1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 ou le Total, ou l’Être, Ramakrishna disait : « Il n’ y a aucune différence, que vous l’appeliez ‟Toi” ou que vous pensiez ‟
2 z ‟Toi” ou que vous pensiez ‟Je suis Lui”. » S’il n’ y avait « aucune différence », il n’y aurait pas non plus d’antinomie
3 Lui”. » S’il n’y avait « aucune différence », il n’ y aurait pas non plus d’antinomie foncière entre la foi chrétienne de
4 il faut voir aussi que l’union finale des esprits ne sera jamais acquise au prix du sacrifice de nos diversités vivantes ;
5 durée. Une sagesse supérieure et vraiment unitive ne naîtra pas d’aspirations mal informées, ni du refus de bien voir l’ét
6 », dit le proverbe. Mauvaise formule d’union, qui ne peut survivre à l’aube ! Si l’Orient et l’Occident doivent un jour co
7 ive, peut-être, cette parenté certaine au départ, ne rendent que plus frappante la divergence des évolutions ultérieures.
8 re-fond commun, les différences s’accusent. Elles ne cesseront de s’affirmer dans l’ensemble de notre histoire, nonobstant
9 tuation « orientale », la tendance individualiste ne pouvait trouver d’exutoire que dans l’aventure mystique. Le véritable
10 r, que par son dépassement réalisé. Mais l’Orient n’ a pas eu de Renaissance. La durée même de son Moyen Âge, confronté tou
11 , elle éclate aux États-Unis dont le passé vivant ne remonte pas au-delà d’une post-Renaissance importée. En Inde, on ne v
12 delà d’une post-Renaissance importée. En Inde, on ne voit partout que pèlerinages, sanctuaires, lieux et quartiers de vill
13 sses. L’Occidental retour d’Orient s’écrie : « Je n’ ai vu que des foules, pas une personne ! » Et l’Oriental qui circule d
14 ’Oriental qui circule dans nos villes songe qu’il n’ y voit qu’agitation désordonnée, absence de sens et d’harmonie, et pas
15 ient et de l’Occident 5. — L’Orient et l’Occident ne sont donc pas seulement des entités géographiques faciles à situer, s
16 historiques, dont les mélanges et superpositions ne seraient d’ailleurs pas moins féconds à étudier que leur distinction
17 rres, de disputes, de tumultes : « joie et beauté n’ y sont qu’un emprunt procuré d’un lieu lointain ». Entre l’Orient et l
18 orable à l’Orient, de nos deux termes symboliques ne peut manquer d’impressionner. On ne saurait la réduire à rien d’accid
19 s symboliques ne peut manquer d’impressionner. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel, de physique ou d’anecdotique.
20 cs, il en va de même pour les Hindous, et ceux-ci ne figurent pas pour autant l’Occident de la Chine ou de la Malaisie, ni
21 occidentale. Mais, du prestige de cet Orient qui n’ est pas celui de l’atlas, l’Orient réel, qui va de la Perse au Japon b
22 ir. Un voyageur allemand9 demandait à un yogi : «  N’ avez-vous pas tenté, en Inde aussi, de calculer la quadrature du cercl
23 ant. Les deux mouvements — descente et remontée — ne sont qu’apparemment superposables ; car il s’agit en réalité dans le
24 sance du divin non par le « saut de la foi », qui ne procure pas une connaissance suffisante, n’ouvre pas une voie vérifia
25 , qui ne procure pas une connaissance suffisante, n’ ouvre pas une voie vérifiable et qu’on puisse librement parcourir ; ma
26 et si maître de lui qu’il soit, un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la libération. » (Yoga-anka.) Pour l’Occi
27 agues (sur la nature de l’atome, par exemple) qui ne permettent pas de refaire le chemin à volonté par l’intellect et par
28 aiment réel ? S’identifier à l’Un, à la divinité, ne serait-ce pas, pense l’Occidental, une illusion psychologique chez le
29 et peut-être demain de la vie, pense l’Oriental, n’ est-ce pas régner sur la Maya ? Et chacun sera tenté de tenir pour ill
30 xplications les plus sincères données par l’autre ne sont en vérité que des implications de son option fondamentale. Tauto
31 ou de leur jugement de valeur. Pourtant la chose ne me paraît pas si simple, et j’y sens une complexité dont j’essaierai
32 inq personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront-ils jamais seuls ? L’individu peut-il vraiment compter, dans c
33 es : il s’agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’a paru plus solennelle ni plus simplement adorable. Tintements de c
34 e liturgie, d’église organisée. L’Hindou grégaire n’ est seul que devant le divin. L’Occidental, jaloux de sa vie privée, s
35 s chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bach : je ne sais rien de plus européen, ni de plus véritablement communautaire. N
36 Kassner, essayiste autrichien de génie. Personne n’ a mieux traduit l’impression qui submerge l’Européen livré à l’Inde, i
37 me inexact s’il fait penser à « collectif », à je ne sais quoi d’organisé ou d’encadré. Je cherchais à dire autre chose. K
38 corps spiritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’ est qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas d’i
39 simple centre. L’homme magique, le corps magique n’ a pas d’ironie ni de paradoxe, parce qu’il n’a ni contraire ni contrad
40 ique n’a pas d’ironie ni de paradoxe, parce qu’il n’ a ni contraire ni contradiction. » Dépourvu de sensibilité au sens du
41 esprit révolutionnaire, ignorant la curiosité, il ne peut avoir cure ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’un
42 ntent si peu dans son existence que rien au monde ne semble moins le mettre en danger ou le compromettre que le mystificat
43 ons de liberté, action, de personne et d’histoire n’ ont plus de pointe ni de but. Le monde magique est en forme de Boule,
44 sont en contradiction, tension ou dissension, et ne cessent de refaire le signe de la Croix. Je disais que la voie de l’i
45 dividu en Inde, comme celle du mystique médiéval, ne peut être que fuite en l’Absolu. Ainsi le moi devient conscient et se
46 opposition : panthéisme ou Dieu personnel. Car il n’ est pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaî
47 personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel. Soit qu’on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon
48 nt ne connaît rien de tel. Soit qu’on pense qu’il n’ y a pas de Dieu — selon le système Sankya et le bouddhisme — soit qu’o
49 sme — soit qu’on pense, selon l’Advaïta, que Dieu n’ « existe » pas mais qu’il est Tout, et que le Tout ou le Réel n’est qu
50 as mais qu’il est Tout, et que le Tout ou le Réel n’ est que le Moi pleinement réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’
51 inement réalisé et accompli (That Thwam Asi) — il n’ y a pas plus de personne dans la gnose hindouiste que de moi distinct
52 ste que de moi distinct dans le bouddhisme. Qu’il n’ y ait point de Dieu, ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Autre
53 e Tout, dans les deux cas l’Autre s’évanouit ; il n’ est pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de vocation, ni par
54 ishna que je citais en tête de ce chapitre : « Il n’ y a aucune différence, que vous l’appeliez Toi ou que Vous disiez Je s
55 noire. Il est ainsi montré que l’élément masculin n’ est pas absent de la région du yin tandis que l’élément féminin reste
56 gues, cette relation d’inter-présence des opposés n’ est pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orient et de l’
57 ou de grands physiciens en Orient ? Mais personne n’ a l’idée de parler de l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique
58 s (condamnées et souvent détruites), tandis qu’il ne manque pas d’écoles hindoues pour affirmer la réalité du Moi, l’actio
59 hesse en contradictions apparentes. Nos mystiques ne font pas nos mœurs, en Occident. Ils se fondent sur la négation de no
60 d’Orient dans notre sphère. En revanche, l’Orient ne connaît pas d’Églises. La Bible et les Vedas n’ont vraiment rien de c
61 t ne connaît pas d’Églises. La Bible et les Vedas n’ ont vraiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’est pas du tou
62 vraiment rien de commun, et l’usage qu’on en fait n’ est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’est pas la foule de Lou
63 it n’est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’ est pas la foule de Lourdes, même si l’on pense que Dieu reconnaîtra l
64 oyance à la métempsycose est plus naturelle qu’on ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais elle n’a pas d’effet dans l
65 ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais elle n’ a pas d’effet dans leur vie religieuse, moins encore dans leur vie soc
66 évélatrices de l’Orient et de l’Occident, et rien n’ illustre mieux la divergence réelle des résultantes majeures dont je p
67 toute la garde des créneaux ; l’autre le pria de n’ en rien faire, tout en confessant qu’il ne saurait attendre de ses vas
68 pria de n’en rien faire, tout en confessant qu’il ne saurait attendre de ses vassaux une telle docilité […]. Et chaque Eur
69 respecte en l’homme un noyau de liberté auquel il n’ est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en prov
70 tteinte. Ce qui s’y passe, et ce qui en provient, ne peut naître que du libre arbitre, sous peine de devenir vain, et même
71 ent. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’ est pas moins significative, pour notre objet présent que les histoire
72 ine13. Pourtant, l’adoration de la vie en général n’ entraîne pas le respect de la vie humaine. La Bhagavad-Gita, qui n’a r
73 respect de la vie humaine. La Bhagavad-Gita, qui n’ a rien de bouddhique, enseigne que la mort étant le sort commun, tuer
74 , enseigne que la mort étant le sort commun, tuer n’ est vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance. Qu’on découpe la victim
75 e la victime en tranches ou qu’on l’épargne, elle ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent-millie
76 solue valeur de la personne dans chaque individu, n’ en a pas moins connu les tortures, les bûchers, la guillotine et les m
77 on Jünger, devant la cruauté des Orientaux ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le sommes autrement. Car nous le s
78 s le drame, eux selon la magie. Nulle « sagesse » ne nous innocente ; au contraire, notre foi nous condamne. La cruauté de
79 e est divine, et nous sommes criminels. Si le moi n’ est qu’une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui comp
80 i n’est qu’une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui compte ; mais au contraire, si le moi libre et uniqu
81 nique est une réalité tenue pour inviolable, rien ne peut justifier notre délire guerrier. Je ne juge pas. Je constate. Il
82 rien ne peut justifier notre délire guerrier. Je ne juge pas. Je constate. Il y a des différences. Et mon propos n’est pa
83 e constate. Il y a des différences. Et mon propos n’ est pas de les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparai
84 ’avantage de l’un ou de l’autre « camp » : car il n’ y a pas de camps, ni de lutte engagée, ceci soit dit ici une fois pour
85 infinie complexité de leurs données nous oblige à n’ examiner que des prises partielles et typiques. On a vu que j’ai chois
86 xemples dans le domaine religieux, de préférence. N’ est-ce pas là que l’irritante question de la « supériorité » de ceci s
87 ins de sens, et de fait perd sa pointe, puisqu’on n’ y dispose pas d’éléments mesurables, comme ce serait le cas au plan de
88 et religieux de l’Inde qui conçoivent que le Tout n’ est autre que le Je pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale
89 e pendant longtemps par le barrage de l’islam, et n’ a pu s’esquisser qu’à partir du xixe siècle ; la seconde s’opère sous
90 cident, c’est la Grèce d’Aristote, et leur Orient n’ est pas l’Inde ou la Chine, mais celui de la mystique « illuminée » de
91 ns son sens strict, initiatique et religieux, qui ne doit pas être confondu avec « conservateur », « routinier », « réacti
92 dividuelle, et que le but de la recherche humaine ne peut pas être le progrès ou l’invention, mais l’identification du che
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
93 )c 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’ importe quelle direction pour sentir la réalité de notre unité de cult
94 ir à cela quelque raison. Tout bien considéré, je n’ en trouve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture qui
95 que nous vivons la définit avec une précision qui ne pardonne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire de la haine,
96 les mêmes qui, faisant demi-tour, déclarent qu’on ne peut unir notre vieux continent à cause des profondes différences qui
97 s qui séparent nos nations depuis des siècles. Il n’ y aurait donc, à les en croire, pas de différences bien notables (dans
98 oire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas ici de politique, mais seulement de formes d’esprit et de m
99 invoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’ est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des
100 tes. Or il se trouve que l’argument, précisément, n’ est pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au
101 nsulaires et Continentaux, Suédois et Grecs (pour ne parler que de géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais
102 e l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’Allemagne,
103 ses — pas plus que cette unification, d’ailleurs, n’ a supprimé ces différences. (Encore que les écoles d’État s’y soient e
104 y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’ a jamais attendu rien de pareil d’un État fédéral européen.) Ainsi l’o
105 ontrastes entre Suédois et Grecs, par exemple, il n’ en reste pas moins qu’un Suédois lisant Kazantzaki, un Grec lisant Sel
106 t — et cela dure depuis des années — que l’Europe n’ existe pas comme entité géographique et historique, car ses frontières
107 té géographique et historique, car ses frontières n’ ont pas cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc d
108 pas cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que par sa culture, qui ne l’est guère. Conc
109 serait donc définissable que par sa culture, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut u
110 r sa culture, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’ y a pas d’Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui
111 si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’union… Ainsi jouent les sophistes, et le lec
112 pport avec le drame qui vient. Au vrai, tout cela n’ a de sens que pour les professeurs. Ceux-ci doivent circonscrire exact
113 tement l’objet d’un éventuel enseignement ; s’ils n’ arrivent pas à le définir, ils le réputent inexistant selon les normes
114 parlementaire connu sous le nom de filibuster. Je n’ en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux pendant que j’écri
115 l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’ est pas une entité, mais une pure et simple expression. En effet, selo
116 expression. En effet, selon le thème connu, elle ne se localise guère mieux dans le temps que dans l’espace […]. On a vou
117 toute l’Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites. L’Europe ne serait-elle d
118 s est pas mieux connue que ses limites. L’Europe ne serait-elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa
119 ne serait-elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date de naissance ? Mais le même raisonnement co
120 on. En privant le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on déprime l’élan ve
121 tuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’ aurait-elle pris forme et nom qu’à mi-chemin du travail entrepris, qui
122 t, la prise de conscience d’une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à partir de l’an 1300 : l
123 tionales, apparu au xixe siècle. Qu’as-tu que tu n’ aies reçu ? dit l’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de
124 n vérité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne se confond avec les limites accidentelles et souvent fort récentes d’
125 d’un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup que les réalités décisives ont cessé d’être nati
126 encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrait tout perdre. Gardons-nous de la
127 atriotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’ est pas la nation, elle est en général beaucoup plus petite. La nation
128 énéral beaucoup plus petite. La nation culturelle n’ est pas l’État, elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’on c
129 acines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N’ est-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédér
130 e de sauver le concret de nos vies nationales, et n’ en sacrifierait que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu de to
131 tends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soit désirable — qu’au ni
132 re (si elle est le droit d’un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la prospérité sans doute (si
133 ndépendance assurément (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout cela suppose le dév
134 us vaste, plus ancien, et plus fort désormais que ne l’est aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, auj
135 est aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’ est encore, aujourd’hui, qu’un fait de culture au sens large. Prendre
136 ous débouchons ici dans le domaine politique, qui n’ est autre, à mon sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’u
137 l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadre institutionnel, mais par un style d
138 ort entre forme et contenu. Une politique d’union ne devient possible que s’il y a tout d’abord communauté de culture entr
139 u’elle envisage d’unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, traduit et tend à préserver ce qu’i
140 ait revêtir une union authentiquement européenne, ne saurait être que fédéraliste. En effet, nos diversités constituent le
141 tre créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas ni ne se mélangent indiscernablement, mais demeurent en
142 la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas ni ne se mélangent indiscernablement, mais demeurent en tension — autonomes
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
143 anuel Berl (mai 1957)d e Je crains que M. Berl ne mobilise la Vérité, la Raison, la Justice, le Droit, et Romain Rollan
144 r d’un épouvantail auquel il accroche mon nom. Je n’ attaquais rien de ce qu’il défend avec tant de passion et de juste col
145 Europe reste à « faire » ; je dis seulement qu’on ne peut la vouloir et la faire — donc l’unir par des liens fédéraux — si
146 te comme entité de culture et Aventure unique. Je ne pense pas avoir recommandé l’imposture ou la tyrannie, le refus du Dr
147 : « Je sentais l’urgence de rappeler que l’Europe ne peut et ne doit pas être regardée comme une entité ni comme une fin,
148 ais l’urgence de rappeler que l’Europe ne peut et ne doit pas être regardée comme une entité ni comme une fin, mais comme
149 me prouve que l’urgence était plus grande que je ne pensais. Il regarde comme “sophistes” ceux qui disent que l’Europe ne
150 de comme “sophistes” ceux qui disent que l’Europe ne sera pas, si on ne la fait pas être : la plupart des “européens” fure
151 ” ceux qui disent que l’Europe ne sera pas, si on ne la fait pas être : la plupart des “européens” furent donc des sophist
152 phistes. Guéhenno dirigeait la revue : Europe, il ne pensait pas que l’Europe fut déjà faite. M. de Rougemont me dit qu’il
153  ? Et à Leipzig, avec Napoléon ou contre lui ? Il ne suffit pas d’ignorer quand une personne est née pour avoir la certitu
154 t veut qu’elle fasse déjà sonner le sabre qu’elle n’ a pas encore. Est-ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “fili
155 qu’elle n’a pas encore. Est-ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “filibusterie” consiste-t-elle à les distingue
156 et exploitaient ceux qu’elle devait secourir. Je ne prônerai l’Europe ni contre la Vérité, ni contre la Raison, ni contre
157 e hausser les épaules et de répondre : “Tout cela n’ a de sens que pour les professeurs.” Le mensonge n’est pas mon fort, f
158 ’a de sens que pour les professeurs.” Le mensonge n’ est pas mon fort, fût-ce pour “favoriser l’union”. Je m’en excuse. »
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
159 t, au nom de la réaction ou de la révolution, ils ne nous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l
160 anonymes, la machine, la police et l’État. Orwell n’ eut qu’à pousser un peu plus loin. Il n’eut qu’à mettre au point l’exe
161 t. Orwell n’eut qu’à pousser un peu plus loin. Il n’ eut qu’à mettre au point l’exemple soviétique, à l’étendre à l’Europe
162 éen avait trouvé son expression suprême. Et Kafka n’ était plus que le Jean-Baptiste d’une sorte d’Évangile à rebours, « ma
163 ée par Sartre, triomphait dans une génération qui n’ avait appris que le mensonge. Ses pouvoirs de résistance à Big Brother
164 ’est quatre-vingt-quatre inversé. Jamais chiffres ne furent plus chargés de symboles. Essayons de les interpréter. Tout c
165 pessimiste, ou les deux à la fois, sous peine de ne plus compter. Inutile de citer des noms : ce seraient ceux, justement
166 e et persuadé de la valeur des conventions ; mais n’ est-ce pas lui qui ouvrit, en 1919, le grand courant du pessimisme eur
167 de Dostoïevski. Il est remarquable que ce siècle n’ ait retenu du précédent que les génies antisociaux, les héros du refus
168 le domaine de l’éthique et de l’esprit. Mais rien ne compte en fait que par la bourgeoisie. C’est elle seule, par ses fran
169 elle avait elle-même dépossédé les nobles, qu’il ne peut imposer qu’un régime soviétique, et qu’Orwell a dit vrai malgré
170 ec un zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès n’ est pas dû à la lecture de leurs œuvres ardues et complexes, mais à l’
171 ir de se passer dans le monde comme si ces choses n’ existaient pas. Les grands industriels se croyaient « philanthropes » 
172 lle sur l’avenir du despotisme russe !) voilà qui n’ empêche pas que ces deux grands génies aient puissamment modelé le xxe
173 s à coups de mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas des « fascistes importés », la dialectique n’est plus qu’une
174 nt pas des « fascistes importés », la dialectique n’ est plus qu’une « mystification » comme eût dit Marx lui-même, et le «
175 t d’opposition redevient créateur. Et la question n’ est plus de supputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais de la
176 toute l’Europe, mais aussi en Asie, et plus qu’on ne pense en URSS, n’aurait-il pas créé l’illusion romantique d’un renouv
177 is aussi en Asie, et plus qu’on ne pense en URSS, n’ aurait-il pas créé l’illusion romantique d’un renouveau de la liberté,
178 dants d’ailleurs des récents événements de l’Est, ne venaient corroborer un optimisme neuf. Budapest a gagné sa partie — m
179 gagné sa partie — moralement. Admettons que cela n’ est pas tout. Mais qu’en est-il de l’Occident ? Trois représentations
180 gion des « progressistes ». Voyons les faits. Nul n’ ignore que l’ouvrier américain est le plus riche du monde, l’ouvrier s
181 tique l’un des plus pauvres. Cet argument concret n’ inquiète pas les marxistes mais les jette dans des crises aiguës de di
182 t de l’URSS, a montré que l’entreprise communiste n’ apporte rien qui la distingue essentiellement de l’entreprise capitali
183 ste l’URSS qui se trouve dans la première. » « Il n’ empêche que l’URSS est l’avenir ! », répéteront nos maniaques de l’His
184 rois réfugiés en Autriche et libres de parler. Il n’ en reste pas moins frappant de constater que l’avenir, aux yeux de ces
185 ater que l’avenir, aux yeux de ces Hongrois, s’il n’ est pas l’URSS n’est pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles ra
186 , aux yeux de ces Hongrois, s’il n’est pas l’URSS n’ est pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles raisons. Mais que v
187 sa nécessité est inscrite dans les faits, si elle ne l’est pas encore dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun de n
188 it des nationalistes attardés. Aucun de nos États ne peut se défendre seul. Aucun ne peut faire la guerre sans lever la ma
189 ucun de nos États ne peut se défendre seul. Aucun ne peut faire la guerre sans lever la main pour demander la permission —
190 demander la permission — qu’on lui refuse. Aucun ne peut garder seul ses colonies. Aucun ne peut vivre en autarcie économ
191 se. Aucun ne peut garder seul ses colonies. Aucun ne peut vivre en autarcie économique, ni commercer comme il l’entend. Au
192 mique, ni commercer comme il l’entend. Aucun donc n’ est indépendant. Mais ils peuvent l’être tous ensemble, et ils commenc
193 aux Soviétiques et aux Américains additionnés. Je ne parle que des chiffres, non de la qualité. Alors les prophéties lugub
194 re de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’ est plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en
195 uter la terre. J’entends cela tous les jours. Qui ne l’a pas dit ? Curieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’es
196 urieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’ est que manière de parler abusivement prise à la lettre, et donc fauti
197 ar elles sont très chères. Mais jamais une Talbot n’ est entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir.
198 est toujours quelqu’un qui l’actionne. Comme vous ne savez pas qui, et que le bruit vous agace, vous vous décidez à répond
199 it vous agace, vous vous décidez à répondre. Vous n’ êtes donc pas l’esclave du téléphone, mais de votre seule curiosité. L
200 e plaindre. Vous citez l’apprenti sorcier. Et qui ne l’a pas cité, quel journaliste ? En pensant à la Bombe, bien sûr. Mai
201  ? En pensant à la Bombe, bien sûr. Mais la Bombe n’ a jamais rien fait sans l’ordre exprès d’un président, d’un général. C
202 s l’ordre exprès d’un président, d’un général. Ce n’ est pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux électr
203 me. Et les cerveaux électroniques (par métaphore) ne font rien qu’on ne leur ait prescrit. Qu’ils travaillent pour nous, c
204 électroniques (par métaphore) ne font rien qu’on ne leur ait prescrit. Qu’ils travaillent pour nous, c’est tant mieux. Ma
205 qui aient eu le droit de maudire la technique, ce ne sont pas les bourgeois de ce siècle, ni leurs penseurs, mais bien les
206 à ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’ est pas un homme automatique, comme des millions de personnes le croie
207 des travaux monotones, épuisants ou dangereux. On ne connaît rien au monde de plus inoffensif. En revanche, l’invention du
208 en son temps par Karl Marx et Proudhon, que l’on n’ écoutait pas, tenait à la semi-automatisation de la production industr
209 gmenter le mal si longuement déploré par ceux qui ne le subissaient pas, peut dès maintenant délivrer l’ouvrier des servit
210 nos illusions mais aussi de nos scepticismes. Ce n’ est pas l’accroissement de nos biens, ni la solution de nos maux, car
211 s il y a trop à dire, et d’autres vont parler. Je n’ étais pas venu pour conclure, mais pour ouvrir des portes. f. Rouge
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
212 , quelqu’un qui se levait pour déclarer : Mais ce n’ est pas possible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ? J’ai donc auj
213 photographier, moi, auprès du Maréchal ? Moi qui ne suis que lieutenant dans l’armée suisse ? » L’Aventure de l’homme oc
214 ver en Amérique, pour savoir que l’Europe existe, ne serait-ce que dans l’esprit des Américains qui ne veulent pas savoir
215 ne serait-ce que dans l’esprit des Américains qui ne veulent pas savoir qu’il y a ici des frontières. L’Italie, la France,
216 ntière est en train de s’occidentaliser. Personne ne se convertit au mode de vie de l’islam, mais voyez la Chine, voyez l’
217 e de l’islam, mais voyez la Chine, voyez l’Inde : ne se mettent-elles pas à l’heure européenne ? L’Europe dévore les nuits
218 les nuits et les jours de Denis de Rougemont. Il ne peut écrire de livres qu’entre onze heures du soir et quatre heures d
219 he, en considérant que, par exemple, la puissance n’ est pas une fin juste. Le second ouvrage essaiera de situer cette mora
220 nger à l’auteur de ce Nicolas de Flue dont nous n’ avons pas encore eu la représentation scénique, nous satisfaisant de l
221 ré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé. Je prends des not
222 avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n’ ai pas renoncé. Je prends des notes. Au fait, je considère et rédige c
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
223 et de plus exaltant. Voilà l’Europe suprême, elle n’ ira pas plus haut, peut-être ; mais qui serait en mesure d’exiger dava
224 mets, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’ est pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les a créées.
225 s sont criants, et tout Bandung les crie, mais il n’ entend pas nos grandeurs, car la musique est le sublime de l’Occident,
226 ici qu’une réflexion sur nos valeurs occidentales ne saurait être académique ; elle s’inscrit dans une situation dominée p
227 us simple, je crois : la diffusion de nos valeurs n’ est pas co-extensive avec celle de nos produits et n’en est pas non pl
228 st pas co-extensive avec celle de nos produits et n’ en est pas non plus contemporaine ; elle reste loin derrière dans l’es
229 a civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’ est pas loin de recouvrir l’ensemble des terres habitées, mais que la
230 , est demeuré sans nul doute moins occidental que ne le sont devenus le Canada, le Chili ou l’Australie. Vient ensuite l’e
231 li, cela nous amuse et c’est utile, mais pourquoi n’ y joignez-vous pas un petit livre expliquant d’où viennent ces objets,
232 nt une chanson dans le goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de petites mélodies qui ne rappelaient rien de leur
233 ils ne purent écrire que de petites mélodies qui ne rappelaient rien de leur musique indonésienne et ne faisaient que réi
234 rappelaient rien de leur musique indonésienne et ne faisaient que réinventer les lieux communs de chansons européennes qu
235 les lieux communs de chansons européennes qu’ils ne connaissaient pas. Ainsi chaque machine exportée est, en fait, un che
236 ens, appelant d’autres ensembles de valeurs, mais ne pouvant les communiquer, les expliquer et les faire vivre. Les troi
237 principes procèdent en réalité de nos valeurs, et ne trouvent que par elles, dans le champ magnétique qu’elles définissent
238 a croyance profonde que le cosmos, créé par Dieu, n’ est pas absurde ni soumis aux caprices des divinités monstrueuses ; il
239 age de ces produits et le recours à ces principes ne peuvent aller sans impliquer le système de valeurs dont ils procèdent
240 en Algérie nous en donne un exemple tragique. Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accid
241 e. Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’ est qu’en vertu d’un accident de l’histoire que la France paraît seule
242 s se conçoivent : ou bien garder pour nous ce qui ne peut que troubler et déséquilibrer les autres, ou bien imposer nos va
243 ait que « Naples est la seule ville orientale qui n’ ait pas de quartier européen ». h. Rougemont Denis de, « Le rôle mon
244 t les valeurs occidentales même dans les pays qui ne se sentent pas ou ne se veulent pas des nôtres. L’Occident apporté à
245 tales même dans les pays qui ne se sentent pas ou ne se veulent pas des nôtres. L’Occident apporté à l’humanité des connai
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
246 ope sans frontières ?[préface] (1958)j L’homme ne vit pas de pain seulement, mais ne vit pas longtemps sans pain. Ainsi
247 8)j L’homme ne vit pas de pain seulement, mais ne vit pas longtemps sans pain. Ainsi de l’Europe. Pour unir les 332 mil
248 éussite dans douze ans d’institutions économiques ne peut évidemment suffire ; mais leur échec serait bientôt mortel. Or l
249 une Grande Europe associée aux nations africaines ne supposent pas seulement une politique à long terme, mais aussi et peu
250 me s’ils sont édités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’être lus que par leurs étudiants et leurs collègues. Entr
251 Mais qui le fait ? Les experts des gouvernements ne sont pas libres. Les chercheurs libres ne sont pas groupés. C’est pou
252 nements ne sont pas libres. Les chercheurs libres ne sont pas groupés. C’est pourquoi le Centre européen de la culture a j
253 ées en Europe ? Telle était la règle du jeu. Nous ne demandions pas comment faire pour obtenir l’union économique, mais su
254 ’intellectuels et suivi par beaucoup de députés — n’ hésite pas, lui, à jouer le jeu de « ce qui se passerait si… » Seuleme
255 uer perdant, à préjuger de catastrophes dont rien ne prouve qu’elles se produiraient. Il ne croit guère qu’à des fantômes,
256 dont rien ne prouve qu’elles se produiraient. Il ne croit guère qu’à des fantômes, tandis que les experts croient aux chi
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
257 une fédération européenne, et il le faut. Mais on ne peut pas créer une culture européenne et personne ne l’a jamais deman
258 peut pas créer une culture européenne et personne ne l’a jamais demandé, pour la simple raison qu’une culture ne se crée p
259 ais demandé, pour la simple raison qu’une culture ne se crée pas comme une institution, et qu’au surplus la culture europé
260 tre union nécessaire. Ceux qui disent redouter on ne sait qu’elle « uniformisation culturelle » comme conséquence lugubre
261 naturelles (chaînes de montagnes ou rivières). On ne perdra pas son temps à expliquer que tout est faux dans ces notions,
262  ! courantes, mais qu’aucune science digne du nom ne cautionne plus19. Le seul problème sérieux qui doit nous occuper est
263 adies chroniques de notre culture millénaire. On ne fera pas l’Europe sans sa culture, car ce serait faire l’Europe sans
264 divisions mortelles qui s’opposent à l’union. On ne fera pas l’Europe en répétant qu’il est indispensable de s’unir : tou
265 le sait ; ni en ratifiant des traités : personne n’ y croit. (On attend de voir…) Et certes il fallait dire : unissons-nou
266 est acquise non la condition suffisante. Celle-ci ne sera pas donnée par la fatalité, qui joue toujours perdant sur l’homm
267 vérités primordiales, à savoir : 1° que l’Europe n’ a dû sa puissance qu’aux inventions, procédés et systèmes de tous ordr
268 on fut inaugurée à Genève le 7 octobre 1950. Elle n’ est rattachée à aucune organisation internationale officielle, ni à au
269 lturel » peut servir à désigner (sinon à définir) n’ est pas un mal en soi, bien au contraire. Cette multiplicité traduit l
270 ité et des tensions fécondes de notre culture. Il ne s’agit nullement de les uniformiser. Cependant, il est urgent de leur
271 une politique commune, se contredisent souvent et ne convergent jamais, faute d’une institution unique et compétente. L’Eu
272 llent des solutions qu’aucun de nos États-nations ne peut élaborer, et moins encore faire accepter à lui tout seul. Ces di
273 tout évident. En retour, nos différentes nations ne pourront engager le dialogue nécessaire avec les autres traditions de
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
274 orne à poser des questions, dans un domaine où il n’ en sait guère plus que le citoyen raisonnable et moyen. L’autre répond
275 les réduise à la raison. Mais pourquoi la raison n’ a-t-elle pas plus de force ? Pourquoi les masses suivent-elles leur « 
276 Freud répond de sa Vienne natale en sursis — elle n’ en aura plus pour longtemps — et le pacifisme d’Einstein se voit soumi
277 s, mais dénué d’illusions. Non, la force, dit-il, n’ est pas le contraire du droit. Car le droit n’est en somme qu’une autr
278 il, n’est pas le contraire du droit. Car le droit n’ est en somme qu’une autre forme de la violence inévitable. C’est la vi
279 ion de plusieurs faibles ». La violence d’un seul ne peut être brisée que par l’union de ses victimes, fondant sur l’intér
280 « plus vaste unité ». Mais la Société des Nations ne dispose pas d’une force à son échelle et ne provoque pas l’« identifi
281 tions ne dispose pas d’une force à son échelle et ne provoque pas l’« identification » créatrice de communauté. Passant au
282 trop longue échéance ? Sans aucun doute. Mais on ne peut prendre son parti de la guerre, pourtant « biologiquement fondée
283 i « règne » en Occident, il y a beau temps que ce n’ est plus une classe ! Les décisions qui font l’histoire concrète, et l
284 e l’union de ses victimes. Mais, comme en fait il n’ y avait pas d’union, cela revenait à opposer aux chars d’Hitler une fo
285 u d’une force à sa mesure. Il la cherche en vain, ne voit rien… Et c’est à lui que Freud écrit prophétiquement, à lui parm
286 cret sans le savoir ! Rêvons là-dessus. Einstein n’ a pas cessé de protester contre le péril atomique, ni d’afficher un pa
287 proposant à Roosevelt de fabriquer la bombe. Tout ne s’est-il point passé comme si le calcul profond du daimôn qui habitai
288 sible ? En fait, la situation s’est renversée. Ce n’ est pas un super-État qui attend son arme, mais cette arme qui attend
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
289 e stratégique, commerciale et même culturelle. On n’ insistera jamais assez sur le rôle décisif qu’il devait jouer dans la
290 de châteaux au nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaient d’étendre leurs domaines vers le Gothard. Lorsque Rodolphe
291 iques qu’il avait convoqués à Paris : « La Suisse ne ressemble à aucun autre État, soit par les événements qui s’y sont su
292 a fait votre État fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être d’un homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclar
293 Alpes, le Jura, le lac de Constance et le Léman, n’ était donc encore, après cinq siècles, guère plus qu’une simple Ligue
294 patriciennes pures ou mitigées. Un lien si lâche ne représentait en vérité qu’une faible garantie pour l’indépendance des
295 la création d’un État. Il est remarquable qu’ils n’ aient pas cherché la solution de ce problème dans l’unification systém
296 stiques, religieuses, politiques et sociales. Ils ne se demandèrent pas : comment devenir une Nation ? mais bien : comment
297 taatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pas les seuls à poser ce problème, dans l’Europe du xixe sièc
298 ogrès appréciable, pendant trente-trois ans. Elle ne fut résolue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain d’une guerre c
299 des et 50 poids différents. » Le régime monétaire n’ était pas moins chaotique. « Incapables de s’entendre sur aucune mesur
300 ue l’on invoque aujourd’hui au plan européen pour ne pas corriger des erreurs analogues. Les cantons se montraient incapab
301 à l’égard des grandes nations voisines, mais ils n’ hésitaient pas à décréter des mesures de blocus contre tel d’entre eux
302 des mesures de blocus contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins de 400 taxes et droits de péages sur les marchandi
303 tin, et il signale que le seul canton du Tessin «  ne prélevait pas moins de treize taxes différentes sur la route du Gotha
304 suisse put survivre à de telles conditions, elle ne le dut qu’à l’initiative privée et à la haute qualité de sa main-d’œu
305 s Heinrich Zschokke). Politiquement, la situation n’ était pas meilleure. Nulle autorité centrale et incontestée ne pouvait
306 meilleure. Nulle autorité centrale et incontestée ne pouvait parler au nom de la Suisse entière. La Diète représentant 25
307 é pratiquement requise pour les grandes décisions n’ était jamais atteinte. (Les députés votaient sur instructions de leur
308 structions de leur État. La chancellerie fédérale n’ était qu’un bureau chargé de préparer les affaires, et changeait de ré
309 rs à son gouvernement l’ambassadeur de France. Il n’ exagérait pas. Que pouvait entreprendre, en effet, une Confédération q
310 ait entreprendre, en effet, une Confédération qui ne disposait que de contingents militaires levés et entretenus, chacun p
311 état-major, et quelques fonctionnaires, mais elle n’ en dépendait pas moins du bon plaisir des cantons, dans ce domaine.) C
312 et non de députés des peuples : « Lequel de nous n’ a dû souvent déplorer la forme actuelle des délibérations fédérales ?
313 sard, dans vingt-deux législatures, dont les unes ne connaissaient pas les motifs qui peuvent agir sur les autres… Ces dép
314 s de la Confédération et les hommes du canton… Il n’ est, ce me semble, aucun motif de conserver un pareil état de choses…
315 motif de conserver un pareil état de choses… Rien ne milite en sa faveur, pas même la raison, d’ailleurs bien faible, de l
316 t les masses : « Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous est point étrangère… Et quoi qu’en disent les détracteurs des te
317 rée, les cantons conservant « tous les droits qui ne sont pas expressément cédés au pouvoir fédéral ». La Ligue des canton
318 moderne de forme fédérative. L’éloquence de Rossi ne parvint pas à convaincre les partisans de l’esprit de clocher et de l
319 e langue, qui nous distingue des confédérés, nous ne pouvons vouloir un ordre de choses qui nous engagerait au sacrifice d
320 ques, où le parti conservateur restait le maître, n’ hésitèrent pas à conclure une alliance séparée, le Sonderbund, et à né
321 rément, étaient amenés à la reddition. L’étranger n’ avait pas eu le temps d’intervenir. Les vainqueurs se montrèrent génér
322 Commission, une seconde lecture et le vote final ne prirent en tout que six semaines. Le 27 juin, le projet était accepté
323 premier Conseil fédéral, inaugurant un régime qui ne devait plus être remis en question jusqu’à nos jours. L’essor économi
324 et calculées par les adversaires de la fédération ne se produisit. Souple synthèse des autonomies locales ou cantonales d’
325 de l’union d’autre part, la Constitution de 1848 ne mérite pas seulement l’épithète de fédérale : elle est précisément fé
326 at à sept têtes et d’un cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres dans le même canton. Un Tribuna
327 ons sont souverains en tant que leur souveraineté n’ est pas limitée par la constitution fédérale, et, comme tels, ils exer
328 et, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. La Confédération ga
329 ance un peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’ en ont changé depuis plus d’un siècle ni l’esprit ni le caractère spéc
330 ublicité des débats et le soin que l’on apporta à ne point passionner les esprits (au lendemain d’une guerre civile et rel
331 éraliste authentique… Nulle mesure de transition ne fut prévue entre l’ordre (ou le désordre) traditionnel et le nouveau
332 erva sa physionomie propre, nul mélange dégradant ne se produisit, en dépit de la suppression instantanée des frontières é
333 s frontières économiques. Notons en passant qu’il n’ est pas un des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été
334 des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ ait été repris, dans les débats actuels, par les opposants à l’union e
335 tuels, par les opposants à l’union européenne. On ne manquera pas de dire que dans la grande Europe moderne, les problèmes
336 que dans la grande Europe moderne, les problèmes ne sont pas homologues de ceux de la petite Suisse du siècle dernier. A-
337 des Grisons pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’une matinée à un délégué grec ou scandinave pour se rendre à
338 etite que la Suisse de 1848. Ses États souverains ne sont guère plus différents entre eux que ne l’étaient les paysans pri
339 rains ne sont guère plus différents entre eux que ne l’étaient les paysans primitifs d’Appenzell des patriciens cosmopolit
340 unification forcée. Cette dialectique, en Suisse, n’ est pas abstraite : elle exprime la vie même de la Confédération, et d
341 antonales et locales, jusqu’au xixe siècle. Nous ne pouvons songer à en donner ici même un aperçu : la Suisse compte 25 c
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
342 ; et leur fusion dégage une énergie dont le champ ne saurait être que la planète entière, conquérante d’abord, belliqueuse
343 pirituelle par vocation, puis unifiante. L’Europe n’ a pas seulement découvert le monde : elle l’a fait. Épousons cette idé
344 le l’a fait. Épousons cette idée d’une Europe qui n’ existe que dans son dépassement et qui ne serait pas elle-même si elle
345 rope qui n’existe que dans son dépassement et qui ne serait pas elle-même si elle n’était plus qu’elle-même. Quatre consta
346 épassement et qui ne serait pas elle-même si elle n’ était plus qu’elle-même. Quatre constatations fondamentales, et que ch
347 éens sans doute ; et, que l’on sache, ces notions ne sont point parvenues à provoquer là-bas les mêmes effets, à dégager l
348 mpait, s’il a cru qu’il régnait sur le monde : il n’ en connaissait qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’une il
349 nde : il n’en connaissait qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’une illusion semblable lorsque nous constatons
350 ne et de notre alphabet. Nul mouvement réciproque n’ est encore observé, ni même pressenti. 3. C’est l’Europe qui peut seul
351 qu’offrent aux hommes les variétés continentales. Ne parlons pas ici d’une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’une n
352 e parlons pas ici d’une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’en dicte pas moins une politique mo
353 l’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’ en dicte pas moins une politique mondiale. À la veille de la guerre de
354 rce. Aujourd’hui, les importations des États-Unis ne correspondent qu’à 4 % de leur revenu national. L’Europe n’est rien s
355 ondent qu’à 4 % de leur revenu national. L’Europe n’ est rien sans le monde : elle doit être mondiale, par une nécessité vi
356 est venu. Ou presque tout », dit Valéry. Mais je ne vois rien, ou presque rien, à part le jazz, qui soit venu à l’Europe
357 irréductiblement, tend à devenir un organisme, on ne voit pas quelle autre partie de ce grand corps peut prétendre à parei
358 eul point de vue de l’économie des échanges, elle n’ est rien si elle n’est pas l’animatrice d’une circulation planétaire.
359 l’économie des échanges, elle n’est rien si elle n’ est pas l’animatrice d’une circulation planétaire. Qui peut en dire au
360 ? Les uns m’en paraissent incapables, et d’autres n’ en ont le même besoin vital. Écartons pour longtemps l’Afrique noire,
361 relève, avec les moyens que l’on sait ; mais ils n’ y sont pas vitalement contraints. Part des importations dans le revenu
362 t des importations dans le revenu national : 4 %, ne l’oublions pas. L’Europe seule périrait, sans discussion possible, si
363 ait réduite à vivre sur elle-même. L’Europe seule ne peut plus se payer une politique provincialiste. Elle se voit condamn
364 ’animatrice des échanges internationaux. Par quoi n’ entendez point je ne sais quel leadership (nom moderne de l’hégémonie)
365 nges internationaux. Par quoi n’entendez point je ne sais quel leadership (nom moderne de l’hégémonie), conception déjà dé
366 uant leur ambition de l’exercer à leur tour, mais n’ en montrant pas les moyens. L’Europe dans son ensemble se voit donc ap
367 ent d’elle-même. À cet appel, toutefois, l’Europe ne peut répondre que dans la mesure où elle est forte et saine : c’est l
368 Europe entière et sa culture. » Aucun de nos pays ne peut donc bénéficier du crédit qui s’attache à l’Europe tout entière,
369 . Car les valeurs européennes, aux yeux du monde, ne sont universelles que dans la mesure où elles résultent de nos variét
370 es de l’union. S’il est vrai qu’aucun de nos pays ne peut prétendre à représenter valablement l’ensemble Europe devant le
371 e Europe devant le reste du monde, aucun non plus ne peut prétendre à subsister par ses propres moyens, en Europe même. Le
372 res qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Europe désunie marche à sa fin. Auc
373 Europe désunie marche à sa fin. Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Auc
374 e sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économie moderne.
375 es que lui pose l’économie moderne. La situation n’ a guère changé depuis ce congrès, qui marqua le départ de l’action pou
376 neté vide de tout contenu économique ou politique ne saurait mener théoriquement qu’à la misère et ne mène pratiquement qu
377 ne saurait mener théoriquement qu’à la misère et ne mène pratiquement qu’à tomber sous la coupe d’un des deux « grands ».
378 ie l’est aussi… La France est « un grand pays qui n’ a besoin de personne ». L’Angleterre est liée aux dominions par tous l
379 et des autres, comment concevoir cette union ? On ne peut l’imaginer que fédérale, si le fédéralisme est bien compris comm
380 thode d’union dans la diversité. Or cette méthode n’ est pas seulement la plus opportune qui se présente : elle est le prin
381 tiré son dynamisme incomparable. Qu’un tel régime n’ aille pas sans grands risques, toutes nos guerres le démontrent à l’en
382 trent à l’envi. Mais le risque de courts-circuits ne doit pas entraîner la suppression des installations électriques, prod
383 certaine logique prétendue cartésienne, mais qui n’ est guère que l’esprit de système tantôt paresseux, tantôt fanatique e
384 cises, non si on les mêle pour simplifier, ce qui ne donne que le brun des uniformes. Prenez, le corps humain. Prenez, la
385 seule conforme à la formule même de l’Europe, et n’ ayant d’autre but que d’entretenir un foyer permanent d’animation mond
386 oyer permanent d’animation mondiale des échanges, ne saurait se définir en termes jacobins de nation, de supernation, d’au
387 tion mondiale et foyer de rayonnement planétaire, ne saurait donc être conçue selon le modèle archaïque d’un État-nation.
388 -nation. Les questions de bornes et de passeports n’ ont plus de quoi l’intéresser. Le problème, sans cesse reposé par des
389 des fusées intercontinentales. Un pôle d’énergie n’ est pas défini par ses « limites », mais par l’intensité de son pouvoi
390 oir d’attraction et d’émission. Un bassin fluvial n’ est pas défini par son contour, mais par sa navigabilité. Une personne
391 n contour, mais par sa navigabilité. Une personne n’ est pas définie par sa fiche de police. Déclencher un processus d’u
392 ite Europe, déjà réelle, une Grande Europe qu’ils n’ ont cessé depuis dix ans de refuser comme utopique — d’où la nécessité
393 t dépasse bien souvent le « colosse » soviétique) n’ est au fond qu’une mesure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se
394 une mesure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’une zone de libre-éch
395 e, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’une zone de libre-échange. L’objectif évident des Six
396 ope comme fonction, c’est-à-dire d’une Europe qui ne serait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à être plus qu’ell
397 d’une Europe qui ne serait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à être plus qu’elle-même. Ce qu’il y a de foncière
398 bien, c’est dans leur sang, que l’Europe entière n’ est qu’un appel au monde. Quelles sont les chances actuelles de notre
399 en passant par les philosophes du romantisme qui n’ avaient pas attendu Valéry, une habitude de pensée pessimiste s’est in
400 par quelques œuvres d’art ; celle des Mongols qui ne laisse rien qu’une herbe rase. Mais les civilisations anciennes de l’
401 ans la nôtre, sont-elles mortes ? Leurs conquêtes n’ ont-elles pas été préservées et développées par le Musée et le Laborat
402 ses hindoues, ni le mandarinat, ni le Bushido (je ne juge pas de valeurs, j’enregistre des faits.) Les civilisations antiq
403 civilisations antiques, sans lesquelles l’Europe ne serait guère, n’ont pas été retirées du jeu mondial, mais seulement d
404 tiques, sans lesquelles l’Europe ne serait guère, n’ ont pas été retirées du jeu mondial, mais seulement détrônées régulièr
405 osées et baptisées, au cours d’un processus qu’on ne voit aucune raison de nommer décadence plutôt que renaissance. Observ
406 isent en profondeur, plus rapidement que l’Europe ne s’américanise par quelques signes extérieurs. L’URSS ? Elle s’essouff
407 L’URSS ? Elle s’essouffle à rattraper les USA et n’ apporte rien de bien neuf — beaucoup d’archaïsme au contraire — à l’en
408 qui est l’accroissement du risque humain ; et ce ne sont pas seulement les secrets de notre ordre, mais aussi de notre dé
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
409 es de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux. L’éc
410 qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Se
411 u du Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solit
412 e s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leu
413 part, les plus grands esprits du siècle précédent n’ ont cessé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l
414 es conquêtes coloniales et ses protectorats. Elle ne voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte de sa longue royaut
415 armes, tant sociales et morales que matérielles… N’ est-ce pas assez pour justifier les prophètes du désastre européen ? Q
416 rudence historique. Primo, l’hégémonie politique n’ est pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’une civilisati
417 eut une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’ est pas du tout certain que les précédents historiques soient applicab
418 r extrapolation des exemples antiques ? Voilà qui n’ est pas sûr du tout. Il se pourrait, en effet, que notre civilisation
419 une culture de dialogue et de contestation. Elle n’ a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu se laisser ordonner à u
420 ontestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’ a jamais voulu se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût régi à
421 a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’ en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furen
422 et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre
423 re et de la civilisation créée par cette culture, n’ a jamais été autre chose qu’une unité dans la diversité, une unité par
424 mité. Cependant, cet état de polémique permanente n’ a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint l
425 ntenant définir brièvement ces trois vertus et ce ne sera pas dans un esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci de d
426 Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec lui, on ne peut pas tricher non plus avec la ré
427 st la Vérité. On ne peut pas tricher avec lui, on ne peut pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. Dans
428 éé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses, d’à peu près oppo
429 e vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’ exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour l
430 ervation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’ est pas responsable. Le Karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont
431 e de l’Asie et de l’Afrique, — le climat tropical n’ explique pas tout, loin de là ! Et lorsque les pays « sous-développés 
432 uent à grands cris et non sans haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de le
433 dignité de la personne distincte. Et certes, cela ne signifie pas théoriquement que la sagesse védantique, par exemple, so
434 calviniste. Mais cela signifie pratiquement qu’on ne peut pas « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsidér
435 lui de la responsabilité personnelle, et que l’un n’ irait pas sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seul
436 e, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’ est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de s
437 l est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seul
438 doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’ est pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en thé
439 e à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’ est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nati
440 civilisation profane. Or, ce même mot de liberté n’ éveille aucune passion fondamentale chez les peuplades africaines ou c
441 aleur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’ est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous di
442 qué de notre empreinte la Terre entière, nous qui n’ occupons guère que 5 % de sa surface solide, c’est bien à la complexit
443 ert la Terre entière, alors qu’aucun autre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’
444 qu’elle offre désormais au monde entier, et elle ne peut faire autrement, car toutes les créations que je viens d’énumére
445 si cette unité fomentée par la culture européenne ne va pas se réaliser à nos dépens. C’est un fait que l’Europe a répandu
446 procédés et un peu de leur logique… Mais l’Europe n’ a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’équilibres sans cesse re
447 en un mot, le monde reçoit nos produits. Mais il ne reçoit pas les valeurs religieuses, éthiques et philosophiques, qui e
448 s penseurs ? J’oserai dire contre eux tous que je ne le crois nullement, et je vais en donner trois raisons principales. P
449 se trompaient, tout simplement, mais cette erreur ne saurait plus être commise, à présent que la Terre entière est exploré
450 ropéens du xxe siècle, nous savons bien que nous ne dominons plus politiquement sur tous les continents, comme avant 1914
451 ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’ est plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précéden
452 e. Mais il faut voir enfin que cette civilisation n’ a pu devenir universelle qu’en vertu de quelque chose de très fondamen
453 nation, sa couleur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la v
454 t les barbares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’ étaient pas vraiment et complètement humains. Ces très hautes civilisa
455 ception chrétienne, exprimée par saint Paul (« il n’ y a plus ni juifs, ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes n
456 es de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Dep
457 tre, sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes n’ ont-elles pas été préservées et développées par le Musée et le Laborat
458 i les civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n’en saurait rien. » Et il proposait de
459 ut à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n’ en saurait rien. » Et il proposait de corriger comme suit le passage q
460 ions, nous avons depuis peu la certitude que nous ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres sont fécondes. Le temp
461 ance dans la longévité de notre civilisation : on ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue
462 fleuri une civilisation déterminée. Et les autres n’ en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’une civilisat
463 anisent à nouveau, plus profondément que l’Europe ne s’américanise par quelques signes extérieurs. Il y a surtout l’URSS,
464  Le marxisme plus l’électricité. » Or le marxisme n’ est pas une invention marxiste au sens politique de ce terme, et encor
465 rme, et encore moins une invention soviétique. Ce n’ est pas Popov qui l’a inventé, mais c’est Karl Marx, un juif allemand
466 , l’industrie, les nationalismes et la presse. On ne saurait imaginer complexe de forces spirituelles, morales et matériel
467 n. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n’ a guère été jusqu’ici qu’un bond vers l’industrie et vers le socialism
468 que son émancipation actuelle, si spectaculaire, ne consiste nullement dans l’avènement d’une civilisation originale ou r
469 d’un péril jaune, en attendant le péril noir. Je n’ y crois guère. Notre éclipse n’est rien que notre aveuglement sur nos
470 le péril noir. Je n’y crois guère. Notre éclipse n’ est rien que notre aveuglement sur nos propres pouvoirs et notre vocat
471 pouvoirs et notre vocation. Aux yeux du monde, il n’ y a qu’un seul péril sérieux : le péril blanc ! La civilisation europé
472 c ! La civilisation européenne, devenue mondiale, n’ est menacée en fait que par les maladies qu’elle a produites et propag
473 et de la culture au xxe siècle, le nationalisme n’ en poursuit pas moins ses ravages dans l’esprit des Européens comme da
474 sens, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne serait guère plus dangereux que la bêtise humaine en général, s’il n’
475 dangereux que la bêtise humaine en général, s’il n’ avait pour effet de détendre les ressorts créateurs du progrès dont il
476 otalitaire, qui est l’essence du nationalisme. Il n’ en va pas de même sur d’autres continents. Quant à nous : nos sages no
477 millions de morts, il est vrai… Et maintenant, ce n’ est pas chez nous, mais chez les autres qu’il triomphe. Permettez-moi
478 cant. Ces masses humaines dans les grandes usines ne peuvent pas être éternellement abandonnées à leur pauvreté et à leur
479 voilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’ est pas chez nous, en Europe, mais en Chine, que cette prédiction se r
480 se dirigèrent d’un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de deux ou trois paysans qui fument tout
481 ction forcée, forme matérialiste du nationalisme, n’ a jamais atteint en Europe de tels excès. Certes elle est née chez nou
482 rckhardt en avait pressenti les périls. Mais nous n’ y avons pas succombé, nous l’avons refusée sous sa forme hitlérienne,
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
483 tins de l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle n’ ait jamais cessé de se proclamer essentiellement universelle. Il se pe
484 er… Au surplus, le sort temporel du christianisme n’ inspire pas d’inquiétudes excessives : c’est de loin la religion la mi
485 iste enferme un nombre équivalent d’individus, ce n’ est qu’officiellement, par contrainte d’État : les communistes militan
486 baltes et les Arméniens du Caucase). Le PC russe n’ a jamais dépassé 8 millions de membres inscrits. Mais laissons ces spé
487 l’Amour qui cherche l’union, et de la Vérité qui ne saurait être qu’une. C’est pour cela, et non point en vertu d’une con
488 andes divisions historiques se sont produites. Il n’ est rien que je respecte au monde autant que l’institution de l’Église
489 ses séparées, la volonté de l’unité formelle, qui n’ est pas l’union libre et réelle, et qui eut tôt fait de transformer en
490 s’il est vrai que l’Évangile demande l’union, ce n’ est jamais aux dépens des vocations diverses, dont nulle instance huma
491 s vocations diverses, dont nulle instance humaine n’ est juge en dernier ressort. Chaque Église a son Ange, selon l’Apocaly
492 meures dans la maison de mon Père. » Cette parole ne peut être écartée. Elle reste au centre du mystère de l’unité. Voie
493 mon seul nom ou peut-être au nom de plusieurs, je ne puis en appeler qu’à l’union des chrétiens comme étant l’unique voie
494 tion unitaire me paraît utopique, et sa poursuite n’ évoque en moi que des images qui offensent la pudeur spirituelle : épr
495 up de catholiques se figurent que les protestants ne croient pas à la divinité du Christ, ont supprimé les sacrements et n
496 ivinité du Christ, ont supprimé les sacrements et n’ ont guère qu’un seul dogme, qui est le libre examen. Et beaucoup de pr
497 romaine, où l’habitude était, au xvie siècle, de ne communier qu’une fois l’an. Les positions se sont interchangées au mi
498 iens : qu’un fidèle, en tous lieux et tous temps, n’ importe où, dans le monde entier, puisse entrer au sanctuaire qui s’of
499 me une patrie, mais l’amour est lucide, la patrie n’ est pas le monde… Voici qu’ils peuvent sans la trahir aller plus loin,
500 plus loin, vers le But qu’elle leur désignait. Je ne suis pas étranger plus qu’un autre aux problèmes concrets de mon temp
501 ins d’avoir lancé le terme d’engagement). Mais je ne connais pas de problème qui prime aujourd’hui celui-là. Qui est celui
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
502 Le nationalisme, dans les peuples du tiers-monde, n’ est guère qu’une revendication d’indépendance, proclamée contre l’Occi
503 t ou sabotant l’union de l’Europe, mais cet effet ne suffit pas à le définir : ses motivations sont ailleurs, et surtout,
504 ple ou Bien suprême ; Dieu lui-même, s’il existe, ne peut être que notre allié, garant de notre justice ; sinon c’est qu’i
505 llié, garant de notre justice ; sinon c’est qu’il n’ existe pas ; il n’y a donc plus d’instance supérieure à la nation, ni
506 tre justice ; sinon c’est qu’il n’existe pas ; il n’ y a donc plus d’instance supérieure à la nation, ni plus d’appel possi
507 ité. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’ en périsse plus. Je le jure, au nom de la fraternité universelle que v
508 liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui n’ attendent plus que cette heureuse diversion pour attaquer et renverser
509 semblée nationale, au nom du genre humain dont il n’ a jamais mieux mérité d’être appelé l’ami. C’est en effet à Jean-Bapt
510 ent « nivelé » par les lois de la Liberté : Nous ne sommes pas libres, si un seul obstacle moral arrête notre marche phys
511 la liberté plénière, intacte, irrésistible, nous ne voulons pas d’autre maître que l’expression de la volonté générale, a
512 mondiale dont le centre serait Paris : Un corps ne se fait pas la guerre à lui-même, et le genre humain vivra en paix, l
513 même, et le genre humain vivra en paix, lorsqu’il ne formera qu’un seul corps, la nation unique… La commune de Paris sera
514 examiner l’humanité sous tous les rapports : nous ne sommes pas les représentants du genre humain. Je veux donc que le lég
515 eur de la France oublie un instant l’univers pour ne s’occuper que de son pays ; je veux cette espèce d’égoïsme national s
516 s, sans lequel nous stipulerons ici pour ceux qui ne nous ont pas commis, et non en faveur de ceux au profit desquels nous
517 à l’empereur moderne qui, sans doute à l’origine, ne fut considéré que comme général de la chrétienté, devant être pour l’
518 ts commerciaux complètement fermés. Or, l’Europe n’ en est encore qu’à la période des essais pour former de véritables Nat
519 obtenir : ses frontières naturelles. Dès lors, il n’ a plus rien à demander à un autre État, car il a trouvé ce qu’il cherc
520 l’utopie de l’État naturellement raisonnable. Il n’ y a plus qu’à tirer les conséquences logiques de ces prémices : fermer
521 ntre une nouvelle monnaie nationale, c’est-à-dire n’ ayant cours que dans le pays même, mais dans celui-ci exclusivement… L
522 rement ce but. Il doit y marcher avec méthode, et ne laisser passer aucun moment sans retirer quelque avantage en faveur d
523 le public a moins besoin de ces marchandises qui ne peuvent être produites en leur pureté ni remplacées par des succédané
524 pour les nationaux, de la manière convenable. Il ne cherche pas en effet à acquérir une prépondérance commerciale, ce qui
525 nation entièrement indépendante et autonome. Ce ne sont pas seulement les échanges commerciaux qu’il faut supprimer, mai
526 n de voyager hors de l’État commercial fermé : il ne doit pas être permis plus longtemps à une vaine curiosité et à la rec
527 ue dans une nation ainsi fermée, dont les membres ne vivent qu’entre eux et fort peu avec des étrangers, qui acquiert par
528 t partagé entre eux tout le reste. Nul État fermé ne supprimera ce lien, il le favorisera plutôt, car l’enrichissement de
529 e établie parmi les peuples, aucun État sur terre n’ aura le moindre intérêt à ne pas communiquer à un autre ses découverte
530 aucun État sur terre n’aura le moindre intérêt à ne pas communiquer à un autre ses découvertes, puisque chaque État en ef
531 tre ses découvertes, puisque chaque État en effet ne peut les utiliser que pour lui à l’intérieur et nullement pour en ass
532 la Science et libérée de tout impérialisme… Nous n’ en sommes peut-être pas loin dans cette seconde moitié du xxe siècle 
533 coûté plus cher à l’Europe et au monde que Fichte ne pouvait l’imaginer vers 1800 : ne fut-ce que par la collusion de la s
534 onde que Fichte ne pouvait l’imaginer vers 1800 : ne fut-ce que par la collusion de la science et des nationalismes, ces d
535 de la guerre et vivant d’elle. « Vive la Nation » ne signifie pas « Vive mon pays », mais « Vive l’idéal pour lequel je me
536 i au pouvoir. Tensions internes : « Que personne ne diffère, il deviendrait mon juge ! » pense l’État-nation né de la Rév
537 ifice « temporaire » de certaines libertés. Or il n’ est presque aucune de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’on
538 e la nation comme une croisade pour l’idée : « Ce ne sont pas les déterminations naturelles de la nation qui lui donnent s
539 d comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il n’ a plus rien à faire dans le monde. Et encore : À chaque époque domin
540 rouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne pouvait contrôler, mais que seuls les États surent exploiter et bient
541 fait, la liberté de la nation, une fois acquise, ne sera rien que la souveraineté de l’État qui s’en prévaudra. Et l’anar
542 te, voit l’inverse se réaliser. Jamais les idéaux n’ ont été mieux démentis par les faits, ni mieux détournés de leurs buts
543 attendant, achève de la subjuguer par les armes, ne s’est montrée à la fois moins humanitaire et moins unie. Tout se fait
544 son particulier à « l’harmonie universelle ». Il n’ en redoute pas moins les « terribles niveleurs de l’Europe » que sont
545 te la Hongrie. Enlevez-lui cette qualité, et elle n’ est plus rien pour l’Europe, si peu que rien même ; car elle ne peut d
546 en pour l’Europe, si peu que rien même ; car elle ne peut devenir que l’avant-garde de la monarchie universelle de la Russ
547 se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui n’ a pas conquis sa liberté ! Lâches, les peuples t’ont abandonné Ô Magya
548 -nous ! Reconnais ton peuple ! Alors que d’autres n’ osent même pas verser des larmes Nous les Magyars, nous versons notre
549 J’ai appelé par la bouche de ces pèlerins, et tu ne m’as pas écoutée ; va donc en servitude, là où il y aura le sifflemen
550 celui qui se heurtera contre elle, il tombera et ne se relèvera point. Et du grand édifice politique européen, il ne rest
551 point. Et du grand édifice politique européen, il ne restera pas pierre sur pierre. « Aujourd’hui, l’Occident meurt de se
552 unification qui tend à embrasser le genre humain, n’ a pas d’autre origine. La Pologne et la Hongrie sont des nationalités
553 avec l’idée d’Europe unie : une nation en devenir n’ a pas encore d’intérêts « traditionnels » qui l’opposent au plus vaste
554 les de l’État national fortement constitué et qui ne veut rien devoir à personne ? À la différence de l’Espagne, qui se re
555 intentions de la nouvelle République : celle-ci «  ne fera point de propagande sourde ou incendiaire chez ses voisins ». Ce
556 et de nationalité des peuples ». Cependant, elle n’ entend pas : incendier le monde, mais briller de sa place sur l’horiz
557 ue nationale du romantisme politique. Parce qu’il n’ est pas suspect de nationalisme borné, et parce qu’il fut au xixe siè
558 versel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t-elle pas nécessairement interprétée par les autres comme un dé
559 e ; parce qu’elle manque d’égoïsme, parce qu’elle ne travaille pas pour elle seule, parce qu’elle est créatrice d’espéranc
560 extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pa
561 ée. […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appellera point la France ; elle s’appellera l’Europe. Elle s’appel
562 e dans la plus grande communauté européenne. Elle n’ aura pas vécu en vain, ni sans gloire. Ainsi se réaliserait ce passag
563 France et Mazzini pour l’Italie ; mais voilà qui ne paraît concevable que dans le cas d’une nation non unitaire, c’est-à-
564 la donne : Il va de soi qu’une telle fédération ne saurait être instituée d’un seul coup. Elle a besoin, d’abord, d’une
565 de grouper l’humanité en un seul faisceau, car ce n’ est pas seulement la Russie et le panslavisme que nous servons, c’est
566 servons, c’est l’humanité entière… Les Européens ne savent pas que nous sommes invincibles, que si nous pouvons fort bien
567 nous pouvons fort bien perdre des batailles, nous n’ en resterons pas moins invincibles, grâce à l’unité de notre esprit na
568 e serait aux dépens de nos intérêts actuels. Nous n’ en croirons que plus fortement à la véritable mission de la Russie, à
569 de survoler les faits et dotant l’évolution d’on ne sait quelle énergie intrinsèque : « Chaque génération est immédiate à
570 le célèbre. Une nation ou une société, selon lui, ne conquiert que par sa culture le droit de jouer un rôle actif dans l’h
571 s empereurs germains, la communauté des Européens n’ a cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit nullement qu
572 ’a cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit de la papauté et de l’Empire, puis du
573 uverainetés nationales vont nous dominer, ceux-là ne savent pas pour qui sonne le glas. Car ces efforts se sont conjugués
574 à vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’ est pas de parler la même langue ou d’appartenir au même groupe ethnog
575 e diffère essentiellement de la zoologie. La race n’ y est pas tout, comme chez les rongeurs ou les félins, et on n’a pas l
576 out, comme chez les rongeurs ou les félins, et on n’ a pas le droit d’aller par le monde tâter le crâne des gens, puis les
577 de la langue. La langue invite à se réunir ; elle n’ y force pas. Les États-Unis et l’Angleterre, l’Amérique espagnole et l
578 espagnole et l’Espagne parlent la même langue et ne forment pas une seule nation. Au contraire, la Suisse, si bien faite,
579 rête une sorte de faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de doctrine plus arbitraire ni plus funeste. Avec cela, o
580 s réunissent plutôt. Et puis toutes les montagnes ne sauraient découper des États. Quelles sont celles qui séparent et cel
581 s. Quelles sont celles qui séparent et celles qui ne séparent pas ? De Biarritz à Tornea, il n’y a pas une embouchure de f
582 es qui ne séparent pas ? De Biarritz à Tornea, il n’ y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus qu’une autre un caractèr
583 rait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qui ne pourrait rien supporter sans dégainer, serait le plus insupportable d
584 t le plus insupportable des hommes. … Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront.
585 ale ou despotisme absolu et sans lois, ce dernier n’ étant plus exercé par des dynasties, désormais trop faibles de cœur, m
586 onne mieux que Nietzsche, disciple de Burckhardt, n’ a dénoncé le délire nationaliste, déguisé en « patriotisme jovial et s
587 nt plus de temps à en finir avec ce qui chez nous n’ occupe que quelques heures et se passe en quelques heures : pour les u
588 ce à tout cela, et à bien des choses encore qu’on ne peut dire aujourd’hui, on méconnaît ou on déforme mensongèrement les
589 éen à venir ; s’ils appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions superficielles de leur intelligence, o
590 hoven, Stendhal, Henri Heine, Schopenhauer. Qu’on ne m’en veuille pas trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un
591 de ses compatriotes au début de ce siècle, Sorel n’ a parlé de l’Europe que sur le ton d’un sombre dépit prophétique. Voic
592 ille de la Première Guerre mondiale34 : Personne n’ a le courage de dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un é
593 ns leurs mœurs, et dans leurs ambitions. L’Europe n’ a pas de chance. Tous ses habitants ne peuvent faire que mauvais voisi
594 s. L’Europe n’a pas de chance. Tous ses habitants ne peuvent faire que mauvais voisinage. Quand on parle des États-Unis d
595 ite la guerre qui surgit. Les peuples de l’Europe ne peuvent s’unir que dans une seule idée : se faire la guerre. … Et il
596 ujours fait deux ou trois fois par siècle. … Rien n’ améliorera le sort de l’Europe. Pourquoi voulez-vous qu’il s’améliore 
597 imisme qui attend que les choses s’arrangent ? Il n’ y a aucune raison pour cela. Des composés chimiques, qui sont séparéme
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
598 vé d’entendre dire : « Une culture européenne, ça n’ existe pas. » Le fait même qu’une telle phrase ne puisse être énoncée
599 n’existe pas. » Le fait même qu’une telle phrase ne puisse être énoncée qu’en Europe, et seulement par la bouche d’Europé
600 ’Europe existe et qu’elle ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulemen
601 opositions contradictoires que voici : primo ; il n’ y a pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures nat
602 x pour former une unité quelconque ; secundo : il ne saurait y avoir de culture spécifiquement européenne, car toute vraie
603 ie, belliqueux et buveurs de bière ; les Français ne pensent qu’à l’amour ; les Suisses sont des paysans, les Italiens des
604 La seconde attitude, celle qui fait dire que nous n’ avons pas de problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du mon
605 coup à sentir « cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à soi-même »35 et que je ne trouve qu’à l’Europe. Poussons
606 ur que l’on ne trouve qu’à soi-même »35 et que je ne trouve qu’à l’Europe. Poussons plus loin le paradoxe (jusqu’au point
607 qu’au point où nous allons le voir se renverser). Ne serait-ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régi
608 ritique, et toutes les tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mi
609 ommunauté, — l’unité de notre culture ? Mais cela n’ apparaîtra clairement et ne deviendra vraiment sensible et convaincant
610 re culture ? Mais cela n’apparaîtra clairement et ne deviendra vraiment sensible et convaincant, que si nous comparons not
611 es que l’URSS de Staline et la Chine de Mao (pour ne rien dire des tentatives rapidement avortées du national-socialisme e
612 ent concevable et vérifiable, tandis que l’Europe ne trouve son unité paradoxale, à la fois évidente et presque informulab
613 rqué de notre empreinte le monde entier, nous qui n’ habitons après tout qu’un petit 5 % des terres du Globe, c’est bien à
614 ent incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’ a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses
615 a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’ en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furen
616 et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. Cependant, cet ét
617 sur les principes fondamentaux de toute culture, n’ a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint l
618 Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher non plus avec la ré
619 st la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. Dans
620 éé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses, d’à peu près oppo
621 européen énonce un chiffre, il le veut exact à la ne virgule près, car autrement le pont cédera sous la charge, ou l’avion
622 e vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’ exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour l
623 ervation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’ est pas responsable. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont
624 nse de l’Asie et de l’Afrique, le climat tropical n’ explique pas tout, loin de là ! Et lorsque les pays « sous-développés 
625 revendiquent à grands cris de haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de le
626 le refuse la réalité du prochain. Et certes, cela ne signifie pas théoriquement que la sagesse védantique, par exemple, so
627 calviniste. Mais cela signifie pratiquement qu’on ne peut pas « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsidér
628 lui de la responsabilité personnelle, et que l’un n’ irait pas sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seul
629 e, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’ est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de s
630 l est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seul
631 doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’ est pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en thé
632 e à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’ est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nati
633 civilisation profane. Or, ce même mot de liberté n’ éveille aucune passion fondamentale, n’a guère de sens chez les peupla
634 de liberté n’éveille aucune passion fondamentale, n’ a guère de sens chez les peuplades africaines ou chez les « apparatchi
635 aleur ces trois vertus cardinales de l’Europe, ce n’ est pas seulement parce qu’elles permettent d’illustrer ce qui nous di
636 ns l’aire géographique de cette civilisation ? Je n’ en crois rien. Il existe sur notre planète trois régions comparables d
637 st évident que les mêmes pressions démographiques n’ ont pas produit les mêmes conséquences dans ces trois régions. Le rayo
638 auniques au Kablenberg, et de Poitiers à Lépante, n’ ont rien suscité de marquant ni de nouveau dans notre civilisation. Se
639 isades ont été productives à cet égard ; or elles ne résultèrent pas d’un défi venu de l’extérieur, mais au contraire d’un
640 ert la Terre entière, alors qu’aucun autre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’
641 nt son unité après avoir exploré ses variétés. Je ne tenterai pas aujourd’hui de démontrer la cohérence profonde des créat
642 ppeler, mais avec la plus vive insistance, que ce n’ est pas par hasard que l’Europe a produit non seulement les notions de
643 ous apparaître ces différentes créations. Non, ce n’ est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infin
644 volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’ importe quel prix. Voici donc notre situation dans le monde du xxe si
645 la possibilité d’un genre humain qui, sans elle, n’ eût jamais pris conscience de son unité virtuelle, ni des problèmes ef
646 -produits. L’originalité de la culture européenne n’ est nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actu
647 culture européenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. O
648 nique sont aujourd’hui des réalités mondiales, et n’ appartiennent plus à l’Europe, mais plutôt aux Américains et aux Russe
649 procédés et un peu de leur logique… Mais l’Europe n’ a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’équilibres mouvants, de
650 sance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas les valeurs, religieuses, éthiques et philosophiques, qui
651 s dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. On ne peut donc pas encore affirmer que notre culture soit devenue réelleme
652 ture soit devenue réellement universelle. Mais on n’ en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou
653 , notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’ est-il pas beaucoup plus important ? Question européenne par excellenc
654 ssagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau ne porte pas aujourd’hui nos seuls destins, mais ceux de l’humanité enti
655 nité entière, embarquée pour la découverte d’elle ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du se
656 a découverte d’elle ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. Il ne po
657 ison d’or, symboles du sens dernier de la vie. Il ne porte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’une catastrophe
658 elles la voilure, le tonnage nécessaire ? Ou bien ne faut-il pas nous demander, plutôt, si l’homme qui les conduit a la fo
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
659 ents — mais voici le point important : ce Congrès n’ est pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemb
660 point important : ce Congrès n’est pas un parti, n’ est pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de c
661 it le mot capital. Car la liberté, voyez-vous, ce n’ est pas quelque chose dont nous devons parler, mais quelque chose que
662 aujourd’hui, que les menaces contre les libertés ne viennent pas seulement des régimes que vous savez. Elles viennent de
663 lions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans
664 femme en vient à constater que sa vie personnelle n’ a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictatu
665 t dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’ est que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté,
666 alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’ est plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut 
667 ssion mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’ est plus seulement tradition mais création, et qui n’est plus seulemen
668 st plus seulement tradition mais création, et qui n’ est plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la c
669 viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il n’ agit pas au niveau de la politique proprement dite, mais au niveau de
670 s humain pour chaque personne. La politique, nous n’ y échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans
671 lui donnent les totalitaires — tant qu’un jour il n’ y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les ta
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
672 aujourd’hui, que les menaces contre les libertés ne viennent pas seulement des formes de vie matérialistes que notre civi
673 lions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans
674 femme en vient à constater que sa vie personnelle n’ a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictatu
675 t dont il comprend les symboles. Mais la sécurité n’ est que la moitié de l’affaire : l’aventure personnelle, la nouveauté,
676 alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’ est plus seulement transmission mais critique et rupture s’il le faut 
677 ssion mais critique et rupture s’il le faut ; qui n’ est plus seulement tradition mais création, et qui n’est plus seulemen
678 st plus seulement tradition mais création, et qui n’ est plus seulement initiation mais invention. Ces deux aspects de la c
679 viens de le faire, j’ai voulu vous montrer qu’il n’ agit pas au niveau de la politique proprement dite, mais au niveau de
680 humain, pour chaque personne. La politique, nous n’ y échapperons pas, et il est inutile d’insister sur ce fait, ici, dans
681 lui donnent les totalitaires, tant qu’un jour il n’ y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les ta
682 de loisir, et tant d’action que de méditation. Ce n’ est point par des statistiques, portant sur les résultats d’un régime
683 r qu’une forme de vie ou un système d’institution n’ apportent pas seulement un Progrès, mais un Bien. v. Rougemont Den
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
684 la phrase suivante : « Une culture européenne, ça n’ existe pas. » Le fait même qu’une telle phrase ne puisse être entendue
685 n’existe pas. » Le fait même qu’une telle phrase ne puisse être entendue qu’en Europe et seulement dans la bouche d’Europ
686 ’Europe existe et qu’elle ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulemen
687 adictoires que voici. Ils affirment primo : qu’il n’ y a pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures nat
688 nité quelconque. Et ils affirment secundo : qu’il ne saurait y avoir de culture spécifiquement européenne, car, disent-ils
689 hie, belliqueux et buveurs de bière, les Français ne pensent qu’à l’amour, les Suisses sont des paysans, les Italiens des
690 La seconde attitude, celle qui fait dire que nous n’ avons pas de problèmes spécifiques, différents de ceux du reste du mon
691 me coup à sentir cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à l’Europe38. 2. Poussons plus loin le paradoxe, jusqu’au p
692 squ’au point où nous allons le voir se renverser. Ne serait-ce pas, précisément, la multiplicité de nos différences — régi
693 ritique, et toutes les tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mi
694 uelques années, agacé par les objections que l’on ne cessait d’opposer à l’idée même d’une unité de la culture européenne,
695 d’une fois citée et publiée depuis : L’Européen ne serait-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans
696 tion de l’originalité de notre culture. Mais cela n’ apparaîtra clairement et ne deviendra vraiment sensible et convaincant
697 tre culture. Mais cela n’apparaîtra clairement et ne deviendra vraiment sensible et convaincant, que si nous comparons not
698 es que l’URSS de Staline et la Chine de Mao (pour ne rien dire des brèves tentatives avortées du national-socialisme et du
699 ent concevable et vérifiable, tandis que l’Europe ne trouve son unité paradoxale, à la fois évidente et presque informulab
700 rqué de notre empreinte le monde entier, nous qui n’ habitons après tout qu’un petit 5 % des terres du Globe, c’est bien à
701 ent incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’ a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses
702 a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’ en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furen
703 et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. Cependant, cet ét
704 pes fondamentaux de toute culture ou civilisation n’ a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint l
705 Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher non plus avec la ré
706 st la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. Dans
707 éé. Dans nos rapports avec Dieu et le monde, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’illusions flatteuses, d’à peu près, opp
708 e vie. Les cultures traditionnelles au contraire, n’ exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour l
709 ervation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’ est pas responsable. Le karma, la magie, les sorciers ou les dieux ont
710 se de l’Asie et de l’Afrique — le climat tropical n’ explique pas tout, loin de là ! Et lorsque les pays « sous-développés 
711 revendiquent à grands cris de haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le droit de le
712 le refuse la réalité du prochain. Et certes, cela ne signifie pas théoriquement que la sagesse védantique, par exemple, so
713 calviniste. Mais cela signifie pratiquement qu’on ne peut pas « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsidér
714 lui de la responsabilité personnelle, et que l’un n’ irait pas sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seul
715 e, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’ est vraiment libre que dans la seule mesure où il est responsable de s
716 l est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seul
717 doses variables dans notre idée de la liberté. Il n’ est pas de concept plus difficile à définir, ni plus facile à nier en
718 définir, ni plus facile à nier en théorie, et il n’ est pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nati
719 ert la Terre entière, alors qu’aucun autre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce sont eux qui ont ainsi permis à l’
720 logie, psychologie, philosophie critique, — et je n’ indique ici que des têtes de chapitre, et j’ai laissé de côté l’immens
721 nt son unité après avoir exploré ses variétés. Je n’ essaierai pas ici de démontrer la cohérence profonde des créations eur
722 ppeler, mais avec la plus vive insistance, que ce n’ est pas par hasard que l’Europe a produit non seulement les notions de
723 ous apparaître ces différentes créations. Non, ce n’ est pas par hasard mais c’est en vertu même de cette dialectique infin
724 volonté de responsabilité, et volonté de vérité à n’ importe quel prix. Voici donc notre situation dans le monde du xxe si
725 la possibilité d’un genre humain qui, sans elle, n’ eût jamais pris conscience de son existence virtuelle, ni des problème
726 e culture. L’originalité de la culture européenne n’ est nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actu
727 culture européenne n’est nullement supprimée, et ne doit pas être masquée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. O
728 nique sont aujourd’hui des réalités mondiales, et n’ appartiennent plus à l’Europe, mais plutôt aux Américains et aux Russe
729 procédés et un peu de leur logique… Mais l’Europe n’ a pas exporté sa sagesse régulatrice, faite d’équilibres mouvants, de
730 sance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas les valeurs religieuses, éthiques et philosophiques, qui e
731 dire que Naples est la seule ville orientale qui n’ ait pas de quartier européen. Mais ce même monde méprise, ou ignore si
732 s dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. On ne peut donc pas encore affirmer que notre culture soit devenue réelleme
733 ture soit devenue réellement universelle. Mais on n’ en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle, ou
734 , notre salut, le sens de notre vie individuelle, n’ est-il pas beaucoup plus important ? Question européenne par excellenc
735 sagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau ne porte pas aujourd’hui nos seuls destins, mais ceux de l’humanité enti
736 nité entière, embarquée pour la découverte d’elle ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du se
737 a découverte d’elle ne sait quel Eldorado, d’elle ne sait quelle Toison d’or, symboles du sens dernier de la vie. Ceci m’é
738 lles le tonnage, la voilure nécessaires ? Ou bien ne faut-il pas nous demander, plutôt, si l’homme qui les conduit a la fo
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
739 ’aide des fondations américaines. Cette situation n’ est ni normale ni saine, et peut même devenir démoralisante. Un moyen
740 ien accepter la présidence de la Fondation, et il n’ a cessé de l’exercer effectivement depuis lors. Pour faciliter les déb
741 er les fonds qui lui avaient été promis. Car elle ne disposait pas, comme les fondations américaines, d’un capital initial
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
742 le temps (1961)aa ab I. Qui d’entre vous ne se souvient de cette première phrase du Tristan rendu naguère au gran
743 vous répondez tous dans vos cœurs : Rien au monde ne saurait nous plaire davantage. Or, songez-y : ce plaisir au secret de
744 re en une seule expression, moins pédante qu’elle ne paraît à première vue : avec la légende de Tristan, c’est l’étymologi
745 l’existence proprement humaine, qui est l’âme. Je ne prends pas ce mot dans le sens noble et vague que lui donnent un peu
746 pianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’ est ni proprement physique ni proprement spirituelle, qui n’est pas ce
747 roprement physique ni proprement spirituelle, qui n’ est pas celle du corps ni celle de l’intellect, encore qu’elle tienne
748 le. Mais la réalité est lourdement présente. Elle ne saurait donc que freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’e
749 freiner l’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’ est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, c
750 r qui « tourne » ainsi, « tourne à réalité » ? Ce n’ est pas le désir comblé, au sens sexuel de l’expression, car cet acte
751 , car cet acte instinctif, lié aux lois du corps, ne mérite pas en soi le nom d’amour. Mais c’est l’amour comblé par la pr
752 t reconnaître aussi que la vraie victime du mythe n’ est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion,
753 que la vraie victime du mythe n’est pas Tristan, n’ est pas Iseut, et n’est pas non plus leur passion, qui triomphe au con
754 e du mythe n’est pas Tristan, n’est pas Iseut, et n’ est pas non plus leur passion, qui triomphe au contraire de tout. La v
755 L’histoire du mythe, dans nos mœurs et coutumes, ne serait-elle que l’histoire d’une longue profanation ? Faut-il penser
756 d’Iseut avec le Roi, père adoptif du héros —, il n’ y aurait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’y aurait donc pas
757 y aurait pas de roman, ni de passion mortelle, il n’ y aurait donc pas eu de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Mar
758 mortelle, il n’y aurait donc pas eu de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’inclinant devant les « droits di
759 us en sommes aujourd’hui, dès lors que le mariage n’ est plus un lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que,
760 omanciers. Ils savent bien que le roman véritable n’ est jamais qu’une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseu
761 cherchent donc partout l’obstacle qui résiste, et n’ en trouvent guère. L’Homme sans qualités, de Musil, la Lolita de Nabok
762 mental. Un psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’ eût pas eu lieu. Si les derniers tabous viennent à céder, c’en sera fa
763 ogues, la passion doit mourir. Je vous dis que je n’ en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstacles
764 t-ils, dans les voies d’une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils ont beu leur destruction et le
765 inspiré lui-même des Bretons, de Béroul, et d’on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa musique, vrai langage du mythe
766 euse et défigurée qui reflète son état déchu. Je ne puis m’empêcher d’imaginer que cette « rencontre aurorale » avec le m
767 se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’ évoque-t-elle point cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans u
768 ’évoque-t-elle point cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le véri
769 demande souvent si l’angélologie de l’ancien Iran ne détient pas le secret dernier de notre mythe. La tradition chrétienne
770 e. La tradition chrétienne de l’amour du prochain ne s’en trouverait-elle pas éclairée, à son tour ? Aimer le prochain « c
771 entre l’individu et le vrai moi, sans laquelle on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut être deux pour aimer », co
772 notre amour, provoquant la passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serait dès ici-bas, l’altérité même du procha
773 prochain. Que l’Autre soit un Autre impénétrable, ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabou religieux, à quelque dé
774 onne. Nulle technique et nulle science de l’homme ne peut nous être ici d’aucun secours. Il faut aimer, pour le comprendre
775 de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’ est pas seulement de la littérature qu’ils ont bien mérité, mais de l’
776 de la note suivante : « Le fauteuil où il est élu n’ ayant jamais eu de titulaire depuis la fondation de l’Académie, M. Eug
777 M. Eugène Vinaver, en son discours de réception, n’ avait pas à rappeler le souvenir d’un prédécesseur. Il lui fut donc lo
778 e à gagner Bruxelles, l’avion qui devait l’amener n’ ayant pu quitter Genève à cause du brouillard. C’est donc en son absen
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
779 uère célèbre, Orson Welles assurait que la Suisse n’ a donné au monde que la pendule à coucou. Il entendait que la Suisse n
780 e la pendule à coucou. Il entendait que la Suisse n’ a pas produit de grands hommes, comme l’Italie a produit Dante, l’Alle
781 Orson Welles. Sa boutade est moins sotte qu’elle n’ en a l’air. Trois raisons l’excusent à mes yeux, sans la justifier pou
782 phrase incriminée, la plupart de nos compatriotes ne voient pas malice, persuadés qu’ils sont que l’horlogerie suisse donn
783 orlogerie suisse donne l’heure au monde entier et ne craint personne. Il faut admettre ensuite que notre aurea mediocritas
784 e, pas une personne sur mille, prise dans la rue, n’ aura jamais entendu ce nom. En revanche, les noms d’hommes importants
785 qui se côtoient partout mais qui s’ignorent ; je ne sais combien de races, de classes et de dialectes, jalousement préser
786 upe, et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but est restrein
787 de la culture, cet égalitarisme à petite échelle ne présente guère que des inconvénients. Car pour faire un grand musicie
788 fera l’homme de talent, d’ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter de se rendre utile, ou co
789 ilà qui est bien dit et bien vu, mais le Français ne fait-il pas trop belle la part des Suisses dans la culture humaine, t
790 nre humain, dès la fin du xviiie siècle. Mais ce n’ est pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent et app
791 n Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’ est pas la Suisse qui a fait leur nom et qui l’a propagé au loin ; c’e
792 esprits mériterait une étude plus ample, dont je n’ indique ici que le thème : un ou deux exceptés (et cela se discuterait
793 dons aux yeux de leur conscience helvétique… Nous n’ avons pas en Suisse de purs poètes, ni de peintres qui aient fait époq
794 vanche, les grands noms que j’énumérais plus haut ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. C’est à eux que la
795 européenne et d’efficacité transformatrice qu’on ne saurait en trouver dans nulle autre région d’étendue comparable, sur
796 nt. Le lecteur de ce recueil m’aura vu venir : je n’ entendais poser que les prolégomènes à toute étude future sur l’œuvre
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
797 es réactionnaires. Leur erreur commune consiste à ne pas voir à quel point la technique résulte de la culture occidentale
798 it la technique occidentale ; et que la technique ne saurait faire de vrais progrès si elle se coupe de la culture. Je pen
799 que moderne, et par suite de notre économie, nous ne trouvons pas le désir de gain, ni le besoin de confort, ni la volonté
800 ire, nous dit-il, une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et des hor
801 avant Ford, mais son invention ou sa ré-invention n’ en demeure pas moins exemplaire. L’un des inventeurs de la turbine fut
802 que ses livres de science pure, écrits en latin, ne servaient pas assez directement l’humanité. En marge de ses travaux i
803 in de pouvoir aller jouer. James Watt, plus tard, ne fit que perfectionner la trouvaille du petit garçon qui avait été ain
804 de ces exemples d’inventions techniques, le motif n’ est utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un tout
805 nt l’industrie et les gros dividendes : mais ceci n’ explique pas cela. Au début, il y a ces jouets pour grandes personnes
806 La vérité est simplement inverse : l’homme moyen n’ éprouve le besoin de prendre le train, l’avion, ou son auto, que parce
807 atériels, pourquoi ferait-on de la publicité ? Il n’ en reste pas moins qu’aujourd’hui, l’explication utilitaire ou économi
808 cherche des moyens d’explorer le cosmos. Personne ne peut savoir à quoi cela servira. Ce qui explique ces dilapidations dé
809 même scandaleuses, aux yeux de l’utilitarisme, ce ne sont pas les lois de l’économie et encore moins les besoins matériels
810 èrent la Terre. Mais vous êtes tous témoins qu’il n’ en est rien. C’est la nature de nos rêves constants qui détermine nos
811 ciences et la littérature. C’est évident. Mais il ne faut pas oublier qu’ils se nourrissent en retour de la culture : nos
812 me rêve qui a créé notre culture ; — la technique n’ est donc pas un destin objectif et que nous aurions à subir, mais bien
813 les. Il en résulte que la culture et la technique ne sauraient être opposées dans leurs sources, puisqu’elles procèdent de
814 sque de transformer en panique planétaire ? Si je ne partage nullement ce pessimisme, c’est que les motifs de craindre la
815 s machines et la bombe sont faites par l’homme et ne feront rien sans lui. J’écrivais au lendemain d’Hiroshima : La bom
816 J’écrivais au lendemain d’Hiroshima : La bombe n’ est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement da
817 de Chine. Si on laisse la bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on n
818 lair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contr
819 u’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’ est pas d’invention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puis
820 ention, si simple et si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de l’homme : le
821 produite. Dire que la machine domine l’homme, ce n’ est qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusio
822 n’est qu’une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une d
823 taylorisé, travaillant à la chaîne. Et certes ce n’ étaient pas non plus les machines ou les chaînes qui forçaient l’ouvri
824 ccidentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne sont pas les justes indignations d’un Marx, ni l’action politique des
825 rolétariat, mais c’est la technique elle-même. Ce n’ est pas en freinant ses progrès, mais au contraire en les accélérant,
826 teur dès qu’il est poussé jusqu’au bout, et qu’il n’ a plus besoin d’être servi, mais seulement surveillé par l’homme. Mais
827 ivée du même coup du droit de se plaindre qu’elle n’ a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous ne confondrons pas le s
828 n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous ne confondrons pas le simple loisir et la culture. La culture ne consist
829 ns pas le simple loisir et la culture. La culture ne consiste pas seulement à se cultiver, à lire des livres, à écouter de
830 ion obligatoire absorbe 67 % du temps d’étude, et ne laisse à peu près aucune place à la culture générale, réduite aux cou
831 ale. Les plus grands inventeurs de tous les temps n’ ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philo
832 litiquement disciplinées, ou même d’écoles où ils n’ auraient reçu qu’une instruction purement technique. L’ère nouvelle ex
833 en relation de promotion réciproque. La technique ne permet pas seulement une augmentation quantitative du temps libre, ma
834 niks. Je crains pour elle que ses premiers succès ne l’aveuglent et que sa politique éducative ne soit à courte vue ; elle
835 ccès ne l’aveuglent et que sa politique éducative ne soit à courte vue ; elle repose en effet sur l’idée que la formation
836 nent plus tard. »… Et de même, Robert Oppenheimer ne cesse d’insister sur la nécessité absolue d’une vaste culture général
837 n veut que la recherche scientifique et technique n’ aboutisse pas à des impasses, à la stagnation, ou à des monstruosités.
838 pendant le temps de la scolarité : car le métier ne s’apprend qu’en dehors des études. Cherchons d’abord à concevoir les
839 ue sera donnée par-dessus. Troisième conclusion : Ne perdons jamais de vue le contexte culturel de la technique. Car c’es
840 sans laquelle tous nos dons, même désintéressés, ne créeront outre-mer que le chaos, et n’engendreront que la haine. Quat
841 ntéressés, ne créeront outre-mer que le chaos, et n’ engendreront que la haine. Quatrième et dernière conclusion : L’économ
842 ulture sous toutes ses formes : cette culture qui n’ est pas seulement la source de nos inventions mais la seule garantie d
843 ie d’un progrès véritable. L’avenir de l’Occident ne dépend pas de nos dividendes immédiats, mais de notre faculté d’imagi
844 rêves et de notre action. L’avenir de l’Occident ne peut se lire seulement dans les indices de production, mais dans ce q
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
845 au Centre européen de la culture, à Genève, qu’il ne devait quitter qu’un an avant sa mort. Je parlerai de sa personne. ⁂
846 mortelle, en vue d’un « nouveau travail » ? ⁂ Il n’ aimait pas les discussions métaphysiques ni qu’on lui demandât ce qu’i
847 isait, coupant court, et comme en aparté : « Ceci n’ est pas conforme à ma théologie. » Et l’on sentait qu’il s’agissait en
848 ’économie, et sans doute la morale. Pourtant, nul n’ était moins que lui tenté par le nihilisme ou simplement par la révolt
849 la perfection des temps ». Sa faculté de travail n’ était guère égalée que par sa faculté d’évasion vagabonde ; son perfec
850 les besognes dont il s’acquittait pour s’en tirer ne l’atteignaient pas, quoique l’empêchant, hélas ! d’écrire son œuvre.
24 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
851 éalise sa part d’héritage, vend ses bénéfices, et ne s’occupe plus que de religion. Il prêche. Il doit s’enfuir à Nérac au
852 e de s’y mêler — de les diriger, pourquoi pas ? —  ne fait pas précisément œuvre d’écrivain », alors Calvin n’est pas un éc
853 pas précisément œuvre d’écrivain », alors Calvin n’ est pas un écrivain. Il a créé un style et un vocabulaire, et la langu
854 ussi bien écrit qu’homme de son siècle », mais ce n’ était pas pour faire de la littérature : c’était pour enseigner des vé
855 ue, et diriger les hommes à leur fin de salut. Il n’ a écrit que pour mieux faire comprendre l’Écriture, parlé que pour mie
856 un ton quelconque, — l’idée même d’être original ne lui a pas fait perdre une seconde. On ne joue pas avec les mots quand
857 original ne lui a pas fait perdre une seconde. On ne joue pas avec les mots quand on est « ministre du Verbe », minister v
858 ister verbi divini. Les manuels ont beau dire, je ne vois pas qu’il ait eu la moindre « influence » vérifiable sur la litt
859 définit précisément comme quelque chose où Calvin ne trouverait pas sa place et, de fait, ne joue plus aucun rôle. En reva
860 où Calvin ne trouverait pas sa place et, de fait, ne joue plus aucun rôle. En revanche, l’une des traditions maîtresses de
861 t abusé — s’origine sans nul doute chez Calvin et n’ a jamais encore égalé son modèle. Calvin n’est pas aimable, on le sait
862 vin et n’a jamais encore égalé son modèle. Calvin n’ est pas aimable, on le sait de reste. Maigre et mélancolique, comme l’
863 est aussi gras et sanguin que Thomas d’Aquin — il ne séduit que par la démesure d’une inflexible discipline intime. Rien d
864 d’un si grand désir de profiter, qu’encore que je ne quittasse pas du tout les autres études, je m’y employai toutefois pl
865 e rangeaient à moi pour apprendre, combien que je ne fisse que commencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’étant d’un nat
866 tournoyer par divers changements que toutefois il ne m’a jamais laissé de repos en lieu quelconque jusques à ce que, malgr
867 s martyrs », de peur, dit-il, qu’en se taisant il ne se montre lâche et déloyal. C’est ainsi qu’il rédige en latin, de mar
868 appelle. Passant à Genève par hasard, il comptait n’ y rester qu’une nuit. Mais là, « maître Guillaume Farel me retint, non
869 de ses études, maudite par les cris de Farel. Il n’ accepte pourtant qu’une charge de docteur, et commence à « dresser » l
870 re en repos un bien peu de temps, que toujours je n’ eusse à soutenir quelque combat, ou de ceux du dehors, ou de ceux de d
871 ivre sa vocation, au contraire de ce qu’on croit, n’ est pas suivre sa pente (même en la remontant) mais c’est être emporté
872 soi vers des buts et dans une action à quoi rien ne nous inclinait. J’étais l’homme le moins fait pour cela ! gémit l’ind
873 igée sans relâche à l’individu naturel par ce qui n’ est pas lui, mais qui vient l’appeler et le réalise à jamais. Toutes
874 s jugeons pittoresques, par erreur, des tours qui ne voulaient qu’être clairs et convaincants pour l’auditeur d’alors. À l
875 chaque jour à la cathédrale de Saint-Pierre. Rien n’ est plus près de la parole improvisée, rien n’est plus varié quant aux
876 ien n’est plus près de la parole improvisée, rien n’ est plus varié quant aux rythmes ; et pourtant rien n’est plus altière
877 t plus varié quant aux rythmes ; et pourtant rien n’ est plus altièrement monotone quant à la pensée directrice : à Dieu se
878 qu’il semble que jamais le moindre doute frivole n’ ait fait broncher l’esprit qui la préméditait. C’est ici le langage d’
879 vel, ce grand mal-entendu. J’écarte Nietzsche. Je ne vois plus que Marx, et encore. Un empire international se réclame de
880 ssi paradoxale que celle des Pères de la Réforme, n’ a jamais pu créer une éthique, ni même une formule d’équilibre entre l
881 re bien moins entre l’État et le citoyen. Calvin n’ était pas démocrate, mais il a fomenté les chefs qui ont appris aux si
882 les chefs qui ont appris aux siècles futurs qu’il n’ est pas de liberté concrète qui ne soit responsable en retour devant D
883 es futurs qu’il n’est pas de liberté concrète qui ne soit responsable en retour devant Dieu et dans la cité ; et que le ti
884 qui ont refusé de payer ce prix en sont mortes ou ne valent guère mieux. Le régime synodal des églises calvinistes préfigu
885 vin et l’aire des dictatures totalitaires : elles ne se recouvrent nulle part. Enfin, loin d’avoir instauré la théocratie
886 dans les limites de son juste pouvoir, elle-même n’ en demandant aucun puisqu’elle détient l’autorité, qui est de l’esprit
887 l’histoire des cités les plus libres, parce qu’il ne croyait pas à l’Histoire déifiée mais qu’il en appelait à son juge.
25 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
888 égions froides. L’étiquette de la cour victoriale n’ a jamais été codifiée : plus mystérieuse que la Constitution anglaise,
889 us mystérieuse que la Constitution anglaise, elle ne s’explique pas, on la sent. Ses exigences sont aggravées par une dose
890 empérées par les plus capricieuses tolérances. On ne sait jamais, mais si l’on ne s’inquiète pas de trop savoir, on est ad
891 euses tolérances. On ne sait jamais, mais si l’on ne s’inquiète pas de trop savoir, on est admis, on est heureux. Contrair
892 s embourgeoisées, les petites « bonnes manières » ne suffisent aucunement, mais parfois les « mauvaises » sont pardonnées
893 tre-Dame. Victoria m’a trouvé là, et parce que je ne disais rien, m’a fortement pincé le bras pour que je crie mon admirat
894 . Et c’est pourquoi son amitié est un honneur. On n’ oserait pas l’avouer n’était l’humour et cette espèce de rigueur fémin
895 amitié est un honneur. On n’oserait pas l’avouer n’ était l’humour et cette espèce de rigueur féminine — déconcertant tout
26 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
896 . L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’ est-elle pas avant tout l’Europe économique, c’est-à-dire le Marché co
897 ibutions efficaces a-t-elle apportées à l’union ? N’ est-elle pas au contraire, ajoutent certains, l’un des derniers bastio
898 le Marché commun serait impensable (et au surplus n’ aurait jamais vu le jour) s’il ne s’inscrivait pas dans une longue tra
899 e (et au surplus n’aurait jamais vu le jour) s’il ne s’inscrivait pas dans une longue tradition culturelle européenne ; 3°
900 uement ; 5° enfin, que l’Europe, sans sa culture, ne serait pas l’Europe mais un cap de l’Asie. Doutes sur l’utilité de
901 re beaucoup de nos États. Les problèmes culturels ne seraient par conséquent que des problèmes marginaux. La culture serai
902 ondations culturelles existant dans nos pays, qui ne se chiffre qu’en millions de francs, marks ou florins. Mais quelle qu
903 ne des trois grandes puissances de la planète, ce n’ est pas à ses richesses naturelles qu’elle le doit : simple cap de l’A
904 pe » ? L’Europe existe depuis des millénaires. Il n’ est pas question de la créer ; mais simplement, les circonstances du x
905 les esprits qu’il s’agit de le combattre. Et ceci n’ est pas une question de technique ou de calculs tarifaires, mais une q
906 re, d’éducation nouvelle. Mais « faire l’Europe » ne veut pas dire seulement réduire les obstacles à l’union. Et c’est là
907 s et les meilleurs hommes politiques du continent n’ ont cessé de préconiser une union fédérale de nos peuples, respectant
908 ndrait » matériellement. Elle serait unifiée mais ne serait plus l’Europe. Aux seconds, vous direz : votre Europe harmonie
909 dialogue est vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’ est pas un dialogue politique, et encore moins économique. C’est vraim
910 che de la culture et sa vocation prospective. Il n’ y aurait pas d’Europe sans tout ce que la culture a su tirer de nos pa
911 n et divers » de la culture européenne. L’Europe n’ est pas une addition de cultures nationales. Celles-ci sont des appari
912 chniquement parfaites, si les Européens de demain ne croyaient plus à leurs valeurs, à leurs idéaux, à tout ce qui a fait
913 européenne à des gens qui répondent que l’Europe n’ est plus rien, qu’elle n’a pas d’idéal à opposer aux ambitions mondial
914 i répondent que l’Europe n’est plus rien, qu’elle n’ a pas d’idéal à opposer aux ambitions mondiales du communisme, ni de v
915 ues, sans tenir compte de cette situation morale, ne serait pas seulement dangereux mais vain. Cette méthode soi-disant ré
916 in (aux trois degrés orientés vers l’Europe unie) ne sont pas fortement soutenus dès maintenant, les plus belles réalisati
917 nales. Au terme de l’intégration européenne, s’il ne devait y avoir que dividendes, bombes atomiques, autos et frigidaires
918 eut leur donner, l’indispensable union économique ne pourra jamais prendre vie : trop de contre-courants psychologiques, t
919 avant nous à des positions de puissance dont ils ne manqueront pas d’abuser contre l’homme, du moins tel que nous le conc
920 e à nos peuples passifs, si les forces de culture ne l’animent pas, une Europe techniquement unifiée ne sera jamais qu’une
921 e l’animent pas, une Europe techniquement unifiée ne sera jamais qu’une coque vide. L’apport vital des forces culturelles
27 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
922 papiers. Compris. Telle était l’atmosphère, et je n’ ai vu ce jour-là, comme les jours suivants à la troupe, où je suis ret
923 it-il, c’est une idée… (et pendant une seconde je n’ ai pas su s’il était ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce
924 ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’ est rien d’en parler. Il faut le faire ! » J’ai senti sous son regard
925 comme chaque matin la Gazette . Mon article — je n’ y pensais plus — en première page, à côté d’un appel à se taire lancé
926 taire lancé par le gouvernement vaudois ! (« Qui ne sait se taire, nuit à son pays ! ») Je le relis rapidement dans l’esc
927 aux autres camarades, ils le trouvent bien, mais ne paraissent pas spécialement frappés. Cela passera donc sans histoires
928 upérieurs ? — Non, mon colonel. — Pourquoi ? — Je ne suis pas officier de carrière. — Vous deviez le faire quand même. Vou
929 bilistes munis de passeports français, mais aucun n’ était Français. La population, sortie pour voir, avait l’air en fête.
930 out nu. Faute de soldats baïonnette au canon — on n’ en trouve point — c’est le lieutenant-colonel M. qui m’accompagne à la
931 ppose que vous êtes d’accord avec mon article. Là n’ est pas la question… La question est de me déférer au tribunal militai
28 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
932 Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère d’imminence, je ne puis la caractériser mieux. Tout est immédiat, concret, naturel et ex
933 n instant des hommes qui nous tireront dessus. Je n’ ai même plus mon pistolet, que je déposais chaque soir à côté de mon l
934 ur son propre cas, et sur le sort des nations. Il ne reste que la préoccupation des petites choses précises à faire. 20 ju
935 r vous. Maintenant, écoutez. La justice militaire ne veut pas de votre cas. C’est donc le général lui-même qui vous condam
936 nt-Maurice. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas sortir dans les rues de Berne chaque soir avec une petite femme à
937 l’ennemi sur le point de la liberté d’expression, n’ est-ce point perdre, avant de se battre, l’une des raisons que l’on au
938 ate que « la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’ a pas d’autre garantie que son armée, pas d’autre allié que son terrai
939 édérés peuvent s’unir dans leurs diversités… Nous n’ avons qu’un seul but : maintenir la Suisse dans le présent et pour l’a
940 la Suisse dans le présent et pour l’avenir. Nous ne vous promettons qu’un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers
941 res, mais l’une est atroce. Je veux, croire qu’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un officier de l’E.-M. du Général me di
942 ailleurs la démission de notre Directoire : or il n’ en a jamais été membre. Rien de plus normal. En dépit du choc causé pa
943 causé par la défaite française, l’opinion suisse n’ a pas encore compris toute l’ampleur du péril, c’est bien le tout de n
944 qu’un autre, qui est radicalement menacé. Pas un n’ aurait la moindre chance de « s’arranger » avec l’occupant hitlérien.
945 usanne et bridé par mes fonctions militaires, je ne puis faire partie de la délégation. J’attends les résultats de la dém
946 pour la transmettre à ses collègues, et bien sûr, n’ a pu faire davantage. Mais les banderilles ont été plantées. (Note de
947 es fédérales. On devait s’y attendre. Et personne n’ ébruita la chose à l’époque. On comprend donc que M. Kimche n’ait pas
948 chose à l’époque. On comprend donc que M. Kimche n’ ait pas pu faire état de l’incident, si pittoresque et surprenant qu’i
949 , il devait nous faire arrêter sur-le-champ. S’il ne nous croyait pas, notre démarche était ratée, et au surplus couvrait
950 us. Le Conseil fédéral devait donc nous croire et ne pas nous croire à la fois. Finalement, il résista, comme on sait.)
951 article qui lui vaut d’être mis aux arrêts (“Qui ne sait se taire nuit à son pays”). Le moral des Suisses va-t-il flanche
29 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
952 ès quelques heures d’essais peu convaincants — on ne peut pas écrire en groupe — ils me confient la rédaction. Ma position
953 l, un Bernois. Mais quoi ! D’une part, le général ne saura pas que le texte est de ma main. D’autre part, je suis sûr qu’i
954 tés de travail », esquissées dans divers cantons, n’ auraient pas vu si tôt le jour. Nous savons qu’en réunissant des effor
955 il y eut l’incident de mon article sur Paris. Je n’ étais certes plus persona grata. Pourtant, le 16 juillet, Pro Helvetia
956 udences officielles — bien typiques de l’époque — n’ eurent d’autre effet que de me piquer au jeu. Bien décidé à n’en pas t
957 utre effet que de me piquer au jeu. Bien décidé à n’ en pas tenir compte, je finis par accepter la proposition de voyage au
958 êmes peuvent rire de l’armée suisse parce qu’elle n’ eut pas l’occasion de se battre. Pourtant elle l’aurait eue, probablem
959 tainement passé à la pratique si le moral du pays ne s’était pas ressaisi. Le seul fait qu’à ce redressement la Ligue ait
960 travaux d’écrivain, mais pratiquement condamné à ne plus aborder en public que les sujets admis par la censure, et ce n’é
961 public que les sujets admis par la censure, et ce n’ était, littéralement, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que de
962 it, littéralement, pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que de notre belle nature me semblait également intolérable, t
963 otre continent, l’élément décisif allait venir et ne pouvait venir que de l’Amérique. Peut-être bien était-ce là-bas qu’il
964 à partir. Et, certes, les raisons qui m’animaient n’ étaient point exactement celles qu’on eut alors au Palais fédéral pour
965 nis, sauf sur un point, qui est d’importance : je ne crois pas un instant que les officiers ligueurs aient pu douter de la
966 e résistance à tout prix du Général. Leur complot ne visait que le Conseil fédéral, et c’est pourquoi il dut être un compl
967 onne des responsables de ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que d’une organisation civile qui apparut durant l’aut
968 disant d’une part que « l’Action de résistance » n’ intervint qu’« après mon départ pour les États-Unis », d’autre part qu
969 la substitution à cette ligue d’un mouvement qui n’ eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pas existé pendant la
970 nt qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’ avoir pas existé pendant la période que décrit Kimche, n’est pas seule
971 pas existé pendant la période que décrit Kimche, n’ est pas seulement une erreur de fait que l’auteur pourra corriger sans
972 n papier à la gloire de la capitale française qui n’ était pas tendre pour le Führer triomphant. »
30 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
973 p plus vite et avec plus d’intensité que personne n’ osait le croire ou le redouter. Sommes-nous autorisés à prolonger les
974 onté de ceux qui luttent pour cette union. Car il ne s’agit pas — je le dis une fois de plus — de deviner l’histoire qui v
975 itesses plusieurs fois supérieures à celle du son n’ étonnent plus ; on découvre au contraire les charmes souverains de la
976 mi ou trois jours est de règle.) La vie politique ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était sous la IIIe République, pa
977 mondiale. Le mythe des deux grands a disparu, on ne s’en souvient guère davantage que de la Triplice et de la Triple Ente
31 1962, Articles divers (1957-1962). La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
978 2)as Anciens villages et villes d’Europe, vous n’ en trouverez pas deux dont les plans soient superposables. S’ils se re
979 e long des routes frayées par les pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacé
980 sur la place principale.) Lire et parler Il n’ est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la
981 pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre discussion, sur le libre jeu des partis, et sur l
982 enfin sortie des cabinets d’études et de l’école. N’ oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à journaux, po
983 uvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pas un combat d’arrière-garde contre l’État, mais au contrair