1
La voie et l’aventure (janvier 1957)
a
b Ce qui s’oppose coopère, et de ce qui diverge procède la plus b
2
e Total, ou l’Être, Ramakrishna disait : « Il n’y
a
aucune différence, que vous l’appeliez ‟Toi” ou que vous pensiez ‟Je
3
oi” ou que vous pensiez ‟Je suis Lui”. » S’il n’y
avait
« aucune différence », il n’y aurait pas non plus d’antinomie foncièr
4
”. » S’il n’y avait « aucune différence », il n’y
aurait
pas non plus d’antinomie foncière entre la foi chrétienne de l’Occide
5
liens avec certaines options fondamentales qu’il
a
prises au plan religieux. Au nom même du désir d’union de l’humanité
6
aux peuples de l’Inde par les conquérants aryens,
ait
son origine en Europe, où Platon l’idéalisa, tandis que César devait
7
en Âge. À bien des égards, en effet, le Moyen Âge
a
représenté la période « orientale » de l’Occident. Le symbolisme y do
8
que par son dépassement réalisé. Mais l’Orient n’
a
pas eu de Renaissance. La durée même de son Moyen Âge, confronté tout
9
ar son dépassement réalisé. Mais l’Orient n’a pas
eu
de Renaissance. La durée même de son Moyen Âge, confronté tout vivant
10
es. L’Occidental retour d’Orient s’écrie : « Je n’
ai
vu que des foules, pas une personne ! » Et l’Oriental qui circule dan
11
pirituel… Réalités internes de l’opposition
a
) Symbolisme de l’Orient et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident
12
Iran et de l’Arabie, Avicenne et Sohrawardi, nous
ont
laissés sur ce sujet fondamental6. Le récit d’Avicenne est une initi
13
x nourris de la pensée mystique du Proche-Orient8
ont
accolés à nos deux termes. Nous aurons le tableau suivant, formé de q
14
roche-Orient8 ont accolés à nos deux termes. Nous
aurons
le tableau suivant, formé de quatorze antithèses : Orient : l’aurore
15
s corps à tous risques pour l’âme et l’esprit, en
a
tiré le principe d’une possible grandeur et d’une vérité difficile, q
16
. Un voyageur allemand9 demandait à un yogi : « N’
avez
-vous pas tenté, en Inde aussi, de calculer la quadrature du cercle ?
17
ttoirs couverts de dormeurs pendant la nuit. Et j’
ai
vu cinq personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront-ils j
18
il s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’
a
paru plus solennelle ni plus simplement adorable. Tintements de cloch
19
éen, ni de plus véritablement communautaire. Nous
avons
inventé l’ecclesia. Et tandis qu’ils se purifient par l’isolement, co
20
assner, essayiste autrichien de génie. Personne n’
a
mieux traduit l’impression qui submerge l’Européen livré à l’Inde, im
21
livré à l’Inde, immergé dans la foule indienne. J’
ai
parlé de l’Hindou « grégaire » ; terme inexact s’il fait penser à « c
22
imple centre. L’homme magique, le corps magique n’
a
pas d’ironie ni de paradoxe, parce qu’il n’a ni contraire ni contradi
23
ue n’a pas d’ironie ni de paradoxe, parce qu’il n’
a
ni contraire ni contradiction. » Dépourvu de sensibilité au sens du x
24
évolutionnaire, ignorant la curiosité, il ne peut
avoir
cure ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’un miroir, don
25
s de liberté, action, de personne et d’histoire n’
ont
plus de pointe ni de but. Le monde magique est en forme de Boule, inf
26
e connaît rien de tel. Soit qu’on pense qu’il n’y
a
pas de Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme — soit qu’on p
27
ent réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’y
a
pas plus de personne dans la gnose hindouiste que de moi distinct dan
28
que de moi distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y
ait
point de Dieu, ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Autre s’év
29
a que je citais en tête de ce chapitre : « Il n’y
a
aucune différence, que vous l’appeliez Toi ou que Vous disiez Je suis
30
de grands physiciens en Orient ? Mais personne n’
a
l’idée de parler de l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique.
31
passivité. Les plus grands mystiques de l’Europe
ont
pu se voir accuser d’athéisme sur la foi de leurs ultimes conclusions
32
ndis que nous inventons le collectivisme… Et l’on
aura
beau jeu de m’opposer des textes apparemment ruineux pour ma thèse de
33
te » ? De quelle yâna bouddhique relève celui qui
a
dit : « Il faut que tu aimes Dieu comme non-Dieu, non-Esprit, non-Per
34
le mystique chrétien qui nous rappelle « qu’après
avoir
écarté tout attachement » et s’être engagé sur la voie de la connaiss
35
ne connaît pas d’Églises. La Bible et les Vedas n’
ont
vraiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’est pas du tout l
36
le pense à l’esprit des Occidentaux, mais elle n’
a
pas d’effet dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie soci
37
grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il
avait
fait pour Xerxès et son armée, pour l’équipement de la campagne contr
38
ualité. Pour tous les deux, la liberté de l’homme
a
pour condition la personne. On dira que l’Occident a fait les chambre
39
our condition la personne. On dira que l’Occident
a
fait les chambres à gaz, tandis que l’Orient professe un respect de l
40
espect de la vie humaine. La Bhagavad-Gita, qui n’
a
rien de bouddhique, enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n
41
valeur de la personne dans chaque individu, n’en
a
pas moins connu les tortures, les bûchers, la guillotine et les massa
42
t les massacres (patriotiques ou religieux). Elle
a
même inventé la guerre totale ! D’où provient alors cette « horreur »
43
ntage de l’un ou de l’autre « camp » : car il n’y
a
pas de camps, ni de lutte engagée, ceci soit dit ici une fois pour to
44
xaminer que des prises partielles et typiques. On
a
vu que j’ai choisi mes exemples dans le domaine religieux, de préfére
45
des prises partielles et typiques. On a vu que j’
ai
choisi mes exemples dans le domaine religieux, de préférence. N’est-c
46
e cherchais à cerner les options primordiales qui
ont
donné cours à deux voies divergentes. Il m’a semblé que c’était dans
47
ui ont donné cours à deux voies divergentes. Il m’
a
semblé que c’était dans la mystique, la religion et leurs explication
48
l’histoire, tout cela m’importe moins que de les
avoir
bien vues, et de suivre à partir d’un contraste assez simple entre de
49
homme et de ses fins, celle dont les conséquences
ont
formé l’Occident. 1. L’Occident étant représenté, dans ce cas part
50
uelques raisons qui justifient le procédé. L’Inde
a
joué en Asie un rôle très comparable à celui de l’Europe en Occident.
51
pendant longtemps par le barrage de l’islam, et n’
a
pu s’esquisser qu’à partir du xixe siècle ; la seconde s’opère sous
52
oux et puces, dispensant de la sorte son maître d’
avoir
à tuer ces insectes. (Anecdote citée par R. Kassner, op. cit.) a. R
53
ectes. (Anecdote citée par R. Kassner, op. cit.)
a
. Rougemont Denis de, « La voie et l’aventure », La Table ronde, Pari
54
stillans sont vus comme des Européens : il doit y
avoir
à cela quelque raison. Tout bien considéré, je n’en trouve pas de mei
55
t plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’
ai
cru remarquer que ceux des Européens qui insistent avec le plus d’emp
56
i séparent nos nations depuis des siècles. Il n’y
aurait
donc, à les en croire, pas de différences bien notables (dans le doma
57
pe et le Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en
aurait
d’insurmontables entre les Britanniques et les Français, entre ceux-c
58
l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’
ont
pas empêché l’unification nationale de la France, de l’Allemagne, de
59
s — pas plus que cette unification, d’ailleurs, n’
a
supprimé ces différences. (Encore que les écoles d’État s’y soient ef
60
soient efforcées depuis un siècle : or personne n’
a
jamais attendu rien de pareil d’un État fédéral européen.) Ainsi l’ob
61
géographique et historique, car ses frontières n’
ont
pas cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc défi
62
culture, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y
a
pas d’Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne
63
ort avec le drame qui vient. Au vrai, tout cela n’
a
de sens que pour les professeurs. Ceux-ci doivent circonscrire exacte
64
ère mieux dans le temps que dans l’espace […]. On
a
voulu que l’Empire romain fût une première ébauche de l’Europe. Mais
65
une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on
a
fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son climat ? Ou de cette
66
ition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’
aurait
-elle pris forme et nom qu’à mi-chemin du travail entrepris, qui a sou
67
e et nom qu’à mi-chemin du travail entrepris, qui
a
soudain changé de sens et trouvé son vrai sens ? Il importe assez peu
68
des fédéralistes de notre temps, comme certains l’
ont
finement supposé ? Une cantate peu connue de Beethoven, composée pour
69
t le jugement qu’elle implique sur la réalité. On
a
souvent tenté de nier l’existence d’une vraie culture européenne, en
70
ortance des influences extracontinentales qu’elle
a
subies. Ces arguments prennent toute leur force contre le concept de
71
e cultures nationales, apparu au xixe siècle. Qu’
as
-tu que tu n’aies reçu ? dit l’Europe aux nations. Elles seraient bien
72
onales, apparu au xixe siècle. Qu’as-tu que tu n’
aies
reçu ? dit l’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de répo
73
e voit du premier coup que les réalités décisives
ont
cessé d’être nationales au xxe siècle ? Notre économie, nos techniqu
74
hniques, se développent en dépit des nations, qui
ont
au plus le pouvoir de les freiner en paralysant les échanges. Quant a
75
ralysant les échanges. Quant au plan politique on
a
vu récemment ce que valaient à l’épreuve les fameuses souverainetés q
76
ombien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’
ai
mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas t
77
inora, Vol. II, p. 362. Voir aussi H. F. Mueller,
A
Chronology of Vulgar Latin, et Marc Bloch, La Société féodale. 16. D
78
té de culture et Aventure unique. Je ne pense pas
avoir
recommandé l’imposture ou la tyrannie, le refus du Droit, la guerre à
79
pourquoi le crier contre moi, comme si vraiment j’
avais
préconisé le mensonge utile et le « massacre des affamés » ? Je deman
80
se au post-scriptum d’Emmanuel Berl, que nous lui
avons
fait parvenir avant publication, Denis de Rougemont nous a envoyé la
81
rvenir avant publication, Denis de Rougemont nous
a
envoyé la lettre suivante. » Dans le même numéro où paraissait l’arti
82
er sur la date de sa naissance. En effet. Mais on
a
généralement su où était, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, ell
83
fit pas d’ignorer quand une personne est née pour
avoir
la certitude qu’elle vit. Filibusterie à part, je prétends rester eur
84
Il y avait une Europe de Romain Rolland. Il y en
a
une de Pierre Dominique, qui espère en elle pour répondre du tac au t
85
veut qu’elle fasse déjà sonner le sabre qu’elle n’
a
pas encore. Est-ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “filib
86
hausser les épaules et de répondre : “Tout cela n’
a
de sens que pour les professeurs.” Le mensonge n’est pas mon fort, fû
87
numéro 1 de la séduction progressiste, paraissait
avoir
mis une fois pour toutes le cap sur 1984 et sa fourmilière ; voilà qu
88
ses pessimistes de notre société et de son destin
ont
culminé dans l’utopie de George Orwell 1984. Il y eut d’abord ce titr
89
onymes, la machine, la police et l’État. Orwell n’
eut
qu’à pousser un peu plus loin. Il n’eut qu’à mettre au point l’exempl
90
Orwell n’eut qu’à pousser un peu plus loin. Il n’
eut
qu’à mettre au point l’exemple soviétique, à l’étendre à l’Europe de
91
rs qu’il voulait révolter. Le masochisme européen
avait
trouvé son expression suprême. Et Kafka n’était plus que le Jean-Bapt
92
sistance de Varsovie et la révolution de Budapest
ont
renversé le cours de cette immense dérive et restauré d’un coup l’esp
93
par Sartre, triomphait dans une génération qui n’
avait
appris que le mensonge. Ses pouvoirs de résistance à Big Brother, nié
94
irs de résistance à Big Brother, niés par Orwell,
ont
éclaté dans les rues de Budapest. Sa faculté de revendiquer et d’impo
95
it m’objecter Saint-John Perse, mais justement il
a
choisi l’exil en soi. Tous les autres sont contre le siècle, d’une ma
96
e Dostoïevski. Il est remarquable que ce siècle n’
ait
retenu du précédent que les génies antisociaux, les héros du refus in
97
le, par ses franges cultivées et conscientes, qui
a
fait le succès posthume des grands génies maudits, ignorés ou refoulé
98
que le Prolétariat doit la déposséder, comme elle
avait
elle-même dépossédé les nobles, qu’il ne peut imposer qu’un régime so
99
eut imposer qu’un régime soviétique, et qu’Orwell
a
dit vrai malgré lui. Curieux pouvoir des pessimistes de l’autre siècl
100
’État. Encore un peu, et la technique elle-même l’
aura
délivré de la chaîne. Mais c’est le bourgeois qui en vient alors à cr
101
stoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J’
ai
tu jusqu’ici deux grands noms, qui dominent pourtant ce tableau. L’in
102
ccident dépasse de loin la conscience qu’elles en
ont
, la connaissance qu’elles ont pu prendre du Capital ou de la Science
103
science qu’elles en ont, la connaissance qu’elles
ont
pu prendre du Capital ou de la Science des rêves, et les jugements qu
104
qu’elles avoueraient à leur sujet. Marx et Freud
ont
beaucoup en commun, et, par-dessus tout, leur succès parmi ceux qu’il
105
t, par-dessus tout, leur succès parmi ceux qu’ils
ont
« démasqués » avec un zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès n’e
106
te, méritèrent à ce point qu’on dise d’eux qu’ils
ont
« fait leur temps », au double sens de l’expression. Que Freud soit d
107
oilà qui n’empêche pas que ces deux grands génies
aient
puissamment modelé le xxe siècle et modifié notre approche du réel.
108
éel. Cependant les déterminismes qu’ils croyaient
avoir
« découverts », quand c’était bien plutôt leur influence qui allait l
109
ectique n’est plus qu’une « mystification » comme
eût
dit Marx lui-même, et le « mouvement de l’histoire » un mauvais alibi
110
te logique démente pour l’annonce d’une fatalité.
A-t
-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’une révolution écrasée
111
aussi en Asie, et plus qu’on ne pense en URSS, n’
aurait
-il pas créé l’illusion romantique d’un renouveau de la liberté, d’un
112
e venaient corroborer un optimisme neuf. Budapest
a
gagné sa partie — moralement. Admettons que cela n’est pas tout. Mais
113
parant les économies des États-Unis et de l’URSS,
a
montré que l’entreprise communiste n’apporte rien qui la distingue es
114
ement historique, mais qu’après quarante ans elle
a
rejoint le stade du capitalisme exploiteur, largement dépassé par les
115
u capital » et « l’exploitation du travailleur »,
avait
pour agent historique le capitalisme ; l’autre définie par la remise
116
« C’est l’économie capitaliste des États-Unis qui
a
passé à la seconde phase, et c’est l’économie communiste l’URSS qui s
117
e ouvrière mieux informée qu’endoctrinée, si elle
a
à choisir d’émigrer, choisirait en masse l’Amérique. Comme l’ont fait
118
’émigrer, choisirait en masse l’Amérique. Comme l’
ont
fait la plupart des ouvriers hongrois réfugiés en Autriche et libres
119
guerre par les congrès de Montreux et de La Haye,
a
produit le Conseil de l’Europe, CECA, le Marché commun et Euratom. Il
120
ésiter, d’errer… Les savants, apprentis sorciers,
ont
déchaîné dans le monde des forces inconnues. Il fait trop chaud, il f
121
ccidents bizarres et les fous se multiplient, les
avions
tombent, croyez-moi, c’est la Bombe. Elle va détruire les neuf dixièm
122
la terre. J’entends cela tous les jours. Qui ne l’
a
pas dit ? Curieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’est qu
123
Vous me parlez de l’esclavage du téléphone ? Mais
a-t
-on jamais vu qu’un appareil, prenant l’initiative, appelle son abonné
124
nviens, mais c’est la Nature, et non l’homme, qui
aurait
ici le droit de se plaindre. Vous citez l’apprenti sorcier. Et qui ne
125
indre. Vous citez l’apprenti sorcier. Et qui ne l’
a
pas cité, quel journaliste ? En pensant à la Bombe, bien sûr. Mais la
126
En pensant à la Bombe, bien sûr. Mais la Bombe n’
a
jamais rien fait sans l’ordre exprès d’un président, d’un général. Ce
127
niques (par métaphore) ne font rien qu’on ne leur
ait
prescrit. Qu’ils travaillent pour nous, c’est tant mieux. Mais si vou
128
es qu’ils vont penser pour vous, c’est que vous l’
aurez
bien mérité. L’Apprenti sorcier de la légende déchaînait une force in
129
En vérité, les seuls humains que je connaisse qui
aient
eu le droit de maudire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de
130
ité, les seuls humains que je connaisse qui aient
eu
le droit de maudire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de ce
131
chaîne dans les usines américaines. Car eux seuls
ont
subi physiquement, et peut-être encore plus moralement, la tyrannie d
132
ne, ni plus ni moins, c’est un outil, que l’homme
a
conçu, justement, pour exécuter à sa place des travaux monotones, épu
133
ention du couteau, pourtant si rarement dénoncée,
a
provoqué la destruction de plusieurs millions de vies humaines. C’est
134
t de rappeler le décalage de la conscience dont j’
ai
parlé. Le mal dénoncé en son temps par Karl Marx et Proudhon, que l’o
135
ale, découvrant le péril avec cent ans de retard,
ait
porté sa colère contre le remède… L’automatisation complète de l’usin
136
aisser pour un temps ces sujets affligeants, leur
ayant
accordé assez de complaisance, et de considérer la nouveauté de l’épo
137
e les moyens (9 juin 1957)g Denis de Rougemont
a
remporté lundi le prix Ève-Delacroix décerné pour la deuxième fois pa
138
urier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont, j’en
ai
manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’un jury pensait à me donner une
139
ossible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ? J’
ai
donc aujourd’hui ma revanche. Aux photographes qui me mitraillaient d
140
uand je me trouvais aux côtés du maréchal Juin, j’
ai
pu dire : Vous rendez-vous compte ? Me photographier, moi, auprès du
141
cré à militer pour l’idée de faire l’Europe comme
a
été faite l’Amérique. Il suffit, dit-il, de se trouver en Amérique, p
142
stoire et d’en mesurer les effets. C’est ce que j’
ai
tenté dans mon livre et ma conclusion est tout à fait optimiste : on
143
er à l’auteur de ce Nicolas de Flue dont nous n’
avons
pas encore eu la représentation scénique, nous satisfaisant de la ver
144
ce Nicolas de Flue dont nous n’avons pas encore
eu
la représentation scénique, nous satisfaisant de la version en orator
145
, nous satisfaisant de la version en oratorio qui
a
été tirée de cet opéra où Rougemont sut se montrer poète et où Honegg
146
ours au roman, me confia Denis de Rougemont. J’en
ai
jadis écrit un que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeur ava
147
Denis de Rougemont. J’en ai jadis écrit un que j’
ai
retiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré à
148
vant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n’
ai
pas renoncé. Je prends des notes. Au fait, je considère et rédige com
149
ive verbale pour exprimer ce que l’homme européen
a
conçu de plus pur, de plus fort et de plus exaltant. Voilà l’Europe s
150
vent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les
a
créées. Nous l’oublions souvent et les « autres » l’ignorent ; ils vo
151
leurs et de tous les produits d’ordres divers qui
ont
caractérisé notre civilisation, des origines jusqu’à ce jour, présent
152
a seconde moitié du xixe siècle. Le colonialisme
a
laissé des quartiers européens à Bombay comme à Capetown et à Hong Ko
153
xpliquant d’où viennent ces objets, pourquoi vous
avez
eu l’idée de les construire et comment ils expriment et transportent,
154
uant d’où viennent ces objets, pourquoi vous avez
eu
l’idée de les construire et comment ils expriment et transportent, en
155
ux enfants d’une école de Djakarta ; et quand ils
eurent
appris les notes de notre gamme, elle leur dit : composez maintenant
156
e exportée est, en fait, un cheval de Troie. Nous
avons
évacué nos guerriers et retiré nos fonctionnaires, mais nous ramenons
157
e évidemment. Mais comment expliquer que l’Europe
ait
seule développé la technique dès la fin du xviiie siècle ? C’est qu’
158
t que « Naples est la seule ville orientale qui n’
ait
pas de quartier européen ». h. Rougemont Denis de, « Le rôle mondia
159
Philosophe et écrivain suisse, Denis de Rougemont
a
su depuis longtemps découvrir, grâce à ses voyages et à ses travaux,
160
rnier livre, L’Aventure occidentale de l’homme ,
a
été analysé dans notre n° 3. M. de Rougemont dirige le Centre europée
161
. C’est pourquoi le Centre européen de la culture
a
jugé utile de réunir en séminaire une vingtaine d’économistes, à la f
162
isibles — soit garante du sérieux avec lequel ils
ont
essayé néanmoins de répondre à notre question. Nous nous étions effor
163
jeu de « ce qui se passerait si… » Seulement, il
a
tendance à jouer perdant, à préjuger de catastrophes dont rien ne pro
164
oient aux bienfaits automatiques de l’union, sans
avoir
toujours calculé son prix. Nos économistes se sont réunis deux fois,
165
eux fois, à six mois de distance, et leurs débats
ont
été chauds. Tout parti pris de militant leur eût paru indigne d’une a
166
ont été chauds. Tout parti pris de militant leur
eût
paru indigne d’une attitude proprement scientifique. Pourtant, un opt
167
donner après coup le tour journalistique qui leur
eût
peut-être assuré un succès populaire sans lendemain, au détriment de
168
in, au détriment de leur véritable utilité. Elles
ont
déjà servi de base à plusieurs brochures de large diffusion18, à des
169
t dans bien des cas, assurés. Étrange Europe, qui
a
tout pour elle si elle s’unit mais qui a tant de peine à s’accepter,
170
ope, qui a tout pour elle si elle s’unit mais qui
a
tant de peine à s’accepter, à saisir ses chances de grandeur, à guéri
171
pas créer une culture européenne et personne ne l’
a
jamais demandé, pour la simple raison qu’une culture ne se crée pas c
172
innocentes victimes d’une illusion scolaire : ils
ont
retenu de leurs manuels que l’Europe se divise en autant de cultures
173
l’Europe se divise en autant de cultures qu’elle
a
de nations, celles-ci correspondant d’ailleurs aux langues, aux coutu
174
d’abord une culture, qu’elle doit à sa culture d’
avoir
dominé le monde, qui retourne aujourd’hui contre elle les armes physi
175
les armes physiques et morales que son génie seul
a
créées pour le meilleur et pour le pire ; et que cette culture est co
176
. ⁂ Solutions dispersées, besoins communs Qu’
a-t
-on fait dans ce sens depuis que la grande question de l’union europée
177
ticipants. Une Fondation européenne de la culture
a
été créée à Genève en 1954, et opère depuis cette année à Amsterdam.
178
emps ? Est-il coordonné à la mesure des besoins ?
Aurait
-il réussi à s’imposer à la conscience des Européens ? Hélas ! la somm
179
érités primordiales, à savoir : 1° que l’Europe n’
a
dû sa puissance qu’aux inventions, procédés et systèmes de tous ordre
180
en de la culture Sans attendre que ce problème
ait
reçu la moindre promesse d’un début de solution raisonnable, le Centr
181
ion raisonnable, le Centre européen de la culture
a
décidé dès 1950 de tenter l’aventure d’exister. Il existe depuis sept
182
ses forces pendant qu’il en est temps. Le Centre
a
donc suscité dans plusieurs de nos pays des expériences-pilotes d’éd
183
s du CEC. Quant au département des Recherches, il
a
déjà organisé deux importants Séminaires, l’un sur l’avenir économiqu
184
d’une institution unique et compétente. L’Europe
a
donc besoin d’un ministère des Affaires étrangères européennes. Mais
185
ordre, à la veille même du déchaînement dont ils
avaient
choisi d’examiner les causes, afin de proposer les moyens de le préve
186
es réduise à la raison. Mais pourquoi la raison n’
a-t
-elle pas plus de force ? Pourquoi les masses suivent-elles leur « cla
187
répond de sa Vienne natale en sursis — elle n’en
aura
plus pour longtemps — et le pacifisme d’Einstein se voit soumis à l’e
188
e populaire. Et l’on peut s’étonner qu’Einstein l’
ait
adoptée sans la moindre exigence critique, lui qui voyait pourtant et
189
union de ses victimes. Mais, comme en fait il n’y
avait
pas d’union, cela revenait à opposer aux chars d’Hitler une forte pag
190
s contemporains, à cet homme dont les découvertes
ont
déjà déclenché, dans l’ombre et le secret, le processus qui aboutira
191
et sans le savoir ! Rêvons là-dessus. Einstein n’
a
pas cessé de protester contre le péril atomique, ni d’afficher un pac
192
ifisme désarmant. Pourtant, un soir de fièvre, il
a
signé la lettre proposant à Roosevelt de fabriquer la bombe. Tout ne
193
déjouant les conclusions sincères de sa raison, l’
avait
inconsciemment conduit à doter l’homme d’un suprême instrument de gue
194
le) On se figure, et l’on écrit souvent, qu’il
a
fallu quelque six siècles à la Suisse pour devenir, par une évolution
195
at fédéral qu’elle est aujourd’hui. En réalité il
a
fallu neuf mois, au terme d’une crise de trente-trois ans, succédant
196
l plaît à Dieu, durer à perpétuité ». De fait, il
a
duré jusqu’à nos jours. Mais ses auteurs étaient bien loin de se dout
197
Napoléon écrivait aux délégués helvétiques qu’il
avait
convoqués à Paris : « La Suisse ne ressemble à aucun autre État, soit
198
ui existent entre ses diverses parties. La nature
a
fait votre État fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être d’un
199
, et supprimait le terme de « citoyen suisse » qu’
avait
utilisé l’Acte de Médiation. Le « Corps helvétique », ainsi que l’on
200
a création d’un État. Il est remarquable qu’ils n’
aient
pas cherché la solution de ce problème dans l’unification systématiqu
201
tout d’abord, — la plus frappante. « La Suisse —
a
écrit l’historien et journaliste William Martin — ressemblait sous le
202
d des autres. Presque toutes les erreurs que nous
avons
vu commettre de nos jours en Europe ont eu leurs précédents sous la R
203
ue nous avons vu commettre de nos jours en Europe
ont
eu leurs précédents sous la Restauration22. » Nous verrons également
204
ous avons vu commettre de nos jours en Europe ont
eu
leurs précédents sous la Restauration22. » Nous verrons également que
205
tion22. » Nous verrons également que cette époque
a
connu toutes les raisons que l’on invoque aujourd’hui au plan europée
206
un autre ou d’une commune à une autre. « Il y en
avait
partout, sauf aux frontières extérieures » relève encore W. Martin, e
207
la Suisse. Bien plus, un industriel de Saint-Gall
avait
intérêt à faire passer ses produits destinés à l’Italie par le Brenne
208
pour son compte, par les États souverains ? (Elle
avait
bien en propre une « caisse de guerre », et le droit de nommer le Gén
209
uent irrésistiblement des situations que l’Europe
a
bien connues depuis, aux temps de la Société des Nations, puis au len
210
t non de députés des peuples : « Lequel de nous n’
a
dû souvent déplorer la forme actuelle des délibérations fédérales ? C
211
’est une des gloires de ces temps, que cette idée
ait
acquis plus de netteté, ce sentiment plus d’énergie. Ce mémorable pro
212
olutionnaire. La Diète l’enterra en 1833, après l’
avoir
plusieurs fois renvoyé à des commissions. Trois cantons seulement ava
213
envoyé à des commissions. Trois cantons seulement
avaient
osé le proposer à la ratification populaire. Le verdict fut négatif d
214
e verdict fut négatif dans deux cas. L’opposition
avait
joué sur la « réalité prépondérante » du sentiment cantonal, souvent
215
à l’ordre du jour, même au sein de la Diète qui l’
avait
rejetée ; Les adversaires du Projet d’union l’avaient dénoncé comme i
216
ait rejetée ; Les adversaires du Projet d’union l’
avaient
dénoncé comme introduisant « un brandon de discorde » parmi les canto
217
vention des puissances de la Sainte-Alliance, qui
avaient
imposé et garanti le Pacte de 1815. Le Sonderbund pouvait compter sur
218
ment, étaient amenés à la reddition. L’étranger n’
avait
pas eu le temps d’intervenir. Les vainqueurs se montrèrent généreux :
219
ent amenés à la reddition. L’étranger n’avait pas
eu
le temps d’intervenir. Les vainqueurs se montrèrent généreux : par so
220
s discussions du groupe. Dès le 15 mai, le projet
ayant
été transmis préalablement aux cantons, la Diète en aborda l’examen.
221
» par initiative populaire ou parlementaire — on
aura
rappelé l’essentiel de l’œuvre des constituants de 1848. Une quaranta
222
un peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’en
ont
changé depuis plus d’un siècle ni l’esprit ni le caractère spécifique
223
lissement des citoyens d’un canton dans un autre,
avait
été présentée par les opposants comme devant fatalement semer le chao
224
es arguments des opposants à l’union suisse qui n’
ait
été repris, dans les débats actuels, par les opposants à l’union euro
225
es de ceux de la petite Suisse du siècle dernier.
A-t
-on pris garde qu’il fallait trois jours à un député des Grisons pour
226
La Confédération suisse est le seul mouvement qui
ait
survécu au combat pour l’idée démocratique et communale au Moyen Âge
227
résente le résultat d’une révolution générale qui
a
été vaincue partout ailleurs »26. De même, la guerre du Sonderbund a
228
ut ailleurs »26. De même, la guerre du Sonderbund
a
produit, en créant la Suisse, le seul résultat durable que l’on puiss
229
tries d’adoption.) 25. Sur le total des citoyens
ayant
le droit de vote, 55 % à peine se dérangèrent pour accepter ou rejete
230
tes les composantes, souvent contradictoires, qui
ont
fait l’Europe. Sources grecque, juive et phénicienne, romaine, celte
231
rituelle par vocation, puis unifiante. L’Europe n’
a
pas seulement découvert le monde : elle l’a fait. Épousons cette idée
232
ope n’a pas seulement découvert le monde : elle l’
a
fait. Épousons cette idée d’une Europe qui n’existe que dans son dépa
233
ale et non par ses limites. 1. C’est l’Europe qui
a
conçu l’idée d’humanité, la vision planétaire d’un genre humain issu
234
monde » de Socrate. Et Plutarque loue Alexandre d’
avoir
voulu « réunir comme en un seul grand vase tous les peuples du monde
235
rand vase tous les peuples du monde entier » et d’
avoir
« ordonné que tous considèrent la Terre comme leur patrie ». De l’esp
236
la terre en un seul corps. 2. C’est l’Europe qui
a
donné naissance à la seule civilisation effectivement mondiale. Certe
237
ent mondiale. Certes, Alexandre se trompait, s’il
a
cru qu’il régnait sur le monde : il n’en connaissait qu’un canton. Ma
238
dung. Désormais délivré de notre impérialisme qui
avait
su respecter les mandarins, le quart chinois de l’humanité se met à l
239
ant des échanges mondiaux. Car c’est elle qui les
a
mis en branle dès l’époque des grandes découvertes, en balisant les v
240
nt les voies du commerce maritime. C’est elle qui
a
su trouver les substituts de l’ancienne route de la soie. Et son colo
241
création de l’histoire. Qui d’autre que l’Europe
a
su tendre ce piège à l’espace et au temps de l’humanité totale ? Pour
242
uns m’en paraissent incapables, et d’autres n’en
ont
le même besoin vital. Écartons pour longtemps l’Afrique noire, le Sud
243
lent avant tout champions de nations différentes,
ayant
appris par cœur les raisons de se haïr dans leurs manuels d’histoire
244
leurs cousins américains… Sauf si ces Asiatiques
ont
été les sujets de nos États colonialistes : ils exceptent aussitôt ce
245
que lui pose l’économie moderne. La situation n’
a
guère changé depuis ce congrès, qui marqua le départ de l’action pour
246
l’est aussi… La France est « un grand pays qui n’
a
besoin de personne ». L’Angleterre est liée aux dominions par tous le
247
qui la tissent depuis deux-mille ans que l’Europe
a
tiré son dynamisme incomparable. Qu’un tel régime n’aille pas sans gr
248
ui est le secret du fédéralisme. Mais tout ce qui
a
fait l’Europe illustre cette méthode. Prenez le dogme : la Trinité es
249
eule conforme à la formule même de l’Europe, et n’
ayant
d’autre but que d’entretenir un foyer permanent d’animation mondiale
250
ation. Les questions de bornes et de passeports n’
ont
plus de quoi l’intéresser. Le problème, sans cesse reposé par des his
251
tre considérée l’union partielle des six pays qui
ont
initié le Marché commun. Ceux qui reprochent aux auteurs du traité de
252
ux qui reprochent aux auteurs du traité de Rome d’
avoir
voulu « limiter l’Europe à six pays » sont-ils sincères, ou simplemen
253
nt-ils sincères, ou simplement vexés que l’Europe
ait
commencé en dépit de leurs calculs réalistes, et sans eux ? Ceux qui
254
e Europe, déjà réelle, une Grande Europe qu’ils n’
ont
cessé depuis dix ans de refuser comme utopique — d’où la nécessité de
255
d’où la nécessité de commencer par la Petite ! —
ont
-ils bien vu le problème dans son cadre mondial, ou défendent-ils plut
256
nêtement que les promoteurs de la Petite Europe l’
ont
voulue petite, et que leurs détracteurs actuels la voulaient grande o
257
Haye dont nos journaux parlèrent à peine (Staline
avait
autorisé, pour ce jour-là précisément, la publication d’une interview
258
r, je le répète, l’Europe seule, dans l’histoire,
a
su rendre effective l’implicite ambition des civilisations majeures :
259
l’Europe justement, seule encore dans l’histoire,
a
su devenir une culture de dialogue, de discussion critique de ses pro
260
n passant par les philosophes du romantisme qui n’
avaient
pas attendu Valéry, une habitude de pensée pessimiste s’est installée
261
st installée dans nos esprits. Non seulement nous
avons
appris que toutes les civilisations sont mortelles, mais nous croyons
262
’exemple est mauvais. Bien d’autres civilisations
ont
disparu sans laisser d’héritage actif ; celle de Lascaux, celle des M
263
s la nôtre, sont-elles mortes ? Leurs conquêtes n’
ont
-elles pas été préservées et développées par le Musée et le Laboratoir
264
urs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées,
aient
connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de So
265
ques, sans lesquelles l’Europe ne serait guère, n’
ont
pas été retirées du jeu mondial, mais seulement détrônées régulièreme
266
cataclysme ou défaite, nation par nation, faute d’
avoir
su se fédérer en temps utile, qu’y perdrait le monde ? Et je donne dè
267
e civilisation ? (1960)o I Le xxe siècle
a
vu la civilisation européenne étendre à la Terre entière ses bienfait
268
formes de vie. Mais en même temps, le xxe siècle
a
vu se multiplier les prophètes de la décadence européenne : et ces pr
269
aux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes
avait
aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais Fr
270
r tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation
a
la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les œ
271
de Babylone, ces palais de Persépolis ? Hélas, j’
ai
visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’
272
i furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’
ai
vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Sein
273
par l’examen comparatif des 21 civilisations qui
ont
existé jusqu’ici, les lois complexes mais constantes de leur genèse,
274
et philosophes, armés d’une écrasante érudition,
ont
d’autant moins de peine à nous convaincre que d’une part, ils rejoign
275
rt, les plus grands esprits du siècle précédent n’
ont
cessé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Eu
276
édent n’ont cessé d’annoncer les catastrophes qui
ont
fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dos
277
urckhardt, de Donoso Cortés à Georges Sorel, tous
ont
décrit depuis cent ans les motifs de craindre le pire pour notre civi
278
re européen ? Que faudrait-il de plus, pour qu’on
ait
le droit de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre ci
279
ruinée du même coup. Chacun sait que Gengis Khan
eut
l’hégémonie sans la civilisation, mais que l’Europe du Moyen Âge eut
280
s la civilisation, mais que l’Europe du Moyen Âge
eut
une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’est pas du tout certa
281
opéens, celui de la chute de Rome, qui est censée
avoir
entraîné la disparition de la civilisation gréco-romaine dans la part
282
Est-elle donc vraiment comparable à celles qui l’
ont
précédée ? Son destin peut-il être prédit par extrapolation des exemp
283
t à toutes les autres, et quel seuil mondial elle
aurait
été la première et la seule à franchir, s’affranchissant ainsi des lo
284
hir, s’affranchissant ainsi des lois fatales, qui
ont
entraîné la ruine des autres civilisations, demeurées locales. II
285
uvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en
a
héritées, la civilisation européenne s’est trouvée fondée sur une cul
286
ne culture de dialogue et de contestation. Elle n’
a
jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu se laisser ordonner à un
287
testation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’
a
jamais voulu se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût régi à
288
oulu se laisser ordonner à une seule doctrine qui
eût
régi à la fois ses institutions, sa religion, sa philosophie, sa mora
289
losophie, sa morale, son économie et ses arts. On
a
beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits e
290
nie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’
a
décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que
291
et de la civilisation créée par cette culture, n’
a
jamais été autre chose qu’une unité dans la diversité, une unité para
292
té. Cependant, cet état de polémique permanente n’
a
pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint le
293
roduit seulement de l’anarchie et des guerres. Il
a
contraint les élites religieuses, intellectuelles et politiques, et p
294
s, la distinguent le mieux d’autres cultures, qui
ont
, elles, d’autres vertus. Le sens de la vérité objective nous vient sa
295
s par les civilisations du Proche-Orient. Mais il
a
été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont mont
296
nt développé par la théodicée chrétienne, comme l’
ont
montré Nietzsche d’abord, puis dans ses commentaires sur Nietzsche, l
297
s tricher non plus avec la réalité du monde qu’il
a
créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas no
298
bles de notre culture : ce sens de la vérité, qui
a
pour corollaire le sens critique, et qui a permis le développement de
299
é, qui a pour corollaire le sens critique, et qui
a
permis le développement des sciences exactes, notamment. Voilà qui pe
300
le. Le Karma, la magie, les sorciers ou les dieux
ont
tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, — le c
301
leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous
avons
le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous
302
tre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’
ai
cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe,
303
us résulte notre dynamisme irrépressible. Si nous
avons
tout d’abord découvert puis marqué de notre empreinte la Terre entièr
304
s, donc au total, à l’expansion. Que ce mouvement
ait
été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît pure
305
typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui
ont
développé les sciences physiques et naturelles, à un degré littéralem
306
ncomparable. Certes, les peuples du Proche-Orient
avaient
créé l’astronomie, les Hindous avaient inventé le zéro bien avant nou
307
che-Orient avaient créé l’astronomie, les Hindous
avaient
inventé le zéro bien avant nous. Mais l’Europe, ce laboratoire du mon
308
ant nous. Mais l’Europe, ce laboratoire du monde,
a
poussé les sciences et les techniques qui en dérivent jusqu’au point
309
ur cette exploration de la matière, les Européens
avaient
entrepris, avec non moins d’audace, l’exploration de l’espace et du t
310
emps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui
ont
découvert la Terre entière, alors qu’aucun autre peuple ne songeait à
311
e songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui
ont
ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à peu conscienc
312
eu conscience de son unité. L’idée d’universalité
a
peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce
313
tres cultures, mais ce sont les Européens qui lui
ont
donné son contenu concret et ont seuls démontré sa conscience. On peu
314
uropéens qui lui ont donné son contenu concret et
ont
seuls démontré sa conscience. On peut le dire : l’idée de genre humai
315
tion du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui
ont
inventé l’histoire et l’historiographie, avec tout ce que cela impliq
316
À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui
ont
inventé l’archéologie, comme ils ont inventé l’ethnographie à partir
317
uropéens qui ont inventé l’archéologie, comme ils
ont
inventé l’ethnographie à partir de la découverte géographique du mond
318
de. Et l’on sait le rôle décisif que ces sciences
ont
joué dans l’évolution de la sociologie et de la psychologie analytiqu
319
s du fond des temps et de l’espace, les Européens
ont
inventé le Musée. Et à partir de ces condensations prodigieuses de si
320
tinents que sont nos musées et bibliothèques, ils
ont
élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des civ
321
ité future du genre humain. Voilà ce que l’Europe
a
créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier, et elle ne pe
322
nourrissent, et toutes préparent son unité après
avoir
exploré ses variétés. La question reste de savoir si cette unité fome
323
réaliser à nos dépens. C’est un fait que l’Europe
a
répandu sur toute la Terre, au hasard de la colonisation, de contacts
324
océdés et un peu de leur logique… Mais l’Europe n’
a
pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’équilibres sans cesse rem
325
nt de l’évolution de l’humanité où les Européens,
ayant
créé « le monde » se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoi
326
ssédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils
ont
suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents menacen
327
ette crise va-t-elle devenir « mortelle » comme l’
ont
prédit depuis un siècle la majorité de nos plus grands penseurs ? J’o
328
universelle. Certes, bien d’autres civilisations
avaient
cru cela d’elles-mêmes, avant la nôtre. Elles se trompaient, tout sim
329
omène sans précédent dans toute l’histoire ? Nous
avons
vu que la civilisation européenne, née de la confluence des sources l
330
du moins séduire tous les peuples du monde. Nous
avons
aussi vu qu’elle exporte ses produits sans les valeurs qui contribuèr
331
sée, profanisée, et détachée du christianisme qui
a
contribué de tant de manières à la former. Par là même — et c’est bie
332
Mais il faut voir enfin que cette civilisation n’
a
pu devenir universelle qu’en vertu de quelque chose de très fondament
333
ion chrétienne, exprimée par saint Paul (« il n’y
a
plus ni juifs, ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes ni f
334
re ? Deuxième raison : la civilisation européenne
a
créé les conditions techniques de sa conservation et de sa transmissi
335
: elles sont dans les journaux ». Depuis lors, on
a
retrouvé — et même joué — plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œ
336
us apparaît donc très variable. Certes, plusieurs
ont
disparu sans nous laisser d’autre héritage actif que celui de leurs œ
337
e, sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’
ont
-elles pas été préservées et développées par le Musée et le Laboratoir
338
urs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées,
aient
connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de So
339
ait de corriger comme suit le passage que je vous
ai
cité : « Nous autres civilisations, nous avons depuis peu la certitud
340
vous ai cité : « Nous autres civilisations, nous
avons
depuis peu la certitude que nous ne mourrons jamais entièrement et qu
341
l’humanité. Ceci m’amène à ma troisième raison d’
avoir
confiance dans la longévité de notre civilisation : on ne voit pas de
342
les circonstances de la chute de celles qui nous
ont
précédés : c’était parfois une catastrophe naturelle, comme la derniè
343
chement du Sahara, affectant la région entière où
avait
fleuri une civilisation déterminée. Et les autres n’en savaient rien.
344
ne invention soviétique. Ce n’est pas Popov qui l’
a
inventé, mais c’est Karl Marx, un juif allemand dont le père était de
345
isation. En électrifiant la Russie, le communisme
a
renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand et a pour la seconde fois e
346
me a renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand et
a
pour la seconde fois européanisé la Russie. Et c’est l’URSS maintenan
347
Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n’
a
guère été jusqu’ici qu’un bond vers l’industrie et vers le socialisme
348
par les Russes en coexistence pacifique — nom qui
aurait
fait frémir Lénine ! — on reparle aujourd’hui d’un péril jaune, en at
349
oirs et notre vocation. Aux yeux du monde, il n’y
a
qu’un seul péril sérieux : le péril blanc ! La civilisation européenn
350
’est menacée en fait que par les maladies qu’elle
a
produites et propagées elle-même. C’est dans ses sources, c’est au fo
351
angereux que la bêtise humaine en général, s’il n’
avait
pour effet de détendre les ressorts créateurs du progrès dont il est
352
t la technique, et les inventions qui les créent,
auraient
tôt fait de se mettre en grève, de débrayer, et de nous livrer sans d
353
ces, s’est vaccinée contre ces maladies. L’Europe
a
secrété Hitler, mais en douze ans, elle l’a éliminé, et je crois qu’e
354
urope a secrété Hitler, mais en douze ans, elle l’
a
éliminé, et je crois qu’elle s’en trouve immunisée pour très longtemp
355
’autres continents. Quant à nous : nos sages nous
avaient
avertis. Le mal est venu, nous l’avons vu, et nous l’avons vaincu, en
356
ges nous avaient avertis. Le mal est venu, nous l’
avons
vu, et nous l’avons vaincu, en peu de temps, au prix de millions de m
357
rtis. Le mal est venu, nous l’avons vu, et nous l’
avons
vaincu, en peu de temps, au prix de millions de morts, il est vrai… E
358
ion forcée, forme matérialiste du nationalisme, n’
a
jamais atteint en Europe de tels excès. Certes elle est née chez nous
359
nous, et c’était bien chez nous que Burckhardt en
avait
pressenti les périls. Mais nous n’y avons pas succombé, nous l’avons
360
ardt en avait pressenti les périls. Mais nous n’y
avons
pas succombé, nous l’avons refusée sous sa forme hitlérienne, en un m
361
périls. Mais nous n’y avons pas succombé, nous l’
avons
refusée sous sa forme hitlérienne, en un mot, l’organisme européen a
362
orme hitlérienne, en un mot, l’organisme européen
a
réagi avec succès. Notre tâche en Europe, aujourd’hui, est de créer l
363
ns de l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle n’
ait
jamais cessé de se proclamer essentiellement universelle. Il se peut
364
altes et les Arméniens du Caucase). Le PC russe n’
a
jamais dépassé 8 millions de membres inscrits. Mais laissons ces spéc
365
, l’intérêt dernier de leur vie. Le christianisme
a
bel et bien donné au monde, et tout d’abord à l’Occident, cette formu
366
le, qui n’est pas l’union libre et réelle, et qui
eut
tôt fait de transformer en divisions les diversités spirituelles. Tan
367
aine n’est juge en dernier ressort. Chaque Église
a
son Ange, selon l’Apocalypse, et c’est sa vocation distincte. « Il y
368
otestants ne croient pas à la divinité du Christ,
ont
supprimé les sacrements et n’ont guère qu’un seul dogme, qui est le l
369
inité du Christ, ont supprimé les sacrements et n’
ont
guère qu’un seul dogme, qui est le libre examen. Et beaucoup de prote
370
, voire que les grandes disputes théologiques qui
ont
formé la pensée de l’Europe au cours de siècles, qui me passionnent,
371
gés et les clichés des nationalismes religieux. J’
ai
fait depuis longtemps une autre observation dans l’étude passionnée q
372
, et sur lesquelles la dogmatique confessionnelle
a
peu de prise. Un seul exemple. On qualifie de nos jours de « catholic
373
u coin de la rue, et s’unir à l’Auteur de sa foi,
ayant
dit le credo commun, qui se comprend, quand on le sait, dans toutes l
374
soit par hasard ou providence), dans laquelle ils
ont
eu le bonheur d’être élevés, qu’ils aiment comme on aime une patrie,
375
par hasard ou providence), dans laquelle ils ont
eu
le bonheur d’être élevés, qu’ils aiment comme on aime une patrie, mai
376
, économiques, sociaux et politiques (je crains d’
avoir
lancé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas de problème qui
377
exes conditionnés, finalement force politique, il
a
pour résultante actuelle de s’opposer, lui aussi, à l’Occident, en re
378
déale et non du jeu des forces économiques, qu’il
a
faussé en y intervenant, et qui tend à l’éliminer dans la mesure où i
379
es rétrogrades et les impurs, le trésor dont nous
avons
la garde ; or la guerre a ses exigences : discipline absolue des indi
380
le trésor dont nous avons la garde ; or la guerre
a
ses exigences : discipline absolue des individus, de leurs réflexes e
381
justice ; sinon c’est qu’il n’existe pas ; il n’y
a
donc plus d’instance supérieure à la nation, ni plus d’appel possible
382
se. Dans son discours du 15 mai 1790, Robespierre
a
cette formule parfaite : Il est de l’intérêt des nations de protéger
383
tez une victoire qui sera celle de l’humanité. Il
a
péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse plus. Je le jure
384
bonheur des peuples. Déjà, le Patriote français
avait
publié le 15 décembre 1791, cet appel à la « guerre sainte » de la Ra
385
mblée nationale, au nom du genre humain dont il n’
a
jamais mieux mérité d’être appelé l’ami. C’est en effet à Jean-Bapti
386
ra justice tôt ou tard. Le 21 avril 1792, Cloots
avait
remis à la Convention un ouvrage intitulé la République universelle,
387
lequel nous stipulerons ici pour ceux qui ne nous
ont
pas commis, et non en faveur de ceux au profit desquels nous pouvons
388
u nom de la paix et de la fraternité universelle,
ont
déclenché les premières guerres nationales, que Bonaparte va porter d
389
our les évêchés ou les couvents, — commencèrent à
avoir
cours des idées et des institutions proprement politiques… Les États
390
s modernes se sont ainsi formés ; — non, comme on
a
coutume de décrire dans la doctrine du droit la formation d’un État p
391
tenir : ses frontières naturelles. Dès lors, il n’
a
plus rien à demander à un autre État, car il a trouvé ce qu’il cherch
392
n’a plus rien à demander à un autre État, car il
a
trouvé ce qu’il cherchait. Ainsi, à l’utopie rousseauiste de l’homme
393
topie de l’État naturellement raisonnable. Il n’y
a
plus qu’à tirer les conséquences logiques de ces prémices : fermer le
394
re une nouvelle monnaie nationale, c’est-à-dire n’
ayant
cours que dans le pays même, mais dans celui-ci exclusivement… Le gou
395
mais dans celui-ci exclusivement… Le gouvernement
a
mis la main sur le commerce extérieur en vue de restreindre périodiqu
396
re doit diminuer. D’une année à l’autre le public
a
moins besoin de ces marchandises qui ne peuvent être produites en leu
397
siècle : Le savant seul, et l’artiste supérieur
ont
besoin de voyager hors de l’État commercial fermé : il ne doit pas êt
398
eule demeure leur propriété commune, après qu’ils
ont
partagé entre eux tout le reste. Nul État fermé ne supprimera ce lien
399
établie parmi les peuples, aucun État sur terre n’
aura
le moindre intérêt à ne pas communiquer à un autre ses découvertes, p
400
te, pour absurde qu’elle nous paraisse, se trouve
avoir
le mieux correspondu aux réalités historiques des cent-cinquante ans
401
u xxe siècle ; mais le « processus dialectique »
aura
coûté plus cher à l’Europe et au monde que Fichte ne pouvait l’imagin
402
ion historique. Cette liaison nécessaire, Hegel l’
a
marquée le premier. Comme Goethe assistant à la bataille de Valmy, il
403
Comme Goethe assistant à la bataille de Valmy, il
a
compris que la clameur des sans-culottes : « Vive la Nation ! » inaug
404
me bats ». Or cet idéal, étant celui du Parti qui
a
saisi le pouvoir par la violence, provoque des résistances intérieure
405
e ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on
ait
vu rapportée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme de l’État-
406
à accomplir son principe, non à en jouir… Chacun
a
son principe auquel il tend comme à sa fin. Une fois cette fin attein
407
comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il n’
a
plus rien à faire dans le monde. Et encore : À chaque époque domine
408
déal primitif de la nation, confisqué par l’État,
a
conduit à des guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres
409
t, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci
ont
fait surgir d’autres nationalismes, qui vont revendiquer à leur tour
410
ution globale vers l’harmonie des peuples libérés
a-t
-il été brutalement démenti au terme même du processus de formation de
411
i était censé produire la paix universelle et qui
a
produit la Première Guerre mondiale ? Le romantisme, en appelant lyri
412
, voit l’inverse se réaliser. Jamais les idéaux n’
ont
été mieux démentis par les faits, ni mieux détournés de leurs buts. J
413
nationale des nationalités », et il loue Herder d’
avoir
considéré l’humanité « comme une grande harpe dans la main d’un grand
414
e tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui n’
a
pas conquis sa liberté ! Lâches, les peuples t’ont abandonné Ô Magyar
415
’a pas conquis sa liberté ! Lâches, les peuples t’
ont
abandonné Ô Magyar ! Toi seul continues à combattre… Liberté, que ton
416
s brigands, et je criais vers toi, nation, afin d’
avoir
un morceau de fer pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’
417
our défense et une poignée de poudre, et toi tu m’
as
donné un article de gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’ave
418
de gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’
avez
-vous appelée ? Et la Liberté répondra : J’ai appelé par la bouche de
419
m’avez-vous appelée ? Et la Liberté répondra : J’
ai
appelé par la bouche de ces pèlerins, et tu ne m’as pas écoutée ; va
420
appelé par la bouche de ces pèlerins, et tu ne m’
as
pas écoutée ; va donc en servitude, là où il y aura le sifflement du
421
nout et le cliquetis des ukases. … Les Puissances
ont
rejeté votre pierre de l’édifice européen, et voici que cette pierre
422
ns, que l’on appelle en Italie Il Primato, et qui
eut
un succès retentissant. Dans son traité Della Nazionalità italiana il
423
ification qui tend à embrasser le genre humain, n’
a
pas d’autre origine. La Pologne et la Hongrie sont des nationalités
424
la Hongrie sont des nationalités opprimées et qui
ont
perdu l’indépendance ; l’Allemagne et l’Italie sont des nations encor
425
ec l’idée d’Europe unie : une nation en devenir n’
a
pas encore d’intérêts « traditionnels » qui l’opposent au plus vaste
426
rayonnant de partout, par-dessus les frontières,
a
créé entre les esprits cette grande nationalité intellectuelle qui se
427
e évidemment « le plus haut concept de l’esprit »
eût
dit Hegel : Ce qu’il y a de moins simple, de moins naturel, de plus
428
pler à Paris l’Exposition universelle de 1867, il
a
des phrases qui découragent la critique : Ces yeux saturés de nuit v
429
able, voici quelques pages inspirées : La France
a
cela d’admirable, qu’elle est destinée à mourir, mais à mourir comme
430
pacifique, cordiale au reste de l’humanité. Elle
aura
la gravité douce d’une aînée. […] Cette nation aura pour capitale Par
431
ra la gravité douce d’une aînée. […] Cette nation
aura
pour capitale Paris, et ne s’appellera point la France ; elle s’appel
432
, déclare au sujet de son petit pays : La Suisse
a
clarifié et réalisé dans son domaine des idées et des principes fécon
433
dans la plus grande communauté européenne. Elle n’
aura
pas vécu en vain, ni sans gloire. Ainsi se réaliserait ce passage à
434
on ne saurait être instituée d’un seul coup. Elle
a
besoin, d’abord, d’une base réelle, sur laquelle elle repose et d’où
435
s penseurs russes du xixe , — c’est la Russie qui
a
pour mission de régénérer l’Europe et de l’unir un jour, car c’est ai
436
e privilège des Russes et que nos pays de l’Ouest
auraient
perdue ; mais cette notion se trouve empruntée à Schelling… À l’égard
437
vie de l’autre. César, par sa conquête des Gaules
a
rendu possible cette configuration, dont Charlemagne, « prince de la
438
tion, dont Charlemagne, « prince de la Culture »,
a
créé la première unité. Sous la conduite des papes romains et des emp
439
empereurs germains, la communauté des Européens n’
a
cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit nullement que
440
l’Empire, puis du catholicisme et de la Réforme,
aient
été des grands malheurs pour l’Europe, car cette bipolarité … est tr
441
dée dans la nature des choses, et ces oppositions
ont
fait mûrir l’esprit européen. Le danger que représentent pour l’unit
442
appartenir au même groupe ethnographique, c’est d’
avoir
fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire
443
t, comme chez les rongeurs ou les félins, et on n’
a
pas le droit d’aller par le monde tâter le crâne des gens, puis les p
444
contraire, la Suisse, si bien faite, puisqu’elle
a
été faite par l’assentiment de ses différentes parties, compte trois
445
phie, ce qu’on appelle les frontières naturelles,
a
certainement une part considérable dans la division des nations. La g
446
ion sont écrites sur la carte et que cette nation
a
le droit de s’adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains co
447
ui ne séparent pas ? De Biarritz à Tornea, il n’y
a
pas une embouchure de fleuve qui ait plus qu’une autre un caractère b
448
Tornea, il n’y a pas une embouchure de fleuve qui
ait
plus qu’une autre un caractère bornal. Si l’histoire l’avait voulu, l
449
qu’une autre un caractère bornal. Si l’histoire l’
avait
voulu, la Loire, la Seine, la Meuse, l’Elbe, l’Oder auraient, autant
450
ulu, la Loire, la Seine, la Meuse, l’Elbe, l’Oder
auraient
, autant que le Rhin, ce caractère de frontière naturelle qui a fait c
451
le Rhin, ce caractère de frontière naturelle qui
a
fait commettre tant d’infractions au droit fondamental, qui est la vo
452
es hommes. … Je me dis souvent qu’un individu qui
aurait
les défauts tenus chez les nations pour des qualités, qui se nourrira
453
ations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles
ont
commencé, elles finiront. La confédération, européenne, probablement,
454
ne mieux que Nietzsche, disciple de Burckhardt, n’
a
dénoncé le délire nationaliste, déguisé en « patriotisme jovial et so
455
Nous autres « bons Européens », nous aussi nous
avons
des heures où nous nous permettons un patriotisme plein de courage, u
456
ses et hésitantes, qui, dans notre Europe hâtive,
auraient
besoin de demi-siècles pour surmonter de tels excès de patriotisme at
457
divisions morbides que la folie des nationalités
a
mises et met encore entre les peuples de l’Europe, grâce aux politici
458
s les hommes un peu profonds et d’esprit large qu’
a
vus ce siècle ont tendu vers ce but unique du travail secret de leur
459
peu profonds et d’esprit large qu’a vus ce siècle
ont
tendu vers ce but unique du travail secret de leur âme : ils vouluren
460
e ses compatriotes au début de ce siècle, Sorel n’
a
parlé de l’Europe que sur le ton d’un sombre dépit prophétique. Voici
461
le de la Première Guerre mondiale34 : Personne n’
a
le courage de dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un ét
462
leurs mœurs, et dans leurs ambitions. L’Europe n’
a
pas de chance. Tous ses habitants ne peuvent faire que mauvais voisin
463
sombrera dans la guerre et l’anarchie, comme elle
a
toujours fait deux ou trois fois par siècle. … Rien n’améliorera le s
464
me qui attend que les choses s’arrangent ? Il n’y
a
aucune raison pour cela. Des composés chimiques, qui sont séparément
465
e leurs hommes d’État, dans les pays au moins qui
auront
subi, à l’Ouest, la loi totalitaire nationale-socialiste. L’Allemagne
466
’une Anthologie encore inédite, dans laquelle j’
ai
groupé et commenté plusieurs centaines de textes sur l’Europe, d’Hési
467
rait qu’il appelle foyers tous les endroits où il
a
porté le feu », remarque Benjamin Constant. 31. Article intitulé le
468
. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle
ait
une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un A
469
versaires déclarés (ou non) de l’union européenne
ont
coutume d’affirmer simultanément les deux propositions contradictoire
470
itions contradictoires que voici : primo ; il n’y
a
pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures nation
471
une unité quelconque ; secundo : il ne saurait y
avoir
de culture spécifiquement européenne, car toute vraie culture est uni
472
seconde attitude, celle qui fait dire que nous n’
avons
pas de problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du monde, s
473
la diversité — avec d’autres formules d’unité qui
ont
régné sur d’autres cultures, ou que certains régimes contemporains te
474
diversités, et comment il se fait que l’Europe en
ait
tant, et même les multiplie comme à plaisir, au lieu d’essayer de les
475
e, incontestable : le dynamisme européen. Si nous
avons
tous d’abord découvert, puis marqué de notre empreinte le monde entie
476
entiels ou matériels, selon les écoles de pensée,
ont
pu jouer. Mais la diversité de nos origines et leur discussion millén
477
ité indescriptible de notre civilisation, pensant
avoir
payé un tribut suffisant aux éléments diversifiants, j’envisagerai ma
478
des actuelles cultures totalitaires, — lesquelles
ont
d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe de formation ou de ré
479
s et des valeurs souvent incompatibles qu’elle en
a
héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui
480
t incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’
a
jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses
481
n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui
eût
régi à la fois ses institutions, sa religion, sa philosophie, son éco
482
ion, sa philosophie, son économie et ses arts. On
a
beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits e
483
nie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’
a
décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que
484
ur les principes fondamentaux de toute culture, n’
a
pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint le
485
roduit seulement de l’anarchie et des guerres. Il
a
contraint les élites, et par elles la partie agissante des masses eur
486
s par les civilisations du Proche-Orient. Mais il
a
été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont mont
487
nt développé par la théodicée chrétienne, comme l’
ont
montré Nietzsche d’abord, puis dans ses commentaires sur Nietzsche, l
488
s tricher non plus avec la réalité du monde qu’il
a
créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas no
489
bles de notre culture : ce sens de la vérité, qui
a
pour corollaire le sens critique, et qui a permis le développement de
490
é, qui a pour corollaire le sens critique, et qui
a
permis le développement des sciences exactes, notamment. Voilà qui pe
491
le. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux
ont
tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, le cli
492
leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous
avons
le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous
493
liberté n’éveille aucune passion fondamentale, n’
a
guère de sens chez les peuplades africaines ou chez les « apparatchik
494
tre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’
ai
cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe,
495
évident que les mêmes pressions démographiques n’
ont
pas produit les mêmes conséquences dans ces trois régions. Le rayonne
496
nvasions asiatiques, seul défi extérieur que nous
ayons
subi, d’ailleurs victorieusement, des champs Catalauniques au Kablenb
497
niques au Kablenberg, et de Poitiers à Lépante, n’
ont
rien suscité de marquant ni de nouveau dans notre civilisation. Seule
498
eau dans notre civilisation. Seules les Croisades
ont
été productives à cet égard ; or elles ne résultèrent pas d’un défi v
499
et nous condamne à l’expansion. Que ce mouvement
ait
été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît pure
500
typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui
ont
développé les sciences physiques et naturelles, à un degré littéralem
501
ncomparable. Certes, les peuples du Proche-Orient
avaient
créé l’astronomie, les Hindous avaient inventé le zéro bien avant nou
502
che-Orient avaient créé l’astronomie, les Hindous
avaient
inventé le zéro bien avant nous. Mais l’Europe, ce Laboratoire du Mon
503
ant nous. Mais l’Europe, ce Laboratoire du Monde,
a
poussé les sciences et les techniques qui en dérivent jusqu’au point
504
ur cette exploration de la matière, les Européens
avaient
entrepris, avec non moins d’audace, l’exploration de l’espace et du t
505
emps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui
ont
découvert la Terre entière, alors qu’aucun autre peuple ne songeait à
506
e songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui
ont
ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à peu conscienc
507
eu conscience de son unité. L’idée d’universalité
a
peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce
508
tres cultures, mais ce sont les Européens qui lui
ont
donné son contenu concret et qui ont seuls démontré sa consistance. O
509
éens qui lui ont donné son contenu concret et qui
ont
seuls démontré sa consistance. On peut le dire : l’idée de genre huma
510
tion du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui
ont
inventé l’histoire et l’historiographie, avec tout ce que cela impliq
511
À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui
ont
inventé l’archéologie comme ils ont inventé l’ethnographie à partir d
512
Européens qui ont inventé l’archéologie comme ils
ont
inventé l’ethnographie à partir de la découverte géographique du mond
513
de. Et l’on sait le rôle décisif que ces sciences
ont
joué dans l’évolution récente de la sociologie et de la psychologie a
514
s du fond des temps et de l’espace, les Européens
ont
inventé le Musée. Et, à partir de ces condensations prodigieuses de s
515
ècles et de continents que sont leurs musées, ils
ont
élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des civ
516
ité future du genre humain. Voilà ce que l’Europe
a
créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier. Or, toutes ce
517
t, et que toutes, elles préparent son unité après
avoir
exploré ses variétés. Je ne tenterai pas aujourd’hui de démontrer la
518
viens d’énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’
ai
déjà écrit37. Je me bornerai donc à vous rappeler, mais avec la plus
519
istance, que ce n’est pas par hasard que l’Europe
a
produit non seulement les notions de personne et de liberté, mais aus
520
a possibilité d’un genre humain qui, sans elle, n’
eût
jamais pris conscience de son unité virtuelle, ni des problèmes effra
521
nt de l’évolution de l’humanité où les Européens,
ayant
créé « le monde », se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvo
522
ssédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils
ont
suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents menacen
523
mieux comprendre ce que nous sommes, ce que nous
avons
fait, et pourquoi. Et nous devons en même temps nous préparer à affro
524
i, bien sûr, mais c’est tout de même l’Europe qui
a
créé les sciences et la technique, dans le contexte de sa culture, gr
525
rtus de cette culture. C’est un fait que l’Europe
a
répandu sur toute la terre, au hasard de la colonisation, de contacts
526
océdés et un peu de leur logique… Mais l’Europe n’
a
pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’équilibres mouvants, de t
527
produits » de la culture européenne ? Je crois en
avoir
assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici : le sort du mond
528
sort du monde dépend aujourd’hui de l’Europe, qui
a
inventé le monde dans la mesure exacte où elle a découvert le genre h
529
a inventé le monde dans la mesure exacte où elle
a
découvert le genre humain. Or le sort de l’Europe dépend de son union
530
de l’Europe, au lendemain de la dernière guerre,
avait
un but précis et limité : empêcher les Français et les Allemands de s
531
but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe
a
maintenant d’autres motifs, beaucoup plus vastes. Il nous faut faire
532
de Colomb, au matin du départ à Palos de Moguer.
Auront
-elles la voilure, le tonnage nécessaire ? Ou bien ne faut-il pas nous
533
nous demander, plutôt, si l’homme qui les conduit
a
la foi nécessaire ? Beaucoup hésitent encore à s’embarquer parce qu’i
534
e faire face au grand projet mondial qu’elle-même
a
suscité. À ceux qui demandent d’abord des apaisements moraux, des cer
535
ès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’il
a
tenu des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les
536
ur les autres. Revendiquer la liberté, quand nous
avons
formé notre Congrès, c’était d’abord lutter contre des dictatures ext
537
ersécutés accusés de liberté d’esprit,— et nous l’
avons
fait. Mais nous voyons bien, aujourd’hui, que les menaces contre les
538
mme en vient à constater que sa vie personnelle n’
a
pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictatur
539
rès technique et démocratique. Pour que notre vie
ait
un sens, il faut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce
540
bles. Il faut que nos activités humaines que nous
avons
spécialisées et séparées jusqu’à l’absurde — l’art et la vie quotidie
541
Occident ; — celles de l’âme vitale que l’Afrique
a
le mieux préservées (par le chant, par la danse, le rythme, l’émotion
542
situant le Congrès comme je viens de le faire, j’
ai
voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau de la politique proprem
543
donnent les totalitaires — tant qu’un jour il n’y
a
plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks
544
mme en vient à constater que sa vie personnelle n’
a
pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictatur
545
n tout cas, qu’elle doit et peut intervenir. Vous
avez
lu et entendu depuis longtemps tant de banalités, souvent exactes d’a
546
rès technique et démocratique. Pour que notre vie
ait
un sens, il faut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce
547
bles. Il faut que nos activités humaines que nous
avons
spécialisées et séparées jusqu’à l’absurde — l’art et la vie quotidie
548
Occident ; — celles de l’âme vitale que l’Afrique
a
le mieux préservée (par le chant, par la danse, le rythme, l’émotion)
549
situant le Congrès comme je viens de le faire, j’
ai
voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau de la politique proprem
550
donnent les totalitaires, tant qu’un jour il n’y
a
plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks
551
du Centre culturel du Conseil de l’Europe [sic],
a
été particulièrement remarquée. L’auteur de L’Aventure spirituelle d
552
r de L’Aventure spirituelle de l’Occident [sic]
a
bien voulu en confier la publication en primeur à la France catholiqu
553
. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle
ait
une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un A
554
versaires déclarés (ou non) de l’union européenne
ont
coutume d’affirmer simultanément les deux propositions contradictoire
555
toires que voici. Ils affirment primo : qu’il n’y
a
pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures nation
556
ue. Et ils affirment secundo : qu’il ne saurait y
avoir
de culture spécifiquement européenne, car, disent-ils encore, toute v
557
seconde attitude, celle qui fait dire que nous n’
avons
pas de problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du monde, s
558
idée même d’une unité de la culture européenne, j’
ai
noté la phrase suivante, que j’ai plus d’une fois citée et publiée de
559
e européenne, j’ai noté la phrase suivante, que j’
ai
plus d’une fois citée et publiée depuis : L’Européen ne serait-il pa
560
la diversité — avec d’autres formules d’unité qui
ont
régné sur d’autres cultures, ou que certains régimes contemporains te
561
diversités, et comment il se fait que l’Europe en
ait
tant et même les multiplie comme à plaisir, au lieu d’essayer de les
562
e, incontestable : le dynamisme européen. Si nous
avons
découvert et conquis, ou en tout cas marqué de notre empreinte le mon
563
entiels ou matériels, selon les écoles de pensée,
ont
pu jouer. Mais la diversité de nos origines et leur discussion millén
564
ité indescriptible de notre civilisation, pensant
avoir
payé un tribut suffisant aux éléments diversifiant, j’envisagerai mai
565
des actuelles cultures totalitaires — lesquelles
ont
d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe de formation ou de ré
566
, et des valeurs souvent incompatibles qu’elle en
a
héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui
567
t incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’
a
jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses
568
n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui
eût
régi à la fois ses institutions, sa religion, sa philosophie, son éco
569
ion, sa philosophie, son économie et ses arts. On
a
beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits e
570
nie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’
a
décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que
571
s fondamentaux de toute culture ou civilisation n’
a
pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint le
572
roduit seulement de l’anarchie et des guerres. Il
a
contraint les élites, et par elles la partie agissante des masses eur
573
s par les civilisations du Proche-Orient. Mais il
a
été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont mont
574
nt développé par la théodicée chrétienne, comme l’
ont
montré Nietzsche d’abord, puis dans ses commentaires sur Nietzsche, l
575
s tricher non plus avec la réalité du monde qu’il
a
créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas no
576
bles de notre culture : le sens de la vérité, qui
a
pour corollaire le sens critique, et qui a permis le développement de
577
é, qui a pour corollaire le sens critique, et qui
a
permis le développement des sciences, notamment. Voilà qui peut paraî
578
le. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux
ont
tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique — le cl
579
leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous
avons
le droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous
580
t nous condamnent à l’expansion. Que ce mouvement
ait
été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît pure
581
ondition même de la vie. Les considérations que j’
ai
développées jusqu’ici, relatives à l’origine de nos diversités et de
582
typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui
ont
développé les sciences physiques et naturelles à un degré littéraleme
583
ncomparable. Certes, les peuples du Proche-Orient
avaient
créé l’astronomie, les Hindous avaient inventé le zéro bien avant nou
584
che-Orient avaient créé l’astronomie, les Hindous
avaient
inventé le zéro bien avant nous. Mais l’Europe, ce Laboratoire du Mon
585
ant nous. Mais l’Europe, ce Laboratoire du Monde,
a
poussé les sciences et les techniques qui en dérivent jusqu’au point
586
ur cette exploration de la matière, les Européens
avaient
entrepris, avec guère moins d’audace, l’exploration de l’espace et du
587
emps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui
ont
découvert la Terre entière, alors qu’aucun autre peuple ne songeait à
588
e songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui
ont
ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à peu conscienc
589
eu conscience de son unité. L’idée d’universalité
a
peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce
590
tres cultures, mais ce sont les Européens qui lui
ont
donné son contenu concret et ont seuls démontré sa consistance. On pe
591
uropéens qui lui ont donné son contenu concret et
ont
seuls démontré sa consistance. On peut le dire : l’idée de genre huma
592
tion du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui
ont
inventé l’histoire et l’historiographie, avec tout ce que cela impliq
593
À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui
ont
inventé l’archéologie, comme ils ont inventé l’ethnographie à partir
594
uropéens qui ont inventé l’archéologie, comme ils
ont
inventé l’ethnographie à partir de la découverte géographique du mond
595
de. Et l’on sait le rôle décisif que ces sciences
ont
joué dans l’évolution récente de la sociologie et de la psychologie a
596
s du fond des temps et de l’espace, les Européens
ont
inventé le Musée. Et, à partir de ces condensations prodigieuses de s
597
ons prodigieuses de siècles et de continents, ils
ont
élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des civ
598
je n’indique ici que des têtes de chapitre, et j’
ai
laissé de côté l’immense chapitre de nos créations sociales et de nos
599
et de nos institutions ! — voilà ce que l’Europe
a
créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier. Or toutes ces
600
ssent, et toutes, elles préparent son unité après
avoir
exploré ses variétés. Je n’essaierai pas ici de démontrer la cohérenc
601
faudrait tout un livre, et il se trouve que je l’
ai
déjà écrit. Je me bornerai donc à rappeler, mais avec la plus vive in
602
istance, que ce n’est pas par hasard que l’Europe
a
produit non seulement les notions de personne et de liberté, mais aus
603
a possibilité d’un genre humain qui, sans elle, n’
eût
jamais pris conscience de son existence virtuelle, ni des problèmes e
604
nt de l’évolution de l’humanité où les Européens,
ayant
créé « le monde » (au sens que je viens d’indiquer) se voient menacés
605
ssédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils
ont
suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents menacen
606
mieux comprendre ce que nous sommes, ce que nous
avons
fait, et pourquoi. Et nous devons en même temps nous préparer à affro
607
i, bien sûr, mais c’est tout de même l’Europe qui
a
créé les sciences et la technique, dans le contexte de sa culture, gr
608
rtus de cette culture. C’est un fait que l’Europe
a
répandu sur toute la terre, au hasard de la colonisation, de contacts
609
océdés et un peu de leur logique… Mais l’Europe n’
a
pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’équilibres mouvants, de t
610
urbanisme et architecture : à tel point que l’on
a
pu dire que Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas de quar
611
ire que Naples est la seule ville orientale qui n’
ait
pas de quartier européen. Mais ce même monde méprise, ou ignore simpl
612
produits » de la culture européenne ? Je crois en
avoir
assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici : le sort du mond
613
sort du monde dépend aujourd’hui de l’Europe, qui
a
inventé le monde dans la mesure exacte où elle a découvert le genre h
614
a inventé le monde dans la mesure exacte où elle
a
découvert le genre humain. Et le sort de l’Europe dépend de son union
615
épend de son union. L’union de l’Europe, en 1946,
avait
un but précis et limité : empêcher les Français et les Allemands de s
616
but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe
a
maintenant d’autres motifs, beaucoup plus vastes. Il nous faut faire
617
de Colomb, au matin du départ à Palos de Moguer.
Auront
-elles le tonnage, la voilure nécessaires ? Ou bien ne faut-il pas nou
618
nous demander, plutôt, si l’homme qui les conduit
a
la foi nécessaire ? Je sais bien que certains de mes lecteurs hésiten
619
e faire face au grand projet mondial qu’elle-même
a
suscité, et qui commande au préalable notre union. À ceux qui demande
620
ns suivantes : Si l’Europe, simple cap de l’Asie,
a
tenu le premier rang dans le monde pendant des siècles, elle l’a dû à
621
er rang dans le monde pendant des siècles, elle l’
a
dû à sa faculté de créer des valeurs morales, des structures de la so
622
chniques, que tous les autres peuples de la Terre
ont
adoptées ou s’efforcent d’imiter. Les Européens ont raison d’être fie
623
t adoptées ou s’efforcent d’imiter. Les Européens
ont
raison d’être fiers d’une telle culture. Cependant, que font-ils aujo
624
les divers domaines de la culture, les Européens
ont
pris l’habitude de recourir à l’aide des fondations américaines. Cett
625
n accepter la présidence de la Fondation, et il n’
a
cessé de l’exercer effectivement depuis lors. Pour faciliter les débu
626
faciliter les débuts de la Fondation, le CEC lui
avait
offert de partager une partie de ses locaux et de son staff à Genève.
627
mme, d’autre part de rassembler les fonds qui lui
avaient
été promis. Car elle ne disposait pas, comme les fondations américain
628
leur contexte culturel et historique, ces hommes
ont
fait bien plus qu’une œuvre scientifique, et sérieuse aux yeux des co
629
tifique, et sérieuse aux yeux des confrères : ils
ont
permis à l’Occident moderne de reprendre conscience d’une de ses sour
630
’est l’étymologie de nos passions que ces savants
ont
retrouvée. Selon Littré : Les étymologies servent à faire entendre l
631
de l’âme. Or c’est dans le mythe de Tristan qu’il
a
trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique à la foi
632
— et c’est le fameux coup de foudre romantique —
a
cru voir en lui la lueur, toujours fuyante mais en fuite vers la haut
633
s la hauteur, où elle entraîne l’amant ravi. Vous
avez
reconnu la conclusion gnostique du Second Faust de Goethe, mais aussi
634
le roi Marc, symbole du mariage légal. Les amants
ont
perdu la vie, gagné l’amour. Le mari, lui, a partagé la vie d’Iseut.
635
ts ont perdu la vie, gagné l’amour. Le mari, lui,
a
partagé la vie d’Iseut. Il reste seul vivant, mais sans amour. Aux ye
636
ution du xiiie siècle jusqu’à nos jours, comme j’
ai
tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradation
637
seut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y
aurait
pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de my
638
rait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y
aurait
donc pas eu de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’incl
639
n, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas
eu
de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’inclinant devant
640
c’est-à-dire un malade mental. Un psychanalyste l’
eût
guéri, et le roman n’eût pas eu lieu. Si les derniers tabous viennent
641
ntal. Un psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’
eût
pas eu lieu. Si les derniers tabous viennent à céder, c’en sera fait
642
ssion de Tristan et d’Iseut : et c’est la mort. J’
ai
laissé jusqu’ici dans l’ombre cet aspect trop souvent, trop facilemen
643
t ». Les obstacles sociaux, coutumiers ou sacrés,
ont
cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en est-il du dernier bar
644
jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils
ont
beu leur destruction et leur mort ». Certes, c’est vrai pour leur exi
645
vrai pour leur existence dans ce monde, mais ils
ont
aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la part immortelle que lui
646
ythe, ose parler d’un plaisir que l’usage en moi
a
fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort. Et
647
Et Wagner, le dernier auteur de la légende qu’il
a
su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfried de Strasbourg, in
648
— Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre
a
maltraité son moi, au lieu de la Fravarti c’est une apparition monstr
649
ière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui
aurait
été, sur la Terre, le véritable objet du désir de Tristan, sa princes
650
a grandeur première et drue, les philologues nous
ont
mis au défi d’apporter un peu plus de justesse dans le style de nos é
651
t ce n’est pas seulement de la littérature qu’ils
ont
bien mérité, mais de l’âme. aa. Rougemont Denis de, « Tristan et
652
la note suivante : « Le fauteuil où il est élu n’
ayant
jamais eu de titulaire depuis la fondation de l’Académie, M. Eugène V
653
ante : « Le fauteuil où il est élu n’ayant jamais
eu
de titulaire depuis la fondation de l’Académie, M. Eugène Vinaver, en
654
. Eugène Vinaver, en son discours de réception, n’
avait
pas à rappeler le souvenir d’un prédécesseur. Il lui fut donc loisibl
655
et Iseut, en réponse à M. Maurice Delbouille qui
avait
traité le même thème. Quand elle eut appris que tel était le dessein
656
ouille qui avait traité le même thème. Quand elle
eut
appris que tel était le dessein des deux orateurs, l’Académie s’avisa
657
angle tout différent, M. Denis de Rougemont, qui
a
traité, lui, du « mythe » de Tristan et Iseut dans plusieurs ouvrages
658
à gagner Bruxelles, l’avion qui devait l’amener n’
ayant
pu quitter Genève à cause du brouillard. C’est donc en son absence qu
659
uillard. C’est donc en son absence que M. Guiette
a
rappelé que “de ses observations sur les récits et de sa réflexion su
660
sur le mythe de l’amour-passion, M. de Rougemont
a
tiré des essais très attachants sur l’aventure, sur l’homme occidenta
661
l’homme occidental, sur l’Europe. Ses analyses l’
ont
conduit à retrouver le mythe de Tristan dans ses métamorphoses les pl
662
lustre le mythe, sur son secret…” M. Carlo Bronne
a
ensuite donné lecture du discours écrit par M. Denis de Rougemont. »
663
re célèbre, Orson Welles assurait que la Suisse n’
a
donné au monde que la pendule à coucou. Il entendait que la Suisse n’
664
la pendule à coucou. Il entendait que la Suisse n’
a
pas produit de grands hommes, comme l’Italie a produit Dante, l’Allem
665
n’a pas produit de grands hommes, comme l’Italie
a
produit Dante, l’Allemagne Goethe, la France Pascal, et les États-Uni
666
pas une personne sur mille, prise dans la rue, n’
aura
jamais entendu ce nom. En revanche, les noms d’hommes importants qu’o
667
Suisse construit des capitales ; qu’un troisième
a
donné à l’Amérique les deux plus grands ponts « in the world », le Go
668
usier, l’Alémanique Ammann, autant de Suisses qui
ont
vu grand, mais pas chez eux. Lucien Febvre, admirable historien de la
669
. Ramuz, à un Karl Barth ou à un Jean Piaget, qui
ont
surtout vécu en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a fait leur nom et
670
urtout vécu en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui
a
fait leur nom et qui l’a propagé au loin ; c’est au contraire de l’ét
671
n’est pas la Suisse qui a fait leur nom et qui l’
a
propagé au loin ; c’est au contraire de l’étranger, des grands pays v
672
ns aux yeux de leur conscience helvétique… Nous n’
avons
pas en Suisse de purs poètes, ni de peintres qui aient fait époque, n
673
pas en Suisse de purs poètes, ni de peintres qui
aient
fait époque, ni de compositeurs du plus haut rang. Hölderlin et Keats
674
ibre de tout souci d’application « morale », leur
eussent
été formellement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En rev
675
, sur notre continent. Le lecteur de ce recueil m’
aura
vu venir : je n’entendais poser que les prolégomènes à toute étude fu
676
me pose. J’y répondrai en citant trois faits qui
ont
l’avantage d’être connus de tous. Fait n° 1. Pour la première fois d
677
philosophie et science, poésie et littérature —,
a
produit la technique occidentale ; et que la technique ne saurait fai
678
tent jusqu’à nos jours que les grandes inventions
ont
« répondu à des besoins », économiques, alimentaires et matériels. Qu
679
entions européennes du xvie au xixe siècle, qui
ont
décidé du sort de la technique moderne, et par suite de notre économi
680
st le récit d’un rêve que presque tous les hommes
ont
fait une nuit ou l’autre, y compris Léonard de Vinci. Le motif oniriq
681
n 1893, quelques années après que l’Allemand Otto
eut
inventé le moteur à explosion interne. Des douzaines d’ingénieurs ou
682
eurs ou amateurs de mécanique, en France surtout,
avaient
construit d’autres voitures automobiles bien avant Ford, mais son inv
683
enfant chargé de cette besogne, Humphrey Potter,
eut
l’idée de relier à un balancier les robinets commandant l’arrivée de
684
e perfectionner la trouvaille du petit garçon qui
avait
été ainsi, sans le savoir, l’inventeur de l’automation créatrice de l
685
n tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui
ont
guidé l’intuition des inventeurs. L’explication de la technique par d
686
la culture : nos lectures, les tableaux que nous
avons
vus, les images du divin que nous livrent les siècles de notre civili
687
e est née du rêve occidental, de ce même rêve qui
a
créé notre culture ; — la technique n’est donc pas un destin objectif
688
que n’est donc pas un destin objectif et que nous
aurions
à subir, mais bien au contraire, elle exprime des vœux profonds dont
689
que. Dans la première moitié du xxe siècle, nous
avons
assisté à ce que l’on nomme souvent l’envahissement de notre vie par
690
riblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui
a
fait la bombe et se prépare à l’employer. Le contrôle de la bombe est
691
ns meurtrières de l’homme : le couteau de cuisine
a
sûrement fait plus de victimes dans notre histoire que les bombes ato
692
ne, parfaitement innocente, ou la technique qui l’
a
produite. Dire que la machine domine l’homme, ce n’est qu’une manière
693
et encore moins la révolution des communistes qui
ont
créé les moyens concrets de libérer le prolétariat, mais c’est la tec
694
ur dès qu’il est poussé jusqu’au bout, et qu’il n’
a
plus besoin d’être servi, mais seulement surveillé par l’homme. Mais
695
ée du même coup du droit de se plaindre qu’elle n’
a
pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous ne confondrons pas le si
696
ère partie de mon propos : la culture de l’Europe
a
produit la technique ; on a pu craindre alors que cette technique ass
697
a culture de l’Europe a produit la technique ; on
a
pu craindre alors que cette technique asservisse l’homme et tue la vr
698
rxisme-léninisme. Mais le fait est que les Russes
ont
lancé les premiers Spoutniks, et tout le monde veut les imiter. En Eu
699
e. Les plus grands inventeurs de tous les temps n’
ont
pas été des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosop
700
tiquement disciplinées, ou même d’écoles où ils n’
auraient
reçu qu’une instruction purement technique. L’ère nouvelle exigera, c
701
ormation spécialisée, il en résultera 1° que nous
aurons
moins de grands inventeurs et 2° que c’est alors que nous courrons le
702
ntités indépendantes et au surplus rivales. Nous
avons
vu que leurs sources créatrices sont communes, qu’elles jaillissent d
703
cket books, aux États-Unis d’abord puis en Europe
a
été rendu possible par les perfectionnements techniques de l’édition
704
n et de l’autre. On nous répète que notre société
a
besoin d’innombrables techniciens, et qu’il s’agit de les former d’ur
705
s des humanités et de la culture générale. L’URSS
a
décidé de sacrifier la culture générale, et elle a produit les Spoutn
706
décidé de sacrifier la culture générale, et elle
a
produit les Spoutniks. Je crains pour elle que ses premiers succès ne
707
demandais un jour à l’un des trois physiciens qui
ont
réalisé la fission de l’atome comment il travaillait à cette époque.
708
savoir son avenir. Ce que je sus, c’est que nous
aurions
beaucoup à faire ensemble. Deux ans plus tard, il devenait mon collab
709
ang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle. Il
avait
épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour Suisse, ou Chilien peut
710
it au-delà, avec cette « casual brilliance » dont
a
parlé le Times au lendemain de sa mort. Reçu premier sur cent à l’agr
711
s, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’il
avait
su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines avant d’
712
lte. Car il croyait que notre incohérence aveugle
avait
un sens ailleurs, heureux et grand pour l’âme, et des lois dont certa
713
et des conditions élémentaires d’une carrière. Il
avait
de lui-même et du monde une idée telle que les soucis multipliés par
714
oique l’empêchant, hélas ! d’écrire son œuvre. Il
avait
été Roi dans une autre existence, il le savait absolument ; il pouvai
715
oir apparent passait parfois dans ses propos. (Il
eût
fait un fort bel empereur romain-germanique et d’expression française
716
ang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle. Il
avait
épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour suisse ou chilien peut-
717
-delà, avec cette « brillante désinvolture » dont
a
parlé le Times au lendemain de sa mort. Reçu premier sur cent à l’agr
718
s, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’il
avait
su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines avant d’
719
crivain », alors Calvin n’est pas un écrivain. Il
a
créé un style et un vocabulaire, et la langue des idées en France, et
720
s en France, et Bossuet lui concède « la gloire d’
avoir
aussi bien écrit qu’homme de son siècle », mais ce n’était pas pour f
721
, et diriger les hommes à leur fin de salut. Il n’
a
écrit que pour mieux faire comprendre l’Écriture, parlé que pour mieu
722
quelconque, — l’idée même d’être original ne lui
a
pas fait perdre une seconde. On ne joue pas avec les mots quand on es
723
re du Verbe », minister verbi divini. Les manuels
ont
beau dire, je ne vois pas qu’il ait eu la moindre « influence » vérif
724
. Les manuels ont beau dire, je ne vois pas qu’il
ait
eu la moindre « influence » vérifiable sur la littérature française,
725
s manuels ont beau dire, je ne vois pas qu’il ait
eu
la moindre « influence » vérifiable sur la littérature française, enc
726
articulation, qu’on appelle souvent cartésiennes,
aient
été premièrement illustrées dans notre langue par ses écrits : fait d
727
itude « classique » ou sociale de l’esprit, que j’
ai
tenté dans mes premiers ouvrages de décrire par le terme d’engagement
728
par le terme d’engagement, — dont il semble qu’on
ait
abusé — s’origine sans nul doute chez Calvin et n’a jamais encore éga
729
abusé — s’origine sans nul doute chez Calvin et n’
a
jamais encore égalé son modèle. Calvin n’est pas aimable, on le sait
730
ous dit-il. Dieu toutefois me fit tourner bride…
Ayant
donc reçu quelque goût et connaissance de la vraie piété, je fus inco
731
t ébahi que devant que l’an passât, tous ceux qui
avaient
quelque désir de la pure doctrine se rangeaient à moi pour apprendre,
732
u’étant d’un naturel un peu sauvage et honteux, j’
ai
toujours aimé requoy et tranquillité, je commençai à chercher quelque
733
ent comme écoles publiques. Bref, cependant que j’
avais
toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’a tellement
734
ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’
a
tellement promené et fait tournoyer par divers changements que toutef
735
oyer par divers changements que toutefois il ne m’
a
jamais laissé de repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré mo
736
conque jusques à ce que, malgré mon naturel, il m’
a
produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit. L’aventure se
737
français l’épître liminaire au roi de France. Il
a
vingt-cinq ans. Il vient d’élaborer en quelques mois, — « dans des ve
738
ira l’humaniste Ramus — l’un des rares livres qui
aient
changé le cours de notre histoire occidentale. Et de nouveau, il fuit
739
ue par une adjuration épouvantable, comme si Dieu
eût
d’en haut étendu sa main pour m’arrêter ». C’en est fait de la paix d
740
trasbourg « usant d’une semblable remonstrance qu’
avait
faite Farel auparavant ». Calvin devient le pasteur de la première Ég
741
ter les divers combats par lesquels le Seigneur m’
a
exercé depuis ce temps-là, et par quelles épreuves il m’a examiné, ce
742
depuis ce temps-là, et par quelles épreuves il m’
a
examiné, ce serait une longue histoire. » Semblable au roi David mole
743
lieu de son peuple par la malice des déloyaux « j’
ai
été assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos un bie
744
ux « j’ai été assailli tellement qu’à grand-peine
ai
-je pu être en repos un bien peu de temps, que toujours je n’eusse à s
745
en repos un bien peu de temps, que toujours je n’
eusse
à soutenir quelque combat, ou de ceux du dehors, ou de ceux de dedans
746
u’il semble que jamais le moindre doute frivole n’
ait
fait broncher l’esprit qui la préméditait. C’est ici le langage d’un
747
i son pouvoir de contagion. Ce ministre du Verbe
a
fait un monde. Il est même le seul écrivain dont les doctrines aient
748
. Il est même le seul écrivain dont les doctrines
aient
suscité dans l’Occident une éthique sociale et civique, un type neuf
749
politiques, enfin des formes de gouvernement qui
ont
marqué d’une manière décisive l’Angleterre et ses dominions, la Holla
750
i paradoxale que celle des Pères de la Réforme, n’
a
jamais pu créer une éthique, ni même une formule d’équilibre entre la
751
e citoyen. Calvin n’était pas démocrate, mais il
a
fomenté les chefs qui ont appris aux siècles futurs qu’il n’est pas d
752
it pas démocrate, mais il a fomenté les chefs qui
ont
appris aux siècles futurs qu’il n’est pas de liberté concrète qui ne
753
oit qu’une charge. Les démocraties d’Occident qui
ont
refusé de payer ce prix en sont mortes ou ne valent guère mieux. Le r
754
constitués quand l’État outrepasse ses fonctions,
a
protégé les peuples calvinistes non seulement contre l’anarchie mais
755
elles ne se recouvrent nulle part. Enfin, loin d’
avoir
instauré la théocratie à Genève, comme le répète l’ignorance commune,
756
nève, comme le répète l’ignorance commune, Calvin
a
créé le modèle d’une église dressée face à l’État et soigneuse à le m
757
é ; et dans la mesure encore où cet homme accablé
a
fait l’histoire des cités les plus libres, parce qu’il ne croyait pas
758
ions froides. L’étiquette de la cour victoriale n’
a
jamais été codifiée : plus mystérieuse que la Constitution anglaise,
759
e venais des États-Unis, où la guerre en Europe m’
avait
projeté hors d’une Suisse neutre et assiégée, qui m’estimait sans dou
760
ns, venus de partout, qu’une sorte de prémonition
avait
rassemblés ces jours-là dans la capitale de l’Europe, ultime colloque
761
upe de Sur, honneur du Sud, autour de celle qui l’
avait
suscité, c’était à la fois le passé, si proche et déjà légendaire, et
762
lus hauts que les tours de Notre-Dame. Victoria m’
a
trouvé là, et parce que je ne disais rien, m’a fortement pincé le bra
763
m’a trouvé là, et parce que je ne disais rien, m’
a
fortement pincé le bras pour que je crie mon admiration. Et ce jour-l
764
pour que je crie mon admiration. Et ce jour-là, j’
ai
découvert son patriotisme foncier. Je l’avais connue cosmopolite et p
765
-là, j’ai découvert son patriotisme foncier. Je l’
avais
connue cosmopolite et parisienne, au sens noble que définit la seule
766
le que définit la seule Société des esprits. Et j’
ai
vu qu’elle était Argentine avant tout, dans ses grandes dimensions vi
767
avant tout, dans ses grandes dimensions vitales,
as
large as life and twice as natural comme le dit notre ami commun Lewi
768
ut, dans ses grandes dimensions vitales, as large
as
life and twice as natural comme le dit notre ami commun Lewis Carroll
769
es dimensions vitales, as large as life and twice
as
natural comme le dit notre ami commun Lewis Carroll. La grandeur simp
770
régner sur les relations humaines. Un jour le Sud
aura
sa revanche sur le Nord masculin, épuisé de logique, d’horaires tyran
771
ientée par la Femme, comme Goethe et C. G. Jung l’
ont
annoncé. Quelques-uns l’ont appris de Victoria, non par l’enseignemen
772
oethe et C. G. Jung l’ont annoncé. Quelques-uns l’
ont
appris de Victoria, non par l’enseignement mais par l’exemple, et par
773
La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
ai
S’il est question d’intégration européenne et qu’on lui parle de c
774
, qu’il soit d’ailleurs industriel ou philosophe,
a
d’abord un réflexe de doute. L’Europe qui se fait, dans la réalité co
775
faire là-dedans ? Quelles contributions efficaces
a-t
-elle apportées à l’union ? N’est-elle pas au contraire, ajoutent cert
776
ent pour notre Fondation, mais pour tous ceux qui
ont
travaillé depuis longtemps à faire l’Europe, chacun dans son domaine
777
Marché commun serait impensable (et au surplus n’
aurait
jamais vu le jour) s’il ne s’inscrivait pas dans une longue tradition
778
l’Europe. L’équation européenne Si l’Europe
a
pu dominer le monde par son économie, ses armes et ses techniques, de
779
ucoup plus pauvre en matières premières, l’Europe
avait
moins de chances matérielles que l’Inde de sortir de sa pauvreté prim
780
très peu de choses plus une certaine culture, qui
a
fait d’une pauvre terre découpée et cloisonnée le cœur et le cerveau
781
et les meilleurs hommes politiques du continent n’
ont
cessé de préconiser une union fédérale de nos peuples, respectant leu
782
s ses efforts vers l’union. Les uns et les autres
ont
raison, en ce sens qu’ils sont nécessaires, soit comme moteur, soit c
783
moteur, soit comme volant ; les uns et les autres
ont
tort quand ils se prétendent suffisants, à eux seuls. Leur dialogue e
784
e avenir. L’énergie tout à fait extraordinaire qu’
ont
dégagée les peuples de ce continent, et qui leur a permis de dominer
785
dégagée les peuples de ce continent, et qui leur
a
permis de dominer le monde, a sa source dans les tensions produites p
786
tinent, et qui leur a permis de dominer le monde,
a
sa source dans les tensions produites par nos diversités, — de religi
787
a génération à laquelle j’appartiens, et l’Europe
a
risqué d’en périr. Insister sur nos seules diversités détruit l’Europ
788
de la culture et sa vocation prospective. Il n’y
aurait
pas d’Europe sans tout ce que la culture a su tirer de nos pauvres co
789
y aurait pas d’Europe sans tout ce que la culture
a
su tirer de nos pauvres conditions physiques. De la culture aussi son
790
ent récentes, et plus ou moins artificielles, qui
ont
tenté de prendre forme, grâce à l’École surtout, pendant l’ère nation
791
us à leurs valeurs, à leurs idéaux, à tout ce qui
a
fait la grandeur de l’Europe ? Et que sert de prêcher l’union europée
792
répondent que l’Europe n’est plus rien, qu’elle n’
a
pas d’idéal à opposer aux ambitions mondiales du communisme, ni de va
793
ion. Contrairement à l’Asie et à l’URSS, l’Europe
a
toujours voulu former des hommes à la fois libres et responsables. C’
794
rme de l’intégration européenne, s’il ne devait y
avoir
que dividendes, bombes atomiques, autos et frigidaires, les forces cu
795
ues, autos et frigidaires, les forces culturelles
auraient
le droit de s’occuper dès maintenant d’autre chose. Mais sans l’actio
796
osent diamétralement. Si les croyances populaires
ont
raison, le peu que l’on a fait jusqu’ici pour la culture était de tro
797
croyances populaires ont raison, le peu que l’on
a
fait jusqu’ici pour la culture était de trop. Si au contraire mes arg
798
tire les conséquences logiques — et pratiques.
ai
. Rougemont Denis de, « La culture et l’union de l’Europe », Caractèr
799
le climat de cette période angoissée, telle que j’
ai
pu la voir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de mon journal
800
nérale de l’armée (Ve section, Armée et Foyer), j’
avais
proposé et obtenu de rédiger des plans de causeries à l’usage des off
801
es débuts de notre histoire. Le 11 mai, les nazis
ayant
envahi la Belgique et la Hollande, une nouvelle mobilisation générale
802
ais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui
a
demandé quelques volontaires. Il nous expose notre tâche : prendre le
803
piers. Compris. Telle était l’atmosphère, et je n’
ai
vu ce jour-là, comme les jours suivants à la troupe, où je suis retou
804
au cœur de l’Europe, à son bastion sacré, et je l’
ai
dit hier soir encore. Or il se trouve que le Gothard est le type même
805
-il, c’est une idée… (et pendant une seconde je n’
ai
pas su s’il était ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n
806
e n’est rien d’en parler. Il faut le faire ! » J’
ai
senti sous son regard direct le danger d’avoir une idée et de l’expri
807
» J’ai senti sous son regard direct le danger d’
avoir
une idée et de l’exprimer sans précautions — avant d’avoir calculé la
808
idée et de l’exprimer sans précautions — avant d’
avoir
calculé la dépense. Le 12 juin 1940 Débâcle française sur la Seine. N
809
de plus. Je suis resté immobile un long moment. J’
ai
écrit deux pages sur la confrontation d’Hitler et de Paris, les ai re
810
es sur la confrontation d’Hitler et de Paris, les
ai
recopiées et envoyées à la Gazette de Lausanne . « Voyez si les presc
811
couronnant le Gurten. Toutes les demi-heures, des
avions
passent, volant très bas. Cette prairie dominant la ville serait un t
812
’était commencé. D’une fenêtre donnant au nord, j’
ai
regardé longtemps la ville, apparemment paisible, et la ligne précise
813
menté où je guettais des lueurs. Quelques camions
ont
passé sous la fenêtre, tous feux éteints, montant lentement vers le G
814
a mesure du tragique dans lequel nous baignons… L’
ai
fait lire au lieutenant-colonel M. et aux autres camarades, ils le tr
815
énéral. — Ici colonel Masson. C’est bien vous qui
avez
écrit l’article paru ce matin dans la Gazette ? — Oui, mon colonel.
816
ce matin dans la Gazette ? — Oui, mon colonel. —
Avez
-vous demandé l’autorisation de vos supérieurs ? — Non, mon colonel. —
817
voquer pour le 22 juin les dix personnes que nous
avons
« contactées » ces jours derniers. Secret bien gardé jusqu’ici. Ce ma
818
Mais on veillait partout. Hier soir, des barrages
ont
été établis dans les rues de la ville. La troupe a arrêté des automob
819
été établis dans les rues de la ville. La troupe
a
arrêté des automobilistes munis de passeports français, mais aucun n’
820
(Je me dis : C’est donc si grave que cela ?) — J’
ai
beaucoup aimé votre article… Mais la Légation d’Allemagne a protesté,
821
aimé votre article… Mais la Légation d’Allemagne
a
protesté, hier matin. J’ai l’ordre de vous faire conduire chez vous p
822
la Légation d’Allemagne a protesté, hier matin. J’
ai
l’ordre de vous faire conduire chez vous pour y prendre les arrêts. V
823
Comparutions diverses. Dialogue invariable : — Qu’
avez
-vous à dire pour votre défense ? — Absolument rien. Je suppose que vo
824
dernier conflit mondial. Dans cet ouvrage, Kimche
avait
signalé la formation durant l’été de 1940 d’un « mouvement de résista
825
iciers — qui entendait barrer la route à ceux qui
auraient
pu être tentés d’intégrer notre pays au système du Troisième Reich al
826
oisième Reich alors triomphant. Le général Guisan
a
d’ailleurs brièvement mentionné, après la guerre, l’épisode de « la c
827
iscipline fut sanctionné, mais dont les objectifs
eurent
sa sympathie. L’attitude de notre gouvernement et de notre commandant
828
nutile toute action directe de ces mouvements qui
ont
toutefois joué un rôle non négligeable en faisant front contre un cer
829
ougemont, témoin et acteur de ces événements nous
a
envoyé certains feuillets de son journal de juin et juillet 1940 qui
830
et 1940 qui les éclairent et les expliquent… Nous
avons
choisi de publier ces pages en cette fin de juin, à peu près à l’époq
831
. Pour les besoins de cette édition numérique, on
a
attribué un style spécifique aux dates de ce journal.
832
instant des hommes qui nous tireront dessus. Je n’
ai
même plus mon pistolet, que je déposais chaque soir à côté de mon lit
833
u pain et à l’eau, sans visites ni courrier. Vous
avez
bien compris ? Vous êtes dès maintenant à Saint-Maurice. Tout ce que
834
me à chaque bras. — À vos ordres, mon colonel ! J’
ai
toujours été partisan des vacances payées. Je vous remercie. — Repos
835
es payées. Je vous remercie. — Repos ! Le colonel
a
bien voulu prendre un verre, au terme de cette petite cérémonie. 22 j
836
e, avant de se battre, l’une des raisons que l’on
aurait
de se battre, l’une des marques de cette indépendance que l’armée est
837
san le 31 août 1939 par le Conseil fédéral : Vous
avez
pour mission de sauvegarder l’indépendance du pays et de maintenir l’
838
e l’indépendance du pays. Cela se discute, mais j’
ai
pris mon parti, tout comme le général de Gaulle, à la radio de Londre
839
Armée et Foyer ». Pendant mes vacances forcées, j’
ai
eu le temps de rédiger le manifeste de notre mouvement, qui a pris le
840
ée et Foyer ». Pendant mes vacances forcées, j’ai
eu
le temps de rédiger le manifeste de notre mouvement, qui a pris le no
841
s de rédiger le manifeste de notre mouvement, qui
a
pris le nom de « Ligue du Gothard », pour ma plus grande satisfaction
842
e que « la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’
a
pas d’autre garantie que son armée, pas d’autre allié que son terrain
843
érés peuvent s’unir dans leurs diversités… Nous n’
avons
qu’un seul but : maintenir la Suisse dans le présent et pour l’avenir
844
aître dans 74 journaux du pays. Dans chacun, nous
avons
acheté une page entière. (Formule de la publicité politique ou philan
845
ux États-Unis.) Frais payés sur la somme que nous
a
remise le capitaine E., l’un des chefs de la ligue des officiers — to
846
et-Golaz. À propos du cessez-le-feu en France, il
a
parlé de notre « soulagement » ! Cela peut s’entendre de diverses man
847
mais l’une est atroce. Je veux, croire qu’il ne l’
a
pas senti. Mais ce matin, un officier de l’E.-M. du Général me dit :
848
ral me dit : « Pour la première fois de ma vie, j’
ai
eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes, à
849
me dit : « Pour la première fois de ma vie, j’ai
eu
honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes, à Be
850
représentants de la Ligue dans l’armée. La presse
a
publié le Manifeste. Elle en parle ! Beaucoup de lettres, de pamphlet
851
urs la démission de notre Directoire : or il n’en
a
jamais été membre. Rien de plus normal. En dépit du choc causé par la
852
ausé par la défaite française, l’opinion suisse n’
a
pas encore compris toute l’ampleur du péril, c’est bien le tout de no
853
u’un autre, qui est radicalement menacé. Pas un n’
aurait
la moindre chance de « s’arranger » avec l’occupant hitlérien. Pour l
854
olliciteront une audience du Conseil fédéral. Ils
ont
mission de lui déclarer que s’il cède aux exigences des nazis, tout e
855
n. Si au contraire le Conseil fédéral résiste, il
aura
l’appui sans réserve de la Ligue civile et militaire. L’audience est
856
titulaire ad interim du Département politique les
a
reçus avec beaucoup de calme, a pris note de leur déclaration pour la
857
ent politique les a reçus avec beaucoup de calme,
a
pris note de leur déclaration pour la transmettre à ses collègues, et
858
ur la transmettre à ses collègues, et bien sûr, n’
a
pu faire davantage. Mais les banderilles ont été plantées. (Note de 1
859
sûr, n’a pu faire davantage. Mais les banderilles
ont
été plantées. (Note de 1962 : nulle trace de cette démarche dans les
860
hose à l’époque. On comprend donc que M. Kimche n’
ait
pas pu faire état de l’incident, si pittoresque et surprenant qu’il p
861
urd’hui ambassadeur de Suisse à Washington, après
avoir
été haut-commissaire de l’Organisation des Nations unies pour les réf
862
Le général est toujours furieux après vous ! » m’
a
dit hier encore mon colonel, un Bernois. Mais quoi ! D’une part, le g
863
rnière page : La création de la Ligue du Gothard
a
produit un choc salutaire sur l’opinion suisse. Elle a rendu confianc
864
duit un choc salutaire sur l’opinion suisse. Elle
a
rendu confiance à beaucoup de citoyens, elle a fait naître un grand e
865
le a rendu confiance à beaucoup de citoyens, elle
a
fait naître un grand espoir et dissipé certaines brumes de défaitisme
866
rumes de défaitisme. La crainte de la concurrence
a
produit une émulation inattendue du côté des partis. Il est incontest
867
s de travail », esquissées dans divers cantons, n’
auraient
pas vu si tôt le jour. Nous savons qu’en réunissant des efforts jusqu
868
nt levés. C’est notre tour. 25 juillet 1940 Hier
a
eu lieu le rapport du Grütli. Tout notre dispositif de défense regrou
869
du Grütli, que j’ignorais, naturellement, quand j’
ai
rédigé ces quelques pages. Mi-août 1940 Réunion du Directoire de la L
870
hardt, commandant l’unité d’armée de Sargans. Ils
avaient
essayé d’obtenir son appui pendant une partie de la nuit. Il leur a l
871
son appui pendant une partie de la nuit. Il leur
a
laissé croire qu’il marchait, et à 6 heures ce matin, les a fait bouc
872
roire qu’il marchait, et à 6 heures ce matin, les
a
fait boucler. » Le lieutenant remonte, la voiture s’éloigne. Demain,
873
ai, le « Secrétariat des Suisses à l’étranger » m’
avait
proposé d’aller à New York et d’y faire jouer ma pièce sur Nicolas d
874
thur Honegger) à l’occasion de la World’s Fair. J’
avais
longtemps tergiversé. Je faisais la Ligue. Puis il y eut l’incident d
875
na grata. Pourtant, le 16 juillet, Pro Helvetia m’
avait
renouvelé la demande. J’aurais à faire aussi des conférences. Je prop
876
let, Pro Helvetia m’avait renouvelé la demande. J’
aurais
à faire aussi des conférences. Je proposai, pour voir, les quatre suj
877
je m’abstienne aux États-Unis « de toute activité
ayant
un caractère politique quelconque. Des sujets de conférence comme ceu
878
à 3 devraient, par conséquent, être évités ». (J’
ai
conservé la lettre, signée par le ministre B.) ⁂ Ces prudences offici
879
ences officielles — bien typiques de l’époque — n’
eurent
d’autre effet que de me piquer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir c
880
ment comme ce bastion de l’Europe libre dont nous
avions
rêvé sans oser croire qu’en quelques mois il deviendrait une réalité.
881
le et de rénovation économique et politique. Elle
avait
au départ formé le noyau du premier mouvement de résistance, au sens
882
es peuvent rire de l’armée suisse parce qu’elle n’
eut
pas l’occasion de se battre. Pourtant elle l’aurait eue, probablement
883
’eut pas l’occasion de se battre. Pourtant elle l’
aurait
eue, probablement, si les Allemands avaient senti la Suisse militaire
884
s l’occasion de se battre. Pourtant elle l’aurait
eue
, probablement, si les Allemands avaient senti la Suisse militairement
885
elle l’aurait eue, probablement, si les Allemands
avaient
senti la Suisse militairement moins forte et moins bien alertée. Et n
886
t de résistance, pour préventif qu’il soit resté,
eût
certainement passé à la pratique si le moral du pays ne s’était pas r
887
saisi. Le seul fait qu’à ce redressement la Ligue
ait
contribué si peu que ce fût, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois
888
ux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais qu’elle
avait
réussi dans la mesure précise où elle devenait, en tant que « résista
889
animaient n’étaient point exactement celles qu’on
eut
alors au Palais fédéral pour favoriser mon voyage. Mais le fait est q
890
ures du matin, je prenais la route de Lisbonne. J’
avais
acheté, avant de monter dans l’autobus, trois journaux du matin et de
891
e crois pas un instant que les officiers ligueurs
aient
pu douter de la volonté de résistance à tout prix du Général. Leur co
892
seule faute fut « d’agir en secret ». Mais s’ils
avaient
agi « ouvertement », le Conseil fédéral eût exigé sur l’heure que le
893
s avaient agi « ouvertement », le Conseil fédéral
eût
exigé sur l’heure que le Général mît fin à leurs activités qu’il conn
894
ain qu’elles « s’imbriquaient étroitement », on l’
a
vu par mes notes. Mais Kimche commet une curieuse erreur en confondan
895
a substitution à cette ligue d’un mouvement qui n’
eut
d’autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pas existé pendant la pé
896
qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’
avoir
pas existé pendant la période que décrit Kimche, n’est pas seulement
897
il était incorporé à l’état-major général — pour
avoir
écrit, au lendemain de la chute de Paris, un papier à la gloire de la
898
éparent de 1980, voyons d’abord quels changements
ont
apportés les dix-huit ans qui nous séparent de la fin de la dernière
899
la fin de la dernière guerre. L’Europe de l’Ouest
a
passé de la ruine générale à une prospérité sans précédent : d’une po
900
n Italie au repli général du PC, à sa suppression
eu
Allemagne, et à la défection des intellectuels ; des lamentations sur
901
ue, on s’aperçoit que presque tous ces phénomènes
avaient
été prévus par des esprits lucides, quoique jugés impossibles par les
902
égards le centre du monde humain. Les géographes
ont
démontré depuis longtemps qu’elle est le pôle de « l’hémisphère privi
903
sibilités d’assimilation du tiers-monde, après en
avoir
discuté avec les responsables des autres continents. (Cela s’opère su
904
950 à 1970. Le succès du fédéralisme européen les
a
fait réfléchir et leurs nouvelles générations, au-delà des ivresses d
905
’humanise — c’est un mot d’ordre ancien, mais qui
a
fini par devenir populaire. Les vitesses plusieurs fois supérieures à
906
civilisation technique, désormais universalisée,
a
compris qu’elle se doit d’inventer les moyens d’humaniser l’usage des
907
ains express (quelques-uns déjà souterrains). Les
avions
long-courriers atterrissent verticalement sur les rares terrains vagu
908
rranée, abandon progressif des villes du Nord qui
avaient
proliféré pendant l’ère du charbon, sale et noire. L’énergie électriq
909
sale et noire. L’énergie électrique ou nucléaire
a
permis de généraliser la maison transparente, pour les masses. Les él
910
et à l’échelle mondiale. Le mythe des deux grands
a
disparu, on ne s’en souvient guère davantage que de la Triplice et de
911
ait à Genève le Centre européen de la culture. Il
a
publié dix-huit ouvrages (essais et récits sous forme de journaux, li
912
lle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
as
Anciens villages et villes d’Europe, vous n’en trouverez pas deux
913
s fins militaires, agricoles, commerciales, après
avoir
été souvent sacrée. Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure, u
914
des pionniers arrêtés un soir, à l’étape, et qui
auraient
décidé d’en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims.
915
fés que le Spectator d’Addison, un peu plus tard,
a
l’ambition de faire pénétrer la philosophie, enfin sortie des cabinet
916
ommune, qui est dans le cadre concret du civisme,
a
survécu tant bien que mal, à plus d’un siècle d’empiètements de l’Éta
917
iers d’un renouveau de l’autonomie municipale.
as
. Rougemont Denis de, « La commune, base essentielle de notre civilis