1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 meilleurs esprits, il me paraît vital d’admettre en toute franchise l’existence historique et spirituelle de deux expérie
2 ouligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre en valeur ce qui nous est commun ; qu’on risque ainsi de nourrir les pré
3 ’Inde par les conquérants aryens, ait son origine en Europe, où Platon l’idéalisa, tandis que César devait en retrouver de
4 pe, où Platon l’idéalisa, tandis que César devait en retrouver des traces en Gaule. Cette identité primitive, peut-être, c
5 , tandis que César devait en retrouver des traces en Gaule. Cette identité primitive, peut-être, cette parenté certaine au
6 ieures. À l’Est, l’Inde codifie les castes ; elle en ajoute même une3, multiplie les sous-castes, et fait durer le système
7 u, au Moyen Âge, c’est Maître Eckhart, de même qu’ en Inde c’est d’abord le Bouddha, puis tel guru jusqu’à nos jours, c’est
8 e aux yeux du voyageur le moins prévenu. Atténuée en Europe par toutes les subsistances monumentales et religieuses du Moy
9 onte pas au-delà d’une post-Renaissance importée. En Inde, on ne voit partout que pèlerinages, sanctuaires, lieux et quart
10 rbres, fleuves, animaux sacrés ; hommes et femmes en prière accroupis sur leur seuil ; au bord des rues et des chemins, ou
11 ebout devant l’idole4. Et une misère universelle. En Europe, dans un paysage où les clochers d’églises dominent encore gén
12 bourgs industriels et les décors de la technique. En Amérique : pas un seul lieu sacré en dehors des églises en faux gothi
13 ue : pas un seul lieu sacré en dehors des églises en faux gothique luxueux, dominées de très haut par les gratte-ciel ; pa
14 t les données apparemment physiques se transmuent en symboles, et il termine par une invitation à entreprendre le voyage m
15 i le soleil se lève à l’Orient pour les Grecs, il en va de même pour les Hindous, et ceux-ci ne figurent pas pour autant l
16 les corps à tous risques pour l’âme et l’esprit, en a tiré le principe d’une possible grandeur et d’une vérité difficile,
17 d9 demandait à un yogi : « N’avez-vous pas tenté, en Inde aussi, de calculer la quadrature du cercle ? » Le yogi répondit 
18 ature du cercle est la transformation de l’esprit en matière, ou encore la matérialisation de l’esprit. Tandis que le pass
19 atière à l’esprit. La première opération signifie en termes humains l’Incarnation (la naissance), et la seconde l’Excarnat
20 t). » Je voudrais à mon tour illustrer cette idée en l’exposant sous trois aspects variés. Christ et le Bouddha. — Le Fil
21 auvre, assume les pires souffrances et finalement en meurt, afin de parler aux hommes dans leur langage, dans les termes d
22 ’Esprit. L’Occidental, tournant le dos au soleil, en lequel il croit sans le voir, décide d’imiter Dieu le Créateur en œuv
23 it sans le voir, décide d’imiter Dieu le Créateur en œuvrant dans Sa création : voie de l’obéissance active dans l’ombre d
24 ental, c’est l’ex-carnation trop facile. (On perd en chemin le monde créé, sa raison d’être, la connaissance et la maîtris
25 au contraire, il s’agit de connaître Dieu non pas en écartant le monde manifesté, ou bien en se contentant à son sujet d’i
26 u non pas en écartant le monde manifesté, ou bien en se contentant à son sujet d’intuitions directes et vagues (sur la nat
27 efficace, afin de mieux pénétrer la Création et d’ en maîtriser le principe. « D’autant plus nous connaissons les choses pa
28 traditionaliste, il paraît difficile de le mettre en doute10 : tous les auteurs qui traitent de mon sujet s’accordent au m
29 dont j’essaierai maintenant d’indiquer la nature en rapportant l’observation suivante, faite en Inde. « Trop de monde par
30 ature en rapportant l’observation suivante, faite en Inde. « Trop de monde partout ! Trois domestiques pour ma simple cham
31 ques minuscules. La chaussée envahie par la foule en tous sens qui entrave en permanence le passage des voitures. Les trot
32 . Regards luisants dans la pénombre. Corps tassés en prière, dans les recoins. Silence et dignité profonde. Un groupe d’ho
33 n, errant dans les campagnes, ou longuement assis en tailleur dans leurs niches… Point de culte public en Inde, de liturgi
34 tailleur dans leurs niches… Point de culte public en Inde, de liturgie, d’église organisée. L’Hindou grégaire n’est seul q
35 ffre ce mot : le corps magique, et il le commente en ces termes11 : « Âme corporisée, ou corps spiritualisé, sans Moi, ou
36 tence que rien au monde ne semble moins le mettre en danger ou le compromettre que le mystificateur ou le plagiaire. Le fa
37 e, démon, symbole, dieu ou saint, tout communique en la magie, tout se transmue sans nul obstacle, sans mesure, sans limit
38 st en forme de Boule, infinie et tout-englobante. En Occident, le moi et le non-moi, le oui et le non, le bien et le mal,
39 le destin, la personne même et son individu sont en contradiction, tension ou dissension, et ne cessent de refaire le sig
40 de la Croix. Je disais que la voie de l’individu en Inde, comme celle du mystique médiéval, ne peut être que fuite en l’A
41 elle du mystique médiéval, ne peut être que fuite en l’Absolu. Ainsi le moi devient conscient et se détache, échappe au co
42 e, s’isole enfin, mais c’est pour mieux se perdre en son accomplissement, puisque le moi est voie, et que la voie consiste
43 ons à la déclaration de Ramakrishna que je citais en tête de ce chapitre : « Il n’y a aucune différence, que vous l’appeli
44 où la différence est tenue pour essentielle, car en elle seule se fonde la personne véritable, qui assume l’individu mais
45 e au prochain. Et du même coup paraît la société, en lieu et place du corps magique. Yin yang Dans le symbole cent
46 dent. Qui voudrait nier, par exemple, qu’il y ait en Occident de grands spirituels, ou de grands physiciens en Orient ? Ma
47 ent de grands spirituels, ou de grands physiciens en Orient ? Mais personne n’a l’idée de parler de l’Orient scientifique,
48 doctrinaux dont on vient de rappeler la richesse en contradictions apparentes. Nos mystiques ne font pas nos mœurs, en Oc
49 apparentes. Nos mystiques ne font pas nos mœurs, en Occident. Ils se fondent sur la négation de nos croyances communes, e
50 s n’ont vraiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’est pas la foul
51 résultantes majeures dont je parlais plus haut. J’ en donnerai deux exemples précis. Je trouve le premier dans Kassner, au
52 oire d’Hérodote traite d’un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il avait fait pour Xerxès et son armée, pour l’
53 ait mettre à mort ce seul fils et couper le corps en deux moitiés dans le sens de la longueur. Et entre ces deux moitiés s
54 trouveront les quatre frères et le père du coupé en deux. Ce qui manque ici, c’est l’idée grecque de mesure et, en liaiso
55 ui manque ici, c’est l’idée grecque de mesure et, en liaison avec elle, l’idée de liberté. Seule l’idée de la mesure de l’
56 surtout du cas qu’il fait de la vie même. Lorsqu’ en 1194, le comte de Champagne, dans son voyage d’Arménie, toucha le ter
57 tes tours : deux guetteurs vêtus de blanc étaient en faction sur chacune d’elles. Le grand maître voulut faire voir au com
58 oute la garde des créneaux ; l’autre le pria de n’ en rien faire, tout en confessant qu’il ne saurait attendre de ses vassa
59 éneaux ; l’autre le pria de n’en rien faire, tout en confessant qu’il ne saurait attendre de ses vassaux une telle docilit
60 ampagne : il se verra mené à un point où éclatera en lui le plus sincère, le plus violent des refus. Les formes fondamenta
61 Cette horreur saisira toujours celui qui respecte en l’homme un noyau de liberté auquel il n’est pas permis de porter atte
62 s de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provient, ne peut naître que du libre arbitre, sous peine de devenir
63 and ce noyau est lésé, des tourbillons de néant s’ en dégagent. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’est pas moin
64 aux yeux de l’ignorance. Qu’on découpe la victime en tranches ou qu’on l’épargne, elle ne sera pas sauvée de la nécessité
65 yr qui revient, portant sa tête sous le bras ! Qu’ en est-il de notre Occident ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue val
66 lue valeur de la personne dans chaque individu, n’ en a pas moins connu les tortures, les bûchers, la guillotine et les mas
67 ifférences. Et mon propos n’est pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparaisons tournant à l’avanta
68 de générale des auteurs modernes qui se réclament en Occident de la « pensée traditionnelle ». Ces utopistes à rebours pro
69 essus d’intégration sociale. 4. Il y a peut-être en Inde autant d’idoles que d’habitants, si l’on songe que le nombre des
70 raisons qui justifient le procédé. L’Inde a joué en Asie un rôle très comparable à celui de l’Europe en Occident. C’est d
71 Asie un rôle très comparable à celui de l’Europe en Occident. C’est de l’hindouisme qu’est issu le bouddhisme, pour recou
72 me qu’est issue la Réforme, pour essaimer ensuite en Amérique du Nord. À la confrontation de l’Europe et de l’Inde qui gar
73 ische Knoten. 13. Quitte à la rendre inoffensive en la gorgeant du sang impur d’un domestique hors-caste, qui se couche l
74 le de l’homme , qui sera publié chez Albin Michel en février 1957.
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
75 réalité de notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous les doutes possibles, les
76 é de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous les doutes possibles, les Français et les Grecs,
77 à cela quelque raison. Tout bien considéré, je n’ en trouve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture qui é
78 ons depuis des siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas de différences bien notables (dans le domaine de leur spé
79 urope et le Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait d’insurmontables entre les Britanniques et les Français, entre
80 trastes entre Suédois et Grecs, par exemple, il n’ en reste pas moins qu’un Suédois lisant Kazantzaki, un Grec lisant Selma
81 e. Conclusion : il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’un
82 rlementaire connu sous le nom de filibuster. Je n’ en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux pendant que j’écris1
83 ance au Pacte du Grütli, conclu par trois cantons en 1291. Cette alliance excluait à peu près les neuf dixièmes de la Suis
84 ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu
85 ies s’affrontent inutilement je le crains, car il en va d’une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près
86 nier l’existence d’une vraie culture européenne, en arguant non seulement de ce qu’une pareille culture est difficile à d
87 u ? dit l’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des E
88 st tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou 27 États-nations, dont on attend encore qu’ils définissent la s
89 ations, qui ont au plus le pouvoir de les freiner en paralysant les échanges. Quant au plan politique on a vu récemment ce
90 nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule en mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en sacrifier
91 de sauver le concret de nos vies nationales, et n’ en sacrifierait que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu de tout
92 ce qu’il y a de créateur dans cette communauté. J’ en conclus que la forme politique que devrait revêtir une union authenti
93 ne se mélangent indiscernablement, mais demeurent en tension — autonomes et reliées. Cet équilibre dynamique, toujours ris
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
94 Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)d e Je crains que M. Berl ne mob
95 faut sauver. d. Rougemont Denis de, « [Lettre en réponse à Emmanuel Berl] », La Table ronde, Paris, mai 1957. e. Intr
96 . Introduit par la note suivante de l’éditeur : «  En réponse au post-scriptum d’Emmanuel Berl, que nous lui avons fait par
97 néralement su où était, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, elle était neutre. Mais l’Europe ? était-elle pendant la b
98 ent su où était, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, elle était neutre. Mais l’Europe ? était-elle pendant la bataille
99 i elle apaise les nationalismes, non si elle leur en superpose un nouveau. Pourquoi donc accorderais-je au fédéralisme ce
100 e ? Il y avait une Europe de Romain Rolland. Il y en a une de Pierre Dominique, qui espère en elle pour répondre du tac au
101 nd. Il y en a une de Pierre Dominique, qui espère en elle pour répondre du tac au tac à Khrouchtchev et même à Dulles, et
102 s mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je m’ en excuse. »
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
103 et vire de bord, aux accents de la Marseillaise, en direction de 1848. (André Fontaine, Le Monde, au lendemain de la rév
104 et l’idée s’empressa d’émigrer aux États-Unis et en URSS. Les penseurs de l’Europe, à peu près unanimes, entrèrent en dis
105 seurs de l’Europe, à peu près unanimes, entrèrent en dissidence et se mirent à dénoncer sur tous les tons le monde moderne
106 Essayons de les interpréter. Tout ce qui compte en Europe, depuis un demi-siècle, dans les lettres, les arts et la philo
107 s conventions ; mais n’est-ce pas lui qui ouvrit, en 1919, le grand courant du pessimisme européen, par cette lettre fameu
108 at social, la Morale athéiste. Tout ce qui compte en Europe est donc antibourgeois, j’entends bien dans le domaine de l’ét
109 de l’éthique et de l’esprit. Mais rien ne compte en fait que par la bourgeoisie. C’est elle seule, par ses franges cultiv
110 délivré de la chaîne. Mais c’est le bourgeois qui en vient alors à craindre le règne inexorable des machines, et qui conço
111 l’Occident dépasse de loin la conscience qu’elles en ont, la connaissance qu’elles ont pu prendre du Capital ou de la Scie
112 ueraient à leur sujet. Marx et Freud ont beaucoup en commun, et, par-dessus tout, leur succès parmi ceux qu’ils ont « déma
113 ue tout. Il faudra plusieurs décennies pour qu’on en vienne à relativiser, en les expliquant l’une par l’autre, ces deux r
114 urs décennies pour qu’on en vienne à relativiser, en les expliquant l’une par l’autre, ces deux révélations « uniques » qu
115 propre domaine, et surtout débordé par le retour en force de réalités religieuses qu’il tenait pour autant d’illusions ;
116 e dialectique, devenue sans prises sur les faits, en est réduite à restaurer des dogmes à coups de mensonges. Si les ouvri
117 enti profondément dans toute l’Europe, mais aussi en Asie, et plus qu’on ne pense en URSS, n’aurait-il pas créé l’illusion
118 urope, mais aussi en Asie, et plus qu’on ne pense en URSS, n’aurait-il pas créé l’illusion romantique d’un renouveau de la
119 ement. Admettons que cela n’est pas tout. Mais qu’ en est-il de l’Occident ? Trois représentations vagues mais obsédantes
120 t le règne des robots. Mais l’examen des réalités en marche, loin de confirmer ces pronostics paralysants, dissipe les ill
121 antant les bienfaits de la cure, on se contente d’ en vérifier les résultats, on voit que le progrès est à l’Ouest, le serv
122 trinée, si elle a à choisir d’émigrer, choisirait en masse l’Amérique. Comme l’ont fait la plupart des ouvriers hongrois r
123 nt fait la plupart des ouvriers hongrois réfugiés en Autriche et libres de parler. Il n’en reste pas moins frappant de con
124 is réfugiés en Autriche et libres de parler. Il n’ en reste pas moins frappant de constater que l’avenir, aux yeux de ces H
125 trônée par deux guerres et ruinée par sa division en vingt-cinq États « souverains » — incapables d’ailleurs de prouver qu
126 st sa prochaine étape. Un Pouvoir fédéral devrait en résulter, car tout l’appelle et sa nécessité est inscrite dans les fa
127 eut garder seul ses colonies. Aucun ne peut vivre en autarcie économique, ni commercer comme il l’entend. Aucun donc n’est
128 ncera un purgatoire de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau
129 hèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en ferons, et non plus d’une courbe mythique, d’une Évolution bien tracé
130 dans les forêts. Qu’il y ait là quelque excès, j’ en conviens, mais c’est la Nature, et non l’homme, qui aurait ici le dro
131 rcier. Et qui ne l’a pas cité, quel journaliste ? En pensant à la Bombe, bien sûr. Mais la Bombe n’a jamais rien fait sans
132 mes mécaniques. Eux seuls se sont vus transformés en « compléments vivants d’un mécanisme mort », selon l’expression terri
133 de la conscience dont j’ai parlé. Le mal dénoncé en son temps par Karl Marx et Proudhon, que l’on n’écoutait pas, tenait
134 qui s’ouvre largement, et tous les problèmes qui en dépendent pour l’éducation des enfants, des adultes, et des technicie
135 : bel exercice pour une pensée régulatrice, que d’ en maîtriser les vertiges ! Je propose la clôture d’un demi-siècle de ru
136 gence un rôle nouveau : celui de créer la liberté en la cherchant, en acceptant d’envisager ses risques et de les courir d
137 veau : celui de créer la liberté en la cherchant, en acceptant d’envisager ses risques et de les courir d’abord en imagina
138 d’envisager ses risques et de les courir d’abord en imagination. Je propose une idée renouvelée du Progrès, au-delà de no
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
139 laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont, j’ en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’un jury pensait à me donner u
140 aite l’Amérique. Il suffit, dit-il, de se trouver en Amérique, pour savoir que l’Europe existe, ne serait-ce que dans l’es
141 vilisation européenne à travers son histoire et d’ en mesurer les effets. C’est ce que j’ai tenté dans mon livre et ma conc
142 te fin soit juste et, pour s’opposer à Nietzsche, en considérant que, par exemple, la puissance n’est pas une fin juste. L
143 de la personne humaine. Je m’attendais à trouver en Denis de Rougemont un de ces théoriciens et philosophes qui sourient
144 ntation scénique, nous satisfaisant de la version en oratorio qui a été tirée de cet opéra où Rougemont sut se montrer poè
145 oujours au roman, me confia Denis de Rougemont. J’ en ai jadis écrit un que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeur
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
146 l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur réduit à peu de chose toute tentative verbale pour exprimer
147 n’ira pas plus haut, peut-être ; mais qui serait en mesure d’exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’aujour
148 alentendu et toute chargée de tragédies latentes. En voici la formule la plus simple, je crois : la diffusion de nos valeu
149 pas co-extensive avec celle de nos produits et n’ en est pas non plus contemporaine ; elle reste loin derrière dans l’espa
150 tandis que les Amériques et l’Australie seraient en rouge vif, les franges sud-est de l’Europe en rose, et l’URSS en quad
151 ent en rouge vif, les franges sud-est de l’Europe en rose, et l’URSS en quadrillé rouge et blanc. Quant à l’Asie et à l’Af
152 es franges sud-est de l’Europe en rose, et l’URSS en quadrillé rouge et blanc. Quant à l’Asie et à l’Afrique, il faudrait
153 t générales et tantôt sélectives à l’excès, qu’on en vient à se demander ce que peut bien signifier, en fin de compte, l’o
154 struire et comment ils expriment et transportent, en fait, tout un monde de valeurs complètement étranger à nos croyances
155 aissaient pas. Ainsi chaque machine exportée est, en fait, un cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et retiré n
156 s caractéristiques de la civilisation occidentale en trois ordres : produits, principes de vie publique et valeurs. Produ
157 e siècle ? C’est qu’il se produisit à ce moment, en Europe, une conjonction sans précédent : celle de la science, s’établ
158 s des divinités monstrueuses ; il vaut la peine d’ en scruter les lois et il attend de l’homme d’être compris, révélé, voir
159 hilosophes présocratiques, mais c’est Socrate qui en illustra la haute portée morale ; la seconde fut définie par les prem
160 a civilisation occidentale et des coutumes arabes en Algérie nous en donne un exemple tragique. Il ne s’agit nullement ici
161 ccidentale et des coutumes arabes en Algérie nous en donne un exemple tragique. Il ne s’agit nullement ici de politique, e
162 accident de l’histoire que la France paraît seule en cause dans cette affaire, car en réalité le problème est mondial, il
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
163 tants qu’elle compte à l’ouest du rideau de fer — en attendant les 98 millions retenus à l’est dans l’orbite russe — la se
164 son pays, que ce soit d’une manière directe comme en Suisse, ou plus souvent par députés interposés ; mais il sait trop ra
165 cessibles au grand public, même s’ils sont édités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’être lus que par leurs étudi
166 problèmes économiques, et il faudrait y réfléchir en groupe, car ces problèmes sont trop complexes pour le plus génial des
167 tre européen de la culture a jugé utile de réunir en séminaire une vingtaine d’économistes, à la fois réputés et indépenda
168 si… les frontières économiques étaient supprimées en Europe ? Telle était la règle du jeu. Nous ne demandions pas comment
169 e dégage de leurs études, dont le plan fut arrêté en commun, la rédaction strictement individuelle, et la mise au point ré
170 s émissions de radio. Mais c’est leur publication en recueil qui leur donnera leur vraie valeur, chacune d’elles appuyant,
171 au moins autant de lucidité que les totalitaires en apportent à vouloir un monde inhumain. Au grand public, ces études do
172 ge contribuer à ranimer un peu de cette confiance en elle-même qui suffirait sans doute à la rendre capable d’exercer à no
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
173 nt retenu de leurs manuels que l’Europe se divise en autant de cultures qu’elle a de nations, celles-ci correspondant d’ai
174 peuples de l’Europe, puisque leurs nations mêmes en sont nées, non l’inverse. D’autre part, cette institution devra s’ef
175 qui s’opposent à l’union. On ne fera pas l’Europe en répétant qu’il est indispensable de s’unir : tout le monde le sait ;
176 ispensable de s’unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant des traités : personne n’y croit. (On attend de voir…) Et c
177 4620. Ils nouent des liens entre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus d’une vingtaine, pour la plupart liés à des u
178 liés à des universités, ou de rang universitaire. En 1948, le Congrès de l’Europe, à La Haye, décide la création d’un Cent
179 uropéen de la culture. Celui-ci se fonde à Genève en l950. Nous y reviendrons. En 1949, un Congrès européen de la culture
180 ci se fonde à Genève en l950. Nous y reviendrons. En 1949, un Congrès européen de la culture se réunit à Lausanne, et défi
181 oratoire européen de recherches nucléaires (fondé en 1953 sous le nom de CERN, à Genève.) Le Conseil de l’Europe, issu d’u
182 Association européenne des enseignants se fondent en 1955 et en 1956… La Journée européenne des écoles propose chaque anné
183 européenne des enseignants se fondent en 1955 et en 1956… La Journée européenne des écoles propose chaque année des sujet
184 ion européenne de la culture a été créée à Genève en 1954, et opère depuis cette année à Amsterdam. Enfin, la bibliographi
185 ions que je viens de citer (à l’exception du CERN en construction) équivaudrait à peine aux possibilités d’une des « petit
186 « petites » fondations qui existent par milliers en Amérique du Nord. Il serait temps que nos États prennent conscience d
187 carte : 4 % des terres du globe (et très pauvres en matières premières) ; 2° que la culture, en Europe, perdra sa vitalit
188 uvres en matières premières) ; 2° que la culture, en Europe, perdra sa vitalité si les États et les mécènes virtuels du co
189 le du CEC est de contribuer à l’union de l’Europe en ralliant les forces vives de la culture dans tous nos peuples, et en
190 ces vives de la culture dans tous nos peuples, et en leur offrant : un lieu de rencontre, des instruments de coordination,
191 ne de la culture ». Celle-ci se réunit à Lausanne en décembre 1949, et formula le programme du CEC L’institution fut inaug
192 ni à aucune instance gouvernementale. Constituée en association régie par la loi suisse, elle jouit de la personnalité ju
193 associations créées par le CEC et dont il assume en règle générale le secrétariat, gardent leur autonomie, tout en agissa
194 rale le secrétariat, gardent leur autonomie, tout en agissant dans le cadre d’un programme commun. Quelles sont donc les g
195 rès de compositeurs et critiques musicaux à Rome, en 1953, le Prix européen de littérature, et l’initiative de la création
196 an mondial, si elle unit ses forces pendant qu’il en est temps. Le Centre a donc suscité dans plusieurs de nos pays des e
197 donnée, soit sur des foyers de culture populaire en milieu rural ou urbain. Il leur fournit des moyens audiovisuels d’ens
198 yens d’information européenne. Ceux-ci consistent en publications, films et conférences. Le Bulletin du CEC édite chaque
199 sujets d’intérêt européen, et largement diffusés en plusieurs langues. Des plans de causerie , établis en tenant compte
200 usieurs langues. Des plans de causerie , établis en tenant compte des milieux populaires ou des groupes militants auxquel
201 série, de films documentaires sur l’Europe est en cours de réalisation. Enfin, l’information de la presse est assurée p
202 vegardant l’autonomie des trois institutions tout en assurant leur plus étroite coopération. ⁂ Perspectives Contrair
203 n vue de certaines actions communes, et de mettre en pool celles de leurs activités ou de leurs ressources — mais celles-l
204 sent encore de colonialisme, mais la maintiennent en fait sous la pression constante de leur expansion économique ou idéol
205 onc ouverte à l’avenir. 19. On parle 6 langues en France, 4 en Suisse, 2 en Belgique, tandis que l’allemand est parlé d
206 l’avenir. 19. On parle 6 langues en France, 4 en Suisse, 2 en Belgique, tandis que l’allemand est parlé dans 6 nations
207 19. On parle 6 langues en France, 4 en Suisse, 2 en Belgique, tandis que l’allemand est parlé dans 6 nations, le français
208 des instituts d’études européennes (AIEE) publié en novembre 1957 par le Centre européen de la culture. 21. À cet égard,
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
209 instein et Freud (avril 1958)l Cela se passait en 1932, sur le seuil de ce quart de siècle qui allait voir l’ascension
210 ne à poser des questions, dans un domaine où il n’ en sait guère plus que le citoyen raisonnable et moyen. L’autre répond d
211 mment supprimer « le besoin de haine » dégénérant en « psychose collective » ? C’est écrit de Potsdam et sous l’œil des ba
212 il des barbares. Freud répond de sa Vienne natale en sursis — elle n’en aura plus pour longtemps — et le pacifisme d’Einst
213 eud répond de sa Vienne natale en sursis — elle n’ en aura plus pour longtemps — et le pacifisme d’Einstein se voit soumis
214 r Einstein, Freud les déconte­nance avec maîtrise en invoquant l’Éros vital et l’instinct de mort, également essentiels à
215 , d’où sortirait la guerre… Mais ce qui « règne » en Occident, il y a beau temps que ce n’est plus une classe ! Les décisi
216 édait facilement aux clichés quand il s’exprimait en public. Dans son rôle de critique des clichés « pacifistes » Freud, a
217 eud, au contraire, paraît plus actuel que jamais. En réduisant l’opposition classique de la Force et du Droit à celle de d
218 lence née de l’union de ses victimes. Mais, comme en fait il n’y avait pas d’union, cela revenait à opposer aux chars d’Hi
219 central soit obéi… Or, prenez garde : nous sommes en 1932. Einstein déplore que le super-État qu’il rêve soit dépourvu d’u
220 , dont l’un voit bien l’avenir, mais ignore qu’il en parle au seul homme qui en détienne le secret sans le savoir ! Rêvon
221 nir, mais ignore qu’il en parle au seul homme qui en détienne le secret sans le savoir ! Rêvons là-dessus. Einstein n’a p
222 comme si le calcul profond du daimôn qui habitait en lui, déjouant les conclusions sincères de sa raison, l’avait inconsci
223 nt de guerre, qui rendrait la guerre impossible ? En fait, la situation s’est renversée. Ce n’est pas un super-État qui at
224 nre humain ? Devrons-nous aller dans la Lune pour en éprouver le saisissement, ou plus loin, dans le noir absolu des espac
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
225 ux petits peuples des Waldstätten, déjà organisés en coopératives forestières, l’immédiateté impériale ; et cela dès 1231,
226 l fallait empêcher de dominer la route figuraient en bonne place les Habsbourg, possesseurs d’une série de châteaux au nor
227 eur faire violence, de les inquiéter ou molester, en leurs personnes et en leurs biens ». Et ce pacte devait « s’il plaît
228 les inquiéter ou molester, en leurs personnes et en leurs biens ». Et ce pacte devait « s’il plaît à Dieu, durer à perpét
229 , compagnons du serment). Le Directoire français, en 1798, tenta d’imposer une Constitution unitaire aux cantons. Cette ex
230 r la vaincre, ne peut pas être d’un homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’une « organisation fé
231 cantons. Au lendemain de la chute de l’empereur, en 1815, un nouveau Pacte fédéral consacra le retour à l’état de choses
232 faible garantie pour l’indépendance des cantons, en un siècle qui allait voir surgir deux nouvelles grandes puissances un
233 -trois ans. Elle ne fut résolue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain d’une guerre civile qui en fit éclater à tous l
234 en 1848, qu’au lendemain d’une guerre civile qui en fit éclater à tous les yeux la gravité littéralement mortelle. Crise
235 s de leur politique économique. On comptait alors en Suisse 11 mesures de pieds, 60 espèces d’armes, 87 mesures de grain,
236 erreurs que nous avons vu commettre de nos jours en Europe ont eu leurs précédents sous la Restauration22. » Nous verrons
237 n à un autre ou d’une commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux frontières extérieures » relève encore W. Mar
238 mpte, par les États souverains ? (Elle avait bien en propre une « caisse de guerre », et le droit de nommer le Général en
239 sse de guerre », et le droit de nommer le Général en chef, son état-major, et quelques fonctionnaires, mais elle n’en dépe
240 at-major, et quelques fonctionnaires, mais elle n’ en dépendait pas moins du bon plaisir des cantons, dans ce domaine.) Cep
241 ns en vue de hâter l’avènement d’une Suisse unie. En 1832, la Diète admit, sous la pression des cantons « régénérés », le
242 de Genève, Pellegrino Rossi24. Il vaut la peine d’ en citer quelques passages, qui évoquent irrésistiblement des situations
243 d’abord que la faiblesse du lien fédéral institué en Suisse par le Pacte de 1815 créait « une illusion plus dangereuse que
244 nt » par la fausse sécurité qu’elle inspirait. Il en résultait que les puissances voisines pouvaient « embrasser dans leur
245 onserver un pareil état de choses… Rien ne milite en sa faveur, pas même la raison, d’ailleurs bien faible, de l’économie…
246 bien faible, de l’économie… » Et Rossi concluait en montrant les progrès « mémorables » réalisés par l’idée fédérale dans
247 ne patrie ne nous est point étrangère… Et quoi qu’ en disent les détracteurs des temps modernes, c’est une des gloires de c
248 nistratifs et militaires, devait être transformée en un État moderne de forme fédérative. L’éloquence de Rossi ne parvint
249 s le jugèrent révolutionnaire. La Diète l’enterra en 1833, après l’avoir plusieurs fois renvoyé à des commissions. Trois c
250 grand savant A.-P. de Candolle) pouvait s’écrier en 1832 au Parlement de Genève : « Que veulent les partisans du nouveau
251 daigne et du roi de Prusse. La France lui fournit en secret des canons et des fusils. Lorsque les cantons libéraux décrétè
252 rétèrent le bannissement de l’ordre des jésuites, en 1847, la guerre civile éclata. Les libéraux (ou « radicaux ») détenai
253 disposaient de contingents militaires supérieurs en nombre et en armement. Mais ils savaient que les grandes puissances v
254 de contingents militaires supérieurs en nombre et en armement. Mais ils savaient que les grandes puissances voisines se te
255 ne fut menée avec décision, rapidité et humanité. En 26 jours, les cantons catholiques, battus séparément, étaient amenés
256 ent, malgré elles, les Puissances, pour accomplir en quelques mois la transformation de leur séculaire Ligue d’États en un
257 la transformation de leur séculaire Ligue d’États en un État fédératif durable et fort. La commission de révision, nommée
258 traire de ce qui s’est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de 31 séances plénières, ils élaborèrent un p
259 été transmis préalablement aux cantons, la Diète en aborda l’examen. Une première lecture, un renvoi de quelques articles
260 , une seconde lecture et le vote final ne prirent en tout que six semaines. Le 27 juin, le projet était accepté par les de
261 solution de sagesse, voici ce compromis qui tient en trois articles : Article 1. Les peuples des vingt-deux cantons souve
262 qu’enfin elle prévoit une procédure de révision «  en tout temps » par initiative populaire ou parlementaire — on aura rapp
263 (de tendance un peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’en ont changé depuis plus d’un siècle ni l’esprit ni le carac
264 ce un peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’ en ont changé depuis plus d’un siècle ni l’esprit ni le caractère spécif
265 histoire suisse appelle quelques commentaires qui en dégageront l’originalité. La rapidité qui présida à la rédaction du p
266 plus remarquable que ce processus-éclair (9 mois en tout !) succédait à une longue période de crise et à des siècles de r
267 la stabilité du futur État. Plus révolutionnaire en fait que les chartes revendiquées ailleurs par le mouvement de 1848,
268  »26. De même, la guerre du Sonderbund a produit, en créant la Suisse, le seul résultat durable que l’on puisse attribuer
269 s encore, ceux qui s’intitulent « fédéralistes », en Suisse, sont les adversaires de toute extension du pouvoir central, t
270 à devenir unification forcée. Cette dialectique, en Suisse, n’est pas abstraite : elle exprime la vie même de la Confédér
271 , jusqu’au xixe siècle. Nous ne pouvons songer à en donner ici même un aperçu : la Suisse compte 25 cantons ! Les meilleu
272 s curieuse figure de Rossi : « Né à Carrare, venu en Suisse comme réfugié politique au début de la Restauration, il fut le
273 ssiné, chef du gouvernement pontifical de Pie IX, en 1848 ». (L’année même où ses idées triomphèrent enfin dans l’une de s
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
274 arque loue Alexandre d’avoir voulu « réunir comme en un seul grand vase tous les peuples du monde entier » et d’avoir « or
275 entative d’associer les nations de toute la terre en un seul corps. 2. C’est l’Europe qui a donné naissance à la seule civ
276 ait, s’il a cru qu’il régnait sur le monde : il n’ en connaissait qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’une illu
277 s échanges mondiaux. Car c’est elle qui les a mis en branle dès l’époque des grandes découvertes, en balisant les voies du
278 s en branle dès l’époque des grandes découvertes, en balisant les voies du commerce maritime. C’est elle qui a su trouver
279 n colonialisme honni fut aussi la première « mise en valeur » des possibilités complémentaires qu’offrent aux hommes les v
280 ’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’ en dicte pas moins une politique mondiale. À la veille de la guerre de 1
281 r laboratoire. « Tout est venu à l’Europe et tout en est venu. Ou presque tout », dit Valéry. Mais je ne vois rien, ou pre
282 matique, les fouilles, les enquêtes sociologiques en 7 volumes sur les indigènes des îles Trobriand, les films et les micr
283 toutes les autres parties de la Terre sont mises en communication, bon gré mal gré, pour la première fois dans l’Histoire
284 animatrice d’une circulation planétaire. Qui peut en dire autant dans notre siècle ? Les uns m’en paraissent incapables, e
285 peut en dire autant dans notre siècle ? Les uns m’ en paraissent incapables, et d’autres n’en ont le même besoin vital. Éca
286 Les uns m’en paraissent incapables, et d’autres n’ en ont le même besoin vital. Écartons pour longtemps l’Afrique noire, le
287 its de son école du soir industrielle. L’URSS vit en autarcie, grâce à des conditions qui rappellent l’esclavage à l’intér
288 seule périrait, sans discussion possible, si elle en était réduite à vivre sur elle-même. L’Europe seule ne peut plus se p
289 nt leur ambition de l’exercer à leur tour, mais n’ en montrant pas les moyens. L’Europe dans son ensemble se voit donc appe
290 es voit différents, comme ils se voient eux-mêmes en restant nez à nez. Les Américains les confondent ; et quant aux Asiat
291 ent de nos variétés infinies et de leur équilibre en tension. L’impossible solitude À ces nécessités externes et glob
292 eut prétendre à subsister par ses propres moyens, en Europe même. Le Message aux Européens , que je lus en clôture du con
293 rope même. Le Message aux Européens , que je lus en clôture du congrès de La Haye, le 12 mai 1948, commence ainsi : L’Eu
294 que et jacobin, répugnent à concevoir l’équilibre en tension de réalités valables mais contradictoires comme l’union et l’
295 vers l’uniformité dont les victoires s’appellent en politique l’État totalitaire, en art l’ennui, en biologie la mort. C’
296 ires s’appellent en politique l’État totalitaire, en art l’ennui, en biologie la mort. C’est assez dire que l’union fédéra
297 en politique l’État totalitaire, en art l’ennui, en biologie la mort. C’est assez dire que l’union fédérale, seule confor
298 tion mondiale des échanges, ne saurait se définir en termes jacobins de nation, de supernation, d’autarcie, ou d’hégémonie
299 fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’une zone de libre-échange. L’object
300 uloir ou escompter l’échec des Six serait adopter en fait la politique du Kremlin, très alertée sur le « danger » de l’Eur
301 lement intéressés à devenir ces Dix-Sept que tout en eux appelle et qui, à leur tour, pourront appeler les Six de l’Est :
302 « langues », selon les textes) se verront réunis en une famille, ils sauront bien, c’est dans leur sang, que l’Europe ent
303 airement d’une décadence. Cette erreur s’explique en partie par le fait que les auteurs que je viens de citer se référaien
304 diffusées de nos jours sur toute la terre ? Il s’ en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffiné
305 nnus. Les candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération, ou simplement
306 otre civilisation ? Les USA ? Ils s’européanisent en profondeur, plus rapidement que l’Europe ne s’américanise par quelque
307 e, nation par nation, faute d’avoir su se fédérer en temps utile, qu’y perdrait le monde ? Et je donne dès maintenant ma r
308 rsonnelle, présumant que plus d’un l’approuvera : en perdant notre Europe vivante, le monde perdrait aussi les secrets et
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
309 Première Guerre mondiale déclenchée par l’Europe, en 1919, Paul Valéry écrivait cette phrase célèbre : Nous autres civili
310 omment expliquer son succès ? Au seuil de l’œuvre en prose d’un de nos grands poètes, cette phrase résume et condense en q
311 os grands poètes, cette phrase résume et condense en quelques mots une assez longue tradition de pessimisme européen. Dès
312 quait l’aboutissement suprême de l’Histoire. Mais en appliquant sa dialectique aux civilisations, on en venait à penser qu
313 n appliquant sa dialectique aux civilisations, on en venait à penser que chacune d’elles devait fatalement décliner et mou
314 ologiquement à un individu, animal ou végétal. Il en résulte inexorablement que toute culture est mortelle, et nous rejoig
315 ures prévues par Burckhardt et Sorel s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne. Les nationalismes et l
316 s par Burckhardt et Sorel s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne. Les nationalismes et les racismes
317 ardt et Sorel s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne. Les nationalismes et les racismes, dénoncés d
318 s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne. Les nationalismes et les racismes, dénoncés d’avance par N
319 ale. Déjà le communisme lui dispute non seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’une partie de sa propre jeunesse,
320 e communisme lui dispute non seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôle d
321 souvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en a héritées, la civilisation européenne s’est trouvée fondée sur une c
322 décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’ en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent
323 tus se conditionnent et s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, déb
324 e sens critique devrait nécessairement s’aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos divers
325 même de la coexistence de nos diverses origines, en perpétuelle session contradictoire. Nous pouvons donc expliquer par d
326 énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valo
327 e au monde, de méditation et d’action, ou traduit en langage moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Ici encore
328 e droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acha
329 ette relation, dans le cas de l’Orient, soit pour en prendre mieux conscience, dans notre cas. Le troisième caractère orig
330 cept plus difficile à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Europ
331 en théorie, et il n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de toute classe, de toute
332 les hommes de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre ci
333 un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pas seulemen
334 s, drames et tensions qui devaient nécessairement en résulter et qui nous condamnaient à la recherche, à l’invention, au d
335 onde, a poussé les sciences et les techniques qui en dérivent jusqu’au point où elles permettent non seulement à l’homme d
336 ’archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théât
337 toutes les créations que je viens d’énumérer sont en expansion vers le monde, appellent le monde, s’en nourrissent, et tou
338 en expansion vers le monde, appellent le monde, s’ en nourrissent, et toutes préparent son unité après avoir exploré ses va
339 beaucoup de nos secrets de puissance matérielle — en un mot, le monde reçoit nos produits. Mais il ne reçoit pas les valeu
340 its, et qui seules permettraient de les maintenir en composition. Le monde choisit tel de nos produits les plus douteux —
341 eux tous que je ne le crois nullement, et je vais en donner trois raisons principales. Première raison : la civilisation e
342 nous savons aussi que toutes les villes nouvelles en Asie et en Afrique imitent nos villes modernes, leurs procédés de con
343 aussi que toutes les villes nouvelles en Asie et en Afrique imitent nos villes modernes, leurs procédés de construction,
344 dès l’origine : j’entends la croyance chrétienne en la valeur égale de tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation,
345 ar vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ »), cette conception devait (seule) permettre à ceux qu’
346 rait et faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’extinction. Valéry nous disait que « les circonstances qui env
347 strées sur bandes et sur microsillons, elles sont en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Lascau
348 diffusées de nos jours sur toute la Terre ? II s’ en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffiné
349 à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n’ en saurait rien. » Et il proposait de corriger comme suit le passage que
350 euri une civilisation déterminée. Et les autres n’ en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’une civilisatio
351 nnus. Les candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement l
352 le père était devenu protestant, et qui écrivait en Angleterre pour le New York Herald Tribune ! Le marxisme est né en Eu
353 r le New York Herald Tribune ! Le marxisme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre la thé
354 rlait Lénine, elle symbolise l’industrialisation. En électrifiant la Russie, le communisme a renouvelé l’entreprise de Pie
355 a Technique et tout ce qu’elle entraîne de proche en proche dans les mœurs et les modes de penser d’une nation. Le fameux
356 es modes de penser d’une nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n’a guère été jusqu’ici qu’un bond vers l’
357 prévisible du péril rouge, déguisé par les Russes en coexistence pacifique — nom qui aurait fait frémir Lénine ! — on repa
358 nine ! — on reparle aujourd’hui d’un péril jaune, en attendant le péril noir. Je n’y crois guère. Notre éclipse n’est rien
359 ation européenne, devenue mondiale, n’est menacée en fait que par les maladies qu’elle a produites et propagées elle-même.
360 s, c’est au foyer de sa vitalité créatrice, c’est en Europe, que ce péril doit être conjuré. Car ce qui nous menace de l’e
361 nationalisme et la superstition matérialiste. Il en va du nationalisme comme de notre rhume de cerveau, qui devient morte
362 t de la culture au xxe siècle, le nationalisme n’ en poursuit pas moins ses ravages dans l’esprit des Européens comme dans
363 ns qui les créent, auraient tôt fait de se mettre en grève, de débrayer, et de nous livrer sans défense aux fanatiques du
364 tre ces maladies. L’Europe a secrété Hitler, mais en douze ans, elle l’a éliminé, et je crois qu’elle s’en trouve immunisé
365 ouze ans, elle l’a éliminé, et je crois qu’elle s’ en trouve immunisée pour très longtemps contre la tentation totalitaire,
366 alitaire, qui est l’essence du nationalisme. Il n’ en va pas de même sur d’autres continents. Quant à nous : nos sages nous
367 st venu, nous l’avons vu, et nous l’avons vaincu, en peu de temps, au prix de millions de morts, il est vrai… Et maintenan
368 iquement se produire. Or ce n’est pas chez nous, en Europe, mais en Chine, que cette prédiction se réalise. Voici ce qu’é
369 uire. Or ce n’est pas chez nous, en Europe, mais en Chine, que cette prédiction se réalise. Voici ce qu’écrit le quotidie
370 e compagnie et de brigades, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèrent d’un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus
371 groupes de deux ou trois paysans qui fument tout en cheminant lentement vers les champs. On entend des pas cadencés et de
372 matérialiste du nationalisme, n’a jamais atteint en Europe de tels excès. Certes elle est née chez nous, et c’était bien
373 ez nous, et c’était bien chez nous que Burckhardt en avait pressenti les périls. Mais nous n’y avons pas succombé, nous l’
374 , nous l’avons refusée sous sa forme hitlérienne, en un mot, l’organisme européen a réagi avec succès. Notre tâche en Euro
375 ganisme européen a réagi avec succès. Notre tâche en Europe, aujourd’hui, est de créer les anticorps qui permettront au ge
376 cience elle-même s’endort, et la technique tourne en routine, et toutes nos libertés morales et civiques s’enlisent dans l
377 faut faire le monde. Et parce que l’Europe seule, en faisant le monde, accomplira sa propre vocation. o. Rougemont Den
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
378 n chrétienne est aussi une force historique, liée en fait et depuis plus d’un millénaire aux destins de l’Europe et de l’O
379 confessions dans les pays de l’Europe de l’Est et en Russie (on compterait, aux dernières nouvelles, sur 208 millions de R
380 e l’Occident est une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le christianisme, non de gagner le mon
381 bre et réelle, et qui eut tôt fait de transformer en divisions les diversités spirituelles. Tant et si bien qu’au point où
382 spirituelles. Tant et si bien qu’au point où nous en sommes, il nous faut constater qu’en fait et avant tout, ce qui s’opp
383 oint où nous en sommes, il nous faut constater qu’ en fait et avant tout, ce qui s’oppose à la grande réunion, c’est parado
384 diverses, dont nulle instance humaine n’est juge en dernier ressort. Chaque Église a son Ange, selon l’Apocalypse, et c’e
385 t ici sans nulle autorité, ignorant même si c’est en mon seul nom ou peut-être au nom de plusieurs, je ne puis en appeler
386 nom ou peut-être au nom de plusieurs, je ne puis en appeler qu’à l’union des chrétiens comme étant l’unique voie qui me p
387 aire me paraît utopique, et sa poursuite n’évoque en moi que des images qui offensent la pudeur spirituelle : épreuves de
388 e hic et nunc, et déjà pratiquée par beaucoup. Qu’ en est-il de cette existence, dans les diverses confessions ? Je suis fr
389 suis frappé de la voir si différente de l’idée qu’ en donneraient les débats sur le dogme entre docteurs de ces mêmes confe
390 es formules et définitions dogmatiques, si l’on s’ en tient aux attitudes existentielles, les fidèles de diverses Églises c
391 . Au concret, cela signifierait ce que l’on nomme en termes techniques « l’intercommunion » des chrétiens : qu’un fidèle,
392  l’intercommunion » des chrétiens : qu’un fidèle, en tous lieux et tous temps, n’importe où, dans le monde entier, puisse
393 bien par ses articles sur “La fin du pessimisme” en juin 1957 et “La nature profonde de l’Europe” en juin 1959) est l’un
394 en juin 1957 et “La nature profonde de l’Europe” en juin 1959) est l’un des plus grands essayistes chrétiens de notre tem
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
395 e actuelle de s’opposer, lui aussi, à l’Occident, en retardant ou sabotant l’union de l’Europe, mais cet effet ne suffit p
396 non du jeu des forces économiques, qu’il a faussé en y intervenant, et qui tend à l’éliminer dans la mesure où il tend à s
397 ique des triomphes et des méfaits du nationalisme en Europe, — ce serait refaire l’histoire du plus long de nos siècles, l
398 entralisation des pouvoirs, raison d’État suprême en tout, puisque l’État incarne la mission universelle du peuple ou Bien
399 une « fête de l’Humanité », que Vergniaud célèbre en ces termes : Chantez donc, chantez une victoire qui sera celle de l’
400 é. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’ en périsse plus. Je le jure, au nom de la fraternité universelle que vou
401 as la guerre à lui-même, et le genre humain vivra en paix, lorsqu’il ne formera qu’un seul corps, la nation unique… La com
402 niste Robert fait repousser ce Projet fantastique en adjurant la Convention de revenir à la « réalité » : Laissons aux ph
403 ge intitulé L’État commercial fermé 28, qui parut en 1800. Les peuples du monde antique étaient séparés les uns des autr
404 ait à l’origine. Si elle est au contraire divisée en plusieurs États sous divers gouvernements, elle doit être divisée de
405 ers gouvernements, elle doit être divisée de même en plusieurs États commerciaux complètement fermés. Or, l’Europe n’en e
406 commerciaux complètement fermés. Or, l’Europe n’ en est encore qu’à la période des essais pour former de véritables Natio
407 ivons. Si l’on veut supprimer la guerre, il faut en supprimer la cause. Il faut que chaque État obtienne ce qu’il projett
408 de ces marchandises qui ne peuvent être produites en leur pureté ni remplacées par des succédanés dans le pays, puisqu’il
409 par des succédanés dans le pays, puisqu’il doit s’ en déshabituer entièrement, entraîné d’ailleurs activement à cela par la
410 et à la recherche de distractions de transporter en tout pays leur ennui. Les voyages des premiers s’effectuent pour le p
411 velle. Cette introduction d’une monnaie nationale en est véritablement la création. Le seul lien qui devra subsister entr
412 doivent, quand pour tout le reste, leur division en peuples divers sera achevée. Elle seule demeure leur propriété commun
413 iser que pour lui à l’intérieur et nullement pour en asservir d’autres et pour s’attribuer sur eux une prépondérance quelc
414 a Science et libérée de tout impérialisme… Nous n’ en sommes peut-être pas loin dans cette seconde moitié du xxe siècle ;
415 la guerre. Car, dit Hegel : Les nations divisées en elles-mêmes conquièrent par la guerre au-dehors la stabilité au-dedan
416 instinct patriotique et opère sur lui la première en date de toutes les nationalisations ; celle des communautés locales,
417 on non seulement conduit à la guerre, mais trouve en elle les conditions du renforcement continuel de son pouvoir. Tension
418 é, s’épanouit, atteint sa pleine vigueur (surtout en s’opposant, donc par la guerre), puis fatalement décline et meurt. C
419 activité consiste à accomplir son principe, non à en jouir… Chacun a son principe auquel il tend comme à sa fin. Une fois
420 e « nullité politique » de la permission de vivre en paix, de « végéter » précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire.
421 duit la Première Guerre mondiale ? Le romantisme, en appelant lyriquement la formation des « nationalités » comme autant d
422 e dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne pouvait contrôler, mais que seuls l
423 ngers, c’est libérer l’Europe et le genre humain. En fait, la liberté de la nation, une fois acquise, ne sera rien que la
424 ne sera rien que la souveraineté de l’État qui s’ en prévaudra. Et l’anarchie des souverainetés divinisées, refusant toute
425 s les manuels d’écoles primaires, et s’y dénature en nationalisme, culte laïque de l’État. Le mouvement Jeune Europe, qui
426 strielle les moyens d’unifier l’humanité, et qui, en attendant, achève de la subjuguer par les armes, ne s’est montrée à l
427 nt cette double évolution des idées et des faits, en divergence vertigineuse, qui devait nous mener à 1914. Henri Heine
428 on particulier à « l’harmonie universelle ». Il n’ en redoute pas moins les « terribles niveleurs de l’Europe » que sont d’
429 révolte hongroise, Lajos Kossuth, qui put émigrer en Europe, et au poète-soldat Alexandre Petőfi, aide de camp du général
430 qui fut tué dans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je me bornerai à dire que la Hongrie est la Hongrie depuis le
431 ces pèlerins, et tu ne m’as pas écoutée ; va donc en servitude, là où il y aura le sifflement du knout et le cliquetis des
432 des diverses chrétientés nationales écrivait-il en 1843, dans un ouvrage publié à Bruxelles : De la primauté morale et c
433 é morale et civile des Italiens, que l’on appelle en Italie Il Primato, et qui eut un succès retentissant. Dans son traité
434 la nation, puis à l’Europe et au monde : Christ, en assignant pour but terrestre ultime à la société civile, l’unificatio
435 ’harmonise avec l’idée d’Europe unie : une nation en devenir n’a pas encore d’intérêts « traditionnels » qui l’opposent au
436  » qui l’opposent au plus vaste ensemble. Mais qu’ en sera-t-il des grands aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de
437 du Continent se multiplier, « s’équilibrer », et en fait se neutraliser, la France de 48 se considère comme une nation qu
438 ion. Lamartine, ministre des Affaires étrangères en 1848, tient à rassurer l’Europe sur les intentions de la nouvelle Rép
439 d’opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant ainsi — mais da
440 figuration » des idéaux de 48 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant ainsi — mais dans l’imaginaire — la
441 de se perdre dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t-elle pas nécessairement interprétée par
442 dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t-elle pas nécessairement interprétée par les autres c
443 xe siècle, c’est à la formation de l’Europe.32 En 1875, un professeur de droit international, Johann Gaspar Bluntschli,
444 la période qui suit, à l’Est comme à l’Ouest, et en Suisse comme en France. Il manquait à ce concert une note allemande,
445 suit, à l’Est comme à l’Ouest, et en Suisse comme en France. Il manquait à ce concert une note allemande, et Constantin Fr
446 eulement que la Russie pourra devenir européenne. En 1837, paraît le premier numéro de la revue des slavophiles, partisans
447 iorité politique et culturelle… Seule la Russie en est capable. Et c’est aussi ce que pensera Dostoïevski, et ce qu’il e
448 tte qu’il publie seul, à intervalles irréguliers, en 1876 et 1877. L’avenir de l’Europe appartient à la Russie. La plus h
449 r un jour, c’est la mission de grouper l’humanité en un seul faisceau, car ce n’est pas seulement la Russie et le panslavi
450 us pouvons fort bien perdre des batailles, nous n’ en resterons pas moins invincibles, grâce à l’unité de notre esprit nati
451 serait aux dépens de nos intérêts actuels. Nous n’ en croirons que plus fortement à la véritable mission de la Russie, à sa
452 ance et à sa vérité : se sacrifier pour ceux qui, en Europe, sont opprimés et abandonnés au nom des prétendus intérêts de
453 Le grand historien allemand Léopold von Ranke est en plus d’un sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobriét
454 haque génération est immédiate à Dieu », écrit-il en une formule célèbre. Une nation ou une société, selon lui, ne conquie
455 Dans la préface à sa fameuse conférence prononcée en Sorbonne le 11 mars 1882 sur le thème : « Qu’est-ce qu’une nation ? »
456 ble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. … De nos jours, on commet une erreur plus
457 er le crâne des gens, puis les prendre à la gorge en leur disant : « Tu es de notre sang, tu nous appartiens !… » … Ce que
458 ntrôlé de misère et d’avancement, chaque journée, en uniforme, commencée et terminée par un roulement de tambours, voilà c
459 ardt, n’a dénoncé le délire nationaliste, déguisé en « patriotisme jovial et solennel ». Voici entre cent pages du même to
460 its plus lourds que nous mettront plus de temps à en finir avec ce qui chez nous n’occupe que quelques heures et se passe
461 hez nous n’occupe que quelques heures et se passe en quelques heures : pour les uns, il faut la moitié d’une année, pour l
462 voies à un nouvel accord et tentèrent de réaliser en eux-mêmes l’Européen à venir ; s’ils appartinrent à une patrie, ce ne
463 ce, ou l’âge venu : ils se reposaient d’eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des hommes comme Napoléon, Goethe,
464 , Stendhal, Henri Heine, Schopenhauer. Qu’on ne m’ en veuille pas trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un des
465 le courage de dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe est-elle par excellence
466 és chimiques. Ça met le feu ; que diable ! Prenez- en votre parti ! IV. Liquidation de l’Europe des nations Sorel, q
467 ion de l’Europe des nations Sorel, qui parlait en 1908 de « cette Europe qui est la terre-type du malheur de l’humanité
468 son impérialisme planétaire. Il faudra cependant en venir aux excès de l’autarcie affirmée sans scrupules (« Le Droit est
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
469 parée aux autres cultures (juin 1960)s t C’est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’est arrivé d’entendre dire
470 ême qu’une telle phrase ne puisse être énoncée qu’ en Europe, et seulement par la bouche d’Européens, nous fournit, paradox
471 est universelle par définition, et nos problèmes, en Europe, sont à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le rest
472 siquement ou par la pensée ; écoutons ce que nous en disent les observateurs d’outre-mer. Nous en viendrons très vite à la
473 nous en disent les observateurs d’outre-mer. Nous en viendrons très vite à la constatation suivante. Vue du dehors, l’Euro
474 n à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis. À ceux qui serai
475 t de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis. À ceux qui seraient tentés
476 soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis. À ceux qui seraient tentés de nier, à priori, l’originalité
477 contestation critique, et toutes les tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui déno
478 les tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’originalité,
479 , et la formule de l’unification contrainte, sont en violent contraste avec les réalités et principes caractéristiques de
480 es diversités, et comment il se fait que l’Europe en ait tant, et même les multiplie comme à plaisir, au lieu d’essayer de
481 s, drames et tensions qui devaient nécessairement en résulter, et qui nous condamnaient à la recherche, à l’invention, à l
482 ultures totalitaires, — lesquelles ont d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe de formation ou de réglementation f
483 ples et des valeurs souvent incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qu
484 décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’ en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent
485 tus se conditionnent et s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, déb
486 le sens critique devait nécessairement s’aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos divers
487 t même de la coexistence de nos diverses origines en perpétuelle session contradictoire. Nous pouvons donc expliquer par d
488 énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valo
489 au monde, de méditation et d’action, ou, traduit en langage plus moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Voilà
490 e droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acha
491 t, — soit pour modifier cette relation, soit pour en prendre mieux conscience. Le troisième caractère original de la cultu
492 cept plus difficile à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Europ
493 en théorie, et il n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de toute classe, de toute
494 les hommes de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre ci
495 un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pas seulemen
496 l’aire géographique de cette civilisation ? Je n’ en crois rien. Il existe sur notre planète trois régions comparables du
497 sme d’une culture proviendrait-il plutôt, si l’on en croit Toynbee, des défis auxquels elle se voit soumise ? S’il s’agit
498 onde, a poussé les sciences et les techniques qui en dérivent jusqu’au point où elles permettent non seulement à l’homme d
499 ’archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théât
500 s venons d’observer que toutes ces créations sont en expansion vers le monde, qu’elles appellent le monde, qu’elles s’en n
501 le monde, qu’elles appellent le monde, qu’elles s’ en nourrissent, et que toutes, elles préparent son unité après avoir exp
502 réations. Non, ce n’est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infinie et toujours ouverte que je dé
503 e et toujours ouverte que je décrivais plus haut, en vertu même de cette séculaire discussion et dissension entre nos orig
504 aux Américains et aux Russes, demain aux Chinois, en attendant les Africains. Oui, bien sûr, mais c’est tout de même l’Eur
505 nos secrets de puissance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas les valeurs, religieuses, éthiques et p
506 its, et qui seules permettraient de les maintenir en composition. Il retourne contre nous ces produits — tels que le natio
507 re soit devenue réellement universelle. Mais on n’ en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou q
508 iverselle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’
509 « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici : le sort d
510 ont, et une part de moi-même me le répète parfois en sourdine : après tout, que peut bien nous faire le sort du monde ? No
511 ans variantes, de celui publié sous le même titre en août 1960.
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
512 le densité, je pense répondre à l’attente de tous en essayant de reconsidérer la nature, la fonction de notre Congrès et l
513 ils décidèrent de se grouper afin de créer ainsi, en cas d’urgence et au service des libertés de l’esprit partout où elles
514 contre la liberté, de la misère morale où vivent ( en Occident au moins autant que dans les pays techniquement non développ
515 la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la liberté
516 ’occuper. C’est ici qu’intervient la Culture, ou, en tout cas, qu’elle doit et peut intervenir. Car la culture, c’est just
517 iemment, vers la recherche d’une sagesse globale. En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ai voulu vous montre
518 s au niveau de ce qui la prépare et la pré-forme, en contribuant à orienter les esprits et leurs choix vers des fins qui d
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
519 contre la liberté, de la misère morale où vivent ( en Occident au moins autant que dans les pays techniquement non développ
520 la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la liberté
521 ’occuper. C’est ici qu’intervient la Culture, ou, en tout cas, qu’elle doit et peut intervenir. Vous avez lu et entendu de
522 pour les trois termes qui forment notre titre. J’ en déduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il est devenu depuis
523 elà de la politique : Liberté, Progrès et Bien En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ai voulu vous montre
524 is au niveau de ce qui la prépare et la préforme, en contribuant à orienter les esprits et leurs choix vers des fins qui d
525 ançaise figuraient : MM. Raymond Aron, professeur en Sorbonne ; Bertrand de Jouvenel ; Jean de Fabrègues, directeur de la
526 ure spirituelle de l’Occident [sic] a bien voulu en confier la publication en primeur à la France catholique. »
527 ent [sic] a bien voulu en confier la publication en primeur à la France catholique. »
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
528 parée aux autres cultures (août 1960)x y C’est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’est arrivé bien souvent d’
529 me qu’une telle phrase ne puisse être entendue qu’ en Europe et seulement dans la bouche d’Européens, nous fournit, paradox
530 est universelle par définition, et nos problèmes, en Europe, sont à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le rest
531 siquement ou par la pensée ; écoutons ce que nous en disent les observateurs d’outre-mer. Nous en viendrons très vite à la
532 nous en disent les observateurs d’outre-mer. Nous en viendrons très vite à la constatation suivante, qui sera ma première
533 n à l’esprit de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis ! À ceux qui sera
534 t de ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis ! À ceux qui seraient tentés
535 soit en amis ou en ennemis, et peut-être surtout en ennemis ! À ceux qui seraient tentés de nier, à priori, l’originalité
536 contestation critique, et toutes les tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui déno
537 les tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’originalité,
538 ion contrainte, à base de décrets étatiques, sont en violent contraste avec les réalités et principes caractéristiques de
539 es diversités, et comment il se fait que l’Europe en ait tant et même les multiplie comme à plaisir, au lieu d’essayer de
540 européen. Si nous avons découvert et conquis, ou en tout cas marqué de notre empreinte le monde entier, nous qui n’habito
541 s, drames et tensions qui devaient nécessairement en résulter, et qui nous condamnaient à la recherche, à l’invention, à l
542 cultures totalitaires — lesquelles ont d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe de formation ou de réglementation f
543 les, et des valeurs souvent incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qu
544 décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’ en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent
545 tus se conditionnent et s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, déb
546 le sens critique devait nécessairement s’aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de nos divers
547 même de la coexistence de nos diverses origines, en perpétuelle session contradictoire. Ainsi peut-on s’expliquer les mot
548 énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valo
549 au monde, de méditation et d’action, ou, traduit en langage plus moderne : de loisir vraiment libre, et de travail. Voilà
550 e droit de leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acha
551 nt — soit pour modifier cette relation, soit pour en prendre mieux conscience. Le troisième caractère original de la cultu
552 t plus difficile à définir, ni plus facile à nier en théorie, et il n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Europ
553 en théorie, et il n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation, de toute classe, de toute cr
554 les hommes de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré, dans notre ci
555 infinies contradictions qui nous provoquent d’âge en âge à créer, inventer, émigrer, exporter, et nous condamnent à l’expa
556 onde, a poussé les sciences et les techniques qui en dérivent jusqu’au point où elles permettent non seulement à l’homme d
557 ’archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théât
558 rs ; mais d’autre part, toutes ces créations sont en expansion vers le monde, elles appellent le monde, elles s’en nourris
559 vers le monde, elles appellent le monde, elles s’ en nourrissent, et toutes, elles préparent son unité après avoir exploré
560 réations. Non, ce n’est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infinie et toujours ouverte que je dé
561 décrivais dans la première partie de mon exposé, en vertu même de cette séculaire discussion et dissension entre nos orig
562 nos secrets de puissance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas les valeurs religieuses, éthiques et ph
563 its, et qui seules permettraient de les maintenir en composition. Il retourne contre nous ces produits — tels que le natio
564 re soit devenue réellement universelle. Mais on n’ en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou q
565 iverselle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’
566 « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici : le sort d
567 ’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, en 1946, avait un but précis et limité : empêcher les Français et les Al
568 ans variantes, de celui publié sous le même titre en juin 1960.
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
569 e fondation européenne dotée de capitaux récoltés en Europe. Une telle institution, par sa seule existence, contribuerait
570 et créateurs de nos pays une confiance en soi et en l’avenir qui est l’une des premières conditions de la vitalité d’une
571 des bourses furent décernées. Un comité d’experts en éducation et un jury musical présidèrent au choix des expériences-pil
572 es. Le premier de ces congrès se tint à Amsterdam en 1957, le second à Milan en 1958 et le troisième à Vienne, en 1959. Un
573 ès se tint à Amsterdam en 1957, le second à Milan en 1958 et le troisième à Vienne, en 1959. Un séminaire pour « jeunes re
574 second à Milan en 1958 et le troisième à Vienne, en 1959. Un séminaire pour « jeunes responsables » et une table ronde de
575 uniront de nouveau lors du congrès de Copenhague, en 1960. La table ronde est destinée à permettre une meilleure coordinat
576 a création de comités nationaux pour la recherche en commun des fonds, doit fournir les moyens nécessaires à la mise en pr
577 ds, doit fournir les moyens nécessaires à la mise en pratique de cette troisième étape. Si notre Fondation atteint ainsi,
578 roisième étape. Si notre Fondation atteint ainsi, en 1960, le but qu’elle s’était fixé au départ, ce succès se trouvera co
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
579 , Ernest Vinaver — que vous célébrez aujourd’hui. En restituant pour les lecteurs du xxe siècle les textes originaux de l
580 n, celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en une seule expression, moins pédante qu’elle ne paraît à première vue 
581 blic une justification de l’usage personnel qu’il en fait. Un mythe, au sens où je l’entends, c’est une histoire, générale
582 histoire, généralement très simple, et invariable en sa donnée — bien qu’offrant des possibilités infinies d’adaptation au
583 male, car celle-là échappe au discours, s’exprime en sensations, et peut-être traduite à la rigueur en formules de biochim
584 en sensations, et peut-être traduite à la rigueur en formules de biochimie. De quoi s’agit-il donc ici ? Entre le corps et
585  cœur » comme on dit —, celle de l’âme. L’âme est en propre le domaine des émotions et des passions. L’émotion est la preu
586 le fameux coup de foudre romantique — a cru voir en lui la lueur, toujours fuyante mais en fuite vers la hauteur, où elle
587 a cru voir en lui la lueur, toujours fuyante mais en fuite vers la hauteur, où elle entraîne l’amant ravi. Vous avez recon
588 an élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’amour, passion de l
589 rs irréductible à l’image idéale que la passion s’ en fait. Cette image, étant idéale, doit demeurer toujours fuyante, inac
590 llustrer la lente dégradation du mythe, grandiose en sa simplicité première, jusqu’au niveau des confusions morales les pl
591 urels ou sacrés, coutumiers ou légaux ; qu’elle s’ en nourrit et même les invente au besoin. Sans les obstacles accumulés e
592 ant le divorce et permettant que la reine convole en justes noces avec le chevalier. Et l’on recule épouvanté devant l’idé
593 ame Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus un lien sacré,
594 . La passion se fait rare de nos jours, s’il faut en croire nos romanciers. Ils savent bien que le roman véritable n’est j
595 erchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’ en trouvent guère. L’Homme sans qualités, de Musil, la Lolita de Nabokov
596 ues, la passion doit mourir. Je vous dis que je n’ en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstacles c
597 ont cédé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’ en est-il du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose à
598 on mythique va se dresser dans sa pleine stature. En buvant le breuvage magique, les amants légendaires sont entrés, nous
599 ie au mythe, ose parler d’un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort
600 cette « rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme d’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de Tristan : ce
601 tradition chrétienne de l’amour du prochain ne s’ en trouverait-elle pas éclairée, à son tour ? Aimer le prochain « comme
602 populaire. Aimer vraiment, ce serait aimer l’ange en soi-même et dans l’autre, identiquement ; ce serait deviner l’ange, e
603 ’autre, identiquement ; ce serait deviner l’ange, en soi-même et dans l’autre, l’aider à naître, et le rejoindre enfin dan
604 pur, une grande image ordonnatrice de la passion. En restituant à notre temps ce modèle de l’amour-passion, dans sa grande
605 is la fondation de l’Académie, M. Eugène Vinaver, en son discours de réception, n’avait pas à rappeler le souvenir d’un pr
606 santes théories sur le roman de Tristan et Iseut, en réponse à M. Maurice Delbouille qui avait traité le même thème. Quand
607 de deux philologues sur la grande œuvre médiévale en invitant à sa tribune, pour y évoquer Tristan et Iseut sous un angle
608 quitter Genève à cause du brouillard. C’est donc en son absence que M. Guiette a rappelé que “de ses observations sur les
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
609 rson Welles. Sa boutade est moins sotte qu’elle n’ en a l’air. Trois raisons l’excusent à mes yeux, sans la justifier pour
610 , il faut avouer que le statut du « grand homme » en Suisse, en vertu de lois non écrites, mais très anciennes, le condamn
611 son argument. ⁂ S’il me fallait décrire la Suisse en une seule phrase, comme il arrive que des touristes l’exigent, je dir
612 n va de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme il arrive quand on traverse le tunnel de Chexbres 
613 diques et rhénans, collines où montent les sapins en bataillons noirs et pensifs, s’arrêtant au sommet d’un seul coup, — e
614 , dès la fin du xviiie siècle. Mais ce n’est pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent et apprirent à v
615 nt et apprirent à voir grand ; c’est au contraire en quittant leur pays. Paracelse quitta très tôt son canton natal de Sch
616 t son canton natal de Schwyz, Léonard Euler vécut en Allemagne et à la cour de Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berlin
617 l Barth ou à un Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’est pas la Suisse qui a fait leur nom et qui l’a propagé
618 x de leur conscience helvétique… Nous n’avons pas en Suisse de purs poètes, ni de peintres qui aient fait époque, ni de co
619 et d’efficacité transformatrice qu’on ne saurait en trouver dans nulle autre région d’étendue comparable, sur notre conti
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
620 a première question que je me pose. J’y répondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’être connus de tous. Fait n°
621 érique, adoptée par l’URSS et de là, transplantée en Chine, elle est devenue, au cours de ces dernières années, non seulem
622 même les plus farouchement hostiles à l’Occident, en tout cas à l’Occident politique. Fait n° 2. Presque partout, on manq
623 fiés. L’URSS est peut-être la seule exception. Il en résulte qu’on propose un peu partout d’orienter les études, dès l’enf
624 me opprimé par la technique, et prédisent la mise en esclavage de l’homme par la machine. Au moment même où l’Occident voi
625 douter de son bon droit, et à diviser ses forces en deux camps : d’une part, ceux qui sont prêts à sacrifier la culture g
626 technique résulte de la culture occidentale et s’ en nourrit, et à quel point cette culture occidentale peut à son tour bé
627 et l’une sans l’autre serait condamnée à dépérir en peu de temps. Pour établir cette thèse centrale, il faudrait des volu
628 nds de la technique ? Tout le xixe siècle répond en chœur : que l’homme invente pour des motifs utilitaires. Et presque t
629 l’âge des fugues. Le jeune Henry Ford le réalisa en 1893, quelques années après que l’Allemand Otto eut inventé le moteur
630 douzaines d’ingénieurs ou amateurs de mécanique, en France surtout, avaient construit d’autres voitures automobiles bien
631 ant Ford, mais son invention ou sa ré-invention n’ en demeure pas moins exemplaire. L’un des inventeurs de la turbine fut L
632 er pensait que ses livres de science pure, écrits en latin, ne servaient pas assez directement l’humanité. En marge de ses
633 e Thiers, historien et ministre français, déclare en 1833 que la locomotive est « une simple amusette scientifique ».) Plu
634 ériels, pourquoi ferait-on de la publicité ? Il n’ en reste pas moins qu’aujourd’hui, l’explication utilitaire ou économiqu
635 de revient ou d’augmentation d’un confort défini en termes physiques. Les très grandes inventions de notre siècle vérifie
636 ent la Terre. Mais vous êtes tous témoins qu’il n’ en est rien. C’est la nature de nos rêves constants qui détermine nos dé
637 ientations, — qui sont celles de nos découvertes. En résumé — notre technique occidentale est née du rêve occidental, de c
638 s vœux profonds dont nous sommes responsables. Il en résulte que la culture et la technique ne sauraient être opposées dan
639 : le danger — que je crois illusoire — de la mise en esclavage des Occidentaux par leurs machines, et le danger — beaucoup
640 e déclin des valeurs spirituelles, et sur la mise en esclavage de l’homme par les machines, les robots, les cerveaux élect
641 e l’invention de la bombe H risque de transformer en panique planétaire ? Si je ne partage nullement ce pessimisme, c’est
642 nd on répète que les machines vont mettre l’homme en esclavage, ou que la bombe va nous détruire, on oublie simplement que
643 , mais c’est la technique elle-même. Ce n’est pas en freinant ses progrès, mais au contraire en les accélérant, que nous s
644 st pas en freinant ses progrès, mais au contraire en les accélérant, que nous sommes parvenus au seuil d’une ère nouvelle,
645 « l’usine sans ouvriers » commence à se réaliser en Occident. Et l’on s’aperçoit que l’automatisme des machines, qui semb
646 ment plus importants que le travail routinier. Il en résultera que la culture deviendra le sérieux de la vie. Je résume ce
647 iers Spoutniks, et tout le monde veut les imiter. En Europe comme en Afrique, on réclame à grands cris l’intensification d
648 et tout le monde veut les imiter. En Europe comme en Afrique, on réclame à grands cris l’intensification de la formation d
649 seignement à leur seule formation spécialisée, il en résultera 1° que nous aurons moins de grands inventeurs et 2° que c’e
650 s servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieux en disposant de leurs services. De ces trop rapides analyses — je tirer
651 se contrecarrer et de se nuire sont au contraire en relation de promotion réciproque. La technique ne permet pas seulemen
652 e de ces amateurs est en même temps multiplié. Il en va de même pour les pièces de théâtre, grâce à la radio, pour les œuv
653 s œuvres d’art grâce aux procédés de reproduction en couleur, et pour toute la littérature, et même pour la philosophie. L
654 ant des pocket books, aux États-Unis d’abord puis en Europe a été rendu possible par les perfectionnements techniques de l
655 ent il travaillait à cette époque. Il me décrivit en détail ses méthodes, et il conclut : « Vous voyez, notre activité rée
656 atrice. Il est vital pour l’avenir de l’économie en Occident, de soutenir la culture sous toutes ses formes : cette cultu
657 rtient à la culture de concevoir cet équilibre, d’ en formuler les conditions morales ; à la technique de le servir, d’en f
658 nditions morales ; à la technique de le servir, d’ en fournir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident est donc entre l
659 que. Auteur d’une vingtaine de volumes — traduits en douze langues — directeur du Centre européen de la culture, engagé da
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
660 é, aux yeux bleus écartés, le cheveu noir et dru, en bras de chemise, vint s’asseoir à côté de moi sur le tapis. Il arriva
661 mpeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en tout et passait au-delà, avec cette « casual brilliance » dont a parl
662 e parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Berlin, mémorable correspondant étranger du Combat d’
663 bref poème prophétique, quelques semaines avant d’ en subir la première attaque, suivie d’une opération au cerveau. Fallait
664 ors, être « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’un « nouveau travail » ? ⁂ Il n’aimait pas les discussions méta
665 ou de réfuter, il disait, coupant court, et comme en aparté : « Ceci n’est pas conforme à ma théologie. » Et l’on sentait
666 ma théologie. » Et l’on sentait qu’il s’agissait en lui non pas d’une objection logique ou de doctrine, mais d’une allerg
667 ible avec son sens du symbolisme universel. Bach en automne est un poème luthérien, le seul que je connaisse en français.
668 est un poème luthérien, le seul que je connaisse en français. Luthérien par sa piété heureuse et nostalgique, par son acq
669 nnée, et les besognes dont il s’acquittait pour s’ en tirer ne l’atteignaient pas, quoique l’empêchant, hélas ! d’écrire so
670 thodiques, créatrices de structures, d’événements en puissance : comme celle de Jean Monnet, qui le fascinait, ou comme ce
671 e donner le change au premier venu. Il protégeait en lui le grand poète qu’il se sentait devenir dans « le temps saugrenu 
24 1962, Articles divers (1957-1962). Jonas [préface] (1962)
672 mpeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en tout et passait au-delà, avec cette « brillante désinvolture » dont a
673 e parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Berlin, mémorable correspondant étranger du Combat d’
674 bref poème prophétique, quelques semaines avant d’ en subir la première attaque, suivie d’une opération au cerveau. Fallait
675 ors, être « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’un « nouveau travail » ? at. Rougemont Denis de, Dadelsen Je
25 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
676 à Bourges étudier le droit. Quand son père meurt, en 1531, il réalise sa part d’héritage, vend ses bénéfices, et ne s’occu
677 où il écrit L’Institution chrétienne qu’il publie en 1536. Après un séjour à Ferrare, il est retenu à Genève par Guillaume
678 à y organiser l’Église. Chassé par les magistrats en 1538, Calvin s’en va à Strasbourg, où il se marie. Rappelé à Genève e
679 lise. Chassé par les magistrats en 1538, Calvin s’ en va à Strasbourg, où il se marie. Rappelé à Genève en 1540, il y reste
680 va à Strasbourg, où il se marie. Rappelé à Genève en 1540, il y reste jusqu’à sa mort, qui survient le 27 mai 1564. Œuvre
681 eligionis institutio (1536). Traduction française en 1541 et 1559. (Œuvres complètes en 59 vol., 1863-1900.) Si l’on adme
682 tion française en 1541 et 1559. (Œuvres complètes en 59 vol., 1863-1900.) Si l’on admet avec un récent manifeste39 que « 
683 n style et un vocabulaire, et la langue des idées en France, et Bossuet lui concède « la gloire d’avoir aussi bien écrit q
684 ette et moyen de me retirer des gens. Mais tant s’ en faut que je vinsse à bout de mon désir, qu’au contraire toutes retrai
685 f, cependant que j’avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’a tellement promené et fait tournoyer p
686 ts que toutefois il ne m’a jamais laissé de repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré mon naturel, il m’a produit
687 ques à ce que, malgré mon naturel, il m’a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit. L’aventure se noue en 15
688 naturel, il m’a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit. L’aventure se noue en 1535, année cruciale où, ta
689 t venir en jeu, comme on dit. L’aventure se noue en 1535, année cruciale où, tandis que paraissent trois grandes traducti
690 paraissent trois grandes traductions de la Bible ( en Allemagne, celle de Luther, en Angleterre, celle de Tyndale, en Suiss
691 tions de la Bible (en Allemagne, celle de Luther, en Angleterre, celle de Tyndale, en Suisse, celle de Robert Olivétan), F
692 celle de Luther, en Angleterre, celle de Tyndale, en Suisse, celle de Robert Olivétan), François Ier signe un arrêt totali
693 n livre quel qu’il soit. Calvin qui fuit de ville en ville arrive à Bâle, pour y vivre caché, connu de peu de gens. Mais l
694 fense des « saints martyrs », de peur, dit-il, qu’ en se taisant il ne se montre lâche et déloyal. C’est ainsi qu’il rédige
695 montre lâche et déloyal. C’est ainsi qu’il rédige en latin, de mars à août, les cinq-cent-vingt pages de sa première Insti
696 cent-vingt pages de sa première Institution, puis en français l’épître liminaire au roi de France. Il a vingt-cinq ans. Il
697 France. Il a vingt-cinq ans. Il vient d’élaborer en quelques mois, — « dans des veilles mémorables, célestes », écrira l’
698 ntôt, une sédition le chasse. Peut-il se croire «  en liberté et quitte de sa vocation » ? Déjà Bucer exige sa présence à S
699 réformée, et il la dote d’une liturgie, qu’il met en vers pour être mieux chantée. Trois ans s’écoulent et sa pensée mûrit
700 assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos un bien peu de temps, que toujours je n’eusse à soutenir quelqu
701 hors, ou de ceux de dedans ». Ainsi donc, d’appel en appel, Jehan Chauvin, le frêle Picard, devint Calvin, nom de sa perso
702 e ce qu’on croit, n’est pas suivre sa pente (même en la remontant) mais c’est être emporté malgré soi vers des buts et dan
703 r la persécution, ou du cœur si faible de l’homme en butte aux attaques du monde. Il s’agit de « presser » l’auditoire, de
704 raties d’Occident qui ont refusé de payer ce prix en sont mortes ou ne valent guère mieux. Le régime synodal des églises c
705 ans les limites de son juste pouvoir, elle-même n’ en demandant aucun puisqu’elle détient l’autorité, qui est de l’esprit.
706 il ne croyait pas à l’Histoire déifiée mais qu’il en appelait à son juge. 39. Introduction à la Nouvelle NRF, 1953. ag.
26 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
707 a russe. Les sourires inextinguibles et les mises en boîte raffinées sont admis. Qu’un propos ou qu’un personnage déplaise
708 quelques mois, à la cour de San Isidro : c’était en 1941. Je venais des États-Unis, où la guerre en Europe m’avait projet
709 t en 1941. Je venais des États-Unis, où la guerre en Europe m’avait projeté hors d’une Suisse neutre et assiégée, qui m’es
710 plus précieux et de plus émouvant sous la menace, en ces derniers mois de sa paix. Ces heures dans la roseraie de Bagatell
711 l y a Dieu ! Il y a Dieu qui est le plus fort ! » En retrouvant à Buenos Aires le groupe de Sur, honneur du Sud, autour de
712 ancia des environs de Buenos Aires, j’étais tombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied d’une cathédrale d’eucalypt
27 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
713 eaux de vie, d’ajustements sociaux et monétaires, en attendant peut-être, un jour, une sorte de confédération politique, —
714 d’un xixe siècle utilitariste et mercantile, est en fait partagée par les élites sociales de notre continent : il suffit
715 es sociales de notre continent : il suffit pour s’ en assurer de comparer nos budgets de la culture avec ceux de l’URSS et
716 que 40 000 fondations américaines, qui se chiffre en milliards de dollars, avec celle des quelque 300 fondations culturell
717 lles existant dans nos pays, qui ne se chiffre qu’ en millions de francs, marks ou florins. Mais quelle que soit sa popular
718 moins peuplée que l’Inde et beaucoup plus pauvre en matières premières, l’Europe avait moins de chances matérielles que l
719 vitesse de la lumière, et cela s’écrit : E = mc2 En désignant l’Europe par E, la petite masse physique de notre continent
720 impérieusement de réunir nos peuples et de mettre en pool leurs ressources, trop longtemps divisées entre une vingtaine d’
721 et un théoricien de l’économie peuvent vous faire en trois jours un plan géométrique d’unification rigoureuse du continent
722 s vers l’union. Les uns et les autres ont raison, en ce sens qu’ils sont nécessaires, soit comme moteur, soit comme volant
723 tisent, se ferment sur elles-mêmes, et deviennent en fait divisions, le corps européen se déchire et s’étiole : c’est ce q
724 n à laquelle j’appartiens, et l’Europe a risqué d’ en périr. Insister sur nos seules diversités détruit l’Europe matérielle
725 itié du xixe et première moitié du xxe siècle — en s’appuyant sur la diversité de nos langues. La première tâche sera do
726 eaucoup plus ancienne que notre présent découpage en États qui se disent « souverains » mais qui seraient bien en peine de
727 i se disent « souverains » mais qui seraient bien en peine de le prouver ; bref, de montrer que la culture, en Europe, est
728 de le prouver ; bref, de montrer que la culture, en Europe, est un phénomène à la fois pré-national et supranational, div
729 s écoles de pensée, mais fondamentalement commun. En inculquant ces vérités incontestables à la génération présente et aux
730 uelle d’une part, et de l’organisation du travail en équipe selon un plan commun, d’autre part. Dans le domaine de l’éduca
731 européen ? Sinon pour mettre ou remettre l’Europe en mesure d’exercer sa fonction planétaire, qui est une fonction d’anima
732 ntre l’homme, du moins tel que nous le concevons. En admettant qu’une armature d’institutions s’impose tout de même à nos
733 Si l’on me dit que j’aligne ici des évidences, j’ en serai content : telle était bien mon intention. Mais je demanderai qu
734 es avec les croyances populaires que je rappelais en débutant, celles qui inspirent la méfiance courante à l’endroit de la
735 alors il est grand temps que la très riche Europe en tire les conséquences logiques — et pratiques. ai. Rougemont Deni
28 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
736 des mouvements de résistance qui se développèrent en Suisse pendant la crise de mai à août 1940. Il insiste notamment sur
737 e la Suisse romande, moi de la Suisse alémanique. En sortant du studio, nous apprenons que Paris vient d’être bombardé pou
738 tion qui réunirait tous les groupements organisés en Suisse, mais en dehors des partis politiques, trop lents et trop peu
739 érieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien d’ en parler. Il faut le faire ! » J’ai senti sous son regard direct le da
740 des parachutistes. Je la regarde de temps à autre en écartant le rideau, mais rien encore. Au milieu de la nuit dernière,
741 la Gazette . Mon article — je n’y pensais plus — en première page, à côté d’un appel à se taire lancé par le gouvernement
742 usé d’injures à chef d’État étranger. Vous mettez en danger la sécurité de la Suisse. C’est grave, c’est… très grave ! Ter
743 ais. La population, sortie pour voir, avait l’air en fête. Raisons de croire que le coup nazi, raté cette nuit, sera suivi
744 t nu. Faute de soldats baïonnette au canon — on n’ en trouve point — c’est le lieutenant-colonel M. qui m’accompagne à la m
745 eutenant-colonel M. qui m’accompagne à la maison, en voiture. J’attends deux heures. Une auto militaire vient me prendre.
746 été de 1940 d’un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un civil, l’autre formé d’officiers — qui entendait
747 tude de notre gouvernement et de notre commandant en chef rendit inutile toute action directe de ces mouvements qui ont to
748 ts qui ont toutefois joué un rôle non négligeable en faisant front contre un certain défaitisme ambiant. Denis de Rougemon
749 xpliquent… Nous avons choisi de publier ces pages en cette fin de juin, à peu près à l’époque, vingt-deux après, où Denis
29 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
750 le, à la radio de Londres, il y a quelques jours. En ce moment même, chez Mottu, nos conjurés sont réunis pour la fondatio
751 smes et opportunismes économiques et politiques. ( En Suisse romande, des éditoriaux parlent déjà de « la nécessité de nous
752 iscours de Pilet-Golaz. À propos du cessez-le-feu en France, il a parlé de notre « soulagement » ! Cela peut s’entendre de
753 ns l’armée. La presse a publié le Manifeste. Elle en parle ! Beaucoup de lettres, de pamphlets, d’articles, nous accusent
754 lleurs la démission de notre Directoire : or il n’ en a jamais été membre. Rien de plus normal. En dépit du choc causé par
755 rêts à accéder aux exigences des nazis, formulées en onze points. (Point n° 1 : renvoi immédiat des directeurs des trois p
756 our le renverser, des troupes et des blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement est prête à entrer en fo
757 ne, une équipe de remplacement est prête à entrer en fonction. Si au contraire le Conseil fédéral résiste, il aura l’appui
758 xiste un complot pour vous renverser, et que nous en sommes les fauteurs ! » Logiquement, si le gouvernement nous croyait,
759 tée, et au surplus couvrait la Ligue de ridicule. En fait, celui qui reçut cette délégation comprit très bien qu’il s’agis
30 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
760 La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)ao ap 10 juillet
761 d’essais peu convaincants — on ne peut pas écrire en groupe — ils me confient la rédaction. Ma position est un peu délicat
762 e est de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige une brochure intitul
763 n’auraient pas vu si tôt le jour. Nous savons qu’ en réunissant des efforts jusqu’ici dispersés et des groupements naguère
764 ; 3) le fédéralisme ; 4) le théâtre communautaire en Suisse. Le 27 juillet, une lettre du Département politique m’offrait
765 re effet que de me piquer au jeu. Bien décidé à n’ en pas tenir compte, je finis par accepter la proposition de voyage aux
766 e libre dont nous avions rêvé sans oser croire qu’ en quelques mois il deviendrait une réalité. L’opinion s’était ressaisie
767 i se posaient à la Ligue, assassinats et tortures en moins. Les mêmes peuvent rire de l’armée suisse parce qu’elle n’eut p
768 é si peu que ce fût, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans la mesur
769 ain, mais pratiquement condamné à ne plus aborder en public que les sujets admis par la censure, et ce n’était, littéralem
770 t également intolérable, tant qu’Hitler sévissait en Europe. Enfin, je pressentais que dans la lutte en cours, provisoirem
771 n Europe. Enfin, je pressentais que dans la lutte en cours, provisoirement perdue sur notre continent, l’élément décisif a
772 d’entrer dans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je me décidai donc à partir. Et, certes, les raisons qui m’ani
773 « crise » consécutive à l’effondrement des Alliés en mai 1940. Dans le détail, c’est-à-dire dans le concret, les choses se
774 ans son rapport que leur seule faute fut « d’agir en secret ». Mais s’ils avaient agi « ouvertement », le Conseil fédéral
775 mes notes. Mais Kimche commet une curieuse erreur en confondant la ligue civile de juin 1940 avec ce qu’il appelle tantôt
776 tôt le « Mouvement de résistance national ». Si j’ en juge par les noms qu’il donne des responsables de ce dernier Mouvemen
777 chefs, M. Hans Oprecht, me le confirme doublement en me disant d’une part que « l’Action de résistance » n’intervint qu’« 
778 ou non, c’est la Ligue du Gothard qui agit seule en liaison avec les officiers pendant la crise de l’été 1940. 3. L’absen
779 n dans un prochain article. 42. On se rappelle, en Suisse, que le 25 juillet, le général Guisan convoqua tous les offici
780 al d’un témoin III : La conjuration des officiers en juin 1940 », Tribune de Genève, Genève, 26 juin 1962, p. 1. ap. Préc
781 teur de L’Amour et l’Occident se trouvait alors en situation délicate auprès de ses chefs — il était incorporé à l’état-
31 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
782 ns d’avancer dans l’inconnu que nous découvrirons en l’inventant, et qui peut-être nous transformera, mais dans la mesure
783 des pays de l’Est ; de l’omniprésence communiste en France et en Italie au repli général du PC, à sa suppression eu Allem
784 l’Est ; de l’omniprésence communiste en France et en Italie au repli général du PC, à sa suppression eu Allemagne, et à la
785 dais et belge à la décolonisation presque achevée en Asie du Sud, dans le monde arabe et en Afrique ; bref, de la misère a
786 ue achevée en Asie du Sud, dans le monde arabe et en Afrique ; bref, de la misère avec les colonies et dans la désunion, à
787 et par la carence des mouvements fédéralistes. Il en résulte alors, nécessairement, une renaissance des nationalismes ; la
788 possibilités d’assimilation du tiers-monde, après en avoir discuté avec les responsables des autres continents. (Cela s’op
789 centres régionaux, dont les premiers sont entrés en fonction dès 1963.) Enfin, l’Europe offre au monde le modèle d’une co
790 Le silence est devenu le luxe suprême : peu sont en mesure de se le payer en allant vivre dans les régions vertes aménagé
791 luxe suprême : peu sont en mesure de se le payer en allant vivre dans les régions vertes aménagées en France, Allemagne,
792 en allant vivre dans les régions vertes aménagées en France, Allemagne, Autriche, et surtout aux États-Unis, en Afrique et
793 , Allemagne, Autriche, et surtout aux États-Unis, en Afrique et au Brésil. On cherche encore — on va trouver — un système
794 enu Mégalopolis : une maison tous les cent mètres en moyenne, à quelque distance des autoroutes à six pistes, lesquelles p
795 réduit à cinq journées de six heures par semaine, en moyenne. (Dans le secteur tertiaire, le week-end de deux jours et dem
796 iale. Le mythe des deux grands a disparu, on ne s’ en souvient guère davantage que de la Triplice et de la Triple Entente a
797 tok (réseau d’accords économiques et culturels). En Europe, deux grandes tendances s’affrontent, en lieu et place de la d
798 le est devenue la partie sérieuse de l’existence, en lieu et place du travail et du gain, désormais assurés à moindres fra
799 ands nombres, des standards et des modes favorise en lui une attitude de consommateur hédoniste. D’autre part, des possibi
800 tation. À côté des anciennes universités divisées en facultés démodées, les établissements de formation interdisciplinaire
801 e) et sur les recherches spécialisées poursuivies en séminaires. Les diplômes classiques, sanctionnant la sortie des étude
802 ar. Présenté par cette note : « Né à Neuchâtel, en Suisse, Denis de Rougemont, qui fit ses études dans diverses villes e
803 s diverses villes européennes, participa à Paris, en 1931, à la fondation des revues Esprit et L’Ordre nouveau , et col
804 l devait renier plus tard les interprétations qui en furent faites. Envoyé aux USA et en Argentine pour y faire des confér
805 rétations qui en furent faites. Envoyé aux USA et en Argentine pour y faire des conférences en 1940, il devint en 1942-194
806 USA et en Argentine pour y faire des conférences en 1940, il devint en 1942-1943 le principal rédacteur des émissions fra
807 e pour y faire des conférences en 1940, il devint en 1942-1943 le principal rédacteur des émissions françaises de La Voix
808 sions françaises de La Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 1946, il s’engagea dans le mouvement pour une fédération eu
809 çaises de La Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 1946, il s’engagea dans le mouvement pour une fédération européenne e
810 nt pour une fédération européenne et il organisa, en 1949, à Lausanne, le Congrès européen de la culture. L’année suivante
32 1962, Articles divers (1957-1962). La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
811 as Anciens villages et villes d’Europe, vous n’ en trouverez pas deux dont les plans soient superposables. S’ils se ress
812 iplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’utilisant à des fins militaires, agricoles, commerciales, après avo
813 l de la défense, du Burg central et des remparts. En Amérique, les villages naissent comme au hasard le long des routes fr
814 pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on dirait l
815 êtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’ en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique,
816 à l’étape, et qui auraient décidé d’en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique, les huttes se
817 d’en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans les clairièr
818 là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans les clairières, ou s’égr
819 nt en essaims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans les clairières, ou s’égrènent le long de la berge d’un fleu
820 lace de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autour de la place, vous trouvez, l’église et la m
821 cender les partis, les ambitions et les doctrines en vogue. La mairie, symbole de la commune, qui est dans le cadre concre
822 écentralisée de la production, poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des communes, des régions défavorisées du