1
(janvier 1957)a b Ce qui s’oppose coopère, et
de
ce qui diverge procède la plus belle harmonie. Héraclite Reconnaît
2
raclite Reconnaître nos différences Parlant
de
l’Absolu, que certains appellent Dieu, d’autres le Soi, ou le Total,
3
« aucune différence », il n’y aurait pas non plus
d’
antinomie foncière entre la foi chrétienne de l’Occident et la pensée
4
plus d’antinomie foncière entre la foi chrétienne
de
l’Occident et la pensée religieuse de l’Asie1. Sur d’autres plans, po
5
chrétienne de l’Occident et la pensée religieuse
de
l’Asie1. Sur d’autres plans, pourtant, les différences éclatent. Ce s
6
es différences éclatent. Ce serait faire tort à l’
homme
que de nier leurs liens avec certaines options fondamentales qu’il a
7
nces éclatent. Ce serait faire tort à l’homme que
de
nier leurs liens avec certaines options fondamentales qu’il a prises
8
a prises au plan religieux. Au nom même du désir
d’
union de l’humanité qui anime de part et d’autre les meilleurs esprits
9
s au plan religieux. Au nom même du désir d’union
de
l’humanité qui anime de part et d’autre les meilleurs esprits, il me
10
nom même du désir d’union de l’humanité qui anime
de
part et d’autre les meilleurs esprits, il me paraît vital d’admettre
11
désir d’union de l’humanité qui anime de part et
d’
autre les meilleurs esprits, il me paraît vital d’admettre en toute fr
12
d’autre les meilleurs esprits, il me paraît vital
d’
admettre en toute franchise l’existence historique et spirituelle de d
13
e franchise l’existence historique et spirituelle
de
deux expériences différentes, de deux voies longtemps divergentes, de
14
e et spirituelle de deux expériences différentes,
de
deux voies longtemps divergentes, de deux types d’aventure humaine qu
15
différentes, de deux voies longtemps divergentes,
de
deux types d’aventure humaine que l’on peut désigner par les termes s
16
e deux voies longtemps divergentes, de deux types
d’
aventure humaine que l’on peut désigner par les termes symboliques, pl
17
r les termes symboliques, plus que géographiques,
d’
Orient et d’Occident. Contraster les contenus de ces termes sera l’obj
18
symboliques, plus que géographiques, d’Orient et
d’
Occident. Contraster les contenus de ces termes sera l’objet des essai
19
, d’Orient et d’Occident. Contraster les contenus
de
ces termes sera l’objet des essais de mise au point qui suivent. Cert
20
es contenus de ces termes sera l’objet des essais
de
mise au point qui suivent. Certains penseront qu’il est dangereux de
21
i suivent. Certains penseront qu’il est dangereux
de
souligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre en valeur ce qui n
22
aleur ce qui nous est commun ; qu’on risque ainsi
de
nourrir les préjugés, et de forcer, par esprit de symétrie, des antit
23
; qu’on risque ainsi de nourrir les préjugés, et
de
forcer, par esprit de symétrie, des antithèses qu’une sagesse supérie
24
de nourrir les préjugés, et de forcer, par esprit
de
symétrie, des antithèses qu’une sagesse supérieure saurait conduire à
25
prits ne sera jamais acquise au prix du sacrifice
de
nos diversités vivantes ; elle suppose bien plutôt la connaissance de
26
e suppose bien plutôt la connaissance des raisons
d’
être de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les pass
27
se bien plutôt la connaissance des raisons d’être
de
ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de paix, les passer sous
28
e de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain
de
paix, les passer sous silence ou les minimiser, ce serait perdre d’av
29
r sous silence ou les minimiser, ce serait perdre
d’
avance les deux vertus majeures qui dénotent une union véritable : à s
30
esse supérieure et vraiment unitive ne naîtra pas
d’
aspirations mal informées, ni du refus de bien voir l’état présent des
31
îtra pas d’aspirations mal informées, ni du refus
de
bien voir l’état présent des choses, encore moins du recours à quelqu
32
nuit des temps, et noyant les problèmes concrets
de
notre siècle dans une condamnation globale de l’Occident2. « La nuit,
33
ets de notre siècle dans une condamnation globale
de
l’Occident2. « La nuit, tous les chats sont gris », dit le proverbe.
34
ts sont gris », dit le proverbe. Mauvaise formule
d’
union, qui ne peut survivre à l’aube ! Si l’Orient et l’Occident doive
35
doivent un jour converger au lieu de s’ignorer ou
de
se combattre, ils le devront bien moins à un « retour aux sources » q
36
et toujours plus lucide vers les buts respectifs
de
leur double aventure. Mieux compris, mieux réalisés, ces buts se révé
37
, ces buts se révéleront un jour complémentaires,
d’
une façon qui nous demeure encore indescriptible, mais dont le pressen
38
essentiment nous accompagne. Réalités externes
de
l’opposition Admettons l’hypothèse d’une origine commune, et d’une
39
externes de l’opposition Admettons l’hypothèse
d’
une origine commune, et d’une famille d’idiomes indo-européens dont le
40
Admettons l’hypothèse d’une origine commune, et
d’
une famille d’idiomes indo-européens dont le sanscrit serait le plus a
41
hypothèse d’une origine commune, et d’une famille
d’
idiomes indo-européens dont le sanscrit serait le plus ancien témoigna
42
tons que le régime des castes, imposé aux peuples
de
l’Inde par les conquérants aryens, ait son origine en Europe, où Plat
43
s efforts des réformateurs religieux, du Bouddha,
de
l’islam, mais non pas des Anglais… À l’Ouest, en revanche, l’ascensio
44
des Anglais… À l’Ouest, en revanche, l’ascension
de
l’Europe se confond avec les succès de la lutte permanente contre les
45
’ascension de l’Europe se confond avec les succès
de
la lutte permanente contre les castes. La démocratie hellénique, l’ex
46
les castes. La démocratie hellénique, l’expansion
de
la morale chrétienne, la Renaissance et la Révolution française marqu
47
ce et la Révolution française marquent les étapes
de
cette dissolution du système social tripartite hérité de l’ancêtre ar
48
e dissolution du système social tripartite hérité
de
l’ancêtre aryen. Sur l’arrière-fond commun, les différences s’accusen
49
n, les différences s’accusent. Elles ne cesseront
de
s’affirmer dans l’ensemble de notre histoire, nonobstant la longue pa
50
Elles ne cesseront de s’affirmer dans l’ensemble
de
notre histoire, nonobstant la longue parenthèse du Moyen Âge. À bien
51
e Moyen Âge a représenté la période « orientale »
de
l’Occident. Le symbolisme y dominait dans tous les ordres ; les trois
52
s traditions multipliées primaient sur tout essai
d’
innovation ou de variation individuelles ; l’au-delà était tenu pour p
53
tipliées primaient sur tout essai d’innovation ou
de
variation individuelles ; l’au-delà était tenu pour plus réel que l’i
54
nt il convenait par suite de s’évader, plutôt que
d’
essayer de l’aménager selon les désirs d’un corps vil et d’une raison
55
enait par suite de s’évader, plutôt que d’essayer
de
l’aménager selon les désirs d’un corps vil et d’une raison mal éclair
56
utôt que d’essayer de l’aménager selon les désirs
d’
un corps vil et d’une raison mal éclairée ; partout, le collectif-sacr
57
de l’aménager selon les désirs d’un corps vil et
d’
une raison mal éclairée ; partout, le collectif-sacral refoulait le ra
58
», la tendance individualiste ne pouvait trouver
d’
exutoire que dans l’aventure mystique. Le véritable individu, au Moyen
59
tel guru jusqu’à nos jours, c’est-à-dire le saint
homme
qui se « détache » du clan, de la coutume, de la magie, du dogme même
60
à-dire le saint homme qui se « détache » du clan,
de
la coutume, de la magie, du dogme même, devenant hétérodoxe moins par
61
homme qui se « détache » du clan, de la coutume,
de
la magie, du dogme même, devenant hétérodoxe moins par la négation de
62
e même, devenant hétérodoxe moins par la négation
de
l’orthodoxie qu’il croit encore servir, que par son dépassement réali
63
son dépassement réalisé. Mais l’Orient n’a pas eu
de
Renaissance. La durée même de son Moyen Âge, confronté tout vivant av
64
l’Orient n’a pas eu de Renaissance. La durée même
de
son Moyen Âge, confronté tout vivant avec notre âge technique, trahit
65
fin du nôtre. À partir de la Renaissance, l’angle
de
divergence s’agrandit rapidement, pour atteindre à peu près 180° aux
66
dement, pour atteindre à peu près 180° aux débuts
de
notre siècle technique. Alors, la réalité de l’opposition à peu près
67
buts de notre siècle technique. Alors, la réalité
de
l’opposition à peu près diamétrale des deux mondes s’atteste aux yeux
68
-Unis dont le passé vivant ne remonte pas au-delà
d’
une post-Renaissance importée. En Inde, on ne voit partout que pèlerin
69
que pèlerinages, sanctuaires, lieux et quartiers
de
ville sacrés ; arbres, fleuves, animaux sacrés ; hommes et femmes en
70
ville sacrés ; arbres, fleuves, animaux sacrés ;
hommes
et femmes en prière accroupis sur leur seuil ; au bord des rues et de
71
selle. En Europe, dans un paysage où les clochers
d’
églises dominent encore généralement la silhouette des villages et des
72
s pèlerinages ou lieux sacrés, quelques centaines
de
vieux châteaux (symboles de l’âme pour la mystique) témoignent d’un s
73
s, quelques centaines de vieux châteaux (symboles
de
l’âme pour la mystique) témoignent d’un sacré dont l’âge fait le prix
74
x (symboles de l’âme pour la mystique) témoignent
d’
un sacré dont l’âge fait le prix, mais que l’on isole de la vie, et qu
75
acré dont l’âge fait le prix, mais que l’on isole
de
la vie, et que cernent impatiemment les grands faubourgs industriels
76
nt les grands faubourgs industriels et les décors
de
la technique. En Amérique : pas un seul lieu sacré en dehors des égli
77
rs des églises en faux gothique luxueux, dominées
de
très haut par les gratte-ciel ; pas un seul pèlerinage et pas un vrai
78
rai château. Plaines et villes immenses, dénudées
de
mystère, nettoyées de toute trace de religion primitive et de vénérat
79
t villes immenses, dénudées de mystère, nettoyées
de
toute trace de religion primitive et de vénération pour les choses, l
80
es, dénudées de mystère, nettoyées de toute trace
de
religion primitive et de vénération pour les choses, les plantes, les
81
nettoyées de toute trace de religion primitive et
de
vénération pour les choses, les plantes, les animaux ou le surnaturel
82
rtagé par toutes les classes. L’Occidental retour
d’
Orient s’écrie : « Je n’ai vu que des foules, pas une personne ! » Et
83
qu’il n’y voit qu’agitation désordonnée, absence
de
sens et d’harmonie, et pas un seul vrai spirituel… Réalités intern
84
voit qu’agitation désordonnée, absence de sens et
d’
harmonie, et pas un seul vrai spirituel… Réalités internes de l’opp
85
pas un seul vrai spirituel… Réalités internes
de
l’opposition a) Symbolisme de l’Orient et de l’Occident 5. — L’Ori
86
éalités internes de l’opposition a) Symbolisme
de
l’Orient et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne sont donc pa
87
s de l’opposition a) Symbolisme de l’Orient et
de
l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne sont donc pas seulement des
88
l doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies
de
l’homme, deux directions maîtresses de sa Quête inlassable du Réel. P
89
te, mais ils sont beaucoup plus : deux voies de l’
homme
, deux directions maîtresses de sa Quête inlassable du Réel. Pour pass
90
deux voies de l’homme, deux directions maîtresses
de
sa Quête inlassable du Réel. Pour passer du sens géographique et hist
91
l. Pour passer du sens géographique et historique
de
nos deux termes à leur sens symbolique et spirituel, recourons aux ré
92
isionnaires que deux grands philosophes religieux
de
l’Iran et de l’Arabie, Avicenne et Sohrawardi, nous ont laissés sur c
93
ue deux grands philosophes religieux de l’Iran et
de
l’Arabie, Avicenne et Sohrawardi, nous ont laissés sur ce sujet fonda
94
ont laissés sur ce sujet fondamental6. Le récit
d’
Avicenne est une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, c
95
e est une initiation à l’Orient, monde des Formes
de
lumière, contrastant avec l’Occident du monde terrestre et l’Extrême-
96
réside l’univers angélique ; à gauche, l’Occident
de
la Matière et du soleil couchant, au bord le plus lointain duquel s’é
97
ux qui le cultivent viennent d’ailleurs… » (Thème
de
l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, r
98
rs… » (Thème de l’Exil.) Et ce climat est un lieu
de
dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guerres, de dis
99
t ce climat est un lieu de dévastation, un désert
de
sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes, de tumultes : « joi
100
un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli
de
troubles, de guerres, de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y
101
évastation, un désert de sel, rempli de troubles,
de
guerres, de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’un e
102
un désert de sel, rempli de troubles, de guerres,
de
disputes, de tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procu
103
sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes,
de
tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procuré d’un lieu
104
: « joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procuré
d’
un lieu lointain ». Entre l’Orient et l’Occident (c’est-à-dire au lieu
105
et l’Occident (c’est-à-dire au lieu de rencontre
de
la matière et de la forme) est une circonscription intermédiaire : «
106
’est-à-dire au lieu de rencontre de la matière et
de
la forme) est une circonscription intermédiaire : « C’est celle que l
107
est celle que l’on connaît le mieux… » (Il s’agit
de
notre vie terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental de l’âme, S
108
Il s’agit de notre vie terrestre.) Dans son Récit
de
l’exil occidental de l’âme, Sohrawardi décrit le pèlerinage de l’âme,
109
e terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental
de
l’âme, Sohrawardi décrit le pèlerinage de l’âme, son « exil » dans le
110
idental de l’âme, Sohrawardi décrit le pèlerinage
de
l’âme, son « exil » dans les liens de la matière et du corps qui la r
111
pèlerinage de l’âme, son « exil » dans les liens
de
la matière et du corps qui la retiennent captive dans leurs noires fo
112
eurs noires forteresses, son départ vers l’Orient
de
l’illumination, de l’origine et de la délivrance. Et l’on retrouve ic
113
sses, son départ vers l’Orient de l’illumination,
de
l’origine et de la délivrance. Et l’on retrouve ici les mêmes signifi
114
vers l’Orient de l’illumination, de l’origine et
de
la délivrance. Et l’on retrouve ici les mêmes significations symboliq
115
retrouve ici les mêmes significations symboliques
de
l’Orient et de l’Occident que dans le récit d’Avicenne, auquel l’aute
116
s mêmes significations symboliques de l’Orient et
de
l’Occident que dans le récit d’Avicenne, auquel l’auteur rattache d’a
117
es de l’Orient et de l’Occident que dans le récit
d’
Avicenne, auquel l’auteur rattache d’ailleurs son conte, qui est une v
118
on conte, qui est une vision7. Tentons maintenant
de
dresser une liste des caractères symboliques que ces deux auteurs att
119
à nos jours, tous les esprits occidentaux nourris
de
la pensée mystique du Proche-Orient8 ont accolés à nos deux termes. N
120
eux termes. Nous aurons le tableau suivant, formé
de
quatorze antithèses : Orient : l’aurore, le matin, le haut, la droit
121
droite, l’extrême raffinement, la lumière, l’Ange
de
la Révélation, le but dernier, l’âme, l’initiation, la sagesse, la ré
122
gauche, l’épaisseur opaque, la pénombre, le démon
de
l’utilitarisme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme,
123
paque, la pénombre, le démon de l’utilitarisme et
de
la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme, le corps et la matiè
124
isme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts
de
l’âme, le corps et la matière, l’activité désordonnée, la passion, la
125
e par les liens matériels et passionnels, le lieu
d’
exil. Cette unanimité dans l’interprétation, uniquement favorable à l’
126
’interprétation, uniquement favorable à l’Orient,
de
nos deux termes symboliques ne peut manquer d’impressionner. On ne sa
127
t, de nos deux termes symboliques ne peut manquer
d’
impressionner. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel, de physiq
128
d’impressionner. On ne saurait la réduire à rien
d’
accidentel, de physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l
129
er. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel,
de
physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour l
130
it la réduire à rien d’accidentel, de physique ou
d’
anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour les Grecs, il en
131
et ceux-ci ne figurent pas pour autant l’Occident
de
la Chine ou de la Malaisie, ni le Japon l’Occident de l’Amérique ! El
132
igurent pas pour autant l’Occident de la Chine ou
de
la Malaisie, ni le Japon l’Occident de l’Amérique ! Elle révèle donc
133
cident de l’Amérique ! Elle révèle donc une forme
de
l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occ
134
! Elle révèle donc une forme de l’âme, une pente
de
l’âme, voire une « orientation » de la psyché occidentale. Mais, du p
135
me, une pente de l’âme, voire une « orientation »
de
la psyché occidentale. Mais, du prestige de cet Orient qui n’est pas
136
ion » de la psyché occidentale. Mais, du prestige
de
cet Orient qui n’est pas celui de l’atlas, l’Orient réel, qui va de l
137
is, du prestige de cet Orient qui n’est pas celui
de
l’atlas, l’Orient réel, qui va de la Perse au Japon bénéficie très la
138
n’est pas celui de l’atlas, l’Orient réel, qui va
de
la Perse au Japon bénéficie très largement dans nos esprits. Nous ver
139
ement dans nos esprits. Nous verrons par la suite
de
ce livre comment l’Occident historique, relevant un défi qui semblait
140
crasant et qu’il se portait à lui-même, acceptant
de
« s’enfoncer dans la matière », acceptant les passions et les corps à
141
ues pour l’âme et l’esprit, en a tiré le principe
d’
une possible grandeur et d’une vérité difficile, qui est l’enjeu de so
142
en a tiré le principe d’une possible grandeur et
d’
une vérité difficile, qui est l’enjeu de son aventure. b) Incarnation
143
andeur et d’une vérité difficile, qui est l’enjeu
de
son aventure. b) Incarnation et Excarnation. — Si nous passons au pla
144
écues, métaphysiques et religieuses, l’opposition
de
l’Orient et de l’Occident revêt une valeur différente, encore que par
145
iques et religieuses, l’opposition de l’Orient et
de
l’Occident revêt une valeur différente, encore que par sa forme elle
146
lle semble correspondre au tableau que l’on vient
d’
établir. Un voyageur allemand9 demandait à un yogi : « N’avez-vous pas
147
un yogi : « N’avez-vous pas tenté, en Inde aussi,
de
calculer la quadrature du cercle ? » Le yogi répondit : « Nous cherch
148
te ainsi ce bref dialogue : « Dans ces deux voies
de
réalisations de soi, l’une allant du cercle au carré, et l’autre inve
149
dialogue : « Dans ces deux voies de réalisations
de
soi, l’une allant du cercle au carré, et l’autre inversement, s’expri
150
missions différentes, toutes les deux légitimes,
de
l’Ouest et de l’Est… (car) : le carré — ou mieux, le cube — est parto
151
érentes, toutes les deux légitimes, de l’Ouest et
de
l’Est… (car) : le carré — ou mieux, le cube — est partout le symbole
152
arré — ou mieux, le cube — est partout le symbole
de
la matière, et le cercle — ou la sphère — celui de l’esprit. En sorte
153
e la matière, et le cercle — ou la sphère — celui
de
l’esprit. En sorte que la quadrature du cercle est la transformation
154
que la quadrature du cercle est la transformation
de
l’esprit en matière, ou encore la matérialisation de l’esprit. Tandis
155
l’esprit en matière, ou encore la matérialisation
de
l’esprit. Tandis que le passage du carré au cercle figure le retour d
156
ue le passage du carré au cercle figure le retour
de
la matière à l’esprit. La première opération signifie en termes humai
157
aspects variés. Christ et le Bouddha. — Le Fils
de
Dieu, incréé, transcendant, entre dans l’immanence et dans l’Histoire
158
et dans l’Histoire, se fait corps matériel, chair
d’
enfant pauvre, assume les pires souffrances et finalement en meurt, af
159
rances et finalement en meurt, afin de parler aux
hommes
dans leur langage, dans les termes de leur existence, et de les sauve
160
ler aux hommes dans leur langage, dans les termes
de
leur existence, et de les sauver là où ils sont, par la seule foi dan
161
ur langage, dans les termes de leur existence, et
de
les sauver là où ils sont, par la seule foi dans l’action du pardon,
162
s sont, par la seule foi dans l’action du pardon,
de
l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’un roi de ce monde quitte s
163
seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et
de
la grâce de Dieu. Le fils d’un roi de ce monde quitte son palais prin
164
ans l’action du pardon, de l’amour et de la grâce
de
Dieu. Le fils d’un roi de ce monde quitte son palais princier pour al
165
ardon, de l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils
d’
un roi de ce monde quitte son palais princier pour aller dans la solit
166
l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’un roi
de
ce monde quitte son palais princier pour aller dans la solitude la pl
167
s dénuée, et là découvre que la voie du salut est
de
refuser le monde, le corps et la souffrance, pour s’élever vers le Ri
168
es ; car il s’agit en réalité dans le premier cas
d’
une descente créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un ess
169
lité dans le premier cas d’une descente créatrice
de
Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un essai de montée de l’homme v
170
emier cas d’une descente créatrice de Dieu dans l’
homme
; dans le second, d’un essai de montée de l’homme vers ce qui nie la
171
créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second,
d’
un essai de montée de l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Con
172
de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un essai
de
montée de l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Connaissance.
173
ns l’homme ; dans le second, d’un essai de montée
de
l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Connaissance. L’Oriental
174
homme ; dans le second, d’un essai de montée de l’
homme
vers ce qui nie la créature. Foi et Connaissance. L’Oriental, tourna
175
. L’Oriental, tournant le dos au « monde » décide
d’
atteindre le salut par tout son moi, mais par son moi seul, détaché, p
176
oi seul, détaché, progressivement illuminé : voie
de
la connaissance directe de l’Esprit. L’Occidental, tournant le dos au
177
vement illuminé : voie de la connaissance directe
de
l’Esprit. L’Occidental, tournant le dos au soleil, en lequel il croit
178
u soleil, en lequel il croit sans le voir, décide
d’
imiter Dieu le Créateur en œuvrant dans Sa création : voie de l’obéiss
179
eu le Créateur en œuvrant dans Sa création : voie
de
l’obéissance active dans l’ombre de la foi. Le danger que court l’Ori
180
éation : voie de l’obéissance active dans l’ombre
de
la foi. Le danger que court l’Oriental, c’est l’ex-carnation trop fac
181
cile. (On perd en chemin le monde créé, sa raison
d’
être, la connaissance et la maîtrise de ses structures.) Le danger, po
182
sa raison d’être, la connaissance et la maîtrise
de
ses structures.) Le danger, pour l’Occidental, c’est l’incarnation tr
183
i-même dans la matière et ses structures, on perd
de
vue les exigences et la maîtrise des réalités spirituelles.) Vérifie
184
és spirituelles.) Vérifier la Voie : deux formes
d’
expérience. Pour l’Hindou, il s’agit d’arriver à la connaissance du di
185
eux formes d’expérience. Pour l’Hindou, il s’agit
d’
arriver à la connaissance du divin non par le « saut de la foi », qui
186
iver à la connaissance du divin non par le « saut
de
la foi », qui ne procure pas une connaissance suffisante, n’ouvre pas
187
on puisse librement parcourir ; mais par le moyen
d’
une ascèse soumettant le corps et le mental à l’âme, donc délivrant ce
188
mental à l’âme, donc délivrant celle-ci des liens
de
Prakriti (le monde manifesté, qui est illusion) afin qu’elle aille ve
189
hant ce qu’elle fait. « Ô bien-aimé ! si imprégné
de
la Connaissance, si détaché, si versé dans la Loi, et si maître de lu
190
e, si détaché, si versé dans la Loi, et si maître
de
lui qu’il soit, un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la li
191
-anka.) Pour l’Occidental au contraire, il s’agit
de
connaître Dieu non pas en écartant le monde manifesté, ou bien en se
192
e manifesté, ou bien en se contentant à son sujet
d’
intuitions directes et vagues (sur la nature de l’atome, par exemple)
193
et d’intuitions directes et vagues (sur la nature
de
l’atome, par exemple) qui ne permettent pas de refaire le chemin à vo
194
re de l’atome, par exemple) qui ne permettent pas
de
refaire le chemin à volonté par l’intellect et par l’action physique,
195
n efficace, afin de mieux pénétrer la Création et
d’
en maîtriser le principe. « D’autant plus nous connaissons les choses
196
trer la Création et d’en maîtriser le principe. «
D’
autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus n
197
t plus nous connaissons les choses particulières,
d’
autant plus nous connaissons Dieu. » (Spinoza) Ainsi se croisent les d
198
outes, et parfois les méfiances. Car chacun pense
de
l’autre : est-ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa
199
-ce qu’il dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet
de
sa recherche ? et cet objet lui-même, est-il vraiment réel ? S’identi
200
triser les secrets du cosmos, et peut-être demain
de
la vie, pense l’Oriental, n’est-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun
201
-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté
de
tenir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu
202
ar l’autre ne sont en vérité que des implications
de
son option fondamentale. Tautologies que tout cela ! c) Individu et T
203
et l’Orient traditionaliste, il paraît difficile
de
le mettre en doute10 : tous les auteurs qui traitent de mon sujet s’a
204
mettre en doute10 : tous les auteurs qui traitent
de
mon sujet s’accordent au moins sur ce point, malgré les divergences d
205
ent au moins sur ce point, malgré les divergences
de
leur vocabulaire, de leur angle de vision ou de leur jugement de vale
206
oint, malgré les divergences de leur vocabulaire,
de
leur angle de vision ou de leur jugement de valeur. Pourtant la chose
207
es divergences de leur vocabulaire, de leur angle
de
vision ou de leur jugement de valeur. Pourtant la chose ne me paraît
208
s de leur vocabulaire, de leur angle de vision ou
de
leur jugement de valeur. Pourtant la chose ne me paraît pas si simple
209
aire, de leur angle de vision ou de leur jugement
de
valeur. Pourtant la chose ne me paraît pas si simple, et j’y sens une
210
y sens une complexité dont j’essaierai maintenant
d’
indiquer la nature en rapportant l’observation suivante, faite en Inde
211
ant l’observation suivante, faite en Inde. « Trop
de
monde partout ! Trois domestiques pour ma simple chambre d’hôtel. Sep
212
artout ! Trois domestiques pour ma simple chambre
d’
hôtel. Sept ou huit hommes, dont un travaille, dans des boutiques minu
213
ques pour ma simple chambre d’hôtel. Sept ou huit
hommes
, dont un travaille, dans des boutiques minuscules. La chaussée envahi
214
e le passage des voitures. Les trottoirs couverts
de
dormeurs pendant la nuit. Et j’ai vu cinq personnes sur une seule bic
215
tiers anciens : celui qui entoure la grande pièce
d’
eau sacrée, rectangulaire. Petites rues sinueuses, bordées de maisons
216
e, rectangulaire. Petites rues sinueuses, bordées
de
maisons étroites, cages d’oiseaux mal superposées. Regards luisants d
217
ues sinueuses, bordées de maisons étroites, cages
d’
oiseaux mal superposées. Regards luisants dans la pénombre. Corps tass
218
s recoins. Silence et dignité profonde. Un groupe
d’
hommes attentifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit
219
recoins. Silence et dignité profonde. Un groupe d’
hommes
attentifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit de lé
220
’hommes attentifs dans une cour écoute le lecteur
de
poèmes : il s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’a paru plu
221
une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit
de
légendes sacrées. Jamais la vie ne m’a paru plus solennelle ni plus s
222
olennelle ni plus simplement adorable. Tintements
de
cloches, irréguliers, seuls bruits. Mais ces petits garages, aux port
223
petits garages, aux portes grillagées, surmontés
de
clochetons baroques ? Ce sont des temples, dit mon guide. Devant l’id
224
des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue
de
soie précieuse et de colliers de verroterie, une femme seule, un homm
225
guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et
de
colliers de verroterie, une femme seule, un homme seul, immobile et d
226
nt l’idole vêtue de soie précieuse et de colliers
de
verroterie, une femme seule, un homme seul, immobile et debout. Dans
227
et de colliers de verroterie, une femme seule, un
homme
seul, immobile et debout. Dans la courette, un prêtre renouvelle les
228
prêtre renouvelle les cierges noirs devant le jet
d’
eau grêle. Je pense aux holy men, errant dans les campagnes, ou longue
229
uement assis en tailleur dans leurs niches… Point
de
culte public en Inde, de liturgie, d’église organisée. L’Hindou gréga
230
dans leurs niches… Point de culte public en Inde,
de
liturgie, d’église organisée. L’Hindou grégaire n’est seul que devant
231
ches… Point de culte public en Inde, de liturgie,
d’
église organisée. L’Hindou grégaire n’est seul que devant le divin. L’
232
st seul que devant le divin. L’Occidental, jaloux
de
sa vie privée, s’assemble dans l’église où l’on chante des chœurs. Me
233
e dans l’église où l’on chante des chœurs. Messes
de
Mozart, Passions de Bach : je ne sais rien de plus européen, ni de pl
234
’on chante des chœurs. Messes de Mozart, Passions
de
Bach : je ne sais rien de plus européen, ni de plus véritablement com
235
e dois citer Rudolf Kassner, essayiste autrichien
de
génie. Personne n’a mieux traduit l’impression qui submerge l’Europée
236
’Inde, immergé dans la foule indienne. J’ai parlé
de
l’Hindou « grégaire » ; terme inexact s’il fait penser à « collectif
237
il fait penser à « collectif », à je ne sais quoi
d’
organisé ou d’encadré. Je cherchais à dire autre chose. Kassner m’offr
238
à « collectif », à je ne sais quoi d’organisé ou
d’
encadré. Je cherchais à dire autre chose. Kassner m’offre ce mot : le
239
, ou avec un Moi qui n’est qu’un simple centre. L’
homme
magique, le corps magique n’a pas d’ironie ni de paradoxe, parce qu’i
240
centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas
d’
ironie ni de paradoxe, parce qu’il n’a ni contraire ni contradiction.
241
mme magique, le corps magique n’a pas d’ironie ni
de
paradoxe, parce qu’il n’a ni contraire ni contradiction. » Dépourvu d
242
’il n’a ni contraire ni contradiction. » Dépourvu
de
sensibilité au sens du xviiie siècle, de souci moralisateur ou d’esp
243
épourvu de sensibilité au sens du xviiie siècle,
de
souci moralisateur ou d’esprit révolutionnaire, ignorant la curiosité
244
sens du xviiie siècle, de souci moralisateur ou
d’
esprit révolutionnaire, ignorant la curiosité, il ne peut avoir cure n
245
, ignorant la curiosité, il ne peut avoir cure ni
de
ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’un miroir, donc ni d’une
246
ne peut avoir cure ni de ses droits distincts, ni
de
sa chance, ni d’un miroir, donc ni d’une personnalité ni d’un visage.
247
e ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni
d’
un miroir, donc ni d’une personnalité ni d’un visage. « On peut aller
248
stincts, ni de sa chance, ni d’un miroir, donc ni
d’
une personnalité ni d’un visage. « On peut aller jusqu’à prétendre cec
249
ce, ni d’un miroir, donc ni d’une personnalité ni
d’
un visage. « On peut aller jusqu’à prétendre ceci : les contradictions
250
aire. Le fakir habituel des rues et des places, l’
homme
des supercheries, est de son appartenance : il forme le bord, la lisi
251
rues et des places, l’homme des supercheries, est
de
son appartenance : il forme le bord, la lisière du monde du saint, co
252
u plutôt la dissout dans la métamorphose. Animal,
homme
, démon, symbole, dieu ou saint, tout communique en la magie, tout se
253
inexprimable, au sein de laquelle nos conceptions
de
liberté, action, de personne et d’histoire n’ont plus de pointe ni de
254
n de laquelle nos conceptions de liberté, action,
de
personne et d’histoire n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magiq
255
os conceptions de liberté, action, de personne et
d’
histoire n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique est en forme
256
rté, action, de personne et d’histoire n’ont plus
de
pointe ni de but. Le monde magique est en forme de Boule, infinie et
257
de personne et d’histoire n’ont plus de pointe ni
de
but. Le monde magique est en forme de Boule, infinie et tout-engloban
258
ntradiction, tension ou dissension, et ne cessent
de
refaire le signe de la Croix. Je disais que la voie de l’individu en
259
ou dissension, et ne cessent de refaire le signe
de
la Croix. Je disais que la voie de l’individu en Inde, comme celle du
260
faire le signe de la Croix. Je disais que la voie
de
l’individu en Inde, comme celle du mystique médiéval, ne peut être qu
261
a voie consiste à libérer progressivement une âme
de
l’illusion d’être distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition
262
e à libérer progressivement une âme de l’illusion
d’
être distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition : panthéisme o
263
: panthéisme ou Dieu personnel. Car il n’est pas
de
personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de
264
Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît rien
de
tel. Soit qu’on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon le système Sank
265
aît rien de tel. Soit qu’on pense qu’il n’y a pas
de
Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme — soit qu’on pense, s
266
et accompli (That Thwam Asi) — il n’y a pas plus
de
personne dans la gnose hindouiste que de moi distinct dans le bouddhi
267
pas plus de personne dans la gnose hindouiste que
de
moi distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que
268
distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y ait point
de
Dieu, ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ;
269
ns les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas
de
dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni par suite de p
270
’évanouit ; il n’est pas de dialogue possible, ni
d’
appel, ni donc de vocation, ni par suite de personne. De là découle un
271
est pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc
de
vocation, ni par suite de personne. De là découle un monde de conséqu
272
l, ni donc de vocation, ni par suite de personne.
De
là découle un monde de conséquences précises, — un monde, littéraleme
273
ni par suite de personne. De là découle un monde
de
conséquences précises, — un monde, littéralement, comme j’espère le m
274
me j’espère le montrer. Revenons à la déclaration
de
Ramakrishna que je citais en tête de ce chapitre : « Il n’y a aucune
275
déclaration de Ramakrishna que je citais en tête
de
ce chapitre : « Il n’y a aucune différence, que vous l’appeliez Toi o
276
i. » Nous y lisons maintenant la vraie définition
de
l’attitude religieuse orientale. Car il est bien certain que l’identi
277
vacue l’existence personnelle, et que la négation
de
la personne postule la suppression de la différence entre le Toi divi
278
la négation de la personne postule la suppression
de
la différence entre le Toi divin et le moi de l’homme. En revanche, l
279
ion de la différence entre le Toi divin et le moi
de
l’homme. En revanche, l’Occident s’atteste et s’actualise là où la di
280
e la différence entre le Toi divin et le moi de l’
homme
. En revanche, l’Occident s’atteste et s’actualise là où la différence
281
magique. Yin yang Dans le symbole central
de
la pensée chinoise (le cercle divisé par un grand S qui représente la
282
si montré que l’élément masculin n’est pas absent
de
la région du yin tandis que l’élément féminin reste présent dans la r
283
yang. Vérifiée par les sexologues, cette relation
d’
inter-présence des opposés n’est pas moins évidente dans les zones res
284
est pas moins évidente dans les zones respectives
de
l’Orient et de l’Occident. Qui voudrait nier, par exemple, qu’il y ai
285
vidente dans les zones respectives de l’Orient et
de
l’Occident. Qui voudrait nier, par exemple, qu’il y ait en Occident d
286
udrait nier, par exemple, qu’il y ait en Occident
de
grands spirituels, ou de grands physiciens en Orient ? Mais personne
287
qu’il y ait en Occident de grands spirituels, ou
de
grands physiciens en Orient ? Mais personne n’a l’idée de parler de l
288
s physiciens en Orient ? Mais personne n’a l’idée
de
parler de l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique. Un Sankar
289
ns en Orient ? Mais personne n’a l’idée de parler
de
l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique. Un Sankara parfois
290
n’a l’idée de parler de l’Orient scientifique, ou
de
l’Occident mystique. Un Sankara parfois préfigure le thomisme, et il
291
figure le thomisme, et il arrive à Maître Eckhart
de
s’exprimer comme un bouddhiste. La Bhagavad-Gita fait l’éloge de l’ac
292
omme un bouddhiste. La Bhagavad-Gita fait l’éloge
de
l’action, le quiétisme celui de la passivité. Les plus grands mystiqu
293
Gita fait l’éloge de l’action, le quiétisme celui
de
la passivité. Les plus grands mystiques de l’Europe ont pu se voir ac
294
celui de la passivité. Les plus grands mystiques
de
l’Europe ont pu se voir accuser d’athéisme sur la foi de leurs ultime
295
ands mystiques de l’Europe ont pu se voir accuser
d’
athéisme sur la foi de leurs ultimes conclusions (condamnées et souven
296
rope ont pu se voir accuser d’athéisme sur la foi
de
leurs ultimes conclusions (condamnées et souvent détruites), tandis q
297
et souvent détruites), tandis qu’il ne manque pas
d’
écoles hindoues pour affirmer la réalité du Moi, l’action de la Grâce,
298
indoues pour affirmer la réalité du Moi, l’action
de
la Grâce, voire un Dieu personnel. L’idée de la « voie » ou « loi ind
299
tion de la Grâce, voire un Dieu personnel. L’idée
de
la « voie » ou « loi individuelle » (Svadharma) semble rappeler l’idé
300
individuelle » (Svadharma) semble rappeler l’idée
de
vocation personnelle, tandis que nous inventons le collectivisme… Et
301
inventons le collectivisme… Et l’on aura beau jeu
de
m’opposer des textes apparemment ruineux pour ma thèse des deux Voies
302
ma thèse des deux Voies. À quelle école mystique
de
l’hindouisme appartient l’auteur de cette phrase : « Écarte les chose
303
cole mystique de l’hindouisme appartient l’auteur
de
cette phrase : « Écarte les choses, ô Amant, ta voie est fuite » ? De
304
Écarte les choses, ô Amant, ta voie est fuite » ?
De
quelle yâna bouddhique relève celui qui a dit : « Il faut que tu aime
305
sonne, non-Image, … un Un pur et absolu, dépourvu
de
toute dualité, dans lequel nous devons nous enfoncer éternellement d’
306
ns lequel nous devons nous enfoncer éternellement
d’
un néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel est le mystique chrétien
307
é tout attachement » et s’être engagé sur la voie
de
la connaissance divine, « il faut demeurer dans l’action, gardant un
308
t pourtant il serait faux, plus encore que banal,
de
répéter ici « tout est dans tout ». La partie blanche contient un cer
309
he tout de même, et non pas grise. Que vaut un
homme
? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce sont les résultantes
310
aut un homme ? Et finalement, ce qu’il importe
de
voir, ce sont les résultantes majeures des complexes doctrinaux dont
311
œurs, en Occident. Ils se fondent sur la négation
de
nos croyances communes, et de nos institutions. Ils représentent le p
312
ent sur la négation de nos croyances communes, et
de
nos institutions. Ils représentent le point d’Orient dans notre sphèr
313
et de nos institutions. Ils représentent le point
d’
Orient dans notre sphère. En revanche, l’Orient ne connaît pas d’Églis
314
otre sphère. En revanche, l’Orient ne connaît pas
d’
Églises. La Bible et les Vedas n’ont vraiment rien de commun, et l’usa
315
glises. La Bible et les Vedas n’ont vraiment rien
de
commun, et l’usage qu’on en fait n’est pas du tout le même. La foule
316
qu’on en fait n’est pas du tout le même. La foule
de
Bénarès n’est pas la foule de Lourdes, même si l’on pense que Dieu re
317
t le même. La foule de Bénarès n’est pas la foule
de
Lourdes, même si l’on pense que Dieu reconnaîtra les siens, qu’ils se
318
nse à l’esprit des Occidentaux, mais elle n’a pas
d’
effet dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie sociale. M
319
doute lorsqu’on se pose la question : que vaut un
homme
? (un homme individuel, un exemplaire humain pris au hasard) qu’on ob
320
’on se pose la question : que vaut un homme ? (un
homme
individuel, un exemplaire humain pris au hasard) qu’on obtient les ré
321
qu’on obtient les réponses les plus révélatrices
de
l’Orient et de l’Occident, et rien n’illustre mieux la divergence rée
322
les réponses les plus révélatrices de l’Orient et
de
l’Occident, et rien n’illustre mieux la divergence réelle des résulta
323
tre où il décrit le corps magique : Une histoire
d’
Hérodote traite d’un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il
324
e corps magique : Une histoire d’Hérodote traite
d’
un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il avait fait pour X
325
dote traite d’un grand du royaume qui, en échange
de
tout ce qu’il avait fait pour Xerxès et son armée, pour l’équipement
326
fait pour Xerxès et son armée, pour l’équipement
de
la campagne contre les Grecs, demande au roi cette faveur : exempter
327
les Grecs, demande au roi cette faveur : exempter
de
la guerre un de ses cinq fils. Sur quoi Xerxès, irrité, fait mettre à
328
de au roi cette faveur : exempter de la guerre un
de
ses cinq fils. Sur quoi Xerxès, irrité, fait mettre à mort ce seul fi
329
s et couper le corps en deux moitiés dans le sens
de
la longueur. Et entre ces deux moitiés sectionnées depuis la tête jus
330
nées depuis la tête jusqu’au sexe, comme le corps
d’
un bœuf ou d’un mouton à l’étal d’un boucher, au beau milieu défileron
331
a tête jusqu’au sexe, comme le corps d’un bœuf ou
d’
un mouton à l’étal d’un boucher, au beau milieu défileront les armées
332
comme le corps d’un bœuf ou d’un mouton à l’étal
d’
un boucher, au beau milieu défileront les armées qui marchent contre l
333
en deux. Ce qui manque ici, c’est l’idée grecque
de
mesure et, en liaison avec elle, l’idée de liberté. Seule l’idée de l
334
recque de mesure et, en liaison avec elle, l’idée
de
liberté. Seule l’idée de la mesure de l’homme renferme l’idée de son
335
iaison avec elle, l’idée de liberté. Seule l’idée
de
la mesure de l’homme renferme l’idée de son individualité. Mon secon
336
lle, l’idée de liberté. Seule l’idée de la mesure
de
l’homme renferme l’idée de son individualité. Mon second exemple, es
337
l’idée de liberté. Seule l’idée de la mesure de l’
homme
renferme l’idée de son individualité. Mon second exemple, est emprun
338
le l’idée de la mesure de l’homme renferme l’idée
de
son individualité. Mon second exemple, est emprunté à un essai de Er
339
ité. Mon second exemple, est emprunté à un essai
de
Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’homme avec le libre arbi
340
i de Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’
homme
avec le libre arbitre remonte à ses origines. Aussi lui reste-t-elle
341
er dans ses actes et ses opinions. Ce qu’il pense
de
la personne, du destin, ce qu’il proclame moral ou immoral, son attit
342
ts et gestes. Ceci vaut surtout du cas qu’il fait
de
la vie même. Lorsqu’en 1194, le comte de Champagne, dans son voyage d
343
u’en 1194, le comte de Champagne, dans son voyage
d’
Arménie, toucha le territoire des Assassins, leur grand-maître lui fit
344
x. Ils arrivèrent devant une place forte flanquée
de
très hautes tours : deux guetteurs vêtus de blanc étaient en faction
345
nquée de très hautes tours : deux guetteurs vêtus
de
blanc étaient en faction sur chacune d’elles. Le grand maître voulut
346
urs vêtus de blanc étaient en faction sur chacune
d’
elles. Le grand maître voulut faire voir au comte que les siens lui ob
347
sol rocheux. Puis il demanda au comte s’il devait
d’
un second signe livrer à la mort toute la garde des créneaux ; l’autre
348
ort toute la garde des créneaux ; l’autre le pria
de
n’en rien faire, tout en confessant qu’il ne saurait attendre de ses
349
ire, tout en confessant qu’il ne saurait attendre
de
ses vassaux une telle docilité […]. Et chaque Européen éprouvera ici
350
acrifice, ordre et discipline, sont ici arrachées
de
leur place ; l’horreur d’un monde étranger lui monte au cœur. Cette h
351
ine, sont ici arrachées de leur place ; l’horreur
d’
un monde étranger lui monte au cœur. Cette horreur saisira toujours ce
352
horreur saisira toujours celui qui respecte en l’
homme
un noyau de liberté auquel il n’est pas permis de porter atteinte. Ce
353
a toujours celui qui respecte en l’homme un noyau
de
liberté auquel il n’est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y pas
354
me un noyau de liberté auquel il n’est pas permis
de
porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provient, ne peut naî
355
trainte. Quand ce noyau est lésé, des tourbillons
de
néant s’en dégagent. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’e
356
tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction
de
nos deux auteurs occidentaux n’est pas moins significative, pour notr
357
blissent la même liaison entre le peu de cas fait
de
la vie humaine, et la négation de la personne, ou simplement de l’ind
358
peu de cas fait de la vie humaine, et la négation
de
la personne, ou simplement de l’individualité. Pour tous les deux, la
359
ine, et la négation de la personne, ou simplement
de
l’individualité. Pour tous les deux, la liberté de l’homme a pour con
360
e l’individualité. Pour tous les deux, la liberté
de
l’homme a pour condition la personne. On dira que l’Occident a fait l
361
ndividualité. Pour tous les deux, la liberté de l’
homme
a pour condition la personne. On dira que l’Occident a fait les chamb
362
es à gaz, tandis que l’Orient professe un respect
de
la Vie qui va jusqu’au refus de détruire la vermine13. Pourtant, l’ad
363
ofesse un respect de la Vie qui va jusqu’au refus
de
détruire la vermine13. Pourtant, l’adoration de la vie en général n’e
364
s de détruire la vermine13. Pourtant, l’adoration
de
la vie en général n’entraîne pas le respect de la vie humaine. La Bha
365
on de la vie en général n’entraîne pas le respect
de
la vie humaine. La Bhagavad-Gita, qui n’a rien de bouddhique, enseign
366
de la vie humaine. La Bhagavad-Gita, qui n’a rien
de
bouddhique, enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’est vra
367
nches ou qu’on l’épargne, elle ne sera pas sauvée
de
la nécessité de renaître un millier ou cent-milliers de fois. La méte
368
’épargne, elle ne sera pas sauvée de la nécessité
de
renaître un millier ou cent-milliers de fois. La métempsycose évacue
369
nécessité de renaître un millier ou cent-milliers
de
fois. La métempsycose évacue les sanctions redoutées de la résurrecti
370
s. La métempsycose évacue les sanctions redoutées
de
la résurrection : le martyr qui revient, portant sa tête sous le bras
371
ient, portant sa tête sous le bras ! Qu’en est-il
de
notre Occident ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur de la
372
t ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur
de
la personne dans chaque individu, n’en a pas moins connu les tortures
373
eligieux). Elle a même inventé la guerre totale !
D’
où provient alors cette « horreur » et ce « plus violent des refus » q
374
au contraire, notre foi nous condamne. La cruauté
de
l’Oriental est fatidique, et par suite sans mesure, sans péché, sans
375
. Il y a des différences. Et mon propos n’est pas
de
les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparaisons tourn
376
lecteur à des comparaisons tournant à l’avantage
de
l’un ou de l’autre « camp » : car il n’y a pas de camps, ni de lutte
377
des comparaisons tournant à l’avantage de l’un ou
de
l’autre « camp » : car il n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ce
378
de l’un ou de l’autre « camp » : car il n’y a pas
de
camps, ni de lutte engagée, ceci soit dit ici une fois pour toutes. I
379
l’autre « camp » : car il n’y a pas de camps, ni
de
lutte engagée, ceci soit dit ici une fois pour toutes. Il y a seuleme
380
seulement deux expériences globales qu’il importe
de
déchiffrer. Mais l’infinie complexité de leurs données nous oblige à
381
importe de déchiffrer. Mais l’infinie complexité
de
leurs données nous oblige à n’examiner que des prises partielles et t
382
ai choisi mes exemples dans le domaine religieux,
de
préférence. N’est-ce pas là que l’irritante question de la « supérior
383
férence. N’est-ce pas là que l’irritante question
de
la « supériorité » de ceci sur cela offre le moins de sens, et de fai
384
là que l’irritante question de la « supériorité »
de
ceci sur cela offre le moins de sens, et de fait perd sa pointe, puis
385
a « supériorité » de ceci sur cela offre le moins
de
sens, et de fait perd sa pointe, puisqu’on n’y dispose pas d’éléments
386
ité » de ceci sur cela offre le moins de sens, et
de
fait perd sa pointe, puisqu’on n’y dispose pas d’éléments mesurables,
387
de fait perd sa pointe, puisqu’on n’y dispose pas
d’
éléments mesurables, comme ce serait le cas au plan de l’économie ou d
388
éments mesurables, comme ce serait le cas au plan
de
l’économie ou de l’état social par exemple ? Je cherchais à cerner le
389
, comme ce serait le cas au plan de l’économie ou
de
l’état social par exemple ? Je cherchais à cerner les options primord
390
premières ou effets ; qu’elles résument une série
de
facteurs antécédents, ou qu’au contraire elles initient l’histoire, t
391
nitient l’histoire, tout cela m’importe moins que
de
les avoir bien vues, et de suivre à partir d’un contraste assez simpl
392
la m’importe moins que de les avoir bien vues, et
de
suivre à partir d’un contraste assez simple entre deux conceptions de
393
que de les avoir bien vues, et de suivre à partir
d’
un contraste assez simple entre deux conceptions de l’homme et de ses
394
’un contraste assez simple entre deux conceptions
de
l’homme et de ses fins, celle dont les conséquences ont formé l’Occid
395
ontraste assez simple entre deux conceptions de l’
homme
et de ses fins, celle dont les conséquences ont formé l’Occident.
396
assez simple entre deux conceptions de l’homme et
de
ses fins, celle dont les conséquences ont formé l’Occident. 1. L’O
397
testants européens, qui conçoit Dieu comme le Toi
de
l’homme ; et l’Asie par ceux des systèmes philosophiques et religieux
398
nts européens, qui conçoit Dieu comme le Toi de l’
homme
; et l’Asie par ceux des systèmes philosophiques et religieux de l’In
399
par ceux des systèmes philosophiques et religieux
de
l’Inde qui conçoivent que le Tout n’est autre que le Je pleinement ré
400
des auteurs modernes qui se réclament en Occident
de
la « pensée traditionnelle ». Ces utopistes à rebours projettent dans
401
s projettent dans un passé qui souffre tout, sauf
d’
être vérifié, un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sud
402
hors-castes étant les « résistants » au processus
d’
intégration sociale. 4. Il y a peut-être en Inde autant d’idoles que
403
tion sociale. 4. Il y a peut-être en Inde autant
d’
idoles que d’habitants, si l’on songe que le nombre des dieux connus d
404
4. Il y a peut-être en Inde autant d’idoles que
d’
habitants, si l’on songe que le nombre des dieux connus du panthéon hi
405
chapitre, sauf exception, je demanderai à l’Inde
de
représenter l’Orient, l’Europe chrétienne figurant l’Occident. Il y a
406
’Europe chrétienne figurant l’Occident. Il y a là
de
l’arbitraire, mais comment y échapper sans brouiller le dessin de cet
407
mais comment y échapper sans brouiller le dessin
de
cet ouvrage ? Voici maintenant quelques raisons qui justifient le pro
408
de a joué en Asie un rôle très comparable à celui
de
l’Europe en Occident. C’est de l’hindouisme qu’est issu le bouddhisme
409
comparable à celui de l’Europe en Occident. C’est
de
l’hindouisme qu’est issu le bouddhisme, pour recouvrir ensuite le Tib
410
r ensuite en Amérique du Nord. À la confrontation
de
l’Europe et de l’Inde qui garde une signification centrale, pourrait
411
érique du Nord. À la confrontation de l’Europe et
de
l’Inde qui garde une signification centrale, pourrait répondre la con
412
tion centrale, pourrait répondre la confrontation
de
l’Extrême-Occident et de l’Extrême-Orient, représentés par deux forme
413
épondre la confrontation de l’Extrême-Occident et
de
l’Extrême-Orient, représentés par deux formes « hérétiques » de la re
414
rient, représentés par deux formes « hérétiques »
de
la religion initiale : le moralisme américain et le bouddhisme zen, t
415
est vue retardée pendant longtemps par le barrage
de
l’islam, et n’a pu s’esquisser qu’à partir du xixe siècle ; la secon
416
onde s’opère sous nos yeux, provoquée par le choc
de
la guerre entre le Japon et les États-Unis. 6. Cf. Henry Corbin, Avi
417
même auteur : Œuvres philosophiques et mystiques
de
Sohrawardi, tome 1, Téhéran, 1952. On y trouvera le texte des deux ré
418
le texte des deux récits que je mentionne. Celui
d’
Avicenne s’intitule : Récit d’Havy ibn Yaqzân. Celui de Sohrawardi : R
419
je mentionne. Celui d’Avicenne s’intitule : Récit
d’
Havy ibn Yaqzân. Celui de Sohrawardi : Récit de l’exil occidental de l
420
cenne s’intitule : Récit d’Havy ibn Yaqzân. Celui
de
Sohrawardi : Récit de l’exil occidental de l’âme. Le premier date du
421
it d’Havy ibn Yaqzân. Celui de Sohrawardi : Récit
de
l’exil occidental de l’âme. Le premier date du xe siècle, le second
422
Celui de Sohrawardi : Récit de l’exil occidental
de
l’âme. Le premier date du xe siècle, le second du xiie siècle. 7.
423
r Orient n’est pas l’Inde ou la Chine, mais celui
de
la mystique « illuminée » de certaines traditions coraniques. 8. Je
424
la Chine, mais celui de la mystique « illuminée »
de
certaines traditions coraniques. 8. Je pense à Parménide et à Platon
425
intains disciples cathares et « courtois », à Pic
de
la Mirandole, à Jacob Boehme, aux romantiques allemands philosophes,
426
n avenue l’innovation individuelle, et que le but
de
la recherche humaine ne peut pas être le progrès ou l’invention, mais
427
du chercheur avec un Objet que l’on situe au-delà
de
tout changement possible. 11. Rudolf Kassner : Buch der Erinnerung.
428
a rendre inoffensive en la gorgeant du sang impur
d’
un domestique hors-caste, qui se couche le premier dans le lit, se fai
429
abondamment piquer par poux et puces, dispensant
de
la sorte son maître d’avoir à tuer ces insectes. (Anecdote citée par
430
poux et puces, dispensant de la sorte son maître
d’
avoir à tuer ces insectes. (Anecdote citée par R. Kassner, op. cit.)
431
ée par R. Kassner, op. cit.) a. Rougemont Denis
de
, « La voie et l’aventure », La Table ronde, Paris, janvier 1957, p. 9
432
anvier 1957, p. 9-22. b. Il s’agit du chapitre I
de
L’Aventure occidentale de l’homme , qui sera publié chez Albin Miche
433
l s’agit du chapitre I de L’Aventure occidentale
de
l’homme , qui sera publié chez Albin Michel en février 1957.
434
git du chapitre I de L’Aventure occidentale de l’
homme
, qui sera publié chez Albin Michel en février 1957.
435
De
l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)c 1. Il suffit de
436
De l’unité
de
culture à l’union politique (mai 1957)c 1. Il suffit de s’éloigner
437
e à l’union politique (mai 1957)c 1. Il suffit
de
s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la
438
litique (mai 1957)c 1. Il suffit de s’éloigner
de
l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de no
439
n’importe quelle direction pour sentir la réalité
de
notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie a
440
e direction pour sentir la réalité de notre unité
de
culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous
441
x USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà
de
tous les doutes possibles, les Français et les Grecs, les Anglais et
442
e raison. Tout bien considéré, je n’en trouve pas
de
meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si faci
443
uve pas de meilleure que cette fameuse communauté
de
culture qui échappe si facilement à nos définitions, mais si difficil
444
, mais si difficilement au regard des Autres. Vue
de
dehors, l’Europe est évidente. L’histoire que nous vivons la définit
445
sion qui ne pardonne pas : celle du ressentiment,
de
l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l
446
ne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire
de
la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-A
447
de la haine, plus souvent je le crains, que celle
de
l’amour. Les Afro-Asiatiques et les Arabes savent trop bien ce qu’ell
448
commune. On me dira qu’il est bien « dangereux »
d’
écrire cela. Je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Ba
449
’écrire cela. Je réponds qu’il est plus dangereux
de
vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des Européens
450
que ceux des Européens qui insistent avec le plus
d’
emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là,
451
avec le plus d’emphase sur la nature universelle
de
nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économiqu
452
a nature universelle de nos problèmes, et partant
de
là, dénient toute personnalité économique, sociale ou scientifique à
453
siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas
de
différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre
454
pas de différences bien notables (dans le domaine
de
leur spécialité) entre l’Europe et le Congo ou le Cachemire, tandis q
455
e Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait
d’
insurmontables entre les Britanniques et les Français, entre ceux-ci e
456
ceux-ci et les Allemands, etc. Un même mouvement
de
ces esprits les porte à effacer les différences continentales, mais à
457
trice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire
de
l’Europe. (Je ne parle pas ici de politique, mais seulement de formes
458
nion nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas ici
de
politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasi
459
(Je ne parle pas ici de politique, mais seulement
de
formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’arg
460
le pas ici de politique, mais seulement de formes
d’
esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des
461
e politique, mais seulement de formes d’esprit et
de
mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes s
462
ais seulement de formes d’esprit et de mécanismes
d’
évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes séculaires, inv
463
s séculaires, invoqué sans fatigue contre l’union
de
l’Europe, n’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’obs
464
’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et
de
l’observateur des cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nat
465
gument, précisément, n’est pas soutenable au plan
de
la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On
466
n de la nation. Comment le serait-il donc au plan
de
l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemands et
467
ontinentaux, Suédois et Grecs (pour ne parler que
de
géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les re
468
édois et Grecs (pour ne parler que de géographie,
d’
histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’écon
469
e parler que de géographie, d’histoire récente et
de
modes de vie, mais il y a les religions, l’économie, les formes polit
470
ent toute union politique, et font douter d’abord
de
l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais : 1°
471
nion politique, et font douter d’abord de l’unité
de
culture qui donnerait une assise à cette union. Mais : 1° les différe
472
e assise à cette union. Mais : 1° les différences
de
langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie ent
473
cette union. Mais : 1° les différences de langue,
de
religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons
474
Mais : 1° les différences de langue, de religion,
de
« race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedoci
475
différences de langue, de religion, de « race »,
de
coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons
476
langue, de religion, de « race », de coutumes et
de
niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons et Bavarois, Pi
477
rois, Piémontais et Siciliens, pâtres catholiques
de
l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’u
478
tholiques de l’Appenzell et banquiers protestants
de
Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’
479
Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale
de
la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses — pas p
480
pas empêché l’unification nationale de la France,
de
l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses — pas plus que cette
481
ification nationale de la France, de l’Allemagne,
de
l’Italie et des cantons suisses — pas plus que cette unification, d’a
482
supprimé ces différences. (Encore que les écoles
d’
État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais at
483
upprimé ces différences. (Encore que les écoles d’
État
s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais attend
484
s un siècle : or personne n’a jamais attendu rien
de
pareil d’un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’u
485
e : or personne n’a jamais attendu rien de pareil
d’
un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’
486
r personne n’a jamais attendu rien de pareil d’un
État
fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’Europe,
487
européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union
de
l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également
488
l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute
de
cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’expérience
489
alement imaginaires, comme le prouve l’expérience
de
la nation elle-même, au nom de laquelle on refuse l’union. 2° Si pitt
490
, et malgré tout ce qu’il serait tellement facile
de
dire, la même foi dominant l’arrière-plan millénaire sur lequel se dé
491
-plan millénaire sur lequel se détache la dignité
de
l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis
492
millénaire sur lequel se détache la dignité de l’
homme
. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis des anné
493
uel se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité
de
publicistes découvrent — et cela dure depuis des années — que l’Europ
494
et historique, car ses frontières n’ont pas cessé
de
se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que
495
re, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas
d’
Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facili
496
udra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre
d’
union… Ainsi jouent les sophistes, et le lecteur s’inquiète : il sent
497
t avec le drame qui vient. Au vrai, tout cela n’a
de
sens que pour les professeurs. Ceux-ci doivent circonscrire exactemen
498
. Ceux-ci doivent circonscrire exactement l’objet
d’
un éventuel enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir, ils le r
499
ues devient chez les écrivains libres une méthode
d’
obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’une définition hist
500
’obstruction, consciente ou non. Le « préalable »
d’
une définition historique et géographique, occasion de discours permet
501
e définition historique et géographique, occasion
de
discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’E
502
et géographique, occasion de discours permettant
de
surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos in
503
ettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat
de
l’Europe, fournit à nos intellectuels l’équivalent du procédé parleme
504
valent du procédé parlementaire connu sous le nom
de
filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux
505
us les yeux pendant que j’écris14. Bien qu’auteur
d’
une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’es
506
dant que j’écris14. Bien qu’auteur d’une Histoire
de
l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entit
507
oulu que l’Empire romain fût une première ébauche
de
l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
508
es Balkans, toute l’Europe de l’Est. La naissance
de
l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites. L’Europe ne s
509
du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date
de
naissance ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existe
510
e ? Mais le même raisonnement conduirait à douter
de
l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter s
511
e raisonnement conduirait à douter de l’existence
de
la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter sa naissance au
512
te alliance excluait à peu près les neuf dixièmes
de
la Suisse actuelle. Tout comme la France d’avant Philippe Auguste exc
513
ièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France
d’
avant Philippe Auguste excluait la Bretagne, l’Alsace, le Languedoc, l
514
re correspondre au réel, car il s’agit maintenant
de
sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définition. En privant le
515
l s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas
d’
ergoter sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé,
516
r sur sa définition. En privant le concept Europe
de
son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on
517
le concept Europe de son passé, on ne tend à rien
de
moins qu’à miner son avenir, et l’on déprime l’élan vers l’union néce
518
ontrer ses fondements légitimes dans l’ancienneté
de
sa conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt
519
a conscience commune. 5. Au sujet de la naissance
de
l’Europe, vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car i
520
affrontent inutilement je le crains, car il en va
d’
une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près comme
521
nt je le crains, car il en va d’une civilisation,
d’
une culture et même d’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art :
522
l en va d’une civilisation, d’une culture et même
d’
une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jo
523
ne culture et même d’une nation, à peu près comme
d’
une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou
524
à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née
de
ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son cl
525
an, ou reçu sa commande, ou senti son climat ? Ou
de
cette heure où fut écrite sa première page, posée sa première touche,
526
mière touche, noté son premier accord ? Ou plutôt
de
l’instant d’une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n
527
noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant
d’
une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-elle
528
chemin du travail entrepris, qui a soudain changé
de
sens et trouvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre est là.
529
ssez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on
de
l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des féd
530
epuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il
d’
une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, c
531
e-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention
de
Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’
532
invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes
de
notre temps, comme certains l’ont finement supposé ? Une cantate peu
533
s l’ont finement supposé ? Une cantate peu connue
de
Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant
534
peu connue de Beethoven, composée pour le congrès
de
Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leib
535
et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus
de
leur « nation ». Mais l’adjectif européen est d’un usage bien plus an
536
de leur « nation ». Mais l’adjectif européen est
d’
un usage bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain de la bataille
537
ge bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain
de
la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol contin
538
cien : il paraît déjà au lendemain de la bataille
de
Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol continuant la chroniq
539
ain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre
d’
un clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja. L’auteur
540
œuvre d’un clerc espagnol continuant la chronique
d’
Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ce
541
chronique d’Isidore de Beja. L’auteur y qualifie
d’
Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec co
542
. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs
de
ces grandes journées, et « répète avec complaisance ce nom qui indiqu
543
pète avec complaisance ce nom qui indique l’éveil
d’
un sentiment nouveau15 ». Cependant, la prise de conscience d’une enti
544
nt nouveau15 ». Cependant, la prise de conscience
d’
une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à
545
s, écrit M. Denys Hay, « constituaient des cartes
de
l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils
546
encore plus important) ils étaient le témoignage
de
l’intérêt porté au caractère culturel et politique des terres dont il
547
anistes commencent à distinguer les deux concepts
de
christianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
548
distinguer les deux concepts de christianitas et
d’
Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand h
549
tianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres
d’
un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius P
550
tas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un
homme
qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius Piccolomi
551
homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom
d’
Æneas Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que
552
Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom
de
Pie II, que l’Europe se voit définie, face à l’islam de Mahomet II, c
553
II, que l’Europe se voit définie, face à l’islam
de
Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chac
554
islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne
de
Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cett
555
homet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et
de
la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cette définitio
556
la fortune que devait connaître cette définition
de
l’Europe par ses trois sources principales, reprise naguère avec écla
557
poétique des banquets et des éditoriaux du temps
de
guerre. Passons sur ces excès, voyons la thèse elle-même, et le jugem
558
’elle implique sur la réalité. On a souvent tenté
de
nier l’existence d’une vraie culture européenne, en arguant non seule
559
a réalité. On a souvent tenté de nier l’existence
d’
une vraie culture européenne, en arguant non seulement de ce qu’une pa
560
raie culture européenne, en arguant non seulement
de
ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la comple
561
ne pareille culture est difficile à définir, mais
de
la complexité de ses origines et de l’importance des influences extra
562
re est difficile à définir, mais de la complexité
de
ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’
563
définir, mais de la complexité de ses origines et
de
l’importance des influences extracontinentales qu’elle a subies. Ces
564
ments prennent toute leur force contre le concept
de
cultures nationales, apparu au xixe siècle. Qu’as-tu que tu n’aies r
565
’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine
de
répondre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens
566
encore qu’ils définissent la soi-disant autonomie
de
leur culture. En vérité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne s
567
es limites accidentelles et souvent fort récentes
d’
un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier cou
568
mites accidentelles et souvent fort récentes d’un
de
nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup que
569
ccidentelles et souvent fort récentes d’un de nos
États
. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup que les réali
570
premier coup que les réalités décisives ont cessé
d’
être nationales au xxe siècle ? Notre économie, nos techniques, se dé
571
en dépit des nations, qui ont au plus le pouvoir
de
les freiner en paralysant les échanges. Quant au plan politique on a
572
s que nos ci-devant grandes puissances refusaient
de
sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte en
573
es puissances refusaient de sacrifier sur l’autel
de
l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde d
574
ée nationale soit forte encore, il serait absurde
de
le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrait tout perd
575
ver, mais elle pourrait tout perdre. Gardons-nous
de
la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps
576
nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi
de
confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souveni
577
nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange
de
lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai pat
578
confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et
d’
émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec
579
s ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs,
d’
orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique.
580
et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et
de
vrai patriotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’est pas la
581
oup plus petite. La nation culturelle n’est pas l’
État
, elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’on confond tout, p
582
oup plus grande. Et si l’on confond tout, patrie,
État
, nation, spirituel, culturel et politique, dans les limites d’un même
583
pirituel, culturel et politique, dans les limites
d’
un même cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient fi
584
s limites d’un même cordon douanier et du pouvoir
d’
une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’Ét
585
n obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’
État
totalitaire. Il reste, hélas ! qu’aux yeux de beaucoup d’intellectuel
586
itaire. Il reste, hélas ! qu’aux yeux de beaucoup
d’
intellectuels, la nation cache l’Europe comme l’arbre la forêt. Je dir
587
ai plus : l’Européen demeuré nationaliste au fond
de
son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre
588
s’obstinerait à mettre en doute l’existence même
de
la forêt. (Sait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est née
589
’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien
d’
arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est
590
st vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas temps
de
faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule en
591
stes qu’une Europe fédérée serait seule en mesure
de
sauver le concret de nos vies nationales, et n’en sacrifierait que l’
592
dérée serait seule en mesure de sauver le concret
de
nos vies nationales, et n’en sacrifierait que l’illusoire, j’entends
593
que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu
de
toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soi
594
: la souveraineté peut-être (si elle est le droit
d’
un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la
595
vivre, et non pas simplement le résultat matériel
d’
un effort humainement abrutissant) ; l’indépendance assurément (si ell
596
l’indépendance assurément (si elle est le pouvoir
de
ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout cela suppose le
597
nt (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi
d’
une puissance étrangère)… Tout cela suppose le développement ou le rév
598
… Tout cela suppose le développement ou le réveil
d’
un sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’appart
599
trop faible encore dans tous nos peuples : celui
d’
appartenir à un ensemble humain plus vaste, plus ancien, et plus fort
600
ncien, et plus fort désormais que ne l’est aucune
de
nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un
601
mble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un fait
de
culture au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à cet
602
fait de culture au sens large. Prendre conscience
de
notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition
603
nscience de notre appartenance à cette communauté
de
culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale, et
604
munauté de culture, c’est la condition nécessaire
de
l’union supranationale, et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la
605
ondition nécessaire de l’union supranationale, et
de
l’allégeance qu’elle requiert. Mais la condition suffisante sera donn
606
qui n’est autre, à mon sens, que celui des moyens
d’
ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait ê
607
sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence
d’
un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadr
608
i par son cadre institutionnel, mais par un style
de
vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à
609
titutionnel, mais par un style de vie, un système
de
valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort
610
système de valeurs, un certain sens donné au fait
de
vivre, à l’amour, à la mort, aux relations entre humains, à la matièr
611
au rapport entre forme et contenu. Une politique
d’
union ne devient possible que s’il y a tout d’abord communauté de cult
612
ent possible que s’il y a tout d’abord communauté
de
culture entre les hommes qu’elle envisage d’unir. Cette politique, en
613
y a tout d’abord communauté de culture entre les
hommes
qu’elle envisage d’unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable qu
614
auté de culture entre les hommes qu’elle envisage
d’
unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, t
615
exprime, traduit et tend à préserver ce qu’il y a
de
créateur dans cette communauté. J’en conclus que la forme politique q
616
, nos diversités constituent le ressort principal
de
notre créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas
617
que, toujours risqué, cet art empirique et subtil
de
louvoyer entre le Charybde du particularisme étroit et le Scylla du c
618
e Scylla du centralisme niveleur, c’est le secret
de
la santé européenne. Ici, culture et politique se joignent dans la se
619
itique se joignent dans la seule et même exigence
d’
une union fédérale de nos peuples. 14. Emmanuel Berl, « Hors du réel
620
ns la seule et même exigence d’une union fédérale
de
nos peuples. 14. Emmanuel Berl, « Hors du réel », La Table ronde, j
621
ors du réel », La Table ronde, janvier 1957. 15.
D’
une lettre que m’écrit à ce sujet le comte Jean de Pange. La référence
622
enys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré
d’
une communication au 10e Congrès international des sciences historique
623
ques, Rome, septembre 1955). c. Rougemont Denis
de
, « De l’unité de culture à l’union politique », La Table ronde, Paris
624
Rome, septembre 1955). c. Rougemont Denis de, «
De
l’unité de culture à l’union politique », La Table ronde, Paris, mai
625
mbre 1955). c. Rougemont Denis de, « De l’unité
de
culture à l’union politique », La Table ronde, Paris, mai 1957, p. 10
626
, le Droit, et Romain Rolland, que pour triompher
d’
un épouvantail auquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce q
627
l auquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien
de
ce qu’il défend avec tant de passion et de juste colère. Je suis très
628
s rien de ce qu’il défend avec tant de passion et
de
juste colère. Je suis très loin de mépriser l’Histoire ; je dis seule
629
acte où M. Berl lui-même peut écrire une Histoire
de
l’Europe. Je suis très loin de qualifier de sophistes ceux qui pensen
630
toire de l’Europe. Je suis très loin de qualifier
de
sophistes ceux qui pensent néanmoins que l’Europe reste à « faire » ;
631
x — si d’abord on nie qu’elle existe comme entité
de
culture et Aventure unique. Je ne pense pas avoir recommandé l’impost
632
s affamés » ? Je demandais simplement qu’on cesse
de
mettre en doute l’existence même de cette Europe qu’il faut sauver.
633
t qu’on cesse de mettre en doute l’existence même
de
cette Europe qu’il faut sauver. d. Rougemont Denis de, « [Lettre e
634
e Europe qu’il faut sauver. d. Rougemont Denis
de
, « [Lettre en réponse à Emmanuel Berl] », La Table ronde, Paris, mai
635
ris, mai 1957. e. Introduit par la note suivante
de
l’éditeur : « En réponse au post-scriptum d’Emmanuel Berl, que nous l
636
ante de l’éditeur : « En réponse au post-scriptum
d’
Emmanuel Berl, que nous lui avons fait parvenir avant publication, Den
637
me numéro où paraissait l’article de Rougemont, «
De
l’unité de culture à l’union politique », Emmanuel Berl, pris à part
638
ù paraissait l’article de Rougemont, « De l’unité
de
culture à l’union politique », Emmanuel Berl, pris à part dans le tex
639
r » par ce post-scriptum : « Je sentais l’urgence
de
rappeler que l’Europe ne peut et ne doit pas être regardée comme une
640
une Suisse, quoiqu’on puisse disputer sur la date
de
sa naissance. En effet. Mais on a généralement su où était, ce que fa
641
e. Mais l’Europe ? était-elle pendant la bataille
de
Stalingrad avec Staline ou avec Hitler ? Et, auparavant, avec ceux qu
642
g, avec Napoléon ou contre lui ? Il ne suffit pas
d’
ignorer quand une personne est née pour avoir la certitude qu’elle vit
643
er, et même sans accepter une Europe qui naîtrait
de
l’imposture et vivrait de la tyrannie. Je crierai : vive l’Europe ! s
644
une Europe qui naîtrait de l’imposture et vivrait
de
la tyrannie. Je crierai : vive l’Europe ! si elle rétablit la concord
645
avait une Europe de Romain Rolland. Il y en a une
de
Pierre Dominique, qui espère en elle pour répondre du tac au tac à Kh
646
nguer ou à les confondre ? Je le vois, il y a des
hommes
si engagés dans les affaires européennes qu’ils oublient les motifs m
647
ires européennes qu’ils oublient les motifs mêmes
de
leur engagement. Tels les philanthropes de Octave Mirbeau qui, pour d
648
mêmes de leur engagement. Tels les philanthropes
de
Octave Mirbeau qui, pour défendre leur “œuvre” accablaient et exploit
649
stice, ni contre la paix. Libre à M. de Rougemont
de
hausser les épaules et de répondre : “Tout cela n’a de sens que pour
650
Libre à M. de Rougemont de hausser les épaules et
de
répondre : “Tout cela n’a de sens que pour les professeurs.” Le menso
651
usser les épaules et de répondre : “Tout cela n’a
de
sens que pour les professeurs.” Le mensonge n’est pas mon fort, fût-c
652
fin du pessimisme (juin 1957)f Le fameux sens
de
l’histoire, argument numéro 1 de la séduction progressiste, paraissai
653
Le fameux sens de l’histoire, argument numéro 1
de
la séduction progressiste, paraissait avoir mis une fois pour toutes
654
ilière ; voilà qu’il se détourne horrifié et vire
de
bord, aux accents de la Marseillaise, en direction de 1848. (André F
655
se détourne horrifié et vire de bord, aux accents
de
la Marseillaise, en direction de 1848. (André Fontaine, Le Monde, au
656
ord, aux accents de la Marseillaise, en direction
de
1848. (André Fontaine, Le Monde, au lendemain de la révolution hongr
657
de 1848. (André Fontaine, Le Monde, au lendemain
de
la révolution hongroise.) Cinquante ans d’analyses pessimistes de not
658
demain de la révolution hongroise.) Cinquante ans
d’
analyses pessimistes de notre société et de son destin ont culminé dan
659
hongroise.) Cinquante ans d’analyses pessimistes
de
notre société et de son destin ont culminé dans l’utopie de George Or
660
te ans d’analyses pessimistes de notre société et
de
son destin ont culminé dans l’utopie de George Orwell 1984. Il y eut
661
ociété et de son destin ont culminé dans l’utopie
de
George Orwell 1984. Il y eut d’abord ce titre subversif à l’aube du s
662
if à l’aube du siècle : Les Illusions du progrès,
de
Georges Sorel. Puis on se mit à citer Bergson, réclamant un supplémen
663
n se mit à citer Bergson, réclamant un supplément
d’
âme pour ce corps subitement agrandi, le monde technique. Deux guerres
664
ique. Deux guerres mondiales, ruinant le prestige
de
l’Europe et sa puissance, trois révolutions portant au pouvoir des ty
665
e ce fut assez pour justifier le scepticisme amer
de
nos élites à l’égard de l’idée de progrès. Croire « encore » au progr
666
cepticisme amer de nos élites à l’égard de l’idée
de
progrès. Croire « encore » au progrès disqualifiait son homme, et l’i
667
s. Croire « encore » au progrès disqualifiait son
homme
, et l’idée s’empressa d’émigrer aux États-Unis et en URSS. Les penseu
668
rès disqualifiait son homme, et l’idée s’empressa
d’
émigrer aux États-Unis et en URSS. Les penseurs de l’Europe, à peu prè
669
d’émigrer aux États-Unis et en URSS. Les penseurs
de
l’Europe, à peu près unanimes, entrèrent en dissidence et se mirent à
670
tivement ou cyniquement, au nom de la réaction ou
de
la révolution, ils ne nous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit
671
de la révolution, ils ne nous parlaient plus que
d’
une Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison d
672
ution, ils ne nous parlaient plus que d’une Crise
de
l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d
673
nous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit,
d’
une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’un Monde san
674
plus que d’une Crise de l’Esprit, d’une Décadence
de
l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme, de la Fra
675
Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident,
d’
une Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme, de la France contre les
676
cadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs,
d’
un Monde sans âme, de la France contre les robots, de la machine contr
677
, d’une Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme,
de
la France contre les robots, de la machine contre l’homme, de l’homme
678
n Monde sans âme, de la France contre les robots,
de
la machine contre l’homme, de l’homme contre l’humain, de la fin des
679
France contre les robots, de la machine contre l’
homme
, de l’homme contre l’humain, de la fin des illusions, de la fin de to
680
contre les robots, de la machine contre l’homme,
de
l’homme contre l’humain, de la fin des illusions, de la fin de tout.
681
re les robots, de la machine contre l’homme, de l’
homme
contre l’humain, de la fin des illusions, de la fin de tout. L’Anti-m
682
chine contre l’homme, de l’homme contre l’humain,
de
la fin des illusions, de la fin de tout. L’Anti-moderne de Maritain e
683
l’homme contre l’humain, de la fin des illusions,
de
la fin de tout. L’Anti-moderne de Maritain et Les Temps modernes de C
684
ntre l’humain, de la fin des illusions, de la fin
de
tout. L’Anti-moderne de Maritain et Les Temps modernes de Chaplin, la
685
L’Anti-moderne de Maritain et Les Temps modernes
de
Chaplin, la métaphysique pure et les clichés primaires, les dénonciat
686
ne sans précédent, un asservissement sans recours
de
l’homme aux puissances anonymes, la machine, la police et l’État. Orw
687
ns précédent, un asservissement sans recours de l’
homme
aux puissances anonymes, la machine, la police et l’État. Orwell n’eu
688
x puissances anonymes, la machine, la police et l’
État
. Orwell n’eut qu’à pousser un peu plus loin. Il n’eut qu’à mettre au
689
dre à l’Europe de l’Ouest, à supprimer le facteur
de
résistance humaine, à désespérer d’une manière exemplaire — convainqu
690
er le facteur de résistance humaine, à désespérer
d’
une manière exemplaire — convainquant les lecteurs qu’il voulait révol
691
prême. Et Kafka n’était plus que le Jean-Baptiste
d’
une sorte d’Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’une démission
692
fka n’était plus que le Jean-Baptiste d’une sorte
d’
Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’une démission fatale. Les
693
sorte d’Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle »
d’
une démission fatale. Les émeutes de Poznań, la résistance de Varsovie
694
se nouvelle » d’une démission fatale. Les émeutes
de
Poznań, la résistance de Varsovie et la révolution de Budapest ont re
695
sion fatale. Les émeutes de Poznań, la résistance
de
Varsovie et la révolution de Budapest ont renversé le cours de cette
696
oznań, la résistance de Varsovie et la révolution
de
Budapest ont renversé le cours de cette immense dérive et restauré d’
697
t la révolution de Budapest ont renversé le cours
de
cette immense dérive et restauré d’un coup l’espoir. La nature humain
698
ersé le cours de cette immense dérive et restauré
d’
un coup l’espoir. La nature humaine, niée par Sartre, triomphait dans
699
qui n’avait appris que le mensonge. Ses pouvoirs
de
résistance à Big Brother, niés par Orwell, ont éclaté dans les rues d
700
rother, niés par Orwell, ont éclaté dans les rues
de
Budapest. Sa faculté de revendiquer et d’imposer un sens positif à la
701
ont éclaté dans les rues de Budapest. Sa faculté
de
revendiquer et d’imposer un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’
702
es rues de Budapest. Sa faculté de revendiquer et
d’
imposer un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’est attestée dans
703
des ouvriers unis aux étudiants. L’intelligentsia
de
l’Ouest voyait venir Quatre-vingt-quatre. Et soudain, celle de l’Est
704
yait venir Quatre-vingt-quatre. Et soudain, celle
de
l’Est lui répond Quarante-huit. C’est quatre-vingt-quatre inversé. Ja
705
e inversé. Jamais chiffres ne furent plus chargés
de
symboles. Essayons de les interpréter. Tout ce qui compte en Europe,
706
fres ne furent plus chargés de symboles. Essayons
de
les interpréter. Tout ce qui compte en Europe, depuis un demi-siècle
707
à la fois, sous peine de ne plus compter. Inutile
de
citer des noms : ce seraient ceux, justement, que tout le monde conna
708
s. On pourrait m’objecter Valéry, hédoniste épris
de
la règle et persuadé de la valeur des conventions ; mais n’est-ce pas
709
r Valéry, hédoniste épris de la règle et persuadé
de
la valeur des conventions ; mais n’est-ce pas lui qui ouvrit, en 1919
710
ère » ? On pourrait m’objecter Claudel, optimiste
de
style baroque et fonctionnaire du premier rang ; mais sa phrase est p
711
pour tel dans les cafés, et sa foi prend l’allure
d’
un défi. On pourrait m’objecter Saint-John Perse, mais justement il a
712
il en soi. Tous les autres sont contre le siècle,
d’
une manière encore plus évidente, soit qu’ils attaquent avec acharneme
713
e aussi, fût-ce par son seul échec, la dissidence
de
la pensée dans le monde moderne. À partir de 1919, les influences dom
714
dominantes sur nos élites créatrices sont celles
de
Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il est remar
715
r nos élites créatrices sont celles de Nietzsche,
de
Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il est remarquable que ce
716
créatrices sont celles de Nietzsche, de Rimbaud,
de
Kierkegaard et de Dostoïevski. Il est remarquable que ce siècle n’ait
717
elles de Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et
de
Dostoïevski. Il est remarquable que ce siècle n’ait retenu du précéde
718
ses lieux communs : le Progrès, la Démocratie, l’
État
social, la Morale athéiste. Tout ce qui compte en Europe est donc ant
719
onc antibourgeois, j’entends bien dans le domaine
de
l’éthique et de l’esprit. Mais rien ne compte en fait que par la bour
720
s, j’entends bien dans le domaine de l’éthique et
de
l’esprit. Mais rien ne compte en fait que par la bourgeoisie. C’est e
721
ancêtres. Et c’est elle aujourd’hui qui est prise
d’
angoisse devant ce qu’ils dénonçaient en vain. C’est elle qui croit au
722
le progrès. C’est elle enfin qui cède au vertige
de
l’histoire, s’imagine que son heure est passée, que le Prolétariat do
723
vrai malgré lui. Curieux pouvoir des pessimistes
de
l’autre siècle sur les héritiers de leurs ennemis ! La bourgeoisie du
724
s pessimistes de l’autre siècle sur les héritiers
de
leurs ennemis ! La bourgeoisie du xixe fut optimiste en dépit des so
725
le travail l’enrichissait. Aujourd’hui, l’ouvrier
d’
usine bénéficie des soins jaloux de l’État. Encore un peu, et la techn
726
hui, l’ouvrier d’usine bénéficie des soins jaloux
de
l’État. Encore un peu, et la technique elle-même l’aura délivré de la
727
l’ouvrier d’usine bénéficie des soins jaloux de l’
État
. Encore un peu, et la technique elle-même l’aura délivré de la chaîne
728
un peu, et la technique elle-même l’aura délivré
de
la chaîne. Mais c’est le bourgeois qui en vient alors à craindre le r
729
rable des machines, et qui conçoit, avec cent ans
de
retard, un pessimisme fataliste et résigné. Dans ce décalage séculair
730
laire entre la conscience et le réel, naît l’idée
d’
une pensée impuissante, d’une réalité terrifiante et d’un sens fatal d
731
et le réel, naît l’idée d’une pensée impuissante,
d’
une réalité terrifiante et d’un sens fatal de l’Histoire, dont Big Bro
732
pensée impuissante, d’une réalité terrifiante et
d’
un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J
733
nte, d’une réalité terrifiante et d’un sens fatal
de
l’Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J’ai tu jusqu’ici
734
ms, qui dominent pourtant ce tableau. L’influence
de
Marx et de Freud sur les classes dirigeantes de l’Occident dépasse de
735
inent pourtant ce tableau. L’influence de Marx et
de
Freud sur les classes dirigeantes de l’Occident dépasse de loin la co
736
e de Marx et de Freud sur les classes dirigeantes
de
l’Occident dépasse de loin la conscience qu’elles en ont, la connaiss
737
sur les classes dirigeantes de l’Occident dépasse
de
loin la conscience qu’elles en ont, la connaissance qu’elles ont pu p
738
onnaissance qu’elles ont pu prendre du Capital ou
de
la Science des rêves, et les jugements qu’elles avoueraient à leur su
739
peu sadique. Ce succès n’est pas dû à la lecture
de
leurs œuvres ardues et complexes, mais à l’intention polémique qui di
740
dirigea leur entreprise, et qui imposa leur angle
de
vision même à ceux qui refusaient leurs thèses ou contestaient leurs
741
s arguments. Il s’agit, au plein sens des termes,
d’
un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’un renversement des ta
742
Il s’agit, au plein sens des termes, d’un succès
de
scandale, d’un choc profanateur, d’un renversement des tabous. La bou
743
u plein sens des termes, d’un succès de scandale,
d’
un choc profanateur, d’un renversement des tabous. La bourgeoisie du x
744
, d’un succès de scandale, d’un choc profanateur,
d’
un renversement des tabous. La bourgeoisie du xixe frappait d’interdi
745
ment des tabous. La bourgeoisie du xixe frappait
d’
interdit deux sujets dans les conversations de la table de famille ou
746
ait d’interdit deux sujets dans les conversations
de
la table de famille ou des salons, et c’étaient le Sexe et l’Argent.
747
it deux sujets dans les conversations de la table
de
famille ou des salons, et c’étaient le Sexe et l’Argent. Tout devait
748
ient le Sexe et l’Argent. Tout devait avoir l’air
de
se passer dans le monde comme si ces choses n’existaient pas. Les gra
749
enfants naissaient dans les choux, et le langage
d’
un homme tel que Victor Hugo (sauf dans ses petits carnets intimes) re
750
nts naissaient dans les choux, et le langage d’un
homme
tel que Victor Hugo (sauf dans ses petits carnets intimes) restait pr
751
s intimes) restait prude. Subitement Marx attaque
de
sa voix grasseyante : parlons d’argent, c’est le secret du drame soci
752
ent Marx attaque de sa voix grasseyante : parlons
d’
argent, c’est le secret du drame social. Mais Freud un peu plus tard :
753
t le secret du drame individuel. Et voilà le choc
de
la reconnaissance, l’illumination fulgurante, l’illusion que le facte
754
es. Appliquer l’analyse marxiste au milieu social
de
Freud, la psychanalyse au cas individuel de Marx, les critères freudi
755
ocial de Freud, la psychanalyse au cas individuel
de
Marx, les critères freudiens et marxistes à la Bourgeoisie même et au
756
Bourgeoisie même et au Prolétariat (cette figure
de
terreur longtemps refoulée dans l’inconscient de la Société) — tout c
757
de terreur longtemps refoulée dans l’inconscient
de
la Société) — tout cela met en lumière l’intention polémique qui anim
758
mes, sans doute, méritèrent à ce point qu’on dise
d’
eux qu’ils ont « fait leur temps », au double sens de l’expression. Qu
759
ux qu’ils ont « fait leur temps », au double sens
de
l’expression. Que Freud soit dépassé dans son propre domaine, et surt
760
omaine, et surtout débordé par le retour en force
de
réalités religieuses qu’il tenait pour autant d’illusions ; que Marx
761
de réalités religieuses qu’il tenait pour autant
d’
illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes ses prévisions (sauf d
762
, se voient aujourd’hui démentis. L’élargissement
de
la conscience humaine aux dimensions de la planète fait apparaître la
763
gissement de la conscience humaine aux dimensions
de
la planète fait apparaître la psyché du monde bourgeois (seule étudié
764
s l’espace et le temps. D’autre part, l’ascension
d’
un Staline, son long règne et sa chute posthume, les grandes explosion
765
plosions libertaires du « Printemps » polonais et
de
l’Octobre hongrois, enfin l’essor libérateur de la technique dans les
766
t de l’Octobre hongrois, enfin l’essor libérateur
de
la technique dans les régimes capitalistes avancés, tout échappe à la
767
capitalistes avancés, tout échappe à la prévision
de
la fameuse dialectique marxiste. Toujours prônée par ses disciples co
768
ts, en est réduite à restaurer des dogmes à coups
de
mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas des « fascistes impo
769
des dogmes à coups de mensonges. Si les ouvriers
de
Czepel ne sont pas des « fascistes importés », la dialectique n’est p
770
» comme eût dit Marx lui-même, et le « mouvement
de
l’histoire » un mauvais alibi pour nos démissions personnelles. Le dr
771
alibi pour nos démissions personnelles. Le droit
d’
opposition redevient créateur. Et la question n’est plus de supputer l
772
ion redevient créateur. Et la question n’est plus
de
supputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais de la faire. L’u
773
ion n’est plus de supputer le « sens inévitable »
de
l’Histoire, mais de la faire. L’utopie masochiste d’Orwell prolongea
774
pputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais
de
la faire. L’utopie masochiste d’Orwell prolongeait le cauchemar stal
775
’Histoire, mais de la faire. L’utopie masochiste
d’
Orwell prolongeait le cauchemar stalinien, l’épurait, si j’ose dire, l
776
Tout portait l’intelligentsia à confondre ce rêve
d’
angoisse avec notre avenir historique, à tenir cette logique démente p
777
que, à tenir cette logique démente pour l’annonce
d’
une fatalité. A-t-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’une r
778
r l’annonce d’une fatalité. A-t-il vraiment suffi
d’
un « dégel » temporaire, d’une révolution écrasée, d’une révolte larvé
779
A-t-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire,
d’
une révolution écrasée, d’une révolte larvée de la jeunesse russe elle
780
n « dégel » temporaire, d’une révolution écrasée,
d’
une révolte larvée de la jeunesse russe elle-même, pour briser le cour
781
e, d’une révolution écrasée, d’une révolte larvée
de
la jeunesse russe elle-même, pour briser le cours de cette fatalité e
782
la jeunesse russe elle-même, pour briser le cours
de
cette fatalité et pour renverser nos destins ? Le traumatisme provoqu
783
URSS, n’aurait-il pas créé l’illusion romantique
d’
un renouveau de la liberté, d’un faux réveil rêvé pendant un long cauc
784
-il pas créé l’illusion romantique d’un renouveau
de
la liberté, d’un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui serai
785
illusion romantique d’un renouveau de la liberté,
d’
un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui serait, en fin de co
786
lité ? On pourrait s’inquiéter si d’autres séries
de
faits, indépendants d’ailleurs des récents événements de l’Est, ne ve
787
s, indépendants d’ailleurs des récents événements
de
l’Est, ne venaient corroborer un optimisme neuf. Budapest a gagné sa
788
ettons que cela n’est pas tout. Mais qu’en est-il
de
l’Occident ? Trois représentations vagues mais obsédantes assombriss
789
du plan total, ordonnant toute la vie au service
de
l’État. Un certain déterminisme historique faisait prévoir la « décad
790
lan total, ordonnant toute la vie au service de l’
État
. Un certain déterminisme historique faisait prévoir la « décadence de
791
minisme historique faisait prévoir la « décadence
de
l’Occident » et considérait comme fatal l’écrasement de l’Europe entr
792
ccident » et considérait comme fatal l’écrasement
de
l’Europe entre les blocs. Un certain déterminisme technologique, enfi
793
évèle une tendance générale au réveil des valeurs
de
liberté. Première illusion fataliste : « L’URSS est l’avenir… » — L’
794
L’URSS est l’avenir… » — L’URSS était le paradis
de
la classe ouvrière, les USA le dernier bastion du capitalisme exploit
795
les USA se voyaient condamnés par le « mouvement
de
l’histoire ». Telle était la religion des « progressistes ». Voyons l
796
s marxistes mais les jette dans des crises aiguës
de
dialectique. Ils le jugent grossièrement matérialiste, et au surplus
797
jugent grossièrement matérialiste, et au surplus
de
mauvaise foi. Plus finement, Bertrand de Jouvenel, comparant les écon
798
uvenel, comparant les économies des États-Unis et
de
l’URSS, a montré que l’entreprise communiste n’apporte rien qui la di
799
e n’apporte rien qui la distingue essentiellement
de
l’entreprise capitaliste dans son développement historique, mais qu’a
800
e définie par la remise au travailleur des fruits
de
son travail, serait l’œuvre du communisme. Or l’examen des chiffres e
801
l’URSS est l’avenir ! », répéteront nos maniaques
de
l’Histoire. Drôle d’avenir, qui s’essouffle à rejoindre un « passé »
802
», répéteront nos maniaques de l’Histoire. Drôle
d’
avenir, qui s’essouffle à rejoindre un « passé » rituellement dénoncé
803
es prospectus publicitaires vantant les bienfaits
de
la cure, on se contente d’en vérifier les résultats, on voit que le p
804
vantant les bienfaits de la cure, on se contente
d’
en vérifier les résultats, on voit que le progrès est à l’Ouest, le se
805
ue le progrès est à l’Ouest, le servage et la loi
d’
airain à l’Est, et qu’une classe ouvrière mieux informée qu’endoctriné
806
ieux informée qu’endoctrinée, si elle a à choisir
d’
émigrer, choisirait en masse l’Amérique. Comme l’ont fait la plupart d
807
ouvriers hongrois réfugiés en Autriche et libres
de
parler. Il n’en reste pas moins frappant de constater que l’avenir, a
808
ibres de parler. Il n’en reste pas moins frappant
de
constater que l’avenir, aux yeux de ces Hongrois, s’il n’est pas l’UR
809
x guerres et ruinée par sa division en vingt-cinq
États
« souverains » — incapables d’ailleurs de prouver qu’ils le sont — se
810
cinq États « souverains » — incapables d’ailleurs
de
prouver qu’ils le sont — se voyait promise par l’Histoire à des parta
811
ent vers l’union fédérale, déclenché au lendemain
de
la guerre par les congrès de Montreux et de La Haye, a produit le Con
812
clenché au lendemain de la guerre par les congrès
de
Montreux et de La Haye, a produit le Conseil de l’Europe, CECA, le Ma
813
emain de la guerre par les congrès de Montreux et
de
La Haye, a produit le Conseil de l’Europe, CECA, le Marché commun et
814
e dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun
de
nos États ne peut se défendre seul. Aucun ne peut faire la guerre san
815
l’esprit des nationalistes attardés. Aucun de nos
États
ne peut se défendre seul. Aucun ne peut faire la guerre sans lever la
816
mble, et ils commencent à le savoir. 330 millions
d’
habitants à l’ouest du rideau de fer, plus 100 millions récupérés à l’
817
oir. 330 millions d’habitants à l’ouest du rideau
de
fer, plus 100 millions récupérés à l’Est, feraient un ensemble supéri
818
ns additionnés. Je ne parle que des chiffres, non
de
la qualité. Alors les prophéties lugubres d’un Spengler, ou les spécu
819
non de la qualité. Alors les prophéties lugubres
d’
un Spengler, ou les spéculations fascinantes d’un Toynbee, inspirées p
820
es d’un Spengler, ou les spéculations fascinantes
d’
un Toynbee, inspirées par l’idée mythique d’Évolution, — on monte, on
821
antes d’un Toynbee, inspirées par l’idée mythique
d’
Évolution, — on monte, on culmine, on chancelle, on décline, et l’on m
822
lement — se verront démenties par le nouvel essor
d’
une Europe reprenant la tête du progrès. Et c’est une autre prophétie,
823
t une autre prophétie, qui deviendra vraie, celle
de
Proudhon, qui fut quarante-huitard : « Le xxe siècle ouvrira l’ère d
824
rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire
de
mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus une hypothèse.
825
plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau
de
ce que nous en ferons, et non plus d’une courbe mythique, d’une Évolu
826
de nouveau de ce que nous en ferons, et non plus
d’
une courbe mythique, d’une Évolution bien tracée, ou d’un processus di
827
ous en ferons, et non plus d’une courbe mythique,
d’
une Évolution bien tracée, ou d’un processus dialectique, dont un Part
828
courbe mythique, d’une Évolution bien tracée, ou
d’
un processus dialectique, dont un Parti qu’on connaît trop tire les fi
829
rti qu’on connaît trop tire les ficelles. Cessons
de
chercher le sens de l’Histoire, alibi du refus de notre vocation ; ap
830
op tire les ficelles. Cessons de chercher le sens
de
l’Histoire, alibi du refus de notre vocation ; apprenons à le décider
831
de chercher le sens de l’Histoire, alibi du refus
de
notre vocation ; apprenons à le décider. Troisième illusion fatalist
832
t déjà nos corps, dictent nos gestes et le rythme
de
nos journées. Encore un peu, et les cerveaux électroniques dicteront
833
miner nos existences disciplinées. C’en sera fait
de
la liberté, et du droit d’hésiter, d’errer… Les savants, apprentis so
834
linées. C’en sera fait de la liberté, et du droit
d’
hésiter, d’errer… Les savants, apprentis sorciers, ont déchaîné dans l
835
n sera fait de la liberté, et du droit d’hésiter,
d’
errer… Les savants, apprentis sorciers, ont déchaîné dans le monde des
836
est faux dans ce langage ; tout n’est que manière
de
parler abusivement prise à la lettre, et donc fautive. Les machines e
837
trée dans ma cour, spontanément, dans l’intention
de
m’envahir. Et pas même une machine à laver. Que de mal, au contraire,
838
e m’envahir. Et pas même une machine à laver. Que
de
mal, au contraire, dans ma campagne, pour obtenir le téléphone ! Vous
839
pagne, pour obtenir le téléphone ! Vous me parlez
de
l’esclavage du téléphone ? Mais a-t-on jamais vu qu’un appareil, pren
840
Vous n’êtes donc pas l’esclave du téléphone, mais
de
votre seule curiosité. Le règne des machines, à vous entendre, nous i
841
gne des machines, à vous entendre, nous isolerait
de
la Nature ? Mais je vois au contraire que l’express et l’avion, le sc
842
ès, j’en conviens, mais c’est la Nature, et non l’
homme
, qui aurait ici le droit de se plaindre. Vous citez l’apprenti sorcie
843
a Nature, et non l’homme, qui aurait ici le droit
de
se plaindre. Vous citez l’apprenti sorcier. Et qui ne l’a pas cité, q
844
la Bombe n’a jamais rien fait sans l’ordre exprès
d’
un président, d’un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’es
845
ais rien fait sans l’ordre exprès d’un président,
d’
un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et le
846
al. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est l’
homme
. Et les cerveaux électroniques (par métaphore) ne font rien qu’on ne
847
que vous l’aurez bien mérité. L’Apprenti sorcier
de
la légende déchaînait une force inconnue. Mais nos savants font tout
848
uls. Ce qui se déchaîne, encore une fois, c’est l’
homme
. En vérité, les seuls humains que je connaisse qui aient eu le droit
849
ls humains que je connaisse qui aient eu le droit
de
maudire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de ce siècle, ni l
850
audire la technique, ce ne sont pas les bourgeois
de
ce siècle, ni leurs penseurs, mais bien les ouvriers du xixe et les
851
se sont vus transformés en « compléments vivants
d’
un mécanisme mort », selon l’expression terrible et juste de Marx. Or
852
isme mort », selon l’expression terrible et juste
de
Marx. Or il se trouve précisément que les robots viennent les délivre
853
précisément que les robots viennent les délivrer
de
la chaîne. Éloquemment entretenu par Bernanos, un malentendu sans par
854
thétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’est pas un
homme
automatique, comme des millions de personnes le croient encore sur la
855
’est pas un homme automatique, comme des millions
de
personnes le croient encore sur la foi de quelques films et de la sci
856
illions de personnes le croient encore sur la foi
de
quelques films et de la science-fiction. C’est encore moins un homme
857
le croient encore sur la foi de quelques films et
de
la science-fiction. C’est encore moins un homme esclave de la machine
858
s et de la science-fiction. C’est encore moins un
homme
esclave de la machine. C’est une machine, ni plus ni moins, c’est un
859
ence-fiction. C’est encore moins un homme esclave
de
la machine. C’est une machine, ni plus ni moins, c’est un outil, que
860
machine, ni plus ni moins, c’est un outil, que l’
homme
a conçu, justement, pour exécuter à sa place des travaux monotones, é
861
t si rarement dénoncée, a provoqué la destruction
de
plusieurs millions de vies humaines. C’est ici qu’il convient de rapp
862
, a provoqué la destruction de plusieurs millions
de
vies humaines. C’est ici qu’il convient de rappeler le décalage de la
863
llions de vies humaines. C’est ici qu’il convient
de
rappeler le décalage de la conscience dont j’ai parlé. Le mal dénoncé
864
C’est ici qu’il convient de rappeler le décalage
de
la conscience dont j’ai parlé. Le mal dénoncé en son temps par Karl M
865
n n’écoutait pas, tenait à la semi-automatisation
de
la production industrielle. Tout retour en arrière étant exclu, le re
866
tomatisme total, libérant l’ouvrier non seulement
de
ses efforts sur la matière trop lourde ou dangereuse à manier, mais a
867
re trop lourde ou dangereuse à manier, mais aussi
de
la monotonie et du rythme inhumain de travail qu’imposaient la machin
868
mais aussi de la monotonie et du rythme inhumain
de
travail qu’imposaient la machine et la chaîne. Le remède était donc l
869
pplication générale prit récemment le nom anglais
d’
automation. Il est curieux que la pensée occidentale, découvrant le pé
870
ée occidentale, découvrant le péril avec cent ans
de
retard, ait porté sa colère contre le remède… L’automatisation complè
871
olère contre le remède… L’automatisation complète
de
l’usine, loin d’augmenter le mal si longuement déploré par ceux qui n
872
emède… L’automatisation complète de l’usine, loin
d’
augmenter le mal si longuement déploré par ceux qui ne le subissaient
873
roduisant jour et nuit sous la seule surveillance
d’
un groupe d’opérateurs, signifie simplement, partout où elle fonctionn
874
ur et nuit sous la seule surveillance d’un groupe
d’
opérateurs, signifie simplement, partout où elle fonctionne, la suppre
875
ement, partout où elle fonctionne, la suppression
de
la condition prolétarienne. Généralisée dans l’avenir, elle rendra su
876
ndra superflu et sans objet le moment dialectique
de
la révolution donnant le pouvoir aux ouvriers d’usine. C’est ainsi le
877
de la révolution donnant le pouvoir aux ouvriers
d’
usine. C’est ainsi le développement plus poussé de la technique, non l
878
d’usine. C’est ainsi le développement plus poussé
de
la technique, non l’action du parti communiste, ni même de la classe
879
hnique, non l’action du parti communiste, ni même
de
la classe ouvrière, qui sera l’agent du dépassement concret des confl
880
et des techniciens. C’est le problème des moyens
de
culture, qui seront mis à contribution, sur une échelle brusquement a
881
s, tous alertés, au-delà des problèmes classiques
de
plein-emploi et de temps de travail, le problème de l’emploi du temps
882
-delà des problèmes classiques de plein-emploi et
de
temps de travail, le problème de l’emploi du temps, qui se pose à l’h
883
problèmes classiques de plein-emploi et de temps
de
travail, le problème de l’emploi du temps, qui se pose à l’homme. Le
884
plein-emploi et de temps de travail, le problème
de
l’emploi du temps, qui se pose à l’homme. Le problème de la liberté.
885
le problème de l’emploi du temps, qui se pose à l’
homme
. Le problème de la liberté. Le problème du sens de nos vies… Je prop
886
ploi du temps, qui se pose à l’homme. Le problème
de
la liberté. Le problème du sens de nos vies… Je propose à nos philos
887
e. Le problème de la liberté. Le problème du sens
de
nos vies… Je propose à nos philosophes du déclin de la bourgeoisie,
888
nos vies… Je propose à nos philosophes du déclin
de
la bourgeoisie, du déclin de l’Occident, du déclin de la culture, et
889
hilosophes du déclin de la bourgeoisie, du déclin
de
l’Occident, du déclin de la culture, et de la fatalité des tyrannies
890
a bourgeoisie, du déclin de l’Occident, du déclin
de
la culture, et de la fatalité des tyrannies prochaines, de laisser po
891
déclin de l’Occident, du déclin de la culture, et
de
la fatalité des tyrannies prochaines, de laisser pour un temps ces su
892
ture, et de la fatalité des tyrannies prochaines,
de
laisser pour un temps ces sujets affligeants, leur ayant accordé asse
893
ces sujets affligeants, leur ayant accordé assez
de
complaisance, et de considérer la nouveauté de l’époque : bel exercic
894
nts, leur ayant accordé assez de complaisance, et
de
considérer la nouveauté de l’époque : bel exercice pour une pensée ré
895
ez de complaisance, et de considérer la nouveauté
de
l’époque : bel exercice pour une pensée régulatrice, que d’en maîtris
896
e : bel exercice pour une pensée régulatrice, que
d’
en maîtriser les vertiges ! Je propose la clôture d’un demi-siècle de
897
en maîtriser les vertiges ! Je propose la clôture
d’
un demi-siècle de rumination pessimiste, longtemps justifiée, nous le
898
vertiges ! Je propose la clôture d’un demi-siècle
de
rumination pessimiste, longtemps justifiée, nous le savons, mais qui
899
ous le savons, mais qui court désormais le danger
de
survivre aux dangers prévus. Je propose à l’intelligence un rôle nouv
900
propose à l’intelligence un rôle nouveau : celui
de
créer la liberté en la cherchant, en acceptant d’envisager ses risque
901
de créer la liberté en la cherchant, en acceptant
d’
envisager ses risques et de les courir d’abord en imagination. Je prop
902
herchant, en acceptant d’envisager ses risques et
de
les courir d’abord en imagination. Je propose une idée renouvelée du
903
e propose une idée renouvelée du Progrès, au-delà
de
nos illusions mais aussi de nos scepticismes. Ce n’est pas l’accroiss
904
e du Progrès, au-delà de nos illusions mais aussi
de
nos scepticismes. Ce n’est pas l’accroissement de nos biens, ni la so
905
de nos scepticismes. Ce n’est pas l’accroissement
de
nos biens, ni la solution de nos maux, car toute solution concevable
906
pas l’accroissement de nos biens, ni la solution
de
nos maux, car toute solution concevable serait la fin de notre libert
907
maux, car toute solution concevable serait la fin
de
notre liberté. J’imagine au contraire le progrès véritable dans l’acc
908
ais pour ouvrir des portes. f. Rougemont Denis
de
, « La fin du pessimisme », Réalités, Paris, juin 1957, p. 27-29.
909
xième fois par un jury étrange, composé à la fois
de
fonctionnaires français des Arts et Lettres (anciens ministres des Be
910
ciens ministres des Beaux-Arts directeurs, etc.),
de
militaires (le maréchal Juin), d’écrivains (Maurice Genevoix, Marcel
911
ecteurs, etc.), de militaires (le maréchal Juin),
d’
écrivains (Maurice Genevoix, Marcel Brion, Paul Vialar), de critiques
912
ns (Maurice Genevoix, Marcel Brion, Paul Vialar),
de
critiques (Robert Kemp) et d’une directrice de théâtre (Mary Morgan).
913
rion, Paul Vialar), de critiques (Robert Kemp) et
d’
une directrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’est entendu p
914
), de critiques (Robert Kemp) et d’une directrice
de
théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’est entendu pour trouver dans
915
ce monde s’est entendu pour trouver dans l’œuvre
de
Denis de Rougemont un livre qui « exalte le plus clairement les quali
916
oral au lecteur ». C’est donc sa récente Aventure
de
l’homme occidental (Albin Michel, éd.) qui est aujourd’hui orné de ce
917
au lecteur ». C’est donc sa récente Aventure de l’
homme
occidental (Albin Michel, éd.) qui est aujourd’hui orné de ce laurier
918
ntal (Albin Michel, éd.) qui est aujourd’hui orné
de
ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont, j’en ai manqué beau
919
emont, j’en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus
d’
un jury pensait à me donner une palme. Et il y avait toujours, au dern
920
a revanche. Aux photographes qui me mitraillaient
de
flashes quand je me trouvais aux côtés du maréchal Juin, j’ai pu dire
921
ue lieutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure
de
l’homme occidental qui paraît simultanément à New York, Londres et P
922
eutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure de l’
homme
occidental qui paraît simultanément à New York, Londres et Paris est
923
de Rougemont, à répandre un peu plus les raisons
de
croire à l’Europe. On sait que cet historien, ce philosophe s’est, de
924
t, depuis dix ans, consacré à militer pour l’idée
de
faire l’Europe comme a été faite l’Amérique. Il suffit, dit-il, de se
925
comme a été faite l’Amérique. Il suffit, dit-il,
de
se trouver en Amérique, pour savoir que l’Europe existe, ne serait-ce
926
finit l’Europe, j’assure que, plutôt que discuter
de
frontières mouvantes, il vaut mieux se préoccuper de définir la civil
927
frontières mouvantes, il vaut mieux se préoccuper
de
définir la civilisation européenne à travers son histoire et d’en mes
928
civilisation européenne à travers son histoire et
d’
en mesurer les effets. C’est ce que j’ai tenté dans mon livre et ma co
929
ion est tout à fait optimiste : on parle en effet
de
décadence de l’Europe. Mais où voit-on cette décadence ? La planète e
930
à fait optimiste : on parle en effet de décadence
de
l’Europe. Mais où voit-on cette décadence ? La planète entière est en
931
ntaliser. Personne ne se convertit au mode de vie
de
l’islam, mais voyez la Chine, voyez l’Inde : ne se mettent-elles pas
932
ropéenne ? L’Europe dévore les nuits et les jours
de
Denis de Rougemont. Il ne peut écrire de livres qu’entre onze heures
933
es jours de Denis de Rougemont. Il ne peut écrire
de
livres qu’entre onze heures du soir et quatre heures du matin, mais c
934
importants ouvrages : l’un qui établira une sorte
de
morale de la vocation, c’est-à-dire prouvera que la fin justifie les
935
ouvrages : l’un qui établira une sorte de morale
de
la vocation, c’est-à-dire prouvera que la fin justifie les moyens. À
936
est pas une fin juste. Le second ouvrage essaiera
de
situer cette morale de la vocation dans la vie sociale. C’est, dit Ro
937
Le second ouvrage essaiera de situer cette morale
de
la vocation dans la vie sociale. C’est, dit Rougemont, une question d
938
a vie sociale. C’est, dit Rougemont, une question
de
feux rouges et de feux verts, de contrat pour la commodité générale.
939
st, dit Rougemont, une question de feux rouges et
de
feux verts, de contrat pour la commodité générale. Une morale personn
940
nt, une question de feux rouges et de feux verts,
de
contrat pour la commodité générale. Une morale personnaliste en quelq
941
nuel Mounier pour fonder une nouvelle philosophie
de
la personne humaine. Je m’attendais à trouver en Denis de Rougemont u
942
Je m’attendais à trouver en Denis de Rougemont un
de
ces théoriciens et philosophes qui sourient avec une pointe de condes
943
ciens et philosophes qui sourient avec une pointe
de
condescendance devant les ouvrages de fiction, devant la création rom
944
une pointe de condescendance devant les ouvrages
de
fiction, devant la création romanesque. C’était sans songer à l’auteu
945
éation romanesque. C’était sans songer à l’auteur
de
ce Nicolas de Flue dont nous n’avons pas encore eu la représentatio
946
eu la représentation scénique, nous satisfaisant
de
la version en oratorio qui a été tirée de cet opéra où Rougemont sut
947
faisant de la version en oratorio qui a été tirée
de
cet opéra où Rougemont sut se montrer poète et où Honegger trouva une
948
nt sut se montrer poète et où Honegger trouva une
de
ses plus grandes réussites. Je songe toujours au roman, me confia Den
949
Rougemont. J’en ai jadis écrit un que j’ai retiré
de
justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré à l’imprime
950
is écrit un que j’ai retiré de justesse des mains
de
l’éditeur avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas r
951
édige comme un poème un livre tel que L’Aventure
de
l’homme occidental . Le style me paraît aussi important que les idées
952
comme un poème un livre tel que L’Aventure de l’
homme
occidental . Le style me paraît aussi important que les idées qu’on v
953
idées qu’on veut défendre. g. Rougemont Denis
de
, « La fin justifie les moyens », Tribune de Lausanne, Lausanne, 9 jui
954
Denis de, « La fin justifie les moyens », Tribune
de
Lausanne, Lausanne, 9 juin 1957, p. 7.
955
lus hautes valeurs européennes tient dans l’œuvre
de
Bach et dans celle de Mozart. La Messe en ut mineur réduit à peu de c
956
opéennes tient dans l’œuvre de Bach et dans celle
de
Mozart. La Messe en ut mineur réduit à peu de chose toute tentative v
957
se toute tentative verbale pour exprimer ce que l’
homme
européen a conçu de plus pur, de plus fort et de plus exaltant. Voilà
958
plus haut, peut-être ; mais qui serait en mesure
d’
exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’aujourd’hui ? Ce
959
; mais qui serait en mesure d’exiger davantage ou
de
proposer mieux dans le monde d’aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle
960
iger davantage ou de proposer mieux dans le monde
d’
aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais c
961
de même ses sommets. Elle n’est pas souvent digne
de
ces œuvres, mais c’est elle qui les a créées. Nous l’oublions souvent
962
pas nos grandeurs, car la musique est le sublime
de
l’Occident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est un bruit vague,
963
est le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille
d’
un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il f
964
e d’un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce
de
rumeur insensée… Il fallait bien rappeler ici qu’une réflexion sur no
965
uation dominée par le malentendu et toute chargée
de
tragédies latentes. En voici la formule la plus simple, je crois : la
966
a formule la plus simple, je crois : la diffusion
de
nos valeurs n’est pas co-extensive avec celle de nos produits et n’en
967
de nos valeurs n’est pas co-extensive avec celle
de
nos produits et n’en est pas non plus contemporaine ; elle reste loin
968
le temps. Tel est le drame. Il intéresse l’avenir
de
tous les peuples de la Terre. Si l’on cherche à se figurer l’aire de
969
drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples
de
la Terre. Si l’on cherche à se figurer l’aire de diffusion de la civi
970
de la Terre. Si l’on cherche à se figurer l’aire
de
diffusion de la civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’est
971
Si l’on cherche à se figurer l’aire de diffusion
de
la civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’est pas loin de
972
ensemble des terres habitées, mais que la densité
d’
occidentalisation varie d’une manière considérable selon les pays, et
973
es, mais que la densité d’occidentalisation varie
d’
une manière considérable selon les pays, et à l’intérieur même de pres
974
onsidérable selon les pays, et à l’intérieur même
de
presque tous les pays. L’Europe latine, anglo-saxonne et germano-scan
975
germano-scandinave, conservatoire et laboratoire
de
toute l’histoire, de toutes les valeurs et de tous les produits d’ord
976
conservatoire et laboratoire de toute l’histoire,
de
toutes les valeurs et de tous les produits d’ordres divers qui ont ca
977
ire de toute l’histoire, de toutes les valeurs et
de
tous les produits d’ordres divers qui ont caractérisé notre civilisat
978
re, de toutes les valeurs et de tous les produits
d’
ordres divers qui ont caractérisé notre civilisation, des origines jus
979
et certains pays du Commonwealth forment une zone
de
diffusion occidentale parfois plus homogène, mais un peu moins dense,
980
des valeurs et des tensions. Le Sud-Est européen,
de
la Puszta hongroise à l’Asie Mineure turque, en passant par les Balka
981
i furent éliminées avec les anciennes classes, et
de
valeurs autochtones et populaires systématiquement refoulées. Reporté
982
efoulées. Reportées sur un planisphère, ces zones
de
diffusion pourraient être représentées par une petite tache d’un roug
983
pourraient être représentées par une petite tache
d’
un rouge sombre sur l’Europe médiane tandis que les Amériques et l’Aus
984
tralie seraient en rouge vif, les franges sud-est
de
l’Europe en rose, et l’URSS en quadrillé rouge et blanc. Quant à l’As
985
Hong Kong17 et des décors industriels aux confins
de
la jungle ou en plein désert. Enfin la Chine vient d’adopter coup sur
986
a jungle ou en plein désert. Enfin la Chine vient
d’
adopter coup sur coup une doctrine d’État venue d’Europe : le marxisme
987
Chine vient d’adopter coup sur coup une doctrine
d’
État venue d’Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occ
988
hine vient d’adopter coup sur coup une doctrine d’
État
venue d’Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occiden
989
d’adopter coup sur coup une doctrine d’État venue
d’
Europe : le marxisme ; la technique et les armes de l’Occident ; l’alp
990
’Europe : le marxisme ; la technique et les armes
de
l’Occident ; l’alphabet substitué aux idéogrammes ; et le contrôle de
991
ammes ; et le contrôle des naissances. Ce tableau
de
la diffusion de notre civilisation résume tant d’aspects variés, d’ir
992
ntrôle des naissances. Ce tableau de la diffusion
de
notre civilisation résume tant d’aspects variés, d’irrégularités de t
993
de la diffusion de notre civilisation résume tant
d’
aspects variés, d’irrégularités de transmission, d’influences tantôt v
994
notre civilisation résume tant d’aspects variés,
d’
irrégularités de transmission, d’influences tantôt vagues et générales
995
ion résume tant d’aspects variés, d’irrégularités
de
transmission, d’influences tantôt vagues et générales et tantôt sélec
996
’aspects variés, d’irrégularités de transmission,
d’
influences tantôt vagues et générales et tantôt sélectives à l’excès,
997
signifier, en fin de compte, l’occidentalisation
d’
un peuple, d’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importe
998
n fin de compte, l’occidentalisation d’un peuple,
d’
un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machine
999
de compte, l’occidentalisation d’un peuple, d’un
État
ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines et no
1000
te, l’occidentalisation d’un peuple, d’un État ou
d’
un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines et nos arme
1001
d’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente
d’
importer nos machines et nos armements, là nos formes politiques, part
1002
. Plus tard, telle nation neuve ou telle fraction
de
son intelligentsia décide d’adopter nos conceptions sécularistes de l
1003
ve ou telle fraction de son intelligentsia décide
d’
adopter nos conceptions sécularistes de l’existence, désacralisée, rat
1004
sia décide d’adopter nos conceptions sécularistes
de
l’existence, désacralisée, rationalisée, scientiste et démocratique.
1005
es et intellectuelles qui explique seul la genèse
de
ces « produits », qui définit ou qui limite leur mode d’emploi et don
1006
« produits », qui définit ou qui limite leur mode
d’
emploi et donne un sens à l’aventure occidentale, ce système de valeur
1007
onne un sens à l’aventure occidentale, ce système
de
valeurs reste ignoré, refusé d’instinct par les masses ou expressémen
1008
ntale, ce système de valeurs reste ignoré, refusé
d’
instinct par les masses ou expressément combattu par leurs guides spir
1009
Le décalage sans cesse croissant entre le rythme
d’
expansion de nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en
1010
sans cesse croissant entre le rythme d’expansion
de
nos produits et celui de nos valeurs régulatrices est en train de fom
1011
re le rythme d’expansion de nos produits et celui
de
nos valeurs régulatrices est en train de fomenter dans le monde entie
1012
iétantes, des malentendus pathétiques, une menace
de
chaos sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit un jour : « V
1013
oi n’y joignez-vous pas un petit livre expliquant
d’
où viennent ces objets, pourquoi vous avez eu l’idée de les construire
1014
viennent ces objets, pourquoi vous avez eu l’idée
de
les construire et comment ils expriment et transportent, en fait, tou
1015
expriment et transportent, en fait, tout un monde
de
valeurs complètement étranger à nos croyances traditionnelles ? » Une
1016
emme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons
de
solfège aux enfants d’une école de Djakarta ; et quand ils eurent app
1017
ndaise, donnait des leçons de solfège aux enfants
d’
une école de Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre
1018
ait des leçons de solfège aux enfants d’une école
de
Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre gamme, elle
1019
e Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes
de
notre gamme, elle leur dit : composez maintenant une chanson dans le
1020
it : composez maintenant une chanson dans le goût
de
ce pays ; mais ils ne purent écrire que de petites mélodies qui ne ra
1021
e goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que
de
petites mélodies qui ne rappelaient rien de leur musique indonésienne
1022
e que de petites mélodies qui ne rappelaient rien
de
leur musique indonésienne et ne faisaient que réinventer les lieux co
1023
et ne faisaient que réinventer les lieux communs
de
chansons européennes qu’ils ne connaissaient pas. Ainsi chaque machin
1024
i chaque machine exportée est, en fait, un cheval
de
Troie. Nous avons évacué nos guerriers et retiré nos fonctionnaires,
1025
ils commandent, aux sentiments, aux sources mêmes
de
l’invention et de la compréhension de la vie. Nos machines et nos rai
1026
x sentiments, aux sources mêmes de l’invention et
de
la compréhension de la vie. Nos machines et nos raisonnements, nos fo
1027
urces mêmes de l’invention et de la compréhension
de
la vie. Nos machines et nos raisonnements, nos formes d’art et de gou
1028
ie. Nos machines et nos raisonnements, nos formes
d’
art et de gouvernement transportent au loin des champs de force qui vo
1029
achines et nos raisonnements, nos formes d’art et
de
gouvernement transportent au loin des champs de force qui vont agir a
1030
t de gouvernement transportent au loin des champs
de
force qui vont agir anarchiquement, détruisant les bases mêmes d’équi
1031
t agir anarchiquement, détruisant les bases mêmes
d’
équilibres anciens, appelant d’autres ensembles de valeurs, mais ne po
1032
d’équilibres anciens, appelant d’autres ensembles
de
valeurs, mais ne pouvant les communiquer, les expliquer et les faire
1033
expliquer et les faire vivre. Les trois aspects
de
notre message Que répondre à ces Orientaux, et bientôt à ces Afric
1034
cains, qui nous demandent avec anxiété, non point
de
les laisser comme ils sont, dans leur « sagesse » intacte et leur fam
1035
ans leur « sagesse » intacte et leur famine, mais
de
déclarer nos valeurs ? Ils nous obligent à nous interroger sur ce qui
1036
s interroger sur ce qui va de soi dans nos façons
de
penser et nos conduites habituées ; à prendre conscience, devant eux,
1037
tes habituées ; à prendre conscience, devant eux,
de
ce que nous croyons et voulons ; à réviser sous leur regard méfiant l
1038
à réviser sous leur regard méfiant les illusions
de
notre « universalisme » ou à découvrir ses vraies bases. Classons d’a
1039
s. Classons d’abord les éléments caractéristiques
de
la civilisation occidentale en trois ordres : produits, principes de
1040
occidentale en trois ordres : produits, principes
de
vie publique et valeurs. Produits : les machines, la technique, l’in
1041
e, l’industrie, le confort matériel, les procédés
de
construction et d’alimentation, l’hygiène ; les sociétés, les capitau
1042
confort matériel, les procédés de construction et
d’
alimentation, l’hygiène ; les sociétés, les capitaux et leur mode d’em
1043
hygiène ; les sociétés, les capitaux et leur mode
d’
emploi ; la commune et les syndicats ; le suffrage universel, les parl
1044
dicats ; le suffrage universel, les parlements, l’
État
centralisé, la bureaucratie et les partis ; l’instruction publique et
1045
l’instruction publique et la presse ; les œuvres
d’
art. Principes de vie publique : la séparation du temporel et du spir
1046
lique et la presse ; les œuvres d’art. Principes
de
vie publique : la séparation du temporel et du spirituel ; la séparat
1047
; la séparation des pouvoirs et la réglementation
de
leurs rapports ; l’égalité devant la loi, la liberté de l’individu ou
1048
rs rapports ; l’égalité devant la loi, la liberté
de
l’individu ou du groupe garantie par la justice (habeas corpus et dro
1049
e garantie par la justice (habeas corpus et droit
d’
association) ; le droit à l’opposition (majorité possible de demain),
1050
ion) ; le droit à l’opposition (majorité possible
de
demain), le droit de libre expression, le droit au travail et à la sé
1051
pposition (majorité possible de demain), le droit
de
libre expression, le droit au travail et à la sécurité sociale ou pri
1052
aites, etc.), la souveraineté nationale et l’idée
d’
une loi internationale… Valeurs : la personne humaine considérée comm
1053
humaine considérée comme inviolable ; le respect
de
la vérité objective, condition du progrès de la recherche autant que
1054
pect de la vérité objective, condition du progrès
de
la recherche autant que de la liberté, l’interdépendance étroite de l
1055
, condition du progrès de la recherche autant que
de
la liberté, l’interdépendance étroite de la liberté et de la justice,
1056
tant que de la liberté, l’interdépendance étroite
de
la liberté et de la justice, le but de la justice étant de protéger l
1057
berté, l’interdépendance étroite de la liberté et
de
la justice, le but de la justice étant de protéger les libertés et la
1058
ce étroite de la liberté et de la justice, le but
de
la justice étant de protéger les libertés et la garantie interne des
1059
erté et de la justice, le but de la justice étant
de
protéger les libertés et la garantie interne des libertés consistant
1060
ntie interne des libertés consistant dans le sens
de
la responsabilité de chacun envers tous, ou solidarité ; l’unité, non
1061
rtés consistant dans le sens de la responsabilité
de
chacun envers tous, ou solidarité ; l’unité, non exclusive de la dive
1062
vers tous, ou solidarité ; l’unité, non exclusive
de
la diversité (ainsi les voix distinctes s’accordent dans nos chœurs)
1063
s’accordent dans nos chœurs) ; la reconnaissance
de
la réalité de la matière et du corps ; la croyance à la raison et à l
1064
ans nos chœurs) ; la reconnaissance de la réalité
de
la matière et du corps ; la croyance à la raison et à la rationalité
1065
alité du cosmos ; la foi au transcendant, l’amour
de
Dieu et du prochain. On voit sans peine que nos produits sont les plu
1066
s à exporter et les plus rapidement acceptés hors
d’
Europe ; que nos principes de vie publique sont officiellement invoqué
1067
dement acceptés hors d’Europe ; que nos principes
de
vie publique sont officiellement invoqués, mais principalement contre
1068
vent totalement ignorées. Mais ce qu’il m’importe
de
montrer, c’est comment ces produits et ces principes procèdent en réa
1069
es produits et ces principes procèdent en réalité
de
nos valeurs, et ne trouvent que par elles, dans le champ magnétique q
1070
asse généralement pour le produit le plus typique
de
l’Occident. D’où provient-elle ? De la technique évidemment. Mais com
1071
nt pour le produit le plus typique de l’Occident.
D’
où provient-elle ? De la technique évidemment. Mais comment expliquer
1072
plus typique de l’Occident. D’où provient-elle ?
De
la technique évidemment. Mais comment expliquer que l’Europe ait seul
1073
en Europe, une conjonction sans précédent : celle
de
la science, s’établissant enfin sur les bases autonomes du calcul et
1074
issant enfin sur les bases autonomes du calcul et
de
l’expérimentation ; de la philanthropie illuministe, héritière des rê
1075
ses autonomes du calcul et de l’expérimentation ;
de
la philanthropie illuministe, héritière des rêves alchimiques ; et de
1076
illuministe, héritière des rêves alchimiques ; et
de
la raison profane, égalitaire, balayant les coutumes sacrées et les e
1077
outumes sacrées et les entraves ancestrales. Mais
d’
où venaient cette science et cette raison hardie rénovant les institut
1078
nt les institutions, et cette ambition singulière
de
transformer le monde matériel ? Si l’on remonte à leurs origines, on
1079
rèce et le christianisme, c’est-à-dire le respect
de
la vérité objective, la dialectique et la libre critique d’une part,
1080
ritique d’une part, et d’autre part la conviction
de
la réalité de la matière, objet futur des sciences physiques (réalité
1081
part, et d’autre part la conviction de la réalité
de
la matière, objet futur des sciences physiques (réalité niée par la p
1082
siques (réalité niée par la plupart des religions
de
l’Orient mais affirmée par le dogme de l’Incarnation) et la croyance
1083
religions de l’Orient mais affirmée par le dogme
de
l’Incarnation) et la croyance profonde que le cosmos, créé par Dieu,
1084
ces des divinités monstrueuses ; il vaut la peine
d’
en scruter les lois et il attend de l’homme d’être compris, révélé, vo
1085
vaut la peine d’en scruter les lois et il attend
de
l’homme d’être compris, révélé, voire sauvé, selon saint Paul. Quant
1086
la peine d’en scruter les lois et il attend de l’
homme
d’être compris, révélé, voire sauvé, selon saint Paul. Quant à nos pr
1087
ine d’en scruter les lois et il attend de l’homme
d’
être compris, révélé, voire sauvé, selon saint Paul. Quant à nos princ
1088
re sauvé, selon saint Paul. Quant à nos principes
de
vie publique, ils s’inspirèrent tous, d’une manière plus ou moins dir
1089
rincipes de vie publique, ils s’inspirèrent tous,
d’
une manière plus ou moins directe ou correcte, de deux valeurs fondame
1090
d’une manière plus ou moins directe ou correcte,
de
deux valeurs fondamentales élaborées aux origines mêmes de l’Europe ;
1091
aleurs fondamentales élaborées aux origines mêmes
de
l’Europe ; la notion grecque d’individu et la notion chrétienne de pe
1092
ux origines mêmes de l’Europe ; la notion grecque
d’
individu et la notion chrétienne de personne. La première remonte aux
1093
notion grecque d’individu et la notion chrétienne
de
personne. La première remonte aux philosophes présocratiques, mais c’
1094
se lia par la suite indissolublement à la notion
de
vocation personnelle. C’est de la conjonction séculaire de ces valeur
1095
lement à la notion de vocation personnelle. C’est
de
la conjonction séculaire de ces valeurs grecques et chrétiennes que p
1096
on personnelle. C’est de la conjonction séculaire
de
ces valeurs grecques et chrétiennes que procède l’idée de liberté dan
1097
aleurs grecques et chrétiennes que procède l’idée
de
liberté dans ses différentes acceptions, ces dernières permettant de
1098
différentes acceptions, ces dernières permettant
de
rendre compte des tendances plus ou moins égalitaires ou aristocratiq
1099
ues, plus ou moins anarchisantes ou socialisantes
de
nos institutions. Tels étant les liens innombrables qui unissent les
1100
mbrables qui unissent les attitudes fondamentales
de
la psyché européenne et les principes ou les produits qui manifestent
1101
son activité, il apparaît clairement que l’usage
de
ces produits et le recours à ces principes ne peuvent aller sans impl
1102
ncipes ne peuvent aller sans impliquer le système
de
valeurs dont ils procèdent. User des uns ou invoquer les autres hors
1103
ou invoquer les autres hors du contexte spirituel
de
l’Occident, entraîne des conséquences incalculables et généralement c
1104
alculables et généralement chaotiques. Le contact
de
la civilisation occidentale et des coutumes arabes en Algérie nous en
1105
e un exemple tragique. Il ne s’agit nullement ici
de
politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accident de l’histoire que la
1106
politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accident
de
l’histoire que la France paraît seule en cause dans cette affaire, ca
1107
s. On voit que l’alternative est utopique, chacun
de
ses termes l’étant. Il nous reste à trouver des formules d’équilibre
1108
mes l’étant. Il nous reste à trouver des formules
d’
équilibre ou de compromis tolérables entre ces extrêmes idéaux. C’est
1109
nous reste à trouver des formules d’équilibre ou
de
compromis tolérables entre ces extrêmes idéaux. C’est la tâche la plu
1110
xtrêmes idéaux. C’est la tâche la plus importante
de
la seconde moitié du xxe siècle. Et c’est sans doute la première foi
1111
Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas
de
quartier européen ». h. Rougemont Denis de, « Le rôle mondial des v
1112
pas de quartier européen ». h. Rougemont Denis
de
, « Le rôle mondial des valeurs occidentales », Occident, Bruxelles, o
1113
âce à ses voyages et à ses travaux, les problèmes
de
base qui se posent à l’Occident. Son dernier livre, L’Aventure occid
1114
ident. Son dernier livre, L’Aventure occidentale
de
l’homme , a été analysé dans notre n° 3. M. de Rougemont dirige le Ce
1115
. Son dernier livre, L’Aventure occidentale de l’
homme
, a été analysé dans notre n° 3. M. de Rougemont dirige le Centre eur
1116
l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)j L’
homme
ne vit pas de pain seulement, mais ne vit pas longtemps sans pain. Ai
1117
ontières ?[préface] (1958)j L’homme ne vit pas
de
pain seulement, mais ne vit pas longtemps sans pain. Ainsi de l’Europ
1118
ement, mais ne vit pas longtemps sans pain. Ainsi
de
l’Europe. Pour unir les 332 millions d’habitants qu’elle compte à l’o
1119
in. Ainsi de l’Europe. Pour unir les 332 millions
d’
habitants qu’elle compte à l’ouest du rideau de fer — en attendant les
1120
ns d’habitants qu’elle compte à l’ouest du rideau
de
fer — en attendant les 98 millions retenus à l’est dans l’orbite russ
1121
l’orbite russe — la seule réussite dans douze ans
d’
institutions économiques ne peut évidemment suffire ; mais leur échec
1122
ntôt mortel. Or le Marché commun des Six, la zone
de
libre-échange des Dix-Sept, et leur future intégration dans le cadre
1123
ix-Sept, et leur future intégration dans le cadre
d’
une Grande Europe associée aux nations africaines ne supposent pas seu
1124
ntellectuelle, par quoi j’entends un vaste effort
de
libre réflexion et d’imagination de la part des économistes, et une p
1125
i j’entends un vaste effort de libre réflexion et
d’
imagination de la part des économistes, et une prise de conscience éco
1126
omique dans le grand public. L’étude des réalités
de
base et des problèmes présents de l’économie, incroyablement négligée
1127
de des réalités de base et des problèmes présents
de
l’économie, incroyablement négligée par l’École, doit devenir partie
1128
ligée par l’École, doit devenir partie intégrante
de
la culture d’un honnête homme au xxe siècle, si l’on veut que la dém
1129
ole, doit devenir partie intégrante de la culture
d’
un honnête homme au xxe siècle, si l’on veut que la démocratie foncti
1130
nnête homme vote, et sa voix détermine l’économie
de
son pays, que ce soit d’une manière directe comme en Suisse, ou plus
1131
oix détermine l’économie de son pays, que ce soit
d’
une manière directe comme en Suisse, ou plus souvent par députés inter
1132
édités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient
d’
être lus que par leurs étudiants et leurs collègues. Entre un public i
1133
erts liés par leur mission, et des savants privés
d’
une large audience, peu ou point d’échanges efficaces. Il faudrait réf
1134
savants privés d’une large audience, peu ou point
d’
échanges efficaces. Il faudrait réfléchir librement sur les problèmes
1135
uoi le Centre européen de la culture a jugé utile
de
réunir en séminaire une vingtaine d’économistes, à la fois réputés et
1136
a jugé utile de réunir en séminaire une vingtaine
d’
économistes, à la fois réputés et indépendants, pour leur poser une qu
1137
ndants, pour leur poser une question populaire et
d’
une simplicité presque choquante, une question qu’il jugeait présente
1138
vraisemblance. Que la répugnance professionnelle
de
nos séminaristes à « jouer » ainsi — répugnance sensible dans celles
1139
e du sérieux avec lequel ils ont essayé néanmoins
de
répondre à notre question. Nous nous étions efforcés de les persuader
1140
ondre à notre question. Nous nous étions efforcés
de
les persuader dès l’abord qu’il importait de réduire certaines object
1141
rcés de les persuader dès l’abord qu’il importait
de
réduire certaines objections de principe, ou mieux certaines craintes
1142
d qu’il importait de réduire certaines objections
de
principe, ou mieux certaines craintes vagues mais courantes. Car le g
1143
antes. Car le grand public — précédé par beaucoup
d’
intellectuels et suivi par beaucoup de députés — n’hésite pas, lui, à
1144
up de députés — n’hésite pas, lui, à jouer le jeu
de
« ce qui se passerait si… » Seulement, il a tendance à jouer perdant,
1145
lement, il a tendance à jouer perdant, à préjuger
de
catastrophes dont rien ne prouve qu’elles se produiraient. Il ne croi
1146
xperts croient aux chiffres, et que les militants
de
l’Europe fédérée croient aux bienfaits automatiques de l’union, sans
1147
Europe fédérée croient aux bienfaits automatiques
de
l’union, sans avoir toujours calculé son prix. Nos économistes se son
1148
économistes se sont réunis deux fois, à six mois
de
distance, et leurs débats ont été chauds. Tout parti pris de militant
1149
, et leurs débats ont été chauds. Tout parti pris
de
militant leur eût paru indigne d’une attitude proprement scientifique
1150
Tout parti pris de militant leur eût paru indigne
d’
une attitude proprement scientifique. Pourtant, un optimisme européen
1151
ant, un optimisme européen bien tempéré se dégage
de
leurs études, dont le plan fut arrêté en commun, la rédaction stricte
1152
se au point réciproque. Que pouvons-nous attendre
de
ces études ? Nous nous sommes refusés à leur donner après coup le tou
1153
t de leur véritable utilité. Elles ont déjà servi
de
base à plusieurs brochures de large diffusion18, à des articles et à
1154
lles ont déjà servi de base à plusieurs brochures
de
large diffusion18, à des articles et à des émissions de radio. Mais c
1155
ge diffusion18, à des articles et à des émissions
de
radio. Mais c’est leur publication en recueil qui leur donnera leur v
1156
cueil qui leur donnera leur vraie valeur, chacune
d’
elles appuyant, nuançant ou parfois corrigeant les autres. Aux économi
1157
ls et commerçants, elles apporteront des analyses
d’
une rare objectivité. Que se passerait-il si… ? — Rien ou presque rien
1158
Que se passerait-il si… ? — Rien ou presque rien
de
ce que vous redoutiez, mais beaucoup de bonnes choses qu’il vous rest
1159
qu’il vous reste à vouloir — avec au moins autant
de
lucidité que les totalitaires en apportent à vouloir un monde inhumai
1160
and public, ces études donneront une idée précise
de
la complexité des problèmes qui se posent, mais aussi des espoirs aut
1161
tant de peine à s’accepter, à saisir ses chances
de
grandeur, à guérir de son pessimisme et de ses crampes nationalistes…
1162
epter, à saisir ses chances de grandeur, à guérir
de
son pessimisme et de ses crampes nationalistes… Puisse cet ouvrage co
1163
hances de grandeur, à guérir de son pessimisme et
de
ses crampes nationalistes… Puisse cet ouvrage contribuer à ranimer un
1164
même qui suffirait sans doute à la rendre capable
d’
exercer à nouveau sa vocation mondiale. 18. Voir en particulier : P
1165
faits , publications du CEC. j. Rougemont Denis
de
, « [Préface] Demain l’Europe sans frontières », Demain l’Europe sans
1166
. C’est même elle, et elle seule, qui nous permet
de
parler de l’Europe comme d’une unité existante, sur laquelle il devie
1167
me elle, et elle seule, qui nous permet de parler
de
l’Europe comme d’une unité existante, sur laquelle il devient possibl
1168
eule, qui nous permet de parler de l’Europe comme
d’
une unité existante, sur laquelle il devient possible de construire no
1169
unité existante, sur laquelle il devient possible
de
construire notre union nécessaire. Ceux qui disent redouter on ne sai
1170
culturelle » comme conséquence lugubre et fatale
de
l’union politique, sont parfois en réalité des adversaires politiques
1171
ont parfois en réalité des adversaires politiques
de
cette union et le sort de la culture leur importe très peu ; mais ils
1172
adversaires politiques de cette union et le sort
de
la culture leur importe très peu ; mais ils sont plus souvent les inn
1173
ais ils sont plus souvent les innocentes victimes
d’
une illusion scolaire : ils ont retenu de leurs manuels que l’Europe s
1174
victimes d’une illusion scolaire : ils ont retenu
de
leurs manuels que l’Europe se divise en autant de cultures qu’elle a
1175
de leurs manuels que l’Europe se divise en autant
de
cultures qu’elle a de nations, celles-ci correspondant d’ailleurs aux
1176
’Europe se divise en autant de cultures qu’elle a
de
nations, celles-ci correspondant d’ailleurs aux langues, aux coutumes
1177
lkloriques, et aux frontières naturelles (chaînes
de
montagnes ou rivières). On ne perdra pas son temps à expliquer que to
1178
oute institution culturelle soucieuse des destins
de
l’Europe. D’une part, une telle institution devra montrer que l’Europ
1179
st d’abord une culture, qu’elle doit à sa culture
d’
avoir dominé le monde, qui retourne aujourd’hui contre elle les armes
1180
que cette culture est commune à tous les peuples
de
l’Europe, puisque leurs nations mêmes en sont nées, non l’inverse. D
1181
D’autre part, cette institution devra s’efforcer
de
réduire les résistances invétérées à notre union, les « blocs psychol
1182
éducation scolaire depuis un siècle, ou résultant
de
maladies chroniques de notre culture millénaire. On ne fera pas l’Eu
1183
is un siècle, ou résultant de maladies chroniques
de
notre culture millénaire. On ne fera pas l’Europe sans sa culture, c
1184
fonde et manifeste l’unité qui est la vraie base
de
notre union ; mais d’autre part, elle seule peut expliquer les divisi
1185
pas l’Europe en répétant qu’il est indispensable
de
s’unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant des traités : person
1186
iant des traités : personne n’y croit. (On attend
de
voir…) Et certes il fallait dire : unissons-nous ! Certes, il fallait
1187
par la fatalité, qui joue toujours perdant sur l’
homme
, mais par l’esprit, et pour parler plus sobrement, par ces quelques a
1188
s actions précises : 1° Réduire les préjugés, nés
d’
une mauvaise éducation qui accrédite l’illusion générale de l’existenc
1189
vaise éducation qui accrédite l’illusion générale
de
l’existence première de « cultures nationales » et de « l’éternité »
1190
édite l’illusion générale de l’existence première
de
« cultures nationales » et de « l’éternité » de nos États-nations (fo
1191
’existence première de « cultures nationales » et
de
« l’éternité » de nos États-nations (formés pour la plupart depuis mo
1192
e de « cultures nationales » et de « l’éternité »
de
nos États-nations (formés pour la plupart depuis moins de cent ans…)
1193
tats-nations (formés pour la plupart depuis moins
de
cent ans…) 2° Informer les élites et les masses, leur montrer le dram
1194
r les élites et les masses, leur montrer le drame
de
l’Europe, mais aussi le rôle décisif de cette Europe dans les transfo
1195
le drame de l’Europe, mais aussi le rôle décisif
de
cette Europe dans les transformations du monde au xxe siècle, sa voc
1196
n avenir si elle s’unit. 3° Créer des instruments
de
coopération pour les différentes branches de la culture, sans tenir c
1197
ents de coopération pour les différentes branches
de
la culture, sans tenir compte des frontières nationales quand les pro
1198
n fait dans ce sens depuis que la grande question
de
l’union européenne s’est trouvée posée, au lendemain de la dernière g
1199
nion européenne s’est trouvée posée, au lendemain
de
la dernière guerre ? Parallèlement aux mouvements fédéralistes, une s
1200
allèlement aux mouvements fédéralistes, une série
d’
instituts d’études européennes se créent dès 194620. Ils nouent des li
1201
ux mouvements fédéralistes, une série d’instituts
d’
études européennes se créent dès 194620. Ils nouent des liens entre eu
1202
entre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus
d’
une vingtaine, pour la plupart liés à des universités, ou de rang univ
1203
taine, pour la plupart liés à des universités, ou
de
rang universitaire. En 1948, le Congrès de l’Europe, à La Haye, décid
1204
és, ou de rang universitaire. En 1948, le Congrès
de
l’Europe, à La Haye, décide la création d’un Centre européen de la cu
1205
ongrès de l’Europe, à La Haye, décide la création
d’
un Centre européen de la culture. Celui-ci se fonde à Genève en l950.
1206
Nous y reviendrons. En 1949, un Congrès européen
de
la culture se réunit à Lausanne, et définit les tâches du Centre euro
1207
ches du Centre européen de la culture, du Collège
d’
Europe (Bruges), d’une association des universitaires, et d’un Laborat
1208
péen de la culture, du Collège d’Europe (Bruges),
d’
une association des universitaires, et d’un Laboratoire européen de re
1209
Bruges), d’une association des universitaires, et
d’
un Laboratoire européen de recherches nucléaires (fondé en 1953 sous l
1210
des universitaires, et d’un Laboratoire européen
de
recherches nucléaires (fondé en 1953 sous le nom de CERN, à Genève.)
1211
recherches nucléaires (fondé en 1953 sous le nom
de
CERN, à Genève.) Le Conseil de l’Europe, issu d’une résolution du con
1212
de CERN, à Genève.) Le Conseil de l’Europe, issu
d’
une résolution du congrès de La Haye, est constitué neuf mois plus tar
1213
eil de l’Europe, issu d’une résolution du congrès
de
La Haye, est constitué neuf mois plus tard, et comporte dès le début
1214
te dès le début une direction culturelle, coiffée
d’
un Comité d’experts des 16 gouvernements membres. Il élabore et fait r
1215
but une direction culturelle, coiffée d’un Comité
d’
experts des 16 gouvernements membres. Il élabore et fait ratifier une
1216
péens, crée des bourses, organise des expositions
de
peinture, patronne la révision des manuels d’histoire, et prépare une
1217
ons de peinture, patronne la révision des manuels
d’
histoire, et prépare une série de publications scientifiques. Une Asso
1218
sion des manuels d’histoire, et prépare une série
de
publications scientifiques. Une Association des universitaires d’Euro
1219
scientifiques. Une Association des universitaires
d’
Europe et une Association européenne des enseignants se fondent en 195
1220
péenne des écoles propose chaque année des sujets
de
rédaction sur l’Europe aux élèves des écoles de 7 pays, et donne des
1221
s de rédaction sur l’Europe aux élèves des écoles
de
7 pays, et donne des prix à 80 d’entre eux, sur plus de 300 000 parti
1222
ays, et donne des prix à 80 d’entre eux, sur plus
de
300 000 participants. Une Fondation européenne de la culture a été cr
1223
de 300 000 participants. Une Fondation européenne
de
la culture a été créée à Genève en 1954, et opère depuis cette année
1224
des volumes, thèses, mémoires et numéros spéciaux
de
revues sur l’Europe et ses problèmes compte déjà, depuis dix ans, plu
1225
compte déjà, depuis dix ans, plusieurs centaines
de
titres, parus dans toutes nos langues, sans parler de milliers de bro
1226
itres, parus dans toutes nos langues, sans parler
de
milliers de brochures. Cet effort est immense. Est-il trop dispersé p
1227
dans toutes nos langues, sans parler de milliers
de
brochures. Cet effort est immense. Est-il trop dispersé pour porter p
1228
ens ? Hélas ! la somme totale des budgets annuels
de
toutes les organisations que je viens de citer (à l’exception du CERN
1229
nstruction) équivaudrait à peine aux possibilités
d’
une des « petites » fondations qui existent par milliers en Amérique d
1230
iers en Amérique du Nord. Il serait temps que nos
États
prennent conscience de ces deux vérités primordiales, à savoir : 1° q
1231
Il serait temps que nos États prennent conscience
de
ces deux vérités primordiales, à savoir : 1° que l’Europe n’a dû sa p
1232
puissance qu’aux inventions, procédés et systèmes
de
tous ordres directement issus de sa culture et que, par suite, sans l
1233
édés et systèmes de tous ordres directement issus
de
sa culture et que, par suite, sans la vitalité de cette culture, elle
1234
de sa culture et que, par suite, sans la vitalité
de
cette culture, elle se réduirait vite à ce qu’elle est sur la carte :
1235
la culture, en Europe, perdra sa vitalité si les
États
et les mécènes virtuels du continent s’obstinent à lui refuser même l
1236
tinent s’obstinent à lui refuser même le centième
de
l’aide que lui accordent chez eux les empires ascendants et réalistes
1237
ux les empires ascendants et réalistes des USA et
de
l’URSS21. ⁂ Le Centre européen de la culture Sans attendre que
1238
ndre que ce problème ait reçu la moindre promesse
d’
un début de solution raisonnable, le Centre européen de la culture a d
1239
problème ait reçu la moindre promesse d’un début
de
solution raisonnable, le Centre européen de la culture a décidé dès 1
1240
e Centre européen de la culture a décidé dès 1950
de
tenter l’aventure d’exister. Il existe depuis sept ans. Son exemple p
1241
la culture a décidé dès 1950 de tenter l’aventure
d’
exister. Il existe depuis sept ans. Son exemple peut éclairer. J’essai
1242
ans. Son exemple peut éclairer. J’essaierai donc
de
le décrire, très brièvement, pour illustrer les considérations, un pe
1243
es, qui précèdent. La mission générale du CEC est
de
contribuer à l’union de l’Europe en ralliant les forces vives de la c
1244
ssion générale du CEC est de contribuer à l’union
de
l’Europe en ralliant les forces vives de la culture dans tous nos peu
1245
l’union de l’Europe en ralliant les forces vives
de
la culture dans tous nos peuples, et en leur offrant : un lieu de ren
1246
ns tous nos peuples, et en leur offrant : un lieu
de
rencontre, des instruments de coordination, un foyer d’études et d’in
1247
r offrant : un lieu de rencontre, des instruments
de
coordination, un foyer d’études et d’initiatives. Fondé sous les ausp
1248
contre, des instruments de coordination, un foyer
d’
études et d’initiatives. Fondé sous les auspices du Mouvement européen
1249
instruments de coordination, un foyer d’études et
d’
initiatives. Fondé sous les auspices du Mouvement européen, le CEC est
1250
éen, le CEC est issu des délibérations du congrès
de
La Haye (mai 1948). Dès février 1949, un Bureau d’études s’ouvrait à
1251
e La Haye (mai 1948). Dès février 1949, un Bureau
d’
études s’ouvrait à Genève, chargé d’élaborer le travail de l’instituti
1252
49, un Bureau d’études s’ouvrait à Genève, chargé
d’
élaborer le travail de l’institution projetée, et d’organiser une « Co
1253
s’ouvrait à Genève, chargé d’élaborer le travail
de
l’institution projetée, et d’organiser une « Conférence européenne de
1254
élaborer le travail de l’institution projetée, et
d’
organiser une « Conférence européenne de la culture ». Celle-ci se réu
1255
jetée, et d’organiser une « Conférence européenne
de
la culture ». Celle-ci se réunit à Lausanne en décembre 1949, et form
1256
n association régie par la loi suisse, elle jouit
de
la personnalité juridique. Ses ressources sont assurées par des dons
1257
nt assurées par des dons et subventions provenant
de
sources privées ou officielles, par les cotisations de ses membres et
1258
urces privées ou officielles, par les cotisations
de
ses membres et par la vente de ses publications. Le choix des objecti
1259
ar les cotisations de ses membres et par la vente
de
ses publications. Le choix des objectifs du CEC est déterminé par deu
1260
u CEC est déterminé par deux critères : l’urgence
d’
un problème culturel qui se pose à l’échelle européenne, et ses possib
1261
pose à l’échelle européenne, et ses possibilités
de
solution pratiques. Un budget réduit au strict minimum opératif, un p
1262
s qui distinguent cet organisme privé et européen
de
la plupart des organisations gouvernementales et internationales exis
1263
nt leur autonomie, tout en agissant dans le cadre
d’
un programme commun. Quelles sont donc les grandes lignes de ce progra
1264
amme commun. Quelles sont donc les grandes lignes
de
ce programme ? Laissant de côté des réalisations passées, qui furent
1265
onc les grandes lignes de ce programme ? Laissant
de
côté des réalisations passées, qui furent entre autres le Congrès de
1266
tions passées, qui furent entre autres le Congrès
de
compositeurs et critiques musicaux à Rome, en 1953, le Prix européen
1267
tiques musicaux à Rome, en 1953, le Prix européen
de
littérature, et l’initiative de la création du CERN, bornons-nous à d
1268
le Prix européen de littérature, et l’initiative
de
la création du CERN, bornons-nous à décrire les trois principaux cham
1269
ornons-nous à décrire les trois principaux champs
d’
activité entre lesquels se répartissent les secrétariats du CEC : éduc
1270
quer dans les nouvelles générations la conscience
d’
une commune appartenance aux formes de pensée et de vie qui définissen
1271
conscience d’une commune appartenance aux formes
de
pensée et de vie qui définissent notre culture et notre civilisation,
1272
’une commune appartenance aux formes de pensée et
de
vie qui définissent notre culture et notre civilisation, au-delà des
1273
actuelles ; d’autre part, exposer l’état présent
de
l’Europe, son drame mais aussi ses possibilités d’avenir au plan mond
1274
e l’Europe, son drame mais aussi ses possibilités
d’
avenir au plan mondial, si elle unit ses forces pendant qu’il en est t
1275
st temps. Le Centre a donc suscité dans plusieurs
de
nos pays des expériences-pilotes d’éducation européenne prenant app
1276
ns plusieurs de nos pays des expériences-pilotes
d’
éducation européenne prenant appui soit sur le corps enseignant d’une
1277
éenne prenant appui soit sur le corps enseignant
d’
une région donnée, soit sur des foyers de culture populaire en milieu
1278
seignant d’une région donnée, soit sur des foyers
de
culture populaire en milieu rural ou urbain. Il leur fournit des moye
1279
u urbain. Il leur fournit des moyens audiovisuels
d’
enseignement, des publications spéciales, des experts ou moniteurs, et
1280
t des subventions, réparties selon les directives
d’
un Comité d’éducateurs où se trouvent représentés la plupart de nos pa
1281
tions, réparties selon les directives d’un Comité
d’
éducateurs où se trouvent représentés la plupart de nos pays (y compri
1282
de nos pays (y compris la Grande-Bretagne et les
États
scandinaves). Enfin, il les fait bénéficier de ses moyens d’informati
1283
États scandinaves). Enfin, il les fait bénéficier
de
ses moyens d’information européenne. Ceux-ci consistent en publicatio
1284
ves). Enfin, il les fait bénéficier de ses moyens
d’
information européenne. Ceux-ci consistent en publications, films et c
1285
ix à huit numéros spéciaux consacrés à des sujets
d’
intérêt européen, et largement diffusés en plusieurs langues. Des pla
1286
rgement diffusés en plusieurs langues. Des plans
de
causerie , établis en tenant compte des milieux populaires ou des gro
1287
es militants auxquels ils s’adressent, permettent
de
multiplier les exposés documentés donnés dans de petits groupes de tr
1288
de multiplier les exposés documentés donnés dans
de
petits groupes de travail. Un Service de conférenciers fournit des
1289
exposés documentés donnés dans de petits groupes
de
travail. Un Service de conférenciers fournit des orateurs aux organ
1290
és dans de petits groupes de travail. Un Service
de
conférenciers fournit des orateurs aux organisations intéressées par
1291
téressées par les problèmes européens. Une série,
de
films documentaires sur l’Europe est en cours de réalisation. Enfin
1292
e films documentaires sur l’Europe est en cours
de
réalisation. Enfin, l’information de la presse est assurée par les A
1293
est en cours de réalisation. Enfin, l’information
de
la presse est assurée par les Actualités européennes , fascicule men
1294
portants Séminaires, l’un sur l’avenir économique
d’
une Europe sans frontières intérieures l’autre sur les conséquences po
1295
ences pour la culture, l’éducation et les loisirs
de
la nouvelle révolution technique que symbolise le terme d’automation.
1296
velle révolution technique que symbolise le terme
d’
automation. En outre, le CEC élabore actuellement trois plans nouveaux
1297
bore actuellement trois plans nouveaux : création
d’
un Institut technologique de formation européenne, pour les ingénieur
1298
nouveaux : création d’un Institut technologique
de
formation européenne, pour les ingénieurs ; convocation d’une Confére
1299
ion européenne, pour les ingénieurs ; convocation
d’
une Conférence « Afrique du Nord-Europe » ; organisation d’un Dialogue
1300
férence « Afrique du Nord-Europe » ; organisation
d’
un Dialogue Asie-Europe. Parallèlement l’Association des instituts d’
1301
urope. Parallèlement l’Association des instituts
d’
études européennes , qui groupe 19 instituts de niveau universitaire,
1302
ts d’études européennes , qui groupe 19 instituts
de
niveau universitaire, et l’Association européenne des festivals de m
1303
taire, et l’Association européenne des festivals
de
musique , qui groupe 21 grands festivals, poursuivent la coordination
1304
21 grands festivals, poursuivent la coordination
de
leurs programmes et de leurs publications, grâce à leurs secrétariats
1305
oursuivent la coordination de leurs programmes et
de
leurs publications, grâce à leurs secrétariats assurés par le CEC. Ce
1306
éenne des enseignants et celle des universitaires
d’
Europe proposent au CEC une forme « fédéraliste » d’affiliation, sauve
1307
Europe proposent au CEC une forme « fédéraliste »
d’
affiliation, sauvegardant l’autonomie des trois institutions tout en a
1308
réelles et organiques qui sont l’une des sources
de
la vitalité et des tensions fécondes de notre culture. Il ne s’agit n
1309
s sources de la vitalité et des tensions fécondes
de
notre culture. Il ne s’agit nullement de les uniformiser. Cependant,
1310
fécondes de notre culture. Il ne s’agit nullement
de
les uniformiser. Cependant, il est urgent de leur offrir les moyens p
1311
ment de les uniformiser. Cependant, il est urgent
de
leur offrir les moyens pratiques d’échanger leurs expériences, de gro
1312
il est urgent de leur offrir les moyens pratiques
d’
échanger leurs expériences, de grouper leurs forces en vue de certaine
1313
es moyens pratiques d’échanger leurs expériences,
de
grouper leurs forces en vue de certaines actions communes, et de mett
1314
s forces en vue de certaines actions communes, et
de
mettre en pool celles de leurs activités ou de leurs ressources — mai
1315
nes actions communes, et de mettre en pool celles
de
leurs activités ou de leurs ressources — mais celles-là seules ! — qu
1316
et de mettre en pool celles de leurs activités ou
de
leurs ressources — mais celles-là seules ! — qui semblent bien devoir
1317
là seules ! — qui semblent bien devoir bénéficier
d’
une intégration plus poussée. À l’heure où les institutions économique
1318
ure où les institutions économiques et politiques
de
l’Europe naissante proclament leur volonté de concentrer autant que p
1319
ues de l’Europe naissante proclament leur volonté
de
concentrer autant que possible leurs services et leurs assemblées, un
1320
ort parallèle doit être entrepris dans le domaine
de
la culture. Coordonner les autonomies, telle doit être à mes yeux la
1321
à mes yeux la devise, spécifiquement fédéraliste,
de
cet effort. Un autre parallèle s’impose, entre la situation politique
1322
la situation politique et la situation culturelle
de
l’Europe. Minorisée aux Nations unies, menacée dans ses positions mon
1323
s mondiales par des empires qui l’accusent encore
de
colonialisme, mais la maintiennent en fait sous la pression constante
1324
a maintiennent en fait sous la pression constante
de
leur expansion économique ou idéologique, l’Europe reste sans voix po
1325
ntredisent souvent et ne convergent jamais, faute
d’
une institution unique et compétente. L’Europe a donc besoin d’un mini
1326
tion unique et compétente. L’Europe a donc besoin
d’
un ministère des Affaires étrangères européennes. Mais de même, dans l
1327
chnique d’une part, et les civilisations diverses
de
l’Asie, de l’Afrique et du Moyen-Orient d’autre part, appellent des s
1328
ne part, et les civilisations diverses de l’Asie,
de
l’Afrique et du Moyen-Orient d’autre part, appellent des solutions qu
1329
nt d’autre part, appellent des solutions qu’aucun
de
nos États-nations ne peut élaborer, et moins encore faire accepter à
1330
re accepter à lui tout seul. Ces difficultés sont
d’
ordre culturel (spirituel et sociologique à la fois) bien avant d’être
1331
(spirituel et sociologique à la fois) bien avant
d’
être politiques. Là encore, l’Europe mise au défi en tant qu’ensemble
1332
culturel, reste sans voix. C’est ici la nécessité
de
relations culturelles européennes qui se fait jour. Le besoin d’une c
1333
lturelles européennes qui se fait jour. Le besoin
d’
une coordination entre nos forces culturelles, et le besoin de représe
1334
nation entre nos forces culturelles, et le besoin
de
représentation commune de ces forces vis-à-vis du reste du monde nous
1335
lturelles, et le besoin de représentation commune
de
ces forces vis-à-vis du reste du monde nous appellent et nous poussen
1336
fficace pour unir nos élites que la confrontation
de
leurs diversités avec d’autres cultures ou civilisations : vue de l’e
1337
tés avec d’autres cultures ou civilisations : vue
de
l’extérieur, l’Europe forme un tout évident. En retour, nos différent
1338
le dialogue nécessaire avec les autres traditions
de
culture, que si elles se présentent au nom de l’Europe entière, sûre
1339
es se présentent au nom de l’Europe entière, sûre
de
sa vocation, donc ouverte à l’avenir. 19. On parle 6 langues en Fr
1340
etc. Le folklore révèle précisément la communauté
de
traditions de tous nos peuples. Le Rhin serait une frontière naturell
1341
re révèle précisément la communauté de traditions
de
tous nos peuples. Le Rhin serait une frontière naturelle, mais le Dan
1342
iens naturels ?…, etc. 20. Voir l’ Annuaire 1957
de
l’Association des instituts d’études européennes (AIEE) publié en nov
1343
r l’ Annuaire 1957 de l’Association des instituts
d’
études européennes (AIEE) publié en novembre 1957 par le Centre europé
1344
A : 10 % du revenu national. k. Rougemont Denis
de
, « Europe et culture », Quelle Europe ?, Paris, Fayard, 1958, p. 69-7
1345
Pourquoi la guerre ? Un échange
de
lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)l Cela se
1346
l 1958)l Cela se passait en 1932, sur le seuil
de
ce quart de siècle qui allait voir l’ascension d’Hitler, puis sa ruin
1347
Cela se passait en 1932, sur le seuil de ce quart
de
siècle qui allait voir l’ascension d’Hitler, puis sa ruine entraînant
1348
de ce quart de siècle qui allait voir l’ascension
d’
Hitler, puis sa ruine entraînant celle de l’Europe entière, la renaiss
1349
scension d’Hitler, puis sa ruine entraînant celle
de
l’Europe entière, la renaissance de l’idée d’union, et l’arme absolue
1350
raînant celle de l’Europe entière, la renaissance
de
l’idée d’union, et l’arme absolue dans les mains de deux empires pres
1351
lle de l’Europe entière, la renaissance de l’idée
d’
union, et l’arme absolue dans les mains de deux empires presque immobi
1352
l’idée d’union, et l’arme absolue dans les mains
de
deux empires presque immobilisés par la terreur d’y recourir… Que pen
1353
e deux empires presque immobilisés par la terreur
d’
y recourir… Que pensaient et pressentaient ces deux génies de premier
1354
r… Que pensaient et pressentaient ces deux génies
de
premier ordre, à la veille même du déchaînement dont ils avaient choi
1355
ille même du déchaînement dont ils avaient choisi
d’
examiner les causes, afin de proposer les moyens de le prévenir ? On l
1356
’examiner les causes, afin de proposer les moyens
de
le prévenir ? On les relit avec une sorte d’avidité et d’anxiété rétr
1357
yens de le prévenir ? On les relit avec une sorte
d’
avidité et d’anxiété rétrospective. L’un se borne à poser des question
1358
évenir ? On les relit avec une sorte d’avidité et
d’
anxiété rétrospective. L’un se borne à poser des questions, dans un do
1359
sonnable et moyen. L’autre répond dans la rigueur
de
sa pensée : il est chez lui. Que dit Einstein ? Il dit que, la guerre
1360
ison. Mais pourquoi la raison n’a-t-elle pas plus
de
force ? Pourquoi les masses suivent-elles leur « classe régnante » ?
1361
les instincts ? Et comment supprimer « le besoin
de
haine » dégénérant en « psychose collective » ? C’est écrit de Potsda
1362
générant en « psychose collective » ? C’est écrit
de
Potsdam et sous l’œil des barbares. Freud répond de sa Vienne natale
1363
Potsdam et sous l’œil des barbares. Freud répond
de
sa Vienne natale en sursis — elle n’en aura plus pour longtemps — et
1364
e n’en aura plus pour longtemps — et le pacifisme
d’
Einstein se voit soumis à l’examen analytique d’un praticien courtois,
1365
e d’Einstein se voit soumis à l’examen analytique
d’
un praticien courtois, mais dénué d’illusions. Non, la force, dit-il,
1366
en analytique d’un praticien courtois, mais dénué
d’
illusions. Non, la force, dit-il, n’est pas le contraire du droit. Car
1367
t. Car le droit n’est en somme qu’une autre forme
de
la violence inévitable. C’est la violence née de « l’union de plusieu
1368
de la violence inévitable. C’est la violence née
de
« l’union de plusieurs faibles ». La violence d’un seul ne peut être
1369
ce inévitable. C’est la violence née de « l’union
de
plusieurs faibles ». La violence d’un seul ne peut être brisée que pa
1370
de « l’union de plusieurs faibles ». La violence
d’
un seul ne peut être brisée que par l’union de ses victimes, fondant s
1371
nce d’un seul ne peut être brisée que par l’union
de
ses victimes, fondant sur l’intérêt et sur le sentiment les lois de l
1372
ondant sur l’intérêt et sur le sentiment les lois
de
leur communauté. Il s’agit donc de transférer le pouvoir à quelque «
1373
iment les lois de leur communauté. Il s’agit donc
de
transférer le pouvoir à quelque « plus vaste unité ». Mais la Société
1374
ité ». Mais la Société des Nations ne dispose pas
d’
une force à son échelle et ne provoque pas l’« identification » créatr
1375
et ne provoque pas l’« identification » créatrice
de
communauté. Passant aux grandes questions naïves anxieusement posées
1376
maîtrise en invoquant l’Éros vital et l’instinct
de
mort, également essentiels à l’homme. « On ferait œuvre inutile à pré
1377
l et l’instinct de mort, également essentiels à l’
homme
. « On ferait œuvre inutile à prétendre supprimer les penchants destru
1378
rétendre supprimer les penchants destructeurs des
hommes
. » Mais peut-on les canaliser vers d’autres formes d’expression que l
1379
» Mais peut-on les canaliser vers d’autres formes
d’
expression que la guerre ? Ici, Freud va nous étonner. D’une part, il
1380
rougir », mais vaguement) à l’amour qui relie les
hommes
; d’autre part, à l’autorité : ce serait celle d’une élite véritable
1381
es ; d’autre part, à l’autorité : ce serait celle
d’
une élite véritable de chefs, défenseurs supérieurs qui dirigeraient l
1382
’autorité : ce serait celle d’une élite véritable
de
chefs, défenseurs supérieurs qui dirigeraient les masses. Mesures à t
1383
ns aucun doute. Mais on ne peut prendre son parti
de
la guerre, pourtant « biologiquement fondée ». Car l’évolution cultur
1384
ment fondée ». Car l’évolution culturelle, à tant
d’
égards contre nature, fait que certains hommes d’aujourd’hui éprouvent
1385
à tant d’égards contre nature, fait que certains
hommes
d’aujourd’hui éprouvent en présence de la guerre bien autre chose qu’
1386
d’égards contre nature, fait que certains hommes
d’
aujourd’hui éprouvent en présence de la guerre bien autre chose qu’une
1387
ain ? Freud confie son espoir lointain à l’action
de
ces deux éléments : le développement de la culture, et la crainte des
1388
l’action de ces deux éléments : le développement
de
la culture, et la crainte des effets d’une guerre totale. Einstein p
1389
loppement de la culture, et la crainte des effets
d’
une guerre totale. Einstein propose une seule idée, d’une irréfutable
1390
guerre totale. Einstein propose une seule idée,
d’
une irréfutable logique : celle d’un gouvernement mondial. J’y reviend
1391
une seule idée, d’une irréfutable logique : celle
d’
un gouvernement mondial. J’y reviendrai. Pour le reste, son diagnostic
1392
Pour le reste, son diagnostic joue sur des images
d’
Épinal. La « classe régnante » et les marchands de canons tiendraient
1393
d’Épinal. La « classe régnante » et les marchands
de
canons tiendraient la presse, l’école et les « organisations religieu
1394
raient ainsi les masses, les poussant à la haine,
d’
où sortirait la guerre… Mais ce qui « règne » en Occident, il y a beau
1395
n publique qui les prépare, résultent aujourd’hui
de
l’État, des Partis, des Affaires, et parfois des Églises — et non pas
1396
lique qui les prépare, résultent aujourd’hui de l’
État
, des Partis, des Affaires, et parfois des Églises — et non pas de leu
1397
des Affaires, et parfois des Églises — et non pas
de
leur complicité, mais plutôt de leurs dissensions. Quand bien même ce
1398
ises — et non pas de leur complicité, mais plutôt
de
leurs dissensions. Quand bien même ces puissances pousseraient toutes
1399
usseraient toutes dans le même sens à l’intérieur
d’
une même nation, la résultante de leur action serait modifiée ou, dans
1400
ns à l’intérieur d’une même nation, la résultante
de
leur action serait modifiée ou, dans certains cas, annulée par la pre
1401
ar la pression contraire d’autres empires. L’idée
d’
une classe régnante fauteuse de guerre est d’un autre âge, quoique pop
1402
es empires. L’idée d’une classe régnante fauteuse
de
guerre est d’un autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’étonner
1403
idée d’une classe régnante fauteuse de guerre est
d’
un autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’étonner qu’Einstein l’
1404
gence critique, lui qui voyait pourtant et vivait
de
si près la montée d’Hitler au pouvoir, malgré l’opposition des partis
1405
ui voyait pourtant et vivait de si près la montée
d’
Hitler au pouvoir, malgré l’opposition des partis, des nantis, des Égl
1406
des partis, des nantis, des Églises et des cadres
de
l’État, pour une fois tous hostiles à la guerre. Ce grand homme, plei
1407
artis, des nantis, des Églises et des cadres de l’
État
, pour une fois tous hostiles à la guerre. Ce grand homme, plein de bo
1408
pour une fois tous hostiles à la guerre. Ce grand
homme
, plein de bon sens dans sa conversation, cédait facilement aux cliché
1409
tous hostiles à la guerre. Ce grand homme, plein
de
bon sens dans sa conversation, cédait facilement aux clichés quand il
1410
hés quand il s’exprimait en public. Dans son rôle
de
critique des clichés « pacifistes » Freud, au contraire, paraît plus
1411
l que jamais. En réduisant l’opposition classique
de
la Force et du Droit à celle de deux violences, il définit les condit
1412
osition classique de la Force et du Droit à celle
de
deux violences, il définit les conditions de toute politique réaliste
1413
elle de deux violences, il définit les conditions
de
toute politique réaliste. Quatre ans après l’échange de lettres qu’on
1414
te politique réaliste. Quatre ans après l’échange
de
lettres qu’on va lire, Hitler réoccupait la Rhénanie. À Paris, le pré
1415
e, la force du Droit ! » Traduite dans les termes
de
Freud, cette déclaration signifiait qu’à la violence d’un seul s’oppo
1416
ud, cette déclaration signifiait qu’à la violence
d’
un seul s’opposerait la violence née de l’union de ses victimes. Mais,
1417
a violence d’un seul s’opposerait la violence née
de
l’union de ses victimes. Mais, comme en fait il n’y avait pas d’union
1418
d’un seul s’opposerait la violence née de l’union
de
ses victimes. Mais, comme en fait il n’y avait pas d’union, cela reve
1419
es victimes. Mais, comme en fait il n’y avait pas
d’
union, cela revenait à opposer aux chars d’Hitler une forte page de rh
1420
it pas d’union, cela revenait à opposer aux chars
d’
Hitler une forte page de rhétorique. Nous voici donc ramenés à la néce
1421
enait à opposer aux chars d’Hitler une forte page
de
rhétorique. Nous voici donc ramenés à la nécessité d’une autorité sup
1422
hétorique. Nous voici donc ramenés à la nécessité
d’
une autorité supérieure à celle des nations « souveraines ». Einstein
1423
dictateurs, les « classes régnantes » au respect
de
la loi nouvelle ? Tandis que le physicien rêve d’une autorité d’ordre
1424
de la loi nouvelle ? Tandis que le physicien rêve
d’
une autorité d’ordre moral, le psychologue paraît attendre davantage
1425
lle ? Tandis que le physicien rêve d’une autorité
d’
ordre moral, le psychologue paraît attendre davantage de la terreur q
1426
moral, le psychologue paraît attendre davantage
de
la terreur qu’inspirent les armes physiques : « La guerre de demain,
1427
ur qu’inspirent les armes physiques : « La guerre
de
demain, écrit Freud, par suite du perfectionnement des engins de dest
1428
t Freud, par suite du perfectionnement des engins
de
destruction, équivaudrait à l’extermination de l’un des adversaires,
1429
ns de destruction, équivaudrait à l’extermination
de
l’un des adversaires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée d’une
1430
un des adversaires, et peut-être même des deux. »
D’
où l’idée d’une « paix éternelle » imposée par une arme assez puissant
1431
saires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée
d’
une « paix éternelle » imposée par une arme assez puissante pour que l
1432
éplore que le super-État qu’il rêve soit dépourvu
d’
une force à sa mesure. Il la cherche en vain, ne voit rien… Et c’est à
1433
uement, à lui parmi tous ses contemporains, à cet
homme
dont les découvertes ont déjà déclenché, dans l’ombre et le secret, l
1434
s qui aboutira treize ans plus tard à l’explosion
d’
Hiroshima. Tragique et sublime ironie de ce dialogue de deux génies, d
1435
explosion d’Hiroshima. Tragique et sublime ironie
de
ce dialogue de deux génies, dont l’un voit bien l’avenir, mais ignore
1436
oshima. Tragique et sublime ironie de ce dialogue
de
deux génies, dont l’un voit bien l’avenir, mais ignore qu’il en parle
1437
bien l’avenir, mais ignore qu’il en parle au seul
homme
qui en détienne le secret sans le savoir ! Rêvons là-dessus. Einstei
1438
avoir ! Rêvons là-dessus. Einstein n’a pas cessé
de
protester contre le péril atomique, ni d’afficher un pacifisme désarm
1439
s cessé de protester contre le péril atomique, ni
d’
afficher un pacifisme désarmant. Pourtant, un soir de fièvre, il a sig
1440
fficher un pacifisme désarmant. Pourtant, un soir
de
fièvre, il a signé la lettre proposant à Roosevelt de fabriquer la bo
1441
ièvre, il a signé la lettre proposant à Roosevelt
de
fabriquer la bombe. Tout ne s’est-il point passé comme si le calcul p
1442
abitait en lui, déjouant les conclusions sincères
de
sa raison, l’avait inconsciemment conduit à doter l’homme d’un suprêm
1443
raison, l’avait inconsciemment conduit à doter l’
homme
d’un suprême instrument de guerre, qui rendrait la guerre impossible
1444
n, l’avait inconsciemment conduit à doter l’homme
d’
un suprême instrument de guerre, qui rendrait la guerre impossible ? E
1445
t conduit à doter l’homme d’un suprême instrument
de
guerre, qui rendrait la guerre impossible ? En fait, la situation s’e
1446
des espaces intersidéraux ? l. Rougemont Denis
de
, « Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einst
1447
emont Denis de, « Pourquoi la guerre ? Un échange
de
lettres prophétique entre Einstein et Freud », Réalités, Paris, avril
1448
Une expérience
de
fédéralisme : la Suisse (1959)n 1. Du pacte des communes à l’all
1449
)n 1. Du pacte des communes à l’alliance des
États
(xiiie au xixe siècle) On se figure, et l’on écrit souvent, qu’i
1450
es à la Suisse pour devenir, par une évolution, l’
État
fédéral qu’elle est aujourd’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au
1451
rd’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au terme
d’
une crise de trente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi d’alli
1452
éalité il a fallu neuf mois, au terme d’une crise
de
trente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi d’alliances et de
1453
rente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi
d’
alliances et de guerres entre petits États souverains, et d’inexistenc
1454
, succédant à cinq siècles et demi d’alliances et
de
guerres entre petits États souverains, et d’inexistence d’un pouvoir
1455
es et demi d’alliances et de guerres entre petits
États
souverains, et d’inexistence d’un pouvoir central. Et cela s’est prod
1456
s et de guerres entre petits États souverains, et
d’
inexistence d’un pouvoir central. Et cela s’est produit entre le 17 fé
1457
s entre petits États souverains, et d’inexistence
d’
un pouvoir central. Et cela s’est produit entre le 17 février et le 17
1458
us obligent à un rappel des origines. Les manuels
d’
histoire suisse donnent la date du 1er août 1291 comme celle de la nai
1459
isse donnent la date du 1er août 1291 comme celle
de
la naissance de la Confédération. Il y a là un étrange anachronisme.
1460
date du 1er août 1291 comme celle de la naissance
de
la Confédération. Il y a là un étrange anachronisme. Car ce qui se pr
1461
produisit ce jour-là, fut simplement la signature
d’
un pacte entre les trois « communes » rurales d’Uri, de Schwyz et d’Un
1462
e d’un pacte entre les trois « communes » rurales
d’
Uri, de Schwyz et d’Unterwald, maîtresses des débouchés nord du Gothar
1463
pacte entre les trois « communes » rurales d’Uri,
de
Schwyz et d’Unterwald, maîtresses des débouchés nord du Gothard. Ce c
1464
es trois « communes » rurales d’Uri, de Schwyz et
d’
Unterwald, maîtresses des débouchés nord du Gothard. Ce col était le s
1465
Gothard. Ce col était le seul à relier au travers
d’
une seule chaîne des Alpes les moitiés nord et sud du Saint-Empire. D’
1466
es Alpes les moitiés nord et sud du Saint-Empire.
D’
où son importance stratégique, commerciale et même culturelle. On n’in
1467
rôle décisif qu’il devait jouer dans la formation
de
la Suisse et dans la détermination de la mission singulière de ce pay
1468
a formation de la Suisse et dans la détermination
de
la mission singulière de ce pays. En effet, ce fut bien pour assurer
1469
et dans la détermination de la mission singulière
de
ce pays. En effet, ce fut bien pour assurer la garde du col au nom de
1470
té impériale ; et cela dès 1231, c’est-à-dire peu
d’
années après l’ouverture du col. Au nombre des seigneurs entreprenants
1471
es seigneurs entreprenants qu’il fallait empêcher
de
dominer la route figuraient en bonne place les Habsbourg, possesseurs
1472
uraient en bonne place les Habsbourg, possesseurs
d’
une série de châteaux au nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaie
1473
onne place les Habsbourg, possesseurs d’une série
de
châteaux au nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaient d’étendre
1474
ourg, possesseurs d’une série de châteaux au nord
de
la Suisse actuelle, et qui ne cessaient d’étendre leurs domaines vers
1475
u nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaient
d’
étendre leurs domaines vers le Gothard. Lorsque Rodolphe de Habsbourg
1476
tre leurs libertés locales et contre leur mission
de
gardiens du Col. Et c’est pourquoi, au début du mois d’août 1291, — «
1477
diens du Col. Et c’est pourquoi, au début du mois
d’
août 1291, — « considérant la malice des temps, et afin de se défendre
1478
ps, et afin de se défendre et maintenir avec plus
d’
efficace », les trois coopératives forestières prirent l’engagement de
1479
ois coopératives forestières prirent l’engagement
de
« s’assister mutuellement de toutes leurs forces, secours et bons off
1480
prirent l’engagement de « s’assister mutuellement
de
toutes leurs forces, secours et bons offices… envers quiconque tenter
1481
cours et bons offices… envers quiconque tenterait
de
leur faire violence, de les inquiéter ou molester, en leurs personnes
1482
nvers quiconque tenterait de leur faire violence,
de
les inquiéter ou molester, en leurs personnes et en leurs biens ». Et
1483
devait « s’il plaît à Dieu, durer à perpétuité ».
De
fait, il a duré jusqu’à nos jours. Mais ses auteurs étaient bien loin
1484
taient bien loin de se douter qu’ils fondaient un
État
nouveau, lequel serait un jour, la Suisse. Cette première alliance lo
1485
n jour, la Suisse. Cette première alliance locale
d’
hommes libres des campagnes, directement inspirée des pactes en vigueu
1486
jour, la Suisse. Cette première alliance locale d’
hommes
libres des campagnes, directement inspirée des pactes en vigueur dans
1487
u cours des siècles par l’adhésion ou la conquête
de
communautés voisines, villes ou vallées, petits États indépendants, a
1488
e communautés voisines, villes ou vallées, petits
États
indépendants, abbayes, ligues locales, bailliages et pays sujets, tou
1489
locales, bailliages et pays sujets, toutes unités
de
langues et d’économies fort diverses. Ce long processus d’agrégations
1490
iages et pays sujets, toutes unités de langues et
d’
économies fort diverses. Ce long processus d’agrégations contractuelle
1491
s et d’économies fort diverses. Ce long processus
d’
agrégations contractuelles ou forcées, à la faveur de guerres civiles
1492
grégations contractuelles ou forcées, à la faveur
de
guerres civiles ou étrangères incessantes, se poursuivit de la fin du
1493
civiles ou étrangères incessantes, se poursuivit
de
la fin du xiiie siècle à la fin du xviiie siècle. Un enchevêtrement
1494
cle à la fin du xviiie siècle. Un enchevêtrement
d’
alliances particulières et un sens remarquable de la foi jurée devaien
1495
d’alliances particulières et un sens remarquable
de
la foi jurée devaient rester, pendant toute cette période, le seul ga
1496
rester, pendant toute cette période, le seul gage
d’
unité (relative) de ceux qui se désignaient comme les « Confédérés » (
1497
te cette période, le seul gage d’unité (relative)
de
ceux qui se désignaient comme les « Confédérés » (Eidgenossen, compag
1498
serment). Le Directoire français, en 1798, tenta
d’
imposer une Constitution unitaire aux cantons. Cette expérience jacobi
1499
n unitaire aux cantons. Cette expérience jacobine
de
« République une et indivisible » échoua contre la résistance presque
1500
à Paris : « La Suisse ne ressemble à aucun autre
État
, soit par les événements qui s’y sont succédé depuis des siècles, soi
1501
différentes religions et cette extrême différence
de
mœurs qui existent entre ses diverses parties. La nature a fait votre
1502
ntre ses diverses parties. La nature a fait votre
État
fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être d’un homme sage ». En
1503
t fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être
d’
un homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’un
1504
ératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être d’un
homme
sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’une « orga
1505
En conséquence, l’empereur se déclarait partisan
d’
une « organisation fédérative où chaque canton se trouve organisé suiv
1506
ntérêt et son opinion ». L’année suivante, l’Acte
de
Médiation rétablissait l’indépendance des cantons. Au lendemain de la
1507
blissait l’indépendance des cantons. Au lendemain
de
la chute de l’empereur, en 1815, un nouveau Pacte fédéral consacra le
1508
ndépendance des cantons. Au lendemain de la chute
de
l’empereur, en 1815, un nouveau Pacte fédéral consacra le retour à l’
1509
le pouvoir central par une simple Diète composée
de
plénipotentiaires des États, et supprimait le terme de « citoyen suis
1510
ne simple Diète composée de plénipotentiaires des
États
, et supprimait le terme de « citoyen suisse » qu’avait utilisé l’Acte
1511
énipotentiaires des États, et supprimait le terme
de
« citoyen suisse » qu’avait utilisé l’Acte de Médiation. Le « Corps h
1512
rme de « citoyen suisse » qu’avait utilisé l’Acte
de
Médiation. Le « Corps helvétique », ainsi que l’on nommait alors l’en
1513
l’espace délimité par les Alpes, le Jura, le lac
de
Constance et le Léman, n’était donc encore, après cinq siècles, guère
1514
près cinq siècles, guère plus qu’une simple Ligue
d’
États souverains, une alliance visant à assurer leur sécurité collecti
1515
ès cinq siècles, guère plus qu’une simple Ligue d’
États
souverains, une alliance visant à assurer leur sécurité collective et
1516
peu leur politique étrangère. La formule du Pacte
de
1291, bien qu’élargie, subsistait essentiellement. Quant aux régimes
1517
ment. Quant aux régimes intérieurs, ils variaient
de
la démocratie directe (cantons primitifs) à la monarchie (principauté
1518
e (cantons primitifs) à la monarchie (principauté
de
Neuchâtel) en passant par les systèmes les plus complexes d’oligarchi
1519
l) en passant par les systèmes les plus complexes
d’
oligarchies patriciennes pures ou mitigées. Un lien si lâche ne représ
1520
les grandes puissances unifiées, aux portes mêmes
de
la Suisse : l’Italie et l’Allemagne. Le problème brûlant qui se posai
1521
t aux Suisses, dans cette Europe où les campagnes
de
Napoléon venaient de susciter les passions nationales, était celui du
1522
passions nationales, était celui du renforcement
de
leur unité et de la création d’un État. Il est remarquable qu’ils n’a
1523
les, était celui du renforcement de leur unité et
de
la création d’un État. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché
1524
i du renforcement de leur unité et de la création
d’
un État. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de
1525
renforcement de leur unité et de la création d’un
État
. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de ce prob
1526
emarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution
de
ce problème dans l’unification systématique, à la manière jacobine, m
1527
rme à leurs anciennes traditions comme au respect
de
leurs diversités linguistiques, religieuses, politiques et sociales.
1528
t devenir une Nation ? mais bien : comment passer
d’
une alliance d’États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’i
1529
ation ? mais bien : comment passer d’une alliance
d’
États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pa
1530
ion ? mais bien : comment passer d’une alliance d’
États
(Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pas les
1531
passer d’une alliance d’États (Staatenbund) à un
État
fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pas les seuls à poser ce problè
1532
xixe siècle, ils furent les seuls à le résoudre
d’
une manière efficace et durable. 2. Crise du Pacte fédéral (1815-18
1533
éral (1815-1848) La crise ouverte par le Pacte
de
1815 devait se prolonger, sans progrès appréciable, pendant trente-tr
1534
ésolue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain
d’
une guerre civile qui en fit éclater à tous les yeux la gravité littér
1535
aliste William Martin — ressemblait sous le Pacte
de
1815 à l’Europe d’aujourd’hui. Les cantons souverains étaient les maî
1536
in — ressemblait sous le Pacte de 1815 à l’Europe
d’
aujourd’hui. Les cantons souverains étaient les maîtres incontestés de
1537
antons souverains étaient les maîtres incontestés
de
leur politique économique. On comptait alors en Suisse 11 mesures de
1538
conomique. On comptait alors en Suisse 11 mesures
de
pieds, 60 espèces d’armes, 87 mesures de grain, 81 pour les liquides
1539
t alors en Suisse 11 mesures de pieds, 60 espèces
d’
armes, 87 mesures de grain, 81 pour les liquides et 50 poids différent
1540
mesures de pieds, 60 espèces d’armes, 87 mesures
de
grain, 81 pour les liquides et 50 poids différents. » Le régime monét
1541
nétaire n’était pas moins chaotique. « Incapables
de
s’entendre sur aucune mesure commune, les cantons multipliaient les m
1542
ue toutes les erreurs que nous avons vu commettre
de
nos jours en Europe ont eu leurs précédents sous la Restauration22. »
1543
s analogues. Les cantons se montraient incapables
de
pratiquer une politique commune à l’égard des grandes nations voisine
1544
mais ils n’hésitaient pas à décréter des mesures
de
blocus contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins de 400 taxes
1545
contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins
de
400 taxes et droits de péages sur les marchandises passant d’un canto
1546
. On ne comptait pas moins de 400 taxes et droits
de
péages sur les marchandises passant d’un canton à un autre ou d’une c
1547
et droits de péages sur les marchandises passant
d’
un canton à un autre ou d’une commune à une autre. « Il y en avait par
1548
es marchandises passant d’un canton à un autre ou
d’
une commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux frontières
1549
le seul canton du Tessin « ne prélevait pas moins
de
treize taxes différentes sur la route du Gothard, avec obligation de
1550
férentes sur la route du Gothard, avec obligation
de
décharger chaque fois la marchandise pour la peser ». Le trafic étran
1551
évitait donc la Suisse. Bien plus, un industriel
de
Saint-Gall avait intérêt à faire passer ses produits destinés à l’Ita
1552
ue par les routes suisses traversant une douzaine
de
frontières cantonales, par des routes et des ponts également frappés
1553
es, par des routes et des ponts également frappés
de
droits. Si l’industrie suisse put survivre à de telles conditions, el
1554
s de droits. Si l’industrie suisse put survivre à
de
telles conditions, elle ne le dut qu’à l’initiative privée et à la ha
1555
ut qu’à l’initiative privée et à la haute qualité
de
sa main-d’œuvre, héritière d’un très vieil artisanat : les États fais
1556
à la haute qualité de sa main-d’œuvre, héritière
d’
un très vieil artisanat : les États faisaient tout pour l’étouffer, so
1557
’œuvre, héritière d’un très vieil artisanat : les
États
faisaient tout pour l’étouffer, sous prétexte de défendre leurs privi
1558
om de la Suisse entière. La Diète représentant 25
États
souverains, l’unanimité pratiquement requise pour les grandes décisio
1559
atteinte. (Les députés votaient sur instructions
de
leur État. La chancellerie fédérale n’était qu’un bureau chargé de pr
1560
e. (Les députés votaient sur instructions de leur
État
. La chancellerie fédérale n’était qu’un bureau chargé de préparer les
1561
chancellerie fédérale n’était qu’un bureau chargé
de
préparer les affaires, et changeait de résidence tous les deux ans.)
1562
eau chargé de préparer les affaires, et changeait
de
résidence tous les deux ans.) Les pressions étrangères, venant de la
1563
s les deux ans.) Les pressions étrangères, venant
de
la France, de Metternich, ou de la Grande-Bretagne, finissaient donc,
1564
.) Les pressions étrangères, venant de la France,
de
Metternich, ou de la Grande-Bretagne, finissaient donc, dans la plupa
1565
trangères, venant de la France, de Metternich, ou
de
la Grande-Bretagne, finissaient donc, dans la plupart des cas, par im
1566
n. « Je mènerai ces gens à la baguette, il suffit
de
les diviser ! », écrivait alors à son gouvernement l’ambassadeur de F
1567
, écrivait alors à son gouvernement l’ambassadeur
de
France. Il n’exagérait pas. Que pouvait entreprendre, en effet, une C
1568
en effet, une Confédération qui ne disposait que
de
contingents militaires levés et entretenus, chacun pour son compte, p
1569
és et entretenus, chacun pour son compte, par les
États
souverains ? (Elle avait bien en propre une « caisse de guerre », et
1570
verains ? (Elle avait bien en propre une « caisse
de
guerre », et le droit de nommer le Général en chef, son état-major, e
1571
n en propre une « caisse de guerre », et le droit
de
nommer le Général en chef, son état-major, et quelques fonctionnaires
1572
s du « service étranger », commandés par des fils
de
familles nobles suisses. Les idées libérales, qu’on nommait alors « r
1573
répandaient dans la bourgeoisie, et provoquèrent
de
nombreuses révolutions cantonales, visant et aboutissant souvent à dé
1574
et aboutissant souvent à déposséder le patriciat
de
ses droits exclusifs à gouverner. Cette agitation et ces déséquilibre
1575
séquilibres sociaux devaient nourrir le mouvement
de
« Régénération » qui se prononça dès 1830. Influencée par l’action de
1576
qui se prononça dès 1830. Influencée par l’action
de
nombreuses sociétés plus ou moins « culturelles » (de chanteurs, de
1577
mbreuses sociétés plus ou moins « culturelles » (
de
chanteurs, de savants, d’étudiants, de gymnastes, de médecins ou de t
1578
étés plus ou moins « culturelles » (de chanteurs,
de
savants, d’étudiants, de gymnastes, de médecins ou de tireurs au fusi
1579
moins « culturelles » (de chanteurs, de savants,
d’
étudiants, de gymnastes, de médecins ou de tireurs au fusil !)23 qui s
1580
urelles » (de chanteurs, de savants, d’étudiants,
de
gymnastes, de médecins ou de tireurs au fusil !)23 qui seules entrete
1581
chanteurs, de savants, d’étudiants, de gymnastes,
de
médecins ou de tireurs au fusil !)23 qui seules entretenaient l’idéal
1582
avants, d’étudiants, de gymnastes, de médecins ou
de
tireurs au fusil !)23 qui seules entretenaient l’idéal d’une patrie c
1583
rs au fusil !)23 qui seules entretenaient l’idéal
d’
une patrie commune et d’une véritable fédération, la Régénération conq
1584
les entretenaient l’idéal d’une patrie commune et
d’
une véritable fédération, la Régénération conquit le pouvoir dans plus
1585
ans plusieurs cantons en vue de hâter l’avènement
d’
une Suisse unie. En 1832, la Diète admit, sous la pression des cantons
1586
a pression des cantons « régénérés », le principe
d’
une révision du Pacte fédéral. Une commission de 15 membres fut chargé
1587
e d’une révision du Pacte fédéral. Une commission
de
15 membres fut chargée de rédiger un projet de Constitution. Le rappo
1588
fédéral. Une commission de 15 membres fut chargée
de
rédiger un projet de Constitution. Le rapport qu’elle présenta après
1589
on de 15 membres fut chargée de rédiger un projet
de
Constitution. Le rapport qu’elle présenta après quelques mois comport
1590
omportait un commentaire dû à la plume du délégué
de
Genève, Pellegrino Rossi24. Il vaut la peine d’en citer quelques pass
1591
é de Genève, Pellegrino Rossi24. Il vaut la peine
d’
en citer quelques passages, qui évoquent irrésistiblement des situatio
1592
ons que l’Europe a bien connues depuis, aux temps
de
la Société des Nations, puis au lendemain de la Deuxième Guerre mondi
1593
emps de la Société des Nations, puis au lendemain
de
la Deuxième Guerre mondiale. Rossi remarquait d’abord que la faibless
1594
e du lien fédéral institué en Suisse par le Pacte
de
1815 créait « une illusion plus dangereuse que l’isolement » par la f
1595
écrivait la paralysie qui frappe une Diète formée
de
délégués d’États souverains et non de députés des peuples : « Lequel
1596
paralysie qui frappe une Diète formée de délégués
d’
États souverains et non de députés des peuples : « Lequel de nous n’a
1597
ralysie qui frappe une Diète formée de délégués d’
États
souverains et non de députés des peuples : « Lequel de nous n’a dû so
1598
iète formée de délégués d’États souverains et non
de
députés des peuples : « Lequel de nous n’a dû souvent déplorer la for
1599
uverains et non de députés des peuples : « Lequel
de
nous n’a dû souvent déplorer la forme actuelle des délibérations fédé
1600
r sur les autres… Ces députés obligés quelquefois
de
résister aux vérités les mieux démontrées… Les magistrats directeurs
1601
i dire, servir deux maîtres, être tour à tour les
hommes
de la Confédération et les hommes du canton… Il n’est, ce me semble,
1602
servir deux maîtres, être tour à tour les hommes
de
la Confédération et les hommes du canton… Il n’est, ce me semble, auc
1603
tour à tour les hommes de la Confédération et les
hommes
du canton… Il n’est, ce me semble, aucun motif de conserver un pareil
1604
es du canton… Il n’est, ce me semble, aucun motif
de
conserver un pareil état de choses… Rien ne milite en sa faveur, pas
1605
veur, pas même la raison, d’ailleurs bien faible,
de
l’économie… » Et Rossi concluait en montrant les progrès « mémorables
1606
dérale dans l’élite et les masses : « Oui, l’idée
d’
une commune patrie ne nous est point étrangère… Et quoi qu’en disent l
1607
acteurs des temps modernes, c’est une des gloires
de
ces temps, que cette idée ait acquis plus de netteté, ce sentiment pl
1608
ires de ces temps, que cette idée ait acquis plus
de
netteté, ce sentiment plus d’énergie. Ce mémorable progrès, tout nous
1609
dée ait acquis plus de netteté, ce sentiment plus
d’
énergie. Ce mémorable progrès, tout nous le révèle. Les paroles, les é
1610
és littéraires et savantes, les vœux, les projets
d’
un grand nombre de cantons, et cette anxiété elle-même, et ce malaise
1611
savantes, les vœux, les projets d’un grand nombre
de
cantons, et cette anxiété elle-même, et ce malaise général qu’il est
1612
-même, et ce malaise général qu’il est impossible
de
méconnaître, et cette espérance que dans un nouveau Pacte, dans une c
1613
u Pacte » se résumait essentiellement dans l’idée
de
créer un équilibre vivant entre la souveraineté des cantons et leur u
1614
voir fédéral ». La Ligue des cantons, enfin dotée
d’
organes législatifs, exécutifs, judiciaires, administratifs et militai
1615
tifs et militaires, devait être transformée en un
État
moderne de forme fédérative. L’éloquence de Rossi ne parvint pas à co
1616
aires, devait être transformée en un État moderne
de
forme fédérative. L’éloquence de Rossi ne parvint pas à convaincre le
1617
un État moderne de forme fédérative. L’éloquence
de
Rossi ne parvint pas à convaincre les partisans de l’esprit de cloche
1618
e Rossi ne parvint pas à convaincre les partisans
de
l’esprit de clocher et de l’égoïsme cantonal. Les radicaux jugèrent l
1619
arvint pas à convaincre les partisans de l’esprit
de
clocher et de l’égoïsme cantonal. Les radicaux jugèrent le projet tim
1620
onvaincre les partisans de l’esprit de clocher et
de
l’égoïsme cantonal. Les radicaux jugèrent le projet timide et trop re
1621
dérante » du sentiment cantonal, souvent qualifié
de
« national » à l’époque. C’est ainsi qu’un député (le grand savant A.
1622
e Candolle) pouvait s’écrier en 1832 au Parlement
de
Genève : « Que veulent les partisans du nouveau Pacte ?… Une républiq
1623
… Une république fédérative au lieu d’une réunion
d’
États souverains ! Avec une position géographique, des mœurs, des anté
1624
Une république fédérative au lieu d’une réunion d’
États
souverains ! Avec une position géographique, des mœurs, des antécéden
1625
des confédérés, nous ne pouvons vouloir un ordre
de
choses qui nous engagerait au sacrifice de notre nationalité. » Un au
1626
ordre de choses qui nous engagerait au sacrifice
de
notre nationalité. » Un autre député qualifiait de « chimère » l’idée
1627
e notre nationalité. » Un autre député qualifiait
de
« chimère » l’idée d’une Union suisse s’opposant aux seules réalités
1628
Un autre député qualifiait de « chimère » l’idée
d’
une Union suisse s’opposant aux seules réalités solides : le sentiment
1629
e qui l’avait rejetée ; Les adversaires du Projet
d’
union l’avaient dénoncé comme introduisant « un brandon de discorde »
1630
l’avaient dénoncé comme introduisant « un brandon
de
discorde » parmi les cantons : il le devint en effet, de par l’acharn
1631
les évidences du bien commun, au nom des préjugés
de
la souveraineté. Les cantons catholiques, où le parti conservateur re
1632
bund, et à négocier l’intervention des puissances
de
la Sainte-Alliance, qui avaient imposé et garanti le Pacte de 1815. L
1633
-Alliance, qui avaient imposé et garanti le Pacte
de
1815. Le Sonderbund pouvait compter sur l’appui de Guizot (protestant
1634
e 1815. Le Sonderbund pouvait compter sur l’appui
de
Guizot (protestant pourtant, mais d’abord antilibéral), de Metternich
1635
(protestant pourtant, mais d’abord antilibéral),
de
Metternich, du tsar, du roi de Sardaigne et du roi de Prusse. La Fran
1636
les cantons libéraux décrétèrent le bannissement
de
l’ordre des jésuites, en 1847, la guerre civile éclata. Les libéraux
1637
radicaux ») détenaient la majorité et disposaient
de
contingents militaires supérieurs en nombre et en armement. Mais ils
1638
tes à intervenir pour empêcher toute modification
de
régime favorable au libéralisme. Seul, Palmerston appuyait les réform
1639
formistes (considérés par les chancelleries comme
de
« dangereux tyrans » partisans de la Révolution) : il pressentait que
1640
celleries comme de « dangereux tyrans » partisans
de
la Révolution) : il pressentait que l’instauration d’une Suisse unie
1641
a Révolution) : il pressentait que l’instauration
d’
une Suisse unie et libérale donnerait le signal du renversement de l’o
1642
e et libérale donnerait le signal du renversement
de
l’ordre imposé à l’Europe par la Sainte-Alliance. La courte guerre ci
1643
civile du Sonderbund (équivalent presque littéral
de
la guerre de Sécession américaine) fut suivie avec passion par l’opin
1644
derbund (équivalent presque littéral de la guerre
de
Sécession américaine) fut suivie avec passion par l’opinion européenn
1645
uragement efficace aux libéraux. Mais il convient
de
souligner qu’en retour, l’imminence des révolutions de 1848 fut un fa
1646
uligner qu’en retour, l’imminence des révolutions
de
1848 fut un facteur important du succès des radicaux suisses : elle r
1647
la reddition. L’étranger n’avait pas eu le temps
d’
intervenir. Les vainqueurs se montrèrent généreux : par souscription p
1648
protestants, ils contribuèrent à couvrir la dette
de
guerre des catholiques. Et dans l’atmosphère de réconciliation nation
1649
e de guerre des catholiques. Et dans l’atmosphère
de
réconciliation nationale ainsi créée, la Diète décida d’entreprendre
1650
nciliation nationale ainsi créée, la Diète décida
d’
entreprendre sans plus de délai la rédaction d’une Constitution fédéra
1651
da d’entreprendre sans plus de délai la rédaction
d’
une Constitution fédérale. Plus qu’une victoire des protestants sur le
1652
déralistes sur les nationalistes cantonaux. 3.
De
la Ligue d’États à l’État fédératif (17 février-17 novembre 1848)
1653
ur les nationalistes cantonaux. 3. De la Ligue
d’
États à l’État fédératif (17 février-17 novembre 1848) Tandis que l
1654
les nationalistes cantonaux. 3. De la Ligue d’
États
à l’État fédératif (17 février-17 novembre 1848) Tandis que la rév
1655
nalistes cantonaux. 3. De la Ligue d’États à l’
État
fédératif (17 février-17 novembre 1848) Tandis que la révolution é
1656
les diverses capitales européennes, tout au long
de
l’année 1848, les Suisses profitèrent du répit que leur laissaient, m
1657
pour accomplir en quelques mois la transformation
de
leur séculaire Ligue d’États en un État fédératif durable et fort. La
1658
es mois la transformation de leur séculaire Ligue
d’
États en un État fédératif durable et fort. La commission de révision,
1659
mois la transformation de leur séculaire Ligue d’
États
en un État fédératif durable et fort. La commission de révision, nomm
1660
nsformation de leur séculaire Ligue d’États en un
État
fédératif durable et fort. La commission de révision, nommée par la D
1661
un État fédératif durable et fort. La commission
de
révision, nommée par la Diète et comprenant un délégué par canton, se
1662
8. La majorité des commissaires étaient des chefs
de
gouvernements cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’autres des co
1663
périeurs, d’autres des commerçants, des médecins,
d’
anciens commandants de divisions de l’armée victorieuse ; tous hommes
1664
commerçants, des médecins, d’anciens commandants
de
divisions de l’armée victorieuse ; tous hommes d’expérience politique
1665
des médecins, d’anciens commandants de divisions
de
l’armée victorieuse ; tous hommes d’expérience politique, pas un seul
1666
ndants de divisions de l’armée victorieuse ; tous
hommes
d’expérience politique, pas un seul publiciste ou pur intellectuel. D
1667
de divisions de l’armée victorieuse ; tous hommes
d’
expérience politique, pas un seul publiciste ou pur intellectuel. Dès
1668
r les discours démagogiques et les comptes rendus
de
presse qui « à peu d’exceptions près — comme le déclarait un des memb
1669
iques et les comptes rendus de presse qui « à peu
d’
exceptions près — comme le déclarait un des membres — relatent ordinai
1670
des membres — relatent ordinairement le contraire
de
ce qui s’est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de
1671
e 31 séances plénières, ils élaborèrent un projet
de
17 articles. Nombre de ces articles s’inspiraient du projet de 1832,
1672
ils élaborèrent un projet de 17 articles. Nombre
de
ces articles s’inspiraient du projet de 1832, mais les plus important
1673
s. Nombre de ces articles s’inspiraient du projet
de
1832, mais les plus importants furent le fruit original des discussio
1674
aborda l’examen. Une première lecture, un renvoi
de
quelques articles à une Commission, une seconde lecture et le vote fi
1675
Les votes populaires eurent lieu pendant le mois
d’
août. Le 4 septembre, la Diète se réunit une dernière fois pour prendr
1676
nos jours. L’essor économique, social et culturel
de
la nouvelle Suisse unie fut immédiat. Aucune des catastrophes prédite
1677
trophes prédites et calculées par les adversaires
de
la fédération ne se produisit. Souple synthèse des autonomies locales
1678
u cantonales d’une part, des nécessités pratiques
de
l’union d’autre part, la Constitution de 1848 ne mérite pas seulement
1679
ratiques de l’union d’autre part, la Constitution
de
1848 ne mérite pas seulement l’épithète de fédérale : elle est précis
1680
tution de 1848 ne mérite pas seulement l’épithète
de
fédérale : elle est précisément fédéraliste, dans ses visées comme pa
1681
ositions. Le législatif, par exemple, s’y compose
de
deux chambres dont l’une représente le peuple, l’autre les États. L’e
1682
bres dont l’une représente le peuple, l’autre les
États
. L’exécutif collégial, élu par ces chambres réunies, combine les attr
1683
u par ces chambres réunies, combine les attributs
d’
un chef d’État à sept têtes et d’un cabinet de ministres ; on ne peut
1684
ne les attributs d’un chef d’État à sept têtes et
d’
un cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres
1685
uts d’un chef d’État à sept têtes et d’un cabinet
de
ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres dans le même
1686
un cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus
d’
un de ses membres dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des
1687
binet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un
de
ses membres dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des diff
1688
anton. Un Tribunal fédéral connaît des différends
de
droit civil entre l’État central et les cantons, corporations ou part
1689
ral connaît des différends de droit civil entre l’
État
central et les cantons, corporations ou particuliers. Enfin et surtou
1690
le problème théoriquement tenu pour « insoluble »
de
l’abolition des souverainetés nationales se trouve résolu par un comp
1691
ue, satisfait au bon sens. Escamotage ou solution
de
sagesse, voici ce compromis qui tient en trois articles : Article 1.
1692
1. Les peuples des vingt-deux cantons souverains
de
la Suisse, unis par la présente alliance, … forment dans leur ensembl
1693
on ajoute que la Constitution assure les libertés
d’
établissement, de culte, d’association, de pétition et d’expression, e
1694
Constitution assure les libertés d’établissement,
de
culte, d’association, de pétition et d’expression, et qu’elle établit
1695
on assure les libertés d’établissement, de culte,
d’
association, de pétition et d’expression, et qu’elle établit l’égalité
1696
ibertés d’établissement, de culte, d’association,
de
pétition et d’expression, et qu’elle établit l’égalité devant la loi
1697
issement, de culte, d’association, de pétition et
d’
expression, et qu’elle établit l’égalité devant la loi ; qu’elle crée
1698
intérieurs et reporte les douanes aux frontières
de
la Confédération, quitte à indemniser les cantons ; qu’elle uniformis
1699
des cantons ; qu’enfin elle prévoit une procédure
de
révision « en tout temps » par initiative populaire ou parlementaire
1700
re ou parlementaire — on aura rappelé l’essentiel
de
l’œuvre des constituants de 1848. Une quarantaine de révisions partie
1701
a rappelé l’essentiel de l’œuvre des constituants
de
1848. Une quarantaine de révisions partielles, et la révision général
1702
l’œuvre des constituants de 1848. Une quarantaine
de
révisions partielles, et la révision générale (de tendance un peu plu
1703
de révisions partielles, et la révision générale (
de
tendance un peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’en ont changé
1704
rice) opérée en 1874, n’en ont changé depuis plus
d’
un siècle ni l’esprit ni le caractère spécifiquement fédéralistes.
1705
listes. 4. Une expérience-témoin L’adoption
de
la Constitution de 1848 est saluée par la quasi-unanimité des histori
1706
xpérience-témoin L’adoption de la Constitution
de
1848 est saluée par la quasi-unanimité des historiens suisses comme l
1707
des historiens suisses comme l’événement capital
de
l’histoire des Confédérés. Elle tira les leçons de cinq siècles d’exp
1708
e l’histoire des Confédérés. Elle tira les leçons
de
cinq siècles d’expériences souvent amères, confirma les droits et les
1709
Confédérés. Elle tira les leçons de cinq siècles
d’
expériences souvent amères, confirma les droits et les devoirs lenteme
1710
des républiques locales, et créa d’un seul coup l’
État
qui se nomme désormais la Suisse. Cet acte central, axial et décisif
1711
ais la Suisse. Cet acte central, axial et décisif
de
l’histoire suisse appelle quelques commentaires qui en dégageront l’o
1712
euples, et à sa mise en vigueur effective, paraît
d’
autant plus remarquable que ce processus-éclair (9 mois en tout !) suc
1713
(9 mois en tout !) succédait à une longue période
de
crise et à des siècles de refus obstiné de tout pouvoir central. L’ab
1714
it à une longue période de crise et à des siècles
de
refus obstiné de tout pouvoir central. L’absence de publicité des déb
1715
ériode de crise et à des siècles de refus obstiné
de
tout pouvoir central. L’absence de publicité des débats et le soin qu
1716
refus obstiné de tout pouvoir central. L’absence
de
publicité des débats et le soin que l’on apporta à ne point passionne
1717
a à ne point passionner les esprits (au lendemain
d’
une guerre civile et religieuse)25 contribua sans nul doute à cette cé
1718
euse)25 contribua sans nul doute à cette célérité
d’
exécution, mais aussi à la stabilité du futur État. Plus révolutionnai
1719
é d’exécution, mais aussi à la stabilité du futur
État
. Plus révolutionnaire en fait que les chartes revendiquées ailleurs p
1720
es chartes revendiquées ailleurs par le mouvement
de
1848, la Constitution fédérale fut présentée au peuple comme un compr
1721
aux. À vrai dire, elle portait toutes les marques
de
cette modération, née du juste équilibre des contraires, qui dénote l
1722
équilibre des contraires, qui dénote la présence
d’
un sentiment fédéraliste authentique… Nulle mesure de transition ne f
1723
sentiment fédéraliste authentique… Nulle mesure
de
transition ne fut prévue entre l’ordre (ou le désordre) traditionnel
1724
traditionnel et le nouveau régime ; nul « système
d’
écluse » et nul délai d’application. Or la suppression, d’un trait de
1725
au régime ; nul « système d’écluse » et nul délai
d’
application. Or la suppression, d’un trait de plume, des douanes intér
1726
» et nul délai d’application. Or la suppression,
d’
un trait de plume, des douanes intérieures et des entraves au libre ét
1727
élai d’application. Or la suppression, d’un trait
de
plume, des douanes intérieures et des entraves au libre établissement
1728
des entraves au libre établissement des citoyens
d’
un canton dans un autre, avait été présentée par les opposants comme d
1729
es, chimères et utopies ». L’ascension économique
d’
un riche canton industriel comme Zurich fut immédiate ; celle d’un pau
1730
ton industriel comme Zurich fut immédiate ; celle
d’
un pauvre canton rural comme Glarus (son voisin) plus lente, mais cert
1731
pposants à l’union européenne. On ne manquera pas
de
dire que dans la grande Europe moderne, les problèmes ne sont pas hom
1732
ope moderne, les problèmes ne sont pas homologues
de
ceux de la petite Suisse du siècle dernier. A-t-on pris garde qu’il f
1733
rne, les problèmes ne sont pas homologues de ceux
de
la petite Suisse du siècle dernier. A-t-on pris garde qu’il fallait t
1734
tuelle est pratiquement plus petite que la Suisse
de
1848. Ses États souverains ne sont guère plus différents entre eux qu
1735
atiquement plus petite que la Suisse de 1848. Ses
États
souverains ne sont guère plus différents entre eux que ne l’étaient l
1736
entre eux que ne l’étaient les paysans primitifs
d’
Appenzell des patriciens cosmopolites de Genève ; ils sont moins nombr
1737
primitifs d’Appenzell des patriciens cosmopolites
de
Genève ; ils sont moins nombreux, et souvent, de moins ancienne tradi
1738
de Genève ; ils sont moins nombreux, et souvent,
de
moins ancienne tradition nationale… Si, à bien des égards, la formati
1739
on nationale… Si, à bien des égards, la formation
de
la Suisse comme État représente une expérience de laboratoire annonça
1740
bien des égards, la formation de la Suisse comme
État
représente une expérience de laboratoire annonçant des applications f
1741
de la Suisse comme État représente une expérience
de
laboratoire annonçant des applications futures à grande échelle, il f
1742
n époque elle se produisit comme à contre-courant
de
l’Histoire. Déjà, le pacte de 1291, dernier reflet du mouvement des c
1743
me à contre-courant de l’Histoire. Déjà, le pacte
de
1291, dernier reflet du mouvement des communes italiennes, françaises
1744
munale au Moyen Âge ; elle représente le résultat
d’
une révolution générale qui a été vaincue partout ailleurs »26. De mêm
1745
puisse attribuer précisément au mouvement général
de
1848, partout ailleurs étouffé après la première explosion d’enthousi
1746
tout ailleurs étouffé après la première explosion
d’
enthousiasme et de violence populaire. Une dernière remarque s’impose.
1747
ffé après la première explosion d’enthousiasme et
de
violence populaire. Une dernière remarque s’impose. Elle concerne le
1748
ne le sens du mot fédéralisme, qui est le mot-clé
de
l’histoire suisse. Les radicaux de 1848 voulaient une vraie fédératio
1749
est le mot-clé de l’histoire suisse. Les radicaux
de
1848 voulaient une vraie fédération, mais ils passaient pour des cent
1750
ien qu’ils fussent opposés à tout ce qui menaçait
de
diminuer les souverainetés locales et d’établir un lien fédéral effic
1751
menaçait de diminuer les souverainetés locales et
d’
établir un lien fédéral efficace. De nos jours encore, ceux qui s’inti
1752
és locales et d’établir un lien fédéral efficace.
De
nos jours encore, ceux qui s’intitulent « fédéralistes », en Suisse,
1753
« fédéralistes », en Suisse, sont les adversaires
de
toute extension du pouvoir central, tandis que ceux qui s’intitulent
1754
déralistes » au plan européen, sont les partisans
d’
une union institutionnelle de nos pays. Cette contradiction apparente
1755
, sont les partisans d’une union institutionnelle
de
nos pays. Cette contradiction apparente et purement verbale s’expliqu
1756
ure dialectique du fédéralisme, doctrine pratique
de
l’union dans la diversité. Le fédéralisme doit donc souligner le thèm
1757
sité. Le fédéralisme doit donc souligner le thème
de
l’union quand les diversités tendent à devenir des divisions, — ou le
1758
e, n’est pas abstraite : elle exprime la vie même
de
la Confédération, et donne la formule générale de tous les débats qu’
1759
de la Confédération, et donne la formule générale
de
tous les débats qu’y soulèvent les questions politiques, économiques
1760
s plus concrètes. Bibliographie Les sources
de
l’histoire suisse sont cantonales et locales, jusqu’au xixe siècle.
1761
Suisse compte 25 cantons ! Les meilleurs ouvrages
d’
ensemble sur l’histoire suisse considérée dans son unité datent des dé
1762
27 ; id., Der älteste Schweizerbund, dans « Revue
d’
Histoire suisse », n. 1 et 2, 1924. Sur la Constitution de 1848 : F. F
1763
re suisse », n. 1 et 2, 1924. Sur la Constitution
de
1848 : F. Fleiner, Schweizer Bundesstaatsrecht, Tubingue, 1922 ; Will
1764
22 ; William E. Rappard, La Constitution fédérale
de
1848, Neuchâtel, 1948 (ouvrage de base, contenant de larges extraits
1765
tution fédérale de 1848, Neuchâtel, 1948 (ouvrage
de
base, contenant de larges extraits du Protocole de la Commission cons
1766
1848, Neuchâtel, 1948 (ouvrage de base, contenant
de
larges extraits du Protocole de la Commission constituante et des jou
1767
e base, contenant de larges extraits du Protocole
de
la Commission constituante et des journaux privés des membres de la C
1768
n constituante et des journaux privés des membres
de
la Commission). Voir aussi : Fritz Fleiner, Entstehung und Wandlung m
1769
Schweiz, Zurich, 1916 ; William Martin, Histoire
de
la Suisse, Paris 1930 ; Gonzague de Reynold, Conscience de la Suisse,
1770
sse, Paris 1930 ; Gonzague de Reynold, Conscience
de
la Suisse, Neuchâtel, 1938 ; Denis de Rougemont, La Confédération he
1771
nd, Oxford, 1954. 22. William Martin, Histoire
de
la Suisse, Paris, 1926, p. 241. 23. Au facteur fédéralisant que repr
1772
que représentèrent alors les sociétés helvétiques
de
tous ordres, il faut ajouter le rôle accidentel mais très efficace qu
1773
on ouvrage essentiel sur la Constitution fédérale
de
1848, présente ainsi la très curieuse figure de Rossi : « Né à Carrar
1774
e de 1848, présente ainsi la très curieuse figure
de
Rossi : « Né à Carrare, venu en Suisse comme réfugié politique au déb
1775
, venu en Suisse comme réfugié politique au début
de
la Restauration, il fut le premier professeur catholique à l’Académie
1776
fut le premier professeur catholique à l’Académie
de
Calvin et l’ornement du Conseil représentatif genevois, avant de deve
1777
if genevois, avant de devenir ambassadeur et pair
de
France, et de mourir assassiné, chef du gouvernement pontifical de Pi
1778
vant de devenir ambassadeur et pair de France, et
de
mourir assassiné, chef du gouvernement pontifical de Pie IX, en 1848
1779
mourir assassiné, chef du gouvernement pontifical
de
Pie IX, en 1848 ». (L’année même où ses idées triomphèrent enfin dans
1780
e même où ses idées triomphèrent enfin dans l’une
de
ses patries d’adoption.) 25. Sur le total des citoyens ayant le droi
1781
dées triomphèrent enfin dans l’une de ses patries
d’
adoption.) 25. Sur le total des citoyens ayant le droit de vote, 55 %
1782
n.) 25. Sur le total des citoyens ayant le droit
de
vote, 55 % à peine se dérangèrent pour accepter ou rejeter la Constit
1783
la Constitution ! 26. Ernest Gagliardi, Histoire
de
la Suisse, Zurich, 1925, I, p. 79. n. Rougemont Denis de, « Une exp
1784
sse, Zurich, 1925, I, p. 79. n. Rougemont Denis
de
, « Une expérience de fédéralisme : la Suisse », L’Europe du XIXe et d
1785
p. 79. n. Rougemont Denis de, « Une expérience
de
fédéralisme : la Suisse », L’Europe du XIXe et du XXe siècle, vol. 1,
1786
La nature profonde
de
l’Europe (juin 1959)m Si l’Europe disparaissait, le monde perdrai
1787
Europe disparaissait, le monde perdrait le secret
d’
un certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès
1788
le secret d’un certain équilibre des contraires,
d’
une certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque hum
1789
qui est l’accroissement du risque humain ; secret
de
notre ordre et aussi de notre désordre ; vertu de notre foi, et aussi
1790
du risque humain ; secret de notre ordre et aussi
de
notre désordre ; vertu de notre foi, et aussi de notre inquiétude, in
1791
de notre ordre et aussi de notre désordre ; vertu
de
notre foi, et aussi de notre inquiétude, inséparable de la condition
1792
de notre désordre ; vertu de notre foi, et aussi
de
notre inquiétude, inséparable de la condition d’un homme localement d
1793
re foi, et aussi de notre inquiétude, inséparable
de
la condition d’un homme localement déterminé qui cependant veut l’uni
1794
de notre inquiétude, inséparable de la condition
d’
un homme localement déterminé qui cependant veut l’universel. Denis de
1795
otre inquiétude, inséparable de la condition d’un
homme
localement déterminé qui cependant veut l’universel. Denis de Rougemo
1796
urope s’est définie dans le monde par son pouvoir
d’
aller au-delà d’elle-même, de dépasser les conditions de sa nature et
1797
nie dans le monde par son pouvoir d’aller au-delà
d’
elle-même, de dépasser les conditions de sa nature et de transcender s
1798
onde par son pouvoir d’aller au-delà d’elle-même,
de
dépasser les conditions de sa nature et de transcender son destin au
1799
r au-delà d’elle-même, de dépasser les conditions
de
sa nature et de transcender son destin au nom d’une vocation universe
1800
-même, de dépasser les conditions de sa nature et
de
transcender son destin au nom d’une vocation universelle. Qu’est-ce e
1801
-ce en somme que la Renaissance ? Sinon le moment
d’
intégration violente de toutes les composantes, souvent contradictoire
1802
aissance ? Sinon le moment d’intégration violente
de
toutes les composantes, souvent contradictoires, qui ont fait l’Europ
1803
ert le monde : elle l’a fait. Épousons cette idée
d’
une Europe qui n’existe que dans son dépassement et qui ne serait pas
1804
ses limites. 1. C’est l’Europe qui a conçu l’idée
d’
humanité, la vision planétaire d’un genre humain issu du Dieu unique d
1805
i a conçu l’idée d’humanité, la vision planétaire
d’
un genre humain issu du Dieu unique de la Genèse et destiné au grand r
1806
planétaire d’un genre humain issu du Dieu unique
de
la Genèse et destiné au grand rassemblement « des nations et des lang
1807
o-chrétienne vient confluer la source grecque : l’
homme
mesure de toutes choses selon Protagoras, le « cosmopolite » du Porti
1808
vient confluer la source grecque : l’homme mesure
de
toutes choses selon Protagoras, le « cosmopolite » du Portique, le «
1809
osmopolite » du Portique, le « citoyen du monde »
de
Socrate. Et Plutarque loue Alexandre d’avoir voulu « réunir comme en
1810
u monde » de Socrate. Et Plutarque loue Alexandre
d’
avoir voulu « réunir comme en un seul grand vase tous les peuples du m
1811
grand vase tous les peuples du monde entier » et
d’
avoir « ordonné que tous considèrent la Terre comme leur patrie ». De
1812
ue tous considèrent la Terre comme leur patrie ».
De
l’esprit de solidarité évangélique — que tous soient un comme les mem
1813
idèrent la Terre comme leur patrie ». De l’esprit
de
solidarité évangélique — que tous soient un comme les membres variés
1814
que — que tous soient un comme les membres variés
d’
un même corps, participant du même Esprit — et des notions conjointes
1815
cipant du même Esprit — et des notions conjointes
d’
Église et de personne dériveront plus tard le droit des gens, les droi
1816
me Esprit — et des notions conjointes d’Église et
de
personne dériveront plus tard le droit des gens, les droits de l’homm
1817
droit des gens, les droits de l’homme, et l’idée
d’
une « histoire universelle », dès Augustin. Dira-t-on que les spéciali
1818
trouvent des notions analogues dans les religions
de
l’Inde et de la Chine ? Ces spécialistes sont Européens sans doute ;
1819
notions analogues dans les religions de l’Inde et
de
la Chine ? Ces spécialistes sont Européens sans doute ; et, que l’on
1820
nnement, ni même à provoquer la moindre tentative
d’
associer les nations de toute la terre en un seul corps. 2. C’est l’Eu
1821
oquer la moindre tentative d’associer les nations
de
toute la terre en un seul corps. 2. C’est l’Europe qui a donné naissa
1822
it qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes
d’
une illusion semblable lorsque nous constatons que tous les peuples d’
1823
able lorsque nous constatons que tous les peuples
d’
une planète entièrement inventoriée adoptent aujourd’hui nos sciences
1824
ragique exemple. Chose étrange, c’est avec la fin
de
l’ère du colonialisme européen que coïncide cette contagion occidenta
1825
agion occidentale accélérée dans tous les peuples
de
Bandung. Désormais délivré de notre impérialisme qui avait su respect
1826
ns tous les peuples de Bandung. Désormais délivré
de
notre impérialisme qui avait su respecter les mandarins, le quart chi
1827
vait su respecter les mandarins, le quart chinois
de
l’humanité se met à l’école de nos techniques, de notre hygiène et de
1828
, le quart chinois de l’humanité se met à l’école
de
nos techniques, de notre hygiène et de notre alphabet. Nul mouvement
1829
de l’humanité se met à l’école de nos techniques,
de
notre hygiène et de notre alphabet. Nul mouvement réciproque n’est en
1830
à l’école de nos techniques, de notre hygiène et
de
notre alphabet. Nul mouvement réciproque n’est encore observé, ni mêm
1831
itime. C’est elle qui a su trouver les substituts
de
l’ancienne route de la soie. Et son colonialisme honni fut aussi la p
1832
i a su trouver les substituts de l’ancienne route
de
la soie. Et son colonialisme honni fut aussi la première « mise en va
1833
» des possibilités complémentaires qu’offrent aux
hommes
les variétés continentales. Ne parlons pas ici d’une vocation de l’Eu
1834
es les variétés continentales. Ne parlons pas ici
d’
une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’en
1835
continentales. Ne parlons pas ici d’une vocation
de
l’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’en dicte pas moins
1836
ici d’une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que
d’
une nécessité, qui n’en dicte pas moins une politique mondiale. À la v
1837
cte pas moins une politique mondiale. À la veille
de
la guerre de 1914, les échanges de l’Europe avec le monde représentai
1838
une politique mondiale. À la veille de la guerre
de
1914, les échanges de l’Europe avec le monde représentaient 38 % de s
1839
e. À la veille de la guerre de 1914, les échanges
de
l’Europe avec le monde représentaient 38 % de son commerce. Aujourd’h
1840
ges de l’Europe avec le monde représentaient 38 %
de
son commerce. Aujourd’hui, les importations des États-Unis ne corresp
1841
rtations des États-Unis ne correspondent qu’à 4 %
de
leur revenu national. L’Europe n’est rien sans le monde : elle doit ê
1842
ue rien, à part le jazz, qui soit venu à l’Europe
de
soi-même. L’archéologie, l’ethnographie, la paléontologie, la paléogr
1843
e Récapitulation du genre humain est une création
de
l’histoire. Qui d’autre que l’Europe a su tendre ce piège à l’espace
1844
genre humain est une création de l’histoire. Qui
d’
autre que l’Europe a su tendre ce piège à l’espace et au temps de l’hu
1845
nce à l’énumérer ; c’est « tout ou presque tout »
de
ce qui donne sa figure à la modernité du monde. L’idée même de modern
1846
ne sa figure à la modernité du monde. L’idée même
de
modernité, cet instantané du Progrès… L’idée même de Laboratoire, ce
1847
modernité, cet instantané du Progrès… L’idée même
de
Laboratoire, ce lieu privilégié où l’on viole les tabous, mais qu’ent
1848
ois l’Asie sous-développée courir après l’exemple
de
la Chine, qui croit imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Améri
1849
veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention
de
l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et de l’invention, fomentées l
1850
qui est une invention de l’Europe. Europe, patrie
de
la Mémoire et de l’invention, fomentées l’une par l’autre et complice
1851
tion de l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et
de
l’invention, fomentées l’une par l’autre et complices à jamais, comme
1852
vres et nos techniques, toutes les autres parties
de
la Terre sont mises en communication, bon gré mal gré, pour la premiè
1853
un organisme, on ne voit pas quelle autre partie
de
ce grand corps peut prétendre à pareille fonction ou s’y trouve à ce
1854
ouve à ce point prédestinée. Du seul point de vue
de
l’économie des échanges, elle n’est rien si elle n’est pas l’animatri
1855
s, elle n’est rien si elle n’est pas l’animatrice
d’
une circulation planétaire. Qui peut en dire autant dans notre siècle
1856
core loin de pouvoir vendre au monde les produits
de
son école du soir industrielle. L’URSS vit en autarcie, grâce à des c
1857
oit condamnée par l’histoire à reprendre son rôle
d’
animatrice des échanges internationaux. Par quoi n’entendez point je n
1858
dez point je ne sais quel leadership (nom moderne
de
l’hégémonie), conception déjà dépassée et au surplus disqualifiée par
1859
iée par ceux-là mêmes qui l’attaquent sous le nom
d’
impérialisme, avouant leur ambition de l’exercer à leur tour, mais n’e
1860
sous le nom d’impérialisme, avouant leur ambition
de
l’exercer à leur tour, mais n’en montrant pas les moyens. L’Europe da
1861
ion mondiale, un foyer, une perpétuelle puissance
de
dépassement d’elle-même. À cet appel, toutefois, l’Europe ne peut rép
1862
n foyer, une perpétuelle puissance de dépassement
d’
elle-même. À cet appel, toutefois, l’Europe ne peut répondre que dans
1863
sure où elle est forte et saine : c’est la mesure
de
son intégration, c’est-à-dire de l’union de ses forces variées. Vue d
1864
c’est la mesure de son intégration, c’est-à-dire
de
l’union de ses forces variées. Vue de l’extérieur, l’Europe est évide
1865
esure de son intégration, c’est-à-dire de l’union
de
ses forces variées. Vue de l’extérieur, l’Europe est évidente en tant
1866
’est-à-dire de l’union de ses forces variées. Vue
de
l’extérieur, l’Europe est évidente en tant qu’unité de culture. Seuls
1867
extérieur, l’Europe est évidente en tant qu’unité
de
culture. Seuls les Européens qui se veulent avant tout champions de n
1868
les Européens qui se veulent avant tout champions
de
nations différentes, ayant appris par cœur les raisons de se haïr dan
1869
ns différentes, ayant appris par cœur les raisons
de
se haïr dans leurs manuels d’histoire primaires et secondaires, s’ima
1870
ar cœur les raisons de se haïr dans leurs manuels
d’
histoire primaires et secondaires, s’imaginent qu’on les voit différen
1871
s, ils les distinguent très mal, suprême outrage,
de
leurs cousins américains… Sauf si ces Asiatiques ont été les sujets d
1872
icains… Sauf si ces Asiatiques ont été les sujets
de
nos États colonialistes : ils exceptent aussitôt cet État de la commu
1873
Sauf si ces Asiatiques ont été les sujets de nos
États
colonialistes : ils exceptent aussitôt cet État de la communauté euro
1874
États colonialistes : ils exceptent aussitôt cet
État
de la communauté européenne. Je me rappelle ce jeune Oriental qui dis
1875
s colonialistes : ils exceptent aussitôt cet État
de
la communauté européenne. Je me rappelle ce jeune Oriental qui disait
1876
le ce jeune Oriental qui disait devant un congrès
d’
étudiants internationaux : « Nous détestons pour telle raison précise
1877
çais, les Portugais, mais en revanche nous aimons
d’
amour l’Europe entière et sa culture. » Aucun de nos pays ne peut donc
1878
s d’amour l’Europe entière et sa culture. » Aucun
de
nos pays ne peut donc bénéficier du crédit qui s’attache à l’Europe t
1879
niverselles que dans la mesure où elles résultent
de
nos variétés infinies et de leur équilibre en tension. L’impossible
1880
re où elles résultent de nos variétés infinies et
de
leur équilibre en tension. L’impossible solitude À ces nécessité
1881
nes et globales, dictées par l’attente des élites
d’
outre-mer et par la conjoncture mondiale, répondent les nécessités int
1882
cture mondiale, répondent les nécessités internes
de
l’union. S’il est vrai qu’aucun de nos pays ne peut prétendre à repré
1883
sités internes de l’union. S’il est vrai qu’aucun
de
nos pays ne peut prétendre à représenter valablement l’ensemble Europ
1884
aux Européens , que je lus en clôture du congrès
de
La Haye, le 12 mai 1948, commence ainsi : L’Europe est menacée, l’Eu
1885
nace vient de ses divisions. Appauvrie, encombrée
de
barrières qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient
1886
e, encombrée de barrières qui empêchent ses biens
de
circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Europe désuni
1887
éger, notre Europe désunie marche à sa fin. Aucun
de
nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
1888
s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse
de
son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
1889
à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun
de
nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
1890
re changé depuis ce congrès, qui marqua le départ
de
l’action pour l’Europe. Malgré l’humiliant démenti que lui infligea l
1891
ré l’humiliant démenti que lui infligea l’affaire
de
Suez, l’illusion de la « souveraineté nationale » persiste. Elle règn
1892
ti que lui infligea l’affaire de Suez, l’illusion
de
la « souveraineté nationale » persiste. Elle règne encore sur l’affec
1893
e » persiste. Elle règne encore sur l’affectivité
de
la plupart de nos hommes d’État, victimes généralement vertueuses d’u
1894
s hommes d’État, victimes généralement vertueuses
d’
un vocabulaire périmé, qui plaît aux foules. Cet irréalisme têtu, ce s
1895
x foules. Cet irréalisme têtu, ce sentimentalisme
de
cadets, explique seul que la politique de nos États se veuille encore
1896
talisme de cadets, explique seul que la politique
de
nos États se veuille encore absurdement « indépendante », en dépit de
1897
de cadets, explique seul que la politique de nos
États
se veuille encore absurdement « indépendante », en dépit des plus dur
1898
r que vouloir s’isoler dans une souveraineté vide
de
tout contenu économique ou politique ne saurait mener théoriquement q
1899
et ne mène pratiquement qu’à tomber sous la coupe
d’
un des deux « grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’est aus
1900
ssi… La France est « un grand pays qui n’a besoin
de
personne ». L’Angleterre est liée aux dominions par tous les océans,
1901
minions par tous les océans, mais elle est isolée
de
l’Europe par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’elle est au cen
1902
La Suisse est neutre parce qu’elle est au centre
de
l’Europe, et à cause d’une histoire très ancienne ; l’Autriche est ne
1903
rce qu’elle est au centre de l’Europe, et à cause
d’
une histoire très ancienne ; l’Autriche est neutre aussi parce qu’elle
1904
aussi parce qu’elle touche la Russie, et à cause
d’
histoires très récentes. Ainsi tout sert nos souverainetés, tout leur
1905
encore, puisqu’elles gardent au moins le pouvoir
de
refuser l’union sous ce prétexte, tout sauf les évidences économiques
1906
mais fictives. Nous voyons converger vers l’union
de
l’Europe les nécessités individuelles de toutes nos nations, sans exc
1907
l’union de l’Europe les nécessités individuelles
de
toutes nos nations, sans exception, et les nécessités collectives de
1908
ns, sans exception, et les nécessités collectives
de
la conjoncture mondiale. Tenant compte des unes et des autres, commen
1909
le fédéralisme est bien compris comme une méthode
d’
union dans la diversité. Or cette méthode n’est pas seulement la plus
1910
rtune qui se présente : elle est le principe même
de
l’existence européenne, elle est l’Europe en tant que pouvoir créateu
1911
s vocations personnelles et communautaires. C’est
de
l’ensemble des tensions valables et fécondes qui la tissent depuis de
1912
os guerres le démontrent à l’envi. Mais le risque
de
courts-circuits ne doit pas entraîner la suppression des installation
1913
ssion des installations électriques, productrices
de
lumière et d’énergie, — comme le proposent en somme, au nom de la pai
1914
allations électriques, productrices de lumière et
d’
énergie, — comme le proposent en somme, au nom de la paix, les neutral
1915
ue cartésienne, mais qui n’est guère que l’esprit
de
système tantôt paresseux, tantôt fanatique et jacobin, répugnent à co
1916
bin, répugnent à concevoir l’équilibre en tension
de
réalités valables mais contradictoires comme l’union et l’autonomie —
1917
Trinité est animée par l’union et la distinction
de
trois personnes. Prenez la musique : chaque voix chantant sa seule pa
1918
u’un chœur ou qu’un orchestre, créations typiques
de
l’Europe). Prenez la peinture : les couleurs chantent si elles sont b
1919
ité dont les victoires s’appellent en politique l’
État
totalitaire, en art l’ennui, en biologie la mort. C’est assez dire qu
1920
’union fédérale, seule conforme à la formule même
de
l’Europe, et n’ayant d’autre but que d’entretenir un foyer permanent
1921
onforme à la formule même de l’Europe, et n’ayant
d’
autre but que d’entretenir un foyer permanent d’animation mondiale des
1922
mule même de l’Europe, et n’ayant d’autre but que
d’
entretenir un foyer permanent d’animation mondiale des échanges, ne sa
1923
t d’autre but que d’entretenir un foyer permanent
d’
animation mondiale des échanges, ne saurait se définir en termes jacob
1924
changes, ne saurait se définir en termes jacobins
de
nation, de supernation, d’autarcie, ou d’hégémonie continentale. Nos
1925
saurait se définir en termes jacobins de nation,
de
supernation, d’autarcie, ou d’hégémonie continentale. Nos États se dé
1926
nir en termes jacobins de nation, de supernation,
d’
autarcie, ou d’hégémonie continentale. Nos États se définissent depuis
1927
acobins de nation, de supernation, d’autarcie, ou
d’
hégémonie continentale. Nos États se définissent depuis des siècles pa
1928
ion, d’autarcie, ou d’hégémonie continentale. Nos
États
se définissent depuis des siècles par les frontières de leur domaine,
1929
définissent depuis des siècles par les frontières
de
leur domaine, auxquelles ils tentent abusivement de réduire des réali
1930
leur domaine, auxquelles ils tentent abusivement
de
réduire des réalités aussi hétérogènes que la langue, la défense mili
1931
i est mouvant par définition. Cet incroyable amas
de
confusions et d’abus s’explique par la mentalité paysanne et bourgeoi
1932
définition. Cet incroyable amas de confusions et
d’
abus s’explique par la mentalité paysanne et bourgeoise, cadastrale et
1933
niques. C’est elle encore qui impose aux services
de
l’État la tâche idiote de faire coïncider des surfaces et des dogmes,
1934
s. C’est elle encore qui impose aux services de l’
État
la tâche idiote de faire coïncider des surfaces et des dogmes, des ac
1935
qui impose aux services de l’État la tâche idiote
de
faire coïncider des surfaces et des dogmes, des accidents de terrain
1936
ïncider des surfaces et des dogmes, des accidents
de
terrain jadis notables et des organigrammes de lignes aériennes. L’Eu
1937
ts de terrain jadis notables et des organigrammes
de
lignes aériennes. L’Europe unie du xxe siècle, fonction mondiale et
1938
e unie du xxe siècle, fonction mondiale et foyer
de
rayonnement planétaire, ne saurait donc être conçue selon le modèle a
1939
aurait donc être conçue selon le modèle archaïque
d’
un État-nation. Les questions de bornes et de passeports n’ont plus de
1940
modèle archaïque d’un État-nation. Les questions
de
bornes et de passeports n’ont plus de quoi l’intéresser. Le problème,
1941
ïque d’un État-nation. Les questions de bornes et
de
passeports n’ont plus de quoi l’intéresser. Le problème, sans cesse r
1942
s questions de bornes et de passeports n’ont plus
de
quoi l’intéresser. Le problème, sans cesse reposé par des historiens
1943
par des historiens amateurs, des limites exactes
de
l’Europe, loin d’être un sérieux « préalable », est une simple sottis
1944
s amateurs, des limites exactes de l’Europe, loin
d’
être un sérieux « préalable », est une simple sottise à l’âge des onde
1945
s ondes et des fusées intercontinentales. Un pôle
d’
énergie n’est pas défini par ses « limites », mais par l’intensité de
1946
défini par ses « limites », mais par l’intensité
de
son pouvoir d’attraction et d’émission. Un bassin fluvial n’est pas d
1947
« limites », mais par l’intensité de son pouvoir
d’
attraction et d’émission. Un bassin fluvial n’est pas défini par son c
1948
is par l’intensité de son pouvoir d’attraction et
d’
émission. Un bassin fluvial n’est pas défini par son contour, mais par
1949
lité. Une personne n’est pas définie par sa fiche
de
police. Déclencher un processus d’union C’est dans cette perspe
1950
ar sa fiche de police. Déclencher un processus
d’
union C’est dans cette perspective ouverte et dynamique, celle d’un
1951
ans cette perspective ouverte et dynamique, celle
d’
une méthode pour fomenter de l’universel, non d’une nation reculant un
1952
e et dynamique, celle d’une méthode pour fomenter
de
l’universel, non d’une nation reculant un peu ses bornes, que doit êt
1953
e d’une méthode pour fomenter de l’universel, non
d’
une nation reculant un peu ses bornes, que doit être considérée l’unio
1954
commun. Ceux qui reprochent aux auteurs du traité
de
Rome d’avoir voulu « limiter l’Europe à six pays » sont-ils sincères,
1955
Ceux qui reprochent aux auteurs du traité de Rome
d’
avoir voulu « limiter l’Europe à six pays » sont-ils sincères, ou simp
1956
e Grande Europe qu’ils n’ont cessé depuis dix ans
de
refuser comme utopique — d’où la nécessité de commencer par la Petite
1957
cessé depuis dix ans de refuser comme utopique —
d’
où la nécessité de commencer par la Petite ! — ont-ils bien vu le prob
1958
ans de refuser comme utopique — d’où la nécessité
de
commencer par la Petite ! — ont-ils bien vu le problème dans son cadr
1959
exalté par sa crise finale ? Il paraît difficile
d’
affirmer honnêtement que les promoteurs de la Petite Europe l’ont voul
1960
fficile d’affirmer honnêtement que les promoteurs
de
la Petite Europe l’ont voulue petite, et que leurs détracteurs actuel
1961
aire, que cette Petite Europe (qui égale sur plus
d’
un point les grands États-Unis et dépasse bien souvent le « colosse »
1962
colosse » soviétique) n’est au fond qu’une mesure
de
fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’on n
1963
ne se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas
d’
une zone de libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclenc
1964
mis en branle et l’on ne parlerait pas d’une zone
de
libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclencher un proc
1965
e libre-échange. L’objectif évident des Six étant
de
déclencher un processus d’union, il serait manqué si les Six, dès mai
1966
évident des Six étant de déclencher un processus
d’
union, il serait manqué si les Six, dès maintenant, tentaient de se su
1967
rait manqué si les Six, dès maintenant, tentaient
de
se suffire à eux-mêmes ou, pire encore, y parvenaient. Vouloir « réus
1968
itique du Kremlin, très alertée sur le « danger »
de
l’Europe unie, et cela depuis le congrès de La Haye dont nos journaux
1969
ger » de l’Europe unie, et cela depuis le congrès
de
La Haye dont nos journaux parlèrent à peine (Staline avait autorisé,
1970
risé, pour ce jour-là précisément, la publication
d’
une interview « sensationnelle », d’ailleurs prise trois semaines aupa
1971
e sans nulle raison avouable l’objectif manifeste
de
la première, qui est d’aboutir à la seconde. C’est ensuite méconnaîtr
1972
able l’objectif manifeste de la première, qui est
d’
aboutir à la seconde. C’est ensuite méconnaître la nature même du proc
1973
t ensuite méconnaître la nature même du processus
d’
association des Six, étonnamment conforme à la définition que je propo
1974
nforme à la définition que je proposais plus haut
de
l’Europe comme fonction, c’est-à-dire d’une Europe qui ne serait pas
1975
lus haut de l’Europe comme fonction, c’est-à-dire
d’
une Europe qui ne serait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à
1976
sans cesse à être plus qu’elle-même. Ce qu’il y a
de
foncièrement européen dans l’existence encore fragile des Six, c’est
1977
lle et qui, à leur tour, pourront appeler les Six
de
l’Est : ce qui ferait au total vingt-trois, qui se trouve être le nom
1978
ingt-trois, qui se trouve être le nombre des fils
de
ce Japhet auquel fut dévolue l’Europe — l’Asie allant à Sem, l’Afriqu
1979
n des Pères de l’Église. Et quand les descendants
de
ces vingt-trois fils (ou « nations », ou même « langues », selon les
1980
ppel au monde. Quelles sont les chances actuelles
de
notre union, en d’autres termes, les chances de l’Europe ? Celles de
1981
s de notre union, en d’autres termes, les chances
de
l’Europe ? Celles de la civilisation, ni plus ni moins. Car, je le ré
1982
d’autres termes, les chances de l’Europe ? Celles
de
la civilisation, ni plus ni moins. Car, je le répète, l’Europe seule,
1983
sures et ses lois, son idée du cosmos et son idée
de
l’homme. Ou plutôt ses idées sur l’homme, son destin ou sa vocation,
1984
et ses lois, son idée du cosmos et son idée de l’
homme
. Ou plutôt ses idées sur l’homme, son destin ou sa vocation, car l’Eu
1985
et son idée de l’homme. Ou plutôt ses idées sur l’
homme
, son destin ou sa vocation, car l’Europe justement, seule encore dans
1986
encore dans l’histoire, a su devenir une culture
de
dialogue, de discussion critique de ses propres fondements : une cult
1987
l’histoire, a su devenir une culture de dialogue,
de
discussion critique de ses propres fondements : une culture de la lib
1988
r une culture de dialogue, de discussion critique
de
ses propres fondements : une culture de la liberté, et qui trouve dan
1989
critique de ses propres fondements : une culture
de
la liberté, et qui trouve dans les risques qu’elle assume, qu’elle fo
1990
r mieux s’éprouver et se mettre elle-même au défi
de
les intégrer, ses chances les plus sûres de durer. Ce fait patent, sa
1991
défi de les intégrer, ses chances les plus sûres
de
durer. Ce fait patent, sans précédent, d’une culture devenue planétai
1992
s sûres de durer. Ce fait patent, sans précédent,
d’
une culture devenue planétaire (et sans rivaux sérieux, j’y reviendrai
1993
traditionnelles — depuis deux ou trois siècles —
de
notre philosophie de l’histoire. De Montesquieu et de Gibbon au xviii
1994
puis deux ou trois siècles — de notre philosophie
de
l’histoire. De Montesquieu et de Gibbon au xviiie , jusqu’à Spengler
1995
ois siècles — de notre philosophie de l’histoire.
De
Montesquieu et de Gibbon au xviiie , jusqu’à Spengler et à Toynbee da
1996
otre philosophie de l’histoire. De Montesquieu et
de
Gibbon au xviiie , jusqu’à Spengler et à Toynbee dans notre siècle, e
1997
me qui n’avaient pas attendu Valéry, une habitude
de
pensée pessimiste s’est installée dans nos esprits. Non seulement nou
1998
uoi : toute grandeur serait suivie nécessairement
d’
une décadence. Cette erreur s’explique en partie par le fait que les a
1999
n d’autres civilisations ont disparu sans laisser
d’
héritage actif ; celle de Lascaux, celle des Mayas, celle des Aztèques
2000
ont disparu sans laisser d’héritage actif ; celle
de
Lascaux, celle des Mayas, celle des Aztèques, sauvées seulement par q
2001
’une herbe rase. Mais les civilisations anciennes
de
l’Égypte et du Proche-Orient, prolongées par la grecque et la romaine
2002
et le Laboratoire européens, pour être diffusées
de
nos jours sur toute la terre ? Il s’en faut de beaucoup que leurs riv
2003
es de nos jours sur toute la terre ? Il s’en faut
de
beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées, aien
2004
s, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois
de
Minos, de Dracon et de Solon, venues d’Égypte, le Décalogue et les Bé
2005
onnu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos,
de
Dracon et de Solon, venues d’Égypte, le Décalogue et les Béatitudes,
2006
fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et
de
Solon, venues d’Égypte, le Décalogue et les Béatitudes, enfin le code
2007
les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues
d’
Égypte, le Décalogue et les Béatitudes, enfin le code de Justinien, d’
2008
te, le Décalogue et les Béatitudes, enfin le code
de
Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits
2009
ue et les Béatitudes, enfin le code de Justinien,
d’
où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’Homme, q
2010
vent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits
de
l’Homme, qui définissent aujourd’hui pour Bandung, à peine moins que
2011
l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’
Homme
, qui définissent aujourd’hui pour Bandung, à peine moins que pour les
2012
pour Bandung, à peine moins que pour les peuples
de
l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout p
2013
moins que pour les peuples de l’OTAN, la dignité
de
la personne humaine et les fondements de tout progrès social. Et non
2014
dignité de la personne humaine et les fondements
de
tout progrès social. Et non pas le système des classes hindoues, ni l
2015
, ni le mandarinat, ni le Bushido (je ne juge pas
de
valeurs, j’enregistre des faits.) Les civilisations antiques, sans le
2016
ement, puis métamorphosées et baptisées, au cours
d’
un processus qu’on ne voit aucune raison de nommer décadence plutôt qu
2017
cours d’un processus qu’on ne voit aucune raison
de
nommer décadence plutôt que renaissance. Observons qu’elles étaient l
2018
caines et les américaines ; au surplus, entourées
de
Barbares mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux. En e
2019
blitération, ou simplement la reprise des charges
de
notre civilisation ? Les USA ? Ils s’européanisent en profondeur, plu
2020
s’essouffle à rattraper les USA et n’apporte rien
de
bien neuf — beaucoup d’archaïsme au contraire — à l’entreprise univer
2021
les USA et n’apporte rien de bien neuf — beaucoup
d’
archaïsme au contraire — à l’entreprise universelle de coopération pac
2022
chaïsme au contraire — à l’entreprise universelle
de
coopération pacifique, initiée par l’Europe au nom de sa religion et
2023
le doute est une forme essentielle du culte que l’
homme
sincère rend à la Vérité. Je me promets un jour de poser cette questi
2024
e sincère rend à la Vérité. Je me promets un jour
de
poser cette question à des sages des cinq continents ; si l’Europe de
2025
n cataclysme ou défaite, nation par nation, faute
d’
avoir su se fédérer en temps utile, qu’y perdrait le monde ? Et je don
2026
tenant ma réponse personnelle, présumant que plus
d’
un l’approuvera : en perdant notre Europe vivante, le monde perdrait a
2027
, le monde perdrait aussi les secrets et recettes
d’
un certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès
2028
t recettes d’un certain équilibre des contraires,
d’
une certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque hum
2029
humain ; et ce ne sont pas seulement les secrets
de
notre ordre, mais aussi de notre désordre ; pas seulement les vertus
2030
seulement les secrets de notre ordre, mais aussi
de
notre désordre ; pas seulement les vertus de notre foi, mais aussi de
2031
ussi de notre désordre ; pas seulement les vertus
de
notre foi, mais aussi de notre inquiétude, inséparable de la conditio
2032
pas seulement les vertus de notre foi, mais aussi
de
notre inquiétude, inséparable de la condition d’un homme fini et loca
2033
foi, mais aussi de notre inquiétude, inséparable
de
la condition d’un homme fini et localement déterminé, qui cependant v
2034
de notre inquiétude, inséparable de la condition
d’
un homme fini et localement déterminé, qui cependant veut l’universel.
2035
otre inquiétude, inséparable de la condition d’un
homme
fini et localement déterminé, qui cependant veut l’universel. m.
2036
ependant veut l’universel. m. Rougemont Denis
de
, « La nature profonde de l’Europe », Réalités, Paris, juin 1959, p. 8
2037
. m. Rougemont Denis de, « La nature profonde
de
l’Europe », Réalités, Paris, juin 1959, p. 80, 87-88 et 91.
2038
Éclipse ou disparition
d’
une civilisation ? (1960)o I Le xxe siècle a vu la civilisati
2039
bienfaits, ses méfaits, ses produits et certaines
de
ses formes de vie. Mais en même temps, le xxe siècle a vu se multipl
2040
méfaits, ses produits et certaines de ses formes
de
vie. Mais en même temps, le xxe siècle a vu se multiplier les prophè
2041
, le xxe siècle a vu se multiplier les prophètes
de
la décadence européenne : et ces prophètes sont tous, ou presque tous
2042
Européens. Au lieu d’entonner le chant séculaire
de
la victoire sans précédent remportée par les pouvoirs civilisateurs d
2043
récédent remportée par les pouvoirs civilisateurs
de
l’Europe, au lieu de s’émerveiller du fait que le génie européen rayo
2044
ne sur le monde entier, ils préfèrent nous parler
de
notre éclipse. C’est ce paradoxe planétaire que je voudrais d’abord e
2045
re que je voudrais d’abord examiner. Au lendemain
de
la Première Guerre mondiale déclenchée par l’Europe, en 1919, Paul Va
2046
Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient
de
beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu d
2047
étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale
de
ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existe
2048
ais France, Angleterre, Russie… ce seraient aussi
de
beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenan
2049
n beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme
de
l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une ci
2050
vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres
de
Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
2051
ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles
de
Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
2052
eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres
de
Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
2053
ncevables : elles sont dans les journaux. L’écho
de
cette page fut immense, et je sais peu de phrases plus fréquemment ci
2054
, à mon avis, l’une des erreurs les plus célèbres
de
notre temps. Mais comment expliquer son succès ? Au seuil de l’œuvre
2055
mps. Mais comment expliquer son succès ? Au seuil
de
l’œuvre en prose d’un de nos grands poètes, cette phrase résume et co
2056
pliquer son succès ? Au seuil de l’œuvre en prose
d’
un de nos grands poètes, cette phrase résume et condense en quelques m
2057
er son succès ? Au seuil de l’œuvre en prose d’un
de
nos grands poètes, cette phrase résume et condense en quelques mots u
2058
dense en quelques mots une assez longue tradition
de
pessimisme européen. Dès 1791, le philosophe français Volney, méditan
2059
: Que sont devenues tant de brillantes créations
de
la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de
2060
devenues tant de brillantes créations de la main
de
l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone,
2061
nues tant de brillantes créations de la main de l’
homme
? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces pala
2062
de la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts
de
Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis ? Hélas, j’ai
2063
e ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs
de
Babylone, ces palais de Persépolis ? Hélas, j’ai visité les lieux qui
2064
parts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais
de
Persépolis ? Hélas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre de ta
2065
élas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre
de
tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait
2066
ndon et que solitude… Qui sait si sur les rivages
de
la Seine, de la Tamise ou du Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme
2067
olitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine,
de
la Tamise ou du Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’ass
2068
n voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur
de
muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuple
2069
solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire
de
leur grandeur ? Une trentaine d’années plus tard, Hegel introduisait
2070
s et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine
d’
années plus tard, Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est « un
2071
ue chaque peuple est « un individu dans la marche
de
l’Histoire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de c
2072
qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi
de
croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’aill
2073
nc, comme tout individu, à une loi de croissance,
d’
épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civ
2074
idu, à une loi de croissance, d’épanouissement et
de
déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civilisation européenne
2075
ation européenne marquait l’aboutissement suprême
de
l’Histoire. Mais en appliquant sa dialectique aux civilisations, on e
2076
civilisations, on en venait à penser que chacune
d’
elles devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée,
2077
t fatalement décliner et mourir après une période
d’
apogée, — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengler va plus
2078
ulture est mortelle, et nous rejoignons la phrase
de
Valéry. Enfin Toynbee, dans un effort admirable pour embrasser l’ense
2079
sté jusqu’ici, les lois complexes mais constantes
de
leur genèse, de leur croissance, et de leur dissolution inévitable. C
2080
es lois complexes mais constantes de leur genèse,
de
leur croissance, et de leur dissolution inévitable. Ces historiens et
2081
constantes de leur genèse, de leur croissance, et
de
leur dissolution inévitable. Ces historiens et philosophes, armés d’u
2082
inévitable. Ces historiens et philosophes, armés
d’
une écrasante érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre
2083
philosophes, armés d’une écrasante érudition, ont
d’
autant moins de peine à nous convaincre que d’une part, ils rejoignent
2084
més d’une écrasante érudition, ont d’autant moins
de
peine à nous convaincre que d’une part, ils rejoignent, par leurs con
2085
onclusions, notre angoisse quant à l’état présent
de
l’Europe dans le monde, et que d’autre part, les plus grands esprits
2086
us grands esprits du siècle précédent n’ont cessé
d’
annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de
2087
t cessé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu
de
nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski,
2088
trophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe :
de
Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burc
2089
pe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski,
de
Tocqueville à Jacob Burckhardt, de Donoso Cortés à Georges Sorel, tou
2090
à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt,
de
Donoso Cortés à Georges Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les mo
2091
Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les motifs
de
craindre le pire pour notre civilisation. Or voici que leurs prédicti
2092
agne. Les nationalismes et les racismes, dénoncés
d’
avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines de l’Empire austro-ho
2093
’avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines
de
l’Empire austro-hongrois. Et bientôt cette Europe occupée à se déchir
2094
voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte
de
sa longue royauté mondiale. Déjà le communisme lui dispute non seulem
2095
on seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux
d’
une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de
2096
en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’une partie
de
sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la civilisat
2097
yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôle
de
porteur du « flambeau de la civilisation ». La Seconde Guerre mondial
2098
ropre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau
de
la civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née de cette crise int
2099
a civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née
de
cette crise interne, va précipiter l’écroulement de l’hégémonie polit
2100
cette crise interne, va précipiter l’écroulement
de
l’hégémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à vues humaines
2101
précipiter l’écroulement de l’hégémonie politique
de
l’Europe, et même le rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus,
2102
es peuples émancipés proclament déjà leur volonté
de
retourner contre nous nos propres armes, tant sociales et morales que
2103
Que faudrait-il de plus, pour qu’on ait le droit
de
parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ?
2104
ait-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler
d’
une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de
2105
our qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou
d’
une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre à ces qu
2106
de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible
de
notre civilisation ? Avant de répondre à ces questions, formulons tou
2107
pas toujours et nécessairement liée à la vitalité
d’
une civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être per
2108
pplicables dans notre situation, ni que la courbe
de
croissance, grandeur et décadence soit la même pour toutes les civili
2109
ns et surtout, dans tous les temps. Les prophètes
de
la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient
2110
ans tous les temps. Les prophètes de la décadence
de
l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précéden
2111
Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précédent
de
civilisations antiques aujourd’hui « disparues », et particulièrement
2112
sur l’exemple le mieux connu des Européens, celui
de
la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la
2113
e le mieux connu des Européens, celui de la chute
de
Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la civilisation
2114
ome, qui est censée avoir entraîné la disparition
de
la civilisation gréco-romaine dans la partie occidentale de l’Empire
2115
lisation gréco-romaine dans la partie occidentale
de
l’Empire au moins. Cet exemple est-il valable pour nous ? La civilisa
2116
omparable, et même tout à fait différent à partir
d’
un certain moment, d’un certain seuil… Avant de rien pouvoir décider s
2117
ut à fait différent à partir d’un certain moment,
d’
un certain seuil… Avant de rien pouvoir décider sur ce point, force no
2118
ouvoir décider sur ce point, force nous sera donc
de
rechercher d’abord quelle est l’originalité de notre civilisation par
2119
nc de rechercher d’abord quelle est l’originalité
de
notre civilisation par rapport à toutes les autres, et quel seuil mon
2120
rées locales. II Les civilisations antiques
de
l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique, ou des Mayas,
2121
civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons,
de
Sumer, de l’Inde védantique, ou des Mayas, fondaient leur unité origi
2122
ions antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer,
de
l’Inde védantique, ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur
2123
unique, le Sacré. Les civilisations totalitaires
d’
aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’une doctrine
2124
rd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité
d’
une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux
2125
ité d’une doctrine uniforme, imposée à tous par l’
État
. Comparée à ces deux groupes de cultures homogènes, uniformes et sacr
2126
ée à tous par l’État. Comparée à ces deux groupes
de
cultures homogènes, uniformes et sacrées, la culture de l’Europe nous
2127
tures homogènes, uniformes et sacrées, la culture
de
l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et pr
2128
n européenne s’est trouvée fondée sur une culture
de
dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a
2129
est trouvée fondée sur une culture de dialogue et
de
contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu s
2130
a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie
d’
unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous s
2131
moins violents que ceux que nous vivons. L’unité
de
notre culture et de la civilisation créée par cette culture, n’a jama
2132
ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et
de
la civilisation créée par cette culture, n’a jamais été autre chose q
2133
e consistant dans la seule volonté commune à tous
de
refuser l’uniformité. Cependant, cet état de polémique permanente n’a
2134
tous de refuser l’uniformité. Cependant, cet état
de
polémique permanente n’a pas produit seulement de l’anarchie et des g
2135
de polémique permanente n’a pas produit seulement
de
l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites religieuses, int
2136
e je voudrais appeler les trois vertus cardinales
de
l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabili
2137
les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens
de
la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le
2138
’Europe : le sens de la vérité objective, le sens
de
la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois ve
2139
sens de la responsabilité personnelle, et le sens
de
la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuell
2140
ces trois vertus et ce ne sera pas dans un esprit
d’
orgueil occidental, mais avec le souci de décrire les idéaux les plus
2141
n esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci
de
décrire les idéaux les plus efficaces de notre culture, ceux qui, à m
2142
le souci de décrire les idéaux les plus efficaces
de
notre culture, ceux qui, à mon sens, la distinguent le mieux d’autres
2143
ultures, qui ont, elles, d’autres vertus. Le sens
de
la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes hériti
2144
Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes
de
la mathématique et de l’astronomie élaborés par les civilisations du
2145
iers des premiers principes de la mathématique et
de
l’astronomie élaborés par les civilisations du Proche-Orient. Mais il
2146
et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire
d’
illusions flatteuses, d’à peu près opportunistes ou sentimentaux, de w
2147
uvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses,
d’
à peu près opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette e
2148
uses, d’à peu près opportunistes ou sentimentaux,
de
wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
2149
sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence
de
vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos
2150
x, de wishful thinking. Cette exigence de vérité,
de
véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches
2151
éracité à tout prix, sera le moteur non seulement
de
nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. El
2152
ment de nos recherches philosophiques, mais aussi
de
nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelle
2153
ellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu
de
vérité. D’autre part, le sens critique devrait nécessairement s’aigui
2154
aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même
de
la coexistence de nos diverses origines, en perpétuelle session contr
2155
plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence
de
nos diverses origines, en perpétuelle session contradictoire. Nous po
2156
hiques l’un des caractères les plus indiscutables
de
notre culture : ce sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens c
2157
les plus indiscutables de notre culture : ce sens
de
la vérité, qui a pour corollaire le sens critique, et qui a permis le
2158
ître banal à des Européens élevés dans le respect
de
la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux pr
2159
evés dans le respect de la vérité dite objective,
de
la simple véracité, et du recours aux preuves par neuf. Il faut songe
2160
t que l’Asie et l’Afrique ignorent cette exigence
de
l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracit
2161
la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
de
tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un i
2162
s leur proposent de tout autres critères que ceux
de
la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiff
2163
de plus nos calculs… Deuxième caractère original
de
notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enrac
2164
ème caractère original de notre culture : le sens
de
la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétien
2165
onnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne
de
la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de
2166
n chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire
de
l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et de
2167
ine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre
de
ses actes à la fois devant Dieu et devant la société, donc devant son
2168
onc devant son destin sur la terre comme au ciel.
De
ce destin, il se croit ou se veut maître, pour une part tout au moins
2169
mais décisive quant au sens qu’il donne à sa vie.
D’
où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture
2170
donne à sa vie. D’où résulte une double exigence
de
recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’acti
2171
te une double exigence de recueillement en soi et
d’
ouverture au monde, de méditation et d’action, ou traduit en langage m
2172
de recueillement en soi et d’ouverture au monde,
de
méditation et d’action, ou traduit en langage moderne : de loisir vra
2173
en soi et d’ouverture au monde, de méditation et
d’
action, ou traduit en langage moderne : de loisir vraiment libre, et d
2174
tion et d’action, ou traduit en langage moderne :
de
loisir vraiment libre, et de travail. Ici encore, comparons avec ce q
2175
en langage moderne : de loisir vraiment libre, et
de
travail. Ici encore, comparons avec ce qui se passe ou s’est passé ai
2176
l productif et collectif, qui devient le seul but
de
la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matéri
2177
sans relation directe ou immédiate avec le salut
de
la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens
2178
de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur
de
la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles a
2179
la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même
de
chaque vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guèr
2180
res traditionnelles au contraire, n’exigent guère
de
l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme
2181
l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’
homme
n’est pas responsable. Le Karma, la magie, les sorciers ou les dieux
2182
magie, les sorciers ou les dieux ont tout réglé.
D’
où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, — le climat tropical
2183
les dieux ont tout réglé. D’où la paresse immense
de
l’Asie et de l’Afrique, — le climat tropical n’explique pas tout, loi
2184
tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et
de
l’Afrique, — le climat tropical n’explique pas tout, loin de là ! Et
2185
u’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit
de
leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir mat
2186
leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure
de
vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acharné que no
2187
votre misère est fort bien tolérée par la sagesse
de
vos élites, qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’elle ref
2188
qu’elle refuse la réalité du prochain, la dignité
de
la personne distincte. Et certes, cela ne signifie pas théoriquement
2189
as « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu
de
reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fonda
2190
e and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer
de
part et d’autre la relation entre les croyances fondamentales de nos
2191
it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et
d’
autre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et
2192
tre la relation entre les croyances fondamentales
de
nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent, soit pou
2193
oyances fondamentales de nos cultures et le genre
de
vie que ces cultures permettent, soit pour modifier cette relation, d
2194
t, soit pour modifier cette relation, dans le cas
de
l’Orient, soit pour en prendre mieux conscience, dans notre cas. Le t
2195
, dans notre cas. Le troisième caractère original
de
la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que
2196
original de la culture européenne, c’est le sens
de
la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de l
2197
est clair que ce sens est étroitement lié à celui
de
la responsabilité personnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
2198
onnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un
homme
n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable d
2199
re que dans la seule mesure où il est responsable
de
son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsab
2200
son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un
homme
pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ces actes s
2201
se, on ne saurait tenir un homme pour responsable
de
ses actes que dans la seule mesure où ces actes sont faits librement.
2202
ure où ces actes sont faits librement. Notre sens
de
la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la libert
2203
térieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est
d’
être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à par
2204
uement, c’est d’être armé ; pour le Romain, c’est
de
jouir des droits du citoyen à part entière, et tous ces éléments spir
2205
nt et permutent à doses variables dans notre idée
de
la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, plus fa
2206
ables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas
de
concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théorie, et i
2207
r, plus facile à nier en théorie, et il n’est pas
d’
idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de t
2208
d’idée plus exaltante en fait pour les Européens
de
toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroy
2209
nte en fait pour les Européens de toute nation et
de
toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel de la
2210
les Européens de toute nation et de toute classe,
de
toute croyance et de toute incroyance. L’appel de la liberté, la reve
2211
e nation et de toute classe, de toute croyance et
de
toute incroyance. L’appel de la liberté, la revendication de la liber
2212
de toute croyance et de toute incroyance. L’appel
de
la liberté, la revendication de la liberté (quel que soit le sens qu’
2213
croyance. L’appel de la liberté, la revendication
de
la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul do
2214
généralement européen, le plus commun à tous les
hommes
de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalen
2215
lement européen, le plus commun à tous les hommes
de
notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent d
2216
t l’on peut voir en lui le plus proche équivalent
de
l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Or, ce même m
2217
dans notre civilisation profane. Or, ce même mot
de
liberté n’éveille aucune passion fondamentale chez les peuplades afri
2218
s peuplades africaines ou chez les fonctionnaires
de
l’URSS, ni dans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la C
2219
les fonctionnaires de l’URSS, ni dans les masses
de
l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soud
2220
ans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou
de
la Chine. Ou bien, s’il prend soudain un sens précis pour les meneurs
2221
ain un sens précis pour les meneurs nationalistes
de
ces peuples, c’est un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’il
2222
à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan
de
révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru b
2223
rétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon
de
mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pa
2224
n de mettre en valeur ces trois vertus cardinales
de
l’Europe, ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustre
2225
ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent
d’
illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’est surtout par
2226
nt la plupart de nos créations. En effet, du sens
de
la vérité objective dérivent nos sciences, et par suite, nos techniqu
2227
sciences, et par suite, nos techniques ; du sens
de
la responsabilité personnelle, lié au sens de la liberté dérivent tou
2228
ens de la responsabilité personnelle, lié au sens
de
la liberté dérivent toutes nos institutions : et enfin, de la combina
2229
erté dérivent toutes nos institutions : et enfin,
de
la combinaison des trois vertus résulte notre dynamisme irrépressible
2230
Si nous avons tout d’abord découvert puis marqué
de
notre empreinte la Terre entière, nous qui n’occupons guère que 5 % d
2231
Terre entière, nous qui n’occupons guère que 5 %
de
sa surface solide, c’est bien à la complexité de nos origines que nou
2232
de sa surface solide, c’est bien à la complexité
de
nos origines que nous le devons, aux conflits spirituels, drames et t
2233
igration aventureuse, et toujours à l’exportation
de
nos produits, donc au total, à l’expansion. Que ce mouvement ait été
2234
orce physique ou spirituelle, peut être qualifiée
d’
impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est la condition
2235
ts qui la subissent, mais c’est la condition même
de
la vie. Illustrons maintenant ce dynamisme par ses résultats les plus
2236
qu’au point où elles permettent non seulement à l’
homme
de dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou
2237
point où elles permettent non seulement à l’homme
de
dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de
2238
ominer la matière, mais à l’humanité tout entière
de
s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement
2239
e, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou
de
se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une maniè
2240
é tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou
de
se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Av
2241
ire, ou de se transformer demain radicalement, et
d’
une manière imprévisible. Avant de concentrer leurs énergies sur cette
2242
e concentrer leurs énergies sur cette exploration
de
la matière, les Européens avaient entrepris, avec non moins d’audace,
2243
, les Européens avaient entrepris, avec non moins
d’
audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce so
2244
entrepris, avec non moins d’audace, l’exploration
de
l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont
2245
ux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière
de
prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a pe
2246
nité tout entière de prendre peu à peu conscience
de
son unité. L’idée d’universalité a peut-être existé chez les sages de
2247
prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée
d’
universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cul
2248
d’universalité a peut-être existé chez les sages
de
plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont don
2249
démontré sa conscience. On peut le dire : l’idée
de
genre humain est une création des Européens. L’exploration du temps,
2250
hie, avec tout ce que cela implique : philosophie
de
l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, exam
2251
mplique : philosophie de l’histoire, enseignement
de
l’histoire, constitution d’archives, examen critique du passé, leçons
2252
istoire, enseignement de l’histoire, constitution
d’
archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvelleme
2253
ns qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets
de
romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes
2254
ire, renouvellement des arts, sujets de romans et
de
pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques et
2255
vellement des arts, sujets de romans et de pièces
de
théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques et finalemen
2256
sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal
de
citations pour les hommes politiques et finalement : superstition mod
2257
pièces de théâtre, arsenal de citations pour les
hommes
politiques et finalement : superstition moderne du « sens inévitable
2258
ement : superstition moderne du « sens inévitable
de
l’histoire », qui influence parfois si profondément les choix politiq
2259
écisif que ces sciences ont joué dans l’évolution
de
la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l
2260
ces ont joué dans l’évolution de la sociologie et
de
la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin, pour
2261
t de la psychologie analytique, autres inventions
de
l’Europe. Enfin, pour emmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du f
2262
us les trésors ainsi ramenés du fond des temps et
de
l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et à partir de ces cond
2263
ée. Et à partir de ces condensations prodigieuses
de
siècles et de continents que sont nos musées et bibliothèques, ils on
2264
r de ces condensations prodigieuses de siècles et
de
continents que sont nos musées et bibliothèques, ils ont élaboré les
2265
et bibliothèques, ils ont élaboré les préalables
d’
une science comparée des cultures et des civilisations, des religions
2266
tale, ou planétaire, prépare elle aussi les voies
de
l’unité future du genre humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà c
2267
autrement, car toutes les créations que je viens
d’
énumérer sont en expansion vers le monde, appellent le monde, s’en nou
2268
rès avoir exploré ses variétés. La question reste
de
savoir si cette unité fomentée par la culture européenne ne va pas se
2269
l’Europe a répandu sur toute la Terre, au hasard
de
la colonisation, de contacts d’affaires privés, ou d’échanges culture
2270
sur toute la Terre, au hasard de la colonisation,
de
contacts d’affaires privés, ou d’échanges culturels sporadiques, incr
2271
Terre, au hasard de la colonisation, de contacts
d’
affaires privés, ou d’échanges culturels sporadiques, incroyablement i
2272
a colonisation, de contacts d’affaires privés, ou
d’
échanges culturels sporadiques, incroyablement inorganisés mais mystér
2273
ope n’a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite
d’
équilibres sans cesse remis en question, de tragédies entrecroisées, d
2274
faite d’équilibres sans cesse remis en question,
de
tragédies entrecroisées, d’innombrables tensions, déchirantes et féco
2275
se remis en question, de tragédies entrecroisées,
d’
innombrables tensions, déchirantes et fécondes. Le monde entier reçoit
2276
emèdes et nos poisons, et beaucoup de nos secrets
de
puissance matérielle — en un mot, le monde reçoit nos produits. Mais
2277
t philosophiques, qui expliquent seules la genèse
de
ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composi
2278
nèse de ces produits, et qui seules permettraient
de
les maintenir en composition. Le monde choisit tel de nos produits le
2279
es maintenir en composition. Le monde choisit tel
de
nos produits les plus douteux — le nationalisme, par exemple — et le
2280
’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal
de
l’amour du prochain. Nous sommes au point de l’évolution de l’humanit
2281
déal de l’amour du prochain. Nous sommes au point
de
l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde » s
2282
du prochain. Nous sommes au point de l’évolution
de
l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde » se voient menacé
2283
opéens, ayant créé « le monde » se voient menacés
d’
être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité
2284
« le monde » se voient menacés d’être dépossédés
de
leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de
2285
ar ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait
de
quelle manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoir
2286
de quelle manière les autres continents menacent
d’
abuser de ces pouvoirs — contre l’Europe d’abord, mais aussi aux dépen
2287
e manière les autres continents menacent d’abuser
de
ces pouvoirs — contre l’Europe d’abord, mais aussi aux dépens de leur
2288
ilibre humain. Nous sommes sur le seuil périlleux
de
l’ère mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont il nous faut t
2289
amatique et passionnant, dont il nous faut tâcher
d’
évaluer les risques angoissants et les chances admirables. La crise de
2290
s angoissants et les chances admirables. La crise
de
notre civilisation, provoquée par son expansion même — mais incomplèt
2291
» comme l’ont prédit depuis un siècle la majorité
de
nos plus grands penseurs ? J’oserai dire contre eux tous que je ne le
2292
tes, bien d’autres civilisations avaient cru cela
d’
elles-mêmes, avant la nôtre. Elles se trompaient, tout simplement, mai
2293
ok suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri
de
ce genre d’illusion. Nous les Européens du xxe siècle, nous savons b
2294
aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre
d’
illusion. Nous les Européens du xxe siècle, nous savons bien que nous
2295
rique imitent nos villes modernes, leurs procédés
de
construction, leurs rues, leurs places et leur mairie, leurs hôpitaux
2296
hôtels et leurs journaux, et même leurs embarras
de
circulation. Nous savons bien que tous les pays neufs imitent nos par
2297
s nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement
d’
imitation s’opère à sens unique et n’est plus réversible. Mais comment
2298
Nous avons vu que la civilisation européenne, née
de
la confluence des sources les plus diverses, se distinguait par là de
2299
sources les plus diverses, se distinguait par là
de
toutes les autres, monolithiques et homogènes. Voilà sans doute pourq
2300
ribuèrent à les créer. Elle envoie, dans le monde
d’
aujourd’hui, plus de machines et d’assistants techniques que de livres
2301
r. Elle envoie, dans le monde d’aujourd’hui, plus
de
machines et d’assistants techniques que de livres et de missionnaires
2302
dans le monde d’aujourd’hui, plus de machines et
d’
assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est la
2303
, plus de machines et d’assistants techniques que
de
livres et de missionnaires. Elle s’est laïcisée, profanisée, et détac
2304
hines et d’assistants techniques que de livres et
de
missionnaires. Elle s’est laïcisée, profanisée, et détachée du christ
2305
sée, et détachée du christianisme qui a contribué
de
tant de manières à la former. Par là même — et c’est bien son drame e
2306
est bien son drame en même temps que la condition
de
son « succès » le plus visible — elle s’est rendue plus transportable
2307
devenir universelle qu’en vertu de quelque chose
de
très fondamental qui l’y prédisposait dès l’origine : j’entends la cr
2308
entends la croyance chrétienne en la valeur égale
de
tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation, sa couleur ou sa r
2309
la croyance chrétienne en la valeur égale de tout
homme
devant Dieu, quelle que soit sa nation, sa couleur ou sa race. L’Égyp
2310
eur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien
de
tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la vallée et du delt
2311
L’Égypte ancienne ne croyait rien de tel. Le mot
homme
y était synonyme d’habitant de la vallée et du delta du Nil. Il y ava
2312
royait rien de tel. Le mot homme y était synonyme
d’
habitant de la vallée et du delta du Nil. Il y avait un mot différent
2313
de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant
de
la vallée et du delta du Nil. Il y avait un mot différent pour désign
2314
s également, il existait deux espèces différentes
de
bipèdes verticaux : les Grecs, ou les Chinois, d’une part, et les bar
2315
demeurer régionales, et décliner dans les limites
de
leur empire. En revanche, la conception chrétienne, exprimée par sain
2316
il n’y a plus ni juifs, ni Grecs, ni esclaves ni
hommes
libres, ni hommes ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous êt
2317
juifs, ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni
hommes
ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésu
2318
res, ni hommes ni femmes, car vous êtes tous fils
de
Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ »), cette conception devait (
2319
e) permettre à ceux qu’elle formerait intimement,
de
considérer tous les hommes comme dignes et capables, un jour ou l’aut
2320
elle formerait intimement, de considérer tous les
hommes
comme dignes et capables, un jour ou l’autre, de participer pleinemen
2321
mes comme dignes et capables, un jour ou l’autre,
de
participer pleinement à l’effort civilisateur. Maintenant que c’est f
2322
ation européenne a créé les conditions techniques
de
sa conservation et de sa transmission aux âges futurs, en même temps
2323
é les conditions techniques de sa conservation et
de
sa transmission aux âges futurs, en même temps qu’elle redécouvrait e
2324
faisait revivre des cultures disparues ou en voie
d’
extinction. Valéry nous disait que « les circonstances qui enverraient
2325
ue « les circonstances qui enverraient les œuvres
de
Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
2326
ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles
de
Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
2327
eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres
de
Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
2328
on a retrouvé — et même joué — plusieurs comédies
de
Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valé
2329
plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œuvres
de
Keats et de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans
2330
omédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et
de
Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde ent
2331
e. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et
de
Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde entier, enregistrées
2332
bandes et sur microsillons, elles sont en mesure
de
résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Lascaux, les sta
2333
résister au temps beaucoup mieux que les fresques
de
Lascaux, les statues grecques et les temples des Pharaons menacés par
2334
et les temples des Pharaons menacés par les eaux
d’
un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très var
2335
. Certes, plusieurs ont disparu sans nous laisser
d’
autre héritage actif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des
2336
ans nous laisser d’autre héritage actif que celui
de
leurs œuvres d’art : ainsi celle des Aurignaciens, ou plus près de no
2337
et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes
de
l’Égypte et du Proche-Orient, prolongées par la grecque et la romaine
2338
et le Laboratoire européens, pour être diffusées
de
nos jours sur toute la Terre ? II s’en faut de beaucoup que leurs riv
2339
es de nos jours sur toute la Terre ? II s’en faut
de
beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées, aien
2340
s, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois
de
Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancie
2341
onnu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos,
de
Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la
2342
fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et
de
Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce so
2343
les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues
de
la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue e
2344
nos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et
de
l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitude
2345
Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code
de
Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits
2346
les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien,
d’
où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’Homme, q
2347
vent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits
de
l’Homme, qui définissent aujourd’hui pour tous les peuples de Bandung
2348
l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’
Homme
, qui définissent aujourd’hui pour tous les peuples de Bandung, à pein
2349
qui définissent aujourd’hui pour tous les peuples
de
Bandung, à peine moins que pour les peuples de l’OTAN, la dignité de
2350
es de Bandung, à peine moins que pour les peuples
de
l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout p
2351
moins que pour les peuples de l’OTAN, la dignité
de
la personne humaine et les fondements de tout progrès social ; et non
2352
dignité de la personne humaine et les fondements
de
tout progrès social ; et non pas le système des castes hindoues, ni l
2353
t non sans drôlerie à propos de la célèbre phrase
de
Valéry : « Si les civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pour
2354
dire, car il n’en saurait rien. » Et il proposait
de
corriger comme suit le passage que je vous ai cité : « Nous autres ci
2355
civilisations qu’on croyait endormies sont tirées
de
l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de my
2356
es sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant
d’
écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés
2357
l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques
de
sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jou
2358
siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et
de
mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retrouve
2359
t de mystiques voient leurs livres sacrés publiés
de
nos jours et retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des et
2360
ait des ethnographes, archéologues et philosophes
de
l’Europe, poursuivant l’inventaire mondial qu’initièrent à la Renaiss
2361
al qu’initièrent à la Renaissance nos Découvreurs
de
l’espace terrestre et du temps de l’humanité. Ceci m’amène à ma trois
2362
nos Découvreurs de l’espace terrestre et du temps
de
l’humanité. Ceci m’amène à ma troisième raison d’avoir confiance dans
2363
de l’humanité. Ceci m’amène à ma troisième raison
d’
avoir confiance dans la longévité de notre civilisation : on ne voit p
2364
isième raison d’avoir confiance dans la longévité
de
notre civilisation : on ne voit pas de candidats sérieux à la relève
2365
longévité de notre civilisation : on ne voit pas
de
candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue mondiale. No
2366
: on ne voit pas de candidats sérieux à la relève
d’
une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances
2367
enue mondiale. Nous connaissons les circonstances
de
la chute de celles qui nous ont précédés : c’était parfois une catast
2368
e. Nous connaissons les circonstances de la chute
de
celles qui nous ont précédés : c’était parfois une catastrophe nature
2369
vaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression
d’
une civilisation rivale, soit plus primitive, comme dans le cas des Do
2370
lus audacieuse et prestigieuse, comme dans le cas
de
quelques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques et
2371
tigieuse, comme dans le cas de quelques centaines
d’
Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’agiss
2372
cas de quelques centaines d’Espagnols s’emparant
de
l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’agissait dans tous ces cas,
2373
es et des Incas. Il s’agissait dans tous ces cas,
de
civilisations locales, entourées de « Barbares » mal connus. Les cand
2374
tous ces cas, de civilisations locales, entourées
de
« Barbares » mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux.
2375
oblitération ou simplement la reprise des charges
de
notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Il y a pourtant
2376
rges de notre civilisation, avec quelques chances
de
succès ? Il y a pourtant les États-Unis, me dira-t-on. Mais ils sont
2377
t les États-Unis, me dira-t-on. Mais ils sont nés
de
la substance même de l’Europe, et de nos jours ils s’européanisent à
2378
dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même
de
l’Europe, et de nos jours ils s’européanisent à nouveau, plus profond
2379
ils sont nés de la substance même de l’Europe, et
de
nos jours ils s’européanisent à nouveau, plus profondément que l’Euro
2380
Mais qu’apporte-t-elle de nouveau du point de vue
de
la civilisation ? Est-elle une autre civilisation ? Lénine définissai
2381
’est pas une invention marxiste au sens politique
de
ce terme, et encore moins une invention soviétique. Ce n’est pas Popo
2382
Herald Tribune ! Le marxisme est né en Europe et
de
l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre la théologie chréti
2383
sme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour
d’
un débat séculaire entre la théologie chrétienne et la philosophie des
2384
mes et la presse. On ne saurait imaginer complexe
de
forces spirituelles, morales et matérielles plus typiquement et plus
2385
la Russie, le communisme a renouvelé l’entreprise
de
Pierre le Grand et a pour la seconde fois européanisé la Russie. Et c
2386
sie. Et c’est l’URSS maintenant qui s’est chargée
d’
aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins ! C’est l’URSS
2387
duit dans cette Chine si fermée le nouveau cheval
de
Troie de l’Occident : la Technique et tout ce qu’elle entraîne de pro
2388
cident : la Technique et tout ce qu’elle entraîne
de
proche en proche dans les mœurs et les modes de penser d’une nation.
2389
e de proche en proche dans les mœurs et les modes
de
penser d’une nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n
2390
e en proche dans les mœurs et les modes de penser
d’
une nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n’a guère é
2391
penser d’une nation. Le fameux « bond en avant »
de
la Chine de Mao n’a guère été jusqu’ici qu’un bond vers l’industrie e
2392
lisme, inventés par l’Europe et parts intégrantes
de
sa civilisation. Quant à l’Afrique noire, observons simplement que so
2393
taculaire, ne consiste nullement dans l’avènement
d’
une civilisation originale ou renouvelée, de quelque néo-cannibalisme
2394
ement d’une civilisation originale ou renouvelée,
de
quelque néo-cannibalisme magique, mais au contraire dans l’adoption r
2395
is au contraire dans l’adoption rapide des formes
de
vie politique, sociale et économique élaborées par l’Europe moderne.
2396
e du Sud, sous-développée, courir après l’exemple
de
la Chine, qui essaie d’imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Am
2397
e, courir après l’exemple de la Chine, qui essaie
d’
imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une inve
2398
veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention
de
l’Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe ? Je
2399
Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse »
de
l’Europe ? Je vais le dire : dans l’esprit des Européens, et pas aill
2400
ait fait frémir Lénine ! — on reparle aujourd’hui
d’
un péril jaune, en attendant le péril noir. Je n’y crois guère. Notre
2401
elle-même. C’est dans ses sources, c’est au foyer
de
sa vitalité créatrice, c’est en Europe, que ce péril doit être conjur
2402
e péril doit être conjuré. Car ce qui nous menace
de
l’extérieur c’est aussi ce qui nous mine à l’intérieur. Ce que les pe
2403
e qui nous mine à l’intérieur. Ce que les peuples
d’
outre-mer nous opposent, c’est ce que nous opposons nous-mêmes à notre
2404
tion matérialiste. Il en va du nationalisme comme
de
notre rhume de cerveau, qui devient mortel, dit-on, chez certains ind
2405
te. Il en va du nationalisme comme de notre rhume
de
cerveau, qui devient mortel, dit-on, chez certains indigènes de la Pa
2406
i devient mortel, dit-on, chez certains indigènes
de
la Papouasie. Cette passion qui enfièvre et qui ruine l’Europe depuis
2407
on qui enfièvre et qui ruine l’Europe depuis près
d’
un siècle et demi, et que nous refusons de prendre au tragique, cette
2408
is près d’un siècle et demi, et que nous refusons
de
prendre au tragique, cette passion, quand elle atteint l’Asie, ou le
2409
cations haineuses et délirantes. Forme collective
de
l’orgueil, antichrétienne par essence, condamnée nommément par le pap
2410
nce, condamnée nommément par le pape et les chefs
de
toutes les églises, condamnée d’autre part par les conditions mêmes d
2411
, condamnée d’autre part par les conditions mêmes
de
l’économie, de la technique et de la culture au xxe siècle, le natio
2412
utre part par les conditions mêmes de l’économie,
de
la technique et de la culture au xxe siècle, le nationalisme n’en po
2413
onditions mêmes de l’économie, de la technique et
de
la culture au xxe siècle, le nationalisme n’en poursuit pas moins se
2414
s dans l’esprit des Européens comme dans l’esprit
de
peuples neufs, empêchant au-dedans cette union fédérale qui ferait no
2415
cifique, décuplant au-dehors la force belliqueuse
de
ceux dont il fait nos ennemis. Quant au second virus secrété par l’Eu
2416
lte du confort chez l’ouvrier et le bourgeois, et
de
l’utilitarisme à courte vue chez le patron et le ministre, jusqu’à l’
2417
ron et le ministre, jusqu’à l’indifférence bovine
de
la grande masse aux réalités spirituelles, à tout ce qui donne un sen
2418
êtise humaine en général, s’il n’avait pour effet
de
détendre les ressorts créateurs du progrès dont il est trop souvent l
2419
ogrès sont l’inquiétude philosophique, la passion
de
défier le destin, le refus des choses comme elles vont, inquiétude, p
2420
les inventions qui les créent, auraient tôt fait
de
se mettre en grève, de débrayer, et de nous livrer sans défense aux f
2421
créent, auraient tôt fait de se mettre en grève,
de
débrayer, et de nous livrer sans défense aux fanatiques du statu quo,
2422
t tôt fait de se mettre en grève, de débrayer, et
de
nous livrer sans défense aux fanatiques du statu quo, par où j’entend
2423
ar où j’entends les bureaucrates et la police des
États
. Ces maladies de l’Europe sont plus dangereuses pour le reste du genr
2424
bureaucrates et la police des États. Ces maladies
de
l’Europe sont plus dangereuses pour le reste du genre humain que pour
2425
vons vaincu, en peu de temps, au prix de millions
de
morts, il est vrai… Et maintenant, ce n’est pas chez nous, mais chez
2426
ais chez les autres qu’il triomphe. Permettez-moi
de
vous citer à ce propos deux textes dont le rapprochement éclaire crue
2427
t le second dans un quotidien du parti communiste
de
Pékin, il y a deux ans. Burckhardt décrit le sort qui attend les mass
2428
ècle. Voici sa prophétie dans une lettre qui date
de
1871 : Le sort des ouvriers sera le plus étrange… l’État militaire v
2429
1 : Le sort des ouvriers sera le plus étrange… l’
État
militaire va devenir le Grand Fabricant. Ces masses humaines dans les
2430
uvreté et à leur envie. Un certain degré contrôlé
de
misère, avec de l’avancement et des uniformes, chaque journée commenc
2431
envie. Un certain degré contrôlé de misère, avec
de
l’avancement et des uniformes, chaque journée commencée et terminée p
2432
ue journée commencée et terminée par un roulement
de
tambour, voilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’est pas
2433
iction se réalise. Voici ce qu’écrit le quotidien
de
la jeunesse de Pékin, le 27 septembre 1958 : À l’aube des trompettes
2434
se. Voici ce qu’écrit le quotidien de la jeunesse
de
Pékin, le 27 septembre 1958 : À l’aube des trompettes sonnèrent et d
2435
et des sifflets retentirent pour le rassemblement
de
la population de la commune Spoutnik. Un quart d’heure après les trav
2436
etentirent pour le rassemblement de la population
de
la commune Spoutnik. Un quart d’heure après les travailleurs étaient
2437
eurs étaient alignés. Sur l’ordre des commandants
de
compagnie et de brigades, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèren
2438
gnés. Sur l’ordre des commandants de compagnie et
de
brigades, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèrent d’un pas marti
2439
des, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèrent
d’
un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de de
2440
d’un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus
de
petits groupes de deux ou trois paysans qui fument tout en cheminant
2441
aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes
de
deux ou trois paysans qui fument tout en cheminant lentement vers les
2442
champs. On entend des pas cadencés et des chants
de
marche. L’habitude millénaire des paysans à vivre au petit bonheur es
2443
norme changement ! Reconnaissons que la religion
de
la production forcée, forme matérialiste du nationalisme, n’a jamais
2444
ste du nationalisme, n’a jamais atteint en Europe
de
tels excès. Certes elle est née chez nous, et c’était bien chez nous
2445
c succès. Notre tâche en Europe, aujourd’hui, est
de
créer les anticorps qui permettront au genre humain de résister à son
2446
éer les anticorps qui permettront au genre humain
de
résister à son tour à nos poisons, au virus du nationalisme et au vir
2447
onalisme et au virus du matérialisme, cette forme
d’
asthénie du spirituel. C’est dire que notre vocation est désormais de
2448
uel. C’est dire que notre vocation est désormais
de
présenter au monde qui nous imite, mais d’illustrer d’abord par l’exe
2449
ormais de présenter au monde qui nous imite, mais
d’
illustrer d’abord par l’exemple vécu — et pas seulement par nos discou
2450
rs — deux méthodes essentielles à la santé future
de
notre civilisation : — la première est le fédéralisme, art et science
2451
— la première est le fédéralisme, art et science
de
l’union dans la diversité, donc art et science œcuméniques, universel
2452
és morales et civiques s’enlisent dans l’euphorie
d’
un confort insipide, non plus libérateur d’énergies neuves, mais tyran
2453
phorie d’un confort insipide, non plus libérateur
d’
énergies neuves, mais tyrannique à la manière des drogues. L’union féd
2454
nnique à la manière des drogues. L’union fédérale
de
l’Europe, et j’entends bien : de toutes les forces de l’Europe social
2455
L’union fédérale de l’Europe, et j’entends bien :
de
toutes les forces de l’Europe sociales autant que religieuses, et pol
2456
’Europe, et j’entends bien : de toutes les forces
de
l’Europe sociales autant que religieuses, et politiques autant que cu
2457
elles, cette union fédérale est la condition même
de
notre action dans le monde et pour le monde. Il nous faut l’Europe pa
2458
mplira sa propre vocation. o. Rougemont Denis
de
, « Éclipse ou disparition d’une civilisation ? », Stato sociale, Turi
2459
o. Rougemont Denis de, « Éclipse ou disparition
d’
une civilisation ? », Stato sociale, Turin, 1960, p. 546-561.
2460
)q r Posé devant le monde entier par l’annonce
d’
un nouveau concile œcuménique, le problème de l’union des Églises chré
2461
once d’un nouveau concile œcuménique, le problème
de
l’union des Églises chrétiennes concerne-t-il aussi les non-chrétiens
2462
aussi les non-chrétiens, qui sont les deux tiers
de
notre humanité présente ? Oui, sans doute, dans la mesure où la relig
2463
une force historique, liée en fait et depuis plus
d’
un millénaire aux destins de l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle
2464
n fait et depuis plus d’un millénaire aux destins
de
l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle n’ait jamais cessé de se pr
2465
s plus d’un millénaire aux destins de l’Europe et
de
l’Occident, encore qu’elle n’ait jamais cessé de se proclamer essenti
2466
de l’Occident, encore qu’elle n’ait jamais cessé
de
se proclamer essentiellement universelle. Il se peut que l’union de n
2467
sentiellement universelle. Il se peut que l’union
de
nos Églises les renforce, devant le défi que porte à toute religion —
2468
— le monde communiste. Mais alors, c’est l’union
de
toutes les religions, et non pas seulement des chrétiens, que cet arg
2469
tiens, que cet argument exigerait. La possibilité
d’
une telle union paraît encore aussi douteuse que l’efficacité d’un fro
2470
ion paraît encore aussi douteuse que l’efficacité
d’
un front commun fondé sur le respect des valeurs transcendantes : car
2471
spect des valeurs transcendantes : car l’alliance
de
plusieurs absolus, considérés en tant que tels, risquerait tout d’abo
2472
sidérés en tant que tels, risquerait tout d’abord
de
les relativiser… Au surplus, le sort temporel du christianisme n’insp
2473
, le sort temporel du christianisme n’inspire pas
d’
inquiétudes excessives : c’est de loin la religion la mieux organisée,
2474
me n’inspire pas d’inquiétudes excessives : c’est
de
loin la religion la mieux organisée, et c’est la plus forte du monde
2475
ée, et c’est la plus forte du monde par le nombre
de
ceux qui s’y rattachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’il est v
2476
par le nombre de ceux qui s’y rattachent, qui est
de
l’ordre d’un milliard. S’il est vrai que le monde communiste enferme
2477
re de ceux qui s’y rattachent, qui est de l’ordre
d’
un milliard. S’il est vrai que le monde communiste enferme un nombre é
2478
le monde communiste enferme un nombre équivalent
d’
individus, ce n’est qu’officiellement, par contrainte d’État : les com
2479
vidus, ce n’est qu’officiellement, par contrainte
d’
État : les communistes militants sont certainement bien moins nombreux
2480
dus, ce n’est qu’officiellement, par contrainte d’
État
: les communistes militants sont certainement bien moins nombreux que
2481
uants des trois grandes confessions dans les pays
de
l’Europe de l’Est et en Russie (on compterait, aux dernières nouvelle
2482
terait, aux dernières nouvelles, sur 208 millions
de
Russes, 35 millions d’orthodoxes pratiquants et 3 millions de protest
2483
ouvelles, sur 208 millions de Russes, 35 millions
d’
orthodoxes pratiquants et 3 millions de protestants baptistes, à quoi
2484
5 millions d’orthodoxes pratiquants et 3 millions
de
protestants baptistes, à quoi s’ajoutent les luthériens des pays balt
2485
ucase). Le PC russe n’a jamais dépassé 8 millions
de
membres inscrits. Mais laissons ces spéculations aux commentateurs po
2486
tions aux commentateurs politiques un peu frottés
de
sociologie. La survie de l’Occident est une chose, la vérité de l’Esp
2487
olitiques un peu frottés de sociologie. La survie
de
l’Occident est une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il
2488
La survie de l’Occident est une chose, la vérité
de
l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le christianisme, non de g
2489
une autre. Il s’agit, pour le christianisme, non
de
gagner le monde mais de sauver son âme. Si tout homme qui se veut chr
2490
our le christianisme, non de gagner le monde mais
de
sauver son âme. Si tout homme qui se veut chrétien doit vouloir l’uni
2491
e gagner le monde mais de sauver son âme. Si tout
homme
qui se veut chrétien doit vouloir l’union des Églises, c’est pour des
2492
t bien évidents. Le christianisme est la religion
d’
un Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et de la Vérité qui ne
2493
e christianisme est la religion d’un Dieu unique,
de
l’Amour qui cherche l’union, et de la Vérité qui ne saurait être qu’u
2494
n Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et
de
la Vérité qui ne saurait être qu’une. C’est pour cela, et non point e
2495
j’entends bien : un scandale spirituel, la preuve
d’
une infidélité à la vocation même de l’homme chrétien, comme à l’ordre
2496
el, la preuve d’une infidélité à la vocation même
de
l’homme chrétien, comme à l’ordre divin : « Que tous soient un… » C’e
2497
a preuve d’une infidélité à la vocation même de l’
homme
chrétien, comme à l’ordre divin : « Que tous soient un… » C’est au ni
2498
que je respecte au monde autant que l’institution
de
l’Église : ecclesia, la communauté de ceux qu’assemble non la haine,
2499
institution de l’Église : ecclesia, la communauté
de
ceux qu’assemble non la haine, la politique menteuse ou de courts int
2500
u’assemble non la haine, la politique menteuse ou
de
courts intérêts, mais ce qu’il y a de meilleur dans le désir des homm
2501
menteuse ou de courts intérêts, mais ce qu’il y a
de
meilleur dans le désir des hommes, l’intérêt dernier de leur vie. Le
2502
, mais ce qu’il y a de meilleur dans le désir des
hommes
, l’intérêt dernier de leur vie. Le christianisme a bel et bien donné
2503
lleur dans le désir des hommes, l’intérêt dernier
de
leur vie. Le christianisme a bel et bien donné au monde, et tout d’ab
2504
onde, et tout d’abord à l’Occident, cette formule
de
la communauté fondée sur l’espérance, non sur la loi du sang, essenti
2505
ouverte et non pas exclusive. Mais les nécessités
de
l’organisation et les tentations de la puissance devaient faire préva
2506
es nécessités de l’organisation et les tentations
de
la puissance devaient faire prévaloir dans l’Église mère, puis dans l
2507
mère, puis dans les Églises séparées, la volonté
de
l’unité formelle, qui n’est pas l’union libre et réelle, et qui eut t
2508
pas l’union libre et réelle, et qui eut tôt fait
de
transformer en divisions les diversités spirituelles. Tant et si bien
2509
a grande réunion, c’est paradoxalement l’exigence
d’
unité, conçue dans un esprit de sagesse politique, toujours méfiante,
2510
alement l’exigence d’unité, conçue dans un esprit
de
sagesse politique, toujours méfiante, et non de confiance évangélique
2511
t de sagesse politique, toujours méfiante, et non
de
confiance évangélique. Car, s’il est vrai que l’Évangile demande l’un
2512
incte. « Il y a plusieurs demeures dans la maison
de
mon Père. » Cette parole ne peut être écartée. Elle reste au centre d
2513
eut être écartée. Elle reste au centre du mystère
de
l’unité. Voies vers l’union Parlant ici sans nulle autorité, ign
2514
se ouverte vers quelque forme encore imprévisible
d’
unité future des Églises. L’ambition unitaire me paraît utopique, et s
2515
es qui offensent la pudeur spirituelle : épreuves
de
force ou marchandages sur des formules disciplinaires, diplomatie sec
2516
’action du Saint-Esprit, finalement mise aux voix
de
la vérité. La voie vers l’unité à découvrir, cette voie qui passerait
2517
sserait par l’union des chrétiens dans la réalité
de
leur existence me paraît au contraire praticable hic et nunc, et déjà
2518
unc, et déjà pratiquée par beaucoup. Qu’en est-il
de
cette existence, dans les diverses confessions ? Je suis frappé de la
2519
e, dans les diverses confessions ? Je suis frappé
de
la voir si différente de l’idée qu’en donneraient les débats sur le d
2520
essions ? Je suis frappé de la voir si différente
de
l’idée qu’en donneraient les débats sur le dogme entre docteurs de ce
2521
onneraient les débats sur le dogme entre docteurs
de
ces mêmes confessions. Et frappé plus encore par l’ignorance naïve où
2522
fidèles eux-mêmes demeurent, quant aux croyances
de
ceux de l’Église d’en face. Beaucoup de catholiques se figurent que l
2523
eux-mêmes demeurent, quant aux croyances de ceux
de
l’Église d’en face. Beaucoup de catholiques se figurent que les prote
2524
emeurent, quant aux croyances de ceux de l’Église
d’
en face. Beaucoup de catholiques se figurent que les protestants ne cr
2525
ignore la Bible, que sa piété se réduit au culte
de
la Vierge, sa morale au décompte des jours du Purgatoire. En revanche
2526
s du Purgatoire. En revanche, combien savent-ils,
de
part et d’autre, que, dans toutes les Églises chrétiennes, la catholi
2527
oire. En revanche, combien savent-ils, de part et
d’
autre, que, dans toutes les Églises chrétiennes, la catholique et l’or
2528
le même Notre Père prié ; que les grands moments
de
la liturgie, les formules de la consécration, de la communion et du b
2529
e les grands moments de la liturgie, les formules
de
la consécration, de la communion et du baptême, celles du mariage et
2530
de la liturgie, les formules de la consécration,
de
la communion et du baptême, celles du mariage et de la confirmation s
2531
la communion et du baptême, celles du mariage et
de
la confirmation sont toujours identiques par l’esprit, et plus souven
2532
des disputes théologiques qui ont formé la pensée
de
l’Europe au cours de siècles, qui me passionnent, et que les fidèles
2533
eurs guides à la réalité œcuménique ? Un peu plus
de
connaissance mutuelle (par exemple assister au culte des autres) et l
2534
au culte des autres) et l’interdiction solennelle
d’
enseigner ou de tolérer les préjugés et les clichés des nationalismes
2535
tres) et l’interdiction solennelle d’enseigner ou
de
tolérer les préjugés et les clichés des nationalismes religieux. J’ai
2536
née que je poursuis des tempéraments religieux et
de
leurs formes d’expression : c’est que dans le sein d’une même Église
2537
uis des tempéraments religieux et de leurs formes
d’
expression : c’est que dans le sein d’une même Église coexistent deux
2538
eurs formes d’expression : c’est que dans le sein
d’
une même Église coexistent deux attitudes que l’on peut qualifier selo
2539
attitudes que l’on peut qualifier selon les temps
de
protestante ou catholique, et sur lesquelles la dogmatique confession
2540
elle a peu de prise. Un seul exemple. On qualifie
de
nos jours de « catholicisants » les protestants qui veulent la fréque
2541
prise. Un seul exemple. On qualifie de nos jours
de
« catholicisants » les protestants qui veulent la fréquente communion
2542
se romaine, où l’habitude était, au xvie siècle,
de
ne communier qu’une fois l’an. Les positions se sont interchangées au
2543
n tient aux attitudes existentielles, les fidèles
de
diverses Églises communient dans la même Présence. Quant à ceux qui s
2544
Église les deux tendances — anglicans, luthériens
de
Suède et d’Amérique — ils ouvrent la voie de l’union. Le renouveau de
2545
eux tendances — anglicans, luthériens de Suède et
d’
Amérique — ils ouvrent la voie de l’union. Le renouveau des études lit
2546
iens de Suède et d’Amérique — ils ouvrent la voie
de
l’union. Le renouveau des études liturgiques dans les Églises issues
2547
au des études liturgiques dans les Églises issues
de
la Réforme, le renouveau des études bibliques dans le catholicisme ro
2548
l’orthodoxie gréco-russe, et l’union des Églises
de
l’Inde, sont autant de signes visibles d’une mystérieuse convergence
2549
se, et l’union des Églises de l’Inde, sont autant
de
signes visibles d’une mystérieuse convergence que tout invite à secon
2550
Églises de l’Inde, sont autant de signes visibles
d’
une mystérieuse convergence que tout invite à seconder. L’union rée
2551
, puisse entrer au sanctuaire qui s’offre au coin
de
la rue, et s’unir à l’Auteur de sa foi, ayant dit le credo commun, qu
2552
i s’offre au coin de la rue, et s’unir à l’Auteur
de
sa foi, ayant dit le credo commun, qui se comprend, quand on le sait,
2553
uand on le sait, dans toutes les langues. Combien
d’
hommes et de femmes hésitant longuement sur le seuil fascinant d’une é
2554
nd on le sait, dans toutes les langues. Combien d’
hommes
et de femmes hésitant longuement sur le seuil fascinant d’une église
2555
ait, dans toutes les langues. Combien d’hommes et
de
femmes hésitant longuement sur le seuil fascinant d’une église — je p
2556
femmes hésitant longuement sur le seuil fascinant
d’
une église — je pense au cas de Simone Weil — trouveraient-ils alors l
2557
le seuil fascinant d’une église — je pense au cas
de
Simone Weil — trouveraient-ils alors le courage d’entrer, de se mettr
2558
e Simone Weil — trouveraient-ils alors le courage
d’
entrer, de se mettre à genoux, puis ouvrant les yeux sur l’autel, reco
2559
eil — trouveraient-ils alors le courage d’entrer,
de
se mettre à genoux, puis ouvrant les yeux sur l’autel, reconnaîtraien
2560
providence), dans laquelle ils ont eu le bonheur
d’
être élevés, qu’ils aiment comme on aime une patrie, mais l’amour est
2561
étranger plus qu’un autre aux problèmes concrets
de
mon temps, économiques, sociaux et politiques (je crains d’avoir lanc
2562
ps, économiques, sociaux et politiques (je crains
d’
avoir lancé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas de problème
2563
x et politiques (je crains d’avoir lancé le terme
d’
engagement). Mais je ne connais pas de problème qui prime aujourd’hui
2564
cé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas
de
problème qui prime aujourd’hui celui-là. Qui est celui du sens de nos
2565
prime aujourd’hui celui-là. Qui est celui du sens
de
nos vies. q. Rougemont Denis de, « Un péché mortel : la désunion
2566
celui du sens de nos vies. q. Rougemont Denis
de
, « Un péché mortel : la désunion des chrétiens », Réalités, Paris, ma
2567
. Cet article paraît dans le dossier « Le concile
de
la dernière chance », et est introduit par cette note : « L’auteur de
2568
e », et est introduit par cette note : « L’auteur
de
L’Amour et l’Occident et de L’Aventure occidentale de l’homme (qu
2569
e note : « L’auteur de L’Amour et l’Occident et
de
L’Aventure occidentale de l’homme (que les lecteurs de Réalités con
2570
mour et l’Occident et de L’Aventure occidentale
de
l’homme (que les lecteurs de Réalités connaissent bien par ses artic
2571
et l’Occident et de L’Aventure occidentale de l’
homme
(que les lecteurs de Réalités connaissent bien par ses articles sur
2572
venture occidentale de l’homme (que les lecteurs
de
Réalités connaissent bien par ses articles sur “La fin du pessimisme”
2573
u pessimisme” en juin 1957 et “La nature profonde
de
l’Europe” en juin 1959) est l’un des plus grands essayistes chrétiens
2574
59) est l’un des plus grands essayistes chrétiens
de
notre temps. Calviniste de la Suisse romande, il représente, au sein
2575
s essayistes chrétiens de notre temps. Calviniste
de
la Suisse romande, il représente, au sein du protestantisme, l’un des
2576
estantisme, l’un des éléments les plus conscients
de
l’importance du rapprochement entre les différentes communautés chrét
2577
du tiers-monde, n’est guère qu’une revendication
d’
indépendance, proclamée contre l’Occident colonialiste. Dans notre Eur
2578
psychologique, parti pris intellectuel, ensemble
de
réflexes conditionnés, finalement force politique, il a pour résultan
2579
nt force politique, il a pour résultante actuelle
de
s’opposer, lui aussi, à l’Occident, en retardant ou sabotant l’union
2580
i, à l’Occident, en retardant ou sabotant l’union
de
l’Europe, mais cet effet ne suffit pas à le définir : ses motivations
2581
t, elles sont antérieures à la nécessité présente
de
l’union, au regard de laquelle elles apparaissent comme les survivanc
2582
laquelle elles apparaissent comme les survivances
d’
une autre ère. Pour comprendre la vraie nature du phénomène c’est dans
2583
vraie nature du phénomène c’est dans le mouvement
de
sa genèse intellectuelle qu’il faut le saisir. Car le nationalisme es
2584
saisir. Car le nationalisme est idéologie, avant
d’
être histoire. Il est né d’une dialectique idéale et non du jeu des fo
2585
e est idéologie, avant d’être histoire. Il est né
d’
une dialectique idéale et non du jeu des forces économiques, qu’il a f
2586
esure où il tend à se normaliser. Plutôt donc que
de
retracer la chronique des triomphes et des méfaits du nationalisme en
2587
rope, — ce serait refaire l’histoire du plus long
de
nos siècles, le xixe , — marquons ici l’évolution du seul concept, au
2588
cept, au moyen de repères bien précis : une série
de
textes, objets d’époque, dûment signés, témoins irréfutables du style
2589
repères bien précis : une série de textes, objets
d’
époque, dûment signés, témoins irréfutables du style de pensée des Eur
2590
que, dûment signés, témoins irréfutables du style
de
pensée des Européens de 1789 à 191427. I. Des jacobins à Hegel A
2591
ins irréfutables du style de pensée des Européens
de
1789 à 191427. I. Des jacobins à Hegel Au principe du nationalis
2592
raisonnement suivant, toujours lié à une période
de
crise guerrière ou révolutionnaire : — Notre peuple se distingue entr
2593
e distingue entre tous par une mission historique
d’
une portée universelle (Liberté, Progrès, Culture, gouvernement exempl
2594
ue, etc.) ; son bien se confond donc avec le bien
de
l’humanité, et ses ennemis sont ceux de la paix universelle ; pour le
2595
c le bien de l’humanité, et ses ennemis sont ceux
de
la paix universelle ; pour leur imposer notre bien, toute guerre est
2596
te, et de plus elle est préventive, car il s’agit
de
défendre contre les jaloux, les rétrogrades et les impurs, le trésor
2597
ses exigences : discipline absolue des individus,
de
leurs réflexes et de leur pensée même, lutte contre les factions, cen
2598
pline absolue des individus, de leurs réflexes et
de
leur pensée même, lutte contre les factions, centralisation des pouvo
2599
les factions, centralisation des pouvoirs, raison
d’
État suprême en tout, puisque l’État incarne la mission universelle du
2600
s factions, centralisation des pouvoirs, raison d’
État
suprême en tout, puisque l’État incarne la mission universelle du peu
2601
ouvoirs, raison d’État suprême en tout, puisque l’
État
incarne la mission universelle du peuple ou Bien suprême ; Dieu lui-m
2602
s’il existe, ne peut être que notre allié, garant
de
notre justice ; sinon c’est qu’il n’existe pas ; il n’y a donc plus d
2603
non c’est qu’il n’existe pas ; il n’y a donc plus
d’
instance supérieure à la nation, ni plus d’appel possible contre ses d
2604
c plus d’instance supérieure à la nation, ni plus
d’
appel possible contre ses décrets. Illustrons cela par quelques textes
2605
ses décrets. Illustrons cela par quelques textes
de
la Révolution française. Dans son discours du 15 mai 1790, Robespierr
2606
0, Robespierre a cette formule parfaite : Il est
de
l’intérêt des nations de protéger la nation française, parce que c’es
2607
rmule parfaite : Il est de l’intérêt des nations
de
protéger la nation française, parce que c’est de la France que doit p
2608
de protéger la nation française, parce que c’est
de
la France que doit partir la liberté et le bonheur du monde. Il faut
2609
us tard, le 9 novembre 1792, la Convention décide
de
célébrer les victoires de l’armée de la Liberté par une « fête de l’H
2610
2, la Convention décide de célébrer les victoires
de
l’armée de la Liberté par une « fête de l’Humanité », que Vergniaud c
2611
ntion décide de célébrer les victoires de l’armée
de
la Liberté par une « fête de l’Humanité », que Vergniaud célèbre en c
2612
victoires de l’armée de la Liberté par une « fête
de
l’Humanité », que Vergniaud célèbre en ces termes : Chantez donc, ch
2613
Chantez donc, chantez une victoire qui sera celle
de
l’humanité. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse
2614
toire qui sera celle de l’humanité. Il a péri des
hommes
; mais c’est pour qu’il n’en périsse plus. Je le jure, au nom de la f
2615
ernité universelle que vous allez établir, chacun
de
vos combats sera un pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheu
2616
allez établir, chacun de vos combats sera un pas
de
fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples. Déjà, le Pa
2617
5 décembre 1791, cet appel à la « guerre sainte »
de
la Raison anticléricale : La guerre ! La guerre ! tel est le cri de
2618
éricale : La guerre ! La guerre ! tel est le cri
de
tous les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la liberté rép
2619
est le cri de tous les patriotes, tel est le vœu
de
tous les amis de la liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui
2620
us les patriotes, tel est le vœu de tous les amis
de
la liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui n’attendent plus
2621
us les amis de la liberté répandus sur la surface
de
l’Europe, qui n’attendent plus que cette heureuse diversion pour atta
2622
m du genre humain dont il n’a jamais mieux mérité
d’
être appelé l’ami. C’est en effet à Jean-Baptiste, dit Anacharsis Clo
2623
à Jean-Baptiste, dit Anacharsis Cloots, Prussien
de
naissance mais aristocrate hollandais d’ascendance, qu’il appartiendr
2624
Prussien de naissance mais aristocrate hollandais
d’
ascendance, qu’il appartiendra de formuler de la manière la plus théât
2625
crate hollandais d’ascendance, qu’il appartiendra
de
formuler de la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire de la Révol
2626
dais d’ascendance, qu’il appartiendra de formuler
de
la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire de la Révolution, étend
2627
de la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire
de
la Révolution, étendu à un genre humain totalement « nivelé » par les
2628
n genre humain totalement « nivelé » par les lois
de
la Liberté : Nous ne sommes pas libres, si un seul obstacle moral ar
2629
droits de l’homme s’étendent sur la totalité des
hommes
. Une corporation qui se dit souveraine, blesse grièvement l’humanité,
2630
le bon sens et le bonheur ; elle coupe les canaux
de
la prospérité universelle ; sa Constitution, manquant par la base, se
2631
aire. Cloots poursuit en effet dans ces termes :
De
ces données incontestables résulte nécessairement la souveraineté sol
2632
nière, intacte, irrésistible, nous ne voulons pas
d’
autre maître que l’expression de la volonté générale, absolue, suprême
2633
us ne voulons pas d’autre maître que l’expression
de
la volonté générale, absolue, suprême. Or, si je rencontre sur la ter
2634
sel, je m’y oppose ; cette résistance est un état
de
guerre et de servitude dont le genre humain, l’être suprême, fera jus
2635
ppose ; cette résistance est un état de guerre et
de
servitude dont le genre humain, l’être suprême, fera justice tôt ou t
2636
ra qu’un seul corps, la nation unique… La commune
de
Paris sera le point de réunion, le fanal central de la communauté uni
2637
nation unique… La commune de Paris sera le point
de
réunion, le fanal central de la communauté universelle. Mais le dant
2638
Paris sera le point de réunion, le fanal central
de
la communauté universelle. Mais le dantoniste Robert fait repousser
2639
r ce Projet fantastique en adjurant la Convention
de
revenir à la « réalité » : Laissons aux philosophes, laissons-leur l
2640
Laissons aux philosophes, laissons-leur le soin
d’
examiner l’humanité sous tous les rapports : nous ne sommes pas les re
2641
du genre humain. Je veux donc que le législateur
de
la France oublie un instant l’univers pour ne s’occuper que de son pa
2642
oublie un instant l’univers pour ne s’occuper que
de
son pays ; je veux cette espèce d’égoïsme national sans lequel nous t
2643
s’occuper que de son pays ; je veux cette espèce
d’
égoïsme national sans lequel nous trahirons nos devoirs, sans lequel n
2644
t desquels nous pouvons stipuler. J’aime tous les
hommes
; j’aime particulièrement tous les hommes libres ; mais j’aime mieux
2645
ous les hommes ; j’aime particulièrement tous les
hommes
libres ; mais j’aime mieux les hommes libres de la France que tous le
2646
nt tous les hommes libres ; mais j’aime mieux les
hommes
libres de la France que tous les autres hommes de l’univers. Le refu
2647
mmes libres ; mais j’aime mieux les hommes libres
de
la France que tous les autres hommes de l’univers. Le refus de la fo
2648
es hommes libres de la France que tous les autres
hommes
de l’univers. Le refus de la formule fédéraliste, tant pour la Franc
2649
es libres de la France que tous les autres hommes
de
l’univers. Le refus de la formule fédéraliste, tant pour la France q
2650
ue tous les autres hommes de l’univers. Le refus
de
la formule fédéraliste, tant pour la France que pour l’Europe, le dél
2651
tant pour la France que pour l’Europe, le délire
d’
unité universelle nivelée et centralisée, devait conduire la Révolutio
2652
n, par une nécessité concrète, à la négation même
de
ses premiers principes : à l’« égoïsme national », au nationalisme ag
2653
if. Dantonistes et jacobins, au nom de la paix et
de
la fraternité universelle, ont déclenché les premières guerres nation
2654
arte va porter dans toute l’Europe. Les réactions
de
défense des peuples « libérés » prendront la même forme que l’agressi
2655
la même forme que l’agression : une mobilisation
de
l’instinct patriotique au nom de l’État, bientôt appuyé par une idéol
2656
obilisation de l’instinct patriotique au nom de l’
État
, bientôt appuyé par une idéologie adéquate. C’est ce contrecoup idéol
2657
êmes prémisses rousseauistes que les jacobins, et
de
la même ambition de paix universelle que Kant son maître, J. G. Ficht
2658
eauistes que les jacobins, et de la même ambition
de
paix universelle que Kant son maître, J. G. Fichte publiera au lendem
2659
nt son maître, J. G. Fichte publiera au lendemain
de
la Révolution la théorie la plus absolue de la nation fermée (nous di
2660
emain de la Révolution la théorie la plus absolue
de
la nation fermée (nous dirions autarcique), considérée comme étape «
2661
s l’unité finale du genre humain. Le raisonnement
de
Fichte annonce souvent de la manière la plus précise les délires tota
2662
humain. Le raisonnement de Fichte annonce souvent
de
la manière la plus précise les délires totalitaires du xxe siècle. I
2663
Il peut être résumé par quelques citations tirées
de
l’ouvrage intitulé L’État commercial fermé 28, qui parut en 1800. L
2664
quelques citations tirées de l’ouvrage intitulé L’
État
commercial fermé 28, qui parut en 1800. Les peuples du monde antiqu
2665
monde antique étaient séparés les uns des autres
d’
une manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Pour eux, l’
2666
tres d’une manière très rigoureuse, par une foule
de
conditions. Pour eux, l’étranger était un ennemi ou un barbare. On pe
2667
bare. On peut au contraire considérer les peuples
de
la nouvelle Europe chrétienne comme formant une seule nation. Unis pa
2668
es et les mêmes conceptions primitives des forêts
de
Germanie, ils furent aussi liés les uns aux autres, depuis leur expan
2669
autres, depuis leur expansion dans les provinces
de
l’Empire romain d’Occident, par une même religion commune et la même
2670
r expansion dans les provinces de l’Empire romain
d’
Occident, par une même religion commune et la même soumission au chef
2671
ion commune et la même soumission au chef visible
de
cette dernière. … Plus tard seulement, avec l’introduction du droit r
2672
e à l’origine, ne fut considéré que comme général
de
la chrétienté, devant être pour l’Église entière ce qu’étaient les pa
2673
es et des institutions proprement politiques… Les
États
modernes se sont ainsi formés ; — non, comme on a coutume de décrire
2674
se sont ainsi formés ; — non, comme on a coutume
de
décrire dans la doctrine du droit la formation d’un État par le rasse
2675
de décrire dans la doctrine du droit la formation
d’
un État par le rassemblement et la réunion d’individus isolés sous l’u
2676
crire dans la doctrine du droit la formation d’un
État
par le rassemblement et la réunion d’individus isolés sous l’unité de
2677
tion d’un État par le rassemblement et la réunion
d’
individus isolés sous l’unité de la loi, mais plutôt par la séparation
2678
ent et la réunion d’individus isolés sous l’unité
de
la loi, mais plutôt par la séparation et la division d’une seule gran
2679
loi, mais plutôt par la séparation et la division
d’
une seule grande masse humaine, faiblement unie. Ainsi les divers État
2680
rs États de l’Europe chrétienne sont des morceaux
de
l’ancien ensemble, déterminés en grande partie pour leur étendue, par
2681
pour leur étendue, par le hasard. … Les citoyens
d’
un même État doivent tous trafiquer entre eux. L’Europe chrétienne for
2682
étendue, par le hasard. … Les citoyens d’un même
État
doivent tous trafiquer entre eux. L’Europe chrétienne formant un tout
2683
opéens entre eux devait être libre. Il est facile
de
faire l’application à l’état actuel des choses. Si toute l’Europe chr
2684
Europe chrétienne avec les colonies et les places
de
commerce qui s’y sont ajoutées dans les autres parties du monde, form
2685
orme encore un tout, alors assurément le commerce
de
toutes les parties entre elles doit rester libre, comme il l’était à
2686
ne. Si elle est au contraire divisée en plusieurs
États
sous divers gouvernements, elle doit être divisée de même en plusieur
2687
ents, elle doit être divisée de même en plusieurs
États
commerciaux complètement fermés. Or, l’Europe n’en est encore qu’à l
2688
est encore qu’à la période des essais pour former
de
véritables Nations. Il s’agit donc de pousser vivement ce processus,
2689
pour former de véritables Nations. Il s’agit donc
de
pousser vivement ce processus, si l’on veut sortir de l’état d’anarch
2690
ousser vivement ce processus, si l’on veut sortir
de
l’état d’anarchie commerciale et politique où nous vivons. Si l’on v
2691
ement ce processus, si l’on veut sortir de l’état
d’
anarchie commerciale et politique où nous vivons. Si l’on veut suppri
2692
il faut en supprimer la cause. Il faut que chaque
État
obtienne ce qu’il projette d’obtenir par la guerre et ce que seulemen
2693
l faut que chaque État obtienne ce qu’il projette
d’
obtenir par la guerre et ce que seulement il peut projeter raisonnable
2694
ce que seulement il peut projeter raisonnablement
d’
obtenir : ses frontières naturelles. Dès lors, il n’a plus rien à dema
2695
Dès lors, il n’a plus rien à demander à un autre
État
, car il a trouvé ce qu’il cherchait. Ainsi, à l’utopie rousseauiste
2696
qu’il cherchait. Ainsi, à l’utopie rousseauiste
de
l’homme naturellement bon, correspond chez Fichte l’utopie de l’État
2697
l cherchait. Ainsi, à l’utopie rousseauiste de l’
homme
naturellement bon, correspond chez Fichte l’utopie de l’État naturell
2698
aturellement bon, correspond chez Fichte l’utopie
de
l’État naturellement raisonnable. Il n’y a plus qu’à tirer les conséq
2699
llement bon, correspond chez Fichte l’utopie de l’
État
naturellement raisonnable. Il n’y a plus qu’à tirer les conséquences
2700
l n’y a plus qu’à tirer les conséquences logiques
de
ces prémices : fermer les États, interdire entre eux les échanges, di
2701
onséquences logiques de ces prémices : fermer les
États
, interdire entre eux les échanges, diversifier leurs monnaies, etc. C
2702
diversifier leurs monnaies, etc. C’est la théorie
de
l’autarcie absolue qui naît sous nos yeux. C’est la fin du processus
2703
eux. C’est la fin du processus exactement inverse
de
celui du Marché commun [dont] Fichte se fait l’avocat : Toute la mon
2704
c’est-à-dire tout l’or et l’argent, sera retirée
de
la circulation et échangée contre une nouvelle monnaie nationale, c’e
2705
vue de restreindre périodiquement ce commerce et
de
le faire cesser entièrement après un laps de temps déterminé. Il lui
2706
e et de le faire cesser entièrement après un laps
de
temps déterminé. Il lui faut donc prendre des mesures permettant d’at
2707
. Il lui faut donc prendre des mesures permettant
d’
atteindre bientôt sûrement ce but. Il doit y marcher avec méthode, et
2708
us les ans l’importation étrangère doit diminuer.
D’
une année à l’autre le public a moins besoin de ces marchandises qui n
2709
r. D’une année à l’autre le public a moins besoin
de
ces marchandises qui ne peuvent être produites en leur pureté ni remp
2710
r les étrangers à des travaux pour les nationaux,
de
la manière convenable. Il ne cherche pas en effet à acquérir une prép
2711
Le savant seul, et l’artiste supérieur ont besoin
de
voyager hors de l’État commercial fermé : il ne doit pas être permis
2712
artiste supérieur ont besoin de voyager hors de l’
État
commercial fermé : il ne doit pas être permis plus longtemps à une va
2713
longtemps à une vaine curiosité et à la recherche
de
distractions de transporter en tout pays leur ennui. Les voyages des
2714
vaine curiosité et à la recherche de distractions
de
transporter en tout pays leur ennui. Les voyages des premiers s’effec
2715
des premiers s’effectuent pour le plus grand bien
de
l’humanité et de l’État ; loin de les empêcher, le gouvernement devra
2716
fectuent pour le plus grand bien de l’humanité et
de
l’État ; loin de les empêcher, le gouvernement devrait même les encou
2717
ent pour le plus grand bien de l’humanité et de l’
État
; loin de les empêcher, le gouvernement devrait même les encourager e
2718
it même les encourager et faire voyager aux frais
de
l’État savants et artistes. Il est évident que dans une nation ainsi
2719
me les encourager et faire voyager aux frais de l’
État
savants et artistes. Il est évident que dans une nation ainsi fermée,
2720
acquiert par suite des mesures indiquées sa façon
de
vivre, son organisation et ses mœurs particulières, qui aime avec dév
2721
aime avec dévouement la patrie et tout ce qui est
de
la patrie, l’honneur national se développera très vite, à un degré él
2722
re nation absolument nouvelle. Cette introduction
d’
une monnaie nationale en est véritablement la création. Le seul lien
2723
qui devra subsister entre les peuples sera celui
de
la Science : … Grâce à elle, mais à elle seule, les hommes s’uniront
2724
Science : … Grâce à elle, mais à elle seule, les
hommes
s’uniront de manière durable et ils le doivent, quand pour tout le re
2725
e à elle, mais à elle seule, les hommes s’uniront
de
manière durable et ils le doivent, quand pour tout le reste, leur div
2726
s qu’ils ont partagé entre eux tout le reste. Nul
État
fermé ne supprimera ce lien, il le favorisera plutôt, car l’enrichiss
2727
en, il le favorisera plutôt, car l’enrichissement
de
la Science par la puissance réunie de l’espèce humaine, avance même c
2728
ichissement de la Science par la puissance réunie
de
l’espèce humaine, avance même ces fins terrestres particulières… Ce s
2729
paix perpétuelle établie parmi les peuples, aucun
État
sur terre n’aura le moindre intérêt à ne pas communiquer à un autre s
2730
niquer à un autre ses découvertes, puisque chaque
État
en effet ne peut les utiliser que pour lui à l’intérieur et nullement
2731
’attribuer sur eux une prépondérance quelconque.
De
toutes les utopies issues de la philosophie préromantique, il faut av
2732
dérance quelconque. De toutes les utopies issues
de
la philosophie préromantique, il faut avouer que celle de Fichte, pou
2733
ilosophie préromantique, il faut avouer que celle
de
Fichte, pour absurde qu’elle nous paraisse, se trouve avoir le mieux
2734
connaissant l’Europe pour leur patrie commune, et
d’
un bout à l’autre du continent cherchent les mêmes choses et sont atti
2735
Cette tendance unitive fournit à Fichte le point
de
départ d’un plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera
2736
dance unitive fournit à Fichte le point de départ
d’
un plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera peu à peu
2737
nit à Fichte le point de départ d’un plan mondial
de
diffusion de la culture, qui se réalisera peu à peu, jusqu’à ce que l
2738
le point de départ d’un plan mondial de diffusion
de
la culture, qui se réalisera peu à peu, jusqu’à ce que le genre humai
2739
pansion colonialiste dans l’anarchie, responsable
de
nos divisions, puis à l’étape nécessaire de fermeture totale des mona
2740
sable de nos divisions, puis à l’étape nécessaire
de
fermeture totale des monades nationales, succédera donc un jour, selo
2741
onc un jour, selon Fichte, l’expansion triomphale
de
la culture européenne, portée par la Science et libérée de tout impér
2742
ture européenne, portée par la Science et libérée
de
tout impérialisme… Nous n’en sommes peut-être pas loin dans cette sec
2743
aginer vers 1800 : ne fut-ce que par la collusion
de
la science et des nationalismes, ces derniers étant doublement liés à
2744
liés à la guerre par leur naissance et par la loi
de
leur formation historique. Cette liaison nécessaire, Hegel l’a marqué
2745
le premier. Comme Goethe assistant à la bataille
de
Valmy, il a compris que la clameur des sans-culottes : « Vive la Nati
2746
ve la Nation ! » inaugurait une ère nouvelle, née
de
la guerre et vivant d’elle. « Vive la Nation » ne signifie pas « Vive
2747
rait une ère nouvelle, née de la guerre et vivant
d’
elle. « Vive la Nation » ne signifie pas « Vive mon pays », mais « Viv
2748
violence, provoque des résistances intérieures. L’
État
y répondra par la Terreur et par la guerre. Car, dit Hegel : Les nat
2749
saire des tensions internes créées par la volonté
d’
uniformiser le peuple, et des tensions externes créées par l’idéal mis
2750
l deviendrait mon juge ! » pense l’État-nation né
de
la Révolution et qui se sait illégitime dans sa prétention à régner a
2751
patriotique et opère sur lui la première en date
de
toutes les nationalisations ; celle des communautés locales, des atta
2752
es, des attachements sentimentaux et des intérêts
de
groupe. Notons au passage que la guerre, qu’elle soit civile ou étran
2753
ée, justifie toujours le sacrifice « temporaire »
de
certaines libertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures d’urgen
2754
de certaines libertés. Or il n’est presque aucune
de
ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on ait vu rapportée une
2755
bertés. Or il n’est presque aucune de ces mesures
d’
urgence, prises par l’État, qu’on ait vu rapportée une fois la paix re
2756
que aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’
État
, qu’on ait vu rapportée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme
2757
tée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme
de
l’État-nation non seulement conduit à la guerre, mais trouve en elle
2758
en elle les conditions du renforcement continuel
de
son pouvoir. Tensions externes : Hegel, conformément à l’esprit de Va
2759
ensions externes : Hegel, conformément à l’esprit
de
Valmy, se représente la nation comme une croisade pour l’idée : « Ce
2760
: « Ce ne sont pas les déterminations naturelles
de
la nation qui lui donnent son caractère, mais c’est son esprit nation
2761
esprit national est « un individu dans la marche
de
l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint
2762
domine le peuple qui incarne le plus haut concept
de
l’Esprit. Voilà donc les peuples élevés à la dignité d’intentions pa
2763
prit. Voilà donc les peuples élevés à la dignité
d’
intentions particulières de l’esprit mondial, mais en même temps, les
2764
es élevés à la dignité d’intentions particulières
de
l’esprit mondial, mais en même temps, les voici privés sous peine de
2765
voici privés sous peine de « nullité politique »
de
la permission de vivre en paix, de « végéter » précise Hegel, dans le
2766
s peine de « nullité politique » de la permission
de
vivre en paix, de « végéter » précise Hegel, dans le bonheur et sans
2767
té politique » de la permission de vivre en paix,
de
« végéter » précise Hegel, dans le bonheur et sans histoire. Nous ass
2768
ans histoire. Nous assistons au transfert décisif
de
l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. II. nation
2769
re. Nous assistons au transfert décisif de l’idée
de
vocation, passant des personnes aux nations. II. nation et Liberté
2770
s. II. nation et Liberté, ou le grand paradoxe
de
1848 Mais cet État-nation, une fois doué de toute la personnalité
2771
xe de 1848 Mais cet État-nation, une fois doué
de
toute la personnalité dont il tend à priver les hommes réels, comment
2772
e toute la personnalité dont il tend à priver les
hommes
réels, comment va-t-il se comporter dans le monde. L’idéal primitif d
2773
t-il se comporter dans le monde. L’idéal primitif
de
la nation, confisqué par l’État, a conduit à des guerres d’agression.
2774
e. L’idéal primitif de la nation, confisqué par l’
État
, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’aut
2775
on, confisqué par l’État, a conduit à des guerres
d’
agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes, qui vont
2776
lismes, qui vont revendiquer à leur tour le droit
de
dominer l’époque. À cette fin, chacun prétendra qu’il incarne « le pl
2777
un prétendra qu’il incarne « le plus haut concept
de
l’esprit ». L’Allemand tuera le Français au nom de la Culture, le Fra
2778
u’au jour où seront proclamés certains « concepts
de
l’esprit » plus redoutables encore : la Race des maîtres, le Herrenvo
2779
étariat et sa dictature… Pourquoi ce beau système
d’
évolution globale vers l’harmonie des peuples libérés a-t-il été bruta
2780
té brutalement démenti au terme même du processus
de
formation des grandes et petites nations européennes, qui était censé
2781
nt la formation des « nationalités » comme autant
d’
étapes nécessaires d’une dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîn
2782
nationalités » comme autant d’étapes nécessaires
d’
une dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passio
2783
mme autant d’étapes nécessaires d’une dialectique
de
l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne
2784
l’esprit ne pouvait contrôler, mais que seuls les
États
surent exploiter et bientôt nationaliser. De ce tragique malentendu,
2785
s États surent exploiter et bientôt nationaliser.
De
ce tragique malentendu, les poètes de la génération de 48 furent les
2786
tionaliser. De ce tragique malentendu, les poètes
de
la génération de 48 furent les premières victimes, enthousiastes et b
2787
tragique malentendu, les poètes de la génération
de
48 furent les premières victimes, enthousiastes et bernées. Ils croie
2788
gale liberté. Ils s’inspirent tous du messianisme
de
la Révolution française : libérer sa propre nation du joug des tyrans
2789
l’Europe et le genre humain. En fait, la liberté
de
la nation, une fois acquise, ne sera rien que la souveraineté de l’Ét
2790
ne fois acquise, ne sera rien que la souveraineté
de
l’État qui s’en prévaudra. Et l’anarchie des souverainetés divinisées
2791
is acquise, ne sera rien que la souveraineté de l’
État
qui s’en prévaudra. Et l’anarchie des souverainetés divinisées, refus
2792
rande Dialectique idéaliste prévoyait l’avènement
de
la paix. Le grand élan organisateur donné par Henri de Saint-Simon ab
2793
-Simon aboutit entre autres au percement du canal
de
Suez dont aussitôt la politique des États, après s’y être opposée, s’
2794
t du canal de Suez dont aussitôt la politique des
États
, après s’y être opposée, s’empare sans vergogne. Le grand élan libert
2795
ire des quarante-huitards échoue dans les manuels
d’
écoles primaires, et s’y dénature en nationalisme, culte laïque de l’É
2796
es, et s’y dénature en nationalisme, culte laïque
de
l’État. Le mouvement Jeune Europe, qui voulait utiliser les passions
2797
t s’y dénature en nationalisme, culte laïque de l’
État
. Le mouvement Jeune Europe, qui voulait utiliser les passions nationa
2798
ulait utiliser les passions nationales au service
de
l’idée fédéraliste, voit l’inverse se réaliser. Jamais les idéaux n’o
2799
mieux démentis par les faits, ni mieux détournés
de
leurs buts. Jamais l’Europe, qui crée par la révolution industrielle
2800
ui crée par la révolution industrielle les moyens
d’
unifier l’humanité, et qui, en attendant, achève de la subjuguer par l
2801
’unifier l’humanité, et qui, en attendant, achève
de
la subjuguer par les armes, ne s’est montrée à la fois moins humanita
2802
s humanitaire et moins unie. Tout se fait par les
États
et dans leur cadre au profit de leurs intérêts immédiats, mal calculé
2803
e fait par les États et dans leur cadre au profit
de
leurs intérêts immédiats, mal calculés et au détriment de tout équili
2804
bre mondial. Et c’est pourquoi les grands esprits
de
la fin du xixe siècle, enregistrant cette dissolution de l’idéal eur
2805
n du xixe siècle, enregistrant cette dissolution
de
l’idéal européen, de Ranke à Renan et de Nietzsche à Sorel aboutiront
2806
registrant cette dissolution de l’idéal européen,
de
Ranke à Renan et de Nietzsche à Sorel aboutiront à une série de proph
2807
solution de l’idéal européen, de Ranke à Renan et
de
Nietzsche à Sorel aboutiront à une série de prophéties uniformément p
2808
an et de Nietzsche à Sorel aboutiront à une série
de
prophéties uniformément pessimistes, quant à l’avenir de notre civili
2809
héties uniformément pessimistes, quant à l’avenir
de
notre civilisation. Voici des textes jalonnant cette double évolution
2810
à 1914. Henri Heine épouse au début l’idéologie
de
Herder et des romantiques allemands : celle d’une Europe des national
2811
ie de Herder et des romantiques allemands : celle
d’
une Europe des nationalités, qu’il considère lui aussi comme une étape
2812
si comme une étape inévitable, quoique dangereuse
de
l’évolution historique : Tous les peuples de l’Europe et du monde de
2813
use de l’évolution historique : Tous les peuples
de
l’Europe et du monde devront traverser cette agonie, pour que la vie
2814
traverser cette agonie, pour que la vie surgisse
de
la mort et pour qu’à la nationalité païenne succède la fraternité chr
2815
a un jour allemand ! » Quand Heine accepte l’idée
de
nation, c’est dans le sens mazzinien d’une « Internationale des natio
2816
te l’idée de nation, c’est dans le sens mazzinien
d’
une « Internationale des nationalités », et il loue Herder d’avoir con
2817
ernationale des nationalités », et il loue Herder
d’
avoir considéré l’humanité « comme une grande harpe dans la main d’un
2818
l’humanité « comme une grande harpe dans la main
d’
un grand maître », chaque nation étant une des cordes et contribuant p
2819
n’en redoute pas moins les « terribles niveleurs
de
l’Europe » que sont d’une part les hommes politiques obsédés par l’un
2820
s niveleurs de l’Europe » que sont d’une part les
hommes
politiques obsédés par l’uniformité, d’autre part les « empereurs de
2821
és par l’uniformité, d’autre part les « empereurs
de
la finance ». Ceux-là finiront par réduire toute l’humanité à l’état
2822
là finiront par réduire toute l’humanité à l’état
de
troupeau unique sous la houlette de fer d’un seul berger : Napoléon
2823
l’état de troupeau unique sous la houlette de fer
d’
un seul berger : Napoléon à Sainte-Hélène disait que dans un proche a
2824
le perspective ! Dans le meilleur des cas, mourir
d’
ennui en tant que républicain ! Pauvres petits-fils ! Si pour Heine l
2825
ux textes brefs comme deux cris, échappés au chef
de
la révolte hongroise, Lajos Kossuth, qui put émigrer en Europe, et au
2826
même ; car elle ne peut devenir que l’avant-garde
de
la monarchie universelle de la Russie. Et Petőfi, dans son poème de
2827
nir que l’avant-garde de la monarchie universelle
de
la Russie. Et Petőfi, dans son poème de 1848 intitulé « Silence de l
2828
verselle de la Russie. Et Petőfi, dans son poème
de
1848 intitulé « Silence de l’Europe » : L’Europe se tait… Honte à ce
2829
Petőfi, dans son poème de 1848 intitulé « Silence
de
l’Europe » : L’Europe se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et q
2830
son Livre des Pèlerins polonais répercute ce cri
de
révolte de l’Est européen abandonné par l’Ouest : Lorsque la Liberté
2831
des Pèlerins polonais répercute ce cri de révolte
de
l’Est européen abandonné par l’Ouest : Lorsque la Liberté siègera da
2832
criais vers toi, nation, afin d’avoir un morceau
de
fer pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’as donné un ar
2833
oir un morceau de fer pour défense et une poignée
de
poudre, et toi tu m’as donné un article de gazette. Mais cette nation
2834
oignée de poudre, et toi tu m’as donné un article
de
gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’avez-vous appelée ? Et
2835
t la Liberté répondra : J’ai appelé par la bouche
de
ces pèlerins, et tu ne m’as pas écoutée ; va donc en servitude, là où
2836
ukases. … Les Puissances ont rejeté votre pierre
de
l’édifice européen, et voici que cette pierre deviendra la pierre ang
2837
e pierre deviendra la pierre angulaire et la clef
de
voûte de l’édifice futur ; et celui sur qui elle tombera, elle l’écra
2838
deviendra la pierre angulaire et la clef de voûte
de
l’édifice futur ; et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera, et
2839
erre sur pierre. « Aujourd’hui, l’Occident meurt
de
ses doctrines ! » s’écriait le Polonais, désespérant pour sa patrie.
2840
sa patrie. Les Italiens, qui se sentent au seuil
de
leur indépendance, prennent une vue beaucoup moins pessimiste de l’Eu
2841
dance, prennent une vue beaucoup moins pessimiste
de
l’Europe. Ainsi, Vincenzo Gioberti. Philosophe, théologien, homme d’É
2842
que, qui fut mêlé aux conspirations républicaines
de
1833, exilé à Paris et à Bruxelles, puis réhabilité par le Piémont do
2843
e, Gioberti fut un néo-guelfe. Il voulait l’union
de
l’Italie et il voulait aussi l’union de l’Europe : l’une étant condit
2844
t l’union de l’Italie et il voulait aussi l’union
de
l’Europe : l’une étant condition de l’autre. À ses yeux, l’Italie («
2845
aussi l’union de l’Europe : l’une étant condition
de
l’autre. À ses yeux, l’Italie (« cet Orient de l’Occident ») devait j
2846
on de l’autre. À ses yeux, l’Italie (« cet Orient
de
l’Occident ») devait jouer pour l’Europe le rôle de nation-guide, sou
2847
l’Occident ») devait jouer pour l’Europe le rôle
de
nation-guide, sous la haute direction du pape, Rome devenant la métro
2848
ute direction du pape, Rome devenant la métropole
d’
un monde au sein duquel toutes les « nationalités » politiques et spir
2849
rdant leur diversité, entreraient dans un rapport
d’
union dialectique : La dictature du pape, chef civil de l’Italie et o
2850
n dialectique : La dictature du pape, chef civil
de
l’Italie et ordonnateur de l’Europe, sera le fondement des diverses c
2851
re du pape, chef civil de l’Italie et ordonnateur
de
l’Europe, sera le fondement des diverses chrétientés nationales écri
2852
-il en 1843, dans un ouvrage publié à Bruxelles :
De
la primauté morale et civile des Italiens, que l’on appelle en Italie
2853
il donnait la formule du passage « dialectique »
de
la cité à la nation, puis à l’Europe et au monde : Christ, en assign
2854
ultime à la société civile, l’unification totale
de
la famille humaine, suggérait l’idée dialectique de la nation en tant
2855
la famille humaine, suggérait l’idée dialectique
de
la nation en tant que cité agrandie, humanité concentrée… Le concept
2856
ue cité agrandie, humanité concentrée… Le concept
d’
union de l’Europe, en tant qu’amphictyonie des nations chrétiennes et
2857
agrandie, humanité concentrée… Le concept d’union
de
l’Europe, en tant qu’amphictyonie des nations chrétiennes et degré su
2858
tions chrétiennes et degré supérieur du processus
d’
unification qui tend à embrasser le genre humain, n’a pas d’autre orig
2859
ion qui tend à embrasser le genre humain, n’a pas
d’
autre origine. La Pologne et la Hongrie sont des nationalités opprimé
2860
es pays, l’idée nationale se confonde avec l’idée
de
Liberté, et s’harmonise avec l’idée d’Europe unie : une nation en dev
2861
vec l’idée de Liberté, et s’harmonise avec l’idée
d’
Europe unie : une nation en devenir n’a pas encore d’intérêts « tradit
2862
urope unie : une nation en devenir n’a pas encore
d’
intérêts « traditionnels » qui l’opposent au plus vaste ensemble. Mais
2863
ensemble. Mais qu’en sera-t-il des grands aînés,
de
l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la France, ces modèles de l’Ét
2864
s qu’en sera-t-il des grands aînés, de l’Espagne,
de
la Grande-Bretagne et de la France, ces modèles de l’État national fo
2865
nds aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et
de
la France, ces modèles de l’État national fortement constitué et qui
2866
e la Grande-Bretagne et de la France, ces modèles
de
l’État national fortement constitué et qui ne veut rien devoir à pers
2867
Grande-Bretagne et de la France, ces modèles de l’
État
national fortement constitué et qui ne veut rien devoir à personne ?
2868
ne veut rien devoir à personne ? À la différence
de
l’Espagne, qui se replie sur son passé et dans son génie, de la Grand
2869
e, qui se replie sur son passé et dans son génie,
de
la Grande-Bretagne dont les ambitions se déploient outre-mer et qui v
2870
les ambitions se déploient outre-mer et qui voit
d’
un bon œil les puissances du Continent se multiplier, « s’équilibrer »
2871
quilibrer », et en fait se neutraliser, la France
de
48 se considère comme une nation qui vient de renaître, dans une Euro
2872
, dans une Europe rénovée par les principes mêmes
de
sa Révolution. Lamartine, ministre des Affaires étrangères en 1848,
2873
848, tient à rassurer l’Europe sur les intentions
de
la nouvelle République : celle-ci « ne fera point de propagande sourd
2874
la nouvelle République : celle-ci « ne fera point
de
propagande sourde ou incendiaire chez ses voisins ». Certes, elle va
2875
ar la force au besoin, « les mouvements légitimes
de
croissance et de nationalité des peuples ». Cependant, elle n’entend
2876
soin, « les mouvements légitimes de croissance et
de
nationalité des peuples ». Cependant, elle n’entend pas : incendier
2877
n’entend pas : incendier le monde, mais briller
de
sa place sur l’horizon des peuples pour les devancer et les guider à
2878
cer et les guider à la fois… La raison, rayonnant
de
partout, par-dessus les frontières, a créé entre les esprits cette gr
2879
nationalité intellectuelle qui sera l’achèvement
de
la Révolution française et la constitution de la fraternité internati
2880
ent de la Révolution française et la constitution
de
la fraternité internationale sur le globe. Michelet, lui aussi, exa
2881
ie qui doit unir toutes les parties constituantes
de
l’Europe », parmi lesquelles la France incarne évidemment « le plus h
2882
France incarne évidemment « le plus haut concept
de
l’esprit » eût dit Hegel : Ce qu’il y a de moins simple, de moins na
2883
ncept de l’esprit » eût dit Hegel : Ce qu’il y a
de
moins simple, de moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de m
2884
» eût dit Hegel : Ce qu’il y a de moins simple,
de
moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de moins fatal, de pl
2885
e moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire
de
moins fatal, de plus humain et de plus libre dans le monde, c’est l’E
2886
go qu’il appartiendra, bien des années plus tard,
d’
opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en un européisme et en
2887
tard, d’opérer la « transfiguration » des idéaux
de
48 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant ainsi — m
2888
mantisme politique. Parce qu’il n’est pas suspect
de
nationalisme borné, et parce qu’il fut au xixe siècle le prophète le
2889
il fut au xixe siècle le prophète le plus exalté
de
l’union européenne, ses déclarations réitérées sur l’avenir européen
2890
ses déclarations réitérées sur l’avenir européen
de
sa patrie illustrent mieux que toute autre la grandiose ambiguïté de
2891
rent mieux que toute autre la grandiose ambiguïté
de
l’idée nationale. Cette généreuse et sincère volonté de se perdre dan
2892
dée nationale. Cette généreuse et sincère volonté
de
se perdre dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde,
2893
et sincère volonté de se perdre dans l’universel,
de
se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t-elle pas nécessairem
2894
interprétée par les autres comme un désir secret
de
gagner tout l’univers au style de vie et de pensée d’une « nation mèr
2895
un désir secret de gagner tout l’univers au style
de
vie et de pensée d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de
2896
ecret de gagner tout l’univers au style de vie et
de
pensée d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Empire f
2897
agner tout l’univers au style de vie et de pensée
d’
une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Empire français qu
2898
d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages »
de
l’Empire français qui viennent contempler à Paris l’Exposition univer
2899
nnent contempler à Paris l’Exposition universelle
de
1867, il a des phrases qui découragent la critique : Ces yeux saturé
2900
s qui découragent la critique : Ces yeux saturés
de
nuit viennent regarder la vérité… Ils savent qu’il existe un peuple d
2901
rder la vérité… Ils savent qu’il existe un peuple
de
réconciliation… une nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque e
2902
lle chez elle quiconque est frère ou veut l’être.
De
leur côté, invasion ; du côté de la France, expansion. Sur ce thème
2903
oici quelques pages inspirées : La France a cela
d’
admirable, qu’elle est destinée à mourir, mais à mourir comme les dieu
2904
ce que la France le mérite ; parce qu’elle manque
d’
égoïsme, parce qu’elle ne travaille pas pour elle seule, parce qu’elle
2905
pas pour elle seule, parce qu’elle est créatrice
d’
espérances universelles, parce qu’elle représente toute la bonne volon
2906
tte nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas
d’
être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale a
2907
re, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste
de
l’humanité. Elle aura la gravité douce d’une aînée. […] Cette nation
2908
u reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce
d’
une aînée. […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appeller
2909
uoi assiste le xixe siècle, c’est à la formation
de
l’Europe.32 En 1875, un professeur de droit international, Johann G
2910
formation de l’Europe.32 En 1875, un professeur
de
droit international, Johann Gaspar Bluntschli, déclare au sujet de so
2911
dées et des principes féconds pour l’ensemble des
États
européens, principes qui sont destinés à garantir un jour la paix de
2912
ipes qui sont destinés à garantir un jour la paix
de
l’Europe… Lorsque cet idéal sera réalisé, alors la nationalité intern
2913
ce passage à l’Europe, cette « transfiguration »
d’
une vocation nationale dont rêvaient Hugo pour la France et Mazzini po
2914
is voilà qui ne paraît concevable que dans le cas
d’
une nation non unitaire, c’est-à-dire de structure fédéraliste. « L’In
2915
ns le cas d’une nation non unitaire, c’est-à-dire
de
structure fédéraliste. « L’Internationale des nationalismes » préconi
2916
des nationalismes » préconisée par les prophètes
de
48, évoque l’idée d’une amicale universelle des Misanthropes ou d’une
2917
préconisée par les prophètes de 48, évoque l’idée
d’
une amicale universelle des Misanthropes ou d’une mutuelle des égoïste
2918
dée d’une amicale universelle des Misanthropes ou
d’
une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les fa
2919
es ou d’une mutuelle des égoïstes. On peut écrire
de
telles choses, non les faire. Dans le même temps, le diplomate et phi
2920
prussien Constantin Frantz démontre que l’absence
d’
unité nationale, congénitale aux Allemagnes, confère à ces régions cen
2921
à ces régions centrales du Continent la vocation
d’
unir l’Europe sur le modèle fédéraliste : respectueux des diversités,
2922
édéraliste : respectueux des diversités, exclusif
de
toute hégémonie d’une des parties contractantes. Mais le nationalisme
2923
tueux des diversités, exclusif de toute hégémonie
d’
une des parties contractantes. Mais le nationalisme, condamné par Fran
2924
réapparaît irrésistiblement sous la forme épurée
d’
une mission européenne de son peuple. Nous connaissons maintenant le p
2925
ent sous la forme épurée d’une mission européenne
de
son peuple. Nous connaissons maintenant le processus, illustré par to
2926
e processus, illustré par toutes les grandes voix
de
48, et de la période qui suit, à l’Est comme à l’Ouest, et en Suisse
2927
s, illustré par toutes les grandes voix de 48, et
de
la période qui suit, à l’Est comme à l’Ouest, et en Suisse comme en F
2928
instituée d’un seul coup. Elle a besoin, d’abord,
d’
une base réelle, sur laquelle elle repose et d’où la première impulsio
2929
d, d’une base réelle, sur laquelle elle repose et
d’
où la première impulsion soit donnée… S’il est vrai que c’est de l’All
2930
re impulsion soit donnée… S’il est vrai que c’est
de
l’Allemagne qu’est venue la division de l’Église, il est donc du devo
2931
que c’est de l’Allemagne qu’est venue la division
de
l’Église, il est donc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, d
2932
ue la division de l’Église, il est donc du devoir
de
ce pays, plus que de tout autre, de recréer la communauté des nations
2933
glise, il est donc du devoir de ce pays, plus que
de
tout autre, de recréer la communauté des nations et de se faire le pr
2934
onc du devoir de ce pays, plus que de tout autre,
de
recréer la communauté des nations et de se faire le précurseur d’un r
2935
ut autre, de recréer la communauté des nations et
de
se faire le précurseur d’un renouveau de tout le système européen… Fa
2936
mmunauté des nations et de se faire le précurseur
d’
un renouveau de tout le système européen… Faire de l’Allemagne la base
2937
tions et de se faire le précurseur d’un renouveau
de
tout le système européen… Faire de l’Allemagne la base du nouveau sys
2938
d’un renouveau de tout le système européen… Faire
de
l’Allemagne la base du nouveau système (fédéraliste), voilà qui serai
2939
(fédéraliste), voilà qui serait vraiment un acte
de
génie politique : ce serait poser les principes de toute l’évolution
2940
e génie politique : ce serait poser les principes
de
toute l’évolution future. Est-ce à la France, à l’Italie ou à l’Alle
2941
ie ou à l’Allemagne voire à la Suisse fédéraliste
de
faire l’Europe et de s’y fondre, accomplissant ainsi une vocation nat
2942
oire à la Suisse fédéraliste de faire l’Europe et
de
s’y fondre, accomplissant ainsi une vocation nationale, au meilleur s
2943
cation nationale, au meilleur sens du terme, mais
de
portée universelle ? Non, disent les Russes, — ou tout au moins les p
2944
es du xixe , — c’est la Russie qui a pour mission
de
régénérer l’Europe et de l’unir un jour, car c’est ainsi seulement qu
2945
ussie qui a pour mission de régénérer l’Europe et
de
l’unir un jour, car c’est ainsi seulement que la Russie pourra deveni
2946
nir européenne. En 1837, paraît le premier numéro
de
la revue des slavophiles, partisans d’un nationalisme spirituel et cu
2947
ier numéro de la revue des slavophiles, partisans
d’
un nationalisme spirituel et culturel, de l’orthodoxie pure et des cou
2948
artisans d’un nationalisme spirituel et culturel,
de
l’orthodoxie pure et des coutumes ancestrales de la Russie paysanne,
2949
de l’orthodoxie pure et des coutumes ancestrales
de
la Russie paysanne, adversaires donc de « l’Europe », et cette revue
2950
cestrales de la Russie paysanne, adversaires donc
de
« l’Europe », et cette revue s’intitule Europa ! Par la plume d’Ivan
2951
, et cette revue s’intitule Europa ! Par la plume
d’
Ivan Kirievsky, son principal rédacteur, elle oppose à l’Europe la not
2952
cipal rédacteur, elle oppose à l’Europe la notion
d’
enthousiasme, qui serait restée le privilège des Russes et que nos pay
2953
it restée le privilège des Russes et que nos pays
de
l’Ouest auraient perdue ; mais cette notion se trouve empruntée à Sch
2954
rialiste et bourgeoisement satisfaite, la mission
de
la Russie authentique est d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le
2955
tisfaite, la mission de la Russie authentique est
d’
inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera russe.
2956
n de la Russie authentique est d’inverser l’œuvre
de
Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera russe. Pour Kirievsky et
2957
d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut
de
l’Europe sera russe. Pour Kirievsky et ses amis, la notion d’hégémoni
2958
sera russe. Pour Kirievsky et ses amis, la notion
d’
hégémonie organisatrice est capitale : Pour que l’unité de l’Europe s
2959
ie organisatrice est capitale : Pour que l’unité
de
l’Europe se constitue organiquement et harmonieusement, il est nécess
2960
centre déterminé, un peuple qui domine les autres
de
sa supériorité politique et culturelle… Seule la Russie en est capa
2961
et ce qu’il exprimera cent fois dans son Journal
d’
un écrivain, gazette qu’il publie seul, à intervalles irréguliers, en
2962
tervalles irréguliers, en 1876 et 1877. L’avenir
de
l’Europe appartient à la Russie. La plus haute parmi les hautes missi
2963
sentons devoir assumer un jour, c’est la mission
de
grouper l’humanité en un seul faisceau, car ce n’est pas seulement la
2964
resterons pas moins invincibles, grâce à l’unité
de
notre esprit national et de notre conscience nationale. Tirons l’épée
2965
bles, grâce à l’unité de notre esprit national et
de
notre conscience nationale. Tirons l’épée, s’il le faut, au nom des m
2966
roirons que plus fortement à la véritable mission
de
la Russie, à sa puissance et à sa vérité : se sacrifier pour ceux qui
2967
rimés et abandonnés au nom des prétendus intérêts
de
la civilisation. Il faut que les organes politiques reconnaissent la
2968
quelque part, que tout au moins une nation serve
de
flambeau. Qu’adviendrait-il sans cela ? Au nom de la véritable relig
2969
sie, sous peine de « sombrer dans le cynisme » et
d’
y trouver leur fin, « vers laquelle il semble bien qu’ils s’acheminent
2970
bien qu’ils s’acheminent ». III. Les prophètes
de
la catastrophe Le grand historien allemand Léopold von Ranke est e
2971
historien allemand Léopold von Ranke est en plus
d’
un sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobriété spirit
2972
st en plus d’un sens l’anti-Hegel, par sa volonté
d’
objectivité, de sobriété spirituelle, de description contrôlée de « ce
2973
sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité,
de
sobriété spirituelle, de description contrôlée de « ce qui s’est vrai
2974
a volonté d’objectivité, de sobriété spirituelle,
de
description contrôlée de « ce qui s’est vraiment passé », et par son
2975
de sobriété spirituelle, de description contrôlée
de
« ce qui s’est vraiment passé », et par son refus de tout système dia
2976
« ce qui s’est vraiment passé », et par son refus
de
tout système dialectique permettant de survoler les faits et dotant l
2977
son refus de tout système dialectique permettant
de
survoler les faits et dotant l’évolution d’on ne sait quelle énergie
2978
ttant de survoler les faits et dotant l’évolution
d’
on ne sait quelle énergie intrinsèque : « Chaque génération est immédi
2979
lon lui, ne conquiert que par sa culture le droit
de
jouer un rôle actif dans l’histoire mondiale. La primauté appartient
2980
« romano-germanique » : Italie — France — Espagne
d’
un côté, Allemagne — Angleterre — Scandinavie de l’autre. César, par s
2981
e d’un côté, Allemagne — Angleterre — Scandinavie
de
l’autre. César, par sa conquête des Gaules a rendu possible cette con
2982
s germains, la communauté des Européens n’a cessé
de
se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit nullement que le confl
2983
nauté des Européens n’a cessé de se développer et
de
s’affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit de la papauté et
2984
affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit
de
la papauté et de l’Empire, puis du catholicisme et de la Réforme, aie
2985
e croit nullement que le conflit de la papauté et
de
l’Empire, puis du catholicisme et de la Réforme, aient été des grands
2986
a papauté et de l’Empire, puis du catholicisme et
de
la Réforme, aient été des grands malheurs pour l’Europe, car cette bi
2987
Le danger que représentent pour l’unité foncière
de
l’Europe les souverainetés nationales absolues, lui paraît beaucoup p
2988
: Ceux qui tiennent simplement pour une tendance
de
l’Histoire le fait que les souverainetés nationales vont nous dominer
2989
an, la menace porterait plutôt sur « les intérêts
de
la raison et de la civilisation ». Dans la préface à sa fameuse confé
2990
rterait plutôt sur « les intérêts de la raison et
de
la civilisation ». Dans la préface à sa fameuse conférence prononcée
2991
ne famille spirituelle, résultant, dans le passé,
de
souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets
2992
rituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs,
de
sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dan
2993
tant, dans le passé, de souvenirs, de sacrifices,
de
gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, d
2994
de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent
de
deuils et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer
2995
, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et
de
regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer à vivre ense
2996
et de regrets communs ; dans le présent, du désir
de
continuer à vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas
2997
semble. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas
de
parler la même langue ou d’appartenir au même groupe ethnographique,
2998
nation, ce n’est pas de parler la même langue ou
d’
appartenir au même groupe ethnographique, c’est d’avoir fait ensemble
2999
d’appartenir au même groupe ethnographique, c’est
d’
avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en f
3000
roupe ethnographique, c’est d’avoir fait ensemble
de
grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’ave
3001
fait ensemble de grandes choses dans le passé et
de
vouloir en faire encore dans l’avenir. … De nos jours, on commet une
3002
sé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. …
De
nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la race avec
3003
le des peuples réellement existants. (Or) le fait
de
la race, capital à l’origine, va donc toujours perdant de son importa
3004
ce, capital à l’origine, va donc toujours perdant
de
son importance. L’histoire humaine diffère essentiellement de la zool
3005
tance. L’histoire humaine diffère essentiellement
de
la zoologie. La race n’y est pas tout, comme chez les rongeurs ou les
3006
es rongeurs ou les félins, et on n’a pas le droit
d’
aller par le monde tâter le crâne des gens, puis les prendre à la gorg
3007
s les prendre à la gorge en leur disant : « Tu es
de
notre sang, tu nous appartiens !… » … Ce que nous venons de dire de l
3008
nous appartiens !… » … Ce que nous venons de dire
de
la race, il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ;
3009
e nous venons de dire de la race, il faut le dire
de
la langue. La langue invite à se réunir ; elle n’y force pas. Les Éta
3010
faite, puisqu’elle a été faite par l’assentiment
de
ses différentes parties, compte trois ou quatre langues. Il y a dans
3011
es, compte trois ou quatre langues. Il y a dans l’
homme
quelque chose de supérieur à la langue : c’est la volonté. La volonté
3012
quatre langues. Il y a dans l’homme quelque chose
de
supérieur à la langue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’ê
3013
érieur à la langue : c’est la volonté. La volonté
de
la Suisse d’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait
3014
angue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse
d’
être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus imp
3015
lonté de la Suisse d’être unie, malgré la variété
de
ses idiomes, est un fait bien plus important qu’une similitude de lan
3016
est un fait bien plus important qu’une similitude
de
langage souvent obtenue par des vexations. … La géographie, ce qu’on
3017
ons. La géographie est un des facteurs essentiels
de
l’histoire. […] Peut-on dire cependant, comme le croient certains par
3018
comme le croient certains partis, que les limites
d’
une nation sont écrites sur la carte et que cette nation a le droit de
3019
rites sur la carte et que cette nation a le droit
de
s’adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours, pour
3020
gne, telle rivière, à laquelle on prête une sorte
de
faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de doctrine plus arbit
3021
de faculté limitante à priori ? Je ne connais pas
de
doctrine plus arbitraire ni plus funeste. Avec cela, on justifie tout
3022
is toutes les montagnes ne sauraient découper des
États
. Quelles sont celles qui séparent et celles qui ne séparent pas ? De
3023
lles qui séparent et celles qui ne séparent pas ?
De
Biarritz à Tornea, il n’y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus
3024
De Biarritz à Tornea, il n’y a pas une embouchure
de
fleuve qui ait plus qu’une autre un caractère bornal. Si l’histoire l
3025
l’Oder auraient, autant que le Rhin, ce caractère
de
frontière naturelle qui a fait commettre tant d’infractions au droit
3026
de frontière naturelle qui a fait commettre tant
d’
infractions au droit fondamental, qui est la volonté des hommes. … Je
3027
ions au droit fondamental, qui est la volonté des
hommes
. … Je me dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts tenus chez
3028
les nations pour des qualités, qui se nourrirait
de
vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qu
3029
r sans dégainer, serait le plus insupportable des
hommes
. … Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commenc
3030
s hommes. … Les nations ne sont pas quelque chose
d’
éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération, europée
3031
cateurs » dominant nos nations domestiquées par l’
État
militaire33. Dans une de ses lettres à von Preen, il prévoit pour les
3032
ons domestiquées par l’État militaire33. Dans une
de
ses lettres à von Preen, il prévoit pour les masses ouvrières entassé
3033
taire : … Un certain degré déterminé et contrôlé
de
misère et d’avancement, chaque journée, en uniforme, commencée et ter
3034
certain degré déterminé et contrôlé de misère et
d’
avancement, chaque journée, en uniforme, commencée et terminée par un
3035
uniforme, commencée et terminée par un roulement
de
tambours, voilà ce qui doit logiquement se produire… Il est clair que
3036
exercé par des dynasties, désormais trop faibles
de
cœur, mais par des chefs militaires qui se donneront pour républicain
3037
ins. Mais personne mieux que Nietzsche, disciple
de
Burckhardt, n’a dénoncé le délire nationaliste, déguisé en « patrioti
3038
e cent pages du même ton, quelques extraits tirés
de
Par-delà le bien et le mal : Nous autres « bons Européens », nous au
3039
ures où nous nous permettons un patriotisme plein
de
courage, un bond et un retour à de vieilles amours et de vieilles étr
3040
riotisme plein de courage, un bond et un retour à
de
vieilles amours et de vieilles étroitesses, des heures d’effervescenc
3041
age, un bond et un retour à de vieilles amours et
de
vieilles étroitesses, des heures d’effervescence nationale, d’angoiss
3042
les amours et de vieilles étroitesses, des heures
d’
effervescence nationale, d’angoisse patriotique, des heures où bien d’
3043
troitesses, des heures d’effervescence nationale,
d’
angoisse patriotique, des heures où bien d’autres sentiments antiques
3044
t. Des esprits plus lourds que nous mettront plus
de
temps à en finir avec ce qui chez nous n’occupe que quelques heures e
3045
quelques heures : pour les uns, il faut la moitié
d’
une année, pour les autres la moitié d’une vie humaine, selon la rapid
3046
la moitié d’une année, pour les autres la moitié
d’
une vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés d’assimilation et
3047
es la moitié d’une vie humaine, selon la rapidité
de
leurs facultés d’assimilation et de renouvellement. Je saurais même m
3048
vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés
d’
assimilation et de renouvellement. Je saurais même me figurer des race
3049
n la rapidité de leurs facultés d’assimilation et
de
renouvellement. Je saurais même me figurer des races épaisses et hési
3050
s, qui, dans notre Europe hâtive, auraient besoin
de
demi-siècles pour surmonter de tels excès de patriotisme atavique et
3051
e, auraient besoin de demi-siècles pour surmonter
de
tels excès de patriotisme atavique et d’attachement à la glèbe, pour
3052
soin de demi-siècles pour surmonter de tels excès
de
patriotisme atavique et d’attachement à la glèbe, pour revenir à la r
3053
urmonter de tels excès de patriotisme atavique et
d’
attachement à la glèbe, pour revenir à la raison, je veux dire au « bo
3054
ionalités a mises et met encore entre les peuples
de
l’Europe, grâce aux politiciens à la vue courte et aux mains promptes
3055
isme, sans soupçonner à quel point leur politique
de
désunion est fatalement une simple politique d’entracte, — grâce à to
3056
e de désunion est fatalement une simple politique
d’
entracte, — grâce à tout cela, et à bien des choses encore qu’on ne pe
3057
on déforme mensongèrement les signes qui prouvent
de
la manière la plus manifeste que l’Europe veut devenir une. Tous les
3058
manifeste que l’Europe veut devenir une. Tous les
hommes
un peu profonds et d’esprit large qu’a vus ce siècle ont tendu vers c
3059
t devenir une. Tous les hommes un peu profonds et
d’
esprit large qu’a vus ce siècle ont tendu vers ce but unique du travai
3060
le ont tendu vers ce but unique du travail secret
de
leur âme : ils voulurent frayer les voies à un nouvel accord et tentè
3061
frayer les voies à un nouvel accord et tentèrent
de
réaliser en eux-mêmes l’Européen à venir ; s’ils appartinrent à une p
3062
ne fut jamais que par les régions superficielles
de
leur intelligence, ou aux heures de défaillance, ou l’âge venu : ils
3063
uperficielles de leur intelligence, ou aux heures
de
défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient d’eux-mêmes en devenan
3064
de défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient
d’
eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des hommes comme Napol
3065
x-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des
hommes
comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, Henri Heine, Schopenhaue
3066
ine, Schopenhauer. Qu’on ne m’en veuille pas trop
de
nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un des Fragments posthumes,
3067
Fragments posthumes, Nietzsche précise la nature
de
ces « grands intérêts » et prévoit la nécessité d’un Marché commun de
3068
e ces « grands intérêts » et prévoit la nécessité
d’
un Marché commun de l’Europe : À tout cela s’ajoute un grand fait éco
3069
États de l’Europe — j’entends tous nos empires et
États
actuels — doivent nécessairement devenir non viables, économiquement
3070
tes du xixe . Plus européen, sans doute, qu’aucun
de
ses compatriotes au début de ce siècle, Sorel n’a parlé de l’Europe q
3071
sans doute, qu’aucun de ses compatriotes au début
de
ce siècle, Sorel n’a parlé de l’Europe que sur le ton d’un sombre dép
3072
mpatriotes au début de ce siècle, Sorel n’a parlé
de
l’Europe que sur le ton d’un sombre dépit prophétique. Voici quelques
3073
iècle, Sorel n’a parlé de l’Europe que sur le ton
d’
un sombre dépit prophétique. Voici quelques extraits de ses Propos rec
3074
sombre dépit prophétique. Voici quelques extraits
de
ses Propos recueillis par son disciple Jean Variot à la veille de la
3075
cueillis par son disciple Jean Variot à la veille
de
la Première Guerre mondiale34 : Personne n’a le courage de dire ou d
3076
ière Guerre mondiale34 : Personne n’a le courage
de
dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Po
3077
mondiale34 : Personne n’a le courage de dire ou
d’
écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Eu
3078
nne n’a le courage de dire ou d’écrire que l’état
de
paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe est-elle par ex
3079
iers ? Parce qu’elle est habitée par une quantité
de
races qui sont singulièrement opposées les unes aux autres, et dans l
3080
mœurs, et dans leurs ambitions. L’Europe n’a pas
de
chance. Tous ses habitants ne peuvent faire que mauvais voisinage. Q
3081
s tout de suite la guerre qui surgit. Les peuples
de
l’Europe ne peuvent s’unir que dans une seule idée : se faire la guer
3082
guerre. … Et il y a le slavisme qui met son grain
de
sel là-dedans. La politique panslave… C’est gai pour demain ! Je vous
3083
is ; des Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux
d’
autorité ; des Français avares ; des Italiens souffrant d’une crise de
3084
té ; des Français avares ; des Italiens souffrant
d’
une crise de croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois g
3085
nçais avares ; des Italiens souffrant d’une crise
de
croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois guerriers ? C
3086
uerriers ? Comment calmerez-vous ce panier rempli
de
crabes qui se pincent toute la sainte journée ? Malheureuse Europe !
3087
rois fois par siècle. … Rien n’améliorera le sort
de
l’Europe. Pourquoi voulez-vous qu’il s’améliore ? Que signifie ce vie
3088
ous qu’il s’améliore ? Que signifie ce vieux fond
d’
optimisme qui attend que les choses s’arrangent ? Il n’y a aucune rais
3089
ns un récipient. L’Europe est un récipient rempli
de
cette sorte de composés chimiques. Ça met le feu ; que diable ! Prene
3090
. L’Europe est un récipient rempli de cette sorte
de
composés chimiques. Ça met le feu ; que diable ! Prenez-en votre part
3091
ble ! Prenez-en votre parti ! IV. Liquidation
de
l’Europe des nations Sorel, qui parlait en 1908 de « cette Europe
3092
’Europe des nations Sorel, qui parlait en 1908
de
« cette Europe qui est la terre-type du malheur de l’humanité », et q
3093
e « cette Europe qui est la terre-type du malheur
de
l’humanité », et qui réinventait à peu de mots près la phrase d’Ivan
3094
, et qui réinventait à peu de mots près la phrase
d’
Ivan Karamazov partant pour l’Europe : « Je sais bien que je vais dans
3095
e vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher
de
tous », toutefois se bornant à grommeler : « L’Europe, ce cimetière…
3096
, fut sans doute l’observateur le plus pessimiste
de
l’Europe des nationalismes. Et c’est à lui que 1914 donnera raison. C
3097
e 1914 donnera raison. Car 1914 sonne le glas non
de
l’Europe, certes, mais de l’Europe des nations et de son impérialisme
3098
1914 sonne le glas non de l’Europe, certes, mais
de
l’Europe des nations et de son impérialisme planétaire. Il faudra cep
3099
l’Europe, certes, mais de l’Europe des nations et
de
son impérialisme planétaire. Il faudra cependant en venir aux excès d
3100
lanétaire. Il faudra cependant en venir aux excès
de
l’autarcie affirmée sans scrupules (« Le Droit est ce qui sert le peu
3101
lame Hitler), pour que les dernières conséquences
de
la souveraineté absolue éclatent aux yeux des peuples et de leurs hom
3102
eraineté absolue éclatent aux yeux des peuples et
de
leurs hommes d’État, dans les pays au moins qui auront subi, à l’Oues
3103
L’Allemagne, la France, et l’Italie, au lendemain
de
leur libération, inscrivent dans leur Constitution des articles prévo
3104
articles prévoyant l’abandon du dogme sacro-saint
de
la souveraineté totale. 27. Les citations qui suivent sont extrait
3105
. 27. Les citations qui suivent sont extraites
d’
une Anthologie encore inédite, dans laquelle j’ai groupé et commenté
3106
uelle j’ai groupé et commenté plusieurs centaines
de
textes sur l’Europe, d’Hésiode à nos jours. 28. Der geschlossene Ha
3107
menté plusieurs centaines de textes sur l’Europe,
d’
Hésiode à nos jours. 28. Der geschlossene Handelsstaat, trad. franç.
3108
33. Cf. supra p. 9, les « terribles niveleurs »
de
Heine. 34. Jean Variot, Propos de Georges Sorel, Paris, 1935. p. R
3109
es niveleurs » de Heine. 34. Jean Variot, Propos
de
Georges Sorel, Paris, 1935. p. Rougemont Denis de, « Le nationalism
3110
Georges Sorel, Paris, 1935. p. Rougemont Denis
de
, « Le nationalisme et l’Europe », La Table ronde, Paris, mars 1960, p
3111
Originalité
de
la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)s t
3112
pe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’est arrivé
d’
entendre dire : « Une culture européenne, ça n’existe pas. » Le fait m
3113
énoncée qu’en Europe, et seulement par la bouche
d’
Européens, nous fournit, paradoxalement, une première définition de l’
3114
fournit, paradoxalement, une première définition
de
l’originalité de notre continent. Un homme qui nie que l’Europe exist
3115
alement, une première définition de l’originalité
de
notre continent. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait
3116
éfinition de l’originalité de notre continent. Un
homme
qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait une culture commune ne sau
3117
Américain, mais seulement un Européen. Examinons
d’
un peu plus près ce paradoxe. Les intellectuels sceptiques et les adve
3118
s sceptiques et les adversaires déclarés (ou non)
de
l’union européenne ont coutume d’affirmer simultanément les deux prop
3119
clarés (ou non) de l’union européenne ont coutume
d’
affirmer simultanément les deux propositions contradictoires que voici
3120
contradictoires que voici : primo ; il n’y a pas
de
culture européenne commune, mais seulement des cultures nationales, c
3121
nité quelconque ; secundo : il ne saurait y avoir
de
culture spécifiquement européenne, car toute vraie culture est univer
3122
fférents pour pouvoir constituer jamais une unité
de
culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les plus vulg
3123
nt portés à la philosophie, belliqueux et buveurs
de
bière ; les Français ne pensent qu’à l’amour ; les Suisses sont des p
3124
sur une connaissance trop méticuleuse et pédante
de
nos diversités, sur une expérience, vécue jusqu’à l’irritation, du te
3125
ion, du tempérament, des coutumes et des préjugés
de
nos voisins. La seconde attitude, celle qui fait dire que nous n’avon
3126
ttitude, celle qui fait dire que nous n’avons pas
de
problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du monde, s’expliq
3127
n’avons pas de problèmes spécifiques, différents
de
ceux du reste du monde, s’explique par une glorieuse méconnaissance d
3128
que par une glorieuse méconnaissance des réalités
de
ce reste du monde. La première attitude est en somme celle d’un myope
3129
du monde. La première attitude est en somme celle
d’
un myope, et la seconde celle d’un presbyte. Essayons maintenant de co
3130
st en somme celle d’un myope, et la seconde celle
d’
un presbyte. Essayons maintenant de corriger notre vision. Éloignons-n
3131
seconde celle d’un presbyte. Essayons maintenant
de
corriger notre vision. Éloignons-nous de l’Europe, physiquement ou pa
3132
intenant de corriger notre vision. Éloignons-nous
de
l’Europe, physiquement ou par la pensée ; écoutons ce que nous en dis
3133
; écoutons ce que nous en disent les observateurs
d’
outre-mer. Nous en viendrons très vite à la constatation suivante. Vue
3134
ivante. Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue
de
l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture
3135
du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie,
de
l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’impose i
3136
sie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité
de
notre culture s’impose immédiatement et sans hésitation à l’esprit de
3137
mpose immédiatement et sans hésitation à l’esprit
de
ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être
3138
re surtout en ennemis. À ceux qui seraient tentés
de
nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait qu’elle nou
3139
seraient tentés de nier, à priori, l’originalité
de
notre culture et le fait qu’elle nous est commune du Cap Nord au Pélo
3140
le nous est commune du Cap Nord au Péloponnèse et
de
Madrid à Varsovie, je répondrai d’un seul mot : Voyagez ! Quittez l’E
3141
Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai
d’
un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvrirez ! Et dès
3142
). Ne serait-ce pas, précisément, la multiplicité
de
nos différences — régionales et nationales, religieuses et morales, p
3143
alité, la spécificité et la communauté, — l’unité
de
notre culture ? Mais cela n’apparaîtra clairement et ne deviendra vra
3144
convaincant, que si nous comparons notre formule
de
l’unité paradoxale — j’entends de l’unité dans la diversité — avec d’
3145
s notre formule de l’unité paradoxale — j’entends
de
l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité qui ont ré
3146
’unité dans la diversité — avec d’autres formules
d’
unité qui ont régné sur d’autres cultures, ou que certains régimes con
3147
es, ou que certains régimes contemporains tentent
d’
imposer à la culture de leurs sujets. Si nous considérons les cultures
3148
imes contemporains tentent d’imposer à la culture
de
leurs sujets. Si nous considérons les cultures de l’Antiquité et les
3149
de leurs sujets. Si nous considérons les cultures
de
l’Antiquité et les cultures extraeuropéennes qui subsistent encore ou
3150
aeuropéennes qui subsistent encore ou qui tentent
de
se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien dis
3151
qui subsistent encore ou qui tentent de se former
de
nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien distinctes. Dans
3152
ines cultures, surtout antiques, l’unité provient
d’
une origine unique, ou d’un grand principe formateur, et d’une continu
3153
tiques, l’unité provient d’une origine unique, ou
d’
un grand principe formateur, et d’une continuelle référence à cette so
3154
gine unique, ou d’un grand principe formateur, et
d’
une continuelle référence à cette source, qui assure la cohérence et l
3155
cultures, surtout contemporaines, l’unité résulte
d’
un décret du Pouvoir, d’une uniformité imposée par la force. Donc, d’u
3156
poraines, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir,
d’
une uniformité imposée par la force. Donc, d’une part unité traditionn
3157
elle, originelle, innée à la culture et découlant
de
son passé ; d’autre part, unité synthétique imposée comme un cadre ri
3158
Pour fixer les idées, et sans vouloir entrer dans
de
périlleuses analyses, j’illustrerai la première formule par les noms
3159
s, j’illustrerai la première formule par les noms
de
quelques civilisations fondées sur le Sacré, comme celles de Sumer, d
3160
civilisations fondées sur le Sacré, comme celles
de
Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des
3161
ions fondées sur le Sacré, comme celles de Sumer,
de
l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, pui
3162
comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons,
de
l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèques ; tandis qu
3163
du national-socialisme et du fascisme) serviront
d’
exemples pour la deuxième formule. Il suffira, je crois, de ces brèves
3164
s pour la deuxième formule. Il suffira, je crois,
de
ces brèves indications, pour faire bien voir que la formule de l’unit
3165
indications, pour faire bien voir que la formule
de
l’unité traditionnelle, et la formule de l’unification contrainte, so
3166
formule de l’unité traditionnelle, et la formule
de
l’unification contrainte, sont en violent contraste avec les réalités
3167
e avec les réalités et principes caractéristiques
de
la culture européenne. La première vise à maintenir et la seconde à é
3168
te et presque informulable, que dans le libre jeu
de
ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’où proviennent c
3169
le libre jeu de ses diversités. Mais il est temps
de
nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités, et comment il
3170
es diversités. Mais il est temps de nous demander
d’
où proviennent ces fameuses diversités, et comment il se fait que l’Eu
3171
les multiplie comme à plaisir, au lieu d’essayer
de
les réduire. La réponse me paraît assez simple. Les diversités caract
3172
aît assez simple. Les diversités caractéristiques
de
la culture européenne s’expliquent historiquement par la pluralité de
3173
uent historiquement par la pluralité des origines
de
notre civilisation. Et elles sont entretenues ou renouvelées sans ces
3174
ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré
de
toute doctrine unique et unifiante, imposée par une force extérieure
3175
ée par une force extérieure au mouvement spontané
de
la culture. Nous tous, que nous le sachions ou non et que nous l’acce
3176
hes gouvernant nos sensibilités et par nos formes
de
pensée, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois vil
3177
ant nos sensibilités et par nos formes de pensée,
d’
Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustr
3178
sibilités et par nos formes de pensée, d’Athènes,
de
Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustres, du Proc
3179
t par nos formes de pensée, d’Athènes, de Rome et
de
Jérusalem, et derrière ces trois villes illustres, du Proche-Orient s
3180
trois villes illustres, du Proche-Orient sémite,
de
l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du m
3181
illustres, du Proche-Orient sémite, de l’Iran, et
de
l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du monde celtique
3182
nes, se sont produits au cours des siècles autant
de
conflits non encore résolus que de synthèses fécondes, mais toujours
3183
siècles autant de conflits non encore résolus que
de
synthèses fécondes, mais toujours provisoires. Entre l’homme grec, as
3184
èses fécondes, mais toujours provisoires. Entre l’
homme
grec, astucieux et critique, le citoyen romain obéissant à la raison
3185
critique, le citoyen romain obéissant à la raison
d’
État, le fidèle chrétien obéissant à la déraison de la foi, le guerrie
3186
itique, le citoyen romain obéissant à la raison d’
État
, le fidèle chrétien obéissant à la déraison de la foi, le guerrier ge
3187
’État, le fidèle chrétien obéissant à la déraison
de
la foi, le guerrier germain qui se sent libre quand il touche son épé
3188
romantique et magique, — et nous descendons tous
de
la plupart d’entre eux, par les coutumes conscientes et inconscientes
3189
ntes autant et plus que par les chromosomes — que
de
contradictions insurmontables, de luttes meurtrières, de compromis bo
3190
romosomes — que de contradictions insurmontables,
de
luttes meurtrières, de compromis boiteux, de polémiques subtiles ou p
3191
radictions insurmontables, de luttes meurtrières,
de
compromis boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et d’allianc
3192
les, de luttes meurtrières, de compromis boiteux,
de
polémiques subtiles ou passionnées et d’alliances imprévues, infinime
3193
boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et
d’
alliances imprévues, infiniment variées selon les temps et les lieux —
3194
et les lieux — et toujours remises en question !
De
cet immense complexe de tensions défiant toute description définitive
3195
urs remises en question ! De cet immense complexe
de
tensions défiant toute description définitive voyons maintenant se dé
3196
Si nous avons tous d’abord découvert, puis marqué
de
notre empreinte le monde entier, nous qui n’habitons après tout qu’un
3197
% des terres du Globe, c’est bien à la complexité
de
nos origines culturelles que nous le devons, aux conflits spirituels,
3198
dira providentiels ou matériels, selon les écoles
de
pensée, ont pu jouer. Mais la diversité de nos origines et leur discu
3199
écoles de pensée, ont pu jouer. Mais la diversité
de
nos origines et leur discussion millénaire suffisent dans tous les ca
3200
naire suffisent dans tous les cas à rendre compte
d’
un dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. En
3201
je viens de dire sur la complexité indescriptible
de
notre civilisation, pensant avoir payé un tribut suffisant aux élémen
3202
communs et permanents, les caractères spécifiques
de
la culture européenne ; j’entends les caractères par lesquels cette c
3203
, — lesquelles ont d’ailleurs en commun l’unicité
de
leur principe de formation ou de réglementation forcée. Comparée à ce
3204
t d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe
de
formation ou de réglementation forcée. Comparée à ces deux groupes de
3205
commun l’unicité de leur principe de formation ou
de
réglementation forcée. Comparée à ces deux groupes de cultures unitai
3206
églementation forcée. Comparée à ces deux groupes
de
cultures unitaires, celle de l’Europe nous apparaît immédiatement com
3207
e à ces deux groupes de cultures unitaires, celle
de
l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et pr
3208
nt comme à la fois pluraliste et profane. Culture
de
dialogue et de contestation, du seul fait de ses origines multiples e
3209
ois pluraliste et profane. Culture de dialogue et
de
contestation, du seul fait de ses origines multiples et des valeurs s
3210
ture de dialogue et de contestation, du seul fait
de
ses origines multiples et des valeurs souvent incompatibles qu’elle e
3211
a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie
d’
unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous s
3212
nts que ceux que nous vivons. Cependant, cet état
de
polémique permanente portant sur les principes fondamentaux de toute
3213
permanente portant sur les principes fondamentaux
de
toute culture, n’a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres
3214
ntaux de toute culture, n’a pas produit seulement
de
l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites, et par elles la
3215
e je voudrais appeler les trois vertus cardinales
de
l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabili
3216
les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens
de
la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le
3217
’Europe : le sens de la vérité objective, le sens
de
la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois ve
3218
sens de la responsabilité personnelle, et le sens
de
la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuell
3219
co-religieux ou le sacré politico-social. Le sens
de
la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes hériti
3220
Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes
de
la mathématique et de l’astronomie élaborées par les civilisations du
3221
iers des premiers principes de la mathématique et
de
l’astronomie élaborées par les civilisations du Proche-Orient. Mais i
3222
et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire
d’
illusions flatteuses, d’à peu près opportunistes ou sentimentaux, de w
3223
uvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses,
d’
à peu près opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette e
3224
uses, d’à peu près opportunistes ou sentimentaux,
de
wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
3225
sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence
de
vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos
3226
x, de wishful thinking. Cette exigence de vérité,
de
véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches
3227
éracité à tout prix, sera le moteur non seulement
de
nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. El
3228
ment de nos recherches philosophiques, mais aussi
de
nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelle
3229
ellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu
de
vérité qui s’opposera plus tard au christianisme même, en tant que vé
3230
aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même
de
la coexistence de nos diverses origines en perpétuelle session contra
3231
plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence
de
nos diverses origines en perpétuelle session contradictoire. Nous pou
3232
hiques l’un des caractères les plus indiscutables
de
notre culture : ce sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens c
3233
les plus indiscutables de notre culture : ce sens
de
la vérité, qui a pour corollaire le sens critique, et qui a permis le
3234
re banal, à vous Européens élevés dans le respect
de
la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux pr
3235
evés dans le respect de la vérité dite objective,
de
la simple véracité, et du recours aux preuves par neuf. Veuillez song
3236
t que l’Asie et l’Afrique ignorent cette exigence
de
l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracit
3237
la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
de
tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un i
3238
s leur proposent de tout autres critères que ceux
de
la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiff
3239
de plus nos calculs… Deuxième caractère original
de
notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enraci
3240
ème caractère original de notre culture : le sens
de
la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienn
3241
sonnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne
de
la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de
3242
n chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire
de
l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et de
3243
ine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre
de
ses actes à la fois devant Dieu et devant la société, donc devant son
3244
mais décisive quant au sens qu’il donne à sa vie.
D’
où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture
3245
donne à sa vie. D’où résulte une double exigence
de
recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’acti
3246
te une double exigence de recueillement en soi et
d’
ouverture au monde, de méditation et d’action, ou, traduit en langage
3247
de recueillement en soi et d’ouverture au monde,
de
méditation et d’action, ou, traduit en langage plus moderne : de lois
3248
en soi et d’ouverture au monde, de méditation et
d’
action, ou, traduit en langage plus moderne : de loisir vraiment libre
3249
t d’action, ou, traduit en langage plus moderne :
de
loisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me d
3250
ngage plus moderne : de loisir vraiment libre, et
de
travail. Voilà encore une banalité, me direz-vous. Mais comparez, une
3251
l productif et collectif, qui devient le seul but
de
la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matéri
3252
sans relation directe ou immédiate avec le salut
de
la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens
3253
de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur
de
la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles a
3254
la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même
de
chaque vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guèr
3255
res traditionnelles au contraire, n’exigent guère
de
l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme
3256
l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’
homme
n’est pas responsable. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux
3257
magie, les sorciers ou les dieux ont tout réglé.
D’
où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique, le climat tropical n’
3258
les dieux ont tout réglé. D’où la paresse immense
de
l’Asie et de l’Afrique, le climat tropical n’explique pas tout, loin
3259
tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et
de
l’Afrique, le climat tropical n’explique pas tout, loin de là ! Et lo
3260
ys « sous-développés » revendiquent à grands cris
de
haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nou
3261
u’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit
de
leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir mat
3262
leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure
de
vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acharné que no
3263
votre misère est fort bien tolérée par la sagesse
de
vos élites, qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’elle ref
3264
as « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu
de
reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fonda
3265
e and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer
de
part et d’autre la relation entre les croyances fondamentales de nos
3266
it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et
d’
autre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et
3267
tre la relation entre les croyances fondamentales
de
nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent, — soit p
3268
oyances fondamentales de nos cultures et le genre
de
vie que ces cultures permettent, — soit pour modifier cette relation,
3269
mieux conscience. Le troisième caractère original
de
la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que
3270
original de la culture européenne, c’est le sens
de
la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de l
3271
est clair que ce sens est étroitement lié à celui
de
la responsabilité personnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
3272
onnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un
homme
n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable d
3273
re que dans la seule mesure où il est responsable
de
son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsab
3274
son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un
homme
pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils sont fa
3275
se, on ne saurait tenir un homme pour responsable
de
ses actes que dans la seule mesure où ils sont faits librement. Notre
3276
le mesure où ils sont faits librement. Notre sens
de
la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la libert
3277
térieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est
d’
être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à par
3278
uement, c’est d’être armé ; pour le Romain, c’est
de
jouir des droits du citoyen à part entière, et tous ces éléments spir
3279
nt et permutent à doses variables dans notre idée
de
la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, plus fa
3280
ables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas
de
concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théorie, et i
3281
r, plus facile à nier en théorie, et il n’est pas
d’
idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de t
3282
d’idée plus exaltante en fait pour les Européens
de
toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroy
3283
nte en fait pour les Européens de toute nation et
de
toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la
3284
les Européens de toute nation et de toute classe,
de
toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la liberté, la reven
3285
e nation et de toute classe, de toute croyance et
de
toute incroyance. L’appel à la liberté, la revendication de la libert
3286
ncroyance. L’appel à la liberté, la revendication
de
la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul do
3287
généralement européen, le plus commun à tous les
hommes
de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalen
3288
lement européen, le plus commun à tous les hommes
de
notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent d
3289
t l’on peut voir en lui le plus proche équivalent
de
l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Or, ce même m
3290
dans notre civilisation profane. Or, ce même mot
de
liberté n’éveille aucune passion fondamentale, n’a guère de sens chez
3291
n’éveille aucune passion fondamentale, n’a guère
de
sens chez les peuplades africaines ou chez les « apparatchiks »36 de
3292
uplades africaines ou chez les « apparatchiks »36
de
l’URSS, ni dans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la C
3293
« apparatchiks »36 de l’URSS, ni dans les masses
de
l’Inde, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soud
3294
ans les masses de l’Inde, du Sud-Est asiatique ou
de
la Chine. Ou bien, s’il prend soudain un sens précis, pour les meneur
3295
in un sens précis, pour les meneurs nationalistes
de
ces peuples, c’est un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’il
3296
à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan
de
révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru b
3297
rétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon
de
mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’est pa
3298
n de mettre en valeur ces trois vertus cardinales
de
l’Europe, ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustre
3299
ce n’est pas seulement parce qu’elles permettent
d’
illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’est surtout par
3300
nt la plupart de nos créations. En effet, du sens
de
la vérité objective dérivent nos sciences et par suite, nos technique
3301
sciences et par suite, nos techniques. Et du sens
de
la responsabilité personnelle, lié au sens de la liberté, dérivent to
3302
ens de la responsabilité personnelle, lié au sens
de
la liberté, dérivent toutes nos institutions et nos doctrines, orthod
3303
versives, et enfin notre dynamisme irrépressible.
D’
où vient, en effet, le dynamisme d’une civilisation ? De la pression d
3304
irrépressible. D’où vient, en effet, le dynamisme
d’
une civilisation ? De la pression démographique dans l’aire géographiq
3305
ient, en effet, le dynamisme d’une civilisation ?
De
la pression démographique dans l’aire géographique de cette civilisat
3306
a pression démographique dans l’aire géographique
de
cette civilisation ? Je n’en crois rien. Il existe sur notre planète
3307
planète trois régions comparables du point de vue
de
la pression démographique, c’est-à-dire de la relation superficie-pop
3308
de vue de la pression démographique, c’est-à-dire
de
la relation superficie-population : ce sont la Chine, l’Inde et l’Eur
3309
es dans ces trois régions. Le rayonnement mondial
de
la Chine est resté faible, celui de l’Inde appartient au passé, mais
3310
ement mondial de la Chine est resté faible, celui
de
l’Inde appartient au passé, mais celui de l’Europe est maximum. Le dy
3311
, celui de l’Inde appartient au passé, mais celui
de
l’Europe est maximum. Le dynamisme d’une culture proviendrait-il plut
3312
mais celui de l’Europe est maximum. Le dynamisme
d’
une culture proviendrait-il plutôt, si l’on en croit Toynbee, des défi
3313
défis auxquels elle se voit soumise ? S’il s’agit
de
défis extérieurs, je réponds non. Car les invasions asiatiques, seul
3314
ement, des champs Catalauniques au Kablenberg, et
de
Poitiers à Lépante, n’ont rien suscité de marquant ni de nouveau dans
3315
erg, et de Poitiers à Lépante, n’ont rien suscité
de
marquant ni de nouveau dans notre civilisation. Seules les Croisades
3316
uctives à cet égard ; or elles ne résultèrent pas
d’
un défi venu de l’extérieur, mais au contraire d’une agression délibér
3317
d’un défi venu de l’extérieur, mais au contraire
d’
une agression délibérée de notre part. Je pense donc que le dynamisme
3318
ieur, mais au contraire d’une agression délibérée
de
notre part. Je pense donc que le dynamisme de notre civilisation euro
3319
rée de notre part. Je pense donc que le dynamisme
de
notre civilisation européenne provient plutôt de notre régime de tens
3320
de notre civilisation européenne provient plutôt
de
notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos
3321
sation européenne provient plutôt de notre régime
de
tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contra
3322
t plutôt de notre régime de tensions intérieures,
de
ce mouvement brownien de nos infinies contradictions qui nous provoqu
3323
de tensions intérieures, de ce mouvement brownien
de
nos infinies contradictions qui nous provoque à créer, à inventer, à
3324
orce physique ou spirituelle, peut être qualifiée
d’
impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est la condition
3325
ts qui la subissent, mais c’est la condition même
de
la vie. Illustrons maintenant ce dynamisme par quelques-uns de ses ré
3326
lustrons maintenant ce dynamisme par quelques-uns
de
ses résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens
3327
qu’au point où elles permettent non seulement à l’
homme
de dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou
3328
point où elles permettent non seulement à l’homme
de
dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de
3329
ominer la matière, mais à l’humanité tout entière
de
s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement
3330
e, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou
de
se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une maniè
3331
é tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou
de
se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Av
3332
ire, ou de se transformer demain radicalement, et
d’
une manière imprévisible. Avant de concentrer leurs énergies sur cette
3333
e concentrer leurs énergies sur cette exploration
de
la matière, les Européens avaient entrepris, avec non moins d’audace,
3334
, les Européens avaient entrepris, avec non moins
d’
audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce so
3335
entrepris, avec non moins d’audace, l’exploration
de
l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont
3336
ux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière
de
prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a pe
3337
nité tout entière de prendre peu à peu conscience
de
son unité. L’idée d’universalité a peut-être existé chez les sages de
3338
prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée
d’
universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cul
3339
d’universalité a peut-être existé chez les sages
de
plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont don
3340
démontré sa consistance. On peut le dire : l’idée
de
genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, en
3341
hie, avec tout ce que cela implique : philosophie
de
l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, exam
3342
mplique : philosophie de l’histoire, enseignement
de
l’histoire, constitution d’archives, examen critique du passé, leçons
3343
istoire, enseignement de l’histoire, constitution
d’
archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvelleme
3344
ns qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets
de
romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes
3345
ire, renouvellement des arts, sujets de romans et
de
pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, e
3346
vellement des arts, sujets de romans et de pièces
de
théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, et finaleme
3347
sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal
de
citations pour les hommes politiques, et finalement : superstition mo
3348
pièces de théâtre, arsenal de citations pour les
hommes
politiques, et finalement : superstition moderne du « sens de l’histo
3349
s, et finalement : superstition moderne du « sens
de
l’histoire », qui non seulement alimente les plus vives polémiques in
3350
limente les plus vives polémiques intellectuelles
de
notre époque, mais encore influence profondément les choix politiques
3351
ue ces sciences ont joué dans l’évolution récente
de
la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l
3352
joué dans l’évolution récente de la sociologie et
de
la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin pour
3353
t de la psychologie analytique, autres inventions
de
l’Europe. Enfin pour emmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du fo
3354
us les trésors ainsi ramenés du fond des temps et
de
l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et, à partir de ces con
3355
e. Et, à partir de ces condensations prodigieuses
de
siècles et de continents que sont leurs musées, ils ont élaboré les p
3356
r de ces condensations prodigieuses de siècles et
de
continents que sont leurs musées, ils ont élaboré les préalables d’un
3357
sont leurs musées, ils ont élaboré les préalables
d’
une science comparée des cultures et des civilisations, des religions
3358
le, ou planétaire, prépare, elle aussi, les voies
de
l’unité future du genre humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà c
3359
r, toutes ces créations sont nées des profondeurs
de
la culture européenne, et restent liées, dans leur évolution comme da
3360
dans leur genèse, à tout le complexe dialectique
de
nos valeurs. Mais d’autre part, nous venons d’observer que toutes ces
3361
ue de nos valeurs. Mais d’autre part, nous venons
d’
observer que toutes ces créations sont en expansion vers le monde, qu’
3362
loré ses variétés. Je ne tenterai pas aujourd’hui
de
démontrer la cohérence profonde des créations que je viens d’énumérer
3363
la cohérence profonde des créations que je viens
d’
énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je me borne
3364
que l’Europe a produit non seulement les notions
de
personne et de liberté, mais aussi les sciences et enfin les machines
3365
produit non seulement les notions de personne et
de
liberté, mais aussi les sciences et enfin les machines, si hétérogène
3366
ce n’est pas par hasard mais c’est en vertu même
de
cette dialectique infinie et toujours ouverte que je décrivais plus h
3367
ouverte que je décrivais plus haut, en vertu même
de
cette séculaire discussion et dissension entre nos origines multiples
3368
entre nos déterminations natives et notre volonté
de
les surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité,
3369
t notre volonté de les surmonter, qui est volonté
de
liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’importe
3370
es surmonter, qui est volonté de liberté, volonté
de
responsabilité, et volonté de vérité à n’importe quel prix. Voici don
3371
de liberté, volonté de responsabilité, et volonté
de
vérité à n’importe quel prix. Voici donc notre situation dans le mond
3372
plus typiques et les plus spectaculaires, surgies
de
la problématique tragique qui définit l’originalité de l’Europe, se v
3373
problématique tragique qui définit l’originalité
de
l’Europe, se voient soudain universalisées, et dans les apparences to
3374
le monde entier. Notre culture est l’essence même
de
l’Europe et de son histoire, mais voici que cette culture crée le mon
3375
. Notre culture est l’essence même de l’Europe et
de
son histoire, mais voici que cette culture crée le monde, par où j’en
3376
re crée le monde, par où j’entends la possibilité
d’
un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son un
3377
main qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience
de
son unité virtuelle, ni des problèmes effrayants que pose son rassemb
3378
que pose son rassemblement. Nous sommes au point
de
l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde »,
3379
assemblement. Nous sommes au point de l’évolution
de
l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde », se voient menac
3380
péens, ayant créé « le monde », se voient menacés
d’
être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité
3381
« le monde », se voient menacés d’être dépossédés
de
leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de
3382
ar ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait
de
quelle manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoir
3383
de quelle manière les autres continents menacent
d’
abuser de ces pouvoirs, — contre l’Europe d’abord, mais aussi aux dépe
3384
e manière les autres continents menacent d’abuser
de
ces pouvoirs, — contre l’Europe d’abord, mais aussi aux dépens de leu
3385
ilibre humain. Nous sommes sur le seuil périlleux
de
l’ère mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont il nous faut t
3386
amatique et passionnant, dont il nous faut tâcher
d’
évaluer les risques angoissants et les chances admirables. Je voudrais
3387
s observations et suggestions sur ce qui se passe
d’
étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la politique que nous s
3388
s et suggestions sur ce qui se passe d’étrange et
de
démesuré devant nos yeux, et sur la politique que nous sommes bien fo
3389
, et sur la politique que nous sommes bien forcés
d’
imaginer pour y faire face. Nous devons tout d’abord, nous les Europée
3390
conscience à la fois plus intime et plus globale
de
l’originalité de notre culture, afin de mieux comprendre ce que nous
3391
fois plus intime et plus globale de l’originalité
de
notre culture, afin de mieux comprendre ce que nous sommes, ce que no
3392
nouvelles, mais au niveau des valeurs créatrices
de
la culture, et non pas au niveau de ses sous-produits. L’originalité
3393
pas au niveau de ses sous-produits. L’originalité
de
la culture européenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas être
3394
, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel
de
sa diffusion mondiale. On nous répète à satiété que la science et la
3395
éé les sciences et la technique, dans le contexte
de
sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est u
3396
te de sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus
de
cette culture. C’est un fait que l’Europe a répandu sur toute la terr
3397
l’Europe a répandu sur toute la terre, au hasard
de
la colonisation, de contacts d’affaires privés ou d’échanges culturel
3398
sur toute la terre, au hasard de la colonisation,
de
contacts d’affaires privés ou d’échanges culturels sporadiques, incro
3399
terre, au hasard de la colonisation, de contacts
d’
affaires privés ou d’échanges culturels sporadiques, incroyablement in
3400
la colonisation, de contacts d’affaires privés ou
d’
échanges culturels sporadiques, incroyablement inorganisés mais mystér
3401
ope n’a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite
d’
équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées, d’innombrables tensio
3402
sagesse régulatrice, faite d’équilibres mouvants,
de
tragédies entrecroisées, d’innombrables tensions, déchirantes et féco
3403
’équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées,
d’
innombrables tensions, déchirantes et fécondes. Ainsi le monde entier
3404
nos machines, nos poisons doctrinaux, nos secrets
de
puissance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas l
3405
t philosophiques, qui expliquent seules la genèse
de
ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composi
3406
nèse de ces produits, et qui seules permettraient
de
les maintenir en composition. Il retourne contre nous ces produits —
3407
’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal
de
l’amour du prochain. On ne peut donc pas encore affirmer que notre cu
3408
nue réellement universelle. Mais on n’en voit pas
d’
autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susc
3409
Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure
d’
y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’ani
3410
ux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle
d’
animer la civilisation née de nos œuvres. Alors, que faire ? que devon
3411
ptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née
de
nos œuvres. Alors, que faire ? que devons-nous faire, nous qui sommes
3412
ous faire, nous qui sommes aussi les « produits »
de
la culture européenne ? Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’a
3413
Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle
de
vision que voici : le sort du monde dépend aujourd’hui de l’Europe, q
3414
n que voici : le sort du monde dépend aujourd’hui
de
l’Europe, qui a inventé le monde dans la mesure exacte où elle a déco
3415
e où elle a découvert le genre humain. Or le sort
de
l’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, au lendemain de la
3416
rt le genre humain. Or le sort de l’Europe dépend
de
son union. L’union de l’Europe, au lendemain de la dernière guerre, a
3417
le sort de l’Europe dépend de son union. L’union
de
l’Europe, au lendemain de la dernière guerre, avait un but précis et
3418
d de son union. L’union de l’Europe, au lendemain
de
la dernière guerre, avait un but précis et limité : empêcher les Fran
3419
t limité : empêcher les Français et les Allemands
de
se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Euro
3420
Ce premier but est parfaitement atteint. L’union
de
l’Europe a maintenant d’autres motifs, beaucoup plus vastes. Il nous
3421
d’abord exister. Certains me diront, et une part
de
moi-même me le répète parfois en sourdine : après tout, que peut bien
3422
onde ? Notre sort personnel, notre salut, le sens
de
notre vie individuelle, n’est-il pas beaucoup plus important ? Questi
3423
qui d’entre nous peut concevoir sa vie et le sens
de
sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de
3424
oir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort
de
l’Europe, dont dépend le sort du monde de demain ? Au xviie siècle d
3425
du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde
de
demain ? Au xviie siècle déjà, Amos Comenius écrivait : « Nous autre
3426
orte pas aujourd’hui nos seuls destins, mais ceux
de
l’humanité entière, embarquée pour la découverte d’elle ne sait quel
3427
l’humanité entière, embarquée pour la découverte
d’
elle ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symbole
3428
pour la découverte d’elle ne sait quel Eldorado,
d’
elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. I
3429
sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison
d’
or, symboles du sens dernier de la vie. Il ne porte pas des fuyards, d
3430
sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier
de
la vie. Il ne porte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’un
3431
orte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés
d’
une catastrophe continentale, mais des pionniers de l’aventure humaine
3432
’une catastrophe continentale, mais des pionniers
de
l’aventure humaine. Et il évoque irrésistiblement le souvenir d’un au
3433
umaine. Et il évoque irrésistiblement le souvenir
d’
un autre moment de cette aventure, les petites caravelles de Colomb, a
3434
ue irrésistiblement le souvenir d’un autre moment
de
cette aventure, les petites caravelles de Colomb, au matin du départ
3435
moment de cette aventure, les petites caravelles
de
Colomb, au matin du départ à Palos de Moguer. Auront-elles la voilure
3436
u bien ne faut-il pas nous demander, plutôt, si l’
homme
qui les conduit a la foi nécessaire ? Beaucoup hésitent encore à s’em
3437
ésitent encore à s’embarquer parce qu’ils doutent
de
l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au
3438
barquer parce qu’ils doutent de l’avenir prochain
de
notre Europe, et de son pouvoir de faire face au grand projet mondial
3439
doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et
de
son pouvoir de faire face au grand projet mondial qu’elle-même a susc
3440
venir prochain de notre Europe, et de son pouvoir
de
faire face au grand projet mondial qu’elle-même a suscité. À ceux qui
3441
tre ; et notre devoir aujourd’hui, est bien moins
de
prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble du genre huma
3442
hui, est bien moins de prévoir notre histoire que
de
la faire, pour l’ensemble du genre humain. 35. Paul Valéry. 36. Me
3443
du genre humain. 35. Paul Valéry. 36. Membres
de
l’Appareil, des cadres du régime. 37. L’Aventure occidentale de l’
3444
s cadres du régime. 37. L’Aventure occidentale
de
l’homme , 1957. s. Rougemont Denis de, « Originalité de la culture
3445
res du régime. 37. L’Aventure occidentale de l’
homme
, 1957. s. Rougemont Denis de, « Originalité de la culture européen
3446
cidentale de l’homme , 1957. s. Rougemont Denis
de
, « Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures
3447
me , 1957. s. Rougemont Denis de, « Originalité
de
la culture européenne comparée aux autres cultures », Caractère et cu
3448
parée aux autres cultures », Caractère et culture
de
l’Europe, Amsterdam, juin 1960, p. 28-34. t. Texte très proche, mais
3449
. t. Texte très proche, mais non sans variantes,
de
celui publié sous le même titre en août 1960.
3450
Allocution
de
Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la cultur
3451
e Rougemont, président du Congrès pour la liberté
de
la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extrait
3452
ongrès pour la liberté de la culture, à la séance
de
clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)u
3453
la liberté de la culture, à la séance de clôture
de
la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)u Au terme d’
3454
a culture, à la séance de clôture de la rencontre
de
Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)u Au terme d’une semaine d’éc
3455
erlin (extraits) (juin-juillet 1960)u Au terme
d’
une semaine d’échanges intellectuels d’une exceptionnelle densité, je
3456
s) (juin-juillet 1960)u Au terme d’une semaine
d’
échanges intellectuels d’une exceptionnelle densité, je pense répondre
3457
Au terme d’une semaine d’échanges intellectuels
d’
une exceptionnelle densité, je pense répondre à l’attente de tous en e
3458
ptionnelle densité, je pense répondre à l’attente
de
tous en essayant de reconsidérer la nature, la fonction de notre Cong
3459
je pense répondre à l’attente de tous en essayant
de
reconsidérer la nature, la fonction de notre Congrès et les idéaux qu
3460
n essayant de reconsidérer la nature, la fonction
de
notre Congrès et les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple sera de r
3461
t les idéaux qui l’inspirent. Le plus simple sera
de
reprendre les trois termes qui forment notre titre : Congrès, Liberté
3462
u’il a tenu des réunions successivement dans plus
de
vingt-cinq pays sur les cinq continents — mais voici le point importa
3463
un front discipliné mais un simple rassemblement
d’
hommes de culture qui se veulent à la fois libres et responsables deva
3464
n front discipliné mais un simple rassemblement d’
hommes
de culture qui se veulent à la fois libres et responsables devant eux
3465
discipliné mais un simple rassemblement d’hommes
de
culture qui se veulent à la fois libres et responsables devant eux-mê
3466
nférence à Berlin, il y a dix ans, ils décidèrent
de
se grouper afin de créer ainsi, en cas d’urgence et au service des li
3467
idèrent de se grouper afin de créer ainsi, en cas
d’
urgence et au service des libertés de l’esprit partout où elles sont a
3468
insi, en cas d’urgence et au service des libertés
de
l’esprit partout où elles sont attaquées, une certaine force de frapp
3469
rtout où elles sont attaquées, une certaine force
de
frappe, de protestation efficace. Mais aussi, ils éprouvèrent le beso
3470
les sont attaquées, une certaine force de frappe,
de
protestation efficace. Mais aussi, ils éprouvèrent le besoin de se gr
3471
n efficace. Mais aussi, ils éprouvèrent le besoin
de
se grouper pour dialoguer et réfléchir ensemble sur les immenses prob
3472
r au plus pressé, secourir les persécutés accusés
de
liberté d’esprit,— et nous l’avons fait. Mais nous voyons bien, aujou
3473
ressé, secourir les persécutés accusés de liberté
d’
esprit,— et nous l’avons fait. Mais nous voyons bien, aujourd’hui, que
3474
es que vous savez. Elles viennent de la misère et
de
la faim pour une large partie de l’humanité. Elles viennent aussi des
3475
de la misère et de la faim pour une large partie
de
l’humanité. Elles viennent aussi des formes de vie matérialistes que
3476
ie de l’humanité. Elles viennent aussi des formes
de
vie matérialistes que notre civilisation occidentale propage aveuglém
3477
et qui, sous les meilleurs prétextes, comme celui
de
nourrir les corps et de réduire des misères matérielles, bouleversent
3478
rs prétextes, comme celui de nourrir les corps et
de
réduire des misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de cu
3479
es viennent enfin, ces menaces contre la liberté,
de
la misère morale où vivent (en Occident au moins autant que dans les
3480
pays techniquement non développés) des centaines
de
millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver u
3481
quement non développés) des centaines de millions
d’
êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leu
3482
millions d’êtres humains qui souffrent avant tout
de
ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, da
3483
rouver un sens à leur vie individuelle. L’absence
de
sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce
3484
e de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût
de
la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un
3485
là ce qui ruine le plus insidieusement la dignité
d’
un homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un ho
3486
qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un
homme
et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou u
3487
nsidieusement la dignité d’un homme et sa passion
de
lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient
3488
sion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un
homme
ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de s
3489
vient à constater que sa vie personnelle n’a pas
de
sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictature s’ava
3490
e personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un
de
ses points d’appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper.
3491
n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points
d’
appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper. C’est ici qu’
3492
re, c’est tout d’abord : transmettre des recettes
de
vie, des connaissances et des significations, relier les sentiments,
3493
sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’
homme
de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuv
3494
chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme
de
se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve e
3495
es symboles. Mais la sécurité n’est que la moitié
de
l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’inquiétude, une c
3496
besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect
de
la culture, qui n’est plus seulement transmission mais critique et ru
3497
ement initiation mais invention. Ces deux aspects
de
la culture peuvent devenir également dangereux pour l’homme et pour s
3498
ulture peuvent devenir également dangereux pour l’
homme
et pour sa liberté réelle, s’ils restent séparés, isolés l’un de l’au
3499
iberté réelle, s’ils restent séparés, isolés l’un
de
l’autre. En revanche, équilibrées et combinées, tradition et innovati
3500
trouve que la plupart des conférences et groupes
d’
études organisés par le Congrès portent précisément ce titre général :
3501
s, il faut que la culture vivante recrée pour les
hommes
de ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités hu
3502
aut que la culture vivante recrée pour les hommes
de
ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humai
3503
pliquées, la pensée et l’action en somme, cessent
de
se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies
3504
uliser mutuellement, comme c’est le cas dans trop
de
nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci
3505
’échelle mondiale aussi que les diverses facultés
de
l’homme peuvent retrouver et rassembler leurs grands symboles : — cel
3506
lle mondiale aussi que les diverses facultés de l’
homme
peuvent retrouver et rassembler leurs grands symboles : — celles du c
3507
bler leurs grands symboles : — celles du corps et
de
l’intellect (d’où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ; —
3508
s symboles : — celles du corps et de l’intellect (
d’
où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme
3509
ique) dont s’occupe surtout l’Occident ; — celles
de
l’âme vitale que l’Afrique a le mieux préservées (par le chant, par l
3510
t, par la danse, le rythme, l’émotion) ; — celles
de
l’esprit enfin, apanage millénaire de l’Inde traditionnelle. C’est po
3511
; — celles de l’esprit enfin, apanage millénaire
de
l’Inde traditionnelle. C’est pourquoi nous devons attacher tant de pr
3512
art entre représentants des arts, des sciences et
de
la sociologie, contacts d’autre part entre les représentants des cinq
3513
x cultures continentales qui vivent dans le monde
d’
aujourd’hui : leurs confrontations amicales les orientent, toujours pl
3514
nt, toujours plus consciemment, vers la recherche
d’
une sagesse globale. En situant le Congrès comme je viens de le faire,
3515
ique, nous n’y échapperons pas, et il est inutile
d’
insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toute
3516
r ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne
de
toute part. Mais nous refusons d’accorder à la politique cette valeur
3517
elle nous cerne de toute part. Mais nous refusons
d’
accorder à la politique cette valeur absolue de fin en soi que lui don
3518
ns d’accorder à la politique cette valeur absolue
de
fin en soi que lui donnent les totalitaires — tant qu’un jour il n’y
3519
totalitaires — tant qu’un jour il n’y a plus rien
d’
autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles éc
3520
à mains nues contre les tanks, symboles écrasants
de
la politique totale et absolutisée. u. Rougemont Denis de, « Alloc
3521
ique totale et absolutisée. u. Rougemont Denis
de
, « Allocution de Denis de Rougemont, à la séance de clôture de la ren
3522
solutisée. u. Rougemont Denis de, « Allocution
de
Denis de Rougemont, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin
3523
, « Allocution de Denis de Rougemont, à la séance
de
clôture de la rencontre de Berlin (extraits) », Informations. Congrès
3524
ion de Denis de Rougemont, à la séance de clôture
de
la rencontre de Berlin (extraits) », Informations. Congrès pour la li
3525
Rougemont, à la séance de clôture de la rencontre
de
Berlin (extraits) », Informations. Congrès pour la liberté de la cult
3526
xtraits) », Informations. Congrès pour la liberté
de
la culture, Paris, juin–juillet 1960, p. 2.
3527
La liberté et le sens
de
la vie (8 juillet 1960)v w Nous voyons bien, aujourd’hui, que les
3528
les libertés ne viennent pas seulement des formes
de
vie matérialistes que notre civilisation occidentale propage aveuglém
3529
et qui, sous les meilleurs prétextes, comme celui
de
nourrir les corps et de réduire des misères matérielles, bouleversent
3530
rs prétextes, comme celui de nourrir les corps et
de
réduire des misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de cu
3531
es viennent enfin, ces menaces contre la liberté,
de
la misère morale où vivent (en Occident au moins autant que dans les
3532
pays techniquement non développés) des centaines
de
millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver u
3533
quement non développés) des centaines de millions
d’
êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leu
3534
millions d’êtres humains qui souffrent avant tout
de
ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, da
3535
rouver un sens à leur vie individuelle. L’absence
de
sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce
3536
e de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût
de
la liberté, voilà ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un
3537
là ce qui ruine le plus insidieusement la dignité
d’
un homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un ho
3538
qui ruine le plus insidieusement la dignité d’un
homme
et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou u
3539
nsidieusement la dignité d’un homme et sa passion
de
lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient
3540
sion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un
homme
ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de s
3541
vient à constater que sa vie personnelle n’a pas
de
sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictature s’ava
3542
e personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un
de
ses points d’appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper.
3543
n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points
d’
appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occuper. C’est ici qu’
3544
ses définitions, que là aussi vous me permettrez
d’
être assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la conc
3545
là aussi vous me permettrez d’être assez bref, et
de
me borner à quelques traits définissant la conception de la culture q
3546
orner à quelques traits définissant la conception
de
la culture que je vois pratiquée par ce Congrès. La culture c’est t
3547
t situer Le pire danger, c’est donc l’absence
de
sens : le sentiment de l’absurdité d’une vie sans but. Or la culture,
3548
nger, c’est donc l’absence de sens : le sentiment
de
l’absurdité d’une vie sans but. Or la culture, c’est justement l’ense
3549
c l’absence de sens : le sentiment de l’absurdité
d’
une vie sans but. Or la culture, c’est justement l’ensemble des activi
3550
re, c’est tout d’abord : transmettre des recettes
de
vie, des connaissances et des significations, relier les sentiments,
3551
sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’
homme
de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuv
3552
chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme
de
se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve e
3553
es symboles. Mais la sécurité n’est que la moitié
de
l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté, l’inquiétude, une c
3554
besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect
de
la culture, qui n’est plus seulement transmission mais critique et ru
3555
ement initiation mais invention. Ces deux aspects
de
la culture peuvent devenir également dangereux pour l’homme et pour s
3556
ulture peuvent devenir également dangereux pour l’
homme
et pour sa liberté réelle, s’ils restent séparés, isolés l’un de l’au
3557
iberté réelle, s’ils restent séparés, isolés l’un
de
l’autre. En revanche, équilibrées et combinées, tradition et innovati
3558
trouve que la plupart des conférences et groupes
d’
études organisés par le Congrès portent précisément ce titre général :
3559
s, il faut que la culture vivante recrée pour les
hommes
de ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités hu
3560
aut que la culture vivante recrée pour les hommes
de
ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humai
3561
pliquées, la pensée et l’action en somme, cessent
de
se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies
3562
uliser mutuellement, comme c’est le cas dans trop
de
nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci
3563
’échelle mondiale aussi que les diverses facultés
de
l’homme peuvent retrouver et rassembler leurs grands symboles : — cel
3564
lle mondiale aussi que les diverses facultés de l’
homme
peuvent retrouver et rassembler leurs grands symboles : — celles du c
3565
bler leurs grands symboles : — celles du corps et
de
l’intellect (d’où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ; —
3566
s symboles : — celles du corps et de l’intellect (
d’
où la technique) dont s’occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme
3567
ique) dont s’occupe surtout l’Occident ; — celles
de
l’âme vitale que l’Afrique a le mieux préservée (par le chant, par la
3568
t, par la danse, le rythme, l’émotion) ; — celles
de
l’esprit enfin, apanage millénaire de l’Inde traditionnelle. C’est p
3569
; — celles de l’esprit enfin, apanage millénaire
de
l’Inde traditionnelle. C’est pourquoi nous devons attacher tant de p
3570
art entre représentants des arts, des sciences et
de
la sociologie, contacts d’autre part entre les représentants des cinq
3571
x cultures continentales qui vivent dans le monde
d’
aujourd’hui : leurs confrontations amicales les orientent, toujours pl
3572
nt, toujours plus consciemment, vers la recherche
d’
une sagesse globale. Voilà pour les trois termes qui forment notre tit
3573
forment notre titre. J’en déduis que la fonction
de
notre Congrès, tel qu’il est devenu depuis dix ans, s’élargissant pro
3574
t aux dimensions du monde entier, est désormais :
d’
organiser un ample effort de réflexions entre intellectuels du monde e
3575
tier, est désormais : d’organiser un ample effort
de
réflexions entre intellectuels du monde entier sur les problèmes que
3576
atif et culturel, dans les conditions différentes
de
l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie, du Proche-Orient et des deux Améri
3577
rel, dans les conditions différentes de l’Europe,
de
l’Afrique, de l’Asie, du Proche-Orient et des deux Amériques ; mais c
3578
conditions différentes de l’Europe, de l’Afrique,
de
l’Asie, du Proche-Orient et des deux Amériques ; mais ceci dans la pe
3579
raies libertés humaines. On nous demande souvent,
de
tous côtés : Êtes-vous un mouvement politique ? Il me semble que le c
3580
le que le commentaire que je viens de vous donner
de
nos buts répond suffisamment à cette question. Mais on insiste, la pr
3581
ou cela… J’insisterai donc à mon tour. Au-delà
de
la politique : Liberté, Progrès et Bien En situant le Congrès comm
3582
ique, nous n’y échapperons pas, et il est inutile
d’
insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous cerne de toutes
3583
le nous cerne de toutes parts. Mais nous refusons
d’
accorder à la politique cette valeur absolue de fin en soi que lui don
3584
ns d’accorder à la politique cette valeur absolue
de
fin en soi que lui donnent les totalitaires, tant qu’un jour il n’y a
3585
totalitaires, tant qu’un jour il n’y a plus rien
d’
autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles éc
3586
à mains nues contre les tanks, symboles écrasants
de
la politique totale et absolutisée. La politique doit rester pour nou
3587
e foi. Et alors, la liberté serait-elle du nombre
de
ces fins dernières, serait-elle à son tour un absolu ? Non, certes, m
3588
ntation continuelle des possibilités, pour chaque
homme
, de courir son risque personnel, de donner un sens à sa vie tant de t
3589
continuelle des possibilités, pour chaque homme,
de
courir son risque personnel, de donner un sens à sa vie tant de trava
3590
our chaque homme, de courir son risque personnel,
de
donner un sens à sa vie tant de travail que de loisir, et tant d’acti
3591
l, de donner un sens à sa vie tant de travail que
de
loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’est point par des st
3592
s à sa vie tant de travail que de loisir, et tant
d’
action que de méditation. Ce n’est point par des statistiques, portant
3593
nt de travail que de loisir, et tant d’action que
de
méditation. Ce n’est point par des statistiques, portant sur les résu
3594
t par des statistiques, portant sur les résultats
d’
un régime ou d’une institution, que se mesure en fin de compte le degr
3595
stiques, portant sur les résultats d’un régime ou
d’
une institution, que se mesure en fin de compte le degré de liberté at
3596
titution, que se mesure en fin de compte le degré
de
liberté atteint par l’homme dans telle ou telle société. Mais c’est p
3597
n fin de compte le degré de liberté atteint par l’
homme
dans telle ou telle société. Mais c’est par la nature et par la quali
3598
ciété. Mais c’est par la nature et par la qualité
de
chances ménagées à chacun de courir sa propre aventure et d’affronter
3599
re et par la qualité de chances ménagées à chacun
de
courir sa propre aventure et d’affronter le mystère de sa personne. T
3600
ménagées à chacun de courir sa propre aventure et
d’
affronter le mystère de sa personne. Telle est la fin dernière de tout
3601
urir sa propre aventure et d’affronter le mystère
de
sa personne. Telle est la fin dernière de toute communauté, et la seu
3602
mystère de sa personne. Telle est la fin dernière
de
toute communauté, et la seule mesure qui permette de juger qu’une for
3603
toute communauté, et la seule mesure qui permette
de
juger qu’une forme de vie ou un système d’institution n’apportent pas
3604
a seule mesure qui permette de juger qu’une forme
de
vie ou un système d’institution n’apportent pas seulement un Progrès,
3605
rmette de juger qu’une forme de vie ou un système
d’
institution n’apportent pas seulement un Progrès, mais un Bien. v.
3606
un Progrès, mais un Bien. v. Rougemont Denis
de
, « La liberté et le sens de la vie », France catholique, Paris, juill
3607
v. Rougemont Denis de, « La liberté et le sens
de
la vie », France catholique, Paris, juillet 1960, p. 1 et 6. w. Prés
3608
est), le 3e Congrès international pour la liberté
de
la culture. Parmi les délégués des différentes nations on notait la p
3609
ués des différentes nations on notait la présence
de
MM. Oppenheimer, le grand savant atomiste, et George Kennan, ancien a
3610
bassadeur à Moscou, pour les États-Unis, entourés
d’
éminents universitaires américains, de MM. Salvador de Madariaga, anci
3611
s, entourés d’éminents universitaires américains,
de
MM. Salvador de Madariaga, ancien ambassadeur l’Espagne, Michaël Pola
3612
pagne, Michaël Polanyi, professeur à l’Université
d’
Oxford, Carlo Schmidt, vice-président du Bundestag, etc. Dans la délég
3613
rtrand de Jouvenel ; Jean de Fabrègues, directeur
de
la France catholique ; Jean Duvignaud, du CNRS ; Manès Sperber, etc.
3614
naud, du CNRS ; Manès Sperber, etc. La conférence
de
clôture de M. Denis de Rougemont, directeur du Centre culturel du Con
3615
RS ; Manès Sperber, etc. La conférence de clôture
de
M. Denis de Rougemont, directeur du Centre culturel du Conseil de l’E
3616
[sic], a été particulièrement remarquée. L’auteur
de
L’Aventure spirituelle de l’Occident [sic] a bien voulu en confier
3617
nt remarquée. L’auteur de L’Aventure spirituelle
de
l’Occident [sic] a bien voulu en confier la publication en primeur à
3618
Originalité
de
la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)x y
3619
jamais ailleurs, qu’il m’est arrivé bien souvent
d’
entendre prononcer la phrase suivante : « Une culture européenne, ça n
3620
entendue qu’en Europe et seulement dans la bouche
d’
Européens, nous fournit, paradoxalement, une première définition de l’
3621
fournit, paradoxalement, une première définition
de
l’originalité de notre continent. Un homme qui nie que l’Europe exist
3622
alement, une première définition de l’originalité
de
notre continent. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait
3623
éfinition de l’originalité de notre continent. Un
homme
qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait une culture commune ne sau
3624
Américain, mais seulement un Européen. Examinons
d’
un peu plus près ce paradoxe. I. Les intellectuels sceptiques et les a
3625
s sceptiques et les adversaires déclarés (ou non)
de
l’union européenne ont coutume d’affirmer simultanément les deux prop
3626
clarés (ou non) de l’union européenne ont coutume
d’
affirmer simultanément les deux propositions contradictoires que voici
3627
que voici. Ils affirment primo : qu’il n’y a pas
de
culture européenne commune, mais seulement des cultures nationales, c
3628
ils affirment secundo : qu’il ne saurait y avoir
de
culture spécifiquement européenne, car, disent-ils encore, toute vrai
3629
fférents pour pouvoir constituer jamais une unité
de
culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les plus vulg
3630
nt portés à la philosophie, belliqueux et buveurs
de
bière, les Français ne pensent qu’à l’amour, les Suisses sont des pay
3631
sur une connaissance trop méticuleuse ou pédante
de
nos diversités, sur une expérience vécue jusqu’à l’irritation, du tem
3632
ion, du tempérament, des coutumes et des préjugés
de
nos voisins. La seconde attitude, celle qui fait dire que nous n’avon
3633
ttitude, celle qui fait dire que nous n’avons pas
de
problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du monde, s’expliq
3634
n’avons pas de problèmes spécifiques, différents
de
ceux du reste du monde, s’explique par une glorieuse méconnaissance d
3635
que par une glorieuse méconnaissance des réalités
de
ce reste du monde. La première attitude est en somme celle d’un myope
3636
du monde. La première attitude est en somme celle
d’
un myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il est d’autant plus cu
3637
t en somme celle d’un myope, et la seconde, celle
d’
un presbyte. (Il est d’autant plus curieux de les trouver souvent réun
3638
yope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il est
d’
autant plus curieux de les trouver souvent réunies chez un même indivi
3639
elle d’un presbyte. (Il est d’autant plus curieux
de
les trouver souvent réunies chez un même individu…) Essayons maintena
3640
unies chez un même individu…) Essayons maintenant
de
corriger notre vision. Éloignons-nous de l’Europe, physiquement ou pa
3641
intenant de corriger notre vision. Éloignons-nous
de
l’Europe, physiquement ou par la pensée ; écoutons ce que nous en dis
3642
; écoutons ce que nous en disent les observateurs
d’
outre-mer. Nous en viendrons très vite à la constatation suivante, qui
3643
hèse : Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue
de
l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture
3644
du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie,
de
l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’impose i
3645
sie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité
de
notre culture s’impose immédiatement et sans hésitation à l’esprit de
3646
mpose immédiatement et sans hésitation à l’esprit
de
ceux qui l’observent, que ce soit en amis ou en ennemis, et peut-être
3647
e surtout en ennemis ! À ceux qui seraient tentés
de
nier, à priori, l’originalité de notre culture et le fait qu’elle nou
3648
seraient tentés de nier, à priori, l’originalité
de
notre culture et le fait qu’elle nous est commune du Cap Nord au Pélo
3649
le nous est commune du Cap Nord au Péloponnèse et
de
Madrid à Varsovie, je répondrai d’un seul mot : Voyagez ! Quittez l’E
3650
Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai
d’
un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvrirez ! Et dès
3651
r. Ne serait-ce pas, précisément, la multiplicité
de
nos différences — régionales et nationales, religieuses et morales, p
3652
nalité, la spécificité et la communauté — l’unité
de
notre culture ? Pendant une table ronde que je présidais à Rome, il y
3653
ées, agacé par les objections que l’on ne cessait
d’
opposer à l’idée même d’une unité de la culture européenne, j’ai noté
3654
tions que l’on ne cessait d’opposer à l’idée même
d’
une unité de la culture européenne, j’ai noté la phrase suivante, que
3655
on ne cessait d’opposer à l’idée même d’une unité
de
la culture européenne, j’ai noté la phrase suivante, que j’ai plus d’
3656
enne, j’ai noté la phrase suivante, que j’ai plus
d’
une fois citée et publiée depuis : L’Européen ne serait-il pas cet ho
3657
publiée depuis : L’Européen ne serait-il pas cet
homme
étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesure précise où il
3658
et prétend au contraire s’identifier soit avec l’
homme
universel, soit avec l’homme d’une seule nation du grand complexe eur
3659
entifier soit avec l’homme universel, soit avec l’
homme
d’une seule nation du grand complexe européen, dont il révèle ainsi q
3660
er soit avec l’homme universel, soit avec l’homme
d’
une seule nation du grand complexe européen, dont il révèle ainsi qu’i
3661
fait qu’il le conteste ? C’est donc dans le fait
de
notre exceptionnelle diversité, non pas subie mais jalousement revend
3662
, que l’on peut voir le signe et la démonstration
de
l’originalité de notre culture. Mais cela n’apparaîtra clairement et
3663
oir le signe et la démonstration de l’originalité
de
notre culture. Mais cela n’apparaîtra clairement et ne deviendra vrai
3664
convaincant, que si nous comparons notre formule
de
l’unité paradoxale — j’entends de l’unité dans la diversité — avec d’
3665
s notre formule de l’unité paradoxale — j’entends
de
l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité qui ont ré
3666
’unité dans la diversité — avec d’autres formules
d’
unité qui ont régné sur d’autres cultures, ou que certains régimes con
3667
es, ou que certains régimes contemporains tentent
d’
imposer à la culture de leurs sujets. 3. Esquissons cette comparaison,
3668
imes contemporains tentent d’imposer à la culture
de
leurs sujets. 3. Esquissons cette comparaison, limitée pour l’instant
3669
comparaison, limitée pour l’instant aux formules
d’
unité. Si nous considérons les cultures de l’Antiquité et les cultures
3670
ormules d’unité. Si nous considérons les cultures
de
l’Antiquité et les cultures extraeuropéennes qui subsistent encore ou
3671
aeuropéennes qui subsistent encore ou qui tentent
de
se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien dis
3672
qui subsistent encore ou qui tentent de se former
de
nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien distinctes. Dans
3673
ines cultures, surtout antiques, l’unité provient
d’
une origine unique, ou d’un grand principe formateur et d’une continue
3674
tiques, l’unité provient d’une origine unique, ou
d’
un grand principe formateur et d’une continuelle référence à cette sou
3675
igine unique, ou d’un grand principe formateur et
d’
une continuelle référence à cette source, qui assure la cohérence et l
3676
andis que dans d’autres cultures, l’unité résulte
d’
un décret du Pouvoir, d’une uniformité imposée par la force. Donc, d’u
3677
cultures, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir,
d’
une uniformité imposée par la force. Donc, d’une part unité traditionn
3678
elle, originelle, innée à la culture et découlant
de
son passé, d’autre part, unité synthétique imposée comme un cadre rig
3679
Pour fixer les idées, et sans vouloir entrer dans
de
périlleuses analyses, j’illustrerai la première formule par les noms
3680
s, j’illustrerai la première formule par les noms
de
quelques civilisations fondées sur le Sacré (das Heilige, the Holy),
3681
ur le Sacré (das Heilige, the Holy), comme celles
de
Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des
3682
é (das Heilige, the Holy), comme celles de Sumer,
de
l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, pui
3683
comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons,
de
l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèques ; tandis qu
3684
du national-socialisme et du fascisme) serviront
d’
exemples pour la deuxième formule. Il suffira, je crois, de ces brèves
3685
s pour la deuxième formule. Il suffira, je crois,
de
ces brèves indications, pour faire bien voir que la formule de l’unit
3686
indications, pour faire bien voir que la formule
de
l’unité, originelle, à base de traditions sacrées, et la formule de l
3687
elle, à base de traditions sacrées, et la formule
de
l’unification contrainte, à base de décrets étatiques, sont en violen
3688
e avec les réalités et principes caractéristiques
de
la culture européenne. La première vise à maintenir et la seconde à é
3689
te et presque informulable, que dans le libre jeu
de
ses diversités. Mais il est temps de nous demander d’où proviennent
3690
e libre jeu de ses diversités. Mais il est temps
de
nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités, et comment il
3691
s diversités. Mais il est temps de nous demander
d’
où proviennent ces fameuses diversités, et comment il se fait que l’Eu
3692
les multiplie comme à plaisir, au lieu d’essayer
de
les réduire. La réponse me paraît assez simple. Les diversités caract
3693
aît assez simple. Les diversités caractéristiques
de
la culture européenne s’expliquent historiquement par la pluralité de
3694
uent historiquement par la pluralité des origines
de
notre civilisation ; et elles sont entretenues ou renouvelées sans ce
3695
ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré
de
toute doctrine unique et unifiante, imposée par une force extérieure
3696
ée par une force extérieure au mouvement spontané
de
la culture. Nous tous, que nous le sachions ou non et que nous l’acce
3697
ythes gouvernant nos sentiments et par nos formes
de
pensée, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois vil
3698
rnant nos sentiments et par nos formes de pensée,
d’
Athènes, de Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustr
3699
entiments et par nos formes de pensée, d’Athènes,
de
Rome et de Jérusalem, et derrière ces trois villes illustres, du Proc
3700
t par nos formes de pensée, d’Athènes, de Rome et
de
Jérusalem, et derrière ces trois villes illustres, du Proche-Orient s
3701
trois villes illustres, du Proche-Orient sémite,
de
l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du m
3702
illustres, du Proche-Orient sémite, de l’Iran, et
de
l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du monde celtique
3703
nes, se sont produits au cours des siècles autant
de
conflits non encore résolus que de synthèses fécondes, mais toujours
3704
siècles autant de conflits non encore résolus que
de
synthèses fécondes, mais toujours provisoires. Entre l’homme grec, as
3705
èses fécondes, mais toujours provisoires. Entre l’
homme
grec, astucieux et critique, le citoyen romain obéissant à la raison
3706
critique, le citoyen romain obéissant à la raison
d’
État, le fidèle chrétien obéissant à la déraison de la foi, le guerrie
3707
itique, le citoyen romain obéissant à la raison d’
État
, le fidèle chrétien obéissant à la déraison de la foi, le guerrier ge
3708
’État, le fidèle chrétien obéissant à la déraison
de
la foi, le guerrier germain qui se sent libre quand il touche son épé
3709
e romantique et magique — et nous descendons tous
de
la plupart d’entre eux, par les coutumes conscientes et inconscientes
3710
ntes autant et plus que par les chromosomes — que
de
contradictions insurmontables, de luttes meurtrières, de compromis bo
3711
romosomes — que de contradictions insurmontables,
de
luttes meurtrières, de compromis boiteux, de polémiques subtiles ou p
3712
radictions insurmontables, de luttes meurtrières,
de
compromis boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et d’allianc
3713
les, de luttes meurtrières, de compromis boiteux,
de
polémiques subtiles ou passionnées et d’alliances imprévues, infinime
3714
boiteux, de polémiques subtiles ou passionnées et
d’
alliances imprévues, infiniment variées selon les temps et les lieux e
3715
mps et les lieux et toujours remises en question.
De
cet immense complexe de tensions, défiant toute description définitiv
3716
ours remises en question. De cet immense complexe
de
tensions, défiant toute description définitive, voyons maintenant se
3717
avons découvert et conquis, ou en tout cas marqué
de
notre empreinte le monde entier, nous qui n’habitons après tout qu’un
3718
% des terres du Globe, c’est bien à la complexité
de
nos origines culturelles que nous le devons, aux conflits spirituels,
3719
dira providentiels ou matériels, selon les écoles
de
pensée, ont pu jouer. Mais la diversité de nos origines et leur discu
3720
écoles de pensée, ont pu jouer. Mais la diversité
de
nos origines et leur discussion millénaire suffisent dans tous les ca
3721
naire suffisent dans tous les cas à rendre compte
d’
un dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. 4.
3722
je viens de dire sur la complexité indescriptible
de
notre civilisation, pensant avoir payé un tribut suffisant aux élémen
3723
communs et permanents, les caractères spécifiques
de
la culture européenne ; j’entends les caractères par lesquels cette c
3724
s — lesquelles ont d’ailleurs en commun l’unicité
de
leur principe de formation ou de réglementation forcée. Comparée à ce
3725
t d’ailleurs en commun l’unicité de leur principe
de
formation ou de réglementation forcée. Comparée à ces deux groupes de
3726
commun l’unicité de leur principe de formation ou
de
réglementation forcée. Comparée à ces deux groupes de cultures unitai
3727
églementation forcée. Comparée à ces deux groupes
de
cultures unitaires, celle de l’Europe nous apparaît immédiatement com
3728
e à ces deux groupes de cultures unitaires, celle
de
l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et pr
3729
nt comme à la fois pluraliste et profane. Culture
de
dialogue et de contestation, du seul fait de ses origines multiples,
3730
ois pluraliste et profane. Culture de dialogue et
de
contestation, du seul fait de ses origines multiples, et des valeurs
3731
ture de dialogue et de contestation, du seul fait
de
ses origines multiples, et des valeurs souvent incompatibles qu’elle
3732
a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie
d’
unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous s
3733
nts que ceux que nous vivons. Cependant, cet état
de
polémique permanente portant sur les principes fondamentaux de toute
3734
permanente portant sur les principes fondamentaux
de
toute culture ou civilisation n’a pas produit seulement de l’anarchie
3735
culture ou civilisation n’a pas produit seulement
de
l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites, et par elles la
3736
e je voudrais appeler les trois vertus cardinales
de
l’Europe : le sens de la vérité objective, le sens de la responsabili
3737
les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens
de
la vérité objective, le sens de la responsabilité personnelle, et le
3738
’Europe : le sens de la vérité objective, le sens
de
la responsabilité personnelle, et le sens de la liberté. Ces trois ve
3739
sens de la responsabilité personnelle, et le sens
de
la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuell
3740
ré religieux ou le sacré politico-social. Le sens
de
la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes hériti
3741
Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes
de
la mathématique et de l’astronomie élaborées par les civilisations du
3742
iers des premiers principes de la mathématique et
de
l’astronomie élaborées par les civilisations du Proche-Orient. Mais i
3743
et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire
d’
illusions flatteuses, d’à peu près, opportunistes ou sentimentaux, de
3744
uvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses,
d’
à peu près, opportunistes ou sentimentaux, de wishful thinking. Cette
3745
ses, d’à peu près, opportunistes ou sentimentaux,
de
wishful thinking. Cette exigence de vérité, de véracité à tout prix,
3746
sentimentaux, de wishful thinking. Cette exigence
de
vérité, de véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos
3747
x, de wishful thinking. Cette exigence de vérité,
de
véracité à tout prix, sera le moteur non seulement de nos recherches
3748
éracité à tout prix, sera le moteur non seulement
de
nos recherches philosophiques, mais aussi de nos sciences exactes. El
3749
ment de nos recherches philosophiques, mais aussi
de
nos sciences exactes. Elle développera dans nos élites intellectuelle
3750
ellectuelles le sens critique, au nom d’un absolu
de
vérité qui s’opposera plus tard au christianisme même en tant que vér
3751
aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même
de
la coexistence de nos diverses origines, en perpétuelle session contr
3752
plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence
de
nos diverses origines, en perpétuelle session contradictoire. Ainsi p
3753
’expliquer les motifs religieux et philosophiques
d’
un des caractères les plus indiscutables de notre culture : le sens de
3754
hiques d’un des caractères les plus indiscutables
de
notre culture : le sens de la vérité, qui a pour corollaire le sens c
3755
les plus indiscutables de notre culture : le sens
de
la vérité, qui a pour corollaire le sens critique, et qui a permis le
3756
araître banal à un Européen élevé dans le respect
de
la vérité dite objective, de la simple véracité, et du recours aux pr
3757
levé dans le respect de la vérité dite objective,
de
la simple véracité, et du recours aux preuves par neuf. L’Asie et l’A
3758
neuf. L’Asie et l’Afrique ignorent cette exigence
de
l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracit
3759
la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
de
tout autres critères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un i
3760
s leur proposent de tout autres critères que ceux
de
la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiff
3761
de plus nos calculs… Deuxième caractère original
de
notre culture : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’enraci
3762
ème caractère original de notre culture : le sens
de
la responsabilité personnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienn
3763
sonnelle. Il s’enracine dans la notion chrétienne
de
la personne humaine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre de
3764
n chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dire
de
l’individu qui doit répondre de ses actes à la fois devant Dieu et de
3765
ine, c’est-à-dire de l’individu qui doit répondre
de
ses actes à la fois devant Dieu et devant la société, donc devant son
3766
mais décisive pour le sens qu’il donne à sa vie.
D’
où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture
3767
donne à sa vie. D’où résulte une double exigence
de
recueillement en soi et d’ouverture au monde, de méditation et d’acti
3768
te une double exigence de recueillement en soi et
d’
ouverture au monde, de méditation et d’action, ou, traduit en langage
3769
de recueillement en soi et d’ouverture au monde,
de
méditation et d’action, ou, traduit en langage plus moderne : de lois
3770
en soi et d’ouverture au monde, de méditation et
d’
action, ou, traduit en langage plus moderne : de loisir vraiment libre
3771
t d’action, ou, traduit en langage plus moderne :
de
loisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me d
3772
ngage plus moderne : de loisir vraiment libre, et
de
travail. Voilà encore une banalité, me dira-t-on. Mais comparons, une
3773
l productif et collectif, qui devient le seul but
de
la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matéri
3774
sans relation directe ou immédiate avec le salut
de
la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur de la vie, et le sens
3775
de la personne, le bonheur, la sagesse, la saveur
de
la vie, et le sens même de chaque vie. Les cultures traditionnelles a
3776
la sagesse, la saveur de la vie, et le sens même
de
chaque vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’exigent guèr
3777
res traditionnelles au contraire, n’exigent guère
de
l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme
3778
l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’
homme
n’est pas responsable. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux
3779
magie, les sorciers ou les dieux ont tout réglé.
D’
où la paresse immense de l’Asie et de l’Afrique — le climat tropical n
3780
les dieux ont tout réglé. D’où la paresse immense
de
l’Asie et de l’Afrique — le climat tropical n’explique pas tout, loin
3781
tout réglé. D’où la paresse immense de l’Asie et
de
l’Afrique — le climat tropical n’explique pas tout, loin de là ! Et l
3782
ys « sous-développés » revendiquent à grands cris
de
haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nou
3783
u’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit
de
leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure de vous secourir mat
3784
leur dire : si nous, Européens, sommes en mesure
de
vous secourir matériellement, c’est à cause du travail acharné que no
3785
votre misère est fort bien tolérée par la sagesse
de
vos élites, qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’elle ref
3786
as « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu
de
reconsidérer de part et d’autre la relation entre les croyances fonda
3787
e and have it » et qu’il y a lieu de reconsidérer
de
part et d’autre la relation entre les croyances fondamentales de nos
3788
it » et qu’il y a lieu de reconsidérer de part et
d’
autre la relation entre les croyances fondamentales de nos cultures et
3789
tre la relation entre les croyances fondamentales
de
nos cultures et le genre de vie que ces cultures permettent — soit po
3790
oyances fondamentales de nos cultures et le genre
de
vie que ces cultures permettent — soit pour modifier cette relation,
3791
mieux conscience. Le troisième caractère original
de
la culture européenne, c’est le sens de la liberté. Il est clair que
3792
original de la culture européenne, c’est le sens
de
la liberté. Il est clair que ce sens est étroitement lié à celui de l
3793
est clair que ce sens est étroitement lié à celui
de
la responsabilité personnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
3794
onnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un
homme
n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable d
3795
re que dans la seule mesure où il est responsable
de
son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsab
3796
son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un
homme
pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils sont fa
3797
se, on ne saurait tenir un homme pour responsable
de
ses actes que dans la seule mesure où ils sont faits librement. Notre
3798
le mesure où ils sont faits librement. Notre sens
de
la liberté est aussi complexe que le sont nos origines. Car la libert
3799
térieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est
d’
être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à par
3800
uement, c’est d’être armé ; pour le Romain, c’est
de
jouir des droits du citoyen à part entière — et tous ces éléments spi
3801
nt et permutent à doses variables dans notre idée
de
la liberté. Il n’est pas de concept plus difficile à définir, ni plus
3802
ables dans notre idée de la liberté. Il n’est pas
de
concept plus difficile à définir, ni plus facile à nier en théorie, e
3803
ni plus facile à nier en théorie, et il n’est pas
d’
idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation, de tou
3804
d’idée plus exaltante en fait pour les Européens
de
toute nation, de toute classe, de toute croyance et de toute incroyan
3805
tante en fait pour les Européens de toute nation,
de
toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la
3806
r les Européens de toute nation, de toute classe,
de
toute croyance et de toute incroyance. L’appel à la liberté, la reven
3807
ute nation, de toute classe, de toute croyance et
de
toute incroyance. L’appel à la liberté, la revendication de la libert
3808
ncroyance. L’appel à la liberté, la revendication
de
la liberté (quel que soit le sens qu’on donne au mot) est sans nul do
3809
généralement européen, le plus commun à tous les
hommes
de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalen
3810
lement européen, le plus commun à tous les hommes
de
notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent d
3811
t l’on peut voir en lui le plus proche équivalent
de
l’invocation au sacré, dans notre civilisation profane. Je pense donc
3812
ilisation profane. Je pense donc que le dynamisme
de
notre civilisation européenne provient plutôt de notre régime de tens
3813
de notre civilisation européenne provient plutôt
de
notre régime de tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos
3814
sation européenne provient plutôt de notre régime
de
tensions intérieures, de ce mouvement brownien de nos infinies contra
3815
t plutôt de notre régime de tensions intérieures,
de
ce mouvement brownien de nos infinies contradictions qui nous provoqu
3816
de tensions intérieures, de ce mouvement brownien
de
nos infinies contradictions qui nous provoquent d’âge en âge à créer,
3817
e nos infinies contradictions qui nous provoquent
d’
âge en âge à créer, inventer, émigrer, exporter, et nous condamnent à
3818
orce physique ou spirituelle, peut être qualifiée
d’
impérialiste par les objets qui la subissent, mais c’est la condition
3819
ts qui la subissent, mais c’est la condition même
de
la vie. Les considérations que j’ai développées jusqu’ici, relatives
3820
j’ai développées jusqu’ici, relatives à l’origine
de
nos diversités et de nos vertus cardinales, paraîtront peut-être un p
3821
u’ici, relatives à l’origine de nos diversités et
de
nos vertus cardinales, paraîtront peut-être un peu abstraites. Il est
3822
origines historiques et les motifs philosophiques
de
notre dynamisme européen, je vais énumérer tout simplement quelques-u
3823
en, je vais énumérer tout simplement quelques-uns
de
ces résultats les plus typiques. Tout d’abord, ce sont les Européens
3824
qu’au point où elles permettent non seulement à l’
homme
de dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou
3825
point où elles permettent non seulement à l’homme
de
dominer la matière, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de
3826
ominer la matière, mais à l’humanité tout entière
de
s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement
3827
e, mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou
de
se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une maniè
3828
é tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou
de
se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Av
3829
ire, ou de se transformer demain radicalement, et
d’
une manière imprévisible. Avant de concentrer ses énergies sur cette e
3830
de concentrer ses énergies sur cette exploration
de
la matière, les Européens avaient entrepris, avec guère moins d’audac
3831
les Européens avaient entrepris, avec guère moins
d’
audace, l’exploration de l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce so
3832
trepris, avec guère moins d’audace, l’exploration
de
l’espace et du temps. L’espace d’abord. Ce sont les Européens qui ont
3833
ux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière
de
prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée d’universalité a pe
3834
nité tout entière de prendre peu à peu conscience
de
son unité. L’idée d’universalité a peut-être existé chez les sages de
3835
prendre peu à peu conscience de son unité. L’idée
d’
universalité a peut-être existé chez les sages de plusieurs autres cul
3836
d’universalité a peut-être existé chez les sages
de
plusieurs autres cultures, mais ce sont les Européens qui lui ont don
3837
démontré sa consistance. On peut le dire : l’idée
de
genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, en
3838
hie, avec tout ce que cela implique : philosophie
de
l’histoire, enseignement de l’histoire, constitution d’archives, exam
3839
mplique : philosophie de l’histoire, enseignement
de
l’histoire, constitution d’archives, examen critique du passé, leçons
3840
istoire, enseignement de l’histoire, constitution
d’
archives, examen critique du passé, leçons qu’on en tire, renouvelleme
3841
ns qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets
de
romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes
3842
ire, renouvellement des arts, sujets de romans et
de
pièces de théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, e
3843
vellement des arts, sujets de romans et de pièces
de
théâtre, arsenal de citations pour les hommes politiques, et finaleme
3844
sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal
de
citations pour les hommes politiques, et finalement : superstition mo
3845
pièces de théâtre, arsenal de citations pour les
hommes
politiques, et finalement : superstition moderne du « sens de l’histo
3846
s, et finalement : superstition moderne du « sens
de
l’histoire », qui non seulement alimente les plus vives polémiques in
3847
limente les plus vives polémiques intellectuelles
de
notre époque, mais encore influence profondément les choix politiques
3848
ue ces sciences ont joué dans l’évolution récente
de
la sociologie et de la psychologie analytique, autres inventions de l
3849
joué dans l’évolution récente de la sociologie et
de
la psychologie analytique, autres inventions de l’Europe. Enfin, pour
3850
t de la psychologie analytique, autres inventions
de
l’Europe. Enfin, pour emmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du f
3851
us les trésors ainsi ramenés du fond des temps et
de
l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et, à partir de ces con
3852
e. Et, à partir de ces condensations prodigieuses
de
siècles et de continents, ils ont élaboré les préalables d’une scienc
3853
r de ces condensations prodigieuses de siècles et
de
continents, ils ont élaboré les préalables d’une science comparée des
3854
et de continents, ils ont élaboré les préalables
d’
une science comparée des cultures et des civilisations, des religions
3855
otale ou planétaire, prépare elle aussi les voies
de
l’unité future du genre humain. Sciences, physiques, techniques et ma
3856
hie critique, — et je n’indique ici que des têtes
de
chapitre, et j’ai laissé de côté l’immense chapitre de nos créations
3857
que ici que des têtes de chapitre, et j’ai laissé
de
côté l’immense chapitre de nos créations sociales et de nos instituti
3858
apitre, et j’ai laissé de côté l’immense chapitre
de
nos créations sociales et de nos institutions ! — voilà ce que l’Euro
3859
é l’immense chapitre de nos créations sociales et
de
nos institutions ! — voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’elle o
3860
Or toutes ces créations sont nées des profondeurs
de
la culture européenne, et restent liées, dans leur évolution comme da
3861
dans leur genèse, à tout le complexe dialectique
de
nos valeurs ; mais d’autre part, toutes ces créations sont en expansi
3862
voir exploré ses variétés. Je n’essaierai pas ici
de
démontrer la cohérence profonde des créations européennes que je vien
3863
e profonde des créations européennes que je viens
d’
énumérer. Il y faudrait tout un livre, et il se trouve que je l’ai déj
3864
que l’Europe a produit non seulement les notions
de
personne et de liberté, mais aussi les sciences et enfin les machines
3865
produit non seulement les notions de personne et
de
liberté, mais aussi les sciences et enfin les machines, si hétérogène
3866
ce n’est pas par hasard mais c’est en vertu même
de
cette dialectique infinie et toujours ouverte que je décrivais dans l
3867
ouverte que je décrivais dans la première partie
de
mon exposé, en vertu même de cette séculaire discussion et dissension
3868
s la première partie de mon exposé, en vertu même
de
cette séculaire discussion et dissension entre nos origines multiples
3869
entre nos déterminations natives et notre volonté
de
les surmonter, qui est volonté de liberté, volonté de responsabilité,
3870
t notre volonté de les surmonter, qui est volonté
de
liberté, volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’importe
3871
es surmonter, qui est volonté de liberté, volonté
de
responsabilité, et volonté de vérité à n’importe quel prix. Voici don
3872
de liberté, volonté de responsabilité, et volonté
de
vérité à n’importe quel prix. Voici donc notre situation dans le mond
3873
plus typiques et les plus spectaculaires, surgies
de
la problématique tragique qui définit l’originalité même de l’Europe,
3874
lématique tragique qui définit l’originalité même
de
l’Europe, se voient soudain universalisées, et dans les apparences to
3875
le monde entier. Notre culture est l’essence même
de
l’Europe et de son histoire, et voici que pourtant elle crée le monde
3876
. Notre culture est l’essence même de l’Europe et
de
son histoire, et voici que pourtant elle crée le monde, elle crée la
3877
tant elle crée le monde, elle crée la possibilité
d’
un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son ex
3878
main qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience
de
son existence virtuelle, ni des problèmes effrayants que pose son ras
3879
que pose son rassemblement. Nous sommes au point
de
l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde » (
3880
assemblement. Nous sommes au point de l’évolution
de
l’humanité où les Européens, ayant créé « le monde » (au sens que je
3881
ns, ayant créé « le monde » (au sens que je viens
d’
indiquer) se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce
3882
u sens que je viens d’indiquer) se voient menacés
d’
être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité
3883
s d’indiquer) se voient menacés d’être dépossédés
de
leurs pouvoirs par ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait de
3884
ar ce monde même qu’ils ont suscité. Et Dieu sait
de
quelle manière les autres continents menacent d’abuser de ces pouvoir
3885
de quelle manière les autres continents menacent
d’
abuser de ces pouvoirs, — contre l’Europe d’abord, mais aussi au détri
3886
e manière les autres continents menacent d’abuser
de
ces pouvoirs, — contre l’Europe d’abord, mais aussi au détriment de l
3887
pre équilibre. Nous sommes sur le seuil périlleux
de
l’ère mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont il nous faut t
3888
amatique et passionnant, dont il nous faut tâcher
d’
évaluer les risques angoissants et les chances admirables. Pour ma par
3889
s observations et suggestions sur ce qui se passe
d’
étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la politique que nous d
3890
s et suggestions sur ce qui se passe d’étrange et
de
démesuré devant nos yeux, et sur la politique que nous devons imagine
3891
conscience à la fois plus intime et plus globale
de
l’originalité de notre culture, mieux comprendre ce que nous sommes,
3892
fois plus intime et plus globale de l’originalité
de
notre culture, mieux comprendre ce que nous sommes, ce que nous avons
3893
réatrices, et non pas au niveau des sous-produits
de
notre culture. L’originalité de la culture européenne n’est nullement
3894
des sous-produits de notre culture. L’originalité
de
la culture européenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas être
3895
, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel
de
sa diffusion mondiale. On nous répète à satiété que la science et la
3896
éé les sciences et la technique, dans le contexte
de
sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est u
3897
te de sa culture, grâce aux valeurs et aux vertus
de
cette culture. C’est un fait que l’Europe a répandu sur toute la terr
3898
l’Europe a répandu sur toute la terre, au hasard
de
la colonisation, de contacts d’affaires privés, ou d’échanges culture
3899
sur toute la terre, au hasard de la colonisation,
de
contacts d’affaires privés, ou d’échanges culturels sporadiques, incr
3900
terre, au hasard de la colonisation, de contacts
d’
affaires privés, ou d’échanges culturels sporadiques, incroyablement i
3901
a colonisation, de contacts d’affaires privés, ou
d’
échanges culturels sporadiques, incroyablement inorganisés mais mystér
3902
ope n’a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite
d’
équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées, d’innombrables tensio
3903
sagesse régulatrice, faite d’équilibres mouvants,
de
tragédies entrecroisées, d’innombrables tensions, déchirantes et féco
3904
’équilibres mouvants, de tragédies entrecroisées,
d’
innombrables tensions, déchirantes et fécondes. Ainsi le monde entier
3905
nos machines, nos poisons doctrinaux, nos secrets
de
puissance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas l
3906
t philosophiques, qui expliquent seules la genèse
de
ces produits, et qui seules permettraient de les maintenir en composi
3907
nèse de ces produits, et qui seules permettraient
de
les maintenir en composition. Il retourne contre nous ces produits —
3908
Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas
de
quartier européen. Mais ce même monde méprise, ou ignore simplement,
3909
nos machines, mais refuse ou ignore notre éthique
de
travail. Il veut que nous l’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notr
3910
’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal
de
l’amour du prochain. On ne peut donc pas encore affirmer que notre cu
3911
nue réellement universelle. Mais on n’en voit pas
d’
autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susc
3912
Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure
d’
y prétendre mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’ani
3913
ux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’elle
d’
animer la civilisation née de nos œuvres. Alors, que faire ? Que devon
3914
ptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née
de
nos œuvres. Alors, que faire ? Que devons-nous faire, nous qui sommes
3915
ous faire, nous qui sommes aussi les « produits »
de
la culture européenne ? Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’a
3916
Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle
de
vision que voici : le sort du monde dépend aujourd’hui de l’Europe, q
3917
n que voici : le sort du monde dépend aujourd’hui
de
l’Europe, qui a inventé le monde dans la mesure exacte où elle a déco
3918
e où elle a découvert le genre humain. Et le sort
de
l’Europe dépend de son union. L’union de l’Europe, en 1946, avait un
3919
rt le genre humain. Et le sort de l’Europe dépend
de
son union. L’union de l’Europe, en 1946, avait un but précis et limit
3920
le sort de l’Europe dépend de son union. L’union
de
l’Europe, en 1946, avait un but précis et limité : empêcher les Franç
3921
t limité : empêcher les Français et les Allemands
de
se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Euro
3922
Ce premier but est parfaitement atteint. L’union
de
l’Europe a maintenant d’autres motifs, beaucoup plus vastes. Il nous
3923
oit d’abord exister. Mais on me dira, et une part
de
moi-même me dit : après tout, que peut bien nous faire le sort du mon
3924
onde ? Notre sort personnel, notre salut, le sens
de
notre vie individuelle, n’est-il pas beaucoup plus important ? Questi
3925
qui d’entre nous peut concevoir sa vie et le sens
de
sa vie en dehors du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde de
3926
oir sa vie et le sens de sa vie en dehors du sort
de
l’Europe, dont dépend le sort du monde de demain ? Au xviie siècle d
3927
du sort de l’Europe, dont dépend le sort du monde
de
demain ? Au xviie siècle déjà, Amos Comenius écrivait : « Nous autre
3928
orte pas aujourd’hui nos seuls destins, mais ceux
de
l’humanité entière, embarquée pour la découverte d’elle ne sait quel
3929
l’humanité entière, embarquée pour la découverte
d’
elle ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symbole
3930
pour la découverte d’elle ne sait quel Eldorado,
d’
elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. C
3931
sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison
d’
or, symboles du sens dernier de la vie. Ceci m’évoque les petites cara
3932
sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier
de
la vie. Ceci m’évoque les petites caravelles de Colomb, au matin du d
3933
r de la vie. Ceci m’évoque les petites caravelles
de
Colomb, au matin du départ à Palos de Moguer. Auront-elles le tonnage
3934
u bien ne faut-il pas nous demander, plutôt, si l’
homme
qui les conduit a la foi nécessaire ? Je sais bien que certains de me
3935
t a la foi nécessaire ? Je sais bien que certains
de
mes lecteurs hésitent à me donner raison, parce qu’ils doutent de l’a
3936
hésitent à me donner raison, parce qu’ils doutent
de
l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de faire face au
3937
raison, parce qu’ils doutent de l’avenir prochain
de
notre Europe, et de son pouvoir de faire face au grand projet mondial
3938
doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et
de
son pouvoir de faire face au grand projet mondial qu’elle-même a susc
3939
venir prochain de notre Europe, et de son pouvoir
de
faire face au grand projet mondial qu’elle-même a suscité, et qui com
3940
tre ; et notre devoir aujourd’hui, est bien moins
de
prévoir notre histoire que de la faire, pour l’ensemble du genre huma
3941
hui, est bien moins de prévoir notre histoire que
de
la faire, pour l’ensemble du genre humain. 38. Si l’on me permet de
3942
ensemble du genre humain. 38. Si l’on me permet
de
paraphraser ainsi un vers fameux de Paul Valéry. x. Rougemont Denis
3943
’on me permet de paraphraser ainsi un vers fameux
de
Paul Valéry. x. Rougemont Denis de, « Originalité de la culture eur
3944
vers fameux de Paul Valéry. x. Rougemont Denis
de
, « Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures
3945
ul Valéry. x. Rougemont Denis de, « Originalité
de
la culture européenne comparée aux autres cultures », Schweizer Monat
3946
. y. Texte très proche, mais non sans variantes,
de
celui publié sous le même titre en juin 1960.
3947
Une fusée à trois étages : bref historique
de
la Fondation (octobre 1960)z L’idée d’une Fondation européenne fut
3948
torique de la Fondation (octobre 1960)z L’idée
d’
une Fondation européenne fut exposée pour la première fois par le dire
3949
directeur du Centre européen de la culture, lors
d’
une réunion qui se tint dans la chambre même où était né Louis XIV, au
3950
-Laye. C’était le 14 novembre 1953. Une quinzaine
de
personnalités de la banque, de l’industrie, de la politique et des or
3951
14 novembre 1953. Une quinzaine de personnalités
de
la banque, de l’industrie, de la politique et des organisations inter
3952
953. Une quinzaine de personnalités de la banque,
de
l’industrie, de la politique et des organisations internationales, fo
3953
ne de personnalités de la banque, de l’industrie,
de
la politique et des organisations internationales, fondèrent ce jour-
3954
club se donna pour tâche principale l’élaboration
d’
un projet qui s’inspirait des considérations suivantes : Si l’Europe,
3955
nde pendant des siècles, elle l’a dû à sa faculté
de
créer des valeurs morales, des structures de la société, et des techn
3956
ulté de créer des valeurs morales, des structures
de
la société, et des techniques, que tous les autres peuples de la Terr
3957
é, et des techniques, que tous les autres peuples
de
la Terre ont adoptées ou s’efforcent d’imiter. Les Européens ont rais
3958
s peuples de la Terre ont adoptées ou s’efforcent
d’
imiter. Les Européens ont raison d’être fiers d’une telle culture. Cep
3959
ou s’efforcent d’imiter. Les Européens ont raison
d’
être fiers d’une telle culture. Cependant, que font-ils aujourd’hui no
3960
t d’imiter. Les Européens ont raison d’être fiers
d’
une telle culture. Cependant, que font-ils aujourd’hui non seulement p
3961
lui porte le Monde, — ce Monde du xxe siècle né
de
leurs propres œuvres ? Quand il s’agit de financer un projet culturel
3962
ècle né de leurs propres œuvres ? Quand il s’agit
de
financer un projet culturel, un institut nouveau, des recherches avan
3963
des recherches avancées dans les divers domaines
de
la culture, les Européens ont pris l’habitude de recourir à l’aide de
3964
de la culture, les Européens ont pris l’habitude
de
recourir à l’aide des fondations américaines. Cette situation n’est n
3965
ine, et peut même devenir démoralisante. Un moyen
d’
y remédier rapidement serait d’établir une puissante fondation europée
3966
alisante. Un moyen d’y remédier rapidement serait
d’
établir une puissante fondation européenne dotée de capitaux récoltés
3967
’établir une puissante fondation européenne dotée
de
capitaux récoltés en Europe. Une telle institution, par sa seule exis
3968
existence, contribuerait à restaurer le sentiment
d’
indépendance morale de notre continent, à rendre aux chercheurs et cré
3969
it à restaurer le sentiment d’indépendance morale
de
notre continent, à rendre aux chercheurs et créateurs de nos pays une
3970
e continent, à rendre aux chercheurs et créateurs
de
nos pays une confiance en soi et en l’avenir qui est l’une des premiè
3971
n l’avenir qui est l’une des premières conditions
de
la vitalité d’une culture. Le Club européen se réunit encore à trois
3972
est l’une des premières conditions de la vitalité
d’
une culture. Le Club européen se réunit encore à trois reprises, au c
3973
iscuter et mettre au point les objectifs, le mode
de
financement et les statuts de l’institution projetée. Le 16 décembre
3974
objectifs, le mode de financement et les statuts
de
l’institution projetée. Le 16 décembre 1954, au Centre européen de la
3975
tre européen de la culture, à Genève, les statuts
de
la Fondation étaient signés par MM. Robert Schuman, agissant comme pr
3976
tuant le premier noyau du Conseil des gouverneurs
de
la Fondation. Dès la première session plénière du Conseil des gouvern
3977
d des Pays-Bas voulut bien accepter la présidence
de
la Fondation, et il n’a cessé de l’exercer effectivement depuis lors.
3978
er la présidence de la Fondation, et il n’a cessé
de
l’exercer effectivement depuis lors. Pour faciliter les débuts de la
3979
ectivement depuis lors. Pour faciliter les débuts
de
la Fondation, le CEC lui avait offert de partager une partie de ses l
3980
s débuts de la Fondation, le CEC lui avait offert
de
partager une partie de ses locaux et de son staff à Genève. Les frais
3981
n, le CEC lui avait offert de partager une partie
de
ses locaux et de son staff à Genève. Les frais généraux purent ainsi
3982
it offert de partager une partie de ses locaux et
de
son staff à Genève. Les frais généraux purent ainsi être réduits au m
3983
isoire devait permettre à la Fondation d’une part
de
s’organiser et d’élaborer son programme, d’autre part de rassembler l
3984
ettre à la Fondation d’une part de s’organiser et
d’
élaborer son programme, d’autre part de rassembler les fonds qui lui a
3985
ganiser et d’élaborer son programme, d’autre part
de
rassembler les fonds qui lui avaient été promis. Car elle ne disposai
3986
disposait pas, comme les fondations américaines,
d’
un capital initial important mais comptait stimuler l’intérêt d’un nom
3987
nitial important mais comptait stimuler l’intérêt
d’
un nombre aussi grand que possible de donateurs dans tous nos pays. L
3988
er l’intérêt d’un nombre aussi grand que possible
de
donateurs dans tous nos pays. La politique adoptée par le Conseil de
3989
isés furent donc créés sans plus attendre : celui
de
l’éducation et celui des Beaux-Arts. Le premier mit sur pied une séri
3990
des Beaux-Arts. Le premier mit sur pied une série
d’
expériences-pilotes d’éducation européenne (dont l’exécution devait êt
3991
mier mit sur pied une série d’expériences-pilotes
d’
éducation européenne (dont l’exécution devait être confiée dès 1956 au
3992
auxquels des bourses furent décernées. Un comité
d’
experts en éducation et un jury musical présidèrent au choix des expér
3993
ne des écoles, à l’Association des universitaires
d’
Europe, et au département cartographique du Collège d’Europe. Lors de
3994
rope, et au département cartographique du Collège
d’
Europe. Lors de la réunion des gouverneurs à Genève, le 16 mars 1957,
3995
fut convenu que la Fondation établirait son siège
d’
opérations à Amsterdam, le siège social restant à Genève. (C’est en ef
3996
ffet le Conseil fédéral suisse qui est l’autorité
de
surveillance de la Fondation.) Les confusions qui pouvaient résulter
3997
fédéral suisse qui est l’autorité de surveillance
de
la Fondation.) Les confusions qui pouvaient résulter de la cohabitati
3998
Fondation.) Les confusions qui pouvaient résulter
de
la cohabitation de deux institutions, déjà statutairement distinctes
3999
fusions qui pouvaient résulter de la cohabitation
de
deux institutions, déjà statutairement distinctes et de fonctions trè
4000
x institutions, déjà statutairement distinctes et
de
fonctions très différentes — l’une devant financer des projets, l’aut
4001
tiers cette opération à la mise à feu du 2e étage
d’
une fusée de l’espace, se séparant au moment voulu du premier moteur.
4002
opération à la mise à feu du 2e étage d’une fusée
de
l’espace, se séparant au moment voulu du premier moteur. La Fondation
4003
du premier moteur. La Fondation décida également
d’
organiser chaque année un grand congrès destiné à faire mieux connaîtr
4004
es buts et à recueillir des fonds plus importants
d’
un plus grand nombre de sources. Le premier de ces congrès se tint à A
4005
des fonds plus importants d’un plus grand nombre
de
sources. Le premier de ces congrès se tint à Amsterdam en 1957, le se
4006
nts d’un plus grand nombre de sources. Le premier
de
ces congrès se tint à Amsterdam en 1957, le second à Milan en 1958 et
4007
rganisés par la Fondation à l’occasion du congrès
de
Vienne, et se réuniront de nouveau lors du congrès de Copenhague, en
4008
ienne, et se réuniront de nouveau lors du congrès
de
Copenhague, en 1960. La table ronde est destinée à permettre une meil
4009
nant maintenant notre comparaison avec les étages
d’
une fusée, nous constaterons que le moment est venu, pour la Fondation
4010
terons que le moment est venu, pour la Fondation,
de
« mettre à feu » le 3e et dernier étage : celui de l’aide effective a
4011
e « mettre à feu » le 3e et dernier étage : celui
de
l’aide effective aux efforts culturels tendant à l’union de l’Europe.
4012
effective aux efforts culturels tendant à l’union
de
l’Europe. C’était bien l’objectif initial. L’accord qui vient d’être
4013
était bien l’objectif initial. L’accord qui vient
d’
être conclu entre la Fondation et le Fonds culturel du Conseil de l’Eu
4014
el du Conseil de l’Europe, permettant la création
de
comités nationaux pour la recherche en commun des fonds, doit fournir
4015
rnir les moyens nécessaires à la mise en pratique
de
cette troisième étape. Si notre Fondation atteint ainsi, en 1960, le
4016
et politiques, qui doit se réaliser d’ici la fin
de
l’année. z. Rougemont Denis de, « Une fusée à trois étages : bref
4017
er d’ici la fin de l’année. z. Rougemont Denis
de
, « Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation », Cara
4018
de, « Une fusée à trois étages : bref historique
de
la Fondation », Caractère et culture de l’Europe, Amsterdam, octobre
4019
istorique de la Fondation », Caractère et culture
de
l’Europe, Amsterdam, octobre 1960, p. 5-6.
4020
)aa ab I. Qui d’entre vous ne se souvient
de
cette première phrase du Tristan rendu naguère au grand public europé
4021
du naguère au grand public européen par les soins
de
Joseph Bédier : Seigneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’
4022
oins de Joseph Bédier : Seigneurs, vous plaît-il
d’
entendre un beau conte d’amour et de mort ? Seigneurs et dames ici pr
4023
Seigneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte
d’
amour et de mort ? Seigneurs et dames ici présents, vous répondez tou
4024
vous plaît-il d’entendre un beau conte d’amour et
de
mort ? Seigneurs et dames ici présents, vous répondez tous dans vos
4025
re davantage. Or, songez-y : ce plaisir au secret
de
l’âme que nous vaut la lecture des légendes arthuriennes, et d’abord
4026
la lecture des légendes arthuriennes, et d’abord
de
celle de Tristan, ce plaisir « à jamais littéraire » pour reprendre l
4027
re des légendes arthuriennes, et d’abord de celle
de
Tristan, ce plaisir « à jamais littéraire » pour reprendre le mot de
4028
sir « à jamais littéraire » pour reprendre le mot
de
Valéry, mais aussi à jamais adolescent, nous le devons tous aux trava
4029
travaux inspirés, et pourtant précis à l’extrême,
de
quelques-uns des grands érudits de ce siècle, Gaston Paris et Joseph
4030
s à l’extrême, de quelques-uns des grands érudits
de
ce siècle, Gaston Paris et Joseph Bédier en premier lieu, Reto Bezzol
4031
les lecteurs du xxe siècle les textes originaux
de
la légende, et leur contexte culturel et historique, ces hommes ont f
4032
nde, et leur contexte culturel et historique, ces
hommes
ont fait bien plus qu’une œuvre scientifique, et sérieuse aux yeux de
4033
s confrères : ils ont permis à l’Occident moderne
de
reprendre conscience d’une de ses sources, d’une de ses dimensions co
4034
rmis à l’Occident moderne de reprendre conscience
d’
une de ses sources, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’
4035
l’Occident moderne de reprendre conscience d’une
de
ses sources, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’émotio
4036
rne de reprendre conscience d’une de ses sources,
d’
une de ses dimensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âm
4037
reprendre conscience d’une de ses sources, d’une
de
ses dimensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme. Je
4038
ces, d’une de ses dimensions constitutives, celle
de
l’émotion, celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en une seul
4039
mensions constitutives, celle de l’émotion, celle
de
l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en une seule expression, moins
4040
u’elle ne paraît à première vue : avec la légende
de
Tristan, c’est l’étymologie de nos passions que ces savants ont retro
4041
: avec la légende de Tristan, c’est l’étymologie
de
nos passions que ces savants ont retrouvée. Selon Littré : Les étymo
4042
mitif et les mots dérivés. De plus, elles donnent
de
la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de traduire c
4043
plus, elles donnent de la justesse dans le choix
de
l’expression. Il me plaît de traduire cette belle définition dans le
4044
tesse dans le choix de l’expression. Il me plaît
de
traduire cette belle définition dans les termes de notre sujet, et ce
4045
e traduire cette belle définition dans les termes
de
notre sujet, et cela donne à peu près ceci : « Les restitutions de Tr
4046
t cela donne à peu près ceci : « Les restitutions
de
Tristan servent à faire entendre la force du mythe, par la liaison qu
4047
ératures et dans nos vies. De plus, elles donnent
de
la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens, en effet, l
4048
plus, elles donnent de la justesse dans le style
de
nos émotions. » À mon sens, en effet, les textes primitifs de la lég
4049
ns. » À mon sens, en effet, les textes primitifs
de
la légende de Tristan, qui remontent aux xiie et xiiie siècles, exp
4050
ens, en effet, les textes primitifs de la légende
de
Tristan, qui remontent aux xiie et xiiie siècles, expriment bien au
4051
e, — fût-il même le thème exemplaire, l’archétype
de
tous les romans vraiment dignes du nom. Ils sont comme les premières
4052
apparitions, comme les épiphanies quasi sacrées,
d’
un des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe,
4053
épiphanies quasi sacrées, d’un des grands mythes
de
l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu’est-ce que l’âme
4054
ces grands mots doit au public une justification
de
l’usage personnel qu’il en fait. Un mythe, au sens où je l’entends, c
4055
onnée — bien qu’offrant des possibilités infinies
d’
adaptation aux circonstances individuelles les plus diverses — une his
4056
plus diverses — une histoire qui décrit et révèle
d’
une manière imagée, symbolique, une structure de notre existence. Mais
4057
e d’une manière imagée, symbolique, une structure
de
notre existence. Mais non pas de notre existence intellectuelle, car
4058
e, une structure de notre existence. Mais non pas
de
notre existence intellectuelle, car celle-ci possède d’autres manière
4059
lectuelle, car celle-ci possède d’autres manières
de
s’exprimer, plus directes et abstraites à la fois, comme la logique e
4060
comme la logique et la mathématique ; et non pas
de
notre existence physique ou animale, car celle-là échappe au discours
4061
s, et peut-être traduite à la rigueur en formules
de
biochimie. De quoi s’agit-il donc ici ? Entre le corps et l’intellect
4062
e traduite à la rigueur en formules de biochimie.
De
quoi s’agit-il donc ici ? Entre le corps et l’intellect, la tradition
4063
llect, la tradition distingue une troisième forme
de
l’existence proprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mo
4064
p facilement les poètes, ni dans le sens goethéen
de
« belle âme », encore moins dans le sens religieux de l’éloquence cla
4065
belle âme », encore moins dans le sens religieux
de
l’éloquence classique de la chaire, quand elle parle du « salut des â
4066
s dans le sens religieux de l’éloquence classique
de
la chaire, quand elle parle du « salut des âmes », ou « d’immortalité
4067
ire, quand elle parle du « salut des âmes », ou «
d’
immortalité de l’âme ». Je prends le mot au sens précis et véritableme
4068
e parle du « salut des âmes », ou « d’immortalité
de
l’âme ». Je prends le mot au sens précis et véritablement traditionne
4069
é, animation, ou même animosité. Le jeu « animé »
d’
un pianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’est ni propremen
4070
pirituelle, qui n’est pas celle du corps ni celle
de
l’intellect, encore qu’elle tienne aux deux, c’est l’évidence, mais q
4071
en plutôt celle du « cœur » comme on dit —, celle
de
l’âme. L’âme est en propre le domaine des émotions et des passions. L
4072
émotions et des passions. L’émotion est la preuve
de
l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps, et la pensée,
4073
n est la preuve du corps, et la pensée, la preuve
de
l’intellect. La passion, c’est une impulsion qui outrepasse les lois
4074
une impulsion qui outrepasse les lois et routines
de
l’instinct, et qui va se heurter aux conventions sociales. Ainsi, l’a
4075
sociales. Ainsi, l’amour-passion est cette forme
de
l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des rythmes trop pr
4076
s contraintes naturelles, des rythmes trop prévus
de
la sexualité, mais aussi des décrets de la morale et des conseils de
4077
op prévus de la sexualité, mais aussi des décrets
de
la morale et des conseils de la raison. L’amour-passion relève par ex
4078
is aussi des décrets de la morale et des conseils
de
la raison. L’amour-passion relève par excellence de l’âme. Or c’est d
4079
la raison. L’amour-passion relève par excellence
de
l’âme. Or c’est dans le mythe de Tristan qu’il a trouvé son expressio
4080
e par excellence de l’âme. Or c’est dans le mythe
de
Tristan qu’il a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et t
4081
sé — et je m’excuse du ton quelque peu didactique
de
ce rappel au sens des mots — considérons le mythe lui-même dans sa pl
4082
ence banale. Tristan, c’est tout d’abord le mythe
de
l’amour plus fort que la vie, plus fort que la vie quotidienne, plus
4083
, amortit, et réduit aux routines. C’est le mythe
de
l’amour inaltérable, inaltéré par l’érosion de la vie « courante », p
4084
he de l’amour inaltérable, inaltéré par l’érosion
de
la vie « courante », par la réalité des caractères qui se heurtent à
4085
ps modifie fatalement, créant un risque permanent
de
dissonance. C’est le mythe d’un amour qui méprise l’épreuve de l’enga
4086
un risque permanent de dissonance. C’est le mythe
d’
un amour qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports socia
4087
. C’est le mythe d’un amour qui méprise l’épreuve
de
l’engagement dans les rapports sociaux, et même de l’engagement dans
4088
e l’engagement dans les rapports sociaux, et même
de
l’engagement dans un rapport concret avec un Autre toujours insuffisa
4089
avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne
de
son image, jamais digne de l’Ange dont le premier regard, par une int
4090
uffisant, jamais digne de son image, jamais digne
de
l’Ange dont le premier regard, par une intuition fulgurante — et c’es
4091
Second Faust de Goethe, mais aussi, le mouvement
de
l’ascension mystique de Dante, poursuivant l’image aimée d’une Béatri
4092
mais aussi, le mouvement de l’ascension mystique
de
Dante, poursuivant l’image aimée d’une Béatrice à peine connue dans s
4093
sion mystique de Dante, poursuivant l’image aimée
d’
une Béatrice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe
4094
connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe
de
Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’il illustre en sa simplici
4095
e en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité
de
l’amour, passion de l’âme ouverte sur l’esprit, libérée des corps don
4096
ajestueuse, c’est l’intensité de l’amour, passion
de
l’âme ouverte sur l’esprit, libérée des corps dont elle vient, et sur
4097
e vient, et survolant les irritantes vicissitudes
de
notre incarnation présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que de l’ê
4098
udes de notre incarnation présente. C’est l’amour
de
l’Amour, plus que de l’être aimé dans sa réalité toujours irréductibl
4099
tion présente. C’est l’amour de l’Amour, plus que
de
l’être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’image idéale qu
4100
présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan
de
l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’est pas amour, qui tourne à réalité
4101
ité », s’écrie un troubadour tardif, contemporain
de
nos légendes tristaniennes. Mais qu’est-ce alors, quel est le faux am
4102
» ? Ce n’est pas le désir comblé, au sens sexuel
de
l’expression, car cet acte instinctif, lié aux lois du corps, ne méri
4103
ié aux lois du corps, ne mérite pas en soi le nom
d’
amour. Mais c’est l’amour comblé par la présence durable, l’amour léga
4104
. Constater que Tristan est tout d’abord le mythe
de
l’amour plus fort que la vie, c’est reconnaître aussi que la vraie vi
4105
ie, gagné l’amour. Le mari, lui, a partagé la vie
d’
Iseut. Il reste seul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il es
4106
eux du mythe, il est perdant. À ce premier aspect
de
notre légende : l’amour-passion triomphant du mariage, c’est-à-dire d
4107
amour-passion triomphant du mariage, c’est-à-dire
de
l’amour-réalité, se rattachent deux grandes traditions de la culture
4108
ur-réalité, se rattachent deux grandes traditions
de
la culture occidentale : le romantisme et le roman. Retracer leur évo
4109
xiiie siècle jusqu’à nos jours, comme j’ai tenté
de
le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradation du mythe,
4110
es plus banales et complaisantes. Ce serait aller
de
l’apparition d’un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets religieu
4111
et complaisantes. Ce serait aller de l’apparition
d’
un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets religieux, jusqu’à son u
4112
t aller de l’apparition d’un mythe sacré, voilant
de
poésie ses secrets religieux, jusqu’à son utilisation tout impudente,
4113
udente, ou ignorante, ou inconsciente, à des fins
de
rendement commercial : comédies à succès sur le thème du triangle, ro
4114
thème du triangle, roman pour midinettes et films
de
série, dont le love interest est l’ingrédient forcé, dernière dilutio
4115
é, dernière dilution populaire du philtre magique
de
la Reine, du « vin herbé » dont la vertu jadis fut mortelle aux amant
4116
mœurs et coutumes, ne serait-elle que l’histoire
d’
une longue profanation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe sont
4117
tourment délicieux », selon l’expression célèbre
de
Thomas, l’un des auteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe e
4118
l’expression célèbre de Thomas, l’un des auteurs
de
la légende primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’il était vra
4119
mythe est épuisé, et s’il était vraiment un mythe
de
l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-même, la fonction émotiv
4120
’est l’âme elle-même, la fonction émotive, dans l’
homme
contemporain, qui s’épuise et qui s’atrophie, entre le corps et l’int
4121
’hygiène, la technique et la science, et une dose
de
psychanalyse, vont-elles exorciser la société future, évacuant les de
4122
les dernières passions ? Une analyse sociologique
de
la dégradation du mythe, au cours des siècles, inclinerait à cette co
4123
posés à la passion. Or on sait que la passion vit
d’
obstacles, naturels ou sacrés, coutumiers ou légaux ; qu’elle s’en nou
4124
mants légendaires — le principal étant le mariage
d’
Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurait pas de roman
4125
e Roi, père adoptif du héros —, il n’y aurait pas
de
roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de mythe. On
4126
doptif du héros —, il n’y aurait pas de roman, ni
de
passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de mythe. On ne saurait i
4127
ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas eu
de
mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’inclinant devant le
4128
d roi Marc s’inclinant devant les « droits divins
de
la passion » qu’inventera bien plus tard le romantisme, puis acceptan
4129
chevalier. Et l’on recule épouvanté devant l’idée
d’
Iseut devenant Madame Tristan ! C’est pourtant bien à cela que nous en
4130
n’est plus un lien sacré, adversaire à la taille
de
la passion ; et que, loin de provoquer celle-ci par ses refus intrans
4131
our-sentiment, succédané édulcoré, achevant ainsi
de
déprimer le mythe en même temps que ses propres fondements. La passio
4132
e ses propres fondements. La passion se fait rare
de
nos jours, s’il faut en croire nos romanciers. Ils savent bien que le
4133
véritable n’est jamais qu’une version renouvelée
de
l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacl
4134
t jamais qu’une version renouvelée de l’archétype
de
Tristan et Iseut. Ils cherchent donc partout l’obstacle qui résiste,
4135
l’obstacle qui résiste, et n’en trouvent guère. L’
Homme
sans qualités, de Musil, la Lolita de Nabokov, sont les derniers écho
4136
e, et n’en trouvent guère. L’Homme sans qualités,
de
Musil, la Lolita de Nabokov, sont les derniers échos du mythe ressusc
4137
s tabous qui tiennent encore. Mais déjà, le héros
de
Lolita nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade men
4138
derniers tabous viennent à céder, c’en sera fait
de
la passion. Que deviendront nos romanciers ? Il leur reste le réalism
4139
que détaillant des objets communs ou des fichiers
de
cartes perforées : c’est littéralement sans histoire. Ou bien encore,
4140
ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe
de
Don Juan, ce cliché négatif de Tristan : la surprise opposée à la fid
4141
eur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif
de
Tristan : la surprise opposée à la fidélité, l’excitation rapide au l
4142
roués au lieu de la candeur monumentale, les jeux
d’
esprit au lieu des drames du spirituel. Selon les sociologues, la pass
4143
rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit
d’
obstacles choisis, et que notre culture tend à les supprimer, il reste
4144
rême, celui-là justement dont triomphe la passion
de
Tristan et d’Iseut : et c’est la mort. J’ai laissé jusqu’ici dans l’o
4145
justement dont triomphe la passion de Tristan et
d’
Iseut : et c’est la mort. J’ai laissé jusqu’ici dans l’ombre cet aspec
4146
op souvent, trop facilement cité, du « beau conte
d’
amour et de mort ». Les obstacles sociaux, coutumiers ou sacrés, ont c
4147
trop facilement cité, du « beau conte d’amour et
de
mort ». Les obstacles sociaux, coutumiers ou sacrés, ont cédé à nos s
4148
’en est-il du dernier barrage que notre condition
d’
êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’Amour même ? Si la pas
4149
otre condition d’êtres finis oppose à notre amour
d’
un être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bie
4150
our d’un être, à l’Amour même ? Si la passion vit
de
séparations, il est bien clair que la séparation la plus irrémédiable
4151
ires sont entrés, nous disent-ils, dans les voies
d’
une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils on
4152
d’une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour
de
leur vie, car ils ont beu leur destruction et leur mort ». Certes, c’
4153
urra deviner — ou susciter dans l’autre : la part
de
l’Ange. Pétrarque, en proie au mythe, ose parler d’un plaisir que l
4154
l’Ange. Pétrarque, en proie au mythe, ose parler
d’
un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audac
4155
e en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace
de
négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier auteur de la légende qu
4156
ocier avec la mort. Et Wagner, le dernier auteur
de
la légende qu’il a su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfrie
4157
de qu’il a su recréer d’après nature, s’inspirant
de
Gottfried de Strasbourg, inspiré lui-même des Bretons, de Béroul, et
4158
ried de Strasbourg, inspiré lui-même des Bretons,
de
Béroul, et d’on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa musique, vr
4159
ourg, inspiré lui-même des Bretons, de Béroul, et
d’
on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa musique, vrai langage du
4160
-même des Bretons, de Béroul, et d’on ne sait qui
d’
autre, Wagner décrit par sa musique, vrai langage du mythe essentiel,
4161
nce bande jaune sur la mer, dans le nouveau décor
de
Bayreuth, cette frileuse aurore jaune au bas du ciel, c’est un jour q
4162
el, c’est un jour qui renaît, non pas le jour des
hommes
et de leur peine quotidienne, mais l’horizon du nouveau Jour qui révé
4163
un jour qui renaît, non pas le jour des hommes et
de
leur peine quotidienne, mais l’horizon du nouveau Jour qui révélera l
4164
orizon du nouveau Jour qui révélera le sens caché
de
nos « apparences actuelles », le jour de l’Ange. Cet horizon de la mo
4165
ns caché de nos « apparences actuelles », le jour
de
l’Ange. Cet horizon de la mort est l’ultime sens du mythe. Mais il fa
4166
ences actuelles », le jour de l’Ange. Cet horizon
de
la mort est l’ultime sens du mythe. Mais il faut croire aux anges pou
4167
oire aux anges pour y croire. Selon la mythologie
de
l’ancien Iran, du mazdéisme de Zarathoustra, toutes les actions d’un
4168
elon la mythologie de l’ancien Iran, du mazdéisme
de
Zarathoustra, toutes les actions d’un homme sur la terre, ses intenti
4169
du mazdéisme de Zarathoustra, toutes les actions
d’
un homme sur la terre, ses intentions et ses désirs et ses amours, com
4170
azdéisme de Zarathoustra, toutes les actions d’un
homme
sur la terre, ses intentions et ses désirs et ses amours, composent a
4171
s désirs et ses amours, composent au Ciel un être
de
lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa pe
4172
ui est son Nom divin, sa personne éternelle. Tout
homme
est double : individu sur Terre, transitoire — et germe d’un être éte
4173
uble : individu sur Terre, transitoire — et germe
d’
un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et c
4174
e. L’événement majeur, la scène capitale du drame
de
la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit
4175
la personne ainsi constituée se produit à l’aube
de
la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de
4176
t qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre
de
l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysag
4177
à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé
de
la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans
4178
es dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor
de
montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croissent les pl
4179
ans un décor de montagnes flamboyant aux aurores,
d’
eaux célestes où croissent les plantes d’immortalité », au centre du m
4180
aurores, d’eaux célestes où croissent les plantes
d’
immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des
4181
vant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme
d’
une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais
4182
e et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’
homme
sur la Terre a maltraité son moi, au lieu de la Fravarti c’est une ap
4183
ui reflète son état déchu. Je ne puis m’empêcher
d’
imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme
4184
rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme
d’
ange, et femme, figure la conclusion du mythe de Tristan : ce qui se p
4185
e d’ange, et femme, figure la conclusion du mythe
de
Tristan : ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’
4186
istan : ce qui se passe trois jours après la mort
d’
amour. Iseut n’évoque-t-elle point cette forme de lumière qu’on ne rej
4187
d’amour. Iseut n’évoque-t-elle point cette forme
de
lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur
4188
it été, sur la Terre, le véritable objet du désir
de
Tristan, sa princesse lointaine et son « amour de loin » comme parlai
4189
de Tristan, sa princesse lointaine et son « amour
de
loin » comme parlait le troubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narcissi
4190
troubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narcissisme
de
Tristan trouverait ici son interprétation spirituelle. Toute filiatio
4191
s études — je me demande souvent si l’angélologie
de
l’ancien Iran ne détient pas le secret dernier de notre mythe. La tra
4192
de l’ancien Iran ne détient pas le secret dernier
de
notre mythe. La tradition chrétienne de l’amour du prochain ne s’en t
4193
t dernier de notre mythe. La tradition chrétienne
de
l’amour du prochain ne s’en trouverait-elle pas éclairée, à son tour
4194
tre, et le rejoindre enfin dans le monde lumineux
de
notre nostalgie. Mais alors l’obstacle dernier à notre amour, provoqu
4195
rdit, à quelque tabou religieux, à quelque décret
de
la morale que l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être m
4196
our abandonner, mais tient à l’être même, au fait
de
la personne. Nulle technique et nulle science de l’homme ne peut nous
4197
de la personne. Nulle technique et nulle science
de
l’homme ne peut nous être ici d’aucun secours. Il faut aimer, pour le
4198
a personne. Nulle technique et nulle science de l’
homme
ne peut nous être ici d’aucun secours. Il faut aimer, pour le compren
4199
et nulle science de l’homme ne peut nous être ici
d’
aucun secours. Il faut aimer, pour le comprendre et rapporter l’amour
4200
nous y aider, c’est bien là sa fonction, qui est
d’
orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur, u
4201
fonction, qui est d’orienter notre vie affective,
de
lui offrir un modèle simple et pur, une grande image ordonnatrice de
4202
dèle simple et pur, une grande image ordonnatrice
de
la passion. En restituant à notre temps ce modèle de l’amour-passion,
4203
la passion. En restituant à notre temps ce modèle
de
l’amour-passion, dans sa grandeur première et drue, les philologues n
4204
ère et drue, les philologues nous ont mis au défi
d’
apporter un peu plus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce
4205
ogues nous ont mis au défi d’apporter un peu plus
de
justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas seulement de
4206
d’apporter un peu plus de justesse dans le style
de
nos émotions. Et ce n’est pas seulement de la littérature qu’ils ont
4207
style de nos émotions. Et ce n’est pas seulement
de
la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de l’âme. aa. Rougemo
4208
nt de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais
de
l’âme. aa. Rougemont Denis de, « Tristan et Iseut à travers le te
4209
en mérité, mais de l’âme. aa. Rougemont Denis
de
, « Tristan et Iseut à travers le temps », Bulletin de l’Académie roya
4210
« Tristan et Iseut à travers le temps », Bulletin
de
l’Académie royale de langue et littérature françaises, Bruxelles, 196
4211
travers le temps », Bulletin de l’Académie royale
de
langue et littérature françaises, Bruxelles, 1961, p. 214-221. ab. P
4212
çaises, Bruxelles, 1961, p. 214-221. ab. Précédé
de
la note suivante : « Le fauteuil où il est élu n’ayant jamais eu de t
4213
e : « Le fauteuil où il est élu n’ayant jamais eu
de
titulaire depuis la fondation de l’Académie, M. Eugène Vinaver, en so
4214
’ayant jamais eu de titulaire depuis la fondation
de
l’Académie, M. Eugène Vinaver, en son discours de réception, n’avait
4215
de l’Académie, M. Eugène Vinaver, en son discours
de
réception, n’avait pas à rappeler le souvenir d’un prédécesseur. Il l
4216
de réception, n’avait pas à rappeler le souvenir
d’
un prédécesseur. Il lui fut donc loisible d’y indiquer d’intéressantes
4217
venir d’un prédécesseur. Il lui fut donc loisible
d’
y indiquer d’intéressantes théories sur le roman de Tristan et Iseut,
4218
édécesseur. Il lui fut donc loisible d’y indiquer
d’
intéressantes théories sur le roman de Tristan et Iseut, en réponse à
4219
’y indiquer d’intéressantes théories sur le roman
de
Tristan et Iseut, en réponse à M. Maurice Delbouille qui avait traité
4220
le dessein des deux orateurs, l’Académie s’avisa
de
compléter ces exposés de deux philologues sur la grande œuvre médiéva
4221
eurs, l’Académie s’avisa de compléter ces exposés
de
deux philologues sur la grande œuvre médiévale en invitant à sa tribu
4222
nis de Rougemont, qui a traité, lui, du « mythe »
de
Tristan et Iseut dans plusieurs ouvrages. M. Robert Guiette, directeu
4223
plusieurs ouvrages. M. Robert Guiette, directeur
de
l’Académie, se proposait d’introduire l’auteur de L’Amour et l’Occid
4224
rt Guiette, directeur de l’Académie, se proposait
d’
introduire l’auteur de L’Amour et l’Occident . Celui-ci, par un fâche
4225
de l’Académie, se proposait d’introduire l’auteur
de
L’Amour et l’Occident . Celui-ci, par un fâcheux contretemps, dut re
4226
donc en son absence que M. Guiette a rappelé que “
de
ses observations sur les récits et de sa réflexion sur le mythe de l’
4227
appelé que “de ses observations sur les récits et
de
sa réflexion sur le mythe de l’amour-passion, M. de Rougemont a tiré
4228
ns sur les récits et de sa réflexion sur le mythe
de
l’amour-passion, M. de Rougemont a tiré des essais très attachants su
4229
des essais très attachants sur l’aventure, sur l’
homme
occidental, sur l’Europe. Ses analyses l’ont conduit à retrouver le m
4230
. Ses analyses l’ont conduit à retrouver le mythe
de
Tristan dans ses métamorphoses les plus récentes. C’est en somme, apr
4231
les plus récentes. C’est en somme, après l’exposé
de
M. Vinaver fondé sur l’étude des textes la plus rigoureuse et la plus
4232
oucou. Il entendait que la Suisse n’a pas produit
de
grands hommes, comme l’Italie a produit Dante, l’Allemagne Goethe, la
4233
entendait que la Suisse n’a pas produit de grands
hommes
, comme l’Italie a produit Dante, l’Allemagne Goethe, la France Pascal
4234
aux yeux du premier venu, tandis que la grandeur
de
la Suisse reste un mystère, même aux yeux des Européens dotés d’une b
4235
ste un mystère, même aux yeux des Européens dotés
d’
une bonne culture moyenne. Et finalement, il faut avouer que le statut
4236
nalement, il faut avouer que le statut du « grand
homme
» en Suisse, en vertu de lois non écrites, mais très anciennes, le co
4237
aura jamais entendu ce nom. En revanche, les noms
d’
hommes importants qu’on lui donnera sont inconnus hors du canton. Ces
4238
ra jamais entendu ce nom. En revanche, les noms d’
hommes
importants qu’on lui donnera sont inconnus hors du canton. Ces trois
4239
us hors du canton. Ces trois points appelleraient
d’
infinis commentaires, un livre entier : imaginons du moins son argumen
4240
que des touristes l’exigent, je dirais : un pays
de
petits compartiments surmontés de sommets éclatants. Voyons cela d’un
4241
irais : un pays de petits compartiments surmontés
de
sommets éclatants. Voyons cela d’un peu plus près. Compartiments est
4242
ments surmontés de sommets éclatants. Voyons cela
d’
un peu plus près. Compartiments est le mot-clé de la Suisse. Vingt-cin
4243
d’un peu plus près. Compartiments est le mot-clé
de
la Suisse. Vingt-cinq États distincts quoique sans frontières visible
4244
artiments est le mot-clé de la Suisse. Vingt-cinq
États
distincts quoique sans frontières visibles ; deux confessions majeure
4245
partout mais qui s’ignorent ; je ne sais combien
de
races, de classes et de dialectes, jalousement préservés, et presque
4246
ais qui s’ignorent ; je ne sais combien de races,
de
classes et de dialectes, jalousement préservés, et presque sans mélan
4247
rent ; je ne sais combien de races, de classes et
de
dialectes, jalousement préservés, et presque sans mélange ; une douza
4248
préservés, et presque sans mélange ; une douzaine
de
paysages ou décors types, et l’on va de l’un à l’autre en une demi-he
4249
douzaine de paysages ou décors types, et l’on va
de
l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme il ar
4250
nutes comme il arrive quand on traverse le tunnel
de
Chexbres : la vue se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rh
4251
nnel de Chexbres : la vue se ferme sur un paysage
de
plateaux nordiques et rhénans, collines où montent les sapins en bata
4252
p, — et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré
d’
un ciel méridional que double un lac immense… Compartiments, esprit de
4253
que double un lac immense… Compartiments, esprit
de
groupe, et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissen
4254
sprit de groupe, et sociétés. Mais petits groupes
de
gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but
4255
solides si leur but est restreint. Si bien que l’
homme
de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d
4256
es si leur but est restreint. Si bien que l’homme
de
poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’un
4257
e de poids y sera surtout local. Il sera le grand
homme
d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque ja
4258
oids y sera surtout local. Il sera le grand homme
d’
une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamai
4259
rtout local. Il sera le grand homme d’une vallée,
d’
une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la
4260
mme d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui
d’
un canton, presque jamais celui de la nation entière. Cette situation
4261
rarement celui d’un canton, presque jamais celui
de
la nation entière. Cette situation entraîne de curieuses conséquences
4262
ui de la nation entière. Cette situation entraîne
de
curieuses conséquences dans le domaine de la vie publique : tout se l
4263
ntraîne de curieuses conséquences dans le domaine
de
la vie publique : tout se ligue instantanément contre celui qui ferai
4264
ligue instantanément contre celui qui ferait mine
de
dépasser la mesure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est im
4265
qui ferait mine de dépasser la mesure commune et
d’
être un chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de
4266
ührer suisse est impensable. Mais dans le domaine
de
la culture, cet égalitarisme à petite échelle ne présente guère que d
4267
ublic excité, un snobisme ou une cour, et un sens
de
la démesure. C’est tout cela qu’interdisent moralement nos coutumes,
4268
physiquement nos petits compartiments. Que fera l’
homme
de talent, d’ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son c
4269
uement nos petits compartiments. Que fera l’homme
de
talent, d’ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin
4270
petits compartiments. Que fera l’homme de talent,
d’
ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter
4271
rtiments. Que fera l’homme de talent, d’ambition,
de
génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter de se rendr
4272
Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter
de
se rendre utile, ou courir loin de la Suisse son aventure. Les achete
4273
rir loin de la Suisse son aventure. Les acheteurs
de
pendules à coucou ignorent généralement que ce fut un Suisse qui bâti
4274
Romand Le Corbusier, l’Alémanique Ammann, autant
de
Suisses qui ont vu grand, mais pas chez eux. Lucien Febvre, admirable
4275
pas chez eux. Lucien Febvre, admirable historien
de
la culture, écrivait à propos de la Suisse : Pays de gens moyens, ou
4276
a culture, écrivait à propos de la Suisse : Pays
de
gens moyens, oui. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur can
4277
ens, oui. Mais quand ils réussissent à se dégager
de
leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au f
4278
ussissent à se dégager de leur canton — alors pas
de
milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de
4279
de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond
de
son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hau
4280
atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’
homme
de Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa p
4281
gnent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme
de
Disentis, de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa pris
4282
versel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis,
de
Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il
4283
de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen,
de
Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’il monte sur la m
4284
de Goeschenen, de Viège, entre les hautes parois
de
sa prison. Mais s’il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des s
4285
gne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition
de
la grandeur. Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle
4286
des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus
d’
obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appe
4287
compartiment natal, iront chercher dans les jeux
de
la synthèse et dans les larges vues panoramiques les grandes dimensio
4288
is ce n’est pas en grimpant sur nos Alpes que ces
hommes
s’illustrèrent et apprirent à voir grand ; c’est au contraire en quit
4289
pays. Paracelse quitta très tôt son canton natal
de
Schwyz, Léonard Euler vécut en Allemagne et à la cour de Russie, Jean
4290
yz, Léonard Euler vécut en Allemagne et à la cour
de
Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berlin, Jean-Jacques, Madame de
4291
de l’étranger, des grands pays voisins et parfois
de
l’Amérique, que ce nom nous est revenu, comme importé. Un autre trait
4292
terait) ils furent tous, à des titres divers, des
hommes
utiles, des penseurs engagés, plutôt que des créateurs d’art ou de pe
4293
s, des penseurs engagés, plutôt que des créateurs
d’
art ou de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d’âmes, réform
4294
nseurs engagés, plutôt que des créateurs d’art ou
de
pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d’âmes, réformateurs po
4295
de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs
d’
âmes, réformateurs politiques ou religieux, négociateurs de grandes af
4296
éformateurs politiques ou religieux, négociateurs
de
grandes affaires publiques, théologiens et pédagogues, nous les voyon
4297
viques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait
d’
être utile excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience helv
4298
conscience helvétique… Nous n’avons pas en Suisse
de
purs poètes, ni de peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs
4299
ue… Nous n’avons pas en Suisse de purs poètes, ni
de
peintres qui aient fait époque, ni de compositeurs du plus haut rang.
4300
poètes, ni de peintres qui aient fait époque, ni
de
compositeurs du plus haut rang. Hölderlin et Keats, Mozart et Rubens,
4301
Une certaine démesure, un grand théâtre, un sens
de
la pompe et du style, libre de tout souci d’application « morale », l
4302
d théâtre, un sens de la pompe et du style, libre
de
tout souci d’application « morale », leur eussent été formellement re
4303
sens de la pompe et du style, libre de tout souci
d’
application « morale », leur eussent été formellement refusés par nos
4304
u complexe suisse. C’est à eux que la Suisse doit
de
représenter une plus grande densité de conscience européenne et d’eff
4305
uisse doit de représenter une plus grande densité
de
conscience européenne et d’efficacité transformatrice qu’on ne saurai
4306
e plus grande densité de conscience européenne et
d’
efficacité transformatrice qu’on ne saurait en trouver dans nulle autr
4307
’on ne saurait en trouver dans nulle autre région
d’
étendue comparable, sur notre continent. Le lecteur de ce recueil m’au
4308
endue comparable, sur notre continent. Le lecteur
de
ce recueil m’aura vu venir : je n’entendais poser que les prolégomène
4309
es à toute étude future sur l’œuvre et sur la vie
de
notre ami Carl J. Burckhardt. ad. Rougemont Denis de, « Nos meille
4310
re ami Carl J. Burckhardt. ad. Rougemont Denis
de
, « Nos meilleurs esprits », Dauer im Wandel : Festschrift zum 70. Geb
4311
que (juillet 1961)ae af L’économie occidentale
d’
aujourd’hui est dominée par l’industrie ; or le moteur de notre dévelo
4312
rd’hui est dominée par l’industrie ; or le moteur
de
notre développement industriel, c’est la technique, fille de la scien
4313
veloppement industriel, c’est la technique, fille
de
la science, et d’une science étroitement liée à toute l’évolution cul
4314
riel, c’est la technique, fille de la science, et
d’
une science étroitement liée à toute l’évolution culturelle de l’Occid
4315
e étroitement liée à toute l’évolution culturelle
de
l’Occident. C’est donc dans la technique, par son intermédiaire et à
4316
aire et à son sujet, que la culture et l’économie
de
l’Occident communiquent le plus directement, au niveau de la création
4317
lui des effets extérieurs, et s’inter-déterminent
de
la manière la mieux vérifiable. Le sujet de mes réflexions sera donc
4318
inent de la manière la mieux vérifiable. Le sujet
de
mes réflexions sera donc : l’interaction de la culture et de la techn
4319
sujet de mes réflexions sera donc : l’interaction
de
la culture et de la technique au sein de la civilisation dont l’Europ
4320
exions sera donc : l’interaction de la culture et
de
la technique au sein de la civilisation dont l’Europe constitue le fo
4321
titue le foyer créateur. Quel est l’état présent
de
ce problème ? Et dans quelle situation concrète abordons-nous notre s
4322
épondrai en citant trois faits qui ont l’avantage
d’
être connus de tous. Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire
4323
tant trois faits qui ont l’avantage d’être connus
de
tous. Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire, une civilisa
4324
mondiale, et c’est la civilisation technique. Née
de
l’Europe, développée par l’Amérique, adoptée par l’URSS et de là, tra
4325
développée par l’Amérique, adoptée par l’URSS et
de
là, transplantée en Chine, elle est devenue, au cours de ces dernière
4326
s la revendication parfois bruyante et turbulente
de
tous les pays du tiers-monde, même les plus farouchement hostiles à l
4327
politique. Fait n° 2. Presque partout, on manque
de
techniciens, d’ingénieurs et de contremaîtres, de managers, de spécia
4328
n° 2. Presque partout, on manque de techniciens,
d’
ingénieurs et de contremaîtres, de managers, de spécialistes, et même
4329
artout, on manque de techniciens, d’ingénieurs et
de
contremaîtres, de managers, de spécialistes, et même d’ouvriers quali
4330
de techniciens, d’ingénieurs et de contremaîtres,
de
managers, de spécialistes, et même d’ouvriers qualifiés. L’URSS est p
4331
s, d’ingénieurs et de contremaîtres, de managers,
de
spécialistes, et même d’ouvriers qualifiés. L’URSS est peut-être la s
4332
tremaîtres, de managers, de spécialistes, et même
d’
ouvriers qualifiés. L’URSS est peut-être la seule exception. Il en rés
4333
ption. Il en résulte qu’on propose un peu partout
d’
orienter les études, dès l’enfance, vers la formation scientifique et
4334
t technique, aux dépens de la culture générale et
de
ce que les Français et les Anglo-Saxons nomment encore les humanités.
4335
humanités. Fait n° 3. Depuis plusieurs dizaines
d’
années, les plus grands penseurs de l’Europe et des États-Unis, suivis
4336
ieurs dizaines d’années, les plus grands penseurs
de
l’Europe et des États-Unis, suivis par les chroniqueurs des journaux
4337
par les chroniqueurs des journaux et par l’élite
de
la bourgeoisie, chantent sur tous les tons la plainte de l’humanisme
4338
ourgeoisie, chantent sur tous les tons la plainte
de
l’humanisme opprimé par la technique, et prédisent la mise en esclava
4339
r la technique, et prédisent la mise en esclavage
de
l’homme par la machine. Au moment même où l’Occident voit sa techniqu
4340
technique, et prédisent la mise en esclavage de l’
homme
par la machine. Au moment même où l’Occident voit sa technique et ses
4341
s par le monde entier, l’Occident se met à douter
de
son bon droit, et à diviser ses forces en deux camps : d’une part, ce
4342
nt nos traditions humanistes, ceux qui s’opposent
de
toutes leurs forces instinctives à la technique, et qu’on nomme les r
4343
e à ne pas voir à quel point la technique résulte
de
la culture occidentale et s’en nourrit, et à quel point cette culture
4344
te culture occidentale peut à son tour bénéficier
de
la technique. Je suis pour ma part convaincu que notre culture, dans
4345
ccidentale ; et que la technique ne saurait faire
de
vrais progrès si elle se coupe de la culture. Je pense donc que l’opp
4346
e saurait faire de vrais progrès si elle se coupe
de
la culture. Je pense donc que l’opposition entre la culture générale
4347
aux problème. Car sans culture occidentale, point
de
technique, au sens actuel, au sens universel du terme ; et à l’invers
4348
du terme ; et à l’inverse, sans technique, point
d’
avenir pour la culture, au sens occidental du terme. L’une se nourrit
4349
re, au sens occidental du terme. L’une se nourrit
de
l’autre et l’une sans l’autre serait condamnée à dépérir en peu de te
4350
entrale, il faudrait des volumes et toute une vie
de
recherches. Je vais devoir me contenter de vous rappeler quelques exe
4351
ne vie de recherches. Je vais devoir me contenter
de
vous rappeler quelques exemples très typiques d’inventions techniques
4352
de vous rappeler quelques exemples très typiques
d’
inventions techniques décisives. Elles dépendent, non point des « lois
4353
décisives. Elles dépendent, non point des « lois
de
l’économie » dont parlaient Marx et les théoriciens bourgeois de l’ut
4354
dont parlaient Marx et les théoriciens bourgeois
de
l’utilitarisme, mais au contraire des rêves les plus constants de l’h
4355
e, mais au contraire des rêves les plus constants
de
l’homme, des rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’on nomme les h
4356
is au contraire des rêves les plus constants de l’
homme
, des rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’on nomme les hasards,
4357
aussi les grands thèmes directeurs des créations
de
notre culture. Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils ? Quels sont
4358
cteurs des créations de notre culture. Pourquoi l’
homme
fabrique-t-il des outils ? Quels sont donc les motifs profonds de la
4359
des outils ? Quels sont donc les motifs profonds
de
la technique ? Tout le xixe siècle répond en chœur : que l’homme inv
4360
ue ? Tout le xixe siècle répond en chœur : que l’
homme
invente pour des motifs utilitaires. Et presque tous les historiens d
4361
otifs utilitaires. Et presque tous les historiens
de
la technique répètent jusqu’à nos jours que les grandes inventions on
4362
ériels. Quelques-uns cependant nous disent : si l’
homme
invente, c’est par défi aux dieux, c’est pour ravir le feu du ciel, c
4363
thée, et pour soumettre la Nature à notre volonté
de
puissance et de richesse. Et pourtant, la plupart des exemples classi
4364
umettre la Nature à notre volonté de puissance et
de
richesse. Et pourtant, la plupart des exemples classiques d’invention
4365
. Et pourtant, la plupart des exemples classiques
d’
inventions et de découvertes, si l’on y regarde de près, réfutent préc
4366
a plupart des exemples classiques d’inventions et
de
découvertes, si l’on y regarde de près, réfutent précisément ces théo
4367
d’inventions et de découvertes, si l’on y regarde
de
près, réfutent précisément ces théories. À l’origine des inventions e
4368
du xvie au xixe siècle, qui ont décidé du sort
de
la technique moderne, et par suite de notre économie, nous ne trouvon
4369
de notre économie, nous ne trouvons pas le désir
de
gain, ni le besoin de confort, ni la volonté de puissance, mais au co
4370
us ne trouvons pas le désir de gain, ni le besoin
de
confort, ni la volonté de puissance, mais au contraire des rêves magi
4371
r de gain, ni le besoin de confort, ni la volonté
de
puissance, mais au contraire des rêves magiques ou religieux, affecti
4372
s, archétypiques, et très généralement humains. L’
homme
primitif crée des outils parce qu’il joue avec les démons cachés dans
4373
veillés. Il exorcise prudemment la Nature peuplée
de
dieux ou de malicieux lutins. L’homme moderne est-il très différent ?
4374
exorcise prudemment la Nature peuplée de dieux ou
de
malicieux lutins. L’homme moderne est-il très différent ? Prenons que
4375
Nature peuplée de dieux ou de malicieux lutins. L’
homme
moderne est-il très différent ? Prenons quelques exemples de ses inve
4376
est-il très différent ? Prenons quelques exemples
de
ses inventions techniques les plus spectaculaires : la machine à vape
4377
eur, la turbine, l’auto et l’avion. C’est du rêve
de
voler qu’est né l’avion, et non pas de la prévision des avantages éco
4378
st du rêve de voler qu’est né l’avion, et non pas
de
la prévision des avantages économiques, touristiques et militaires qu
4379
résenterait un jour l’aviation. L’histoire du vol
d’
Icare est le récit d’un rêve que presque tous les hommes ont fait une
4380
’aviation. L’histoire du vol d’Icare est le récit
d’
un rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l’autre, y co
4381
Icare est le récit d’un rêve que presque tous les
hommes
ont fait une nuit ou l’autre, y compris Léonard de Vinci. Le motif on
4382
motif onirique du vol, attesté par des centaines
d’
auteurs depuis trois-mille ans, est de toute évidence antérieur à tout
4383
s centaines d’auteurs depuis trois-mille ans, est
de
toute évidence antérieur à toute espèce de considération utilitaire.
4384
s, est de toute évidence antérieur à toute espèce
de
considération utilitaire. C’est du rêve de partir au hasard sur les r
4385
espèce de considération utilitaire. C’est du rêve
de
partir au hasard sur les routes qu’est née l’auto, comme le prouve le
4386
outes qu’est née l’auto, comme le prouve le récit
de
cette invention que, dans son livre intitulé Ma Vie, nous donne l’inv
4387
Ford. Ce rêveur incurable, ce bricoleur dépourvu
de
connaissances scientifiques, cherchait à construire, nous dit-il, une
4388
et des chemins dans les campagnes : rêve typique
de
l’adolescence, qui est l’âge des fugues. Le jeune Henry Ford le réali
4389
enté le moteur à explosion interne. Des douzaines
d’
ingénieurs ou amateurs de mécanique, en France surtout, avaient constr
4390
n interne. Des douzaines d’ingénieurs ou amateurs
de
mécanique, en France surtout, avaient construit d’autres voitures aut
4391
demeure pas moins exemplaire. L’un des inventeurs
de
la turbine fut Léonard Euler, mathématicien de génie, et ici, c’est l
4392
rs de la turbine fut Léonard Euler, mathématicien
de
génie, et ici, c’est le motif religieux qui est décisif. Élevé à Bâle
4393
ardemment piétiste, Euler pensait que ses livres
de
science pure, écrits en latin, ne servaient pas assez directement l’h
4394
calcul différentiel et intégral et la philosophie
de
la Nature, il prit le temps d’imaginer les plans d’une machine nouvel
4395
et la philosophie de la Nature, il prit le temps
d’
imaginer les plans d’une machine nouvelle, qui devint la turbine. Enfi
4396
la Nature, il prit le temps d’imaginer les plans
d’
une machine nouvelle, qui devint la turbine. Enfin, la machine à vapeu
4397
entaire : il fallait qu’un surveillant introduise
de
temps à autre un jet d’eau froide dans le réservoir contenant la vape
4398
un surveillant introduise de temps à autre un jet
d’
eau froide dans le réservoir contenant la vapeur, afin de produire sa
4399
sa condensation. Un jour, un jeune enfant chargé
de
cette besogne, Humphrey Potter, eut l’idée de relier à un balancier l
4400
rgé de cette besogne, Humphrey Potter, eut l’idée
de
relier à un balancier les robinets commandant l’arrivée de la vapeur
4401
à un balancier les robinets commandant l’arrivée
de
la vapeur et de l’eau froide, rendant ainsi le processus automatique
4402
les robinets commandant l’arrivée de la vapeur et
de
l’eau froide, rendant ainsi le processus automatique ; et il fit cela
4403
omatique ; et il fit cela, nous disent les récits
de
l’époque, afin de pouvoir aller jouer. James Watt, plus tard, ne fit
4404
qui avait été ainsi, sans le savoir, l’inventeur
de
l’automation créatrice de loisir. Dans aucun de ces exemples d’invent
4405
le savoir, l’inventeur de l’automation créatrice
de
loisir. Dans aucun de ces exemples d’inventions techniques, le motif
4406
r de l’automation créatrice de loisir. Dans aucun
de
ces exemples d’inventions techniques, le motif n’est utilitaire, écon
4407
n créatrice de loisir. Dans aucun de ces exemples
d’
inventions techniques, le motif n’est utilitaire, économique ou financ
4408
ire, économique ou financier. Ce sont des besoins
d’
un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont guidé l’intuiti
4409
t guidé l’intuition des inventeurs. L’explication
de
la technique par des besoins utilitaires ou économiques repose en som
4410
ont sourire l’économiste, l’homme d’affaires et l’
homme
politique. (Adolphe Thiers, historien et ministre français, déclare e
4411
Plus tard, l’industrie et la banque, avec l’aide
de
savants économistes, échafaudent sur de telles amusettes le système c
4412
ec l’aide de savants économistes, échafaudent sur
de
telles amusettes le système compliqué de leurs « lois économiques »,
4413
dent sur de telles amusettes le système compliqué
de
leurs « lois économiques », et prétendent que ces lois expriment les
4414
dent que ces lois expriment les besoins matériels
de
l’homme des masses. La vérité est simplement inverse : l’homme moyen
4415
que ces lois expriment les besoins matériels de l’
homme
des masses. La vérité est simplement inverse : l’homme moyen n’éprouv
4416
des masses. La vérité est simplement inverse : l’
homme
moyen n’éprouve le besoin de prendre le train, l’avion, ou son auto,
4417
ement inverse : l’homme moyen n’éprouve le besoin
de
prendre le train, l’avion, ou son auto, que parce que quelques fous e
4418
son auto, que parce que quelques fous et rêveurs
de
génie inventèrent un beau jour ces mécaniques, qui devaient permettre
4419
e. Si le besoin matériel expliquait les créations
de
la technique, et si les produits de l’industrie répondaient aux besoi
4420
les créations de la technique, et si les produits
de
l’industrie répondaient aux besoins matériels, pourquoi ferait-on de
4421
ndaient aux besoins matériels, pourquoi ferait-on
de
la publicité ? Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, l’explication
4422
en train de devenir vraie. La plupart des brevets
d’
invention suivis d’exploitation sont pris par les bureaux d’études des
4423
vraie. La plupart des brevets d’invention suivis
d’
exploitation sont pris par les bureaux d’études des grandes firmes ind
4424
n suivis d’exploitation sont pris par les bureaux
d’
études des grandes firmes industrielles ou des offices de recherches m
4425
s des grandes firmes industrielles ou des offices
de
recherches militaires. Mais ce sont, après tout, de petites invention
4426
recherches militaires. Mais ce sont, après tout,
de
petites inventions répondant à de petites nécessités d’abaissement d’
4427
nt, après tout, de petites inventions répondant à
de
petites nécessités d’abaissement d’un prix de revient ou d’augmentati
4428
ites inventions répondant à de petites nécessités
d’
abaissement d’un prix de revient ou d’augmentation d’un confort défini
4429
s répondant à de petites nécessités d’abaissement
d’
un prix de revient ou d’augmentation d’un confort défini en termes phy
4430
t à de petites nécessités d’abaissement d’un prix
de
revient ou d’augmentation d’un confort défini en termes physiques. Le
4431
nécessités d’abaissement d’un prix de revient ou
d’
augmentation d’un confort défini en termes physiques. Les très grandes
4432
baissement d’un prix de revient ou d’augmentation
d’
un confort défini en termes physiques. Les très grandes inventions de
4433
en termes physiques. Les très grandes inventions
de
notre siècle vérifient, en revanche, une fois de plus, la thèse du rê
4434
suffira. Les plus grandes sommes — des milliards
de
dollars — que dépensent nos plus grands États, sont affectées à la re
4435
liards de dollars — que dépensent nos plus grands
États
, sont affectées à la recherche des moyens d’explorer le cosmos. Perso
4436
s États, sont affectées à la recherche des moyens
d’
explorer le cosmos. Personne ne peut savoir à quoi cela servira. Ce qu
4437
x yeux de l’utilitarisme, ce ne sont pas les lois
de
l’économie et encore moins les besoins matériels — quand les 2/3 de l
4438
ncore moins les besoins matériels — quand les 2/3
de
l’humanité souffrent la faim — mais c’est un rêve, un rêve universel
4439
nouvelles qui procurent à nos industries ou à nos
États
de nouveaux moyens d’enrichissement ou de puissance, nos descendants
4440
les qui procurent à nos industries ou à nos États
de
nouveaux moyens d’enrichissement ou de puissance, nos descendants dir
4441
nos industries ou à nos États de nouveaux moyens
d’
enrichissement ou de puissance, nos descendants diront : c’est à cause
4442
nos États de nouveaux moyens d’enrichissement ou
de
puissance, nos descendants diront : c’est à cause de cela, c’est pour
4443
tous témoins qu’il n’en est rien. C’est la nature
de
nos rêves constants qui détermine nos découvertes, donc nos technique
4444
donc nos techniques. Mais nos rêves à leur tour,
d’
où viennent-ils ? Ils expriment nos croyances autant que nos instincts
4445
ociaux et religieux autant que les désirs secrets
de
l’individu et les possibilités illimitées de l’imagination : ce sont
4446
rets de l’individu et les possibilités illimitées
de
l’imagination : ce sont eux qui créent la culture, les arts, les scie
4447
faut pas oublier qu’ils se nourrissent en retour
de
la culture : nos lectures, les tableaux que nous avons vus, les image
4448
les images du divin que nous livrent les siècles
de
notre civilisation, modifient sans nul doute notre pouvoir de rêve, s
4449
ilisation, modifient sans nul doute notre pouvoir
de
rêve, son imagerie et ses orientations, — qui sont celles de nos déco
4450
n imagerie et ses orientations, — qui sont celles
de
nos découvertes. En résumé — notre technique occidentale est née du r
4451
technique occidentale est née du rêve occidental,
de
ce même rêve qui a créé notre culture ; — la technique n’est donc pas
4452
posées dans leurs sources, puisqu’elles procèdent
de
nos mêmes rêves fondamentaux. Cette thèse présente l’avantage de nou
4453
es fondamentaux. Cette thèse présente l’avantage
de
nous faire mieux comprendre la nature des deux dangers majeurs que la
4454
des deux dangers majeurs que la technique risque
de
créer dans ce siècle : le danger — que je crois illusoire — de la mis
4455
ce siècle : le danger — que je crois illusoire —
de
la mise en esclavage des Occidentaux par leurs machines, et le danger
4456
et le danger — beaucoup plus sérieux à mon sens —
d’
un épuisement des sources vives de l’invention, par la réduction de la
4457
ux à mon sens — d’un épuisement des sources vives
de
l’invention, par la réduction de la culture générale dans l’éducation
4458
es sources vives de l’invention, par la réduction
de
la culture générale dans l’éducation au profit de la seule formation
4459
de la culture générale dans l’éducation au profit
de
la seule formation technique. Dans la première moitié du xxe siècle,
4460
sisté à ce que l’on nomme souvent l’envahissement
de
notre vie par la machine. Et tous nos grands penseurs de se lamenter
4461
e vie par la machine. Et tous nos grands penseurs
de
se lamenter sur le déclin des valeurs spirituelles, et sur la mise en
4462
valeurs spirituelles, et sur la mise en esclavage
de
l’homme par les machines, les robots, les cerveaux électroniques. Que
4463
rs spirituelles, et sur la mise en esclavage de l’
homme
par les machines, les robots, les cerveaux électroniques. Que faut-il
4464
s cerveaux électroniques. Que faut-il donc penser
de
cette longue plainte qui fut mise à la mode par Bergson, et de ce pes
4465
ue plainte qui fut mise à la mode par Bergson, et
de
ce pessimisme général, que l’invention de la bombe H risque de transf
4466
son, et de ce pessimisme général, que l’invention
de
la bombe H risque de transformer en panique planétaire ? Si je ne par
4467
sme général, que l’invention de la bombe H risque
de
transformer en panique planétaire ? Si je ne partage nullement ce pes
4468
age nullement ce pessimisme, c’est que les motifs
de
craindre la technique me paraissent déjà dépassés par l’évolution mêm
4469
me paraissent déjà dépassés par l’évolution même
de
la technique. Quand on répète que les machines vont mettre l’homme en
4470
e. Quand on répète que les machines vont mettre l’
homme
en esclavage, ou que la bombe va nous détruire, on oublie simplement
4471
nt que les machines et la bombe sont faites par l’
homme
et ne feront rien sans lui. J’écrivais au lendemain d’Hiroshima :
4472
ne feront rien sans lui. J’écrivais au lendemain
d’
Hiroshima : La bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. C
4473
objet. Ce qui est horriblement dangereux, c’est l’
homme
. C’est lui qui a fait la bombe et se prépare à l’employer. Le contrôl
4474
la bombe et se prépare à l’employer. Le contrôle
de
la bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’
4475
des Comités pour la retenir ! C’est comme si tout
d’
un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les
4476
coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher
d’
aller casser les vases de Chine. Si on laisse la bombe tranquille, ell
4477
e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases
de
Chine. Si on laisse la bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
4478
te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas
d’
histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’est
4479
’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle
de
l’homme. Il n’est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-e
4480
oires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’
homme
. Il n’est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui
4481
faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’est pas
d’
invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mi
4482
sse être mise au service des passions meurtrières
de
l’homme : le couteau de cuisine a sûrement fait plus de victimes dans
4483
tre mise au service des passions meurtrières de l’
homme
: le couteau de cuisine a sûrement fait plus de victimes dans notre h
4484
des passions meurtrières de l’homme : le couteau
de
cuisine a sûrement fait plus de victimes dans notre histoire que les
4485
omme : le couteau de cuisine a sûrement fait plus
de
victimes dans notre histoire que les bombes atomiques larguées sur le
4486
s bombes atomiques larguées sur le Japon. C’est l’
homme
lui-même qui reste responsable, et non pas la machine, parfaitement i
4487
ue qui l’a produite. Dire que la machine domine l’
homme
, ce n’est qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une
4488
a machine domine l’homme, ce n’est qu’une manière
de
parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une manière de
4489
ar contre ne fut pas une illusion, ni une manière
de
parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’un siè
4490
qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus
d’
un siècle pour une partie de nos populations occidentales, ce fut le s
4491
tragédie depuis plus d’un siècle pour une partie
de
nos populations occidentales, ce fut le sort du travailleur industrie
4492
ntales, ce fut le sort du travailleur industriel,
de
cet immense prolétariat créé par l’expansion subite du machinisme dès
4493
chinisme dès le premier tiers du xixe siècle — l’
homme
attaché au service des machines jusqu’à seize heures par jour, dès sa
4494
’à seize heures par jour, dès sa jeunesse, puis l’
homme
taylorisé, travaillant à la chaîne. Et certes ce n’étaient pas non pl
4495
i forçaient l’ouvrier à les servir, mais d’autres
hommes
conduits par leur passion de produire sans tenir compte du facteur hu
4496
r, mais d’autres hommes conduits par leur passion
de
produire sans tenir compte du facteur humain et de la dignité de la p
4497
e produire sans tenir compte du facteur humain et
de
la dignité de la personne humaine, dans leurs plans de rendement à to
4498
s tenir compte du facteur humain et de la dignité
de
la personne humaine, dans leurs plans de rendement à tout prix. C’est
4499
dignité de la personne humaine, dans leurs plans
de
rendement à tout prix. C’est alors que Karl Marx peut décrire le prol
4500
rolétaire industriel comme le « complément vivant
d’
un mécanisme mort ». Mais déjà nous voyons s’approcher la fin de cette
4501
mort ». Mais déjà nous voyons s’approcher la fin
de
cette ère primitive, inhumaine et cruelle, de la technique occidental
4502
fin de cette ère primitive, inhumaine et cruelle,
de
la technique occidentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne so
4503
marquable, ce ne sont pas les justes indignations
d’
un Marx, ni l’action politique des partis socialistes, et encore moins
4504
des communistes qui ont créé les moyens concrets
de
libérer le prolétariat, mais c’est la technique elle-même. Ce n’est p
4505
les accélérant, que nous sommes parvenus au seuil
d’
une ère nouvelle, qui doit et peut, progressivement, nous permettre no
4506
rogressivement, nous permettre non plus seulement
d’
améliorer la condition prolétarienne, mais de la supprimer, à la limit
4507
ment d’améliorer la condition prolétarienne, mais
de
la supprimer, à la limite. L’utopie de « l’usine sans ouvriers » comm
4508
enne, mais de la supprimer, à la limite. L’utopie
de
« l’usine sans ouvriers » commence à se réaliser en Occident. Et l’on
4509
st poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin
d’
être servi, mais seulement surveillé par l’homme. Mais il y a plus. Le
4510
soin d’être servi, mais seulement surveillé par l’
homme
. Mais il y a plus. Le principal produit de la technique moderne et de
4511
r l’homme. Mais il y a plus. Le principal produit
de
la technique moderne et de l’automatisation de l’industrie, en fin de
4512
. Le principal produit de la technique moderne et
de
l’automatisation de l’industrie, en fin de compte, c’est le loisir !
4513
it de la technique moderne et de l’automatisation
de
l’industrie, en fin de compte, c’est le loisir ! La réduction du temp
4514
e compte, c’est le loisir ! La réduction du temps
de
travail moyen à l’usine ou au bureau, obtenue depuis trois quarts de
4515
l’usine ou au bureau, obtenue depuis trois quarts
de
siècle, est d’environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chi
4516
ureau, obtenue depuis trois quarts de siècle, est
d’
environ deux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chiffre se verra f
4517
rtiellement libérée du travail mécanique, pourvue
de
loisirs tout nouveaux, et privée du même coup du droit de se plaindre
4518
rs tout nouveaux, et privée du même coup du droit
de
se plaindre qu’elle n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous
4519
du droit de se plaindre qu’elle n’a pas le temps
de
se cultiver ! Bien sûr, nous ne confondrons pas le simple loisir et l
4520
ues, mais d’abord à écrire des livres, à composer
de
la musique, à méditer, à inventer et à créer. C’est un travail, c’est
4521
e si le temps libre est augmenté, la consommation
de
la culture augmentera elle aussi, et que par suite, les conditions du
4522
i, et que par suite, les conditions du producteur
de
la culture seront sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la techn
4523
améliorées. Donc, tout ce que la technique permet
de
gagner sur le temps de travail mécanique et routinier sera gagné pour
4524
ce que la technique permet de gagner sur le temps
de
travail mécanique et routinier sera gagné pour la culture, ou pourra
4525
en résultera que la culture deviendra le sérieux
de
la vie. Je résume cette première partie de mon propos : la culture de
4526
érieux de la vie. Je résume cette première partie
de
mon propos : la culture de l’Europe a produit la technique ; on a pu
4527
cette première partie de mon propos : la culture
de
l’Europe a produit la technique ; on a pu craindre alors que cette te
4528
u craindre alors que cette technique asservisse l’
homme
et tue la vraie culture ; mais nous voyons que les progrès techniques
4529
e croissante. Cependant un danger subsiste. L’ère
de
l’automation et de l’électronique exige la formation scientifique trè
4530
dant un danger subsiste. L’ère de l’automation et
de
l’électronique exige la formation scientifique très poussée non seule
4531
formation scientifique très poussée non seulement
d’
une petite élite, mais d’une masse importante de techniciens. Deux exe
4532
ès poussée non seulement d’une petite élite, mais
d’
une masse importante de techniciens. Deux exemples : la France déclare
4533
t d’une petite élite, mais d’une masse importante
de
techniciens. Deux exemples : la France déclare qu’elle manque dès auj
4534
la France déclare qu’elle manque dès aujourd’hui
d’
environ cinquante mille techniciens et ingénieurs. Quant à l’URSS, ell
4535
Cette formation obligatoire absorbe 67 % du temps
d’
étude, et ne laisse à peu près aucune place à la culture générale, réd
4536
ne place à la culture générale, réduite aux cours
de
marxisme-léninisme. Mais le fait est que les Russes ont lancé les pre
4537
rique, on réclame à grands cris l’intensification
de
la formation de techniciens, aux dépens de la culture générale. Le da
4538
e à grands cris l’intensification de la formation
de
techniciens, aux dépens de la culture générale. Le danger qui apparaî
4539
générale. Le danger qui apparaît ici, c’est celui
de
stériliser les sources vives de l’invention technique qui tient à l’e
4540
ici, c’est celui de stériliser les sources vives
de
l’invention technique qui tient à l’ensemble de notre culture et à se
4541
s de l’invention technique qui tient à l’ensemble
de
notre culture et à ses rêves directeurs. Gardons-nous de scier la bra
4542
e culture et à ses rêves directeurs. Gardons-nous
de
scier la branche sur laquelle est assise notre puissance technique ;
4543
omme culture générale. Les plus grands inventeurs
de
tous les temps n’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des
4544
loufoque, Charles Cros. Ces successeurs modernes
d’
un Archimède et d’un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’éc
4545
Cros. Ces successeurs modernes d’un Archimède et
d’
un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’écoles techniques po
4546
d’un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant
d’
écoles techniques politiquement disciplinées, ou même d’écoles où ils
4547
es techniques politiquement disciplinées, ou même
d’
écoles où ils n’auraient reçu qu’une instruction purement technique. L
4548
ère nouvelle exigera, c’est entendu, des dizaines
de
milliers d’ingénieurs, mais si l’on subordonne tout notre enseignemen
4549
exigera, c’est entendu, des dizaines de milliers
d’
ingénieurs, mais si l’on subordonne tout notre enseignement à leur seu
4550
ialisée, il en résultera 1° que nous aurons moins
de
grands inventeurs et 2° que c’est alors que nous courrons le risque d
4551
et 2° que c’est alors que nous courrons le risque
d’
être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à l
4552
rituellement soumis à nos machines, étant dressés
d’
avance à les servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieux en dispos
4553
lieu d’être éduqués pour vivre mieux en disposant
de
leurs services. De ces trop rapides analyses — je tirerai maintenant
4554
pour vivre mieux en disposant de leurs services.
De
ces trop rapides analyses — je tirerai maintenant quelques conclusion
4555
maintenant quelques conclusions : 1. Gardons-nous
d’
opposer théoriquement la culture et la technique comme s’il s’agissait
4556
la culture et la technique comme s’il s’agissait
de
deux entités indépendantes et au surplus rivales. Nous avons vu que
4557
fonds et s’alimentent aux mêmes nappes profondes
de
la psyché, à la fois fabulatrice et fabricatrice, poétique au sens ét
4558
ément vérifier que leurs effets, au stade présent
de
leur évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire sont au contra
4559
ent de leur évolution, loin de se contrecarrer et
de
se nuire sont au contraire en relation de promotion réciproque. La te
4560
rrer et de se nuire sont au contraire en relation
de
promotion réciproque. La technique ne permet pas seulement une augmen
4561
ique occidentale est mise à la portée instantanée
de
tous les amateurs de musique, et le nombre de ces amateurs est en mêm
4562
mise à la portée instantanée de tous les amateurs
de
musique, et le nombre de ces amateurs est en même temps multiplié. Il
4563
née de tous les amateurs de musique, et le nombre
de
ces amateurs est en même temps multiplié. Il en va de même pour les p
4564
temps multiplié. Il en va de même pour les pièces
de
théâtre, grâce à la radio, pour les œuvres d’art grâce aux procédés d
4565
a radio, pour les œuvres d’art grâce aux procédés
de
reproduction en couleur, et pour toute la littérature, et même pour l
4566
ndu possible par les perfectionnements techniques
de
l’édition et par la généralisation de la curiosité intellectuelle, ré
4567
techniques de l’édition et par la généralisation
de
la curiosité intellectuelle, résultant de loisirs accrus. Bergson, qu
4568
isation de la curiosité intellectuelle, résultant
de
loisirs accrus. Bergson, qui réclamait si anxieusement un « supplémen
4569
on, qui réclamait si anxieusement un « supplément
d’
âme » pour notre société technique se voit doté, grâce aux paperbacks,
4570
été technique se voit doté, grâce aux paperbacks,
d’
un supplément posthume de 200 000 lecteurs aux États-Unis ! Deuxième c
4571
é, grâce aux paperbacks, d’un supplément posthume
de
200 000 lecteurs aux États-Unis ! Deuxième conclusion : Gardons-nous
4572
x États-Unis ! Deuxième conclusion : Gardons-nous
d’
opposer technique et culture générale dans nos programmes d’éducation
4573
technique et culture générale dans nos programmes
d’
éducation scolaire et universitaire. Car cela reviendrait à opposer l
4574
à opposer l’arbre et le fruit, au détriment final
de
l’un et de l’autre. On nous répète que notre société a besoin d’innom
4575
’arbre et le fruit, au détriment final de l’un et
de
l’autre. On nous répète que notre société a besoin d’innombrables tec
4576
’autre. On nous répète que notre société a besoin
d’
innombrables techniciens, et qu’il s’agit de les former d’urgence aux
4577
esoin d’innombrables techniciens, et qu’il s’agit
de
les former d’urgence aux dépens des humanités et de la culture généra
4578
rables techniciens, et qu’il s’agit de les former
d’
urgence aux dépens des humanités et de la culture générale. L’URSS a d
4579
les former d’urgence aux dépens des humanités et
de
la culture générale. L’URSS a décidé de sacrifier la culture générale
4580
anités et de la culture générale. L’URSS a décidé
de
sacrifier la culture générale, et elle a produit les Spoutniks. Je cr
4581
n des trois physiciens qui ont réalisé la fission
de
l’atome comment il travaillait à cette époque. Il me décrivit en déta
4582
us voyez, notre activité réelle, c’est un mélange
de
poésie et de cuisine. Les procédés techniques et l’élaboration mathém
4583
re activité réelle, c’est un mélange de poésie et
de
cuisine. Les procédés techniques et l’élaboration mathématique vienne
4584
tard. »… Et de même, Robert Oppenheimer ne cesse
d’
insister sur la nécessité absolue d’une vaste culture générale et synt
4585
imer ne cesse d’insister sur la nécessité absolue
d’
une vaste culture générale et synthétique, englobant la littérature et
4586
ou à des monstruosités. S’il nous faut davantage
de
techniciens et de chercheurs scientifiques, il nous faut donc davanta
4587
sités. S’il nous faut davantage de techniciens et
de
chercheurs scientifiques, il nous faut donc davantage de culture géné
4588
cheurs scientifiques, il nous faut donc davantage
de
culture générale, et non pas moins, et seulement un peu plus de forma
4589
érale, et non pas moins, et seulement un peu plus
de
formation technique pendant le temps de la scolarité : car le métier
4590
peu plus de formation technique pendant le temps
de
la scolarité : car le métier ne s’apprend qu’en dehors des études. Ch
4591
ns d’abord à concevoir les grands buts spirituels
de
l’homme, la technique sera donnée par-dessus. Troisième conclusion :
4592
abord à concevoir les grands buts spirituels de l’
homme
, la technique sera donnée par-dessus. Troisième conclusion : Ne perdo
4593
-dessus. Troisième conclusion : Ne perdons jamais
de
vue le contexte culturel de la technique. Car c’est ce contexte cult
4594
n : Ne perdons jamais de vue le contexte culturel
de
la technique. Car c’est ce contexte culturel qui agit dans les pays
4595
pays sous-développés, à l’insu des bénéficiaires
de
nos techniques, mais alors d’une manière anarchique, souvent néfaste.
4596
u des bénéficiaires de nos techniques, mais alors
d’
une manière anarchique, souvent néfaste. Les machines inventées par l’
4597
éveloppés sont les équivalents modernes du cheval
de
Troie. Et si nous persistons à l’ignorer, nous donnerons aux pays sou
4598
s-développés des objets explosifs et destructeurs
de
leurs traditions ancestrales et de leurs équilibres traditionnels, sa
4599
t destructeurs de leurs traditions ancestrales et
de
leurs équilibres traditionnels, sans leur expliquer les dangers et le
4600
sans leur expliquer les dangers et les bienfaits
de
notre apport. Nous leur donnerons des drogues sans mode d’emploi, et
4601
apport. Nous leur donnerons des drogues sans mode
d’
emploi, et nos remèdes deviendront des poisons. Il est donc temps, pou
4602
oisons. Il est donc temps, pour nous Occidentaux,
d’
adjoindre à l’assistance technique dont tout le monde parle et que tou
4603
nt tout le monde parle et que tout le monde exige
de
nous, une assistance éducatrice et culturelle, sans laquelle tous nos
4604
économie occidentale qui sait bien qu’elle dépend
de
la technique, doit comprendre aussi que la technique dépend de la cul
4605
ue, doit comprendre aussi que la technique dépend
de
la culture créatrice. Il est vital pour l’avenir de l’économie en Oc
4606
la culture créatrice. Il est vital pour l’avenir
de
l’économie en Occident, de soutenir la culture sous toutes ses formes
4607
st vital pour l’avenir de l’économie en Occident,
de
soutenir la culture sous toutes ses formes : cette culture qui n’est
4608
: cette culture qui n’est pas seulement la source
de
nos inventions mais la seule garantie d’un progrès véritable. L’aveni
4609
a source de nos inventions mais la seule garantie
d’
un progrès véritable. L’avenir de l’Occident ne dépend pas de nos divi
4610
a seule garantie d’un progrès véritable. L’avenir
de
l’Occident ne dépend pas de nos dividendes immédiats, mais de notre f
4611
s véritable. L’avenir de l’Occident ne dépend pas
de
nos dividendes immédiats, mais de notre faculté d’imaginer un dévelop
4612
t ne dépend pas de nos dividendes immédiats, mais
de
notre faculté d’imaginer un développement plus harmonieux de nos rêve
4613
e nos dividendes immédiats, mais de notre faculté
d’
imaginer un développement plus harmonieux de nos rêves et de notre act
4614
culté d’imaginer un développement plus harmonieux
de
nos rêves et de notre action. L’avenir de l’Occident ne peut se lire
4615
un développement plus harmonieux de nos rêves et
de
notre action. L’avenir de l’Occident ne peut se lire seulement dans l
4616
monieux de nos rêves et de notre action. L’avenir
de
l’Occident ne peut se lire seulement dans les indices de production,
4617
cident ne peut se lire seulement dans les indices
de
production, mais dans ce que je voudrais appeler l’indice de l’équili
4618
on, mais dans ce que je voudrais appeler l’indice
de
l’équilibre humain. Il appartient à la culture de concevoir cet équil
4619
de l’équilibre humain. Il appartient à la culture
de
concevoir cet équilibre, d’en formuler les conditions morales ; à la
4620
partient à la culture de concevoir cet équilibre,
d’
en formuler les conditions morales ; à la technique de le servir, d’en
4621
formuler les conditions morales ; à la technique
de
le servir, d’en fournir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident
4622
conditions morales ; à la technique de le servir,
d’
en fournir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident est donc entre
4623
rvir, d’en fournir les moyens matériels. L’avenir
de
l’Occident est donc entre les mains de ceux qui assumeront à la fois
4624
. L’avenir de l’Occident est donc entre les mains
de
ceux qui assumeront à la fois les conditions morales et matérielles d
4625
t à la fois les conditions morales et matérielles
d’
un équilibre humain assez riche et assez souple pour servir de modèle
4626
re humain assez riche et assez souple pour servir
de
modèle à tous les hommes. Il appartient donc conjointement à la cultu
4627
et assez souple pour servir de modèle à tous les
hommes
. Il appartient donc conjointement à la culture et à l’économie, qui t
4628
ur commune responsabilité. ae. Rougemont Denis
de
, « Culture et technique », Caractère et culture de l’Europe, Amsterda
4629
e, « Culture et technique », Caractère et culture
de
l’Europe, Amsterdam, juillet 1961, p. 5-9. af. Présenté par cette no
4630
. af. Présenté par cette note : « Avec la clarté
de
l’écrivain et sa connaissance des problèmes européens, M. de Rougemon
4631
péens, M. de Rougemont souligne l’interdépendance
de
la culture et de la technique. Auteur d’une vingtaine de volumes — tr
4632
emont souligne l’interdépendance de la culture et
de
la technique. Auteur d’une vingtaine de volumes — traduits en douze l
4633
pendance de la culture et de la technique. Auteur
d’
une vingtaine de volumes — traduits en douze langues — directeur du Ce
4634
ulture et de la technique. Auteur d’une vingtaine
de
volumes — traduits en douze langues — directeur du Centre européen de
4635
ent du comité exécutif du Congrès pour la liberté
de
la culture, et gouverneur de la Fondation européenne de la culture. »
4636
grès pour la liberté de la culture, et gouverneur
de
la Fondation européenne de la culture. »
4637
culture, et gouverneur de la Fondation européenne
de
la culture. »
4638
Le Temps
de
la louange (été 1961)ac Notre rencontre date de l’été 1947, à Pari
4639
e la louange (été 1961)ac Notre rencontre date
de
l’été 1947, à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’un hôtel
4640
7, à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall
d’
un hôtel, vers quatre heures du matin, et je tirais les cartes. Un gra
4641
eux bleus écartés, le cheveu noir et dru, en bras
de
chemise, vint s’asseoir à côté de moi sur le tapis. Il arrivait tout
4642
côté de moi sur le tapis. Il arrivait tout droit
de
la rédaction de Combat et voulait savoir son avenir. Ce que je sus, c
4643
le tapis. Il arrivait tout droit de la rédaction
de
Combat et voulait savoir son avenir. Ce que je sus, c’est que nous au
4644
evait quitter qu’un an avant sa mort. Je parlerai
de
sa personne. ⁂ Il était alsacien, né à Strasbourg, et son père descen
4645
alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait
d’
une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant
4646
Strasbourg, et son père descendait d’une famille
de
Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie
4647
dait d’une famille de Hambourg, quelque peu mêlée
de
sang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une A
4648
u mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie
de
Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour Suisse,
4649
de Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait
d’
être un jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, Français de
4650
e, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, Français
de
bon langage, d’impeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en
4651
ut-être. Avec tout cela, Français de bon langage,
d’
impeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en tout et passait
4652
l brilliance » dont a parlé le Times au lendemain
de
sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation d’allemand, traducteur
4653
de sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation
d’
allemand, traducteur incomparable de Keyserling et de Rudolf Kassner,
4654
l’agrégation d’allemand, traducteur incomparable
de
Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et O
4655
llemand, traducteur incomparable de Keyserling et
de
Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et Oran, puis success
4656
le de Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur
de
lycée à Marseille et Oran, puis successivement officier de parachutis
4657
à Marseille et Oran, puis successivement officier
de
parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Be
4658
erlin, mémorable correspondant étranger du Combat
d’
Albert Camus, titulaire d’une émission française de la BBC qu’il rendi
4659
dant étranger du Combat d’Albert Camus, titulaire
d’
une émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, fina
4660
’Albert Camus, titulaire d’une émission française
de
la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalement animateur et conse
4661
ement fameuse, finalement animateur et conseiller
d’
organisations européennes et internationales auxquelles il prêtait le
4662
ernationales auxquelles il prêtait le rayonnement
d’
une culture exceptionnellement étendue, d’une sagesse indulgente mais
4663
nnement d’une culture exceptionnellement étendue,
d’
une sagesse indulgente mais incisive et d’un charme personnel infailli
4664
tendue, d’une sagesse indulgente mais incisive et
d’
un charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités germ
4665
n, peut-être, il venait de donner les témoignages
d’
une soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres fran
4666
les témoignages d’une soudaine maîtrise poétique,
d’
un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifia
4667
aises, ample, émouvant et pacifiant, compréhensif
de
tout l’humain du haut en bas, foncièrement réaliste et religieux. Pui
4668
n bref poème prophétique, quelques semaines avant
d’
en subir la première attaque, suivie d’une opération au cerveau. Falla
4669
ines avant d’en subir la première attaque, suivie
d’
une opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être
4670
re « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue
d’
un « nouveau travail » ? ⁂ Il n’aimait pas les discussions métaphysiqu
4671
physiques ni qu’on lui demandât ce qu’il croyait.
D’
une thèse ou d’un point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder
4672
’on lui demandât ce qu’il croyait. D’une thèse ou
d’
un point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou de réfuter,
4673
’une thèse ou d’un point de vue qu’on le pressait
d’
adopter, de fonder ou de réfuter, il disait, coupant court, et comme e
4674
ou d’un point de vue qu’on le pressait d’adopter,
de
fonder ou de réfuter, il disait, coupant court, et comme en aparté :
4675
de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou
de
réfuter, il disait, coupant court, et comme en aparté : « Ceci n’est
4676
» Et l’on sentait qu’il s’agissait en lui non pas
d’
une objection logique ou de doctrine, mais d’une allergie spirituelle.
4677
gissait en lui non pas d’une objection logique ou
de
doctrine, mais d’une allergie spirituelle. Son parti pris fondamental
4678
pas d’une objection logique ou de doctrine, mais
d’
une allergie spirituelle. Son parti pris fondamental, seul déclaré, ét
4679
parti pris fondamental, seul déclaré, était celui
d’
un absolu monothéisme, au nom duquel il récusait toutes les constructi
4680
n ou Karl Barth — comme étant affectées à la base
d’
un « littéralisme » biblique décidément incompatible avec son sens du
4681
mystique, presque bouddhiste, et par cet horizon
de
délivrance que dénude la chute assourdie de la strophe. Le monde huma
4682
rizon de délivrance que dénude la chute assourdie
de
la strophe. Le monde humain lui apparaissait lourd et fluent, informe
4683
, informe et grouillant comme le ventre ténébreux
de
la baleine où médita Jonas, foncièrement incongru à le considérer dan
4684
dire : « dans la confusion générale ». Tel étant
de
toute évidence le train du monde, il fallait naviguer dans la vie d’u
4685
e train du monde, il fallait naviguer dans la vie
d’
un signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’une certaine qualit
4686
’un signe à l’autre, guidé par la seule intuition
d’
une certaine qualité poétique des êtres ou de la conjoncture ; et les
4687
tion d’une certaine qualité poétique des êtres ou
de
la conjoncture ; et les erreurs importaient peu, normales, parfois mê
4688
mous dans la « platitude divine » du grand fleuve
d’
un seul tenant reliant « l’origine et la perfection des temps ». Sa fa
4689
’origine et la perfection des temps ». Sa faculté
de
travail n’était guère égalée que par sa faculté d’évasion vagabonde ;
4690
e travail n’était guère égalée que par sa faculté
d’
évasion vagabonde ; son perfectionnisme intellectuel que par la néglig
4691
sme intellectuel que par la négligence désinvolte
de
son comportement social ; ses accès d’ambition presque mégalomane que
4692
désinvolte de son comportement social ; ses accès
d’
ambition presque mégalomane que par son mépris de l’arrivisme et des c
4693
d’ambition presque mégalomane que par son mépris
de
l’arrivisme et des conditions élémentaires d’une carrière. Il avait d
4694
ris de l’arrivisme et des conditions élémentaires
d’
une carrière. Il avait de lui-même et du monde une idée telle que les
4695
conditions élémentaires d’une carrière. Il avait
de
lui-même et du monde une idée telle que les soucis multipliés par une
4696
l’atteignaient pas, quoique l’empêchant, hélas !
d’
écrire son œuvre. Il avait été Roi dans une autre existence, il le sav
4697
enir banquier, et riche. L’insignifiance foncière
de
tout le laissait libre d’accorder une espèce d’intérêt passionné à ce
4698
’insignifiance foncière de tout le laissait libre
d’
accorder une espèce d’intérêt passionné à certaines entreprises méthod
4699
e de tout le laissait libre d’accorder une espèce
d’
intérêt passionné à certaines entreprises méthodiques, créatrices de s
4700
é à certaines entreprises méthodiques, créatrices
de
structures, d’événements en puissance : comme celle de Jean Monnet, q
4701
ntreprises méthodiques, créatrices de structures,
d’
événements en puissance : comme celle de Jean Monnet, qui le fascinait
4702
ructures, d’événements en puissance : comme celle
de
Jean Monnet, qui le fascinait, ou comme celle, un peu clandestine, qu
4703
stine, que nous poursuivions à Genève. Une espèce
de
rêve impérial d’autorité sans pouvoir apparent passait parfois dans s
4704
oursuivions à Genève. Une espèce de rêve impérial
d’
autorité sans pouvoir apparent passait parfois dans ses propos. (Il eû
4705
ût fait un fort bel empereur romain-germanique et
d’
expression française.) Un certain ton de gouaille anarchisante, mais s
4706
anique et d’expression française.) Un certain ton
de
gouaille anarchisante, mais sans trace de vulgarité, et dans l’abord
4707
ain ton de gouaille anarchisante, mais sans trace
de
vulgarité, et dans l’abord des êtres, un laisser-aller apparent (mais
4708
apparent (mais qui cachait beaucoup de fierté, et
de
références secrètes à son système d’évaluations) lui permettaient de
4709
e fierté, et de références secrètes à son système
d’
évaluations) lui permettaient de donner le change au premier venu. Il
4710
tes à son système d’évaluations) lui permettaient
de
donner le change au premier venu. Il protégeait en lui le grand poète
4711
’il se sentait devenir dans « le temps saugrenu »
de
la vie brève, et qu’il deviendra parmi nous, pour quelques-uns, dans
4712
nous, pour quelques-uns, dans le temps signifiant
de
l’esprit, temps de louange au « Dieu qui nous traverse ». ac. Roug
4713
-uns, dans le temps signifiant de l’esprit, temps
de
louange au « Dieu qui nous traverse ». ac. Rougemont Denis de, « L
4714
Dieu qui nous traverse ». ac. Rougemont Denis
de
, « Le Temps de la louange », Cahiers des saisons, Paris, été 1961, p.
4715
traverse ». ac. Rougemont Denis de, « Le Temps
de
la louange », Cahiers des saisons, Paris, été 1961, p. 21-24.
4716
alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait
d’
une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant
4717
Strasbourg, et son père descendait d’une famille
de
Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie
4718
dait d’une famille de Hambourg, quelque peu mêlée
de
sang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une A
4719
u mêlée de sang slave et possédant la bourgeoisie
de
Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour suisse o
4720
de Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait
d’
être un jour suisse ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français de
4721
e ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français
de
bon langage, d’impeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en
4722
t-être. Avant tout cela, Français de bon langage,
d’
impeccable ordonnance intellectuelle. Il excellait en tout et passait
4723
désinvolture » dont a parlé le Times au lendemain
de
sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation d’allemand, traducteur
4724
de sa mort. Reçu premier sur cent à l’agrégation
d’
allemand, traducteur incomparable de Keyserling et de Rudolf Kassner,
4725
l’agrégation d’allemand, traducteur incomparable
de
Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et O
4726
llemand, traducteur incomparable de Keyserling et
de
Rudolf Kassner, professeur de lycée à Marseille et Oran, puis success
4727
le de Keyserling et de Rudolf Kassner, professeur
de
lycée à Marseille et Oran, puis successivement officier de parachutis
4728
à Marseille et Oran, puis successivement officier
de
parachutistes dans les Forces françaises libres en Angleterre et à Be
4729
erlin, mémorable correspondant étranger du Combat
d’
Albert Camus, titulaire d’une émission française de la BBC qu’il rendi
4730
dant étranger du Combat d’Albert Camus, titulaire
d’
une émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, fina
4731
’Albert Camus, titulaire d’une émission française
de
la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalement animateur et conse
4732
ement fameuse, finalement animateur et conseiller
d’
organisations européennes et internationales auxquelles il prêtait le
4733
ernationales auxquelles il prêtait le rayonnement
d’
une culture exceptionnellement étendue, d’une sagesse indulgente mais
4734
nnement d’une culture exceptionnellement étendue,
d’
une sagesse indulgente mais incisive et d’un charme personnel infailli
4735
tendue, d’une sagesse indulgente mais incisive et
d’
un charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités germ
4736
n, peut-être, il venait de donner les témoignages
d’
une soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres fran
4737
les témoignages d’une soudaine maîtrise poétique,
d’
un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifia
4738
aises, ample, émouvant et pacifiant, compréhensif
de
tout l’humain du haut en bas, foncièrement réaliste et religieux. Pui
4739
n bref poème prophétique, quelques semaines avant
d’
en subir la première attaque, suivie d’une opération au cerveau. Falla
4740
ines avant d’en subir la première attaque, suivie
d’
une opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être
4741
re « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue
d’
un « nouveau travail » ? at. Rougemont Denis de, Dadelsen Jean-Paul
4742
d’un « nouveau travail » ? at. Rougemont Denis
de
, Dadelsen Jean-Paul de, « [Préface] Jean-Paul de Dadelsen, Jonas »,
4743
» ? at. Rougemont Denis de, Dadelsen Jean-Paul
de
, « [Préface] Jean-Paul de Dadelsen, Jonas », dans Jonas, Paris, Gall
4744
g Jean Calvin naît le 10 juillet 1509 à Noyon,
d’
une famille de bourgeoisie aisée. Il reçoit une bonne instruction géné
4745
in naît le 10 juillet 1509 à Noyon, d’une famille
de
bourgeoisie aisée. Il reçoit une bonne instruction générale, puis va
4746
Quand son père meurt, en 1531, il réalise sa part
d’
héritage, vend ses bénéfices, et ne s’occupe plus que de religion. Il
4747
tage, vend ses bénéfices, et ne s’occupe plus que
de
religion. Il prêche. Il doit s’enfuir à Nérac auprès de la reine de N
4748
n, dans la mesure où il s’occupe des vicissitudes
de
l’époque et tente de s’y mêler — de les diriger, pourquoi pas ? — ne
4749
il s’occupe des vicissitudes de l’époque et tente
de
s’y mêler — de les diriger, pourquoi pas ? — ne fait pas précisément
4750
vicissitudes de l’époque et tente de s’y mêler —
de
les diriger, pourquoi pas ? — ne fait pas précisément œuvre d’écrivai
4751
r, pourquoi pas ? — ne fait pas précisément œuvre
d’
écrivain », alors Calvin n’est pas un écrivain. Il a créé un style et
4752
ées en France, et Bossuet lui concède « la gloire
d’
avoir aussi bien écrit qu’homme de son siècle », mais ce n’était pas p
4753
i concède « la gloire d’avoir aussi bien écrit qu’
homme
de son siècle », mais ce n’était pas pour faire de la littérature : c
4754
ède « la gloire d’avoir aussi bien écrit qu’homme
de
son siècle », mais ce n’était pas pour faire de la littérature : c’ét
4755
e de son siècle », mais ce n’était pas pour faire
de
la littérature : c’était pour enseigner des vérités religieuses dans
4756
ner des vérités religieuses dans les vicissitudes
de
l’époque, et diriger les hommes à leur fin de salut. Il n’a écrit que
4757
dans les vicissitudes de l’époque, et diriger les
hommes
à leur fin de salut. Il n’a écrit que pour mieux faire comprendre l’É
4758
des de l’époque, et diriger les hommes à leur fin
de
salut. Il n’a écrit que pour mieux faire comprendre l’Écriture, parlé
4759
é que pour mieux faire entendre la Parole. L’idée
de
surprendre par des tournures de phrases ou des adjectifs insolites, d
4760
la Parole. L’idée de surprendre par des tournures
de
phrases ou des adjectifs insolites, des raccourcis obscurs ou fulgura
4761
tes, des raccourcis obscurs ou fulgurants, un ton
de
grandeur ou de naturel trivial, de désespoir ou de pudeur exquise, un
4762
rcis obscurs ou fulgurants, un ton de grandeur ou
de
naturel trivial, de désespoir ou de pudeur exquise, un ton quelconque
4763
urants, un ton de grandeur ou de naturel trivial,
de
désespoir ou de pudeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même d’êt
4764
e grandeur ou de naturel trivial, de désespoir ou
de
pudeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même d’être original ne l
4765
pudeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même
d’
être original ne lui a pas fait perdre une seconde. On ne joue pas ave
4766
r la littérature française, encore que les vertus
de
clarté, de mesure, de propriété dans les termes et de rigueur dans l’
4767
ature française, encore que les vertus de clarté,
de
mesure, de propriété dans les termes et de rigueur dans l’articulatio
4768
aise, encore que les vertus de clarté, de mesure,
de
propriété dans les termes et de rigueur dans l’articulation, qu’on ap
4769
larté, de mesure, de propriété dans les termes et
de
rigueur dans l’articulation, qu’on appelle souvent cartésiennes, aien
4770
llustrées dans notre langue par ses écrits : fait
d’
histoire mais non pas de présence continuée. Ce qu’on entend de nos jo
4771
gue par ses écrits : fait d’histoire mais non pas
de
présence continuée. Ce qu’on entend de nos jours par « la littérature
4772
is non pas de présence continuée. Ce qu’on entend
de
nos jours par « la littérature » dans les milieux où elle se crée et
4773
ue chose où Calvin ne trouverait pas sa place et,
de
fait, ne joue plus aucun rôle. En revanche, l’une des traditions maît
4774
ôle. En revanche, l’une des traditions maîtresses
de
la pensée française, celle qui considère l’écrivain comme chargé d’un
4775
aise, celle qui considère l’écrivain comme chargé
d’
une mission normative et créatrice de valeurs générales dans la cité,
4776
comme chargé d’une mission normative et créatrice
de
valeurs générales dans la cité, — cette attitude « classique » ou soc
4777
a cité, — cette attitude « classique » ou sociale
de
l’esprit, que j’ai tenté dans mes premiers ouvrages de décrire par le
4778
esprit, que j’ai tenté dans mes premiers ouvrages
de
décrire par le terme d’engagement, — dont il semble qu’on ait abusé —
4779
ans mes premiers ouvrages de décrire par le terme
d’
engagement, — dont il semble qu’on ait abusé — s’origine sans nul dout
4780
son modèle. Calvin n’est pas aimable, on le sait
de
reste. Maigre et mélancolique, comme l’était Charles Quint — tandis q
4781
Thomas d’Aquin — il ne séduit que par la démesure
d’
une inflexible discipline intime. Rien de moins sec, d’ailleurs, de pl
4782
démesure d’une inflexible discipline intime. Rien
de
moins sec, d’ailleurs, de plus vert que sa prose. Mais laissons ces q
4783
us vert que sa prose. Mais laissons ces questions
de
goût. Ce qui m’importe ici, c’est l’efficacité d’une œuvre écrite et
4784
de goût. Ce qui m’importe ici, c’est l’efficacité
d’
une œuvre écrite et pensée tout entière dans la soumission absolue à u
4785
ion absolue à une cause qui transcende l’auteur.
Homme
traqué par sa vocation. Son père le destinait à la science des lois,
4786
ide… Ayant donc reçu quelque goût et connaissance
de
la vraie piété, je fus incontinent enflammé d’un si grand désir de pr
4787
ce de la vraie piété, je fus incontinent enflammé
d’
un si grand désir de profiter, qu’encore que je ne quittasse pas du to
4788
, je fus incontinent enflammé d’un si grand désir
de
profiter, qu’encore que je ne quittasse pas du tout les autres études
4789
l’an passât, tous ceux qui avaient quelque désir
de
la pure doctrine se rangeaient à moi pour apprendre, combien que je n
4790
ommencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’étant
d’
un naturel un peu sauvage et honteux, j’ai toujours aimé requoy et tra
4791
je commençai à chercher quelque cachette et moyen
de
me retirer des gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon
4792
es gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout
de
mon désir, qu’au contraire toutes retraites et lieux à l’écart m’étai
4793
ques. Bref, cependant que j’avais toujours ce but
de
vivre en privé sans être connu, Dieu m’a tellement promené et fait to
4794
changements que toutefois il ne m’a jamais laissé
de
repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré mon naturel, il m’a
4795
, tandis que paraissent trois grandes traductions
de
la Bible (en Allemagne, celle de Luther, en Angleterre, celle de Tynd
4796
ndes traductions de la Bible (en Allemagne, celle
de
Luther, en Angleterre, celle de Tyndale, en Suisse, celle de Robert O
4797
Allemagne, celle de Luther, en Angleterre, celle
de
Tyndale, en Suisse, celle de Robert Olivétan), François Ier signe un
4798
en Angleterre, celle de Tyndale, en Suisse, celle
de
Robert Olivétan), François Ier signe un arrêt totalitaire interdisant
4799
arrêt totalitaire interdisant sous peine de mort
d’
imprimer aucun livre quel qu’il soit. Calvin qui fuit de ville en vill
4800
imer aucun livre quel qu’il soit. Calvin qui fuit
de
ville en ville arrive à Bâle, pour y vivre caché, connu de peu de gen
4801
en ville arrive à Bâle, pour y vivre caché, connu
de
peu de gens. Mais les nouvelles de France, où l’on brûle ses amis pou
4802
e caché, connu de peu de gens. Mais les nouvelles
de
France, où l’on brûle ses amis pour les calomnier plus à l’aise, l’ob
4803
gent à prendre la défense des « saints martyrs »,
de
peur, dit-il, qu’en se taisant il ne se montre lâche et déloyal. C’es
4804
he et déloyal. C’est ainsi qu’il rédige en latin,
de
mars à août, les cinq-cent-vingt pages de sa première Institution, pu
4805
latin, de mars à août, les cinq-cent-vingt pages
de
sa première Institution, puis en français l’épître liminaire au roi d
4806
e au roi de France. Il a vingt-cinq ans. Il vient
d’
élaborer en quelques mois, — « dans des veilles mémorables, célestes »
4807
— l’un des rares livres qui aient changé le cours
de
notre histoire occidentale. Et de nouveau, il fuit devant l’éclat que
4808
ar une adjuration épouvantable, comme si Dieu eût
d’
en haut étendu sa main pour m’arrêter ». C’en est fait de la paix de s
4809
ut étendu sa main pour m’arrêter ». C’en est fait
de
la paix de ses études, maudite par les cris de Farel. Il n’accepte po
4810
a main pour m’arrêter ». C’en est fait de la paix
de
ses études, maudite par les cris de Farel. Il n’accepte pourtant qu’u
4811
it de la paix de ses études, maudite par les cris
de
Farel. Il n’accepte pourtant qu’une charge de docteur, et commence à
4812
ris de Farel. Il n’accepte pourtant qu’une charge
de
docteur, et commence à « dresser » l’Église dans ses formes. Bientôt,
4813
chasse. Peut-il se croire « en liberté et quitte
de
sa vocation » ? Déjà Bucer exige sa présence à Strasbourg « usant d’u
4814
Déjà Bucer exige sa présence à Strasbourg « usant
d’
une semblable remonstrance qu’avait faite Farel auparavant ». Calvin d
4815
ite Farel auparavant ». Calvin devient le pasteur
de
la première Église réformée, et il la dote d’une liturgie, qu’il met
4816
eur de la première Église réformée, et il la dote
d’
une liturgie, qu’il met en vers pour être mieux chantée. Trois ans s’é
4817
on désir et affection la nécessité me fut imposée
de
retourner à ma première charge… ce que je fis avec tristesse, larmes,
4818
toujours je n’eusse à soutenir quelque combat, ou
de
ceux du dehors, ou de ceux de dedans ». Ainsi donc, d’appel en appel,
4819
soutenir quelque combat, ou de ceux du dehors, ou
de
ceux de dedans ». Ainsi donc, d’appel en appel, Jehan Chauvin, le frê
4820
quelque combat, ou de ceux du dehors, ou de ceux
de
dedans ». Ainsi donc, d’appel en appel, Jehan Chauvin, le frêle Picar
4821
ux du dehors, ou de ceux de dedans ». Ainsi donc,
d’
appel en appel, Jehan Chauvin, le frêle Picard, devint Calvin, nom de
4822
ehan Chauvin, le frêle Picard, devint Calvin, nom
de
sa personne dans l’Histoire. Suivre sa vocation, au contraire de ce q
4823
e action à quoi rien ne nous inclinait. J’étais l’
homme
le moins fait pour cela ! gémit l’individu quand une force inconnue,
4824
Dieu me fit tourner bride… » Son efficacité naît
de
cet abandon, de cette juste défaite infligée sans relâche à l’individ
4825
rner bride… » Son efficacité naît de cet abandon,
de
cette juste défaite infligée sans relâche à l’individu naturel par ce
4826
ppeler et le réalise à jamais. Toutes les vertus
de
son style découlent de cette tension instaurée par sa vocation ; comm
4827
jamais. Toutes les vertus de son style découlent
de
cette tension instaurée par sa vocation ; comme aussi ses défauts, à
4828
ant que contraignant par une logique amère imagée
de
proverbes, de frustes apologues à la volée, et d’innombrables citatio
4829
ignant par une logique amère imagée de proverbes,
de
frustes apologues à la volée, et d’innombrables citations des Écritur
4830
de proverbes, de frustes apologues à la volée, et
d’
innombrables citations des Écritures restituées dans leur nouveauté la
4831
que est celui du bon sens et du langage quotidien
de
son temps : nous jugeons pittoresques, par erreur, des tours qui ne v
4832
nt qu’être clairs et convaincants pour l’auditeur
d’
alors. À la rhétorique éloquente, — maniériste à la Michel-Ange ou par
4833
ste à la Michel-Ange ou parfois même à la Gréco —
de
l’Épître à François Ier, opposons le mouvement pressant et familier d
4834
ermons qu’il prononce chaque jour à la cathédrale
de
Saint-Pierre. Rien n’est plus près de la parole improvisée, rien n’es
4835
la pensée directrice : à Dieu seul tout est dû et
de
Lui seul tout vient. La phrase est souvent longue, mais d’une démarch
4836
ul tout vient. La phrase est souvent longue, mais
d’
une démarche ferme, conduisant vers un but si fortement conçu qu’il se
4837
l’esprit qui la préméditait. C’est ici le langage
d’
un chef — mais spirituel — parlant dans une ville assiégée, qu’il s’ag
4838
— parlant dans une ville assiégée, qu’il s’agisse
de
Genève où l’on veille aux remparts de l’Église harassée par la perséc
4839
il s’agisse de Genève où l’on veille aux remparts
de
l’Église harassée par la persécution, ou du cœur si faible de l’homme
4840
harassée par la persécution, ou du cœur si faible
de
l’homme en butte aux attaques du monde. Il s’agit de « presser » l’au
4841
sée par la persécution, ou du cœur si faible de l’
homme
en butte aux attaques du monde. Il s’agit de « presser » l’auditoire,
4842
l’homme en butte aux attaques du monde. Il s’agit
de
« presser » l’auditoire, de l’instruire « à salut », de le bien « con
4843
s du monde. Il s’agit de « presser » l’auditoire,
de
l’instruire « à salut », de le bien « conforter » dans l’amour patern
4844
resser » l’auditoire, de l’instruire « à salut »,
de
le bien « conforter » dans l’amour paternel d’un Dieu-roi formidablem
4845
», de le bien « conforter » dans l’amour paternel
d’
un Dieu-roi formidablement exalté au-dessus des puissants de la Terre,
4846
roi formidablement exalté au-dessus des puissants
de
la Terre, mais pourtant jaloux de ses droits et des intérêts de « son
4847
s des puissants de la Terre, mais pourtant jaloux
de
ses droits et des intérêts de « son » peuple. Langage dénué de toute
4848
ais pourtant jaloux de ses droits et des intérêts
de
« son » peuple. Langage dénué de toute onction d’église, sous-tendu p
4849
et des intérêts de « son » peuple. Langage dénué
de
toute onction d’église, sous-tendu par la seule volonté d’éduquer le
4850
de « son » peuple. Langage dénué de toute onction
d’
église, sous-tendu par la seule volonté d’éduquer le peuple et les pri
4851
onction d’église, sous-tendu par la seule volonté
d’
éduquer le peuple et les princes. Langage enfin d’un homme qui se sait
4852
d’éduquer le peuple et les princes. Langage enfin
d’
un homme qui se sait écouté non seulement par les Genevois mais par to
4853
quer le peuple et les princes. Langage enfin d’un
homme
qui se sait écouté non seulement par les Genevois mais par toute une
4854
e élite européenne, assemblée devant lui, au pied
de
la chaire, et dont il connaît bien les circonstances concrètes : d’où
4855
ont il connaît bien les circonstances concrètes :
d’
où l’absence de doute et de jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la n
4856
bien les circonstances concrètes : d’où l’absence
de
doute et de jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la nudité de la par
4857
constances concrètes : d’où l’absence de doute et
de
jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la nudité de la parole, mais au
4858
es concrètes : d’où l’absence de doute et de jeu,
de
gratuité et d’ornements, d’où la nudité de la parole, mais aussi son
4859
d’où l’absence de doute et de jeu, de gratuité et
d’
ornements, d’où la nudité de la parole, mais aussi son pouvoir de cont
4860
e de doute et de jeu, de gratuité et d’ornements,
d’
où la nudité de la parole, mais aussi son pouvoir de contagion. Ce mi
4861
e jeu, de gratuité et d’ornements, d’où la nudité
de
la parole, mais aussi son pouvoir de contagion. Ce ministre du Verbe
4862
où la nudité de la parole, mais aussi son pouvoir
de
contagion. Ce ministre du Verbe a fait un monde. Il est même le seul
4863
dent une éthique sociale et civique, un type neuf
de
relations politiques, enfin des formes de gouvernement qui ont marqué
4864
pe neuf de relations politiques, enfin des formes
de
gouvernement qui ont marqué d’une manière décisive l’Angleterre et se
4865
, enfin des formes de gouvernement qui ont marqué
d’
une manière décisive l’Angleterre et ses dominions, la Hollande et la
4866
toute l’Amérique du Nord, et cela fait la moitié
de
l’Occident. Je cherche en vain l’esprit qu’on puisse lui comparer par
4867
puisse lui comparer par l’ampleur et par la durée
d’
une action de cet ordre dans l’Histoire. J’écarte Rousseau son discipl
4868
mparer par l’ampleur et par la durée d’une action
de
cet ordre dans l’Histoire. J’écarte Rousseau son disciple mais aussi
4869
parfaite antithèse : qui croit encore à la bonté
de
l’homme naturel ? J’écarte Machiavel, ce grand mal-entendu. J’écarte
4870
aite antithèse : qui croit encore à la bonté de l’
homme
naturel ? J’écarte Machiavel, ce grand mal-entendu. J’écarte Nietzsch
4871
rx, et encore. Un empire international se réclame
de
son œuvre, ou au moins de son nom : mais est-il justifié à le faire ?
4872
nternational se réclame de son œuvre, ou au moins
de
son nom : mais est-il justifié à le faire ? Certes, on peut bien sout
4873
ar Marx. Mais le marxisme en dépit d’une doctrine
de
l’Histoire quasiment prédestinatienne, et presque aussi paradoxale qu
4874
jamais pu créer une éthique, ni même une formule
d’
équilibre entre la nation et ses princes, encore bien moins entre l’Ét
4875
nation et ses princes, encore bien moins entre l’
État
et le citoyen. Calvin n’était pas démocrate, mais il a fomenté les c
4876
qui ont appris aux siècles futurs qu’il n’est pas
de
liberté concrète qui ne soit responsable en retour devant Dieu et dan
4877
our devant Dieu et dans la cité ; et que le titre
de
citoyen est bien moins un droit qu’une charge. Les démocraties d’Occi
4878
ien moins un droit qu’une charge. Les démocraties
d’
Occident qui ont refusé de payer ce prix en sont mortes ou ne valent g
4879
charge. Les démocraties d’Occident qui ont refusé
de
payer ce prix en sont mortes ou ne valent guère mieux. Le régime syno
4880
alvinistes préfigure le gouvernement par les élus
de
la communauté. Le principe du droit de révolte, refusé aux individus,
4881
r les élus de la communauté. Le principe du droit
de
révolte, refusé aux individus, mais confié comme devoir aux groupes c
4882
onfié comme devoir aux groupes constitués quand l’
État
outrepasse ses fonctions, a protégé les peuples calvinistes non seule
4883
ntre ses antidotes brutaux. Comparez sur la carte
de
l’Occident moderne l’aire de l’influence de Calvin et l’aire des dict
4884
omparez sur la carte de l’Occident moderne l’aire
de
l’influence de Calvin et l’aire des dictatures totalitaires : elles n
4885
carte de l’Occident moderne l’aire de l’influence
de
Calvin et l’aire des dictatures totalitaires : elles ne se recouvrent
4886
: elles ne se recouvrent nulle part. Enfin, loin
d’
avoir instauré la théocratie à Genève, comme le répète l’ignorance com
4887
pète l’ignorance commune, Calvin a créé le modèle
d’
une église dressée face à l’État et soigneuse à le maintenir dans les
4888
in a créé le modèle d’une église dressée face à l’
État
et soigneuse à le maintenir dans les limites de son juste pouvoir, el
4889
État et soigneuse à le maintenir dans les limites
de
son juste pouvoir, elle-même n’en demandant aucun puisqu’elle détient
4890
ant aucun puisqu’elle détient l’autorité, qui est
de
l’esprit. Faut-il ranger Calvin au camp de la liberté ? Oui certes, d
4891
ui est de l’esprit. Faut-il ranger Calvin au camp
de
la liberté ? Oui certes, dans la mesure où par la seule vertu de la v
4892
Oui certes, dans la mesure où par la seule vertu
de
la vocation qu’il portait, il fut l’incarnation de l’autorité ; et da
4893
e la vocation qu’il portait, il fut l’incarnation
de
l’autorité ; et dans la mesure encore où cet homme accablé a fait l’h
4894
n de l’autorité ; et dans la mesure encore où cet
homme
accablé a fait l’histoire des cités les plus libres, parce qu’il ne c
4895
on à la Nouvelle NRF, 1953. ag. Rougemont Denis
de
, « Calvin », Tableau de la littérature française, vol. I, Paris, Gall
4896
53. ag. Rougemont Denis de, « Calvin », Tableau
de
la littérature française, vol. I, Paris, Gallimard, 1962, p. 276-281.
4897
Le règne
de
Victoria (1962)ah Sous le règne de Victoria les lettres et les art
4898
Le règne de Victoria (1962)ah Sous le règne
de
Victoria les lettres et les arts prospèrent, les intellectuels s’huma
4899
sont exilés vers les régions froides. L’étiquette
de
la cour victoriale n’a jamais été codifiée : plus mystérieuse que la
4900
exigences sont aggravées par une dose convenable
d’
arbitraire, mais tempérées par les plus capricieuses tolérances. On ne
4901
On ne sait jamais, mais si l’on ne s’inquiète pas
de
trop savoir, on est admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se
4902
s mélancoliques aux grands arbres fleuris habités
d’
oiseaux-mouches, vers le Río calme et violet. Tels sont les souvenirs
4903
t. Tels sont les souvenirs que je garde et chéris
de
mon passage de quelques mois, à la cour de San Isidro : c’était en 19
4904
s souvenirs que je garde et chéris de mon passage
de
quelques mois, à la cour de San Isidro : c’était en 1941. Je venais d
4905
chéris de mon passage de quelques mois, à la cour
de
San Isidro : c’était en 1941. Je venais des États-Unis, où la guerre
4906
Unis, où la guerre en Europe m’avait projeté hors
d’
une Suisse neutre et assiégée, qui m’estimait sans doute moins gênant,
4907
ères rencontres avec Victoria dataient tout juste
de
deux ans auparavant. Elles restent liées dans ma mémoire avec tout ce
4908
lus émouvant sous la menace, en ces derniers mois
de
sa paix. Ces heures dans la roseraie de Bagatelle, transfigurée par l
4909
iers mois de sa paix. Ces heures dans la roseraie
de
Bagatelle, transfigurée par les rayons obliques d’une fin d’après-mid
4910
e Bagatelle, transfigurée par les rayons obliques
d’
une fin d’après-midi dorée, avec Ortega y Gasset, et nous parlions d’a
4911
e, transfigurée par les rayons obliques d’une fin
d’
après-midi dorée, avec Ortega y Gasset, et nous parlions d’amis commun
4912
idi dorée, avec Ortega y Gasset, et nous parlions
d’
amis communs, venus de partout, qu’une sorte de prémonition avait rass
4913
ns d’amis communs, venus de partout, qu’une sorte
de
prémonition avait rassemblés ces jours-là dans la capitale de l’Europ
4914
on avait rassemblés ces jours-là dans la capitale
de
l’Europe, ultime colloque d’une société secrète improvisée, avant les
4915
-là dans la capitale de l’Europe, ultime colloque
d’
une société secrète improvisée, avant les catastrophes et la nuit de l
4916
ète improvisée, avant les catastrophes et la nuit
de
l’esprit. Mais quelques jours plus tard, à Orléans, nous entendions e
4917
léans, nous entendions ensemble Jeanne au bûcher,
de
Paul Claudel et Arthur Honegger, cette bouleversante déclamation chor
4918
s fort ! » En retrouvant à Buenos Aires le groupe
de
Sur, honneur du Sud, autour de celle qui l’avait suscité, c’était à l
4919
ssé, si proche et déjà légendaire, et la promesse
d’
un avenir malgré tout qui m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour,
4920
ne grâce. Un jour, dans une estancia des environs
de
Buenos Aires, j’étais tombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au p
4921
ombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied
d’
une cathédrale d’eucalyptus géants plus hauts que les tours de Notre-D
4922
dusé, réduit au silence, au pied d’une cathédrale
d’
eucalyptus géants plus hauts que les tours de Notre-Dame. Victoria m’a
4923
rale d’eucalyptus géants plus hauts que les tours
de
Notre-Dame. Victoria m’a trouvé là, et parce que je ne disais rien, m
4924
ndeur simple, la simplicité grande, sont les lois
de
son existence. Et c’est pourquoi son amitié est un honneur. On n’oser
4925
ait pas l’avouer n’était l’humour et cette espèce
de
rigueur féminine — déconcertant toutes les valeurs nordiques, et trop
4926
Sud aura sa revanche sur le Nord masculin, épuisé
de
logique, d’horaires tyranniques et de science. L’intuition, l’émotion
4927
revanche sur le Nord masculin, épuisé de logique,
d’
horaires tyranniques et de science. L’intuition, l’émotion, le sens de
4928
lin, épuisé de logique, d’horaires tyranniques et
de
science. L’intuition, l’émotion, le sens de l’Arbre animeront un nouv
4929
es et de science. L’intuition, l’émotion, le sens
de
l’Arbre animeront un nouvel ordre humain, une sagesse orientée par la
4930
G. Jung l’ont annoncé. Quelques-uns l’ont appris
de
Victoria, non par l’enseignement mais par l’exemple, et par l’admirat
4931
Voltaire (Ain), juin 1962. ah. Rougemont Denis
de
, « Le règne de Victoria », Testimonios sobre Victoria Ocampo, Buenos
4932
juin 1962. ah. Rougemont Denis de, « Le règne
de
Victoria », Testimonios sobre Victoria Ocampo, Buenos Aires, La Fleur
4933
La culture et l’union
de
l’Europe (avril 1962)ai S’il est question d’intégration européenne
4934
n de l’Europe (avril 1962)ai S’il est question
d’
intégration européenne et qu’on lui parle de culture, l’homme d’aujour
4935
stion d’intégration européenne et qu’on lui parle
de
culture, l’homme d’aujourd’hui, qu’il soit d’ailleurs industriel ou p
4936
ation européenne et qu’on lui parle de culture, l’
homme
d’aujourd’hui, qu’il soit d’ailleurs industriel ou philosophe, a d’ab
4937
européenne et qu’on lui parle de culture, l’homme
d’
aujourd’hui, qu’il soit d’ailleurs industriel ou philosophe, a d’abord
4938
rs industriel ou philosophe, a d’abord un réflexe
de
doute. L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’est-elle pas
4939
omique, c’est-à-dire le Marché commun ? Le traité
de
Rome, les Six, les accords agricoles, la candidature britannique, voi
4940
re, ajoutent certains, l’un des derniers bastions
de
l’esprit nationaliste, des particularismes périmés ? Répondre à ces q
4941
dans son domaine professionnel. J’essaierai donc
de
démontrer ici, d’une manière aussi simple que possible : 1° que l’Eur
4942
professionnel. J’essaierai donc de démontrer ici,
d’
une manière aussi simple que possible : 1° que l’Europe unie est beauc
4943
airant la conjoncture actuelle, exige la création
d’
une Europe fédérale, et non pas d’une Europe unitaire ; 4° que le fédé
4944
ige la création d’une Europe fédérale, et non pas
d’
une Europe unitaire ; 4° que le fédéralisme et la culture s’appellent
4945
ope mais un cap de l’Asie. Doutes sur l’utilité
de
la culture Le grand public pense aujourd’hui que faire l’Europe, c
4946
ujourd’hui que faire l’Europe, c’est une question
de
tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie, d’ajustement
4947
l’Europe, c’est une question de tarifs douaniers,
de
prix de revient, de niveaux de vie, d’ajustements sociaux et monétair
4948
, c’est une question de tarifs douaniers, de prix
de
revient, de niveaux de vie, d’ajustements sociaux et monétaires, en a
4949
question de tarifs douaniers, de prix de revient,
de
niveaux de vie, d’ajustements sociaux et monétaires, en attendant peu
4950
tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux
de
vie, d’ajustements sociaux et monétaires, en attendant peut-être, un
4951
douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie,
d’
ajustements sociaux et monétaires, en attendant peut-être, un jour, un
4952
aires, en attendant peut-être, un jour, une sorte
de
confédération politique, — qui effraye encore beaucoup de nos États.
4953
n politique, — qui effraye encore beaucoup de nos
États
. Les problèmes culturels ne seraient par conséquent que des problèmes
4954
ugmente son budget. Cette vue très populaire, née
d’
un xixe siècle utilitariste et mercantile, est en fait partagée par l
4955
ile, est en fait partagée par les élites sociales
de
notre continent : il suffit pour s’en assurer de comparer nos budgets
4956
de notre continent : il suffit pour s’en assurer
de
comparer nos budgets de la culture avec ceux de l’URSS et des USA, pu
4957
suffit pour s’en assurer de comparer nos budgets
de
la culture avec ceux de l’URSS et des USA, puissances modernes ; et s
4958
r de comparer nos budgets de la culture avec ceux
de
l’URSS et des USA, puissances modernes ; et surtout de comparer la do
4959
URSS et des USA, puissances modernes ; et surtout
de
comparer la dotation globale des quelque 40 000 fondations américaine
4960
ndations américaines, qui se chiffre en milliards
de
dollars, avec celle des quelque 300 fondations culturelles existant d
4961
t dans nos pays, qui ne se chiffre qu’en millions
de
francs, marks ou florins. Mais quelle que soit sa popularité, cette c
4962
de par son économie, ses armes et ses techniques,
de
la Renaissance jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, et si elle est en
4963
re aujourd’hui l’une des trois grandes puissances
de
la planète, ce n’est pas à ses richesses naturelles qu’elle le doit :
4964
auvre en matières premières, l’Europe avait moins
de
chances matérielles que l’Inde de sortir de sa pauvreté primitive. Co
4965
ope avait moins de chances matérielles que l’Inde
de
sortir de sa pauvreté primitive. Comment alors expliquer la différenc
4966
moins de chances matérielles que l’Inde de sortir
de
sa pauvreté primitive. Comment alors expliquer la différence spectacu
4967
rence spectaculaire que l’on sait entre le destin
de
la péninsule indienne et celui de la péninsule européenne ? Sinon par
4968
entre le destin de la péninsule indienne et celui
de
la péninsule européenne ? Sinon par la différence des cultures, au se
4969
cultures, au sens le plus large du terme, qui va
de
la religion à la technique en passant par la philosophie, les science
4970
u de choses plus une certaine culture, qui a fait
d’
une pauvre terre découpée et cloisonnée le cœur et le cerveau de la pl
4971
erre découpée et cloisonnée le cœur et le cerveau
de
la planète, pour plus de cinq siècles déjà, — et c’est bien loin d’êt
4972
ée le cœur et le cerveau de la planète, pour plus
de
cinq siècles déjà, — et c’est bien loin d’être fini ! Selon la plus c
4973
r plus de cinq siècles déjà, — et c’est bien loin
d’
être fini ! Selon la plus célèbre équation de notre époque, celle d’Ei
4974
loin d’être fini ! Selon la plus célèbre équation
de
notre époque, celle d’Einstein, l’énergie est égale au produit de la
4975
n la plus célèbre équation de notre époque, celle
d’
Einstein, l’énergie est égale au produit de la masse par le carré de l
4976
celle d’Einstein, l’énergie est égale au produit
de
la masse par le carré de la vitesse de la lumière, et cela s’écrit :
4977
gie est égale au produit de la masse par le carré
de
la vitesse de la lumière, et cela s’écrit : E = mc2 En désignant l’E
4978
au produit de la masse par le carré de la vitesse
de
la lumière, et cela s’écrit : E = mc2 En désignant l’Europe par E, l
4979
ésignant l’Europe par E, la petite masse physique
de
notre continent par m, et sa culture par c, nous obtenons une équatio
4980
enons une équation semblable et non moins chargée
de
conséquences : E = mc2 Europe = Cap de l’Asie x culture intensive
4981
ste depuis des millénaires. Il n’est pas question
de
la créer ; mais simplement, les circonstances du xxe siècle, — très
4982
es, d’ailleurs ! — nous commandent impérieusement
de
réunir nos peuples et de mettre en pool leurs ressources, trop longte
4983
ommandent impérieusement de réunir nos peuples et
de
mettre en pool leurs ressources, trop longtemps divisées entre une vi
4984
rces, trop longtemps divisées entre une vingtaine
d’
États tous trop petits désormais pour se suffire. Tel étant le problèm
4985
es, trop longtemps divisées entre une vingtaine d’
États
tous trop petits désormais pour se suffire. Tel étant le problème vér
4986
el. Car c’est la politique nationaliste (le tabou
de
la souveraineté absolue, les résidus d’attitudes impérialistes, l’org
4987
(le tabou de la souveraineté absolue, les résidus
d’
attitudes impérialistes, l’orgueil national, les méfiances traditionne
4988
l’orgueil national, les méfiances traditionnelles
de
peuple à peuple, etc.) qui s’oppose à l’union nécessaire, admise et r
4989
conomistes. Or cette attitude politique, ce tabou
de
la souveraineté, cet orgueil national, ces méfiances séculaires, pour
4990
rofondément enracinés dans un millénaire au moins
de
culture européenne. L’obstacle principal à notre union réside dans le
4991
s faits. C’est donc dans les esprits qu’il s’agit
de
le combattre. Et ceci n’est pas une question de technique ou de calcu
4992
t de le combattre. Et ceci n’est pas une question
de
technique ou de calculs tarifaires, mais une question de mentalité, d
4993
e. Et ceci n’est pas une question de technique ou
de
calculs tarifaires, mais une question de mentalité, d’habitudes de pe
4994
nique ou de calculs tarifaires, mais une question
de
mentalité, d’habitudes de pensée, de réflexes acquis — de sentiment a
4995
lculs tarifaires, mais une question de mentalité,
d’
habitudes de pensée, de réflexes acquis — de sentiment autant que de r
4996
ires, mais une question de mentalité, d’habitudes
de
pensée, de réflexes acquis — de sentiment autant que de raison. Donc
4997
une question de mentalité, d’habitudes de pensée,
de
réflexes acquis — de sentiment autant que de raison. Donc une questio
4998
lité, d’habitudes de pensée, de réflexes acquis —
de
sentiment autant que de raison. Donc une question de culture, d’éduca
4999
sée, de réflexes acquis — de sentiment autant que
de
raison. Donc une question de culture, d’éducation nouvelle. Mais « fa
5000
sentiment autant que de raison. Donc une question
de
culture, d’éducation nouvelle. Mais « faire l’Europe » ne veut pas di
5001
tant que de raison. Donc une question de culture,
d’
éducation nouvelle. Mais « faire l’Europe » ne veut pas dire seulement
5002
. Et c’est là qu’intervient à nouveau la culture,
d’
une manière positive, créatrice, et vitale. Un ingénieur, un technocra
5003
le. Un ingénieur, un technocrate et un théoricien
de
l’économie peuvent vous faire en trois jours un plan géométrique d’un
5004
ent vous faire en trois jours un plan géométrique
d’
unification rigoureuse du continent, supprimant non seulement les doua
5005
mais toutes les différences locales et nationales
de
traditions et de régimes ; ils peuvent vous démontrer que ce plan ser
5006
ifférences locales et nationales de traditions et
de
régimes ; ils peuvent vous démontrer que ce plan serait rentable, et
5007
an serait rentable, et que votre intérêt commande
de
l’appliquer. Un autre groupe peut vous rappeler que depuis Dante et P
5008
jusqu’à Coudenhove-Kalergi, Briand et Churchill,
de
nos jours, — depuis six siècles donc, les meilleurs esprits et les me
5009
cles donc, les meilleurs esprits et les meilleurs
hommes
politiques du continent n’ont cessé de préconiser une union fédérale
5010
lleurs hommes politiques du continent n’ont cessé
de
préconiser une union fédérale de nos peuples, respectant leurs divers
5011
nent n’ont cessé de préconiser une union fédérale
de
nos peuples, respectant leurs diversités. Aux premiers vous direz : v
5012
euse serait sans nul doute plus conforme au génie
de
nos peuples divers, mais voilà six-cents ans qu’elle échoue dans tous
5013
eux seuls. Leur dialogue est vital pour l’avenir
de
l’Europe. Ce n’est pas un dialogue politique, et encore moins économi
5014
C’est vraiment un dialogue culturel. La synthèse
de
ces deux doctrines, c’est l’attitude fédéraliste : l’union dans la di
5015
deux termes ensemble. Tel est le secret spirituel
de
notre avenir. L’énergie tout à fait extraordinaire qu’ont dégagée les
5016
à fait extraordinaire qu’ont dégagée les peuples
de
ce continent, et qui leur a permis de dominer le monde, a sa source d
5017
les peuples de ce continent, et qui leur a permis
de
dominer le monde, a sa source dans les tensions produites par nos div
5018
dans les tensions produites par nos diversités, —
de
religions, de races et de coutumes, d’idéologies, d’ambitions. Mais l
5019
ons produites par nos diversités, — de religions,
de
races et de coutumes, d’idéologies, d’ambitions. Mais lorsque ces div
5020
s par nos diversités, — de religions, de races et
de
coutumes, d’idéologies, d’ambitions. Mais lorsque ces diversités s’ab
5021
ersités, — de religions, de races et de coutumes,
d’
idéologies, d’ambitions. Mais lorsque ces diversités s’absolutisent, s
5022
religions, de races et de coutumes, d’idéologies,
d’
ambitions. Mais lorsque ces diversités s’absolutisent, se ferment sur
5023
ion à laquelle j’appartiens, et l’Europe a risqué
d’
en périr. Insister sur nos seules diversités détruit l’Europe matériel
5024
, mais unie dans ses diversités, — voilà la tâche
de
la culture et sa vocation prospective. Il n’y aurait pas d’Europe sa
5025
re et sa vocation prospective. Il n’y aurait pas
d’
Europe sans tout ce que la culture a su tirer de nos pauvres condition
5026
s d’Europe sans tout ce que la culture a su tirer
de
nos pauvres conditions physiques. De la culture aussi sont venues nos
5027
e a su tirer de nos pauvres conditions physiques.
De
la culture aussi sont venues nos divisions, presque mortelles. De la
5028
ssi sont venues nos divisions, presque mortelles.
De
la culture enfin doit venir le remède à nos maux, et il est double :
5029
jugés nationalistes, qui s’opposent à toute forme
d’
union ; et proposer un modèle efficace d’union spécifiquement européen
5030
te forme d’union ; et proposer un modèle efficace
d’
union spécifiquement européenne, qui s’appelle le fédéralisme. Doub
5031
elle le fédéralisme. Double mission européenne
de
la culture Traduisons maintenant ces principes en termes d’activit
5032
commun des instituts, mouvements et associations
de
culture que notre Fondation entend soutenir, doit comprendre les deux
5033
2° créer un état d’esprit favorable à l’avènement
d’
une union fédérale, seule conforme au génie « un et divers » de la cul
5034
édérale, seule conforme au génie « un et divers »
de
la culture européenne. L’Europe n’est pas une addition de cultures n
5035
ture européenne. L’Europe n’est pas une addition
de
cultures nationales. Celles-ci sont des apparitions relativement réce
5036
es, et plus ou moins artificielles, qui ont tenté
de
prendre forme, grâce à l’École surtout, pendant l’ère nationaliste et
5037
é du xxe siècle — en s’appuyant sur la diversité
de
nos langues. La première tâche sera donc d’illustrer l’unité de base
5038
rsité de nos langues. La première tâche sera donc
d’
illustrer l’unité de base de toutes ces cultures prétendument « nation
5039
. La première tâche sera donc d’illustrer l’unité
de
base de toutes ces cultures prétendument « nationales » ; de montrer
5040
mière tâche sera donc d’illustrer l’unité de base
de
toutes ces cultures prétendument « nationales » ; de montrer que la c
5041
toutes ces cultures prétendument « nationales » ;
de
montrer que la culture commune des Européens est beaucoup plus ancien
5042
coup plus ancienne que notre présent découpage en
États
qui se disent « souverains » mais qui seraient bien en peine de le pr
5043
nt « souverains » mais qui seraient bien en peine
de
le prouver ; bref, de montrer que la culture, en Europe, est un phéno
5044
qui seraient bien en peine de le prouver ; bref,
de
montrer que la culture, en Europe, est un phénomène à la fois pré-nat
5045
rsifié selon les époques, les régions, les écoles
de
pensée, mais fondamentalement commun. En inculquant ces vérités incon
5046
a presse et le film, par un meilleur enseignement
de
l’histoire, par des comparaisons globales entre l’Europe et les cultu
5047
tinents, mais aussi et surtout par l’exemple vécu
d’
une coopération supranationale des savants, des sociologues, des éduca
5048
nt encore la construction économique et politique
de
l’Europe. La seconde tâche consiste à prendre au sérieux les principe
5049
tâche consiste à prendre au sérieux les principes
de
notre culture occidentale, et d’abord à les mieux connaître. Que serv
5050
, et d’abord à les mieux connaître. Que servirait
de
doter l’Europe d’institutions communes même techniquement parfaites,
5051
mieux connaître. Que servirait de doter l’Europe
d’
institutions communes même techniquement parfaites, si les Européens d
5052
es même techniquement parfaites, si les Européens
de
demain ne croyaient plus à leurs valeurs, à leurs idéaux, à tout ce q
5053
à leurs idéaux, à tout ce qui a fait la grandeur
de
l’Europe ? Et que sert de prêcher l’union européenne à des gens qui r
5054
qui a fait la grandeur de l’Europe ? Et que sert
de
prêcher l’union européenne à des gens qui répondent que l’Europe n’es
5055
ent que l’Europe n’est plus rien, qu’elle n’a pas
d’
idéal à opposer aux ambitions mondiales du communisme, ni de valeurs à
5056
opposer aux ambitions mondiales du communisme, ni
de
valeurs à proposer au tiers-monde récemment libéré ? Vouloir faire l’
5057
pe par des procédés techniques, sans tenir compte
de
cette situation morale, ne serait pas seulement dangereux mais vain.
5058
x nos principes et nos valeurs, c’est une affaire
d’
éducation. Contrairement à l’Asie et à l’URSS, l’Europe a toujours vou
5059
et à l’URSS, l’Europe a toujours voulu former des
hommes
à la fois libres et responsables. C’est là son grand atout, c’est le
5060
sables. C’est là son grand atout, c’est le secret
de
son dynamisme incomparable. Et cela se traduit dans le domaine de la
5061
incomparable. Et cela se traduit dans le domaine
de
la recherche, par la double exigence de la liberté d’investigation in
5062
e domaine de la recherche, par la double exigence
de
la liberté d’investigation individuelle d’une part, et de l’organisat
5063
a recherche, par la double exigence de la liberté
d’
investigation individuelle d’une part, et de l’organisation du travail
5064
berté d’investigation individuelle d’une part, et
de
l’organisation du travail en équipe selon un plan commun, d’autre par
5065
lon un plan commun, d’autre part. Dans le domaine
de
l’éducation civique, par la double exigence du développement de l’esp
5066
civique, par la double exigence du développement
de
l’esprit critique et de l’information d’une part, de l’esprit communa
5067
exigence du développement de l’esprit critique et
de
l’information d’une part, de l’esprit communautaire et du sens des re
5068
l’esprit critique et de l’information d’une part,
de
l’esprit communautaire et du sens des responsabilités sociales d’autr
5069
hes, je le répète, sont vitales et elles relèvent
de
la culture au premier chef, j’entends par là : de la recherche pure,
5070
de la culture au premier chef, j’entends par là :
de
la recherche pure, de la philosophie, des sciences humaines, et surto
5071
er chef, j’entends par là : de la recherche pure,
de
la philosophie, des sciences humaines, et surtout de l’éducation. Si
5072
la philosophie, des sciences humaines, et surtout
de
l’éducation. Si les programmes des instituts européens, des chercheur
5073
ntenant, les plus belles réalisations économiques
de
l’OCDE et du Marché commun resteront pauvres de substance humaine, ma
5074
s de l’OCDE et du Marché commun resteront pauvres
de
substance humaine, mal intégrées à la manière de vivre européenne et
5075
de vivre européenne et à la vocation fédéraliste
de
l’Europe. Contre la volonté de leurs initiateurs, elles risqueront, u
5076
cation fédéraliste de l’Europe. Contre la volonté
de
leurs initiateurs, elles risqueront, un jour, de dénaturer cette Euro
5077
de leurs initiateurs, elles risqueront, un jour,
de
dénaturer cette Europe que l’on croyait « faire ». Car, en fin de com
5078
Sinon pour mettre ou remettre l’Europe en mesure
d’
exercer sa fonction planétaire, qui est une fonction d’animation, d’éc
5079
rcer sa fonction planétaire, qui est une fonction
d’
animation, d’échanges, et d’équilibre dynamique dans le progrès de l’h
5080
ion planétaire, qui est une fonction d’animation,
d’
échanges, et d’équilibre dynamique dans le progrès de l’humanité vers
5081
qui est une fonction d’animation, d’échanges, et
d’
équilibre dynamique dans le progrès de l’humanité vers les libertés pe
5082
changes, et d’équilibre dynamique dans le progrès
de
l’humanité vers les libertés personnelles, — non vers les grandeurs n
5083
es, — non vers les grandeurs nationales. Au terme
de
l’intégration européenne, s’il ne devait y avoir que dividendes, bomb
5084
idaires, les forces culturelles auraient le droit
de
s’occuper dès maintenant d’autre chose. Mais sans l’action éducatrice
5085
les auraient le droit de s’occuper dès maintenant
d’
autre chose. Mais sans l’action éducatrice de toutes nos forces cultur
5086
nant d’autre chose. Mais sans l’action éducatrice
de
toutes nos forces culturelles, décuplées par une aide puissante que l
5087
on économique ne pourra jamais prendre vie : trop
de
contre-courants psychologiques, trop de préjugés traditionnels et sco
5088
ie : trop de contre-courants psychologiques, trop
de
préjugés traditionnels et scolaires, trop de réflexes nationalistes c
5089
trop de préjugés traditionnels et scolaires, trop
de
réflexes nationalistes continueront à la freiner. Et les Autres arriv
5090
les Autres arriveront avant nous à des positions
de
puissance dont ils ne manqueront pas d’abuser contre l’homme, du moin
5091
positions de puissance dont ils ne manqueront pas
d’
abuser contre l’homme, du moins tel que nous le concevons. En admettan
5092
ance dont ils ne manqueront pas d’abuser contre l’
homme
, du moins tel que nous le concevons. En admettant qu’une armature d’i
5093
e nous le concevons. En admettant qu’une armature
d’
institutions s’impose tout de même à nos peuples passifs, si les force
5094
tout de même à nos peuples passifs, si les forces
de
culture ne l’animent pas, une Europe techniquement unifiée ne sera ja
5095
rienter ces mesures, conformément au génie propre
de
l’Europe, qui est celui de l’union dans la diversité, c’est-à-dire du
5096
mément au génie propre de l’Europe, qui est celui
de
l’union dans la diversité, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l’on me di
5097
la méfiance courante à l’endroit de la culture et
de
son « utilité ». On verra qu’elles s’opposent diamétralement. Si les
5098
u que l’on a fait jusqu’ici pour la culture était
de
trop. Si au contraire mes arguments sont « évidents », alors il est g
5099
logiques — et pratiques. ai. Rougemont Denis
de
, « La culture et l’union de l’Europe », Caractère et culture de l’Eur
5100
ai. Rougemont Denis de, « La culture et l’union
de
l’Europe », Caractère et culture de l’Europe, Amsterdam, avril 1962,
5101
re et l’union de l’Europe », Caractère et culture
de
l’Europe, Amsterdam, avril 1962, p. 9-13.
5102
Journal
d’
un témoin (23-24 juin 1962)aj ak Dans l’ouvrage si opportun que La
5103
j ak Dans l’ouvrage si opportun que La Tribune
de
Genève vient de publier, M. Jon Kimche parle beaucoup des mouvements
5104
lier, M. Jon Kimche parle beaucoup des mouvements
de
résistance qui se développèrent en Suisse pendant la crise de mai à a
5105
e qui se développèrent en Suisse pendant la crise
de
mai à août 1940. Il insiste notamment sur la fameuse « ligue des offi
5106
se « ligue des officiers », affaire dont M. Kurz,
de
son côté, souhaite qu’elle soit un jour élucidée. Je serais heureux q
5107
ribuent à combler certaines lacunes dans le récit
de
M. Kimche, à jeter quelques lumières sur les circonstances qui firent
5108
e des officiers, et surtout à replacer le lecteur
d’
aujourd’hui dans le climat de cette période angoissée, telle que j’ai
5109
replacer le lecteur d’aujourd’hui dans le climat
de
cette période angoissée, telle que j’ai pu la voir de près, à Berne.
5110
ette période angoissée, telle que j’ai pu la voir
de
près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de mon journal privé, néces
5111
e que j’ai pu la voir de près, à Berne. Il s’agit
de
notes tirées de mon journal privé, nécessairement trop personnelles,
5112
voir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées
de
mon journal privé, nécessairement trop personnelles, mais prises sur
5113
reste la meilleure source des historiens soucieux
de
reconstituer la psychologie d’une époque. ⁂ Incorporé à l’Adjudance g
5114
istoriens soucieux de reconstituer la psychologie
d’
une époque. ⁂ Incorporé à l’Adjudance générale de l’armée (Ve section,
5115
d’une époque. ⁂ Incorporé à l’Adjudance générale
de
l’armée (Ve section, Armée et Foyer), j’avais proposé et obtenu de ré
5116
ction, Armée et Foyer), j’avais proposé et obtenu
de
rédiger des plans de causeries à l’usage des officiers chargés de fai
5117
), j’avais proposé et obtenu de rédiger des plans
de
causeries à l’usage des officiers chargés de faire la « théorie » quo
5118
lans de causeries à l’usage des officiers chargés
de
faire la « théorie » quotidienne à leur troupe. C’était au mois de ma
5119
orie » quotidienne à leur troupe. C’était au mois
de
mars 1940. L’un de mes premiers projets de plan révèle l’idée qui me
5120
à leur troupe. C’était au mois de mars 1940. L’un
de
mes premiers projets de plan révèle l’idée qui me hantait à cette épo
5121
u mois de mars 1940. L’un de mes premiers projets
de
plan révèle l’idée qui me hantait à cette époque : il décrit en effet
5122
ue et stratégique du Saint-Gothard dès les débuts
de
notre histoire. Le 11 mai, les nazis ayant envahi la Belgique et la H
5123
velle mobilisation générale est ordonnée. Avec un
de
mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui
5124
c un de mes camarades, je vais m’annoncer au chef
de
la police de Berne, qui a demandé quelques volontaires. Il nous expos
5125
amarades, je vais m’annoncer au chef de la police
de
Berne, qui a demandé quelques volontaires. Il nous expose notre tâche
5126
he : prendre le commandement des pelotons chargés
d’
arrêter à la première heure d’une agression allemande les 70 chefs de
5127
es pelotons chargés d’arrêter à la première heure
d’
une agression allemande les 70 chefs de quartier nazis qui opèrent dan
5128
ière heure d’une agression allemande les 70 chefs
de
quartier nazis qui opèrent dans la Ville fédérale. Des camions sont a
5129
ans la cour pour cette éventualité. Voici le plan
de
la ville, les maisons, les étages et les noms de ces messieurs. Vous
5130
de la ville, les maisons, les étages et les noms
de
ces messieurs. Vous forcez la porte, vous coupez d’abord les fils de
5131
ous forcez la porte, vous coupez d’abord les fils
de
téléphone, puis vous arrêtez les agents et ramassez leurs papiers. Co
5132
pe, où je suis retourné pour une semaine, que des
hommes
décidés à se battre, gonflés à bloc. Voici le film des semaines qui s
5133
ilm des semaines qui suivirent, d’après mes notes
de
journal de l’époque. ⁂ Le 3 juin 1940al À Radio-Lausanne, pour l’émi
5134
aines qui suivirent, d’après mes notes de journal
de
l’époque. ⁂ Le 3 juin 1940al À Radio-Lausanne, pour l’émission natio
5135
nne, pour l’émission nationale, Theophil Spoerri,
de
l’Université de Zurich, parle de la Suisse romande, moi de la Suisse
5136
sion nationale, Theophil Spoerri, de l’Université
de
Zurich, parle de la Suisse romande, moi de la Suisse alémanique. En s
5137
heophil Spoerri, de l’Université de Zurich, parle
de
la Suisse romande, moi de la Suisse alémanique. En sortant du studio,
5138
ersité de Zurich, parle de la Suisse romande, moi
de
la Suisse alémanique. En sortant du studio, nous apprenons que Paris
5139
sortant du studio, nous apprenons que Paris vient
d’
être bombardé pour la première fois. Dans le train qui nous ramène à B
5140
s à Spoerri : « Si la France est battue, le moral
de
la Suisse va flancher. Beaucoup seront tentés de céder à diverses pre
5141
de la Suisse va flancher. Beaucoup seront tentés
de
céder à diverses pressions. Pourtant, nous sommes les seuls à pouvoir
5142
s années, je pense au Saint-Gothard comme au cœur
de
l’Europe, à son bastion sacré, et je l’ai dit hier soir encore. Or il
5143
. Or il se trouve que le Gothard est le type même
de
la position imprenable dans la guerre actuelle. Il faudrait déclenche
5144
sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien
d’
en parler. Il faut le faire ! » J’ai senti sous son regard direct le
5145
! » J’ai senti sous son regard direct le danger
d’
avoir une idée et de l’exprimer sans précautions — avant d’avoir calcu
5146
s son regard direct le danger d’avoir une idée et
de
l’exprimer sans précautions — avant d’avoir calculé la dépense. Le 12
5147
ne idée et de l’exprimer sans précautions — avant
d’
avoir calculé la dépense. Le 12 juin 1940 Débâcle française sur la Sei
5148
prouve, on nous aidera, mais allez vite ! Vertige
de
sentir une idée qui s’incarne, qui « prend corps ». Samedi 15 juin 19
5149
ns mon bureau. « Mon premier-lieutenant, on vient
d’
entendre à la radio que les Allemands sont entrés à Paris. » — Merci.
5150
Merci. Repos ! Il est sorti, me voyant incapable
de
rien dire de plus. Je suis resté immobile un long moment. J’ai écrit
5151
oment. J’ai écrit deux pages sur la confrontation
d’
Hitler et de Paris, les ai recopiées et envoyées à la Gazette de Lausa
5152
écrit deux pages sur la confrontation d’Hitler et
de
Paris, les ai recopiées et envoyées à la Gazette de Lausanne . « Voye
5153
Paris, les ai recopiées et envoyées à la Gazette
de
Lausanne . « Voyez si les prescriptions de la censure vous permettent
5154
azette de Lausanne . « Voyez si les prescriptions
de
la censure vous permettent de publier cela. » Lundi 17 juin 1940 au s
5155
i les prescriptions de la censure vous permettent
de
publier cela. » Lundi 17 juin 1940 au soir Faisons le point, bon exer
5156
Faisons le point, bon exercice pour rester maître
de
soi-même. Petite maison louée, à mi-pente du Gurten. Au-dessous, des
5157
a maison, des prairies montent jusqu’aux lisières
de
la forêt de sapins couronnant le Gurten. Toutes les demi-heures, des
5158
s prairies montent jusqu’aux lisières de la forêt
de
sapins couronnant le Gurten. Toutes les demi-heures, des avions passe
5159
Cette prairie dominant la ville serait un terrain
d’
atterrissage tout désigné pour des parachutistes. Je la regarde de tem
5160
out désigné pour des parachutistes. Je la regarde
de
temps à autre en écartant le rideau, mais rien encore. Au milieu de l
5161
illé par deux détonations qui semblaient provenir
de
la forêt. Me suis levé pensant que c’était commencé. D’une fenêtre do
5162
forêt. Me suis levé pensant que c’était commencé.
D’
une fenêtre donnant au nord, j’ai regardé longtemps la ville, apparemm
5163
ux éteints, montant lentement vers le Gurten. Pas
d’
autre bruit. Me suis recouché pensant que s’il se passait quelque chos
5164
téléphone. Peu dormi, et levé à six heures. Avant
d’
entrer à mon bureau, près de la gare, acheté comme chaque matin la Ga
5165
— je n’y pensais plus — en première page, à côté
d’
un appel à se taire lancé par le gouvernement vaudois ! (« Qui ne sait
5166
és. Cela passera donc sans histoires. Vers la fin
de
la matinée, téléphone de mon beau-frère, M. P., qui est à la Censure.
5167
s histoires. Vers la fin de la matinée, téléphone
de
mon beau-frère, M. P., qui est à la Censure. Oui, il y aura des histo
5168
à sortir. Sonnerie du téléphone. On va me parler
de
l’E.-M. du Général. — Ici colonel Masson. C’est bien vous qui avez éc
5169
, mon colonel. — Avez-vous demandé l’autorisation
de
vos supérieurs ? — Non, mon colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas of
5170
n colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas officier
de
carrière. — Vous deviez le faire quand même. Vous êtes accusé d’injur
5171
Vous deviez le faire quand même. Vous êtes accusé
d’
injures à chef d’État étranger. Vous mettez en danger la sécurité de l
5172
’État étranger. Vous mettez en danger la sécurité
de
la Suisse. C’est grave, c’est… très grave ! Terminé. — Terminé. Bon.
5173
ecret bien gardé jusqu’ici. Ce matin, un officier
de
l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de same
5174
matin, un officier de l’E.-M. est venu m’avertir
de
ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques
5175
venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la nuit
de
samedi. C’était sérieux. Attaques de saboteurs contre nos aérodromes.
5176
dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques
de
saboteurs contre nos aérodromes. Mais on veillait partout. Hier soir,
5177
soir, des barrages ont été établis dans les rues
de
la ville. La troupe a arrêté des automobilistes munis de passeports f
5178
ille. La troupe a arrêté des automobilistes munis
de
passeports français, mais aucun n’était Français. La population, sort
5179
n, sortie pour voir, avait l’air en fête. Raisons
de
croire que le coup nazi, raté cette nuit, sera suivi à bref délai de
5180
up nazi, raté cette nuit, sera suivi à bref délai
de
manifestations plus énergiques. Mardi 18 juin 1940 À sept heures préc
5181
cises au bureau. Sur ma table, une note me priant
de
passer chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bonjour mon cher. As
5182
ne note me priant de passer chez le colonel, chef
de
la Ve Section. — Bonjour mon cher. Asseyez-vous. (Je me dis : C’est d
5183
’ai beaucoup aimé votre article… Mais la Légation
d’
Allemagne a protesté, hier matin. J’ai l’ordre de vous faire conduire
5184
d’Allemagne a protesté, hier matin. J’ai l’ordre
de
vous faire conduire chez vous pour y prendre les arrêts. Voulez-vous
5185
pistolet sur le bureau. Je me sens tout nu. Faute
de
soldats baïonnette au canon — on n’en trouve point — c’est le lieuten
5186
rticle. Là n’est pas la question… La question est
de
me déférer au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi. Éco
5187
sommée, la Suisse cernée par l’Axe — les colonnes
de
Guderian descendent du Nord vers la Faucille. aj. Rougemont Denis
5188
du Nord vers la Faucille. aj. Rougemont Denis
de
, « Journal d’un témoin I : La Suisse pendant les événements dramatiqu
5189
la Faucille. aj. Rougemont Denis de, « Journal
d’
un témoin I : La Suisse pendant les événements dramatiques de juin 194
5190
I : La Suisse pendant les événements dramatiques
de
juin 1940 », Tribune de Genève, Genève, 23 juin 1962, p. 1. ak. Préc
5191
es événements dramatiques de juin 1940 », Tribune
de
Genève, Genève, 23 juin 1962, p. 1. ak. Précédé du chapeau suivant :
5192
uivant : « Nos lecteurs se souviennent sans doute
de
l’étude du journaliste anglo-suisse Jon Kimche parue cet hiver dans n
5193
aspects souterrains — ou simplement peu connus —
de
notre histoire pendant le dernier conflit mondial. Dans cet ouvrage,
5194
e, Kimche avait signalé la formation durant l’été
de
1940 d’un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un ci
5195
e avait signalé la formation durant l’été de 1940
d’
un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un civil, l’a
5196
a formation durant l’été de 1940 d’un « mouvement
de
résistance » — il en distingue deux, l’un civil, l’autre formé d’offi
5197
— il en distingue deux, l’un civil, l’autre formé
d’
officiers — qui entendait barrer la route à ceux qui auraient pu être
5198
arrer la route à ceux qui auraient pu être tentés
d’
intégrer notre pays au système du Troisième Reich alors triomphant. Le
5199
brièvement mentionné, après la guerre, l’épisode
de
« la conjuration des officiers » dont l’acte d’indiscipline fut sanct
5200
e de « la conjuration des officiers » dont l’acte
d’
indiscipline fut sanctionné, mais dont les objectifs eurent sa sympath
5201
ont les objectifs eurent sa sympathie. L’attitude
de
notre gouvernement et de notre commandant en chef rendit inutile tout
5202
sa sympathie. L’attitude de notre gouvernement et
de
notre commandant en chef rendit inutile toute action directe de ces m
5203
ndant en chef rendit inutile toute action directe
de
ces mouvements qui ont toutefois joué un rôle non négligeable en fais
5204
sme ambiant. Denis de Rougemont, témoin et acteur
de
ces événements nous a envoyé certains feuillets de son journal de jui
5205
e ces événements nous a envoyé certains feuillets
de
son journal de juin et juillet 1940 qui les éclairent et les explique
5206
s nous a envoyé certains feuillets de son journal
de
juin et juillet 1940 qui les éclairent et les expliquent… Nous avons
5207
es éclairent et les expliquent… Nous avons choisi
de
publier ces pages en cette fin de juin, à peu près à l’époque, vingt-
5208
us avons choisi de publier ces pages en cette fin
de
juin, à peu près à l’époque, vingt-deux après, où Denis de Rougemont
5209
s de Rougemont les vécut. » al. Pour les besoins
de
cette édition numérique, on a attribué un style spécifique aux dates
5210
ique, on a attribué un style spécifique aux dates
de
ce journal.
5211
La Ligue du Gothard : premier mouvement
de
résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)am an Mercredi 1
5212
thard : premier mouvement de résistance : Journal
d’
un témoin II (25 juin 1962)am an Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère d
5213
in 1962)am an Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère
d’
imminence, je ne puis la caractériser mieux. Tout est immédiat, concre
5214
sais qu’il peut y apparaître dans un instant des
hommes
qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus mon pistolet, que je dépo
5215
cumule par petites touches précises, les éléments
d’
un énorme désastre, incroyable et vrai. Le téléphone m’apporte, heure
5216
léphone m’apporte, heure par heure, les nouvelles
de
l’action entreprise pour notre « défense à tout prix ». (Beaucoup de
5217
. 20 juin 1940 Mon colonel se présente à la porte
de
notre petite maison du Gurten. Je prends la position. Il tient dans c
5218
tenant, écoutez. La justice militaire ne veut pas
de
votre cas. C’est donc le général lui-même qui vous condamne au maximu
5219
le général lui-même qui vous condamne au maximum
de
la peine : quinze jours au fort de Saint-Maurice, au pain et à l’eau,
5220
mne au maximum de la peine : quinze jours au fort
de
Saint-Maurice, au pain et à l’eau, sans visites ni courrier. Vous ave
5221
Saint-Maurice. Tout ce que je vous demande, c’est
de
ne pas sortir dans les rues de Berne chaque soir avec une petite femm
5222
ous demande, c’est de ne pas sortir dans les rues
de
Berne chaque soir avec une petite femme à chaque bras. — À vos ordres
5223
e colonel a bien voulu prendre un verre, au terme
de
cette petite cérémonie. 22 juin 1940 Céder à l’ennemi sur le point de
5224
1940 Céder à l’ennemi sur le point de la liberté
d’
expression, n’est-ce point perdre, avant de se battre, l’une des raiso
5225
t de se battre, l’une des raisons que l’on aurait
de
se battre, l’une des marques de cette indépendance que l’armée est ch
5226
s que l’on aurait de se battre, l’une des marques
de
cette indépendance que l’armée est chargée de défendre ? Je relis les
5227
ues de cette indépendance que l’armée est chargée
de
défendre ? Je relis les instructions données au général Guisan le 31
5228
9 par le Conseil fédéral : Vous avez pour mission
de
sauvegarder l’indépendance du pays et de maintenir l’intégrité du ter
5229
mission de sauvegarder l’indépendance du pays et
de
maintenir l’intégrité du territoire. Il est clair que pour défendre u
5230
ur défendre un territoire, il est parfois indiqué
de
céder du terrain : cela s’appelle une retraite stratégique. On peut m
5231
arti, tout comme le général de Gaulle, à la radio
de
Londres, il y a quelques jours. En ce moment même, chez Mottu, nos co
5232
njurés sont réunis pour la fondation du mouvement
de
résistance à tout prix, contre tous les défaitismes et opportunismes
5233
. (En Suisse romande, des éditoriaux parlent déjà
de
« la nécessité de nous adapter à l’ordre nouveau »…) Fin juin 1940 Re
5234
de, des éditoriaux parlent déjà de « la nécessité
de
nous adapter à l’ordre nouveau »…) Fin juin 1940 Repris mon service à
5235
». Pendant mes vacances forcées, j’ai eu le temps
de
rédiger le manifeste de notre mouvement, qui a pris le nom de « Ligue
5236
forcées, j’ai eu le temps de rédiger le manifeste
de
notre mouvement, qui a pris le nom de « Ligue du Gothard », pour ma p
5237
e manifeste de notre mouvement, qui a pris le nom
de
« Ligue du Gothard », pour ma plus grande satisfaction. Discuté et co
5238
matin, avec les fondateurs, dans une petite salle
de
café enfumée par les cigares de l’infatigable Gottlieb Duttweiler. L’
5239
une petite salle de café enfumée par les cigares
de
l’infatigable Gottlieb Duttweiler. L’organisation de la Ligue est dou
5240
l’infatigable Gottlieb Duttweiler. L’organisation
de
la Ligue est double. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion d’un
5241
ouble. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion
d’
un groupe de jeunes capitaines instructeurs. Publique dans le civil et
5242
estine dans l’armée, sous l’impulsion d’un groupe
de
jeunes capitaines instructeurs. Publique dans le civil et devant l’op
5243
t devant l’opinion suisse, sous la responsabilité
d’
un directoire de dix membres. Le manifeste constate que « la Suisse es
5244
on suisse, sous la responsabilité d’un directoire
de
dix membres. Le manifeste constate que « la Suisse est réduite à elle
5245
« la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pas
d’
autre garantie que son armée, pas d’autre allié que son terrain, pas d
5246
Elle n’a pas d’autre garantie que son armée, pas
d’
autre allié que son terrain, pas d’autre espoir que son travail ». Que
5247
son armée, pas d’autre allié que son terrain, pas
d’
autre espoir que son travail ». Que les Suisses oublient donc leurs di
5248
oublient donc leurs divisions partisanes. Venus
de
tous les points de l’horizon politique, décidés à faire converger nos
5249
s divisions partisanes. Venus de tous les points
de
l’horizon politique, décidés à faire converger nos efforts, nous fond
5250
nous fondons la Ligue du Gothard. Bastion naturel
de
la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le gr
5251
ue du Gothard. Bastion naturel de la Suisse, cœur
de
l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour
5252
un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers
d’
être hommes, et d’être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux
5253
d effort commun. Mais il nous rendra fiers d’être
hommes
, et d’être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du pays. D
5254
mmun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et
d’
être Suisses. Ce texte va paraître dans 74 journaux du pays. Dans cha
5255
cun, nous avons acheté une page entière. (Formule
de
la publicité politique ou philanthropique aux États-Unis.) Frais payé
5256
que nous a remise le capitaine E., l’un des chefs
de
la ligue des officiers — tout ce qu’il possède, paraît-il. 26 juin 19
5257
l possède, paraît-il. 26 juin 1940 Hier, discours
de
Pilet-Golaz. À propos du cessez-le-feu en France, il a parlé de notre
5258
. À propos du cessez-le-feu en France, il a parlé
de
notre « soulagement » ! Cela peut s’entendre de diverses manières, ma
5259
é de notre « soulagement » ! Cela peut s’entendre
de
diverses manières, mais l’une est atroce. Je veux, croire qu’il ne l’
5260
u’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un officier
de
l’E.-M. du Général me dit : « Pour la première fois de ma vie, j’ai e
5261
E.-M. du Général me dit : « Pour la première fois
de
ma vie, j’ai eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres qu
5262
« Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte
d’
être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes, à Berne ou à
5263
s de ma vie, j’ai eu honte d’être Suisse. » Début
de
juillet Rencontres quotidiennes, à Berne ou à la campagne, soit avec
5264
la campagne, soit avec des membres du Directoire
de
la Ligue, soit avec notre seul homme de liaison entre la Ligue dans l
5265
s du Directoire de la Ligue, soit avec notre seul
homme
de liaison entre la Ligue dans l’armée et la Ligue civile : le sergen
5266
irectoire de la Ligue, soit avec notre seul homme
de
liaison entre la Ligue dans l’armée et la Ligue civile : le sergent L
5267
la Ligue civile : le sergent Lindt41. Une maison
de
Berne, à double entrée, nous permet des contacts discrets avec les re
5268
rmet des contacts discrets avec les représentants
de
la Ligue dans l’armée. La presse a publié le Manifeste. Elle en parle
5269
e Manifeste. Elle en parle ! Beaucoup de lettres,
de
pamphlets, d’articles, nous accusent tour à tour de tendances fascist
5270
lle en parle ! Beaucoup de lettres, de pamphlets,
d’
articles, nous accusent tour à tour de tendances fascistes, ou marxist
5271
pamphlets, d’articles, nous accusent tour à tour
de
tendances fascistes, ou marxistes, ou corporatistes. Nos vrais « mene
5272
marxistes, ou corporatistes. Nos vrais « meneurs
de
jeu » seraient à la fois : la grande industrie, les Groupes d’Oxford,
5273
ient à la fois : la grande industrie, les Groupes
d’
Oxford, la Migros, les Anglais, voire Gonzague de Reynold, dont on ann
5274
eynold, dont on annonce par ailleurs la démission
de
notre Directoire : or il n’en a jamais été membre. Rien de plus norma
5275
pris toute l’ampleur du péril, c’est bien le tout
de
notre vie suisse et non pas tel parti plutôt qu’un autre, qui est rad
5276
alement menacé. Pas un n’aurait la moindre chance
de
« s’arranger » avec l’occupant hitlérien. Pour les intérêts matériels
5277
la grande industrie boude la Ligue : elle attend
de
voir comment les choses tournent. Le Conseil fédéral paraît hésitant.
5278
t. Selon nos renseignements très précis, certains
de
ses membres seraient prêts à accéder aux exigences des nazis, formulé
5279
t « résistants ». Un ou deux indécis. Sur la base
de
ces informations et de leur analyse détaillée, le directoire de la Li
5280
deux indécis. Sur la base de ces informations et
de
leur analyse détaillée, le directoire de la Ligue du Gothard entrepre
5281
tions et de leur analyse détaillée, le directoire
de
la Ligue du Gothard entreprend alors une démarche que je crois sans p
5282
ans l’histoire des conjurations politiques. Trois
de
ses membres, conduits par le professeur Theo Spoerri, solliciteront u
5283
une audience du Conseil fédéral. Ils ont mission
de
lui déclarer que s’il cède aux exigences des nazis, tout est prêt pou
5284
des blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe
de
remplacement est prête à entrer en fonction. Si au contraire le Conse
5285
eil fédéral résiste, il aura l’appui sans réserve
de
la Ligue civile et militaire. L’audience est aussitôt demandée, et ac
5286
dée, et accordée. Trop compromis depuis l’affaire
de
la Gazette de Lausanne et bridé par mes fonctions militaires, je ne
5287
e. Trop compromis depuis l’affaire de la Gazette
de
Lausanne et bridé par mes fonctions militaires, je ne puis faire par
5288
mes fonctions militaires, je ne puis faire partie
de
la délégation. J’attends les résultats de la démarche dans un café pr
5289
partie de la délégation. J’attends les résultats
de
la démarche dans un café proche du Palais fédéral. Les délégués m’y r
5290
e les a reçus avec beaucoup de calme, a pris note
de
leur déclaration pour la transmettre à ses collègues, et bien sûr, n’
5291
age. Mais les banderilles ont été plantées. (Note
de
1962 : nulle trace de cette démarche dans les archives fédérales. On
5292
les ont été plantées. (Note de 1962 : nulle trace
de
cette démarche dans les archives fédérales. On devait s’y attendre. E
5293
mprend donc que M. Kimche n’ait pas pu faire état
de
l’incident, si pittoresque et surprenant qu’il puisse apparaître, apr
5294
isse apparaître, après coup. Il y avait une sorte
de
pari insensé dans cette manière d’aller dire à un gouvernement : « No
5295
vait une sorte de pari insensé dans cette manière
d’
aller dire à un gouvernement : « Nous vous avertissons qu’il existe un
5296
rche était ratée, et au surplus couvrait la Ligue
de
ridicule. En fait, celui qui reçut cette délégation comprit très bien
5297
tion comprit très bien qu’il s’agissait pour nous
d’
appuyer les durs et de faire peur aux mous. Le Conseil fédéral devait
5298
qu’il s’agissait pour nous d’appuyer les durs et
de
faire peur aux mous. Le Conseil fédéral devait donc nous croire et ne
5299
ista, comme on sait.) 40. Néanmoins, un sergent
de
mes amis, syndicaliste, membre fondateur de la Ligue du Gothard, me d
5300
rgent de mes amis, syndicaliste, membre fondateur
de
la Ligue du Gothard, me dit, quelques jours plus tard : « Vous êtes i
5301
r bonheur, c’est moi qui suis chargé des rapports
d’
écoute. J’efface les rouleaux enregistrant vos conversations ! » 41.
5302
enregistrant vos conversations ! » 41. Il s’agit
de
M. Auguste Lindt, aujourd’hui ambassadeur de Suisse à Washington, apr
5303
agit de M. Auguste Lindt, aujourd’hui ambassadeur
de
Suisse à Washington, après avoir été haut-commissaire de l’Organisati
5304
se à Washington, après avoir été haut-commissaire
de
l’Organisation des Nations unies pour les réfugiés. am. Rougemont D
5305
ns unies pour les réfugiés. am. Rougemont Denis
de
, « Journal d’un témoin II : La Ligue du Gothard, premier mouvement de
5306
les réfugiés. am. Rougemont Denis de, « Journal
d’
un témoin II : La Ligue du Gothard, premier mouvement de résistance »,
5307
émoin II : La Ligue du Gothard, premier mouvement
de
résistance », Tribune de Genève, Genève, 25 juin 1962, p. 1. an. Pré
5308
thard, premier mouvement de résistance », Tribune
de
Genève, Genève, 25 juin 1962, p. 1. an. Précédé du chapeau suivant :
5309
0, la débâcle des armées françaises. Au lendemain
de
l’entrée des Allemands à Paris, Denis de Rougemont, alors incorporé à
5310
Rougemont, alors incorporé à l’Adjudance générale
de
l’Armée (section Armée et Foyer) envoie à Gazette de Lausanne un ar
5311
’Armée (section Armée et Foyer) envoie à Gazette
de
Lausanne un article qui lui vaut d’être mis aux arrêts (“Qui ne sait
5312
e à Gazette de Lausanne un article qui lui vaut
d’
être mis aux arrêts (“Qui ne sait se taire nuit à son pays”). Le moral
5313
moral des Suisses va-t-il flancher devant le raz
de
marée nazi ? Le Gothard, pense Rougemont, devrait fournir le symbole
5314
Rougemont, devrait fournir le symbole et la clef
d’
une résistance à tout prix. Voici la suite du journal de ces jours dra
5315
résistance à tout prix. Voici la suite du journal
de
ces jours dramatiques. »
5316
conjuration des officiers en juin 1940 : Journal
d’
un témoin III (26 juin 1962)ao ap 10 juillet 1940 Réunion avec troi
5317
p 10 juillet 1940 Réunion avec trois officiers
de
l’E.-M. G. chargés de préparer le message du 1er août du général. Apr
5318
éunion avec trois officiers de l’E.-M. G. chargés
de
préparer le message du 1er août du général. Après quelques heures d’e
5319
age du 1er août du général. Après quelques heures
d’
essais peu convaincants — on ne peut pas écrire en groupe — ils me con
5320
ne part, le général ne saura pas que le texte est
de
ma main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin
5321
a Ligue du Gothard ? Dernière page : La création
de
la Ligue du Gothard a produit un choc salutaire sur l’opinion suisse.
5322
aître un grand espoir et dissipé certaines brumes
de
défaitisme. La crainte de la concurrence a produit une émulation inat
5323
issipé certaines brumes de défaitisme. La crainte
de
la concurrence a produit une émulation inattendue du côté des partis.
5324
ncontestable que sans la Ligue, les « communautés
de
travail », esquissées dans divers cantons, n’auraient pas vu si tôt l
5325
oupements naguère hostiles, nous créons le visage
de
la nouvelle génération et nous marchons dans la seule voie possible.
5326
ement menacée, mais que notre action la renforce.
De
tout temps, à l’appel du danger, nos ancêtres se sont levés. C’est no
5327
lieu le rapport du Grütli. Tout notre dispositif
de
défense regroupé autour du Gothard ! Notre rêve devient vrai ! Profon
5328
uelques pages. Mi-août 1940 Réunion du Directoire
de
la Ligue à Zurich, dans une villa de l’Utliberg. Tandis que nous nous
5329
e nos petits groupes. Un jeune lieutenant inconnu
de
moi saute à terre, fait quelques pas à mes côtés et me dit rapidement
5330
me dit rapidement : « Soyez prudent. Quatre chefs
de
la Ligue dans l’armée viennent d’être arrêtés, sur l’ordre du colonel
5331
t. Quatre chefs de la Ligue dans l’armée viennent
d’
être arrêtés, sur l’ordre du colonel Labhardt, commandant l’unité d’ar
5332
r l’ordre du colonel Labhardt, commandant l’unité
d’
armée de Sargans. Ils avaient essayé d’obtenir son appui pendant une p
5333
e du colonel Labhardt, commandant l’unité d’armée
de
Sargans. Ils avaient essayé d’obtenir son appui pendant une partie de
5334
nt l’unité d’armée de Sargans. Ils avaient essayé
d’
obtenir son appui pendant une partie de la nuit. Il leur a laissé croi
5335
ent essayé d’obtenir son appui pendant une partie
de
la nuit. Il leur a laissé croire qu’il marchait, et à 6 heures ce mat
5336
un peu en arrière dans mes souvenirs. Dès le mois
de
mai, le « Secrétariat des Suisses à l’étranger » m’avait proposé d’al
5337
tariat des Suisses à l’étranger » m’avait proposé
d’
aller à New York et d’y faire jouer ma pièce sur Nicolas de Flüe (mu
5338
’étranger » m’avait proposé d’aller à New York et
d’
y faire jouer ma pièce sur Nicolas de Flüe (musique d’Arthur Honegge
5339
ire jouer ma pièce sur Nicolas de Flüe (musique
d’
Arthur Honegger) à l’occasion de la World’s Fair. J’avais longtemps te
5340
de Flüe (musique d’Arthur Honegger) à l’occasion
de
la World’s Fair. J’avais longtemps tergiversé. Je faisais la Ligue. P
5341
sé. Je faisais la Ligue. Puis il y eut l’incident
de
mon article sur Paris. Je n’étais certes plus persona grata. Pourtant
5342
lles du drame européen ; 2) la mission européenne
de
la Suisse ; 3) le fédéralisme ; 4) le théâtre communautaire en Suisse
5343
ort diplomatique (censé me faciliter la traversée
de
l’Espagne) à condition toutefois que je m’abstienne aux États-Unis «
5344
ion toutefois que je m’abstienne aux États-Unis «
de
toute activité ayant un caractère politique quelconque. Des sujets de
5345
ant un caractère politique quelconque. Des sujets
de
conférence comme ceux qui sont indiqués sous les chiffres 1 à 3 devra
5346
e B.) ⁂ Ces prudences officielles — bien typiques
de
l’époque — n’eurent d’autre effet que de me piquer au jeu. Bien décid
5347
fficielles — bien typiques de l’époque — n’eurent
d’
autre effet que de me piquer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir comp
5348
typiques de l’époque — n’eurent d’autre effet que
de
me piquer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir compte, je finis par a
5349
enir compte, je finis par accepter la proposition
de
voyage aux États-Unis. Pour la Suisse, cet été-là, le péril militaire
5350
ional 42 il se dressait vraiment comme ce bastion
de
l’Europe libre dont nous avions rêvé sans oser croire qu’en quelques
5351
ie. La Ligue du Gothard, fondée sur l’idée simple
d’
organiser les volontés de résistance, voyait ainsi son premier objecti
5352
fondée sur l’idée simple d’organiser les volontés
de
résistance, voyait ainsi son premier objectif atteint. Elle s’orienta
5353
nt. Elle s’orientait vers un programme plus vaste
d’
entraide sociale et de rénovation économique et politique. Elle avait
5354
ers un programme plus vaste d’entraide sociale et
de
rénovation économique et politique. Elle avait au départ formé le noy
5355
ait au départ formé le noyau du premier mouvement
de
résistance, au sens que ce mot devait prendre un peu plus tard dans l
5356
nats et tortures en moins. Les mêmes peuvent rire
de
l’armée suisse parce qu’elle n’eut pas l’occasion de se battre. Pourt
5357
l’armée suisse parce qu’elle n’eut pas l’occasion
de
se battre. Pourtant elle l’aurait eue, probablement, si les Allemands
5358
e et moins bien alertée. Et notre petit mouvement
de
résistance, pour préventif qu’il soit resté, eût certainement passé à
5359
e ce fût, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois
d’
août de 1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans la mesure précise o
5360
t, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août
de
1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans la mesure précise où elle
5361
», inutile. ⁂ L’armée démobilisait les deux tiers
de
ses effectifs. Je me voyais rendu à mes travaux d’écrivain, mais prat
5362
e ses effectifs. Je me voyais rendu à mes travaux
d’
écrivain, mais pratiquement condamné à ne plus aborder en public que l
5363
ent, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que
de
notre belle nature me semblait également intolérable, tant qu’Hitler
5364
ment décisif allait venir et ne pouvait venir que
de
l’Amérique. Peut-être bien était-ce là-bas qu’il me serait donné, quo
5365
là-bas qu’il me serait donné, quoique « neutre »,
de
faire la guerre à ma façon, d’entrer dans le coup. Poussé dans le dos
5366
uoique « neutre », de faire la guerre à ma façon,
d’
entrer dans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je me décida
5367
20 août, à 7 heures du matin, je prenais la route
de
Lisbonne. J’avais acheté, avant de monter dans l’autobus, trois journ
5368
monter dans l’autobus, trois journaux du matin et
de
la veille : tous les trois consacraient leur éditorial au programme d
5369
es trois consacraient leur éditorial au programme
de
la Ligue. Les notes personnelles qu’on vient de lire me paraissent de
5370
es personnelles qu’on vient de lire me paraissent
de
nature à confirmer la description d’ensemble que M, Jon Kimche donne
5371
e paraissent de nature à confirmer la description
d’
ensemble que M, Jon Kimche donne de la « crise » consécutive à l’effon
5372
la description d’ensemble que M, Jon Kimche donne
de
la « crise » consécutive à l’effondrement des Alliés en mai 1940. Dan
5373
aux dates qu’indique M. Kimche (seconde quinzaine
de
juin) et les noms de ses chefs sont exacts, si mes souvenirs le sont
5374
M. Kimche (seconde quinzaine de juin) et les noms
de
ses chefs sont exacts, si mes souvenirs le sont aussi. Ses buts et se
5375
correctement définis, sauf sur un point, qui est
d’
importance : je ne crois pas un instant que les officiers ligueurs aie
5376
nstant que les officiers ligueurs aient pu douter
de
la volonté de résistance à tout prix du Général. Leur complot ne visa
5377
officiers ligueurs aient pu douter de la volonté
de
résistance à tout prix du Général. Leur complot ne visait que le Cons
5378
écrit dans son rapport que leur seule faute fut «
d’
agir en secret ». Mais s’ils avaient agi « ouvertement », le Conseil f
5379
une curieuse erreur en confondant la ligue civile
de
juin 1940 avec ce qu’il appelle tantôt « l’Action nationale de résist
5380
avec ce qu’il appelle tantôt « l’Action nationale
de
résistance », tantôt le « Mouvement de résistance national ». Si j’en
5381
nationale de résistance », tantôt le « Mouvement
de
résistance national ». Si j’en juge par les noms qu’il donne des resp
5382
en juge par les noms qu’il donne des responsables
de
ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que d’une organisation civ
5383
de ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que
d’
une organisation civile qui apparut durant l’automne de 1940. L’un de
5384
organisation civile qui apparut durant l’automne
de
1940. L’un de ses chefs, M. Hans Oprecht, me le confirme doublement e
5385
civile qui apparut durant l’automne de 1940. L’un
de
ses chefs, M. Hans Oprecht, me le confirme doublement en me disant d’
5386
doublement en me disant d’une part que « l’Action
de
résistance » n’intervint qu’« après mon départ pour les États-Unis »,
5387
le en liaison avec les officiers pendant la crise
de
l’été 1940. 3. L’absence de toute mention de la Ligue du Gothard et l
5388
iers pendant la crise de l’été 1940. 3. L’absence
de
toute mention de la Ligue du Gothard et la substitution à cette ligue
5389
rise de l’été 1940. 3. L’absence de toute mention
de
la Ligue du Gothard et la substitution à cette ligue d’un mouvement q
5390
Ligue du Gothard et la substitution à cette ligue
d’
un mouvement qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pa
5391
bstitution à cette ligue d’un mouvement qui n’eut
d’
autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pas existé pendant la pério
5392
ement qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui
de
n’avoir pas existé pendant la période que décrit Kimche, n’est pas se
5393
que décrit Kimche, n’est pas seulement une erreur
de
fait que l’auteur pourra corriger sans peine. Elle empêche d’évaluer
5394
l’auteur pourra corriger sans peine. Elle empêche
d’
évaluer correctement la situation psychologique qui régnait au mois de
5395
nt la situation psychologique qui régnait au mois
de
juin 1940, lorsque fut prise la décision de créer le Réduit national.
5396
mois de juin 1940, lorsque fut prise la décision
de
créer le Réduit national. Elle empêche en particulier M. Kimche de se
5397
t national. Elle empêche en particulier M. Kimche
de
se poser la question suivante : peut-on voir une « simple » coïnciden
5398
fait que la Ligue civile et militaire prit le nom
de
ce Gothard qui, quelques semaines plus tard, allait devenir le centre
5399
allait devenir le centre du Réduit ? Je tenterai
de
répondre à cette question dans un prochain article. 42. On se rappe
5400
ral Guisan convoqua tous les officiers supérieurs
de
l’armée sur la prairie du Grütli pour leur exposer son plan de défens
5401
r la prairie du Grütli pour leur exposer son plan
de
défense à outrance autour du massif du Gothard. ao. Rougemont Denis
5402
utour du massif du Gothard. ao. Rougemont Denis
de
, « Journal d’un témoin III : La conjuration des officiers en juin 194
5403
f du Gothard. ao. Rougemont Denis de, « Journal
d’
un témoin III : La conjuration des officiers en juin 1940 », Tribune d
5404
conjuration des officiers en juin 1940 », Tribune
de
Genève, Genève, 26 juin 1962, p. 1. ap. Précédé du chapeau suivant :
5405
Denis de Rougemont retrace ici les circonstances
de
l’action de résistance qu’il entreprit avec quelques amis groupés sou
5406
ugemont retrace ici les circonstances de l’action
de
résistance qu’il entreprit avec quelques amis groupés sous l’enseigne
5407
reprit avec quelques amis groupés sous l’enseigne
de
la Ligue du Gothard alors que le Troisième Reich venait de triompher
5408
her des armées franco-anglaises et que la volonté
de
résistance paraissait s’émousser chez certains de nos compatriotes im
5409
de résistance paraissait s’émousser chez certains
de
nos compatriotes impressionnés par l’ampleur des succès nazis (voir
5410
par l’ampleur des succès nazis (voir La Tribune
de
Genève des 23 et 25 juin). Rappelons, pour la compréhension de cet ar
5411
23 et 25 juin). Rappelons, pour la compréhension
de
cet article, que l’auteur de L’Amour et l’Occident se trouvait alor
5412
our la compréhension de cet article, que l’auteur
de
L’Amour et l’Occident se trouvait alors en situation délicate auprè
5413
at-major général — pour avoir écrit, au lendemain
de
la chute de Paris, un papier à la gloire de la capitale française qui
5414
éral — pour avoir écrit, au lendemain de la chute
de
Paris, un papier à la gloire de la capitale française qui n’était pas
5415
emain de la chute de Paris, un papier à la gloire
de
la capitale française qui n’était pas tendre pour le Führer triomphan
5416
ination débridée court vers l’avenir dans le sens
de
nos désirs ou de nos craintes, selon notre tempérament. La mémoire au
5417
court vers l’avenir dans le sens de nos désirs ou
de
nos craintes, selon notre tempérament. La mémoire aussitôt la bride p
5418
ament. La mémoire aussitôt la bride par le rappel
d’
échecs ou de succès anciens. Ainsi, comme un voilier tirant des bords
5419
moire aussitôt la bride par le rappel d’échecs ou
de
succès anciens. Ainsi, comme un voilier tirant des bords par vent deb
5420
oilier tirant des bords par vent debout, essayons
d’
avancer dans l’inconnu que nous découvrirons en l’inventant, et qui pe
5421
dans la mesure où nous le formerons. Pour tenter
d’
estimer l’ordre de grandeur des changements qu’apporteront les dix-hui
5422
nous le formerons. Pour tenter d’estimer l’ordre
de
grandeur des changements qu’apporteront les dix-huit ans qui nous sép
5423
qu’apporteront les dix-huit ans qui nous séparent
de
1980, voyons d’abord quels changements ont apportés les dix-huit ans
5424
s ont apportés les dix-huit ans qui nous séparent
de
la fin de la dernière guerre. L’Europe de l’Ouest a passé de la ruine
5425
rtés les dix-huit ans qui nous séparent de la fin
de
la dernière guerre. L’Europe de l’Ouest a passé de la ruine générale
5426
e la dernière guerre. L’Europe de l’Ouest a passé
de
la ruine générale à une prospérité sans précédent : d’une position dé
5427
ruine générale à une prospérité sans précédent :
d’
une position dépendante des États-Unis à une position concurrentielle
5428
e des États-Unis à une position concurrentielle ;
d’
un affrontement presque mortel des nationalismes autarciques au succès
5429
tériellement la réconciliation franco-allemande ;
de
l’alliance de guerre avec l’URSS au Mur de Berlin, et de la Libératio
5430
a réconciliation franco-allemande ; de l’alliance
de
guerre avec l’URSS au Mur de Berlin, et de la Libération à la perte d
5431
ande ; de l’alliance de guerre avec l’URSS au Mur
de
Berlin, et de la Libération à la perte des pays de l’Est ; de l’omnip
5432
liance de guerre avec l’URSS au Mur de Berlin, et
de
la Libération à la perte des pays de l’Est ; de l’omniprésence commun
5433
e Berlin, et de la Libération à la perte des pays
de
l’Est ; de l’omniprésence communiste en France et en Italie au repli
5434
t de la Libération à la perte des pays de l’Est ;
de
l’omniprésence communiste en France et en Italie au repli général du
5435
; du chômage endémique au suremploi ; des empires
d’
outre-mer français, anglais, hollandais et belge à la décolonisation p
5436
du Sud, dans le monde arabe et en Afrique ; bref,
de
la misère avec les colonies et dans la désunion, à la richesse sans l
5437
ers-monde et par l’union. Si l’on relit la presse
de
l’époque, on s’aperçoit que presque tous ces phénomènes avaient été p
5438
se sont produits beaucoup plus vite et avec plus
d’
intensité que personne n’osait le croire ou le redouter. Sommes-nous a
5439
ter. Sommes-nous autorisés à prolonger les lignes
de
cette récente évolution et à prévoir une accélération continuée des r
5440
ée des rythmes ? Deux hypothèses. Ou bien l’union
de
l’Europe est stoppée par l’échec des négociations entre les Anglais e
5441
ne renaissance des nationalismes ; la dislocation
de
l’alliance atlantique ; l’anarchie continuée de nos relations avec le
5442
n de l’alliance atlantique ; l’anarchie continuée
de
nos relations avec le tiers-monde, d’où l’affaiblissement général des
5443
e continuée de nos relations avec le tiers-monde,
d’
où l’affaiblissement général des positions occidentales, une série de
5444
ent général des positions occidentales, une série
de
crises économiques, une arrogance accrue des peuples neufs détenant l
5445
ond désormais avec les vœux, les buts, la volonté
de
ceux qui luttent pour cette union. Car il ne s’agit pas — je le dis u
5446
r il ne s’agit pas — je le dis une fois de plus —
de
deviner l’histoire qui vient, mais de la faire. Dans cette seconde hy
5447
s de plus — de deviner l’histoire qui vient, mais
de
la faire. Dans cette seconde hypothèse, l’Europe de 1980 est redevenu
5448
la faire. Dans cette seconde hypothèse, l’Europe
de
1980 est redevenue à tous égards le centre du monde humain. Les géogr
5449
ont démontré depuis longtemps qu’elle est le pôle
de
« l’hémisphère privilégié » qui comprend environ 95 % de la populatio
5450
hémisphère privilégié » qui comprend environ 95 %
de
la population et de la production du globe. À cette réalité de géogra
5451
é » qui comprend environ 95 % de la population et
de
la production du globe. À cette réalité de géographie humaine corresp
5452
ion et de la production du globe. À cette réalité
de
géographie humaine correspond une activité politique, économique et c
5453
, elle les dose, elle les adapte aux possibilités
d’
assimilation du tiers-monde, après en avoir discuté avec les responsab
5454
des autres continents. (Cela s’opère sur la base
d’
un Dialogue des cultures, organisé notamment par une série de centres
5455
ue des cultures, organisé notamment par une série
de
centres régionaux, dont les premiers sont entrés en fonction dès 1963
5456
s 1963.) Enfin, l’Europe offre au monde le modèle
d’
une communauté organisée selon la méthode fédéraliste, antidote ou ant
5457
e) que les petits pays neufs s’efforçaient encore
de
copier dans les années 1950 à 1970. Le succès du fédéralisme européen
5458
leurs nouvelles générations, au-delà des ivresses
de
l’indépendance, découvrent les réalités de l’interdépendance. La civi
5459
resses de l’indépendance, découvrent les réalités
de
l’interdépendance. La civilisation technique s’humanise — c’est un mo
5460
; on découvre au contraire les charmes souverains
de
la lenteur. Le silence est devenu le luxe suprême : peu sont en mesur
5461
e est devenu le luxe suprême : peu sont en mesure
de
se le payer en allant vivre dans les régions vertes aménagées en Fran
5462
erche encore — on va trouver — un système général
de
freinage ou de décantation du progrès mécanique, qui l’adapte et le s
5463
on va trouver — un système général de freinage ou
de
décantation du progrès mécanique, qui l’adapte et le subordonne à la
5464
nne à la sécurité, à la santé et aux « aménités »
de
la vie, selon l’expression de B. de Jouvenel. L’augmentation de la po
5465
et aux « aménités » de la vie, selon l’expression
de
B. de Jouvenel. L’augmentation de la population — 630 millions sur la
5466
on l’expression de B. de Jouvenel. L’augmentation
de
la population — 630 millions sur la même superficie que les 440 milli
5467
perficie que les 440 millions que compte l’Europe
d’
aujourd’hui, Russie exclue — y contraint autant que l’évolution des id
5468
, initiatrice et première bénéficiaire ou victime
de
la civilisation technique, désormais universalisée, a compris qu’elle
5469
ésormais universalisée, a compris qu’elle se doit
d’
inventer les moyens d’humaniser l’usage des ressources matérielles fom
5470
, a compris qu’elle se doit d’inventer les moyens
d’
humaniser l’usage des ressources matérielles fomentées par son aventur
5471
es autoroutes à six pistes, lesquelles permettent
d’
aller aussi vite d’une ville à l’autre que les trains express (quelque
5472
pistes, lesquelles permettent d’aller aussi vite
d’
une ville à l’autre que les trains express (quelques-uns déjà souterra
5473
dense dans les régions méridionales, la mobilité
de
l’industrie permettant au phototropisme naturel de se manifester libr
5474
e l’industrie permettant au phototropisme naturel
de
se manifester librement : boom sur les rives de la Méditerranée, aban
5475
l de se manifester librement : boom sur les rives
de
la Méditerranée, abandon progressif des villes du Nord qui avaient pr
5476
noire. L’énergie électrique ou nucléaire a permis
de
généraliser la maison transparente, pour les masses. Les élites redéc
5477
loin des lieux du travail, réduit à cinq journées
de
six heures par semaine, en moyenne. (Dans le secteur tertiaire, le we
5478
moyenne. (Dans le secteur tertiaire, le week-end
de
deux jours et demi ou trois jours est de règle.) La vie politique ne
5479
week-end de deux jours et demi ou trois jours est
de
règle.) La vie politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était
5480
disparu, on ne s’en souvient guère davantage que
de
la Triplice et de la Triple Entente aujourd’hui. Face à la Chine, à l
5481
en souvient guère davantage que de la Triplice et
de
la Triple Entente aujourd’hui. Face à la Chine, à l’Inde, et aux ligu
5482
et aux ligues encore instables du monde arabe et
de
l’Afrique noire, l’Occident se regroupe autour de l’Europe unie, de S
5483
, l’Occident se regroupe autour de l’Europe unie,
de
San Francisco à Vladivostok (réseau d’accords économiques et culturel
5484
rope unie, de San Francisco à Vladivostok (réseau
d’
accords économiques et culturels). En Europe, deux grandes tendances
5485
es s’affrontent, en lieu et place de la droite et
de
la gauche anciennes : la tendance fédéraliste, qui défend les autonom
5486
et néo-libéraux s’opposent au sujet des problèmes
d’
aménagement du territoire européen, d’urbanisme, d’éducation, de forma
5487
s problèmes d’aménagement du territoire européen,
d’
urbanisme, d’éducation, de formation professionnelle, et de répartitio
5488
’aménagement du territoire européen, d’urbanisme,
d’
éducation, de formation professionnelle, et de répartition des compéte
5489
du territoire européen, d’urbanisme, d’éducation,
de
formation professionnelle, et de répartition des compétences entre le
5490
me, d’éducation, de formation professionnelle, et
de
répartition des compétences entre le pouvoir central européen et les
5491
La vie culturelle est devenue la partie sérieuse
de
l’existence, en lieu et place du travail et du gain, désormais assuré
5492
il et du gain, désormais assurés à moindres frais
d’
énergie. L’accroissement du temps des loisirs et l’accroissement de la
5493
oissement du temps des loisirs et l’accroissement
de
la population produisent des résultantes contradictoires, qui sont le
5494
D’une part, l’individu est plus que jamais tenté
de
se « laisser vivre », c’est-à-dire de se laisser « être-vécu » par le
5495
amais tenté de se « laisser vivre », c’est-à-dire
de
se laisser « être-vécu » par les divertissements (au sens pascalien)
5496
s pascalien) que lui offre une production massive
de
spectacles de tous ordres, de magazines et de livres, de films et de
5497
ue lui offre une production massive de spectacles
de
tous ordres, de magazines et de livres, de films et de disques, de co
5498
production massive de spectacles de tous ordres,
de
magazines et de livres, de films et de disques, de cours sur tous les
5499
ive de spectacles de tous ordres, de magazines et
de
livres, de films et de disques, de cours sur tous les sujets, de voya
5500
tacles de tous ordres, de magazines et de livres,
de
films et de disques, de cours sur tous les sujets, de voyages, de man
5501
us ordres, de magazines et de livres, de films et
de
disques, de cours sur tous les sujets, de voyages, de manifestations
5502
e magazines et de livres, de films et de disques,
de
cours sur tous les sujets, de voyages, de manifestations sportives, e
5503
ilms et de disques, de cours sur tous les sujets,
de
voyages, de manifestations sportives, etc. Le règne des grands nombre
5504
isques, de cours sur tous les sujets, de voyages,
de
manifestations sportives, etc. Le règne des grands nombres, des stand
5505
andards et des modes favorise en lui une attitude
de
consommateur hédoniste. D’autre part, des possibilités plus vastes de
5506
niste. D’autre part, des possibilités plus vastes
de
création et de réalisation de soi lui sont ouvertes. Il est donc prob
5507
part, des possibilités plus vastes de création et
de
réalisation de soi lui sont ouvertes. Il est donc probable que la dif
5508
bilités plus vastes de création et de réalisation
de
soi lui sont ouvertes. Il est donc probable que la différence s’accen
5509
divisées en facultés démodées, les établissements
de
formation interdisciplinaire se sont multipliés. Ils se distinguent p
5510
ie des études, sont remplacés par des certificats
d’
aptitude et par des tests d’entrée (dans une firme ou dans une grande
5511
s par des certificats d’aptitude et par des tests
d’
entrée (dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ensemble, les
5512
visibles et sensibles ; ils affectent l’ensemble
de
la population. En revanche, la généralisation des bénéfices du progrè
5513
ndue possible par l’union économique et politique
de
nos pays, et d’autre part l’accroissement de la population et l’urban
5514
ique de nos pays, et d’autre part l’accroissement
de
la population et l’urbanisation du continent développent des mécanism
5515
anisation du continent développent des mécanismes
de
freinage. La nécessité d’humaniser la technique, de recréer des zones
5516
eloppent des mécanismes de freinage. La nécessité
d’
humaniser la technique, de recréer des zones de silence et de lenteur,
5517
freinage. La nécessité d’humaniser la technique,
de
recréer des zones de silence et de lenteur, de compenser par des équi
5518
té d’humaniser la technique, de recréer des zones
de
silence et de lenteur, de compenser par des équivalents spirituels la
5519
la technique, de recréer des zones de silence et
de
lenteur, de compenser par des équivalents spirituels la quasi-aboliti
5520
e, de recréer des zones de silence et de lenteur,
de
compenser par des équivalents spirituels la quasi-abolition des dista
5521
ibue à ralentir et contraint à ordonner le rythme
de
l’innovation à tout hasard et à tous risques. Bref, les inventions le
5522
nt désormais celles qui adaptent la technique à l’
homme
. J’écris ceci pour amuser les lecteurs de 1980, s’ils retrouvent par
5523
à l’homme. J’écris ceci pour amuser les lecteurs
de
1980, s’ils retrouvent par hasard mon petit essai ; et pour que certa
5524
voient un peu mieux vers quoi nous devons choisir
d’
aller. aq. Rougemont Denis de, « Dans vingt ans, une Europe neuve »
5525
us devons choisir d’aller. aq. Rougemont Denis
de
, « Dans vingt ans, une Europe neuve », Problèmes, Paris, novembre 196
5526
e Revue française . Son premier livre, Politique
de
la personne (1934) lança le mot d’ordre d’engagement de l’écrivain d
5527
tique de la personne (1934) lança le mot d’ordre
d’
engagement de l’écrivain dont il devait renier plus tard les interprét
5528
ersonne (1934) lança le mot d’ordre d’engagement
de
l’écrivain dont il devait renier plus tard les interprétations qui en
5529
3 le principal rédacteur des émissions françaises
de
La Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 1946, il s’engagea dans le
5530
pal rédacteur des émissions françaises de La Voix
de
l’Amérique. Revenu en Europe en 1946, il s’engagea dans le mouvement
5531
rganisa, en 1949, à Lausanne, le Congrès européen
de
la culture. L’année suivante, il fondait à Genève le Centre européen
5532
La commune, base essentielle
de
notre civilisation (novembre-décembre 1962)as Anciens villages et
5533
re-décembre 1962)as Anciens villages et villes
d’
Europe, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposabl
5534
c’est par leur complication, ou par leur manière
d’
être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra
5535
leur manière d’être différents : première formule
de
l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe, Unité non point
5536
mière formule de l’unité paradoxale qui permettra
de
définir l’Europe, Unité non point faite d’uniformité, mais au contrai
5537
mettra de définir l’Europe, Unité non point faite
d’
uniformité, mais au contraire, de variété des formes, de complexité de
5538
non point faite d’uniformité, mais au contraire,
de
variété des formes, de complexité des structures. L’Europe est née de
5539
ormité, mais au contraire, de variété des formes,
de
complexité des structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses
5540
s, de complexité des structures. L’Europe est née
de
la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’utilisa
5541
s structures. L’Europe est née de la multiplicité
de
ses communes, épousant la nature tout en l’utilisant à des fins milit
5542
sage : tous ces accidents naturels peuvent servir
de
prétexte à une concentration qui deviendra communauté humaine, villag
5543
aine, village ou ville, au-delà du stade originel
de
la défense, du Burg central et des remparts. En Amérique, les village
5544
rrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé
d’
en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique
5545
les clairières, ou s’égrènent le long de la berge
d’
un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancré
5546
ge d’un fleuve. L’Europe seule présente un réseau
de
communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et pourtant ri
5547
haut des airs, nous nous posons enfin sur le sol
de
l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place de petite ville. Et voic
5548
in sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine
d’
une place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œi
5549
l de l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place
de
petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autou
5550
place, banale et donc typique, un savant débarqué
de
Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les struct
5551
le et donc typique, un savant débarqué de Mars ou
de
Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les structures essent
5552
Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop
d’
erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service
5553
r sans trop d’erreurs les structures essentielles
de
notre civilisation. Un service religieux, une séance du conseil munic
5554
gieux, une séance du conseil municipal, une heure
de
classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
5555
ipal, une heure de classe, les discussions autour
d’
une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de tr
5556
ure de classe, les discussions autour d’une table
de
bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelqu
5557
les discussions autour d’une table de bistrot ou
d’
un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des sec
5558
ons autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
de
marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour no
5559
strot ou d’un étalage de marché lui permettraient
de
trouver quelques-uns des secrets (pour nous trop évidents) du dynamis
5560
rop évidents) du dynamisme européen, c’est-à-dire
de
la communauté spirituelle, le règne de la loi, le respect général et
5561
est-à-dire de la communauté spirituelle, le règne
de
la loi, le respect général et tacite des institutions, l’éducation pu
5562
n publique, l’échange des opinions individuelles (
de
préférence contradictoires et subversives) et l’échange des produits
5563
travail — une vitalité librement ordonnée, faite
de
visions multiples, entrecroisées. Que la mairie (l’hôtel de ville, le
5564
e tire son sens originel. Les partis qui décident
de
la composition des conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’
5565
artis qui décident de la composition des conseils
de
la cité se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome
5566
se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum
de
la Rome républicaine, puis sur la place des communes médiévales. Ombr
5567
. Ombre et soleil changent avec les heures ; côté
de
l’église et côté de l’école, côté de la mairie et côté du café ; marc
5568
angent avec les heures ; côté de l’église et côté
de
l’école, côté de la mairie et côté du café ; marché au centre, et car
5569
eures ; côté de l’église et côté de l’école, côté
de
la mairie et côté du café ; marché au centre, et carrefour principal
5570
onaux et des courants lointains : c’est cette vie
de
la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, carac
5571
vie des conseils et parlements, caractéristiques
de
l’Europe. (La dernière image qui subsiste de cette origine très préci
5572
ques de l’Europe. (La dernière image qui subsiste
de
cette origine très précise des parlements, c’est la Landsgemeinde des
5573
ace principale.) Lire et parler Il n’est pas
de
démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre dis
5574
n, sur le libre jeu des partis, et sur la liberté
de
l’opposition, majorité de possible de demain. Or, les partis de l’opi
5575
rtis, et sur la liberté de l’opposition, majorité
de
possible de demain. Or, les partis de l’opinion, et l’opposition nota
5576
la liberté de l’opposition, majorité de possible
de
demain. Or, les partis de l’opinion, et l’opposition notamment, se ma
5577
n, majorité de possible de demain. Or, les partis
de
l’opinion, et l’opposition notamment, se manifestent par la presse, d
5578
se manifestent par la presse, dans l’ère moderne
de
l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet aut
5579
t étroitement liée à cet autre élément nécessaire
de
toute place digne du nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord
5580
crit bien souvent et se lit. C’est dans les cafés
de
Hollande que se réunissent les réfugiés huguenots qui créeront les fa
5581
sées dans l’Europe entière, en dépit des censures
de
l’absolutisme, et qui préparent le siècle des Lumières et la Révoluti
5582
ditoriaux du journal que Daniel Defoe rédige seul
de
1704 à 1713. Et c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addiso
5583
ectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition
de
faire pénétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
5584
énétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets
d’
études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence d
5585
hilosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
de
l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à
5586
a place, la présence du kiosque à journaux, point
d’
insertion de la rumeur du monde entre le café et le marché. Face à l’h
5587
présence du kiosque à journaux, point d’insertion
de
la rumeur du monde entre le café et le marché. Face à l’hôtel de vill
5588
ée et non plus temple), représentent l’autre pôle
de
la cité : celui de l’unanimité fondamentale qui doit transcender les
5589
le), représentent l’autre pôle de la cité : celui
de
l’unanimité fondamentale qui doit transcender les partis, les ambitio
5590
ons et les doctrines en vogue. La mairie, symbole
de
la commune, qui est dans le cadre concret du civisme, a survécu tant
5591
t du civisme, a survécu tant bien que mal, à plus
d’
un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique d
5592
, a survécu tant bien que mal, à plus d’un siècle
d’
empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemb
5593
t bien que mal, à plus d’un siècle d’empiètements
de
l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays.
5594
n que mal, à plus d’un siècle d’empiètements de l’
État
et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pou
5595
l, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et
de
centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait c
5596
et de centralisation systématique dans l’ensemble
de
nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des pl
5597
plans à grande échelle, allait lui porter le coup
de
grâce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie tech
5598
râce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé
de
l’économie technicienne, selon ses meilleurs spécialistes, veulent à
5599
industriels et une répartition plus décentralisée
de
la production, poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des
5600
plus centralisées, comme la France, le mouvement
de
restauration des compétences communales se prononce chaque année plus
5601
tement. Au plan européen, le Conseil des communes
d’
Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la d
5602
puis la dernière guerre, ne livrent pas un combat
d’
arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’un
5603
ne livrent pas un combat d’arrière-garde contre l’
État
, mais au contraire sont les pionniers d’un renouveau de l’autonomie m
5604
ntre l’État, mais au contraire sont les pionniers
d’
un renouveau de l’autonomie municipale. as. Rougemont Denis de, «
5605
is au contraire sont les pionniers d’un renouveau
de
l’autonomie municipale. as. Rougemont Denis de, « La commune, bas
5606
e l’autonomie municipale. as. Rougemont Denis
de
, « La commune, base essentielle de notre civilisation », Communes d’E
5607
ougemont Denis de, « La commune, base essentielle
de
notre civilisation », Communes d’Europe, Paris, novembre–décembre 196
5608
ase essentielle de notre civilisation », Communes
d’
Europe, Paris, novembre–décembre 1962, p. 5 et 20.