1
i, ou le Total, ou l’Être, Ramakrishna disait : «
Il
n’y a aucune différence, que vous l’appeliez ‟Toi” ou que vous pensie
2
liez ‟Toi” ou que vous pensiez ‟Je suis Lui”. » S’
il
n’y avait « aucune différence », il n’y aurait pas non plus d’antinom
3
uis Lui”. » S’il n’y avait « aucune différence »,
il
n’y aurait pas non plus d’antinomie foncière entre la foi chrétienne
4
urs liens avec certaines options fondamentales qu’
il
a prises au plan religieux. Au nom même du désir d’union de l’humanit
5
i anime de part et d’autre les meilleurs esprits,
il
me paraît vital d’admettre en toute franchise l’existence historique
6
mise au point qui suivent. Certains penseront qu’
il
est dangereux de souligner ce qui nous distingue, au lieu de mettre e
7
t conduire à la synthèse. Je vois le danger. Mais
il
faut voir aussi que l’union finale des esprits ne sera jamais acquise
8
au prix du sacrifice de nos diversités vivantes ;
elle
suppose bien plutôt la connaissance des raisons d’être de ces diversi
9
onverger au lieu de s’ignorer ou de se combattre,
ils
le devront bien moins à un « retour aux sources » qu’à un progrès con
10
e et l’Europe une parenté antérieure aux Aryens. (
Elle
paraît attestée par les symboles communs aux Dravidiens et aux Crétoi
11
ultérieures. À l’Est, l’Inde codifie les castes ;
elle
en ajoute même une3, multiplie les sous-castes, et fait durer le syst
12
’arrière-fond commun, les différences s’accusent.
Elles
ne cesseront de s’affirmer dans l’ensemble de notre histoire, nonobst
13
elà était tenu pour plus réel que l’ici-bas, dont
il
convenait par suite de s’évader, plutôt que d’essayer de l’aménager s
14
térodoxe moins par la négation de l’orthodoxie qu’
il
croit encore servir, que par son dépassement réalisé. Mais l’Orient n
15
stances monumentales et religieuses du Moyen Âge,
elle
éclate aux États-Unis dont le passé vivant ne remonte pas au-delà d’u
16
t l’Oriental qui circule dans nos villes songe qu’
il
n’y voit qu’agitation désordonnée, absence de sens et d’harmonie, et
17
conds à étudier que leur distinction progressive.
Ils
sont cela, sans nul doute, mais ils sont beaucoup plus : deux voies d
18
progressive. Ils sont cela, sans nul doute, mais
ils
sont beaucoup plus : deux voies de l’homme, deux directions maîtresse
19
paremment physiques se transmuent en symboles, et
il
termine par une invitation à entreprendre le voyage mystique vers l’O
20
ire : « C’est celle que l’on connaît le mieux… » (
Il
s’agit de notre vie terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental d
21
r si le soleil se lève à l’Orient pour les Grecs,
il
en va de même pour les Hindous, et ceux-ci ne figurent pas pour autan
22
Malaisie, ni le Japon l’Occident de l’Amérique !
Elle
révèle donc une forme de l’âme, une pente de l’âme, voire une « orien
23
que, relevant un défi qui semblait écrasant et qu’
il
se portait à lui-même, acceptant de « s’enfoncer dans la matière », a
24
êt une valeur différente, encore que par sa forme
elle
semble correspondre au tableau que l’on vient d’établir. Un voyageur
25
termes de leur existence, et de les sauver là où
ils
sont, par la seule foi dans l’action du pardon, de l’amour et de la g
26
ntée — ne sont qu’apparemment superposables ; car
il
s’agit en réalité dans le premier cas d’une descente créatrice de Die
27
’Occidental, tournant le dos au soleil, en lequel
il
croit sans le voir, décide d’imiter Dieu le Créateur en œuvrant dans
28
a Voie : deux formes d’expérience. Pour l’Hindou,
il
s’agit d’arriver à la connaissance du divin non par le « saut de la f
29
ti (le monde manifesté, qui est illusion) afin qu’
elle
aille vers l’Esprit, sachant ce qu’elle fait. « Ô bien-aimé ! si impr
30
) afin qu’elle aille vers l’Esprit, sachant ce qu’
elle
fait. « Ô bien-aimé ! si imprégné de la Connaissance, si détaché, si
31
ché, si versé dans la Loi, et si maître de lui qu’
il
soit, un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la libération.
32
n. » (Yoga-anka.) Pour l’Occidental au contraire,
il
s’agit de connaître Dieu non pas en écartant le monde manifesté, ou b
33
éfiances. Car chacun pense de l’autre : est-ce qu’
il
dit vrai ? trouve-t-il vraiment l’objet de sa recherche ? et cet obje
34
nse de l’autre : est-ce qu’il dit vrai ? trouve-t-
il
vraiment l’objet de sa recherche ? et cet objet lui-même, est-il vrai
35
bjet de sa recherche ? et cet objet lui-même, est-
il
vraiment réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait-ce pas,
36
s les « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu’
elles
s’appliquent à une « réalité » qu’on tient elle-même pour illusion. E
37
réalité » qu’on tient elle-même pour illusion. Et
il
semble à chacun que les explications les plus sincères données par l’
38
soit individualiste et l’Orient traditionaliste,
il
paraît difficile de le mettre en doute10 : tous les auteurs qui trait
39
nes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront-
ils
jamais seuls ? L’individu peut-il vraiment compter, dans ce grouillem
40
gens ne seront-ils jamais seuls ? L’individu peut-
il
vraiment compter, dans ce grouillement sempiternel ? Mais je vais aux
41
ntifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes :
il
s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’a paru plus solennelle
42
aire. Nous avons inventé l’ecclesia. Et tandis qu’
ils
se purifient par l’isolement, comme le veut la magie, nous prions et
43
parlé de l’Hindou « grégaire » ; terme inexact s’
il
fait penser à « collectif », à je ne sais quoi d’organisé ou d’encadr
44
se. Kassner m’offre ce mot : le corps magique, et
il
le commente en ces termes11 : « Âme corporisée, ou corps spiritualisé
45
magique n’a pas d’ironie ni de paradoxe, parce qu’
il
n’a ni contraire ni contradiction. » Dépourvu de sensibilité au sens
46
d’esprit révolutionnaire, ignorant la curiosité,
il
ne peut avoir cure ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’
47
homme des supercheries, est de son appartenance :
il
forme le bord, la lisière du monde du saint, comme les idoles le bord
48
te opposition : panthéisme ou Dieu personnel. Car
il
n’est pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne con
49
rient ne connaît rien de tel. Soit qu’on pense qu’
il
n’y a pas de Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme — soit q
50
elon l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’
il
est Tout, et que le Tout ou le Réel n’est que le Moi pleinement réali
51
pleinement réalisé et accompli (That Thwam Asi) —
il
n’y a pas plus de personne dans la gnose hindouiste que de moi distin
52
ouiste que de moi distinct dans le bouddhisme. Qu’
il
n’y ait point de Dieu, ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Au
53
s le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ;
il
n’est pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni p
54
akrishna que je citais en tête de ce chapitre : «
Il
n’y a aucune différence, que vous l’appeliez Toi ou que Vous disiez J
55
éfinition de l’attitude religieuse orientale. Car
il
est bien certain que l’identité qu’elle pose évacue l’existence perso
56
entale. Car il est bien certain que l’identité qu’
elle
pose évacue l’existence personnelle, et que la négation de la personn
57
la différence est tenue pour essentielle, car en
elle
seule se fonde la personne véritable, qui assume l’individu mais auss
58
partie blanche et un point blanc la partie noire.
Il
est ainsi montré que l’élément masculin n’est pas absent de la région
59
que. Un Sankara parfois préfigure le thomisme, et
il
arrive à Maître Eckhart de s’exprimer comme un bouddhiste. La Bhagava
60
ions (condamnées et souvent détruites), tandis qu’
il
ne manque pas d’écoles hindoues pour affirmer la réalité du Moi, l’ac
61
quelle yâna bouddhique relève celui qui a dit : «
Il
faut que tu aimes Dieu comme non-Dieu, non-Esprit, non-Personne, non-
62
e engagé sur la voie de la connaissance divine, «
il
faut demeurer dans l’action, gardant un esprit égal que l’action port
63
Croix, Eckhart, et la Bhagavad-Gita. Et pourtant
il
serait faux, plus encore que banal, de répéter ici « tout est dans to
64
. La partie blanche contient un cercle noir, mais
elle
est blanche tout de même, et non pas grise. Que vaut un homme ?
65
e. Que vaut un homme ? Et finalement, ce qu’
il
importe de voir, ce sont les résultantes majeures des complexes doctr
66
Nos mystiques ne font pas nos mœurs, en Occident.
Ils
se fondent sur la négation de nos croyances communes, et de nos insti
67
e nos croyances communes, et de nos institutions.
Ils
représentent le point d’Orient dans notre sphère. En revanche, l’Orie
68
si l’on pense que Dieu reconnaîtra les siens, qu’
ils
se baignent vêtus ou nus. La croyance à la métempsycose est plus natu
69
u’on ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais
elle
n’a pas d’effet dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie
70
Je trouve le premier dans Kassner, au chapitre où
il
décrit le corps magique : Une histoire d’Hérodote traite d’un grand
71
un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’
il
avait fait pour Xerxès et son armée, pour l’équipement de la campagne
72
’est l’idée grecque de mesure et, en liaison avec
elle
, l’idée de liberté. Seule l’idée de la mesure de l’homme renferme l’i
73
arbitre remonte à ses origines. Aussi lui reste-t-
elle
le plus souvent cachée ; il faut la déchiffrer dans ses actes et ses
74
. Aussi lui reste-t-elle le plus souvent cachée ;
il
faut la déchiffrer dans ses actes et ses opinions. Ce qu’il pense de
75
déchiffrer dans ses actes et ses opinions. Ce qu’
il
pense de la personne, du destin, ce qu’il proclame moral ou immoral,
76
. Ce qu’il pense de la personne, du destin, ce qu’
il
proclame moral ou immoral, son attitude en face de la mort — tout cel
77
en face de la mort — tout cela dépend du rang qu’
il
assigne au libre arbitre. Même sans être philosophe, il s’entend sur
78
igne au libre arbitre. Même sans être philosophe,
il
s’entend sur ce point aux distinctions les plus fines, bien que leurs
79
ses faits et gestes. Ceci vaut surtout du cas qu’
il
fait de la vie même. Lorsqu’en 1194, le comte de Champagne, dans son
80
lui montra au passage ses palais et ses châteaux.
Ils
arrivèrent devant une place forte flanquée de très hautes tours : deu
81
s vêtus de blanc étaient en faction sur chacune d’
elles
. Le grand maître voulut faire voir au comte que les siens lui obéissa
82
ent mieux qu’aux princes chrétiens leurs sujets :
il
leva le bras, et deux des gardes se jetèrent dans le vide, pour s’écr
83
le vide, pour s’écraser sur le sol rocheux. Puis
il
demanda au comte s’il devait d’un second signe livrer à la mort toute
84
er sur le sol rocheux. Puis il demanda au comte s’
il
devait d’un second signe livrer à la mort toute la garde des créneaux
85
le pria de n’en rien faire, tout en confessant qu’
il
ne saurait attendre de ses vassaux une telle docilité […]. Et chaque
86
ici le même sentiment que le comte de Champagne :
il
se verra mené à un point où éclatera en lui le plus sincère, le plus
87
violent des refus. Les formes fondamentales dont
il
se croyait sûr, telles que courage et fidélité, obéissance, sacrifice
88
ui respecte en l’homme un noyau de liberté auquel
il
n’est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en p
89
ve, pour notre objet présent que les histoires qu’
ils
rapportent. Tous les deux établissent la même liaison entre le peu de
90
écoupe la victime en tranches ou qu’on l’épargne,
elle
ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent-mil
91
revient, portant sa tête sous le bras ! Qu’en est-
il
de notre Occident ? Certes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur de
92
ine et les massacres (patriotiques ou religieux).
Elle
a même inventé la guerre totale ! D’où provient alors cette « horreur
93
esure, sans péché, sans contradiction ni remords.
Elle
est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’une illusion
94
à l’avantage de l’un ou de l’autre « camp » : car
il
n’y a pas de camps, ni de lutte engagée, ceci soit dit ici une fois p
95
es. Il y a seulement deux expériences globales qu’
il
importe de déchiffrer. Mais l’infinie complexité de leurs données nou
96
les qui ont donné cours à deux voies divergentes.
Il
m’a semblé que c’était dans la mystique, la religion et leurs explica
97
car on les voyait là dans leur état naissant. Qu’
elles
soient causes premières ou effets ; qu’elles résument une série de fa
98
. Qu’elles soient causes premières ou effets ; qu’
elles
résument une série de facteurs antécédents, ou qu’au contraire elles
99
série de facteurs antécédents, ou qu’au contraire
elles
initient l’histoire, tout cela m’importe moins que de les avoir bien
100
ut, sauf d’être vérifié, un négatif du présent qu’
ils
refusent. 3. Celle des Sudras, ou indigènes assujettis ; les parias
101
La Table ronde, Paris, janvier 1957, p. 9-22. b.
Il
s’agit du chapitre I de L’Aventure occidentale de l’homme , qui sera
102
de culture à l’union politique (mai 1957)c 1.
Il
suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour
103
et les Castillans sont vus comme des Européens :
il
doit y avoir à cela quelque raison. Tout bien considéré, je n’en trou
104
o-Asiatiques et les Arabes savent trop bien ce qu’
elle
représente : l’entité qui seule les rassemble dans une hostilité sans
105
ns doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’
il
est bien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il est plus dange
106
t bien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’
il
est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer
107
économique, sociale ou scientifique à l’Europe qu’
il
faudrait unir, sont bien souvent les mêmes qui, faisant demi-tour, dé
108
nces qui séparent nos nations depuis des siècles.
Il
n’y aurait donc, à les en croire, pas de différences bien notables (d
109
e l’Europe et le Congo ou le Cachemire, tandis qu’
il
y en aurait d’insurmontables entre les Britanniques et les Français,
110
’est un dernier refuge pour les nationalistes. Or
il
se trouve que l’argument, précisément, n’est pas soutenable au plan d
111
outenable au plan de la nation. Comment le serait-
il
donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes ent
112
s contrastes entre Suédois et Grecs, par exemple,
il
n’en reste pas moins qu’un Suédois lisant Kazantzaki, un Grec lisant
113
fort peu de choses près le même plaisir, parce qu’
ils
y reconnaîtront les mêmes passions, les mêmes souffrances, les mêmes
114
espoirs et les mêmes doutes, et malgré tout ce qu’
il
serait tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan
115
’ont pas cessé de se déplacer au cours des temps.
Elle
ne serait donc définissable que par sa culture, qui ne l’est guère. C
116
par sa culture, qui ne l’est guère. Conclusion :
il
n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce
117
: il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut une,
il
faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’union… Ainsi jo
118
jouent les sophistes, et le lecteur s’inquiète :
il
sent vaguement qu’il est en train de se laisser prendre dans une prob
119
, et le lecteur s’inquiète : il sent vaguement qu’
il
est en train de se laisser prendre dans une problématique artificiell
120
exactement l’objet d’un éventuel enseignement ; s’
ils
n’arrivent pas à le définir, ils le réputent inexistant selon les nor
121
enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir,
ils
le réputent inexistant selon les normes académiques. Ce légitime souc
122
mple expression. En effet, selon le thème connu,
elle
ne se localise guère mieux dans le temps que dans l’espace […]. On a
123
romain fût une première ébauche de l’Europe. Mais
il
excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler tient que l’Europ
124
mieux connue que ses limites. L’Europe ne serait-
elle
donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date de nai
125
tégories pour les faire correspondre au réel, car
il
s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa défi
126
éories s’affrontent inutilement je le crains, car
il
en va d’une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu p
127
nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-
elle
née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti
128
récise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-
elle
pris forme et nom qu’à mi-chemin du travail entrepris, qui a soudain
129
soudain changé de sens et trouvé son vrai sens ?
Il
importe assez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on de l’Europ
130
. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-
il
d’une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps
131
jectif européen est d’un usage bien plus ancien :
il
paraît déjà au lendemain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvr
132
que telle, et (ce qui est encore plus important)
ils
étaient le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et pol
133
u caractère culturel et politique des terres dont
ils
décrivaient les côtes16 ». Mais pour voir les vocables Europe et euro
134
e et européen entrer dans le vocabulaire courant,
il
faut attendre les xive et xve siècles, époque où la chrétienté perd
135
ous rappelle, non sans aigreur ni sans dédain, qu’
elles
sont la vraie réalité. Que dis-je, on les déclare même éternelles dan
136
cès, voyons la thèse elle-même, et le jugement qu’
elle
implique sur la réalité. On a souvent tenté de nier l’existence d’une
137
l’importance des influences extracontinentales qu’
elle
a subies. Ces arguments prennent toute leur force contre le concept d
138
tu que tu n’aies reçu ? dit l’Europe aux nations.
Elles
seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non,
139
26 ou 27 États-nations, dont on attend encore qu’
ils
définissent la soi-disant autonomie de leur culture. En vérité, sur c
140
l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore,
il
serait absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle
141
forte encore, il serait absurde de le contester :
elle
ne peut rien sauver, mais elle pourrait tout perdre. Gardons-nous de
142
de le contester : elle ne peut rien sauver, mais
elle
pourrait tout perdre. Gardons-nous de la sous-estimer ! Mais gardons-
143
éalisme politique. La patrie n’est pas la nation,
elle
est en général beaucoup plus petite. La nation culturelle n’est pas l
144
us petite. La nation culturelle n’est pas l’État,
elle
est en général beaucoup plus grande. Et si l’on confond tout, patrie,
145
nt ce qu’on mérite, j’entends l’État totalitaire.
Il
reste, hélas ! qu’aux yeux de beaucoup d’intellectuels, la nation cac
146
te l’existence même de la forêt. (Sait-on bien où
elle
s’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien d’arbres il faut p
147
t. (Sait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand
elle
est née ? Et combien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ai me
148
Sait-on quand elle est née ? Et combien d’arbres
il
faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le
149
, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’est-
il
pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée ser
150
de la fédération : la souveraineté peut-être (si
elle
est le droit d’un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il
151
groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand
il
l’entend) ; la prospérité sans doute (si elle traduit un mieux-vivre,
152
quand il l’entend) ; la prospérité sans doute (si
elle
traduit un mieux-vivre, et non pas simplement le résultat matériel d’
153
ment abrutissant) ; l’indépendance assurément (si
elle
est le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tou
154
de l’union supranationale, et de l’allégeance qu’
elle
requiert. Mais la condition suffisante sera donnée par d’autres effor
155
d’abord communauté de culture entre les hommes qu’
elle
envisage d’unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si ell
156
Cette politique, ensuite, ne sera valable que si
elle
exprime, traduit et tend à préserver ce qu’il y a de créateur dans ce
157
de notre créativité, dans la mesure toutefois où
elles
ne s’isolent pas ni ne se mélangent indiscernablement, mais demeurent
158
lland, que pour triompher d’un épouvantail auquel
il
accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce qu’il défend avec tant de
159
il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce qu’
il
défend avec tant de passion et de juste colère. Je suis très loin de
160
nir par des liens fédéraux — si d’abord on nie qu’
elle
existe comme entité de culture et Aventure unique. Je ne pense pas av
161
opéen, etc. J’approuve au contraire M. Berl quand
il
crie Vive l’Europe ! contre tout cela. Mais pourquoi le crier contre
162
ttre en doute l’existence même de cette Europe qu’
il
faut sauver. d. Rougemont Denis de, « [Lettre en réponse à Emmanue
163
ue l’urgence était plus grande que je ne pensais.
Il
regarde comme “sophistes” ceux qui disent que l’Europe ne sera pas, s
164
sophistes. Guéhenno dirigeait la revue : Europe,
il
ne pensait pas que l’Europe fut déjà faite. M. de Rougemont me dit qu
165
où était, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39,
elle
était neutre. Mais l’Europe ? était-elle pendant la bataille de Stali
166
, en 39, elle était neutre. Mais l’Europe ? était-
elle
pendant la bataille de Stalingrad avec Staline ou avec Hitler ? Et, a
167
che ? Et à Leipzig, avec Napoléon ou contre lui ?
Il
ne suffit pas d’ignorer quand une personne est née pour avoir la cert
168
d une personne est née pour avoir la certitude qu’
elle
vit. Filibusterie à part, je prétends rester européen et même bon eur
169
t de la tyrannie. Je crierai : vive l’Europe ! si
elle
rétablit la concorde, non si elle attise la discorde entre l’Est et l
170
e l’Europe ! si elle rétablit la concorde, non si
elle
attise la discorde entre l’Est et l’Ouest, si elle nourrit les affamé
171
lle attise la discorde entre l’Est et l’Ouest, si
elle
nourrit les affamés, non si elle les massacre, si elle apaise les nat
172
t et l’Ouest, si elle nourrit les affamés, non si
elle
les massacre, si elle apaise les nationalismes, non si elle leur en s
173
nourrit les affamés, non si elle les massacre, si
elle
apaise les nationalismes, non si elle leur en superpose un nouveau. P
174
assacre, si elle apaise les nationalismes, non si
elle
leur en superpose un nouveau. Pourquoi donc accorderais-je au fédéral
175
inisme ? Il y avait une Europe de Romain Rolland.
Il
y en a une de Pierre Dominique, qui espère en elle pour répondre du t
176
Il y en a une de Pierre Dominique, qui espère en
elle
pour répondre du tac au tac à Khrouchtchev et même à Dulles, et veut
177
u tac à Khrouchtchev et même à Dulles, et veut qu’
elle
fasse déjà sonner le sabre qu’elle n’a pas encore. Est-ce ma faute si
178
es, et veut qu’elle fasse déjà sonner le sabre qu’
elle
n’a pas encore. Est-ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “f
179
sabre qu’elle n’a pas encore. Est-ce ma faute si
elles
ne se ressemblent pas. La “filibusterie” consiste-t-elle à les distin
180
se ressemblent pas. La “filibusterie” consiste-t-
elle
à les distinguer ou à les confondre ? Je le vois, il y a des hommes s
181
ommes si engagés dans les affaires européennes qu’
ils
oublient les motifs mêmes de leur engagement. Tels les philanthropes
182
leur “œuvre” accablaient et exploitaient ceux qu’
elle
devait secourir. Je ne prônerai l’Europe ni contre la Vérité, ni cont
183
utes le cap sur 1984 et sa fourmilière ; voilà qu’
il
se détourne horrifié et vire de bord, aux accents de la Marseillaise,
184
ement, au nom de la réaction ou de la révolution,
ils
ne nous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit, d’une Décadence d
185
État. Orwell n’eut qu’à pousser un peu plus loin.
Il
n’eut qu’à mettre au point l’exemple soviétique, à l’étendre à l’Euro
186
manière exemplaire — convainquant les lecteurs qu’
il
voulait révolter. Le masochisme européen avait trouvé son expression
187
les lettres, les arts et la philosophie, sait qu’
il
faut être subversif ou pessimiste, ou les deux à la fois, sous peine
188
rrait m’objecter Saint-John Perse, mais justement
il
a choisi l’exil en soi. Tous les autres sont contre le siècle, d’une
189
ècle, d’une manière encore plus évidente, soit qu’
ils
attaquent avec acharnement la morale dite bourgeoise ou les règles de
190
e dite bourgeoise ou les règles des arts, soit qu’
ils
opposent à l’anarchie flagrante des esprits quelque orthodoxie restau
191
esprits quelque orthodoxie restaurée, justifiant
elle
aussi, fût-ce par son seul échec, la dissidence de la pensée dans le
192
he, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski.
Il
est remarquable que ce siècle n’ait retenu du précédent que les génie
193
n ne compte en fait que par la bourgeoisie. C’est
elle
seule, par ses franges cultivées et conscientes, qui a fait le succès
194
s, ignorés ou refoulés par ses ancêtres. Et c’est
elle
aujourd’hui qui est prise d’angoisse devant ce qu’ils dénonçaient en
195
aujourd’hui qui est prise d’angoisse devant ce qu’
ils
dénonçaient en vain. C’est elle qui croit aux catastrophes prochaines
196
oisse devant ce qu’ils dénonçaient en vain. C’est
elle
qui croit aux catastrophes prochaines qu’ils prophétisaient dans le d
197
est elle qui croit aux catastrophes prochaines qu’
ils
prophétisaient dans le désert, elle qui perd sa foi dans le progrès.
198
prochaines qu’ils prophétisaient dans le désert,
elle
qui perd sa foi dans le progrès. C’est elle enfin qui cède au vertige
199
sert, elle qui perd sa foi dans le progrès. C’est
elle
enfin qui cède au vertige de l’histoire, s’imagine que son heure est
200
sée, que le Prolétariat doit la déposséder, comme
elle
avait elle-même dépossédé les nobles, qu’il ne peut imposer qu’un rég
201
mme elle avait elle-même dépossédé les nobles, qu’
il
ne peut imposer qu’un régime soviétique, et qu’Orwell a dit vrai malg
202
es de l’Occident dépasse de loin la conscience qu’
elles
en ont, la connaissance qu’elles ont pu prendre du Capital ou de la S
203
la conscience qu’elles en ont, la connaissance qu’
elles
ont pu prendre du Capital ou de la Science des rêves, et les jugement
204
l ou de la Science des rêves, et les jugements qu’
elles
avoueraient à leur sujet. Marx et Freud ont beaucoup en commun, et, p
205
n, et, par-dessus tout, leur succès parmi ceux qu’
ils
ont « démasqués » avec un zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès
206
ent leurs thèses ou contestaient leurs arguments.
Il
s’agit, au plein sens des termes, d’un succès de scandale, d’un choc
207
nt qu’on le produit au grand jour, explique tout.
Il
faudra plusieurs décennies pour qu’on en vienne à relativiser, en les
208
doute, méritèrent à ce point qu’on dise d’eux qu’
ils
ont « fait leur temps », au double sens de l’expression. Que Freud so
209
par le retour en force de réalités religieuses qu’
il
tenait pour autant d’illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes
210
approche du réel. Cependant les déterminismes qu’
ils
croyaient avoir « découverts », quand c’était bien plutôt leur influe
211
ogique démente pour l’annonce d’une fatalité. A-t-
il
vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’une révolution écrasée, d
212
en Asie, et plus qu’on ne pense en URSS, n’aurait-
il
pas créé l’illusion romantique d’un renouveau de la liberté, d’un fau
213
Admettons que cela n’est pas tout. Mais qu’en est-
il
de l’Occident ? Trois représentations vagues mais obsédantes assombr
214
ics paralysants, dissipe les illusions tenaces qu’
ils
prolongeaient et révèle une tendance générale au réveil des valeurs d
215
les jette dans des crises aiguës de dialectique.
Ils
le jugent grossièrement matérialiste, et au surplus de mauvaise foi.
216
eloppement historique, mais qu’après quarante ans
elle
a rejoint le stade du capitalisme exploiteur, largement dépassé par l
217
uniste l’URSS qui se trouve dans la première. » «
Il
n’empêche que l’URSS est l’avenir ! », répéteront nos maniaques de l’
218
classe ouvrière mieux informée qu’endoctrinée, si
elle
a à choisir d’émigrer, choisirait en masse l’Amérique. Comme l’ont fa
219
ongrois réfugiés en Autriche et libres de parler.
Il
n’en reste pas moins frappant de constater que l’avenir, aux yeux de
220
nstater que l’avenir, aux yeux de ces Hongrois, s’
il
n’est pas l’URSS n’est pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles
221
On devine, pour quelles raisons. Mais que valent-
elles
? Deuxième illusion fataliste : « L’Europe est condamnée. » — L’Euro
222
ouverains » — incapables d’ailleurs de prouver qu’
ils
le sont — se voyait promise par l’Histoire à des partages ignominieux
223
l de l’Europe, CECA, le Marché commun et Euratom.
Il
serait plus qu’étrange qu’on puisse l’arrêter là. L’Assemblée constit
224
e et sa nécessité est inscrite dans les faits, si
elle
ne l’est pas encore dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun d
225
vivre en autarcie économique, ni commercer comme
il
l’entend. Aucun donc n’est indépendant. Mais ils peuvent l’être tous
226
e il l’entend. Aucun donc n’est indépendant. Mais
ils
peuvent l’être tous ensemble, et ils commencent à le savoir. 330 mill
227
endant. Mais ils peuvent l’être tous ensemble, et
ils
commencent à le savoir. 330 millions d’habitants à l’ouest du rideau
228
ent nos vies, nous allons devenir leurs esclaves.
Elles
asservissent déjà nos corps, dictent nos gestes et le rythme de nos j
229
ont déchaîné dans le monde des forces inconnues.
Il
fait trop chaud, il fait trop froid pour la saison, les accidents biz
230
e monde des forces inconnues. Il fait trop chaud,
il
fait trop froid pour la saison, les accidents bizarres et les fous se
231
, les avions tombent, croyez-moi, c’est la Bombe.
Elle
va détruire les neuf dixièmes du genre humain. Un jour elle fera saut
232
truire les neuf dixièmes du genre humain. Un jour
elle
fera sauter la terre. J’entends cela tous les jours. Qui ne l’a pas d
233
achines envahissent nos vies ? Si seulement ! Car
elles
sont très chères. Mais jamais une Talbot n’est entrée dans ma cour, s
234
exprès d’un président, d’un général. Ce n’est pas
elle
qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux électroniques (par
235
hore) ne font rien qu’on ne leur ait prescrit. Qu’
ils
travaillent pour nous, c’est tant mieux. Mais si vous me dites qu’ils
236
nous, c’est tant mieux. Mais si vous me dites qu’
ils
vont penser pour vous, c’est que vous l’aurez bien mérité. L’Apprenti
237
connue. Mais nos savants font tout le contraire :
ils
domestiquent des énergies décelées par leurs calculs. Ce qui se décha
238
selon l’expression terrible et juste de Marx. Or
il
se trouve précisément que les robots viennent les délivrer de la chaî
239
plusieurs millions de vies humaines. C’est ici qu’
il
convient de rappeler le décalage de la conscience dont j’ai parlé. Le
240
érale prit récemment le nom anglais d’automation.
Il
est curieux que la pensée occidentale, découvrant le péril avec cent
241
ues. Mais ses effets médiats seront plus étendus.
Ils
sont littéralement incalculables. L’usine sans ouvriers, produisant j
242
upe d’opérateurs, signifie simplement, partout où
elle
fonctionne, la suppression de la condition prolétarienne. Généralisée
243
ndition prolétarienne. Généralisée dans l’avenir,
elle
rendra superflu et sans objet le moment dialectique de la révolution
244
e de faire l’Europe comme a été faite l’Amérique.
Il
suffit, dit-il, de se trouver en Amérique, pour savoir que l’Europe e
245
rope comme a été faite l’Amérique. Il suffit, dit-
il
, de se trouver en Amérique, pour savoir que l’Europe existe, ne serai
246
que, plutôt que discuter de frontières mouvantes,
il
vaut mieux se préoccuper de définir la civilisation européenne à trav
247
mais voyez la Chine, voyez l’Inde : ne se mettent-
elles
pas à l’heure européenne ? L’Europe dévore les nuits et les jours de
248
ore les nuits et les jours de Denis de Rougemont.
Il
ne peut écrire de livres qu’entre onze heures du soir et quatre heure
249
du matin, mais ce régime doit lui convenir puisqu’
il
annonce deux importants ouvrages : l’un qui établira une sorte de mor
250
etiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’
il
ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé. Je prends des
251
fort et de plus exaltant. Voilà l’Europe suprême,
elle
n’ira pas plus haut, peut-être ; mais qui serait en mesure d’exiger d
252
s sommets, mais ce sont tout de même ses sommets.
Elle
n’est pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les a créé
253
n’est pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est
elle
qui les a créées. Nous l’oublions souvent et les « autres » l’ignoren
254
l’oublions souvent et les « autres » l’ignorent ;
ils
voient plus facilement ce qui est beaucoup plus bas, au niveau du con
255
chés sont criants, et tout Bandung les crie, mais
il
n’entend pas nos grandeurs, car la musique est le sublime de l’Occide
256
st un bruit vague, une espèce de rumeur insensée…
Il
fallait bien rappeler ici qu’une réflexion sur nos valeurs occidental
257
valeurs occidentales ne saurait être académique ;
elle
s’inscrit dans une situation dominée par le malentendu et toute charg
258
produits et n’en est pas non plus contemporaine ;
elle
reste loin derrière dans l’espace et le temps. Tel est le drame. Il i
259
ière dans l’espace et le temps. Tel est le drame.
Il
intéresse l’avenir de tous les peuples de la Terre. Si l’on cherche à
260
de la civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’
elle
n’est pas loin de recouvrir l’ensemble des terres habitées, mais que
261
lé rouge et blanc. Quant à l’Asie et à l’Afrique,
il
faudrait y marquer des points rouges, indiquant la plupart des grande
262
vous avez eu l’idée de les construire et comment
ils
expriment et transportent, en fait, tout un monde de valeurs complète
263
nos croyances traditionnelles ? » Une autre fois,
il
me raconte que sa femme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons
264
ge aux enfants d’une école de Djakarta ; et quand
ils
eurent appris les notes de notre gamme, elle leur dit : composez main
265
quand ils eurent appris les notes de notre gamme,
elle
leur dit : composez maintenant une chanson dans le goût de ce pays ;
266
tenant une chanson dans le goût de ce pays ; mais
ils
ne purent écrire que de petites mélodies qui ne rappelaient rien de l
267
nter les lieux communs de chansons européennes qu’
ils
ne connaissaient pas. Ainsi chaque machine exportée est, en fait, un
268
caces et plus puissants, car c’est aux pensées qu’
ils
commandent, aux sentiments, aux sources mêmes de l’invention et de la
269
dent avec anxiété, non point de les laisser comme
ils
sont, dans leur « sagesse » intacte et leur famine, mais de déclarer
270
te et leur famine, mais de déclarer nos valeurs ?
Ils
nous obligent à nous interroger sur ce qui va de soi dans nos façons
271
principalement contre nous, et dans la mesure où
ils
condamnent notre présence ; enfin que nos valeurs sont difficiles à «
272
t le plus souvent totalement ignorées. Mais ce qu’
il
m’importe de montrer, c’est comment ces produits et ces principes pro
273
en réalité de nos valeurs, et ne trouvent que par
elles
, dans le champ magnétique qu’elles définissent et qu’elles propagent,
274
ouvent que par elles, dans le champ magnétique qu’
elles
définissent et qu’elles propagent, leurs vertus créatrices, leurs mes
275
ns le champ magnétique qu’elles définissent et qu’
elles
propagent, leurs vertus créatrices, leurs mesures et leur sens. La ma
276
duit le plus typique de l’Occident. D’où provient-
elle
? De la technique évidemment. Mais comment expliquer que l’Europe ait
277
technique dès la fin du xviiie siècle ? C’est qu’
il
se produisit à ce moment, en Europe, une conjonction sans précédent :
278
soumis aux caprices des divinités monstrueuses ;
il
vaut la peine d’en scruter les lois et il attend de l’homme d’être co
279
euses ; il vaut la peine d’en scruter les lois et
il
attend de l’homme d’être compris, révélé, voire sauvé, selon saint Pa
280
aint Paul. Quant à nos principes de vie publique,
ils
s’inspirèrent tous, d’une manière plus ou moins directe ou correcte,
281
pes ou les produits qui manifestent son activité,
il
apparaît clairement que l’usage de ces produits et le recours à ces p
282
t aller sans impliquer le système de valeurs dont
ils
procèdent. User des uns ou invoquer les autres hors du contexte spiri
283
bes en Algérie nous en donne un exemple tragique.
Il
ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’est qu’en vertu d’un ac
284
affaire, car en réalité le problème est mondial,
il
concerne tout l’Occident, dans ses relations avec le Monde qu’il infl
285
t l’Occident, dans ses relations avec le Monde qu’
il
influence. Théoriquement, deux solutions nettes et radicales se conço
286
ative est utopique, chacun de ses termes l’étant.
Il
nous reste à trouver des formules d’équilibre ou de compromis tolérab
287
Europe. Pour unir les 332 millions d’habitants qu’
elle
compte à l’ouest du rideau de fer — en attendant les 98 millions rete
288
se, ou plus souvent par députés interposés ; mais
il
sait trop rarement ce qu’il fait, dans ce domaine tout au moins. D’au
289
tés interposés ; mais il sait trop rarement ce qu’
il
fait, dans ce domaine tout au moins. D’autre part, les travaux des ex
290
énéralement inaccessibles au grand public, même s’
ils
sont édités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’être lus que
291
arge audience, peu ou point d’échanges efficaces.
Il
faudrait réfléchir librement sur les problèmes économiques, et il fau
292
échir librement sur les problèmes économiques, et
il
faudrait y réfléchir en groupe, car ces problèmes sont trop complexes
293
p complexes pour le plus génial des chercheurs, s’
il
reste seul. Mais qui le fait ? Les experts des gouvernements ne sont
294
une simplicité presque choquante, une question qu’
il
jugeait présente et vraiment agissante dans l’opinion : Que se passer
295
iment agissante dans l’opinion : Que se passerait-
il
si… les frontières économiques étaient supprimées en Europe ? Telle é
296
prévisibles — soit garante du sérieux avec lequel
ils
ont essayé néanmoins de répondre à notre question. Nous nous étions e
297
s étions efforcés de les persuader dès l’abord qu’
il
importait de réduire certaines objections de principe, ou mieux certa
298
le jeu de « ce qui se passerait si… » Seulement,
il
a tendance à jouer perdant, à préjuger de catastrophes dont rien ne p
299
à préjuger de catastrophes dont rien ne prouve qu’
elles
se produiraient. Il ne croit guère qu’à des fantômes, tandis que les
300
hes dont rien ne prouve qu’elles se produiraient.
Il
ne croit guère qu’à des fantômes, tandis que les experts croient aux
301
endemain, au détriment de leur véritable utilité.
Elles
ont déjà servi de base à plusieurs brochures de large diffusion18, à
302
eil qui leur donnera leur vraie valeur, chacune d’
elles
appuyant, nuançant ou parfois corrigeant les autres. Aux économistes,
303
res. Aux économistes, industriels et commerçants,
elles
apporteront des analyses d’une rare objectivité. Que se passerait-il
304
analyses d’une rare objectivité. Que se passerait-
il
si… ? — Rien ou presque rien de ce que vous redoutiez, mais beaucoup
305
vous redoutiez, mais beaucoup de bonnes choses qu’
il
vous reste à vouloir — avec au moins autant de lucidité que les total
306
des cas, assurés. Étrange Europe, qui a tout pour
elle
si elle s’unit mais qui a tant de peine à s’accepter, à saisir ses ch
307
assurés. Étrange Europe, qui a tout pour elle si
elle
s’unit mais qui a tant de peine à s’accepter, à saisir ses chances de
308
)k On peut créer une fédération européenne, et
il
le faut. Mais on ne peut pas créer une culture européenne et personne
309
surplus la culture européenne existe. C’est même
elle
, et elle seule, qui nous permet de parler de l’Europe comme d’une uni
310
la culture européenne existe. C’est même elle, et
elle
seule, qui nous permet de parler de l’Europe comme d’une unité exista
311
’Europe comme d’une unité existante, sur laquelle
il
devient possible de construire notre union nécessaire. Ceux qui disen
312
écessaire. Ceux qui disent redouter on ne sait qu’
elle
« uniformisation culturelle » comme conséquence lugubre et fatale de
313
e sort de la culture leur importe très peu ; mais
ils
sont plus souvent les innocentes victimes d’une illusion scolaire : i
314
les innocentes victimes d’une illusion scolaire :
ils
ont retenu de leurs manuels que l’Europe se divise en autant de cultu
315
s que l’Europe se divise en autant de cultures qu’
elle
a de nations, celles-ci correspondant d’ailleurs aux langues, aux cou
316
doit nous occuper est le suivant : étant donné qu’
il
faut unir l’Europe pour les motifs que nous indique clairement la con
317
ale du xxe siècle, la culture des Européens peut-
elle
contribuer à cette union, ou bien lui fait-elle obstacle ? Je pense q
318
t-elle contribuer à cette union, ou bien lui fait-
elle
obstacle ? Je pense qu’il faut répondre oui aux deux questions. Et ce
319
ion, ou bien lui fait-elle obstacle ? Je pense qu’
il
faut répondre oui aux deux questions. Et ce paradoxe apparent définit
320
montrer que l’Europe est d’abord une culture, qu’
elle
doit à sa culture d’avoir dominé le monde, qui retourne aujourd’hui c
321
dominé le monde, qui retourne aujourd’hui contre
elle
les armes physiques et morales que son génie seul a créées pour le me
322
la vraie base de notre union ; mais d’autre part,
elle
seule peut expliquer les divisions mortelles qui s’opposent à l’union
323
à l’union. On ne fera pas l’Europe en répétant qu’
il
est indispensable de s’unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant
324
ersonne n’y croit. (On attend de voir…) Et certes
il
fallait dire : unissons-nous ! Certes, il fallait ratifier des traité
325
certes il fallait dire : unissons-nous ! Certes,
il
fallait ratifier des traités. Mais voilà qui est fait désormais. La c
326
nde au xxe siècle, sa vocation, et son avenir si
elle
s’unit. 3° Créer des instruments de coopération pour les différentes
327
tituts d’études européennes se créent dès 194620.
Ils
nouent des liens entre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus d’
328
un Comité d’experts des 16 gouvernements membres.
Il
élabore et fait ratifier une Convention culturelle européenne, convoq
329
illiers de brochures. Cet effort est immense. Est-
il
trop dispersé pour porter plein effet ? Est-il suffisamment soutenu p
330
st-il trop dispersé pour porter plein effet ? Est-
il
suffisamment soutenu par les pouvoirs publics et le mécénat privé pou
331
énat privé pour répondre aux défis du temps ? Est-
il
coordonné à la mesure des besoins ? Aurait-il réussi à s’imposer à la
332
Est-il coordonné à la mesure des besoins ? Aurait-
il
réussi à s’imposer à la conscience des Européens ? Hélas ! la somme t
333
ns qui existent par milliers en Amérique du Nord.
Il
serait temps que nos États prennent conscience de ces deux vérités pr
334
ue, par suite, sans la vitalité de cette culture,
elle
se réduirait vite à ce qu’elle est sur la carte : 4 % des terres du g
335
de cette culture, elle se réduirait vite à ce qu’
elle
est sur la carte : 4 % des terres du globe (et très pauvres en matièr
336
a décidé dès 1950 de tenter l’aventure d’exister.
Il
existe depuis sept ans. Son exemple peut éclairer. J’essaierai donc d
337
itution fut inaugurée à Genève le 7 octobre 1950.
Elle
n’est rattachée à aucune organisation internationale officielle, ni à
338
onstituée en association régie par la loi suisse,
elle
jouit de la personnalité juridique. Ses ressources sont assurées par
339
antes. Les associations créées par le CEC et dont
il
assume en règle générale le secrétariat, gardent leur autonomie, tout
340
ssi ses possibilités d’avenir au plan mondial, si
elle
unit ses forces pendant qu’il en est temps. Le Centre a donc suscité
341
plan mondial, si elle unit ses forces pendant qu’
il
en est temps. Le Centre a donc suscité dans plusieurs de nos pays des
342
s de culture populaire en milieu rural ou urbain.
Il
leur fournit des moyens audiovisuels d’enseignement, des publications
343
Grande-Bretagne et les États scandinaves). Enfin,
il
les fait bénéficier de ses moyens d’information européenne. Ceux-ci c
344
ieux populaires ou des groupes militants auxquels
ils
s’adressent, permettent de multiplier les exposés documentés donnés d
345
ices du CEC. Quant au département des Recherches,
il
a déjà organisé deux importants Séminaires, l’un sur l’avenir économi
346
talité et des tensions fécondes de notre culture.
Il
ne s’agit nullement de les uniformiser. Cependant, il est urgent de l
347
e s’agit nullement de les uniformiser. Cependant,
il
est urgent de leur offrir les moyens pratiques d’échanger leurs expér
348
ire avec les autres traditions de culture, que si
elles
se présentent au nom de l’Europe entière, sûre de sa vocation, donc o
349
mier ordre, à la veille même du déchaînement dont
ils
avaient choisi d’examiner les causes, afin de proposer les moyens de
350
e borne à poser des questions, dans un domaine où
il
n’en sait guère plus que le citoyen raisonnable et moyen. L’autre rép
351
en. L’autre répond dans la rigueur de sa pensée :
il
est chez lui. Que dit Einstein ? Il dit que, la guerre étant devenue
352
e sa pensée : il est chez lui. Que dit Einstein ?
Il
dit que, la guerre étant devenue le fait des nations, il faut créer l
353
que, la guerre étant devenue le fait des nations,
il
faut créer l’autorité législative et judiciaire qui leur retire la so
354
éduise à la raison. Mais pourquoi la raison n’a-t-
elle
pas plus de force ? Pourquoi les masses suivent-elles leur « classe r
355
e pas plus de force ? Pourquoi les masses suivent-
elles
leur « classe régnante » ? Comment dominer les instincts ? Et comment
356
res. Freud répond de sa Vienne natale en sursis —
elle
n’en aura plus pour longtemps — et le pacifisme d’Einstein se voit so
357
rtois, mais dénué d’illusions. Non, la force, dit-
il
, n’est pas le contraire du droit. Car le droit n’est en somme qu’une
358
et sur le sentiment les lois de leur communauté.
Il
s’agit donc de transférer le pouvoir à quelque « plus vaste unité ».
359
guerre ? Ici, Freud va nous étonner. D’une part,
il
fait appel (« sans rougir », mais vaguement) à l’amour qui relie les
360
se, l’école et les « organisations religieuses ».
Ils
domineraient ainsi les masses, les poussant à la haine, d’où sortirai
361
conversation, cédait facilement aux clichés quand
il
s’exprimait en public. Dans son rôle de critique des clichés « pacifi
362
e la Force et du Droit à celle de deux violences,
il
définit les conditions de toute politique réaliste. Quatre ans après
363
e de l’union de ses victimes. Mais, comme en fait
il
n’y avait pas d’union, cela revenait à opposer aux chars d’Hitler une
364
es en 1932. Einstein déplore que le super-État qu’
il
rêve soit dépourvu d’une force à sa mesure. Il la cherche en vain, ne
365
qu’il rêve soit dépourvu d’une force à sa mesure.
Il
la cherche en vain, ne voit rien… Et c’est à lui que Freud écrit prop
366
ies, dont l’un voit bien l’avenir, mais ignore qu’
il
en parle au seul homme qui en détienne le secret sans le savoir ! Rê
367
pacifisme désarmant. Pourtant, un soir de fièvre,
il
a signé la lettre proposant à Roosevelt de fabriquer la bombe. Tout n
368
à Roosevelt de fabriquer la bombe. Tout ne s’est-
il
point passé comme si le calcul profond du daimôn qui habitait en lui,
369
iècle) On se figure, et l’on écrit souvent, qu’
il
a fallu quelque six siècles à la Suisse pour devenir, par une évoluti
370
our devenir, par une évolution, l’État fédéral qu’
elle
est aujourd’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au terme d’une cris
371
’État fédéral qu’elle est aujourd’hui. En réalité
il
a fallu neuf mois, au terme d’une crise de trente-trois ans, succédan
372
n n’insistera jamais assez sur le rôle décisif qu’
il
devait jouer dans la formation de la Suisse et dans la détermination
373
du col. Au nombre des seigneurs entreprenants qu’
il
fallait empêcher de dominer la route figuraient en bonne place les Ha
374
onnes et en leurs biens ». Et ce pacte devait « s’
il
plaît à Dieu, durer à perpétuité ». De fait, il a duré jusqu’à nos jo
375
s’il plaît à Dieu, durer à perpétuité ». De fait,
il
a duré jusqu’à nos jours. Mais ses auteurs étaient bien loin de se do
376
ais ses auteurs étaient bien loin de se douter qu’
ils
fondaient un État nouveau, lequel serait un jour, la Suisse. Cette pr
377
02, Napoléon écrivait aux délégués helvétiques qu’
il
avait convoqués à Paris : « La Suisse ne ressemble à aucun autre État
378
le retour à l’état de choses prérévolutionnaire.
Il
restaurait la pleine souveraineté des cantons, remplaçait le pouvoir
379
it essentiellement. Quant aux régimes intérieurs,
ils
variaient de la démocratie directe (cantons primitifs) à la monarchie
380
cement de leur unité et de la création d’un État.
Il
est remarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de ce problème
381
t de la création d’un État. Il est remarquable qu’
ils
n’aient pas cherché la solution de ce problème dans l’unification sys
382
nguistiques, religieuses, politiques et sociales.
Ils
ne se demandèrent pas : comment devenir une Nation ? mais bien : comm
383
s (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’
ils
ne furent pas les seuls à poser ce problème, dans l’Europe du xixe s
384
poser ce problème, dans l’Europe du xixe siècle,
ils
furent les seuls à le résoudre d’une manière efficace et durable.
385
ns progrès appréciable, pendant trente-trois ans.
Elle
ne fut résolue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain d’une guerr
386
mune à l’égard des grandes nations voisines, mais
ils
n’hésitaient pas à décréter des mesures de blocus contre tel d’entre
387
canton à un autre ou d’une commune à une autre. «
Il
y en avait partout, sauf aux frontières extérieures » relève encore W
388
ntières extérieures » relève encore W. Martin, et
il
signale que le seul canton du Tessin « ne prélevait pas moins de trei
389
strie suisse put survivre à de telles conditions,
elle
ne le dut qu’à l’initiative privée et à la haute qualité de sa main-d
390
la décision. « Je mènerai ces gens à la baguette,
il
suffit de les diviser ! », écrivait alors à son gouvernement l’ambass
391
alors à son gouvernement l’ambassadeur de France.
Il
n’exagérait pas. Que pouvait entreprendre, en effet, une Confédératio
392
acun pour son compte, par les États souverains ? (
Elle
avait bien en propre une « caisse de guerre », et le droit de nommer
393
son état-major, et quelques fonctionnaires, mais
elle
n’en dépendait pas moins du bon plaisir des cantons, dans ce domaine.
394
rédiger un projet de Constitution. Le rapport qu’
elle
présenta après quelques mois comportait un commentaire dû à la plume
395
reuse que l’isolement » par la fausse sécurité qu’
elle
inspirait. Il en résultait que les puissances voisines pouvaient « em
396
ement » par la fausse sécurité qu’elle inspirait.
Il
en résultait que les puissances voisines pouvaient « embrasser dans l
397
lpes était un désert livré au premier occupant ».
Il
décrivait la paralysie qui frappe une Diète formée de délégués d’État
398
directeurs se trouvent dans une situation fausse.
Ils
doivent, pour ainsi dire, servir deux maîtres, être tour à tour les h
399
mmes de la Confédération et les hommes du canton…
Il
n’est, ce me semble, aucun motif de conserver un pareil état de chose
400
cette anxiété elle-même, et ce malaise général qu’
il
est impossible de méconnaître, et cette espérance que dans un nouveau
401
nt « un brandon de discorde » parmi les cantons :
il
le devint en effet, de par l’acharnement qu’eux-mêmes montrèrent à l
402
itaires supérieurs en nombre et en armement. Mais
ils
savaient que les grandes puissances voisines se tenaient prêtes à int
403
dangereux tyrans » partisans de la Révolution) :
il
pressentait que l’instauration d’une Suisse unie et libérale donnerai
404
ssue un encouragement efficace aux libéraux. Mais
il
convient de souligner qu’en retour, l’imminence des révolutions de 18
405
acteur important du succès des radicaux suisses :
elle
retarda ou même paralysa l’action des Puissances. La campagne fut men
406
uscription publique dans les cantons protestants,
ils
contribuèrent à couvrir la dette de guerre des catholiques. Et dans l
407
profitèrent du répit que leur laissaient, malgré
elles
, les Puissances, pour accomplir en quelques mois la transformation de
408
ste ou pur intellectuel. Dès la première réunion,
ils
décidèrent que leurs débats se tiendraient à huis clos, ceci surtout
409
sept semaines, au cours de 31 séances plénières,
ils
élaborèrent un projet de 17 articles. Nombre de ces articles s’inspir
410
hoisie comme « ville fédérale »). Le 16 novembre,
elles
procédèrent à l’élection du premier Conseil fédéral, inaugurant un ré
411
ne mérite pas seulement l’épithète de fédérale :
elle
est précisément fédéraliste, dans ses visées comme par ses principale
412
tée par la constitution fédérale, et, comme tels,
ils
exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral.
413
d’association, de pétition et d’expression, et qu’
elle
établit l’égalité devant la loi ; qu’elle crée une armée fédérale ; q
414
, et qu’elle établit l’égalité devant la loi ; qu’
elle
crée une armée fédérale ; qu’elle supprime les péages intérieurs et r
415
ant la loi ; qu’elle crée une armée fédérale ; qu’
elle
supprime les péages intérieurs et reporte les douanes aux frontières
416
nfédération, quitte à indemniser les cantons ; qu’
elle
uniformise les poids, mesures et monnaies, et nationalise les postes
417
t éducatif à la discrétion des cantons ; qu’enfin
elle
prévoit une procédure de révision « en tout temps » par initiative po
418
l’événement capital de l’histoire des Confédérés.
Elle
tira les leçons de cinq siècles d’expériences souvent amères, confirm
419
me le gage du triomphe des radicaux. À vrai dire,
elle
portait toutes les marques de cette modération, née du juste équilibr
420
des frontières économiques. Notons en passant qu’
il
n’est pas un des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait é
421
te Suisse du siècle dernier. A-t-on pris garde qu’
il
fallait trois jours à un député des Grisons pour se rendre à Berne, t
422
uté des Grisons pour se rendre à Berne, tandis qu’
il
ne faut qu’une matinée à un délégué grec ou scandinave pour se rendre
423
Appenzell des patriciens cosmopolites de Genève ;
ils
sont moins nombreux, et souvent, de moins ancienne tradition national
424
onçant des applications futures à grande échelle,
il
faut relever qu’à son époque elle se produisit comme à contre-courant
425
à grande échelle, il faut relever qu’à son époque
elle
se produisit comme à contre-courant de l’Histoire. Déjà, le pacte de
426
r l’idée démocratique et communale au Moyen Âge ;
elle
représente le résultat d’une révolution générale qui a été vaincue pa
427
olence populaire. Une dernière remarque s’impose.
Elle
concerne le sens du mot fédéralisme, qui est le mot-clé de l’histoire
428
caux de 1848 voulaient une vraie fédération, mais
ils
passaient pour des centralistes unitaires. Leurs ennemis, catholiques
429
e disaient au contraire « fédéralistes », bien qu’
ils
fussent opposés à tout ce qui menaçait de diminuer les souverainetés
430
tte dialectique, en Suisse, n’est pas abstraite :
elle
exprime la vie même de la Confédération, et donne la formule générale
431
nt alors les sociétés helvétiques de tous ordres,
il
faut ajouter le rôle accidentel mais très efficace que joua la cause
432
me réfugié politique au début de la Restauration,
il
fut le premier professeur catholique à l’Académie de Calvin et l’orne
433
. L’Europe n’a pas seulement découvert le monde :
elle
l’a fait. Épousons cette idée d’une Europe qui n’existe que dans son
434
son dépassement et qui ne serait pas elle-même si
elle
n’était plus qu’elle-même. Quatre constatations fondamentales, et que
435
vement mondiale. Certes, Alexandre se trompait, s’
il
a cru qu’il régnait sur le monde : il n’en connaissait qu’un canton.
436
ale. Certes, Alexandre se trompait, s’il a cru qu’
il
régnait sur le monde : il n’en connaissait qu’un canton. Mais nous ne
437
trompait, s’il a cru qu’il régnait sur le monde :
il
n’en connaissait qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’une
438
nimer le courant des échanges mondiaux. Car c’est
elle
qui les a mis en branle dès l’époque des grandes découvertes, en bali
439
en balisant les voies du commerce maritime. C’est
elle
qui a su trouver les substituts de l’ancienne route de la soie. Et so
440
. Ne parlons pas ici d’une vocation de l’Europe ;
il
ne s’agit que d’une nécessité, qui n’en dicte pas moins une politique
441
enu national. L’Europe n’est rien sans le monde :
elle
doit être mondiale, par une nécessité vitale. 4. C’est l’Europe qui r
442
mal gré, pour la première fois dans l’Histoire. S’
il
est vrai que le monde, irréductiblement, tend à devenir un organisme,
443
Du seul point de vue de l’économie des échanges,
elle
n’est rien si elle n’est pas l’animatrice d’une circulation planétair
444
ue de l’économie des échanges, elle n’est rien si
elle
n’est pas l’animatrice d’une circulation planétaire. Qui peut en dire
445
r la relève, avec les moyens que l’on sait ; mais
ils
n’y sont pas vitalement contraints. Part des importations dans le rev
446
rope seule périrait, sans discussion possible, si
elle
en était réduite à vivre sur elle-même. L’Europe seule ne peut plus s
447
peut plus se payer une politique provincialiste.
Elle
se voit condamnée par l’histoire à reprendre son rôle d’animatrice de
448
ou à redevenir — désormais sans hégémonie — ce qu’
elle
fut dès la Renaissance : une fonction mondiale, un foyer, une perpétu
449
, l’Europe ne peut répondre que dans la mesure où
elle
est forte et saine : c’est la mesure de son intégration, c’est-à-dire
450
res, s’imaginent qu’on les voit différents, comme
ils
se voient eux-mêmes en restant nez à nez. Les Américains les confonde
451
ricains les confondent ; et quant aux Asiatiques,
ils
les distinguent très mal, suprême outrage, de leurs cousins américain
452
s ont été les sujets de nos États colonialistes :
ils
exceptent aussitôt cet État de la communauté européenne. Je me rappel
453
u crédit qui s’attache à l’Europe tout entière, s’
il
se présente en tant que nation distincte. Et cela s’explique. Car les
454
monde, ne sont universelles que dans la mesure où
elles
résultent de nos variétés infinies et de leur équilibre en tension.
455
, répondent les nécessités internes de l’union. S’
il
est vrai qu’aucun de nos pays ne peut prétendre à représenter valable
456
lusion de la « souveraineté nationale » persiste.
Elle
règne encore sur l’affectivité de la plupart de nos hommes d’État, vi
457
dante », en dépit des plus dures évidences, quand
il
est clair que vouloir s’isoler dans une souveraineté vide de tout con
458
est liée aux dominions par tous les océans, mais
elle
est isolée de l’Europe par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’e
459
rope par la Manche. La Suisse est neutre parce qu’
elle
est au centre de l’Europe, et à cause d’une histoire très ancienne ;
460
s ancienne ; l’Autriche est neutre aussi parce qu’
elle
touche la Russie, et à cause d’histoires très récentes. Ainsi tout se
461
s souverainetés, tout leur est bon pour croire qu’
elles
existent encore, puisqu’elles gardent au moins le pouvoir de refuser
462
bon pour croire qu’elles existent encore, puisqu’
elles
gardent au moins le pouvoir de refuser l’union sous ce prétexte, tout
463
pas seulement la plus opportune qui se présente :
elle
est le principe même de l’existence européenne, elle est l’Europe en
464
e est le principe même de l’existence européenne,
elle
est l’Europe en tant que pouvoir créateur. Une Europe uniformisée per
465
e). Prenez la peinture : les couleurs chantent si
elles
sont bien opposées dans leur pureté ou leurs nuances précises, non si
466
es par les frontières de leur domaine, auxquelles
ils
tentent abusivement de réduire des réalités aussi hétérogènes que la
467
trale et chicanière des âges prétechniques. C’est
elle
encore qui impose aux services de l’État la tâche idiote de faire coï
468
’avoir voulu « limiter l’Europe à six pays » sont-
ils
sincères, ou simplement vexés que l’Europe ait commencé en dépit de l
469
Petite Europe, déjà réelle, une Grande Europe qu’
ils
n’ont cessé depuis dix ans de refuser comme utopique — d’où la nécess
470
ù la nécessité de commencer par la Petite ! — ont-
ils
bien vu le problème dans son cadre mondial, ou défendent-ils plutôt q
471
le problème dans son cadre mondial, ou défendent-
ils
plutôt quelque nationalisme exalté par sa crise finale ? Il paraît di
472
quelque nationalisme exalté par sa crise finale ?
Il
paraît difficile d’affirmer honnêtement que les promoteurs de la Peti
473
ue) n’est au fond qu’une mesure de fortune : sans
elle
, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’un
474
des Six étant de déclencher un processus d’union,
il
serait manqué si les Six, dès maintenant, tentaient de se suffire à e
475
-dire d’une Europe qui ne serait pas elle-même si
elle
ne tendait sans cesse à être plus qu’elle-même. Ce qu’il y a de fonci
476
dans l’existence encore fragile des Six, c’est qu’
ils
sont vitalement intéressés à devenir ces Dix-Sept que tout en eux app
477
lon les textes) se verront réunis en une famille,
ils
sauront bien, c’est dans leur sang, que l’Europe entière n’est qu’un
478
de la liberté, et qui trouve dans les risques qu’
elle
assume, qu’elle fomente à plaisir comme pour mieux s’éprouver et se m
479
et qui trouve dans les risques qu’elle assume, qu’
elle
fomente à plaisir comme pour mieux s’éprouver et se mettre elle-même
480
eul destin du monde gréco-romain, le mieux connu.
Il
se trouve que l’exemple est mauvais. Bien d’autres civilisations ont
481
romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-
elles
mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été préservées et développée
482
nôtre, sont-elles mortes ? Leurs conquêtes n’ont-
elles
pas été préservées et développées par le Musée et le Laboratoire euro
483
être diffusées de nos jours sur toute la terre ?
Il
s’en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus ra
484
er décadence plutôt que renaissance. Observons qu’
elles
étaient locales, comme le furent la chinoise, l’hindoue, l’indonésien
485
es candidats à la relève étaient nombreux. En est-
il
un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération, ou simplement la repr
486
ise des charges de notre civilisation ? Les USA ?
Ils
s’européanisent en profondeur, plus rapidement que l’Europe ne s’amér
487
ricanise par quelques signes extérieurs. L’URSS ?
Elle
s’essouffle à rattraper les USA et n’apporte rien de bien neuf — beau
488
possible par sa technique. La Chine ? L’Afrique ?
Elles
paraissent moins critiques à notre égard, et plus promptes à nous imi
489
ue le génie européen rayonne sur le monde entier,
ils
préfèrent nous parler de notre éclipse. C’est ce paradoxe planétaire
490
savons maintenant que nous sommes mortelles. Et
il
ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et
491
de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables :
elles
sont dans les journaux. L’écho de cette page fut immense, et je sais
492
ir, va donc probablement périr. Pour émouvante qu’
elle
soit, elle exprime, à mon avis, l’une des erreurs les plus célèbres d
493
probablement périr. Pour émouvante qu’elle soit,
elle
exprime, à mon avis, l’une des erreurs les plus célèbres de notre tem
494
llantes créations de la main de l’homme ? Où sont-
ils
, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépol
495
un individu dans la marche de l’Histoire » et qu’
il
obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épanouiss
496
ivilisations, on en venait à penser que chacune d’
elles
devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée, — la
497
ux débuts du xxe siècle, Spengler va plus loin ;
il
est convaincu que toute culture est un organisme, et correspond morph
498
rphologiquement à un individu, animal ou végétal.
Il
en résulte inexorablement que toute culture est mortelle, et nous rej
499
moins de peine à nous convaincre que d’une part,
ils
rejoignent, par leurs conclusions, notre angoisse quant à l’état prés
500
tre ses conquêtes coloniales et ses protectorats.
Elle
ne voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte de sa longue roy
501
t ses protectorats. Elle ne voit pas encore, mais
elle
pressent déjà la perte de sa longue royauté mondiale. Déjà le communi
502
les prophètes du désastre européen ? Que faudrait-
il
de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’une mor
503
ge eut une civilisation sans hégémonie. Secundo,
il
n’est pas du tout certain que les précédents historiques soient appli
504
occidentale de l’Empire au moins. Cet exemple est-
il
valable pour nous ? La civilisation européenne est-elle une civilisat
505
alable pour nous ? La civilisation européenne est-
elle
une civilisation comme les autres ? Est-elle donc vraiment comparable
506
est-elle une civilisation comme les autres ? Est-
elle
donc vraiment comparable à celles qui l’ont précédée ? Son destin peu
507
ble à celles qui l’ont précédée ? Son destin peut-
il
être prédit par extrapolation des exemples antiques ? Voilà qui n’est
508
ples antiques ? Voilà qui n’est pas sûr du tout.
Il
se pourrait, en effet, que notre civilisation présente certains carac
509
apport à toutes les autres, et quel seuil mondial
elle
aurait été la première et la seule à franchir, s’affranchissant ainsi
510
leurs souvent contradictoires ou incompatibles qu’
elle
en a héritées, la civilisation européenne s’est trouvée fondée sur un
511
e sur une culture de dialogue et de contestation.
Elle
n’a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu se laisser ordonner
512
de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout,
elle
n’a jamais voulu se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût rég
513
l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’
il
n’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne fu
514
s produit seulement de l’anarchie et des guerres.
Il
a contraint les élites religieuses, intellectuelles et politiques, et
515
eligieuses, intellectuelles et politiques, et par
elles
la partie agissante des masses européennes, à développer ce que je vo
516
s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche,
il
est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalem
517
llement en Europe. En revanche, il est évident qu’
elles
se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement exclues, par les
518
distinguent le mieux d’autres cultures, qui ont,
elles
, d’autres vertus. Le sens de la vérité objective nous vient sans dout
519
orés par les civilisations du Proche-Orient. Mais
il
a été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont mo
520
pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’
il
a créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas
521
ilosophiques, mais aussi de nos sciences exactes.
Elle
développera dans nos élites intellectuelles le sens critique, au nom
522
ple véracité, et du recours aux preuves par neuf.
Il
faut songer cependant que l’Asie et l’Afrique ignorent cette exigence
523
». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre,
il
le veut exact à la nième virgule près, car autrement le pont cédera s
524
n Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’
il
espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se
525
nt, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’
il
veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande
526
’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir.
Il
plaide, il marchande, il joue, pendant que nous vérifions une fois de
527
aire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide,
il
marchande, il joue, pendant que nous vérifions une fois de plus nos c
528
der, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande,
il
joue, pendant que nous vérifions une fois de plus nos calculs… Deuxiè
529
ture : le sens de la responsabilité personnelle.
Il
s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-
530
destin sur la terre comme au ciel. De ce destin,
il
se croit ou se veut maître, pour une part tout au moins, grande ou in
531
’Europe existe ! — mais décisive quant au sens qu’
il
donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en
532
qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’
elle
refuse la réalité du prochain, la dignité de la personne distincte. E
533
culture européenne, c’est le sens de la liberté.
Il
est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilit
534
n’est vraiment libre que dans la seule mesure où
il
est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un h
535
à doses variables dans notre idée de la liberté.
Il
n’est pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en
536
cile à définir, plus facile à nier en théorie, et
il
n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute n
537
, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’
il
prend soudain un sens précis pour les meneurs nationalistes de ces pe
538
st un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’
il
justifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme p
539
t surtout s’il justifie un élan de révolte contre
elle
, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en vale
540
ales de l’Europe, ce n’est pas seulement parce qu’
elles
permettent d’illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’e
541
ingue des autres cultures. C’est surtout parce qu’
elles
expliquent la plupart de nos créations. En effet, du sens de la vérit
542
les techniques qui en dérivent jusqu’au point où
elles
permettent non seulement à l’homme de dominer la matière, mais à l’hu
543
es Européens qui ont inventé l’archéologie, comme
ils
ont inventé l’ethnographie à partir de la découverte géographique du
544
continents que sont nos musées et bibliothèques,
ils
ont élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des
545
t cette sociologie totale, ou planétaire, prépare
elle
aussi les voies de l’unité future du genre humain. Voilà ce que l’Eur
546
humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’
elle
offre désormais au monde entier, et elle ne peut faire autrement, car
547
là ce qu’elle offre désormais au monde entier, et
elle
ne peut faire autrement, car toutes les créations que je viens d’énum
548
e — en un mot, le monde reçoit nos produits. Mais
il
ne reçoit pas les valeurs religieuses, éthiques et philosophiques, qu
549
mplement notre psychologie et notre spiritualité.
Il
exige nos machines, mais refuse notre éthique du travail. Il veut que
550
s machines, mais refuse notre éthique du travail.
Il
veut que nous l’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal de l
551
dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’
ils
ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents men
552
mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont
il
nous faut tâcher d’évaluer les risques angoissants et les chances adm
553
omplète — dans toute l’humanité, cette crise va-t-
elle
devenir « mortelle » comme l’ont prédit depuis un siècle la majorité
554
s avaient cru cela d’elles-mêmes, avant la nôtre.
Elles
se trompaient, tout simplement, mais cette erreur ne saurait plus êtr
555
e Grand et les empereurs chinois s’imaginèrent qu’
ils
dominaient le monde entier : c’était moins orgueilleux que naïf, car
556
lithiques et homogènes. Voilà sans doute pourquoi
elle
s’est trouvé la seule assez complexe et multiforme pour pouvoir sinon
557
tous les peuples du monde. Nous avons aussi vu qu’
elle
exporte ses produits sans les valeurs qui contribuèrent à les créer.
558
s sans les valeurs qui contribuèrent à les créer.
Elle
envoie, dans le monde d’aujourd’hui, plus de machines et d’assistants
559
nts techniques que de livres et de missionnaires.
Elle
s’est laïcisée, profanisée, et détachée du christianisme qui a contri
560
la condition de son « succès » le plus visible —
elle
s’est rendue plus transportable, plus acceptable et imitable qu’aucun
561
plus acceptable et imitable qu’aucune autre. Mais
il
faut voir enfin que cette civilisation n’a pu devenir universelle qu’
562
gyptien. Pour les Grecs et les Chinois également,
il
existait deux espèces différentes de bipèdes verticaux : les Grecs, o
563
conception chrétienne, exprimée par saint Paul («
il
n’y a plus ni juifs, ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni homme
564
tte conception devait (seule) permettre à ceux qu’
elle
formerait intimement, de considérer tous les hommes comme dignes et c
565
sa transmission aux âges futurs, en même temps qu’
elle
redécouvrait et faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’e
566
de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables :
elles
sont dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué —
567
ier, enregistrées sur bandes et sur microsillons,
elles
sont en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques d
568
romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-
elles
vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’ont-elles pas été préservées et d
569
ont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’ont-
elles
pas été préservées et développées par le Musée et le Laboratoire euro
570
tout à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car
il
n’en saurait rien. » Et il proposait de corriger comme suit le passag
571
rrait pas le dire, car il n’en saurait rien. » Et
il
proposait de corriger comme suit le passage que je vous ai cité : « N
572
s’emparant de l’empire des Aztèques et des Incas.
Il
s’agissait dans tous ces cas, de civilisations locales, entourées de
573
es candidats à la relève étaient nombreux. En est-
il
un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la repri
574
l y a pourtant les États-Unis, me dira-t-on. Mais
ils
sont nés de la substance même de l’Europe, et de nos jours ils s’euro
575
de la substance même de l’Europe, et de nos jours
ils
s’européanisent à nouveau, plus profondément que l’Europe ne s’améric
576
surtout l’URSS, penserez-vous. Mais qu’apporte-t-
elle
de nouveau du point de vue de la civilisation ? Est-elle une autre ci
577
nouveau du point de vue de la civilisation ? Est-
elle
une autre civilisation ? Lénine définissait ainsi sa Révolution : « L
578
péen. Quant à l’électricité, dont parlait Lénine,
elle
symbolise l’industrialisation. En électrifiant la Russie, le communis
579
Troie de l’Occident : la Technique et tout ce qu’
elle
entraîne de proche en proche dans les mœurs et les modes de penser d’
580
es pouvoirs et notre vocation. Aux yeux du monde,
il
n’y a qu’un seul péril sérieux : le péril blanc ! La civilisation eur
581
le, n’est menacée en fait que par les maladies qu’
elle
a produites et propagées elle-même. C’est dans ses sources, c’est au
582
le nationalisme et la superstition matérialiste.
Il
en va du nationalisme comme de notre rhume de cerveau, qui devient mo
583
sons de prendre au tragique, cette passion, quand
elle
atteint l’Asie, ou le monde arabe, ou l’Afrique, dresse contre nous a
584
plant au-dehors la force belliqueuse de ceux dont
il
fait nos ennemis. Quant au second virus secrété par l’Europe, et que
585
’Europe, et que je nommerai le matérialisme plat,
il
prend chez nous les formes les plus diverses. Il va du culte du confo
586
il prend chez nous les formes les plus diverses.
Il
va du culte du confort chez l’ouvrier et le bourgeois, et de l’utilit
587
lus dangereux que la bêtise humaine en général, s’
il
n’avait pour effet de détendre les ressorts créateurs du progrès dont
588
e détendre les ressorts créateurs du progrès dont
il
est trop souvent l’aboutissement. Or chacun sait que les ressorts du
589
on de défier le destin, le refus des choses comme
elles
vont, inquiétude, passion et refus sans quoi la science et la techniq
590
e du genre humain que pour l’Europe elle-même, où
elles
sont nées. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’est vaccinée
591
es. L’Europe a secrété Hitler, mais en douze ans,
elle
l’a éliminé, et je crois qu’elle s’en trouve immunisée pour très long
592
is en douze ans, elle l’a éliminé, et je crois qu’
elle
s’en trouve immunisée pour très longtemps contre la tentation totalit
593
n totalitaire, qui est l’essence du nationalisme.
Il
n’en va pas de même sur d’autres continents. Quant à nous : nos sages
594
u, en peu de temps, au prix de millions de morts,
il
est vrai… Et maintenant, ce n’est pas chez nous, mais chez les autres
595
, ce n’est pas chez nous, mais chez les autres qu’
il
triomphe. Permettez-moi de vous citer à ce propos deux textes dont le
596
’a jamais atteint en Europe de tels excès. Certes
elle
est née chez nous, et c’était bien chez nous que Burckhardt en avait
597
e de notre action dans le monde et pour le monde.
Il
nous faut l’Europe parce qu’il faut faire le monde. Et parce que l’Eu
598
et pour le monde. Il nous faut l’Europe parce qu’
il
faut faire le monde. Et parce que l’Europe seule, en faisant le monde
599
ème de l’union des Églises chrétiennes concerne-t-
il
aussi les non-chrétiens, qui sont les deux tiers de notre humanité pr
600
x destins de l’Europe et de l’Occident, encore qu’
elle
n’ait jamais cessé de se proclamer essentiellement universelle. Il se
601
essé de se proclamer essentiellement universelle.
Il
se peut que l’union de nos Églises les renforce, devant le défi que p
602
y rattachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’
il
est vrai que le monde communiste enferme un nombre équivalent d’indiv
603
ne chose, la vérité de l’Esprit en est une autre.
Il
s’agit, pour le christianisme, non de gagner le monde mais de sauver
604
grandes divisions historiques se sont produites.
Il
n’est rien que je respecte au monde autant que l’institution de l’Égl
605
s. Tant et si bien qu’au point où nous en sommes,
il
nous faut constater qu’en fait et avant tout, ce qui s’oppose à la gr
606
méfiante, et non de confiance évangélique. Car, s’
il
est vrai que l’Évangile demande l’union, ce n’est jamais aux dépens d
607
de mon Père. » Cette parole ne peut être écartée.
Elle
reste au centre du mystère de l’unité. Voies vers l’union Parlan
608
t nunc, et déjà pratiquée par beaucoup. Qu’en est-
il
de cette existence, dans les diverses confessions ? Je suis frappé de
609
jours du Purgatoire. En revanche, combien savent-
ils
, de part et d’autre, que, dans toutes les Églises chrétiennes, la cat
610
onnent, et que les fidèles ignorent. Que faudrait-
il
pour rapprocher tous ces fidèles, qui ramèneraient ensuite leurs guid
611
, les luthériens, les anglicans, les catholiques,
elles
tendent à devenir indiscernables. J’oserai dire qu’il y a plus : en d
612
— anglicans, luthériens de Suède et d’Amérique —
ils
ouvrent la voie de l’union. Le renouveau des études liturgiques dans
613
e — je pense au cas de Simone Weil — trouveraient-
ils
alors le courage d’entrer, de se mettre à genoux, puis ouvrant les ye
614
ouvrant les yeux sur l’autel, reconnaîtraient qu’
ils
sont enfin chez eux ! Et je songe à tous ceux que laisse insatisfaits
615
e laisse insatisfaits la confession dans laquelle
ils
sont nés (soit par hasard ou providence), dans laquelle ils ont eu le
616
és (soit par hasard ou providence), dans laquelle
ils
ont eu le bonheur d’être élevés, qu’ils aiment comme on aime une patr
617
laquelle ils ont eu le bonheur d’être élevés, qu’
ils
aiment comme on aime une patrie, mais l’amour est lucide, la patrie n
618
st lucide, la patrie n’est pas le monde… Voici qu’
ils
peuvent sans la trahir aller plus loin, vers le But qu’elle leur dési
619
nt sans la trahir aller plus loin, vers le But qu’
elle
leur désignait. Je ne suis pas étranger plus qu’un autre aux problème
620
de notre temps. Calviniste de la Suisse romande,
il
représente, au sein du protestantisme, l’un des éléments les plus con
621
éflexes conditionnés, finalement force politique,
il
a pour résultante actuelle de s’opposer, lui aussi, à l’Occident, en
622
inir : ses motivations sont ailleurs, et surtout,
elles
sont antérieures à la nécessité présente de l’union, au regard de laq
623
essité présente de l’union, au regard de laquelle
elles
apparaissent comme les survivances d’une autre ère. Pour comprendre l
624
dans le mouvement de sa genèse intellectuelle qu’
il
faut le saisir. Car le nationalisme est idéologie, avant d’être histo
625
ationalisme est idéologie, avant d’être histoire.
Il
est né d’une dialectique idéale et non du jeu des forces économiques,
626
e idéale et non du jeu des forces économiques, qu’
il
a faussé en y intervenant, et qui tend à l’éliminer dans la mesure où
627
enant, et qui tend à l’éliminer dans la mesure où
il
tend à se normaliser. Plutôt donc que de retracer la chronique des tr
628
r notre bien, toute guerre est sainte, et de plus
elle
est préventive, car il s’agit de défendre contre les jaloux, les rétr
629
e est sainte, et de plus elle est préventive, car
il
s’agit de défendre contre les jaloux, les rétrogrades et les impurs,
630
elle du peuple ou Bien suprême ; Dieu lui-même, s’
il
existe, ne peut être que notre allié, garant de notre justice ; sinon
631
e allié, garant de notre justice ; sinon c’est qu’
il
n’existe pas ; il n’y a donc plus d’instance supérieure à la nation,
632
notre justice ; sinon c’est qu’il n’existe pas ;
il
n’y a donc plus d’instance supérieure à la nation, ni plus d’appel po
633
mai 1790, Robespierre a cette formule parfaite :
Il
est de l’intérêt des nations de protéger la nation française, parce q
634
e doit partir la liberté et le bonheur du monde.
Il
faut donc protéger par les armes cette France qui annonce la paix uni
635
hantez une victoire qui sera celle de l’humanité.
Il
a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse plus. Je le ju
636
manité. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’
il
n’en périsse plus. Je le jure, au nom de la fraternité universelle qu
637
’Assemblée nationale, au nom du genre humain dont
il
n’a jamais mieux mérité d’être appelé l’ami. C’est en effet à Jean-B
638
ance mais aristocrate hollandais d’ascendance, qu’
il
appartiendra de formuler de la manière la plus théâtrale l’idéal unit
639
se dit souveraine, blesse grièvement l’humanité,
elle
est en pleine révolte contre le bon sens et le bonheur ; elle coupe l
640
pleine révolte contre le bon sens et le bonheur ;
elle
coupe les canaux de la prospérité universelle ; sa Constitution, manq
641
e intitulé la République universelle, dans lequel
il
demandait la suppression des gouvernements locaux, et leur remplaceme
642
ui-même, et le genre humain vivra en paix, lorsqu’
il
ne formera qu’un seul corps, la nation unique… La commune de Paris se
643
précise les délires totalitaires du xxe siècle.
Il
peut être résumé par quelques citations tirées de l’ouvrage intitulé
644
es conceptions primitives des forêts de Germanie,
ils
furent aussi liés les uns aux autres, depuis leur expansion dans les
645
mmerce des Européens entre eux devait être libre.
Il
est facile de faire l’application à l’état actuel des choses. Si tout
646
ssurément le commerce de toutes les parties entre
elles
doit rester libre, comme il l’était à l’origine. Si elle est au contr
647
les parties entre elles doit rester libre, comme
il
l’était à l’origine. Si elle est au contraire divisée en plusieurs Ét
648
it rester libre, comme il l’était à l’origine. Si
elle
est au contraire divisée en plusieurs États sous divers gouvernements
649
sée en plusieurs États sous divers gouvernements,
elle
doit être divisée de même en plusieurs États commerciaux complètement
650
ode des essais pour former de véritables Nations.
Il
s’agit donc de pousser vivement ce processus, si l’on veut sortir de
651
ù nous vivons. Si l’on veut supprimer la guerre,
il
faut en supprimer la cause. Il faut que chaque État obtienne ce qu’il
652
pprimer la guerre, il faut en supprimer la cause.
Il
faut que chaque État obtienne ce qu’il projette d’obtenir par la guer
653
la cause. Il faut que chaque État obtienne ce qu’
il
projette d’obtenir par la guerre et ce que seulement il peut projeter
654
jette d’obtenir par la guerre et ce que seulement
il
peut projeter raisonnablement d’obtenir : ses frontières naturelles.
655
d’obtenir : ses frontières naturelles. Dès lors,
il
n’a plus rien à demander à un autre État, car il a trouvé ce qu’il ch
656
il n’a plus rien à demander à un autre État, car
il
a trouvé ce qu’il cherchait. Ainsi, à l’utopie rousseauiste de l’hom
657
à demander à un autre État, car il a trouvé ce qu’
il
cherchait. Ainsi, à l’utopie rousseauiste de l’homme naturellement b
658
hte l’utopie de l’État naturellement raisonnable.
Il
n’y a plus qu’à tirer les conséquences logiques de ces prémices : fer
659
ser entièrement après un laps de temps déterminé.
Il
lui faut donc prendre des mesures permettant d’atteindre bientôt sûre
660
s permettant d’atteindre bientôt sûrement ce but.
Il
doit y marcher avec méthode, et ne laisser passer aucun moment sans r
661
emplacées par des succédanés dans le pays, puisqu’
il
doit s’en déshabituer entièrement, entraîné d’ailleurs activement à c
662
aux pour les nationaux, de la manière convenable.
Il
ne cherche pas en effet à acquérir une prépondérance commerciale, ce
663
ne sont pas seulement les échanges commerciaux qu’
il
faut supprimer, mais aussi les échanges culturels, et le tourisme. Se
664
soin de voyager hors de l’État commercial fermé :
il
ne doit pas être permis plus longtemps à une vaine curiosité et à la
665
voyager aux frais de l’État savants et artistes.
Il
est évident que dans une nation ainsi fermée, dont les membres ne viv
666
les peuples sera celui de la Science : … Grâce à
elle
, mais à elle seule, les hommes s’uniront de manière durable et ils le
667
era celui de la Science : … Grâce à elle, mais à
elle
seule, les hommes s’uniront de manière durable et ils le doivent, qua
668
seule, les hommes s’uniront de manière durable et
ils
le doivent, quand pour tout le reste, leur division en peuples divers
669
te, leur division en peuples divers sera achevée.
Elle
seule demeure leur propriété commune, après qu’ils ont partagé entre
670
le seule demeure leur propriété commune, après qu’
ils
ont partagé entre eux tout le reste. Nul État fermé ne supprimera ce
671
t le reste. Nul État fermé ne supprimera ce lien,
il
le favorisera plutôt, car l’enrichissement de la Science par la puiss
672
s utopies issues de la philosophie préromantique,
il
faut avouer que celle de Fichte, pour absurde qu’elle nous paraisse,
673
faut avouer que celle de Fichte, pour absurde qu’
elle
nous paraisse, se trouve avoir le mieux correspondu aux réalités hist
674
r. Comme Goethe assistant à la bataille de Valmy,
il
a compris que la clameur des sans-culottes : « Vive la Nation ! » ina
675
it une ère nouvelle, née de la guerre et vivant d’
elle
. « Vive la Nation » ne signifie pas « Vive mon pays », mais « Vive l’
676
. Tensions internes : « Que personne ne diffère,
il
deviendrait mon juge ! » pense l’État-nation né de la Révolution et q
677
passive des opposants. À la faveur des guerres qu’
il
présentera toujours comme une « défense de nos foyers »30, il mobilis
678
a toujours comme une « défense de nos foyers »30,
il
mobilise l’instinct patriotique et opère sur lui la première en date
679
ts de groupe. Notons au passage que la guerre, qu’
elle
soit civile ou étrangère, froide ou déclarée, justifie toujours le sa
680
acrifice « temporaire » de certaines libertés. Or
il
n’est presque aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’
681
non seulement conduit à la guerre, mais trouve en
elle
les conditions du renforcement continuel de son pouvoir. Tensions ext
682
est « un individu dans la marche de l’Histoire ».
Il
se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint sa pleine vigueur
683
ipe, non à en jouir… Chacun a son principe auquel
il
tend comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il n’a plus rien à
684
tend comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte,
il
n’a plus rien à faire dans le monde. Et encore : À chaque époque do
685
tion, une fois doué de toute la personnalité dont
il
tend à priver les hommes réels, comment va-t-il se comporter dans le
686
t il tend à priver les hommes réels, comment va-t-
il
se comporter dans le monde. L’idéal primitif de la nation, confisqué
687
ominer l’époque. À cette fin, chacun prétendra qu’
il
incarne « le plus haut concept de l’esprit ». L’Allemand tuera le Fra
688
n globale vers l’harmonie des peuples libérés a-t-
il
été brutalement démenti au terme même du processus de formation des g
689
les premières victimes, enthousiastes et bernées.
Ils
croient tous que nation égale liberté. Ils s’inspirent tous du messia
690
rnées. Ils croient tous que nation égale liberté.
Ils
s’inspirent tous du messianisme de la Révolution française : libérer
691
lemands : celle d’une Europe des nationalités, qu’
il
considère lui aussi comme une étape inévitable, quoique dangereuse de
692
ien d’une « Internationale des nationalités », et
il
loue Herder d’avoir considéré l’humanité « comme une grande harpe dan
693
un son particulier à « l’harmonie universelle ».
Il
n’en redoute pas moins les « terribles niveleurs de l’Europe » que so
694
s Hongrois et les Polonais écrasés par la Russie,
elle
est le synonyme concret des libertés élémentaires. Et malheur à l’Eur
695
s libertés élémentaires. Et malheur à l’Europe si
elle
abandonne ces peuples ! Voici deux textes brefs comme deux cris, écha
696
la mémoire des incalculables services rendus par
elle
à la chrétienté et à la civilisation, que l’immense intérêt que l’Eur
697
porte à sa vigoureuse existence, tout atteste qu’
elle
fut, tout exige qu’elle reste la Hongrie. Enlevez-lui cette qualité,
698
xistence, tout atteste qu’elle fut, tout exige qu’
elle
reste la Hongrie. Enlevez-lui cette qualité, et elle n’est plus rien
699
e reste la Hongrie. Enlevez-lui cette qualité, et
elle
n’est plus rien pour l’Europe, si peu que rien même ; car elle ne peu
700
us rien pour l’Europe, si peu que rien même ; car
elle
ne peut devenir que l’avant-garde de la monarchie universelle de la R
701
ous les Magyars, nous versons notre sang. Te faut-
il
encore plus, ô Liberté, Pour que ta grâce daigne sur nous descendre ?
702
que la Liberté siègera dans la capitale du monde,
elle
jugera les nations. Et elle dira à la première : Voilà que j’étais at
703
la capitale du monde, elle jugera les nations. Et
elle
dira à la première : Voilà que j’étais attaquée par les brigands, et
704
ef de voûte de l’édifice futur ; et celui sur qui
elle
tombera, elle l’écrasera, et celui qui se heurtera contre elle, il to
705
l’édifice futur ; et celui sur qui elle tombera,
elle
l’écrasera, et celui qui se heurtera contre elle, il tombera et ne se
706
elle l’écrasera, et celui qui se heurtera contre
elle
, il tombera et ne se relèvera point. Et du grand édifice politique eu
707
l’écrasera, et celui qui se heurtera contre elle,
il
tombera et ne se relèvera point. Et du grand édifice politique europé
708
ra point. Et du grand édifice politique européen,
il
ne restera pas pierre sur pierre. « Aujourd’hui, l’Occident meurt de
709
à Bruxelles, puis réhabilité par le Piémont dont
il
devint le Premier ministre, Gioberti fut un néo-guelfe. Il voulait l’
710
le Premier ministre, Gioberti fut un néo-guelfe.
Il
voulait l’union de l’Italie et il voulait aussi l’union de l’Europe :
711
un néo-guelfe. Il voulait l’union de l’Italie et
il
voulait aussi l’union de l’Europe : l’une étant condition de l’autre.
712
ent des diverses chrétientés nationales écrivait-
il
en 1843, dans un ouvrage publié à Bruxelles : De la primauté morale e
713
ssant. Dans son traité Della Nazionalità italiana
il
donnait la formule du passage « dialectique » de la cité à la nation,
714
pposent au plus vaste ensemble. Mais qu’en sera-t-
il
des grands aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la France
715
sourde ou incendiaire chez ses voisins ». Certes,
elle
va protéger, par la force au besoin, « les mouvements légitimes de cr
716
sance et de nationalité des peuples ». Cependant,
elle
n’entend pas : incendier le monde, mais briller de sa place sur l’ho
717
a France. Mais c’est finalement à Victor Hugo qu’
il
appartiendra, bien des années plus tard, d’opérer la « transfiguratio
718
tique nationale du romantisme politique. Parce qu’
il
n’est pas suspect de nationalisme borné, et parce qu’il fut au xixe
719
st pas suspect de nationalisme borné, et parce qu’
il
fut au xixe siècle le prophète le plus exalté de l’union européenne,
720
se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t-
elle
pas nécessairement interprétée par les autres comme un désir secret d
721
templer à Paris l’Exposition universelle de 1867,
il
a des phrases qui découragent la critique : Ces yeux saturés de nuit
722
yeux saturés de nuit viennent regarder la vérité…
Ils
savent qu’il existe un peuple de réconciliation… une nation ouverte,
723
e nuit viennent regarder la vérité… Ils savent qu’
il
existe un peuple de réconciliation… une nation ouverte, qui appelle c
724
onciliation… une nation ouverte, qui appelle chez
elle
quiconque est frère ou veut l’être. De leur côté, invasion ; du côté
725
ges inspirées : La France a cela d’admirable, qu’
elle
est destinée à mourir, mais à mourir comme les dieux, par la transfig
726
urquoi ? Parce que la France le mérite ; parce qu’
elle
manque d’égoïsme, parce qu’elle ne travaille pas pour elle seule, par
727
mérite ; parce qu’elle manque d’égoïsme, parce qu’
elle
ne travaille pas pour elle seule, parce qu’elle est créatrice d’espér
728
ue d’égoïsme, parce qu’elle ne travaille pas pour
elle
seule, parce qu’elle est créatrice d’espérances universelles, parce q
729
u’elle ne travaille pas pour elle seule, parce qu’
elle
est créatrice d’espérances universelles, parce qu’elle représente tou
730
est créatrice d’espérances universelles, parce qu’
elle
représente toute la bonne volonté humaine, parce que là où les autres
731
à où les autres nations sont seulement des sœurs,
elle
est mère.31 Au xxe siècle, il y aura une nation extraordinaire. Cet
732
a grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre.
Elle
sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’hum
733
ante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité.
Elle
aura la gravité douce d’une aînée. […] Cette nation aura pour capital
734
pitale Paris, et ne s’appellera point la France ;
elle
s’appellera l’Europe. Elle s’appellera l’Europe au xxe siècle et, au
735
lera point la France ; elle s’appellera l’Europe.
Elle
s’appellera l’Europe au xxe siècle et, aux siècles suivants, plus tr
736
, aux siècles suivants, plus transfigurée encore,
elle
s’appellera l’Humanité. L’Humanité, nation définitive, est dès à prés
737
soudre dans la plus grande communauté européenne.
Elle
n’aura pas vécu en vain, ni sans gloire. Ainsi se réaliserait ce pas
738
st comme à l’Ouest, et en Suisse comme en France.
Il
manquait à ce concert une note allemande, et Constantin Frantz nous l
739
allemande, et Constantin Frantz nous la donne :
Il
va de soi qu’une telle fédération ne saurait être instituée d’un seul
740
ération ne saurait être instituée d’un seul coup.
Elle
a besoin, d’abord, d’une base réelle, sur laquelle elle repose et d’o
741
besoin, d’abord, d’une base réelle, sur laquelle
elle
repose et d’où la première impulsion soit donnée… S’il est vrai que c
742
pose et d’où la première impulsion soit donnée… S’
il
est vrai que c’est de l’Allemagne qu’est venue la division de l’Églis
743
l’Allemagne qu’est venue la division de l’Église,
il
est donc du devoir de ce pays, plus que de tout autre, de recréer la
744
plume d’Ivan Kirievsky, son principal rédacteur,
elle
oppose à l’Europe la notion d’enthousiasme, qui serait restée le priv
745
pe se constitue organiquement et harmonieusement,
il
est nécessaire qu’il existe à cette fin un centre déterminé, un peupl
746
iquement et harmonieusement, il est nécessaire qu’
il
existe à cette fin un centre déterminé, un peuple qui domine les autr
747
c’est aussi ce que pensera Dostoïevski, et ce qu’
il
exprimera cent fois dans son Journal d’un écrivain, gazette qu’il pub
748
t fois dans son Journal d’un écrivain, gazette qu’
il
publie seul, à intervalles irréguliers, en 1876 et 1877. L’avenir de
749
t de notre conscience nationale. Tirons l’épée, s’
il
le faut, au nom des malheureux persécutés, quand bien même ce serait
750
au nom des prétendus intérêts de la civilisation.
Il
faut que les organes politiques reconnaissent la vérité, cette vérité
751
telle quelle est reconnue par le simple croyant.
Il
faut bien que la vérité soit conservée quelque part, que tout au moin
752
oins une nation serve de flambeau. Qu’adviendrait-
il
sans cela ? Au nom de la véritable religion, et pour leur bien, les
753
ynisme » et d’y trouver leur fin, « vers laquelle
il
semble bien qu’ils s’acheminent ». III. Les prophètes de la catast
754
ouver leur fin, « vers laquelle il semble bien qu’
ils
s’acheminent ». III. Les prophètes de la catastrophe Le grand h
755
« Chaque génération est immédiate à Dieu », écrit-
il
en une formule célèbre. Une nation ou une société, selon lui, ne conq
756
rimauté appartient donc à l’ensemble européen, qu’
il
définit comme le domaine « romano-germanique » : Italie — France — Es
757
1882 sur le thème : « Qu’est-ce qu’une nation ? »
il
écrit : Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille
758
ens !… » … Ce que nous venons de dire de la race,
il
faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ; elle n’y fo
759
dire de la langue. La langue invite à se réunir ;
elle
n’y force pas. Les États-Unis et l’Angleterre, l’Amérique espagnole e
760
n. Au contraire, la Suisse, si bien faite, puisqu’
elle
a été faite par l’assentiment de ses différentes parties, compte troi
761
ui forment ces prétendues frontières naturelles ?
Il
est incontestable que les montagnes séparent ; mais les fleuves réuni
762
elles qui ne séparent pas ? De Biarritz à Tornea,
il
n’y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus qu’une autre un carac
763
Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel.
Elles
ont commencé, elles finiront. La confédération, européenne, probablem
764
pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé,
elles
finiront. La confédération, européenne, probablement, les remplacera.
765
militaire33. Dans une de ses lettres à von Preen,
il
prévoit pour les masses ouvrières entassées dans les usines et condam
766
bours, voilà ce qui doit logiquement se produire…
Il
est clair que le monde va vers l’alternative suivante : démocratie to
767
es et se passe en quelques heures : pour les uns,
il
faut la moitié d’une année, pour les autres la moitié d’une vie humai
768
ers ce but unique du travail secret de leur âme :
ils
voulurent frayer les voies à un nouvel accord et tentèrent de réalise
769
t de réaliser en eux-mêmes l’Européen à venir ; s’
ils
appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions super
770
ce, ou aux heures de défaillance, ou l’âge venu :
ils
se reposaient d’eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des h
771
Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe est-
elle
par excellence la terre des cataclysmes guerriers ? Parce qu’elle est
772
nce la terre des cataclysmes guerriers ? Parce qu’
elle
est habitée par une quantité de races qui sont singulièrement opposée
773
rquoi lui cacher ce qui l’attend ? Avant dix ans,
elle
sombrera dans la guerre et l’anarchie, comme elle a toujours fait deu
774
elle sombrera dans la guerre et l’anarchie, comme
elle
a toujours fait deux ou trois fois par siècle. … Rien n’améliorera le
775
rera le sort de l’Europe. Pourquoi voulez-vous qu’
il
s’améliore ? Que signifie ce vieux fond d’optimisme qui attend que le
776
optimisme qui attend que les choses s’arrangent ?
Il
n’y a aucune raison pour cela. Des composés chimiques, qui sont sépar
777
qui sont séparément amorphes, provoquent le feu s’
ils
sont amalgamés dans un récipient. L’Europe est un récipient rempli de
778
pe des nations et de son impérialisme planétaire.
Il
faudra cependant en venir aux excès de l’autarcie affirmée sans scrup
779
rtigen Zeitalters, 1804-1805. 30. « On dirait qu’
il
appelle foyers tous les endroits où il a porté le feu », remarque Ben
780
dirait qu’il appelle foyers tous les endroits où
il
a porté le feu », remarque Benjamin Constant. 31. Article intitulé l
781
C’est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’
il
m’est arrivé d’entendre dire : « Une culture européenne, ça n’existe
782
inent. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’
elle
ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou
783
propositions contradictoires que voici : primo ;
il
n’y a pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures
784
eux pour former une unité quelconque ; secundo :
il
ne saurait y avoir de culture spécifiquement européenne, car toute vr
785
ori, l’originalité de notre culture et le fait qu’
elle
nous est commune du Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie,
786
e) serviront d’exemples pour la deuxième formule.
Il
suffira, je crois, de ces brèves indications, pour faire bien voir qu
787
le, que dans le libre jeu de ses diversités. Mais
il
est temps de nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités,
788
ù proviennent ces fameuses diversités, et comment
il
se fait que l’Europe en ait tant, et même les multiplie comme à plais
789
pluralité des origines de notre civilisation. Et
elles
sont entretenues ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré de
790
foi, le guerrier germain qui se sent libre quand
il
touche son épée, le Celte romantique et magique, — et nous descendons
791
multiples et des valeurs souvent incompatibles qu’
elle
en a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine
792
l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’
il
n’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne fu
793
s produit seulement de l’anarchie et des guerres.
Il
a contraint les élites, et par elles la partie agissante des masses e
794
et des guerres. Il a contraint les élites, et par
elles
la partie agissante des masses européennes, à développer ce que je vo
795
s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche,
il
est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalem
796
llement en Europe. En revanche, il est évident qu’
elles
se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement exclues, par tout
797
rées par les civilisations du Proche-Orient. Mais
il
a été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont mo
798
pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’
il
a créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas
799
ilosophiques, mais aussi de nos sciences exactes.
Elle
développera dans nos élites intellectuelles le sens critique, au nom
800
». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre,
il
le veut exact à la ne virgule près, car autrement le pont cédera sous
801
n Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’
il
espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se
802
nt, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’
il
veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande
803
’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir.
Il
plaide, il marchande, il joue, pendant que nous vérifions une fois de
804
aire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide,
il
marchande, il joue, pendant que nous vérifions une fois de plus nos c
805
der, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande,
il
joue, pendant que nous vérifions une fois de plus nos calculs… Deuxiè
806
lture : le sens de la responsabilité personnelle.
Il
s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-
807
on destin sur la terre comme au ciel, destin dont
il
se croit ou se veut le maître, pour une part tout au moins — grande o
808
’Europe existe ! — mais décisive quant au sens qu’
il
donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en
809
qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’
elle
refuse la réalité du prochain. Et certes, cela ne signifie pas théori
810
culture européenne, c’est le sens de la liberté.
Il
est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilit
811
n’est vraiment libre que dans la seule mesure où
il
est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un h
812
ponsable de ses actes que dans la seule mesure où
ils
sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que
813
à doses variables dans notre idée de la liberté.
Il
n’est pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en
814
cile à définir, plus facile à nier en théorie, et
il
n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute n
815
, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’
il
prend soudain un sens précis, pour les meneurs nationalistes de ces p
816
st un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’
il
justifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme p
817
t surtout s’il justifie un élan de révolte contre
elle
, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en vale
818
ales de l’Europe, ce n’est pas seulement parce qu’
elles
permettent d’illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’e
819
ingue des autres cultures. C’est surtout parce qu’
elles
expliquent la plupart de nos créations. En effet, du sens de la vérit
820
hique de cette civilisation ? Je n’en crois rien.
Il
existe sur notre planète trois régions comparables du point de vue de
821
ation : ce sont la Chine, l’Inde et l’Europe. Or,
il
est évident que les mêmes pressions démographiques n’ont pas produit
822
maximum. Le dynamisme d’une culture proviendrait-
il
plutôt, si l’on en croit Toynbee, des défis auxquels elle se voit sou
823
tôt, si l’on en croit Toynbee, des défis auxquels
elle
se voit soumise ? S’il s’agit de défis extérieurs, je réponds non. Ca
824
nbee, des défis auxquels elle se voit soumise ? S’
il
s’agit de défis extérieurs, je réponds non. Car les invasions asiatiq
825
es Croisades ont été productives à cet égard ; or
elles
ne résultèrent pas d’un défi venu de l’extérieur, mais au contraire d
826
les techniques qui en dérivent jusqu’au point où
elles
permettent non seulement à l’homme de dominer la matière, mais à l’hu
827
les Européens qui ont inventé l’archéologie comme
ils
ont inventé l’ethnographie à partir de la découverte géographique du
828
e siècles et de continents que sont leurs musées,
ils
ont élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des
829
cette sociologie totale, ou planétaire, prépare,
elle
aussi, les voies de l’unité future du genre humain. Voilà ce que l’Eu
830
humain. Voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’
elle
offre désormais au monde entier. Or, toutes ces créations sont nées d
831
ces créations sont en expansion vers le monde, qu’
elles
appellent le monde, qu’elles s’en nourrissent, et que toutes, elles p
832
on vers le monde, qu’elles appellent le monde, qu’
elles
s’en nourrissent, et que toutes, elles préparent son unité après avoi
833
monde, qu’elles s’en nourrissent, et que toutes,
elles
préparent son unité après avoir exploré ses variétés. Je ne tenterai
834
e profonde des créations que je viens d’énumérer.
Il
y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je me bornerai donc à v
835
ntends la possibilité d’un genre humain qui, sans
elle
, n’eût jamais pris conscience de son unité virtuelle, ni des problème
836
dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’
ils
ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents men
837
mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont
il
nous faut tâcher d’évaluer les risques angoissants et les chances adm
838
uissance matérielle, nos produits en un mot. Mais
il
ne reçoit pas les valeurs, religieuses, éthiques et philosophiques, q
839
es permettraient de les maintenir en composition.
Il
retourne contre nous ces produits — tels que le nationalisme par exem
840
plement, notre psychologie et notre spiritualité.
Il
exige nos machines, mais refuse notre éthique du travail. Il veut que
841
s machines, mais refuse notre éthique du travail.
Il
veut que nous l’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal de l
842
d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’
elle
, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née d
843
e mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’
elle
d’animer la civilisation née de nos œuvres. Alors, que faire ? que de
844
, qui a inventé le monde dans la mesure exacte où
elle
a découvert le genre humain. Or le sort de l’Europe dépend de son uni
845
maintenant d’autres motifs, beaucoup plus vastes.
Il
nous faut faire l’Europe, parce qu’il faut faire le monde, et que l’E
846
lus vastes. Il nous faut faire l’Europe, parce qu’
il
faut faire le monde, et que l’Europe seule peut le faire, mais elle d
847
monde, et que l’Europe seule peut le faire, mais
elle
doit d’abord exister. Certains me diront, et une part de moi-même me
848
e salut, le sens de notre vie individuelle, n’est-
il
pas beaucoup plus important ? Question européenne par excellence. Mai
849
’humanité entière, embarquée pour la découverte d’
elle
ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du
850
our la découverte d’elle ne sait quel Eldorado, d’
elle
ne sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. Il ne
851
Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie.
Il
ne porte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’une catastrop
852
ale, mais des pionniers de l’aventure humaine. Et
il
évoque irrésistiblement le souvenir d’un autre moment de cette aventu
853
omb, au matin du départ à Palos de Moguer. Auront-
elles
la voilure, le tonnage nécessaire ? Ou bien ne faut-il pas nous deman
854
voilure, le tonnage nécessaire ? Ou bien ne faut-
il
pas nous demander, plutôt, si l’homme qui les conduit a la foi nécess
855
? Beaucoup hésitent encore à s’embarquer parce qu’
ils
doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de fa
856
s donc d’abord un Congrès — un congrès permanent,
il
est vrai, puisqu’il a tenu des réunions successivement dans plus de v
857
ngrès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’
il
a tenu des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur l
858
eur première conférence à Berlin, il y a dix ans,
ils
décidèrent de se grouper afin de créer ainsi, en cas d’urgence et au
859
et au service des libertés de l’esprit partout où
elles
sont attaquées, une certaine force de frappe, de protestation efficac
860
de frappe, de protestation efficace. Mais aussi,
ils
éprouvèrent le besoin de se grouper pour dialoguer et réfléchir ensem
861
é. Sur ce mot Liberté, je serai très bref bien qu’
il
soit le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’est pas quelque
862
n connues et localisées, contre les idéologies qu’
elles
voulaient imposer, et contre le défaitisme fataliste qui préparait le
863
iste qui préparait leur lit dans nos démocraties.
Il
nous fallait courir au plus pressé, secourir les persécutés accusés d
864
iennent pas seulement des régimes que vous savez.
Elles
viennent de la misère et de la faim pour une large partie de l’humani
865
t de la faim pour une large partie de l’humanité.
Elles
viennent aussi des formes de vie matérialistes que notre civilisation
866
es traditionnelles mal préparées à les assimiler.
Elles
viennent enfin, ces menaces contre la liberté, de la misère morale où
867
ici qu’intervient la Culture, ou, en tout cas, qu’
elle
doit et peut intervenir. Car la culture, c’est justement l’ensemble d
868
uer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’
il
approuve et dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’est que
869
le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont
il
comprend les symboles. Mais la sécurité n’est que la moitié de l’affa
870
seulement transmission mais critique et rupture s’
il
le faut ; qui n’est plus seulement tradition mais création, et qui n’
871
ngereux pour l’homme et pour sa liberté réelle, s’
ils
restent séparés, isolés l’un de l’autre. En revanche, équilibrées et
872
qui peut rendre un sens à l’existence humaine. Or
il
se trouve que la plupart des conférences et groupes d’études organisé
873
et démocratique. Pour que notre vie ait un sens,
il
faut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce temps des en
874
s hommes de ce temps des ensembles intelligibles.
Il
faut que nos activités humaines que nous avons spécialisées et séparé
875
je viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’
il
n’agit pas au niveau de la politique proprement dite, mais au niveau
876
sonne. La politique, nous n’y échapperons pas, et
il
est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous
877
le d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où
elle
nous cerne de toute part. Mais nous refusons d’accorder à la politiqu
878
ue lui donnent les totalitaires — tant qu’un jour
il
n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les
879
es traditionnelles mal préparées à les assimiler.
Elles
viennent enfin, ces menaces contre la liberté, de la misère morale où
880
ici qu’intervient la Culture, ou, en tout cas, qu’
elle
doit et peut intervenir. Vous avez lu et entendu depuis longtemps tan
881
uer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’
il
approuve et dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’est que
882
le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont
il
comprend les symboles. Mais la sécurité n’est que la moitié de l’affa
883
seulement transmission mais critique et rupture s’
il
le faut ; qui n’est plus seulement tradition mais création, et qui n’
884
ngereux pour l’homme et pour sa liberté réelle, s’
ils
restent séparés, isolés l’un de l’autre. En revanche, équilibrées et
885
qui peut rendre un sens à l’existence humaine. Or
il
se trouve que la plupart des conférences et groupes d’études organisé
886
et démocratique. Pour que notre vie ait un sens,
il
faut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce temps des en
887
s hommes de ce temps des ensembles intelligibles.
Il
faut que nos activités humaines que nous avons spécialisées et séparé
888
n déduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’
il
est devenu depuis dix ans, s’élargissant progressivement aux dimensio
889
e tous côtés : Êtes-vous un mouvement politique ?
Il
me semble que le commentaire que je viens de vous donner de nos buts
890
je viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’
il
n’agit pas au niveau de la politique proprement dite, mais au niveau
891
sonne. La politique, nous n’y échapperons pas, et
il
est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où elle nous
892
le d’insister sur ce fait, ici, dans ce Berlin où
elle
nous cerne de toutes parts. Mais nous refusons d’accorder à la politi
893
que lui donnent les totalitaires, tant qu’un jour
il
n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les
894
lonté et à notre foi. Et alors, la liberté serait-
elle
du nombre de ces fins dernières, serait-elle à son tour un absolu ? N
895
rait-elle du nombre de ces fins dernières, serait-
elle
à son tour un absolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit à no
896
ait-elle à son tour un absolu ? Non, certes, mais
elle
seule nous conduit à nos fins. Car la liberté se concrétise dans l’au
897
C’est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’
il
m’est arrivé bien souvent d’entendre prononcer la phrase suivante : «
898
inent. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’
elle
ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou
899
les deux propositions contradictoires que voici.
Ils
affirment primo : qu’il n’y a pas de culture européenne commune, mais
900
ntradictoires que voici. Ils affirment primo : qu’
il
n’y a pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures
901
is seulement des cultures nationales, car, disent-
ils
, les Allemands et les Français, ou les Scandinaves et les Italiens, p
902
ts entre eux pour former une unité quelconque. Et
ils
affirment secundo : qu’il ne saurait y avoir de culture spécifiquemen
903
e unité quelconque. Et ils affirment secundo : qu’
il
ne saurait y avoir de culture spécifiquement européenne, car, disent-
904
de culture spécifiquement européenne, car, disent-
ils
encore, toute vraie culture est universelle par définition, et nos pr
905
d’un myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (
Il
est d’autant plus curieux de les trouver souvent réunies chez un même
906
ori, l’originalité de notre culture et le fait qu’
elle
nous est commune du Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie,
907
s citée et publiée depuis : L’Européen ne serait-
il
pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesure
908
anifeste comme Européen dans la mesure précise où
il
doute qu’il le soit et prétend au contraire s’identifier soit avec l’
909
me Européen dans la mesure précise où il doute qu’
il
le soit et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme univer
910
une seule nation du grand complexe européen, dont
il
révèle ainsi qu’il fait partie par le seul fait qu’il le conteste ?
911
grand complexe européen, dont il révèle ainsi qu’
il
fait partie par le seul fait qu’il le conteste ? C’est donc dans le
912
évèle ainsi qu’il fait partie par le seul fait qu’
il
le conteste ? C’est donc dans le fait de notre exceptionnelle divers
913
e) serviront d’exemples pour la deuxième formule.
Il
suffira, je crois, de ces brèves indications, pour faire bien voir qu
914
e, que dans le libre jeu de ses diversités. Mais
il
est temps de nous demander d’où proviennent ces fameuses diversités,
915
ù proviennent ces fameuses diversités, et comment
il
se fait que l’Europe en ait tant et même les multiplie comme à plaisi
916
pluralité des origines de notre civilisation ; et
elles
sont entretenues ou renouvelées sans cesse par notre refus déclaré de
917
foi, le guerrier germain qui se sent libre quand
il
touche son épée, le Celte romantique et magique — et nous descendons
918
ultiples, et des valeurs souvent incompatibles qu’
elle
en a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine
919
l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’
il
n’en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne fu
920
s produit seulement de l’anarchie et des guerres.
Il
a contraint les élites, et par elles la partie agissante des masses e
921
et des guerres. Il a contraint les élites, et par
elles
la partie agissante des masses européennes, à développer ce que je vo
922
s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche,
il
est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalem
923
llement en Europe. En revanche, il est évident qu’
elles
se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement exclues, par tout
924
rées par les civilisations du Proche-Orient. Mais
il
a été fortement développé par la théodicée chrétienne, comme l’ont mo
925
pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’
il
a créé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas
926
ilosophiques, mais aussi de nos sciences exactes.
Elle
développera dans nos élites intellectuelles le sens critique, au nom
927
». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre,
il
le veut exact à la nième virgule près, car autrement le pont cédera s
928
n Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’
il
espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se
929
nt, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’
il
veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande
930
’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir.
Il
plaide, il marchande, il joue, pendant que nous vérifions une fois de
931
aire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide,
il
marchande, il joue, pendant que nous vérifions une fois de plus nos c
932
der, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande,
il
joue, pendant que nous vérifions une fois de plus nos calculs… Deuxiè
933
lture : le sens de la responsabilité personnelle.
Il
s’enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-
934
on destin sur la terre comme au ciel, destin dont
il
se croit ou se veut le maître, pour une part tout au moins, grande ou
935
e l’Europe existe — mais décisive pour le sens qu’
il
donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en
936
qui exclut comme illusoire la solidarité, puisqu’
elle
refuse la réalité du prochain. Et certes, cela ne signifie pas théori
937
culture européenne, c’est le sens de la liberté.
Il
est clair que ce sens est étroitement lié à celui de la responsabilit
938
n’est vraiment libre que dans la seule mesure où
il
est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un h
939
ponsable de ses actes que dans la seule mesure où
ils
sont faits librement. Notre sens de la liberté est aussi complexe que
940
à doses variables dans notre idée de la liberté.
Il
n’est pas de concept plus difficile à définir, ni plus facile à nier
941
e à définir, ni plus facile à nier en théorie, et
il
n’est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute n
942
rdinales, paraîtront peut-être un peu abstraites.
Il
est temps que je les illustre. Au lieu d’expliquer laborieusement les
943
les techniques qui en dérivent jusqu’au point où
elles
permettent non seulement à l’homme de dominer la matière, mais à l’hu
944
es Européens qui ont inventé l’archéologie, comme
ils
ont inventé l’ethnographie à partir de la découverte géographique du
945
sations prodigieuses de siècles et de continents,
ils
ont élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des
946
et cette sociologie totale ou planétaire, prépare
elle
aussi les voies de l’unité future du genre humain. Sciences, physique
947
ons ! — voilà ce que l’Europe a créé, voilà ce qu’
elle
offre désormais au monde entier. Or toutes ces créations sont nées de
948
es ces créations sont en expansion vers le monde,
elles
appellent le monde, elles s’en nourrissent, et toutes, elles préparen
949
xpansion vers le monde, elles appellent le monde,
elles
s’en nourrissent, et toutes, elles préparent son unité après avoir ex
950
lent le monde, elles s’en nourrissent, et toutes,
elles
préparent son unité après avoir exploré ses variétés. Je n’essaierai
951
es créations européennes que je viens d’énumérer.
Il
y faudrait tout un livre, et il se trouve que je l’ai déjà écrit. Je
952
viens d’énumérer. Il y faudrait tout un livre, et
il
se trouve que je l’ai déjà écrit. Je me bornerai donc à rappeler, mai
953
’Europe et de son histoire, et voici que pourtant
elle
crée le monde, elle crée la possibilité d’un genre humain qui, sans e
954
stoire, et voici que pourtant elle crée le monde,
elle
crée la possibilité d’un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pr
955
e crée la possibilité d’un genre humain qui, sans
elle
, n’eût jamais pris conscience de son existence virtuelle, ni des prob
956
dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même qu’
ils
ont suscité. Et Dieu sait de quelle manière les autres continents men
957
mondiale. Moment dramatique et passionnant, dont
il
nous faut tâcher d’évaluer les risques angoissants et les chances adm
958
uissance matérielle, nos produits en un mot. Mais
il
ne reçoit pas les valeurs religieuses, éthiques et philosophiques, qu
959
es permettraient de les maintenir en composition.
Il
retourne contre nous ces produits — tels que le nationalisme par exem
960
plement, notre psychologie et notre spiritualité.
Il
exige nos machines, mais refuse ou ignore notre éthique de travail. I
961
, mais refuse ou ignore notre éthique de travail.
Il
veut que nous l’aidions à mieux vivre, mais dédaigne notre idéal de l
962
d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’
elle
, ou qui soit susceptible mieux qu’elle d’animer la civilisation née d
963
e mieux qu’elle, ou qui soit susceptible mieux qu’
elle
d’animer la civilisation née de nos œuvres. Alors, que faire ? Que de
964
, qui a inventé le monde dans la mesure exacte où
elle
a découvert le genre humain. Et le sort de l’Europe dépend de son uni
965
maintenant d’autres motifs, beaucoup plus vastes.
Il
nous faut faire l’Europe, parce qu’il faut faire le monde, et que l’E
966
lus vastes. Il nous faut faire l’Europe, parce qu’
il
faut faire le monde, et que l’Europe seule peut le faire. Or, elle do
967
e monde, et que l’Europe seule peut le faire. Or,
elle
doit d’abord exister. Mais on me dira, et une part de moi-même me dit
968
e salut, le sens de notre vie individuelle, n’est-
il
pas beaucoup plus important ? Question européenne par excellence. Mai
969
’humanité entière, embarquée pour la découverte d’
elle
ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du
970
our la découverte d’elle ne sait quel Eldorado, d’
elle
ne sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. Ceci
971
omb, au matin du départ à Palos de Moguer. Auront-
elles
le tonnage, la voilure nécessaires ? Ou bien ne faut-il pas nous dema
972
tonnage, la voilure nécessaires ? Ou bien ne faut-
il
pas nous demander, plutôt, si l’homme qui les conduit a la foi nécess
973
es lecteurs hésitent à me donner raison, parce qu’
ils
doutent de l’avenir prochain de notre Europe, et de son pouvoir de fa
974
e premier rang dans le monde pendant des siècles,
elle
l’a dû à sa faculté de créer des valeurs morales, des structures de l
975
re fiers d’une telle culture. Cependant, que font-
ils
aujourd’hui non seulement pour la conserver, mais encore et surtout,
976
du xxe siècle né de leurs propres œuvres ? Quand
il
s’agit de financer un projet culturel, un institut nouveau, des reche
977
t bien accepter la présidence de la Fondation, et
il
n’a cessé de l’exercer effectivement depuis lors. Pour faciliter les
978
sembler les fonds qui lui avaient été promis. Car
elle
ne disposait pas, comme les fondations américaines, d’un capital init
979
les fonds viennent à qui sait entreprendre, et qu’
ils
seraient donc trouvés dans la mesure même où les activités paraîtraie
980
éunion des gouverneurs à Genève, le 16 mars 1957,
il
fut convenu que la Fondation établirait son siège d’opérations à Amst
981
es institutions culturelles existantes. Dès 1960,
elle
compte répartir entre ses membres des subventions et des bourses pour
982
notre Fondation atteint ainsi, en 1960, le but qu’
elle
s’était fixé au départ, ce succès se trouvera coïncider fort heureuse
983
s soins de Joseph Bédier : Seigneurs, vous plaît-
il
d’entendre un beau conte d’amour et de mort ? Seigneurs et dames ici
984
cientifique, et sérieuse aux yeux des confrères :
ils
ont permis à l’Occident moderne de reprendre conscience d’une de ses
985
r œuvre en une seule expression, moins pédante qu’
elle
ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan, c’est l’étymol
986
tre le mot primitif et les mots dérivés. De plus,
elles
donnent de la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de
987
nt de la justesse dans le choix de l’expression.
Il
me plaît de traduire cette belle définition dans les termes de notre
988
dans nos littératures et dans nos vies. De plus,
elles
donnent de la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens,
989
nt bien autre chose qu’un thème romanesque, — fût-
il
même le thème exemplaire, l’archétype de tous les romans vraiment dig
990
hétype de tous les romans vraiment dignes du nom.
Ils
sont comme les premières apparitions, comme les épiphanies quasi sacr
991
public une justification de l’usage personnel qu’
il
en fait. Un mythe, au sens où je l’entends, c’est une histoire, génér
992
rigueur en formules de biochimie. De quoi s’agit-
il
donc ici ? Entre le corps et l’intellect, la tradition distingue une
993
ieux de l’éloquence classique de la chaire, quand
elle
parle du « salut des âmes », ou « d’immortalité de l’âme ». Je prends
994
celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’
elle
tienne aux deux, c’est l’évidence, mais qui est bien plutôt celle du
995
ce de l’âme. Or c’est dans le mythe de Tristan qu’
il
a trouvé son expression la plus totale, délicieuse et tragique à la f
996
cieuse et tragique à la fois. C’est à ce mythe qu’
il
doit, depuis le xiie siècle, et dans nos sociétés occidentales, son
997
pouvoirs, mais aussi dans l’erreur innombrable qu’
il
suscite ou qu’il entretient au niveau de l’existence banale. Tristan,
998
ssi dans l’erreur innombrable qu’il suscite ou qu’
il
entretient au niveau de l’existence banale. Tristan, c’est tout d’abo
999
oujours fuyante mais en fuite vers la hauteur, où
elle
entraîne l’amant ravi. Vous avez reconnu la conclusion gnostique du S
1000
the de Tristan élève ainsi devant nos yeux, ce qu’
il
illustre en sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’amour,
1001
’âme ouverte sur l’esprit, libérée des corps dont
elle
vient, et survolant les irritantes vicissitudes de notre incarnation
1002
essible. Mais la réalité est lourdement présente.
Elle
ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce
1003
l’amour. Le mari, lui, a partagé la vie d’Iseut.
Il
reste seul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe, il est perdant
1004
seul vivant, mais sans amour. Aux yeux du mythe,
il
est perdant. À ce premier aspect de notre légende : l’amour-passion t
1005
e du mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne serait-
elle
que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser que les pouv
1006
le que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-
il
penser que les pouvoirs du mythe sont épuisés et que nous serons peut
1007
nde primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’
il
était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme el
1008
é, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-
il
conclure que c’est l’âme elle-même, la fonction émotive, dans l’homme
1009
et la science, et une dose de psychanalyse, vont-
elles
exorciser la société future, évacuant les dernières passions ? Une an
1010
ours des siècles, inclinerait à cette conclusion.
Elle
consisterait à montrer la dégradation continue et, semble-t-il, irrév
1011
it à montrer la dégradation continue et, semble-t-
il
, irréversible, des obstacles opposés à la passion. Or on sait que la
1012
es, naturels ou sacrés, coutumiers ou légaux ; qu’
elle
s’en nourrit et même les invente au besoin. Sans les obstacles accumu
1013
age d’Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —,
il
n’y aurait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc p
1014
n’y aurait pas de roman, ni de passion mortelle,
il
n’y aurait donc pas eu de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi
1015
provoquer celle-ci par ses refus intransigeants,
il
prétend se fonder sur l’amour-sentiment, succédané édulcoré, achevant
1016
ndements. La passion se fait rare de nos jours, s’
il
faut en croire nos romanciers. Ils savent bien que le roman véritable
1017
de nos jours, s’il faut en croire nos romanciers.
Ils
savent bien que le roman véritable n’est jamais qu’une version renouv
1018
on renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut.
Ils
cherchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’en trouvent guère
1019
t de la passion. Que deviendront nos romanciers ?
Il
leur reste le réalisme, le regard pseudo-scientifique détaillant des
1020
re. Ou bien encore, et ce serait mieux, je crois,
il
leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Tristan : la su
1021
mourir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’
il
est vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre
1022
oisis, et que notre culture tend à les supprimer,
il
reste un obstacle suprême, celui-là justement dont triomphe la passio
1023
dé à nos sciences, ou c’est tout comme. Qu’en est-
il
du dernier barrage que notre condition d’êtres finis oppose à notre a
1024
l’Amour même ? Si la passion vit de séparations,
il
est bien clair que la séparation la plus irrémédiable est dans la mor
1025
, les amants légendaires sont entrés, nous disent-
ils
, dans les voies d’une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de l
1026
qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car
ils
ont beu leur destruction et leur mort ». Certes, c’est vrai pour leur
1027
’est vrai pour leur existence dans ce monde, mais
ils
ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la part immortelle que
1028
n plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’
il
me donne l’audace de négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier au
1029
t. Et Wagner, le dernier auteur de la légende qu’
il
a su recréer d’après nature, s’inspirant de Gottfried de Strasbourg,
1030
rizon de la mort est l’ultime sens du mythe. Mais
il
faut croire aux anges pour y croire. Selon la mythologie de l’ancien
1031
ois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t-
elle
point cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et
1032
étienne de l’amour du prochain ne s’en trouverait-
elle
pas éclairée, à son tour ? Aimer le prochain « comme soi-même » suppo
1033
laquelle on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’«
il
faut être deux pour aimer », comme dit la sagesse populaire. Aimer vr
1034
de l’homme ne peut nous être ici d’aucun secours.
Il
faut aimer, pour le comprendre et rapporter l’amour à ses fins spirit
1035
s. Et ce n’est pas seulement de la littérature qu’
ils
ont bien mérité, mais de l’âme. aa. Rougemont Denis de, « Tristan
1036
b. Précédé de la note suivante : « Le fauteuil où
il
est élu n’ayant jamais eu de titulaire depuis la fondation de l’Acadé
1037
ait pas à rappeler le souvenir d’un prédécesseur.
Il
lui fut donc loisible d’y indiquer d’intéressantes théories sur le ro
1038
Delbouille qui avait traité le même thème. Quand
elle
eut appris que tel était le dessein des deux orateurs, l’Académie s’a
1039
uisse n’a donné au monde que la pendule à coucou.
Il
entendait que la Suisse n’a pas produit de grands hommes, comme l’Ita
1040
-Unis Orson Welles. Sa boutade est moins sotte qu’
elle
n’en a l’air. Trois raisons l’excusent à mes yeux, sans la justifier
1041
x, sans la justifier pour autant. Et tout d’abord
il
faut bien constater que dans la petite phrase incriminée, la plupart
1042
s compatriotes ne voient pas malice, persuadés qu’
ils
sont que l’horlogerie suisse donne l’heure au monde entier et ne crai
1043
ne l’heure au monde entier et ne craint personne.
Il
faut admettre ensuite que notre aurea mediocritas saute aux yeux du p
1044
dotés d’une bonne culture moyenne. Et finalement,
il
faut avouer que le statut du « grand homme » en Suisse, en vertu de l
1045
sible. Comment veut-on qu’un étranger le voit ? S’
il
vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’il connaît par sa réputat
1046
S’il vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’
il
connaît par sa réputation mondiale, pas une personne sur mille, prise
1047
vre entier : imaginons du moins son argument. ⁂ S’
il
me fallait décrire la Suisse en une seule phrase, comme il arrive que
1048
lait décrire la Suisse en une seule phrase, comme
il
arrive que des touristes l’exigent, je dirais : un pays de petits com
1049
en une demi-heure, parfois en deux minutes comme
il
arrive quand on traverse le tunnel de Chexbres : la vue se ferme sur
1050
i bien que l’homme de poids y sera surtout local.
Il
sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’u
1051
and musicien, un grand poète ou un grand peintre,
il
faut un milieu, une école, un public excité, un snobisme ou une cour,
1052
ue fera l’homme de talent, d’ambition, de génie ?
Il
ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter de se rendre utile, ou
1053
la Suisse : Pays de gens moyens, oui. Mais quand
ils
réussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils at
1054
se dégager de leur canton — alors pas de milieu,
ils
atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, d
1055
ège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’
il
monte sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition d
1056
vant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques.
Il
s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autr
1057
lle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël.
Il
s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canto
1058
est bien dit et bien vu, mais le Français ne fait-
il
pas trop belle la part des Suisses dans la culture humaine, tandis qu
1059
ndis que notre Américain la réduisait au joujou ?
Il
est vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment nat
1060
me : un ou deux exceptés (et cela se discuterait)
ils
furent tous, à des titres divers, des hommes utiles, des penseurs eng
1061
optée par l’URSS et de là, transplantée en Chine,
elle
est devenue, au cours de ces dernières années, non seulement l’idéal,
1062
alifiés. L’URSS est peut-être la seule exception.
Il
en résulte qu’on propose un peu partout d’orienter les études, dès l’
1063
la technique ne saurait faire de vrais progrès si
elle
se coupe de la culture. Je pense donc que l’opposition entre la cultu
1064
peu de temps. Pour établir cette thèse centrale,
il
faudrait des volumes et toute une vie de recherches. Je vais devoir m
1065
très typiques d’inventions techniques décisives.
Elles
dépendent, non point des « lois de l’économie » dont parlaient Marx e
1066
ons de notre culture. Pourquoi l’homme fabrique-t-
il
des outils ? Quels sont donc les motifs profonds de la technique ? To
1067
umains. L’homme primitif crée des outils parce qu’
il
joue avec les démons cachés dans le feu ou dans la pierre, dans l’eau
1068
l’animal, dans ses songes et ses rêves éveillés.
Il
exorcise prudemment la Nature peuplée de dieux ou de malicieux lutins
1069
dieux ou de malicieux lutins. L’homme moderne est-
il
très différent ? Prenons quelques exemples de ses inventions techniqu
1070
s scientifiques, cherchait à construire, nous dit-
il
, une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi
1071
ntiel et intégral et la philosophie de la Nature,
il
prit le temps d’imaginer les plans d’une machine nouvelle, qui devint
1072
t du xviiie siècle était des plus rudimentaire :
il
fallait qu’un surveillant introduise de temps à autre un jet d’eau fr
1073
oide, rendant ainsi le processus automatique ; et
il
fit cela, nous disent les récits de l’époque, afin de pouvoir aller j
1074
s matériels, pourquoi ferait-on de la publicité ?
Il
n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, l’explication utilitaire ou écon
1075
ittèrent la Terre. Mais vous êtes tous témoins qu’
il
n’en est rien. C’est la nature de nos rêves constants qui détermine n
1076
niques. Mais nos rêves à leur tour, d’où viennent-
ils
? Ils expriment nos croyances autant que nos instincts, les interdits
1077
. Mais nos rêves à leur tour, d’où viennent-ils ?
Ils
expriment nos croyances autant que nos instincts, les interdits socia
1078
s sciences et la littérature. C’est évident. Mais
il
ne faut pas oublier qu’ils se nourrissent en retour de la culture : n
1079
re. C’est évident. Mais il ne faut pas oublier qu’
ils
se nourrissent en retour de la culture : nos lectures, les tableaux q
1080
que nous aurions à subir, mais bien au contraire,
elle
exprime des vœux profonds dont nous sommes responsables. Il en résult
1081
des vœux profonds dont nous sommes responsables.
Il
en résulte que la culture et la technique ne sauraient être opposées
1082
auraient être opposées dans leurs sources, puisqu’
elles
procèdent de nos mêmes rêves fondamentaux. Cette thèse présente l’av
1083
les robots, les cerveaux électroniques. Que faut-
il
donc penser de cette longue plainte qui fut mise à la mode par Bergso
1084
vases de Chine. Si on laisse la bombe tranquille,
elle
ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’o
1085
bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair.
Elle
se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’his
1086
Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’
il
nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’est pas d’invention, s
1087
e qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme.
Il
n’est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne p
1088
pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-
elle
, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de l’hom
1089
on rythme, devient au contraire libérateur dès qu’
il
est poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’être servi, mais
1090
érateur dès qu’il est poussé jusqu’au bout, et qu’
il
n’a plus besoin d’être servi, mais seulement surveillé par l’homme. M
1091
et privée du même coup du droit de se plaindre qu’
elle
n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous ne confondrons pas l
1092
travail, c’est même le vrai travail humain. Mais
il
est clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la c
1093
ugmenté, la consommation de la culture augmentera
elle
aussi, et que par suite, les conditions du producteur de la culture s
1094
ivement plus importants que le travail routinier.
Il
en résultera que la culture deviendra le sérieux de la vie. Je résume
1095
techniciens. Deux exemples : la France déclare qu’
elle
manque dès aujourd’hui d’environ cinquante mille techniciens et ingén
1096
mille techniciens et ingénieurs. Quant à l’URSS,
elle
subordonne toute son éducation scolaire et universitaire à la seule f
1097
r laquelle est assise notre puissance technique ;
elle
se nomme culture générale. Les plus grands inventeurs de tous les tem
1098
s politiquement disciplinées, ou même d’écoles où
ils
n’auraient reçu qu’une instruction purement technique. L’ère nouvelle
1099
enseignement à leur seule formation spécialisée,
il
en résultera 1° que nous aurons moins de grands inventeurs et 2° que
1100
théoriquement la culture et la technique comme s’
il
s’agissait de deux entités indépendantes et au surplus rivales. Nous
1101
vu que leurs sources créatrices sont communes, qu’
elles
jaillissent du même fonds et s’alimentent aux mêmes nappes profondes
1102
mbre de ces amateurs est en même temps multiplié.
Il
en va de même pour les pièces de théâtre, grâce à la radio, pour les
1103
ociété a besoin d’innombrables techniciens, et qu’
il
s’agit de les former d’urgence aux dépens des humanités et de la cult
1104
RSS a décidé de sacrifier la culture générale, et
elle
a produit les Spoutniks. Je crains pour elle que ses premiers succès
1105
, et elle a produit les Spoutniks. Je crains pour
elle
que ses premiers succès ne l’aveuglent et que sa politique éducative
1106
que sa politique éducative ne soit à courte vue ;
elle
repose en effet sur l’idée que la formation technique exclusive favor
1107
ens qui ont réalisé la fission de l’atome comment
il
travaillait à cette époque. Il me décrivit en détail ses méthodes, et
1108
de l’atome comment il travaillait à cette époque.
Il
me décrivit en détail ses méthodes, et il conclut : « Vous voyez, not
1109
époque. Il me décrivit en détail ses méthodes, et
il
conclut : « Vous voyez, notre activité réelle, c’est un mélange de po
1110
asses, à la stagnation, ou à des monstruosités. S’
il
nous faut davantage de techniciens et de chercheurs scientifiques, il
1111
ge de techniciens et de chercheurs scientifiques,
il
nous faut donc davantage de culture générale, et non pas moins, et se
1112
d’emploi, et nos remèdes deviendront des poisons.
Il
est donc temps, pour nous Occidentaux, d’adjoindre à l’assistance tec
1113
clusion : L’économie occidentale qui sait bien qu’
elle
dépend de la technique, doit comprendre aussi que la technique dépend
1114
que la technique dépend de la culture créatrice.
Il
est vital pour l’avenir de l’économie en Occident, de soutenir la cul
1115
voudrais appeler l’indice de l’équilibre humain.
Il
appartient à la culture de concevoir cet équilibre, d’en formuler les
1116
z souple pour servir de modèle à tous les hommes.
Il
appartient donc conjointement à la culture et à l’économie, qui trouv
1117
emise, vint s’asseoir à côté de moi sur le tapis.
Il
arrivait tout droit de la rédaction de Combat et voulait savoir son a
1118
ns beaucoup à faire ensemble. Deux ans plus tard,
il
devenait mon collaborateur le plus actif et imaginatif au Centre euro
1119
if au Centre européen de la culture, à Genève, qu’
il
ne devait quitter qu’un an avant sa mort. Je parlerai de sa personne.
1120
n an avant sa mort. Je parlerai de sa personne. ⁂
Il
était alsacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’une famille
1121
e sang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle.
Il
avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour Suisse, ou Chilie
1122
ourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une Anglaise.
Il
rêvait d’être un jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, F
1123
langage, d’impeccable ordonnance intellectuelle.
Il
excellait en tout et passait au-delà, avec cette « casual brilliance
1124
, titulaire d’une émission française de la BBC qu’
il
rendit rapidement fameuse, finalement animateur et conseiller d’organ
1125
sations européennes et internationales auxquelles
il
prêtait le rayonnement d’une culture exceptionnellement étendue, d’un
1126
eilleur des qualités germaniques et françaises, —
il
semblait toujours que tout cela devait le conduire ailleurs, le prépa
1127
t… Rejoignant enfin sa vraie vocation, peut-être,
il
venait de donner les témoignages d’une soudaine maîtrise poétique, d’
1128
nt réaliste et religieux. Puis, une fois de plus,
il
est passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un
1129
plus, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’
il
avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines av
1130
taque, suivie d’une opération au cerveau. Fallait-
il
vraiment, écrivait-il alors, être « nettoyé » par cette maladie morte
1131
ération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-
il
alors, être « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’un « nou
1132
die mortelle, en vue d’un « nouveau travail » ? ⁂
Il
n’aimait pas les discussions métaphysiques ni qu’on lui demandât ce q
1133
ussions métaphysiques ni qu’on lui demandât ce qu’
il
croyait. D’une thèse ou d’un point de vue qu’on le pressait d’adopter
1134
n le pressait d’adopter, de fonder ou de réfuter,
il
disait, coupant court, et comme en aparté : « Ceci n’est pas conforme
1135
pas conforme à ma théologie. » Et l’on sentait qu’
il
s’agissait en lui non pas d’une objection logique ou de doctrine, mai
1136
tait celui d’un absolu monothéisme, au nom duquel
il
récusait toutes les constructions dogmatiques — saint Thomas, Calvin
1137
ar le nihilisme ou simplement par la révolte. Car
il
croyait que notre incohérence aveugle avait un sens ailleurs, heureux
1138
désirs et décisions évoluaient à ses yeux, comme
il
aimait à dire : « dans la confusion générale ». Tel étant de toute év
1139
». Tel étant de toute évidence le train du monde,
il
fallait naviguer dans la vie d’un signe à l’autre, guidé par la seule
1140
me et des conditions élémentaires d’une carrière.
Il
avait de lui-même et du monde une idée telle que les soucis multiplié
1141
ie quotidienne mal ordonnée, et les besognes dont
il
s’acquittait pour s’en tirer ne l’atteignaient pas, quoique l’empêcha
1142
quoique l’empêchant, hélas ! d’écrire son œuvre.
Il
avait été Roi dans une autre existence, il le savait absolument ; il
1143
œuvre. Il avait été Roi dans une autre existence,
il
le savait absolument ; il pouvait être dans cette vie reporter et boh
1144
ns une autre existence, il le savait absolument ;
il
pouvait être dans cette vie reporter et bohème, romancier ou poète, —
1145
tte vie reporter et bohème, romancier ou poète, —
il
voulut même, un temps, devenir banquier, et riche. L’insignifiance fo
1146
ouvoir apparent passait parfois dans ses propos. (
Il
eût fait un fort bel empereur romain-germanique et d’expression franç
1147
permettaient de donner le change au premier venu.
Il
protégeait en lui le grand poète qu’il se sentait devenir dans « le t
1148
mier venu. Il protégeait en lui le grand poète qu’
il
se sentait devenir dans « le temps saugrenu » de la vie brève, et qu’
1149
dans « le temps saugrenu » de la vie brève, et qu’
il
deviendra parmi nous, pour quelques-uns, dans le temps signifiant de
1150
e sang slave et possédant la bourgeoisie de Bâle.
Il
avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour suisse ou chilien
1151
ourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une Anglaise.
Il
rêvait d’être un jour suisse ou chilien peut-être. Avant tout cela, F
1152
langage, d’impeccable ordonnance intellectuelle.
Il
excellait en tout et passait au-delà, avec cette « brillante désinvol
1153
, titulaire d’une émission française de la BBC qu’
il
rendit rapidement fameuse, finalement animateur et conseiller d’organ
1154
sations européennes et internationales auxquelles
il
prêtait le rayonnement d’une culture exceptionnellement étendue, d’un
1155
meilleur des qualités germaniques et françaises,
il
semblait toujours que tout cela devait le conduire ailleurs, le prépa
1156
t… Rejoignant enfin sa vraie vocation, peut-être,
il
venait de donner les témoignages d’une soudaine maîtrise poétique, d’
1157
nt réaliste et religieux. Puis, une fois de plus,
il
est passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un
1158
plus, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’
il
avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines av
1159
taque, suivie d’une opération au cerveau. Fallait-
il
vraiment, écrivait-il alors, être « nettoyé » par cette maladie morte
1160
ération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-
il
alors, être « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’un « nou
1161
1509 à Noyon, d’une famille de bourgeoisie aisée.
Il
reçoit une bonne instruction générale, puis va à Paris étudier la thé
1162
étudier le droit. Quand son père meurt, en 1531,
il
réalise sa part d’héritage, vend ses bénéfices, et ne s’occupe plus q
1163
s bénéfices, et ne s’occupe plus que de religion.
Il
prêche. Il doit s’enfuir à Nérac auprès de la reine de Navarre, puis
1164
, et ne s’occupe plus que de religion. Il prêche.
Il
doit s’enfuir à Nérac auprès de la reine de Navarre, puis à Bâle, où
1165
ac auprès de la reine de Navarre, puis à Bâle, où
il
écrit L’Institution chrétienne qu’il publie en 1536. Après un séjour
1166
s à Bâle, où il écrit L’Institution chrétienne qu’
il
publie en 1536. Après un séjour à Ferrare, il est retenu à Genève par
1167
qu’il publie en 1536. Après un séjour à Ferrare,
il
est retenu à Genève par Guillaume Farel et invité à y organiser l’Égl
1168
gistrats en 1538, Calvin s’en va à Strasbourg, où
il
se marie. Rappelé à Genève en 1540, il y reste jusqu’à sa mort, qui s
1169
sbourg, où il se marie. Rappelé à Genève en 1540,
il
y reste jusqu’à sa mort, qui survient le 27 mai 1564. Œuvres. Christ
1170
t manifeste39 que « l’écrivain, dans la mesure où
il
s’occupe des vicissitudes de l’époque et tente de s’y mêler — de les
1171
d’écrivain », alors Calvin n’est pas un écrivain.
Il
a créé un style et un vocabulaire, et la langue des idées en France,
1172
poque, et diriger les hommes à leur fin de salut.
Il
n’a écrit que pour mieux faire comprendre l’Écriture, parlé que pour
1173
ini. Les manuels ont beau dire, je ne vois pas qu’
il
ait eu la moindre « influence » vérifiable sur la littérature françai
1174
jours par « la littérature » dans les milieux où
elle
se crée et se cultive pour elle-même, se définit précisément comme qu
1175
ages de décrire par le terme d’engagement, — dont
il
semble qu’on ait abusé — s’origine sans nul doute chez Calvin et n’a
1176
er est aussi gras et sanguin que Thomas d’Aquin —
il
ne séduit que par la démesure d’une inflexible discipline intime. Rie
1177
estinait à la science des lois, pour la raison qu’
elle
enrichit ceux qui la suivent, nous dit-il. Dieu toutefois me fit tou
1178
on qu’elle enrichit ceux qui la suivent, nous dit-
il
. Dieu toutefois me fit tourner bride… Ayant donc reçu quelque goût e
1179
it tournoyer par divers changements que toutefois
il
ne m’a jamais laissé de repos en lieu quelconque jusques à ce que, ma
1180
quelconque jusques à ce que, malgré mon naturel,
il
m’a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit. L’aventur
1181
sous peine de mort d’imprimer aucun livre quel qu’
il
soit. Calvin qui fuit de ville en ville arrive à Bâle, pour y vivre c
1182
e la défense des « saints martyrs », de peur, dit-
il
, qu’en se taisant il ne se montre lâche et déloyal. C’est ainsi qu’il
1183
ints martyrs », de peur, dit-il, qu’en se taisant
il
ne se montre lâche et déloyal. C’est ainsi qu’il rédige en latin, de
1184
il ne se montre lâche et déloyal. C’est ainsi qu’
il
rédige en latin, de mars à août, les cinq-cent-vingt pages de sa prem
1185
en français l’épître liminaire au roi de France.
Il
a vingt-cinq ans. Il vient d’élaborer en quelques mois, — « dans des
1186
liminaire au roi de France. Il a vingt-cinq ans.
Il
vient d’élaborer en quelques mois, — « dans des veilles mémorables, c
1187
urs de notre histoire occidentale. Et de nouveau,
il
fuit devant l’éclat que fait dans le monde ce « petit livret », comme
1188
que fait dans le monde ce « petit livret », comme
il
l’appelle. Passant à Genève par hasard, il comptait n’y rester qu’une
1189
comme il l’appelle. Passant à Genève par hasard,
il
comptait n’y rester qu’une nuit. Mais là, « maître Guillaume Farel me
1190
aix de ses études, maudite par les cris de Farel.
Il
n’accepte pourtant qu’une charge de docteur, et commence à « dresser
1191
ses formes. Bientôt, une sédition le chasse. Peut-
il
se croire « en liberté et quitte de sa vocation » ? Déjà Bucer exige
1192
ent le pasteur de la première Église réformée, et
il
la dote d’une liturgie, qu’il met en vers pour être mieux chantée. Tr
1193
Église réformée, et il la dote d’une liturgie, qu’
il
met en vers pour être mieux chantée. Trois ans s’écoulent et sa pensé
1194
xercé depuis ce temps-là, et par quelles épreuves
il
m’a examiné, ce serait une longue histoire. » Semblable au roi David
1195
; comme aussi ses défauts, à notre goût du jour.
Il
est moins séduisant qu’impérieux, moins impérieux pourtant que contra
1196
le mouvement pressant et familier des Sermons qu’
il
prononce chaque jour à la cathédrale de Saint-Pierre. Rien n’est plus
1197
rme, conduisant vers un but si fortement conçu qu’
il
semble que jamais le moindre doute frivole n’ait fait broncher l’espr
1198
s spirituel — parlant dans une ville assiégée, qu’
il
s’agisse de Genève où l’on veille aux remparts de l’Église harassée p
1199
faible de l’homme en butte aux attaques du monde.
Il
s’agit de « presser » l’auditoire, de l’instruire « à salut », de le
1200
semblée devant lui, au pied de la chaire, et dont
il
connaît bien les circonstances concrètes : d’où l’absence de doute et
1201
contagion. Ce ministre du Verbe a fait un monde.
Il
est même le seul écrivain dont les doctrines aient suscité dans l’Occ
1202
e de son œuvre, ou au moins de son nom : mais est-
il
justifié à le faire ? Certes, on peut bien soutenir que les États-Uni
1203
t le citoyen. Calvin n’était pas démocrate, mais
il
a fomenté les chefs qui ont appris aux siècles futurs qu’il n’est pas
1204
té les chefs qui ont appris aux siècles futurs qu’
il
n’est pas de liberté concrète qui ne soit responsable en retour devan
1205
de Calvin et l’aire des dictatures totalitaires :
elles
ne se recouvrent nulle part. Enfin, loin d’avoir instauré la théocrat
1206
te pouvoir, elle-même n’en demandant aucun puisqu’
elle
détient l’autorité, qui est de l’esprit. Faut-il ranger Calvin au cam
1207
lle détient l’autorité, qui est de l’esprit. Faut-
il
ranger Calvin au camp de la liberté ? Oui certes, dans la mesure où p
1208
la mesure où par la seule vertu de la vocation qu’
il
portait, il fut l’incarnation de l’autorité ; et dans la mesure encor
1209
par la seule vertu de la vocation qu’il portait,
il
fut l’incarnation de l’autorité ; et dans la mesure encore où cet hom
1210
it l’histoire des cités les plus libres, parce qu’
il
ne croyait pas à l’Histoire déifiée mais qu’il en appelait à son juge
1211
qu’il ne croyait pas à l’Histoire déifiée mais qu’
il
en appelait à son juge. 39. Introduction à la Nouvelle NRF, 1953.
1212
: plus mystérieuse que la Constitution anglaise,
elle
ne s’explique pas, on la sent. Ses exigences sont aggravées par une d
1213
mais parfois les « mauvaises » sont pardonnées si
elles
s’affirment dans un grand style tumultueux à la mongole, à l’espagnol
1214
toria dataient tout juste de deux ans auparavant.
Elles
restent liées dans ma mémoire avec tout ce que Paris comptait de plus
1215
finit la seule Société des esprits. Et j’ai vu qu’
elle
était Argentine avant tout, dans ses grandes dimensions vitales, as l
1216
s nordiques, et trop facilement rationnelles — qu’
elle
fait régner sur les relations humaines. Un jour le Sud aura sa revanc
1217
ulture et l’union de l’Europe (avril 1962)ai S’
il
est question d’intégration européenne et qu’on lui parle de culture,
1218
n lui parle de culture, l’homme d’aujourd’hui, qu’
il
soit d’ailleurs industriel ou philosophe, a d’abord un réflexe de dou
1219
rope qui se fait, dans la réalité concrète, n’est-
elle
pas avant tout l’Europe économique, c’est-à-dire le Marché commun ? L
1220
e là-dedans ? Quelles contributions efficaces a-t-
elle
apportées à l’union ? N’est-elle pas au contraire, ajoutent certains,
1221
ns efficaces a-t-elle apportées à l’union ? N’est-
elle
pas au contraire, ajoutent certains, l’un des derniers bastions de l’
1222
able (et au surplus n’aurait jamais vu le jour) s’
il
ne s’inscrivait pas dans une longue tradition culturelle européenne ;
1223
teurs à l’édifice du nouveau consortium européen.
Elle
deviendrait un parasite si elle insistait pour qu’on augmente son bud
1224
sortium européen. Elle deviendrait un parasite si
elle
insistait pour qu’on augmente son budget. Cette vue très populaire, n
1225
agée par les élites sociales de notre continent :
il
suffit pour s’en assurer de comparer nos budgets de la culture avec c
1226
ssance jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, et si
elle
est encore aujourd’hui l’une des trois grandes puissances de la planè
1227
anète, ce n’est pas à ses richesses naturelles qu’
elle
le doit : simple cap de l’Asie (4 % des terres émergées du globe), un
1228
urope » ? L’Europe existe depuis des millénaires.
Il
n’est pas question de la créer ; mais simplement, les circonstances d
1229
fire. Tel étant le problème véritable, on voit qu’
il
est bien moins économique que politique, et en fin de compte, culture
1230
tional, ces méfiances séculaires, pour périmés qu’
ils
soient, sont profondément enracinés dans un millénaire au moins de cu
1231
on dans les faits. C’est donc dans les esprits qu’
il
s’agit de le combattre. Et ceci n’est pas une question de technique o
1232
cales et nationales de traditions et de régimes ;
ils
peuvent vous démontrer que ce plan serait rentable, et que votre inté
1233
re Europe technicienne marcherait sans nul doute,
elle
« rendrait » matériellement. Elle serait unifiée mais ne serait plus
1234
sans nul doute, elle « rendrait » matériellement.
Elle
serait unifiée mais ne serait plus l’Europe. Aux seconds, vous direz
1235
e nos peuples divers, mais voilà six-cents ans qu’
elle
échoue dans tous ses efforts vers l’union. Les uns et les autres ont
1236
. Les uns et les autres ont raison, en ce sens qu’
ils
sont nécessaires, soit comme moteur, soit comme volant ; les uns et l
1237
mme volant ; les uns et les autres ont tort quand
ils
se prétendent suffisants, à eux seuls. Leur dialogue est vital pour l
1238
attitude fédéraliste : l’union dans la diversité.
Il
faut prendre au sérieux les deux termes ensemble. Tel est le secret s
1239
tâche de la culture et sa vocation prospective.
Il
n’y aurait pas d’Europe sans tout ce que la culture a su tirer de nos
1240
culture enfin doit venir le remède à nos maux, et
il
est double : réduire les préjugés nationalistes, qui s’opposent à tou
1241
ibution essentielle à l’intégration du continent.
Ils
réduisent les obstacles mentaux qui entravent encore la construction
1242
ns qui répondent que l’Europe n’est plus rien, qu’
elle
n’a pas d’idéal à opposer aux ambitions mondiales du communisme, ni d
1243
eux grandes tâches, je le répète, sont vitales et
elles
relèvent de la culture au premier chef, j’entends par là : de la rech
1244
l’Europe. Contre la volonté de leurs initiateurs,
elles
risqueront, un jour, de dénaturer cette Europe que l’on croyait « fai
1245
t « faire ». Car, en fin de compte, pourquoi faut-
il
créer un grand marché européen ? Sinon pour mettre ou remettre l’Euro
1246
tionales. Au terme de l’intégration européenne, s’
il
ne devait y avoir que dividendes, bombes atomiques, autos et frigidai
1247
ront avant nous à des positions de puissance dont
ils
ne manqueront pas d’abuser contre l’homme, du moins tel que nous le c
1248
de la culture et de son « utilité ». On verra qu’
elles
s’opposent diamétralement. Si les croyances populaires ont raison, le
1249
contraire mes arguments sont « évidents », alors
il
est grand temps que la très riche Europe en tire les conséquences log
1250
nt en Suisse pendant la crise de mai à août 1940.
Il
insiste notamment sur la fameuse « ligue des officiers », affaire don
1251
», affaire dont M. Kurz, de son côté, souhaite qu’
elle
soit un jour élucidée. Je serais heureux que les notes qui suivent co
1252
ssée, telle que j’ai pu la voir de près, à Berne.
Il
s’agit de notes tirées de mon journal privé, nécessairement trop per
1253
lan révèle l’idée qui me hantait à cette époque :
il
décrit en effet l’importance symbolique et stratégique du Saint-Gotha
1254
ice de Berne, qui a demandé quelques volontaires.
Il
nous expose notre tâche : prendre le commandement des pelotons chargé
1255
astion sacré, et je l’ai dit hier soir encore. Or
il
se trouve que le Gothard est le type même de la position imprenable d
1256
e la position imprenable dans la guerre actuelle.
Il
faudrait déclencher une action dans le pays, pour la résistance à tou
1257
d comme symbole et comme grand atout militaire. »
Il
acquiesce. Je poursuis : « Une action qui réunirait tous les groupeme
1258
tiques, trop lents et trop peu sûrs. » « Oui, dit-
il
, c’est une idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’il était ir
1259
ne idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’
il
était ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien d’
1260
bonne idée… Seulement ce n’est rien d’en parler.
Il
faut le faire ! » J’ai senti sous son regard direct le danger d’avoi
1261
Allemands sont entrés à Paris. » — Merci. Repos !
Il
est sorti, me voyant incapable de rien dire de plus. Je suis resté im
1262
Pas d’autre bruit. Me suis recouché pensant que s’
il
se passait quelque chose, je serais alerté par téléphone. Peu dormi,
1263
ays ! ») Je le relis rapidement dans l’escalier :
il
me paraît un peu sentimental, je me demande s’il est bien à la mesure
1264
il me paraît un peu sentimental, je me demande s’
il
est bien à la mesure du tragique dans lequel nous baignons… L’ai fait
1265
au lieutenant-colonel M. et aux autres camarades,
ils
le trouvent bien, mais ne paraissent pas spécialement frappés. Cela p
1266
la Censure. Oui, il y aura des histoires, paraît-
il
. Mais rien de nouveau jusqu’à six heures. Je me prépare à sortir. Son
1267
l’été de 1940 d’un « mouvement de résistance » —
il
en distingue deux, l’un civil, l’autre formé d’officiers — qui entend
1268
et extravagant à la fois, comme l’événement quand
il
arrive. Je vois ce pré et je sais qu’il peut y apparaître dans un ins
1269
ent quand il arrive. Je vois ce pré et je sais qu’
il
peut y apparaître dans un instant des hommes qui nous tireront dessus
1270
e sur son propre cas, et sur le sort des nations.
Il
ne reste que la préoccupation des petites choses précises à faire. 20
1271
e petite maison du Gurten. Je prends la position.
Il
tient dans chaque main un petit paquet attaché par un ruban. — Ça, c’
1272
u pays et de maintenir l’intégrité du territoire.
Il
est clair que pour défendre un territoire, il est parfois indiqué de
1273
re. Il est clair que pour défendre un territoire,
il
est parfois indiqué de céder du terrain : cela s’appelle une retraite
1274
elle une retraite stratégique. On peut me dire qu’
il
est aussi des retraites nécessaires (des silences opportuns) pour déf
1275
constate que « la Suisse est réduite à elle-même.
Elle
n’a pas d’autre garantie que son armée, pas d’autre allié que son ter
1276
e vous promettons qu’un grand effort commun. Mais
il
nous rendra fiers d’être hommes, et d’être Suisses. Ce texte va para
1277
des chefs de la ligue des officiers — tout ce qu’
il
possède, paraît-il. 26 juin 1940 Hier, discours de Pilet-Golaz. À pro
1278
gue des officiers — tout ce qu’il possède, paraît-
il
. 26 juin 1940 Hier, discours de Pilet-Golaz. À propos du cessez-le-fe
1279
Pilet-Golaz. À propos du cessez-le-feu en France,
il
a parlé de notre « soulagement » ! Cela peut s’entendre de diverses m
1280
nières, mais l’une est atroce. Je veux, croire qu’
il
ne l’a pas senti. Mais ce matin, un officier de l’E.-M. du Général me
1281
ue dans l’armée. La presse a publié le Manifeste.
Elle
en parle ! Beaucoup de lettres, de pamphlets, d’articles, nous accuse
1282
ar ailleurs la démission de notre Directoire : or
il
n’en a jamais été membre. Rien de plus normal. En dépit du choc causé
1283
fait est que la grande industrie boude la Ligue :
elle
attend de voir comment les choses tournent. Le Conseil fédéral paraît
1284
i, solliciteront une audience du Conseil fédéral.
Ils
ont mission de lui déclarer que s’il cède aux exigences des nazis, to
1285
il fédéral. Ils ont mission de lui déclarer que s’
il
cède aux exigences des nazis, tout est prêt pour le renverser, des tr
1286
tion. Si au contraire le Conseil fédéral résiste,
il
aura l’appui sans réserve de la Ligue civile et militaire. L’audience
1287
at de l’incident, si pittoresque et surprenant qu’
il
puisse apparaître, après coup. Il y avait une sorte de pari insensé d
1288
re à un gouvernement : « Nous vous avertissons qu’
il
existe un complot pour vous renverser, et que nous en sommes les faut
1289
! » Logiquement, si le gouvernement nous croyait,
il
devait nous faire arrêter sur-le-champ. S’il ne nous croyait pas, not
1290
ait, il devait nous faire arrêter sur-le-champ. S’
il
ne nous croyait pas, notre démarche était ratée, et au surplus couvra
1291
i qui reçut cette délégation comprit très bien qu’
il
s’agissait pour nous d’appuyer les durs et de faire peur aux mous. Le
1292
oire et ne pas nous croire à la fois. Finalement,
il
résista, comme on sait.) 40. Néanmoins, un sergent de mes amis, syn
1293
rouleaux enregistrant vos conversations ! » 41.
Il
s’agit de M. Auguste Lindt, aujourd’hui ambassadeur de Suisse à Washi
1294
aire nuit à son pays”). Le moral des Suisses va-t-
il
flancher devant le raz de marée nazi ? Le Gothard, pense Rougemont, d
1295
convaincants — on ne peut pas écrire en groupe —
ils
me confient la rédaction. Ma position est un peu délicate. « Le génér
1296
exte est de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’
il
en approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige une brochure inti
1297
a produit un choc salutaire sur l’opinion suisse.
Elle
a rendu confiance à beaucoup de citoyens, elle a fait naître un grand
1298
e. Elle a rendu confiance à beaucoup de citoyens,
elle
a fait naître un grand espoir et dissipé certaines brumes de défaitis
1299
duit une émulation inattendue du côté des partis.
Il
est incontestable que sans la Ligue, les « communautés de travail »,
1300
Labhardt, commandant l’unité d’armée de Sargans.
Ils
avaient essayé d’obtenir son appui pendant une partie de la nuit. Il
1301
’obtenir son appui pendant une partie de la nuit.
Il
leur a laissé croire qu’il marchait, et à 6 heures ce matin, les a fa
1302
une partie de la nuit. Il leur a laissé croire qu’
il
marchait, et à 6 heures ce matin, les a fait boucler. » Le lieutenant
1303
plus qu’un symbole. Centre du Réduit national 42
il
se dressait vraiment comme ce bastion de l’Europe libre dont nous avi
1304
avions rêvé sans oser croire qu’en quelques mois
il
deviendrait une réalité. L’opinion s’était ressaisie. La Ligue du Got
1305
tance, voyait ainsi son premier objectif atteint.
Elle
s’orientait vers un programme plus vaste d’entraide sociale et de rén
1306
sociale et de rénovation économique et politique.
Elle
avait au départ formé le noyau du premier mouvement de résistance, au
1307
Les mêmes peuvent rire de l’armée suisse parce qu’
elle
n’eut pas l’occasion de se battre. Pourtant elle l’aurait eue, probab
1308
’elle n’eut pas l’occasion de se battre. Pourtant
elle
l’aurait eue, probablement, si les Allemands avaient senti la Suisse
1309
petit mouvement de résistance, pour préventif qu’
il
soit resté, eût certainement passé à la pratique si le moral du pays
1310
es yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais qu’
elle
avait réussi dans la mesure précise où elle devenait, en tant que « r
1311
is qu’elle avait réussi dans la mesure précise où
elle
devenait, en tant que « résistance », inutile. ⁂ L’armée démobilisait
1312
de l’Amérique. Peut-être bien était-ce là-bas qu’
il
me serait donné, quoique « neutre », de faire la guerre à ma façon, d
1313
al pour favoriser mon voyage. Mais le fait est qu’
elles
jouèrent dans le même sens. Le 20 août, à 7 heures du matin, je prena
1314
visait que le Conseil fédéral, et c’est pourquoi
il
dut être un complot. Le général Guisan écrit dans son rapport que leu
1315
leur seule faute fut « d’agir en secret ». Mais s’
ils
avaient agi « ouvertement », le Conseil fédéral eût exigé sur l’heure
1316
heure que le Général mît fin à leurs activités qu’
il
connaissait ou pressentait sans aucun doute : certains d’entre eux dî
1317
d’entre eux dînaient régulièrement à sa table. 2.
Il
est probable que la ligue des officiers et la ligue civile naquirent
1318
rs et la ligue civile naquirent simultanément, et
il
est certain qu’elles « s’imbriquaient étroitement », on l’a vu par me
1319
ile naquirent simultanément, et il est certain qu’
elles
« s’imbriquaient étroitement », on l’a vu par mes notes. Mais Kimche
1320
onfondant la ligue civile de juin 1940 avec ce qu’
il
appelle tantôt « l’Action nationale de résistance », tantôt le « Mouv
1321
sistance national ». Si j’en juge par les noms qu’
il
donne des responsables de ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir
1322
l donne des responsables de ce dernier Mouvement,
il
ne saurait s’agir que d’une organisation civile qui apparut durant l’
1323
mon départ pour les États-Unis », d’autre part qu’
elle
se forma « contre la Ligue du Gothard ». « Le Gothardbund, c’était du
1324
Gothardbund, c’était du romantisme ! », ajoute-t-
il
. Romantique ou non, c’est la Ligue du Gothard qui agit seule en liais
1325
de fait que l’auteur pourra corriger sans peine.
Elle
empêche d’évaluer correctement la situation psychologique qui régnait
1326
ut prise la décision de créer le Réduit national.
Elle
empêche en particulier M. Kimche de se poser la question suivante : p
1327
ci les circonstances de l’action de résistance qu’
il
entreprit avec quelques amis groupés sous l’enseigne de la Ligue du G
1328
alors en situation délicate auprès de ses chefs —
il
était incorporé à l’état-major général — pour avoir écrit, au lendema
1329
uoique jugés impossibles par les experts, mais qu’
ils
se sont produits beaucoup plus vite et avec plus d’intensité que pers
1330
s, et par la carence des mouvements fédéralistes.
Il
en résulte alors, nécessairement, une renaissance des nationalismes ;
1331
volonté de ceux qui luttent pour cette union. Car
il
ne s’agit pas — je le dis une fois de plus — de deviner l’histoire qu
1332
. Les géographes ont démontré depuis longtemps qu’
elle
est le pôle de « l’hémisphère privilégié » qui comprend environ 95 %
1333
Europe anime les échanges intercontinentaux, dont
elle
fut le moteur unique depuis cinq siècles. Elle équilibre ces échanges
1334
nt elle fut le moteur unique depuis cinq siècles.
Elle
équilibre ces échanges, elle les dose, elle les adapte aux possibilit
1335
depuis cinq siècles. Elle équilibre ces échanges,
elle
les dose, elle les adapte aux possibilités d’assimilation du tiers-mo
1336
cles. Elle équilibre ces échanges, elle les dose,
elle
les adapte aux possibilités d’assimilation du tiers-monde, après en a
1337
technique, désormais universalisée, a compris qu’
elle
se doit d’inventer les moyens d’humaniser l’usage des ressources maté
1338
a vie politique ne ressemble plus du tout à ce qu’
elle
était sous la IIIe République, par exemple. Ses passions sont transpo
1339
ation et de réalisation de soi lui sont ouvertes.
Il
est donc probable que la différence s’accentue entre une majorité pas
1340
formation interdisciplinaire se sont multipliés.
Ils
se distinguent par une insistance simultanée sur la culture générale
1341
fûmes les témoins depuis la dernière guerre, mais
ils
sont plus spectaculaires : les résultats des mutations récentes que j
1342
sont devenus généralement visibles et sensibles ;
ils
affectent l’ensemble de la population. En revanche, la généralisation
1343
J’écris ceci pour amuser les lecteurs de 1980, s’
ils
retrouvent par hasard mon petit essai ; et pour que certains, aujourd
1344
ça le mot d’ordre d’engagement de l’écrivain dont
il
devait renier plus tard les interprétations qui en furent faites. Env
1345
n Argentine pour y faire des conférences en 1940,
il
devint en 1942-1943 le principal rédacteur des émissions françaises d
1346
La Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 1946,
il
s’engagea dans le mouvement pour une fédération européenne et il orga
1347
ns le mouvement pour une fédération européenne et
il
organisa, en 1949, à Lausanne, le Congrès européen de la culture. L’a
1348
Congrès européen de la culture. L’année suivante,
il
fondait à Genève le Centre européen de la culture. Il a publié dix-hu
1349
ondait à Genève le Centre européen de la culture.
Il
a publié dix-huit ouvrages (essais et récits sous forme de journaux,
1350
z pas deux dont les plans soient superposables. S’
ils
se ressemblent, c’est par leur complication, ou par leur manière d’êt
1351
rd le long des routes frayées par les pionniers :
ils
ne sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, esp
1352
par les pionniers : ils ne sont guère enracinés,
ils
sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on
1353
le Town-Hall) soit ou non bâtie sur la place — et
il
se trouve qu’elle l’est en général — c’est bien là qu’elle tire son s
1354
it ou non bâtie sur la place — et il se trouve qu’
elle
l’est en général — c’est bien là qu’elle tire son sens originel. Les
1355
rouve qu’elle l’est en général — c’est bien là qu’
elle
tire son sens originel. Les partis qui décident de la composition des
1356
ing sur la place principale.) Lire et parler
Il
n’est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur
1357
e toute place digne du nom : le café. C’est là qu’
elle
se parle d’abord, s’écrit bien souvent et se lit. C’est dans les café