1
ppellent Dieu, d’autres le Soi, ou le Total, ou l’
Être
, Ramakrishna disait : « Il n’y a aucune différence, que vous l’appeli
2
que vous l’appeliez ‟Toi” ou que vous pensiez ‟Je
suis
Lui”. » S’il n’y avait « aucune différence », il n’y aurait pas non p
3
res plans, pourtant, les différences éclatent. Ce
serait
faire tort à l’homme que de nier leurs liens avec certaines options f
4
d’Occident. Contraster les contenus de ces termes
sera
l’objet des essais de mise au point qui suivent. Certains penseront q
5
se au point qui suivent. Certains penseront qu’il
est
dangereux de souligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre en va
6
istingue, au lieu de mettre en valeur ce qui nous
est
commun ; qu’on risque ainsi de nourrir les préjugés, et de forcer, pa
7
faut voir aussi que l’union finale des esprits ne
sera
jamais acquise au prix du sacrifice de nos diversités vivantes ; elle
8
suppose bien plutôt la connaissance des raisons d’
être
de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les passer s
9
aix, les passer sous silence ou les minimiser, ce
serait
perdre d’avance les deux vertus majeures qui dénotent une union vérit
10
globale de l’Occident2. « La nuit, tous les chats
sont
gris », dit le proverbe. Mauvaise formule d’union, qui ne peut surviv
11
famille d’idiomes indo-européens dont le sanscrit
serait
le plus ancien témoignage. Admettons même entre l’Inde et l’Europe un
12
nte la divergence des évolutions ultérieures. À l’
Est
, l’Inde codifie les castes ; elle en ajoute même une3, multiplie les
13
ovation ou de variation individuelles ; l’au-delà
était
tenu pour plus réel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’é
14
n ou de variation individuelles ; l’au-delà était
tenu
pour plus réel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’évader
15
t et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne
sont
donc pas seulement des entités géographiques faciles à situer, sinon
16
storiques, dont les mélanges et superpositions ne
seraient
d’ailleurs pas moins féconds à étudier que leur distinction progressi
17
s à étudier que leur distinction progressive. Ils
sont
cela, sans nul doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies de l’h
18
gressive. Ils sont cela, sans nul doute, mais ils
sont
beaucoup plus : deux voies de l’homme, deux directions maîtresses de
19
s sur ce sujet fondamental6. Le récit d’Avicenne
est
une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, contrastant a
20
treprendre le voyage mystique vers l’Orient. Quel
est
ce cosmos symbolique ? À droite, l’Orient des Formes et du Soleil lev
21
ent d’ailleurs… » (Thème de l’Exil.) Et ce climat
est
un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guer
22
, de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y
sont
qu’un emprunt procuré d’un lieu lointain ». Entre l’Orient et l’Occid
23
u lieu de rencontre de la matière et de la forme)
est
une circonscription intermédiaire : « C’est celle que l’on connaît le
24
uquel l’auteur rattache d’ailleurs son conte, qui
est
une vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères s
25
ccidentale. Mais, du prestige de cet Orient qui n’
est
pas celui de l’atlas, l’Orient réel, qui va de la Perse au Japon béné
26
possible grandeur et d’une vérité difficile, qui
est
l’enjeu de son aventure. b) Incarnation et Excarnation. — Si nous pas
27
es, toutes les deux légitimes, de l’Ouest et de l’
Est
… (car) : le carré — ou mieux, le cube — est partout le symbole de la
28
de l’Est… (car) : le carré — ou mieux, le cube —
est
partout le symbole de la matière, et le cercle — ou la sphère — celui
29
de l’esprit. En sorte que la quadrature du cercle
est
la transformation de l’esprit en matière, ou encore la matérialisatio
30
mes de leur existence, et de les sauver là où ils
sont
, par la seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce
31
plus dénuée, et là découvre que la voie du salut
est
de refuser le monde, le corps et la souffrance, pour s’élever vers le
32
. Les deux mouvements — descente et remontée — ne
sont
qu’apparemment superposables ; car il s’agit en réalité dans le premi
33
le. (On perd en chemin le monde créé, sa raison d’
être
, la connaissance et la maîtrise de ses structures.) Le danger, pour l
34
ci des liens de Prakriti (le monde manifesté, qui
est
illusion) afin qu’elle aille vers l’Esprit, sachant ce qu’elle fait.
35
, si versé dans la Loi, et si maître de lui qu’il
soit
, un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la libération. » (Yo
36
fois les méfiances. Car chacun pense de l’autre :
est
-ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa recherche ? et
37
l’objet de sa recherche ? et cet objet lui-même,
est
-il vraiment réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait-ce p
38
ent réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne
serait
-ce pas, pense l’Occidental, une illusion psychologique chez les très
39
on psychologique chez les très rares qui disent y
être
parvenus, et pour les autres un solipsisme exténuant ?… Maîtriser les
40
t peut-être demain de la vie, pense l’Oriental, n’
est
-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illuso
41
ntal, n’est-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun
sera
tenté de tenir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévau
42
pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de
tenir
pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu’elles
43
puisqu’elles s’appliquent à une « réalité » qu’on
tient
elle-même pour illusion. Et il semble à chacun que les explications l
44
ications les plus sincères données par l’autre ne
sont
en vérité que des implications de son option fondamentale. Tautologie
45
cela ! c) Individu et Tradition. — Que l’Occident
soit
individualiste et l’Orient traditionaliste, il paraît difficile de le
46
personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne
seront
-ils jamais seuls ? L’individu peut-il vraiment compter, dans ce groui
47
grillagées, surmontés de clochetons baroques ? Ce
sont
des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et
48
liturgie, d’église organisée. L’Hindou grégaire n’
est
seul que devant le divin. L’Occidental, jaloux de sa vie privée, s’as
49
orps spiritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’
est
qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas d’iron
50
des rues et des places, l’homme des supercheries,
est
de son appartenance : il forme le bord, la lisière du monde du saint,
51
n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique
est
en forme de Boule, infinie et tout-englobante. En Occident, le moi et
52
té et le destin, la personne même et son individu
sont
en contradiction, tension ou dissension, et ne cessent de refaire le
53
n Inde, comme celle du mystique médiéval, ne peut
être
que fuite en l’Absolu. Ainsi le moi devient conscient et se détache,
54
se perdre en son accomplissement, puisque le moi
est
voie, et que la voie consiste à libérer progressivement une âme de l’
55
à libérer progressivement une âme de l’illusion d’
être
distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition : panthéisme ou Di
56
position : panthéisme ou Dieu personnel. Car il n’
est
pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît r
57
i interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel.
Soit
qu’on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon le système Sankya et le b
58
Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme —
soit
qu’on pense, selon l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il es
59
n l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il
est
Tout, et que le Tout ou le Réel n’est que le Moi pleinement réalisé e
60
mais qu’il est Tout, et que le Tout ou le Réel n’
est
que le Moi pleinement réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’y a
61
ouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je
sois
le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas de dialo
62
Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’
est
pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni par sui
63
ce, que vous l’appeliez Toi ou que Vous disiez Je
suis
Lui. » Nous y lisons maintenant la vraie définition de l’attitude rel
64
nition de l’attitude religieuse orientale. Car il
est
bien certain que l’identité qu’elle pose évacue l’existence personnel
65
tie blanche et un point blanc la partie noire. Il
est
ainsi montré que l’élément masculin n’est pas absent de la région du
66
ire. Il est ainsi montré que l’élément masculin n’
est
pas absent de la région du yin tandis que l’élément féminin reste pré
67
es, cette relation d’inter-présence des opposés n’
est
pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orient et de l’Occ
68
te phrase : « Écarte les choses, ô Amant, ta voie
est
fuite » ? De quelle yâna bouddhique relève celui qui a dit : « Il fau
69
nt d’un néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel
est
le mystique chrétien qui nous rappelle « qu’après avoir écarté tout a
70
e « qu’après avoir écarté tout attachement » et s’
être
engagé sur la voie de la connaissance divine, « il faut demeurer dans
71
oix, Eckhart, et la Bhagavad-Gita. Et pourtant il
serait
faux, plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans tout ». L
72
aux, plus encore que banal, de répéter ici « tout
est
dans tout ». La partie blanche contient un cercle noir, mais elle est
73
partie blanche contient un cercle noir, mais elle
est
blanche tout de même, et non pas grise. Que vaut un homme ? Et
74
? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce
sont
les résultantes majeures des complexes doctrinaux dont on vient de ra
75
aiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’
est
pas du tout le même. La foule de Bénarès n’est pas la foule de Lourde
76
n’est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’
est
pas la foule de Lourdes, même si l’on pense que Dieu reconnaîtra les
77
gnent vêtus ou nus. La croyance à la métempsycose
est
plus naturelle qu’on ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais ell
78
l’idée de son individualité. Mon second exemple,
est
emprunté à un essai de Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’h
79
du rang qu’il assigne au libre arbitre. Même sans
être
philosophe, il s’entend sur ce point aux distinctions les plus fines,
80
très hautes tours : deux guetteurs vêtus de blanc
étaient
en faction sur chacune d’elles. Le grand maître voulut faire voir au
81
lité, obéissance, sacrifice, ordre et discipline,
sont
ici arrachées de leur place ; l’horreur d’un monde étranger lui monte
82
specte en l’homme un noyau de liberté auquel il n’
est
pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provien
83
sous peine de devenir vain, et même vil, comme le
sont
des faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tou
84
s faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau
est
lésé, des tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction de nos deu
85
t. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’
est
pas moins significative, pour notre objet présent que les histoires q
86
qui n’a rien de bouddhique, enseigne que la mort
étant
le sort commun, tuer n’est vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance.
87
enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’
est
vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance. Qu’on découpe la victime e
88
a victime en tranches ou qu’on l’épargne, elle ne
sera
pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent-milliers de
89
qui revient, portant sa tête sous le bras ! Qu’en
est
-il de notre Occident ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur
90
Jünger, devant la cruauté des Orientaux ? Nous ne
sommes
pas moins cruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes d
91
x ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le
sommes
autrement. Car nous le sommes dans le drame, eux selon la magie. Null
92
ruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le
sommes
dans le drame, eux selon la magie. Nulle « sagesse » ne nous innocent
93
notre foi nous condamne. La cruauté de l’Oriental
est
fatidique, et par suite sans mesure, sans péché, sans contradiction n
94
, sans péché, sans contradiction ni remords. Elle
est
divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’une illusion tem
95
ontradiction ni remords. Elle est divine, et nous
sommes
criminels. Si le moi n’est qu’une illusion temporaire, celui qui tue
96
est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’
est
qu’une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui compte
97
te ; mais au contraire, si le moi libre et unique
est
une réalité tenue pour inviolable, rien ne peut justifier notre délir
98
constate. Il y a des différences. Et mon propos n’
est
pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparaison
99
il n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ceci
soit
dit ici une fois pour toutes. Il y a seulement deux expériences globa
100
mples dans le domaine religieux, de préférence. N’
est
-ce pas là que l’irritante question de la « supériorité » de ceci sur
101
n n’y dispose pas d’éléments mesurables, comme ce
serait
le cas au plan de l’économie ou de l’état social par exemple ? Je che
102
et leurs explications, que ces options pouvaient
être
surprises ; car on les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles so
103
n les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles
soient
causes premières ou effets ; qu’elles résument une série de facteurs
104
nséquences ont formé l’Occident. 1. L’Occident
étant
représenté, dans ce cas particulier, par la théologie orthodoxe des c
105
religieux de l’Inde qui conçoivent que le Tout n’
est
autre que le Je pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale des
106
projettent dans un passé qui souffre tout, sauf d’
être
vérifié, un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sudras,
107
indigènes assujettis ; les parias ou hors-castes
étant
les « résistants » au processus d’intégration sociale. 4. Il y a peu
108
que le nombre des dieux connus du panthéon hindou
est
estimé à 33 crores, c’est-à-dire 330 millions. 5. Je précise que dan
109
de l’Europe en Occident. C’est de l’hindouisme qu’
est
issu le bouddhisme, pour recouvrir ensuite le Tibet et la Chine, la M
110
donésie, enfin le Japon. C’est du catholicisme qu’
est
issue la Réforme, pour essaimer ensuite en Amérique du Nord. À la con
111
ques. Historiquement, la première confrontation s’
est
vue retardée pendant longtemps par le barrage de l’islam, et n’a pu s
112
dent, c’est la Grèce d’Aristote, et leur Orient n’
est
pas l’Inde ou la Chine, mais celui de la mystique « illuminée » de ce
113
sien, Hamburg, 1955. 10. L’adjectif traditionnel
est
pris ici dans son sens strict, initiatique et religieux, qui ne doit
114
strict, initiatique et religieux, qui ne doit pas
être
confondu avec « conservateur », « routinier », « réactionnaire », etc
115
inier », « réactionnaire », etc. « Traditionnel »
est
celui qui estime que la tradition religieuse rend nulle et non avenue
116
et que le but de la recherche humaine ne peut pas
être
le progrès ou l’invention, mais l’identification du chercheur avec un
117
tre I de L’Aventure occidentale de l’homme , qui
sera
publié chez Albin Michel en février 1957.
118
ais et les Suisses, les Suédois et les Castillans
sont
vus comme des Européens : il doit y avoir à cela quelque raison. Tout
119
ent au regard des Autres. Vue de dehors, l’Europe
est
évidente. L’histoire que nous vivons la définit avec une précision qu
120
doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il
est
bien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il est plus dangereux
121
ien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il
est
plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que
122
e ou scientifique à l’Europe qu’il faudrait unir,
sont
bien souvent les mêmes qui, faisant demi-tour, déclarent qu’on ne peu
123
assant notre tâche créatrice dans l’histoire, qui
est
l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas ici de politique, ma
124
nvoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’
est
qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cul
125
s. Or il se trouve que l’argument, précisément, n’
est
pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au pla
126
t pas soutenable au plan de la nation. Comment le
serait
-il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes
127
es différences. (Encore que les écoles d’État s’y
soient
efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de p
128
rope, et les dangers qu’on redoute de cette union
sont
également imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle
129
refuse l’union. 2° Si pittoresques et voyants que
soient
les contrastes entre Suédois et Grecs, par exemple, il n’en reste pas
130
oirs et les mêmes doutes, et malgré tout ce qu’il
serait
tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan milléna
131
cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne
serait
donc définissable que par sa culture, qui ne l’est guère. Conclusion
132
it donc définissable que par sa culture, qui ne l’
est
guère. Conclusion : il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut une, il
133
t le lecteur s’inquiète : il sent vaguement qu’il
est
en train de se laisser prendre dans une problématique artificielle, s
134
Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’
est
pas une entité, mais une pure et simple expression. En effet, selon l
135
dans l’espace […]. On a voulu que l’Empire romain
fût
une première ébauche de l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenha
136
cluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
tient
que l’Europe débute avec le Saint-Empire romain germanique, mais celu
137
Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous
est
pas mieux connue que ses limites. L’Europe ne serait-elle donc pas n
138
st pas mieux connue que ses limites. L’Europe ne
serait
-elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date d
139
’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art :
est
-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou
140
mande, ou senti son climat ? Ou de cette heure où
fut
écrite sa première page, posée sa première touche, noté son premier a
141
uvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre
est
là. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une inventio
142
congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe
est
née ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus d
143
ssus de leur « nation ». Mais l’adjectif européen
est
d’un usage bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain de la batai
144
ise de conscience d’une entité européenne ne peut
être
attestée à l’aide de documents qu’à partir de l’an 1300 : les premier
145
cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui
est
encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté a
146
telle, et (ce qui est encore plus important) ils
étaient
le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et politique d
147
uropa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
fut
d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius Piccolomini, puis
148
aguère avec éclat par Valéry. 6. Mais les nations
sont
venues se constituer, à partir du xviiie siècle. On nous rappelle, n
149
ppelle, non sans aigreur ni sans dédain, qu’elles
sont
la vraie réalité. Que dis-je, on les déclare même éternelles dans la
150
guant non seulement de ce qu’une pareille culture
est
difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’im
151
tu n’aies reçu ? dit l’Europe aux nations. Elles
seraient
bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la cultu
152
ement européenne ou non, la culture des Européens
est
tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou 27 États-nati
153
emier coup que les réalités décisives ont cessé d’
être
nationales au xxe siècle ? Notre économie, nos techniques, se dévelo
154
ier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale
soit
forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien s
155
urope. Que l’idée nationale soit forte encore, il
serait
absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrai
156
riotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’
est
pas la nation, elle est en général beaucoup plus petite. La nation cu
157
me politique. La patrie n’est pas la nation, elle
est
en général beaucoup plus petite. La nation culturelle n’est pas l’Éta
158
éral beaucoup plus petite. La nation culturelle n’
est
pas l’État, elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’on conf
159
tite. La nation culturelle n’est pas l’État, elle
est
en général beaucoup plus grande. Et si l’on confond tout, patrie, Éta
160
ait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle
est
née ? Et combien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes ra
161
ur former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui
est
vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas temps de faire voir à ces na
162
? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste
est
mythe…) N’est-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une
163
ines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’
est
-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée
164
re voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée
serait
seule en mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en
165
en sacrifierait que l’illusoire, j’entends ce qui
est
déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour aut
166
est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait
être
récupéré — pour autant que ce soit désirable — qu’au niveau de la féd
167
ui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce
soit
désirable — qu’au niveau de la fédération : la souveraineté peut-être
168
a fédération : la souveraineté peut-être (si elle
est
le droit d’un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’e
169
abrutissant) ; l’indépendance assurément (si elle
est
le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout ce
170
ste, plus ancien, et plus fort désormais que ne l’
est
aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’h
171
t aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’
est
encore, aujourd’hui, qu’un fait de culture au sens large. Prendre con
172
ce qu’elle requiert. Mais la condition suffisante
sera
donnée par d’autres efforts. 7. Nous débouchons ici dans le domaine p
173
s débouchons ici dans le domaine politique, qui n’
est
autre, à mon sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’un g
174
e d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait
être
défini par son cadre institutionnel, mais par un style de vie, un sys
175
comme on vient de l’indiquer, le rapport devrait
être
analogue au rapport entre forme et contenu. Une politique d’union ne
176
lle envisage d’unir. Cette politique, ensuite, ne
sera
valable que si elle exprime, traduit et tend à préserver ce qu’il y a
177
une union authentiquement européenne, ne saurait
être
que fédéraliste. En effet, nos diversités constituent le ressort prin
178
éfend avec tant de passion et de juste colère. Je
suis
très loin de mépriser l’Histoire ; je dis seulement que pour l’Histoi
179
lui-même peut écrire une Histoire de l’Europe. Je
suis
très loin de qualifier de sophistes ceux qui pensent néanmoins que l’
180
ou la tyrannie, le refus du Droit, la guerre à l’
Est
, le chauvinisme européen, etc. J’approuve au contraire M. Berl quand
181
e de rappeler que l’Europe ne peut et ne doit pas
être
regardée comme une entité ni comme une fin, mais comme un moyen. M. d
182
un moyen. M. de Rougemont me prouve que l’urgence
était
plus grande que je ne pensais. Il regarde comme “sophistes” ceux qui
183
comme “sophistes” ceux qui disent que l’Europe ne
sera
pas, si on ne la fait pas être : la plupart des “européens” furent do
184
nt que l’Europe ne sera pas, si on ne la fait pas
être
: la plupart des “européens” furent donc des sophistes. Guéhenno diri
185
ne la fait pas être : la plupart des “européens”
furent
donc des sophistes. Guéhenno dirigeait la revue : Europe, il ne pensa
186
la revue : Europe, il ne pensait pas que l’Europe
fut
déjà faite. M. de Rougemont me dit qu’il y a une Suisse, quoiqu’on pu
187
naissance. En effet. Mais on a généralement su où
était
, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, elle était neutre. Mais l’Eu
188
ait, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, elle
était
neutre. Mais l’Europe ? était-elle pendant la bataille de Stalingrad
189
En 14, en 39, elle était neutre. Mais l’Europe ?
était
-elle pendant la bataille de Stalingrad avec Staline ou avec Hitler ?
190
i ? Il ne suffit pas d’ignorer quand une personne
est
née pour avoir la certitude qu’elle vit. Filibusterie à part, je prét
191
concorde, non si elle attise la discorde entre l’
Est
et l’Ouest, si elle nourrit les affamés, non si elle les massacre, si
192
asse déjà sonner le sabre qu’elle n’a pas encore.
Est
-ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “filibusterie” consist
193
de sens que pour les professeurs.” Le mensonge n’
est
pas mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
194
les professeurs.” Le mensonge n’est pas mon fort,
fût
-ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
195
les corps non moins que les âmes, mettons que ce
fut
assez pour justifier le scepticisme amer de nos élites à l’égard de l
196
n avait trouvé son expression suprême. Et Kafka n’
était
plus que le Jean-Baptiste d’une sorte d’Évangile à rebours, « mauvais
197
poser un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’
est
attestée dans le soulèvement des écrivains unis aux paysans, des ouvr
198
venir Quatre-vingt-quatre. Et soudain, celle de l’
Est
lui répond Quarante-huit. C’est quatre-vingt-quatre inversé. Jamais c
199
t quatre-vingt-quatre inversé. Jamais chiffres ne
furent
plus chargés de symboles. Essayons de les interpréter. Tout ce qui c
200
tres, les arts et la philosophie, sait qu’il faut
être
subversif ou pessimiste, ou les deux à la fois, sous peine de ne plus
201
e ne plus compter. Inutile de citer des noms : ce
seraient
ceux, justement, que tout le monde connaît, la liste complète des mei
202
et persuadé de la valeur des conventions ; mais n’
est
-ce pas lui qui ouvrit, en 1919, le grand courant du pessimisme europé
203
qui nous rappelle d’abord que notre civilisation
est
mortelle comme les autres et prédit à la fin que nous allons vers la
204
et fonctionnaire du premier rang ; mais sa phrase
est
plus subversive que tout ce qui passe pour tel dans les cafés, et sa
205
tement il a choisi l’exil en soi. Tous les autres
sont
contre le siècle, d’une manière encore plus évidente, soit qu’ils att
206
re le siècle, d’une manière encore plus évidente,
soit
qu’ils attaquent avec acharnement la morale dite bourgeoise ou les rè
207
la morale dite bourgeoise ou les règles des arts,
soit
qu’ils opposent à l’anarchie flagrante des esprits quelque orthodoxie
208
lque orthodoxie restaurée, justifiant elle aussi,
fût
-ce par son seul échec, la dissidence de la pensée dans le monde moder
209
s influences dominantes sur nos élites créatrices
sont
celles de Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il
210
de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il
est
remarquable que ce siècle n’ait retenu du précédent que les génies an
211
la Morale athéiste. Tout ce qui compte en Europe
est
donc antibourgeois, j’entends bien dans le domaine de l’éthique et de
212
s par ses ancêtres. Et c’est elle aujourd’hui qui
est
prise d’angoisse devant ce qu’ils dénonçaient en vain. C’est elle qui
213
au vertige de l’histoire, s’imagine que son heure
est
passée, que le Prolétariat doit la déposséder, comme elle avait elle-
214
itiers de leurs ennemis ! La bourgeoisie du xixe
fut
optimiste en dépit des souffrances affreuses des prolétaires industri
215
t d’un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brother
sera
l’aboutissement. J’ai tu jusqu’ici deux grands noms, qui dominent po
216
un zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès n’
est
pas dû à la lecture de leurs œuvres ardues et complexes, mais à l’int
217
emps », au double sens de l’expression. Que Freud
soit
dépassé dans son propre domaine, et surtout débordé par le retour en
218
le retour en force de réalités religieuses qu’il
tenait
pour autant d’illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes ses pré
219
u’il tenait pour autant d’illusions ; que Marx se
soit
trompé dans toutes ses prévisions (sauf dans celle sur l’avenir du de
220
ialectique, devenue sans prises sur les faits, en
est
réduite à restaurer des dogmes à coups de mensonges. Si les ouvriers
221
coups de mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne
sont
pas des « fascistes importés », la dialectique n’est plus qu’une « my
222
pas des « fascistes importés », la dialectique n’
est
plus qu’une « mystification » comme eût dit Marx lui-même, et le « mo
223
d’opposition redevient créateur. Et la question n’
est
plus de supputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais de la fai
224
e rêve d’angoisse avec notre avenir historique, à
tenir
cette logique démente pour l’annonce d’une fatalité. A-t-il vraiment
225
un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui
serait
, en fin de compte, la vraie réalité ? On pourrait s’inquiéter si d’au
226
dépendants d’ailleurs des récents événements de l’
Est
, ne venaient corroborer un optimisme neuf. Budapest a gagné sa partie
227
agné sa partie — moralement. Admettons que cela n’
est
pas tout. Mais qu’en est-il de l’Occident ? Trois représentations va
228
nt. Admettons que cela n’est pas tout. Mais qu’en
est
-il de l’Occident ? Trois représentations vagues mais obsédantes asso
229
liberté. Première illusion fataliste : « L’URSS
est
l’avenir… » — L’URSS était le paradis de la classe ouvrière, les USA
230
ion fataliste : « L’URSS est l’avenir… » — L’URSS
était
le paradis de la classe ouvrière, les USA le dernier bastion du capit
231
paupérisation croissante des travailleurs. L’URSS
était
donc l’avenir, tandis que les USA se voyaient condamnés par le « mouv
232
ndamnés par le « mouvement de l’histoire ». Telle
était
la religion des « progressistes ». Voyons les faits. Nul n’ignore que
233
s les faits. Nul n’ignore que l’ouvrier américain
est
le plus riche du monde, l’ouvrier soviétique l’un des plus pauvres. C
234
remise au travailleur des fruits de son travail,
serait
l’œuvre du communisme. Or l’examen des chiffres et des faits conduit
235
uve dans la première. » « Il n’empêche que l’URSS
est
l’avenir ! », répéteront nos maniaques de l’Histoire. Drôle d’avenir,
236
en vérifier les résultats, on voit que le progrès
est
à l’Ouest, le servage et la loi d’airain à l’Est, et qu’une classe ou
237
est à l’Ouest, le servage et la loi d’airain à l’
Est
, et qu’une classe ouvrière mieux informée qu’endoctrinée, si elle a à
238
er que l’avenir, aux yeux de ces Hongrois, s’il n’
est
pas l’URSS n’est pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles raiso
239
aux yeux de ces Hongrois, s’il n’est pas l’URSS n’
est
pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles raisons. Mais que vale
240
elles ? Deuxième illusion fataliste : « L’Europe
est
condamnée. » — L’Europe détrônée par deux guerres et ruinée par sa di
241
ns » — incapables d’ailleurs de prouver qu’ils le
sont
— se voyait promise par l’Histoire à des partages ignominieux : l’Est
242
ise par l’Histoire à des partages ignominieux : l’
Est
aux Russes, l’Ouest à l’Amérique, et le Centre neutralisé. Sa décaden
243
e l’Europe, CECA, le Marché commun et Euratom. Il
serait
plus qu’étrange qu’on puisse l’arrêter là. L’Assemblée constituante e
244
’on puisse l’arrêter là. L’Assemblée constituante
est
sa prochaine étape. Un Pouvoir fédéral devrait en résulter, car tout
245
t en résulter, car tout l’appelle et sa nécessité
est
inscrite dans les faits, si elle ne l’est pas encore dans l’esprit de
246
cessité est inscrite dans les faits, si elle ne l’
est
pas encore dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun de nos Éta
247
que, ni commercer comme il l’entend. Aucun donc n’
est
indépendant. Mais ils peuvent l’être tous ensemble, et ils commencent
248
Aucun donc n’est indépendant. Mais ils peuvent l’
être
tous ensemble, et ils commencent à le savoir. 330 millions d’habitant
249
du rideau de fer, plus 100 millions récupérés à l’
Est
, feraient un ensemble supérieur aux Soviétiques et aux Américains add
250
étie, qui deviendra vraie, celle de Proudhon, qui
fut
quarante-huitard : « Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou
251
ra un purgatoire de mille ans. » Au fait, nous en
sommes
là, ce n’est plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce q
252
de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’
est
plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en fe
253
ique va dominer nos existences disciplinées. C’en
sera
fait de la liberté, et du droit d’hésiter, d’errer… Les savants, appr
254
es jours. Qui ne l’a pas dit ? Curieusement, tout
est
faux dans ce langage ; tout n’est que manière de parler abusivement p
255
ieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’
est
que manière de parler abusivement prise à la lettre, et donc fautive.
256
s envahissent nos vies ? Si seulement ! Car elles
sont
très chères. Mais jamais une Talbot n’est entrée dans ma cour, sponta
257
elles sont très chères. Mais jamais une Talbot n’
est
entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir. Et
258
vous agace, vous vous décidez à répondre. Vous n’
êtes
donc pas l’esclave du téléphone, mais de votre seule curiosité. Le rè
259
l’ordre exprès d’un président, d’un général. Ce n’
est
pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux électroni
260
un président, d’un général. Ce n’est pas elle qui
est
dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux électroniques (par métapho
261
aient eu le droit de maudire la technique, ce ne
sont
pas les bourgeois de ce siècle, ni leurs penseurs, mais bien les ouvr
262
la tyrannie des rythmes mécaniques. Eux seuls se
sont
vus transformés en « compléments vivants d’un mécanisme mort », selon
263
du sans pareil s’attache à ce mot synthétique. Qu’
est
-ce qu’un robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des million
264
ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’
est
pas un homme automatique, comme des millions de personnes le croient
265
r Karl Marx et Proudhon, que l’on n’écoutait pas,
tenait
à la semi-automatisation de la production industrielle. Tout retour e
266
a production industrielle. Tout retour en arrière
étant
exclu, le remède devait être cherché dans l’automatisme total, libéra
267
t retour en arrière étant exclu, le remède devait
être
cherché dans l’automatisme total, libérant l’ouvrier non seulement de
268
qu’imposaient la machine et la chaîne. Le remède
était
donc le robot, dont l’application générale prit récemment le nom angl
269
le prit récemment le nom anglais d’automation. Il
est
curieux que la pensée occidentale, découvrant le péril avec cent ans
270
es servitudes mécaniques. Mais ses effets médiats
seront
plus étendus. Ils sont littéralement incalculables. L’usine sans ouvr
271
Mais ses effets médiats seront plus étendus. Ils
sont
littéralement incalculables. L’usine sans ouvriers, produisant jour e
272
ti communiste, ni même de la classe ouvrière, qui
sera
l’agent du dépassement concret des conflits institués par la techniqu
273
ens. C’est le problème des moyens de culture, qui
seront
mis à contribution, sur une échelle brusquement agrandie. C’est, au-d
274
os illusions mais aussi de nos scepticismes. Ce n’
est
pas l’accroissement de nos biens, ni la solution de nos maux, car tou
275
lution de nos maux, car toute solution concevable
serait
la fin de notre liberté. J’imagine au contraire le progrès véritable
276
il y a trop à dire, et d’autres vont parler. Je n’
étais
pas venu pour conclure, mais pour ouvrir des portes. f. Rougemont
277
ectrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’
est
entendu pour trouver dans l’œuvre de Denis de Rougemont un livre qui
278
ure de l’homme occidental (Albin Michel, éd.) qui
est
aujourd’hui orné de ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont,
279
quelqu’un qui se levait pour déclarer : Mais ce n’
est
pas possible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ? J’ai donc aujour
280
otographier, moi, auprès du Maréchal ? Moi qui ne
suis
que lieutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure de l’homme occiden
281
paraît simultanément à New York, Londres et Paris
est
destinée, me dit Denis de Rougemont, à répandre un peu plus les raiso
282
urope. On sait que cet historien, ce philosophe s’
est
, depuis dix ans, consacré à militer pour l’idée de faire l’Europe com
283
é à militer pour l’idée de faire l’Europe comme a
été
faite l’Amérique. Il suffit, dit-il, de se trouver en Amérique, pour
284
en Amérique, pour savoir que l’Europe existe, ne
serait
-ce que dans l’esprit des Américains qui ne veulent pas savoir qu’il y
285
ce que j’ai tenté dans mon livre et ma conclusion
est
tout à fait optimiste : on parle en effet de décadence de l’Europe. M
286
s où voit-on cette décadence ? La planète entière
est
en train de s’occidentaliser. Personne ne se convertit au mode de vie
287
in justifie les moyens. À condition que cette fin
soit
juste et, pour s’opposer à Nietzsche, en considérant que, par exemple
288
, en considérant que, par exemple, la puissance n’
est
pas une fin juste. Le second ouvrage essaiera de situer cette morale
289
nous satisfaisant de la version en oratorio qui a
été
tirée de cet opéra où Rougemont sut se montrer poète et où Honegger t
290
de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne
soit
livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé. Je prends des notes. A
291
i L’énoncé des plus hautes valeurs européennes
tient
dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur r
292
e, elle n’ira pas plus haut, peut-être ; mais qui
serait
en mesure d’exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’auj
293
le monde d’aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle
est
loin de tels sommets, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’e
294
l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais ce
sont
tout de même ses sommets. Elle n’est pas souvent digne de ces œuvres,
295
ts, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’
est
pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les a créées. No
296
» l’ignorent ; ils voient plus facilement ce qui
est
beaucoup plus bas, au niveau du contact brutal entre leurs coutumes e
297
r sagesse quotidienne et nos machines. Nos péchés
sont
criants, et tout Bandung les crie, mais il n’entend pas nos grandeurs
298
ais il n’entend pas nos grandeurs, car la musique
est
le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est un
299
réflexion sur nos valeurs occidentales ne saurait
être
académique ; elle s’inscrit dans une situation dominée par le malente
300
simple, je crois : la diffusion de nos valeurs n’
est
pas co-extensive avec celle de nos produits et n’en est pas non plus
301
s co-extensive avec celle de nos produits et n’en
est
pas non plus contemporaine ; elle reste loin derrière dans l’espace e
302
este loin derrière dans l’espace et le temps. Tel
est
le drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples de la Terre. Si l
303
civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’
est
pas loin de recouvrir l’ensemble des terres habitées, mais que la den
304
’Asie Mineure turque, en passant par les Balkans,
est
demeuré sans nul doute moins occidental que ne le sont devenus le Can
305
demeuré sans nul doute moins occidental que ne le
sont
devenus le Canada, le Chili ou l’Australie. Vient ensuite l’empire de
306
dépens de valeurs européennes plus complexes, qui
furent
éliminées avec les anciennes classes, et de valeurs autochtones et po
307
un planisphère, ces zones de diffusion pourraient
être
représentées par une petite tache d’un rouge sombre sur l’Europe médi
308
e médiane tandis que les Amériques et l’Australie
seraient
en rouge vif, les franges sud-est de l’Europe en rose, et l’URSS en q
309
ent, des stries plus ou moins serrées. Le Japon s’
est
notoirement occidentalisé depuis la seconde moitié du xixe siècle. L
310
nos produits et celui de nos valeurs régulatrices
est
en train de fomenter dans le monde entier des tensions inquiétantes,
311
» Une autre fois, il me raconte que sa femme, qui
est
une Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une écol
312
connaissaient pas. Ainsi chaque machine exportée
est
, en fait, un cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et reti
313
avec anxiété, non point de les laisser comme ils
sont
, dans leur « sagesse » intacte et leur famine, mais de déclarer nos v
314
la liberté et de la justice, le but de la justice
étant
de protéger les libertés et la garantie interne des libertés consista
315
du prochain. On voit sans peine que nos produits
sont
les plus faciles à exporter et les plus rapidement acceptés hors d’Eu
316
hors d’Europe ; que nos principes de vie publique
sont
officiellement invoqués, mais principalement contre nous, et dans la
317
condamnent notre présence ; enfin que nos valeurs
sont
difficiles à « vendre » (au sens américain du verbe) et sont le plus
318
iles à « vendre » (au sens américain du verbe) et
sont
le plus souvent totalement ignorées. Mais ce qu’il m’importe de montr
319
croyance profonde que le cosmos, créé par Dieu, n’
est
pas absurde ni soumis aux caprices des divinités monstrueuses ; il va
320
e d’en scruter les lois et il attend de l’homme d’
être
compris, révélé, voire sauvé, selon saint Paul. Quant à nos principes
321
i en illustra la haute portée morale ; la seconde
fut
définie par les premiers conciles, à l’occasion des grands débats sur
322
santes ou socialisantes de nos institutions. Tels
étant
les liens innombrables qui unissent les attitudes fondamentales de la
323
Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’
est
qu’en vertu d’un accident de l’histoire que la France paraît seule en
324
se dans cette affaire, car en réalité le problème
est
mondial, il concerne tout l’Occident, dans ses relations avec le Mond
325
emps que nos créations. On voit que l’alternative
est
utopique, chacun de ses termes l’étant. Il nous reste à trouver des f
326
’alternative est utopique, chacun de ses termes l’
étant
. Il nous reste à trouver des formules d’équilibre ou de compromis tol
327
ité tout entière. 17. Chacun sait que « Naples
est
la seule ville orientale qui n’ait pas de quartier européen ». h. R
328
ier livre, L’Aventure occidentale de l’homme , a
été
analysé dans notre n° 3. M. de Rougemont dirige le Centre européen de
329
de fer — en attendant les 98 millions retenus à l’
est
dans l’orbite russe — la seule réussite dans douze ans d’institutions
330
ques ne peut évidemment suffire ; mais leur échec
serait
bientôt mortel. Or le Marché commun des Six, la zone de libre-échange
331
sa voix détermine l’économie de son pays, que ce
soit
d’une manière directe comme en Suisse, ou plus souvent par députés in
332
alement inaccessibles au grand public, même s’ils
sont
édités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’être lus que par l
333
dités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’
être
lus que par leurs étudiants et leurs collègues. Entre un public ignor
334
faudrait y réfléchir en groupe, car ces problèmes
sont
trop complexes pour le plus génial des chercheurs, s’il reste seul. M
335
is qui le fait ? Les experts des gouvernements ne
sont
pas libres. Les chercheurs libres ne sont pas groupés. C’est pourquoi
336
ents ne sont pas libres. Les chercheurs libres ne
sont
pas groupés. C’est pourquoi le Centre européen de la culture a jugé u
337
ue se passerait-il si… les frontières économiques
étaient
supprimées en Europe ? Telle était la règle du jeu. Nous ne demandion
338
économiques étaient supprimées en Europe ? Telle
était
la règle du jeu. Nous ne demandions pas comment faire pour obtenir l’
339
acquis plus encore qu’aux résultats prévisibles —
soit
garante du sérieux avec lequel ils ont essayé néanmoins de répondre à
340
néanmoins de répondre à notre question. Nous nous
étions
efforcés de les persuader dès l’abord qu’il importait de réduire cert
341
oir toujours calculé son prix. Nos économistes se
sont
réunis deux fois, à six mois de distance, et leurs débats ont été cha
342
fois, à six mois de distance, et leurs débats ont
été
chauds. Tout parti pris de militant leur eût paru indigne d’une attit
343
n tempéré se dégage de leurs études, dont le plan
fut
arrêté en commun, la rédaction strictement individuelle, et la mise a
344
e pouvons-nous attendre de ces études ? Nous nous
sommes
refusés à leur donner après coup le tour journalistique qui leur eût
345
nséquence lugubre et fatale de l’union politique,
sont
parfois en réalité des adversaires politiques de cette union et le so
346
rt de la culture leur importe très peu ; mais ils
sont
plus souvent les innocentes victimes d’une illusion scolaire : ils on
347
. On ne perdra pas son temps à expliquer que tout
est
faux dans ces notions, hélas ! courantes, mais qu’aucune science dign
348
9. Le seul problème sérieux qui doit nous occuper
est
le suivant : étant donné qu’il faut unir l’Europe pour les motifs que
349
me sérieux qui doit nous occuper est le suivant :
étant
donné qu’il faut unir l’Europe pour les motifs que nous indique clair
350
une telle institution devra montrer que l’Europe
est
d’abord une culture, qu’elle doit à sa culture d’avoir dominé le mond
351
e meilleur et pour le pire ; et que cette culture
est
commune à tous les peuples de l’Europe, puisque leurs nations mêmes e
352
uples de l’Europe, puisque leurs nations mêmes en
sont
nées, non l’inverse. D’autre part, cette institution devra s’efforce
353
On ne fera pas l’Europe sans sa culture, car ce
serait
faire l’Europe sans ce qui la définit. Cette culture fonde et manifes
354
nit. Cette culture fonde et manifeste l’unité qui
est
la vraie base de notre union ; mais d’autre part, elle seule peut exp
355
’union. On ne fera pas l’Europe en répétant qu’il
est
indispensable de s’unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant des
356
, il fallait ratifier des traités. Mais voilà qui
est
fait désormais. La condition nécessaire est acquise non la condition
357
à qui est fait désormais. La condition nécessaire
est
acquise non la condition suffisante. Celle-ci ne sera pas donnée par
358
acquise non la condition suffisante. Celle-ci ne
sera
pas donnée par la fatalité, qui joue toujours perdant sur l’homme, ma
359
is que la grande question de l’union européenne s’
est
trouvée posée, au lendemain de la dernière guerre ? Parallèlement aux
360
ope, issu d’une résolution du congrès de La Haye,
est
constitué neuf mois plus tard, et comporte dès le début une direction
361
cipants. Une Fondation européenne de la culture a
été
créée à Genève en 1954, et opère depuis cette année à Amsterdam. Enfi
362
sans parler de milliers de brochures. Cet effort
est
immense. Est-il trop dispersé pour porter plein effet ? Est-il suffis
363
de milliers de brochures. Cet effort est immense.
Est
-il trop dispersé pour porter plein effet ? Est-il suffisamment souten
364
e. Est-il trop dispersé pour porter plein effet ?
Est
-il suffisamment soutenu par les pouvoirs publics et le mécénat privé
365
mécénat privé pour répondre aux défis du temps ?
Est
-il coordonné à la mesure des besoins ? Aurait-il réussi à s’imposer à
366
qui existent par milliers en Amérique du Nord. Il
serait
temps que nos États prennent conscience de ces deux vérités primordia
367
ette culture, elle se réduirait vite à ce qu’elle
est
sur la carte : 4 % des terres du globe (et très pauvres en matières p
368
riques, qui précèdent. La mission générale du CEC
est
de contribuer à l’union de l’Europe en ralliant les forces vives de l
369
é sous les auspices du Mouvement européen, le CEC
est
issu des délibérations du congrès de La Haye (mai 1948). Dès février
370
949, et formula le programme du CEC L’institution
fut
inaugurée à Genève le 7 octobre 1950. Elle n’est rattachée à aucune o
371
fut inaugurée à Genève le 7 octobre 1950. Elle n’
est
rattachée à aucune organisation internationale officielle, ni à aucun
372
ouit de la personnalité juridique. Ses ressources
sont
assurées par des dons et subventions provenant de sources privées ou
373
e ses publications. Le choix des objectifs du CEC
est
déterminé par deux critères : l’urgence d’un problème culturel qui se
374
tion constamment subordonnée à l’efficacité, tels
sont
les traits qui distinguent cet organisme privé et européen de la plup
375
sant dans le cadre d’un programme commun. Quelles
sont
donc les grandes lignes de ce programme ? Laissant de côté des réalis
376
? Laissant de côté des réalisations passées, qui
furent
entre autres le Congrès de compositeurs et critiques musicaux à Rome,
377
mondial, si elle unit ses forces pendant qu’il en
est
temps. Le Centre a donc suscité dans plusieurs de nos pays des expér
378
ces-pilotes d’éducation européenne prenant appui
soit
sur le corps enseignant d’une région donnée, soit sur des foyers de c
379
soit sur le corps enseignant d’une région donnée,
soit
sur des foyers de culture populaire en milieu rural ou urbain. Il leu
380
Une série, de films documentaires sur l’Europe
est
en cours de réalisation. Enfin, l’information de la presse est assuré
381
de réalisation. Enfin, l’information de la presse
est
assurée par les Actualités européennes , fascicule mensuel distribué
382
urel » peut servir à désigner (sinon à définir) n’
est
pas un mal en soi, bien au contraire. Cette multiplicité traduit les
383
traduit les diversités réelles et organiques qui
sont
l’une des sources de la vitalité et des tensions fécondes de notre cu
384
’agit nullement de les uniformiser. Cependant, il
est
urgent de leur offrir les moyens pratiques d’échanger leurs expérienc
385
ces et leurs assemblées, un effort parallèle doit
être
entrepris dans le domaine de la culture. Coordonner les autonomies, t
386
la culture. Coordonner les autonomies, telle doit
être
à mes yeux la devise, spécifiquement fédéraliste, de cet effort. Un a
387
e faire accepter à lui tout seul. Ces difficultés
sont
d’ordre culturel (spirituel et sociologique à la fois) bien avant d’ê
388
spirituel et sociologique à la fois) bien avant d’
être
politiques. Là encore, l’Europe mise au défi en tant qu’ensemble cult
389
4 en Suisse, 2 en Belgique, tandis que l’allemand
est
parlé dans 6 nations, le français dans 5, etc. Le folklore révèle pré
390
unauté de traditions de tous nos peuples. Le Rhin
serait
une frontière naturelle, mais le Danube et le Rhône des liens naturel
391
L’autre répond dans la rigueur de sa pensée : il
est
chez lui. Que dit Einstein ? Il dit que, la guerre étant devenue le f
392
hez lui. Que dit Einstein ? Il dit que, la guerre
étant
devenue le fait des nations, il faut créer l’autorité législative et
393
mais dénué d’illusions. Non, la force, dit-il, n’
est
pas le contraire du droit. Car le droit n’est en somme qu’une autre f
394
, n’est pas le contraire du droit. Car le droit n’
est
en somme qu’une autre forme de la violence inévitable. C’est la viole
395
lusieurs faibles ». La violence d’un seul ne peut
être
brisée que par l’union de ses victimes, fondant sur l’intérêt et sur
396
elie les hommes ; d’autre part, à l’autorité : ce
serait
celle d’une élite véritable de chefs, défenseurs supérieurs qui dirig
397
La « classe régnante » et les marchands de canons
tiendraient
la presse, l’école et les « organisations religieuses ». Ils dominera
398
« règne » en Occident, il y a beau temps que ce n’
est
plus une classe ! Les décisions qui font l’histoire concrète, et l’op
399
r d’une même nation, la résultante de leur action
serait
modifiée ou, dans certains cas, annulée par la pression contraire d’a
400
. L’idée d’une classe régnante fauteuse de guerre
est
d’un autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’étonner qu’Einstein
401
rentes, parviennent à cette même conclusion, mais
sont
d’accord aussi pour redouter que la force suffisante manque au législ
402
arme assez puissante pour que le pouvoir central
soit
obéi… Or, prenez garde : nous sommes en 1932. Einstein déplore que le
403
ouvoir central soit obéi… Or, prenez garde : nous
sommes
en 1932. Einstein déplore que le super-État qu’il rêve soit dépourvu
404
32. Einstein déplore que le super-État qu’il rêve
soit
dépourvu d’une force à sa mesure. Il la cherche en vain, ne voit rien
405
sant à Roosevelt de fabriquer la bombe. Tout ne s’
est
-il point passé comme si le calcul profond du daimôn qui habitait en l
406
it la guerre impossible ? En fait, la situation s’
est
renversée. Ce n’est pas un super-État qui attend son arme, mais cette
407
ble ? En fait, la situation s’est renversée. Ce n’
est
pas un super-État qui attend son arme, mais cette arme qui attend un
408
evenir, par une évolution, l’État fédéral qu’elle
est
aujourd’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au terme d’une crise de
409
et d’inexistence d’un pouvoir central. Et cela s’
est
produit entre le 17 février et le 17 novembre 1848. Ce raccourci dema
410
anachronisme. Car ce qui se produisit ce jour-là,
fut
simplement la signature d’un pacte entre les trois « communes » rural
411
maîtresses des débouchés nord du Gothard. Ce col
était
le seul à relier au travers d’une seule chaîne des Alpes les moitiés
412
de la mission singulière de ce pays. En effet, ce
fut
bien pour assurer la garde du col au nom de l’Empire, contre les entr
413
it, il a duré jusqu’à nos jours. Mais ses auteurs
étaient
bien loin de se douter qu’ils fondaient un État nouveau, lequel serai
414
e douter qu’ils fondaient un État nouveau, lequel
serait
un jour, la Suisse. Cette première alliance locale d’hommes libres de
415
is : « La Suisse ne ressemble à aucun autre État,
soit
par les événements qui s’y sont succédé depuis des siècles, soit par
416
aucun autre État, soit par les événements qui s’y
sont
succédé depuis des siècles, soit par sa situation géographique et top
417
énements qui s’y sont succédé depuis des siècles,
soit
par sa situation géographique et topographique, soit par les différen
418
t par sa situation géographique et topographique,
soit
par les différentes langues, les différentes religions et cette extrê
419
e État fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas
être
d’un homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d
420
lpes, le Jura, le lac de Constance et le Léman, n’
était
donc encore, après cinq siècles, guère plus qu’une simple Ligue d’Éta
421
éon venaient de susciter les passions nationales,
était
celui du renforcement de leur unité et de la création d’un État. Il e
422
ent de leur unité et de la création d’un État. Il
est
remarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de ce problème dan
423
tenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils ne
furent
pas les seuls à poser ce problème, dans l’Europe du xixe siècle, ils
424
r ce problème, dans l’Europe du xixe siècle, ils
furent
les seuls à le résoudre d’une manière efficace et durable. 2. Cris
425
ès appréciable, pendant trente-trois ans. Elle ne
fut
résolue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain d’une guerre civil
426
à l’Europe d’aujourd’hui. Les cantons souverains
étaient
les maîtres incontestés de leur politique économique. On comptait alo
427
s et 50 poids différents. » Le régime monétaire n’
était
pas moins chaotique. « Incapables de s’entendre sur aucune mesure com
428
Heinrich Zschokke). Politiquement, la situation n’
était
pas meilleure. Nulle autorité centrale et incontestée ne pouvait parl
429
pratiquement requise pour les grandes décisions n’
était
jamais atteinte. (Les députés votaient sur instructions de leur État.
430
ructions de leur État. La chancellerie fédérale n’
était
qu’un bureau chargé de préparer les affaires, et changeait de résiden
431
industriel, misérable et inhumainement exploité s’
était
formé dans les cantons urbains ; et dans les cantons ruraux, les jeun
432
on du Pacte fédéral. Une commission de 15 membres
fut
chargée de rédiger un projet de Constitution. Le rapport qu’elle prés
433
a Suisse, comme si la grande forteresse des Alpes
était
un désert livré au premier occupant ». Il décrivait la paralysie qui
434
ls doivent, pour ainsi dire, servir deux maîtres,
être
tour à tour les hommes de la Confédération et les hommes du canton… I
435
de la Confédération et les hommes du canton… Il n’
est
, ce me semble, aucun motif de conserver un pareil état de choses… Rie
436
sses : « Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous
est
point étrangère… Et quoi qu’en disent les détracteurs des temps moder
437
te anxiété elle-même, et ce malaise général qu’il
est
impossible de méconnaître, et cette espérance que dans un nouveau Pac
438
, les cantons conservant « tous les droits qui ne
sont
pas expressément cédés au pouvoir fédéral ». La Ligue des cantons, en
439
judiciaires, administratifs et militaires, devait
être
transformée en un État moderne de forme fédérative. L’éloquence de Ro
440
proposer à la ratification populaire. Le verdict
fut
négatif dans deux cas. L’opposition avait joué sur la « réalité prépo
441
s savaient que les grandes puissances voisines se
tenaient
prêtes à intervenir pour empêcher toute modification de régime favora
442
ue littéral de la guerre de Sécession américaine)
fut
suivie avec passion par l’opinion européenne, et apporta par son issu
443
qu’en retour, l’imminence des révolutions de 1848
fut
un facteur important du succès des radicaux suisses : elle retarda ou
444
ême paralysa l’action des Puissances. La campagne
fut
menée avec décision, rapidité et humanité. En 26 jours, les cantons c
445
ours, les cantons catholiques, battus séparément,
étaient
amenés à la reddition. L’étranger n’avait pas eu le temps d’interveni
446
le 17 février 1848. La majorité des commissaires
étaient
des chefs de gouvernements cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’
447
mière réunion, ils décidèrent que leurs débats se
tiendraient
à huis clos, ceci surtout pour accélérer les travaux, éviter les disc
448
— relatent ordinairement le contraire de ce qui s’
est
dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de 31 séances p
449
aient du projet de 1832, mais les plus importants
furent
le fruit original des discussions du groupe. Dès le 15 mai, le projet
450
ussions du groupe. Dès le 15 mai, le projet ayant
été
transmis préalablement aux cantons, la Diète en aborda l’examen. Une
451
t en tout que six semaines. Le 27 juin, le projet
était
accepté par les deux tiers environ des représentants des cantons. La
452
fédéral, inaugurant un régime qui ne devait plus
être
remis en question jusqu’à nos jours. L’essor économique, social et cu
453
ue, social et culturel de la nouvelle Suisse unie
fut
immédiat. Aucune des catastrophes prédites et calculées par les adver
454
érite pas seulement l’épithète de fédérale : elle
est
précisément fédéraliste, dans ses visées comme par ses principales di
455
iers. Enfin et surtout, le problème théoriquement
tenu
pour « insoluble » de l’abolition des souverainetés nationales se tro
456
ge ou solution de sagesse, voici ce compromis qui
tient
en trois articles : Article 1. Les peuples des vingt-deux cantons so
457
la Confédération suisse. Article 3. Les cantons
sont
souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la con
458
s sont souverains en tant que leur souveraineté n’
est
pas limitée par la constitution fédérale, et, comme tels, ils exercen
459
, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne
sont
pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. La Confédération garanti
460
e-témoin L’adoption de la Constitution de 1848
est
saluée par la quasi-unanimité des historiens suisses comme l’événemen
461
ar le mouvement de 1848, la Constitution fédérale
fut
présentée au peuple comme un compromis, non point comme le gage du tr
462
liste authentique… Nulle mesure de transition ne
fut
prévue entre l’ordre (ou le désordre) traditionnel et le nouveau régi
463
ent des citoyens d’un canton dans un autre, avait
été
présentée par les opposants comme devant fatalement semer le chaos et
464
s et traditions locales si chères aux Suisses. Ce
furent
ces craintes, précisément, qui se révélèrent, dans le fait, « rêverie
465
nomique d’un riche canton industriel comme Zurich
fut
immédiate ; celle d’un pauvre canton rural comme Glarus (son voisin)
466
frontières économiques. Notons en passant qu’il n’
est
pas un des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été rep
467
rguments des opposants à l’union suisse qui n’ait
été
repris, dans les débats actuels, par les opposants à l’union européen
468
e dans la grande Europe moderne, les problèmes ne
sont
pas homologues de ceux de la petite Suisse du siècle dernier. A-t-on
469
rendre à Paris ou à Bruxelles ? L’Europe actuelle
est
pratiquement plus petite que la Suisse de 1848. Ses États souverains
470
te que la Suisse de 1848. Ses États souverains ne
sont
guère plus différents entre eux que ne l’étaient les paysans primitif
471
ne sont guère plus différents entre eux que ne l’
étaient
les paysans primitifs d’Appenzell des patriciens cosmopolites de Genè
472
nzell des patriciens cosmopolites de Genève ; ils
sont
moins nombreux, et souvent, de moins ancienne tradition nationale… Si
473
des communes italiennes, françaises et flamandes,
était
apparu comme une réaction tardive, une exception, dont les destinées
474
rdive, une exception, dont les destinées devaient
être
exceptionnellement heureuses. « La Confédération suisse est le seul m
475
ionnellement heureuses. « La Confédération suisse
est
le seul mouvement qui ait survécu au combat pour l’idée démocratique
476
sente le résultat d’une révolution générale qui a
été
vaincue partout ailleurs »26. De même, la guerre du Sonderbund a prod
477
se. Elle concerne le sens du mot fédéralisme, qui
est
le mot-clé de l’histoire suisse. Les radicaux de 1848 voulaient une v
478
saient au contraire « fédéralistes », bien qu’ils
fussent
opposés à tout ce qui menaçait de diminuer les souverainetés locales
479
eux qui s’intitulent « fédéralistes », en Suisse,
sont
les adversaires de toute extension du pouvoir central, tandis que ceu
480
i s’intitulent « fédéralistes » au plan européen,
sont
les partisans d’une union institutionnelle de nos pays. Cette contrad
481
ification forcée. Cette dialectique, en Suisse, n’
est
pas abstraite : elle exprime la vie même de la Confédération, et donn
482
Bibliographie Les sources de l’histoire suisse
sont
cantonales et locales, jusqu’au xixe siècle. Nous ne pouvons songer
483
réfugié politique au début de la Restauration, il
fut
le premier professeur catholique à l’Académie de Calvin et l’ornement
484
ontraires, d’une certaine formule du progrès, qui
est
l’accroissement du risque humain ; secret de notre ordre et aussi de
485
veut l’universel. Denis de Rougemont L’Europe s’
est
définie dans le monde par son pouvoir d’aller au-delà d’elle-même, de
486
son destin au nom d’une vocation universelle. Qu’
est
-ce en somme que la Renaissance ? Sinon le moment d’intégration violen
487
usion dégage une énergie dont le champ ne saurait
être
que la planète entière, conquérante d’abord, belliqueuse et commerçan
488
e qui n’existe que dans son dépassement et qui ne
serait
pas elle-même si elle n’était plus qu’elle-même. Quatre constatations
489
assement et qui ne serait pas elle-même si elle n’
était
plus qu’elle-même. Quatre constatations fondamentales, et que chacun
490
De l’esprit de solidarité évangélique — que tous
soient
un comme les membres variés d’un même corps, participant du même Espr
491
gions de l’Inde et de la Chine ? Ces spécialistes
sont
Européens sans doute ; et, que l’on sache, ces notions ne sont point
492
s sans doute ; et, que l’on sache, ces notions ne
sont
point parvenues à provoquer là-bas les mêmes effets, à dégager le mêm
493
: il n’en connaissait qu’un canton. Mais nous ne
sommes
pas victimes d’une illusion semblable lorsque nous constatons que tou
494
os délires caractéristiques, dont le nationalisme
est
un tragique exemple. Chose étrange, c’est avec la fin de l’ère du col
495
et de notre alphabet. Nul mouvement réciproque n’
est
encore observé, ni même pressenti. 3. C’est l’Europe qui peut seule a
496
ienne route de la soie. Et son colonialisme honni
fut
aussi la première « mise en valeur » des possibilités complémentaires
497
dent qu’à 4 % de leur revenu national. L’Europe n’
est
rien sans le monde : elle doit être mondiale, par une nécessité vital
498
al. L’Europe n’est rien sans le monde : elle doit
être
mondiale, par une nécessité vitale. 4. C’est l’Europe qui représente
499
ée du Monde, mais son premier laboratoire. « Tout
est
venu à l’Europe et tout en est venu. Ou presque tout », dit Valéry. M
500
aboratoire. « Tout est venu à l’Europe et tout en
est
venu. Ou presque tout », dit Valéry. Mais je ne vois rien, ou presque
501
e vois rien, ou presque rien, à part le jazz, qui
soit
venu à l’Europe de soi-même. L’archéologie, l’ethnographie, la paléon
502
microfilms accumulés dans les archives ; ce Musée
est
une invention, cette Mémoire du Monde est un acte, et cette immense R
503
e Musée est une invention, cette Mémoire du Monde
est
un acte, et cette immense Récapitulation du genre humain est une créa
504
, et cette immense Récapitulation du genre humain
est
une création de l’histoire. Qui d’autre que l’Europe a su tendre ce p
505
ce et au temps de l’humanité totale ? Pour ce qui
est
venu de l’Europe, on renonce à l’énumérer ; c’est « tout ou presque t
506
a Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui
est
une invention de l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et de l’inven
507
techniques, toutes les autres parties de la Terre
sont
mises en communication, bon gré mal gré, pour la première fois dans l
508
gré, pour la première fois dans l’Histoire. S’il
est
vrai que le monde, irréductiblement, tend à devenir un organisme, on
509
l point de vue de l’économie des échanges, elle n’
est
rien si elle n’est pas l’animatrice d’une circulation planétaire. Qui
510
’économie des échanges, elle n’est rien si elle n’
est
pas l’animatrice d’une circulation planétaire. Qui peut en dire autan
511
Sud-Est asiatique et les nations arabes. La Chine
est
encore loin de pouvoir vendre au monde les produits de son école du s
512
ève, avec les moyens que l’on sait ; mais ils n’y
sont
pas vitalement contraints. Part des importations dans le revenu natio
513
le périrait, sans discussion possible, si elle en
était
réduite à vivre sur elle-même. L’Europe seule ne peut plus se payer u
514
redevenir — désormais sans hégémonie — ce qu’elle
fut
dès la Renaissance : une fonction mondiale, un foyer, une perpétuelle
515
urope ne peut répondre que dans la mesure où elle
est
forte et saine : c’est la mesure de son intégration, c’est-à-dire de
516
ses forces variées. Vue de l’extérieur, l’Europe
est
évidente en tant qu’unité de culture. Seuls les Européens qui se veul
517
rs cousins américains… Sauf si ces Asiatiques ont
été
les sujets de nos États colonialistes : ils exceptent aussitôt cet Ét
518
ar les valeurs européennes, aux yeux du monde, ne
sont
universelles que dans la mesure où elles résultent de nos variétés in
519
épondent les nécessités internes de l’union. S’il
est
vrai qu’aucun de nos pays ne peut prétendre à représenter valablement
520
Haye, le 12 mai 1948, commence ainsi : L’Europe
est
menacée, l’Europe est divisée, et la plus grave menace vient de ses d
521
commence ainsi : L’Europe est menacée, l’Europe
est
divisée, et la plus grave menace vient de ses divisions. Appauvrie, e
522
te », en dépit des plus dures évidences, quand il
est
clair que vouloir s’isoler dans une souveraineté vide de tout contenu
523
sous la coupe d’un des deux « grands ». L’Espagne
est
souveraine, la Hongrie l’est aussi… La France est « un grand pays qui
524
grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’
est
aussi… La France est « un grand pays qui n’a besoin de personne ». L’
525
est souveraine, la Hongrie l’est aussi… La France
est
« un grand pays qui n’a besoin de personne ». L’Angleterre est liée a
526
d pays qui n’a besoin de personne ». L’Angleterre
est
liée aux dominions par tous les océans, mais elle est isolée de l’Eur
527
liée aux dominions par tous les océans, mais elle
est
isolée de l’Europe par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’elle
528
e est isolée de l’Europe par la Manche. La Suisse
est
neutre parce qu’elle est au centre de l’Europe, et à cause d’une hist
529
par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’elle
est
au centre de l’Europe, et à cause d’une histoire très ancienne ; l’Au
530
à cause d’une histoire très ancienne ; l’Autriche
est
neutre aussi parce qu’elle touche la Russie, et à cause d’histoires t
531
tes. Ainsi tout sert nos souverainetés, tout leur
est
bon pour croire qu’elles existent encore, puisqu’elles gardent au moi
532
e peut l’imaginer que fédérale, si le fédéralisme
est
bien compris comme une méthode d’union dans la diversité. Or cette mé
533
ode d’union dans la diversité. Or cette méthode n’
est
pas seulement la plus opportune qui se présente : elle est le princip
534
eulement la plus opportune qui se présente : elle
est
le principe même de l’existence européenne, elle est l’Europe en tant
535
le principe même de l’existence européenne, elle
est
l’Europe en tant que pouvoir créateur. Une Europe uniformisée perdrai
536
ertaine logique prétendue cartésienne, mais qui n’
est
guère que l’esprit de système tantôt paresseux, tantôt fanatique et j
537
ontradictoires comme l’union et l’autonomie — qui
est
le secret du fédéralisme. Mais tout ce qui a fait l’Europe illustre c
538
ustre cette méthode. Prenez le dogme : la Trinité
est
animée par l’union et la distinction de trois personnes. Prenez la mu
539
enez la peinture : les couleurs chantent si elles
sont
bien opposées dans leur pureté ou leurs nuances précises, non si on l
540
me des échanges économiques, voire culturels, qui
est
mouvant par définition. Cet incroyable amas de confusions et d’abus s
541
foyer de rayonnement planétaire, ne saurait donc
être
conçue selon le modèle archaïque d’un État-nation. Les questions de b
542
amateurs, des limites exactes de l’Europe, loin d’
être
un sérieux « préalable », est une simple sottise à l’âge des ondes et
543
e l’Europe, loin d’être un sérieux « préalable »,
est
une simple sottise à l’âge des ondes et des fusées intercontinentales
544
es fusées intercontinentales. Un pôle d’énergie n’
est
pas défini par ses « limites », mais par l’intensité de son pouvoir d
545
r d’attraction et d’émission. Un bassin fluvial n’
est
pas défini par son contour, mais par sa navigabilité. Une personne n’
546
contour, mais par sa navigabilité. Une personne n’
est
pas définie par sa fiche de police. Déclencher un processus d’unio
547
d’une nation reculant un peu ses bornes, que doit
être
considérée l’union partielle des six pays qui ont initié le Marché co
548
ome d’avoir voulu « limiter l’Europe à six pays »
sont
-ils sincères, ou simplement vexés que l’Europe ait commencé en dépit
549
dépasse bien souvent le « colosse » soviétique) n’
est
au fond qu’une mesure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fû
550
sure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se
fût
mis en branle et l’on ne parlerait pas d’une zone de libre-échange. L
551
zone de libre-échange. L’objectif évident des Six
étant
de déclencher un processus d’union, il serait manqué si les Six, dès
552
Six étant de déclencher un processus d’union, il
serait
manqué si les Six, dès maintenant, tentaient de se suffire à eux-même
553
En revanche, vouloir ou escompter l’échec des Six
serait
adopter en fait la politique du Kremlin, très alertée sur le « danger
554
nds titres…) Opposer la Petite Europe à la Grande
est
un double non-sens ; c’est d’abord méconnaître sans nulle raison avou
555
avouable l’objectif manifeste de la première, qui
est
d’aboutir à la seconde. C’est ensuite méconnaître la nature même du p
556
comme fonction, c’est-à-dire d’une Europe qui ne
serait
pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à être plus qu’elle-même.
557
ait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à
être
plus qu’elle-même. Ce qu’il y a de foncièrement européen dans l’exist
558
l’existence encore fragile des Six, c’est qu’ils
sont
vitalement intéressés à devenir ces Dix-Sept que tout en eux appelle
559
t qui, à leur tour, pourront appeler les Six de l’
Est
: ce qui ferait au total vingt-trois, qui se trouve être le nombre de
560
ce qui ferait au total vingt-trois, qui se trouve
être
le nombre des fils de ce Japhet auquel fut dévolue l’Europe — l’Asie
561
rouve être le nombre des fils de ce Japhet auquel
fut
dévolue l’Europe — l’Asie allant à Sem, l’Afrique à Chain — selon la
562
ien, c’est dans leur sang, que l’Europe entière n’
est
qu’un appel au monde. Quelles sont les chances actuelles de notre uni
563
urope entière n’est qu’un appel au monde. Quelles
sont
les chances actuelles de notre union, en d’autres termes, les chances
564
tendu Valéry, une habitude de pensée pessimiste s’
est
installée dans nos esprits. Non seulement nous avons appris que toute
565
nt nous avons appris que toutes les civilisations
sont
mortelles, mais nous croyons savoir pourquoi : toute grandeur serait
566
ais nous croyons savoir pourquoi : toute grandeur
serait
suivie nécessairement d’une décadence. Cette erreur s’explique en par
567
omain, le mieux connu. Il se trouve que l’exemple
est
mauvais. Bien d’autres civilisations ont disparu sans laisser d’hérit
568
t la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre,
sont
-elles mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été préservées et déve
569
nt-elles mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas
été
préservées et développées par le Musée et le Laboratoire européens, p
570
es par le Musée et le Laboratoire européens, pour
être
diffusées de nos jours sur toute la terre ? Il s’en faut de beaucoup
571
plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce
sont
les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues d’Égypte, le Décalog
572
vilisations antiques, sans lesquelles l’Europe ne
serait
guère, n’ont pas été retirées du jeu mondial, mais seulement détrônée
573
ns lesquelles l’Europe ne serait guère, n’ont pas
été
retirées du jeu mondial, mais seulement détrônées régulièrement, puis
574
adence plutôt que renaissance. Observons qu’elles
étaient
locales, comme le furent la chinoise, l’hindoue, l’indonésienne, les
575
nce. Observons qu’elles étaient locales, comme le
furent
la chinoise, l’hindoue, l’indonésienne, les africaines et les américa
576
de Barbares mal connus. Les candidats à la relève
étaient
nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération, o
577
s. Les candidats à la relève étaient nombreux. En
est
-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération, ou simplement la r
578
entre nous, chrétiens ou athées pour qui le doute
est
une forme essentielle du culte que l’homme sincère rend à la Vérité.
579
ontraires, d’une certaine formule du progrès, qui
est
l’accroissement du risque humain ; et ce ne sont pas seulement les se
580
i est l’accroissement du risque humain ; et ce ne
sont
pas seulement les secrets de notre ordre, mais aussi de notre désordr
581
tes de la décadence européenne : et ces prophètes
sont
tous, ou presque tous Européens. Au lieu d’entonner le chant séculair
582
es civilisations, nous savons maintenant que nous
sommes
mortelles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beau
583
elles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone
étaient
de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi pe
584
istence même. Mais France, Angleterre, Russie… ce
seraient
aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons
585
ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi
est
un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est
586
nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire
est
assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la
587
de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne
sont
plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux. L’écho de
588
nandre ne sont plus du tout inconcevables : elles
sont
dans les journaux. L’écho de cette page fut immense, et je sais peu
589
les sont dans les journaux. L’écho de cette page
fut
immense, et je sais peu de phrases plus fréquemment citées que celle
590
ue celle qui annonce que toutes les civilisations
étant
mortelles, la nôtre aussi pourrait périr, va donc probablement périr.
591
a donc probablement périr. Pour émouvante qu’elle
soit
, elle exprime, à mon avis, l’une des erreurs les plus célèbres de not
592
pour illustrer le même argument que Valéry : Que
sont
devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont
593
e brillantes créations de la main de l’homme ? Où
sont
-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Pers
594
de Persépolis ? Hélas, j’ai visité les lieux qui
furent
le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que soli
595
tard, Hegel introduisait l’idée que chaque peuple
est
« un individu dans la marche de l’Histoire » et qu’il obéit donc, com
596
débuts du xxe siècle, Spengler va plus loin ; il
est
convaincu que toute culture est un organisme, et correspond morpholog
597
va plus loin ; il est convaincu que toute culture
est
un organisme, et correspond morphologiquement à un individu, animal o
598
l. Il en résulte inexorablement que toute culture
est
mortelle, et nous rejoignons la phrase de Valéry. Enfin Toynbee, dans
599
rmes, tant sociales et morales que matérielles… N’
est
-ce pas assez pour justifier les prophètes du désastre européen ? Que
600
dence historique. Primo, l’hégémonie politique n’
est
pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’une civilisation.
601
tion. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut
être
perdue sans que l’autre soit ruinée du même coup. Chacun sait que Gen
602
l’autre. L’une peut être perdue sans que l’autre
soit
ruinée du même coup. Chacun sait que Gengis Khan eut l’hégémonie sans
603
t une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’
est
pas du tout certain que les précédents historiques soient applicables
604
as du tout certain que les précédents historiques
soient
applicables dans notre situation, ni que la courbe de croissance, gra
605
ue la courbe de croissance, grandeur et décadence
soit
la même pour toutes les civilisations et surtout, dans tous les temps
606
nnu des Européens, celui de la chute de Rome, qui
est
censée avoir entraîné la disparition de la civilisation gréco-romaine
607
tie occidentale de l’Empire au moins. Cet exemple
est
-il valable pour nous ? La civilisation européenne est-elle une civili
608
il valable pour nous ? La civilisation européenne
est
-elle une civilisation comme les autres ? Est-elle donc vraiment compa
609
enne est-elle une civilisation comme les autres ?
Est
-elle donc vraiment comparable à celles qui l’ont précédée ? Son desti
610
à celles qui l’ont précédée ? Son destin peut-il
être
prédit par extrapolation des exemples antiques ? Voilà qui n’est pas
611
extrapolation des exemples antiques ? Voilà qui n’
est
pas sûr du tout. Il se pourrait, en effet, que notre civilisation pr
612
de rien pouvoir décider sur ce point, force nous
sera
donc de rechercher d’abord quelle est l’originalité de notre civilisa
613
force nous sera donc de rechercher d’abord quelle
est
l’originalité de notre civilisation par rapport à toutes les autres,
614
tes les autres, et quel seuil mondial elle aurait
été
la première et la seule à franchir, s’affranchissant ainsi des lois f
615
totalitaires d’aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao,
tiennent
leur unité d’une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Compar
616
’elle en a héritées, la civilisation européenne s’
est
trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n
617
rite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en
fut
rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas
618
que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne
furent
pas moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture
619
civilisation créée par cette culture, n’a jamais
été
autre chose qu’une unité dans la diversité, une unité paradoxale cons
620
mpliquent mutuellement en Europe. En revanche, il
est
évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement
621
nant définir brièvement ces trois vertus et ce ne
sera
pas dans un esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci de décrir
622
par les civilisations du Proche-Orient. Mais il a
été
fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont montré N
623
e philosophe Karl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu
est
la Vérité. On ne peut pas tricher avec lui, on ne peut pas tricher no
624
ette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
sera
le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi
625
. Ici encore, comparons avec ce qui se passe ou s’
est
passé ailleurs. Les cultures totalitaires subordonnent les loisirs eu
626
vation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’
est
pas responsable. Le Karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont to
627
rands cris et non sans haine une aide qui ne leur
est
due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire :
628
avons le droit de leur dire : si nous, Européens,
sommes
en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail a
629
t, c’est à cause du travail acharné que nous nous
sommes
imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que
630
ormément à nos principes, tandis que votre misère
est
fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illu
631
riquement que la sagesse védantique, par exemple,
soit
inférieure à la théologie thomiste ou calviniste. Mais cela signifie
632
s et le genre de vie que ces cultures permettent,
soit
pour modifier cette relation, dans le cas de l’Orient, soit pour en p
633
modifier cette relation, dans le cas de l’Orient,
soit
pour en prendre mieux conscience, dans notre cas. Le troisième caract
634
lture européenne, c’est le sens de la liberté. Il
est
clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité pe
635
t le sens de la liberté. Il est clair que ce sens
est
étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un
636
et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’
est
vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son
637
est vraiment libre que dans la seule mesure où il
est
responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme
638
nsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait
tenir
un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ce
639
e ses actes que dans la seule mesure où ces actes
sont
faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le s
640
es sont faits librement. Notre sens de la liberté
est
aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec,
641
otre sens de la liberté est aussi complexe que le
sont
nos origines. Car la liberté pour le Grec, c’est la critique frondeus
642
rieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’
être
armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part en
643
ses variables dans notre idée de la liberté. Il n’
est
pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théori
644
à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’
est
pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation
645
liberté, la revendication de la liberté (quel que
soit
le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le p
646
iberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot)
est
sans nul doute le thème affectif le plus généralement européen, le pl
647
eur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’
est
pas seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous disti
648
onc au total, à l’expansion. Que ce mouvement ait
été
baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement
649
nergie, toute force physique ou spirituelle, peut
être
qualifiée d’impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est
650
ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce
sont
les Européens qui ont développé les sciences physiques et naturelles,
651
ion de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce
sont
les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun autr
652
utre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce
sont
eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à p
653
z les sages de plusieurs autres cultures, mais ce
sont
les Européens qui lui ont donné son contenu concret et ont seuls démo
654
science. On peut le dire : l’idée de genre humain
est
une création des Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce sont
655
es Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce
sont
les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, avec t
656
politiques des masses. À partir de l’histoire, ce
sont
les Européens qui ont inventé l’archéologie, comme ils ont inventé l’
657
ions prodigieuses de siècles et de continents que
sont
nos musées et bibliothèques, ils ont élaboré les préalables d’une sci
658
car toutes les créations que je viens d’énumérer
sont
en expansion vers le monde, appellent le monde, s’en nourrissent, et
659
dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. Nous
sommes
au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé «
660
éens, ayant créé « le monde » se voient menacés d’
être
dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et
661
aux dépens de leur propre équilibre humain. Nous
sommes
sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passio
662
les. Première raison : la civilisation européenne
est
la seule qui soit effectivement devenue universelle. Certes, bien d’a
663
son : la civilisation européenne est la seule qui
soit
effectivement devenue universelle. Certes, bien d’autres civilisation
664
out simplement, mais cette erreur ne saurait plus
être
commise, à présent que la Terre entière est explorée dans ses dernier
665
plus être commise, à présent que la Terre entière
est
explorée dans ses derniers recoins. Alexandre le Grand et les empereu
666
mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’
est
plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précédent d
667
es et homogènes. Voilà sans doute pourquoi elle s’
est
trouvé la seule assez complexe et multiforme pour pouvoir sinon satis
668
hniques que de livres et de missionnaires. Elle s’
est
laïcisée, profanisée, et détachée du christianisme qui a contribué de
669
dition de son « succès » le plus visible — elle s’
est
rendue plus transportable, plus acceptable et imitable qu’aucune autr
670
aleur égale de tout homme devant Dieu, quelle que
soit
sa nation, sa couleur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien d
671
e ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y
était
synonyme d’habitant de la vallée et du delta du Nil. Il y avait un mo
672
les barbares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’
étaient
pas vraiment et complètement humains. Ces très hautes civilisations d
673
s ni hommes libres, ni hommes ni femmes, car vous
êtes
tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ »), cette concep
674
ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous
êtes
tous un en Jésus-Christ »), cette conception devait (seule) permettre
675
de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne
sont
plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Depuis l
676
nandre ne sont plus du tout inconcevables : elles
sont
dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué — plus
677
nregistrées sur bandes et sur microsillons, elles
sont
en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Las
678
t la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre,
sont
-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été préservée
679
vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas
été
préservées et développées par le Musée et le Laboratoire européens, p
680
es par le Musée et le Laboratoire européens, pour
être
diffusées de nos jours sur toute la Terre ? II s’en faut de beaucoup
681
plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce
sont
les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’
682
la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce
sont
le Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’o
683
ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres
sont
fécondes. Le temps est passé où les civilisations étaient mortelles.
684
rement et que nos cendres sont fécondes. Le temps
est
passé où les civilisations étaient mortelles. » J’ajouterai cette sim
685
fécondes. Le temps est passé où les civilisations
étaient
mortelles. » J’ajouterai cette simple remarque : si tant de civilisat
686
si tant de civilisations qu’on croyait endormies
sont
tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagess
687
rminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce
fut
plus souvent l’agression d’une civilisation rivale, soit plus primiti
688
us souvent l’agression d’une civilisation rivale,
soit
plus primitive, comme dans le cas des Doriens détrônant la Crète, ou
689
ônant la Crète, ou des Germains submergeant Rome,
soit
plus audacieuse et prestigieuse, comme dans le cas de quelques centai
690
Barbares » mal connus. Les candidats à la relève
étaient
nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou
691
s. Les candidats à la relève étaient nombreux. En
est
-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la re
692
a pourtant les États-Unis, me dira-t-on. Mais ils
sont
nés de la substance même de l’Europe, et de nos jours ils s’européani
693
e de nouveau du point de vue de la civilisation ?
Est
-elle une autre civilisation ? Lénine définissait ainsi sa Révolution
694
e marxisme plus l’électricité. » Or le marxisme n’
est
pas une invention marxiste au sens politique de ce terme, et encore m
695
e, et encore moins une invention soviétique. Ce n’
est
pas Popov qui l’a inventé, mais c’est Karl Marx, un juif allemand don
696
is c’est Karl Marx, un juif allemand dont le père
était
devenu protestant, et qui écrivait en Angleterre pour le New York Her
697
rre pour le New York Herald Tribune ! Le marxisme
est
né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre
698
anisé la Russie. Et c’est l’URSS maintenant qui s’
est
chargée d’aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins ! C
699
ux « bond en avant » de la Chine de Mao n’a guère
été
jusqu’ici qu’un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés
700
a Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui
est
une invention de l’Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse »
701
’Amérique, qui est une invention de l’Europe ! Où
est
donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe ? Je vais le dire : dan
702
e péril noir. Je n’y crois guère. Notre éclipse n’
est
rien que notre aveuglement sur nos propres pouvoirs et notre vocation
703
! La civilisation européenne, devenue mondiale, n’
est
menacée en fait que par les maladies qu’elle a produites et propagées
704
ité créatrice, c’est en Europe, que ce péril doit
être
conjuré. Car ce qui nous menace de l’extérieur c’est aussi ce qui nou
705
s, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne
serait
guère plus dangereux que la bêtise humaine en général, s’il n’avait p
706
étendre les ressorts créateurs du progrès dont il
est
trop souvent l’aboutissement. Or chacun sait que les ressorts du prog
707
ement. Or chacun sait que les ressorts du progrès
sont
l’inquiétude philosophique, la passion de défier le destin, le refus
708
et la police des États. Ces maladies de l’Europe
sont
plus dangereuses pour le reste du genre humain que pour l’Europe elle
709
enre humain que pour l’Europe elle-même, où elles
sont
nées. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’est vaccinée cont
710
es. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’
est
vaccinée contre ces maladies. L’Europe a secrété Hitler, mais en douz
711
ès longtemps contre la tentation totalitaire, qui
est
l’essence du nationalisme. Il n’en va pas de même sur d’autres contin
712
t à nous : nos sages nous avaient avertis. Le mal
est
venu, nous l’avons vu, et nous l’avons vaincu, en peu de temps, au pr
713
en peu de temps, au prix de millions de morts, il
est
vrai… Et maintenant, ce n’est pas chez nous, mais chez les autres qu’
714
llions de morts, il est vrai… Et maintenant, ce n’
est
pas chez nous, mais chez les autres qu’il triomphe. Permettez-moi de
715
e lettre qui date de 1871 : Le sort des ouvriers
sera
le plus étrange… l’État militaire va devenir le Grand Fabricant. Ces
716
s humaines dans les grandes usines ne peuvent pas
être
éternellement abandonnées à leur pauvreté et à leur envie. Un certain
717
ilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’
est
pas chez nous, en Europe, mais en Chine, que cette prédiction se réal
718
Spoutnik. Un quart d’heure après les travailleurs
étaient
alignés. Sur l’ordre des commandants de compagnie et de brigades, les
719
e millénaire des paysans à vivre au petit bonheur
est
à jamais disparue. Quel énorme changement ! Reconnaissons que la rel
720
mais atteint en Europe de tels excès. Certes elle
est
née chez nous, et c’était bien chez nous que Burckhardt en avait pres
721
avec succès. Notre tâche en Europe, aujourd’hui,
est
de créer les anticorps qui permettront au genre humain de résister à
722
énie du spirituel. C’est dire que notre vocation
est
désormais de présenter au monde qui nous imite, mais d’illustrer d’ab
723
anté future de notre civilisation : — la première
est
le fédéralisme, art et science de l’union dans la diversité, donc art
724
ques autant que culturelles, cette union fédérale
est
la condition même de notre action dans le monde et pour le monde. Il
725
iennes concerne-t-il aussi les non-chrétiens, qui
sont
les deux tiers de notre humanité présente ? Oui, sans doute, dans la
726
s doute, dans la mesure où la religion chrétienne
est
aussi une force historique, liée en fait et depuis plus d’un millénai
727
nde par le nombre de ceux qui s’y rattachent, qui
est
de l’ordre d’un milliard. S’il est vrai que le monde communiste enfer
728
attachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’il
est
vrai que le monde communiste enferme un nombre équivalent d’individus
729
te enferme un nombre équivalent d’individus, ce n’
est
qu’officiellement, par contrainte d’État : les communistes militants
730
par contrainte d’État : les communistes militants
sont
certainement bien moins nombreux que les chrétiens pratiquants des tr
731
eu frottés de sociologie. La survie de l’Occident
est
une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le
732
’Occident est une chose, la vérité de l’Esprit en
est
une autre. Il s’agit, pour le christianisme, non de gagner le monde m
733
s » dans le monde et sur sa condition. Ces motifs
sont
bien évidents. Le christianisme est la religion d’un Dieu unique, de
734
. Ces motifs sont bien évidents. Le christianisme
est
la religion d’un Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et de l
735
i cherche l’union, et de la Vérité qui ne saurait
être
qu’une. C’est pour cela, et non point en vertu d’une conjoncture mond
736
ésunion persistante et déclarée du monde chrétien
est
un scandale, j’entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’une
737
omme chrétien, comme à l’ordre divin : « Que tous
soient
un… » C’est au niveau des hiérarchies ecclésiastiques, par-dessus la
738
fidèles, que les grandes divisions historiques se
sont
produites. Il n’est rien que je respecte au monde autant que l’instit
739
des divisions historiques se sont produites. Il n’
est
rien que je respecte au monde autant que l’institution de l’Église :
740
s séparées, la volonté de l’unité formelle, qui n’
est
pas l’union libre et réelle, et qui eut tôt fait de transformer en di
741
rituelles. Tant et si bien qu’au point où nous en
sommes
, il nous faut constater qu’en fait et avant tout, ce qui s’oppose à l
742
iante, et non de confiance évangélique. Car, s’il
est
vrai que l’Évangile demande l’union, ce n’est jamais aux dépens des v
743
’il est vrai que l’Évangile demande l’union, ce n’
est
jamais aux dépens des vocations diverses, dont nulle instance humaine
744
vocations diverses, dont nulle instance humaine n’
est
juge en dernier ressort. Chaque Église a son Ange, selon l’Apocalypse
745
ans la maison de mon Père. » Cette parole ne peut
être
écartée. Elle reste au centre du mystère de l’unité. Voies vers l’u
746
puis en appeler qu’à l’union des chrétiens comme
étant
l’unique voie qui me paraisse ouverte vers quelque forme encore impré
747
ic et nunc, et déjà pratiquée par beaucoup. Qu’en
est
-il de cette existence, dans les diverses confessions ? Je suis frappé
748
tte existence, dans les diverses confessions ? Je
suis
frappé de la voir si différente de l’idée qu’en donneraient les débat
749
s sacrements et n’ont guère qu’un seul dogme, qui
est
le libre examen. Et beaucoup de protestants sont convaincus que l’Égl
750
i est le libre examen. Et beaucoup de protestants
sont
convaincus que l’Église catholique ignore la Bible, que sa piété se r
751
oxe, l’anglicane et la luthérienne, et celles qui
sont
issues du calvinisme, tous les dogmes fondamentaux sur Dieu, le Chris
752
e Saint-Esprit, l’Incarnation et la Résurrection,
sont
communément professés ; qu’un même Credo y est lu tous les dimanches,
753
, sont communément professés ; qu’un même Credo y
est
lu tous les dimanches, le même Évangile annoncé, et le même Notre Pèr
754
baptême, celles du mariage et de la confirmation
sont
toujours identiques par l’esprit, et plus souvent qu’on le croit par
755
t par la lettre ; que les mêmes fêtes principales
sont
observées, et la même morale enseignée ; et que cela compte finalemen
756
e doctrine contre l’Église romaine, où l’habitude
était
, au xvie siècle, de ne communier qu’une fois l’an. Les positions se
757
e ne communier qu’une fois l’an. Les positions se
sont
interchangées au milieu du xixe siècle. Mais déjà, chez les orthodox
758
formules et définitions dogmatiques, si l’on s’en
tient
aux attitudes existentielles, les fidèles de diverses Églises communi
759
ie gréco-russe, et l’union des Églises de l’Inde,
sont
autant de signes visibles d’une mystérieuse convergence que tout invi
760
rant les yeux sur l’autel, reconnaîtraient qu’ils
sont
enfin chez eux ! Et je songe à tous ceux que laisse insatisfaits la c
761
isse insatisfaits la confession dans laquelle ils
sont
nés (soit par hasard ou providence), dans laquelle ils ont eu le bonh
762
isfaits la confession dans laquelle ils sont nés (
soit
par hasard ou providence), dans laquelle ils ont eu le bonheur d’être
763
rovidence), dans laquelle ils ont eu le bonheur d’
être
élevés, qu’ils aiment comme on aime une patrie, mais l’amour est luci
764
ils aiment comme on aime une patrie, mais l’amour
est
lucide, la patrie n’est pas le monde… Voici qu’ils peuvent sans la tr
765
une patrie, mais l’amour est lucide, la patrie n’
est
pas le monde… Voici qu’ils peuvent sans la trahir aller plus loin, ve
766
s loin, vers le But qu’elle leur désignait. Je ne
suis
pas étranger plus qu’un autre aux problèmes concrets de mon temps, éc
767
s de problème qui prime aujourd’hui celui-là. Qui
est
celui du sens de nos vies. q. Rougemont Denis de, « Un péché mort
768
dossier « Le concile de la dernière chance », et
est
introduit par cette note : « L’auteur de L’Amour et l’Occident et d
769
et “La nature profonde de l’Europe” en juin 1959)
est
l’un des plus grands essayistes chrétiens de notre temps. Calviniste
770
nationalisme, dans les peuples du tiers-monde, n’
est
guère qu’une revendication d’indépendance, proclamée contre l’Occiden
771
e. Dans notre Europe, qui l’inventa, le phénomène
est
plus complexe. À la fois attitude psychologique, parti pris intellect
772
ffet ne suffit pas à le définir : ses motivations
sont
ailleurs, et surtout, elles sont antérieures à la nécessité présente
773
ses motivations sont ailleurs, et surtout, elles
sont
antérieures à la nécessité présente de l’union, au regard de laquelle
774
ctuelle qu’il faut le saisir. Car le nationalisme
est
idéologie, avant d’être histoire. Il est né d’une dialectique idéale
775
aisir. Car le nationalisme est idéologie, avant d’
être
histoire. Il est né d’une dialectique idéale et non du jeu des forces
776
onalisme est idéologie, avant d’être histoire. Il
est
né d’une dialectique idéale et non du jeu des forces économiques, qu’
777
es et des méfaits du nationalisme en Europe, — ce
serait
refaire l’histoire du plus long de nos siècles, le xixe , — marquons
778
d donc avec le bien de l’humanité, et ses ennemis
sont
ceux de la paix universelle ; pour leur imposer notre bien, toute gue
779
elle ; pour leur imposer notre bien, toute guerre
est
sainte, et de plus elle est préventive, car il s’agit de défendre con
780
re bien, toute guerre est sainte, et de plus elle
est
préventive, car il s’agit de défendre contre les jaloux, les rétrogra
781
ien suprême ; Dieu lui-même, s’il existe, ne peut
être
que notre allié, garant de notre justice ; sinon c’est qu’il n’existe
782
1790, Robespierre a cette formule parfaite : Il
est
de l’intérêt des nations de protéger la nation française, parce que c
783
termes : Chantez donc, chantez une victoire qui
sera
celle de l’humanité. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’e
784
lle que vous allez établir, chacun de vos combats
sera
un pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples. D
785
ison anticléricale : La guerre ! La guerre ! tel
est
le cri de tous les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la l
786
uerre ! tel est le cri de tous les patriotes, tel
est
le vœu de tous les amis de la liberté répandus sur la surface de l’Eu
787
C’est à cette guerre sainte qu’Anacharsis Cloots
est
venu inviter l’Assemblée nationale, au nom du genre humain dont il n’
788
du genre humain dont il n’a jamais mieux mérité d’
être
appelé l’ami. C’est en effet à Jean-Baptiste, dit Anacharsis Cloots,
789
« nivelé » par les lois de la Liberté : Nous ne
sommes
pas libres, si un seul obstacle moral arrête notre marche physique su
790
it souveraine, blesse grièvement l’humanité, elle
est
en pleine révolte contre le bon sens et le bonheur ; elle coupe les c
791
verselle ; sa Constitution, manquant par la base,
sera
contradictoire, journalière et chancelante. (Discours à la Convention
792
tinct universel, je m’y oppose ; cette résistance
est
un état de guerre et de servitude dont le genre humain, l’être suprêm
793
de guerre et de servitude dont le genre humain, l’
être
suprême, fera justice tôt ou tard. Le 21 avril 1792, Cloots avait re
794
cement par une République mondiale dont le centre
serait
Paris : Un corps ne se fait pas la guerre à lui-même, et le genre hu
795
seul corps, la nation unique… La commune de Paris
sera
le point de réunion, le fanal central de la communauté universelle.
796
miner l’humanité sous tous les rapports : nous ne
sommes
pas les représentants du genre humain. Je veux donc que le législateu
797
les délires totalitaires du xxe siècle. Il peut
être
résumé par quelques citations tirées de l’ouvrage intitulé L’État com
798
qui parut en 1800. Les peuples du monde antique
étaient
séparés les uns des autres d’une manière très rigoureuse, par une fou
799
par une foule de conditions. Pour eux, l’étranger
était
un ennemi ou un barbare. On peut au contraire considérer les peuples
800
onceptions primitives des forêts de Germanie, ils
furent
aussi liés les uns aux autres, depuis leur expansion dans les provinc
801
’empereur moderne qui, sans doute à l’origine, ne
fut
considéré que comme général de la chrétienté, devant être pour l’Égli
802
sidéré que comme général de la chrétienté, devant
être
pour l’Église entière ce qu’étaient les patrons pour les évêchés ou l
803
rétienté, devant être pour l’Église entière ce qu’
étaient
les patrons pour les évêchés ou les couvents, — commencèrent à avoir
804
ions proprement politiques… Les États modernes se
sont
ainsi formés ; — non, comme on a coutume de décrire dans la doctrine
805
ie. Ainsi les divers États de l’Europe chrétienne
sont
des morceaux de l’ancien ensemble, déterminés en grande partie pour l
806
tout, le commerce des Européens entre eux devait
être
libre. Il est facile de faire l’application à l’état actuel des chose
807
rce des Européens entre eux devait être libre. Il
est
facile de faire l’application à l’état actuel des choses. Si toute l’
808
ec les colonies et les places de commerce qui s’y
sont
ajoutées dans les autres parties du monde, forme encore un tout, alor
809
parties entre elles doit rester libre, comme il l’
était
à l’origine. Si elle est au contraire divisée en plusieurs États sous
810
ster libre, comme il l’était à l’origine. Si elle
est
au contraire divisée en plusieurs États sous divers gouvernements, el
811
sieurs États sous divers gouvernements, elle doit
être
divisée de même en plusieurs États commerciaux complètement fermés.
812
mmerciaux complètement fermés. Or, l’Europe n’en
est
encore qu’à la période des essais pour former de véritables Nations.
813
des citoyens, c’est-à-dire tout l’or et l’argent,
sera
retirée de la circulation et échangée contre une nouvelle monnaie nat
814
a moins besoin de ces marchandises qui ne peuvent
être
produites en leur pureté ni remplacées par des succédanés dans le pay
815
à acquérir une prépondérance commerciale, ce qui
est
une tendance dangereuse, mais à rendre la nation entièrement indépend
816
tion entièrement indépendante et autonome. Ce ne
sont
pas seulement les échanges commerciaux qu’il faut supprimer, mais aus
817
hors de l’État commercial fermé : il ne doit pas
être
permis plus longtemps à une vaine curiosité et à la recherche de dist
818
yager aux frais de l’État savants et artistes. Il
est
évident que dans une nation ainsi fermée, dont les membres ne vivent
819
qui aime avec dévouement la patrie et tout ce qui
est
de la patrie, l’honneur national se développera très vite, à un degré
820
nsi qu’un caractère national nettement marqué. Ce
sera
une autre nation absolument nouvelle. Cette introduction d’une monnai
821
le. Cette introduction d’une monnaie nationale en
est
véritablement la création. Le seul lien qui devra subsister entre le
822
e seul lien qui devra subsister entre les peuples
sera
celui de la Science : … Grâce à elle, mais à elle seule, les hommes
823
ur tout le reste, leur division en peuples divers
sera
achevée. Elle seule demeure leur propriété commune, après qu’ils ont
824
’autre du continent cherchent les mêmes choses et
sont
attirés par les mêmes buts… ». Cette tendance unitive fournit à Ficht
825
à peu, jusqu’à ce que le genre humain tout entier
soit
fondu dans « une seule République de la Culture ». À l’expansion colo
826
cience et libérée de tout impérialisme… Nous n’en
sommes
peut-être pas loin dans cette seconde moitié du xxe siècle ; mais le
827
e que Fichte ne pouvait l’imaginer vers 1800 : ne
fut
-ce que par la collusion de la science et des nationalismes, ces derni
828
de la science et des nationalismes, ces derniers
étant
doublement liés à la guerre par leur naissance et par la loi de leur
829
e l’idéal pour lequel je me bats ». Or cet idéal,
étant
celui du Parti qui a saisi le pouvoir par la violence, provoque des r
830
stabilité au-dedans. L’impérialisme napoléonien
sera
la résultante nécessaire des tensions internes créées par la volonté
831
groupe. Notons au passage que la guerre, qu’elle
soit
civile ou étrangère, froide ou déclarée, justifie toujours le sacrifi
832
ice « temporaire » de certaines libertés. Or il n’
est
presque aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on ait
833
a nation comme une croisade pour l’idée : « Ce ne
sont
pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent son ca
834
lui comme esprit et nature.) Cet esprit national
est
« un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propr
835
a Civilisation ou du Droit, etc. Jusqu’au jour où
seront
proclamés certains « concepts de l’esprit » plus redoutables encore :
836
lobale vers l’harmonie des peuples libérés a-t-il
été
brutalement démenti au terme même du processus de formation des grand
837
n des grandes et petites nations européennes, qui
était
censé produire la paix universelle et qui a produit la Première Guerr
838
apes nécessaires d’une dialectique de l’Esprit, s’
est
trouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne pouvait contrôl
839
que malentendu, les poètes de la génération de 48
furent
les premières victimes, enthousiastes et bernées. Ils croient tous qu
840
it, la liberté de la nation, une fois acquise, ne
sera
rien que la souveraineté de l’État qui s’en prévaudra. Et l’anarchie
841
z dont aussitôt la politique des États, après s’y
être
opposée, s’empare sans vergogne. Le grand élan libertaire des quarant
842
it l’inverse se réaliser. Jamais les idéaux n’ont
été
mieux démentis par les faits, ni mieux détournés de leurs buts. Jamai
843
ndant, achève de la subjuguer par les armes, ne s’
est
montrée à la fois moins humanitaire et moins unie. Tout se fait par l
844
son poème « Germania » : « Oui ! le monde entier
sera
un jour allemand ! » Quand Heine accepte l’idée de nation, c’est dans
845
e dans la main d’un grand maître », chaque nation
étant
une des cordes et contribuant par un son particulier à « l’harmonie u
846
moins les « terribles niveleurs de l’Europe » que
sont
d’une part les hommes politiques obsédés par l’uniformité, d’autre pa
847
-Hélène disait que dans un proche avenir le monde
serait
une république américaine ou une monarchie universelle russe. La dépr
848
grois et les Polonais écrasés par la Russie, elle
est
le synonyme concret des libertés élémentaires. Et malheur à l’Europe
849
őfi, aide de camp du général polonais Bem, et qui
fut
tué dans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je me bornerai à
850
s en 1859 : Je me bornerai à dire que la Hongrie
est
la Hongrie depuis le ixe siècle, que sa gloire dans le passé et ses
851
e à sa vigoureuse existence, tout atteste qu’elle
fut
, tout exige qu’elle reste la Hongrie. Enlevez-lui cette qualité, et e
852
la Hongrie. Enlevez-lui cette qualité, et elle n’
est
plus rien pour l’Europe, si peu que rien même ; car elle ne peut deve
853
èlerins polonais répercute ce cri de révolte de l’
Est
européen abandonné par l’Ouest : Lorsque la Liberté siègera dans la
854
nations. Et elle dira à la première : Voilà que j’
étais
attaquée par les brigands, et je criais vers toi, nation, afin d’avoi
855
éologien, homme d’État libéral et catholique, qui
fut
mêlé aux conspirations républicaines de 1833, exilé à Paris et à Brux
856
mont dont il devint le Premier ministre, Gioberti
fut
un néo-guelfe. Il voulait l’union de l’Italie et il voulait aussi l’u
857
e et il voulait aussi l’union de l’Europe : l’une
étant
condition de l’autre. À ses yeux, l’Italie (« cet Orient de l’Occiden
858
hef civil de l’Italie et ordonnateur de l’Europe,
sera
le fondement des diverses chrétientés nationales écrivait-il en 1843
859
’a pas d’autre origine. La Pologne et la Hongrie
sont
des nationalités opprimées et qui ont perdu l’indépendance ; l’Allema
860
nt perdu l’indépendance ; l’Allemagne et l’Italie
sont
des nations encore à naître. On conçoit que pour ces pays, l’idée nat
861
qui l’opposent au plus vaste ensemble. Mais qu’en
sera-t
-il des grands aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la Fra
862
artine, ministre des Affaires étrangères en 1848,
tient
à rassurer l’Europe sur les intentions de la nouvelle République : ce
863
prits cette grande nationalité intellectuelle qui
sera
l’achèvement de la Révolution française et la constitution de la frat
864
nationale du romantisme politique. Parce qu’il n’
est
pas suspect de nationalisme borné, et parce qu’il fut au xixe siècle
865
pas suspect de nationalisme borné, et parce qu’il
fut
au xixe siècle le prophète le plus exalté de l’union européenne, ses
866
sel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne
sera-t
-elle pas nécessairement interprétée par les autres comme un désir sec
867
e nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque
est
frère ou veut l’être. De leur côté, invasion ; du côté de la France,
868
i appelle chez elle quiconque est frère ou veut l’
être
. De leur côté, invasion ; du côté de la France, expansion. Sur ce th
869
nspirées : La France a cela d’admirable, qu’elle
est
destinée à mourir, mais à mourir comme les dieux, par la transfigurat
870
rist […] et c’est ainsi qu’Athènes, Rome et Paris
sont
pléiades. Lois immenses. La Grèce s’est transfigurée, et est devenue
871
et Paris sont pléiades. Lois immenses. La Grèce s’
est
transfigurée, et est devenue le monde chrétien ; la France se transfi
872
s. Lois immenses. La Grèce s’est transfigurée, et
est
devenue le monde chrétien ; la France se transfigurera et deviendra l
873
e ne travaille pas pour elle seule, parce qu’elle
est
créatrice d’espérances universelles, parce qu’elle représente toute l
874
lonté humaine, parce que là où les autres nations
sont
seulement des sœurs, elle est mère.31 Au xxe siècle, il y aura une
875
les autres nations sont seulement des sœurs, elle
est
mère.31 Au xxe siècle, il y aura une nation extraordinaire. Cette n
876
il y aura une nation extraordinaire. Cette nation
sera
grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle sera illustre, r
877
e nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’
être
libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au re
878
nde, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle
sera
illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité
879
ellera l’Humanité. L’Humanité, nation définitive,
est
dès à présent entrevue par les penseurs, ces contemplateurs des pénom
880
our l’ensemble des États européens, principes qui
sont
destinés à garantir un jour la paix de l’Europe… Lorsque cet idéal se
881
ir un jour la paix de l’Europe… Lorsque cet idéal
sera
réalisé, alors la nationalité internationale des Suisses pourra se di
882
randes voix de 48, et de la période qui suit, à l’
Est
comme à l’Ouest, et en Suisse comme en France. Il manquait à ce conce
883
Il va de soi qu’une telle fédération ne saurait
être
instituée d’un seul coup. Elle a besoin, d’abord, d’une base réelle,
884
aquelle elle repose et d’où la première impulsion
soit
donnée… S’il est vrai que c’est de l’Allemagne qu’est venue la divisi
885
e et d’où la première impulsion soit donnée… S’il
est
vrai que c’est de l’Allemagne qu’est venue la division de l’Église, i
886
donnée… S’il est vrai que c’est de l’Allemagne qu’
est
venue la division de l’Église, il est donc du devoir de ce pays, plus
887
llemagne qu’est venue la division de l’Église, il
est
donc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, de recréer la comm
888
base du nouveau système (fédéraliste), voilà qui
serait
vraiment un acte de génie politique : ce serait poser les principes d
889
i serait vraiment un acte de génie politique : ce
serait
poser les principes de toute l’évolution future. Est-ce à la France,
890
poser les principes de toute l’évolution future.
Est
-ce à la France, à l’Italie ou à l’Allemagne voire à la Suisse fédéral
891
e oppose à l’Europe la notion d’enthousiasme, qui
serait
restée le privilège des Russes et que nos pays de l’Ouest auraient pe
892
t satisfaite, la mission de la Russie authentique
est
d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera rus
893
l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe
sera
russe. Pour Kirievsky et ses amis, la notion d’hégémonie organisatric
894
et ses amis, la notion d’hégémonie organisatrice
est
capitale : Pour que l’unité de l’Europe se constitue organiquement e
895
se constitue organiquement et harmonieusement, il
est
nécessaire qu’il existe à cette fin un centre déterminé, un peuple qu
896
ité politique et culturelle… Seule la Russie en
est
capable. Et c’est aussi ce que pensera Dostoïevski, et ce qu’il expri
897
grouper l’humanité en un seul faisceau, car ce n’
est
pas seulement la Russie et le panslavisme que nous servons, c’est l’h
898
ité entière… Les Européens ne savent pas que nous
sommes
invincibles, que si nous pouvons fort bien perdre des batailles, nous
899
nom des malheureux persécutés, quand bien même ce
serait
aux dépens de nos intérêts actuels. Nous n’en croirons que plus forte
900
a vérité : se sacrifier pour ceux qui, en Europe,
sont
opprimés et abandonnés au nom des prétendus intérêts de la civilisati
901
vérité, cette vérité même du Christ telle quelle
est
reconnue par le simple croyant. Il faut bien que la vérité soit conse
902
par le simple croyant. Il faut bien que la vérité
soit
conservée quelque part, que tout au moins une nation serve de flambea
903
es Européens opprimés par une fausse civilisation
sont
invités à se laisser éclairer et libérer par la sainte Russie, sous p
904
Le grand historien allemand Léopold von Ranke
est
en plus d’un sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobr
905
irituelle, de description contrôlée de « ce qui s’
est
vraiment passé », et par son refus de tout système dialectique permet
906
quelle énergie intrinsèque : « Chaque génération
est
immédiate à Dieu », écrit-il en une formule célèbre. Une nation ou un
907
ire, puis du catholicisme et de la Réforme, aient
été
des grands malheurs pour l’Europe, car cette bipolarité … est trop p
908
s malheurs pour l’Europe, car cette bipolarité …
est
trop profondément fondée dans la nature des choses, et ces opposition
909
olues, lui paraît beaucoup plus grave : Ceux qui
tiennent
simplement pour une tendance de l’Histoire le fait que les souveraine
910
nt pas pour qui sonne le glas. Car ces efforts se
sont
conjugués avec tant de tendances destructives, que si ces dernières p
911
dessus, c’est la Culture et le christianisme qui
seraient
menacés. Pour Renan, la menace porterait plutôt sur « les intérêts d
912
e en Sorbonne le 11 mars 1882 sur le thème : « Qu’
est
-ce qu’une nation ? » il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme,
913
vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’
est
pas de parler la même langue ou d’appartenir au même groupe ethnograp
914
ffère essentiellement de la zoologie. La race n’y
est
pas tout, comme chez les rongeurs ou les félins, et on n’a pas le dro
915
puis les prendre à la gorge en leur disant : « Tu
es
de notre sang, tu nous appartiens !… » … Ce que nous venons de dire d
916
ontraire, la Suisse, si bien faite, puisqu’elle a
été
faite par l’assentiment de ses différentes parties, compte trois ou q
917
gue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’
être
unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus importa
918
se d’être unie, malgré la variété de ses idiomes,
est
un fait bien plus important qu’une similitude de langage souvent obte
919
rable dans la division des nations. La géographie
est
un des facteurs essentiels de l’histoire. […] Peut-on dire cependant,
920
ent certains partis, que les limites d’une nation
sont
écrites sur la carte et que cette nation a le droit de s’adjuger ce q
921
t que cette nation a le droit de s’adjuger ce qui
est
nécessaire pour arrondir certains contours, pour atteindre telle mont
922
a, on justifie toutes les violences. Et, d’abord,
sont
-ce les montagnes ou bien sont-ce les rivières qui forment ces prétend
923
ences. Et, d’abord, sont-ce les montagnes ou bien
sont
-ce les rivières qui forment ces prétendues frontières naturelles ? Il
924
forment ces prétendues frontières naturelles ? Il
est
incontestable que les montagnes séparent ; mais les fleuves réunissen
925
ontagnes ne sauraient découper des États. Quelles
sont
celles qui séparent et celles qui ne séparent pas ? De Biarritz à Tor
926
ttre tant d’infractions au droit fondamental, qui
est
la volonté des hommes. … Je me dis souvent qu’un individu qui aurait
927
dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts
tenus
chez les nations pour des qualités, qui se nourrirait de vaine gloire
928
qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui
serait
à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qui ne pourrait rien support
929
r ; qui ne pourrait rien supporter sans dégainer,
serait
le plus insupportable des hommes. … Les nations ne sont pas quelque c
930
e plus insupportable des hommes. … Les nations ne
sont
pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La c
931
rs, voilà ce qui doit logiquement se produire… Il
est
clair que le monde va vers l’alternative suivante : démocratie totale
932
e ou despotisme absolu et sans lois, ce dernier n’
étant
plus exercé par des dynasties, désormais trop faibles de cœur, mais p
933
oupçonner à quel point leur politique de désunion
est
fatalement une simple politique d’entracte, — grâce à tout cela, et à
934
à venir ; s’ils appartinrent à une patrie, ce ne
fut
jamais que par les régions superficielles de leur intelligence, ou au
935
frontières. Le dernier mot, sur cette évolution,
sera
dit par Georges Sorel, quelques années avant la catastrophe annoncée
936
de dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe
est
un état anormal. Pourquoi l’Europe est-elle par excellence la terre d
937
en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe
est
-elle par excellence la terre des cataclysmes guerriers ? Parce qu’ell
938
a terre des cataclysmes guerriers ? Parce qu’elle
est
habitée par une quantité de races qui sont singulièrement opposées le
939
qu’elle est habitée par une quantité de races qui
sont
singulièrement opposées les unes aux autres, et dans leurs intérêts i
940
une raison pour cela. Des composés chimiques, qui
sont
séparément amorphes, provoquent le feu s’ils sont amalgamés dans un r
941
sont séparément amorphes, provoquent le feu s’ils
sont
amalgamés dans un récipient. L’Europe est un récipient rempli de cett
942
s’ils sont amalgamés dans un récipient. L’Europe
est
un récipient rempli de cette sorte de composés chimiques. Ça met le f
943
Sorel, qui parlait en 1908 de « cette Europe qui
est
la terre-type du malheur de l’humanité », et qui réinventait à peu de
944
ne et un Mussolini, ses disciples au xxe siècle,
fut
sans doute l’observateur le plus pessimiste de l’Europe des nationali
945
de l’autarcie affirmée sans scrupules (« Le Droit
est
ce qui sert le peuple allemand », proclame Hitler), pour que les dern
946
eraineté totale. 27. Les citations qui suivent
sont
extraites d’une Anthologie encore inédite, dans laquelle j’ai group
947
est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’
est
arrivé d’entendre dire : « Une culture européenne, ça n’existe pas. »
948
pas. » Le fait même qu’une telle phrase ne puisse
être
énoncée qu’en Europe, et seulement par la bouche d’Européens, nous fo
949
ste et qu’elle ait une culture commune ne saurait
être
un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen
950
les Français, ou les Scandinaves et les Italiens,
sont
trop différents entre eux pour former une unité quelconque ; secundo
951
pécifiquement européenne, car toute vraie culture
est
universelle par définition, et nos problèmes, en Europe, sont à peu p
952
elle par définition, et nos problèmes, en Europe,
sont
à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le reste du monde. C
953
antes ? La première, celle qui fait dire que nous
sommes
trop différents pour pouvoir constituer jamais une unité de culture,
954
s traditionnels les plus vulgaires (les Allemands
sont
portés à la philosophie, belliqueux et buveurs de bière ; les Françai
955
es Français ne pensent qu’à l’amour ; les Suisses
sont
des paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi su
956
alités de ce reste du monde. La première attitude
est
en somme celle d’un myope, et la seconde celle d’un presbyte. Essayon
957
la constatation suivante. Vue du dehors, l’Europe
est
évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité
958
tation à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce
soit
en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis. À ceux qui se
959
emis, et peut-être surtout en ennemis. À ceux qui
seraient
tentés de nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait q
960
ginalité de notre culture et le fait qu’elle nous
est
commune du Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répond
961
au point où nous allons le voir se renverser). Ne
serait
-ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régionales
962
ique, et toutes les tensions qui en résultent, ne
seraient
-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’ori
963
nelle, et la formule de l’unification contrainte,
sont
en violent contraste avec les réalités et principes caractéristiques
964
que dans le libre jeu de ses diversités. Mais il
est
temps de nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités, et c
965
lité des origines de notre civilisation. Et elles
sont
entretenues ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré de tout
966
non et que nous l’acceptions ou non, et quel que
soit
notre passeport, descendons par nos mœurs, croyances ou incroyances,
967
ave. Entre ces origines diverses, hétérogènes, se
sont
produits au cours des siècles autant de conflits non encore résolus q
968
squels cette culture se distingue très évidemment
soit
des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitai
969
s évidemment soit des anciennes cultures sacrées,
soit
des actuelles cultures totalitaires, — lesquelles ont d’ailleurs en c
970
rite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en
fut
rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas
971
que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne
furent
pas moins violents que ceux que nous vivons. Cependant, cet état de p
972
mpliquent mutuellement en Europe. En revanche, il
est
évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement
973
par les civilisations du Proche-Orient. Mais il a
été
fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont montré N
974
e philosophe Karl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu
est
la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher no
975
ette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
sera
le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi
976
vation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’
est
pas responsable. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont to
977
quent à grands cris de haine une aide qui ne leur
est
due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire :
978
avons le droit de leur dire : si nous, Européens,
sommes
en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail a
979
t, c’est à cause du travail acharné que nous nous
sommes
imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que
980
ormément à nos principes, tandis que votre misère
est
fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illu
981
riquement que la sagesse védantique, par exemple,
soit
inférieure à la théologie thomiste ou calviniste. Mais cela signifie
982
et le genre de vie que ces cultures permettent, —
soit
pour modifier cette relation, soit pour en prendre mieux conscience.
983
permettent, — soit pour modifier cette relation,
soit
pour en prendre mieux conscience. Le troisième caractère original de
984
lture européenne, c’est le sens de la liberté. Il
est
clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité pe
985
t le sens de la liberté. Il est clair que ce sens
est
étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un
986
et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’
est
vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son
987
est vraiment libre que dans la seule mesure où il
est
responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme
988
nsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait
tenir
un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où il
989
able de ses actes que dans la seule mesure où ils
sont
faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le s
990
ls sont faits librement. Notre sens de la liberté
est
aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec,
991
otre sens de la liberté est aussi complexe que le
sont
nos origines. Car la liberté pour le Grec, c’est la critique frondeus
992
rieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’
être
armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part en
993
ses variables dans notre idée de la liberté. Il n’
est
pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théori
994
à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’
est
pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation
995
liberté, la revendication de la liberté (quel que
soit
le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le p
996
iberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot)
est
sans nul doute le thème affectif le plus généralement européen, le pl
997
eur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’
est
pas seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous disti
998
-à-dire de la relation superficie-population : ce
sont
la Chine, l’Inde et l’Europe. Or, il est évident que les mêmes pressi
999
on : ce sont la Chine, l’Inde et l’Europe. Or, il
est
évident que les mêmes pressions démographiques n’ont pas produit les
1000
trois régions. Le rayonnement mondial de la Chine
est
resté faible, celui de l’Inde appartient au passé, mais celui de l’Eu
1001
’Inde appartient au passé, mais celui de l’Europe
est
maximum. Le dynamisme d’une culture proviendrait-il plutôt, si l’on e
1002
dans notre civilisation. Seules les Croisades ont
été
productives à cet égard ; or elles ne résultèrent pas d’un défi venu
1003
nous condamne à l’expansion. Que ce mouvement ait
été
baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement
1004
nergie, toute force physique ou spirituelle, peut
être
qualifiée d’impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est
1005
ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce
sont
les Européens qui ont développé les sciences physiques et naturelles,
1006
ion de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce
sont
les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun autr
1007
utre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce
sont
eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à p
1008
z les sages de plusieurs autres cultures, mais ce
sont
les Européens qui lui ont donné son contenu concret et qui ont seuls
1009
istance. On peut le dire : l’idée de genre humain
est
une création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont le
1010
des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce
sont
les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, avec t
1011
politiques des masses. À partir de l’histoire, ce
sont
les Européens qui ont inventé l’archéologie comme ils ont inventé l’e
1012
ions prodigieuses de siècles et de continents que
sont
leurs musées, ils ont élaboré les préalables d’une science comparée d
1013
sormais au monde entier. Or, toutes ces créations
sont
nées des profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans
1014
, nous venons d’observer que toutes ces créations
sont
en expansion vers le monde, qu’elles appellent le monde, qu’elles s’e
1015
eler, mais avec la plus vive insistance, que ce n’
est
pas par hasard que l’Europe a produit non seulement les notions de pe
1016
s apparaître ces différentes créations. Non, ce n’
est
pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infinie
1017
ns natives et notre volonté de les surmonter, qui
est
volonté de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à
1018
oins, adoptées par le monde entier. Notre culture
est
l’essence même de l’Europe et de son histoire, mais voici que cette c
1019
lèmes effrayants que pose son rassemblement. Nous
sommes
au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé «
1020
ens, ayant créé « le monde », se voient menacés d’
être
dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et
1021
aux dépens de leur propre équilibre humain. Nous
sommes
sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passio
1022
uré devant nos yeux, et sur la politique que nous
sommes
bien forcés d’imaginer pour y faire face. Nous devons tout d’abord, n
1023
tre culture, afin de mieux comprendre ce que nous
sommes
, ce que nous avons fait, et pourquoi. Et nous devons en même temps no
1024
roduits. L’originalité de la culture européenne n’
est
nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel
1025
opéenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas
être
masquée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. On nous répète
1026
s répète à satiété que la science et la technique
sont
aujourd’hui des réalités mondiales, et n’appartiennent plus à l’Europ
1027
e peut donc pas encore affirmer que notre culture
soit
devenue réellement universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soi
1028
nt universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui
soit
en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux
1029
oit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui
soit
susceptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née de nos œuvres.
1030
lors, que faire ? que devons-nous faire, nous qui
sommes
aussi les « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir a
1031
ais et les Allemands de se battre. Ce premier but
est
parfaitement atteint. L’union de l’Europe a maintenant d’autres motif
1032
notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’
est
-il pas beaucoup plus important ? Question européenne par excellence.
1033
Comenius écrivait : « Nous autres Européens, nous
sommes
comparables à des passagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau
1034
ement ceci : l’angoisse du monde qui nous appelle
est
sans doute plus grave que la nôtre ; et notre devoir aujourd’hui, est
1035
grave que la nôtre ; et notre devoir aujourd’hui,
est
bien moins de prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble
1036
rès et les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple
sera
de reprendre les trois termes qui forment notre titre : Congrès, Libe
1037
ent notre titre : Congrès, Liberté, Culture. Nous
sommes
donc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’i
1038
onc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il
est
vrai, puisqu’il a tenu des réunions successivement dans plus de vingt
1039
— un congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a
tenu
des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les cinq
1040
ts — mais voici le point important : ce Congrès n’
est
pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemblem
1041
oint important : ce Congrès n’est pas un parti, n’
est
pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de cult
1042
service des libertés de l’esprit partout où elles
sont
attaquées, une certaine force de frappe, de protestation efficace. Ma
1043
e progrès dans la liberté. Sur ce mot Liberté, je
serai
très bref bien qu’il soit le mot capital. Car la liberté, voyez-vous,
1044
Sur ce mot Liberté, je serai très bref bien qu’il
soit
le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’est pas quelque chos
1045
le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’
est
pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose que nou
1046
ement non développés) des centaines de millions d’
êtres
humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie
1047
dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’
est
que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’
1048
la nouveauté, l’inquiétude, une certaine révolte
sont
aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la cul
1049
ors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’
est
plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut ; q
1050
ion mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’
est
plus seulement tradition mais création, et qui n’est plus seulement i
1051
plus seulement tradition mais création, et qui n’
est
plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la cult
1052
ne. La politique, nous n’y échapperons pas, et il
est
inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cern
1053
ement non développés) des centaines de millions d’
êtres
humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie
1054
es définitions, que là aussi vous me permettrez d’
être
assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la concepti
1055
dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’
est
que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’
1056
la nouveauté, l’inquiétude, une certaine révolte
sont
aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la cul
1057
ors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’
est
plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut ; q
1058
ion mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’
est
plus seulement tradition mais création, et qui n’est plus seulement i
1059
plus seulement tradition mais création, et qui n’
est
plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la cult
1060
éduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il
est
devenu depuis dix ans, s’élargissant progressivement aux dimensions d
1061
t progressivement aux dimensions du monde entier,
est
désormais : d’organiser un ample effort de réflexions entre intellect
1062
mériques ; mais ceci dans la perspective qui nous
est
propre : celle des incidences du progrès sur les vraies libertés huma
1063
umaines. On nous demande souvent, de tous côtés :
Êtes
-vous un mouvement politique ? Il me semble que le commentaire que je
1064
wers insistent : tous veulent absolument que nous
soyons
politiques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai d
1065
t absolument que nous soyons politiques, que nous
soyons
d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai donc à mon tour. Au-delà d
1066
ne. La politique, nous n’y échapperons pas, et il
est
inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cern
1067
otre volonté et à notre foi. Et alors, la liberté
serait
-elle du nombre de ces fins dernières, serait-elle à son tour un absol
1068
erté serait-elle du nombre de ces fins dernières,
serait
-elle à son tour un absolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit
1069
loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’
est
point par des statistiques, portant sur les résultats d’un régime ou
1070
e et d’affronter le mystère de sa personne. Telle
est
la fin dernière de toute communauté, et la seule mesure qui permette
1071
w. Présenté par cette note : « Du 16 au 22 juin s’
est
tenu à Berlin (Ouest), le 3e Congrès international pour la liberté de
1072
résenté par cette note : « Du 16 au 22 juin s’est
tenu
à Berlin (Ouest), le 3e Congrès international pour la liberté de la c
1073
u Centre culturel du Conseil de l’Europe [sic], a
été
particulièrement remarquée. L’auteur de L’Aventure spirituelle de l’
1074
est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’
est
arrivé bien souvent d’entendre prononcer la phrase suivante : « Une c
1075
pas. » Le fait même qu’une telle phrase ne puisse
être
entendue qu’en Europe et seulement dans la bouche d’Européens, nous f
1076
ste et qu’elle ait une culture commune ne saurait
être
un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen
1077
ou les Scandinaves et les Italiens, par exemple,
sont
trop différents entre eux pour former une unité quelconque. Et ils af
1078
enne, car, disent-ils encore, toute vraie culture
est
universelle par définition, et nos problèmes, en Europe, sont à peu p
1079
elle par définition, et nos problèmes, en Europe,
sont
à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le reste du monde. C
1080
antes ? La première, celle qui fait dire que nous
sommes
trop différents pour pouvoir constituer jamais une unité de culture,
1081
s traditionnels les plus vulgaires (les Allemands
sont
portés à la philosophie, belliqueux et buveurs de bière, les Français
1082
les Français ne pensent qu’à l’amour, les Suisses
sont
des paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi su
1083
alités de ce reste du monde. La première attitude
est
en somme celle d’un myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il es
1084
un myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il
est
d’autant plus curieux de les trouver souvent réunies chez un même ind
1085
endrons très vite à la constatation suivante, qui
sera
ma première thèse : Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’A
1086
sera ma première thèse : Vue du dehors, l’Europe
est
évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité
1087
tation à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce
soit
en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis ! À ceux qui s
1088
mis, et peut-être surtout en ennemis ! À ceux qui
seraient
tentés de nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait q
1089
ginalité de notre culture et le fait qu’elle nous
est
commune du Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répond
1090
’au point où nous allons le voir se renverser. Ne
serait
-ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régionales
1091
ique, et toutes les tensions qui en résultent, ne
seraient
-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’ori
1092
une fois citée et publiée depuis : L’Européen ne
serait
-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesu
1093
opéen dans la mesure précise où il doute qu’il le
soit
et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel, soi
1094
u’il le soit et prétend au contraire s’identifier
soit
avec l’homme universel, soit avec l’homme d’une seule nation du grand
1095
ntraire s’identifier soit avec l’homme universel,
soit
avec l’homme d’une seule nation du grand complexe européen, dont il r
1096
fication contrainte, à base de décrets étatiques,
sont
en violent contraste avec les réalités et principes caractéristiques
1097
que dans le libre jeu de ses diversités. Mais il
est
temps de nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités, et c
1098
ité des origines de notre civilisation ; et elles
sont
entretenues ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré de tout
1099
non et que nous l’acceptions ou non, et quel que
soit
notre passeport, descendons par nos mœurs, croyances ou incroyances,
1100
abe. Entre ces origines diverses, hétérogènes, se
sont
produits au cours des siècles autant de conflits non encore résolus q
1101
squels cette culture se distingue très évidemment
soit
des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitai
1102
s évidemment soit des anciennes cultures sacrées,
soit
des actuelles cultures totalitaires — lesquelles ont d’ailleurs en co
1103
rite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en
fut
rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas
1104
que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne
furent
pas moins violents que ceux que nous vivons. Cependant, cet état de p
1105
mpliquent mutuellement en Europe. En revanche, il
est
évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement
1106
par les civilisations du Proche-Orient. Mais il a
été
fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont montré N
1107
e philosophe Karl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu
est
la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher no
1108
ette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
sera
le moteur non seulement de nos recherches philosophiques, mais aussi
1109
vation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’
est
pas responsable. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont to
1110
quent à grands cris de haine une aide qui ne leur
est
due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de leur dire :
1111
avons le droit de leur dire : si nous, Européens,
sommes
en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail a
1112
t, c’est à cause du travail acharné que nous nous
sommes
imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que
1113
ormément à nos principes, tandis que votre misère
est
fort bien tolérée par la sagesse de vos élites, qui exclut comme illu
1114
riquement que la sagesse védantique, par exemple,
soit
inférieure à la théologie thomiste ou calviniste. Mais cela signifie
1115
et le genre de vie que ces cultures permettent —
soit
pour modifier cette relation, soit pour en prendre mieux conscience.
1116
s permettent — soit pour modifier cette relation,
soit
pour en prendre mieux conscience. Le troisième caractère original de
1117
lture européenne, c’est le sens de la liberté. Il
est
clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité pe
1118
t le sens de la liberté. Il est clair que ce sens
est
étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et que l’un
1119
et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’
est
vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son
1120
est vraiment libre que dans la seule mesure où il
est
responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme
1121
nsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait
tenir
un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où il
1122
able de ses actes que dans la seule mesure où ils
sont
faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que le s
1123
ls sont faits librement. Notre sens de la liberté
est
aussi complexe que le sont nos origines. Car la liberté pour le Grec,
1124
otre sens de la liberté est aussi complexe que le
sont
nos origines. Car la liberté pour le Grec, c’est la critique frondeus
1125
rieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’
être
armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part en
1126
ses variables dans notre idée de la liberté. Il n’
est
pas de concept plus difficile à définir, ni plus facile à nier en thé
1127
éfinir, ni plus facile à nier en théorie, et il n’
est
pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation,
1128
liberté, la revendication de la liberté (quel que
soit
le sens qu’on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le p
1129
iberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot)
est
sans nul doute le thème affectif le plus généralement européen, le pl
1130
us condamnent à l’expansion. Que ce mouvement ait
été
baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement
1131
nergie, toute force physique ou spirituelle, peut
être
qualifiée d’impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est
1132
nales, paraîtront peut-être un peu abstraites. Il
est
temps que je les illustre. Au lieu d’expliquer laborieusement les ori
1133
ces résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce
sont
les Européens qui ont développé les sciences physiques et naturelles
1134
ion de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce
sont
les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun autr
1135
utre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce
sont
eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à p
1136
z les sages de plusieurs autres cultures, mais ce
sont
les Européens qui lui ont donné son contenu concret et ont seuls démo
1137
istance. On peut le dire : l’idée de genre humain
est
une création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont le
1138
des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce
sont
les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, avec t
1139
politiques des masses. À partir de l’histoire, ce
sont
les Européens qui ont inventé l’archéologie, comme ils ont inventé l’
1140
ésormais au monde entier. Or toutes ces créations
sont
nées des profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans
1141
valeurs ; mais d’autre part, toutes ces créations
sont
en expansion vers le monde, elles appellent le monde, elles s’en nour
1142
eler, mais avec la plus vive insistance, que ce n’
est
pas par hasard que l’Europe a produit non seulement les notions de pe
1143
s apparaître ces différentes créations. Non, ce n’
est
pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infinie
1144
ns natives et notre volonté de les surmonter, qui
est
volonté de liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à
1145
oins, adoptées par le monde entier. Notre culture
est
l’essence même de l’Europe et de son histoire, et voici que pourtant
1146
lèmes effrayants que pose son rassemblement. Nous
sommes
au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé «
1147
sens que je viens d’indiquer) se voient menacés d’
être
dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et
1148
aussi au détriment de leur propre équilibre. Nous
sommes
sur le seuil périlleux de l’ère mondiale. Moment dramatique et passio
1149
té de notre culture, mieux comprendre ce que nous
sommes
, ce que nous avons fait, et pourquoi. Et nous devons en même temps no
1150
culture. L’originalité de la culture européenne n’
est
nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel
1151
opéenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas
être
masquée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. On nous répète
1152
s répète à satiété que la science et la technique
sont
aujourd’hui des réalités mondiales, et n’appartiennent plus à l’Europ
1153
cture : à tel point que l’on a pu dire que Naples
est
la seule ville orientale qui n’ait pas de quartier européen. Mais ce
1154
e peut donc pas encore affirmer que notre culture
soit
devenue réellement universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soi
1155
nt universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui
soit
en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux
1156
oit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui
soit
susceptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née de nos œuvres.
1157
lors, que faire ? Que devons-nous faire, nous qui
sommes
aussi les « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir a
1158
ais et les Allemands de se battre. Ce premier but
est
parfaitement atteint. L’union de l’Europe a maintenant d’autres motif
1159
notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’
est
-il pas beaucoup plus important ? Question européenne par excellence.
1160
Comenius écrivait : « Nous autres Européens, nous
sommes
comparables à des passagers embarqués sur le même bateau. » Ce batea
1161
ement ceci : l’angoisse du monde qui nous appelle
est
sans doute plus grave que la nôtre ; et notre devoir aujourd’hui, est
1162
grave que la nôtre ; et notre devoir aujourd’hui,
est
bien moins de prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble
1163
tobre 1960)z L’idée d’une Fondation européenne
fut
exposée pour la première fois par le directeur du Centre européen de
1164
européen de la culture, lors d’une réunion qui se
tint
dans la chambre même où était né Louis XIV, au Pavillon Henri IV, à S
1165
d’une réunion qui se tint dans la chambre même où
était
né Louis XIV, au Pavillon Henri IV, à Saint-Germain-en-Laye. C’était
1166
suivantes : Si l’Europe, simple cap de l’Asie, a
tenu
le premier rang dans le monde pendant des siècles, elle l’a dû à sa f
1167
s’efforcent d’imiter. Les Européens ont raison d’
être
fiers d’une telle culture. Cependant, que font-ils aujourd’hui non se
1168
ide des fondations américaines. Cette situation n’
est
ni normale ni saine, et peut même devenir démoralisante. Un moyen d’y
1169
r démoralisante. Un moyen d’y remédier rapidement
serait
d’établir une puissante fondation européenne dotée de capitaux récolt
1170
nos pays une confiance en soi et en l’avenir qui
est
l’une des premières conditions de la vitalité d’une culture. Le Club
1171
la culture, à Genève, les statuts de la Fondation
étaient
signés par MM. Robert Schuman, agissant comme président ; D. de Rouge
1172
n staff à Genève. Les frais généraux purent ainsi
être
réduits au minimum. Ce régime provisoire devait permettre à la Fondat
1173
utre part de rassembler les fonds qui lui avaient
été
promis. Car elle ne disposait pas, comme les fondations américaines,
1174
fonds viennent à qui sait entreprendre, et qu’ils
seraient
donc trouvés dans la mesure même où les activités paraîtraient effect
1175
s et convaincantes. Deux départements spécialisés
furent
donc créés sans plus attendre : celui de l’éducation et celui des Bea
1176
s d’éducation européenne (dont l’exécution devait
être
confiée dès 1956 au CEC) et le second commanda des œuvres nouvelles à
1177
s à six jeunes compositeurs, auxquels des bourses
furent
décernées. Un comité d’experts en éducation et un jury musical présid
1178
ompositeurs. En même temps, plusieurs subventions
furent
accordées, notamment à la Journée européenne des écoles, à l’Associat
1179
ion des gouverneurs à Genève, le 16 mars 1957, il
fut
convenu que la Fondation établirait son siège d’opérations à Amsterda
1180
ve. (C’est en effet le Conseil fédéral suisse qui
est
l’autorité de surveillance de la Fondation.) Les confusions qui pouva
1181
d nombre de sources. Le premier de ces congrès se
tint
à Amsterdam en 1957, le second à Milan en 1958 et le troisième à Vien
1182
le ronde des institutions culturelles européennes
furent
organisés par la Fondation à l’occasion du congrès de Vienne, et se r
1183
du congrès de Copenhague, en 1960. La table ronde
est
destinée à permettre une meilleure coordination des activités autonom
1184
ages d’une fusée, nous constaterons que le moment
est
venu, pour la Fondation, de « mettre à feu » le 3e et dernier étage :
1185
ait bien l’objectif initial. L’accord qui vient d’
être
conclu entre la Fondation et le Fonds culturel du Conseil de l’Europe
1186
ondation atteint ainsi, en 1960, le but qu’elle s’
était
fixé au départ, ce succès se trouvera coïncider fort heureusement ave
1187
riment bien autre chose qu’un thème romanesque, —
fût
-il même le thème exemplaire, l’archétype de tous les romans vraiment
1188
pe de tous les romans vraiment dignes du nom. Ils
sont
comme les premières apparitions, comme les épiphanies quasi sacrées,
1189
n des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’
est
-ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ce
1190
me occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’
est
-ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au publ
1191
ième forme de l’existence proprement humaine, qui
est
l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui do
1192
ianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’
est
ni proprement physique ni proprement spirituelle, qui n’est pas celle
1193
prement physique ni proprement spirituelle, qui n’
est
pas celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tienne aux
1194
du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle
tienne
aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle du « cœur
1195
’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui
est
bien plutôt celle du « cœur » comme on dit —, celle de l’âme. L’âme e
1196
du « cœur » comme on dit —, celle de l’âme. L’âme
est
en propre le domaine des émotions et des passions. L’émotion est la p
1197
e domaine des émotions et des passions. L’émotion
est
la preuve de l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps, e
1198
n est la preuve de l’âme, tout comme la sensation
est
la preuve du corps, et la pensée, la preuve de l’intellect. La passio
1199
aux conventions sociales. Ainsi, l’amour-passion
est
cette forme de l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des
1200
présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’
être
aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale que la pa
1201
age idéale que la passion s’en fait. Cette image,
étant
idéale, doit demeurer toujours fuyante, inaccessible. Mais la réalité
1202
r toujours fuyante, inaccessible. Mais la réalité
est
lourdement présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme
1203
reiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’
est
pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, cont
1204
ntemporain de nos légendes tristaniennes. Mais qu’
est
-ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi, « tourne à réa
1205
égendes tristaniennes. Mais qu’est-ce alors, quel
est
le faux amour qui « tourne » ainsi, « tourne à réalité » ? Ce n’est p
1206
qui « tourne » ainsi, « tourne à réalité » ? Ce n’
est
pas le désir comblé, au sens sexuel de l’expression, car cet acte ins
1207
l’Église. C’est le mariage. Constater que Tristan
est
tout d’abord le mythe de l’amour plus fort que la vie, c’est reconnaî
1208
reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’
est
pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui
1209
ue la vraie victime du mythe n’est pas Tristan, n’
est
pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au contra
1210
du mythe n’est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’
est
pas non plus leur passion, qui triomphe au contraire de tout. La vrai
1211
ul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il
est
perdant. À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion triom
1212
’à nos jours, comme j’ai tenté de le faire jadis,
serait
hélas illustrer la lente dégradation du mythe, grandiose en sa simpli
1213
ons morales les plus banales et complaisantes. Ce
serait
aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets
1214
dinettes et films de série, dont le love interest
est
l’ingrédient forcé, dernière dilution populaire du philtre magique de
1215
de la Reine, du « vin herbé » dont la vertu jadis
fut
mortelle aux amants séparés, mais fut aussi transfigurante. L’histoir
1216
vertu jadis fut mortelle aux amants séparés, mais
fut
aussi transfigurante. L’histoire du mythe, dans nos mœurs et coutumes
1217
histoire du mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne
serait
-elle que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les
1218
nation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe
sont
épuisés et que nous serons peut-être les derniers à subir son « tourm
1219
ue les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous
serons
peut-être les derniers à subir son « tourment délicieux », selon l’ex
1220
uteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe
est
épuisé, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure qu
1221
primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’il
était
vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-mêm
1222
mulés entre les amants légendaires — le principal
étant
le mariage d’Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurai
1223
Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en
sommes
aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus un lien sacré, advers
1224
en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’
est
plus un lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, lo
1225
anciers. Ils savent bien que le roman véritable n’
est
jamais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut.
1226
me sans qualités, de Musil, la Lolita de Nabokov,
sont
les derniers échos du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous qui
1227
du mythe ressuscité grâce aux derniers tabous qui
tiennent
encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme un antihé
1228
ennent encore. Mais déjà, le héros de Lolita nous
est
décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychana
1229
eu. Si les derniers tabous viennent à céder, c’en
sera
fait de la passion. Que deviendront nos romanciers ? Il leur reste le
1230
ittéralement sans histoire. Ou bien encore, et ce
serait
mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négati
1231
rir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il
est
vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre cult
1232
t cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en
est
-il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose à notr
1233
n est-il du dernier barrage que notre condition d’
êtres
finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amour même ? Si la passion
1234
condition d’êtres finis oppose à notre amour d’un
être
, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair
1235
Amour même ? Si la passion vit de séparations, il
est
bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, e
1236
bien clair que la séparation la plus irrémédiable
est
dans la mort, et toutes nos sciences, ici, se récusent et se taisent.
1237
uvant le breuvage magique, les amants légendaires
sont
entrés, nous disent-ils, dans les voies d’une destinée « qui jamais n
1238
lles », le jour de l’Ange. Cet horizon de la mort
est
l’ultime sens du mythe. Mais il faut croire aux anges pour y croire.
1239
et ses désirs et ses amours, composent au Ciel un
être
de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa
1240
e de lumière, une contrepartie transcendante, qui
est
son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme est double : individ
1241
son Nom divin, sa personne éternelle. Tout homme
est
double : individu sur Terre, transitoire — et germe d’un être éternel
1242
: individu sur Terre, transitoire — et germe d’un
être
éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et ces ange
1243
rre, transitoire — et germe d’un être éternel qui
est
son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravar
1244
me d’un être éternel qui est son vrai moi, et qui
est
un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont des entités fém
1245
un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis,
sont
des entités féminines. On retrouve ici Dante, et Goethe, et peut-être
1246
re-de-Gloire restituant toutes choses et tous les
êtres
dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyan
1247
’immortalité », au centre du monde spirituel (qui
est
le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un s
1248
’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je
suis
toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au lieu
1249
’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait
été
, sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan, sa princesse l
1250
lle. Toute filiation historique mise à part, — ce
serait
le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélologie de
1251
on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut
être
deux pour aimer », comme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce
1252
omme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce
serait
aimer l’ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait d
1253
e en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce
serait
deviner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître, et le
1254
tre amour, provoquant la passion créatrice, ce ne
serait
plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que
1255
passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce
serait
dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un Autre i
1256
ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre
soit
un Autre impénétrable, ne tient pas à quelque interdit, à quelque tab
1257
chain. Que l’Autre soit un Autre impénétrable, ne
tient
pas à quelque interdit, à quelque tabou religieux, à quelque décret d
1258
morale que l’on pourrait un jour abandonner, mais
tient
à l’être même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle scien
1259
l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’
être
même, au fait de la personne. Nulle technique et nulle science de l’h
1260
echnique et nulle science de l’homme ne peut nous
être
ici d’aucun secours. Il faut aimer, pour le comprendre et rapporter l
1261
peut nous y aider, c’est bien là sa fonction, qui
est
d’orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur
1262
e justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’
est
pas seulement de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme
1263
Précédé de la note suivante : « Le fauteuil où il
est
élu n’ayant jamais eu de titulaire depuis la fondation de l’Académie,
1264
à rappeler le souvenir d’un prédécesseur. Il lui
fut
donc loisible d’y indiquer d’intéressantes théories sur le roman de T
1265
aité le même thème. Quand elle eut appris que tel
était
le dessein des deux orateurs, l’Académie s’avisa de compléter ces exp
1266
ascal, et les États-Unis Orson Welles. Sa boutade
est
moins sotte qu’elle n’en a l’air. Trois raisons l’excusent à mes yeux
1267
mpatriotes ne voient pas malice, persuadés qu’ils
sont
que l’horlogerie suisse donne l’heure au monde entier et ne craint pe
1268
e, les noms d’hommes importants qu’on lui donnera
sont
inconnus hors du canton. Ces trois points appelleraient d’infinis com
1269
ts. Voyons cela d’un peu plus près. Compartiments
est
le mot-clé de la Suisse. Vingt-cinq États distincts quoique sans fron
1270
aissent que trop, et sociétés solides si leur but
est
restreint. Si bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera
1271
but est restreint. Si bien que l’homme de poids y
sera
surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus
1272
ien que l’homme de poids y sera surtout local. Il
sera
le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un can
1273
ui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’
être
un chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la
1274
esure commune et d’être un chef. Un Führer suisse
est
impensable. Mais dans le domaine de la culture, cet égalitarisme à pe
1275
de pendules à coucou ignorent généralement que ce
fut
un Suisse qui bâtit le plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome
1276
Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Voilà qui
est
bien dit et bien vu, mais le Français ne fait-il pas trop belle la pa
1277
s que notre Américain la réduisait au joujou ? Il
est
vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment natal,
1278
s grandes dimensions qui leur manquent. Paracelse
était
Suisse, comme C. G. Jung, et Rousseau comme Jacob Burckhardt, et Mada
1279
personne. Jean de Müller, historien des Suisses,
fut
aussi le premier à publier une Vue générale du genre humain, dès la f
1280
e humain, dès la fin du xviiie siècle. Mais ce n’
est
pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent et apprir
1281
Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’
est
pas la Suisse qui a fait leur nom et qui l’a propagé au loin ; c’est
1282
voisins et parfois de l’Amérique, que ce nom nous
est
revenu, comme importé. Un autre trait commun à nos meilleurs esprits
1283
un ou deux exceptés (et cela se discuterait) ils
furent
tous, à des titres divers, des hommes utiles, des penseurs engagés, p
1284
ques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’
être
utile excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience helvétiq
1285
ats, Mozart et Rubens, Shakespeare et Dostoïevski
seraient
impensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâ
1286
tout souci d’application « morale », leur eussent
été
formellement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En revanch
1287
che, les grands noms que j’énumérais plus haut ne
seraient
guère pensables hors du complexe suisse. C’est à eux que la Suisse do
1288
961)ae af L’économie occidentale d’aujourd’hui
est
dominée par l’industrie ; or le moteur de notre développement industr
1289
e la mieux vérifiable. Le sujet de mes réflexions
sera
donc : l’interaction de la culture et de la technique au sein de la c
1290
dont l’Europe constitue le foyer créateur. Quel
est
l’état présent de ce problème ? Et dans quelle situation concrète abo
1291
ondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’
être
connus de tous. Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire, un
1292
par l’URSS et de là, transplantée en Chine, elle
est
devenue, au cours de ces dernières années, non seulement l’idéal, mai
1293
pécialistes, et même d’ouvriers qualifiés. L’URSS
est
peut-être la seule exception. Il en résulte qu’on propose un peu part
1294
r ses forces en deux camps : d’une part, ceux qui
sont
prêts à sacrifier la culture générale aux exigences techniques et qui
1295
le peut à son tour bénéficier de la technique. Je
suis
pour ma part convaincu que notre culture, dans son ensemble — théolog
1296
la culture générale et une éducation spécialisée
est
le type même du faux problème. Car sans culture occidentale, point de
1297
L’une se nourrit de l’autre et l’une sans l’autre
serait
condamnée à dépérir en peu de temps. Pour établir cette thèse central
1298
asards, les trouvailles par hasard, des rêves qui
sont
aussi les grands thèmes directeurs des créations de notre culture. Po
1299
Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils ? Quels
sont
donc les motifs profonds de la technique ? Tout le xixe siècle répon
1300
de dieux ou de malicieux lutins. L’homme moderne
est
-il très différent ? Prenons quelques exemples de ses inventions techn
1301
ine, l’auto et l’avion. C’est du rêve de voler qu’
est
né l’avion, et non pas de la prévision des avantages économiques, tou
1302
ait un jour l’aviation. L’histoire du vol d’Icare
est
le récit d’un rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l
1303
r des centaines d’auteurs depuis trois-mille ans,
est
de toute évidence antérieur à toute espèce de considération utilitair
1304
est du rêve de partir au hasard sur les routes qu’
est
née l’auto, comme le prouve le récit de cette invention que, dans son
1305
, nous dit-il, une « locomotive routière » qui ne
fût
pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et des horaire
1306
es campagnes : rêve typique de l’adolescence, qui
est
l’âge des fugues. Le jeune Henry Ford le réalisa en 1893, quelques an
1307
ins exemplaire. L’un des inventeurs de la turbine
fut
Léonard Euler, mathématicien de génie, et ici, c’est le motif religie
1308
en de génie, et ici, c’est le motif religieux qui
est
décisif. Élevé à Bâle dans un milieu ardemment piétiste, Euler pensai
1309
ur. Celle qui existait au début du xviiie siècle
était
des plus rudimentaire : il fallait qu’un surveillant introduise de te
1310
ectionner la trouvaille du petit garçon qui avait
été
ainsi, sans le savoir, l’inventeur de l’automation créatrice de loisi
1311
ces exemples d’inventions techniques, le motif n’
est
utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un tout au
1312
tif n’est utilitaire, économique ou financier. Ce
sont
des besoins d’un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont
1313
istre français, déclare en 1833 que la locomotive
est
« une simple amusette scientifique ».) Plus tard, l’industrie et la b
1314
esoins matériels de l’homme des masses. La vérité
est
simplement inverse : l’homme moyen n’éprouve le besoin de prendre le
1315
art des brevets d’invention suivis d’exploitation
sont
pris par les bureaux d’études des grandes firmes industrielles ou des
1316
ou des offices de recherches militaires. Mais ce
sont
, après tout, de petites inventions répondant à de petites nécessités
1317
ers la Lune et Vénus me suffira. Les plus grandes
sommes
— des milliards de dollars — que dépensent nos plus grands États, son
1318
de dollars — que dépensent nos plus grands États,
sont
affectées à la recherche des moyens d’explorer le cosmos. Personne ne
1319
e scandaleuses, aux yeux de l’utilitarisme, ce ne
sont
pas les lois de l’économie et encore moins les besoins matériels — qu
1320
emiers astronautes quittèrent la Terre. Mais vous
êtes
tous témoins qu’il n’en est rien. C’est la nature de nos rêves consta
1321
la Terre. Mais vous êtes tous témoins qu’il n’en
est
rien. C’est la nature de nos rêves constants qui détermine nos découv
1322
les possibilités illimitées de l’imagination : ce
sont
eux qui créent la culture, les arts, les sciences et la littérature.
1323
de rêve, son imagerie et ses orientations, — qui
sont
celles de nos découvertes. En résumé — notre technique occidentale es
1324
ouvertes. En résumé — notre technique occidentale
est
née du rêve occidental, de ce même rêve qui a créé notre culture ; —
1325
rêve qui a créé notre culture ; — la technique n’
est
donc pas un destin objectif et que nous aurions à subir, mais bien au
1326
ntraire, elle exprime des vœux profonds dont nous
sommes
responsables. Il en résulte que la culture et la technique ne sauraie
1327
sulte que la culture et la technique ne sauraient
être
opposées dans leurs sources, puisqu’elles procèdent de nos mêmes rêve
1328
e faut-il donc penser de cette longue plainte qui
fut
mise à la mode par Bergson, et de ce pessimisme général, que l’invent
1329
on oublie simplement que les machines et la bombe
sont
faites par l’homme et ne feront rien sans lui. J’écrivais au lendema
1330
’écrivais au lendemain d’Hiroshima : La bombe n’
est
pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dange
1331
st pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui
est
horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la bombe
1332
se prépare à l’employer. Le contrôle de la bombe
est
une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si
1333
anquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se
tiendra
coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce
1334
il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’
est
pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse
1335
n’est pas d’invention, si simple et si utilitaire
soit
-elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de
1336
simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse
être
mise au service des passions meurtrières de l’homme : le couteau de c
1337
roduite. Dire que la machine domine l’homme, ce n’
est
qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion,
1338
st qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne
fut
pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une doulo
1339
as une illusion, ni une manière de parler, ce qui
fut
même une douloureuse tragédie depuis plus d’un siècle pour une partie
1340
ur une partie de nos populations occidentales, ce
fut
le sort du travailleur industriel, de cet immense prolétariat créé pa
1341
aylorisé, travaillant à la chaîne. Et certes ce n’
étaient
pas non plus les machines ou les chaînes qui forçaient l’ouvrier à le
1342
dentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne
sont
pas les justes indignations d’un Marx, ni l’action politique des part
1343
létariat, mais c’est la technique elle-même. Ce n’
est
pas en freinant ses progrès, mais au contraire en les accélérant, que
1344
ès, mais au contraire en les accélérant, que nous
sommes
parvenus au seuil d’une ère nouvelle, qui doit et peut, progressiveme
1345
rythme, devient au contraire libérateur dès qu’il
est
poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’être servi, mais seu
1346
poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’
être
servi, mais seulement surveillé par l’homme. Mais il y a plus. Le pri
1347
au bureau, obtenue depuis trois quarts de siècle,
est
d’environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chiffre se verr
1348
avail, c’est même le vrai travail humain. Mais il
est
clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la cultu
1349
l humain. Mais il est clair que si le temps libre
est
augmenté, la consommation de la culture augmentera elle aussi, et que
1350
suite, les conditions du producteur de la culture
seront
sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la technique permet de gag
1351
er sur le temps de travail mécanique et routinier
sera
gagné pour la culture, ou pourra l’être. Nous allons vers un temps où
1352
routinier sera gagné pour la culture, ou pourra l’
être
. Nous allons vers un temps où les loisirs deviendront quantitativemen
1353
ite aux cours de marxisme-léninisme. Mais le fait
est
que les Russes ont lancé les premiers Spoutniks, et tout le monde veu
1354
er les sources vives de l’invention technique qui
tient
à l’ensemble de notre culture et à ses rêves directeurs. Gardons-nous
1355
rs. Gardons-nous de scier la branche sur laquelle
est
assise notre puissance technique ; elle se nomme culture générale. Le
1356
lus grands inventeurs de tous les temps n’ont pas
été
des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et d
1357
2° que c’est alors que nous courrons le risque d’
être
spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à les s
1358
que d’être spirituellement soumis à nos machines,
étant
dressés d’avance à les servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieu
1359
s, étant dressés d’avance à les servir, au lieu d’
être
éduqués pour vivre mieux en disposant de leurs services. De ces trop
1360
ales. Nous avons vu que leurs sources créatrices
sont
communes, qu’elles jaillissent du même fonds et s’alimentent aux même
1361
évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire
sont
au contraire en relation de promotion réciproque. La technique ne per
1362
sion et les disques, toute la musique occidentale
est
mise à la portée instantanée de tous les amateurs de musique, et le n
1363
amateurs de musique, et le nombre de ces amateurs
est
en même temps multiplié. Il en va de même pour les pièces de théâtre,
1364
et books, aux États-Unis d’abord puis en Europe a
été
rendu possible par les perfectionnements techniques de l’édition et p
1365
s ne l’aveuglent et que sa politique éducative ne
soit
à courte vue ; elle repose en effet sur l’idée que la formation techn
1366
s grands buts spirituels de l’homme, la technique
sera
donnée par-dessus. Troisième conclusion : Ne perdons jamais de vue le
1367
ent et transportées dans les pays sous-développés
sont
les équivalents modernes du cheval de Troie. Et si nous persistons à
1368
mploi, et nos remèdes deviendront des poisons. Il
est
donc temps, pour nous Occidentaux, d’adjoindre à l’assistance techniq
1369
la technique dépend de la culture créatrice. Il
est
vital pour l’avenir de l’économie en Occident, de soutenir la culture
1370
ture sous toutes ses formes : cette culture qui n’
est
pas seulement la source de nos inventions mais la seule garantie d’un
1371
rnir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident
est
donc entre les mains de ceux qui assumeront à la fois les conditions
1372
e mouvement fédéraliste européen, M. de Rougemont
est
entre autres fondateur, avec E. Mounier, du mouvement personnaliste,
1373
Le Temps de la louange (
été
1961)ac Notre rencontre date de l’été 1947, à Paris. Nous étions q
1374
louange (été 1961)ac Notre rencontre date de l’
été
1947, à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’un hôtel, vers
1375
Notre rencontre date de l’été 1947, à Paris. Nous
étions
quelques-uns dans le hall d’un hôtel, vers quatre heures du matin, et
1376
n avant sa mort. Je parlerai de sa personne. ⁂ Il
était
alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’une famille de Ha
1377
e Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’
être
un jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, Français de bon
1378
réaliste et religieux. Puis, une fois de plus, il
est
passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref
1379
cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors,
être
« nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’un « nouveau travail
1380
ait, coupant court, et comme en aparté : « Ceci n’
est
pas conforme à ma théologie. » Et l’on sentait qu’il s’agissait en lu
1381
tuelle. Son parti pris fondamental, seul déclaré,
était
celui d’un absolu monothéisme, au nom duquel il récusait toutes les c
1382
ques — saint Thomas, Calvin ou Karl Barth — comme
étant
affectées à la base d’un « littéralisme » biblique décidément incompa
1383
on sens du symbolisme universel. Bach en automne
est
un poème luthérien, le seul que je connaisse en français. Luthérien p
1384
conomie, et sans doute la morale. Pourtant, nul n’
était
moins que lui tenté par le nihilisme ou simplement par la révolte. Ca
1385
mait à dire : « dans la confusion générale ». Tel
étant
de toute évidence le train du monde, il fallait naviguer dans la vie
1386
ule intuition d’une certaine qualité poétique des
êtres
ou de la conjoncture ; et les erreurs importaient peu, normales, parf
1387
a perfection des temps ». Sa faculté de travail n’
était
guère égalée que par sa faculté d’évasion vagabonde ; son perfectionn
1388
l’empêchant, hélas ! d’écrire son œuvre. Il avait
été
Roi dans une autre existence, il le savait absolument ; il pouvait êt
1389
e existence, il le savait absolument ; il pouvait
être
dans cette vie reporter et bohème, romancier ou poète, — il voulut mê
1390
mais sans trace de vulgarité, et dans l’abord des
êtres
, un laisser-aller apparent (mais qui cachait beaucoup de fierté, et d
1391
emps de la louange », Cahiers des saisons, Paris,
été
1961, p. 21-24.
1392
Jonas [préface] (1962)at Jean-Paul de Dadelsen
était
alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’une famille de Ha
1393
e Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’
être
un jour suisse ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français de bon
1394
réaliste et religieux. Puis, une fois de plus, il
est
passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref
1395
cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors,
être
« nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’un « nouveau travail
1396
’il publie en 1536. Après un séjour à Ferrare, il
est
retenu à Genève par Guillaume Farel et invité à y organiser l’Église.
1397
as précisément œuvre d’écrivain », alors Calvin n’
est
pas un écrivain. Il a créé un style et un vocabulaire, et la langue d
1398
si bien écrit qu’homme de son siècle », mais ce n’
était
pas pour faire de la littérature : c’était pour enseigner des vérités
1399
udeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même d’
être
original ne lui a pas fait perdre une seconde. On ne joue pas avec le
1400
ne seconde. On ne joue pas avec les mots quand on
est
« ministre du Verbe », minister verbi divini. Les manuels ont beau di
1401
lation, qu’on appelle souvent cartésiennes, aient
été
premièrement illustrées dans notre langue par ses écrits : fait d’his
1402
n et n’a jamais encore égalé son modèle. Calvin n’
est
pas aimable, on le sait de reste. Maigre et mélancolique, comme l’éta
1403
le sait de reste. Maigre et mélancolique, comme l’
était
Charles Quint — tandis que Luther est aussi gras et sanguin que Thoma
1404
, comme l’était Charles Quint — tandis que Luther
est
aussi gras et sanguin que Thomas d’Aquin — il ne séduit que par la dé
1405
uelque goût et connaissance de la vraie piété, je
fus
incontinent enflammé d’un si grand désir de profiter, qu’encore que j
1406
je m’y employai toutefois plus lâchement. Or, je
fus
tout ébahi que devant que l’an passât, tous ceux qui avaient quelque
1407
que commencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’
étant
d’un naturel un peu sauvage et honteux, j’ai toujours aimé requoy et
1408
u contraire toutes retraites et lieux à l’écart m’
étaient
comme écoles publiques. Bref, cependant que j’avais toujours ce but d
1409
ue j’avais toujours ce but de vivre en privé sans
être
connu, Dieu m’a tellement promené et fait tournoyer par divers change
1410
s peine de mort d’imprimer aucun livre quel qu’il
soit
. Calvin qui fuit de ville en ville arrive à Bâle, pour y vivre caché,
1411
t d’en haut étendu sa main pour m’arrêter ». C’en
est
fait de la paix de ses études, maudite par les cris de Farel. Il n’ac
1412
il la dote d’une liturgie, qu’il met en vers pour
être
mieux chantée. Trois ans s’écoulent et sa pensée mûrit, mais voilà Ge
1413
. « Contre mon désir et affection la nécessité me
fut
imposée de retourner à ma première charge… ce que je fis avec tristes
1414
ps-là, et par quelles épreuves il m’a examiné, ce
serait
une longue histoire. » Semblable au roi David molesté par les guerres
1415
u de son peuple par la malice des déloyaux « j’ai
été
assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos un bien pe
1416
été assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu
être
en repos un bien peu de temps, que toujours je n’eusse à soutenir que
1417
re sa vocation, au contraire de ce qu’on croit, n’
est
pas suivre sa pente (même en la remontant) mais c’est être emporté ma
1418
suivre sa pente (même en la remontant) mais c’est
être
emporté malgré soi vers des buts et dans une action à quoi rien ne no
1419
dans une action à quoi rien ne nous inclinait. J’
étais
l’homme le moins fait pour cela ! gémit l’individu quand une force in
1420
ée sans relâche à l’individu naturel par ce qui n’
est
pas lui, mais qui vient l’appeler et le réalise à jamais. Toutes les
1421
comme aussi ses défauts, à notre goût du jour. Il
est
moins séduisant qu’impérieux, moins impérieux pourtant que contraigna
1422
uveauté la plus abrupte et prosaïque. Son baroque
est
celui du bon sens et du langage quotidien de son temps : nous jugeons
1423
esques, par erreur, des tours qui ne voulaient qu’
être
clairs et convaincants pour l’auditeur d’alors. À la rhétorique éloqu
1424
aque jour à la cathédrale de Saint-Pierre. Rien n’
est
plus près de la parole improvisée, rien n’est plus varié quant aux ry
1425
n n’est plus près de la parole improvisée, rien n’
est
plus varié quant aux rythmes ; et pourtant rien n’est plus altièremen
1426
plus varié quant aux rythmes ; et pourtant rien n’
est
plus altièrement monotone quant à la pensée directrice : à Dieu seul
1427
e quant à la pensée directrice : à Dieu seul tout
est
dû et de Lui seul tout vient. La phrase est souvent longue, mais d’un
1428
tout est dû et de Lui seul tout vient. La phrase
est
souvent longue, mais d’une démarche ferme, conduisant vers un but si
1429
tagion. Ce ministre du Verbe a fait un monde. Il
est
même le seul écrivain dont les doctrines aient suscité dans l’Occiden
1430
clame de son œuvre, ou au moins de son nom : mais
est
-il justifié à le faire ? Certes, on peut bien soutenir que les États-
1431
Certes, on peut bien soutenir que les États-Unis
seraient
aussi sévèrement jugés par Calvin que la Russie par Marx. Mais le mar
1432
bien moins entre l’État et le citoyen. Calvin n’
était
pas démocrate, mais il a fomenté les chefs qui ont appris aux siècles
1433
s chefs qui ont appris aux siècles futurs qu’il n’
est
pas de liberté concrète qui ne soit responsable en retour devant Dieu
1434
futurs qu’il n’est pas de liberté concrète qui ne
soit
responsable en retour devant Dieu et dans la cité ; et que le titre d
1435
Dieu et dans la cité ; et que le titre de citoyen
est
bien moins un droit qu’une charge. Les démocraties d’Occident qui ont
1436
ies d’Occident qui ont refusé de payer ce prix en
sont
mortes ou ne valent guère mieux. Le régime synodal des églises calvin
1437
mandant aucun puisqu’elle détient l’autorité, qui
est
de l’esprit. Faut-il ranger Calvin au camp de la liberté ? Oui certes
1438
r la seule vertu de la vocation qu’il portait, il
fut
l’incarnation de l’autorité ; et dans la mesure encore où cet homme a
1439
s noms deviennent des prénoms, les titres doivent
être
mérités, la familiarité dénote le respect, et les pédants sont exilés
1440
la familiarité dénote le respect, et les pédants
sont
exilés vers les régions froides. L’étiquette de la cour victoriale n’
1441
des. L’étiquette de la cour victoriale n’a jamais
été
codifiée : plus mystérieuse que la Constitution anglaise, elle ne s’e
1442
elle ne s’explique pas, on la sent. Ses exigences
sont
aggravées par une dose convenable d’arbitraire, mais tempérées par le
1443
mais si l’on ne s’inquiète pas de trop savoir, on
est
admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui da
1444
e s’inquiète pas de trop savoir, on est admis, on
est
heureux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui dans d’autres co
1445
fisent aucunement, mais parfois les « mauvaises »
sont
pardonnées si elles s’affirment dans un grand style tumultueux à la m
1446
es inextinguibles et les mises en boîte raffinées
sont
admis. Qu’un propos ou qu’un personnage déplaise, Victoria disparaît
1447
iseaux-mouches, vers le Río calme et violet. Tels
sont
les souvenirs que je garde et chéris de mon passage de quelques mois,
1448
chorale, vers la fin : « Il y a l’espérance, qui
est
la plus forte ! Il y a la joie, qui est la plus forte ! Il y a Dieu !
1449
ance, qui est la plus forte ! Il y a la joie, qui
est
la plus forte ! Il y a Dieu ! Il y a Dieu qui est le plus fort ! » En
1450
est la plus forte ! Il y a Dieu ! Il y a Dieu qui
est
le plus fort ! » En retrouvant à Buenos Aires le groupe de Sur, honne
1451
ire, et la promesse d’un avenir malgré tout qui m’
étaient
rendus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des environs de B
1452
dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’
étais
tombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied d’une cathédrale d
1453
la seule Société des esprits. Et j’ai vu qu’elle
était
Argentine avant tout, dans ses grandes dimensions vitales, as large a
1454
arroll. La grandeur simple, la simplicité grande,
sont
les lois de son existence. Et c’est pourquoi son amitié est un honneu
1455
is de son existence. Et c’est pourquoi son amitié
est
un honneur. On n’oserait pas l’avouer n’était l’humour et cette espèc
1456
mitié est un honneur. On n’oserait pas l’avouer n’
était
l’humour et cette espèce de rigueur féminine — déconcertant toutes le
1457
ure et l’union de l’Europe (avril 1962)ai S’il
est
question d’intégration européenne et qu’on lui parle de culture, l’ho
1458
ui parle de culture, l’homme d’aujourd’hui, qu’il
soit
d’ailleurs industriel ou philosophe, a d’abord un réflexe de doute. L
1459
L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’
est
-elle pas avant tout l’Europe économique, c’est-à-dire le Marché commu
1460
nique, voilà le solide et le raisonnable. Mais qu’
est
-ce que la culture viendrait faire là-dedans ? Quelles contributions e
1461
utions efficaces a-t-elle apportées à l’union ? N’
est
-elle pas au contraire, ajoutent certains, l’un des derniers bastions
1462
aussi simple que possible : 1° que l’Europe unie
est
beaucoup plus que le Marché commun, moyen nécessaire mais non pas suf
1463
mais non pas suffisant ; 2° que le Marché commun
serait
impensable (et au surplus n’aurait jamais vu le jour) s’il ne s’inscr
1464
ent ; 5° enfin, que l’Europe, sans sa culture, ne
serait
pas l’Europe mais un cap de l’Asie. Doutes sur l’utilité de la cult
1465
beaucoup de nos États. Les problèmes culturels ne
seraient
par conséquent que des problèmes marginaux. La culture serait au mieu
1466
onséquent que des problèmes marginaux. La culture
serait
au mieux l’ornement des loisirs, un luxe flatteur, une dernière touch
1467
née d’un xixe siècle utilitariste et mercantile,
est
en fait partagée par les élites sociales de notre continent : il suff
1468
ions de francs, marks ou florins. Mais quelle que
soit
sa popularité, cette courte vue matérialiste se révèle au premier exa
1469
e jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, et si elle
est
encore aujourd’hui l’une des trois grandes puissances de la planète,
1470
des trois grandes puissances de la planète, ce n’
est
pas à ses richesses naturelles qu’elle le doit : simple cap de l’Asie
1471
ces, les arts, l’éducation et la morale. L’Europe
est
très peu de choses plus une certaine culture, qui a fait d’une pauvre
1472
plus de cinq siècles déjà, — et c’est bien loin d’
être
fini ! Selon la plus célèbre équation de notre époque, celle d’Einste
1473
tion de notre époque, celle d’Einstein, l’énergie
est
égale au produit de la masse par le carré de la vitesse de la lumière
1474
» ? L’Europe existe depuis des millénaires. Il n’
est
pas question de la créer ; mais simplement, les circonstances du xxe
1475
s tous trop petits désormais pour se suffire. Tel
étant
le problème véritable, on voit qu’il est bien moins économique que po
1476
e. Tel étant le problème véritable, on voit qu’il
est
bien moins économique que politique, et en fin de compte, culturel. C
1477
al, ces méfiances séculaires, pour périmés qu’ils
soient
, sont profondément enracinés dans un millénaire au moins de culture e
1478
méfiances séculaires, pour périmés qu’ils soient,
sont
profondément enracinés dans un millénaire au moins de culture europée
1479
s esprits qu’il s’agit de le combattre. Et ceci n’
est
pas une question de technique ou de calculs tarifaires, mais une ques
1480
régimes ; ils peuvent vous démontrer que ce plan
serait
rentable, et que votre intérêt commande de l’appliquer. Un autre grou
1481
nul doute, elle « rendrait » matériellement. Elle
serait
unifiée mais ne serait plus l’Europe. Aux seconds, vous direz : votre
1482
ait » matériellement. Elle serait unifiée mais ne
serait
plus l’Europe. Aux seconds, vous direz : votre Europe harmonieuse ser
1483
ux seconds, vous direz : votre Europe harmonieuse
serait
sans nul doute plus conforme au génie de nos peuples divers, mais voi
1484
s uns et les autres ont raison, en ce sens qu’ils
sont
nécessaires, soit comme moteur, soit comme volant ; les uns et les au
1485
s ont raison, en ce sens qu’ils sont nécessaires,
soit
comme moteur, soit comme volant ; les uns et les autres ont tort quan
1486
sens qu’ils sont nécessaires, soit comme moteur,
soit
comme volant ; les uns et les autres ont tort quand ils se prétendent
1487
prétendent suffisants, à eux seuls. Leur dialogue
est
vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’est pas un dialogue politique,
1488
ialogue est vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’
est
pas un dialogue politique, et encore moins économique. C’est vraiment
1489
prendre au sérieux les deux termes ensemble. Tel
est
le secret spirituel de notre avenir. L’énergie tout à fait extraordin
1490
européen se déchire et s’étiole : c’est ce qui s’
est
produit par deux fois dans la génération à laquelle j’appartiens, et
1491
pauvres conditions physiques. De la culture aussi
sont
venues nos divisions, presque mortelles. De la culture enfin doit ven
1492
ture enfin doit venir le remède à nos maux, et il
est
double : réduire les préjugés nationalistes, qui s’opposent à toute f
1493
et divers » de la culture européenne. L’Europe n’
est
pas une addition de cultures nationales. Celles-ci sont des apparitio
1494
as une addition de cultures nationales. Celles-ci
sont
des apparitions relativement récentes, et plus ou moins artificielles
1495
ur la diversité de nos langues. La première tâche
sera
donc d’illustrer l’unité de base de toutes ces cultures prétendument
1496
; de montrer que la culture commune des Européens
est
beaucoup plus ancienne que notre présent découpage en États qui se di
1497
ge en États qui se disent « souverains » mais qui
seraient
bien en peine de le prouver ; bref, de montrer que la culture, en Eur
1498
ver ; bref, de montrer que la culture, en Europe,
est
un phénomène à la fois pré-national et supranational, diversifié selo
1499
uropéenne à des gens qui répondent que l’Europe n’
est
plus rien, qu’elle n’a pas d’idéal à opposer aux ambitions mondiales
1500
, sans tenir compte de cette situation morale, ne
serait
pas seulement dangereux mais vain. Cette méthode soi-disant réaliste
1501
reux mais vain. Cette méthode soi-disant réaliste
serait
simplement utopique et vouée dès le départ à un échec sans gloire. Pr
1502
utre part. Ces deux grandes tâches, je le répète,
sont
vitales et elles relèvent de la culture au premier chef, j’entends pa
1503
(aux trois degrés orientés vers l’Europe unie) ne
sont
pas fortement soutenus dès maintenant, les plus belles réalisations é
1504
e en mesure d’exercer sa fonction planétaire, qui
est
une fonction d’animation, d’échanges, et d’équilibre dynamique dans l
1505
’animent pas, une Europe techniquement unifiée ne
sera
jamais qu’une coque vide. L’apport vital des forces culturelles à no
1506
es, conformément au génie propre de l’Europe, qui
est
celui de l’union dans la diversité, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l
1507
l’on me dit que j’aligne ici des évidences, j’en
serai
content : telle était bien mon intention. Mais je demanderai que l’on
1508
gne ici des évidences, j’en serai content : telle
était
bien mon intention. Mais je demanderai que l’on confronte ces évidenc
1509
le peu que l’on a fait jusqu’ici pour la culture
était
de trop. Si au contraire mes arguments sont « évidents », alors il es
1510
ture était de trop. Si au contraire mes arguments
sont
« évidents », alors il est grand temps que la très riche Europe en ti
1511
ntraire mes arguments sont « évidents », alors il
est
grand temps que la très riche Europe en tire les conséquences logique
1512
faire dont M. Kurz, de son côté, souhaite qu’elle
soit
un jour élucidée. Je serais heureux que les notes qui suivent contrib
1513
côté, souhaite qu’elle soit un jour élucidée. Je
serais
heureux que les notes qui suivent contribuent à combler certaines lac
1514
t la Hollande, une nouvelle mobilisation générale
est
ordonnée. Avec un de mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la
1515
s qui opèrent dans la Ville fédérale. Des camions
sont
alignés dans la cour pour cette éventualité. Voici le plan de la vill
1516
agents et ramassez leurs papiers. Compris. Telle
était
l’atmosphère, et je n’ai vu ce jour-là, comme les jours suivants à la
1517
r-là, comme les jours suivants à la troupe, où je
suis
retourné pour une semaine, que des hommes décidés à se battre, gonflé
1518
rtant du studio, nous apprenons que Paris vient d’
être
bombardé pour la première fois. Dans le train qui nous ramène à Berne
1519
endemain matin, je dis à Spoerri : « Si la France
est
battue, le moral de la Suisse va flancher. Beaucoup seront tentés de
1520
ttue, le moral de la Suisse va flancher. Beaucoup
seront
tentés de céder à diverses pressions. Pourtant, nous sommes les seuls
1521
tés de céder à diverses pressions. Pourtant, nous
sommes
les seuls à pouvoir nous défendre. Depuis plusieurs années, je pense
1522
hier soir encore. Or il se trouve que le Gothard
est
le type même de la position imprenable dans la guerre actuelle. Il fa
1523
idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’il
était
ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien d’en par
1524
onique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’
est
rien d’en parler. Il faut le faire ! » J’ai senti sous son regard di
1525
me travaille. Spoerri insiste, agit. Des contacts
sont
pris à droite et à gauche. On nous approuve, on nous aidera, mais all
1526
on vient d’entendre à la radio que les Allemands
sont
entrés à Paris. » — Merci. Repos ! Il est sorti, me voyant incapable
1527
emands sont entrés à Paris. » — Merci. Repos ! Il
est
sorti, me voyant incapable de rien dire de plus. Je suis resté immobi
1528
rti, me voyant incapable de rien dire de plus. Je
suis
resté immobile un long moment. J’ai écrit deux pages sur la confronta
1529
volant très bas. Cette prairie dominant la ville
serait
un terrain d’atterrissage tout désigné pour des parachutistes. Je la
1530
tonations qui semblaient provenir de la forêt. Me
suis
levé pensant que c’était commencé. D’une fenêtre donnant au nord, j’a
1531
t lentement vers le Gurten. Pas d’autre bruit. Me
suis
recouché pensant que s’il se passait quelque chose, je serais alerté
1532
ché pensant que s’il se passait quelque chose, je
serais
alerté par téléphone. Peu dormi, et levé à six heures. Avant d’entrer
1533
me paraît un peu sentimental, je me demande s’il
est
bien à la mesure du tragique dans lequel nous baignons… L’ai fait lir
1534
matinée, téléphone de mon beau-frère, M. P., qui
est
à la Censure. Oui, il y aura des histoires, paraît-il. Mais rien de n
1535
rieurs ? — Non, mon colonel. — Pourquoi ? — Je ne
suis
pas officier de carrière. — Vous deviez le faire quand même. Vous ête
1536
carrière. — Vous deviez le faire quand même. Vous
êtes
accusé d’injures à chef d’État étranger. Vous mettez en danger la séc
1537
out. Notre projet du 6 juin se précise. Ph. Mottu
est
en train de convoquer pour le 22 juin les dix personnes que nous avon
1538
gardé jusqu’ici. Ce matin, un officier de l’E.-M.
est
venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était
1539
fficier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’
est
passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques de saboteurs
1540
on veillait partout. Hier soir, des barrages ont
été
établis dans les rues de la ville. La troupe a arrêté des automobilis
1541
listes munis de passeports français, mais aucun n’
était
Français. La population, sortie pour voir, avait l’air en fête. Raiso
1542
sons de croire que le coup nazi, raté cette nuit,
sera
suivi à bref délai de manifestations plus énergiques. Mardi 18 juin 1
1543
défense ? — Absolument rien. Je suppose que vous
êtes
d’accord avec mon article. Là n’est pas la question… La question est
1544
ose que vous êtes d’accord avec mon article. Là n’
est
pas la question… La question est de me déférer au tribunal militaire.
1545
on article. Là n’est pas la question… La question
est
de me déférer au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi.
1546
i. Écouté la radio pendant des heures. La débâcle
est
consommée, la Suisse cernée par l’Axe — les colonnes de Guderian desc
1547
vrage, Kimche avait signalé la formation durant l’
été
de 1940 d’un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un
1548
entendait barrer la route à ceux qui auraient pu
être
tentés d’intégrer notre pays au système du Troisième Reich alors trio
1549
ration des officiers » dont l’acte d’indiscipline
fut
sanctionné, mais dont les objectifs eurent sa sympathie. L’attitude d
1550
imminence, je ne puis la caractériser mieux. Tout
est
immédiat, concret, naturel et extravagant à la fois, comme l’événemen
1551
« défense à tout prix ». (Beaucoup de précautions
sont
nécessaires, car je sens qu’on écoute mes téléphones.)40 Le risque in
1552
etite maison du Gurten. Je prends la position. Il
tient
dans chaque main un petit paquet attaché par un ruban. — Ça, c’est du
1553
isites ni courrier. Vous avez bien compris ? Vous
êtes
dès maintenant à Saint-Maurice. Tout ce que je vous demande, c’est de
1554
bras. — À vos ordres, mon colonel ! J’ai toujours
été
partisan des vacances payées. Je vous remercie. — Repos ! Le colonel
1555
ennemi sur le point de la liberté d’expression, n’
est
-ce point perdre, avant de se battre, l’une des raisons que l’on aurai
1556
une des marques de cette indépendance que l’armée
est
chargée de défendre ? Je relis les instructions données au général Gu
1557
ays et de maintenir l’intégrité du territoire. Il
est
clair que pour défendre un territoire, il est parfois indiqué de céde
1558
Il est clair que pour défendre un territoire, il
est
parfois indiqué de céder du terrain : cela s’appelle une retraite str
1559
e une retraite stratégique. On peut me dire qu’il
est
aussi des retraites nécessaires (des silences opportuns) pour défendr
1560
ours. En ce moment même, chez Mottu, nos conjurés
sont
réunis pour la fondation du mouvement de résistance à tout prix, cont
1561
e Gottlieb Duttweiler. L’organisation de la Ligue
est
double. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion d’un groupe de jeu
1562
ix membres. Le manifeste constate que « la Suisse
est
réduite à elle-même. Elle n’a pas d’autre garantie que son armée, pas
1563
cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard
est
le grand symbole autour duquel tous les Confédérés peuvent s’unir dan
1564
grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’
être
hommes, et d’être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du
1565
un. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’
être
Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du pays. Dans chacun,
1566
peut s’entendre de diverses manières, mais l’une
est
atroce. Je veux, croire qu’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un off
1567
Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte d’
être
Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes, à Berne ou à la c
1568
encontres quotidiennes, à Berne ou à la campagne,
soit
avec des membres du Directoire de la Ligue, soit avec notre seul homm
1569
soit avec des membres du Directoire de la Ligue,
soit
avec notre seul homme de liaison entre la Ligue dans l’armée et la Li
1570
s, ou corporatistes. Nos vrais « meneurs de jeu »
seraient
à la fois : la grande industrie, les Groupes d’Oxford, la Migros, les
1571
mission de notre Directoire : or il n’en a jamais
été
membre. Rien de plus normal. En dépit du choc causé par la défaite fr
1572
isse et non pas tel parti plutôt qu’un autre, qui
est
radicalement menacé. Pas un n’aurait la moindre chance de « s’arrange
1573
les intérêts matériels, c’est différent… Le fait
est
que la grande industrie boude la Ligue : elle attend de voir comment
1574
nseignements très précis, certains de ses membres
seraient
prêts à accéder aux exigences des nazis, formulées en onze points. (P
1575
plus grands journaux suisses allemands.) D’autres
seraient
très nettement « résistants ». Un ou deux indécis. Sur la base de ces
1576
larer que s’il cède aux exigences des nazis, tout
est
prêt pour le renverser, des troupes et des blindés sont en alerte à L
1577
rêt pour le renverser, des troupes et des blindés
sont
en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement est prête à entrer en
1578
t en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement
est
prête à entrer en fonction. Si au contraire le Conseil fédéral résist
1579
serve de la Ligue civile et militaire. L’audience
est
aussitôt demandée, et accordée. Trop compromis depuis l’affaire de la
1580
n’a pu faire davantage. Mais les banderilles ont
été
plantées. (Note de 1962 : nulle trace de cette démarche dans les arch
1581
te un complot pour vous renverser, et que nous en
sommes
les fauteurs ! » Logiquement, si le gouvernement nous croyait, il dev
1582
e-champ. S’il ne nous croyait pas, notre démarche
était
ratée, et au surplus couvrait la Ligue de ridicule. En fait, celui qu
1583
othard, me dit, quelques jours plus tard : « Vous
êtes
imprudent au téléphone. Par bonheur, c’est moi qui suis chargé des ra
1584
mprudent au téléphone. Par bonheur, c’est moi qui
suis
chargé des rapports d’écoute. J’efface les rouleaux enregistrant vos
1585
i ambassadeur de Suisse à Washington, après avoir
été
haut-commissaire de l’Organisation des Nations unies pour les réfugié
1586
à Gazette de Lausanne un article qui lui vaut d’
être
mis aux arrêts (“Qui ne sait se taire nuit à son pays”). Le moral des
1587
roupe — ils me confient la rédaction. Ma position
est
un peu délicate. « Le général est toujours furieux après vous ! » m’a
1588
on. Ma position est un peu délicate. « Le général
est
toujours furieux après vous ! » m’a dit hier encore mon colonel, un B
1589
D’une part, le général ne saura pas que le texte
est
de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée.
1590
pas que le texte est de ma main. D’autre part, je
suis
sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige une bro
1591
illet 1940 Je rédige une brochure intitulée : Qu’
est
-ce que la Ligue du Gothard ? Dernière page : La création de la Ligue
1592
t une émulation inattendue du côté des partis. Il
est
incontestable que sans la Ligue, les « communautés de travail », esqu
1593
la seule voie possible. Nous savons que la Suisse
est
gravement menacée, mais que notre action la renforce. De tout temps,
1594
tout temps, à l’appel du danger, nos ancêtres se
sont
levés. C’est notre tour. 25 juillet 1940 Hier a eu lieu le rapport d
1595
quelques pas à mes côtés et me dit rapidement : «
Soyez
prudent. Quatre chefs de la Ligue dans l’armée viennent d’être arrêté
1596
Quatre chefs de la Ligue dans l’armée viennent d’
être
arrêtés, sur l’ordre du colonel Labhardt, commandant l’unité d’armée
1597
utenant remonte, la voiture s’éloigne. Demain, je
suis
convoqué au Palais fédéral. Est-ce vraiment pour y discuter une fois
1598
igne. Demain, je suis convoqué au Palais fédéral.
Est
-ce vraiment pour y discuter une fois de plus ce voyage aux États-Unis
1599
l y eut l’incident de mon article sur Paris. Je n’
étais
certes plus persona grata. Pourtant, le 16 juillet, Pro Helvetia m’av
1600
elconque. Des sujets de conférence comme ceux qui
sont
indiqués sous les chiffres 1 à 3 devraient, par conséquent, être évit
1601
ous les chiffres 1 à 3 devraient, par conséquent,
être
évités ». (J’ai conservé la lettre, signée par le ministre B.) ⁂ Ces
1602
ion de voyage aux États-Unis. Pour la Suisse, cet
été
-là, le péril militaire s’éloignait. Le Gothard était devenu plus qu’u
1603
té-là, le péril militaire s’éloignait. Le Gothard
était
devenu plus qu’un symbole. Centre du Réduit national 42 il se dressai
1604
ques mois il deviendrait une réalité. L’opinion s’
était
ressaisie. La Ligue du Gothard, fondée sur l’idée simple d’organiser
1605
eu plus tard dans les pays occupés par Hitler. Je
suis
conscient du léger ridicule qu’aux yeux de beaucoup présentera cette
1606
tit mouvement de résistance, pour préventif qu’il
soit
resté, eût certainement passé à la pratique si le moral du pays ne s’
1607
ment passé à la pratique si le moral du pays ne s’
était
pas ressaisi. Le seul fait qu’à ce redressement la Ligue ait contribu
1608
redressement la Ligue ait contribué si peu que ce
fût
, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais q
1609
blic que les sujets admis par la censure, et ce n’
était
, littéralement, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que de notre
1610
e pouvait venir que de l’Amérique. Peut-être bien
était
-ce là-bas qu’il me serait donné, quoique « neutre », de faire la guer
1611
Amérique. Peut-être bien était-ce là-bas qu’il me
serait
donné, quoique « neutre », de faire la guerre à ma façon, d’entrer da
1612
partir. Et, certes, les raisons qui m’animaient n’
étaient
point exactement celles qu’on eut alors au Palais fédéral pour favori
1613
s fédéral pour favoriser mon voyage. Mais le fait
est
qu’elles jouèrent dans le même sens. Le 20 août, à 7 heures du matin,
1614
tail, c’est-à-dire dans le concret, les choses se
sont
passées différemment, sur plusieurs points que je relèverai maintenan
1615
verai maintenant. 1. La « ligue des officiers » s’
est
bien constituée aux dates qu’indique M. Kimche (seconde quinzaine de
1616
conde quinzaine de juin) et les noms de ses chefs
sont
exacts, si mes souvenirs le sont aussi. Ses buts et ses premières act
1617
oms de ses chefs sont exacts, si mes souvenirs le
sont
aussi. Ses buts et ses premières activités sont correctement définis,
1618
e sont aussi. Ses buts et ses premières activités
sont
correctement définis, sauf sur un point, qui est d’importance : je ne
1619
sont correctement définis, sauf sur un point, qui
est
d’importance : je ne crois pas un instant que les officiers ligueurs
1620
que le Conseil fédéral, et c’est pourquoi il dut
être
un complot. Le général Guisan écrit dans son rapport que leur seule f
1621
uisan écrit dans son rapport que leur seule faute
fut
« d’agir en secret ». Mais s’ils avaient agi « ouvertement », le Cons
1622
ntre eux dînaient régulièrement à sa table. 2. Il
est
probable que la ligue des officiers et la ligue civile naquirent simu
1623
et la ligue civile naquirent simultanément, et il
est
certain qu’elles « s’imbriquaient étroitement », on l’a vu par mes no
1624
liaison avec les officiers pendant la crise de l’
été
1940. 3. L’absence de toute mention de la Ligue du Gothard et la subs
1625
as existé pendant la période que décrit Kimche, n’
est
pas seulement une erreur de fait que l’auteur pourra corriger sans pe
1626
logique qui régnait au mois de juin 1940, lorsque
fut
prise la décision de créer le Réduit national. Elle empêche en partic
1627
rs en situation délicate auprès de ses chefs — il
était
incorporé à l’état-major général — pour avoir écrit, au lendemain de
1628
papier à la gloire de la capitale française qui n’
était
pas tendre pour le Führer triomphant. »
1629
Europe neuve (novembre 1962)aq ar La prévision
est
un exercice intellectuel à deux temps alternés : élan et freinage. L’
1630
lin, et de la Libération à la perte des pays de l’
Est
; de l’omniprésence communiste en France et en Italie au repli généra
1631
’aperçoit que presque tous ces phénomènes avaient
été
prévus par des esprits lucides, quoique jugés impossibles par les exp
1632
jugés impossibles par les experts, mais qu’ils se
sont
produits beaucoup plus vite et avec plus d’intensité que personne n’o
1633
té que personne n’osait le croire ou le redouter.
Sommes
-nous autorisés à prolonger les lignes de cette récente évolution et à
1634
es ? Deux hypothèses. Ou bien l’union de l’Europe
est
stoppée par l’échec des négociations entre les Anglais et le Marché c
1635
e. Dans cette seconde hypothèse, l’Europe de 1980
est
redevenue à tous égards le centre du monde humain. Les géographes ont
1636
géographes ont démontré depuis longtemps qu’elle
est
le pôle de « l’hémisphère privilégié » qui comprend environ 95 % de l
1637
e anime les échanges intercontinentaux, dont elle
fut
le moteur unique depuis cinq siècles. Elle équilibre ces échanges, el
1638
une série de centres régionaux, dont les premiers
sont
entrés en fonction dès 1963.) Enfin, l’Europe offre au monde le modèl
1639
les charmes souverains de la lenteur. Le silence
est
devenu le luxe suprême : peu sont en mesure de se le payer en allant
1640
teur. Le silence est devenu le luxe suprême : peu
sont
en mesure de se le payer en allant vivre dans les régions vertes amén
1641
s par son aventureux génie. Le continent européen
est
devenu Mégalopolis : une maison tous les cent mètres en moyenne, à qu
1642
agues conservés dans les faubourgs. La population
est
très dense dans les régions méridionales, la mobilité de l’industrie
1643
le week-end de deux jours et demi ou trois jours
est
de règle.) La vie politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle ét
1644
politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle
était
sous la IIIe République, par exemple. Ses passions sont transposées à
1645
ous la IIIe République, par exemple. Ses passions
sont
transposées à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale. Le mythe
1646
rale et l’hygiène mentale, largement socialisées,
sont
au premier plan des soucis publics. La vie culturelle est devenue la
1647
remier plan des soucis publics. La vie culturelle
est
devenue la partie sérieuse de l’existence, en lieu et place du travai
1648
n produisent des résultantes contradictoires, qui
sont
le sujet préféré des études psychosociologiques. D’une part, l’indivi
1649
tudes psychosociologiques. D’une part, l’individu
est
plus que jamais tenté de se « laisser vivre », c’est-à-dire de se lai
1650
s vastes de création et de réalisation de soi lui
sont
ouvertes. Il est donc probable que la différence s’accentue entre une
1651
on et de réalisation de soi lui sont ouvertes. Il
est
donc probable que la différence s’accentue entre une majorité passive
1652
t librement imaginative. L’enseignement supérieur
est
en pleine mutation. À côté des anciennes universités divisées en facu
1653
établissements de formation interdisciplinaire se
sont
multipliés. Ils se distinguent par une insistance simultanée sur la c
1654
es classiques, sanctionnant la sortie des études,
sont
remplacés par des certificats d’aptitude et par des tests d’entrée (d
1655
mble, les changements survenus entre 1962 et 1980
sont
probablement moins essentiels que ceux dont nous fûmes les témoins de
1656
probablement moins essentiels que ceux dont nous
fûmes
les témoins depuis la dernière guerre, mais ils sont plus spectaculai
1657
s les témoins depuis la dernière guerre, mais ils
sont
plus spectaculaires : les résultats des mutations récentes que j’énum
1658
s des mutations récentes que j’énumérais au début
sont
devenus généralement visibles et sensibles ; ils affectent l’ensemble
1659
s inventions les plus remarquables et « inouïes »
sont
désormais celles qui adaptent la technique à l’homme. J’écris ceci po
1660
evait renier plus tard les interprétations qui en
furent
faites. Envoyé aux USA et en Argentine pour y faire des conférences e
1661
rope, vous n’en trouverez pas deux dont les plans
soient
superposables. S’ils se ressemblent, c’est par leur complication, ou
1662
’est par leur complication, ou par leur manière d’
être
différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra de
1663
es formes, de complexité des structures. L’Europe
est
née de la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’
1664
militaires, agricoles, commerciales, après avoir
été
souvent sacrée. Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure, un co
1665
ong des routes frayées par les pionniers : ils ne
sont
guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, b
1666
les pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils
sont
en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on dirai
1667
de ville, le municipio, le Rathaus, le Town-Hall)
soit
ou non bâtie sur la place — et il se trouve qu’elle l’est en général
1668
on bâtie sur la place — et il se trouve qu’elle l’
est
en général — c’est bien là qu’elle tire son sens originel. Les partis
1669
ur la place principale.) Lire et parler Il n’
est
pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la li
1670
moderne de l’Europe ; et la presse, dès le début,
fut
étroitement liée à cet autre élément nécessaire de toute place digne
1671
s en vogue. La mairie, symbole de la commune, qui
est
dans le cadre concret du civisme, a survécu tant bien que mal, à plus
1672
pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui
est
celle des plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce.
1673
d’arrière-garde contre l’État, mais au contraire
sont
les pionniers d’un renouveau de l’autonomie municipale. as. Rouge