1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 vergentes, de deux types d’aventure humaine que l’ on peut désigner par les termes symboliques, plus que géographiques, d’O
2 u de mettre en valeur ce qui nous est commun ; qu’ on risque ainsi de nourrir les préjugés, et de forcer, par esprit de sym
3 au-delà d’une post-Renaissance importée. En Inde, on ne voit partout que pèlerinages, sanctuaires, lieux et quartiers de v
4 nt d’un sacré dont l’âge fait le prix, mais que l’ on isole de la vie, et que cernent impatiemment les grands faubourgs ind
5 rconscription intermédiaire : « C’est celle que l’ on connaît le mieux… » (Il s’agit de notre vie terrestre.) Dans son Réci
6 umination, de l’origine et de la délivrance. Et l’ on retrouve ici les mêmes significations symboliques de l’Orient et de l
7 rmes symboliques ne peut manquer d’impressionner. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel, de physique ou d’anecdotiq
8 a forme elle semble correspondre au tableau que l’ on vient d’établir. Un voyageur allemand9 demandait à un yogi : « N’avez
9 rt l’Oriental, c’est l’ex-carnation trop facile. ( On perd en chemin le monde créé, sa raison d’être, la connaissance et la
10 l’Occidental, c’est l’incarnation trop complète. ( On se perd soi-même dans la matière et ses structures, on perd de vue le
11 perd soi-même dans la matière et ses structures, on perd de vue les exigences et la maîtrise des réalités spirituelles.)
12 suffisante, n’ouvre pas une voie vérifiable et qu’ on puisse librement parcourir ; mais par le moyen d’une ascèse soumettan
13 t, puisqu’elles s’appliquent à une « réalité » qu’ on tient elle-même pour illusion. Et il semble à chacun que les explicat
14 x de sa vie privée, s’assemble dans l’église où l’ on chante des chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bach : je ne sais ri
15 oir, donc ni d’une personnalité ni d’un visage. «  On peut aller jusqu’à prétendre ceci : les contradictions représentent s
16 elle. Et l’Orient ne connaît rien de tel. Soit qu’ on pense qu’il n’y a pas de Dieu — selon le système Sankya et le bouddhi
17 elon le système Sankya et le bouddhisme — soit qu’ on pense, selon l’Advaïta, que Dieu n’« existe » pas mais qu’il est Tout
18 tandis que nous inventons le collectivisme… Et l’ on aura beau jeu de m’opposer des textes apparemment ruineux pour ma thè
19 ésultantes majeures des complexes doctrinaux dont on vient de rappeler la richesse en contradictions apparentes. Nos mysti
20 edas n’ont vraiment rien de commun, et l’usage qu’ on en fait n’est pas du tout le même. La foule de Bénarès n’est pas la f
21 Bénarès n’est pas la foule de Lourdes, même si l’ on pense que Dieu reconnaîtra les siens, qu’ils se baignent vêtus ou nus
22 croyance à la métempsycose est plus naturelle qu’ on ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais elle n’a pas d’effet dan
23 s leur vie sociale. Mais c’est sans doute lorsqu’ on se pose la question : que vaut un homme ? (un homme individuel, un ex
24 dividuel, un exemplaire humain pris au hasard) qu’ on obtient les réponses les plus révélatrices de l’Orient et de l’Occide
25 liberté de l’homme a pour condition la personne. On dira que l’Occident a fait les chambres à gaz, tandis que l’Orient pr
26 est vraiment grave qu’aux yeux de l’ignorance. Qu’ on découpe la victime en tranches ou qu’on l’épargne, elle ne sera pas s
27 rance. Qu’on découpe la victime en tranches ou qu’ on l’épargne, elle ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître un mil
28 n’examiner que des prises partielles et typiques. On a vu que j’ai choisi mes exemples dans le domaine religieux, de préfé
29 moins de sens, et de fait perd sa pointe, puisqu’ on n’y dispose pas d’éléments mesurables, comme ce serait le cas au plan
30 s, que ces options pouvaient être surprises ; car on les voyait là dans leur état naissant. Qu’elles soient causes premièr
31 tre en Inde autant d’idoles que d’habitants, si l’ on songe que le nombre des dieux connus du panthéon hindou est estimé à
32 t mystiques de Sohrawardi, tome 1, Téhéran, 1952. On y trouvera le texte des deux récits que je mentionne. Celui d’Avicenn
33 l’identification du chercheur avec un Objet que l’ on situe au-delà de tout changement possible. 11. Rudolf Kassner : Buch
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
34 e hostilité sans doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il est bien « dangereux » d’écrire cela. Je réponds qu’il
35 nt les mêmes qui, faisant demi-tour, déclarent qu’ on ne peut unir notre vieux continent à cause des profondes différences
36 inentales, mais à exagérer les contrastes locaux. On sauve ainsi l’utopie mondialiste et les réalités nationalistes, mais
37 e mondialiste et les réalités nationalistes, mais on sacrifie en passant notre tâche créatrice dans l’histoire, qui est l’
38 t le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemands et Français, Insulaires e
39 d’un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’ on pose à l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette uni
40 ’on pose à l’union de l’Europe, et les dangers qu’ on redoute de cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’
41 rience de la nation elle-même, au nom de laquelle on refuse l’union. 2° Si pittoresques et voyants que soient les contrast
42 uère. Conclusion : il n’y a pas d’Europe, et si l’ on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d
43 guère mieux dans le temps que dans l’espace […]. On a voulu que l’Empire romain fût une première ébauche de l’Europe. Mai
44 ope ne serait-elle donc pas née du tout, parce qu’ on ne s’accorde pas sur sa date de naissance ? Mais le même raisonnement
45 ition. En privant le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on déprime l’élan
46 tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’ on déprime l’élan vers l’union nécessaire, au lieu de bien montrer ses f
47 d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’ on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son climat ? Ou de cet
48 e assez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t- on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des
49 venues se constituer, à partir du xviiie siècle. On nous rappelle, non sans aigreur ni sans dédain, qu’elles sont la vrai
50 dain, qu’elles sont la vraie réalité. Que dis-je, on les déclare même éternelles dans la prose poétique des banquets et de
51 , et le jugement qu’elle implique sur la réalité. On a souvent tenté de nier l’existence d’une vraie culture européenne, e
52 e notre découpage en 26 ou 27 États-nations, dont on attend encore qu’ils définissent la soi-disant autonomie de leur cult
53 paralysant les échanges. Quant au plan politique on a vu récemment ce que valaient à l’épreuve les fameuses souverainetés
54 elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’ on confond tout, patrie, État, nation, spirituel, culturel et politique,
55 cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’État totalitaire. Il
56 ir d’une même police, on obtient finalement ce qu’ on mérite, j’entends l’État totalitaire. Il reste, hélas ! qu’aux yeux d
57 ttre en doute l’existence même de la forêt. (Sait- on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien d’arb
58 e la forêt. (Sait-on bien où elle s’arrête ? Sait- on quand elle est née ? Et combien d’arbres il faut pour former une forê
59 . Entre la politique et la culture, conçues comme on vient de l’indiquer, le rapport devrait être analogue au rapport entr
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
60 l’Europe reste à « faire » ; je dis seulement qu’ on ne peut la vouloir et la faire — donc l’unir par des liens fédéraux —
61 — donc l’unir par des liens fédéraux — si d’abord on nie qu’elle existe comme entité de culture et Aventure unique. Je ne
62 ssacre des affamés » ? Je demandais simplement qu’ on cesse de mettre en doute l’existence même de cette Europe qu’il faut
63 tes” ceux qui disent que l’Europe ne sera pas, si on ne la fait pas être : la plupart des “européens” furent donc des soph
64 de Rougemont me dit qu’il y a une Suisse, quoiqu’ on puisse disputer sur la date de sa naissance. En effet. Mais on a géné
65 puter sur la date de sa naissance. En effet. Mais on a généralement su où était, ce que faisait la Suisse. En 14, en 39, e
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
66 Les Illusions du progrès, de Georges Sorel. Puis on se mit à citer Bergson, réclamant un supplément d’âme pour ce corps s
67 e monde connaît, la liste complète des meilleurs. On pourrait m’objecter Valéry, hédoniste épris de la règle et persuadé d
68 vers la « parfaite et définitive fourmilière » ? On pourrait m’objecter Claudel, optimiste de style baroque et fonctionna
69 ns les cafés, et sa foi prend l’allure d’un défi. On pourrait m’objecter Saint-John Perse, mais justement il a choisi l’ex
70 ulé et nié en dépit du bon sens, dès l’instant qu’ on le produit au grand jour, explique tout. Il faudra plusieurs décennie
71 lique tout. Il faudra plusieurs décennies pour qu’ on en vienne à relativiser, en les expliquant l’une par l’autre, ces deu
72 de systèmes, sans doute, méritèrent à ce point qu’ on dise d’eux qu’ils ont « fait leur temps », au double sens de l’expres
73 ns toute l’Europe, mais aussi en Asie, et plus qu’ on ne pense en URSS, n’aurait-il pas créé l’illusion romantique d’un ren
74 qui serait, en fin de compte, la vraie réalité ? On pourrait s’inquiéter si d’autres séries de faits, indépendants d’aill
75 tuellement dénoncé par les toasts officiels. Si l’ on néglige les étiquettes mystifiantes et qu’au lieu de lire les prospec
76 s publicitaires vantant les bienfaits de la cure, on se contente d’en vérifier les résultats, on voit que le progrès est à
77 cure, on se contente d’en vérifier les résultats, on voit que le progrès est à l’Ouest, le servage et la loi d’airain à l’
78 ’il n’est pas l’URSS n’est pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles raisons. Mais que valent-elles ? Deuxième illus
79 é commun et Euratom. Il serait plus qu’étrange qu’ on puisse l’arrêter là. L’Assemblée constituante est sa prochaine étape.
80 ns lever la main pour demander la permission — qu’ on lui refuse. Aucun ne peut garder seul ses colonies. Aucun ne peut viv
81 bee, inspirées par l’idée mythique d’Évolution, —  on monte, on culmine, on chancelle, on décline, et l’on meurt fatalement
82 rées par l’idée mythique d’Évolution, — on monte, on culmine, on chancelle, on décline, et l’on meurt fatalement — se verr
83 dée mythique d’Évolution, — on monte, on culmine, on chancelle, on décline, et l’on meurt fatalement — se verront démentie
84 ’Évolution, — on monte, on culmine, on chancelle, on décline, et l’on meurt fatalement — se verront démenties par le nouve
85 monte, on culmine, on chancelle, on décline, et l’ on meurt fatalement — se verront démenties par le nouvel essor d’une Eur
86 , ou d’un processus dialectique, dont un Parti qu’ on connaît trop tire les ficelles. Cessons de chercher le sens de l’Hist
87 me parlez de l’esclavage du téléphone ? Mais a-t- on jamais vu qu’un appareil, prenant l’initiative, appelle son abonné ?
88 aux électroniques (par métaphore) ne font rien qu’ on ne leur ait prescrit. Qu’ils travaillent pour nous, c’est tant mieux.
89 ce des travaux monotones, épuisants ou dangereux. On ne connaît rien au monde de plus inoffensif. En revanche, l’invention
90 ncé en son temps par Karl Marx et Proudhon, que l’ on n’écoutait pas, tenait à la semi-automatisation de la production indu
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
91 dre un peu plus les raisons de croire à l’Europe. On sait que cet historien, ce philosophe s’est, depuis dix ans, consacré
92 vie, la Suisse, pour eux, c’est tout un. Et quand on me demande où commence et où finit l’Europe, j’assure que, plutôt que
93 ivre et ma conclusion est tout à fait optimiste : on parle en effet de décadence de l’Europe. Mais où voit-on cette décade
94 e en effet de décadence de l’Europe. Mais où voit- on cette décadence ? La planète entière est en train de s’occidentaliser
95 e. Une morale personnaliste en quelque sorte et l’ on se rappelle à ce propos les débuts de Rougemont qui milita avec Emman
96 style me paraît aussi important que les idées qu’ on veut défendre. g. Rougemont Denis de, « La fin justifie les moyens
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
97 se l’avenir de tous les peuples de la Terre. Si l’ on cherche à se figurer l’aire de diffusion de la civilisation occidenta
98 aire de diffusion de la civilisation occidentale, on s’aperçoit qu’elle n’est pas loin de recouvrir l’ensemble des terres
99 s et générales et tantôt sélectives à l’excès, qu’ on en vient à se demander ce que peut bien signifier, en fin de compte,
100 n d’un peuple, d’un État ou d’un individu. Ici, l’ on se contente d’importer nos machines et nos armements, là nos formes p
101 au transcendant, l’amour de Dieu et du prochain. On voit sans peine que nos produits sont les plus faciles à exporter et
102 ingulière de transformer le monde matériel ? Si l’ on remonte à leurs origines, on trouve la Grèce et le christianisme, c’e
103 onde matériel ? Si l’on remonte à leurs origines, on trouve la Grèce et le christianisme, c’est-à-dire le respect de la vé
104 oser nos valeurs en même temps que nos créations. On voit que l’alternative est utopique, chacun de ses termes l’étant. Il
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
105 a culture d’un honnête homme au xxe siècle, si l’ on veut que la démocratie fonctionne. L’honnête homme vote, et sa voix d
106 i — répugnance sensible dans celles des études qu’ on va lire qui s’attachent aux résultats acquis plus encore qu’aux résul
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
107 Europe et culture (1958)k On peut créer une fédération européenne, et il le faut. Mais on ne peut
108 er une fédération européenne, et il le faut. Mais on ne peut pas créer une culture européenne et personne ne l’a jamais de
109 notre union nécessaire. Ceux qui disent redouter on ne sait qu’elle « uniformisation culturelle » comme conséquence lugub
110 es naturelles (chaînes de montagnes ou rivières). On ne perdra pas son temps à expliquer que tout est faux dans ces notion
111 maladies chroniques de notre culture millénaire. On ne fera pas l’Europe sans sa culture, car ce serait faire l’Europe sa
112 les divisions mortelles qui s’opposent à l’union. On ne fera pas l’Europe en répétant qu’il est indispensable de s’unir :
113 i en ratifiant des traités : personne n’y croit. ( On attend de voir…) Et certes il fallait dire : unissons-nous ! Certes,
114 Solutions dispersées, besoins communs Qu’a-t- on fait dans ce sens depuis que la grande question de l’union européenne
115 194620. Ils nouent des liens entre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus d’une vingtaine, pour la plupart liés à de
116 e de sa vocation, donc ouverte à l’avenir. 19. On parle 6 langues en France, 4 en Suisse, 2 en Belgique, tandis que l’a
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
117 ses, afin de proposer les moyens de le prévenir ? On les relit avec une sorte d’avidité et d’anxiété rétrospective. L’un s
118 stinct de mort, également essentiels à l’homme. «  On ferait œuvre inutile à prétendre supprimer les penchants destructeurs
119 es penchants destructeurs des hommes. » Mais peut- on les canaliser vers d’autres formes d’expression que la guerre ? Ici,
120 s à trop longue échéance ? Sans aucun doute. Mais on ne peut prendre son parti de la guerre, pourtant « biologiquement fon
121 uerre est d’un autre âge, quoique populaire. Et l’ on peut s’étonner qu’Einstein l’ait adoptée sans la moindre exigence cri
122 éaliste. Quatre ans après l’échange de lettres qu’ on va lire, Hitler réoccupait la Rhénanie. À Paris, le président du Cons
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
123 l’alliance des États (xiiie au xixe siècle) On se figure, et l’on écrit souvent, qu’il a fallu quelque six siècles à
124 ts (xiiie au xixe siècle) On se figure, et l’ on écrit souvent, qu’il a fallu quelque six siècles à la Suisse pour dev
125 ance stratégique, commerciale et même culturelle. On n’insistera jamais assez sur le rôle décisif qu’il devait jouer dans
126 e Médiation. Le « Corps helvétique », ainsi que l’ on nommait alors l’ensemble des petites républiques et des bailliages oc
127 maîtres incontestés de leur politique économique. On comptait alors en Suisse 11 mesures de pieds, 60 espèces d’armes, 87
128 que cette époque a connu toutes les raisons que l’ on invoque aujourd’hui au plan européen pour ne pas corriger des erreurs
129 ter des mesures de blocus contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins de 400 taxes et droits de péages sur les marcha
130 familles nobles suisses. Les idées libérales, qu’ on nommait alors « radicales », se répandaient dans la bourgeoisie, et p
131 ’État à sept têtes et d’un cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres dans le même canton. Un Trib
132 , la liberté et les droits du peuple (etc.). Si l’ on ajoute que la Constitution assure les libertés d’établissement, de cu
133 mps » par initiative populaire ou parlementaire — on aura rappelé l’essentiel de l’œuvre des constituants de 1848. Une qua
134 ’absence de publicité des débats et le soin que l’ on apporta à ne point passionner les esprits (au lendemain d’une guerre
135 chaos et la ruine dans la vie économique du pays. On prédisait la faillite des industries « protégées », l’envahissement d
136 actuels, par les opposants à l’union européenne. On ne manquera pas de dire que dans la grande Europe moderne, les problè
137 e ceux de la petite Suisse du siècle dernier. A-t- on pris garde qu’il fallait trois jours à un député des Grisons pour se
138 créant la Suisse, le seul résultat durable que l’ on puisse attribuer précisément au mouvement général de 1848, partout ai
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
139 ne « histoire universelle », dès Augustin. Dira-t- on que les spécialistes retrouvent des notions analogues dans les religi
140 pécialistes sont Européens sans doute ; et, que l’ on sache, ces notions ne sont point parvenues à provoquer là-bas les mêm
141 manité totale ? Pour ce qui est venu de l’Europe, on renonce à l’énumérer ; c’est « tout ou presque tout » de ce qui donne
142 idée même de Laboratoire, ce lieu privilégié où l’ on viole les tabous, mais qu’entoure le respect sacré des foules. Résumo
143 e, irréductiblement, tend à devenir un organisme, on ne voit pas quelle autre partie de ce grand corps peut prétendre à pa
144 e proposent pour la relève, avec les moyens que l’ on sait ; mais ils n’y sont pas vitalement contraints. Part des importat
145 histoire primaires et secondaires, s’imaginent qu’ on les voit différents, comme ils se voient eux-mêmes en restant nez à n
146 es et des autres, comment concevoir cette union ? On ne peut l’imaginer que fédérale, si le fédéralisme est bien compris c
147 ans leur pureté ou leurs nuances précises, non si on les mêle pour simplifier, ce qui ne donne que le brun des uniformes.
148 logie qui règne à sa surface, l’histoire telle qu’ on la fige dans les manuels scolaires et le système des échanges économi
149 elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’ on ne parlerait pas d’une zone de libre-échange. L’objectif évident des
150 faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’ on dit plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de
151 rphosées et baptisées, au cours d’un processus qu’ on ne voit aucune raison de nommer décadence plutôt que renaissance. Obs
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
152 s en appliquant sa dialectique aux civilisations, on en venait à penser que chacune d’elles devait fatalement décliner et
153 astre européen ? Que faudrait-il de plus, pour qu’ on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notr
154 philosophie, sa morale, son économie et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits
155 rl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec lui, on ne peut pas tricher non plus avec la
156 u est la Vérité. On ne peut pas tricher avec lui, on ne peut pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. D
157 ou calviniste. Mais cela signifie pratiquement qu’ on ne peut pas « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsi
158 ù il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la s
159 ndication de la liberté (quel que soit le sens qu’ on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le plus généraleme
160 commun à tous les hommes de notre continent, et l’ on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré,
161 tenu concret et ont seuls démontré sa conscience. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens.
162 n d’archives, examen critique du passé, leçons qu’ on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de th
163 rtir de la découverte géographique du monde. Et l’ on sait le rôle décisif que ces sciences ont joué dans l’évolution de la
164 es : elles sont dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué — plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux
165 faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’ on dit plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de
166 castes hindoues, ni le mandarinat, ni le Bushido. On peut le regretter, mais on doit le constater. Un sociologue français,
167 arinat, ni le Bushido. On peut le regretter, mais on doit le constater. Un sociologue français, Roger Caillois, écrivait n
168 tte simple remarque : si tant de civilisations qu’ on croyait endormies sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’éc
169 nfiance dans la longévité de notre civilisation : on ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’une civilisation deven
170 uccès ? Il y a pourtant les États-Unis, me dira-t- on . Mais ils sont nés de la substance même de l’Europe, et de nos jours
171 gie, l’industrie, les nationalismes et la presse. On ne saurait imaginer complexe de forces spirituelles, morales et matér
172 pacifique — nom qui aurait fait frémir Lénine ! —  on reparle aujourd’hui d’un péril jaune, en attendant le péril noir. Je
173 e notre rhume de cerveau, qui devient mortel, dit- on , chez certains indigènes de la Papouasie. Cette passion qui enfièvre
174 e, se dirigèrent d’un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de deux ou trois paysans qui fument to
175 ment tout en cheminant lentement vers les champs. On entend des pas cadencés et des chants de marche. L’habitude millénair
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
176 dans les pays de l’Europe de l’Est et en Russie ( on compterait, aux dernières nouvelles, sur 208 millions de Russes, 35 m
177 jours identiques par l’esprit, et plus souvent qu’ on le croit par la lettre ; que les mêmes fêtes principales sont observé
178 d’une même Église coexistent deux attitudes que l’ on peut qualifier selon les temps de protestante ou catholique, et sur l
179 confessionnelle a peu de prise. Un seul exemple. On qualifie de nos jours de « catholicisants » les protestants qui veule
180 s protestants qui veulent la fréquente communion. On ignore simplement que Calvin défendait cette doctrine contre l’Église
181 pit des formules et définitions dogmatiques, si l’ on s’en tient aux attitudes existentielles, les fidèles de diverses Égli
182 e siècle. Au concret, cela signifierait ce que l’ on nomme en termes techniques « l’intercommunion » des chrétiens : qu’un
183 ayant dit le credo commun, qui se comprend, quand on le sait, dans toutes les langues. Combien d’hommes et de femmes hésit
184 eu le bonheur d’être élevés, qu’ils aiment comme on aime une patrie, mais l’amour est lucide, la patrie n’est pas le mond
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
185 ur eux, l’étranger était un ennemi ou un barbare. On peut au contraire considérer les peuples de la nouvelle Europe chréti
186 tats modernes se sont ainsi formés ; — non, comme on a coutume de décrire dans la doctrine du droit la formation d’un État
187 ’agit donc de pousser vivement ce processus, si l’ on veut sortir de l’état d’anarchie commerciale et politique où nous viv
188 ie commerciale et politique où nous vivons. Si l’ on veut supprimer la guerre, il faut en supprimer la cause. Il faut que
189 e de ces mesures d’urgence, prises par l’État, qu’ on ait vu rapportée une fois la paix revenue. Ainsi, le mécanisme de l’É
190 son caractère, mais c’est son esprit national. » ( On voit donc que nation et Patrie diffèrent pour lui comme esprit et nat
191 la primauté morale et civile des Italiens, que l’ on appelle en Italie Il Primato, et qui eut un succès retentissant. Dans
192 gne et l’Italie sont des nations encore à naître. On conçoit que pour ces pays, l’idée nationale se confonde avec l’idée d
193 des Misanthropes ou d’une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les faire. Dans le même temps, le d
194 ant de survoler les faits et dotant l’évolution d’ on ne sait quelle énergie intrinsèque : « Chaque génération est immédiat
195 ir en faire encore dans l’avenir. … De nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la race avec la nation, et
196 … De nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la race avec la nation, et l’on attribue à des groupes ethnog
197 s grave : on confond la race avec la nation, et l’ on attribue à des groupes ethnographiques ou plutôt linguistiques, une s
198 s tout, comme chez les rongeurs ou les félins, et on n’a pas le droit d’aller par le monde tâter le crâne des gens, puis l
199 obtenue par des vexations. … La géographie, ce qu’ on appelle les frontières naturelles, a certainement une part considérab
200 n des facteurs essentiels de l’histoire. […] Peut- on dire cependant, comme le croient certains partis, que les limites d’u
201 teindre telle montagne, telle rivière, à laquelle on prête une sorte de faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de
202 trine plus arbitraire ni plus funeste. Avec cela, on justifie toutes les violences. Et, d’abord, sont-ce les montagnes ou
203 ation, européenne, probablement, les remplacera. On connaît la célèbre prophétie du grand Jacob Burckhardt, historien bâl
204 grâce à tout cela, et à bien des choses encore qu’ on ne peut dire aujourd’hui, on méconnaît ou on déforme mensongèrement l
205 des choses encore qu’on ne peut dire aujourd’hui, on méconnaît ou on déforme mensongèrement les signes qui prouvent de la
206 e qu’on ne peut dire aujourd’hui, on méconnaît ou on déforme mensongèrement les signes qui prouvent de la manière la plus
207 eethoven, Stendhal, Henri Heine, Schopenhauer. Qu’ on ne m’en veuille pas trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans
208 ts ne peuvent faire que mauvais voisinage. Quand on parle des États-Unis d’Europe, je vois tout de suite la guerre qui su
209 e des gegenwärtigen Zeitalters, 1804-1805. 30. «  On dirait qu’il appelle foyers tous les endroits où il a porté le feu »,
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
210 ême coup à sentir « cette inimitable saveur que l’ on ne trouve qu’à soi-même »35 et que je ne trouve qu’à l’Europe. Pousso
211 l’aventure perpétuelle. D’autres facteurs, que l’ on dira providentiels ou matériels, selon les écoles de pensée, ont pu j
212 ligion, sa philosophie, son économie et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits
213 rl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher non plus avec la
214 u est la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. D
215 ou calviniste. Mais cela signifie pratiquement qu’ on ne peut pas « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsi
216 ù il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la s
217 ndication de la liberté (quel que soit le sens qu’ on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le plus généraleme
218 commun à tous les hommes de notre continent, et l’ on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré,
219 amisme d’une culture proviendrait-il plutôt, si l’ on en croit Toynbee, des défis auxquels elle se voit soumise ? S’il s’ag
220 concret et qui ont seuls démontré sa consistance. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens.
221 n d’archives, examen critique du passé, leçons qu’ on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de th
222 rtir de la découverte géographique du monde. Et l’ on sait le rôle décisif que ces sciences ont joué dans l’évolution récen
223 uée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. On nous répète à satiété que la science et la technique sont aujourd’hui
224 mais dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. On ne peut donc pas encore affirmer que notre culture soit devenue réell
225 culture soit devenue réellement universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle,
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
226 idées et les actes, maintenir une tradition où l’ on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situe
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
227 idées et les actes, maintenir une tradition où l’ on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situe
228 nces du progrès sur les vraies libertés humaines. On nous demande souvent, de tous côtés : Êtes-vous un mouvement politiqu
229 s buts répond suffisamment à cette question. Mais on insiste, la presse insiste, et les interviewers insistent : tous veul
230 lture. Parmi les délégués des différentes nations on notait la présence de MM. Oppenheimer, le grand savant atomiste, et G
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
231 même coup à sentir cette inimitable saveur que l’ on ne trouve qu’à l’Europe38. 2. Poussons plus loin le paradoxe, jusqu’a
232 a quelques années, agacé par les objections que l’ on ne cessait d’opposer à l’idée même d’une unité de la culture européen
233 e mais jalousement revendiquée et cultivée, que l’ on peut voir le signe et la démonstration de l’originalité de notre cult
234 l’aventure perpétuelle. D’autres facteurs, que l’ on dira providentiels ou matériels, selon les écoles de pensée, ont pu j
235 ligion, sa philosophie, son économie et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits
236 rl Jaspers. Pour le chrétien, Dieu est la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher non plus avec la
237 u est la Vérité. On ne peut pas tricher avec Lui, on ne peut pas tricher non plus avec la réalité du monde qu’il a créé. D
238 en perpétuelle session contradictoire. Ainsi peut- on s’expliquer les motifs religieux et philosophiques d’un des caractère
239 de travail. Voilà encore une banalité, me dira-t- on . Mais comparons, une fois de plus ! Les cultures totalitaires subordo
240 ou calviniste. Mais cela signifie pratiquement qu’ on ne peut pas « eat his cake and have it » et qu’il y a lieu de reconsi
241 ù il est responsable de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la s
242 ndication de la liberté (quel que soit le sens qu’ on donne au mot) est sans nul doute le thème affectif le plus généraleme
243 commun à tous les hommes de notre continent, et l’ on peut voir en lui le plus proche équivalent de l’invocation au sacré,
244 enu concret et ont seuls démontré sa consistance. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens.
245 n d’archives, examen critique du passé, leçons qu’ on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de th
246 rtir de la découverte géographique du monde. Et l’ on sait le rôle décisif que ces sciences ont joué dans l’évolution récen
247 uée, par le fait actuel de sa diffusion mondiale. On nous répète à satiété que la science et la technique sont aujourd’hui
248 ts, urbanisme et architecture : à tel point que l’ on a pu dire que Naples est la seule ville orientale qui n’ait pas de qu
249 mais dédaigne notre idéal de l’amour du prochain. On ne peut donc pas encore affirmer que notre culture soit devenue réell
250 culture soit devenue réellement universelle. Mais on n’en voit pas d’autre qui soit en mesure d’y prétendre mieux qu’elle,
251 eut le faire. Or, elle doit d’abord exister. Mais on me dira, et une part de moi-même me dit : après tout, que peut bien n
252 aire, pour l’ensemble du genre humain. 38. Si l’ on me permet de paraphraser ainsi un vers fameux de Paul Valéry. x. Ro
19 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
253 mais qui est bien plutôt celle du « cœur » comme on dit —, celle de l’âme. L’âme est en propre le domaine des émotions et
254 éversible, des obstacles opposés à la passion. Or on sait que la passion vit d’obstacles, naturels ou sacrés, coutumiers o
255 ion mortelle, il n’y aurait donc pas eu de mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’inclinant devant les « droits
256 e convole en justes noces avec le chevalier. Et l’ on recule épouvanté devant l’idée d’Iseut devenant Madame Tristan ! C’es
257 rg, inspiré lui-même des Bretons, de Béroul, et d’ on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa musique, vrai langage du my
258 es, nommés Fravartis, sont des entités féminines. On retrouve ici Dante, et Goethe, et peut-être bien notre mythe. L’événe
259 t n’évoque-t-elle point cette forme de lumière qu’ on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le v
260 té entre l’individu et le vrai moi, sans laquelle on ne saurait s’aimer soi-même, puisqu’« il faut être deux pour aimer »,
261 ou religieux, à quelque décret de la morale que l’ on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait de la
20 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
262 mne à demeurer à peu près invisible. Comment veut- on qu’un étranger le voit ? S’il vient chez nous et cite l’un des Suisse
263 nom. En revanche, les noms d’hommes importants qu’ on lui donnera sont inconnus hors du canton. Ces trois points appellerai
264  ; une douzaine de paysages ou décors types, et l’ on va de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme
265 re, parfois en deux minutes comme il arrive quand on traverse le tunnel de Chexbres : la vue se ferme sur un paysage de pl
266 nce européenne et d’efficacité transformatrice qu’ on ne saurait en trouver dans nulle autre région d’étendue comparable, s
21 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
267 ’Occident politique. Fait n° 2. Presque partout, on manque de techniciens, d’ingénieurs et de contremaîtres, de managers,
268 st peut-être la seule exception. Il en résulte qu’ on propose un peu partout d’orienter les études, dès l’enfance, vers la
269 s leurs forces instinctives à la technique, et qu’ on nomme les réactionnaires. Leur erreur commune consiste à ne pas voir
270 me, des rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’ on nomme les hasards, les trouvailles par hasard, des rêves qui sont aus
271 s classiques d’inventions et de découvertes, si l’ on y regarde de près, réfutent précisément ces théories. À l’origine des
272 épondaient aux besoins matériels, pourquoi ferait- on de la publicité ? Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, l’explicati
273 tié du xxe siècle, nous avons assisté à ce que l’ on nomme souvent l’envahissement de notre vie par la machine. Et tous no
274 assés par l’évolution même de la technique. Quand on répète que les machines vont mettre l’homme en esclavage, ou que la b
275 e en esclavage, ou que la bombe va nous détruire, on oublie simplement que les machines et la bombe sont faites par l’homm
276 loyer. Le contrôle de la bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si tout d’un coup on
277 s pour la retenir ! C’est comme si tout d’un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de
278 l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se t
279 t clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’ on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un co
280 vriers » commence à se réaliser en Occident. Et l’ on s’aperçoit que l’automatisme des machines, qui semblait inhumain tant
281 : la culture de l’Europe a produit la technique ; on a pu craindre alors que cette technique asservisse l’homme et tue la
282 onde veut les imiter. En Europe comme en Afrique, on réclame à grands cris l’intensification de la formation de technicien
283 modernes d’un Archimède et d’un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’écoles techniques politiquement disciplinée
284 des dizaines de milliers d’ingénieurs, mais si l’ on subordonne tout notre enseignement à leur seule formation spécialisée
285 fruit, au détriment final de l’un et de l’autre. On nous répète que notre société a besoin d’innombrables techniciens, et
286 a littérature et la métaphysique religieuse, si l’ on veut que la recherche scientifique et technique n’aboutisse pas à des
22 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
287 n’aimait pas les discussions métaphysiques ni qu’ on lui demandât ce qu’il croyait. D’une thèse ou d’un point de vue qu’on
288 u’il croyait. D’une thèse ou d’un point de vue qu’ on le pressait d’adopter, de fonder ou de réfuter, il disait, coupant co
289 « Ceci n’est pas conforme à ma théologie. » Et l’ on sentait qu’il s’agissait en lui non pas d’une objection logique ou de
23 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
290 . (Œuvres complètes en 59 vol., 1863-1900.) Si l’ on admet avec un récent manifeste39 que « l’écrivain, dans la mesure où
291 re original ne lui a pas fait perdre une seconde. On ne joue pas avec les mots quand on est « ministre du Verbe », ministe
292 e une seconde. On ne joue pas avec les mots quand on est « ministre du Verbe », minister verbi divini. Les manuels ont bea
293 les termes et de rigueur dans l’articulation, qu’ on appelle souvent cartésiennes, aient été premièrement illustrées dans
294 istoire mais non pas de présence continuée. Ce qu’ on entend de nos jours par « la littérature » dans les milieux où elle s
295 re par le terme d’engagement, — dont il semble qu’ on ait abusé — s’origine sans nul doute chez Calvin et n’a jamais encore
296 ncore égalé son modèle. Calvin n’est pas aimable, on le sait de reste. Maigre et mélancolique, comme l’était Charles Quint
297 ’a produit en lumière et fait venir en jeu, comme on dit. L’aventure se noue en 1535, année cruciale où, tandis que parai
298 e peu de gens. Mais les nouvelles de France, où l’ on brûle ses amis pour les calomnier plus à l’aise, l’obligent à prendre
299 stoire. Suivre sa vocation, au contraire de ce qu’ on croit, n’est pas suivre sa pente (même en la remontant) mais c’est êt
300 une ville assiégée, qu’il s’agisse de Genève où l’ on veille aux remparts de l’Église harassée par la persécution, ou du cœ
301 tié de l’Occident. Je cherche en vain l’esprit qu’ on puisse lui comparer par l’ampleur et par la durée d’une action de cet
302 n nom : mais est-il justifié à le faire ? Certes, on peut bien soutenir que les États-Unis seraient aussi sévèrement jugés
24 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
303 la Constitution anglaise, elle ne s’explique pas, on la sent. Ses exigences sont aggravées par une dose convenable d’arbit
304 s tempérées par les plus capricieuses tolérances. On ne sait jamais, mais si l’on ne s’inquiète pas de trop savoir, on est
305 icieuses tolérances. On ne sait jamais, mais si l’ on ne s’inquiète pas de trop savoir, on est admis, on est heureux. Contr
306 s, mais si l’on ne s’inquiète pas de trop savoir, on est admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hu
307 n ne s’inquiète pas de trop savoir, on est admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui dans d’autre
308 nce. Et c’est pourquoi son amitié est un honneur. On n’oserait pas l’avouer n’était l’humour et cette espèce de rigueur fé
25 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
309 S’il est question d’intégration européenne et qu’ on lui parle de culture, l’homme d’aujourd’hui, qu’il soit d’ailleurs in
310 deviendrait un parasite si elle insistait pour qu’ on augmente son budget. Cette vue très populaire, née d’un xixe siècle
311 alors expliquer la différence spectaculaire que l’ on sait entre le destin de la péninsule indienne et celui de la péninsul
312 pour se suffire. Tel étant le problème véritable, on voit qu’il est bien moins économique que politique, et en fin de comp
313 queront, un jour, de dénaturer cette Europe que l’ on croyait « faire ». Car, en fin de compte, pourquoi faut-il créer un g
314 s la diversité, c’est-à-dire du fédéralisme. Si l’ on me dit que j’aligne ici des évidences, j’en serai content : telle éta
315 tait bien mon intention. Mais je demanderai que l’ on confronte ces évidences avec les croyances populaires que je rappelai
316 à l’endroit de la culture et de son « utilité ». On verra qu’elles s’opposent diamétralement. Si les croyances populaires
317 les croyances populaires ont raison, le peu que l’ on a fait jusqu’ici pour la culture était de trop. Si au contraire mes a
26 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
318 git. Des contacts sont pris à droite et à gauche. On nous approuve, on nous aidera, mais allez vite ! Vertige de sentir un
319 sont pris à droite et à gauche. On nous approuve, on nous aidera, mais allez vite ! Vertige de sentir une idée qui s’incar
320 uption dans mon bureau. « Mon premier-lieutenant, on vient d’entendre à la radio que les Allemands sont entrés à Paris. »
321 s. Je me prépare à sortir. Sonnerie du téléphone. On va me parler de l’E.-M. du Général. — Ici colonel Masson. C’est bien
322 Attaques de saboteurs contre nos aérodromes. Mais on veillait partout. Hier soir, des barrages ont été établis dans les ru
323 s tout nu. Faute de soldats baïonnette au canon — on n’en trouve point — c’est le lieutenant-colonel M. qui m’accompagne à
324 question est de me déférer au tribunal militaire. On me reconduit enfin chez moi. Écouté la radio pendant des heures. La d
325 al. Pour les besoins de cette édition numérique, on a attribué un style spécifique aux dates de ce journal.
27 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
326 p de précautions sont nécessaires, car je sens qu’ on écoute mes téléphones.)40 Le risque individuel prend sa place normale
327 rdre, avant de se battre, l’une des raisons que l’ on aurait de se battre, l’une des marques de cette indépendance que l’ar
328 errain : cela s’appelle une retraite stratégique. On peut me dire qu’il est aussi des retraites nécessaires (des silences
329 ros, les Anglais, voire Gonzague de Reynold, dont on annonce par ailleurs la démission de notre Directoire : or il n’en a
330 ce de cette démarche dans les archives fédérales. On devait s’y attendre. Et personne n’ébruita la chose à l’époque. On co
331 endre. Et personne n’ébruita la chose à l’époque. On comprend donc que M. Kimche n’ait pas pu faire état de l’incident, si
332 s croire à la fois. Finalement, il résista, comme on sait.) 40. Néanmoins, un sergent de mes amis, syndicaliste, membre
28 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
333 Après quelques heures d’essais peu convaincants — on ne peut pas écrire en groupe — ils me confient la rédaction. Ma posit
334 m’animaient n’étaient point exactement celles qu’ on eut alors au Palais fédéral pour favoriser mon voyage. Mais le fait e
335 programme de la Ligue. Les notes personnelles qu’ on vient de lire me paraissent de nature à confirmer la description d’en
336 certain qu’elles « s’imbriquaient étroitement », on l’a vu par mes notes. Mais Kimche commet une curieuse erreur en confo
337 M. Kimche de se poser la question suivante : peut- on voir une « simple » coïncidence dans le fait que la Ligue civile et m
338 à cette question dans un prochain article. 42. On se rappelle, en Suisse, que le 25 juillet, le général Guisan convoqua
29 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
339 richesse sans le tiers-monde et par l’union. Si l’ on relit la presse de l’époque, on s’aperçoit que presque tous ces phéno
340 par l’union. Si l’on relit la presse de l’époque, on s’aperçoit que presque tous ces phénomènes avaient été prévus par des
341 fois supérieures à celle du son n’étonnent plus ; on découvre au contraire les charmes souverains de la lenteur. Le silenc
342 surtout aux États-Unis, en Afrique et au Brésil. On cherche encore — on va trouver — un système général de freinage ou de
343 nis, en Afrique et au Brésil. On cherche encore — on va trouver — un système général de freinage ou de décantation du prog
344 plein, l’isolement, l’antique formule du château. On construit des maisons sur les îles — artificielles ou naturelles — su
345 lle mondiale. Le mythe des deux grands a disparu, on ne s’en souvient guère davantage que de la Triplice et de la Triple E
30 1962, Articles divers (1957-1962). La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
346 Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on dirait les wagons-couverts des pionniers arrêtés un soir, à l’étape,
347 isation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des plans à grande