1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 e, que vous l’appeliez ‟Toi” ou que vous pensiez ‟ Je suis Lui”. » S’il n’y avait « aucune différence », il n’y aurait pas
2 nime de part et d’autre les meilleurs esprits, il me paraît vital d’admettre en toute franchise l’existence historique et
3 agesse supérieure saurait conduire à la synthèse. Je vois le danger. Mais il faut voir aussi que l’union finale des esprit
4 classes. L’Occidental retour d’Orient s’écrie : «  Je n’ai vu que des foules, pas une personne ! » Et l’Oriental qui circul
5 ssance), et la seconde l’Excarnation (la mort). » Je voudrais à mon tour illustrer cette idée en l’exposant sous trois asp
6 seconde l’Excarnation (la mort). » Je voudrais à mon tour illustrer cette idée en l’exposant sous trois aspects variés. C
7  monde » décide d’atteindre le salut par tout son moi , mais par son moi seul, détaché, progressivement illuminé : voie de l
8 atteindre le salut par tout son moi, mais par son moi seul, détaché, progressivement illuminé : voie de la connaissance dir
9 tre en doute10 : tous les auteurs qui traitent de mon sujet s’accordent au moins sur ce point, malgré les divergences de le
10 de leur jugement de valeur. Pourtant la chose ne me paraît pas si simple, et j’y sens une complexité dont j’essaierai mai
11 Pourtant la chose ne me paraît pas si simple, et j’ y sens une complexité dont j’essaierai maintenant d’indiquer la nature
12 ît pas si simple, et j’y sens une complexité dont j’ essaierai maintenant d’indiquer la nature en rapportant l’observation
13 « Trop de monde partout ! Trois domestiques pour ma simple chambre d’hôtel. Sept ou huit hommes, dont un travaille, dans
14 rottoirs couverts de dormeurs pendant la nuit. Et j’ ai vu cinq personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront-ils
15 compter, dans ce grouillement sempiternel ? Mais je vais aux quartiers anciens : celui qui entoure la grande pièce d’eau
16 : il s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’ a paru plus solennelle ni plus simplement adorable. Tintements de cloc
17 de clochetons baroques ? Ce sont des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et de colliers de verro
18 elle les cierges noirs devant le jet d’eau grêle. Je pense aux holy men, errant dans les campagnes, ou longuement assis en
19 des chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bach : je ne sais rien de plus européen, ni de plus véritablement communautaire
20 a magie, nous prions et chantons ensemble. » Ici, je dois citer Rudolf Kassner, essayiste autrichien de génie. Personne n’
21 n livré à l’Inde, immergé dans la foule indienne. J’ ai parlé de l’Hindou « grégaire » ; terme inexact s’il fait penser à «
22 terme inexact s’il fait penser à « collectif », à je ne sais quoi d’organisé ou d’encadré. Je cherchais à dire autre chose
23 tif », à je ne sais quoi d’organisé ou d’encadré. Je cherchais à dire autre chose. Kassner m’offre ce mot : le corps magiq
24 encadré. Je cherchais à dire autre chose. Kassner m’ offre ce mot : le corps magique, et il le commente en ces termes11 : «
25 1 : « Âme corporisée, ou corps spiritualisé, sans Moi , ou avec un Moi qui n’est qu’un simple centre. L’homme magique, le co
26 isée, ou corps spiritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’est qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a
27 oule, infinie et tout-englobante. En Occident, le moi et le non-moi, le oui et le non, le bien et le mal, la liberté et le
28 et tout-englobante. En Occident, le moi et le non- moi , le oui et le non, le bien et le mal, la liberté et le destin, la per
29 n, et ne cessent de refaire le signe de la Croix. Je disais que la voie de l’individu en Inde, comme celle du mystique méd
30 val, ne peut être que fuite en l’Absolu. Ainsi le moi devient conscient et se détache, échappe au corps magique, s’isole en
31 ieux se perdre en son accomplissement, puisque le moi est voie, et que la voie consiste à libérer progressivement une âme d
32 est Tout, et que le Tout ou le Réel n’est que le Moi pleinement réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’y a pas plus d
33 plus de personne dans la gnose hindouiste que de moi distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je s
34 e bouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas de
35 uences précises, — un monde, littéralement, comme j’ espère le montrer. Revenons à la déclaration de Ramakrishna que je cit
36 rer. Revenons à la déclaration de Ramakrishna que je citais en tête de ce chapitre : « Il n’y a aucune différence, que vou
37 rence, que vous l’appeliez Toi ou que Vous disiez Je suis Lui. » Nous y lisons maintenant la vraie définition de l’attitud
38 ression de la différence entre le Toi divin et le moi de l’homme. En revanche, l’Occident s’atteste et s’actualise là où la
39 pas d’écoles hindoues pour affirmer la réalité du Moi , l’action de la Grâce, voire un Dieu personnel. L’idée de la « voie »
40 entons le collectivisme… Et l’on aura beau jeu de m’ opposer des textes apparemment ruineux pour ma thèse des deux Voies. À
41 de m’opposer des textes apparemment ruineux pour ma thèse des deux Voies. À quelle école mystique de l’hindouisme apparti
42 rit égal que l’action porte ses fruits ou non ? » Je viens de citer dans l’ordre saint Jean de la Croix, Eckhart, et la Bh
43 a divergence réelle des résultantes majeures dont je parlais plus haut. J’en donnerai deux exemples précis. Je trouve le p
44 s résultantes majeures dont je parlais plus haut. J’ en donnerai deux exemples précis. Je trouve le premier dans Kassner, a
45 is plus haut. J’en donnerai deux exemples précis. Je trouve le premier dans Kassner, au chapitre où il décrit le corps mag
46 de l’homme renferme l’idée de son individualité. Mon second exemple, est emprunté à un essai de Ernst Jünger12 : La relat
47 Elle est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui c
48 étruit rien qui compte ; mais au contraire, si le moi libre et unique est une réalité tenue pour inviolable, rien ne peut j
49 le, rien ne peut justifier notre délire guerrier. Je ne juge pas. Je constate. Il y a des différences. Et mon propos n’est
50 justifier notre délire guerrier. Je ne juge pas. Je constate. Il y a des différences. Et mon propos n’est pas de les mett
51 juge pas. Je constate. Il y a des différences. Et mon propos n’est pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à de
52 ue des prises partielles et typiques. On a vu que j’ ai choisi mes exemples dans le domaine religieux, de préférence. N’est
53 s partielles et typiques. On a vu que j’ai choisi mes exemples dans le domaine religieux, de préférence. N’est-ce pas là qu
54 n de l’économie ou de l’état social par exemple ? Je cherchais à cerner les options primordiales qui ont donné cours à deu
55 qui ont donné cours à deux voies divergentes. Il m’ a semblé que c’était dans la mystique, la religion et leurs explicatio
56 au contraire elles initient l’histoire, tout cela m’ importe moins que de les avoir bien vues, et de suivre à partir d’un c
57 nde qui conçoivent que le Tout n’est autre que le Je pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale des auteurs moderne
58 stimé à 33 crores, c’est-à-dire 330 millions. 5. Je précise que dans ce chapitre, sauf exception, je demanderai à l’Inde
59 Je précise que dans ce chapitre, sauf exception, je demanderai à l’Inde de représenter l’Orient, l’Europe chrétienne figu
60 1952. On y trouvera le texte des deux récits que je mentionne. Celui d’Avicenne s’intitule : Récit d’Havy ibn Yaqzân. Cel
61 luminée » de certaines traditions coraniques. 8. Je pense à Parménide et à Platon, aux gnostiques, à la Pistis Sophia, à
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
62 avoir à cela quelque raison. Tout bien considéré, je n’en trouve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture
63 ment, de l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-Asiatiques et les Arabes sa
64 ostilité sans doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il est bien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il est
65 dira qu’il est bien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai
66 est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ ai cru remarquer que ceux des Européens qui insistent avec le plus d’e
67 istoire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. ( Je ne parle pas ici de politique, mais seulement de formes d’esprit et d
68 dé parlementaire connu sous le nom de filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux pendant que j’é
69 de filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux pendant que j’écris14. Bien qu’auteur d’une Histo
70 un exemple qui me tombe sous les yeux pendant que j’ écris14. Bien qu’auteur d’une Histoire de l’Europe, M. Berl estime auj
71 l’Europe, vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car il en va d’une civilisation, d’une culture et même d’u
72 s dédain, qu’elles sont la vraie réalité. Que dis- je , on les déclare même éternelles dans la prose poétique des banquets e
73 me police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’ entends l’État totalitaire. Il reste, hélas ! qu’aux yeux de beaucoup
74 la nation cache l’Europe comme l’arbre la forêt. Je dirai plus : l’Européen demeuré nationaliste au fond de son cœur, me
75 uropéen demeuré nationaliste au fond de son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre en doute l’ex
76 combien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas
77 ien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas temps
78 nationales, et n’en sacrifierait que l’illusoire, j’ entends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être r
79 ici dans le domaine politique, qui n’est autre, à mon sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’un groupe humain.
80 au temps — en somme, par une culture, au sens où j’ emploie le mot. Entre la politique et la culture, conçues comme on vie
81 r ce qu’il y a de créateur dans cette communauté. J’ en conclus que la forme politique que devrait revêtir une union authen
82 Table ronde, janvier 1957. 15. D’une lettre que m’ écrit à ce sujet le comte Jean de Pange. La référence se trouve dans T
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
83 ettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)d e Je crains que M. Berl ne mobilise la Vérité, la Raison, la Justice, le D
84 our triompher d’un épouvantail auquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce qu’il défend avec tant de passion et d
85 pher d’un épouvantail auquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce qu’il défend avec tant de passion et de juste
86 l défend avec tant de passion et de juste colère. Je suis très loin de mépriser l’Histoire ; je dis seulement que pour l’H
87 olère. Je suis très loin de mépriser l’Histoire ; je dis seulement que pour l’Histoire l’Europe existe, dans la mesure exa
88 rl lui-même peut écrire une Histoire de l’Europe. Je suis très loin de qualifier de sophistes ceux qui pensent néanmoins q
89 ensent néanmoins que l’Europe reste à « faire » ; je dis seulement qu’on ne peut la vouloir et la faire — donc l’unir par
90 xiste comme entité de culture et Aventure unique. Je ne pense pas avoir recommandé l’imposture ou la tyrannie, le refus du
91 la guerre à l’Est, le chauvinisme européen, etc. J’ approuve au contraire M. Berl quand il crie Vive l’Europe ! contre tou
92 ! contre tout cela. Mais pourquoi le crier contre moi , comme si vraiment j’avais préconisé le mensonge utile et le « massac
93 s pourquoi le crier contre moi, comme si vraiment j’ avais préconisé le mensonge utile et le « massacre des affamés » ? Je
94 e mensonge utile et le « massacre des affamés » ? Je demandais simplement qu’on cesse de mettre en doute l’existence même
95 ’Europe au pied du mur » par ce post-scriptum : «  Je sentais l’urgence de rappeler que l’Europe ne peut et ne doit pas êtr
96 mme une fin, mais comme un moyen. M. de Rougemont me prouve que l’urgence était plus grande que je ne pensais. Il regarde
97 ont me prouve que l’urgence était plus grande que je ne pensais. Il regarde comme “sophistes” ceux qui disent que l’Europe
98 pas que l’Europe fut déjà faite. M. de Rougemont me dit qu’il y a une Suisse, quoiqu’on puisse disputer sur la date de sa
99 ir la certitude qu’elle vit. Filibusterie à part, je prétends rester européen et même bon européen, sans souhaiter, et mêm
100 aîtrait de l’imposture et vivrait de la tyrannie. Je crierai : vive l’Europe ! si elle rétablit la concorde, non si elle a
101 n superpose un nouveau. Pourquoi donc accorderais- je au fédéralisme ce que je refusais au chauvinisme ? Il y avait une Eur
102 ourquoi donc accorderais-je au fédéralisme ce que je refusais au chauvinisme ? Il y avait une Europe de Romain Rolland. Il
103 jà sonner le sabre qu’elle n’a pas encore. Est-ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “filibusterie” consiste-t-el
104 iste-t-elle à les distinguer ou à les confondre ? Je le vois, il y a des hommes si engagés dans les affaires européennes q
105 ent et exploitaient ceux qu’elle devait secourir. Je ne prônerai l’Europe ni contre la Vérité, ni contre la Raison, ni con
106 que pour les professeurs.” Le mensonge n’est pas mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
107 st pas mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
108 pas mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je m’ en excuse. »
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
109 aît, la liste complète des meilleurs. On pourrait m’ objecter Valéry, hédoniste épris de la règle et persuadé de la valeur
110 arfaite et définitive fourmilière » ? On pourrait m’ objecter Claudel, optimiste de style baroque et fonctionnaire du premi
111 , et sa foi prend l’allure d’un défi. On pourrait m’ objecter Saint-John Perse, mais justement il a choisi l’exil en soi. T
112 t ce qui compte en Europe est donc antibourgeois, j’ entends bien dans le domaine de l’éthique et de l’esprit. Mais rien ne
113 Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J’ ai tu jusqu’ici deux grands noms, qui dominent pourtant ce tableau. L’
114 prolongeait le cauchemar stalinien, l’épurait, si j’ ose dire, le rationalisait, et le poussait à ses extrêmes conséquences
115 ur aux Soviétiques et aux Américains additionnés. Je ne parle que des chiffres, non de la qualité. Alors les prophéties lu
116 s fous se multiplient, les avions tombent, croyez- moi , c’est la Bombe. Elle va détruire les neuf dixièmes du genre humain.
117 genre humain. Un jour elle fera sauter la terre. J’ entends cela tous les jours. Qui ne l’a pas dit ? Curieusement, tout e
118 chères. Mais jamais une Talbot n’est entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir. Et pas même une ma
119 e dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’ envahir. Et pas même une machine à laver. Que de mal, au contraire, da
120 e machine à laver. Que de mal, au contraire, dans ma campagne, pour obtenir le téléphone ! Vous me parlez de l’esclavage d
121 ans ma campagne, pour obtenir le téléphone ! Vous me parlez de l’esclavage du téléphone ? Mais a-t-on jamais vu qu’un appa
122 vous entendre, nous isolerait de la Nature ? Mais je vois au contraire que l’express et l’avion, le scooter et la petite v
123 et dans les forêts. Qu’il y ait là quelque excès, j’ en conviens, mais c’est la Nature, et non l’homme, qui aurait ici le d
124 aillent pour nous, c’est tant mieux. Mais si vous me dites qu’ils vont penser pour vous, c’est que vous l’aurez bien mérit
125 , c’est l’homme. En vérité, les seuls humains que je connaisse qui aient eu le droit de maudire la technique, ce ne sont p
126 ent de rappeler le décalage de la conscience dont j’ ai parlé. Le mal dénoncé en son temps par Karl Marx et Proudhon, que l
127 randie. C’est, au-delà des questions immenses que je laisse aux économistes, et aux sociologues, tous alertés, au-delà des
128 de la liberté. Le problème du sens de nos vies… Je propose à nos philosophes du déclin de la bourgeoisie, du déclin de l
129 ée régulatrice, que d’en maîtriser les vertiges ! Je propose la clôture d’un demi-siècle de rumination pessimiste, longtem
130 sormais le danger de survivre aux dangers prévus. Je propose à l’intelligence un rôle nouveau : celui de créer la liberté
131 risques et de les courir d’abord en imagination. Je propose une idée renouvelée du Progrès, au-delà de nos illusions mais
132 lution concevable serait la fin de notre liberté. J’ imagine au contraire le progrès véritable dans l’accroissement du risq
133 Mais il y a trop à dire, et d’autres vont parler. Je n’étais pas venu pour conclure, mais pour ouvrir des portes. f. Ro
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
134 ui est aujourd’hui orné de ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont, j’en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’
135 ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont, j’ en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’un jury pensait à me donner
136 é beaucoup avant-guerre. Plus d’un jury pensait à me donner une palme. Et il y avait toujours, au dernier moment, quelqu’u
137 possible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ? J’ ai donc aujourd’hui ma revanche. Aux photographes qui me mitraillaient
138 ? Un Suisse ? Un étranger ? J’ai donc aujourd’hui ma revanche. Aux photographes qui me mitraillaient de flashes quand je m
139 onc aujourd’hui ma revanche. Aux photographes qui me mitraillaient de flashes quand je me trouvais aux côtés du maréchal J
140 hotographes qui me mitraillaient de flashes quand je me trouvais aux côtés du maréchal Juin, j’ai pu dire : Vous rendez-vo
141 ographes qui me mitraillaient de flashes quand je me trouvais aux côtés du maréchal Juin, j’ai pu dire : Vous rendez-vous
142 quand je me trouvais aux côtés du maréchal Juin, j’ ai pu dire : Vous rendez-vous compte ? Me photographier, moi, auprès d
143 al Juin, j’ai pu dire : Vous rendez-vous compte ? Me photographier, moi, auprès du Maréchal ? Moi qui ne suis que lieutena
144 ire : Vous rendez-vous compte ? Me photographier, moi , auprès du Maréchal ? Moi qui ne suis que lieutenant dans l’armée sui
145 pte ? Me photographier, moi, auprès du Maréchal ? Moi qui ne suis que lieutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure de l’h
146 nément à New York, Londres et Paris est destinée, me dit Denis de Rougemont, à répandre un peu plus les raisons de croire
147 , la Suisse, pour eux, c’est tout un. Et quand on me demande où commence et où finit l’Europe, j’assure que, plutôt que di
148 d on me demande où commence et où finit l’Europe, j’ assure que, plutôt que discuter de frontières mouvantes, il vaut mieux
149 histoire et d’en mesurer les effets. C’est ce que j’ ai tenté dans mon livre et ma conclusion est tout à fait optimiste : o
150 mesurer les effets. C’est ce que j’ai tenté dans mon livre et ma conclusion est tout à fait optimiste : on parle en effet
151 effets. C’est ce que j’ai tenté dans mon livre et ma conclusion est tout à fait optimiste : on parle en effet de décadence
152 une nouvelle philosophie de la personne humaine. Je m’attendais à trouver en Denis de Rougemont un de ces théoriciens et
153 e nouvelle philosophie de la personne humaine. Je m’ attendais à trouver en Denis de Rougemont un de ces théoriciens et phi
154 onegger trouva une de ses plus grandes réussites. Je songe toujours au roman, me confia Denis de Rougemont. J’en ai jadis
155 us grandes réussites. Je songe toujours au roman, me confia Denis de Rougemont. J’en ai jadis écrit un que j’ai retiré de
156 toujours au roman, me confia Denis de Rougemont. J’ en ai jadis écrit un que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeu
157 ia Denis de Rougemont. J’en ai jadis écrit un que j’ ai retiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré
158 eur avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé. Je prends des notes. Au fait, je considère et rédig
159 it livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé. Je prends des notes. Au fait, je considère et rédige comme un poème un l
160 e n’ai pas renoncé. Je prends des notes. Au fait, je considère et rédige comme un poème un livre tel que L’Aventure de l’
161 que L’Aventure de l’homme occidental . Le style me paraît aussi important que les idées qu’on veut défendre. g. Rouge
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
162 ies latentes. En voici la formule la plus simple, je crois : la diffusion de nos valeurs n’est pas co-extensive avec celle
163 chaos sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit un jour : « Vous autres Européens, vous nous envoyez des machines
164 croyances traditionnelles ? » Une autre fois, il me raconte que sa femme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons de
165 e plus souvent totalement ignorées. Mais ce qu’il m’ importe de montrer, c’est comment ces produits et ces principes procèd
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
166 e préparation proprement intellectuelle, par quoi j’ entends un vaste effort de libre réflexion et d’imagination de la part
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
167 r à cette union, ou bien lui fait-elle obstacle ? Je pense qu’il faut répondre oui aux deux questions. Et ce paradoxe appa
168 s budgets annuels de toutes les organisations que je viens de citer (à l’exception du CERN en construction) équivaudrait à
169 xiste depuis sept ans. Son exemple peut éclairer. J’ essaierai donc de le décrire, très brièvement, pour illustrer les cons
170 ure. Coordonner les autonomies, telle doit être à mes yeux la devise, spécifiquement fédéraliste, de cet effort. Un autre p
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
171 utable logique : celle d’un gouvernement mondial. J’ y reviendrai. Pour le reste, son diagnostic joue sur des images d’Épin
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
172 ns la plupart des cas, par imposer la décision. «  Je mènerai ces gens à la baguette, il suffit de les diviser ! », écrivai
173 nfédération et les hommes du canton… Il n’est, ce me semble, aucun motif de conserver un pareil état de choses… Rien ne mi
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
174 en est venu. Ou presque tout », dit Valéry. Mais je ne vois rien, ou presque rien, à part le jazz, qui soit venu à l’Euro
175 oure le respect sacré des foules. Résumons cela ; je vois l’Asie sous-développée courir après l’exemple de la Chine, qui c
176 i peut en dire autant dans notre siècle ? Les uns m’ en paraissent incapables, et d’autres n’en ont le même besoin vital. É
177 changes internationaux. Par quoi n’entendez point je ne sais quel leadership (nom moderne de l’hégémonie), conception déjà
178 nt aussitôt cet État de la communauté européenne. Je me rappelle ce jeune Oriental qui disait devant un congrès d’étudiant
179 aussitôt cet État de la communauté européenne. Je me rappelle ce jeune Oriental qui disait devant un congrès d’étudiants i
180 , en Europe même. Le Message aux Européens , que je lus en clôture du congrès de La Haye, le 12 mai 1948, commence ainsi 
181 des Six, étonnamment conforme à la définition que je proposais plus haut de l’Europe comme fonction, c’est-à-dire d’une Eu
182 Celles de la civilisation, ni plus ni moins. Car, je le répète, l’Europe seule, dans l’histoire, a su rendre effective l’i
183 lture devenue planétaire (et sans rivaux sérieux, j’ y reviendrai) nous oblige à revoir certaines catégories devenues tradi
184 xplique en partie par le fait que les auteurs que je viens de citer se référaient tous au seul destin du monde gréco-romai
185 lasses hindoues, ni le mandarinat, ni le Bushido ( je ne juge pas de valeurs, j’enregistre des faits.) Les civilisations an
186 arinat, ni le Bushido (je ne juge pas de valeurs, j’ enregistre des faits.) Les civilisations antiques, sans lesquelles l’E
187 le du culte que l’homme sincère rend à la Vérité. Je me promets un jour de poser cette question à des sages des cinq conti
188 du culte que l’homme sincère rend à la Vérité. Je me promets un jour de poser cette question à des sages des cinq continen
189 dérer en temps utile, qu’y perdrait le monde ? Et je donne dès maintenant ma réponse personnelle, présumant que plus d’un
190 ’y perdrait le monde ? Et je donne dès maintenant ma réponse personnelle, présumant que plus d’un l’approuvera : en perdan
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
191 e notre éclipse. C’est ce paradoxe planétaire que je voudrais d’abord examiner. Au lendemain de la Première Guerre mondial
192 s journaux. L’écho de cette page fut immense, et je sais peu de phrases plus fréquemment citées que celle qui annonce que
193 rir. Pour émouvante qu’elle soit, elle exprime, à mon avis, l’une des erreurs les plus célèbres de notre temps. Mais commen
194 rs de Babylone, ces palais de Persépolis ? Hélas, j’ ai visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je
195 ux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la
196 se ou du Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas so
197 sante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de
198 talitaires, fondées sur le sacré politico-social. Je voudrais maintenant définir brièvement ces trois vertus et ce ne sera
199 les plus efficaces de notre culture, ceux qui, à mon sens, la distinguent le mieux d’autres cultures, qui ont, elles, d’au
200 ontre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ ai cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe
201 aptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement accidentel et relatif. Toute énergie, toute force phy
202 eut faire autrement, car toutes les créations que je viens d’énumérer sont en expansion vers le monde, appellent le monde,
203 siècle la majorité de nos plus grands penseurs ? J’ oserai dire contre eux tous que je ne le crois nullement, et je vais e
204 ands penseurs ? J’oserai dire contre eux tous que je ne le crois nullement, et je vais en donner trois raisons principales
205 contre eux tous que je ne le crois nullement, et je vais en donner trois raisons principales. Première raison : la civili
206 fondamental qui l’y prédisposait dès l’origine : j’ entends la croyance chrétienne en la valeur égale de tout homme devant
207 l proposait de corriger comme suit le passage que je vous ai cité : « Nous autres civilisations, nous avons depuis peu la
208 t passé où les civilisations étaient mortelles. » J’ ajouterai cette simple remarque : si tant de civilisations qu’on croya
209 ’espace terrestre et du temps de l’humanité. Ceci m’ amène à ma troisième raison d’avoir confiance dans la longévité de not
210 rrestre et du temps de l’humanité. Ceci m’amène à ma troisième raison d’avoir confiance dans la longévité de notre civilis
211 ances de succès ? Il y a pourtant les États-Unis, me dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de l’Europe, et de
212 e élaborées par l’Europe moderne. Résumons cela : je vois l’Asie du Sud, sous-développée, courir après l’exemple de la Chi
213 t donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe ? Je vais le dire : dans l’esprit des Européens, et pas ailleurs. III
214 hui d’un péril jaune, en attendant le péril noir. Je n’y crois guère. Notre éclipse n’est rien que notre aveuglement sur n
215 osons nous-mêmes à notre vocation universaliste : je nommerai le nationalisme et la superstition matérialiste. Il en va du
216 uant au second virus secrété par l’Europe, et que je nommerai le matérialisme plat, il prend chez nous les formes les plus
217 sans défense aux fanatiques du statu quo, par où j’ entends les bureaucrates et la police des États. Ces maladies de l’Eur
218 é Hitler, mais en douze ans, elle l’a éliminé, et je crois qu’elle s’en trouve immunisée pour très longtemps contre la ten
219 s, mais chez les autres qu’il triomphe. Permettez- moi de vous citer à ce propos deux textes dont le rapprochement éclaire c
220 textes dont le rapprochement éclaire cruellement mon sujet. Je prendrai le premier dans la correspondance du grand histori
221 t le rapprochement éclaire cruellement mon sujet. Je prendrai le premier dans la correspondance du grand historien suisse
222 ère des drogues. L’union fédérale de l’Europe, et j’ entends bien : de toutes les forces de l’Europe sociales autant que re
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
223 te et déclarée du monde chrétien est un scandale, j’ entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’une infidélité à la
224 historiques se sont produites. Il n’est rien que je respecte au monde autant que l’institution de l’Église : ecclesia, la
225 te. « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. » Cette parole ne peut être écartée. Elle reste au centre du my
226 ci sans nulle autorité, ignorant même si c’est en mon seul nom ou peut-être au nom de plusieurs, je ne puis en appeler qu’à
227 en mon seul nom ou peut-être au nom de plusieurs, je ne puis en appeler qu’à l’union des chrétiens comme étant l’unique vo
228 union des chrétiens comme étant l’unique voie qui me paraisse ouverte vers quelque forme encore imprévisible d’unité futur
229 e d’unité future des Églises. L’ambition unitaire me paraît utopique, et sa poursuite n’évoque en moi que des images qui o
230 e me paraît utopique, et sa poursuite n’évoque en moi que des images qui offensent la pudeur spirituelle : épreuves de forc
231 n des chrétiens dans la réalité de leur existence me paraît au contraire praticable hic et nunc, et déjà pratiquée par bea
232 cette existence, dans les diverses confessions ? Je suis frappé de la voir si différente de l’idée qu’en donneraient les
233 mé la pensée de l’Europe au cours de siècles, qui me passionnent, et que les fidèles ignorent. Que faudrait-il pour rappro
234 jugés et les clichés des nationalismes religieux. J’ ai fait depuis longtemps une autre observation dans l’étude passionnée
235 une autre observation dans l’étude passionnée que je poursuis des tempéraments religieux et de leurs formes d’expression :
236 holiques, elles tendent à devenir indiscernables. J’ oserai dire qu’il y a plus : en dépit des formules et définitions dogm
237 Églises, plutôt qu’une Église unifiée : voilà qui m’ apparaît l’objectif raisonnable du grand élan œcuménique au xxe siècl
238 longuement sur le seuil fascinant d’une église — je pense au cas de Simone Weil — trouveraient-ils alors le courage d’ent
239 , reconnaîtraient qu’ils sont enfin chez eux ! Et je songe à tous ceux que laisse insatisfaits la confession dans laquelle
240 er plus loin, vers le But qu’elle leur désignait. Je ne suis pas étranger plus qu’un autre aux problèmes concrets de mon t
241 ranger plus qu’un autre aux problèmes concrets de mon temps, économiques, sociaux et politiques (je crains d’avoir lancé le
242 de mon temps, économiques, sociaux et politiques ( je crains d’avoir lancé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas d
243 crains d’avoir lancé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas de problème qui prime aujourd’hui celui-là. Qui est ce
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
244 hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse plus. Je le jure, au nom de la fraternité universelle que vous allez établir,
245 de la volonté générale, absolue, suprême. Or, si je rencontre sur la terre une volonté particulière qui croise l’instinct
246 nté particulière qui croise l’instinct universel, je m’y oppose ; cette résistance est un état de guerre et de servitude d
247 particulière qui croise l’instinct universel, je m’ y oppose ; cette résistance est un état de guerre et de servitude dont
248 ne sommes pas les représentants du genre humain. Je veux donc que le législateur de la France oublie un instant l’univers
249 ant l’univers pour ne s’occuper que de son pays ; je veux cette espèce d’égoïsme national sans lequel nous trahirons nos d
250 de ceux au profit desquels nous pouvons stipuler. J’ aime tous les hommes ; j’aime particulièrement tous les hommes libres 
251 s nous pouvons stipuler. J’aime tous les hommes ; j’ aime particulièrement tous les hommes libres ; mais j’aime mieux les h
252 me particulièrement tous les hommes libres ; mais j’ aime mieux les hommes libres de la France que tous les autres hommes d
253 gie adéquate. C’est ce contrecoup idéologique qui m’ intéresse ici. Partant des mêmes prémisses rousseauistes que les jacob
254 d’elle. « Vive la Nation » ne signifie pas « Vive mon pays », mais « Vive l’idéal pour lequel je me bats ». Or cet idéal, é
255  Vive mon pays », mais « Vive l’idéal pour lequel je me bats ». Or cet idéal, étant celui du Parti qui a saisi le pouvoir
256 ve mon pays », mais « Vive l’idéal pour lequel je me bats ». Or cet idéal, étant celui du Parti qui a saisi le pouvoir par
257 ernes : « Que personne ne diffère, il deviendrait mon juge ! » pense l’État-nation né de la Révolution et qui se sait illég
258 é dans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je me bornerai à dire que la Hongrie est la Hongrie depuis le ixe siècl
259 ans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je me bornerai à dire que la Hongrie est la Hongrie depuis le ixe siècle,
260 s nations. Et elle dira à la première : Voilà que j’ étais attaquée par les brigands, et je criais vers toi, nation, afin d
261 : Voilà que j’étais attaquée par les brigands, et je criais vers toi, nation, afin d’avoir un morceau de fer pour défense
262 pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’ as donné un article de gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’a
263 le de gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’ avez-vous appelée ? Et la Liberté répondra : J’ai appelé par la bouche
264 nd m’avez-vous appelée ? Et la Liberté répondra : J’ ai appelé par la bouche de ces pèlerins, et tu ne m’as pas écoutée ; v
265 ai appelé par la bouche de ces pèlerins, et tu ne m’ as pas écoutée ; va donc en servitude, là où il y aura le sifflement d
266 le monde, c’est l’Europe, de plus européen, c’est ma patrie, c’est la France. Mais c’est finalement à Victor Hugo qu’il a
267 n prête une sorte de faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de doctrine plus arbitraire ni plus funeste. Avec cela
268 oit fondamental, qui est la volonté des hommes. … Je me dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts tenus chez les n
269 fondamental, qui est la volonté des hommes. … Je me dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts tenus chez les nati
270 urs facultés d’assimilation et de renouvellement. Je saurais même me figurer des races épaisses et hésitantes, qui, dans n
271 ssimilation et de renouvellement. Je saurais même me figurer des races épaisses et hésitantes, qui, dans notre Europe hâti
272 attachement à la glèbe, pour revenir à la raison, je veux dire au « bon européanisme ». Grâce aux divisions morbides que l
273 reposaient d’eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, Henri
274 en, Stendhal, Henri Heine, Schopenhauer. Qu’on ne m’ en veuille pas trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un de
275 fait économique : les petits États de l’Europe — j’ entends tous nos empires et États actuels — doivent nécessairement dev
276 isinage. Quand on parle des États-Unis d’Europe, je vois tout de suite la guerre qui surgit. Les peuples de l’Europe ne p
277 s. La politique panslave… C’est gai pour demain ! Je vous dis que la guerre viendra de la Russie. …Comment ferez-vous pour
278 phrase d’Ivan Karamazov partant pour l’Europe : «  Je sais bien que je vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher de t
279 amazov partant pour l’Europe : « Je sais bien que je vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher de tous », toutefois
280 d’une Anthologie encore inédite, dans laquelle j’ ai groupé et commenté plusieurs centaines de textes sur l’Europe, d’Hé
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
281 C’est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’ est arrivé d’entendre dire : « Une culture européenne, ça n’existe pas
282 Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvr
283 aveur que l’on ne trouve qu’à soi-même »35 et que je ne trouve qu’à l’Europe. Poussons plus loin le paradoxe (jusqu’au poi
284 s comparons notre formule de l’unité paradoxale — j’ entends de l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité
285 sans vouloir entrer dans de périlleuses analyses, j’ illustrerai la première formule par les noms de quelques civilisations
286 d’exemples pour la deuxième formule. Il suffira, je crois, de ces brèves indications, pour faire bien voir que la formule
287 sir, au lieu d’essayer de les réduire. La réponse me paraît assez simple. Les diversités caractéristiques de la culture eu
288 s les annales du genre humain. En dépit de ce que je viens de dire sur la complexité indescriptible de notre civilisation,
289 é un tribut suffisant aux éléments diversifiants, j’ envisagerai maintenant les éléments communs et permanents, les caractè
290 caractères spécifiques de la culture européenne ; j’ entends les caractères par lesquels cette culture se distingue très év
291 sante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de
292 libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me direz-vous. Mais comparez, une fois de plus. Les cultures totalitaire
293 ontre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ ai cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe
294 dans l’aire géographique de cette civilisation ? Je n’en crois rien. Il existe sur notre planète trois régions comparable
295 e voit soumise ? S’il s’agit de défis extérieurs, je réponds non. Car les invasions asiatiques, seul défi extérieur que no
296 ontraire d’une agression délibérée de notre part. Je pense donc que le dynamisme de notre civilisation européenne provient
297 aptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement accidentel et relatif. Toute énergie, toute force phy
298 arent son unité après avoir exploré ses variétés. Je ne tenterai pas aujourd’hui de démontrer la cohérence profonde des cr
299 démontrer la cohérence profonde des créations que je viens d’énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je
300 e je viens d’énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je me bornerai donc à vous rappeler, mais avec la
301 Il y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je me bornerai donc à vous rappeler, mais avec la plus vive insistance,
302 y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je me bornerai donc à vous rappeler, mais avec la plus vive insistance, que
303 cette dialectique infinie et toujours ouverte que je décrivais plus haut, en vertu même de cette séculaire discussion et d
304 ais voici que cette culture crée le monde, par où j’ entends la possibilité d’un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais
305 es risques angoissants et les chances admirables. Je voudrais proposer quelques observations et suggestions sur ce qui se
306 aussi les « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici :
307 e faire, mais elle doit d’abord exister. Certains me diront, et une part de moi-même me le répète parfois en sourdine : ap
308 ster. Certains me diront, et une part de moi-même me le répète parfois en sourdine : après tout, que peut bien nous faire
309 partir, et une réponse à leurs angoisses privées, je répondrai simplement ceci : l’angoisse du monde qui nous appelle est
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
310 anges intellectuels d’une exceptionnelle densité, je pense répondre à l’attente de tous en essayant de reconsidérer la nat
311 , le progrès dans la liberté. Sur ce mot Liberté, je serai très bref bien qu’il soit le mot capital. Car la liberté, voyez
312 ’une sagesse globale. En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau
313 En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau de la politique propr
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
314 la culture et ses définitions, que là aussi vous me permettrez d’être assez bref, et de me borner à quelques traits défin
315 aussi vous me permettrez d’être assez bref, et de me borner à quelques traits définissant la conception de la culture que
316 raits définissant la conception de la culture que je vois pratiquée par ce Congrès. La culture c’est transmettre et situ
317 là pour les trois termes qui forment notre titre. J’ en déduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il est devenu depui
318 ous côtés : Êtes-vous un mouvement politique ? Il me semble que le commentaire que je viens de vous donner de nos buts rép
319 t politique ? Il me semble que le commentaire que je viens de vous donner de nos buts répond suffisamment à cette question
320 iques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela… J’ insisterai donc à mon tour. Au-delà de la politique : Liberté, Prog
321 ns d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai donc à mon tour. Au-delà de la politique : Liberté, Progrès et Bien En sit
322 é, Progrès et Bien En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau
323 En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’ ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau de la politique propr
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
324 C’est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il m’ est arrivé bien souvent d’entendre prononcer la phrase suivante : « Un
325 attitudes négatives, d’ailleurs contradictoires, je le répète, et sans doute absurdes, mais si courantes ? La première, c
326 ns très vite à la constatation suivante, qui sera ma première thèse : Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie
327 Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvr
328 té de notre culture ? Pendant une table ronde que je présidais à Rome, il y a quelques années, agacé par les objections qu
329 l’idée même d’une unité de la culture européenne, j’ ai noté la phrase suivante, que j’ai plus d’une fois citée et publiée
330 ure européenne, j’ai noté la phrase suivante, que j’ ai plus d’une fois citée et publiée depuis : L’Européen ne serait-il
331 s comparons notre formule de l’unité paradoxale — j’ entends de l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité
332 sans vouloir entrer dans de périlleuses analyses, j’ illustrerai la première formule par les noms de quelques civilisations
333 d’exemples pour la deuxième formule. Il suffira, je crois, de ces brèves indications, pour faire bien voir que la formule
334 sir, au lieu d’essayer de les réduire. La réponse me paraît assez simple. Les diversités caractéristiques de la culture eu
335 es annales du genre humain. 4. En dépit de ce que je viens de dire sur la complexité indescriptible de notre civilisation,
336 yé un tribut suffisant aux éléments diversifiant, j’ envisagerai maintenant les éléments communs et permanents, les caractè
337 caractères spécifiques de la culture européenne ; j’ entends les caractères par lesquels cette culture se distingue très év
338 sante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de
339 libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me dira-t-on. Mais comparons, une fois de plus ! Les cultures totalitair
340 cation au sacré, dans notre civilisation profane. Je pense donc que le dynamisme de notre civilisation européenne provient
341 aptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui me paraît purement accidentel et relatif. Toute énergie, toute force phy
342 condition même de la vie. Les considérations que j’ ai développées jusqu’ici, relatives à l’origine de nos diversités et d
343 ont peut-être un peu abstraites. Il est temps que je les illustre. Au lieu d’expliquer laborieusement les origines histori
344 otifs philosophiques de notre dynamisme européen, je vais énumérer tout simplement quelques-uns de ces résultats les plus
345 ciologie, psychologie, philosophie critique, — et je n’indique ici que des têtes de chapitre, et j’ai laissé de côté l’imm
346 et je n’indique ici que des têtes de chapitre, et j’ ai laissé de côté l’immense chapitre de nos créations sociales et de n
347 arent son unité après avoir exploré ses variétés. Je n’essaierai pas ici de démontrer la cohérence profonde des créations
348 cohérence profonde des créations européennes que je viens d’énumérer. Il y faudrait tout un livre, et il se trouve que je
349 Il y faudrait tout un livre, et il se trouve que je l’ai déjà écrit. Je me bornerai donc à rappeler, mais avec la plus vi
350 un livre, et il se trouve que je l’ai déjà écrit. Je me bornerai donc à rappeler, mais avec la plus vive insistance, que c
351 livre, et il se trouve que je l’ai déjà écrit. Je me bornerai donc à rappeler, mais avec la plus vive insistance, que ce n
352 cette dialectique infinie et toujours ouverte que je décrivais dans la première partie de mon exposé, en vertu même de cet
353 verte que je décrivais dans la première partie de mon exposé, en vertu même de cette séculaire discussion et dissension ent
354 s Européens, ayant créé « le monde » (au sens que je viens d’indiquer) se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoi
355 oissants et les chances admirables. Pour ma part, je voudrais proposer quelques observations et suggestions sur ce qui se
356 aussi les « produits » de la culture européenne ? Je crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici :
357 le faire. Or, elle doit d’abord exister. Mais on me dira, et une part de moi-même me dit : après tout, que peut bien nous
358 exister. Mais on me dira, et une part de moi-même me dit : après tout, que peut bien nous faire le sort du monde ? Notre s
359 on d’or, symboles du sens dernier de la vie. Ceci m’ évoque les petites caravelles de Colomb, au matin du départ à Palos de
360 si l’homme qui les conduit a la foi nécessaire ? Je sais bien que certains de mes lecteurs hésitent à me donner raison, p
361 la foi nécessaire ? Je sais bien que certains de mes lecteurs hésitent à me donner raison, parce qu’ils doutent de l’aveni
362 sais bien que certains de mes lecteurs hésitent à me donner raison, parce qu’ils doutent de l’avenir prochain de notre Eur
363 partir, et une réponse à leurs angoisses privées, je répondrai simplement ceci : l’angoisse du monde qui nous appelle est
364 e, pour l’ensemble du genre humain. 38. Si l’on me permet de paraphraser ainsi un vers fameux de Paul Valéry. x. Rouge
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
365 es plans — se trouvaient éclaircies du même coup. Je comparerais volontiers cette opération à la mise à feu du 2e étage d’
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
366 onstitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en une seule expression, moins pédante qu
367 de la justesse dans le choix de l’expression. Il me plaît de traduire cette belle définition dans les termes de notre suj
368 e la justesse dans le style de nos émotions. » À mon sens, en effet, les textes primitifs de la légende de Tristan, qui re
369 age personnel qu’il en fait. Un mythe, au sens où je l’entends, c’est une histoire, généralement très simple, et invariabl
370 de l’existence proprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui donnent un p
371  salut des âmes », ou « d’immortalité de l’âme ». Je prends le mot au sens précis et véritablement traditionnel, qui se re
372 , son pouvoir à jamais contagieux. Ceci posé — et je m’excuse du ton quelque peu didactique de ce rappel au sens des mots
373 on pouvoir à jamais contagieux. Ceci posé — et je m’ excuse du ton quelque peu didactique de ce rappel au sens des mots — c
374 olution du xiiie siècle jusqu’à nos jours, comme j’ ai tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradatio
375 ans histoire. Ou bien encore, et ce serait mieux, je crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Trist
376 l. Selon les sociologues, la passion doit mourir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se
377 iologues, la passion doit mourir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstac
378 passion de Tristan et d’Iseut : et c’est la mort. J’ ai laissé jusqu’ici dans l’ombre cet aspect trop souvent, trop facilem
379 au mythe, ose parler d’un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort. E
380 laisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier auteu
381 ire — et germe d’un être éternel qui est son vrai moi , et qui est un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont des
382 terrestre : c’est la rencontre de l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumiè
383 son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’une beauté resplendissante et qui lui dit : —
384 e d’une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au
385 me ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi , au lieu de la Fravarti c’est une apparition monstrueuse et défigurée
386 trueuse et défigurée qui reflète son état déchu. Je ne puis m’empêcher d’imaginer que cette « rencontre aurorale » avec l
387 défigurée qui reflète son état déchu. Je ne puis m’ empêcher d’imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le moi céles
388 imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le moi céleste en forme d’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de T
389 se à part, — ce serait le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélologie de l’ancien Iran ne détient pas l
390 à part, — ce serait le sujet d’autres études — je me demande souvent si l’angélologie de l’ancien Iran ne détient pas le s
391 e d’abord une dualité entre l’individu et le vrai moi , sans laquelle on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut être
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
392 qu’elle n’en a l’air. Trois raisons l’excusent à mes yeux, sans la justifier pour autant. Et tout d’abord il faut bien con
393 entier : imaginons du moins son argument. ⁂ S’il me fallait décrire la Suisse en une seule phrase, comme il arrive que de
394 ase, comme il arrive que des touristes l’exigent, je dirais : un pays de petits compartiments surmontés de sommets éclatan
395 es, qui se côtoient partout mais qui s’ignorent ; je ne sais combien de races, de classes et de dialectes, jalousement pré
396 urs esprits mériterait une étude plus ample, dont je n’indique ici que le thème : un ou deux exceptés (et cela se discuter
397 plus invétérées. En revanche, les grands noms que j’ énumérais plus haut ne seraient guère pensables hors du complexe suiss
398 le, sur notre continent. Le lecteur de ce recueil m’ aura vu venir : je n’entendais poser que les prolégomènes à toute étud
399 inent. Le lecteur de ce recueil m’aura vu venir : je n’entendais poser que les prolégomènes à toute étude future sur l’œuv
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
400 nt de la manière la mieux vérifiable. Le sujet de mes réflexions sera donc : l’interaction de la culture et de la technique
401 nous notre sujet ? C’est la première question que je me pose. J’y répondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’êtr
402 s notre sujet ? C’est la première question que je me pose. J’y répondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’être c
403 ujet ? C’est la première question que je me pose. J’ y répondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’être connus de
404 ntale peut à son tour bénéficier de la technique. Je suis pour ma part convaincu que notre culture, dans son ensemble — th
405 de vrais progrès si elle se coupe de la culture. Je pense donc que l’opposition entre la culture générale et une éducatio
406 drait des volumes et toute une vie de recherches. Je vais devoir me contenter de vous rappeler quelques exemples très typi
407 es et toute une vie de recherches. Je vais devoir me contenter de vous rappeler quelques exemples très typiques d’inventio
408 t de cette invention que, dans son livre intitulé Ma Vie, nous donne l’inventeur Henry Ford. Ce rêveur incurable, ce brico
409 teur : l’exemple des fusées vers la Lune et Vénus me suffira. Les plus grandes sommes — des milliards de dollars — que dép
410 risque de créer dans ce siècle : le danger — que je crois illusoire — de la mise en esclavage des Occidentaux par leurs m
411 machines, et le danger — beaucoup plus sérieux à mon sens — d’un épuisement des sources vives de l’invention, par la réduc
412 risque de transformer en panique planétaire ? Si je ne partage nullement ce pessimisme, c’est que les motifs de craindre
413 me, c’est que les motifs de craindre la technique me paraissent déjà dépassés par l’évolution même de la technique. Quand
414 t faites par l’homme et ne feront rien sans lui. J’ écrivais au lendemain d’Hiroshima : La bombe n’est pas dangereuse du
415 ra que la culture deviendra le sérieux de la vie. Je résume cette première partie de mon propos : la culture de l’Europe a
416 eux de la vie. Je résume cette première partie de mon propos : la culture de l’Europe a produit la technique ; on a pu crai
417 e leurs services. De ces trop rapides analyses — je tirerai maintenant quelques conclusions : 1. Gardons-nous d’opposer t
418 ulture générale, et elle a produit les Spoutniks. Je crains pour elle que ses premiers succès ne l’aveuglent et que sa pol
419 nce européenne dément cette conception simpliste. Je demandais un jour à l’un des trois physiciens qui ont réalisé la fiss
420 l’atome comment il travaillait à cette époque. Il me décrivit en détail ses méthodes, et il conclut : « Vous voyez, notre
421 dans les indices de production, mais dans ce que je voudrais appeler l’indice de l’équilibre humain. Il appartient à la c
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
422 hall d’un hôtel, vers quatre heures du matin, et je tirais les cartes. Un grand et fort garçon, dans la trentaine, beau v
423 dru, en bras de chemise, vint s’asseoir à côté de moi sur le tapis. Il arrivait tout droit de la rédaction de Combat et vou
424 on de Combat et voulait savoir son avenir. Ce que je sus, c’est que nous aurions beaucoup à faire ensemble. Deux ans plus
425 à faire ensemble. Deux ans plus tard, il devenait mon collaborateur le plus actif et imaginatif au Centre européen de la cu
426 , qu’il ne devait quitter qu’un an avant sa mort. Je parlerai de sa personne. ⁂ Il était alsacien, né à Strasbourg, et son
427 et comme en aparté : « Ceci n’est pas conforme à ma théologie. » Et l’on sentait qu’il s’agissait en lui non pas d’une ob
428 ch en automne est un poème luthérien, le seul que je connaisse en français. Luthérien par sa piété heureuse et nostalgique
24 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
429 minister verbi divini. Les manuels ont beau dire, je ne vois pas qu’il ait eu la moindre « influence » vérifiable sur la l
430 ttitude « classique » ou sociale de l’esprit, que j’ ai tenté dans mes premiers ouvrages de décrire par le terme d’engageme
431 que » ou sociale de l’esprit, que j’ai tenté dans mes premiers ouvrages de décrire par le terme d’engagement, — dont il sem
432 rose. Mais laissons ces questions de goût. Ce qui m’ importe ici, c’est l’efficacité d’une œuvre écrite et pensée tout enti
433 ceux qui la suivent, nous dit-il. Dieu toutefois me fit tourner bride… Ayant donc reçu quelque goût et connaissance de la
434 u quelque goût et connaissance de la vraie piété, je fus incontinent enflammé d’un si grand désir de profiter, qu’encore q
435 mé d’un si grand désir de profiter, qu’encore que je ne quittasse pas du tout les autres études, je m’y employai toutefois
436 ue je ne quittasse pas du tout les autres études, je m’y employai toutefois plus lâchement. Or, je fus tout ébahi que deva
437 je ne quittasse pas du tout les autres études, je m’ y employai toutefois plus lâchement. Or, je fus tout ébahi que devant
438 es, je m’y employai toutefois plus lâchement. Or, je fus tout ébahi que devant que l’an passât, tous ceux qui avaient quel
439 quelque désir de la pure doctrine se rangeaient à moi pour apprendre, combien que je ne fisse que commencer moi-même. De mo
440 e se rangeaient à moi pour apprendre, combien que je ne fisse que commencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’étant d’un
441 qu’étant d’un naturel un peu sauvage et honteux, j’ ai toujours aimé requoy et tranquillité, je commençai à chercher quelq
442 nteux, j’ai toujours aimé requoy et tranquillité, je commençai à chercher quelque cachette et moyen de me retirer des gens
443 commençai à chercher quelque cachette et moyen de me retirer des gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon dés
444 n de me retirer des gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon désir, qu’au contraire toutes retraites et lieux
445 gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon désir, qu’au contraire toutes retraites et lieux à l’écart m’étaient
446 ’au contraire toutes retraites et lieux à l’écart m’ étaient comme écoles publiques. Bref, cependant que j’avais toujours c
447 aient comme écoles publiques. Bref, cependant que j’ avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’a tell
448 rs ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’ a tellement promené et fait tournoyer par divers changements que toute
449 rnoyer par divers changements que toutefois il ne m’ a jamais laissé de repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré m
450 repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré mon naturel, il m’a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit
451 elconque jusques à ce que, malgré mon naturel, il m’ a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit. L’aventure s
452 er qu’une nuit. Mais là, « maître Guillaume Farel me retint, non pas tant par conseil et exhortation que par une adjuratio
453 , comme si Dieu eût d’en haut étendu sa main pour m’ arrêter ». C’en est fait de la paix de ses études, maudite par les cri
454 ûrit, mais voilà Genève qui le rappelle. « Contre mon désir et affection la nécessité me fut imposée de retourner à ma prem
455 lle. « Contre mon désir et affection la nécessité me fut imposée de retourner à ma première charge… ce que je fis avec tri
456 ection la nécessité me fut imposée de retourner à ma première charge… ce que je fis avec tristesse, larmes, grande sollici
457 imposée de retourner à ma première charge… ce que je fis avec tristesse, larmes, grande sollicitude et détresse… Maintenan
458 s, grande sollicitude et détresse… Maintenant, si je voulais réciter les divers combats par lesquels le Seigneur m’a exerc
459 citer les divers combats par lesquels le Seigneur m’ a exercé depuis ce temps-là, et par quelles épreuves il m’a examiné, c
460 cé depuis ce temps-là, et par quelles épreuves il m’ a examiné, ce serait une longue histoire. » Semblable au roi David mol
461 milieu de son peuple par la malice des déloyaux «  j’ ai été assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos un b
462 « j’ai été assailli tellement qu’à grand-peine ai- je pu être en repos un bien peu de temps, que toujours je n’eusse à sout
463 être en repos un bien peu de temps, que toujours je n’eusse à soutenir quelque combat, ou de ceux du dehors, ou de ceux d
464 et dans une action à quoi rien ne nous inclinait. J’ étais l’homme le moins fait pour cela ! gémit l’individu quand une for
465 -même, le jette à sa personne. Et Calvin : « Dieu me fit tourner bride… » Son efficacité naît de cet abandon, de cette jus
466 ue du Nord, et cela fait la moitié de l’Occident. Je cherche en vain l’esprit qu’on puisse lui comparer par l’ampleur et p
467 durée d’une action de cet ordre dans l’Histoire. J’ écarte Rousseau son disciple mais aussi sa parfaite antithèse : qui cr
468 qui croit encore à la bonté de l’homme naturel ? J’ écarte Machiavel, ce grand mal-entendu. J’écarte Nietzsche. Je ne vois
469 turel ? J’écarte Machiavel, ce grand mal-entendu. J’ écarte Nietzsche. Je ne vois plus que Marx, et encore. Un empire inter
470 hiavel, ce grand mal-entendu. J’écarte Nietzsche. Je ne vois plus que Marx, et encore. Un empire international se réclame
25 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
471 Río calme et violet. Tels sont les souvenirs que je garde et chéris de mon passage de quelques mois, à la cour de San Isi
472 Tels sont les souvenirs que je garde et chéris de mon passage de quelques mois, à la cour de San Isidro : c’était en 1941.
473 mois, à la cour de San Isidro : c’était en 1941. Je venais des États-Unis, où la guerre en Europe m’avait projeté hors d’
474 Je venais des États-Unis, où la guerre en Europe m’ avait projeté hors d’une Suisse neutre et assiégée, qui m’estimait san
475 projeté hors d’une Suisse neutre et assiégée, qui m’ estimait sans doute moins gênant, peut-être même plus utile outre-mer.
476 oins gênant, peut-être même plus utile outre-mer. Mes premières rencontres avec Victoria dataient tout juste de deux ans au
477 de deux ans auparavant. Elles restent liées dans ma mémoire avec tout ce que Paris comptait de plus précieux et de plus é
478 daire, et la promesse d’un avenir malgré tout qui m’ étaient rendus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des enviro
479 , dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’ étais tombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied d’une cathédr
480 plus hauts que les tours de Notre-Dame. Victoria m’ a trouvé là, et parce que je ne disais rien, m’a fortement pincé le br
481 Notre-Dame. Victoria m’a trouvé là, et parce que je ne disais rien, m’a fortement pincé le bras pour que je crie mon admi
482 ia m’a trouvé là, et parce que je ne disais rien, m’ a fortement pincé le bras pour que je crie mon admiration. Et ce jour-
483 disais rien, m’a fortement pincé le bras pour que je crie mon admiration. Et ce jour-là, j’ai découvert son patriotisme fo
484 ien, m’a fortement pincé le bras pour que je crie mon admiration. Et ce jour-là, j’ai découvert son patriotisme foncier. Je
485 s pour que je crie mon admiration. Et ce jour-là, j’ ai découvert son patriotisme foncier. Je l’avais connue cosmopolite et
486 jour-là, j’ai découvert son patriotisme foncier. Je l’avais connue cosmopolite et parisienne, au sens noble que définit l
487 oble que définit la seule Société des esprits. Et j’ ai vu qu’elle était Argentine avant tout, dans ses grandes dimensions
26 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
488 articularismes périmés ? Répondre à ces questions me paraît vital, et non seulement pour notre Fondation, mais pour tous c
489 l’Europe, chacun dans son domaine professionnel. J’ essaierai donc de démontrer ici, d’une manière aussi simple que possib
490 oduit par deux fois dans la génération à laquelle j’ appartiens, et l’Europe a risqué d’en périr. Insister sur nos seules d
491 s sociales d’autre part. Ces deux grandes tâches, je le répète, sont vitales et elles relèvent de la culture au premier ch
492 et elles relèvent de la culture au premier chef, j’ entends par là : de la recherche pure, de la philosophie, des sciences
493 a diversité, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l’on me dit que j’aligne ici des évidences, j’en serai content : telle était
494 , c’est-à-dire du fédéralisme. Si l’on me dit que j’ aligne ici des évidences, j’en serai content : telle était bien mon in
495 e. Si l’on me dit que j’aligne ici des évidences, j’ en serai content : telle était bien mon intention. Mais je demanderai
496 évidences, j’en serai content : telle était bien mon intention. Mais je demanderai que l’on confronte ces évidences avec l
497 ai content : telle était bien mon intention. Mais je demanderai que l’on confronte ces évidences avec les croyances popula
498 e ces évidences avec les croyances populaires que je rappelais en débutant, celles qui inspirent la méfiance courante à l’
499 ci pour la culture était de trop. Si au contraire mes arguments sont « évidents », alors il est grand temps que la très ric
27 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
500 son côté, souhaite qu’elle soit un jour élucidée. Je serais heureux que les notes qui suivent contribuent à combler certai
501 s le climat de cette période angoissée, telle que j’ ai pu la voir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de mon journ
502 ir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de mon journal privé, néces­sairement trop personnelles, mais prises sur le
503 générale de l’armée (Ve section, Armée et Foyer), j’ avais proposé et obtenu de rédiger des plans de causeries à l’usage de
504 eur troupe. C’était au mois de mars 1940. L’un de mes premiers projets de plan révèle l’idée qui me hantait à cette époque 
505 de mes premiers projets de plan révèle l’idée qui me hantait à cette époque : il décrit en effet l’importance symbolique e
506 le mobilisation générale est ordonnée. Avec un de mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui a de
507 générale est ordonnée. Avec un de mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui a demandé quelques
508 e est ordonnée. Avec un de mes camarades, je vais m’ annoncer au chef de la police de Berne, qui a demandé quelques volonta
509 rs papiers. Compris. Telle était l’atmosphère, et je n’ai vu ce jour-là, comme les jours suivants à la troupe, où je suis
510 jour-là, comme les jours suivants à la troupe, où je suis retourné pour une semaine, que des hommes décidés à se battre, g
511 Voici le film des semaines qui suivirent, d’après mes notes de journal de l’époque. ⁂ Le 3 juin 1940al À Radio-Lausanne, p
512 Université de Zurich, parle de la Suisse romande, moi de la Suisse alémanique. En sortant du studio, nous apprenons que Par
513 train qui nous ramène à Berne le lendemain matin, je dis à Spoerri : « Si la France est battue, le moral de la Suisse va f
514 à pouvoir nous défendre. Depuis plusieurs années, je pense au Saint-Gothard comme au cœur de l’Europe, à son bastion sacré
515 omme au cœur de l’Europe, à son bastion sacré, et je l’ai dit hier soir encore. Or il se trouve que le Gothard est le type
516 e et comme grand atout militaire. » Il acquiesce. Je poursuis : « Une action qui réunirait tous les groupements organisés
517 , dit-il, c’est une idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’il était ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement
518 ce n’est rien d’en parler. Il faut le faire ! » J’ ai senti sous son regard direct le danger d’avoir une idée et de l’exp
519 1940 Débâcle française sur la Seine. Notre projet me travaille. Spoerri insiste, agit. Des contacts sont pris à droite et
520 940 À 11 heures, l’ordonnance fait irruption dans mon bureau. « Mon premier-lieutenant, on vient d’entendre à la radio que
521 s, l’ordonnance fait irruption dans mon bureau. «  Mon premier-lieutenant, on vient d’entendre à la radio que les Allemands
522 entrés à Paris. » — Merci. Repos ! Il est sorti, me voyant incapable de rien dire de plus. Je suis resté immobile un long
523 sorti, me voyant incapable de rien dire de plus. Je suis resté immobile un long moment. J’ai écrit deux pages sur la conf
524 e de plus. Je suis resté immobile un long moment. J’ ai écrit deux pages sur la confrontation d’Hitler et de Paris, les ai
525 atterrissage tout désigné pour des parachutistes. Je la regarde de temps à autre en écartant le rideau, mais rien encore.
526 détonations qui semblaient provenir de la forêt. Me suis levé pensant que c’était commencé. D’une fenêtre donnant au nord
527 c’était commencé. D’une fenêtre donnant au nord, j’ ai regardé longtemps la ville, apparemment paisible, et la ligne préci
528 écise des crêtes du Jura sur un ciel tourmenté où je guettais des lueurs. Quelques camions ont passé sous la fenêtre, tous
529 tant lentement vers le Gurten. Pas d’autre bruit. Me suis recouché pensant que s’il se passait quelque chose, je serais al
530 couché pensant que s’il se passait quelque chose, je serais alerté par téléphone. Peu dormi, et levé à six heures. Avant d
531 Peu dormi, et levé à six heures. Avant d’entrer à mon bureau, près de la gare, acheté comme chaque matin la Gazette . Mon
532 la gare, acheté comme chaque matin la Gazette . Mon article — je n’y pensais plus — en première page, à côté d’un appel à
533 té comme chaque matin la Gazette . Mon article — je n’y pensais plus — en première page, à côté d’un appel à se taire lan
534 s ! (« Qui ne sait se taire, nuit à son pays ! ») Je le relis rapidement dans l’escalier : il me paraît un peu sentimental
535  ! ») Je le relis rapidement dans l’escalier : il me paraît un peu sentimental, je me demande s’il est bien à la mesure du
536 ans l’escalier : il me paraît un peu sentimental, je me demande s’il est bien à la mesure du tragique dans lequel nous bai
537 l’escalier : il me paraît un peu sentimental, je me demande s’il est bien à la mesure du tragique dans lequel nous baigno
538 istoires. Vers la fin de la matinée, téléphone de mon beau-frère, M. P., qui est à la Censure. Oui, il y aura des histoires
539 raît-il. Mais rien de nouveau jusqu’à six heures. Je me prépare à sortir. Sonnerie du téléphone. On va me parler de l’E.-M
540 t-il. Mais rien de nouveau jusqu’à six heures. Je me prépare à sortir. Sonnerie du téléphone. On va me parler de l’E.-M. d
541 me prépare à sortir. Sonnerie du téléphone. On va me parler de l’E.-M. du Général. — Ici colonel Masson. C’est bien vous q
542 l’article paru ce matin dans la Gazette  ? — Oui, mon colonel. — Avez-vous demandé l’autorisation de vos supérieurs ? — Non
543 demandé l’autorisation de vos supérieurs ? — Non, mon colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas officier de carrière. — Vous d
544 s supérieurs ? — Non, mon colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas officier de carrière. — Vous deviez le faire quand même.
545 qu’ici. Ce matin, un officier de l’E.-M. est venu m’ avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux.
546 8 juin 1940 À sept heures précises au bureau. Sur ma table, une note me priant de passer chez le colonel, chef de la Ve Se
547 heures précises au bureau. Sur ma table, une note me priant de passer chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bonjour mo
548 chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bonjour mon cher. Asseyez-vous. (Je me dis : C’est donc si grave que cela ?) — J’
549 la Ve Section. — Bonjour mon cher. Asseyez-vous. ( Je me dis : C’est donc si grave que cela ?) — J’ai beaucoup aimé votre a
550 Ve Section. — Bonjour mon cher. Asseyez-vous. (Je me dis : C’est donc si grave que cela ?) — J’ai beaucoup aimé votre arti
551 s. (Je me dis : C’est donc si grave que cela ?) — J’ ai beaucoup aimé votre article… Mais la Légation d’Allemagne a protest
552 s la Légation d’Allemagne a protesté, hier matin. J’ ai l’ordre de vous faire conduire chez vous pour y prendre les arrêts.
553 chez vous pour y prendre les arrêts. Voulez-vous me laisser votre pistolet ? Je dépose mon pistolet sur le bureau. Je me
554 s arrêts. Voulez-vous me laisser votre pistolet ? Je dépose mon pistolet sur le bureau. Je me sens tout nu. Faute de solda
555 Voulez-vous me laisser votre pistolet ? Je dépose mon pistolet sur le bureau. Je me sens tout nu. Faute de soldats baïonnet
556 pistolet ? Je dépose mon pistolet sur le bureau. Je me sens tout nu. Faute de soldats baïonnette au canon — on n’en trouv
557 stolet ? Je dépose mon pistolet sur le bureau. Je me sens tout nu. Faute de soldats baïonnette au canon — on n’en trouve p
558 trouve point — c’est le lieutenant-colonel M. qui m’ accompagne à la maison, en voiture. J’attends deux heures. Une auto mi
559 onel M. qui m’accompagne à la maison, en voiture. J’ attends deux heures. Une auto militaire vient me prendre. Comparutions
560 . J’attends deux heures. Une auto militaire vient me prendre. Comparutions diverses. Dialogue invariable : — Qu’avez-vous
561 us à dire pour votre défense ? — Absolument rien. Je suppose que vous êtes d’accord avec mon article. Là n’est pas la ques
562 ment rien. Je suppose que vous êtes d’accord avec mon article. Là n’est pas la question… La question est de me déférer au t
563 cle. Là n’est pas la question… La question est de me déférer au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi. Écouté
564 stion est de me déférer au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi. Écouté la radio pendant des heures. La débâ
565 au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi . Écouté la radio pendant des heures. La débâcle est consommée, la Sui
28 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
566 Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère d’imminence, je ne puis la caractériser mieux. Tout est immédiat, concret, naturel et
567 ant à la fois, comme l’événement quand il arrive. Je vois ce pré et je sais qu’il peut y apparaître dans un instant des ho
568 me l’événement quand il arrive. Je vois ce pré et je sais qu’il peut y apparaître dans un instant des hommes qui nous tire
569 s un instant des hommes qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus mon pistolet, que je déposais chaque soir à côté de mo
570 ommes qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus mon pistolet, que je déposais chaque soir à côté de mon lit, depuis quelq
571 eront dessus. Je n’ai même plus mon pistolet, que je déposais chaque soir à côté de mon lit, depuis quelque temps. La radi
572 n pistolet, que je déposais chaque soir à côté de mon lit, depuis quelque temps. La radio, heure par heure, accumule par pe
573 énorme désastre, incroyable et vrai. Le téléphone m’ apporte, heure par heure, les nouvelles de l’action entreprise pour no
574 ». (Beaucoup de précautions sont nécessaires, car je sens qu’on écoute mes téléphones.)40 Le risque individuel prend sa pl
575 utions sont nécessaires, car je sens qu’on écoute mes téléphones.)40 Le risque individuel prend sa place normale dans le ri
576 des petites choses précises à faire. 20 juin 1940 Mon colonel se présente à la porte de notre petite maison du Gurten. Je p
577 ente à la porte de notre petite maison du Gurten. Je prends la position. Il tient dans chaque main un petit paquet attaché
578 êtes dès maintenant à Saint-Maurice. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas sortir dans les rues de Berne chaque so
579 c une petite femme à chaque bras. — À vos ordres, mon colonel ! J’ai toujours été partisan des vacances payées. Je vous rem
580 emme à chaque bras. — À vos ordres, mon colonel ! J’ ai toujours été partisan des vacances payées. Je vous remercie. — Repo
581 ! J’ai toujours été partisan des vacances payées. Je vous remercie. — Repos ! Le colonel a bien voulu prendre un verre, au
582 ndépendance que l’armée est chargée de défendre ? Je relis les instructions données au général Guisan le 31 août 1939 par
583 cela s’appelle une retraite stratégique. On peut me dire qu’il est aussi des retraites nécessaires (des silences opportun
584 dre l’indépendance du pays. Cela se discute, mais j’ ai pris mon parti, tout comme le général de Gaulle, à la radio de Lond
585 pendance du pays. Cela se discute, mais j’ai pris mon parti, tout comme le général de Gaulle, à la radio de Londres, il y a
586 dapter à l’ordre nouveau »…) Fin juin 1940 Repris mon service à la section « Armée et Foyer ». Pendant mes vacances forcées
587 service à la section « Armée et Foyer ». Pendant mes vacances forcées, j’ai eu le temps de rédiger le manifeste de notre m
588 « Armée et Foyer ». Pendant mes vacances forcées, j’ ai eu le temps de rédiger le manifeste de notre mouvement, qui a pris
589 , qui a pris le nom de « Ligue du Gothard », pour ma plus grande satisfaction. Discuté et corrigé ce texte jusqu’à cinq he
590 ndre de diverses manières, mais l’une est atroce. Je veux, croire qu’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un officier de l’
591 Mais ce matin, un officier de l’E.-M. du Général me dit : « Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte d’être Suisse.
592 M. du Général me dit : « Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres quoti
593 néral me dit : « Pour la première fois de ma vie, j’ ai eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes,
594 igue du Gothard entreprend alors une démarche que je crois sans précédent dans l’histoire des conjurations politiques. Tro
595 ’affaire de la Gazette de Lausanne et bridé par mes fonctions militaires, je ne puis faire partie de la délégation. J’att
596 Lausanne et bridé par mes fonctions militaires, je ne puis faire partie de la délégation. J’attends les résultats de la
597 taires, je ne puis faire partie de la délégation. J’ attends les résultats de la démarche dans un café proche du Palais féd
598 ns un café proche du Palais fédéral. Les délégués m’ y retrouvent après une heure. Le titulaire ad interim du Département p
599 a, comme on sait.) 40. Néanmoins, un sergent de mes amis, syndicaliste, membre fondateur de la Ligue du Gothard, me dit,
600 caliste, membre fondateur de la Ligue du Gothard, me dit, quelques jours plus tard : « Vous êtes imprudent au téléphone. P
601 s êtes imprudent au téléphone. Par bonheur, c’est moi qui suis chargé des rapports d’écoute. J’efface les rouleaux enregist
602 c’est moi qui suis chargé des rapports d’écoute. J’ efface les rouleaux enregistrant vos conversations ! » 41. Il s’agit
29 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
603 vaincants — on ne peut pas écrire en groupe — ils me confient la rédaction. Ma position est un peu délicate. « Le général
604 écrire en groupe — ils me confient la rédaction. Ma position est un peu délicate. « Le général est toujours furieux après
605 « Le général est toujours furieux après vous ! » m’ a dit hier encore mon colonel, un Bernois. Mais quoi ! D’une part, le
606 ujours furieux après vous ! » m’a dit hier encore mon colonel, un Bernois. Mais quoi ! D’une part, le général ne saura pas
607 part, le général ne saura pas que le texte est de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin ju
608 ra pas que le texte est de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige un
609 r qu’il en approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige une brochure intitulée : Qu’est-ce que la Ligue du Gothard ?
610 nvergence parfaite avec le rapport du Grütli, que j’ ignorais, naturellement, quand j’ai rédigé ces quelques pages. Mi-août
611 t du Grütli, que j’ignorais, naturellement, quand j’ ai rédigé ces quelques pages. Mi-août 1940 Réunion du Directoire de la
612 os petits groupes. Un jeune lieutenant inconnu de moi saute à terre, fait quelques pas à mes côtés et me dit rapidement : «
613 inconnu de moi saute à terre, fait quelques pas à mes côtés et me dit rapidement : « Soyez prudent. Quatre chefs de la Ligu
614 i saute à terre, fait quelques pas à mes côtés et me dit rapidement : « Soyez prudent. Quatre chefs de la Ligue dans l’arm
615 lieutenant remonte, la voiture s’éloigne. Demain, je suis convoqué au Palais fédéral. Est-ce vraiment pour y discuter une
616 une fois de plus ce voyage aux États-Unis ? Ici, je dois revenir un peu en arrière dans mes souvenirs. Dès le mois de mai
617 nis ? Ici, je dois revenir un peu en arrière dans mes souvenirs. Dès le mois de mai, le « Secrétariat des Suisses à l’étran
618 mai, le « Secrétariat des Suisses à l’étranger » m’ avait proposé d’aller à New York et d’y faire jouer ma pièce sur Nico
619 ait proposé d’aller à New York et d’y faire jouer ma pièce sur Nicolas de Flüe (musique d’Arthur Honegger) à l’occasion
620 Arthur Honegger) à l’occasion de la World’s Fair. J’ avais longtemps tergiversé. Je faisais la Ligue. Puis il y eut l’incid
621 de la World’s Fair. J’avais longtemps tergiversé. Je faisais la Ligue. Puis il y eut l’incident de mon article sur Paris.
622 Je faisais la Ligue. Puis il y eut l’incident de mon article sur Paris. Je n’étais certes plus persona grata. Pourtant, le
623 uis il y eut l’incident de mon article sur Paris. Je n’étais certes plus persona grata. Pourtant, le 16 juillet, Pro Helve
624 sona grata. Pourtant, le 16 juillet, Pro Helvetia m’ avait renouvelé la demande. J’aurais à faire aussi des conférences. Je
625 illet, Pro Helvetia m’avait renouvelé la demande. J’ aurais à faire aussi des conférences. Je proposai, pour voir, les quat
626 demande. J’aurais à faire aussi des conférences. Je proposai, pour voir, les quatre sujets suivants : 1) les causes spiri
627 e 27 juillet, une lettre du Département politique m’ offrait un passeport diplomatique (censé me faciliter la traversée de
628 itique m’offrait un passeport diplomatique (censé me faciliter la traversée de l’Espagne) à condition toutefois que je m’a
629 traversée de l’Espagne) à condition toutefois que je m’abstienne aux États-Unis « de toute activité ayant un caractère pol
630 versée de l’Espagne) à condition toutefois que je m’ abstienne aux États-Unis « de toute activité ayant un caractère politi
631 1 à 3 devraient, par conséquent, être évités ». ( J’ ai conservé la lettre, signée par le ministre B.) ⁂ Ces prudences offi
632 iques de l’époque — n’eurent d’autre effet que de me piquer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir compte, je finis par acce
633 quer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir compte, je finis par accepter la proposition de voyage aux États-Unis. Pour la S
634 n peu plus tard dans les pays occupés par Hitler. Je suis conscient du léger ridicule qu’aux yeux de beaucoup présentera c
635 t contribué si peu que ce fût, voilà qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans
636 qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940, j’ estimais qu’elle avait réussi dans la mesure précise où elle devenait,
637 mée démobilisait les deux tiers de ses effectifs. Je me voyais rendu à mes travaux d’écrivain, mais pratiquement condamné
638 démobilisait les deux tiers de ses effectifs. Je me voyais rendu à mes travaux d’écrivain, mais pratiquement condamné à n
639 deux tiers de ses effectifs. Je me voyais rendu à mes travaux d’écrivain, mais pratiquement condamné à ne plus aborder en p
640 et ce n’était, littéralement, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que de notre belle nature me semblait également in
641 . Me taire ou ne parler que de notre belle nature me semblait également intolérable, tant qu’Hitler sévissait en Europe. E
642 rable, tant qu’Hitler sévissait en Europe. Enfin, je pressentais que dans la lutte en cours, provisoirement perdue sur not
643 l’Amérique. Peut-être bien était-ce là-bas qu’il me serait donné, quoique « neutre », de faire la guerre à ma façon, d’en
644 t donné, quoique « neutre », de faire la guerre à ma façon, d’entrer dans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je
645 ans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je me décidai donc à partir. Et, certes, les raisons qui m’animaient n’é
646 le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je me décidai donc à partir. Et, certes, les raisons qui m’animaient n’étai
647 écidai donc à partir. Et, certes, les raisons qui m’ animaient n’étaient point exactement celles qu’on eut alors au Palais
648 qu’on eut alors au Palais fédéral pour favoriser mon voyage. Mais le fait est qu’elles jouèrent dans le même sens. Le 20 a
649 ns le même sens. Le 20 août, à 7 heures du matin, je prenais la route de Lisbonne. J’avais acheté, avant de monter dans l’
650 heures du matin, je prenais la route de Lisbonne. J’ avais acheté, avant de monter dans l’autobus, trois journaux du matin
651 Ligue. Les notes personnelles qu’on vient de lire me paraissent de nature à confirmer la description d’ensemble que M, Jon
652 nt passées différemment, sur plusieurs points que je relèverai maintenant. 1. La « ligue des officiers » s’est bien consti
653 de juin) et les noms de ses chefs sont exacts, si mes souvenirs le sont aussi. Ses buts et ses premières activités sont cor
654 éfinis, sauf sur un point, qui est d’importance : je ne crois pas un instant que les officiers ligueurs aient pu douter de
655 les « s’imbriquaient étroitement », on l’a vu par mes notes. Mais Kimche commet une curieuse erreur en confondant la ligue
656 antôt le « Mouvement de résistance national ». Si j’ en juge par les noms qu’il donne des responsables de ce dernier Mouvem
657 omne de 1940. L’un de ses chefs, M. Hans Oprecht, me le confirme doublement en me disant d’une part que « l’Action de rési
658 fs, M. Hans Oprecht, me le confirme doublement en me disant d’une part que « l’Action de résistance » n’intervint qu’« apr
659 « l’Action de résistance » n’intervint qu’« après mon départ pour les États-Unis », d’autre part qu’elle se forma « contre
660 tte ligue d’un mouvement qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pas existé pendant la période que décrit Ki
661 s plus tard, allait devenir le centre du Réduit ? Je tenterai de répondre à cette question dans un prochain article. 42.
30 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
662 luttent pour cette union. Car il ne s’agit pas —  je le dis une fois de plus — de deviner l’histoire qui vient, mais de la
663 laires : les résultats des mutations récentes que j’ énumérais au début sont devenus généralement visibles et sensibles ; i
664 rmais celles qui adaptent la technique à l’homme. J’ écris ceci pour amuser les lecteurs de 1980, s’ils retrouvent par hasa
665 les lecteurs de 1980, s’ils retrouvent par hasard mon petit essai ; et pour que certains, aujourd’hui, voient un peu mieux