1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 La voie et l’aventure (janvier 1957)a b Ce qui s’oppose coopère, et de ce qui diverge procède la plus belle harm
2 nvier 1957)a b Ce qui s’oppose coopère, et de ce qui diverge procède la plus belle harmonie. Héraclite Reconnaître
3 autres plans, pourtant, les différences éclatent. Ce serait faire tort à l’homme que de nier leurs liens avec certaines op
4 rtains penseront qu’il est dangereux de souligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre en valeur ce qui nous est commu
5 e qui nous distingue, au lieu de mettre en valeur ce qui nous est commun ; qu’on risque ainsi de nourrir les préjugés, et
6 e paix, les passer sous silence ou les minimiser, ce serait perdre d’avance les deux vertus majeures qui dénotent une unio
7 bie, Avicenne et Sohrawardi, nous ont laissés sur ce sujet fondamental6. Le récit d’Avicenne est une initiation à l’Orien
8 rendre le voyage mystique vers l’Orient. Quel est ce cosmos symbolique ? À droite, l’Orient des Formes et du Soleil levant
9 e » (le non-être). La Ténèbre règne à demeure sur ce pays. « Ceux qui le cultivent viennent d’ailleurs… » (Thème de l’Exil
10 vent viennent d’ailleurs… » (Thème de l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubl
11 nt dans nos esprits. Nous verrons par la suite de ce livre comment l’Occident historique, relevant un défi qui semblait éc
12 r le carré au cercle. » L’Européen commente ainsi ce bref dialogue : « Dans ces deux voies de réalisations de soi, l’une a
13 amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’un roi de ce monde quitte son palais princier pour aller dans la solitude la plus
14 s le second, d’un essai de montée de l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Connaissance. L’Oriental, tournant le do
15 lusion) afin qu’elle aille vers l’Esprit, sachant ce qu’elle fait. « Ô bien-aimé ! si imprégné de la Connaissance, si déta
16 les méfiances. Car chacun pense de l’autre : est- ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa recherche ? et ce
17 l ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait- ce pas, pense l’Occidental, une illusion psychologique chez les très rar
18 ut-être demain de la vie, pense l’Oriental, n’est- ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour illusoire
19 ui traitent de mon sujet s’accordent au moins sur ce point, malgré les divergences de leur vocabulaire, de leur angle de v
20 seuls ? L’individu peut-il vraiment compter, dans ce grouillement sempiternel ? Mais je vais aux quartiers anciens : celui
21 es grillagées, surmontés de clochetons baroques ? Ce sont des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieu
22 Je cherchais à dire autre chose. Kassner m’offre ce mot : le corps magique, et il le commente en ces termes11 : « Âme cor
23 claration de Ramakrishna que je citais en tête de ce chapitre : « Il n’y a aucune différence, que vous l’appeliez Toi ou q
24 s grise. Que vaut un homme ? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce sont les résultantes majeures des complexes
25 mme ? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce sont les résultantes majeures des complexes doctrinaux dont on vient
26 ite d’un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il avait fait pour Xerxès et son armée, pour l’équipement de la ca
27 fils. Sur quoi Xerxès, irrité, fait mettre à mort ce seul fils et couper le corps en deux moitiés dans le sens de la longu
28 nt les quatre frères et le père du coupé en deux. Ce qui manque ici, c’est l’idée grecque de mesure et, en liaison avec el
29 aut la déchiffrer dans ses actes et ses opinions. Ce qu’il pense de la personne, du destin, ce qu’il proclame moral ou imm
30 inions. Ce qu’il pense de la personne, du destin, ce qu’il proclame moral ou immoral, son attitude en face de la mort — to
31 bitre. Même sans être philosophe, il s’entend sur ce point aux distinctions les plus fines, bien que leurs résultats se mo
32 té auquel il n’est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provient, ne peut naître que du libre arb
33 s permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provient, ne peut naître que du libre arbitre, sous peine de d
34 e sont des faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction
35 totale ! D’où provient alors cette « horreur » et ce « plus violent des refus » qu’éprouve l’Européen, selon Jünger, devan
36 s dans le domaine religieux, de préférence. N’est- ce pas là que l’irritante question de la « supériorité » de ceci sur cel
37 u’on n’y dispose pas d’éléments mesurables, comme ce serait le cas au plan de l’économie ou de l’état social par exemple ?
38 Occident. 1. L’Occident étant représenté, dans ce cas particulier, par la théologie orthodoxe des catholiques et des pr
39 ’est-à-dire 330 millions. 5. Je précise que dans ce chapitre, sauf exception, je demanderai à l’Inde de représenter l’Ori
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
40 es Afro-Asiatiques et les Arabes savent trop bien ce qu’elle représente : l’entité qui seule les rassemble dans une hostil
41 mêmes espoirs et les mêmes doutes, et malgré tout ce qu’il serait tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière
42 pe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’union… Ainsi jouent les sophistes, et
43 réputent inexistant selon les normes académiques. Ce légitime souci des pédagogues devient chez les écrivains libres une m
44 ondre au réel, car il s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définition. En privant le concept E
45 eu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son clima
46 s grandes journées, et « répète avec complaisance ce nom qui indique l’éveil d’un sentiment nouveau15 ». Cependant, la pri
47 ent des cartes de l’Europe en tant que telle, et ( ce qui est encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt
48 e culture européenne, en arguant non seulement de ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la complexit
49 -disant autonomie de leur culture. En vérité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne se confond avec les limites accid
50 hanges. Quant au plan politique on a vu récemment ce que valaient à l’épreuve les fameuses souverainetés que nos ci-devant
51 is gardons-nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et
52 pouvoir d’une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’État totalitaire. Il reste, hélas ! qu’aux
53 , et n’en sacrifierait que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré —
54 t qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soit désirable — qu’au niveau de la fédération : la souveraineté peut
55 que si elle exprime, traduit et tend à préserver ce qu’il y a de créateur dans cette communauté. J’en conclus que la form
56 de, janvier 1957. 15. D’une lettre que m’écrit à ce sujet le comte Jean de Pange. La référence se trouve dans Th. Mommsen
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
57 uquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce qu’il défend avec tant de passion et de juste colère. Je suis très lo
58 article intitulé « L’Europe au pied du mur » par ce post-scriptum : « Je sentais l’urgence de rappeler que l’Europe ne pe
59 ce. En effet. Mais on a généralement su où était, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, elle était neutre. Mais l’Europe
60 veau. Pourquoi donc accorderais-je au fédéralisme ce que je refusais au chauvinisme ? Il y avait une Europe de Romain Roll
61 déjà sonner le sabre qu’elle n’a pas encore. Est- ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “filibusterie” consiste-t
62 professeurs.” Le mensonge n’est pas mon fort, fût- ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
63 l’utopie de George Orwell 1984. Il y eut d’abord ce titre subversif à l’aube du siècle : Les Illusions du progrès, de Geo
64 citer Bergson, réclamant un supplément d’âme pour ce corps subitement agrandi, le monde technique. Deux guerres mondiales,
65 ent les corps non moins que les âmes, mettons que ce fut assez pour justifier le scepticisme amer de nos élites à l’égard
66 s de symboles. Essayons de les interpréter. Tout ce qui compte en Europe, depuis un demi-siècle, dans les lettres, les ar
67 e de ne plus compter. Inutile de citer des noms : ce seraient ceux, justement, que tout le monde connaît, la liste complèt
68 ersuadé de la valeur des conventions ; mais n’est- ce pas lui qui ouvrit, en 1919, le grand courant du pessimisme européen,
69 ang ; mais sa phrase est plus subversive que tout ce qui passe pour tel dans les cafés, et sa foi prend l’allure d’un défi
70 orthodoxie restaurée, justifiant elle aussi, fût- ce par son seul échec, la dissidence de la pensée dans le monde moderne.
71 kegaard et de Dostoïevski. Il est remarquable que ce siècle n’ait retenu du précédent que les génies antisociaux, les héro
72 mocratie, l’État social, la Morale athéiste. Tout ce qui compte en Europe est donc antibourgeois, j’entends bien dans le d
73 elle aujourd’hui qui est prise d’angoisse devant ce qu’ils dénonçaient en vain. C’est elle qui croit aux catastrophes pro
74 retard, un pessimisme fataliste et résigné. Dans ce décalage séculaire entre la conscience et le réel, naît l’idée d’une
75 jusqu’ici deux grands noms, qui dominent pourtant ce tableau. L’influence de Marx et de Freud sur les classes dirigeantes
76 squés » avec un zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès n’est pas dû à la lecture de leurs œuvres ardues et complexes,
77 ifique. Peu de systèmes, sans doute, méritèrent à ce point qu’on dise d’eux qu’ils ont « fait leur temps », au double sens
78 uences. Tout portait l’intelligentsia à confondre ce rêve d’angoisse avec notre avenir historique, à tenir cette logique d
79 toire de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous
80 us une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en ferons, et non plus d’une courbe mythique, d’une Évolutio
81 ne l’a pas dit ? Curieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’est que manière de parler abusivement prise à la let
82 sans l’ordre exprès d’un président, d’un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux éle
83 stiquent des énergies décelées par leurs calculs. Ce qui se déchaîne, encore une fois, c’est l’homme. En vérité, les seuls
84 se qui aient eu le droit de maudire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de ce siècle, ni leurs penseurs, mais bien
85 ire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de ce siècle, ni leurs penseurs, mais bien les ouvriers du xixe et les tra
86 r Bernanos, un malentendu sans pareil s’attache à ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’est pas un homme automa
87 ans pareil s’attache à ce mot synthétique. Qu’est- ce qu’un robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des millions d
88 che à ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des millions de personnes le cr
89 de nos illusions mais aussi de nos scepticismes. Ce n’est pas l’accroissement de nos biens, ni la solution de nos maux, c
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
90 t d’une directrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’est entendu pour trouver dans l’œuvre de Denis de Rougemont u
91 l (Albin Michel, éd.) qui est aujourd’hui orné de ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont, j’en ai manqué beaucou
92 ent, quelqu’un qui se levait pour déclarer : Mais ce n’est pas possible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ? J’ai donc
93 de croire à l’Europe. On sait que cet historien, ce philosophe s’est, depuis dix ans, consacré à militer pour l’idée de f
94 rique, pour savoir que l’Europe existe, ne serait- ce que dans l’esprit des Américains qui ne veulent pas savoir qu’il y a
95 rs son histoire et d’en mesurer les effets. C’est ce que j’ai tenté dans mon livre et ma conclusion est tout à fait optimi
96 ze heures du soir et quatre heures du matin, mais ce régime doit lui convenir puisqu’il annonce deux importants ouvrages :
97 sonnaliste en quelque sorte et l’on se rappelle à ce propos les débuts de Rougemont qui milita avec Emmanuel Mounier pour
98 ion romanesque. C’était sans songer à l’auteur de ce Nicolas de Flue dont nous n’avons pas encore eu la représentation s
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
99 eu de chose toute tentative verbale pour exprimer ce que l’homme européen a conçu de plus pur, de plus fort et de plus exa
100 s, l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’est pas souvent digne de ces œu
101  autres » l’ignorent ; ils voient plus facilement ce qui est beaucoup plus bas, au niveau du contact brutal entre leurs co
102 actérisé notre civilisation, des origines jusqu’à ce jour, présente évidemment la densité maxima. Les Amériques et certain
103 aux idéogrammes ; et le contrôle des naissances. Ce tableau de la diffusion de notre civilisation résume tant d’aspects v
104 électives à l’excès, qu’on en vient à se demander ce que peut bien signifier, en fin de compte, l’occidentalisation d’un p
105 emploi et donne un sens à l’aventure occidentale, ce système de valeurs reste ignoré, refusé d’instinct par les masses ou
106 : composez maintenant une chanson dans le goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de petites mélodies qui ne rappe
107 valeurs ? Ils nous obligent à nous interroger sur ce qui va de soi dans nos façons de penser et nos conduites habituées ;
108 habituées ; à prendre conscience, devant eux, de ce que nous croyons et voulons ; à réviser sous leur regard méfiant les
109 et sont le plus souvent totalement ignorées. Mais ce qu’il m’importe de montrer, c’est comment ces produits et ces princip
110 in du xviiie siècle ? C’est qu’il se produisit à ce moment, en Europe, une conjonction sans précédent : celle de la scien
111 ique. Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accident de l’histoire que la France paraît se
112 adicales se conçoivent : ou bien garder pour nous ce qui ne peut que troubler et déséquilibrer les autres, ou bien imposer
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
113 et sa voix détermine l’économie de son pays, que ce soit d’une manière directe comme en Suisse, ou plus souvent par déput
114 r députés interposés ; mais il sait trop rarement ce qu’il fait, dans ce domaine tout au moins. D’autre part, les travaux
115  ; mais il sait trop rarement ce qu’il fait, dans ce domaine tout au moins. D’autre part, les travaux des experts et des é
116 u, nous désirions savoir, comme l’électeur moyen, ce qui se passerait alors, selon toute vraisemblance. Que la répugnance
117 députés — n’hésite pas, lui, à jouer le jeu de «  ce qui se passerait si… » Seulement, il a tendance à jouer perdant, à pr
118 e se passerait-il si… ? — Rien ou presque rien de ce que vous redoutiez, mais beaucoup de bonnes choses qu’il vous reste à
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
119 se qu’il faut répondre oui aux deux questions. Et ce paradoxe apparent définit assez bien le rôle que doit aujourd’hui s’a
120 re. On ne fera pas l’Europe sans sa culture, car ce serait faire l’Europe sans ce qui la définit. Cette culture fonde et
121 ans sa culture, car ce serait faire l’Europe sans ce qui la définit. Cette culture fonde et manifeste l’unité qui est la v
122 ispersées, besoins communs Qu’a-t-on fait dans ce sens depuis que la grande question de l’union européenne s’est trouvé
123 talité de cette culture, elle se réduirait vite à ce qu’elle est sur la carte : 4 % des terres du globe (et très pauvres e
124 entre européen de la culture Sans attendre que ce problème ait reçu la moindre promesse d’un début de solution raisonna
125 e commun. Quelles sont donc les grandes lignes de ce programme ? Laissant de côté des réalisations passées, qui furent ent
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
126 958)l Cela se passait en 1932, sur le seuil de ce quart de siècle qui allait voir l’ascension d’Hitler, puis sa ruine e
127 i relie les hommes ; d’autre part, à l’autorité : ce serait celle d’une élite véritable de chefs, défenseurs supérieurs qu
128 tolérance constitutionnelle ». Comment multiplier ce type humain ? Freud confie son espoir lointain à l’action de ces deux
129 ussant à la haine, d’où sortirait la guerre… Mais ce qui « règne » en Occident, il y a beau temps que ce n’est plus une cl
130 qui « règne » en Occident, il y a beau temps que ce n’est plus une classe ! Les décisions qui font l’histoire concrète, e
131 l’État, pour une fois tous hostiles à la guerre. Ce grand homme, plein de bon sens dans sa conversation, cédait facilemen
132 losion d’Hiroshima. Tragique et sublime ironie de ce dialogue de deux génies, dont l’un voit bien l’avenir, mais ignore qu
133 possible ? En fait, la situation s’est renversée. Ce n’est pas un super-État qui attend son arme, mais cette arme qui atte
134 Freud nous fait encore défaut : comment imaginer ce sentiment commun — idéal ou peur collective — qui provoquerait l’unio
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
135 oduit entre le 17 février et le 17 novembre 1848. Ce raccourci demande quelques explications, qui nous obligent à un rappe
136 édération. Il y a là un étrange anachronisme. Car ce qui se produisit ce jour-là, fut simplement la signature d’un pacte e
137 un étrange anachronisme. Car ce qui se produisit ce jour-là, fut simplement la signature d’un pacte entre les trois « com
138 erwald, maîtresses des débouchés nord du Gothard. Ce col était le seul à relier au travers d’une seule chaîne des Alpes le
139 dans la détermination de la mission singulière de ce pays. En effet, ce fut bien pour assurer la garde du col au nom de l’
140 on de la mission singulière de ce pays. En effet, ce fut bien pour assurer la garde du col au nom de l’Empire, contre les
141 ester, en leurs personnes et en leurs biens ». Et ce pacte devait « s’il plaît à Dieu, durer à perpétuité ». De fait, il a
142 s unités de langues et d’économies fort diverses. Ce long processus d’agrégations contractuelles ou forcées, à la faveur d
143 rquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de ce problème dans l’unification systématique, à la manière jacobine, mais
144 undestaat). S’ils ne furent pas les seuls à poser ce problème, dans l’Europe du xixe siècle, ils furent les seuls à le ré
145 endait pas moins du bon plaisir des cantons, dans ce domaine.) Cependant, la population augmentait rapidement. Un prolétar
146 Confédération et les hommes du canton… Il n’est, ce me semble, aucun motif de conserver un pareil état de choses… Rien ne
147 temps, que cette idée ait acquis plus de netteté, ce sentiment plus d’énergie. Ce mémorable progrès, tout nous le révèle.
148 uis plus de netteté, ce sentiment plus d’énergie. Ce mémorable progrès, tout nous le révèle. Les paroles, les écrits, les
149 nombre de cantons, et cette anxiété elle-même, et ce malaise général qu’il est impossible de méconnaître, et cette espéran
150 ver le remède aux maux qui affligent la patrie. » Ce « nouveau Pacte » se résumait essentiellement dans l’idée de créer un
151 membres — relatent ordinairement le contraire de ce qui s’est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de 31
152 on sens. Escamotage ou solution de sagesse, voici ce compromis qui tient en trois articles : Article 1. Les peuples des v
153 r effective, paraît d’autant plus remarquable que ce processus-éclair (9 mois en tout !) succédait à une longue période de
154 umes et traditions locales si chères aux Suisses. Ce furent ces craintes, précisément, qui se révélèrent, dans le fait, « 
155 édéralistes », bien qu’ils fussent opposés à tout ce qui menaçait de diminuer les souverainetés locales et d’établir un li
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
156 destin au nom d’une vocation universelle. Qu’est- ce en somme que la Renaissance ? Sinon le moment d’intégration violente
157 s et les microfilms accumulés dans les archives ; ce Musée est une invention, cette Mémoire du Monde est un acte, et cette
158 l’histoire. Qui d’autre que l’Europe a su tendre ce piège à l’espace et au temps de l’humanité totale ? Pour ce qui est v
159 l’espace et au temps de l’humanité totale ? Pour ce qui est venu de l’Europe, on renonce à l’énumérer ; c’est « tout ou p
160 à l’énumérer ; c’est « tout ou presque tout » de ce qui donne sa figure à la modernité du monde. L’idée même de modernité
161 nstantané du Progrès… L’idée même de Laboratoire, ce lieu privilégié où l’on viole les tabous, mais qu’entoure le respect
162 organisme, on ne voit pas quelle autre partie de ce grand corps peut prétendre à pareille fonction ou s’y trouve à ce poi
163 eut prétendre à pareille fonction ou s’y trouve à ce point prédestinée. Du seul point de vue de l’économie des échanges, e
164 ester ou à redevenir — désormais sans hégémonie — ce qu’elle fut dès la Renaissance : une fonction mondiale, un foyer, une
165 État de la communauté européenne. Je me rappelle ce jeune Oriental qui disait devant un congrès d’étudiants internationau
166 ie moderne. La situation n’a guère changé depuis ce congrès, qui marqua le départ de l’action pour l’Europe. Malgré l’hum
167 érimé, qui plaît aux foules. Cet irréalisme têtu, ce sentimentalisme de cadets, explique seul que la politique de nos État
168 rdent au moins le pouvoir de refuser l’union sous ce prétexte, tout sauf les évidences économiques, géopolitiques et mondi
169 mie — qui est le secret du fédéralisme. Mais tout ce qui a fait l’Europe illustre cette méthode. Prenez le dogme : la Trin
170 ces précises, non si on les mêle pour simplifier, ce qui ne donne que le brun des uniformes. Prenez, le corps humain. Pren
171 es. Prenez, le corps humain. Prenez, la vie. Tout ce qui vit, tout ce qui crée, vit et crée en dépit de cette tendance ver
172 rps humain. Prenez, la vie. Tout ce qui vit, tout ce qui crée, vit et crée en dépit de cette tendance vers l’uniformité do
173 x parlèrent à peine (Staline avait autorisé, pour ce jour-là précisément, la publication d’une interview « sensationnelle 
174 e ne tendait sans cesse à être plus qu’elle-même. Ce qu’il y a de foncièrement européen dans l’existence encore fragile de
175 à leur tour, pourront appeler les Six de l’Est : ce qui ferait au total vingt-trois, qui se trouve être le nombre des fil
176 t-trois, qui se trouve être le nombre des fils de ce Japhet auquel fut dévolue l’Europe — l’Asie allant à Sem, l’Afrique à
177 es intégrer, ses chances les plus sûres de durer. Ce fait patent, sans précédent, d’une culture devenue planétaire (et san
178 dit plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues d’Égypte, le Dé
179 ès, qui est l’accroissement du risque humain ; et ce ne sont pas seulement les secrets de notre ordre, mais aussi de notre
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
180 ils préfèrent nous parler de notre éclipse. C’est ce paradoxe planétaire que je voudrais d’abord examiner. Au lendemain de
181 existence même. Mais France, Angleterre, Russie… ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nou
182 , tant sociales et morales que matérielles… N’est- ce pas assez pour justifier les prophètes du désastre européen ? Que fau
183 certain seuil… Avant de rien pouvoir décider sur ce point, force nous sera donc de rechercher d’abord quelle est l’origin
184 ie agissante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le
185 maintenant définir brièvement ces trois vertus et ce ne sera pas dans un esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci d
186 actères les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens critique, et qui a p
187 devant son destin sur la terre comme au ciel. De ce destin, il se croit ou se veut maître, pour une part tout au moins, g
188 libre, et de travail. Ici encore, comparons avec ce qui se passe ou s’est passé ailleurs. Les cultures totalitaires subor
189 ne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et
190 on au sacré, dans notre civilisation profane. Or, ce même mot de liberté n’éveille aucune passion fondamentale chez les pe
191 n valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous
192 s seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’est surtout parce qu’elles
193 e nos produits, donc au total, à l’expansion. Que ce mouvement ait été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui
194 a condition même de la vie. Illustrons maintenant ce dynamisme par ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont
195 ar ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui ont développé les sciences physiques et nature
196 t inventé le zéro bien avant nous. Mais l’Europe, ce laboratoire du monde, a poussé les sciences et les techniques qui en
197 ration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun
198 n autre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre pe
199 chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont donné son contenu concret et ont seuls
200 n des Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, a
201 nventé l’histoire et l’historiographie, avec tout ce que cela implique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’hist
202 ix politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé l’archéologie, comme ils ont inven
203 es voies de l’unité future du genre humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier
204 genre humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier, et elle ne peut faire autrem
205 umes, transports, urbanisme et architecture. Mais ce même monde méprise, ou ignore simplement notre psychologie et notre s
206 t menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les aut
207 suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. Nous les Européens du xxe siècle, nous savons bien
208 t même parfois nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’est plus réversible.
209 et n’est plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précédent dans toute l’histoire ? Nous avons vu que la
210 dit plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et
211 de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien
212 éterminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’une civilisation rivale, soit plus pri
213 t pas une invention marxiste au sens politique de ce terme, et encore moins une invention soviétique. Ce n’est pas Popov q
214 terme, et encore moins une invention soviétique. Ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais c’est Karl Marx, un juif allema
215 val de Troie de l’Occident : la Technique et tout ce qu’elle entraîne de proche en proche dans les mœurs et les modes de p
216 er de sa vitalité créatrice, c’est en Europe, que ce péril doit être conjuré. Car ce qui nous menace de l’extérieur c’est
217 st en Europe, que ce péril doit être conjuré. Car ce qui nous menace de l’extérieur c’est aussi ce qui nous mine à l’intér
218 Car ce qui nous menace de l’extérieur c’est aussi ce qui nous mine à l’intérieur. Ce que les peuples d’outre-mer nous oppo
219 rieur c’est aussi ce qui nous mine à l’intérieur. Ce que les peuples d’outre-mer nous opposent, c’est ce que nous opposons
220 que les peuples d’outre-mer nous opposent, c’est ce que nous opposons nous-mêmes à notre vocation universaliste : je nomm
221 la grande masse aux réalités spirituelles, à tout ce qui donne un sens, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne ser
222 tout ce qui donne un sens, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne serait guère plus dangereux que la bêtise humain
223 de millions de morts, il est vrai… Et maintenant, ce n’est pas chez nous, mais chez les autres qu’il triomphe. Permettez-m
224 res qu’il triomphe. Permettez-moi de vous citer à ce propos deux textes dont le rapprochement éclaire cruellement mon suje
225 ée et terminée par un roulement de tambour, voilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’est pas chez nous, en Euro
226 r, voilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’est pas chez nous, en Europe, mais en Chine, que cette prédiction s
227 en Chine, que cette prédiction se réalise. Voici ce qu’écrit le quotidien de la jeunesse de Pékin, le 27 septembre 1958 :
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
228 muniste enferme un nombre équivalent d’individus, ce n’est qu’officiellement, par contrainte d’État : les communistes mili
229 la politique menteuse ou de courts intérêts, mais ce qu’il y a de meilleur dans le désir des hommes, l’intérêt dernier de
230 il nous faut constater qu’en fait et avant tout, ce qui s’oppose à la grande réunion, c’est paradoxalement l’exigence d’u
231 ar, s’il est vrai que l’Évangile demande l’union, ce n’est jamais aux dépens des vocations diverses, dont nulle instance h
232 que au xxe siècle. Au concret, cela signifierait ce que l’on nomme en termes techniques « l’intercommunion » des chrétien
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
233 mphes et des méfaits du nationalisme en Europe, —  ce serait refaire l’histoire du plus long de nos siècles, le xixe , — ma
234 (Discours à la Convention, 26 avril 1793.) Mais ce libéralisme universel vire sans transition au collectivisme totalitai
235 rselle. Mais le dantoniste Robert fait repousser ce Projet fantastique en adjurant la Convention de revenir à la « réalit
236 bientôt appuyé par une idéologie adéquate. C’est ce contrecoup idéologique qui m’intéresse ici. Partant des mêmes prémiss
237 la chrétienté, devant être pour l’Église entière ce qu’étaient les patrons pour les évêchés ou les couvents, — commencère
238 ables Nations. Il s’agit donc de pousser vivement ce processus, si l’on veut sortir de l’état d’anarchie commerciale et po
239 primer la cause. Il faut que chaque État obtienne ce qu’il projette d’obtenir par la guerre et ce que seulement il peut pr
240 enne ce qu’il projette d’obtenir par la guerre et ce que seulement il peut projeter raisonnablement d’obtenir : ses fronti
241 rien à demander à un autre État, car il a trouvé ce qu’il cherchait. Ainsi, à l’utopie rousseauiste de l’homme naturelle
242 ce extérieur en vue de restreindre périodiquement ce commerce et de le faire cesser entièrement après un laps de temps dét
243 s mesures permettant d’atteindre bientôt sûrement ce but. Il doit y marcher avec méthode, et ne laisser passer aucun momen
244 n effet à acquérir une prépondérance commerciale, ce qui est une tendance dangereuse, mais à rendre la nation entièrement
245 la nation entièrement indépendante et autonome. Ce ne sont pas seulement les échanges commerciaux qu’il faut supprimer,
246 le exception prévue : les voyages des savants. Et ce trait rappelle avec une étrange précision les pratiques totalitaires
247 ières, qui aime avec dévouement la patrie et tout ce qui est de la patrie, l’honneur national se développera très vite, à
248 ainsi qu’un caractère national nettement marqué. Ce sera une autre nation absolument nouvelle. Cette introduction d’une m
249 e eux tout le reste. Nul État fermé ne supprimera ce lien, il le favorisera plutôt, car l’enrichissement de la Science par
250 e, avance même ces fins terrestres particulières… Ce système une fois généralisé, et la paix perpétuelle établie parmi les
251 e la culture, qui se réalisera peu à peu, jusqu’à ce que le genre humain tout entier soit fondu dans « une seule Républiqu
252 e Fichte ne pouvait l’imaginer vers 1800 : ne fut- ce que par la collusion de la science et des nationalismes, ces derniers
253 ente la nation comme une croisade pour l’idée : «  Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnen
254 renvolk, le Prolétariat et sa dictature… Pourquoi ce beau système d’évolution globale vers l’harmonie des peuples libérés
255 tats surent exploiter et bientôt nationaliser. De ce tragique malentendu, les poètes de la génération de 48 furent les pre
256 z, dans son Livre des Pèlerins polonais répercute ce cri de révolte de l’Est européen abandonné par l’Ouest : Lorsque la
257 plus haut concept de l’esprit » eût dit Hegel : Ce qu’il y a de moins simple, de moins naturel, de plus artificiel, c’es
258 invasion ; du côté de la France, expansion. Sur ce thème dialectique inépuisable, voici quelques pages inspirées : La F
259 nation extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle sera illustre, riche, pensa
260 penseurs, ces contemplateurs des pénombres ; mais ce à quoi assiste le xixe siècle, c’est à la formation de l’Europe.32
261 cu en vain, ni sans gloire. Ainsi se réaliserait ce passage à l’Europe, cette « transfiguration » d’une vocation national
262 uest, et en Suisse comme en France. Il manquait à ce concert une note allemande, et Constantin Frantz nous la donne : Il
263 la division de l’Église, il est donc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, de recréer la communauté des nations et
264 qui serait vraiment un acte de génie politique : ce serait poser les principes de toute l’évolution future. Est-ce à la
265 r les principes de toute l’évolution future. Est- ce à la France, à l’Italie ou à l’Allemagne voire à la Suisse fédéralist
266 Seule la Russie en est capable. Et c’est aussi ce que pensera Dostoïevski, et ce qu’il exprimera cent fois dans son Jou
267 le. Et c’est aussi ce que pensera Dostoïevski, et ce qu’il exprimera cent fois dans son Journal d’un écrivain, gazette qu’
268 on de grouper l’humanité en un seul faisceau, car ce n’est pas seulement la Russie et le panslavisme que nous servons, c’e
269 au nom des malheureux persécutés, quand bien même ce serait aux dépens de nos intérêts actuels. Nous n’en croirons que plu
270 briété spirituelle, de description contrôlée de «  ce qui s’est vraiment passé », et par son refus de tout système dialecti
271 Sorbonne le 11 mars 1882 sur le thème : « Qu’est- ce qu’une nation ? » il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme, un
272 présent, du désir de continuer à vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’
273 er à vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir au même groupe eth
274 « Tu es de notre sang, tu nous appartiens !… » … Ce que nous venons de dire de la race, il faut le dire de la langue. La
275 uvent obtenue par des vexations. … La géographie, ce qu’on appelle les frontières naturelles, a certainement une part cons
276 carte et que cette nation a le droit de s’adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours, pour atteindre te
277 justifie toutes les violences. Et, d’abord, sont- ce les montagnes ou bien sont-ce les rivières qui forment ces prétendues
278 . Et, d’abord, sont-ce les montagnes ou bien sont- ce les rivières qui forment ces prétendues frontières naturelles ? Il es
279 use, l’Elbe, l’Oder auraient, autant que le Rhin, ce caractère de frontière naturelle qui a fait commettre tant d’infracti
280 qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qui ne pourrait rien supporter sa
281 e et terminée par un roulement de tambours, voilà ce qui doit logiquement se produire… Il est clair que le monde va vers l
282 s que nous mettront plus de temps à en finir avec ce qui chez nous n’occupe que quelques heures et se passe en quelques he
283 hommes un peu profonds et d’esprit large qu’a vus ce siècle ont tendu vers ce but unique du travail secret de leur âme : i
284 d’esprit large qu’a vus ce siècle ont tendu vers ce but unique du travail secret de leur âme : ils voulurent frayer les v
285 ropéen à venir ; s’ils appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions superficielles de leur intelligence
286 s doute, qu’aucun de ses compatriotes au début de ce siècle, Sorel n’a parlé de l’Europe que sur le ton d’un sombre dépit
287  ; des Hongrois guerriers ? Comment calmerez-vous ce panier rempli de crabes qui se pincent toute la sainte journée ? Malh
288 ournée ? Malheureuse Europe ! Pourquoi lui cacher ce qui l’attend ? Avant dix ans, elle sombrera dans la guerre et l’anarc
289 rquoi voulez-vous qu’il s’améliore ? Que signifie ce vieux fond d’optimisme qui attend que les choses s’arrangent ? Il n’y
290 », toutefois se bornant à grommeler : « L’Europe, ce cimetière… » ; Sorel qui marque le passage entre un Marx et un Nietzs
291 ’autarcie affirmée sans scrupules (« Le Droit est ce qui sert le peuple allemand », proclame Hitler), pour que les dernièr
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
292 ulement un Européen. Examinons d’un peu plus près ce paradoxe. Les intellectuels sceptiques et les adversaires déclarés (o
293 par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La première attitude est en somme celle d’un myope, e
294 ’Europe, physiquement ou par la pensée ; écoutons ce que nous en disent les observateurs d’outre-mer. Nous en viendrons tr
295 ésitation à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis. À ceux q
296 t où nous allons le voir se renverser). Ne serait- ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régionales et
297 toutes les tensions qui en résultent, ne seraient- ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’origin
298 val dans les annales du genre humain. En dépit de ce que je viens de dire sur la complexité indescriptible de notre civili
299 ie agissante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le
300 actères les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens critique, et qui a p
301 ne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et
302 on au sacré, dans notre civilisation profane. Or, ce même mot de liberté n’éveille aucune passion fondamentale, n’a guère
303 n valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous
304 s seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’est surtout parce qu’elles
305 est-à-dire de la relation superficie-population : ce sont la Chine, l’Inde et l’Europe. Or, il est évident que les mêmes p
306 lutôt de notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contradictions qui nous provoque à
307 , à exporter, et nous condamne à l’expansion. Que ce mouvement ait été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui
308 a condition même de la vie. Illustrons maintenant ce dynamisme par quelques-uns de ses résultats les plus typiques. Tout d
309 de ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui ont développé les sciences physiques et nature
310 t inventé le zéro bien avant nous. Mais l’Europe, ce Laboratoire du Monde, a poussé les sciences et les techniques qui en
311 ration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun
312 n autre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre pe
313 chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont donné son contenu concret et qui ont s
314 ion des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, a
315 nventé l’histoire et l’historiographie, avec tout ce que cela implique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’hist
316 ix politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé l’archéologie comme ils ont invent
317 es voies de l’unité future du genre humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier
318 genre humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier. Or, toutes ces créations son
319 rappeler, mais avec la plus vive insistance, que ce n’est pas par hasard que l’Europe a produit non seulement les notions
320 t nous apparaître ces différentes créations. Non, ce n’est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique in
321 t menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les aut
322 proposer quelques observations et suggestions sur ce qui se passe d’étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la poli
323 nalité de notre culture, afin de mieux comprendre ce que nous sommes, ce que nous avons fait, et pourquoi. Et nous devons
324 ure, afin de mieux comprendre ce que nous sommes, ce que nous avons fait, et pourquoi. Et nous devons en même temps nous p
325 irie, transports, urbanisme et architecture. Mais ce même monde méprise ou ignore simplement, notre psychologie et notre s
326 êcher les Français et les Allemands de se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe a maintenan
327 s à des passagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau ne porte pas aujourd’hui nos seuls destins, mais ceux de l’hum
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
328 cinq continents — mais voici le point important : ce Congrès n’est pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un sim
329 cette génération, le progrès dans la liberté. Sur ce mot Liberté, je serai très bref bien qu’il soit le mot capital. Car l
330 soit le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’est pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose q
331 ividuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusem
332 ie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un homme et sa passion
333 udes organisés par le Congrès portent précisément ce titre général : Tradition and Change, tradition et progrès technique
334 que la culture vivante recrée pour les hommes de ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humaines
335 e la politique proprement dite, mais au niveau de ce qui la prépare et la pré-forme, en contribuant à orienter les esprits
336 échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toute part. Mais nous
337 il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toute part. Mais nous refusons d’accorde
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
338 ividuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusem
339 ie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un homme et sa passion
340 onception de la culture que je vois pratiquée par ce Congrès. La culture c’est transmettre et situer Le pire danger,
341 udes organisés par le Congrès portent précisément ce titre général : Tradition and Change, tradition et progrès technique
342 que la culture vivante recrée pour les hommes de ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humaines
343 e la politique proprement dite, mais au niveau de ce qui la prépare et la préforme, en contribuant à orienter les esprits
344 échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toutes parts. Mais no
345 il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toutes parts. Mais nous refusons d’accor
346 ue de loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’est point par des statistiques, portant sur les résultats d’un régi
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
347 ulement un Européen. Examinons d’un peu plus près ce paradoxe. I. Les intellectuels sceptiques et les adversaires déclarés
348 par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La première attitude est en somme celle d’un myope, e
349 ’Europe, physiquement ou par la pensée ; écoutons ce que nous en disent les observateurs d’outre-mer. Nous en viendrons tr
350 ésitation à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis ! À ceux
351 nt où nous allons le voir se renverser. Ne serait- ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régionales et
352 toutes les tensions qui en résultent, ne seraient- ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’origin
353 dans les annales du genre humain. 4. En dépit de ce que je viens de dire sur la complexité indescriptible de notre civili
354 ie agissante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le
355 ne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilité personnelle, et
356 lutôt de notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contradictions qui nous provoquent
357 , exporter, et nous condamnent à l’expansion. Que ce mouvement ait été baptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui
358 de ces résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens qui ont développé les sciences physiques et nature
359 t inventé le zéro bien avant nous. Mais l’Europe, ce Laboratoire du Monde, a poussé les sciences et les techniques qui en
360 ration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont découvert la Terre entière, alors qu’aucun
361 n autre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre pe
362 chez les sages de plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont donné son contenu concret et ont seuls
363 ion des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, a
364 nventé l’histoire et l’historiographie, avec tout ce que cela implique : philosophie de l’histoire, enseignement de l’hist
365 ix politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé l’archéologie, comme ils ont inven
366 éations sociales et de nos institutions ! — voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier
367 titutions ! — voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’elle offre désormais au monde entier. Or toutes ces créations sont
368 rappeler, mais avec la plus vive insistance, que ce n’est pas par hasard que l’Europe a produit non seulement les notions
369 t nous apparaître ces différentes créations. Non, ce n’est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique in
370 t menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les aut
371 proposer quelques observations et suggestions sur ce qui se passe d’étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la poli
372 l’originalité de notre culture, mieux comprendre ce que nous sommes, ce que nous avons fait, et pourquoi. Et nous devons
373 tre culture, mieux comprendre ce que nous sommes, ce que nous avons fait, et pourquoi. Et nous devons en même temps nous p
374 rientale qui n’ait pas de quartier européen. Mais ce même monde méprise, ou ignore simplement, notre psychologie et notre
375 êcher les Français et les Allemands de se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe a maintenan
376 à des passagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau ne porte pas aujourd’hui nos seuls destins, mais ceux de l’hum
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
377 e et des organisations internationales, fondèrent ce jour-là le Club européen. Ce club se donna pour tâche principale l’él
378 ationales, fondèrent ce jour-là le Club européen. Ce club se donna pour tâche principale l’élaboration d’un projet qui s’i
379 ce au défi tout nouveau que lui porte le Monde, —  ce Monde du xxe siècle né de leurs propres œuvres ? Quand il s’agit de
380 is généraux purent ainsi être réduits au minimum. Ce régime provisoire devait permettre à la Fondation d’une part de s’org
381 , en 1960, le but qu’elle s’était fixé au départ, ce succès se trouvera coïncider fort heureusement avec le vaste regroupe
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
382 ne saurait nous plaire davantage. Or, songez-y : ce plaisir au secret de l’âme que nous vaut la lecture des légendes arth
383 des arthuriennes, et d’abord de celle de Tristan, ce plaisir « à jamais littéraire » pour reprendre le mot de Valéry, mais
384 l’extrême, de quelques-uns des grands érudits de ce siècle, Gaston Paris et Joseph Bédier en premier lieu, Reto Bezzola e
385 s grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est- ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ces g
386 ccidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’est- ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au public
387 oprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui donnent un peu trop facilemen
388 totale, délicieuse et tragique à la fois. C’est à ce mythe qu’il doit, depuis le xiie siècle, et dans nos sociétés occide
389 — et je m’excuse du ton quelque peu didactique de ce rappel au sens des mots — considérons le mythe lui-même dans sa plein
390 éatrice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustr
391 le mythe de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’a
392 que freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. «  Ce n’est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif
393 porain de nos légendes tristaniennes. Mais qu’est- ce alors, quel est le faux amour qui « tourne » ainsi, « tourne à réalit
394 mour qui « tourne » ainsi, « tourne à réalité » ? Ce n’est pas le désir comblé, au sens sexuel de l’expression, car cet ac
395 sans amour. Aux yeux du mythe, il est perdant. À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion triomphant du maria
396 usions morales les plus banales et complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses
397 t littéralement sans histoire. Ou bien encore, et ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché
398 ux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Tristan : la surprise opposée à la fidélité, l’exci
399 rt ». Certes, c’est vrai pour leur existence dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la par
400 femme, figure la conclusion du mythe de Tristan : ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t-elle
401 tuelle. Toute filiation historique mise à part, —  ce serait le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélolo
402 , comme dit la sagesse populaire. Aimer vraiment, ce serait aimer l’ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce s
403 ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait deviner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître,
404 r à notre amour, provoquant la passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du pro
405 la passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un
406 atrice de la passion. En restituant à notre temps ce modèle de l’amour-passion, dans sa grandeur première et drue, les phi
407 lus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas seulement de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
408 r mille, prise dans la rue, n’aura jamais entendu ce nom. En revanche, les noms d’hommes importants qu’on lui donnera sont
409 rs de pendules à coucou ignorent généralement que ce fut un Suisse qui bâtit le plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de
410 genre humain, dès la fin du xviiie siècle. Mais ce n’est pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent et
411 à un Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a fait leur nom et qui l’a propagé au loin ;
412 grands pays voisins et parfois de l’Amérique, que ce nom nous est revenu, comme importé. Un autre trait commun à nos meill
413 ue comparable, sur notre continent. Le lecteur de ce recueil m’aura vu venir : je n’entendais poser que les prolégomènes à
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
414 ue le foyer créateur. Quel est l’état présent de ce problème ? Et dans quelle situation concrète abordons-nous notre suje
415 echnique, aux dépens de la culture générale et de ce que les Français et les Anglo-Saxons nomment encore les humanités. F
416 l’homme, des rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’on nomme les hasards, les trouvailles par hasard, des rêves qui so
417 titulé Ma Vie, nous donne l’inventeur Henry Ford. Ce rêveur incurable, ce bricoleur dépourvu de connaissances scientifique
418 onne l’inventeur Henry Ford. Ce rêveur incurable, ce bricoleur dépourvu de connaissances scientifiques, cherchait à constr
419 motif n’est utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui
420 les ou des offices de recherches militaires. Mais ce sont, après tout, de petites inventions répondant à de petites nécess
421 mos. Personne ne peut savoir à quoi cela servira. Ce qui explique ces dilapidations délirantes et même scandaleuses, aux y
422 et même scandaleuses, aux yeux de l’utilitarisme, ce ne sont pas les lois de l’économie et encore moins les besoins matéri
423 et les possibilités illimitées de l’imagination : ce sont eux qui créent la culture, les arts, les sciences et la littérat
424 hnique occidentale est née du rêve occidental, de ce même rêve qui a créé notre culture ; — la technique n’est donc pas un
425 ers majeurs que la technique risque de créer dans ce siècle : le danger — que je crois illusoire — de la mise en esclavage
426 mière moitié du xxe siècle, nous avons assisté à ce que l’on nomme souvent l’envahissement de notre vie par la machine. E
427 plainte qui fut mise à la mode par Bergson, et de ce pessimisme général, que l’invention de la bombe H risque de transform
428 n panique planétaire ? Si je ne partage nullement ce pessimisme, c’est que les motifs de craindre la technique me paraisse
429 mbe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qui a fait l
430 isse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’est pas d’invent
431 l’a produite. Dire que la machine domine l’homme, ce n’est qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illu
432 omine l’homme, ce n’est qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce
433 e fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’un siècle pour un
434 pour une partie de nos populations occidentales, ce fut le sort du travailleur industriel, de cet immense prolétariat cré
435 mme taylorisé, travaillant à la chaîne. Et certes ce n’étaient pas non plus les machines ou les chaînes qui forçaient l’ou
436 e occidentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne sont pas les justes indignations d’un Marx, ni l’action politique
437 e prolétariat, mais c’est la technique elle-même. Ce n’est pas en freinant ses progrès, mais au contraire en les accéléran
438 ’environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chiffre se verra fatalement augmenté à mesure que se développera l’au
439 ulture seront sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la technique permet de gagner sur le temps de travail mécanique e
440 le contexte culturel de la technique. Car c’est ce contexte culturel qui agit dans les pays sous-développés, à l’insu de
441 ulement dans les indices de production, mais dans ce que je voudrais appeler l’indice de l’équilibre humain. Il appartient
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
442 rédaction de Combat et voulait savoir son avenir. Ce que je sus, c’est que nous aurions beaucoup à faire ensemble. Deux an
443 s discussions métaphysiques ni qu’on lui demandât ce qu’il croyait. D’une thèse ou d’un point de vue qu’on le pressait d’a
24 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
444 r aussi bien écrit qu’homme de son siècle », mais ce n’était pas pour faire de la littérature : c’était pour enseigner des
445 it d’histoire mais non pas de présence continuée. Ce qu’on entend de nos jours par « la littérature » dans les milieux où
446 ue sa prose. Mais laissons ces questions de goût. Ce qui m’importe ici, c’est l’efficacité d’une œuvre écrite et pensée to
447 s publiques. Bref, cependant que j’avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’a tellement promené et
448 mais laissé de repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré mon naturel, il m’a produit en lumière et fait venir en j
449 au, il fuit devant l’éclat que fait dans le monde ce « petit livret », comme il l’appelle. Passant à Genève par hasard, il
450 me fut imposée de retourner à ma première charge… ce que je fis avec tristesse, larmes, grande sollicitude et détresse… Ma
451 ombats par lesquels le Seigneur m’a exercé depuis ce temps-là, et par quelles épreuves il m’a examiné, ce serait une longu
452 temps-là, et par quelles épreuves il m’a examiné, ce serait une longue histoire. » Semblable au roi David molesté par les
453 s l’Histoire. Suivre sa vocation, au contraire de ce qu’on croit, n’est pas suivre sa pente (même en la remontant) mais c’
454 te infligée sans relâche à l’individu naturel par ce qui n’est pas lui, mais qui vient l’appeler et le réalise à jamais.
455 la parole, mais aussi son pouvoir de contagion. Ce ministre du Verbe a fait un monde. Il est même le seul écrivain dont
456 la bonté de l’homme naturel ? J’écarte Machiavel, ce grand mal-entendu. J’écarte Nietzsche. Je ne vois plus que Marx, et e
457 es démocraties d’Occident qui ont refusé de payer ce prix en sont mortes ou ne valent guère mieux. Le régime synodal des é
25 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
458 ir, on est admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui dans d’autres cours royales embourgeoisées,
459 nt. Elles restent liées dans ma mémoire avec tout ce que Paris comptait de plus précieux et de plus émouvant sous la menac
460 pincé le bras pour que je crie mon admiration. Et ce jour-là, j’ai découvert son patriotisme foncier. Je l’avais connue co
26 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
461 e, voilà le solide et le raisonnable. Mais qu’est- ce que la culture viendrait faire là-dedans ? Quelles contributions effi
462 l’une des trois grandes puissances de la planète, ce n’est pas à ses richesses naturelles qu’elle le doit : simple cap de
463 es bons économistes. Or cette attitude politique, ce tabou de la souveraineté, cet orgueil national, ces méfiances séculai
464 ns et de régimes ; ils peuvent vous démontrer que ce plan serait rentable, et que votre intérêt commande de l’appliquer. U
465 ers l’union. Les uns et les autres ont raison, en ce sens qu’ils sont nécessaires, soit comme moteur, soit comme volant ;
466 eur dialogue est vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’est pas un dialogue politique, et encore moins économique. C’est vr
467 fait extraordinaire qu’ont dégagée les peuples de ce continent, et qui leur a permis de dominer le monde, a sa source dans
468 le corps européen se déchire et s’étiole : c’est ce qui s’est produit par deux fois dans la génération à laquelle j’appar
469 rospective. Il n’y aurait pas d’Europe sans tout ce que la culture a su tirer de nos pauvres conditions physiques. De la
470 ient plus à leurs valeurs, à leurs idéaux, à tout ce qui a fait la grandeur de l’Europe ? Et que sert de prêcher l’union e
27 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
471 trop personnelles, mais prises sur le vif : c’est ce qui peut faire leur intérêt. La petite histoire reste la meilleure so
472 Compris. Telle était l’atmosphère, et je n’ai vu ce jour-là, comme les jours suivants à la troupe, où je suis retourné po
473 it ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien d’en parler. Il faut le faire ! » J’ai senti sous son reg
474 on. C’est bien vous qui avez écrit l’article paru ce matin dans la Gazette  ? — Oui, mon colonel. — Avez-vous demandé l’au
475 ces jours derniers. Secret bien gardé jusqu’ici. Ce matin, un officier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est pass
476 tin, un officier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques de
477 e, on a attribué un style spécifique aux dates de ce journal.
28 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
478 fois, comme l’événement quand il arrive. Je vois ce pré et je sais qu’il peut y apparaître dans un instant des hommes qui
479  ? Vous êtes dès maintenant à Saint-Maurice. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas sortir dans les rues de Berne ch
480 mi sur le point de la liberté d’expression, n’est- ce point perdre, avant de se battre, l’une des raisons que l’on aurait d
481 à la radio de Londres, il y a quelques jours. En ce moment même, chez Mottu, nos conjurés sont réunis pour la fondation d
482 r ma plus grande satisfaction. Discuté et corrigé ce texte jusqu’à cinq heures du matin, avec les fondateurs, dans une pet
483 s rendra fiers d’être hommes, et d’être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du pays. Dans chacun, nous avons a
484 , l’un des chefs de la ligue des officiers — tout ce qu’il possède, paraît-il. 26 juin 1940 Hier, discours de Pilet-Golaz.
485 oce. Je veux, croire qu’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un officier de l’E.-M. du Général me dit : « Pour la première
29 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
486 t 1940 Je rédige une brochure intitulée : Qu’est- ce que la Ligue du Gothard ? Dernière page : La création de la Ligue du
487 eur a laissé croire qu’il marchait, et à 6 heures ce matin, les a fait boucler. » Le lieutenant remonte, la voiture s’éloi
488 . Demain, je suis convoqué au Palais fédéral. Est- ce vraiment pour y discuter une fois de plus ce voyage aux États-Unis ?
489 Est-ce vraiment pour y discuter une fois de plus ce voyage aux États-Unis ? Ici, je dois revenir un peu en arrière dans m
490 Réduit national 42 il se dressait vraiment comme ce bastion de l’Europe libre dont nous avions rêvé sans oser croire qu’e
491 u du premier mouvement de résistance, au sens que ce mot devait prendre un peu plus tard dans les pays occupés par Hitler.
492 u pays ne s’était pas ressaisi. Le seul fait qu’à ce redressement la Ligue ait contribué si peu que ce fût, voilà qui suff
493 ce redressement la Ligue ait contribué si peu que ce fût, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estima
494 i peu que ce fût, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans la mesure p
495 en public que les sujets admis par la censure, et ce n’était, littéralement, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que
496 ait venir que de l’Amérique. Peut-être bien était- ce là-bas qu’il me serait donné, quoique « neutre », de faire la guerre
497 r en confondant la ligue civile de juin 1940 avec ce qu’il appelle tantôt « l’Action nationale de résistance », tantôt le
498 t que la Ligue civile et militaire prit le nom de ce Gothard qui, quelques semaines plus tard, allait devenir le centre du
30 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
499 ue et culturelle plusieurs fois supérieure à tout ce qui se passe dans le reste du monde. L’Europe anime les échanges inte
500 le.) La vie politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était sous la IIIe République, par exemple. Ses passions sont