1
e, que vous l’appeliez ‟Toi” ou que vous pensiez ‟
Je
suis Lui”. » S’il n’y avait « aucune différence », il n’y aurait pas
2
nime de part et d’autre les meilleurs esprits, il
me
paraît vital d’admettre en toute franchise l’existence historique et
3
agesse supérieure saurait conduire à la synthèse.
Je
vois le danger. Mais il faut voir aussi que l’union finale des esprit
4
classes. L’Occidental retour d’Orient s’écrie : «
Je
n’ai vu que des foules, pas une personne ! » Et l’Oriental qui circul
5
ssance), et la seconde l’Excarnation (la mort). »
Je
voudrais à mon tour illustrer cette idée en l’exposant sous trois asp
6
seconde l’Excarnation (la mort). » Je voudrais à
mon
tour illustrer cette idée en l’exposant sous trois aspects variés. C
7
monde » décide d’atteindre le salut par tout son
moi
, mais par son moi seul, détaché, progressivement illuminé : voie de l
8
atteindre le salut par tout son moi, mais par son
moi
seul, détaché, progressivement illuminé : voie de la connaissance dir
9
tre en doute10 : tous les auteurs qui traitent de
mon
sujet s’accordent au moins sur ce point, malgré les divergences de le
10
de leur jugement de valeur. Pourtant la chose ne
me
paraît pas si simple, et j’y sens une complexité dont j’essaierai mai
11
Pourtant la chose ne me paraît pas si simple, et
j’
y sens une complexité dont j’essaierai maintenant d’indiquer la nature
12
ît pas si simple, et j’y sens une complexité dont
j’
essaierai maintenant d’indiquer la nature en rapportant l’observation
13
« Trop de monde partout ! Trois domestiques pour
ma
simple chambre d’hôtel. Sept ou huit hommes, dont un travaille, dans
14
rottoirs couverts de dormeurs pendant la nuit. Et
j’
ai vu cinq personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront-ils
15
compter, dans ce grouillement sempiternel ? Mais
je
vais aux quartiers anciens : celui qui entoure la grande pièce d’eau
16
: il s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne
m’
a paru plus solennelle ni plus simplement adorable. Tintements de cloc
17
de clochetons baroques ? Ce sont des temples, dit
mon
guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et de colliers de verro
18
elle les cierges noirs devant le jet d’eau grêle.
Je
pense aux holy men, errant dans les campagnes, ou longuement assis en
19
des chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bach :
je
ne sais rien de plus européen, ni de plus véritablement communautaire
20
a magie, nous prions et chantons ensemble. » Ici,
je
dois citer Rudolf Kassner, essayiste autrichien de génie. Personne n’
21
n livré à l’Inde, immergé dans la foule indienne.
J’
ai parlé de l’Hindou « grégaire » ; terme inexact s’il fait penser à «
22
terme inexact s’il fait penser à « collectif », à
je
ne sais quoi d’organisé ou d’encadré. Je cherchais à dire autre chose
23
tif », à je ne sais quoi d’organisé ou d’encadré.
Je
cherchais à dire autre chose. Kassner m’offre ce mot : le corps magiq
24
encadré. Je cherchais à dire autre chose. Kassner
m’
offre ce mot : le corps magique, et il le commente en ces termes11 : «
25
1 : « Âme corporisée, ou corps spiritualisé, sans
Moi
, ou avec un Moi qui n’est qu’un simple centre. L’homme magique, le co
26
isée, ou corps spiritualisé, sans Moi, ou avec un
Moi
qui n’est qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a
27
oule, infinie et tout-englobante. En Occident, le
moi
et le non-moi, le oui et le non, le bien et le mal, la liberté et le
28
et tout-englobante. En Occident, le moi et le non-
moi
, le oui et le non, le bien et le mal, la liberté et le destin, la per
29
n, et ne cessent de refaire le signe de la Croix.
Je
disais que la voie de l’individu en Inde, comme celle du mystique méd
30
val, ne peut être que fuite en l’Absolu. Ainsi le
moi
devient conscient et se détache, échappe au corps magique, s’isole en
31
ieux se perdre en son accomplissement, puisque le
moi
est voie, et que la voie consiste à libérer progressivement une âme d
32
est Tout, et que le Tout ou le Réel n’est que le
Moi
pleinement réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’y a pas plus d
33
plus de personne dans la gnose hindouiste que de
moi
distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que Je s
34
e bouddhisme. Qu’il n’y ait point de Dieu, ou que
Je
sois le Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’est pas de
35
uences précises, — un monde, littéralement, comme
j’
espère le montrer. Revenons à la déclaration de Ramakrishna que je cit
36
rer. Revenons à la déclaration de Ramakrishna que
je
citais en tête de ce chapitre : « Il n’y a aucune différence, que vou
37
rence, que vous l’appeliez Toi ou que Vous disiez
Je
suis Lui. » Nous y lisons maintenant la vraie définition de l’attitud
38
ression de la différence entre le Toi divin et le
moi
de l’homme. En revanche, l’Occident s’atteste et s’actualise là où la
39
pas d’écoles hindoues pour affirmer la réalité du
Moi
, l’action de la Grâce, voire un Dieu personnel. L’idée de la « voie »
40
entons le collectivisme… Et l’on aura beau jeu de
m’
opposer des textes apparemment ruineux pour ma thèse des deux Voies. À
41
de m’opposer des textes apparemment ruineux pour
ma
thèse des deux Voies. À quelle école mystique de l’hindouisme apparti
42
rit égal que l’action porte ses fruits ou non ? »
Je
viens de citer dans l’ordre saint Jean de la Croix, Eckhart, et la Bh
43
a divergence réelle des résultantes majeures dont
je
parlais plus haut. J’en donnerai deux exemples précis. Je trouve le p
44
s résultantes majeures dont je parlais plus haut.
J’
en donnerai deux exemples précis. Je trouve le premier dans Kassner, a
45
is plus haut. J’en donnerai deux exemples précis.
Je
trouve le premier dans Kassner, au chapitre où il décrit le corps mag
46
de l’homme renferme l’idée de son individualité.
Mon
second exemple, est emprunté à un essai de Ernst Jünger12 : La relat
47
Elle est divine, et nous sommes criminels. Si le
moi
n’est qu’une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui c
48
étruit rien qui compte ; mais au contraire, si le
moi
libre et unique est une réalité tenue pour inviolable, rien ne peut j
49
le, rien ne peut justifier notre délire guerrier.
Je
ne juge pas. Je constate. Il y a des différences. Et mon propos n’est
50
justifier notre délire guerrier. Je ne juge pas.
Je
constate. Il y a des différences. Et mon propos n’est pas de les mett
51
juge pas. Je constate. Il y a des différences. Et
mon
propos n’est pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à de
52
ue des prises partielles et typiques. On a vu que
j’
ai choisi mes exemples dans le domaine religieux, de préférence. N’est
53
s partielles et typiques. On a vu que j’ai choisi
mes
exemples dans le domaine religieux, de préférence. N’est-ce pas là qu
54
n de l’économie ou de l’état social par exemple ?
Je
cherchais à cerner les options primordiales qui ont donné cours à deu
55
qui ont donné cours à deux voies divergentes. Il
m’
a semblé que c’était dans la mystique, la religion et leurs explicatio
56
au contraire elles initient l’histoire, tout cela
m’
importe moins que de les avoir bien vues, et de suivre à partir d’un c
57
nde qui conçoivent que le Tout n’est autre que le
Je
pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale des auteurs moderne
58
stimé à 33 crores, c’est-à-dire 330 millions. 5.
Je
précise que dans ce chapitre, sauf exception, je demanderai à l’Inde
59
Je précise que dans ce chapitre, sauf exception,
je
demanderai à l’Inde de représenter l’Orient, l’Europe chrétienne figu
60
1952. On y trouvera le texte des deux récits que
je
mentionne. Celui d’Avicenne s’intitule : Récit d’Havy ibn Yaqzân. Cel
61
luminée » de certaines traditions coraniques. 8.
Je
pense à Parménide et à Platon, aux gnostiques, à la Pistis Sophia, à
62
avoir à cela quelque raison. Tout bien considéré,
je
n’en trouve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture
63
ment, de l’envie, voire de la haine, plus souvent
je
le crains, que celle de l’amour. Les Afro-Asiatiques et les Arabes sa
64
ostilité sans doute ambivalente, mais commune. On
me
dira qu’il est bien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il est
65
dira qu’il est bien « dangereux » d’écrire cela.
Je
réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai
66
est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2.
J’
ai cru remarquer que ceux des Européens qui insistent avec le plus d’e
67
istoire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. (
Je
ne parle pas ici de politique, mais seulement de formes d’esprit et d
68
dé parlementaire connu sous le nom de filibuster.
Je
n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux pendant que j’é
69
de filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui
me
tombe sous les yeux pendant que j’écris14. Bien qu’auteur d’une Histo
70
un exemple qui me tombe sous les yeux pendant que
j’
écris14. Bien qu’auteur d’une Histoire de l’Europe, M. Berl estime auj
71
l’Europe, vingt théories s’affrontent inutilement
je
le crains, car il en va d’une civilisation, d’une culture et même d’u
72
s dédain, qu’elles sont la vraie réalité. Que dis-
je
, on les déclare même éternelles dans la prose poétique des banquets e
73
me police, on obtient finalement ce qu’on mérite,
j’
entends l’État totalitaire. Il reste, hélas ! qu’aux yeux de beaucoup
74
la nation cache l’Europe comme l’arbre la forêt.
Je
dirai plus : l’Européen demeuré nationaliste au fond de son cœur, me
75
uropéen demeuré nationaliste au fond de son cœur,
me
paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre en doute l’ex
76
combien d’arbres il faut pour former une forêt ?
J’
ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas
77
ien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ai
mes
racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’est-il pas temps
78
nationales, et n’en sacrifierait que l’illusoire,
j’
entends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être r
79
ici dans le domaine politique, qui n’est autre, à
mon
sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’un groupe humain.
80
au temps — en somme, par une culture, au sens où
j’
emploie le mot. Entre la politique et la culture, conçues comme on vie
81
r ce qu’il y a de créateur dans cette communauté.
J’
en conclus que la forme politique que devrait revêtir une union authen
82
Table ronde, janvier 1957. 15. D’une lettre que
m’
écrit à ce sujet le comte Jean de Pange. La référence se trouve dans T
83
ettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)d e
Je
crains que M. Berl ne mobilise la Vérité, la Raison, la Justice, le D
84
our triompher d’un épouvantail auquel il accroche
mon
nom. Je n’attaquais rien de ce qu’il défend avec tant de passion et d
85
pher d’un épouvantail auquel il accroche mon nom.
Je
n’attaquais rien de ce qu’il défend avec tant de passion et de juste
86
l défend avec tant de passion et de juste colère.
Je
suis très loin de mépriser l’Histoire ; je dis seulement que pour l’H
87
olère. Je suis très loin de mépriser l’Histoire ;
je
dis seulement que pour l’Histoire l’Europe existe, dans la mesure exa
88
rl lui-même peut écrire une Histoire de l’Europe.
Je
suis très loin de qualifier de sophistes ceux qui pensent néanmoins q
89
ensent néanmoins que l’Europe reste à « faire » ;
je
dis seulement qu’on ne peut la vouloir et la faire — donc l’unir par
90
xiste comme entité de culture et Aventure unique.
Je
ne pense pas avoir recommandé l’imposture ou la tyrannie, le refus du
91
la guerre à l’Est, le chauvinisme européen, etc.
J’
approuve au contraire M. Berl quand il crie Vive l’Europe ! contre tou
92
! contre tout cela. Mais pourquoi le crier contre
moi
, comme si vraiment j’avais préconisé le mensonge utile et le « massac
93
s pourquoi le crier contre moi, comme si vraiment
j’
avais préconisé le mensonge utile et le « massacre des affamés » ? Je
94
e mensonge utile et le « massacre des affamés » ?
Je
demandais simplement qu’on cesse de mettre en doute l’existence même
95
’Europe au pied du mur » par ce post-scriptum : «
Je
sentais l’urgence de rappeler que l’Europe ne peut et ne doit pas êtr
96
mme une fin, mais comme un moyen. M. de Rougemont
me
prouve que l’urgence était plus grande que je ne pensais. Il regarde
97
ont me prouve que l’urgence était plus grande que
je
ne pensais. Il regarde comme “sophistes” ceux qui disent que l’Europe
98
pas que l’Europe fut déjà faite. M. de Rougemont
me
dit qu’il y a une Suisse, quoiqu’on puisse disputer sur la date de sa
99
ir la certitude qu’elle vit. Filibusterie à part,
je
prétends rester européen et même bon européen, sans souhaiter, et mêm
100
aîtrait de l’imposture et vivrait de la tyrannie.
Je
crierai : vive l’Europe ! si elle rétablit la concorde, non si elle a
101
n superpose un nouveau. Pourquoi donc accorderais-
je
au fédéralisme ce que je refusais au chauvinisme ? Il y avait une Eur
102
ourquoi donc accorderais-je au fédéralisme ce que
je
refusais au chauvinisme ? Il y avait une Europe de Romain Rolland. Il
103
jà sonner le sabre qu’elle n’a pas encore. Est-ce
ma
faute si elles ne se ressemblent pas. La “filibusterie” consiste-t-el
104
iste-t-elle à les distinguer ou à les confondre ?
Je
le vois, il y a des hommes si engagés dans les affaires européennes q
105
ent et exploitaient ceux qu’elle devait secourir.
Je
ne prônerai l’Europe ni contre la Vérité, ni contre la Raison, ni con
106
que pour les professeurs.” Le mensonge n’est pas
mon
fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
107
st pas mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”.
Je
m’en excuse. »
108
pas mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je
m’
en excuse. »
109
aît, la liste complète des meilleurs. On pourrait
m’
objecter Valéry, hédoniste épris de la règle et persuadé de la valeur
110
arfaite et définitive fourmilière » ? On pourrait
m’
objecter Claudel, optimiste de style baroque et fonctionnaire du premi
111
, et sa foi prend l’allure d’un défi. On pourrait
m’
objecter Saint-John Perse, mais justement il a choisi l’exil en soi. T
112
t ce qui compte en Europe est donc antibourgeois,
j’
entends bien dans le domaine de l’éthique et de l’esprit. Mais rien ne
113
Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement.
J’
ai tu jusqu’ici deux grands noms, qui dominent pourtant ce tableau. L’
114
prolongeait le cauchemar stalinien, l’épurait, si
j’
ose dire, le rationalisait, et le poussait à ses extrêmes conséquences
115
ur aux Soviétiques et aux Américains additionnés.
Je
ne parle que des chiffres, non de la qualité. Alors les prophéties lu
116
s fous se multiplient, les avions tombent, croyez-
moi
, c’est la Bombe. Elle va détruire les neuf dixièmes du genre humain.
117
genre humain. Un jour elle fera sauter la terre.
J’
entends cela tous les jours. Qui ne l’a pas dit ? Curieusement, tout e
118
chères. Mais jamais une Talbot n’est entrée dans
ma
cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir. Et pas même une ma
119
e dans ma cour, spontanément, dans l’intention de
m’
envahir. Et pas même une machine à laver. Que de mal, au contraire, da
120
e machine à laver. Que de mal, au contraire, dans
ma
campagne, pour obtenir le téléphone ! Vous me parlez de l’esclavage d
121
ans ma campagne, pour obtenir le téléphone ! Vous
me
parlez de l’esclavage du téléphone ? Mais a-t-on jamais vu qu’un appa
122
vous entendre, nous isolerait de la Nature ? Mais
je
vois au contraire que l’express et l’avion, le scooter et la petite v
123
et dans les forêts. Qu’il y ait là quelque excès,
j’
en conviens, mais c’est la Nature, et non l’homme, qui aurait ici le d
124
aillent pour nous, c’est tant mieux. Mais si vous
me
dites qu’ils vont penser pour vous, c’est que vous l’aurez bien mérit
125
, c’est l’homme. En vérité, les seuls humains que
je
connaisse qui aient eu le droit de maudire la technique, ce ne sont p
126
ent de rappeler le décalage de la conscience dont
j’
ai parlé. Le mal dénoncé en son temps par Karl Marx et Proudhon, que l
127
randie. C’est, au-delà des questions immenses que
je
laisse aux économistes, et aux sociologues, tous alertés, au-delà des
128
de la liberté. Le problème du sens de nos vies…
Je
propose à nos philosophes du déclin de la bourgeoisie, du déclin de l
129
ée régulatrice, que d’en maîtriser les vertiges !
Je
propose la clôture d’un demi-siècle de rumination pessimiste, longtem
130
sormais le danger de survivre aux dangers prévus.
Je
propose à l’intelligence un rôle nouveau : celui de créer la liberté
131
risques et de les courir d’abord en imagination.
Je
propose une idée renouvelée du Progrès, au-delà de nos illusions mais
132
lution concevable serait la fin de notre liberté.
J’
imagine au contraire le progrès véritable dans l’accroissement du risq
133
Mais il y a trop à dire, et d’autres vont parler.
Je
n’étais pas venu pour conclure, mais pour ouvrir des portes. f. Ro
134
ui est aujourd’hui orné de ce laurier. Des prix ?
me
dit Denis de Rougemont, j’en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’
135
ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont,
j’
en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’un jury pensait à me donner
136
é beaucoup avant-guerre. Plus d’un jury pensait à
me
donner une palme. Et il y avait toujours, au dernier moment, quelqu’u
137
possible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ?
J’
ai donc aujourd’hui ma revanche. Aux photographes qui me mitraillaient
138
? Un Suisse ? Un étranger ? J’ai donc aujourd’hui
ma
revanche. Aux photographes qui me mitraillaient de flashes quand je m
139
onc aujourd’hui ma revanche. Aux photographes qui
me
mitraillaient de flashes quand je me trouvais aux côtés du maréchal J
140
hotographes qui me mitraillaient de flashes quand
je
me trouvais aux côtés du maréchal Juin, j’ai pu dire : Vous rendez-vo
141
ographes qui me mitraillaient de flashes quand je
me
trouvais aux côtés du maréchal Juin, j’ai pu dire : Vous rendez-vous
142
quand je me trouvais aux côtés du maréchal Juin,
j’
ai pu dire : Vous rendez-vous compte ? Me photographier, moi, auprès d
143
al Juin, j’ai pu dire : Vous rendez-vous compte ?
Me
photographier, moi, auprès du Maréchal ? Moi qui ne suis que lieutena
144
ire : Vous rendez-vous compte ? Me photographier,
moi
, auprès du Maréchal ? Moi qui ne suis que lieutenant dans l’armée sui
145
pte ? Me photographier, moi, auprès du Maréchal ?
Moi
qui ne suis que lieutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure de l’h
146
nément à New York, Londres et Paris est destinée,
me
dit Denis de Rougemont, à répandre un peu plus les raisons de croire
147
, la Suisse, pour eux, c’est tout un. Et quand on
me
demande où commence et où finit l’Europe, j’assure que, plutôt que di
148
d on me demande où commence et où finit l’Europe,
j’
assure que, plutôt que discuter de frontières mouvantes, il vaut mieux
149
histoire et d’en mesurer les effets. C’est ce que
j’
ai tenté dans mon livre et ma conclusion est tout à fait optimiste : o
150
mesurer les effets. C’est ce que j’ai tenté dans
mon
livre et ma conclusion est tout à fait optimiste : on parle en effet
151
effets. C’est ce que j’ai tenté dans mon livre et
ma
conclusion est tout à fait optimiste : on parle en effet de décadence
152
une nouvelle philosophie de la personne humaine.
Je
m’attendais à trouver en Denis de Rougemont un de ces théoriciens et
153
e nouvelle philosophie de la personne humaine. Je
m’
attendais à trouver en Denis de Rougemont un de ces théoriciens et phi
154
onegger trouva une de ses plus grandes réussites.
Je
songe toujours au roman, me confia Denis de Rougemont. J’en ai jadis
155
us grandes réussites. Je songe toujours au roman,
me
confia Denis de Rougemont. J’en ai jadis écrit un que j’ai retiré de
156
toujours au roman, me confia Denis de Rougemont.
J’
en ai jadis écrit un que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeu
157
ia Denis de Rougemont. J’en ai jadis écrit un que
j’
ai retiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré
158
eur avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais
je
n’ai pas renoncé. Je prends des notes. Au fait, je considère et rédig
159
it livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé.
Je
prends des notes. Au fait, je considère et rédige comme un poème un l
160
e n’ai pas renoncé. Je prends des notes. Au fait,
je
considère et rédige comme un poème un livre tel que L’Aventure de l’
161
que L’Aventure de l’homme occidental . Le style
me
paraît aussi important que les idées qu’on veut défendre. g. Rouge
162
ies latentes. En voici la formule la plus simple,
je
crois : la diffusion de nos valeurs n’est pas co-extensive avec celle
163
chaos sans précédent. Un intellectuel indonésien
me
dit un jour : « Vous autres Européens, vous nous envoyez des machines
164
croyances traditionnelles ? » Une autre fois, il
me
raconte que sa femme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons de
165
e plus souvent totalement ignorées. Mais ce qu’il
m’
importe de montrer, c’est comment ces produits et ces principes procèd
166
e préparation proprement intellectuelle, par quoi
j’
entends un vaste effort de libre réflexion et d’imagination de la part
167
r à cette union, ou bien lui fait-elle obstacle ?
Je
pense qu’il faut répondre oui aux deux questions. Et ce paradoxe appa
168
s budgets annuels de toutes les organisations que
je
viens de citer (à l’exception du CERN en construction) équivaudrait à
169
xiste depuis sept ans. Son exemple peut éclairer.
J’
essaierai donc de le décrire, très brièvement, pour illustrer les cons
170
ure. Coordonner les autonomies, telle doit être à
mes
yeux la devise, spécifiquement fédéraliste, de cet effort. Un autre p
171
utable logique : celle d’un gouvernement mondial.
J’
y reviendrai. Pour le reste, son diagnostic joue sur des images d’Épin
172
ns la plupart des cas, par imposer la décision. «
Je
mènerai ces gens à la baguette, il suffit de les diviser ! », écrivai
173
nfédération et les hommes du canton… Il n’est, ce
me
semble, aucun motif de conserver un pareil état de choses… Rien ne mi
174
en est venu. Ou presque tout », dit Valéry. Mais
je
ne vois rien, ou presque rien, à part le jazz, qui soit venu à l’Euro
175
oure le respect sacré des foules. Résumons cela ;
je
vois l’Asie sous-développée courir après l’exemple de la Chine, qui c
176
i peut en dire autant dans notre siècle ? Les uns
m’
en paraissent incapables, et d’autres n’en ont le même besoin vital. É
177
changes internationaux. Par quoi n’entendez point
je
ne sais quel leadership (nom moderne de l’hégémonie), conception déjà
178
nt aussitôt cet État de la communauté européenne.
Je
me rappelle ce jeune Oriental qui disait devant un congrès d’étudiant
179
aussitôt cet État de la communauté européenne. Je
me
rappelle ce jeune Oriental qui disait devant un congrès d’étudiants i
180
, en Europe même. Le Message aux Européens , que
je
lus en clôture du congrès de La Haye, le 12 mai 1948, commence ainsi
181
des Six, étonnamment conforme à la définition que
je
proposais plus haut de l’Europe comme fonction, c’est-à-dire d’une Eu
182
Celles de la civilisation, ni plus ni moins. Car,
je
le répète, l’Europe seule, dans l’histoire, a su rendre effective l’i
183
lture devenue planétaire (et sans rivaux sérieux,
j’
y reviendrai) nous oblige à revoir certaines catégories devenues tradi
184
xplique en partie par le fait que les auteurs que
je
viens de citer se référaient tous au seul destin du monde gréco-romai
185
lasses hindoues, ni le mandarinat, ni le Bushido (
je
ne juge pas de valeurs, j’enregistre des faits.) Les civilisations an
186
arinat, ni le Bushido (je ne juge pas de valeurs,
j’
enregistre des faits.) Les civilisations antiques, sans lesquelles l’E
187
le du culte que l’homme sincère rend à la Vérité.
Je
me promets un jour de poser cette question à des sages des cinq conti
188
du culte que l’homme sincère rend à la Vérité. Je
me
promets un jour de poser cette question à des sages des cinq continen
189
dérer en temps utile, qu’y perdrait le monde ? Et
je
donne dès maintenant ma réponse personnelle, présumant que plus d’un
190
’y perdrait le monde ? Et je donne dès maintenant
ma
réponse personnelle, présumant que plus d’un l’approuvera : en perdan
191
e notre éclipse. C’est ce paradoxe planétaire que
je
voudrais d’abord examiner. Au lendemain de la Première Guerre mondial
192
s journaux. L’écho de cette page fut immense, et
je
sais peu de phrases plus fréquemment citées que celle qui annonce que
193
rir. Pour émouvante qu’elle soit, elle exprime, à
mon
avis, l’une des erreurs les plus célèbres de notre temps. Mais commen
194
rs de Babylone, ces palais de Persépolis ? Hélas,
j’
ai visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je
195
ux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et
je
n’ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la
196
se ou du Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme
moi
ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas so
197
sante des masses européennes, à développer ce que
je
voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de
198
talitaires, fondées sur le sacré politico-social.
Je
voudrais maintenant définir brièvement ces trois vertus et ce ne sera
199
les plus efficaces de notre culture, ceux qui, à
mon
sens, la distinguent le mieux d’autres cultures, qui ont, elles, d’au
200
ontre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si
j’
ai cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe
201
aptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui
me
paraît purement accidentel et relatif. Toute énergie, toute force phy
202
eut faire autrement, car toutes les créations que
je
viens d’énumérer sont en expansion vers le monde, appellent le monde,
203
siècle la majorité de nos plus grands penseurs ?
J’
oserai dire contre eux tous que je ne le crois nullement, et je vais e
204
ands penseurs ? J’oserai dire contre eux tous que
je
ne le crois nullement, et je vais en donner trois raisons principales
205
contre eux tous que je ne le crois nullement, et
je
vais en donner trois raisons principales. Première raison : la civili
206
fondamental qui l’y prédisposait dès l’origine :
j’
entends la croyance chrétienne en la valeur égale de tout homme devant
207
l proposait de corriger comme suit le passage que
je
vous ai cité : « Nous autres civilisations, nous avons depuis peu la
208
t passé où les civilisations étaient mortelles. »
J’
ajouterai cette simple remarque : si tant de civilisations qu’on croya
209
’espace terrestre et du temps de l’humanité. Ceci
m’
amène à ma troisième raison d’avoir confiance dans la longévité de not
210
rrestre et du temps de l’humanité. Ceci m’amène à
ma
troisième raison d’avoir confiance dans la longévité de notre civilis
211
ances de succès ? Il y a pourtant les États-Unis,
me
dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de l’Europe, et de
212
e élaborées par l’Europe moderne. Résumons cela :
je
vois l’Asie du Sud, sous-développée, courir après l’exemple de la Chi
213
t donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe ?
Je
vais le dire : dans l’esprit des Européens, et pas ailleurs. III
214
hui d’un péril jaune, en attendant le péril noir.
Je
n’y crois guère. Notre éclipse n’est rien que notre aveuglement sur n
215
osons nous-mêmes à notre vocation universaliste :
je
nommerai le nationalisme et la superstition matérialiste. Il en va du
216
uant au second virus secrété par l’Europe, et que
je
nommerai le matérialisme plat, il prend chez nous les formes les plus
217
sans défense aux fanatiques du statu quo, par où
j’
entends les bureaucrates et la police des États. Ces maladies de l’Eur
218
é Hitler, mais en douze ans, elle l’a éliminé, et
je
crois qu’elle s’en trouve immunisée pour très longtemps contre la ten
219
s, mais chez les autres qu’il triomphe. Permettez-
moi
de vous citer à ce propos deux textes dont le rapprochement éclaire c
220
textes dont le rapprochement éclaire cruellement
mon
sujet. Je prendrai le premier dans la correspondance du grand histori
221
t le rapprochement éclaire cruellement mon sujet.
Je
prendrai le premier dans la correspondance du grand historien suisse
222
ère des drogues. L’union fédérale de l’Europe, et
j’
entends bien : de toutes les forces de l’Europe sociales autant que re
223
te et déclarée du monde chrétien est un scandale,
j’
entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’une infidélité à la
224
historiques se sont produites. Il n’est rien que
je
respecte au monde autant que l’institution de l’Église : ecclesia, la
225
te. « Il y a plusieurs demeures dans la maison de
mon
Père. » Cette parole ne peut être écartée. Elle reste au centre du my
226
ci sans nulle autorité, ignorant même si c’est en
mon
seul nom ou peut-être au nom de plusieurs, je ne puis en appeler qu’à
227
en mon seul nom ou peut-être au nom de plusieurs,
je
ne puis en appeler qu’à l’union des chrétiens comme étant l’unique vo
228
union des chrétiens comme étant l’unique voie qui
me
paraisse ouverte vers quelque forme encore imprévisible d’unité futur
229
e d’unité future des Églises. L’ambition unitaire
me
paraît utopique, et sa poursuite n’évoque en moi que des images qui o
230
e me paraît utopique, et sa poursuite n’évoque en
moi
que des images qui offensent la pudeur spirituelle : épreuves de forc
231
n des chrétiens dans la réalité de leur existence
me
paraît au contraire praticable hic et nunc, et déjà pratiquée par bea
232
cette existence, dans les diverses confessions ?
Je
suis frappé de la voir si différente de l’idée qu’en donneraient les
233
mé la pensée de l’Europe au cours de siècles, qui
me
passionnent, et que les fidèles ignorent. Que faudrait-il pour rappro
234
jugés et les clichés des nationalismes religieux.
J’
ai fait depuis longtemps une autre observation dans l’étude passionnée
235
une autre observation dans l’étude passionnée que
je
poursuis des tempéraments religieux et de leurs formes d’expression :
236
holiques, elles tendent à devenir indiscernables.
J’
oserai dire qu’il y a plus : en dépit des formules et définitions dogm
237
Églises, plutôt qu’une Église unifiée : voilà qui
m’
apparaît l’objectif raisonnable du grand élan œcuménique au xxe siècl
238
longuement sur le seuil fascinant d’une église —
je
pense au cas de Simone Weil — trouveraient-ils alors le courage d’ent
239
, reconnaîtraient qu’ils sont enfin chez eux ! Et
je
songe à tous ceux que laisse insatisfaits la confession dans laquelle
240
er plus loin, vers le But qu’elle leur désignait.
Je
ne suis pas étranger plus qu’un autre aux problèmes concrets de mon t
241
ranger plus qu’un autre aux problèmes concrets de
mon
temps, économiques, sociaux et politiques (je crains d’avoir lancé le
242
de mon temps, économiques, sociaux et politiques (
je
crains d’avoir lancé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas d
243
crains d’avoir lancé le terme d’engagement). Mais
je
ne connais pas de problème qui prime aujourd’hui celui-là. Qui est ce
244
hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse plus.
Je
le jure, au nom de la fraternité universelle que vous allez établir,
245
de la volonté générale, absolue, suprême. Or, si
je
rencontre sur la terre une volonté particulière qui croise l’instinct
246
nté particulière qui croise l’instinct universel,
je
m’y oppose ; cette résistance est un état de guerre et de servitude d
247
particulière qui croise l’instinct universel, je
m’
y oppose ; cette résistance est un état de guerre et de servitude dont
248
ne sommes pas les représentants du genre humain.
Je
veux donc que le législateur de la France oublie un instant l’univers
249
ant l’univers pour ne s’occuper que de son pays ;
je
veux cette espèce d’égoïsme national sans lequel nous trahirons nos d
250
de ceux au profit desquels nous pouvons stipuler.
J’
aime tous les hommes ; j’aime particulièrement tous les hommes libres
251
s nous pouvons stipuler. J’aime tous les hommes ;
j’
aime particulièrement tous les hommes libres ; mais j’aime mieux les h
252
me particulièrement tous les hommes libres ; mais
j’
aime mieux les hommes libres de la France que tous les autres hommes d
253
gie adéquate. C’est ce contrecoup idéologique qui
m’
intéresse ici. Partant des mêmes prémisses rousseauistes que les jacob
254
d’elle. « Vive la Nation » ne signifie pas « Vive
mon
pays », mais « Vive l’idéal pour lequel je me bats ». Or cet idéal, é
255
Vive mon pays », mais « Vive l’idéal pour lequel
je
me bats ». Or cet idéal, étant celui du Parti qui a saisi le pouvoir
256
ve mon pays », mais « Vive l’idéal pour lequel je
me
bats ». Or cet idéal, étant celui du Parti qui a saisi le pouvoir par
257
ernes : « Que personne ne diffère, il deviendrait
mon
juge ! » pense l’État-nation né de la Révolution et qui se sait illég
258
é dans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 :
Je
me bornerai à dire que la Hongrie est la Hongrie depuis le ixe siècl
259
ans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je
me
bornerai à dire que la Hongrie est la Hongrie depuis le ixe siècle,
260
s nations. Et elle dira à la première : Voilà que
j’
étais attaquée par les brigands, et je criais vers toi, nation, afin d
261
: Voilà que j’étais attaquée par les brigands, et
je
criais vers toi, nation, afin d’avoir un morceau de fer pour défense
262
pour défense et une poignée de poudre, et toi tu
m’
as donné un article de gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’a
263
le de gazette. Mais cette nation répondra : Quand
m’
avez-vous appelée ? Et la Liberté répondra : J’ai appelé par la bouche
264
nd m’avez-vous appelée ? Et la Liberté répondra :
J’
ai appelé par la bouche de ces pèlerins, et tu ne m’as pas écoutée ; v
265
ai appelé par la bouche de ces pèlerins, et tu ne
m’
as pas écoutée ; va donc en servitude, là où il y aura le sifflement d
266
le monde, c’est l’Europe, de plus européen, c’est
ma
patrie, c’est la France. Mais c’est finalement à Victor Hugo qu’il a
267
n prête une sorte de faculté limitante à priori ?
Je
ne connais pas de doctrine plus arbitraire ni plus funeste. Avec cela
268
oit fondamental, qui est la volonté des hommes. …
Je
me dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts tenus chez les n
269
fondamental, qui est la volonté des hommes. … Je
me
dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts tenus chez les nati
270
urs facultés d’assimilation et de renouvellement.
Je
saurais même me figurer des races épaisses et hésitantes, qui, dans n
271
ssimilation et de renouvellement. Je saurais même
me
figurer des races épaisses et hésitantes, qui, dans notre Europe hâti
272
attachement à la glèbe, pour revenir à la raison,
je
veux dire au « bon européanisme ». Grâce aux divisions morbides que l
273
reposaient d’eux-mêmes en devenant « patriotes ».
Je
songe à des hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, Henri
274
en, Stendhal, Henri Heine, Schopenhauer. Qu’on ne
m’
en veuille pas trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un de
275
fait économique : les petits États de l’Europe —
j’
entends tous nos empires et États actuels — doivent nécessairement dev
276
isinage. Quand on parle des États-Unis d’Europe,
je
vois tout de suite la guerre qui surgit. Les peuples de l’Europe ne p
277
s. La politique panslave… C’est gai pour demain !
Je
vous dis que la guerre viendra de la Russie. …Comment ferez-vous pour
278
phrase d’Ivan Karamazov partant pour l’Europe : «
Je
sais bien que je vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher de t
279
amazov partant pour l’Europe : « Je sais bien que
je
vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher de tous », toutefois
280
d’une Anthologie encore inédite, dans laquelle
j’
ai groupé et commenté plusieurs centaines de textes sur l’Europe, d’Hé
281
C’est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il
m’
est arrivé d’entendre dire : « Une culture européenne, ça n’existe pas
282
Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie,
je
répondrai d’un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvr
283
aveur que l’on ne trouve qu’à soi-même »35 et que
je
ne trouve qu’à l’Europe. Poussons plus loin le paradoxe (jusqu’au poi
284
s comparons notre formule de l’unité paradoxale —
j’
entends de l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité
285
sans vouloir entrer dans de périlleuses analyses,
j’
illustrerai la première formule par les noms de quelques civilisations
286
d’exemples pour la deuxième formule. Il suffira,
je
crois, de ces brèves indications, pour faire bien voir que la formule
287
sir, au lieu d’essayer de les réduire. La réponse
me
paraît assez simple. Les diversités caractéristiques de la culture eu
288
s les annales du genre humain. En dépit de ce que
je
viens de dire sur la complexité indescriptible de notre civilisation,
289
é un tribut suffisant aux éléments diversifiants,
j’
envisagerai maintenant les éléments communs et permanents, les caractè
290
caractères spécifiques de la culture européenne ;
j’
entends les caractères par lesquels cette culture se distingue très év
291
sante des masses européennes, à développer ce que
je
voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de
292
libre, et de travail. Voilà encore une banalité,
me
direz-vous. Mais comparez, une fois de plus. Les cultures totalitaire
293
ontre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si
j’
ai cru bon de mettre en valeur ces trois vertus cardinales de l’Europe
294
dans l’aire géographique de cette civilisation ?
Je
n’en crois rien. Il existe sur notre planète trois régions comparable
295
e voit soumise ? S’il s’agit de défis extérieurs,
je
réponds non. Car les invasions asiatiques, seul défi extérieur que no
296
ontraire d’une agression délibérée de notre part.
Je
pense donc que le dynamisme de notre civilisation européenne provient
297
aptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui
me
paraît purement accidentel et relatif. Toute énergie, toute force phy
298
arent son unité après avoir exploré ses variétés.
Je
ne tenterai pas aujourd’hui de démontrer la cohérence profonde des cr
299
démontrer la cohérence profonde des créations que
je
viens d’énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je
300
e je viens d’énumérer. Il y faudrait un livre, et
je
l’ai déjà écrit37. Je me bornerai donc à vous rappeler, mais avec la
301
Il y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37.
Je
me bornerai donc à vous rappeler, mais avec la plus vive insistance,
302
y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je
me
bornerai donc à vous rappeler, mais avec la plus vive insistance, que
303
cette dialectique infinie et toujours ouverte que
je
décrivais plus haut, en vertu même de cette séculaire discussion et d
304
ais voici que cette culture crée le monde, par où
j’
entends la possibilité d’un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais
305
es risques angoissants et les chances admirables.
Je
voudrais proposer quelques observations et suggestions sur ce qui se
306
aussi les « produits » de la culture européenne ?
Je
crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici :
307
e faire, mais elle doit d’abord exister. Certains
me
diront, et une part de moi-même me le répète parfois en sourdine : ap
308
ster. Certains me diront, et une part de moi-même
me
le répète parfois en sourdine : après tout, que peut bien nous faire
309
partir, et une réponse à leurs angoisses privées,
je
répondrai simplement ceci : l’angoisse du monde qui nous appelle est
310
anges intellectuels d’une exceptionnelle densité,
je
pense répondre à l’attente de tous en essayant de reconsidérer la nat
311
, le progrès dans la liberté. Sur ce mot Liberté,
je
serai très bref bien qu’il soit le mot capital. Car la liberté, voyez
312
’une sagesse globale. En situant le Congrès comme
je
viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau
313
En situant le Congrès comme je viens de le faire,
j’
ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau de la politique propr
314
la culture et ses définitions, que là aussi vous
me
permettrez d’être assez bref, et de me borner à quelques traits défin
315
aussi vous me permettrez d’être assez bref, et de
me
borner à quelques traits définissant la conception de la culture que
316
raits définissant la conception de la culture que
je
vois pratiquée par ce Congrès. La culture c’est transmettre et situ
317
là pour les trois termes qui forment notre titre.
J’
en déduis que la fonction de notre Congrès, tel qu’il est devenu depui
318
ous côtés : Êtes-vous un mouvement politique ? Il
me
semble que le commentaire que je viens de vous donner de nos buts rép
319
t politique ? Il me semble que le commentaire que
je
viens de vous donner de nos buts répond suffisamment à cette question
320
iques, que nous soyons d’abord anti-ceci ou cela…
J’
insisterai donc à mon tour. Au-delà de la politique : Liberté, Prog
321
ns d’abord anti-ceci ou cela… J’insisterai donc à
mon
tour. Au-delà de la politique : Liberté, Progrès et Bien En sit
322
é, Progrès et Bien En situant le Congrès comme
je
viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau
323
En situant le Congrès comme je viens de le faire,
j’
ai voulu vous montrer qu’il n’agit pas au niveau de la politique propr
324
C’est en Europe seulement, jamais ailleurs, qu’il
m’
est arrivé bien souvent d’entendre prononcer la phrase suivante : « Un
325
attitudes négatives, d’ailleurs contradictoires,
je
le répète, et sans doute absurdes, mais si courantes ? La première, c
326
ns très vite à la constatation suivante, qui sera
ma
première thèse : Vue du dehors, l’Europe est évidente. Vue de l’Asie
327
Cap Nord au Péloponnèse et de Madrid à Varsovie,
je
répondrai d’un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvr
328
té de notre culture ? Pendant une table ronde que
je
présidais à Rome, il y a quelques années, agacé par les objections qu
329
l’idée même d’une unité de la culture européenne,
j’
ai noté la phrase suivante, que j’ai plus d’une fois citée et publiée
330
ure européenne, j’ai noté la phrase suivante, que
j’
ai plus d’une fois citée et publiée depuis : L’Européen ne serait-il
331
s comparons notre formule de l’unité paradoxale —
j’
entends de l’unité dans la diversité — avec d’autres formules d’unité
332
sans vouloir entrer dans de périlleuses analyses,
j’
illustrerai la première formule par les noms de quelques civilisations
333
d’exemples pour la deuxième formule. Il suffira,
je
crois, de ces brèves indications, pour faire bien voir que la formule
334
sir, au lieu d’essayer de les réduire. La réponse
me
paraît assez simple. Les diversités caractéristiques de la culture eu
335
es annales du genre humain. 4. En dépit de ce que
je
viens de dire sur la complexité indescriptible de notre civilisation,
336
yé un tribut suffisant aux éléments diversifiant,
j’
envisagerai maintenant les éléments communs et permanents, les caractè
337
caractères spécifiques de la culture européenne ;
j’
entends les caractères par lesquels cette culture se distingue très év
338
sante des masses européennes, à développer ce que
je
voudrais appeler les trois vertus cardinales de l’Europe : le sens de
339
libre, et de travail. Voilà encore une banalité,
me
dira-t-on. Mais comparons, une fois de plus ! Les cultures totalitair
340
cation au sacré, dans notre civilisation profane.
Je
pense donc que le dynamisme de notre civilisation européenne provient
341
aptisé « impérialisme » au xxe siècle, voilà qui
me
paraît purement accidentel et relatif. Toute énergie, toute force phy
342
condition même de la vie. Les considérations que
j’
ai développées jusqu’ici, relatives à l’origine de nos diversités et d
343
ont peut-être un peu abstraites. Il est temps que
je
les illustre. Au lieu d’expliquer laborieusement les origines histori
344
otifs philosophiques de notre dynamisme européen,
je
vais énumérer tout simplement quelques-uns de ces résultats les plus
345
ciologie, psychologie, philosophie critique, — et
je
n’indique ici que des têtes de chapitre, et j’ai laissé de côté l’imm
346
et je n’indique ici que des têtes de chapitre, et
j’
ai laissé de côté l’immense chapitre de nos créations sociales et de n
347
arent son unité après avoir exploré ses variétés.
Je
n’essaierai pas ici de démontrer la cohérence profonde des créations
348
cohérence profonde des créations européennes que
je
viens d’énumérer. Il y faudrait tout un livre, et il se trouve que je
349
Il y faudrait tout un livre, et il se trouve que
je
l’ai déjà écrit. Je me bornerai donc à rappeler, mais avec la plus vi
350
un livre, et il se trouve que je l’ai déjà écrit.
Je
me bornerai donc à rappeler, mais avec la plus vive insistance, que c
351
livre, et il se trouve que je l’ai déjà écrit. Je
me
bornerai donc à rappeler, mais avec la plus vive insistance, que ce n
352
cette dialectique infinie et toujours ouverte que
je
décrivais dans la première partie de mon exposé, en vertu même de cet
353
verte que je décrivais dans la première partie de
mon
exposé, en vertu même de cette séculaire discussion et dissension ent
354
s Européens, ayant créé « le monde » (au sens que
je
viens d’indiquer) se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoi
355
oissants et les chances admirables. Pour ma part,
je
voudrais proposer quelques observations et suggestions sur ce qui se
356
aussi les « produits » de la culture européenne ?
Je
crois en avoir assez dit pour suggérer l’angle de vision que voici :
357
le faire. Or, elle doit d’abord exister. Mais on
me
dira, et une part de moi-même me dit : après tout, que peut bien nous
358
exister. Mais on me dira, et une part de moi-même
me
dit : après tout, que peut bien nous faire le sort du monde ? Notre s
359
on d’or, symboles du sens dernier de la vie. Ceci
m’
évoque les petites caravelles de Colomb, au matin du départ à Palos de
360
si l’homme qui les conduit a la foi nécessaire ?
Je
sais bien que certains de mes lecteurs hésitent à me donner raison, p
361
la foi nécessaire ? Je sais bien que certains de
mes
lecteurs hésitent à me donner raison, parce qu’ils doutent de l’aveni
362
sais bien que certains de mes lecteurs hésitent à
me
donner raison, parce qu’ils doutent de l’avenir prochain de notre Eur
363
partir, et une réponse à leurs angoisses privées,
je
répondrai simplement ceci : l’angoisse du monde qui nous appelle est
364
e, pour l’ensemble du genre humain. 38. Si l’on
me
permet de paraphraser ainsi un vers fameux de Paul Valéry. x. Rouge
365
es plans — se trouvaient éclaircies du même coup.
Je
comparerais volontiers cette opération à la mise à feu du 2e étage d’
366
onstitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme.
Je
voudrais résumer leur œuvre en une seule expression, moins pédante qu
367
de la justesse dans le choix de l’expression. Il
me
plaît de traduire cette belle définition dans les termes de notre suj
368
e la justesse dans le style de nos émotions. » À
mon
sens, en effet, les textes primitifs de la légende de Tristan, qui re
369
age personnel qu’il en fait. Un mythe, au sens où
je
l’entends, c’est une histoire, généralement très simple, et invariabl
370
de l’existence proprement humaine, qui est l’âme.
Je
ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui donnent un p
371
salut des âmes », ou « d’immortalité de l’âme ».
Je
prends le mot au sens précis et véritablement traditionnel, qui se re
372
, son pouvoir à jamais contagieux. Ceci posé — et
je
m’excuse du ton quelque peu didactique de ce rappel au sens des mots
373
on pouvoir à jamais contagieux. Ceci posé — et je
m’
excuse du ton quelque peu didactique de ce rappel au sens des mots — c
374
olution du xiiie siècle jusqu’à nos jours, comme
j’
ai tenté de le faire jadis, serait hélas illustrer la lente dégradatio
375
ans histoire. Ou bien encore, et ce serait mieux,
je
crois, il leur reste le mythe de Don Juan, ce cliché négatif de Trist
376
l. Selon les sociologues, la passion doit mourir.
Je
vous dis que je n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se
377
iologues, la passion doit mourir. Je vous dis que
je
n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstac
378
passion de Tristan et d’Iseut : et c’est la mort.
J’
ai laissé jusqu’ici dans l’ombre cet aspect trop souvent, trop facilem
379
au mythe, ose parler d’un plaisir que l’usage en
moi
a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort. E
380
laisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il
me
donne l’audace de négocier avec la mort. Et Wagner, le dernier auteu
381
ire — et germe d’un être éternel qui est son vrai
moi
, et qui est un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont des
382
terrestre : c’est la rencontre de l’âme avec son
moi
céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumiè
383
son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son
moi
céleste, jeune femme d’une beauté resplendissante et qui lui dit : —
384
e d’une beauté resplendissante et qui lui dit : —
Je
suis toi-même ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son moi, au
385
me ! Mais si l’homme sur la Terre a maltraité son
moi
, au lieu de la Fravarti c’est une apparition monstrueuse et défigurée
386
trueuse et défigurée qui reflète son état déchu.
Je
ne puis m’empêcher d’imaginer que cette « rencontre aurorale » avec l
387
défigurée qui reflète son état déchu. Je ne puis
m’
empêcher d’imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le moi céles
388
imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le
moi
céleste en forme d’ange, et femme, figure la conclusion du mythe de T
389
se à part, — ce serait le sujet d’autres études —
je
me demande souvent si l’angélologie de l’ancien Iran ne détient pas l
390
à part, — ce serait le sujet d’autres études — je
me
demande souvent si l’angélologie de l’ancien Iran ne détient pas le s
391
e d’abord une dualité entre l’individu et le vrai
moi
, sans laquelle on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut être
392
qu’elle n’en a l’air. Trois raisons l’excusent à
mes
yeux, sans la justifier pour autant. Et tout d’abord il faut bien con
393
entier : imaginons du moins son argument. ⁂ S’il
me
fallait décrire la Suisse en une seule phrase, comme il arrive que de
394
ase, comme il arrive que des touristes l’exigent,
je
dirais : un pays de petits compartiments surmontés de sommets éclatan
395
es, qui se côtoient partout mais qui s’ignorent ;
je
ne sais combien de races, de classes et de dialectes, jalousement pré
396
urs esprits mériterait une étude plus ample, dont
je
n’indique ici que le thème : un ou deux exceptés (et cela se discuter
397
plus invétérées. En revanche, les grands noms que
j’
énumérais plus haut ne seraient guère pensables hors du complexe suiss
398
le, sur notre continent. Le lecteur de ce recueil
m’
aura vu venir : je n’entendais poser que les prolégomènes à toute étud
399
inent. Le lecteur de ce recueil m’aura vu venir :
je
n’entendais poser que les prolégomènes à toute étude future sur l’œuv
400
nt de la manière la mieux vérifiable. Le sujet de
mes
réflexions sera donc : l’interaction de la culture et de la technique
401
nous notre sujet ? C’est la première question que
je
me pose. J’y répondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’êtr
402
s notre sujet ? C’est la première question que je
me
pose. J’y répondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’être c
403
ujet ? C’est la première question que je me pose.
J’
y répondrai en citant trois faits qui ont l’avantage d’être connus de
404
ntale peut à son tour bénéficier de la technique.
Je
suis pour ma part convaincu que notre culture, dans son ensemble — th
405
de vrais progrès si elle se coupe de la culture.
Je
pense donc que l’opposition entre la culture générale et une éducatio
406
drait des volumes et toute une vie de recherches.
Je
vais devoir me contenter de vous rappeler quelques exemples très typi
407
es et toute une vie de recherches. Je vais devoir
me
contenter de vous rappeler quelques exemples très typiques d’inventio
408
t de cette invention que, dans son livre intitulé
Ma
Vie, nous donne l’inventeur Henry Ford. Ce rêveur incurable, ce brico
409
teur : l’exemple des fusées vers la Lune et Vénus
me
suffira. Les plus grandes sommes — des milliards de dollars — que dép
410
risque de créer dans ce siècle : le danger — que
je
crois illusoire — de la mise en esclavage des Occidentaux par leurs m
411
machines, et le danger — beaucoup plus sérieux à
mon
sens — d’un épuisement des sources vives de l’invention, par la réduc
412
risque de transformer en panique planétaire ? Si
je
ne partage nullement ce pessimisme, c’est que les motifs de craindre
413
me, c’est que les motifs de craindre la technique
me
paraissent déjà dépassés par l’évolution même de la technique. Quand
414
t faites par l’homme et ne feront rien sans lui.
J’
écrivais au lendemain d’Hiroshima : La bombe n’est pas dangereuse du
415
ra que la culture deviendra le sérieux de la vie.
Je
résume cette première partie de mon propos : la culture de l’Europe a
416
eux de la vie. Je résume cette première partie de
mon
propos : la culture de l’Europe a produit la technique ; on a pu crai
417
e leurs services. De ces trop rapides analyses —
je
tirerai maintenant quelques conclusions : 1. Gardons-nous d’opposer t
418
ulture générale, et elle a produit les Spoutniks.
Je
crains pour elle que ses premiers succès ne l’aveuglent et que sa pol
419
nce européenne dément cette conception simpliste.
Je
demandais un jour à l’un des trois physiciens qui ont réalisé la fiss
420
l’atome comment il travaillait à cette époque. Il
me
décrivit en détail ses méthodes, et il conclut : « Vous voyez, notre
421
dans les indices de production, mais dans ce que
je
voudrais appeler l’indice de l’équilibre humain. Il appartient à la c
422
hall d’un hôtel, vers quatre heures du matin, et
je
tirais les cartes. Un grand et fort garçon, dans la trentaine, beau v
423
dru, en bras de chemise, vint s’asseoir à côté de
moi
sur le tapis. Il arrivait tout droit de la rédaction de Combat et vou
424
on de Combat et voulait savoir son avenir. Ce que
je
sus, c’est que nous aurions beaucoup à faire ensemble. Deux ans plus
425
à faire ensemble. Deux ans plus tard, il devenait
mon
collaborateur le plus actif et imaginatif au Centre européen de la cu
426
, qu’il ne devait quitter qu’un an avant sa mort.
Je
parlerai de sa personne. ⁂ Il était alsacien, né à Strasbourg, et son
427
et comme en aparté : « Ceci n’est pas conforme à
ma
théologie. » Et l’on sentait qu’il s’agissait en lui non pas d’une ob
428
ch en automne est un poème luthérien, le seul que
je
connaisse en français. Luthérien par sa piété heureuse et nostalgique
429
minister verbi divini. Les manuels ont beau dire,
je
ne vois pas qu’il ait eu la moindre « influence » vérifiable sur la l
430
ttitude « classique » ou sociale de l’esprit, que
j’
ai tenté dans mes premiers ouvrages de décrire par le terme d’engageme
431
que » ou sociale de l’esprit, que j’ai tenté dans
mes
premiers ouvrages de décrire par le terme d’engagement, — dont il sem
432
rose. Mais laissons ces questions de goût. Ce qui
m’
importe ici, c’est l’efficacité d’une œuvre écrite et pensée tout enti
433
ceux qui la suivent, nous dit-il. Dieu toutefois
me
fit tourner bride… Ayant donc reçu quelque goût et connaissance de la
434
u quelque goût et connaissance de la vraie piété,
je
fus incontinent enflammé d’un si grand désir de profiter, qu’encore q
435
mé d’un si grand désir de profiter, qu’encore que
je
ne quittasse pas du tout les autres études, je m’y employai toutefois
436
ue je ne quittasse pas du tout les autres études,
je
m’y employai toutefois plus lâchement. Or, je fus tout ébahi que deva
437
je ne quittasse pas du tout les autres études, je
m’
y employai toutefois plus lâchement. Or, je fus tout ébahi que devant
438
es, je m’y employai toutefois plus lâchement. Or,
je
fus tout ébahi que devant que l’an passât, tous ceux qui avaient quel
439
quelque désir de la pure doctrine se rangeaient à
moi
pour apprendre, combien que je ne fisse que commencer moi-même. De mo
440
e se rangeaient à moi pour apprendre, combien que
je
ne fisse que commencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’étant d’un
441
qu’étant d’un naturel un peu sauvage et honteux,
j’
ai toujours aimé requoy et tranquillité, je commençai à chercher quelq
442
nteux, j’ai toujours aimé requoy et tranquillité,
je
commençai à chercher quelque cachette et moyen de me retirer des gens
443
commençai à chercher quelque cachette et moyen de
me
retirer des gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon dés
444
n de me retirer des gens. Mais tant s’en faut que
je
vinsse à bout de mon désir, qu’au contraire toutes retraites et lieux
445
gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de
mon
désir, qu’au contraire toutes retraites et lieux à l’écart m’étaient
446
’au contraire toutes retraites et lieux à l’écart
m’
étaient comme écoles publiques. Bref, cependant que j’avais toujours c
447
aient comme écoles publiques. Bref, cependant que
j’
avais toujours ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu m’a tell
448
rs ce but de vivre en privé sans être connu, Dieu
m’
a tellement promené et fait tournoyer par divers changements que toute
449
rnoyer par divers changements que toutefois il ne
m’
a jamais laissé de repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré m
450
repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgré
mon
naturel, il m’a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit
451
elconque jusques à ce que, malgré mon naturel, il
m’
a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit. L’aventure s
452
er qu’une nuit. Mais là, « maître Guillaume Farel
me
retint, non pas tant par conseil et exhortation que par une adjuratio
453
, comme si Dieu eût d’en haut étendu sa main pour
m’
arrêter ». C’en est fait de la paix de ses études, maudite par les cri
454
ûrit, mais voilà Genève qui le rappelle. « Contre
mon
désir et affection la nécessité me fut imposée de retourner à ma prem
455
lle. « Contre mon désir et affection la nécessité
me
fut imposée de retourner à ma première charge… ce que je fis avec tri
456
ection la nécessité me fut imposée de retourner à
ma
première charge… ce que je fis avec tristesse, larmes, grande sollici
457
imposée de retourner à ma première charge… ce que
je
fis avec tristesse, larmes, grande sollicitude et détresse… Maintenan
458
s, grande sollicitude et détresse… Maintenant, si
je
voulais réciter les divers combats par lesquels le Seigneur m’a exerc
459
citer les divers combats par lesquels le Seigneur
m’
a exercé depuis ce temps-là, et par quelles épreuves il m’a examiné, c
460
cé depuis ce temps-là, et par quelles épreuves il
m’
a examiné, ce serait une longue histoire. » Semblable au roi David mol
461
milieu de son peuple par la malice des déloyaux «
j’
ai été assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos un b
462
« j’ai été assailli tellement qu’à grand-peine ai-
je
pu être en repos un bien peu de temps, que toujours je n’eusse à sout
463
être en repos un bien peu de temps, que toujours
je
n’eusse à soutenir quelque combat, ou de ceux du dehors, ou de ceux d
464
et dans une action à quoi rien ne nous inclinait.
J’
étais l’homme le moins fait pour cela ! gémit l’individu quand une for
465
-même, le jette à sa personne. Et Calvin : « Dieu
me
fit tourner bride… » Son efficacité naît de cet abandon, de cette jus
466
ue du Nord, et cela fait la moitié de l’Occident.
Je
cherche en vain l’esprit qu’on puisse lui comparer par l’ampleur et p
467
durée d’une action de cet ordre dans l’Histoire.
J’
écarte Rousseau son disciple mais aussi sa parfaite antithèse : qui cr
468
qui croit encore à la bonté de l’homme naturel ?
J’
écarte Machiavel, ce grand mal-entendu. J’écarte Nietzsche. Je ne vois
469
turel ? J’écarte Machiavel, ce grand mal-entendu.
J’
écarte Nietzsche. Je ne vois plus que Marx, et encore. Un empire inter
470
hiavel, ce grand mal-entendu. J’écarte Nietzsche.
Je
ne vois plus que Marx, et encore. Un empire international se réclame
471
Río calme et violet. Tels sont les souvenirs que
je
garde et chéris de mon passage de quelques mois, à la cour de San Isi
472
Tels sont les souvenirs que je garde et chéris de
mon
passage de quelques mois, à la cour de San Isidro : c’était en 1941.
473
mois, à la cour de San Isidro : c’était en 1941.
Je
venais des États-Unis, où la guerre en Europe m’avait projeté hors d’
474
Je venais des États-Unis, où la guerre en Europe
m’
avait projeté hors d’une Suisse neutre et assiégée, qui m’estimait san
475
projeté hors d’une Suisse neutre et assiégée, qui
m’
estimait sans doute moins gênant, peut-être même plus utile outre-mer.
476
oins gênant, peut-être même plus utile outre-mer.
Mes
premières rencontres avec Victoria dataient tout juste de deux ans au
477
de deux ans auparavant. Elles restent liées dans
ma
mémoire avec tout ce que Paris comptait de plus précieux et de plus é
478
daire, et la promesse d’un avenir malgré tout qui
m’
étaient rendus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des enviro
479
, dans une estancia des environs de Buenos Aires,
j’
étais tombé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied d’une cathédr
480
plus hauts que les tours de Notre-Dame. Victoria
m’
a trouvé là, et parce que je ne disais rien, m’a fortement pincé le br
481
Notre-Dame. Victoria m’a trouvé là, et parce que
je
ne disais rien, m’a fortement pincé le bras pour que je crie mon admi
482
ia m’a trouvé là, et parce que je ne disais rien,
m’
a fortement pincé le bras pour que je crie mon admiration. Et ce jour-
483
disais rien, m’a fortement pincé le bras pour que
je
crie mon admiration. Et ce jour-là, j’ai découvert son patriotisme fo
484
ien, m’a fortement pincé le bras pour que je crie
mon
admiration. Et ce jour-là, j’ai découvert son patriotisme foncier. Je
485
s pour que je crie mon admiration. Et ce jour-là,
j’
ai découvert son patriotisme foncier. Je l’avais connue cosmopolite et
486
jour-là, j’ai découvert son patriotisme foncier.
Je
l’avais connue cosmopolite et parisienne, au sens noble que définit l
487
oble que définit la seule Société des esprits. Et
j’
ai vu qu’elle était Argentine avant tout, dans ses grandes dimensions
488
articularismes périmés ? Répondre à ces questions
me
paraît vital, et non seulement pour notre Fondation, mais pour tous c
489
l’Europe, chacun dans son domaine professionnel.
J’
essaierai donc de démontrer ici, d’une manière aussi simple que possib
490
oduit par deux fois dans la génération à laquelle
j’
appartiens, et l’Europe a risqué d’en périr. Insister sur nos seules d
491
s sociales d’autre part. Ces deux grandes tâches,
je
le répète, sont vitales et elles relèvent de la culture au premier ch
492
et elles relèvent de la culture au premier chef,
j’
entends par là : de la recherche pure, de la philosophie, des sciences
493
a diversité, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l’on
me
dit que j’aligne ici des évidences, j’en serai content : telle était
494
, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l’on me dit que
j’
aligne ici des évidences, j’en serai content : telle était bien mon in
495
e. Si l’on me dit que j’aligne ici des évidences,
j’
en serai content : telle était bien mon intention. Mais je demanderai
496
évidences, j’en serai content : telle était bien
mon
intention. Mais je demanderai que l’on confronte ces évidences avec l
497
ai content : telle était bien mon intention. Mais
je
demanderai que l’on confronte ces évidences avec les croyances popula
498
e ces évidences avec les croyances populaires que
je
rappelais en débutant, celles qui inspirent la méfiance courante à l’
499
ci pour la culture était de trop. Si au contraire
mes
arguments sont « évidents », alors il est grand temps que la très ric
500
son côté, souhaite qu’elle soit un jour élucidée.
Je
serais heureux que les notes qui suivent contribuent à combler certai
501
s le climat de cette période angoissée, telle que
j’
ai pu la voir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de mon journ
502
ir de près, à Berne. Il s’agit de notes tirées de
mon
journal privé, nécessairement trop personnelles, mais prises sur le
503
générale de l’armée (Ve section, Armée et Foyer),
j’
avais proposé et obtenu de rédiger des plans de causeries à l’usage de
504
eur troupe. C’était au mois de mars 1940. L’un de
mes
premiers projets de plan révèle l’idée qui me hantait à cette époque
505
de mes premiers projets de plan révèle l’idée qui
me
hantait à cette époque : il décrit en effet l’importance symbolique e
506
le mobilisation générale est ordonnée. Avec un de
mes
camarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui a de
507
générale est ordonnée. Avec un de mes camarades,
je
vais m’annoncer au chef de la police de Berne, qui a demandé quelques
508
e est ordonnée. Avec un de mes camarades, je vais
m’
annoncer au chef de la police de Berne, qui a demandé quelques volonta
509
rs papiers. Compris. Telle était l’atmosphère, et
je
n’ai vu ce jour-là, comme les jours suivants à la troupe, où je suis
510
jour-là, comme les jours suivants à la troupe, où
je
suis retourné pour une semaine, que des hommes décidés à se battre, g
511
Voici le film des semaines qui suivirent, d’après
mes
notes de journal de l’époque. ⁂ Le 3 juin 1940al À Radio-Lausanne, p
512
Université de Zurich, parle de la Suisse romande,
moi
de la Suisse alémanique. En sortant du studio, nous apprenons que Par
513
train qui nous ramène à Berne le lendemain matin,
je
dis à Spoerri : « Si la France est battue, le moral de la Suisse va f
514
à pouvoir nous défendre. Depuis plusieurs années,
je
pense au Saint-Gothard comme au cœur de l’Europe, à son bastion sacré
515
omme au cœur de l’Europe, à son bastion sacré, et
je
l’ai dit hier soir encore. Or il se trouve que le Gothard est le type
516
e et comme grand atout militaire. » Il acquiesce.
Je
poursuis : « Une action qui réunirait tous les groupements organisés
517
, dit-il, c’est une idée… (et pendant une seconde
je
n’ai pas su s’il était ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement
518
ce n’est rien d’en parler. Il faut le faire ! »
J’
ai senti sous son regard direct le danger d’avoir une idée et de l’exp
519
1940 Débâcle française sur la Seine. Notre projet
me
travaille. Spoerri insiste, agit. Des contacts sont pris à droite et
520
940 À 11 heures, l’ordonnance fait irruption dans
mon
bureau. « Mon premier-lieutenant, on vient d’entendre à la radio que
521
s, l’ordonnance fait irruption dans mon bureau. «
Mon
premier-lieutenant, on vient d’entendre à la radio que les Allemands
522
entrés à Paris. » — Merci. Repos ! Il est sorti,
me
voyant incapable de rien dire de plus. Je suis resté immobile un long
523
sorti, me voyant incapable de rien dire de plus.
Je
suis resté immobile un long moment. J’ai écrit deux pages sur la conf
524
e de plus. Je suis resté immobile un long moment.
J’
ai écrit deux pages sur la confrontation d’Hitler et de Paris, les ai
525
atterrissage tout désigné pour des parachutistes.
Je
la regarde de temps à autre en écartant le rideau, mais rien encore.
526
détonations qui semblaient provenir de la forêt.
Me
suis levé pensant que c’était commencé. D’une fenêtre donnant au nord
527
c’était commencé. D’une fenêtre donnant au nord,
j’
ai regardé longtemps la ville, apparemment paisible, et la ligne préci
528
écise des crêtes du Jura sur un ciel tourmenté où
je
guettais des lueurs. Quelques camions ont passé sous la fenêtre, tous
529
tant lentement vers le Gurten. Pas d’autre bruit.
Me
suis recouché pensant que s’il se passait quelque chose, je serais al
530
couché pensant que s’il se passait quelque chose,
je
serais alerté par téléphone. Peu dormi, et levé à six heures. Avant d
531
Peu dormi, et levé à six heures. Avant d’entrer à
mon
bureau, près de la gare, acheté comme chaque matin la Gazette . Mon
532
la gare, acheté comme chaque matin la Gazette .
Mon
article — je n’y pensais plus — en première page, à côté d’un appel à
533
té comme chaque matin la Gazette . Mon article —
je
n’y pensais plus — en première page, à côté d’un appel à se taire lan
534
s ! (« Qui ne sait se taire, nuit à son pays ! »)
Je
le relis rapidement dans l’escalier : il me paraît un peu sentimental
535
! ») Je le relis rapidement dans l’escalier : il
me
paraît un peu sentimental, je me demande s’il est bien à la mesure du
536
ans l’escalier : il me paraît un peu sentimental,
je
me demande s’il est bien à la mesure du tragique dans lequel nous bai
537
l’escalier : il me paraît un peu sentimental, je
me
demande s’il est bien à la mesure du tragique dans lequel nous baigno
538
istoires. Vers la fin de la matinée, téléphone de
mon
beau-frère, M. P., qui est à la Censure. Oui, il y aura des histoires
539
raît-il. Mais rien de nouveau jusqu’à six heures.
Je
me prépare à sortir. Sonnerie du téléphone. On va me parler de l’E.-M
540
t-il. Mais rien de nouveau jusqu’à six heures. Je
me
prépare à sortir. Sonnerie du téléphone. On va me parler de l’E.-M. d
541
me prépare à sortir. Sonnerie du téléphone. On va
me
parler de l’E.-M. du Général. — Ici colonel Masson. C’est bien vous q
542
l’article paru ce matin dans la Gazette ? — Oui,
mon
colonel. — Avez-vous demandé l’autorisation de vos supérieurs ? — Non
543
demandé l’autorisation de vos supérieurs ? — Non,
mon
colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas officier de carrière. — Vous d
544
s supérieurs ? — Non, mon colonel. — Pourquoi ? —
Je
ne suis pas officier de carrière. — Vous deviez le faire quand même.
545
qu’ici. Ce matin, un officier de l’E.-M. est venu
m’
avertir de ce qui s’est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux.
546
8 juin 1940 À sept heures précises au bureau. Sur
ma
table, une note me priant de passer chez le colonel, chef de la Ve Se
547
heures précises au bureau. Sur ma table, une note
me
priant de passer chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bonjour mo
548
chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bonjour
mon
cher. Asseyez-vous. (Je me dis : C’est donc si grave que cela ?) — J’
549
la Ve Section. — Bonjour mon cher. Asseyez-vous. (
Je
me dis : C’est donc si grave que cela ?) — J’ai beaucoup aimé votre a
550
Ve Section. — Bonjour mon cher. Asseyez-vous. (Je
me
dis : C’est donc si grave que cela ?) — J’ai beaucoup aimé votre arti
551
s. (Je me dis : C’est donc si grave que cela ?) —
J’
ai beaucoup aimé votre article… Mais la Légation d’Allemagne a protest
552
s la Légation d’Allemagne a protesté, hier matin.
J’
ai l’ordre de vous faire conduire chez vous pour y prendre les arrêts.
553
chez vous pour y prendre les arrêts. Voulez-vous
me
laisser votre pistolet ? Je dépose mon pistolet sur le bureau. Je me
554
s arrêts. Voulez-vous me laisser votre pistolet ?
Je
dépose mon pistolet sur le bureau. Je me sens tout nu. Faute de solda
555
Voulez-vous me laisser votre pistolet ? Je dépose
mon
pistolet sur le bureau. Je me sens tout nu. Faute de soldats baïonnet
556
pistolet ? Je dépose mon pistolet sur le bureau.
Je
me sens tout nu. Faute de soldats baïonnette au canon — on n’en trouv
557
stolet ? Je dépose mon pistolet sur le bureau. Je
me
sens tout nu. Faute de soldats baïonnette au canon — on n’en trouve p
558
trouve point — c’est le lieutenant-colonel M. qui
m’
accompagne à la maison, en voiture. J’attends deux heures. Une auto mi
559
onel M. qui m’accompagne à la maison, en voiture.
J’
attends deux heures. Une auto militaire vient me prendre. Comparutions
560
. J’attends deux heures. Une auto militaire vient
me
prendre. Comparutions diverses. Dialogue invariable : — Qu’avez-vous
561
us à dire pour votre défense ? — Absolument rien.
Je
suppose que vous êtes d’accord avec mon article. Là n’est pas la ques
562
ment rien. Je suppose que vous êtes d’accord avec
mon
article. Là n’est pas la question… La question est de me déférer au t
563
cle. Là n’est pas la question… La question est de
me
déférer au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi. Écouté
564
stion est de me déférer au tribunal militaire. On
me
reconduit enfin chez moi. Écouté la radio pendant des heures. La débâ
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au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez
moi
. Écouté la radio pendant des heures. La débâcle est consommée, la Sui
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Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère d’imminence,
je
ne puis la caractériser mieux. Tout est immédiat, concret, naturel et
567
ant à la fois, comme l’événement quand il arrive.
Je
vois ce pré et je sais qu’il peut y apparaître dans un instant des ho
568
me l’événement quand il arrive. Je vois ce pré et
je
sais qu’il peut y apparaître dans un instant des hommes qui nous tire
569
s un instant des hommes qui nous tireront dessus.
Je
n’ai même plus mon pistolet, que je déposais chaque soir à côté de mo
570
ommes qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus
mon
pistolet, que je déposais chaque soir à côté de mon lit, depuis quelq
571
eront dessus. Je n’ai même plus mon pistolet, que
je
déposais chaque soir à côté de mon lit, depuis quelque temps. La radi
572
n pistolet, que je déposais chaque soir à côté de
mon
lit, depuis quelque temps. La radio, heure par heure, accumule par pe
573
énorme désastre, incroyable et vrai. Le téléphone
m’
apporte, heure par heure, les nouvelles de l’action entreprise pour no
574
». (Beaucoup de précautions sont nécessaires, car
je
sens qu’on écoute mes téléphones.)40 Le risque individuel prend sa pl
575
utions sont nécessaires, car je sens qu’on écoute
mes
téléphones.)40 Le risque individuel prend sa place normale dans le ri
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des petites choses précises à faire. 20 juin 1940
Mon
colonel se présente à la porte de notre petite maison du Gurten. Je p
577
ente à la porte de notre petite maison du Gurten.
Je
prends la position. Il tient dans chaque main un petit paquet attaché
578
êtes dès maintenant à Saint-Maurice. Tout ce que
je
vous demande, c’est de ne pas sortir dans les rues de Berne chaque so
579
c une petite femme à chaque bras. — À vos ordres,
mon
colonel ! J’ai toujours été partisan des vacances payées. Je vous rem
580
emme à chaque bras. — À vos ordres, mon colonel !
J’
ai toujours été partisan des vacances payées. Je vous remercie. — Repo
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! J’ai toujours été partisan des vacances payées.
Je
vous remercie. — Repos ! Le colonel a bien voulu prendre un verre, au
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ndépendance que l’armée est chargée de défendre ?
Je
relis les instructions données au général Guisan le 31 août 1939 par
583
cela s’appelle une retraite stratégique. On peut
me
dire qu’il est aussi des retraites nécessaires (des silences opportun
584
dre l’indépendance du pays. Cela se discute, mais
j’
ai pris mon parti, tout comme le général de Gaulle, à la radio de Lond
585
pendance du pays. Cela se discute, mais j’ai pris
mon
parti, tout comme le général de Gaulle, à la radio de Londres, il y a
586
dapter à l’ordre nouveau »…) Fin juin 1940 Repris
mon
service à la section « Armée et Foyer ». Pendant mes vacances forcées
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service à la section « Armée et Foyer ». Pendant
mes
vacances forcées, j’ai eu le temps de rédiger le manifeste de notre m
588
« Armée et Foyer ». Pendant mes vacances forcées,
j’
ai eu le temps de rédiger le manifeste de notre mouvement, qui a pris
589
, qui a pris le nom de « Ligue du Gothard », pour
ma
plus grande satisfaction. Discuté et corrigé ce texte jusqu’à cinq he
590
ndre de diverses manières, mais l’une est atroce.
Je
veux, croire qu’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un officier de l’
591
Mais ce matin, un officier de l’E.-M. du Général
me
dit : « Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte d’être Suisse.
592
M. du Général me dit : « Pour la première fois de
ma
vie, j’ai eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres quoti
593
néral me dit : « Pour la première fois de ma vie,
j’
ai eu honte d’être Suisse. » Début de juillet Rencontres quotidiennes,
594
igue du Gothard entreprend alors une démarche que
je
crois sans précédent dans l’histoire des conjurations politiques. Tro
595
’affaire de la Gazette de Lausanne et bridé par
mes
fonctions militaires, je ne puis faire partie de la délégation. J’att
596
Lausanne et bridé par mes fonctions militaires,
je
ne puis faire partie de la délégation. J’attends les résultats de la
597
taires, je ne puis faire partie de la délégation.
J’
attends les résultats de la démarche dans un café proche du Palais féd
598
ns un café proche du Palais fédéral. Les délégués
m’
y retrouvent après une heure. Le titulaire ad interim du Département p
599
a, comme on sait.) 40. Néanmoins, un sergent de
mes
amis, syndicaliste, membre fondateur de la Ligue du Gothard, me dit,
600
caliste, membre fondateur de la Ligue du Gothard,
me
dit, quelques jours plus tard : « Vous êtes imprudent au téléphone. P
601
s êtes imprudent au téléphone. Par bonheur, c’est
moi
qui suis chargé des rapports d’écoute. J’efface les rouleaux enregist
602
c’est moi qui suis chargé des rapports d’écoute.
J’
efface les rouleaux enregistrant vos conversations ! » 41. Il s’agit
603
vaincants — on ne peut pas écrire en groupe — ils
me
confient la rédaction. Ma position est un peu délicate. « Le général
604
écrire en groupe — ils me confient la rédaction.
Ma
position est un peu délicate. « Le général est toujours furieux après
605
« Le général est toujours furieux après vous ! »
m’
a dit hier encore mon colonel, un Bernois. Mais quoi ! D’une part, le
606
ujours furieux après vous ! » m’a dit hier encore
mon
colonel, un Bernois. Mais quoi ! D’une part, le général ne saura pas
607
part, le général ne saura pas que le texte est de
ma
main. D’autre part, je suis sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin ju
608
ra pas que le texte est de ma main. D’autre part,
je
suis sûr qu’il en approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige un
609
r qu’il en approuvera la pensée. Fin juillet 1940
Je
rédige une brochure intitulée : Qu’est-ce que la Ligue du Gothard ?
610
nvergence parfaite avec le rapport du Grütli, que
j’
ignorais, naturellement, quand j’ai rédigé ces quelques pages. Mi-août
611
t du Grütli, que j’ignorais, naturellement, quand
j’
ai rédigé ces quelques pages. Mi-août 1940 Réunion du Directoire de la
612
os petits groupes. Un jeune lieutenant inconnu de
moi
saute à terre, fait quelques pas à mes côtés et me dit rapidement : «
613
inconnu de moi saute à terre, fait quelques pas à
mes
côtés et me dit rapidement : « Soyez prudent. Quatre chefs de la Ligu
614
i saute à terre, fait quelques pas à mes côtés et
me
dit rapidement : « Soyez prudent. Quatre chefs de la Ligue dans l’arm
615
lieutenant remonte, la voiture s’éloigne. Demain,
je
suis convoqué au Palais fédéral. Est-ce vraiment pour y discuter une
616
une fois de plus ce voyage aux États-Unis ? Ici,
je
dois revenir un peu en arrière dans mes souvenirs. Dès le mois de mai
617
nis ? Ici, je dois revenir un peu en arrière dans
mes
souvenirs. Dès le mois de mai, le « Secrétariat des Suisses à l’étran
618
mai, le « Secrétariat des Suisses à l’étranger »
m’
avait proposé d’aller à New York et d’y faire jouer ma pièce sur Nico
619
ait proposé d’aller à New York et d’y faire jouer
ma
pièce sur Nicolas de Flüe (musique d’Arthur Honegger) à l’occasion
620
Arthur Honegger) à l’occasion de la World’s Fair.
J’
avais longtemps tergiversé. Je faisais la Ligue. Puis il y eut l’incid
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de la World’s Fair. J’avais longtemps tergiversé.
Je
faisais la Ligue. Puis il y eut l’incident de mon article sur Paris.
622
Je faisais la Ligue. Puis il y eut l’incident de
mon
article sur Paris. Je n’étais certes plus persona grata. Pourtant, le
623
uis il y eut l’incident de mon article sur Paris.
Je
n’étais certes plus persona grata. Pourtant, le 16 juillet, Pro Helve
624
sona grata. Pourtant, le 16 juillet, Pro Helvetia
m’
avait renouvelé la demande. J’aurais à faire aussi des conférences. Je
625
illet, Pro Helvetia m’avait renouvelé la demande.
J’
aurais à faire aussi des conférences. Je proposai, pour voir, les quat
626
demande. J’aurais à faire aussi des conférences.
Je
proposai, pour voir, les quatre sujets suivants : 1) les causes spiri
627
e 27 juillet, une lettre du Département politique
m’
offrait un passeport diplomatique (censé me faciliter la traversée de
628
itique m’offrait un passeport diplomatique (censé
me
faciliter la traversée de l’Espagne) à condition toutefois que je m’a
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traversée de l’Espagne) à condition toutefois que
je
m’abstienne aux États-Unis « de toute activité ayant un caractère pol
630
versée de l’Espagne) à condition toutefois que je
m’
abstienne aux États-Unis « de toute activité ayant un caractère politi
631
1 à 3 devraient, par conséquent, être évités ». (
J’
ai conservé la lettre, signée par le ministre B.) ⁂ Ces prudences offi
632
iques de l’époque — n’eurent d’autre effet que de
me
piquer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir compte, je finis par acce
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quer au jeu. Bien décidé à n’en pas tenir compte,
je
finis par accepter la proposition de voyage aux États-Unis. Pour la S
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n peu plus tard dans les pays occupés par Hitler.
Je
suis conscient du léger ridicule qu’aux yeux de beaucoup présentera c
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t contribué si peu que ce fût, voilà qui suffit à
mes
yeux. En ce mois d’août de 1940, j’estimais qu’elle avait réussi dans
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qui suffit à mes yeux. En ce mois d’août de 1940,
j’
estimais qu’elle avait réussi dans la mesure précise où elle devenait,
637
mée démobilisait les deux tiers de ses effectifs.
Je
me voyais rendu à mes travaux d’écrivain, mais pratiquement condamné
638
démobilisait les deux tiers de ses effectifs. Je
me
voyais rendu à mes travaux d’écrivain, mais pratiquement condamné à n
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deux tiers de ses effectifs. Je me voyais rendu à
mes
travaux d’écrivain, mais pratiquement condamné à ne plus aborder en p
640
et ce n’était, littéralement, pas beaucoup dire.
Me
taire ou ne parler que de notre belle nature me semblait également in
641
. Me taire ou ne parler que de notre belle nature
me
semblait également intolérable, tant qu’Hitler sévissait en Europe. E
642
rable, tant qu’Hitler sévissait en Europe. Enfin,
je
pressentais que dans la lutte en cours, provisoirement perdue sur not
643
l’Amérique. Peut-être bien était-ce là-bas qu’il
me
serait donné, quoique « neutre », de faire la guerre à ma façon, d’en
644
t donné, quoique « neutre », de faire la guerre à
ma
façon, d’entrer dans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je
645
ans le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant,
je
me décidai donc à partir. Et, certes, les raisons qui m’animaient n’é
646
le coup. Poussé dans le dos, attiré en avant, je
me
décidai donc à partir. Et, certes, les raisons qui m’animaient n’étai
647
écidai donc à partir. Et, certes, les raisons qui
m’
animaient n’étaient point exactement celles qu’on eut alors au Palais
648
qu’on eut alors au Palais fédéral pour favoriser
mon
voyage. Mais le fait est qu’elles jouèrent dans le même sens. Le 20 a
649
ns le même sens. Le 20 août, à 7 heures du matin,
je
prenais la route de Lisbonne. J’avais acheté, avant de monter dans l’
650
heures du matin, je prenais la route de Lisbonne.
J’
avais acheté, avant de monter dans l’autobus, trois journaux du matin
651
Ligue. Les notes personnelles qu’on vient de lire
me
paraissent de nature à confirmer la description d’ensemble que M, Jon
652
nt passées différemment, sur plusieurs points que
je
relèverai maintenant. 1. La « ligue des officiers » s’est bien consti
653
de juin) et les noms de ses chefs sont exacts, si
mes
souvenirs le sont aussi. Ses buts et ses premières activités sont cor
654
éfinis, sauf sur un point, qui est d’importance :
je
ne crois pas un instant que les officiers ligueurs aient pu douter de
655
les « s’imbriquaient étroitement », on l’a vu par
mes
notes. Mais Kimche commet une curieuse erreur en confondant la ligue
656
antôt le « Mouvement de résistance national ». Si
j’
en juge par les noms qu’il donne des responsables de ce dernier Mouvem
657
omne de 1940. L’un de ses chefs, M. Hans Oprecht,
me
le confirme doublement en me disant d’une part que « l’Action de rési
658
fs, M. Hans Oprecht, me le confirme doublement en
me
disant d’une part que « l’Action de résistance » n’intervint qu’« apr
659
« l’Action de résistance » n’intervint qu’« après
mon
départ pour les États-Unis », d’autre part qu’elle se forma « contre
660
tte ligue d’un mouvement qui n’eut d’autre tort à
mes
yeux que celui de n’avoir pas existé pendant la période que décrit Ki
661
s plus tard, allait devenir le centre du Réduit ?
Je
tenterai de répondre à cette question dans un prochain article. 42.
662
luttent pour cette union. Car il ne s’agit pas —
je
le dis une fois de plus — de deviner l’histoire qui vient, mais de la
663
laires : les résultats des mutations récentes que
j’
énumérais au début sont devenus généralement visibles et sensibles ; i
664
rmais celles qui adaptent la technique à l’homme.
J’
écris ceci pour amuser les lecteurs de 1980, s’ils retrouvent par hasa
665
les lecteurs de 1980, s’ils retrouvent par hasard
mon
petit essai ; et pour que certains, aujourd’hui, voient un peu mieux