion est fatalement une simple politique d’entracte, — grâce à tout cela, et à
934 à venir ; s’ils appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions superficielles de leur intelligence, ou au
935 frontières. Le dernier mot, sur cette évolution, sera dit par Georges Sorel, quelques années avant la catastrophe annoncée
936 de dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe est-elle par excellence la terre d
937 en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe est -elle par excellence la terre des cataclysmes guerriers ? Parce qu’ell
938 a terre des cataclysmes guerriers ? Parce qu’elle est habitée par une quantité de races qui sont singulièrement opposées le
939 qu’elle est habitée par une quantité de races qui sont singulièrement opposées les unes aux autres, et dans leurs intérêts i
940 une raison pour cela. Des composés chimiques, qui sont séparément amorphes, provoquent le feu s’ils sont amalgamés dans un r
941 sont séparément amorphes, provoquent le feu s’ils sont amalgamés dans un récipient. L’Europe est un récipient rempli de cett
942 s’ils sont amalgamés dans un récipient. L’Europe est un récipient rempli de cette sorte de composés chimiques. Ça met le f
943 Sorel, qui parlait en 1908 de « cette Europe qui est la terre-type du malheur de l’humanité », et qui réinventait à peu de
944 ne et un Mussolini, ses disciples au xxe siècle, fut sans doute l’observateur le plus pessimiste de l’Europe des nationali
945 de l’autarcie affirmée sans scrupules (« Le Droit est ce qui sert le peuple allemand », proclame Hitler), pour que les dern
946 eraineté totale. 27. Les citations qui suivent sont extraites d’une Anthologie encore inédite, dans laquelle j’ai group
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
947 est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’ est arrivé d’entendre dire : « Une culture européenne, ça n’existe pas. »
948 pas. » Le fait même qu’une telle phrase ne puisse être énoncée qu’en Europe, et seulement par la bouche d’Européens, nous fo
949 ste et qu’elle ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen
950 les Français, ou les Scandinaves et les Italiens, sont trop différents entre eux pour former une unité quelconque ; secundo 
951 pécifiquement européenne, car toute vraie culture est universelle par définition, et nos problèmes, en Europe, sont à peu p
952 elle par définition, et nos problèmes, en Europe, sont à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le reste du monde. C
953 antes ? La première, celle qui fait dire que nous sommes trop différents pour pouvoir constituer jamais une unité de culture,
954 s traditionnels les plus vulgaires (les Allemands sont portés à la philosophie, belliqueux et buveurs de bière ; les Françai
955 es Français ne pensent qu’à l’amour ; les Suisses sont des paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi su
956 alités de ce reste du monde. La première attitude est en somme celle d’un myope, et la seconde celle d’un presbyte. Essayon
957 la constatation suivante. Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité
958 tation à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis. À ceux qui se
959 emis, et peut-être surtout en ennemis. À ceux qui seraient tentés de nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait q
960 ginalité de notre culture et le fait qu’elle nous est commune du Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répond
961 au point où nous allons le voir se renverser). Ne serait -ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régionales
962 ique, et toutes les tensions qui en résultent, ne seraient -ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’ori
963 nelle, et la formule de l’unification contrainte, sont en violent contraste avec les réalités et principes caractéristiques
964 que dans le libre jeu de ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités, et c
965 lité des origines de notre civilisation. Et elles sont entretenues ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré de tout
966 non et que nous l’acceptions ou non, et quel que soit notre passeport, descendons par nos mœurs, croyances ou incroyances,
967 ave. Entre ces origines diverses, hétérogènes, se sont produits au cours des siècles autant de conflits non encore résolus q
968 squels cette culture se distingue très évidemment soit des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitai
969 s évidemment soit des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitaires, — lesquelles ont d’ailleurs en c
970 rite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas
971 que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. Cependant, cet état de p
972 mpliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement
973 par les civilisations du Proche-Orient. Mais il a été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont montré N
974 e philosophe Karl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher no
975 ette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi
976 vation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’ est pas responsable. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont to
977 quent à grands cris de haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire :
978 avons le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail a
979 t, c’est à cause du travail acharné que nous nous sommes imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que
980 ormément à nos principes, tandis que votre misère est fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illu
981 riquement que la sagesse védantique, par exemple, soit inférieure à la théologie thomiste ou calviniste. Mais cela signifie
982 et le genre de vie que ces cultures permettent, —  soit pour modifier cette relation, soit pour en prendre mieux conscience.
983 permettent, — soit pour modifier cette relation, soit pour en prendre mieux conscience. Le troisième caractère original de
984 lture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité pe
985 t le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un
986 et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’ est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son
987 est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme
988 nsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où il
989 able de ses actes que dans la seule mesure où ils sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le s
990 ls sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec,
991 otre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec, c’est la critique frondeus
992 rieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’ être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part en
993 ses variables dans notre idée de la liberté. Il n’ est pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théori
994 à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’ est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation
995 liberté, la revendication de la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le p
996 iberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le plus généralement européen, le pl
997 eur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’ est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous disti
998 -à-dire de la relation superficie-population : ce sont la Chine, l’Inde et l’Europe. Or, il est évident que les mêmes pressi
999 on : ce sont la Chine, l’Inde et l’Europe. Or, il est évident que les mêmes pressions démographiques n’ont pas produit les
1000 trois régions. Le rayonnement mondial de la Chine est resté faible, celui de l’Inde appartient au passé, mais celui de l’Eu
1001 ’Inde appartient au passé, mais celui de l’Europe est maximum. Le dynamisme d’une culture proviendrait-il plutôt, si l’on e
1002 dans notre civilisation. Seules les Croisades ont été productives à cet égard ; or elles ne résultèrent pas d’un défi venu
1003 nous condamne à l’expansion. Que ce mouvement ait été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement
1004 nergie, toute force physique ou spirituelle, peut être qualifiée d’impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est
1005 ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui ont développé les sciences physiques et naturelles,
1006 ion de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun autr
1007 utre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à p
1008 z les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont donné son contenu concret et qui ont seuls
1009 istance. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont le
1010 des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, avec t
1011 politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé l’archéologie comme ils ont inventé l’e
1012 ions prodigieuses de siècles et de continents que sont leurs musées, ils ont élaboré les préalables d’une science comparée d
1013 sormais au monde entier. Or, toutes ces créations sont nées des profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans
1014 , nous venons d’observer que toutes ces créations sont en expansion vers le monde, qu’elles appellent le monde, qu’elles s’e
1015 eler, mais avec la plus vive insistance, que ce n’ est pas par hasard que l’Europe a produit non seulement les notions de pe
1016 s apparaître ces différentes créations. Non, ce n’ est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infinie
1017 ns natives et notre volonté de les surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à
1018 oins, adoptées par le monde entier. Notre culture est l’essence même de l’Europe et de son histoire, mais voici que cette c
1019 lèmes effrayants que pose son rassemblement. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « 
1020 ens, ayant créé « le monde », se voient menacés d’ être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et
1021 aux dépens de leur propre équilibre humain. Nous sommes sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passio
1022 uré devant nos yeux, et sur la politique que nous sommes bien forcés d’imaginer pour y faire face. Nous devons tout d’abord, n
1023 tre culture, afin de mieux comprendre ce que nous sommes , ce que nous avons fait, et pourquoi. Et nous devons en même temps no
1024 roduits. L’originalité de la culture européenne n’ est nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel
1025 opéenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. On nous répète
1026 s répète à satiété que la science et la technique sont aujourd’hui des réalités mondiales, et n’appartiennent plus à l’Europ
1027 e peut donc pas encore affirmer que notre culture soit devenue réellement universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soi
1028 nt universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux
1029 oit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née de nos œuvres.
1030 lors, que faire ? que devons-nous faire, nous qui sommes aussi les « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir a
1031 ais et les Allemands de se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe a maintenant d’autres motif
1032 notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’ est -il pas beaucoup plus important ? Question européenne par excellence.
1033 Comenius écrivait : « Nous autres Européens, nous sommes comparables à des passagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau
1034 ement ceci : l’angoisse du monde qui nous appelle est sans doute plus grave que la nôtre ; et notre devoir aujourd’hui, est
1035 grave que la nôtre ; et notre devoir aujourd’hui, est bien moins de prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
1036 rès et les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple sera de reprendre les trois termes qui forment notre titre : Congrès, Libe
1037 ent notre titre : Congrès, Liberté, Culture. Nous sommes donc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’i
1038 onc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a tenu des réunions successivement dans plus de vingt
1039 — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a tenu des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les cinq
1040 ts — mais voici le point important : ce Congrès n’ est pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemblem
1041 oint important : ce Congrès n’est pas un parti, n’ est pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de cult
1042 service des libertés de l’esprit partout où elles sont attaquées, une certaine force de frappe, de protestation efficace. Ma
1043 e progrès dans la liberté. Sur ce mot Liberté, je serai très bref bien qu’il soit le mot capital. Car la liberté, voyez-vous,
1044 Sur ce mot Liberté, je serai très bref bien qu’il soit le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’est pas quelque chos
1045 le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’ est pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose que nou
1046 ement non développés) des centaines de millions d’ êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie
1047 dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’ est que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’
1048 la nouveauté, l’inquiétude, une certaine révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la cul
1049 ors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’ est plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut ; q
1050 ion mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’ est plus seulement tradition mais création, et qui n’est plus seulement i
1051 plus seulement tradition mais création, et qui n’ est plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la cult
1052 ne. La politique, nous n’y échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cern
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
1053 ement non développés) des centaines de millions d’ êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie
1054 es définitions, que là aussi vous me permettrez d’ être assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la concepti
1055 dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’ est que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’
1056 la nouveauté, l’inquiétude, une certaine révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la cul
1057 ors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’ est plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut ; q
1058 ion mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’ est plus seulement tradition mais création, et qui n’est plus seulement i
1059 plus seulement tradition mais création, et qui n’ est plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la cult
1060 éduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il est devenu depuis dix ans, s’élargissant progressivement aux dimensions d
1061 t progressivement aux dimensions du monde entier, est désormais : d’organiser un ample effort de réflexions entre intellect
1062 mériques ; mais ceci dans la perspective qui nous est propre : celle des incidences du progrès sur les vraies libertés huma
1063 umaines. On nous demande souvent, de tous côtés : Êtes -vous un mouvement politique ? Il me semble que le commentaire que je
1064 wers insistent : tous veulent absolument que nous soyons politiques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai d
1065 t absolument que nous soyons politiques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai donc à mon tour. Au-delà d
1066 ne. La politique, nous n’y échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cern
1067 otre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté serait -elle du nombre de ces fins dernières, serait-elle à son tour un absol
1068 erté serait-elle du nombre de ces fins dernières, serait -elle à son tour un absolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit
1069 loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’ est point par des statistiques, portant sur les résultats d’un régime ou
1070 e et d’affronter le mystère de sa personne. Telle est la fin dernière de toute communauté, et la seule mesure qui permette
1071 w. Présenté par cette note : « Du 16 au 22 juin s’ est tenu à Berlin (Ouest), le 3e Congrès international pour la liberté de
1072 résenté par cette note : « Du 16 au 22 juin s’est tenu à Berlin (Ouest), le 3e Congrès international pour la liberté de la c
1073 u Centre culturel du Conseil de l’Europe [sic], a été particulièrement remarquée. L’auteur de L’Aventure spirituelle de l’
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
1074 est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’ est arrivé bien souvent d’entendre prononcer la phrase suivante : « Une c
1075 pas. » Le fait même qu’une telle phrase ne puisse être entendue qu’en Europe et seulement dans la bouche d’Européens, nous f
1076 ste et qu’elle ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen
1077 ou les Scandinaves et les Italiens, par exemple, sont trop différents entre eux pour former une unité quelconque. Et ils af
1078 enne, car, disent-ils encore, toute vraie culture est universelle par définition, et nos problèmes, en Europe, sont à peu p
1079 elle par définition, et nos problèmes, en Europe, sont à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le reste du monde. C
1080 antes ? La première, celle qui fait dire que nous sommes trop différents pour pouvoir constituer jamais une unité de culture,
1081 s traditionnels les plus vulgaires (les Allemands sont portés à la philosophie, belliqueux et buveurs de bière, les Français
1082 les Français ne pensent qu’à l’amour, les Suisses sont des paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi su
1083 alités de ce reste du monde. La première attitude est en somme celle d’un myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il es
1084 un myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il est d’autant plus curieux de les trouver souvent réunies chez un même ind
1085 endrons très vite à la constatation suivante, qui sera ma première thèse : Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’A
1086 sera ma première thèse : Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité
1087 tation à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis ! À ceux qui s
1088 mis, et peut-être surtout en ennemis ! À ceux qui seraient tentés de nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait q
1089 ginalité de notre culture et le fait qu’elle nous est commune du Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répond
1090 ’au point où nous allons le voir se renverser. Ne serait -ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régionales
1091 ique, et toutes les tensions qui en résultent, ne seraient -ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’ori
1092 une fois citée et publiée depuis : L’Européen ne serait -il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesu
1093 opéen dans la mesure précise où il doute qu’il le soit et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel, soi
1094 u’il le soit et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’une seule nation du grand
1095 ntraire s’identifier soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’une seule nation du grand complexe européen, dont il r
1096 fication contrainte, à base de décrets étatiques, sont en violent contraste avec les réalités et principes caractéristiques
1097 que dans le libre jeu de ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités, et c
1098 ité des origines de notre civilisation ; et elles sont entretenues ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré de tout
1099 non et que nous l’acceptions ou non, et quel que soit notre passeport, descendons par nos mœurs, croyances ou incroyances,
1100 abe. Entre ces origines diverses, hétérogènes, se sont produits au cours des siècles autant de conflits non encore résolus q
1101 squels cette culture se distingue très évidemment soit des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitai
1102 s évidemment soit des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitaires — lesquelles ont d’ailleurs en co
1103 rite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas
1104 que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. Cependant, cet état de p
1105 mpliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement
1106 par les civilisations du Proche-Orient. Mais il a été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont montré N
1107 e philosophe Karl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher no
1108 ette exigence de vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi
1109 vation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’ est pas responsable. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont to
1110 quent à grands cris de haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire :
1111 avons le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail a
1112 t, c’est à cause du travail acharné que nous nous sommes imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que
1113 ormément à nos principes, tandis que votre misère est fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illu
1114 riquement que la sagesse védantique, par exemple, soit inférieure à la théologie thomiste ou calviniste. Mais cela signifie
1115 et le genre de vie que ces cultures permettent — soit pour modifier cette relation, soit pour en prendre mieux conscience.
1116 s permettent — soit pour modifier cette relation, soit pour en prendre mieux conscience. Le troisième caractère original de
1117 lture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité pe
1118 t le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un
1119 et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’ est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son
1120 est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme
1121 nsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où il
1122 able de ses actes que dans la seule mesure où ils sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le s
1123 ls sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec,
1124 otre sens de la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec, c’est la critique frondeus
1125 rieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’ être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part en
1126 ses variables dans notre idée de la liberté. Il n’ est pas de concept plus difficile à définir, ni plus facile à nier en thé
1127 éfinir, ni plus facile à nier en théorie, et il n’ est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation,
1128 liberté, la revendication de la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le p
1129 iberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le plus généralement européen, le pl
1130 us condamnent à l’expansion. Que ce mouvement ait été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement
1131 nergie, toute force physique ou spirituelle, peut être qualifiée d’impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est
1132 nales, paraîtront peut-être un peu abstraites. Il est temps que je les illustre. Au lieu d’expliquer laborieusement les ori
1133 ces résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui ont développé les sciences physiques et naturelles
1134 ion de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun autr
1135 utre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à p
1136 z les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont donné son contenu concret et ont seuls démo
1137 istance. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont le
1138 des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, avec t
1139 politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé l’archéologie, comme ils ont inventé l’
1140 ésormais au monde entier. Or toutes ces créations sont nées des profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans
1141 valeurs ; mais d’autre part, toutes ces créations sont en expansion vers le monde, elles appellent le monde, elles s’en nour
1142 eler, mais avec la plus vive insistance, que ce n’ est pas par hasard que l’Europe a produit non seulement les notions de pe
1143 s apparaître ces différentes créations. Non, ce n’ est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infinie
1144 ns natives et notre volonté de les surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à
1145 oins, adoptées par le monde entier. Notre culture est l’essence même de l’Europe et de son histoire, et voici que pourtant
1146 lèmes effrayants que pose son rassemblement. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « 
1147 sens que je viens d’indiquer) se voient menacés d’ être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et
1148 aussi au détriment de leur propre équilibre. Nous sommes sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passio
1149 té de notre culture, mieux comprendre ce que nous sommes , ce que nous avons fait, et pourquoi. Et nous devons en même temps no
1150 culture. L’originalité de la culture européenne n’ est nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel
1151 opéenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. On nous répète
1152 s répète à satiété que la science et la technique sont aujourd’hui des réalités mondiales, et n’appartiennent plus à l’Europ
1153 cture : à tel point que l’on a pu dire que Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas de quartier européen. Mais ce
1154 e peut donc pas encore affirmer que notre culture soit devenue réellement universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soi
1155 nt universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux
1156 oit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née de nos œuvres.
1157 lors, que faire ? Que devons-nous faire, nous qui sommes aussi les « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir a
1158 ais et les Allemands de se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe a maintenant d’autres motif
1159 notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’ est -il pas beaucoup plus important ? Question européenne par excellence.
1160 Comenius écrivait : « Nous autres Européens, nous sommes comparables à des passagers embarqués sur le même bateau. » Ce batea
1161 ement ceci : l’angoisse du monde qui nous appelle est sans doute plus grave que la nôtre ; et notre devoir aujourd’hui, est
1162 grave que la nôtre ; et notre devoir aujourd’hui, est bien moins de prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
1163 tobre 1960)z L’idée d’une Fondation européenne fut exposée pour la première fois par le directeur du Centre européen de
1164 européen de la culture, lors d’une réunion qui se tint dans la chambre même où était né Louis XIV, au Pavillon Henri IV, à S
1165 d’une réunion qui se tint dans la chambre même où était né Louis XIV, au Pavillon Henri IV, à Saint-Germain-en-Laye. C’était
1166 suivantes : Si l’Europe, simple cap de l’Asie, a tenu le premier rang dans le monde pendant des siècles, elle l’a dû à sa f
1167 s’efforcent d’imiter. Les Européens ont raison d’ être fiers d’une telle culture. Cependant, que font-ils aujourd’hui non se
1168 ide des fondations américaines. Cette situation n’ est ni normale ni saine, et peut même devenir démoralisante. Un moyen d’y
1169 r démoralisante. Un moyen d’y remédier rapidement serait d’établir une puissante fondation européenne dotée de capitaux récolt
1170 nos pays une confiance en soi et en l’avenir qui est l’une des premières conditions de la vitalité d’une culture. Le Club
1171 la culture, à Genève, les statuts de la Fondation étaient signés par MM. Robert Schuman, agissant comme président ; D. de Rouge
1172 n staff à Genève. Les frais généraux purent ainsi être réduits au minimum. Ce régime provisoire devait permettre à la Fondat
1173 utre part de rassembler les fonds qui lui avaient été promis. Car elle ne disposait pas, comme les fondations américaines,
1174 fonds viennent à qui sait entreprendre, et qu’ils seraient donc trouvés dans la mesure même où les activités paraîtraient effect
1175 s et convaincantes. Deux départements spécialisés furent donc créés sans plus attendre : celui de l’éducation et celui des Bea
1176 s d’éducation européenne (dont l’exécution devait être confiée dès 1956 au CEC) et le second commanda des œuvres nouvelles à
1177 s à six jeunes compositeurs, auxquels des bourses furent décernées. Un comité d’experts en éducation et un jury musical présid
1178 ompositeurs. En même temps, plusieurs subventions furent accordées, notamment à la Journée européenne des écoles, à l’Associat
1179 ion des gouverneurs à Genève, le 16 mars 1957, il fut convenu que la Fondation établirait son siège d’opérations à Amsterda
1180 ve. (C’est en effet le Conseil fédéral suisse qui est l’autorité de surveillance de la Fondation.) Les confusions qui pouva
1181 d nombre de sources. Le premier de ces congrès se tint à Amsterdam en 1957, le second à Milan en 1958 et le troisième à Vien
1182 le ronde des institutions culturelles européennes furent organisés par la Fondation à l’occasion du congrès de Vienne, et se r
1183 du congrès de Copenhague, en 1960. La table ronde est destinée à permettre une meilleure coordination des activités autonom
1184 ages d’une fusée, nous constaterons que le moment est venu, pour la Fondation, de « mettre à feu » le 3e et dernier étage :
1185 ait bien l’objectif initial. L’accord qui vient d’ être conclu entre la Fondation et le Fonds culturel du Conseil de l’Europe
1186 ondation atteint ainsi, en 1960, le but qu’elle s’ était fixé au départ, ce succès se trouvera coïncider fort heureusement ave
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
1187 riment bien autre chose qu’un thème romanesque, —  fût -il même le thème exemplaire, l’archétype de tous les romans vraiment
1188 pe de tous les romans vraiment dignes du nom. Ils sont comme les premières apparitions, comme les épiphanies quasi sacrées,
1189 n des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’ est -ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ce
1190 me occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’ est -ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au publ
1191 ième forme de l’existence proprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui do
1192 ianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’ est ni proprement physique ni proprement spirituelle, qui n’est pas celle
1193 prement physique ni proprement spirituelle, qui n’ est pas celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tienne aux
1194 du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle du « cœur 
1195 ’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle du « cœur » comme on dit —, celle de l’âme. L’âme e
1196 du « cœur » comme on dit —, celle de l’âme. L’âme est en propre le domaine des émotions et des passions. L’émotion est la p
1197 e domaine des émotions et des passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps, e
1198 n est la preuve de l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps, et la pensée, la preuve de l’intellect. La passio
1199 aux conventions sociales. Ainsi, l’amour-passion est cette forme de l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des
1200 présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’ être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale que la pa
1201 age idéale que la passion s’en fait. Cette image, étant idéale, doit demeurer toujours fuyante, inaccessible. Mais la réalité
1202 r toujours fuyante, inaccessible. Mais la réalité est lourdement présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme
1203 reiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’ est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, cont
1204 ntemporain de nos légendes tristaniennes. Mais qu’ est -ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi, « tourne à réa
1205 égendes tristaniennes. Mais qu’est-ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi, « tourne à réalité » ? Ce n’est p
1206 qui « tourne » ainsi, « tourne à réalité » ? Ce n’ est pas le désir comblé, au sens sexuel de l’expression, car cet acte ins
1207 l’Église. C’est le mariage. Constater que Tristan est tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reconnaî
1208 reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’ est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui
1209 ue la vraie victime du mythe n’est pas Tristan, n’ est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au contra
1210 du mythe n’est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’ est pas non plus leur passion, qui triomphe au contraire de tout. La vrai
1211 ul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il est perdant. À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion triom
1212 ’à nos jours, comme j’ai tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradation du mythe, grandiose en sa simpli
1213 ons morales les plus banales et complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets
1214 dinettes et films de série, dont le love interest est l’ingrédient forcé, dernière dilution populaire du philtre magique de
1215 de la Reine, du « vin herbé » dont la vertu jadis fut mortelle aux amants séparés, mais fut aussi transfigurante. L’histoir
1216 vertu jadis fut mortelle aux amants séparés, mais fut aussi transfigurante. L’histoire du mythe, dans nos mœurs et coutumes
1217 histoire du mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne serait -elle que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les
1218 nation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut-être les derniers à subir son « tourm
1219 ue les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut-être les derniers à subir son « tourment délicieux », selon l’ex
1220 uteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure qu
1221 primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-mêm
1222 mulés entre les amants légendaires — le principal étant le mariage d’Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurai
1223 Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus un lien sacré, advers
1224 en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’ est plus un lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, lo
1225 anciers. Ils savent bien que le roman véritable n’ est jamais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut.
1226 me sans qualités, de Musil, la Lolita de Nabokov, sont les derniers échos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous qui
1227 du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous qui tiennent encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme un antihé
1228 ennent encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychana
1229 eu. Si les derniers tabous viennent à céder, c’en sera fait de la passion. Que deviendront nos romanciers ? Il leur reste le
1230 ittéralement sans histoire. Ou bien encore, et ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négati
1231 rir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre cult
1232 t cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en est -il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose à notr
1233 n est-il du dernier barrage que notre condition d’ êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amour même ? Si la passion
1234 condition d’êtres finis oppose à notre amour d’un être , à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair
1235 Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, e
1236 bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, et toutes nos sciences, ici, se récusent et se taisent.
1237 uvant le breuvage magique, les amants légendaires sont entrés, nous disent-ils, dans les voies d’une destinée « qui jamais n
1238 lles », le jour de l’Ange. Cet horizon de la mort est l’ultime sens du mythe. Mais il faut croire aux anges pour y croire.
1239 et ses désirs et ses amours, composent au Ciel un être de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa
1240 e de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme est double : individ
1241 son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme est double : individu sur Terre, transitoire — et germe d’un être éternel
1242 : individu sur Terre, transitoire — et germe d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et ces ange
1243 rre, transitoire — et germe d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravar
1244 me d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont des entités fém
1245 un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont des entités féminines. On retrouve ici Dante, et Goethe, et peut-être
1246 re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1247 ’immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1248 ’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1249 ’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été , sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan, sa princesse l
1250 lle. Toute filiation historique mise à part, — ce serait le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélologie de
1251 on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut être deux pour aimer », comme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce
1252 omme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce serait aimer l’ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait d
1253 e en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait deviner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître, et le
1254 tre amour, provoquant la passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que
1255 passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un Autre i
1256 ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un Autre impénétrable, ne tient pas à quelque interdit, à quelque tab
1257 chain. Que l’Autre soit un Autre impénétrable, ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabou religieux, à quelque décret d
1258 morale que l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle scien
1259 l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’ être même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle science de l’h
1260 echnique et nulle science de l’homme ne peut nous être ici d’aucun secours. Il faut aimer, pour le comprendre et rapporter l
1261 peut nous y aider, c’est bien là sa fonction, qui est d’orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur
1262 e justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’ est pas seulement de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme
1263 Précédé de la note suivante : « Le fauteuil où il est élu n’ayant jamais eu de titulaire depuis la fondation de l’Académie,
1264 à rappeler le souvenir d’un prédécesseur. Il lui fut donc loisible d’y indiquer d’intéressantes théories sur le roman de T
1265 aité le même thème. Quand elle eut appris que tel était le dessein des deux orateurs, l’Académie s’avisa de compléter ces exp
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
1266 ascal, et les États-Unis Orson Welles. Sa boutade est moins sotte qu’elle n’en a l’air. Trois raisons l’excusent à mes yeux
1267 mpatriotes ne voient pas malice, persuadés qu’ils sont que l’horlogerie suisse donne l’heure au monde entier et ne craint pe
1268 e, les noms d’hommes importants qu’on lui donnera sont inconnus hors du canton. Ces trois points appelleraient d’infinis com
1269 ts. Voyons cela d’un peu plus près. Compartiments est le mot-clé de la Suisse. Vingt-cinq États distincts quoique sans fron
1270 aissent que trop, et sociétés solides si leur but est restreint. Si bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera
1271 but est restreint. Si bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus
1272 ien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un can
1273 ui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’ être un chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la
1274 esure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la culture, cet égalitarisme à pe
1275 de pendules à coucou ignorent généralement que ce fut un Suisse qui bâtit le plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome
1276 Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Voilà qui est bien dit et bien vu, mais le Français ne fait-il pas trop belle la pa
1277 s que notre Américain la réduisait au joujou ? Il est vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment natal,
1278 s grandes dimensions qui leur manquent. Paracelse était Suisse, comme C. G. Jung, et Rousseau comme Jacob Burckhardt, et Mada
1279 personne. Jean de Müller, historien des Suisses, fut aussi le premier à publier une Vue générale du genre humain, dès la f
1280 e humain, dès la fin du xviiie siècle. Mais ce n’ est pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent et apprir
1281 Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’ est pas la Suisse qui a fait leur nom et qui l’a propagé au loin ; c’est
1282 voisins et parfois de l’Amérique, que ce nom nous est revenu, comme importé. Un autre trait commun à nos meilleurs esprits
1283 un ou deux exceptés (et cela se discuterait) ils furent tous, à des titres divers, des hommes utiles, des penseurs engagés, p
1284 ques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’ être utile excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience helvétiq
1285 ats, Mozart et Rubens, Shakespeare et Dostoïevski seraient impensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâ
1286 tout souci d’application « morale », leur eussent été formellement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En revanch
1287 che, les grands noms que j’énumérais plus haut ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. C’est à eux que la Suisse do
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
1288 961)ae af L’économie occidentale d’aujourd’hui est dominée par l’industrie ; or le moteur de notre développement industr
1289 e la mieux vérifiable. Le sujet de mes réflexions sera donc : l’interaction de la culture et de la technique au sein de la c
1290 dont l’Europe constitue le foyer créateur. Quel est l’état présent de ce problème ? Et dans quelle situation concrète abo
1291 ondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’ être connus de tous. Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire, un
1292 par l’URSS et de là, transplantée en Chine, elle est devenue, au cours de ces dernières années, non seulement l’idéal, mai
1293 pécialistes, et même d’ouvriers qualifiés. L’URSS est peut-être la seule exception. Il en résulte qu’on propose un peu part
1294 r ses forces en deux camps : d’une part, ceux qui sont prêts à sacrifier la culture générale aux exigences techniques et qui
1295 le peut à son tour bénéficier de la technique. Je suis pour ma part convaincu que notre culture, dans son ensemble — théolog
1296 la culture générale et une éducation spécialisée est le type même du faux problème. Car sans culture occidentale, point de
1297 L’une se nourrit de l’autre et l’une sans l’autre serait condamnée à dépérir en peu de temps. Pour établir cette thèse central
1298 asards, les trouvailles par hasard, des rêves qui sont aussi les grands thèmes directeurs des créations de notre culture. Po
1299 Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils ? Quels sont donc les motifs profonds de la technique ? Tout le xixe siècle répon
1300 de dieux ou de malicieux lutins. L’homme moderne est -il très différent ? Prenons quelques exemples de ses inventions techn
1301 ine, l’auto et l’avion. C’est du rêve de voler qu’ est né l’avion, et non pas de la prévision des avantages économiques, tou
1302 ait un jour l’aviation. L’histoire du vol d’Icare est le récit d’un rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l
1303 r des centaines d’auteurs depuis trois-mille ans, est de toute évidence antérieur à toute espèce de considération utilitair
1304 est du rêve de partir au hasard sur les routes qu’ est née l’auto, comme le prouve le récit de cette invention que, dans son
1305 , nous dit-il, une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et des horaire
1306 es campagnes : rêve typique de l’adolescence, qui est l’âge des fugues. Le jeune Henry Ford le réalisa en 1893, quelques an
1307 ins exemplaire. L’un des inventeurs de la turbine fut Léonard Euler, mathématicien de génie, et ici, c’est le motif religie
1308 en de génie, et ici, c’est le motif religieux qui est décisif. Élevé à Bâle dans un milieu ardemment piétiste, Euler pensai
1309 ur. Celle qui existait au début du xviiie siècle était des plus rudimentaire : il fallait qu’un surveillant introduise de te
1310 ectionner la trouvaille du petit garçon qui avait été ainsi, sans le savoir, l’inventeur de l’automation créatrice de loisi
1311 ces exemples d’inventions techniques, le motif n’ est utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un tout au
1312 tif n’est utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont
1313 istre français, déclare en 1833 que la locomotive est « une simple amusette scientifique ».) Plus tard, l’industrie et la b
1314 esoins matériels de l’homme des masses. La vérité est simplement inverse : l’homme moyen n’éprouve le besoin de prendre le
1315 art des brevets d’invention suivis d’exploitation sont pris par les bureaux d’études des grandes firmes industrielles ou des
1316 ou des offices de recherches militaires. Mais ce sont , après tout, de petites inventions répondant à de petites nécessités
1317 ers la Lune et Vénus me suffira. Les plus grandes sommes — des milliards de dollars — que dépensent nos plus grands États, son
1318 de dollars — que dépensent nos plus grands États, sont affectées à la recherche des moyens d’explorer le cosmos. Personne ne
1319 e scandaleuses, aux yeux de l’utilitarisme, ce ne sont pas les lois de l’économie et encore moins les besoins matériels — qu
1320 emiers astronautes quittèrent la Terre. Mais vous êtes tous témoins qu’il n’en est rien. C’est la nature de nos rêves consta
1321 la Terre. Mais vous êtes tous témoins qu’il n’en est rien. C’est la nature de nos rêves constants qui détermine nos découv
1322 les possibilités illimitées de l’imagination : ce sont eux qui créent la culture, les arts, les sciences et la littérature.
1323 de rêve, son imagerie et ses orientations, — qui sont celles de nos découvertes. En résumé — notre technique occidentale es
1324 ouvertes. En résumé — notre technique occidentale est née du rêve occidental, de ce même rêve qui a créé notre culture ; — 
1325 rêve qui a créé notre culture ; — la technique n’ est donc pas un destin objectif et que nous aurions à subir, mais bien au
1326 ntraire, elle exprime des vœux profonds dont nous sommes responsables. Il en résulte que la culture et la technique ne sauraie
1327 sulte que la culture et la technique ne sauraient être opposées dans leurs sources, puisqu’elles procèdent de nos mêmes rêve
1328 e faut-il donc penser de cette longue plainte qui fut mise à la mode par Bergson, et de ce pessimisme général, que l’invent
1329 on oublie simplement que les machines et la bombe sont faites par l’homme et ne feront rien sans lui. J’écrivais au lendema
1330 ’écrivais au lendemain d’Hiroshima : La bombe n’ est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dange
1331 st pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la bombe
1332 se prépare à l’employer. Le contrôle de la bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si
1333 anquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce
1334 il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’ est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse
1335 n’est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit -elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de
1336 simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de l’homme : le couteau de c
1337 roduite. Dire que la machine domine l’homme, ce n’ est qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion,
1338 st qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une doulo
1339 as une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’un siècle pour une partie
1340 ur une partie de nos populations occidentales, ce fut le sort du travailleur industriel, de cet immense prolétariat créé pa
1341 aylorisé, travaillant à la chaîne. Et certes ce n’ étaient pas non plus les machines ou les chaînes qui forçaient l’ouvrier à le
1342 dentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne sont pas les justes indignations d’un Marx, ni l’action politique des part
1343 létariat, mais c’est la technique elle-même. Ce n’ est pas en freinant ses progrès, mais au contraire en les accélérant, que
1344 ès, mais au contraire en les accélérant, que nous sommes parvenus au seuil d’une ère nouvelle, qui doit et peut, progressiveme
1345 rythme, devient au contraire libérateur dès qu’il est poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’être servi, mais seu
1346 poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’ être servi, mais seulement surveillé par l’homme. Mais il y a plus. Le pri
1347 au bureau, obtenue depuis trois quarts de siècle, est d’environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chiffre se verr
1348 avail, c’est même le vrai travail humain. Mais il est clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la cultu
1349 l humain. Mais il est clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la culture augmentera elle aussi, et que
1350 suite, les conditions du producteur de la culture seront sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la technique permet de gag
1351 er sur le temps de travail mécanique et routinier sera gagné pour la culture, ou pourra l’être. Nous allons vers un temps où
1352 routinier sera gagné pour la culture, ou pourra l’ être . Nous allons vers un temps où les loisirs deviendront quantitativemen
1353 ite aux cours de marxisme-léninisme. Mais le fait est que les Russes ont lancé les premiers Spoutniks, et tout le monde veu
1354 er les sources vives de l’invention technique qui tient à l’ensemble de notre culture et à ses rêves directeurs. Gardons-nous
1355 rs. Gardons-nous de scier la branche sur laquelle est assise notre puissance technique ; elle se nomme culture générale. Le
1356 lus grands inventeurs de tous les temps n’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et d
1357 2° que c’est alors que nous courrons le risque d’ être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à les s
1358 que d’être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à les servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieu
1359 s, étant dressés d’avance à les servir, au lieu d’ être éduqués pour vivre mieux en disposant de leurs services. De ces trop
1360 ales. Nous avons vu que leurs sources créatrices sont communes, qu’elles jaillissent du même fonds et s’alimentent aux même
1361 évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire sont au contraire en relation de promotion réciproque. La technique ne per
1362 sion et les disques, toute la musique occidentale est mise à la portée instantanée de tous les amateurs de musique, et le n
1363 amateurs de musique, et le nombre de ces amateurs est en même temps multiplié. Il en va de même pour les pièces de théâtre,
1364 et books, aux États-Unis d’abord puis en Europe a été rendu possible par les perfectionnements techniques de l’édition et p
1365 s ne l’aveuglent et que sa politique éducative ne soit à courte vue ; elle repose en effet sur l’idée que la formation techn
1366 s grands buts spirituels de l’homme, la technique sera donnée par-dessus. Troisième conclusion : Ne perdons jamais de vue le
1367 ent et transportées dans les pays sous-développés sont les équivalents modernes du cheval de Troie. Et si nous persistons à
1368 mploi, et nos remèdes deviendront des poisons. Il est donc temps, pour nous Occidentaux, d’adjoindre à l’assistance techniq
1369 la technique dépend de la culture créatrice. Il est vital pour l’avenir de l’économie en Occident, de soutenir la culture
1370 ture sous toutes ses formes : cette culture qui n’ est pas seulement la source de nos inventions mais la seule garantie d’un
1371 rnir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident est donc entre les mains de ceux qui assumeront à la fois les conditions
1372 e mouvement fédéraliste européen, M. de Rougemont est entre autres fondateur, avec E. Mounier, du mouvement personnaliste,
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
1373 Le Temps de la louange ( été 1961)ac Notre rencontre date de l’été 1947, à Paris. Nous étions q
1374 louange (été 1961)ac Notre rencontre date de l’ été 1947, à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’un hôtel, vers
1375 Notre rencontre date de l’été 1947, à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’un hôtel, vers quatre heures du matin, et
1376 n avant sa mort. Je parlerai de sa personne. ⁂ Il était alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’une famille de Ha
1377 e Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’ être un jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, Français de bon
1378 réaliste et religieux. Puis, une fois de plus, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref
1379 cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’un « nouveau travail
1380 ait, coupant court, et comme en aparté : « Ceci n’ est pas conforme à ma théologie. » Et l’on sentait qu’il s’agissait en lu
1381 tuelle. Son parti pris fondamental, seul déclaré, était celui d’un absolu monothéisme, au nom duquel il récusait toutes les c
1382 ques — saint Thomas, Calvin ou Karl Barth — comme étant affectées à la base d’un « littéralisme » biblique décidément incompa
1383 on sens du symbolisme universel. Bach en automne est un poème luthérien, le seul que je connaisse en français. Luthérien p
1384 conomie, et sans doute la morale. Pourtant, nul n’ était moins que lui tenté par le nihilisme ou simplement par la révolte. Ca
1385 mait à dire : « dans la confusion générale ». Tel étant de toute évidence le train du monde, il fallait naviguer dans la vie
1386 ule intuition d’une certaine qualité poétique des êtres ou de la conjoncture ; et les erreurs importaient peu, normales, parf
1387 a perfection des temps ». Sa faculté de travail n’ était guère égalée que par sa faculté d’évasion vagabonde ; son perfectionn
1388 l’empêchant, hélas ! d’écrire son œuvre. Il avait été Roi dans une autre existence, il le savait absolument ; il pouvait êt
1389 e existence, il le savait absolument ; il pouvait être dans cette vie reporter et bohème, romancier ou poète, — il voulut mê
1390 mais sans trace de vulgarité, et dans l’abord des êtres , un laisser-aller apparent (mais qui cachait beaucoup de fierté, et d
1391 emps de la louange », Cahiers des saisons, Paris, été 1961, p. 21-24.
24 1962, Articles divers (1957-1962). Jonas [préface] (1962)
1392 Jonas [préface] (1962)at Jean-Paul de Dadelsen était alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’une famille de Ha
1393 e Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’ être un jour suisse ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français de bon
1394 réaliste et religieux. Puis, une fois de plus, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref
1395 cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’un « nouveau travail
25 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
1396 ’il publie en 1536. Après un séjour à Ferrare, il est retenu à Genève par Guillaume Farel et invité à y organiser l’Église.
1397 as précisément œuvre d’écrivain », alors Calvin n’ est pas un écrivain. Il a créé un style et un vocabulaire, et la langue d
1398 si bien écrit qu’homme de son siècle », mais ce n’ était pas pour faire de la littérature : c’était pour enseigner des vérités
1399 udeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même d’ être original ne lui a pas fait perdre une seconde. On ne joue pas avec le
1400 ne seconde. On ne joue pas avec les mots quand on est « ministre du Verbe », minister verbi divini. Les manuels ont beau di
1401 lation, qu’on appelle souvent cartésiennes, aient été premièrement illustrées dans notre langue par ses écrits : fait d’his
1402 n et n’a jamais encore égalé son modèle. Calvin n’ est pas aimable, on le sait de reste. Maigre et mélancolique, comme l’éta
1403 le sait de reste. Maigre et mélancolique, comme l’ était Charles Quint — tandis que Luther est aussi gras et sanguin que Thoma
1404 , comme l’était Charles Quint — tandis que Luther est aussi gras et sanguin que Thomas d’Aquin — il ne séduit que par la dé
1405 uelque goût et connaissance de la vraie piété, je fus incontinent enflammé d’un si grand désir de profiter, qu’encore que j
1406 je m’y employai toutefois plus lâchement. Or, je fus tout ébahi que devant que l’an passât, tous ceux qui avaient quelque
1407 que commencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’ étant d’un naturel un peu sauvage et honteux, j’ai toujours aimé requoy et
1408 u contraire toutes retraites et lieux à l’écart m’ étaient comme écoles publiques. Bref, cependant que j’avais toujours ce but d
1409 ue j’avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’a tellement promené et fait tournoyer par divers change
1410 s peine de mort d’imprimer aucun livre quel qu’il soit . Calvin qui fuit de ville en ville arrive à Bâle, pour y vivre caché,
1411 t d’en haut étendu sa main pour m’arrêter ». C’en est fait de la paix de ses études, maudite par les cris de Farel. Il n’ac
1412 il la dote d’une liturgie, qu’il met en vers pour être mieux chantée. Trois ans s’écoulent et sa pensée mûrit, mais voilà Ge
1413 . « Contre mon désir et affection la nécessité me fut imposée de retourner à ma première charge… ce que je fis avec tristes
1414 ps-là, et par quelles épreuves il m’a examiné, ce serait une longue histoire. » Semblable au roi David molesté par les guerres
1415 u de son peuple par la malice des déloyaux « j’ai été assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos un bien pe
1416 été assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos un bien peu de temps, que toujours je n’eusse à soutenir que
1417 re sa vocation, au contraire de ce qu’on croit, n’ est pas suivre sa pente (même en la remontant) mais c’est être emporté ma
1418 suivre sa pente (même en la remontant) mais c’est être emporté malgré soi vers des buts et dans une action à quoi rien ne no
1419 dans une action à quoi rien ne nous inclinait. J’ étais l’homme le moins fait pour cela ! gémit l’individu quand une force in
1420 ée sans relâche à l’individu naturel par ce qui n’ est pas lui, mais qui vient l’appeler et le réalise à jamais. Toutes les
1421 comme aussi ses défauts, à notre goût du jour. Il est moins séduisant qu’impérieux, moins impérieux pourtant que contraigna
1422 uveauté la plus abrupte et prosaïque. Son baroque est celui du bon sens et du langage quotidien de son temps : nous jugeons
1423 esques, par erreur, des tours qui ne voulaient qu’ être clairs et convaincants pour l’auditeur d’alors. À la rhétorique éloqu
1424 aque jour à la cathédrale de Saint-Pierre. Rien n’ est plus près de la parole improvisée, rien n’est plus varié quant aux ry
1425 n n’est plus près de la parole improvisée, rien n’ est plus varié quant aux rythmes ; et pourtant rien n’est plus altièremen
1426 plus varié quant aux rythmes ; et pourtant rien n’ est plus altièrement monotone quant à la pensée directrice : à Dieu seul
1427 e quant à la pensée directrice : à Dieu seul tout est dû et de Lui seul tout vient. La phrase est souvent longue, mais d’un
1428 tout est dû et de Lui seul tout vient. La phrase est souvent longue, mais d’une démarche ferme, conduisant vers un but si
1429 tagion. Ce ministre du Verbe a fait un monde. Il est même le seul écrivain dont les doctrines aient suscité dans l’Occiden
1430 clame de son œuvre, ou au moins de son nom : mais est -il justifié à le faire ? Certes, on peut bien soutenir que les États-
1431 Certes, on peut bien soutenir que les États-Unis seraient aussi sévèrement jugés par Calvin que la Russie par Marx. Mais le mar
1432 bien moins entre l’État et le citoyen. Calvin n’ était pas démocrate, mais il a fomenté les chefs qui ont appris aux siècles
1433 s chefs qui ont appris aux siècles futurs qu’il n’ est pas de liberté concrète qui ne soit responsable en retour devant Dieu
1434 futurs qu’il n’est pas de liberté concrète qui ne soit responsable en retour devant Dieu et dans la cité ; et que le titre d
1435 Dieu et dans la cité ; et que le titre de citoyen est bien moins un droit qu’une charge. Les démocraties d’Occident qui ont
1436 ies d’Occident qui ont refusé de payer ce prix en sont mortes ou ne valent guère mieux. Le régime synodal des églises calvin
1437 mandant aucun puisqu’elle détient l’autorité, qui est de l’esprit. Faut-il ranger Calvin au camp de la liberté ? Oui certes
1438 r la seule vertu de la vocation qu’il portait, il fut l’incarnation de l’autorité ; et dans la mesure encore où cet homme a
26 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
1439 s noms deviennent des prénoms, les titres doivent être mérités, la familiarité dénote le respect, et les pédants sont exilés
1440 la familiarité dénote le respect, et les pédants sont exilés vers les régions froides. L’étiquette de la cour victoriale n’
1441 des. L’étiquette de la cour victoriale n’a jamais été codifiée : plus mystérieuse que la Constitution anglaise, elle ne s’e
1442 elle ne s’explique pas, on la sent. Ses exigences sont aggravées par une dose convenable d’arbitraire, mais tempérées par le
1443 mais si l’on ne s’inquiète pas de trop savoir, on est admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui da
1444 e s’inquiète pas de trop savoir, on est admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui dans d’autres co
1445 fisent aucunement, mais parfois les « mauvaises » sont pardonnées si elles s’affirment dans un grand style tumultueux à la m
1446 es inextinguibles et les mises en boîte raffinées sont admis. Qu’un propos ou qu’un personnage déplaise, Victoria disparaît
1447 iseaux-mouches, vers le Río calme et violet. Tels sont les souvenirs que je garde et chéris de mon passage de quelques mois,
1448 chorale, vers la fin : « Il y a l’espérance, qui est la plus forte ! Il y a la joie, qui est la plus forte ! Il y a Dieu !
1449 ance, qui est la plus forte ! Il y a la joie, qui est la plus forte ! Il y a Dieu ! Il y a Dieu qui est le plus fort ! » En
1450 est la plus forte ! Il y a Dieu ! Il y a Dieu qui est le plus fort ! » En retrouvant à Buenos Aires le groupe de Sur, honne
1451 ire, et la promesse d’un avenir malgré tout qui m’ étaient rendus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des environs de B
1452 dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’ étais tombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied d’une cathédrale d
1453 la seule Société des esprits. Et j’ai vu qu’elle était Argentine avant tout, dans ses grandes dimensions vitales, as large a
1454 arroll. La grandeur simple, la simplicité grande, sont les lois de son existence. Et c’est pourquoi son amitié est un honneu
1455 is de son existence. Et c’est pourquoi son amitié est un honneur. On n’oserait pas l’avouer n’était l’humour et cette espèc
1456 mitié est un honneur. On n’oserait pas l’avouer n’ était l’humour et cette espèce de rigueur féminine — déconcertant toutes le
27 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
1457 ure et l’union de l’Europe (avril 1962)ai S’il est question d’intégration européenne et qu’on lui parle de culture, l’ho
1458 ui parle de culture, l’homme d’aujourd’hui, qu’il soit d’ailleurs industriel ou philosophe, a d’abord un réflexe de doute. L
1459 L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’ est -elle pas avant tout l’Europe économique, c’est-à-dire le Marché commu
1460 nique, voilà le solide et le raisonnable. Mais qu’ est -ce que la culture viendrait faire là-dedans ? Quelles contributions e
1461 utions efficaces a-t-elle apportées à l’union ? N’ est -elle pas au contraire, ajoutent certains, l’un des derniers bastions
1462 aussi simple que possible : 1° que l’Europe unie est beaucoup plus que le Marché commun, moyen nécessaire mais non pas suf
1463 mais non pas suffisant ; 2° que le Marché commun serait impensable (et au surplus n’aurait jamais vu le jour) s’il ne s’inscr
1464 ent ; 5° enfin, que l’Europe, sans sa culture, ne serait pas l’Europe mais un cap de l’Asie. Doutes sur l’utilité de la cult
1465 beaucoup de nos États. Les problèmes culturels ne seraient par conséquent que des problèmes marginaux. La culture serait au mieu
1466 onséquent que des problèmes marginaux. La culture serait au mieux l’ornement des loisirs, un luxe flatteur, une dernière touch
1467 née d’un xixe siècle utilitariste et mercantile, est en fait partagée par les élites sociales de notre continent : il suff
1468 ions de francs, marks ou florins. Mais quelle que soit sa popularité, cette courte vue matérialiste se révèle au premier exa
1469 e jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, et si elle est encore aujourd’hui l’une des trois grandes puissances de la planète,
1470 des trois grandes puissances de la planète, ce n’ est pas à ses richesses naturelles qu’elle le doit : simple cap de l’Asie
1471 ces, les arts, l’éducation et la morale. L’Europe est très peu de choses plus une certaine culture, qui a fait d’une pauvre
1472 plus de cinq siècles déjà, — et c’est bien loin d’ être fini ! Selon la plus célèbre équation de notre époque, celle d’Einste
1473 tion de notre époque, celle d’Einstein, l’énergie est égale au produit de la masse par le carré de la vitesse de la lumière
1474  » ? L’Europe existe depuis des millénaires. Il n’ est pas question de la créer ; mais simplement, les circonstances du xxe
1475 s tous trop petits désormais pour se suffire. Tel étant le problème véritable, on voit qu’il est bien moins économique que po
1476 e. Tel étant le problème véritable, on voit qu’il est bien moins économique que politique, et en fin de compte, culturel. C
1477 al, ces méfiances séculaires, pour périmés qu’ils soient , sont profondément enracinés dans un millénaire au moins de culture e
1478 méfiances séculaires, pour périmés qu’ils soient, sont profondément enracinés dans un millénaire au moins de culture europée
1479 s esprits qu’il s’agit de le combattre. Et ceci n’ est pas une question de technique ou de calculs tarifaires, mais une ques
1480 régimes ; ils peuvent vous démontrer que ce plan serait rentable, et que votre intérêt commande de l’appliquer. Un autre grou
1481 nul doute, elle « rendrait » matériellement. Elle serait unifiée mais ne serait plus l’Europe. Aux seconds, vous direz : votre
1482 ait » matériellement. Elle serait unifiée mais ne serait plus l’Europe. Aux seconds, vous direz : votre Europe harmonieuse ser
1483 ux seconds, vous direz : votre Europe harmonieuse serait sans nul doute plus conforme au génie de nos peuples divers, mais voi
1484 s uns et les autres ont raison, en ce sens qu’ils sont nécessaires, soit comme moteur, soit comme volant ; les uns et les au
1485 s ont raison, en ce sens qu’ils sont nécessaires, soit comme moteur, soit comme volant ; les uns et les autres ont tort quan
1486 sens qu’ils sont nécessaires, soit comme moteur, soit comme volant ; les uns et les autres ont tort quand ils se prétendent
1487 prétendent suffisants, à eux seuls. Leur dialogue est vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’est pas un dialogue politique,
1488 ialogue est vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’ est pas un dialogue politique, et encore moins économique. C’est vraiment
1489 prendre au sérieux les deux termes ensemble. Tel est le secret spirituel de notre avenir. L’énergie tout à fait extraordin
1490 européen se déchire et s’étiole : c’est ce qui s’ est produit par deux fois dans la génération à laquelle j’appartiens, et
1491 pauvres conditions physiques. De la culture aussi sont venues nos divisions, presque mortelles. De la culture enfin doit ven
1492 ture enfin doit venir le remède à nos maux, et il est double : réduire les préjugés nationalistes, qui s’opposent à toute f
1493 et divers » de la culture européenne. L’Europe n’ est pas une addition de cultures nationales. Celles-ci sont des apparitio
1494 as une addition de cultures nationales. Celles-ci sont des apparitions relativement récentes, et plus ou moins artificielles
1495 ur la diversité de nos langues. La première tâche sera donc d’illustrer l’unité de base de toutes ces cultures prétendument
1496 ; de montrer que la culture commune des Européens est beaucoup plus ancienne que notre présent découpage en États qui se di
1497 ge en États qui se disent « souverains » mais qui seraient bien en peine de le prouver ; bref, de montrer que la culture, en Eur
1498 ver ; bref, de montrer que la culture, en Europe, est un phénomène à la fois pré-national et supranational, diversifié selo
1499 uropéenne à des gens qui répondent que l’Europe n’ est plus rien, qu’elle n’a pas d’idéal à opposer aux ambitions mondiales
1500 , sans tenir compte de cette situation morale, ne serait pas seulement dangereux mais vain. Cette méthode soi-disant réaliste
1501 reux mais vain. Cette méthode soi-disant réaliste serait simplement utopique et vouée dès le départ à un échec sans gloire. Pr
1502 utre part. Ces deux grandes tâches, je le répète, sont vitales et elles relèvent de la culture au premier chef, j’entends pa
1503 (aux trois degrés orientés vers l’Europe unie) ne sont pas fortement soutenus dès maintenant, les plus belles réalisations é
1504 e en mesure d’exercer sa fonction planétaire, qui est une fonction d’animation, d’échanges, et d’équilibre dynamique dans l
1505 ’animent pas, une Europe techniquement unifiée ne sera jamais qu’une coque vide. L’apport vital des forces culturelles à no
1506 es, conformément au génie propre de l’Europe, qui est celui de l’union dans la diversité, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l
1507 l’on me dit que j’aligne ici des évidences, j’en serai content : telle était bien mon intention. Mais je demanderai que l’on
1508 gne ici des évidences, j’en serai content : telle était bien mon intention. Mais je demanderai que l’on confronte ces évidenc
1509 le peu que l’on a fait jusqu’ici pour la culture était de trop. Si au contraire mes arguments sont « évidents », alors il es
1510 ture était de trop. Si au contraire mes arguments sont « évidents », alors il est grand temps que la très riche Europe en ti
1511 ntraire mes arguments sont « évidents », alors il est grand temps que la très riche Europe en tire les conséquences logique
28 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
1512 faire dont M. Kurz, de son côté, souhaite qu’elle soit un jour élucidée. Je serais heureux que les notes qui suivent contrib
1513 côté, souhaite qu’elle soit un jour élucidée. Je serais heureux que les notes qui suivent contribuent à combler certaines lac
1514 t la Hollande, une nouvelle mobilisation générale est ordonnée. Avec un de mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la
1515 s qui opèrent dans la Ville fédérale. Des camions sont alignés dans la cour pour cette éventualité. Voici le plan de la vill
1516 agents et ramassez leurs papiers. Compris. Telle était l’atmosphère, et je n’ai vu ce jour-là, comme les jours suivants à la
1517 r-là, comme les jours suivants à la troupe, où je suis retourné pour une semaine, que des hommes décidés à se battre, gonflé
1518 rtant du studio, nous apprenons que Paris vient d’ être bombardé pour la première fois. Dans le train qui nous ramène à Berne
1519 endemain matin, je dis à Spoerri : « Si la France est battue, le moral de la Suisse va flancher. Beaucoup seront tentés de
1520 ttue, le moral de la Suisse va flancher. Beaucoup seront tentés de céder à diverses pressions. Pourtant, nous sommes les seuls
1521 tés de céder à diverses pressions. Pourtant, nous sommes les seuls à pouvoir nous défendre. Depuis plusieurs années, je pense
1522 hier soir encore. Or il se trouve que le Gothard est le type même de la position imprenable dans la guerre actuelle. Il fa
1523 idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’il était ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien d’en par
1524 onique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’ est rien d’en parler. Il faut le faire ! » J’ai senti sous son regard di
1525 me travaille. Spoerri insiste, agit. Des contacts sont pris à droite et à gauche. On nous approuve, on nous aidera, mais all
1526 on vient d’entendre à la radio que les Allemands sont entrés à Paris. » — Merci. Repos ! Il est sorti, me voyant incapable
1527 emands sont entrés à Paris. » — Merci. Repos ! Il est sorti, me voyant incapable de rien dire de plus. Je suis resté immobi
1528 rti, me voyant incapable de rien dire de plus. Je suis resté immobile un long moment. J’ai écrit deux pages sur la confronta
1529 volant très bas. Cette prairie dominant la ville serait un terrain d’atterrissage tout désigné pour des parachutistes. Je la
1530 tonations qui semblaient provenir de la forêt. Me suis levé pensant que c’était commencé. D’une fenêtre donnant au nord, j’a
1531 t lentement vers le Gurten. Pas d’autre bruit. Me suis recouché pensant que s’il se passait quelque chose, je serais alerté
1532 ché pensant que s’il se passait quelque chose, je serais alerté par téléphone. Peu dormi, et levé à six heures. Avant d’entrer
1533 me paraît un peu sentimental, je me demande s’il est bien à la mesure du tragique dans lequel nous baignons… L’ai fait lir
1534 matinée, téléphone de mon beau-frère, M. P., qui est à la Censure. Oui, il y aura des histoires, paraît-il. Mais rien de n
1535 rieurs ? — Non, mon colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas officier de carrière. — Vous deviez le faire quand même. Vous ête
1536 carrière. — Vous deviez le faire quand même. Vous êtes accusé d’injures à chef d’État étranger. Vous mettez en danger la séc
1537 out. Notre projet du 6 juin se précise. Ph. Mottu est en train de convoquer pour le 22 juin les dix personnes que nous avon
1538 gardé jusqu’ici. Ce matin, un officier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était
1539 fficier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’ est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques de saboteurs
1540 on veillait partout. Hier soir, des barrages ont été établis dans les rues de la ville. La troupe a arrêté des automobilis
1541 listes munis de passeports français, mais aucun n’ était Français. La population, sortie pour voir, avait l’air en fête. Raiso
1542 sons de croire que le coup nazi, raté cette nuit, sera suivi à bref délai de manifestations plus énergiques. Mardi 18 juin 1
1543 défense ? — Absolument rien. Je suppose que vous êtes d’accord avec mon article. Là n’est pas la question… La question est
1544 ose que vous êtes d’accord avec mon article. Là n’ est pas la question… La question est de me déférer au tribunal militaire.
1545 on article. Là n’est pas la question… La question est de me déférer au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi.
1546 i. Écouté la radio pendant des heures. La débâcle est consommée, la Suisse cernée par l’Axe — les colonnes de Guderian desc
1547 vrage, Kimche avait signalé la formation durant l’ été de 1940 d’un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un
1548 entendait barrer la route à ceux qui auraient pu être tentés d’intégrer notre pays au système du Troisième Reich alors trio
1549 ration des officiers » dont l’acte d’indiscipline fut sanctionné, mais dont les objectifs eurent sa sympathie. L’attitude d
29 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
1550 imminence, je ne puis la caractériser mieux. Tout est immédiat, concret, naturel et extravagant à la fois, comme l’événemen
1551 « défense à tout prix ». (Beaucoup de précautions sont nécessaires, car je sens qu’on écoute mes téléphones.)40 Le risque in
1552 etite maison du Gurten. Je prends la position. Il tient dans chaque main un petit paquet attaché par un ruban. — Ça, c’est du
1553 isites ni courrier. Vous avez bien compris ? Vous êtes dès maintenant à Saint-Maurice. Tout ce que je vous demande, c’est de
1554 bras. — À vos ordres, mon colonel ! J’ai toujours été partisan des vacances payées. Je vous remercie. — Repos ! Le colonel
1555 ennemi sur le point de la liberté d’expression, n’ est -ce point perdre, avant de se battre, l’une des raisons que l’on aurai
1556 une des marques de cette indépendance que l’armée est chargée de défendre ? Je relis les instructions données au général Gu
1557 ays et de maintenir l’intégrité du territoire. Il est clair que pour défendre un territoire, il est parfois indiqué de céde
1558 Il est clair que pour défendre un territoire, il est parfois indiqué de céder du terrain : cela s’appelle une retraite str
1559 e une retraite stratégique. On peut me dire qu’il est aussi des retraites nécessaires (des silences opportuns) pour défendr
1560 ours. En ce moment même, chez Mottu, nos conjurés sont réunis pour la fondation du mouvement de résistance à tout prix, cont
1561 e Gottlieb Duttweiler. L’organisation de la Ligue est double. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion d’un groupe de jeu
1562 ix membres. Le manifeste constate que « la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pas d’autre garantie que son armée, pas
1563 cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour duquel tous les Confédérés peuvent s’unir dan
1564 grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’ être hommes, et d’être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du
1565 un. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’ être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du pays. Dans chacun,
1566 peut s’entendre de diverses manières, mais l’une est atroce. Je veux, croire qu’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un off
1567  Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte d’ être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes, à Berne ou à la c
1568 encontres quotidiennes, à Berne ou à la campagne, soit avec des membres du Directoire de la Ligue, soit avec notre seul homm
1569 soit avec des membres du Directoire de la Ligue, soit avec notre seul homme de liaison entre la Ligue dans l’armée et la Li
1570 s, ou corporatistes. Nos vrais « meneurs de jeu » seraient à la fois : la grande industrie, les Groupes d’Oxford, la Migros, les
1571 mission de notre Directoire : or il n’en a jamais été membre. Rien de plus normal. En dépit du choc causé par la défaite fr
1572 isse et non pas tel parti plutôt qu’un autre, qui est radicalement menacé. Pas un n’aurait la moindre chance de « s’arrange
1573 les intérêts matériels, c’est différent… Le fait est que la grande industrie boude la Ligue : elle attend de voir comment
1574 nseignements très précis, certains de ses membres seraient prêts à accéder aux exigences des nazis, formulées en onze points. (P
1575 plus grands journaux suisses allemands.) D’autres seraient très nettement « résistants ». Un ou deux indécis. Sur la base de ces
1576 larer que s’il cède aux exigences des nazis, tout est prêt pour le renverser, des troupes et des blindés sont en alerte à L
1577 rêt pour le renverser, des troupes et des blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement est prête à entrer en
1578 t en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement est prête à entrer en fonction. Si au contraire le Conseil fédéral résist
1579 serve de la Ligue civile et militaire. L’audience est aussitôt demandée, et accordée. Trop compromis depuis l’affaire de la
1580 n’a pu faire davantage. Mais les banderilles ont été plantées. (Note de 1962 : nulle trace de cette démarche dans les arch
1581 te un complot pour vous renverser, et que nous en sommes les fauteurs ! » Logiquement, si le gouvernement nous croyait, il dev
1582 e-champ. S’il ne nous croyait pas, notre démarche était ratée, et au surplus couvrait la Ligue de ridicule. En fait, celui qu
1583 othard, me dit, quelques jours plus tard : « Vous êtes imprudent au téléphone. Par bonheur, c’est moi qui suis chargé des ra
1584 mprudent au téléphone. Par bonheur, c’est moi qui suis chargé des rapports d’écoute. J’efface les rouleaux enregistrant vos
1585 i ambassadeur de Suisse à Washington, après avoir été haut-commissaire de l’Organisation des Nations unies pour les réfugié
1586 à Gazette de Lausanne un article qui lui vaut d’ être mis aux arrêts (“Qui ne sait se taire nuit à son pays”). Le moral des
30 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
1587 roupe — ils me confient la rédaction. Ma position est un peu délicate. « Le général est toujours furieux après vous ! » m’a
1588 on. Ma position est un peu délicate. « Le général est toujours furieux après vous ! » m’a dit hier encore mon colonel, un B
1589 D’une part, le général ne saura pas que le texte est de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée.
1590 pas que le texte est de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige une bro
1591 illet 1940 Je rédige une brochure intitulée : Qu’ est -ce que la Ligue du Gothard ? Dernière page : La création de la Ligue
1592 t une émulation inattendue du côté des partis. Il est incontestable que sans la Ligue, les « communautés de travail », esqu
1593 la seule voie possible. Nous savons que la Suisse est gravement menacée, mais que notre action la renforce. De tout temps,
1594 tout temps, à l’appel du danger, nos ancêtres se sont levés. C’est notre tour. 25 juillet 1940 Hier a eu lieu le rapport d
1595 quelques pas à mes côtés et me dit rapidement : «  Soyez prudent. Quatre chefs de la Ligue dans l’armée viennent d’être arrêté
1596 Quatre chefs de la Ligue dans l’armée viennent d’ être arrêtés, sur l’ordre du colonel Labhardt, commandant l’unité d’armée
1597 utenant remonte, la voiture s’éloigne. Demain, je suis convoqué au Palais fédéral. Est-ce vraiment pour y discuter une fois
1598 igne. Demain, je suis convoqué au Palais fédéral. Est -ce vraiment pour y discuter une fois de plus ce voyage aux États-Unis
1599 l y eut l’incident de mon article sur Paris. Je n’ étais certes plus persona grata. Pourtant, le 16 juillet, Pro Helvetia m’av
1600 elconque. Des sujets de conférence comme ceux qui sont indiqués sous les chiffres 1 à 3 devraient, par conséquent, être évit
1601 ous les chiffres 1 à 3 devraient, par conséquent, être évités ». (J’ai conservé la lettre, signée par le ministre B.) ⁂ Ces
1602 ion de voyage aux États-Unis. Pour la Suisse, cet été -là, le péril militaire s’éloignait. Le Gothard était devenu plus qu’u
1603 té-là, le péril militaire s’éloignait. Le Gothard était devenu plus qu’un symbole. Centre du Réduit national 42 il se dressai
1604 ques mois il deviendrait une réalité. L’opinion s’ était ressaisie. La Ligue du Gothard, fondée sur l’idée simple d’organiser
1605 eu plus tard dans les pays occupés par Hitler. Je suis conscient du léger ridicule qu’aux yeux de beaucoup présentera cette
1606 tit mouvement de résistance, pour préventif qu’il soit resté, eût certainement passé à la pratique si le moral du pays ne s’
1607 ment passé à la pratique si le moral du pays ne s’ était pas ressaisi. Le seul fait qu’à ce redressement la Ligue ait contribu
1608 redressement la Ligue ait contribué si peu que ce fût , voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais q
1609 blic que les sujets admis par la censure, et ce n’ était , littéralement, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que de notre
1610 e pouvait venir que de l’Amérique. Peut-être bien était -ce là-bas qu’il me serait donné, quoique « neutre », de faire la guer
1611 Amérique. Peut-être bien était-ce là-bas qu’il me serait donné, quoique « neutre », de faire la guerre à ma façon, d’entrer da
1612 partir. Et, certes, les raisons qui m’animaient n’ étaient point exactement celles qu’on eut alors au Palais fédéral pour favori
1613 s fédéral pour favoriser mon voyage. Mais le fait est qu’elles jouèrent dans le même sens. Le 20 août, à 7 heures du matin,
1614 tail, c’est-à-dire dans le concret, les choses se sont passées différemment, sur plusieurs points que je relèverai maintenan
1615 verai maintenant. 1. La « ligue des officiers » s’ est bien constituée aux dates qu’indique M. Kimche (seconde quinzaine de
1616 conde quinzaine de juin) et les noms de ses chefs sont exacts, si mes souvenirs le sont aussi. Ses buts et ses premières act
1617 oms de ses chefs sont exacts, si mes souvenirs le sont aussi. Ses buts et ses premières activités sont correctement définis,
1618 e sont aussi. Ses buts et ses premières activités sont correctement définis, sauf sur un point, qui est d’importance : je ne
1619 sont correctement définis, sauf sur un point, qui est d’importance : je ne crois pas un instant que les officiers ligueurs
1620 que le Conseil fédéral, et c’est pourquoi il dut être un complot. Le général Guisan écrit dans son rapport que leur seule f
1621 uisan écrit dans son rapport que leur seule faute fut « d’agir en secret ». Mais s’ils avaient agi « ouvertement », le Cons
1622 ntre eux dînaient régulièrement à sa table. 2. Il est probable que la ligue des officiers et la ligue civile naquirent simu
1623 et la ligue civile naquirent simultanément, et il est certain qu’elles « s’imbriquaient étroitement », on l’a vu par mes no
1624 liaison avec les officiers pendant la crise de l’ été 1940. 3. L’absence de toute mention de la Ligue du Gothard et la subs
1625 as existé pendant la période que décrit Kimche, n’ est pas seulement une erreur de fait que l’auteur pourra corriger sans pe
1626 logique qui régnait au mois de juin 1940, lorsque fut prise la décision de créer le Réduit national. Elle empêche en partic
1627 rs en situation délicate auprès de ses chefs — il était incorporé à l’état-major général — pour avoir écrit, au lendemain de
1628 papier à la gloire de la capitale française qui n’ était pas tendre pour le Führer triomphant. »
31 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
1629 Europe neuve (novembre 1962)aq ar La prévision est un exercice intellectuel à deux temps alternés : élan et freinage. L’
1630 lin, et de la Libération à la perte des pays de l’ Est  ; de l’omniprésence communiste en France et en Italie au repli généra
1631 ’aperçoit que presque tous ces phénomènes avaient été prévus par des esprits lucides, quoique jugés impossibles par les exp
1632 jugés impossibles par les experts, mais qu’ils se sont produits beaucoup plus vite et avec plus d’intensité que personne n’o
1633 té que personne n’osait le croire ou le redouter. Sommes -nous autorisés à prolonger les lignes de cette récente évolution et à
1634 es ? Deux hypothèses. Ou bien l’union de l’Europe est stoppée par l’échec des négociations entre les Anglais et le Marché c
1635 e. Dans cette seconde hypothèse, l’Europe de 1980 est redevenue à tous égards le centre du monde humain. Les géographes ont
1636 géographes ont démontré depuis longtemps qu’elle est le pôle de « l’hémisphère privilégié » qui comprend environ 95 % de l
1637 e anime les échanges intercontinentaux, dont elle fut le moteur unique depuis cinq siècles. Elle équilibre ces échanges, el
1638 une série de centres régionaux, dont les premiers sont entrés en fonction dès 1963.) Enfin, l’Europe offre au monde le modèl
1639 les charmes souverains de la lenteur. Le silence est devenu le luxe suprême : peu sont en mesure de se le payer en allant
1640 teur. Le silence est devenu le luxe suprême : peu sont en mesure de se le payer en allant vivre dans les régions vertes amén
1641 s par son aventureux génie. Le continent européen est devenu Mégalopolis : une maison tous les cent mètres en moyenne, à qu
1642 agues conservés dans les faubourgs. La population est très dense dans les régions méridionales, la mobilité de l’industrie
1643 le week-end de deux jours et demi ou trois jours est de règle.) La vie politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle ét
1644 politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était sous la IIIe République, par exemple. Ses passions sont transposées à
1645 ous la IIIe République, par exemple. Ses passions sont transposées à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale. Le mythe
1646 rale et l’hygiène mentale, largement socialisées, sont au premier plan des soucis publics. La vie culturelle est devenue la
1647 remier plan des soucis publics. La vie culturelle est devenue la partie sérieuse de l’existence, en lieu et place du travai
1648 n produisent des résultantes contradictoires, qui sont le sujet préféré des études psychosociologiques. D’une part, l’indivi
1649 tudes psychosociologiques. D’une part, l’individu est plus que jamais tenté de se « laisser vivre », c’est-à-dire de se lai
1650 s vastes de création et de réalisation de soi lui sont ouvertes. Il est donc probable que la différence s’accentue entre une
1651 on et de réalisation de soi lui sont ouvertes. Il est donc probable que la différence s’accentue entre une majorité passive
1652 t librement imaginative. L’enseignement supérieur est en pleine mutation. À côté des anciennes universités divisées en facu
1653 établissements de formation interdisciplinaire se sont multipliés. Ils se distinguent par une insistance simultanée sur la c
1654 es classiques, sanctionnant la sortie des études, sont remplacés par des certificats d’aptitude et par des tests d’entrée (d
1655 mble, les changements survenus entre 1962 et 1980 sont probablement moins essentiels que ceux dont nous fûmes les témoins de
1656 probablement moins essentiels que ceux dont nous fûmes les témoins depuis la dernière guerre, mais ils sont plus spectaculai
1657 s les témoins depuis la dernière guerre, mais ils sont plus spectaculaires : les résultats des mutations récentes que j’énum
1658 s des mutations récentes que j’énumérais au début sont devenus généralement visibles et sensibles ; ils affectent l’ensemble
1659 s inventions les plus remarquables et « inouïes » sont désormais celles qui adaptent la technique à l’homme. J’écris ceci po
1660 evait renier plus tard les interprétations qui en furent faites. Envoyé aux USA et en Argentine pour y faire des conférences e
32 1962, Articles divers (1957-1962). La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
1661 rope, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposables. S’ils se ressemblent, c’est par leur complication, ou
1662 ’est par leur complication, ou par leur manière d’ être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra de
1663 es formes, de complexité des structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’
1664 militaires, agricoles, commerciales, après avoir été souvent sacrée. Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure, un co
1665 ong des routes frayées par les pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, b
1666 les pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on dirai
1667 de ville, le municipio, le Rathaus, le Town-Hall) soit ou non bâtie sur la place — et il se trouve qu’elle l’est en général
1668 on bâtie sur la place — et il se trouve qu’elle l’ est en général — c’est bien là qu’elle tire son sens originel. Les partis
1669 ur la place principale.) Lire et parler Il n’ est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la li
1670 moderne de l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet autre élément nécessaire de toute place digne
1671 s en vogue. La mairie, symbole de la commune, qui est dans le cadre concret du civisme, a survécu tant bien que mal, à plus
1672 pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce.
1673 d’arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’un renouveau de l’autonomie municipale. as. Rouge