1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 et noyant les problèmes concrets de notre siècle dans une condamnation globale de l’Occident2. « La nuit, tous les chats so
2 nces s’accusent. Elles ne cesseront de s’affirmer dans l’ensemble de notre histoire, nonobstant la longue parenthèse du Moye
3 ientale » de l’Occident. Le symbolisme y dominait dans tous les ordres ; les trois grandes castes tendaient à se reformer ;
4 llectif-sacral refoulait le rationnel-individuel. Dans cette situation « orientale », la tendance individualiste ne pouvait
5 individualiste ne pouvait trouver d’exutoire que dans l’aventure mystique. Le véritable individu, au Moyen Âge, c’est Maîtr
6 t l’idole4. Et une misère universelle. En Europe, dans un paysage où les clochers d’églises dominent encore généralement la
7 s, pas une personne ! » Et l’Oriental qui circule dans nos villes songe qu’il n’y voit qu’agitation désordonnée, absence de
8 t le mieux… » (Il s’agit de notre vie terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental de l’âme, Sohrawardi décrit le pèlerin
9 wardi décrit le pèlerinage de l’âme, son « exil » dans les liens de la matière et du corps qui la retiennent captive dans le
10 la matière et du corps qui la retiennent captive dans leurs noires forteresses, son départ vers l’Orient de l’illumination,
11 ions symboliques de l’Orient et de l’Occident que dans le récit d’Avicenne, auquel l’auteur rattache d’ailleurs son conte, q
12 s et passionnels, le lieu d’exil. Cette unanimité dans l’interprétation, uniquement favorable à l’Orient, de nos deux termes
13 va de la Perse au Japon bénéficie très largement dans nos esprits. Nous verrons par la suite de ce livre comment l’Occident
14 se portait à lui-même, acceptant de « s’enfoncer dans la matière », acceptant les passions et les corps à tous risques pour
15  » L’Européen commente ainsi ce bref dialogue : «  Dans ces deux voies de réalisations de soi, l’une allant du cercle au carr
16 a. — Le Fils de Dieu, incréé, transcendant, entre dans l’immanence et dans l’Histoire, se fait corps matériel, chair d’enfan
17 , incréé, transcendant, entre dans l’immanence et dans l’Histoire, se fait corps matériel, chair d’enfant pauvre, assume les
18 et finalement en meurt, afin de parler aux hommes dans leur langage, dans les termes de leur existence, et de les sauver là
19 urt, afin de parler aux hommes dans leur langage, dans les termes de leur existence, et de les sauver là où ils sont, par la
20 et de les sauver là où ils sont, par la seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’un r
21 de ce monde quitte son palais princier pour aller dans la solitude la plus dénuée, et là découvre que la voie du salut est d
22 aremment superposables ; car il s’agit en réalité dans le premier cas d’une descente créatrice de Dieu dans l’homme ; dans l
23 s le premier cas d’une descente créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un essai de montée de l’homme vers ce qui
24 s d’une descente créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un essai de montée de l’homme vers ce qui nie la créatur
25 voir, décide d’imiter Dieu le Créateur en œuvrant dans Sa création : voie de l’obéissance active dans l’ombre de la foi. Le
26 nt dans Sa création : voie de l’obéissance active dans l’ombre de la foi. Le danger que court l’Oriental, c’est l’ex-carnati
27 l’incarnation trop complète. (On se perd soi-même dans la matière et ses structures, on perd de vue les exigences et la maît
28 imprégné de la Connaissance, si détaché, si versé dans la Loi, et si maître de lui qu’il soit, un dieu lui-même ne peut sans
29 d’hôtel. Sept ou huit hommes, dont un travaille, dans des boutiques minuscules. La chaussée envahie par la foule en tous se
30 mais seuls ? L’individu peut-il vraiment compter, dans ce grouillement sempiternel ? Mais je vais aux quartiers anciens : ce
31 cages d’oiseaux mal superposées. Regards luisants dans la pénombre. Corps tassés en prière, dans les recoins. Silence et dig
32 uisants dans la pénombre. Corps tassés en prière, dans les recoins. Silence et dignité profonde. Un groupe d’hommes attentif
33 et dignité profonde. Un groupe d’hommes attentifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit de légendes sacrées.
34 e femme seule, un homme seul, immobile et debout. Dans la courette, un prêtre renouvelle les cierges noirs devant le jet d’e
35 le jet d’eau grêle. Je pense aux holy men, errant dans les campagnes, ou longuement assis en tailleur dans leurs niches… Poi
36 ns les campagnes, ou longuement assis en tailleur dans leurs niches… Point de culte public en Inde, de liturgie, d’église or
37 L’Occidental, jaloux de sa vie privée, s’assemble dans l’église où l’on chante des chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bac
38 n qui submerge l’Européen livré à l’Inde, immergé dans la foule indienne. J’ai parlé de l’Hindou « grégaire » ; terme inexac
39 dre ceci : les contradictions représentent si peu dans son existence que rien au monde ne semble moins le mettre en danger o
40 e magie dépasse la personne, ou plutôt la dissout dans la métamorphose. Animal, homme, démon, symbole, dieu ou saint, tout c
41 stacle, sans mesure, sans limites, sans distance, dans une identité inexprimable, au sein de laquelle nos conceptions de lib
42 (That Thwam Asi) — il n’y a pas plus de personne dans la gnose hindouiste que de moi distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y
43 onne dans la gnose hindouiste que de moi distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je sois le Tout, d
44 il n’y ait point de Dieu, ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas de dialogue possible,
45 lieu et place du corps magique. Yin yang Dans le symbole central de la pensée chinoise (le cercle divisé par un gra
46 du yin tandis que l’élément féminin reste présent dans la région du yang. Vérifiée par les sexologues, cette relation d’inte
47 ter-présence des opposés n’est pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orient et de l’Occident. Qui voudrait nier
48 … un Un pur et absolu, dépourvu de toute dualité, dans lequel nous devons nous enfoncer éternellement d’un néant à un néant 
49 oie de la connaissance divine, « il faut demeurer dans l’action, gardant un esprit égal que l’action porte ses fruits ou non
50 ion porte ses fruits ou non ? » Je viens de citer dans l’ordre saint Jean de la Croix, Eckhart, et la Bhagavad-Gita. Et pour
51 plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans tout ». La partie blanche contient un cercle noir, mais elle est blan
52 institutions. Ils représentent le point d’Orient dans notre sphère. En revanche, l’Orient ne connaît pas d’Églises. La Bibl
53 esprit des Occidentaux, mais elle n’a pas d’effet dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie sociale. Mais c’est
54 as d’effet dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie sociale. Mais c’est sans doute lorsqu’on se pose la questio
55 nnerai deux exemples précis. Je trouve le premier dans Kassner, au chapitre où il décrit le corps magique : Une histoire d’
56 t ce seul fils et couper le corps en deux moitiés dans le sens de la longueur. Et entre ces deux moitiés sectionnées depuis
57 ront les armées qui marchent contre les Grecs, et dans ces armées se trouveront les quatre frères et le père du coupé en deu
58 le le plus souvent cachée ; il faut la déchiffrer dans ses actes et ses opinions. Ce qu’il pense de la personne, du destin,
59 fines, bien que leurs résultats se montrent, non dans sa pensée, mais dans ses faits et gestes. Ceci vaut surtout du cas qu
60 s résultats se montrent, non dans sa pensée, mais dans ses faits et gestes. Ceci vaut surtout du cas qu’il fait de la vie mê
61 vie même. Lorsqu’en 1194, le comte de Champagne, dans son voyage d’Arménie, toucha le territoire des Assassins, leur grand-
62 : il leva le bras, et deux des gardes se jetèrent dans le vide, pour s’écraser sur le sol rocheux. Puis il demanda au comte
63 urope qui croit à l’absolue valeur de la personne dans chaque individu, n’en a pas moins connu les tortures, les bûchers, la
64 mais nous le sommes autrement. Car nous le sommes dans le drame, eux selon la magie. Nulle « sagesse » ne nous innocente ; a
65 et typiques. On a vu que j’ai choisi mes exemples dans le domaine religieux, de préférence. N’est-ce pas là que l’irritante
66 deux voies divergentes. Il m’a semblé que c’était dans la mystique, la religion et leurs explications, que ces options pouva
67 s pouvaient être surprises ; car on les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles soient causes premières ou effets ; qu’e
68 mé l’Occident. 1. L’Occident étant représenté, dans ce cas particulier, par la théologie orthodoxe des catholiques et des
69 ditionnelle ». Ces utopistes à rebours projettent dans un passé qui souffre tout, sauf d’être vérifié, un négatif du présent
70 es, c’est-à-dire 330 millions. 5. Je précise que dans ce chapitre, sauf exception, je demanderai à l’Inde de représenter l’
71 nne et le mystique soufi écrivaient tous les deux dans cette « circonscription intermédiaire entre l’Orient et l’Occident »,
72 , 1955. 10. L’adjectif traditionnel est pris ici dans son sens strict, initiatique et religieux, qui ne doit pas être confo
73 n domestique hors-caste, qui se couche le premier dans le lit, se fait abondamment piquer par poux et puces, dispensant de l
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
74 1957)c 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de notre unité de c
75 lle représente : l’entité qui seule les rassemble dans une hostilité sans doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il
76 les en croire, pas de différences bien notables ( dans le domaine de leur spécialité) entre l’Europe et le Congo ou le Cache
77 mais on sacrifie en passant notre tâche créatrice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas
78 aguement qu’il est en train de se laisser prendre dans une problématique artificielle, sans nul rapport avec le drame qui vi
79 le thème connu, elle ne se localise guère mieux dans le temps que dans l’espace […]. On a voulu que l’Empire romain fût un
80 elle ne se localise guère mieux dans le temps que dans l’espace […]. On a voulu que l’Empire romain fût une première ébauche
81 au lieu de bien montrer ses fondements légitimes dans l’ancienneté de sa conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de
82 éjà au lendemain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja
83 pour voir les vocables Europe et européen entrer dans le vocabulaire courant, il faut attendre les xive et xve siècles, é
84 oncepts de christianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æ
85 alité. Que dis-je, on les déclare même éternelles dans la prose poétique des banquets et des éditoriaux du temps de guerre.
86 , État, nation, spirituel, culturel et politique, dans les limites d’un même cordon douanier et du pouvoir d’une même police
87 nt ou le réveil d’un sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’appartenir à un ensemble humain plus vaste
88 nnée par d’autres efforts. 7. Nous débouchons ici dans le domaine politique, qui n’est autre, à mon sens, que celui des moye
89 duit et tend à préserver ce qu’il y a de créateur dans cette communauté. J’en conclus que la forme politique que devrait rev
90 tituent le ressort principal de notre créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas ni ne se mélangent indi
91 européenne. Ici, culture et politique se joignent dans la seule et même exigence d’une union fédérale de nos peuples. 14.
92 et le comte Jean de Pange. La référence se trouve dans Th. Mommsen, Monumenta Germaniae, chronica minora, Vol. II, p. 362. V
93 t Marc Bloch, La Société féodale. 16. Denys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré d’une communication au 10e Congrès
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
94 is seulement que pour l’Histoire l’Europe existe, dans la mesure exacte où M. Berl lui-même peut écrire une Histoire de l’Eu
95 de Rougemont nous a envoyé la lettre suivante. » Dans le même numéro où paraissait l’article de Rougemont, « De l’unité de
96 à l’union politique », Emmanuel Berl, pris à part dans le texte de Rougemont, concluait en effet son article intitulé « L’Eu
97 fondre ? Je le vois, il y a des hommes si engagés dans les affaires européennes qu’ils oublient les motifs mêmes de leur eng
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
98 tes de notre société et de son destin ont culminé dans l’utopie de George Orwell 1984. Il y eut d’abord ce titre subversif à
99 r. La nature humaine, niée par Sartre, triomphait dans une génération qui n’avait appris que le mensonge. Ses pouvoirs de ré
100 stance à Big Brother, niés par Orwell, ont éclaté dans les rues de Budapest. Sa faculté de revendiquer et d’imposer un sens
101 positif à la vie, niée par Kafka, s’est attestée dans le soulèvement des écrivains unis aux paysans, des ouvriers unis aux
102 t ce qui compte en Europe, depuis un demi-siècle, dans les lettres, les arts et la philosophie, sait qu’il faut être subvers
103 st plus subversive que tout ce qui passe pour tel dans les cafés, et sa foi prend l’allure d’un défi. On pourrait m’objecter
104 ce par son seul échec, la dissidence de la pensée dans le monde moderne. À partir de 1919, les influences dominantes sur nos
105 en Europe est donc antibourgeois, j’entends bien dans le domaine de l’éthique et de l’esprit. Mais rien ne compte en fait q
106 aux catastrophes prochaines qu’ils prophétisaient dans le désert, elle qui perd sa foi dans le progrès. C’est elle enfin qui
107 ophétisaient dans le désert, elle qui perd sa foi dans le progrès. C’est elle enfin qui cède au vertige de l’histoire, s’ima
108 ns de retard, un pessimisme fataliste et résigné. Dans ce décalage séculaire entre la conscience et le réel, naît l’idée d’u
109 rgeoisie du xixe frappait d’interdit deux sujets dans les conversations de la table de famille ou des salons, et c’étaient
110 et l’Argent. Tout devait avoir l’air de se passer dans le monde comme si ces choses n’existaient pas. Les grands industriels
111 yaient « philanthropes » ; les enfants naissaient dans les choux, et le langage d’un homme tel que Victor Hugo (sauf dans se
112 t le langage d’un homme tel que Victor Hugo (sauf dans ses petits carnets intimes) restait prude. Subitement Marx attaque de
113 ariat (cette figure de terreur longtemps refoulée dans l’inconscient de la Société) — tout cela met en lumière l’intention p
114 uble sens de l’expression. Que Freud soit dépassé dans son propre domaine, et surtout débordé par le retour en force de réal
115 pour autant d’illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes ses prévisions (sauf dans celle sur l’avenir du despotisme rus
116 x se soit trompé dans toutes ses prévisions (sauf dans celle sur l’avenir du despotisme russe !) voilà qui n’empêche pas que
117 en plutôt leur influence qui allait les instaurer dans nos esprits, se voient aujourd’hui démentis. L’élargissement de la co
118 iée par Freud autour de 1900) comme un cas limité dans l’espace et le temps. D’autre part, l’ascension d’un Staline, son lon
119 ongrois, enfin l’essor libérateur de la technique dans les régimes capitalistes avancés, tout échappe à la prévision de la f
120 brève tragédie hongroise et ressenti profondément dans toute l’Europe, mais aussi en Asie, et plus qu’on ne pense en URSS, n
121 ncret n’inquiète pas les marxistes mais les jette dans des crises aiguës de dialectique. Ils le jugent grossièrement matéria
122 ingue essentiellement de l’entreprise capitaliste dans son développement historique, mais qu’après quarante ans elle a rejoi
123 par les États-Unis. Marx distinguait deux phases dans le développement industriel : l’une marquée par « l’accumulation du c
124 c’est l’économie communiste l’URSS qui se trouve dans la première. » « Il n’empêche que l’URSS est l’avenir ! », répéteront
125 , car tout l’appelle et sa nécessité est inscrite dans les faits, si elle ne l’est pas encore dans l’esprit des nationaliste
126 crite dans les faits, si elle ne l’est pas encore dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun de nos États ne peut se dé
127 er… Les savants, apprentis sorciers, ont déchaîné dans le monde des forces inconnues. Il fait trop chaud, il fait trop froid
128 Qui ne l’a pas dit ? Curieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’est que manière de parler abusivement prise à la
129 très chères. Mais jamais une Talbot n’est entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir. Et pas même une
130 e Talbot n’est entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir. Et pas même une machine à laver. Que de mal
131 me une machine à laver. Que de mal, au contraire, dans ma campagne, pour obtenir le téléphone ! Vous me parlez de l’esclavag
132 ure, jettent les foules citadines sur les plages, dans les neiges et dans les forêts. Qu’il y ait là quelque excès, j’en con
133 ules citadines sur les plages, dans les neiges et dans les forêts. Qu’il y ait là quelque excès, j’en conviens, mais c’est l
134 ouvriers du xixe et les travailleurs à la chaîne dans les usines américaines. Car eux seuls ont subi physiquement, et peut-
135 rrière étant exclu, le remède devait être cherché dans l’automatisme total, libérant l’ouvrier non seulement de ses efforts
136 ession de la condition prolétarienne. Généralisée dans l’avenir, elle rendra superflu et sans objet le moment dialectique de
137 erté. J’imagine au contraire le progrès véritable dans l’accroissement du risque humain… Mais il y a trop à dire, et d’autre
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
138 Morgan). Tout ce monde s’est entendu pour trouver dans l’œuvre de Denis de Rougemont un livre qui « exalte le plus clairemen
139 près du Maréchal ? Moi qui ne suis que lieutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure de l’homme occidental qui paraît simu
140 pour savoir que l’Europe existe, ne serait-ce que dans l’esprit des Américains qui ne veulent pas savoir qu’il y a ici des f
141 d’en mesurer les effets. C’est ce que j’ai tenté dans mon livre et ma conclusion est tout à fait optimiste : on parle en ef
142 ge essaiera de situer cette morale de la vocation dans la vie sociale. C’est, dit Rougemont, une question de feux rouges et
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
143 ’énoncé des plus hautes valeurs européennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur réduit
144 valeurs européennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur réduit à peu de chose toute te
145 en mesure d’exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle est loin de tels som
146 tales ne saurait être académique ; elle s’inscrit dans une situation dominée par le malentendu et toute chargée de tragédies
147 non plus contemporaine ; elle reste loin derrière dans l’espace et le temps. Tel est le drame. Il intéresse l’avenir de tous
148 nos valeurs régulatrices est en train de fomenter dans le monde entier des tensions inquiétantes, des malentendus pathétique
149 , elle leur dit : composez maintenant une chanson dans le goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de petites mélodie
150 anxiété, non point de les laisser comme ils sont, dans leur « sagesse » intacte et leur famine, mais de déclarer nos valeurs
151 s obligent à nous interroger sur ce qui va de soi dans nos façons de penser et nos conduites habituées ; à prendre conscienc
152 és et la garantie interne des libertés consistant dans le sens de la responsabilité de chacun envers tous, ou solidarité ; l
153 diversité (ainsi les voix distinctes s’accordent dans nos chœurs) ; la reconnaissance de la réalité de la matière et du cor
154 ent invoqués, mais principalement contre nous, et dans la mesure où ils condamnent notre présence ; enfin que nos valeurs so
155 ité de nos valeurs, et ne trouvent que par elles, dans le champ magnétique qu’elles définissent et qu’elles propagent, leurs
156 ques et chrétiennes que procède l’idée de liberté dans ses différentes acceptions, ces dernières permettant de rendre compte
157 de l’histoire que la France paraît seule en cause dans cette affaire, car en réalité le problème est mondial, il concerne to
158 roblème est mondial, il concerne tout l’Occident, dans ses relations avec le Monde qu’il influence. Théoriquement, deux solu
159 xxe siècle. Et c’est sans doute la première fois dans toute l’histoire qu’un même problème crucial se pose au même moment à
160 le rôle que jouent les valeurs occidentales même dans les pays qui ne se sentent pas ou ne se veulent pas des nôtres. L’Occ
161 L’Aventure occidentale de l’homme , a été analysé dans notre n° 3. M. de Rougemont dirige le Centre européen de la culture à
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
162 er — en attendant les 98 millions retenus à l’est dans l’orbite russe — la seule réussite dans douze ans d’institutions écon
163 s à l’est dans l’orbite russe — la seule réussite dans douze ans d’institutions économiques ne peut évidemment suffire ; mai
164 -échange des Dix-Sept, et leur future intégration dans le cadre d’une Grande Europe associée aux nations africaines ne suppo
165 conomistes, et une prise de conscience économique dans le grand public. L’étude des réalités de base et des problèmes présen
166 posés ; mais il sait trop rarement ce qu’il fait, dans ce domaine tout au moins. D’autre part, les travaux des experts et de
167 tion qu’il jugeait présente et vraiment agissante dans l’opinion : Que se passerait-il si… les frontières économiques étaien
168 inaristes à « jouer » ainsi — répugnance sensible dans celles des études qu’on va lire qui s’attachent aux résultats acquis
169 i se posent, mais aussi des espoirs autorisés, et dans bien des cas, assurés. Étrange Europe, qui a tout pour elle si elle s
170 Marché commun et Euratom , et L’Europe s’inscrit dans les faits , publications du CEC. j. Rougemont Denis de, « [Préface]
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
171 erdra pas son temps à expliquer que tout est faux dans ces notions, hélas ! courantes, mais qu’aucune science digne du nom n
172 à notre union, les « blocs psychologiques » créés dans nos esprits par une mauvaise éducation scolaire depuis un siècle, ou
173 urope, mais aussi le rôle décisif de cette Europe dans les transformations du monde au xxe siècle, sa vocation, et son aven
174 ons dispersées, besoins communs Qu’a-t-on fait dans ce sens depuis que la grande question de l’union européenne s’est tro
175 uis dix ans, plusieurs centaines de titres, parus dans toutes nos langues, sans parler de milliers de brochures. Cet effort
176 Europe en ralliant les forces vives de la culture dans tous nos peuples, et en leur offrant : un lieu de rencontre, des inst
177 étariat, gardent leur autonomie, tout en agissant dans le cadre d’un programme commun. Quelles sont donc les grandes lignes
178 s Européens, et cela signifie d’une part, éduquer dans les nouvelles générations la conscience d’une commune appartenance au
179 dant qu’il en est temps. Le Centre a donc suscité dans plusieurs de nos pays des expériences-pilotes d’éducation européenne
180 ttent de multiplier les exposés documentés donnés dans de petits groupes de travail. Un Service de conférenciers fournit d
181 elle, la multiplicité des initiatives européennes dans le domaine très vaste que l’adjectif « culturel » peut servir à désig
182 semblées, un effort parallèle doit être entrepris dans le domaine de la culture. Coordonner les autonomies, telle doit être
183 de l’Europe. Minorisée aux Nations unies, menacée dans ses positions mondiales par des empires qui l’accusent encore de colo
184 finir ses intérêts vitaux et affirmer sa vocation dans le monde actuel. Les politiques étrangères menées par ses nations « s
185 es Affaires étrangères européennes. Mais de même, dans le plan culturel, les difficultés immenses qui naissent du contact in
186 du reste du monde nous appellent et nous poussent dans le même sens. Rien de plus efficace pour unir nos élites que la confr
187 e, 2 en Belgique, tandis que l’allemand est parlé dans 6 nations, le français dans 5, etc. Le folklore révèle précisément la
188 l’allemand est parlé dans 6 nations, le français dans 5, etc. Le folklore révèle précisément la communauté de traditions de
189 rappelons deux faits : l’avance prise par l’URSS dans le domaine scientifique : les spoutniks ; et le budget total des fond
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
190 renaissance de l’idée d’union, et l’arme absolue dans les mains de deux empires presque immobilisés par la terreur d’y reco
191 trospective. L’un se borne à poser des questions, dans un domaine où il n’en sait guère plus que le citoyen raisonnable et m
192 e le citoyen raisonnable et moyen. L’autre répond dans la rigueur de sa pensée : il est chez lui. Que dit Einstein ? Il dit
193 uand bien même ces puissances pousseraient toutes dans le même sens à l’intérieur d’une même nation, la résultante de leur a
194 la résultante de leur action serait modifiée ou, dans certains cas, annulée par la pression contraire d’autres empires. L’i
195 es à la guerre. Ce grand homme, plein de bon sens dans sa conversation, cédait facilement aux clichés quand il s’exprimait e
196 ement aux clichés quand il s’exprimait en public. Dans son rôle de critique des clichés « pacifistes » Freud, au contraire,
197 droit de la Force, la force du Droit ! » Traduite dans les termes de Freud, cette déclaration signifiait qu’à la violence d’
198 et homme dont les découvertes ont déjà déclenché, dans l’ombre et le secret, le processus qui aboutira treize ans plus tard
199 rait l’union du genre humain ? Devrons-nous aller dans la Lune pour en éprouver le saisissement, ou plus loin, dans le noir
200 e pour en éprouver le saisissement, ou plus loin, dans le noir absolu des espaces intersidéraux ? l. Rougemont Denis de,
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
201 mais assez sur le rôle décisif qu’il devait jouer dans la formation de la Suisse et dans la détermination de la mission sing
202 il devait jouer dans la formation de la Suisse et dans la détermination de la mission singulière de ce pays. En effet, ce fu
203 agnes, directement inspirée des pactes en vigueur dans les communes lombardes, devait s’élargir et se compliquer au cours de
204 e. Le problème brûlant qui se posait aux Suisses, dans cette Europe où les campagnes de Napoléon venaient de susciter les pa
205 ls n’aient pas cherché la solution de ce problème dans l’unification systématique, à la manière jacobine, mais au contraire
206 matique, à la manière jacobine, mais au contraire dans l’union fédérale, conforme à leurs anciennes traditions comme au resp
207 ’ils ne furent pas les seuls à poser ce problème, dans l’Europe du xixe siècle, ils furent les seuls à le résoudre d’une ma
208 n dépendait pas moins du bon plaisir des cantons, dans ce domaine.) Cependant, la population augmentait rapidement. Un prolé
209 misérable et inhumainement exploité s’était formé dans les cantons urbains ; et dans les cantons ruraux, les jeunes gens ent
210 loité s’était formé dans les cantons urbains ; et dans les cantons ruraux, les jeunes gens entreprenants s’expatriaient ou s
211 ens entreprenants s’expatriaient ou s’engageaient dans les régiments du « service étranger », commandés par des fils de fami
212 qu’on nommait alors « radicales », se répandaient dans la bourgeoisie, et provoquèrent de nombreuses révolutions cantonales,
213 le fédération, la Régénération conquit le pouvoir dans plusieurs cantons en vue de hâter l’avènement d’une Suisse unie. En 1
214 que les puissances voisines pouvaient « embrasser dans leurs plans stratégiques la Suisse, comme si la grande forteresse des
215 s discutées séparément, souvent un peu au hasard, dans vingt-deux législatures, dont les unes ne connaissaient pas les motif
216 démontrées… Les magistrats directeurs se trouvent dans une situation fausse. Ils doivent, pour ainsi dire, servir deux maîtr
217 ogrès « mémorables » réalisés par l’idée fédérale dans l’élite et les masses : « Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous es
218 impossible de méconnaître, et cette espérance que dans un nouveau Pacte, dans une confédération plus solide, doit se trouver
219 re, et cette espérance que dans un nouveau Pacte, dans une confédération plus solide, doit se trouver le remède aux maux qui
220 Ce « nouveau Pacte » se résumait essentiellement dans l’idée de créer un équilibre vivant entre la souveraineté des cantons
221 la ratification populaire. Le verdict fut négatif dans deux cas. L’opposition avait joué sur la « réalité prépondérante » du
222 e montrèrent généreux : par souscription publique dans les cantons protestants, ils contribuèrent à couvrir la dette de guer
223 à couvrir la dette de guerre des catholiques. Et dans l’atmosphère de réconciliation nationale ainsi créée, la Diète décida
224 Tandis que la révolution éclatait successivement dans les diverses capitales européennes, tout au long de l’année 1848, les
225 nt ordinairement le contraire de ce qui s’est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de 31 séances plénières,
226 pulaire devait avoir lieu avant le 1er septembre. Dans la plupart des cantons, le Parlement se prononça d’abord, puis le peu
227 e de fédérale : elle est précisément fédéraliste, dans ses visées comme par ses principales dispositions. Le législatif, par
228 res ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des différends de droit c
229 Suisse, unis par la présente alliance, … forment dans leur ensemble la Confédération suisse. Article 3. Les cantons sont s
230 it aux cantons leur territoire, leur souveraineté dans les limites fixées à l’art. 3, leur constitution, la liberté et les d
231 s au libre établissement des citoyens d’un canton dans un autre, avait été présentée par les opposants comme devant fataleme
232 omme devant fatalement semer le chaos et la ruine dans la vie économique du pays. On prédisait la faillite des industries « 
233 ent ces craintes, précisément, qui se révélèrent, dans le fait, « rêveries, chimères et utopies ». L’ascension économique d’
234 opposants à l’union suisse qui n’ait été repris, dans les débats actuels, par les opposants à l’union européenne. On ne man
235 ’union européenne. On ne manquera pas de dire que dans la grande Europe moderne, les problèmes ne sont pas homologues de ceu
236 ique du fédéralisme, doctrine pratique de l’union dans la diversité. Le fédéralisme doit donc souligner le thème de l’union
237 rages d’ensemble sur l’histoire suisse considérée dans son unité datent des débuts du xxe siècle : H. Barth, Bibliographie
238 er, Zurich 1927 ; id., Der älteste Schweizerbund, dans « Revue d’Histoire suisse », n. 1 et 2, 1924. Sur la Constitution de
239 l mais très efficace que joua la cause helléniste dans les années 1820-1930. Toute la Suisse se passionna pour la liberté gr
240 ement financée par le Genevois Eynard — et trouva dans cette passion un idéal commun, associant toutes les classes et toutes
241 lasses et toutes les régions. 24. W. E. Rappard, dans son ouvrage essentiel sur la Constitution fédérale de 1848, présente
242  ». (L’année même où ses idées triomphèrent enfin dans l’une de ses patries d’adoption.) 25. Sur le total des citoyens ayan
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
243 ersel. Denis de Rougemont L’Europe s’est définie dans le monde par son pouvoir d’aller au-delà d’elle-même, de dépasser les
244 Épousons cette idée d’une Europe qui n’existe que dans son dépassement et qui ne serait pas elle-même si elle n’était plus q
245 les spécialistes retrouvent des notions analogues dans les religions de l’Inde et de la Chine ? Ces spécialistes sont Europé
246 ue coïncide cette contagion occidentale accélérée dans tous les peuples de Bandung. Désormais délivré de notre impérialisme
247 Trobriand, les films et les microfilms accumulés dans les archives ; ce Musée est une invention, cette Mémoire du Monde est
248 unication, bon gré mal gré, pour la première fois dans l’Histoire. S’il est vrai que le monde, irréductiblement, tend à deve
249 e circulation planétaire. Qui peut en dire autant dans notre siècle ? Les uns m’en paraissent incapables, et d’autres n’en o
250 pas vitalement contraints. Part des importations dans le revenu national : 4 %, ne l’oublions pas. L’Europe seule périrait,
251 tour, mais n’en montrant pas les moyens. L’Europe dans son ensemble se voit donc appelée par la conjoncture historique à res
252 t appel, toutefois, l’Europe ne peut répondre que dans la mesure où elle est forte et saine : c’est la mesure de son intégra
253 tes, ayant appris par cœur les raisons de se haïr dans leurs manuels d’histoire primaires et secondaires, s’imaginent qu’on
254 nnes, aux yeux du monde, ne sont universelles que dans la mesure où elles résultent de nos variétés infinies et de leur équi
255 vidences, quand il est clair que vouloir s’isoler dans une souveraineté vide de tout contenu économique ou politique ne saur
256 alisme est bien compris comme une méthode d’union dans la diversité. Or cette méthode n’est pas seulement la plus opportune
257 les couleurs chantent si elles sont bien opposées dans leur pureté ou leurs nuances précises, non si on les mêle pour simpli
258 ègne à sa surface, l’histoire telle qu’on la fige dans les manuels scolaires et le système des échanges économiques, voire c
259 lice. Déclencher un processus d’union C’est dans cette perspective ouverte et dynamique, celle d’une méthode pour fome
260 cer par la Petite ! — ont-ils bien vu le problème dans son cadre mondial, ou défendent-ils plutôt quelque nationalisme exalt
261 ’elle-même. Ce qu’il y a de foncièrement européen dans l’existence encore fragile des Six, c’est qu’ils sont vitalement inté
262 nt réunis en une famille, ils sauront bien, c’est dans leur sang, que l’Europe entière n’est qu’un appel au monde. Quelles s
263 plus ni moins. Car, je le répète, l’Europe seule, dans l’histoire, a su rendre effective l’implicite ambition des civilisati
264 sa vocation, car l’Europe justement, seule encore dans l’histoire, a su devenir une culture de dialogue, de discussion criti
265 ements : une culture de la liberté, et qui trouve dans les risques qu’elle assume, qu’elle fomente à plaisir comme pour mieu
266 Gibbon au xviiie , jusqu’à Spengler et à Toynbee dans notre siècle, en passant par les philosophes du romantisme qui n’avai
267 une habitude de pensée pessimiste s’est installée dans nos esprits. Non seulement nous avons appris que toutes les civilisat
268 ar la grecque et la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-elles mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été pré
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
269 e ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux. L’écho de cette page fut immense, et je sais peu de ph
270 uisait l’idée que chaque peuple est « un individu dans la marche de l’Histoire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à
271 us rejoignons la phrase de Valéry. Enfin Toynbee, dans un effort admirable pour embrasser l’ensemble des conditions du monde
272 notre angoisse quant à l’état présent de l’Europe dans le monde, et que d’autre part, les plus grands esprits du siècle préc
273 que les précédents historiques soient applicables dans notre situation, ni que la courbe de croissance, grandeur et décadenc
274 la même pour toutes les civilisations et surtout, dans tous les temps. Les prophètes de la décadence de l’Occident, Spengler
275 é la disparition de la civilisation gréco-romaine dans la partie occidentale de l’Empire au moins. Cet exemple est-il valabl
276 culture, n’a jamais été autre chose qu’une unité dans la diversité, une unité paradoxale consistant dans la seule volonté c
277 ans la diversité, une unité paradoxale consistant dans la seule volonté commune à tous de refuser l’uniformité. Cependant, c
278 nir brièvement ces trois vertus et ce ne sera pas dans un esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci de décrire les idé
279 ienne, comme l’ont montré Nietzsche d’abord, puis dans ses commentaires sur Nietzsche, le philosophe Karl Jaspers. Pour le c
280 r non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfai
281 s aussi de nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu de vé
282 là qui peut paraître banal à des Européens élevés dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du
283 de la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’indivi
284 es permettent, soit pour modifier cette relation, dans le cas de l’Orient, soit pour en prendre mieux conscience, dans notre
285 l’Orient, soit pour en prendre mieux conscience, dans notre cas. Le troisième caractère original de la culture européenne,
286 s sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on
287 tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ces actes sont faits librement. Notre sens de la l
288 ques, se combinent et permutent à doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à dé
289 plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Or, ce même mot de liberté n’éveille aucu
290 ricaines ou chez les fonctionnaires de l’URSS, ni dans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s
291 on sait le rôle décisif que ces sciences ont joué dans l’évolution de la sociologie et de la psychologie analytique, autres
292 tourne contre nous. Le monde entier s’européanise dans ses apparences : usines, machines, hygiène, costumes, transports, urb
293 voquée par son expansion même — mais incomplète — dans toute l’humanité, cette crise va-t-elle devenir « mortelle » comme l’
294 mise, à présent que la Terre entière est explorée dans ses derniers recoins. Alexandre le Grand et les empereurs chinois s’i
295 ais comment expliquer ce phénomène sans précédent dans toute l’histoire ? Nous avons vu que la civilisation européenne, née
296 leurs qui contribuèrent à les créer. Elle envoie, dans le monde d’aujourd’hui, plus de machines et d’assistants techniques q
297 c nécessairement demeurer régionales, et décliner dans les limites de leur empire. En revanche, la conception chrétienne, ex
298 er ou disparaître, sans entraîner le genre humain dans son désastre ? Deuxième raison : la civilisation européenne a créé le
299 e ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué — plusieurs
300 udelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde entier, enregistrées sur bandes et sur microsillons, elles s
301 ar la grecque et la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pa
302 i m’amène à ma troisième raison d’avoir confiance dans la longévité de notre civilisation : on ne voit pas de candidats séri
303 e civilisation rivale, soit plus primitive, comme dans le cas des Doriens détrônant la Crète, ou des Germains submergeant Ro
304 Rome, soit plus audacieuse et prestigieuse, comme dans le cas de quelques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire des A
305 l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’agissait dans tous ces cas, de civilisations locales, entourées de « Barbares » mal
306 sation des mandarins ! C’est l’URSS qui introduit dans cette Chine si fermée le nouveau cheval de Troie de l’Occident : la T
307 e et tout ce qu’elle entraîne de proche en proche dans les mœurs et les modes de penser d’une nation. Le fameux « bond en av
308 actuelle, si spectaculaire, ne consiste nullement dans l’avènement d’une civilisation originale ou renouvelée, de quelque né
309 elque néo-cannibalisme magique, mais au contraire dans l’adoption rapide des formes de vie politique, sociale et économique
310 , qui est une invention de l’Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe ? Je vais le dire : dans l’esprit
311 ela « l’éclipse » de l’Europe ? Je vais le dire : dans l’esprit des Européens, et pas ailleurs. III Devant le recul, o
312 qu’elle a produites et propagées elle-même. C’est dans ses sources, c’est au foyer de sa vitalité créatrice, c’est en Europe
313 nationalisme n’en poursuit pas moins ses ravages dans l’esprit des Européens comme dans l’esprit de peuples neufs, empêchan
314 ins ses ravages dans l’esprit des Européens comme dans l’esprit de peuples neufs, empêchant au-dedans cette union fédérale q
315 ire cruellement mon sujet. Je prendrai le premier dans la correspondance du grand historien suisse Jacob Burckhardt, à la fi
316 rckhardt, à la fin du siècle passé ; et le second dans un quotidien du parti communiste de Pékin, il y a deux ans. Burckhard
317 es européennes au xxe siècle. Voici sa prophétie dans une lettre qui date de 1871 : Le sort des ouvriers sera le plus étra
318 a devenir le Grand Fabricant. Ces masses humaines dans les grandes usines ne peuvent pas être éternellement abandonnées à le
319 ère est le fédéralisme, art et science de l’union dans la diversité, donc art et science œcuméniques, universels par excelle
320 outes nos libertés morales et civiques s’enlisent dans l’euphorie d’un confort insipide, non plus libérateur d’énergies neuv
321 on fédérale est la condition même de notre action dans le monde et pour le monde. Il nous faut l’Europe parce qu’il faut fai
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
322 ers de notre humanité présente ? Oui, sans doute, dans la mesure où la religion chrétienne est aussi une force historique, l
323 rétiens pratiquants des trois grandes confessions dans les pays de l’Europe de l’Est et en Russie (on compterait, aux derniè
324 t non point par des hypothèses sur son « succès » dans le monde et sur sa condition. Ces motifs sont bien évidents. Le chris
325 de courts intérêts, mais ce qu’il y a de meilleur dans le désir des hommes, l’intérêt dernier de leur vie. Le christianisme
326 ntations de la puissance devaient faire prévaloir dans l’Église mère, puis dans les Églises séparées, la volonté de l’unité
327 devaient faire prévaloir dans l’Église mère, puis dans les Églises séparées, la volonté de l’unité formelle, qui n’est pas l
328 , c’est paradoxalement l’exigence d’unité, conçue dans un esprit de sagesse politique, toujours méfiante, et non de confianc
329 a vocation distincte. « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. » Cette parole ne peut être écartée. Elle rest
330 ette voie qui passerait par l’union des chrétiens dans la réalité de leur existence me paraît au contraire praticable hic et
331 ée par beaucoup. Qu’en est-il de cette existence, dans les diverses confessions ? Je suis frappé de la voir si différente de
332 che, combien savent-ils, de part et d’autre, que, dans toutes les Églises chrétiennes, la catholique et l’orthodoxe, l’angli
333 J’ai fait depuis longtemps une autre observation dans l’étude passionnée que je poursuis des tempéraments religieux et de l
334 gieux et de leurs formes d’expression : c’est que dans le sein d’une même Église coexistent deux attitudes que l’on peut qua
335 elles, les fidèles de diverses Églises communient dans la même Présence. Quant à ceux qui savent englober dans une seule et
336 a même Présence. Quant à ceux qui savent englober dans une seule et même Église les deux tendances — anglicans, luthériens d
337 e de l’union. Le renouveau des études liturgiques dans les Églises issues de la Réforme, le renouveau des études bibliques d
338 de la Réforme, le renouveau des études bibliques dans le catholicisme romain, la découverte du problème social (un peu forc
339 la découverte du problème social (un peu forcée) dans l’orthodoxie gréco-russe, et l’union des Églises de l’Inde, sont auta
340 idèle, en tous lieux et tous temps, n’importe où, dans le monde entier, puisse entrer au sanctuaire qui s’offre au coin de l
341 credo commun, qui se comprend, quand on le sait, dans toutes les langues. Combien d’hommes et de femmes hésitant longuement
342 à tous ceux que laisse insatisfaits la confession dans laquelle ils sont nés (soit par hasard ou providence), dans laquelle
343 lle ils sont nés (soit par hasard ou providence), dans laquelle ils ont eu le bonheur d’être élevés, qu’ils aiment comme on
344 aris, mars 1960, p. 66-67. r. Cet article paraît dans le dossier « Le concile de la dernière chance », et est introduit par
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
345 isme et l’Europe (mars 1960)p Le nationalisme, dans les peuples du tiers-monde, n’est guère qu’une revendication d’indépe
346 ndance, proclamée contre l’Occident colonialiste. Dans notre Europe, qui l’inventa, le phénomène est plus complexe. À la foi
347 our comprendre la vraie nature du phénomène c’est dans le mouvement de sa genèse intellectuelle qu’il faut le saisir. Car le
348 faussé en y intervenant, et qui tend à l’éliminer dans la mesure où il tend à se normaliser. Plutôt donc que de retracer la
349 a par quelques textes de la Révolution française. Dans son discours du 15 mai 1790, Robespierre a cette formule parfaite :
350 llectivisme totalitaire. Cloots poursuit en effet dans ces termes : De ces données incontestables résulte nécessairement la
351 on un ouvrage intitulé la République universelle, dans lequel il demandait la suppression des gouvernements locaux, et leur
352 ières guerres nationales, que Bonaparte va porter dans toute l’Europe. Les réactions de défense des peuples « libérés » pren
353 si liés les uns aux autres, depuis leur expansion dans les provinces de l’Empire romain d’Occident, par une même religion co
354 nsi formés ; — non, comme on a coutume de décrire dans la doctrine du droit la formation d’un État par le rassemblement et l
355 s et les places de commerce qui s’y sont ajoutées dans les autres parties du monde, forme encore un tout, alors assurément l
356 l’avocat : Toute la monnaie mondiale se trouvant dans les mains des citoyens, c’est-à-dire tout l’or et l’argent, sera reti
357 monnaie nationale, c’est-à-dire n’ayant cours que dans le pays même, mais dans celui-ci exclusivement… Le gouvernement a mis
358 -à-dire n’ayant cours que dans le pays même, mais dans celui-ci exclusivement… Le gouvernement a mis la main sur le commerce
359 s en leur pureté ni remplacées par des succédanés dans le pays, puisqu’il doit s’en déshabituer entièrement, entraîné d’aill
360 de l’État savants et artistes. Il est évident que dans une nation ainsi fermée, dont les membres ne vivent qu’entre eux et f
361 u’à ce que le genre humain tout entier soit fondu dans « une seule République de la Culture ». À l’expansion colonialiste da
362 lique de la Culture ». À l’expansion colonialiste dans l’anarchie, responsable de nos divisions, puis à l’étape nécessaire d
363 impérialisme… Nous n’en sommes peut-être pas loin dans cette seconde moitié du xxe siècle ; mais le « processus dialectique
364 ion né de la Révolution et qui se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom de tous contre une partie du peuple. Ma
365 et nature.) Cet esprit national est « un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épano
366 fois cette fin atteinte, il n’a plus rien à faire dans le monde. Et encore : À chaque époque domine le peuple qui incarne
367 n de vivre en paix, de « végéter » précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous assistons au transfert décisif de l
368 er les hommes réels, comment va-t-il se comporter dans le monde. L’idéal primitif de la nation, confisqué par l’État, a cond
369 rand élan libertaire des quarante-huitards échoue dans les manuels d’écoles primaires, et s’y dénature en nationalisme, cult
370 aire et moins unie. Tout se fait par les États et dans leur cadre au profit de leurs intérêts immédiats, mal calculés et au
371 d ! » Quand Heine accepte l’idée de nation, c’est dans le sens mazzinien d’une « Internationale des nationalités », et il lo
372 oir considéré l’humanité « comme une grande harpe dans la main d’un grand maître », chaque nation étant une des cordes et co
373 eul berger : Napoléon à Sainte-Hélène disait que dans un proche avenir le monde serait une république américaine ou une mon
374 La déprimante prophétie ! … Quelle perspective ! Dans le meilleur des cas, mourir d’ennui en tant que républicain ! Pauvres
375 e de camp du général polonais Bem, et qui fut tué dans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je me bornerai à dire que
376 t la Hongrie depuis le ixe siècle, que sa gloire dans le passé et ses espérances dans l’avenir, que la mémoire des incalcul
377 le, que sa gloire dans le passé et ses espérances dans l’avenir, que la mémoire des incalculables services rendus par elle à
378 a monarchie universelle de la Russie. Et Petőfi, dans son poème de 1848 intitulé « Silence de l’Europe » : L’Europe se tai
379 ce daigne sur nous descendre ? Adam Mickiewicz, dans son Livre des Pèlerins polonais répercute ce cri de révolte de l’Est
380 andonné par l’Ouest : Lorsque la Liberté siègera dans la capitale du monde, elle jugera les nations. Et elle dira à la prem
381 tuelles, sauvegardant leur diversité, entreraient dans un rapport d’union dialectique : La dictature du pape, chef civil de
382 rses chrétientés nationales écrivait-il en 1843, dans un ouvrage publié à Bruxelles : De la primauté morale et civile des I
383 ie Il Primato, et qui eut un succès retentissant. Dans son traité Della Nazionalità italiana il donnait la formule du passag
384 ence de l’Espagne, qui se replie sur son passé et dans son génie, de la Grande-Bretagne dont les ambitions se déploient outr
385 considère comme une nation qui vient de renaître, dans une Europe rénovée par les principes mêmes de sa Révolution. Lamarti
386 e de moins fatal, de plus humain et de plus libre dans le monde, c’est l’Europe, de plus européen, c’est ma patrie, c’est la
387 en un mondialisme sublimes, achevant ainsi — mais dans l’imaginaire — la dialectique nationale du romantisme politique. Parc
388 . Cette généreuse et sincère volonté de se perdre dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t-elle
389 son petit pays : La Suisse a clarifié et réalisé dans son domaine des idées et des principes féconds pour l’ensemble des Ét
390 té internationale des Suisses pourra se dissoudre dans la plus grande communauté européenne. Elle n’aura pas vécu en vain, n
391 ’Italie ; mais voilà qui ne paraît concevable que dans le cas d’une nation non unitaire, c’est-à-dire de structure fédéralis
392 . On peut écrire de telles choses, non les faire. Dans le même temps, le diplomate et philosophe prussien Constantin Frantz
393 sera Dostoïevski, et ce qu’il exprimera cent fois dans son Journal d’un écrivain, gazette qu’il publie seul, à intervalles i
394 rer par la sainte Russie, sous peine de « sombrer dans le cynisme » et d’y trouver leur fin, « vers laquelle il semble bien
395 ue par sa culture le droit de jouer un rôle actif dans l’histoire mondiale. La primauté appartient donc à l’ensemble europée
396 cette bipolarité … est trop profondément fondée dans la nature des choses, et ces oppositions ont fait mûrir l’esprit euro
397 es intérêts de la raison et de la civilisation ». Dans la préface à sa fameuse conférence prononcée en Sorbonne le 11 mars 1
398 e, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils
399 loires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer à vivre ensemble. Ce qui constitue
400 ue, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. … De nos jours,
401 hoses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. … De nos jours, on commet une erreur plus grave : on confon
402 s parties, compte trois ou quatre langues. Il y a dans l’homme quelque chose de supérieur à la langue : c’est la volonté. La
403 naturelles, a certainement une part considérable dans la division des nations. La géographie est un des facteurs essentiels
404 nos nations domestiquées par l’État militaire33. Dans une de ses lettres à von Preen, il prévoit pour les masses ouvrières
405 n, il prévoit pour les masses ouvrières entassées dans les usines et condamnées à la misère et à l’envie, un avenir exacteme
406 me figurer des races épaisses et hésitantes, qui, dans notre Europe hâtive, auraient besoin de demi-siècles pour surmonter d
407 pas trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un des Fragments posthumes, Nietzsche précise la nature de ces « gran
408 t singulièrement opposées les unes aux autres, et dans leurs intérêts immédiats, et dans leurs mœurs, et dans leurs ambition
409 aux autres, et dans leurs intérêts immédiats, et dans leurs mœurs, et dans leurs ambitions. L’Europe n’a pas de chance. Tou
410 leurs intérêts immédiats, et dans leurs mœurs, et dans leurs ambitions. L’Europe n’a pas de chance. Tous ses habitants ne pe
411 it. Les peuples de l’Europe ne peuvent s’unir que dans une seule idée : se faire la guerre. … Et il y a le slavisme qui met
412 er ce qui l’attend ? Avant dix ans, elle sombrera dans la guerre et l’anarchie, comme elle a toujours fait deux ou trois foi
413 amorphes, provoquent le feu s’ils sont amalgamés dans un récipient. L’Europe est un récipient rempli de cette sorte de comp
414 artant pour l’Europe : « Je sais bien que je vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher de tous », toutefois se bornant
415 t aux yeux des peuples et de leurs hommes d’État, dans les pays au moins qui auront subi, à l’Ouest, la loi totalitaire nati
416 alie, au lendemain de leur libération, inscrivent dans leur Constitution des articles prévoyant l’abandon du dogme sacro-sai
417 sont extraites d’une Anthologie encore inédite, dans laquelle j’ai groupé et commenté plusieurs centaines de textes sur l’
418 t, trad. franç. par J. Gibelin, Paris, 1940. 29. Dans ses Grundzüge des gegenwärtigen Zeitalters, 1804-1805. 30. « On dira
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
419 sont à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le reste du monde. Comment expliquer ces deux attitudes négatives, d’
420 philosophiques et sociales — et leur coexistence dans l’espace et le temps, et leur mutuelle contestation critique, et tout
421 mule de l’unité paradoxale — j’entends de l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité qui ont régné sur d’aut
422 voyons se dégager deux formules bien distinctes. Dans certaines cultures, surtout antiques, l’unité provient d’une origine
423 rence et l’homogénéité des traditions. Tandis que dans d’autres cultures, surtout contemporaines, l’unité résulte d’un décre
424 re. Pour fixer les idées, et sans vouloir entrer dans de périlleuses analyses, j’illustrerai la première formule par les no
425 ise à maintenir et la seconde à établir une unité dans l’homogène, facilement concevable et vérifiable, tandis que l’Europe
426 , à la fois évidente et presque informulable, que dans le libre jeu de ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’
427 origines et leur discussion millénaire suffisent dans tous les cas à rendre compte d’un dynamisme unique et sans rival dans
428 rendre compte d’un dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. En dépit de ce que je viens de dire sur
429 ienne, comme l’ont montré Nietzsche d’abord, puis dans ses commentaires sur Nietzsche, le philosophe Karl Jaspers. Pour le c
430 r non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfai
431 s aussi de nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu de vé
432 peut vous paraître banal, à vous Européens élevés dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du
433 s de la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’indivi
434 s sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on
435 tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils sont faits librement. Notre sens de la liberté
436 iques se combinent et permutent à doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à dé
437 plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Or, ce même mot de liberté n’éveille aucu
438 ines ou chez les « apparatchiks »36 de l’URSS, ni dans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s
439 d’une civilisation ? De la pression démographique dans l’aire géographique de cette civilisation ? Je n’en crois rien. Il ex
440 aphiques n’ont pas produit les mêmes conséquences dans ces trois régions. Le rayonnement mondial de la Chine est resté faibl
441 nte, n’ont rien suscité de marquant ni de nouveau dans notre civilisation. Seules les Croisades ont été productives à cet ég
442 on sait le rôle décisif que ces sciences ont joué dans l’évolution récente de la sociologie et de la psychologie analytique,
443 deurs de la culture européenne, et restent liées, dans leur évolution comme dans leur genèse, à tout le complexe dialectique
444 enne, et restent liées, dans leur évolution comme dans leur genèse, à tout le complexe dialectique de nos valeurs. Mais d’au
445 à n’importe quel prix. Voici donc notre situation dans le monde du xxe siècle : Nos créations les plus typiques et les plus
446 de l’Europe, se voient soudain universalisées, et dans les apparences tout au moins, adoptées par le monde entier. Notre cul
447 l’Europe qui a créé les sciences et la technique, dans le contexte de sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus de cette c
448 ostiles aux nôtres. Le monde entier s’européanise dans ses apparences : usines, machines, costumes, voirie, transports, urba
449 d aujourd’hui de l’Europe, qui a inventé le monde dans la mesure exacte où elle a découvert le genre humain. Or le sort de l
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
450 rai, puisqu’il a tenu des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les cinq continents — mais voici le point
451 roblèmes que pose, à cette génération, le progrès dans la liberté. Sur ce mot Liberté, je serai très bref bien qu’il soit le
452 re le défaitisme fataliste qui préparait leur lit dans nos démocraties. Il nous fallait courir au plus pressé, secourir les
453 morale où vivent (en Occident au moins autant que dans les pays techniquement non développés) des centaines de millions d’êt
454 sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine l
455 abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les sym
456 l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les symboles. Mais la séc
457 e se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun.
458 des cinq ou six cultures continentales qui vivent dans le monde d’aujourd’hui : leurs confrontations amicales les orientent,
459 s, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toute part. Mais nous refusons d’acco
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
460 morale où vivent (en Occident au moins autant que dans les pays techniquement non développés) des centaines de millions d’êt
461 sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine l
462 abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les sym
463 l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les symboles. Mais la séc
464 e se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun.
465 des cinq ou six cultures continentales qui vivent dans le monde d’aujourd’hui : leurs confrontations amicales les orientent,
466 le même progrès technique, éducatif et culturel, dans les conditions différentes de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie, du P
467 u Proche-Orient et des deux Amériques ; mais ceci dans la perspective qui nous est propre : celle des incidences du progrès
468 s, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toutes parts. Mais nous refusons d’ac
469 conduit à nos fins. Car la liberté se concrétise dans l’augmentation continuelle des possibilités, pour chaque homme, de co
470 de compte le degré de liberté atteint par l’homme dans telle ou telle société. Mais c’est par la nature et par la qualité de
471 Carlo Schmidt, vice-président du Bundestag, etc. Dans la délégation française figuraient : MM. Raymond Aron, professeur en
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
472 ne puisse être entendue qu’en Europe et seulement dans la bouche d’Européens, nous fournit, paradoxalement, une première déf
473 sont à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le reste du monde. Comment expliquer ces deux attitudes négatives, d’
474 philosophiques et sociales — et leur coexistence dans l’espace et le temps, et leur mutuelle contestation critique, et tout
475 cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesure précise où il doute qu’il le soit et prétend au contraire s
476 par le seul fait qu’il le conteste ? C’est donc dans le fait de notre exceptionnelle diversité, non pas subie mais jalouse
477 mule de l’unité paradoxale — j’entends de l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité qui ont régné sur d’aut
478 voyons se dégager deux formules bien distinctes. Dans certaines cultures, surtout antiques, l’unité provient d’une origine
479 rence et l’homogénéité des traditions. Tandis que dans d’autres cultures, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir, d’une unif
480 ure. Pour fixer les idées, et sans vouloir entrer dans de périlleuses analyses, j’illustrerai la première formule par les no
481 ise à maintenir et la seconde à établir une unité dans l’homogène, facilement concevable et vérifiable, tandis que l’Europe
482 , à la fois évidente et presque informulable, que dans le libre jeu de ses diversités. Mais il est temps de nous demander d
483 origines et leur discussion millénaire suffisent dans tous les cas à rendre compte d’un dynamisme unique et sans rival dans
484 rendre compte d’un dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. 4. En dépit de ce que je viens de dire s
485 ienne, comme l’ont montré Nietzsche d’abord, puis dans ses commentaires sur Nietzsche, le philosophe Karl Jaspers. Pour le c
486 r non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfai
487 s aussi de nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu de vé
488 Voilà qui peut paraître banal à un Européen élevé dans le respect de la vérité dite objective, de la simple véracité, et du
489 s de la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire de l’indivi
490 s sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de son sort, et à l’inverse, on
491 tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils sont faits librement. Notre sens de la liberté
492 iques se combinent et permutent à doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à dé
493 plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Je pense donc que le dynamisme de notre c
494 on sait le rôle décisif que ces sciences ont joué dans l’évolution récente de la sociologie et de la psychologie analytique,
495 deurs de la culture européenne, et restent liées, dans leur évolution comme dans leur genèse, à tout le complexe dialectique
496 enne, et restent liées, dans leur évolution comme dans leur genèse, à tout le complexe dialectique de nos valeurs ; mais d’a
497 ique infinie et toujours ouverte que je décrivais dans la première partie de mon exposé, en vertu même de cette séculaire di
498 à n’importe quel prix. Voici donc notre situation dans le monde du xxe siècle : Nos créations les plus typiques et les plus
499 de l’Europe, se voient soudain universalisées, et dans les apparences tout au moins, adoptées par le monde entier. Notre cul
500 l’Europe qui a créé les sciences et la technique, dans le contexte de sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus de cette c
501 ostiles aux nôtres. Le monde entier s’européanise dans ses apparences : usines, machines, costumes, voirie, transports, urba
502 d aujourd’hui de l’Europe, qui a inventé le monde dans la mesure exacte où elle a découvert le genre humain. Et le sort de l
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
503 éen de la culture, lors d’une réunion qui se tint dans la chambre même où était né Louis XIV, au Pavillon Henri IV, à Saint-
504 ope, simple cap de l’Asie, a tenu le premier rang dans le monde pendant des siècles, elle l’a dû à sa faculté de créer des v
505 rel, un institut nouveau, des recherches avancées dans les divers domaines de la culture, les Européens ont pris l’habitude
506 d’un nombre aussi grand que possible de donateurs dans tous nos pays. La politique adoptée par le Conseil des gouverneurs,
507 ait entreprendre, et qu’ils seraient donc trouvés dans la mesure même où les activités paraîtraient effectives et convaincan
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
508 igneurs et dames ici présents, vous répondez tous dans vos cœurs : Rien au monde ne saurait nous plaire davantage. Or, songe
509 ts dérivés. De plus, elles donnent de la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de traduire cette belle défini
510 . Il me plaît de traduire cette belle définition dans les termes de notre sujet, et cela donne à peu près ceci : « Les rest
511 la légende primitive et ses expressions dérivées dans nos littératures et dans nos vies. De plus, elles donnent de la juste
512 ses expressions dérivées dans nos littératures et dans nos vies. De plus, elles donnent de la justesse dans le style de nos
513 s nos vies. De plus, elles donnent de la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens, en effet, les textes primiti
514 t humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui donnent un peu trop facilement les poè
515 lui donnent un peu trop facilement les poètes, ni dans le sens goethéen de « belle âme », encore moins dans le sens religieu
516 s le sens goethéen de « belle âme », encore moins dans le sens religieux de l’éloquence classique de la chaire, quand elle p
517 is et véritablement traditionnel, qui se retrouve dans certains dérivés comme animé, animation, ou même animosité. Le jeu « 
518 -passion relève par excellence de l’âme. Or c’est dans le mythe de Tristan qu’il a trouvé son expression la plus totale, dél
519 à ce mythe qu’il doit, depuis le xiie siècle, et dans nos sociétés occidentales, son pouvoir à jamais contagieux. Ceci posé
520 au sens des mots — considérons le mythe lui-même dans sa pleine stature et ses profonds pouvoirs, mais aussi dans l’erreur
521 eine stature et ses profonds pouvoirs, mais aussi dans l’erreur innombrable qu’il suscite ou qu’il entretient au niveau de l
522 n, et des tempéraments qui s’accordèrent un jour, dans l’instant du premier regard, mais que le temps modifie fatalement, cr
523 d’un amour qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports sociaux, et même de l’engagement dans un rapport concret
524 ans les rapports sociaux, et même de l’engagement dans un rapport concret avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne d
525 ivant l’image aimée d’une Béatrice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de Tristan élève ainsi devant n
526 C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale que la passion s’en
527 is fut aussi transfigurante. L’histoire du mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne serait-elle que l’histoire d’une longue pro
528 e que c’est l’âme elle-même, la fonction émotive, dans l’homme contemporain, qui s’épuise et qui s’atrophie, entre le corps
529 tation rapide au lieu de l’intensité, la noirceur dans le style des roués au lieu de la candeur monumentale, les jeux d’espr
530 d’Iseut : et c’est la mort. J’ai laissé jusqu’ici dans l’ombre cet aspect trop souvent, trop facilement cité, du « beau cont
531 clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mort, et toutes nos sciences, ici, se récusent et se taisent. Or c
532 r c’est ici que la passion mythique va se dresser dans sa pleine stature. En buvant le breuvage magique, les amants légendai
533 amants légendaires sont entrés, nous disent-ils, dans les voies d’une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vi
534 ur mort ». Certes, c’est vrai pour leur existence dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la
535 ortelle que lui seul pourra deviner — ou susciter dans l’autre : la part de l’Ange. Pétrarque, en proie au mythe, ose parle
536 e des amants. Cette mince bande jaune sur la mer, dans le nouveau décor de Bayreuth, cette frileuse aurore jaune au bas du c
537 avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et
538 Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyant aux
539 t tous les êtres dans leur pureté paradisiaque, «  dans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croi
540 point cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le véritable objet du dé
541 r vraiment, ce serait aimer l’ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait deviner l’ange, en soi-même et dan
542 uement ; ce serait deviner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître, et le rejoindre enfin dans le monde lumine
543 l’autre, l’aider à naître, et le rejoindre enfin dans le monde lumineux de notre nostalgie. Mais alors l’obstacle dernier à
544 tuant à notre temps ce modèle de l’amour-passion, dans sa grandeur première et drue, les philologues nous ont mis au défi d’
545 nt mis au défi d’apporter un peu plus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas seulement de la littérature
546 i a traité, lui, du « mythe » de Tristan et Iseut dans plusieurs ouvrages. M. Robert Guiette, directeur de l’Académie, se pr
547 ses l’ont conduit à retrouver le mythe de Tristan dans ses métamorphoses les plus récentes. C’est en somme, après l’exposé d
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
548 Nos meilleurs esprits (1961)ad Dans un film naguère célèbre, Orson Welles assurait que la Suisse n’a donn
549 utant. Et tout d’abord il faut bien constater que dans la petite phrase incriminée, la plupart de nos compatriotes ne voient
550 ation mondiale, pas une personne sur mille, prise dans la rue, n’aura jamais entendu ce nom. En revanche, les noms d’hommes
551 ette situation entraîne de curieuses conséquences dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantanément contre c
552 re un chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la culture, cet égalitarisme à petite échelle ne présen
553 , d’ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter de se rendre utile, ou courir loin de la Suisse s
554 le Germaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Voilà qui es
555 ais ne fait-il pas trop belle la part des Suisses dans la culture humaine, tandis que notre Américain la réduisait au joujou
556 rs de l’étroit compartiment natal, iront chercher dans les jeux de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les gran
557 l, iront chercher dans les jeux de la synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensions qui leur manquent
558 acité transformatrice qu’on ne saurait en trouver dans nulle autre région d’étendue comparable, sur notre continent. Le lect
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
559 l’évolution culturelle de l’Occident. C’est donc dans la technique, par son intermédiaire et à son sujet, que la culture et
560 eur. Quel est l’état présent de ce problème ? Et dans quelle situation concrète abordons-nous notre sujet ? C’est la premiè
561 connus de tous. Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire, une civilisation devient vraiment mondiale, et c’est la c
562 Je suis pour ma part convaincu que notre culture, dans son ensemble — théologie, philosophie et science, poésie et littératu
563 s constants de l’homme, des rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’on nomme les hasards, les trouvailles par hasard, des
564 es outils parce qu’il joue avec les démons cachés dans le feu ou dans la pierre, dans l’eau courante ou l’animal, dans ses s
565 qu’il joue avec les démons cachés dans le feu ou dans la pierre, dans l’eau courante ou l’animal, dans ses songes et ses rê
566 les démons cachés dans le feu ou dans la pierre, dans l’eau courante ou l’animal, dans ses songes et ses rêves éveillés. Il
567 dans la pierre, dans l’eau courante ou l’animal, dans ses songes et ses rêves éveillés. Il exorcise prudemment la Nature pe
568 comme le prouve le récit de cette invention que, dans son livre intitulé Ma Vie, nous donne l’inventeur Henry Ford. Ce rêve
569 er à l’aventure le long des routes et des chemins dans les campagnes : rêve typique de l’adolescence, qui est l’âge des fugu
570 le motif religieux qui est décisif. Élevé à Bâle dans un milieu ardemment piétiste, Euler pensait que ses livres de science
571 t introduise de temps à autre un jet d’eau froide dans le réservoir contenant la vapeur, afin de produire sa condensation. U
572 l’inventeur de l’automation créatrice de loisir. Dans aucun de ces exemples d’inventions techniques, le motif n’est utilita
573 ulture et la technique ne sauraient être opposées dans leurs sources, puisqu’elles procèdent de nos mêmes rêves fondamentaux
574 dangers majeurs que la technique risque de créer dans ce siècle : le danger — que je crois illusoire — de la mise en esclav
575 nvention, par la réduction de la culture générale dans l’éducation au profit de la seule formation technique. Dans la premiè
576 cation au profit de la seule formation technique. Dans la première moitié du xxe siècle, nous avons assisté à ce que l’on n
577 ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous
578 uteau de cuisine a sûrement fait plus de victimes dans notre histoire que les bombes atomiques larguées sur le Japon. C’est
579 r humain et de la dignité de la personne humaine, dans leurs plans de rendement à tout prix. C’est alors que Karl Marx peut
580 dons-nous d’opposer technique et culture générale dans nos programmes d’éducation scolaire et universitaire. Car cela revie
581 chnique. Car c’est ce contexte culturel qui agit dans les pays sous-développés, à l’insu des bénéficiaires de nos technique
582 machines inventées par l’Occident et transportées dans les pays sous-développés sont les équivalents modernes du cheval de T
583 L’avenir de l’Occident ne peut se lire seulement dans les indices de production, mais dans ce que je voudrais appeler l’ind
584 re seulement dans les indices de production, mais dans ce que je voudrais appeler l’indice de l’équilibre humain. Il apparti
585 irecteur du Centre européen de la culture, engagé dans le mouvement fédéraliste européen, M. de Rougemont est entre autres f
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
586 de l’été 1947, à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’un hôtel, vers quatre heures du matin, et je tirais les car
587 et je tirais les cartes. Un grand et fort garçon, dans la trentaine, beau visage plein et carré, aux yeux bleus écartés, le
588 an, puis successivement officier de parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Berlin, mémorable cor
589 ’une soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifiant, compréhensif de
590 u-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines avant d’en subir la prem
591 dita Jonas, foncièrement incongru à le considérer dans ses manifestations positives et en fin de compte insignifiantes — la
592 évoluaient à ses yeux, comme il aimait à dire : «  dans la confusion générale ». Tel étant de toute évidence le train du mond
593 e évidence le train du monde, il fallait naviguer dans la vie d’un signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’une certa
594 , normales, parfois même agréables, petits remous dans la « platitude divine » du grand fleuve d’un seul tenant reliant « l’
595 ant, hélas ! d’écrire son œuvre. Il avait été Roi dans une autre existence, il le savait absolument ; il pouvait être dans c
596 stence, il le savait absolument ; il pouvait être dans cette vie reporter et bohème, romancier ou poète, — il voulut même, u
597 d’autorité sans pouvoir apparent passait parfois dans ses propos. (Il eût fait un fort bel empereur romain-germanique et d’
598 le anarchisante, mais sans trace de vulgarité, et dans l’abord des êtres, un laisser-aller apparent (mais qui cachait beauco
599 it en lui le grand poète qu’il se sentait devenir dans « le temps saugrenu » de la vie brève, et qu’il deviendra parmi nous,
600 et qu’il deviendra parmi nous, pour quelques-uns, dans le temps signifiant de l’esprit, temps de louange au « Dieu qui nous
24 1962, Articles divers (1957-1962). Jonas [préface] (1962)
601 an, puis successivement officier de parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Berlin, mémorable cor
602 ’une soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifiant, compréhensif de
603 u-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines avant d’en subir la prem
604 de, « [Préface] Jean-Paul de Dadelsen, Jonas  », dans Jonas, Paris, Gallimard, 1962, p. 11-12.
25 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
605 dmet avec un récent manifeste39 que « l’écrivain, dans la mesure où il s’occupe des vicissitudes de l’époque et tente de s’y
606  : c’était pour enseigner des vérités religieuses dans les vicissitudes de l’époque, et diriger les hommes à leur fin de sal
607 que les vertus de clarté, de mesure, de propriété dans les termes et de rigueur dans l’articulation, qu’on appelle souvent c
608 esure, de propriété dans les termes et de rigueur dans l’articulation, qu’on appelle souvent cartésiennes, aient été premièr
609 t cartésiennes, aient été premièrement illustrées dans notre langue par ses écrits : fait d’histoire mais non pas de présenc
610 qu’on entend de nos jours par « la littérature » dans les milieux où elle se crée et se cultive pour elle-même, se définit
611 ssion normative et créatrice de valeurs générales dans la cité, — cette attitude « classique » ou sociale de l’esprit, que j
612 lassique » ou sociale de l’esprit, que j’ai tenté dans mes premiers ouvrages de décrire par le terme d’engagement, — dont il
613 icacité d’une œuvre écrite et pensée tout entière dans la soumission absolue à une cause qui transcende l’auteur. Homme tra
614 nq ans. Il vient d’élaborer en quelques mois, — «  dans des veilles mémorables, célestes », écrira l’humaniste Ramus — l’un d
615 e. Et de nouveau, il fuit devant l’éclat que fait dans le monde ce « petit livret », comme il l’appelle. Passant à Genève pa
616 ge de docteur, et commence à « dresser » l’Église dans ses formes. Bientôt, une sédition le chasse. Peut-il se croire « en l
617 e frêle Picard, devint Calvin, nom de sa personne dans l’Histoire. Suivre sa vocation, au contraire de ce qu’on croit, n’est
618 is c’est être emporté malgré soi vers des buts et dans une action à quoi rien ne nous inclinait. J’étais l’homme le moins fa
619 d’innombrables citations des Écritures restituées dans leur nouveauté la plus abrupte et prosaïque. Son baroque est celui du
620 i le langage d’un chef — mais spirituel — parlant dans une ville assiégée, qu’il s’agisse de Genève où l’on veille aux rempa
621 l’instruire « à salut », de le bien « conforter » dans l’amour paternel d’un Dieu-roi formidablement exalté au-dessus des pu
622 le seul écrivain dont les doctrines aient suscité dans l’Occident une éthique sociale et civique, un type neuf de relations
623 ampleur et par la durée d’une action de cet ordre dans l’Histoire. J’écarte Rousseau son disciple mais aussi sa parfaite ant
624 qui ne soit responsable en retour devant Dieu et dans la cité ; et que le titre de citoyen est bien moins un droit qu’une c
625 dressée face à l’État et soigneuse à le maintenir dans les limites de son juste pouvoir, elle-même n’en demandant aucun puis
626 ranger Calvin au camp de la liberté ? Oui certes, dans la mesure où par la seule vertu de la vocation qu’il portait, il fut
627 portait, il fut l’incarnation de l’autorité ; et dans la mesure encore où cet homme accablé a fait l’histoire des cités les
26 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
628 reux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui dans d’autres cours royales embourgeoisées, les petites « bonnes manières 
629  mauvaises » sont pardonnées si elles s’affirment dans un grand style tumultueux à la mongole, à l’espagnole ou à la russe.
630 ou qu’un personnage déplaise, Victoria disparaît dans les profondeurs du parc, vers les barrancas mélancoliques aux grands
631 juste de deux ans auparavant. Elles restent liées dans ma mémoire avec tout ce que Paris comptait de plus précieux et de plu
632 nace, en ces derniers mois de sa paix. Ces heures dans la roseraie de Bagatelle, transfigurée par les rayons obliques d’une
633 orte de prémonition avait rassemblés ces jours-là dans la capitale de l’Europe, ultime colloque d’une société secrète improv
634 t qui m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’étais tombé en arrêt, mé
635 s. Et j’ai vu qu’elle était Argentine avant tout, dans ses grandes dimensions vitales, as large as life and twice as natural
636 eignement mais par l’exemple, et par l’admiration dans l’amitié. Ferney-Voltaire (Ain), juin 1962. ah. Rougemont Denis de
27 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
637 ’abord un réflexe de doute. L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’est-elle pas avant tout l’Europe économique, c
638 availlé depuis longtemps à faire l’Europe, chacun dans son domaine professionnel. J’essaierai donc de démontrer ici, d’une m
639 urait jamais vu le jour) s’il ne s’inscrivait pas dans une longue tradition culturelle européenne ; 3° que cette tradition,
640 e des quelque 300 fondations culturelles existant dans nos pays, qui ne se chiffre qu’en millions de francs, marks ou florin
641 ve Un combat sur deux fronts Que veut dire, dans ces conditions, l’expression courant : « faire l’Europe » ? L’Europe
642 érimés qu’ils soient, sont profondément enracinés dans un millénaire au moins de culture européenne. L’obstacle principal à
643 péenne. L’obstacle principal à notre union réside dans les esprits, non dans les faits. C’est donc dans les esprits qu’il s’
644 ncipal à notre union réside dans les esprits, non dans les faits. C’est donc dans les esprits qu’il s’agit de le combattre.
645 dans les esprits, non dans les faits. C’est donc dans les esprits qu’il s’agit de le combattre. Et ceci n’est pas une quest
646 s divers, mais voilà six-cents ans qu’elle échoue dans tous ses efforts vers l’union. Les uns et les autres ont raison, en c
647 doctrines, c’est l’attitude fédéraliste : l’union dans la diversité. Il faut prendre au sérieux les deux termes ensemble. Te
648 ui leur a permis de dominer le monde, a sa source dans les tensions produites par nos diversités, — de religions, de races e
649 étiole : c’est ce qui s’est produit par deux fois dans la génération à laquelle j’appartiens, et l’Europe a risqué d’en péri
650 uit l’Europe matériellement. Vouloir nous unifier dans un cadre rigide détruit l’Europe spirituellement. Le combat sur deux
651 t sur deux fronts pour une Europe unie, mais unie dans ses diversités, — voilà la tâche de la culture et sa vocation prospec
652 de son dynamisme incomparable. Et cela se traduit dans le domaine de la recherche, par la double exigence de la liberté d’in
653 ail en équipe selon un plan commun, d’autre part. Dans le domaine de l’éducation civique, par la double exigence du développ
654 d’animation, d’échanges, et d’équilibre dynamique dans le progrès de l’humanité vers les libertés personnelles, — non vers l
655 énie propre de l’Europe, qui est celui de l’union dans la diversité, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l’on me dit que j’align
28 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
656 Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)aj ak Dans l’ouvrage si opportun que La Tribune de Genève vient de publier, M. J
657 i suivent contribuent à combler certaines lacunes dans le récit de M. Kimche, à jeter quelques lumières sur les circonstance
658 s, et surtout à replacer le lecteur d’aujourd’hui dans le climat de cette période angoissée, telle que j’ai pu la voir de pr
659 emande les 70 chefs de quartier nazis qui opèrent dans la Ville fédérale. Des camions sont alignés dans la cour pour cette é
660 dans la Ville fédérale. Des camions sont alignés dans la cour pour cette éventualité. Voici le plan de la ville, les maison
661 aris vient d’être bombardé pour la première fois. Dans le train qui nous ramène à Berne le lendemain matin, je dis à Spoerri
662 othard est le type même de la position imprenable dans la guerre actuelle. Il faudrait déclencher une action dans le pays, p
663 uerre actuelle. Il faudrait déclencher une action dans le pays, pour la résistance à tout prix, avec le Gothard comme symbol
664 uin 1940 À 11 heures, l’ordonnance fait irruption dans mon bureau. « Mon premier-lieutenant, on vient d’entendre à la radio
665 aire, nuit à son pays ! ») Je le relis rapidement dans l’escalier : il me paraît un peu sentimental, je me demande s’il est
666 me demande s’il est bien à la mesure du tragique dans lequel nous baignons… L’ai fait lire au lieutenant-colonel M. et aux
667 bien vous qui avez écrit l’article paru ce matin dans la Gazette  ? — Oui, mon colonel. — Avez-vous demandé l’autorisation
668 l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques de saboteurs contre nos
669 partout. Hier soir, des barrages ont été établis dans les rues de la ville. La troupe a arrêté des automobilistes munis de
670 urnaliste anglo-suisse Jon Kimche parue cet hiver dans nos colonnes et consacrée à certains aspects souterrains — ou simplem
671 otre histoire pendant le dernier conflit mondial. Dans cet ouvrage, Kimche avait signalé la formation durant l’été de 1940 d
29 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
672 Je vois ce pré et je sais qu’il peut y apparaître dans un instant des hommes qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus mon
673 s.)40 Le risque individuel prend sa place normale dans le risque collectif. Cet accord supprime la réflexion sentimentale su
674 maison du Gurten. Je prends la position. Il tient dans chaque main un petit paquet attaché par un ruban. — Ça, c’est du choc
675 ut ce que je vous demande, c’est de ne pas sortir dans les rues de Berne chaque soir avec une petite femme à chaque bras. —
676 usqu’à cinq heures du matin, avec les fondateurs, dans une petite salle de café enfumée par les cigares de l’infatigable Got
677 ’organisation de la Ligue est double. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion d’un groupe de jeunes capitaines instructeu
678 roupe de jeunes capitaines instructeurs. Publique dans le civil et devant l’opinion suisse, sous la responsabilité d’un dire
679 autour duquel tous les Confédérés peuvent s’unir dans leurs diversités… Nous n’avons qu’un seul but : maintenir la Suisse d
680 Nous n’avons qu’un seul but : maintenir la Suisse dans le présent et pour l’avenir. Nous ne vous promettons qu’un grand effo
681 hommes, et d’être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du pays. Dans chacun, nous avons acheté une page entière.
682 . Ce texte va paraître dans 74 journaux du pays. Dans chacun, nous avons acheté une page entière. (Formule de la publicité
683 t avec notre seul homme de liaison entre la Ligue dans l’armée et la Ligue civile : le sergent Lindt41. Une maison de Berne,
684 tacts discrets avec les représentants de la Ligue dans l’armée. La presse a publié le Manifeste. Elle en parle ! Beaucoup de
685 nd alors une démarche que je crois sans précédent dans l’histoire des conjurations politiques. Trois de ses membres, conduit
686 élégation. J’attends les résultats de la démarche dans un café proche du Palais fédéral. Les délégués m’y retrouvent après u
687 es. (Note de 1962 : nulle trace de cette démarche dans les archives fédérales. On devait s’y attendre. Et personne n’ébruita
688 après coup. Il y avait une sorte de pari insensé dans cette manière d’aller dire à un gouvernement : « Nous vous avertisson
30 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
689 Ligue, les « communautés de travail », esquissées dans divers cantons, n’auraient pas vu si tôt le jour. Nous savons qu’en r
690 visage de la nouvelle génération et nous marchons dans la seule voie possible. Nous savons que la Suisse est gravement menac
691 d ! Notre rêve devient vrai ! Profonde impression dans l’armée et dans la population. 1er août 1940 La section Armée et Foye
692 evient vrai ! Profonde impression dans l’armée et dans la population. 1er août 1940 La section Armée et Foyer publie le mess
693 1940 Réunion du Directoire de la Ligue à Zurich, dans une villa de l’Utliberg. Tandis que nous nous dirigeons vers un café,
694 ement : « Soyez prudent. Quatre chefs de la Ligue dans l’armée viennent d’être arrêtés, sur l’ordre du colonel Labhardt, com
695 ats-Unis ? Ici, je dois revenir un peu en arrière dans mes souvenirs. Dès le mois de mai, le « Secrétariat des Suisses à l’é
696 u sens que ce mot devait prendre un peu plus tard dans les pays occupés par Hitler. Je suis conscient du léger ridicule qu’a
697 up présentera cette comparaison, pourtant valable dans le détail des problèmes qui se posaient à la Ligue, assassinats et to
698 s d’août de 1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans la mesure précise où elle devenait, en tant que « résistance », inuti
699 er sévissait en Europe. Enfin, je pressentais que dans la lutte en cours, provisoirement perdue sur notre continent, l’éléme
700 neutre », de faire la guerre à ma façon, d’entrer dans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je me décidai donc à pa
701 guerre à ma façon, d’entrer dans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je me décidai donc à partir. Et, certes, les
702 er mon voyage. Mais le fait est qu’elles jouèrent dans le même sens. Le 20 août, à 7 heures du matin, je prenais la route de
703 oute de Lisbonne. J’avais acheté, avant de monter dans l’autobus, trois journaux du matin et de la veille : tous les trois c
704 sécutive à l’effondrement des Alliés en mai 1940. Dans le détail, c’est-à-dire dans le concret, les choses se sont passées d
705 Alliés en mai 1940. Dans le détail, c’est-à-dire dans le concret, les choses se sont passées différemment, sur plusieurs po
706 i il dut être un complot. Le général Guisan écrit dans son rapport que leur seule faute fut « d’agir en secret ». Mais s’ils
707 uivante : peut-on voir une « simple » coïncidence dans le fait que la Ligue civile et militaire prit le nom de ce Gothard qu
708 Réduit ? Je tenterai de répondre à cette question dans un prochain article. 42. On se rappelle, en Suisse, que le 25 juill
31 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
709 Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)aq ar La prévision est u
710 inage. L’imagination débridée court vers l’avenir dans le sens de nos désirs ou de nos craintes, selon notre tempérament. La
711 ant des bords par vent debout, essayons d’avancer dans l’inconnu que nous découvrirons en l’inventant, et qui peut-être nous
712 ventant, et qui peut-être nous transformera, mais dans la mesure où nous le formerons. Pour tenter d’estimer l’ordre de gran
713 la décolonisation presque achevée en Asie du Sud, dans le monde arabe et en Afrique ; bref, de la misère avec les colonies e
714 Afrique ; bref, de la misère avec les colonies et dans la désunion, à la richesse sans le tiers-monde et par l’union. Si l’o
715 e deviner l’histoire qui vient, mais de la faire. Dans cette seconde hypothèse, l’Europe de 1980 est redevenue à tous égards
716 plusieurs fois supérieure à tout ce qui se passe dans le reste du monde. L’Europe anime les échanges intercontinentaux, don
717 petits pays neufs s’efforçaient encore de copier dans les années 1950 à 1970. Le succès du fédéralisme européen les a fait
718 peu sont en mesure de se le payer en allant vivre dans les régions vertes aménagées en France, Allemagne, Autriche, et surto
719 icalement sur les rares terrains vagues conservés dans les faubourgs. La population est très dense dans les régions méridion
720 dans les faubourgs. La population est très dense dans les régions méridionales, la mobilité de l’industrie permettant au ph
721 r les îles — artificielles ou naturelles — sur et dans les rochers et les montagnes, loin des lieux du travail, réduit à cin
722 journées de six heures par semaine, en moyenne. ( Dans le secteur tertiaire, le week-end de deux jours et demi ou trois jour
723 certificats d’aptitude et par des tests d’entrée ( dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ensemble, les changements
724 tude et par des tests d’entrée (dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ensemble, les changements survenus entre 19
725 entrée (dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ensemble, les changements survenus entre 1962 et 1980 sont probable
726 ons choisir d’aller. aq. Rougemont Denis de, «  Dans vingt ans, une Europe neuve », Problèmes, Paris, novembre 1962, p. 9-
727 en Suisse, Denis de Rougemont, qui fit ses études dans diverses villes européennes, participa à Paris, en 1931, à la fondati
728 ’Amérique. Revenu en Europe en 1946, il s’engagea dans le mouvement pour une fédération européenne et il organisa, en 1949,
32 1962, Articles divers (1957-1962). La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
729 saims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans les clairières, ou s’égrènent le long de la berge d’un fleuve. L’Euro
730 s, nous nous posons enfin sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place de petite ville. Et voici que tout se r
731 ains : c’est cette vie de la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, caractéristiques de l’Europe. (La
732 position notamment, se manifestent par la presse, dans l’ère moderne de l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroiteme
733 le d’abord, s’écrit bien souvent et se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se réunissent les réfugiés huguenots qui cr
734 éeront les fameuses gazettes françaises diffusées dans l’Europe entière, en dépit des censures de l’absolutisme, et qui prép
735 le des Lumières et la Révolution française. C’est dans les tavernes anglaises que se lisent à haute voix les éditoriaux du j
736 Defoe rédige seul de 1704 à 1713. Et c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition
737 vogue. La mairie, symbole de la commune, qui est dans le cadre concret du civisme, a survécu tant bien que mal, à plus d’un
738 ments de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui es
739 nes, des régions défavorisées du territoire. Même dans les nations les plus centralisées, comme la France, le mouvement de r