1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 a voie et l’aventure (janvier 1957)a b Ce qui s’ oppose coopère, et de ce qui diverge procède la plus belle harmonie. H
2 peliez ‟Toi” ou que vous pensiez ‟Je suis Lui”. » S’ il n’y avait « aucune différence », il n’y aurait pas non plus d’antin
3 t l’Occident doivent un jour converger au lieu de s’ ignorer ou de se combattre, ils le devront bien moins à un « retour au
4 vent un jour converger au lieu de s’ignorer ou de se combattre, ils le devront bien moins à un « retour aux sources » qu’à
5 aventure. Mieux compris, mieux réalisés, ces buts se révéleront un jour complémentaires, d’une façon qui nous demeure enco
6 … À l’Ouest, en revanche, l’ascension de l’Europe se confond avec les succès de la lutte permanente contre les castes. La
7 aryen. Sur l’arrière-fond commun, les différences s’ accusent. Elles ne cesseront de s’affirmer dans l’ensemble de notre hi
8 les différences s’accusent. Elles ne cesseront de s’ affirmer dans l’ensemble de notre histoire, nonobstant la longue paren
9 les ordres ; les trois grandes castes tendaient à se reformer ; les rites, les traditions multipliées primaient sur tout e
10 éel que l’ici-bas, dont il convenait par suite de s’ évader, plutôt que d’essayer de l’aménager selon les désirs d’un corps
11 usqu’à nos jours, c’est-à-dire le saint homme qui se « détache » du clan, de la coutume, de la magie, du dogme même, deven
12 À partir de la Renaissance, l’angle de divergence s’ agrandit rapidement, pour atteindre à peu près 180° aux débuts de notr
13 ’opposition à peu près diamétrale des deux mondes s’ atteste aux yeux du voyageur le moins prévenu. Atténuée en Europe par
14 toutes les classes. L’Occidental retour d’Orient s’ écrie : « Je n’ai vu que des foules, pas une personne ! » Et l’Orienta
15 un cosmos dont les données apparemment physiques se transmuent en symboles, et il termine par une invitation à entreprend
16 soleil couchant, au bord le plus lointain duquel s’ étend une « mer chaude et boueuse » (le non-être). La Ténèbre règne à
17  : « C’est celle que l’on connaît le mieux… » (Il s’ agit de notre vie terrestre.) Dans son Récit de l’exil occidental de l
18 l, de physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour les Grecs, il en va de même pour les Hindous, et
19 , relevant un défi qui semblait écrasant et qu’il se portait à lui-même, acceptant de « s’enfoncer dans la matière », acce
20 nt et qu’il se portait à lui-même, acceptant de «  s’ enfoncer dans la matière », acceptant les passions et les corps à tous
21 llant du cercle au carré, et l’autre inversement, s’ expriment les missions différentes, toutes les deux légitimes, de l’Ou
22 ndant, entre dans l’immanence et dans l’Histoire, se fait corps matériel, chair d’enfant pauvre, assume les pires souffran
23 refuser le monde, le corps et la souffrance, pour s’ élever vers le Rien transcendant. Les deux mouvements — descente et re
24 e — ne sont qu’apparemment superposables ; car il s’ agit en réalité dans le premier cas d’une descente créatrice de Dieu d
25 ccidental, c’est l’incarnation trop complète. (On se perd soi-même dans la matière et ses structures, on perd de vue les e
26 oie : deux formes d’expérience. Pour l’Hindou, il s’ agit d’arriver à la connaissance du divin non par le « saut de la foi 
27 » (Yoga-anka.) Pour l’Occidental au contraire, il s’ agit de connaître Dieu non pas en écartant le monde manifesté, ou bien
28 on pas en écartant le monde manifesté, ou bien en se contentant à son sujet d’intuitions directes et vagues (sur la nature
29 ant plus nous connaissons Dieu. » (Spinoza) Ainsi se croisent les doutes, et parfois les méfiances. Car chacun pense de l’
30 e ? et cet objet lui-même, est-il vraiment réel ? S’ identifier à l’Un, à la divinité, ne serait-ce pas, pense l’Occidental
31 enir pour illusoires les « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu’elles s’appliquent à une « réalité » qu’on tient elle
32 « preuves » dont l’autre se prévaut, puisqu’elles s’ appliquent à une « réalité » qu’on tient elle-même pour illusion. Et i
33 te10 : tous les auteurs qui traitent de mon sujet s’ accordent au moins sur ce point, malgré les divergences de leur vocabu
34 fs dans une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’ agit de légendes sacrées. Jamais la vie ne m’a paru plus solennelle ni
35 le divin. L’Occidental, jaloux de sa vie privée, s’ assemble dans l’église où l’on chante des chœurs. Messes de Mozart, Pa
36 . Nous avons inventé l’ecclesia. Et tandis qu’ils se purifient par l’isolement, comme le veut la magie, nous prions et cha
37 ai parlé de l’Hindou « grégaire » ; terme inexact s’ il fait penser à « collectif », à je ne sais quoi d’organisé ou d’enca
38 dieu ou saint, tout communique en la magie, tout se transmue sans nul obstacle, sans mesure, sans limites, sans distance,
39 te en l’Absolu. Ainsi le moi devient conscient et se détache, échappe au corps magique, s’isole enfin, mais c’est pour mie
40 onscient et se détache, échappe au corps magique, s’ isole enfin, mais c’est pour mieux se perdre en son accomplissement, p
41 rps magique, s’isole enfin, mais c’est pour mieux se perdre en son accomplissement, puisque le moi est voie, et que la voi
42 ment une âme de l’illusion d’être distincte. Tout se ramène enfin à cette opposition : panthéisme ou Dieu personnel. Car i
43 ou que Je sois le Tout, dans les deux cas l’Autre s’ évanouit ; il n’est pas de dialogue possible, ni d’appel, ni donc de v
44 vin et le moi de l’homme. En revanche, l’Occident s’ atteste et s’actualise là où la différence est tenue pour essentielle,
45 de l’homme. En revanche, l’Occident s’atteste et s’ actualise là où la différence est tenue pour essentielle, car en elle
46 nce est tenue pour essentielle, car en elle seule se fonde la personne véritable, qui assume l’individu mais aussi le tran
47 ure le thomisme, et il arrive à Maître Eckhart de s’ exprimer comme un bouddhiste. La Bhagavad-Gita fait l’éloge de l’actio
48 ité. Les plus grands mystiques de l’Europe ont pu se voir accuser d’athéisme sur la foi de leurs ultimes conclusions (cond
49 lle « qu’après avoir écarté tout attachement » et s’ être engagé sur la voie de la connaissance divine, « il faut demeurer
50 mystiques ne font pas nos mœurs, en Occident. Ils se fondent sur la négation de nos croyances communes, et de nos institut
51 l’on pense que Dieu reconnaîtra les siens, qu’ils se baignent vêtus ou nus. La croyance à la métempsycose est plus naturel
52 eur vie sociale. Mais c’est sans doute lorsqu’on se pose la question : que vaut un homme ? (un homme individuel, un exemp
53 e au libre arbitre. Même sans être philosophe, il s’ entend sur ce point aux distinctions les plus fines, bien que leurs ré
54 inctions les plus fines, bien que leurs résultats se montrent, non dans sa pensée, mais dans ses faits et gestes. Ceci vau
55 eurs sujets : il leva le bras, et deux des gardes se jetèrent dans le vide, pour s’écraser sur le sol rocheux. Puis il dem
56 et deux des gardes se jetèrent dans le vide, pour s’ écraser sur le sol rocheux. Puis il demanda au comte s’il devait d’un
57 aser sur le sol rocheux. Puis il demanda au comte s’ il devait d’un second signe livrer à la mort toute la garde des crénea
58 le même sentiment que le comte de Champagne : il se verra mené à un point où éclatera en lui le plus sincère, le plus vio
59 olent des refus. Les formes fondamentales dont il se croyait sûr, telles que courage et fidélité, obéissance, sacrifice, o
60 el il n’est pas permis de porter atteinte. Ce qui s’ y passe, et ce qui en provient, ne peut naître que du libre arbitre, s
61 Quand ce noyau est lésé, des tourbillons de néant s’ en dégagent. La réaction de nos deux auteurs occidentaux n’est pas mo
62 ’est l’attitude générale des auteurs modernes qui se réclament en Occident de la « pensée traditionnelle ». Ces utopistes
63 tiques. Historiquement, la première confrontation s’ est vue retardée pendant longtemps par le barrage de l’islam, et n’a p
64 nt longtemps par le barrage de l’islam, et n’a pu s’ esquisser qu’à partir du xixe siècle ; la seconde s’opère sous nos ye
65 squisser qu’à partir du xixe siècle ; la seconde s’ opère sous nos yeux, provoquée par le choc de la guerre entre le Japon
66 es deux récits que je mentionne. Celui d’Avicenne s’ intitule : Récit d’Havy ibn Yaqzân. Celui de Sohrawardi : Récit de l’e
67 ant du sang impur d’un domestique hors-caste, qui se couche le premier dans le lit, se fait abondamment piquer par poux et
68 hors-caste, qui se couche le premier dans le lit, se fait abondamment piquer par poux et puces, dispensant de la sorte son
69 Table ronde, Paris, janvier 1957, p. 9-22. b. Il s’ agit du chapitre I de L’Aventure occidentale de l’homme , qui sera pu
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
70 l’union politique (mai 1957)c 1. Il suffit de s’ éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la ré
71 mé ces différences. (Encore que les écoles d’État s’ y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais attendu r
72 foi dominant l’arrière-plan millénaire sur lequel se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent
73 historique, car ses frontières n’ont pas cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que par
74 ’union… Ainsi jouent les sophistes, et le lecteur s’ inquiète : il sent vaguement qu’il est en train de se laisser prendre
75 nquiète : il sent vaguement qu’il est en train de se laisser prendre dans une problématique artificielle, sans nul rapport
76 e exactement l’objet d’un éventuel enseignement ; s’ ils n’arrivent pas à le définir, ils le réputent inexistant selon les
77 ression. En effet, selon le thème connu, elle ne se localise guère mieux dans le temps que dans l’espace […]. On a voulu
78 serait-elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’ accorde pas sur sa date de naissance ? Mais le même raisonnement condu
79 ories pour les faire correspondre au réel, car il s’ agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définit
80 sujet de la naissance de l’Europe, vingt théories s’ affrontent inutilement je le crains, car il en va d’une civilisation,
81 vre est là. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’ agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de n
82 de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’ intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leibniz avant l
83 orientaux, occupés par les Turcs, et tend ainsi à se confondre avec l’Europe géographique, cependant qu’à l’inverse les pr
84 is grand pape sous le nom de Pie II, que l’Europe se voit définie, face à l’islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétie
85 éclat par Valéry. 6. Mais les nations sont venues se constituer, à partir du xviiie siècle. On nous rappelle, non sans ai
86 érité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne se confond avec les limites accidentelles et souvent fort récentes d’un
87 au xxe siècle ? Notre économie, nos techniques, se développent en dépit des nations, qui ont au plus le pouvoir de les f
88 de son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’ obstinerait à mettre en doute l’existence même de la forêt. (Sait-on b
89 existence même de la forêt. (Sait-on bien où elle s’ arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien d’arbres il faut pour
90 nu. Une politique d’union ne devient possible que s’ il y a tout d’abord communauté de culture entre les hommes qu’elle env
91 créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’ isolent pas ni ne se mélangent indiscernablement, mais demeurent en te
92 mesure toutefois où elles ne s’isolent pas ni ne se mélangent indiscernablement, mais demeurent en tension — autonomes et
93 de la santé européenne. Ici, culture et politique se joignent dans la seule et même exigence d’une union fédérale de nos p
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
94 ’elle n’a pas encore. Est-ce ma faute si elles ne se ressemblent pas. La “filibusterie” consiste-t-elle à les distinguer o
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
95 s le cap sur 1984 et sa fourmilière ; voilà qu’il se détourne horrifié et vire de bord, aux accents de la Marseillaise, en
96 s Illusions du progrès, de Georges Sorel. Puis on se mit à citer Bergson, réclamant un supplément d’âme pour ce corps subi
97 e » au progrès disqualifiait son homme, et l’idée s’ empressa d’émigrer aux États-Unis et en URSS. Les penseurs de l’Europe
98 , à peu près unanimes, entrèrent en dissidence et se mirent à dénoncer sur tous les tons le monde moderne. Pieusement ou r
99 imposer un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’ est attestée dans le soulèvement des écrivains unis aux paysans, des o
100 est elle enfin qui cède au vertige de l’histoire, s’ imagine que son heure est passée, que le Prolétariat doit la déposséde
101 leurs thèses ou contestaient leurs arguments. Il s’ agit, au plein sens des termes, d’un succès de scandale, d’un choc pro
102 t le Sexe et l’Argent. Tout devait avoir l’air de se passer dans le monde comme si ces choses n’existaient pas. Les grands
103 s choses n’existaient pas. Les grands industriels se croyaient « philanthropes » ; les enfants naissaient dans les choux,
104 s qu’il tenait pour autant d’illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes ses prévisions (sauf dans celle sur l’avenir
105 luence qui allait les instaurer dans nos esprits, se voient aujourd’hui démentis. L’élargissement de la conscience humaine
106 en fin de compte, la vraie réalité ? On pourrait s’ inquiéter si d’autres séries de faits, indépendants d’ailleurs des réc
107 s. L’URSS était donc l’avenir, tandis que les USA se voyaient condamnés par le « mouvement de l’histoire ». Telle était la
108 nos maniaques de l’Histoire. Drôle d’avenir, qui s’ essouffle à rejoindre un « passé » rituellement dénoncé par les toasts
109 ublicitaires vantant les bienfaits de la cure, on se contente d’en vérifier les résultats, on voit que le progrès est à l’
110 constater que l’avenir, aux yeux de ces Hongrois, s’ il n’est pas l’URSS n’est pas non plus l’Europe… On devine, pour quell
111 incapables d’ailleurs de prouver qu’ils le sont — se voyait promise par l’Histoire à des partages ignominieux : l’Est aux
112 ationalistes attardés. Aucun de nos États ne peut se défendre seul. Aucun ne peut faire la guerre sans lever la main pour
113 chancelle, on décline, et l’on meurt fatalement — se verront démenties par le nouvel essor d’une Europe reprenant la tête
114 our la saison, les accidents bizarres et les fous se multiplient, les avions tombent, croyez-moi, c’est la Bombe. Elle va
115 ature, et non l’homme, qui aurait ici le droit de se plaindre. Vous citez l’apprenti sorcier. Et qui ne l’a pas cité, quel
116 t des énergies décelées par leurs calculs. Ce qui se déchaîne, encore une fois, c’est l’homme. En vérité, les seuls humain
117 nt, la tyrannie des rythmes mécaniques. Eux seuls se sont vus transformés en « compléments vivants d’un mécanisme mort »,
118 entretenu par Bernanos, un malentendu sans pareil s’ attache à ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’est pas un
119 technologique ? C’est le problème des loisirs qui s’ ouvre largement, et tous les problèmes qui en dépendent pour l’éducati
120 de travail, le problème de l’emploi du temps, qui se pose à l’homme. Le problème de la liberté. Le problème du sens de nos
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
121 irectrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’ est entendu pour trouver dans l’œuvre de Denis de Rougemont un livre q
122 avait toujours, au dernier moment, quelqu’un qui se levait pour déclarer : Mais ce n’est pas possible ? Rougemont ? Un Su
123 ’Europe. On sait que cet historien, ce philosophe s’ est, depuis dix ans, consacré à militer pour l’idée de faire l’Europe
124 e discuter de frontières mouvantes, il vaut mieux se préoccuper de définir la civilisation européenne à travers son histoi
125 te décadence ? La planète entière est en train de s’ occidentaliser. Personne ne se convertit au mode de vie de l’islam, ma
126 ère est en train de s’occidentaliser. Personne ne se convertit au mode de vie de l’islam, mais voyez la Chine, voyez l’Ind
127 e l’islam, mais voyez la Chine, voyez l’Inde : ne se mettent-elles pas à l’heure européenne ? L’Europe dévore les nuits et
128 ns. À condition que cette fin soit juste et, pour s’ opposer à Nietzsche, en considérant que, par exemple, la puissance n’e
129 Une morale personnaliste en quelque sorte et l’on se rappelle à ce propos les débuts de Rougemont qui milita avec Emmanuel
130 rio qui a été tirée de cet opéra où Rougemont sut se montrer poète et où Honegger trouva une de ses plus grandes réussites
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
131 rs occidentales ne saurait être académique ; elle s’ inscrit dans une situation dominée par le malentendu et toute chargée
132 e tous les peuples de la Terre. Si l’on cherche à se figurer l’aire de diffusion de la civilisation occidentale, on s’aper
133 e de diffusion de la civilisation occidentale, on s’ aperçoit qu’elle n’est pas loin de recouvrir l’ensemble des terres hab
134 ement, des stries plus ou moins serrées. Le Japon s’ est notoirement occidentalisé depuis la seconde moitié du xixe siècle
135 et tantôt sélectives à l’excès, qu’on en vient à se demander ce que peut bien signifier, en fin de compte, l’occidentalis
136 ’un peuple, d’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines et nos armements, là nos formes poli
137 , parfois inconsciemment, nos valeurs spécifiques se voient assimilées et retrouvent leur pouvoir créateur, mutuellement m
138 modérateur, humanisant. Dans la plupart des cas, s’ occidentaliser signifie simplement acquérir le know how des procédés t
139 lusive de la diversité (ainsi les voix distinctes s’ accordent dans nos chœurs) ; la reconnaissance de la réalité de la mat
140 hnique dès la fin du xviiie siècle ? C’est qu’il se produisit à ce moment, en Europe, une conjonction sans précédent : ce
141 conjonction sans précédent : celle de la science, s’ établissant enfin sur les bases autonomes du calcul et de l’expériment
142 Paul. Quant à nos principes de vie publique, ils s’ inspirèrent tous, d’une manière plus ou moins directe ou correcte, de
143 à l’occasion des grands débats sur la Trinité, et se lia par la suite indissolublement à la notion de vocation personnelle
144 Algérie nous en donne un exemple tragique. Il ne s’ agit nullement ici de politique, et ce n’est qu’en vertu d’un accident
145 Théoriquement, deux solutions nettes et radicales se conçoivent : ou bien garder pour nous ce qui ne peut que troubler et
146 dans toute l’histoire qu’un même problème crucial se pose au même moment à l’humanité tout entière. 17. Chacun sait que
147 es valeurs occidentales même dans les pays qui ne se sentent pas ou ne se veulent pas des nôtres. L’Occident apporté à l’h
148 es même dans les pays qui ne se sentent pas ou ne se veulent pas des nôtres. L’Occident apporté à l’humanité des connaissa
149 yages et à ses travaux, les problèmes de base qui se posent à l’Occident. Son dernier livre, L’Aventure occidentale de l’
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
150 généralement inaccessibles au grand public, même s’ ils sont édités en librairie ; leurs auteurs ne prévoient d’être lus q
151 rop complexes pour le plus génial des chercheurs, s’ il reste seul. Mais qui le fait ? Les experts des gouvernements ne son
152 ésente et vraiment agissante dans l’opinion : Que se passerait-il si… les frontières économiques étaient supprimées en Eur
153 désirions savoir, comme l’électeur moyen, ce qui se passerait alors, selon toute vraisemblance. Que la répugnance profes
154 sensible dans celles des études qu’on va lire qui s’ attachent aux résultats acquis plus encore qu’aux résultats prévisible
155 s — n’hésite pas, lui, à jouer le jeu de « ce qui se passerait si… » Seulement, il a tendance à jouer perdant, à préjuger
156 uger de catastrophes dont rien ne prouve qu’elles se produiraient. Il ne croit guère qu’à des fantômes, tandis que les exp
157 avoir toujours calculé son prix. Nos économistes se sont réunis deux fois, à six mois de distance, et leurs débats ont ét
158 que. Pourtant, un optimisme européen bien tempéré se dégage de leurs études, dont le plan fut arrêté en commun, la rédacti
159 orteront des analyses d’une rare objectivité. Que se passerait-il si… ? — Rien ou presque rien de ce que vous redoutiez, m
160 e idée précise de la complexité des problèmes qui se posent, mais aussi des espoirs autorisés, et dans bien des cas, assur
161 rés. Étrange Europe, qui a tout pour elle si elle s’ unit mais qui a tant de peine à s’accepter, à saisir ses chances de gr
162 ur elle si elle s’unit mais qui a tant de peine à s’ accepter, à saisir ses chances de grandeur, à guérir de son pessimisme
163 du CEC ; Marché commun et Euratom , et L’Europe s’ inscrit dans les faits , publications du CEC. j. Rougemont Denis de,
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
164 demandé, pour la simple raison qu’une culture ne se crée pas comme une institution, et qu’au surplus la culture européenn
165 re : ils ont retenu de leurs manuels que l’Europe se divise en autant de cultures qu’elle a de nations, celles-ci correspo
166 t définit assez bien le rôle que doit aujourd’hui s’ assigner toute institution culturelle soucieuse des destins de l’Europ
167 l’inverse. D’autre part, cette institution devra s’ efforcer de réduire les résistances invétérées à notre union, les « bl
168 seule peut expliquer les divisions mortelles qui s’ opposent à l’union. On ne fera pas l’Europe en répétant qu’il est indi
169 s l’Europe en répétant qu’il est indispensable de s’ unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant des traités : personne
170 u xxe siècle, sa vocation, et son avenir si elle s’ unit. 3° Créer des instruments de coopération pour les différentes bra
171 car confrontés avec le Monde, tous les Européens se découvriront frères, et verront mieux leur vocation commune. ⁂ Solu
172 puis que la grande question de l’union européenne s’ est trouvée posée, au lendemain de la dernière guerre ? Parallèlement
173 istes, une série d’instituts d’études européennes se créent dès 194620. Ils nouent des liens entre eux dès 1950. On en com
174 tion d’un Centre européen de la culture. Celui-ci se fonde à Genève en l950. Nous y reviendrons. En 1949, un Congrès europ
175 drons. En 1949, un Congrès européen de la culture se réunit à Lausanne, et définit les tâches du Centre européen de la cul
176 ope et une Association européenne des enseignants se fondent en 1955 et en 1956… La Journée européenne des écoles propose
177 onné à la mesure des besoins ? Aurait-il réussi à s’ imposer à la conscience des Européens ? Hélas ! la somme totale des bu
178 ar suite, sans la vitalité de cette culture, elle se réduirait vite à ce qu’elle est sur la carte : 4 % des terres du glob
179 si les États et les mécènes virtuels du continent s’ obstinent à lui refuser même le centième de l’aide que lui accordent c
180 (mai 1948). Dès février 1949, un Bureau d’études s’ ouvrait à Genève, chargé d’élaborer le travail de l’institution projet
181 « Conférence européenne de la culture ». Celle-ci se réunit à Lausanne en décembre 1949, et formula le programme du CEC L’
182 x critères : l’urgence d’un problème culturel qui se pose à l’échelle européenne, et ses possibilités de solution pratique
183 trois principaux champs d’activité entre lesquels se répartissent les secrétariats du CEC : éducation, information, recher
184 populaires ou des groupes militants auxquels ils s’ adressent, permettent de multiplier les exposés documentés donnés dans
185 et des tensions fécondes de notre culture. Il ne s’ agit nullement de les uniformiser. Cependant, il est urgent de leur of
186 nt fédéraliste, de cet effort. Un autre parallèle s’ impose, entre la situation politique et la situation culturelle de l’E
187 es menées par ses nations « souveraines » loin de s’ additionner pour constituer une politique commune, se contredisent sou
188 dditionner pour constituer une politique commune, se contredisent souvent et ne convergent jamais, faute d’une institution
189 écessité de relations culturelles européennes qui se fait jour. Le besoin d’une coordination entre nos forces culturelles,
190 ec les autres traditions de culture, que si elles se présentent au nom de l’Europe entière, sûre de sa vocation, donc ouve
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
191 que entre Einstein et Freud (avril 1958)l Cela se passait en 1932, sur le seuil de ce quart de siècle qui allait voir l
192 sorte d’avidité et d’anxiété rétrospective. L’un se borne à poser des questions, dans un domaine où il n’en sait guère pl
193 plus pour longtemps — et le pacifisme d’Einstein se voit soumis à l’examen analytique d’un praticien courtois, mais dénué
194 sur le sentiment les lois de leur communauté. Il s’ agit donc de transférer le pouvoir à quelque « plus vaste unité ». Mai
195 t d’un autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’ étonner qu’Einstein l’ait adoptée sans la moindre exigence critique, l
196 versation, cédait facilement aux clichés quand il s’ exprimait en public. Dans son rôle de critique des clichés « pacifiste
197 déclaration signifiait qu’à la violence d’un seul s’ opposerait la violence née de l’union de ses victimes. Mais, comme en
198 posant à Roosevelt de fabriquer la bombe. Tout ne s’ est-il point passé comme si le calcul profond du daimôn qui habitait e
199 rait la guerre impossible ? En fait, la situation s’ est renversée. Ce n’est pas un super-État qui attend son arme, mais ce
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
200 alliance des États (xiiie au xixe siècle) On se figure, et l’on écrit souvent, qu’il a fallu quelque six siècles à la
201 s, et d’inexistence d’un pouvoir central. Et cela s’ est produit entre le 17 février et le 17 novembre 1848. Ce raccourci d
202 on. Il y a là un étrange anachronisme. Car ce qui se produisit ce jour-là, fut simplement la signature d’un pacte entre le
203 , — « considérant la malice des temps, et afin de se défendre et maintenir avec plus d’efficace », les trois coopératives
204 oopératives forestières prirent l’engagement de «  s’ assister mutuellement de toutes leurs forces, secours et bons offices…
205 rsonnes et en leurs biens ». Et ce pacte devait «  s’ il plaît à Dieu, durer à perpétuité ». De fait, il a duré jusqu’à nos
206 nos jours. Mais ses auteurs étaient bien loin de se douter qu’ils fondaient un État nouveau, lequel serait un jour, la Su
207 es en vigueur dans les communes lombardes, devait s’ élargir et se compliquer au cours des siècles par l’adhésion ou la con
208 dans les communes lombardes, devait s’élargir et se compliquer au cours des siècles par l’adhésion ou la conquête de comm
209 eur de guerres civiles ou étrangères incessantes, se poursuivit de la fin du xiiie siècle à la fin du xviiie siècle. Un
210 iode, le seul gage d’unité (relative) de ceux qui se désignaient comme les « Confédérés » (Eidgenossen, compagnons du serm
211 e à aucun autre État, soit par les événements qui s’ y sont succédé depuis des siècles, soit par sa situation géographique
212 tre d’un homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’une « organisation fédérative où chaque canton s
213 l’Italie et l’Allemagne. Le problème brûlant qui se posait aux Suisses, dans cette Europe où les campagnes de Napoléon ve
214 ques, religieuses, politiques et sociales. Ils ne se demandèrent pas : comment devenir une Nation ? mais bien : comment pa
215 ats (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ ils ne furent pas les seuls à poser ce problème, dans l’Europe du xixe
216 ) La crise ouverte par le Pacte de 1815 devait se prolonger, sans progrès appréciable, pendant trente-trois ans. Elle n
217 aire n’était pas moins chaotique. « Incapables de s’ entendre sur aucune mesure commune, les cantons multipliaient les mesu
218 e pas corriger des erreurs analogues. Les cantons se montraient incapables de pratiquer une politique commune à l’égard de
219 t industriel, misérable et inhumainement exploité s’ était formé dans les cantons urbains ; et dans les cantons ruraux, les
220 les cantons ruraux, les jeunes gens entreprenants s’ expatriaient ou s’engageaient dans les régiments du « service étranger
221 , les jeunes gens entreprenants s’expatriaient ou s’ engageaient dans les régiments du « service étranger », commandés par
222 ées libérales, qu’on nommait alors « radicales », se répandaient dans la bourgeoisie, et provoquèrent de nombreuses révolu
223 ient nourrir le mouvement de « Régénération » qui se prononça dès 1830. Influencée par l’action de nom­breuses sociétés pl
224 x qui affligent la patrie. » Ce « nouveau Pacte » se résumait essentiellement dans l’idée de créer un équilibre vivant ent
225 éputé (le grand savant A.-P. de Candolle) pouvait s’ écrier en 1832 au Parlement de Genève : « Que veulent les partisans du
226 alifiait de « chimère » l’idée d’une Union suisse s’ opposant aux seules réalités solides : le sentiment national et la sou
227 ils savaient que les grandes puissances voisines se tenaient prêtes à intervenir pour empêcher toute modification de régi
228 vait pas eu le temps d’intervenir. Les vainqueurs se montrèrent généreux : par souscription publique dans les cantons prot
229 par la Diète et comprenant un délégué par canton, se réunit pour la première fois le 17 février 1848. La majorité des comm
230 première réunion, ils décidèrent que leurs débats se tiendraient à huis clos, ceci surtout pour accélérer les travaux, évi
231 s — relatent ordinairement le contraire de ce qui s’ est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de 31 séance
232 un projet de 17 articles. Nombre de ces articles s’ inspiraient du projet de 1832, mais les plus importants furent le frui
233 tembre. Dans la plupart des cantons, le Parlement se prononça d’abord, puis le peuple. Les votes populaires eurent lieu pe
234 pendant le mois d’août. Le 4 septembre, la Diète se réunit une dernière fois pour prendre connaissance des résultats : 15
235 nstitution. Le 6 novembre, les nouvelles Chambres se réunirent à Berne (choisie comme « ville fédérale »). Le 16 novembre,
236 calculées par les adversaires de la fédération ne se produisit. Souple synthèse des autonomies locales ou cantonales d’une
237 cipales dispositions. Le législatif, par exemple, s’ y compose de deux chambres dont l’une représente le peuple, l’autre le
238 liques locales, et créa d’un seul coup l’État qui se nomme désormais la Suisse. Cet acte central, axial et décisif de l’hi
239 Suisses. Ce furent ces craintes, précisément, qui se révélèrent, dans le fait, « rêveries, chimères et utopies ». L’ascens
240 a sa physionomie propre, nul mélange dégradant ne se produisit, en dépit de la suppression instantanée des frontières écon
241 fallait trois jours à un député des Grisons pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’une matinée à un délégué grec
242 ’une matinée à un délégué grec ou scandinave pour se rendre à Paris ou à Bruxelles ? L’Europe actuelle est pratiquement pl
243 nde échelle, il faut relever qu’à son époque elle se produisit comme à contre-courant de l’Histoire. Déjà, le pacte de 129
244 e et de violence populaire. Une dernière remarque s’ impose. Elle concerne le sens du mot fédéralisme, qui est le mot-clé d
245 res. Leurs ennemis, catholiques et conservateurs, se disaient au contraire « fédéralistes », bien qu’ils fussent opposés à
246 n fédéral efficace. De nos jours encore, ceux qui s’ intitulent « fédéralistes », en Suisse, sont les adversaires de toute
247 extension du pouvoir central, tandis que ceux qui s’ intitulent « fédéralistes » au plan européen, sont les partisans d’une
248 Cette contradiction apparente et purement verbale s’ explique par la nature dialectique du fédéralisme, doctrine pratique d
249 éniste dans les années 1820-1930. Toute la Suisse se passionna pour la liberté grecque — fortement financée par le Genevoi
250 des citoyens ayant le droit de vote, 55 % à peine se dérangèrent pour accepter ou rejeter la Constitution ! 26. Ernest Ga
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
251 nt veut l’universel. Denis de Rougemont L’Europe s’ est définie dans le monde par son pouvoir d’aller au-delà d’elle-même,
252 vérifier sans peine, nous font voir que l’Europe se définit d’abord par sa fonction mondiale et non par ses limites. 1. C
253 isation effectivement mondiale. Certes, Alexandre se trompait, s’il a cru qu’il régnait sur le monde : il n’en connaissait
254 tivement mondiale. Certes, Alexandre se trompait, s’ il a cru qu’il régnait sur le monde : il n’en connaissait qu’un canton
255 ter les mandarins, le quart chinois de l’humanité se met à l’école de nos techniques, de notre hygiène et de notre alphabe
256 arlons pas ici d’une vocation de l’Europe ; il ne s’ agit que d’une nécessité, qui n’en dicte pas moins une politique mondi
257 é mal gré, pour la première fois dans l’Histoire. S’ il est vrai que le monde, irréductiblement, tend à devenir un organism
258 grand corps peut prétendre à pareille fonction ou s’ y trouve à ce point prédestinée. Du seul point de vue de l’économie de
259 servage chez les satellites. Seuls les États-Unis se proposent pour la relève, avec les moyens que l’on sait ; mais ils n’
260 vivre sur elle-même. L’Europe seule ne peut plus se payer une politique provincialiste. Elle se voit condamnée par l’hist
261 plus se payer une politique provincialiste. Elle se voit condamnée par l’histoire à reprendre son rôle d’animatrice des é
262 ntrant pas les moyens. L’Europe dans son ensemble se voit donc appelée par la conjoncture historique à rester ou à redeven
263 tant qu’unité de culture. Seuls les Européens qui se veulent avant tout champions de nations différentes, ayant appris par
264 différentes, ayant appris par cœur les raisons de se haïr dans leurs manuels d’histoire primaires et secondaires, s’imagin
265 eurs manuels d’histoire primaires et secondaires, s’ imaginent qu’on les voit différents, comme ils se voient eux-mêmes en
266 s’imaginent qu’on les voit différents, comme ils se voient eux-mêmes en restant nez à nez. Les Américains les confondent 
267 de nos pays ne peut donc bénéficier du crédit qui s’ attache à l’Europe tout entière, s’il se présente en tant que nation d
268 du crédit qui s’attache à l’Europe tout entière, s’ il se présente en tant que nation distincte. Et cela s’explique. Car l
269 rédit qui s’attache à l’Europe tout entière, s’il se présente en tant que nation distincte. Et cela s’explique. Car les va
270 se présente en tant que nation distincte. Et cela s’ explique. Car les valeurs européennes, aux yeux du monde, ne sont univ
271 le, répondent les nécessités internes de l’union. S’ il est vrai qu’aucun de nos pays ne peut prétendre à représenter valab
272 dets, explique seul que la politique de nos États se veuille encore absurdement « indépendante », en dépit des plus dures
273 s dures évidences, quand il est clair que vouloir s’ isoler dans une souveraineté vide de tout contenu économique ou politi
274 litiques et mondiales. Ces dernières finiront par s’ imposer, si toutefois l’histoire continue. Anticipons donc sur l’histo
275 méthode n’est pas seulement la plus opportune qui se présente : elle est le principe même de l’existence européenne, elle
276 tte tendance vers l’uniformité dont les victoires s’ appellent en politique l’État totalitaire, en art l’ennui, en biologie
277 ent d’animation mondiale des échanges, ne saurait se définir en termes jacobins de nation, de supernation, d’autarcie, ou
278 ’autarcie, ou d’hégémonie continentale. Nos États se définissent depuis des siècles par les frontières de leur domaine, au
279 tion. Cet incroyable amas de confusions et d’abus s’ explique par la mentalité paysanne et bourgeoise, cadastrale et chican
280 mesure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’une zone de libre-échang
281 t manqué si les Six, dès maintenant, tentaient de se suffire à eux-mêmes ou, pire encore, y parvenaient. Vouloir « réussir
282 nt à rater les Six et à agir contre l’Europe, qui se verrait rapetissée et non pas renforcée. En revanche, vouloir ou esco
283 nations », ou même « langues », selon les textes) se verront réunis en une famille, ils sauront bien, c’est dans leur sang
284 ssume, qu’elle fomente à plaisir comme pour mieux s’ éprouver et se mettre elle-même au défi de les intégrer, ses chances l
285 fomente à plaisir comme pour mieux s’éprouver et se mettre elle-même au défi de les intégrer, ses chances les plus sûres
286 attendu Valéry, une habitude de pensée pessimiste s’ est installée dans nos esprits. Non seulement nous avons appris que to
287 ivie nécessairement d’une décadence. Cette erreur s’ explique en partie par le fait que les auteurs que je viens de citer s
288 par le fait que les auteurs que je viens de citer se référaient tous au seul destin du monde gréco-romain, le mieux connu.
289 re diffusées de nos jours sur toute la terre ? Il s’ en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffi
290 des charges de notre civilisation ? Les USA ? Ils s’ européanisent en profondeur, plus rapidement que l’Europe ne s’américa
291 nt en profondeur, plus rapidement que l’Europe ne s’ américanise par quelques signes extérieurs. L’URSS ? Elle s’essouffle
292 ise par quelques signes extérieurs. L’URSS ? Elle s’ essouffle à rattraper les USA et n’apporte rien de bien neuf — beaucou
293 e ou défaite, nation par nation, faute d’avoir su se fédérer en temps utile, qu’y perdrait le monde ? Et je donne dès main
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
294 s de vie. Mais en même temps, le xxe siècle a vu se multiplier les prophètes de la décadence européenne : et ces prophète
295 es pouvoirs civilisateurs de l’Europe, au lieu de s’ émerveiller du fait que le génie européen rayonne sur le monde entier,
296 u Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’ assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitair
297 e, les dictatures prévues par Burckhardt et Sorel s’ instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne. Les natio
298 ustro-hongrois. Et bientôt cette Europe occupée à se déchirer à belles dents va se laisser arracher l’une après l’autre se
299 te Europe occupée à se déchirer à belles dents va se laisser arracher l’une après l’autre ses conquêtes coloniales et ses
300 dence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précédent de civilisations antiques aujourd’hui « di
301 s antiques ? Voilà qui n’est pas sûr du tout. Il se pourrait, en effet, que notre civilisation présente certains caractèr
302 le aurait été la première et la seule à franchir, s’ affranchissant ainsi des lois fatales, qui ont entraîné la ruine des a
303 qu’elle en a héritées, la civilisation européenne s’ est trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Ell
304 n’a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses inst
305 nelle, et le sens de la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il
306 la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’ impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elle
307 t en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement exclues, par les cul
308 tre part, le sens critique devrait nécessairement s’ aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de
309 r un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande, il joue, pendant que nous véri
310 e : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’ enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dir
311 stin sur la terre comme au ciel. De ce destin, il se croit ou se veut maître, pour une part tout au moins, grande ou infim
312 terre comme au ciel. De ce destin, il se croit ou se veut maître, pour une part tout au moins, grande ou infime, — cela se
313 une part tout au moins, grande ou infime, — cela se discute depuis que l’Europe existe ! — mais décisive quant au sens qu
314 et de travail. Ici encore, comparons avec ce qui se passe ou s’est passé ailleurs. Les cultures totalitaires subordonnent
315 il. Ici encore, comparons avec ce qui se passe ou s’ est passé ailleurs. Les cultures totalitaires subordonnent les loisirs
316 pirituels, juridiques, sociaux ou philosophiques, se combinent et permutent à doses variables dans notre idée de la libert
317 de, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’ il prend soudain un sens précis pour les meneurs nationalistes de ces
318 ’est un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’ il justifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme
319 ner la matière, mais à l’humanité tout entière de s’ unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, e
320 mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière
321 out entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Avant
322 t en expansion vers le monde, appellent le monde, s’ en nourrissent, et toutes préparent son unité après avoir exploré ses
323 nité fomentée par la culture européenne ne va pas se réaliser à nos dépens. C’est un fait que l’Europe a répandu sur toute
324 ple — et le retourne contre nous. Le monde entier s’ européanise dans ses apparences : usines, machines, hygiène, costumes,
325 umanité où les Européens, ayant créé « le monde » se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même
326 ent cru cela d’elles-mêmes, avant la nôtre. Elles se trompaient, tout simplement, mais cette erreur ne saurait plus être c
327 oins. Alexandre le Grand et les empereurs chinois s’ imaginèrent qu’ils dominaient le monde entier : c’était moins orgueill
328 ures. Et nous savons que ce mouvement d’imitation s’ opère à sens unique et n’est plus réversible. Mais comment expliquer c
329 e de la confluence des sources les plus diverses, se distinguait par là de toutes les autres, monolithiques et homogènes.
330 ques et homogènes. Voilà sans doute pourquoi elle s’ est trouvé la seule assez complexe et multiforme pour pouvoir sinon sa
331 echniques que de livres et de missionnaires. Elle s’ est laïcisée, profanisée, et détachée du christianisme qui a contribué
332 ondition de son « succès » le plus visible — elle s’ est rendue plus transportable, plus acceptable et imitable qu’aucune a
333 isateur. Maintenant que c’est fait ou en train de se faire, maintenant que voilà franchi le « seuil mondial », comment ima
334 n diffusée par l’Europe à tous les peuples puisse s’ éclipser ou disparaître, sans entraîner le genre humain dans son désas
335 re diffusées de nos jours sur toute la Terre ? II s’ en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffi
336 mme dans le cas de quelques centaines d’Espagnols s’ emparant de l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’agissait dans tou
337 mparant de l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’ agissait dans tous ces cas, de civilisations locales, entourées de « B
338 a substance même de l’Europe, et de nos jours ils s’ européanisent à nouveau, plus profondément que l’Europe ne s’américani
339 sent à nouveau, plus profondément que l’Europe ne s’ américanise par quelques signes extérieurs. Il y a surtout l’URSS, pen
340 enne et la philosophie des Lumières, au moment où se constituaient la sociologie et la technologie, l’industrie, les natio
341 péanisé la Russie. Et c’est l’URSS maintenant qui s’ est chargée d’aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins 
342 plus dangereux que la bêtise humaine en général, s’ il n’avait pour effet de détendre les ressorts créateurs du progrès do
343 s inventions qui les créent, auraient tôt fait de se mettre en grève, de débrayer, et de nous livrer sans défense aux fana
344 nées. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’ est vaccinée contre ces maladies. L’Europe a secrété Hitler, mais en d
345 douze ans, elle l’a éliminé, et je crois qu’elle s’ en trouve immunisée pour très longtemps contre la tentation totalitair
346 ulement de tambour, voilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’est pas chez nous, en Europe, mais en Chine, que c
347 s, en Europe, mais en Chine, que cette prédiction se réalise. Voici ce qu’écrit le quotidien de la jeunesse de Pékin, le 2
348 ie et de brigades, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèrent d’un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits
349 erche spirituelle, sans quoi la science elle-même s’ endort, et la technique tourne en routine, et toutes nos libertés mora
350 utine, et toutes nos libertés morales et civiques s’ enlisent dans l’euphorie d’un confort insipide, non plus libérateur d’
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
351 l’Occident, encore qu’elle n’ait jamais cessé de se proclamer essentiellement universelle. Il se peut que l’union de nos
352 é de se proclamer essentiellement universelle. Il se peut que l’union de nos Églises les renforce, devant le défi que port
353 la plus forte du monde par le nombre de ceux qui s’ y rattachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’il est vrai que le m
354 s’y rattachent, qui est de l’ordre d’un milliard. S’ il est vrai que le monde communiste enferme un nombre équivalent d’ind
355 ts et 3 millions de protestants baptistes, à quoi s’ ajoutent les luthériens des pays baltes et les Arméniens du Caucase).
356 chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’ agit, pour le christianisme, non de gagner le monde mais de sauver son
357 e monde mais de sauver son âme. Si tout homme qui se veut chrétien doit vouloir l’union des Églises, c’est pour des motifs
358 es fidèles, que les grandes divisions historiques se sont produites. Il n’est rien que je respecte au monde autant que l’i
359 s faut constater qu’en fait et avant tout, ce qui s’ oppose à la grande réunion, c’est paradoxalement l’exigence d’unité, c
360 s méfiante, et non de confiance évangélique. Car, s’ il est vrai que l’Évangile demande l’union, ce n’est jamais aux dépens
361 ux de l’Église d’en face. Beaucoup de catholiques se figurent que les protestants ne croient pas à la divinité du Christ,
362 l’Église catholique ignore la Bible, que sa piété se réduit au culte de la Vierge, sa morale au décompte des jours du Purg
363 , de ne communier qu’une fois l’an. Les positions se sont interchangées au milieu du xixe siècle. Mais déjà, chez les ort
364 des formules et définitions dogmatiques, si l’on s’ en tient aux attitudes existentielles, les fidèles de diverses Églises
365 le monde entier, puisse entrer au sanctuaire qui s’ offre au coin de la rue, et s’unir à l’Auteur de sa foi, ayant dit le
366 r au sanctuaire qui s’offre au coin de la rue, et s’ unir à l’Auteur de sa foi, ayant dit le credo commun, qui se comprend,
367 ’Auteur de sa foi, ayant dit le credo commun, qui se comprend, quand on le sait, dans toutes les langues. Combien d’hommes
368 — trouveraient-ils alors le courage d’entrer, de se mettre à genoux, puis ouvrant les yeux sur l’autel, reconnaîtraient q
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
369 force politique, il a pour résultante actuelle de s’ opposer, lui aussi, à l’Occident, en retardant ou sabotant l’union de
370 qui tend à l’éliminer dans la mesure où il tend à se normaliser. Plutôt donc que de retracer la chronique des triomphes et
371 ise guerrière ou révolutionnaire : — Notre peuple se distingue entre tous par une mission historique d’une portée universe
372 e militaire, esprit messianique, etc.) ; son bien se confond donc avec le bien de l’humanité, et ses ennemis sont ceux de
373 st sainte, et de plus elle est préventive, car il s’ agit de défendre contre les jaloux, les rétrogrades et les impurs, le
374 rselle du peuple ou Bien suprême ; Dieu lui-même, s’ il existe, ne peut être que notre allié, garant de notre justice ; sin
375 sur un seul point du globe. Les droits de l’homme s’ étendent sur la totalité des hommes. Une corporation qui se dit souver
376 t sur la totalité des hommes. Une corporation qui se dit souveraine, blesse grièvement l’humanité, elle est en pleine révo
377 ndiale dont le centre serait Paris : Un corps ne se fait pas la guerre à lui-même, et le genre humain vivra en paix, lors
378 de la France oublie un instant l’univers pour ne s’ occuper que de son pays ; je veux cette espèce d’égoïsme national sans
379 tutions proprement politiques… Les États modernes se sont ainsi formés ; — non, comme on a coutume de décrire dans la doct
380 e avec les colonies et les places de commerce qui s’ y sont ajoutées dans les autres parties du monde, forme encore un tout
381 des essais pour former de véritables Nations. Il s’ agit donc de pousser vivement ce processus, si l’on veut sortir de l’é
382 t inverse de celui du Marché commun [dont] Fichte se fait l’avocat : Toute la monnaie mondiale se trouvant dans les mains
383 hte se fait l’avocat : Toute la monnaie mondiale se trouvant dans les mains des citoyens, c’est-à-dire tout l’or et l’arg
384 s par des succédanés dans le pays, puisqu’il doit s’ en déshabituer entièrement, entraîné d’ailleurs activement à cela par
385 en tout pays leur ennui. Les voyages des premiers s’ effectuent pour le plus grand bien de l’humanité et de l’État ; loin d
386 tout ce qui est de la patrie, l’honneur national se développera très vite, à un degré élevé, ainsi qu’un caractère nation
387  : … Grâce à elle, mais à elle seule, les hommes s’ uniront de manière durable et ils le doivent, quand pour tout le reste
388 ur et nullement pour en asservir d’autres et pour s’ attribuer sur eux une prépondérance quelconque. De toutes les utopies
389 d’un plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera peu à peu, jusqu’à ce que le genre humain tout entier soit
390  » pense l’État-nation né de la Révolution et qui se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom de tous contre une
391 ternes : Hegel, conformément à l’esprit de Valmy, se représente la nation comme une croisade pour l’idée : « Ce ne sont pa
392 « un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint sa pleine vigueur (s
393 l’Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’ épanouit, atteint sa pleine vigueur (surtout en s’opposant, donc par l
394 s’épanouit, atteint sa pleine vigueur (surtout en s’ opposant, donc par la guerre), puis fatalement décline et meurt. Chaq
395 l tend à priver les hommes réels, comment va-t-il se comporter dans le monde. L’idéal primitif de la nation, confisqué par
396 étapes nécessaires d’une dialectique de l’Esprit, s’ est trouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne pouvait cont
397 s. Ils croient tous que nation égale liberté. Ils s’ inspirent tous du messianisme de la Révolution française : libérer sa
398 e, ne sera rien que la souveraineté de l’État qui s’ en prévaudra. Et l’anarchie des souverainetés divinisées, refusant tou
399 Suez dont aussitôt la politique des États, après s’ y être opposée, s’empare sans vergogne. Le grand élan libertaire des q
400 t la politique des États, après s’y être opposée, s’ empare sans vergogne. Le grand élan libertaire des quarante-huitards é
401 ds échoue dans les manuels d’écoles primaires, et s’ y dénature en nationalisme, culte laïque de l’État. Le mouvement Jeune
402 au service de l’idée fédéraliste, voit l’inverse se réaliser. Jamais les idéaux n’ont été mieux démentis par les faits, n
403 tendant, achève de la subjuguer par les armes, ne s’ est montrée à la fois moins humanitaire et moins unie. Tout se fait pa
404 e à la fois moins humanitaire et moins unie. Tout se fait par les États et dans leur cadre au profit de leurs intérêts imm
405 1848 intitulé « Silence de l’Europe » : L’Europe se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui n’a pas conquis sa libe
406 ul continues à combattre… Liberté, que ton regard s’ abaisse sur nous, Reconnais-nous ! Reconnais ton peuple ! Alors que d
407 r qui elle tombera, elle l’écrasera, et celui qui se heurtera contre elle, il tombera et ne se relèvera point. Et du grand
408 lui qui se heurtera contre elle, il tombera et ne se relèvera point. Et du grand édifice politique européen, il ne restera
409 ujourd’hui, l’Occident meurt de ses doctrines ! » s’ écriait le Polonais, désespérant pour sa patrie. Les Italiens, qui se
410 is, désespérant pour sa patrie. Les Italiens, qui se sentent au seuil de leur indépendance, prennent une vue beaucoup moin
411 e. On conçoit que pour ces pays, l’idée nationale se confonde avec l’idée de Liberté, et s’harmonise avec l’idée d’Europe
412 nationale se confonde avec l’idée de Liberté, et s’ harmonise avec l’idée d’Europe unie : une nation en devenir n’a pas en
413 ir à personne ? À la différence de l’Espagne, qui se replie sur son passé et dans son génie, de la Grande-Bretagne dont le
414 n génie, de la Grande-Bretagne dont les ambitions se déploient outre-mer et qui voit d’un bon œil les puissances du Contin
415 qui voit d’un bon œil les puissances du Continent se multiplier, « s’équilibrer », et en fait se neutraliser, la France de
416 œil les puissances du Continent se multiplier, «  s’ équilibrer », et en fait se neutraliser, la France de 48 se considère
417 inent se multiplier, « s’équilibrer », et en fait se neutraliser, la France de 48 se considère comme une nation qui vient
418 rer », et en fait se neutraliser, la France de 48 se considère comme une nation qui vient de renaître, dans une Europe rén
419 nationale. Cette généreuse et sincère volonté de se perdre dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne
420 sincère volonté de se perdre dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde, ne sera-t-elle pas nécessairement
421 e et Paris sont pléiades. Lois immenses. La Grèce s’ est transfigurée, et est devenue le monde chrétien ; la France se tran
422 rée, et est devenue le monde chrétien ; la France se transfigurera et deviendra le monde humain. La Révolution de France s
423 eviendra le monde humain. La Révolution de France s’ appellera l’évolution des peuples. Pourquoi ? Parce que la France le m
424 […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’ appellera point la France ; elle s’appellera l’Europe. Elle s’appeller
425 e Paris, et ne s’appellera point la France ; elle s’ appellera l’Europe. Elle s’appellera l’Europe au xxe siècle et, aux s
426 point la France ; elle s’appellera l’Europe. Elle s’ appellera l’Europe au xxe siècle et, aux siècles suivants, plus trans
427 siècles suivants, plus transfigurée encore, elle s’ appellera l’Humanité. L’Humanité, nation définitive, est dès à présent
428 la nationalité internationale des Suisses pourra se dissoudre dans la plus grande communauté européenne. Elle n’aura pas
429 e n’aura pas vécu en vain, ni sans gloire. Ainsi se réaliserait ce passage à l’Europe, cette « transfiguration » d’une vo
430 repose et d’où la première impulsion soit donnée… S’ il est vrai que c’est de l’Allemagne qu’est venue la division de l’Égl
431 autre, de recréer la communauté des nations et de se faire le précurseur d’un renouveau de tout le système européen… Faire
432 e à la Suisse fédéraliste de faire l’Europe et de s’ y fondre, accomplissant ainsi une vocation nationale, au meilleur sens
433 adversaires donc de « l’Europe », et cette revue s’ intitule Europa ! Par la plume d’Ivan Kirievsky, son principal rédacte
434 rice est capitale : Pour que l’unité de l’Europe se constitue organiquement et harmonieusement, il est nécessaire qu’il e
435 et de notre conscience nationale. Tirons l’épée, s’ il le faut, au nom des malheureux persécutés, quand bien même ce serai
436 ion de la Russie, à sa puissance et à sa vérité : se sacrifier pour ceux qui, en Europe, sont opprimés et abandonnés au no
437 primés par une fausse civilisation sont invités à se laisser éclairer et libérer par la sainte Russie, sous peine de « som
438 r leur fin, « vers laquelle il semble bien qu’ils s’ acheminent ». III. Les prophètes de la catastrophe Le grand hist
439 spirituelle, de description contrôlée de « ce qui s’ est vraiment passé », et par son refus de tout système dialectique per
440 ermains, la communauté des Européens n’a cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit
441 té des Européens n’a cessé de se développer et de s’ affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit de la papauté et de
442 avent pas pour qui sonne le glas. Car ces efforts se sont conjugués avec tant de tendances destructives, que si ces derniè
443 il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ; elle n’y force pas. Les États-Unis et l’Angleterre, l’Amériq
444 es sur la carte et que cette nation a le droit de s’ adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours, pour at
445 uts tenus chez les nations pour des qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, q
446 lement de tambours, voilà ce qui doit logiquement se produire… Il est clair que le monde va vers l’alternative suivante :
447 aibles de cœur, mais par des chefs militaires qui se donneront pour républicains. Mais personne mieux que Nietzsche, disc
448 ce qui chez nous n’occupe que quelques heures et se passe en quelques heures : pour les uns, il faut la moitié d’une anné
449 ent de réaliser en eux-mêmes l’Européen à venir ; s’ ils appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions su
450 ou aux heures de défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient d’eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des homm
451 ité d’un Marché commun de l’Europe : À tout cela s’ ajoute un grand fait économique : les petits États de l’Europe — j’ent
452 re qui surgit. Les peuples de l’Europe ne peuvent s’ unir que dans une seule idée : se faire la guerre. … Et il y a le slav
453 urope ne peuvent s’unir que dans une seule idée : se faire la guerre. … Et il y a le slavisme qui met son grain de sel là-
454 ment calmerez-vous ce panier rempli de crabes qui se pincent toute la sainte journée ? Malheureuse Europe ! Pourquoi lui c
455 a le sort de l’Europe. Pourquoi voulez-vous qu’il s’ améliore ? Que signifie ce vieux fond d’optimisme qui attend que les c
456 vieux fond d’optimisme qui attend que les choses s’ arrangent ? Il n’y a aucune raison pour cela. Des composés chimiques,
457 , qui sont séparément amorphes, provoquent le feu s’ ils sont amalgamés dans un récipient. L’Europe est un récipient rempli
458 ère, mais c’est le plus cher de tous », toutefois se bornant à grommeler : « L’Europe, ce cimetière… » ; Sorel qui marque
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
459 en Europe, sont à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le reste du monde. Comment expliquer ces deux attitudes n
460 r pouvoir constituer jamais une unité de culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les plus vulgaires (les A
461 pécifiques, différents de ceux du reste du monde, s’ explique par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du
462 , ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’ impose immédiatement et sans hésitation à l’esprit de ceux qui l’obser
463 e paradoxe (jusqu’au point où nous allons le voir se renverser). Ne serait-ce pas, précisément, la multiplicité de nos dif
464 ropéennes qui subsistent encore ou qui tentent de se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien distin
465 ui tentent de se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien distinctes. Dans certaines cultures, surto
466 roviennent ces fameuses diversités, et comment il se fait que l’Europe en ait tant, et même les multiplie comme à plaisir,
467 ersités caractéristiques de la culture européenne s’ expliquent historiquement par la pluralité des origines de notre civil
468 slave. Entre ces origines diverses, hétérogènes, se sont produits au cours des siècles autant de conflits non encore réso
469 à la déraison de la foi, le guerrier germain qui se sent libre quand il touche son épée, le Celte romantique et magique,
470 nt toute description définitive voyons maintenant se dégager une résultante unique, incontestable : le dynamisme européen.
471 entends les caractères par lesquels cette culture se distingue très évidemment soit des anciennes cultures sacrées, soit d
472 les qu’elle en a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses institutions,
473 nelle, et le sens de la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il
474 la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’ impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elle
475 t en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement exclues, par toutes
476 e sens critique, au nom d’un absolu de vérité qui s’ opposera plus tard au christianisme même, en tant que vérité révélée m
477 utre part, le sens critique devait nécessairement s’ aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de
478 r un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande, il joue, pendant que nous véri
479 re : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’ enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dir
480 destin sur la terre comme au ciel, destin dont il se croit ou se veut le maître, pour une part tout au moins — grande ou i
481 a terre comme au ciel, destin dont il se croit ou se veut le maître, pour une part tout au moins — grande ou infime —, cel
482 une part tout au moins — grande ou infime —, cela se discute depuis que l’Europe existe ! — mais décisive quant au sens qu
483 rituels, juridiques, subversifs ou philosophiques se combinent et permutent à doses variables dans notre idée de la libert
484 de, du Sud-Est asiatique ou de la Chine. Ou bien, s’ il prend soudain un sens précis, pour les meneurs nationalistes de ces
485 ’est un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’ il justifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme
486 si l’on en croit Toynbee, des défis auxquels elle se voit soumise ? S’il s’agit de défis extérieurs, je réponds non. Car l
487 oynbee, des défis auxquels elle se voit soumise ? S’ il s’agit de défis extérieurs, je réponds non. Car les invasions asiat
488 e, des défis auxquels elle se voit soumise ? S’il s’ agit de défis extérieurs, je réponds non. Car les invasions asiatiques
489 ner la matière, mais à l’humanité tout entière de s’ unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, e
490 mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière
491 out entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Avant
492 s le monde, qu’elles appellent le monde, qu’elles s’ en nourrissent, et que toutes, elles préparent son unité après avoir e
493 e tragique qui définit l’originalité de l’Europe, se voient soudain universalisées, et dans les apparences tout au moins,
494 manité où les Européens, ayant créé « le monde », se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même
495 r quelques observations et suggestions sur ce qui se passe d’étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la politique q
496 m de valeurs hostiles aux nôtres. Le monde entier s’ européanise dans ses apparences : usines, machines, costumes, voirie,
497 imité : empêcher les Français et les Allemands de se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe
498 a la foi nécessaire ? Beaucoup hésitent encore à s’ embarquer parce qu’ils doutent de l’avenir prochain de notre Europe, e
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
499 s un simple rassemblement d’hommes de culture qui se veulent à la fois libres et responsables devant eux-mêmes et devant l
500 rence à Berlin, il y a dix ans, ils décidèrent de se grouper afin de créer ainsi, en cas d’urgence et au service des liber
501 fficace. Mais aussi, ils éprouvèrent le besoin de se grouper pour dialoguer et réfléchir ensemble sur les immenses problèm
502 té perd un de ses points d’appui, et la dictature s’ avance aussitôt pour l’occuper. C’est ici qu’intervient la Culture, ou
503 ées et les actes, maintenir une tradition où l’on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à
504 ez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et d
505 e révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’est plus seulement transmi
506 s seulement transmission mais critique et rupture s’ il le faut ; qui n’est plus seulement tradition mais création, et qui
507 dangereux pour l’homme et pour sa liberté réelle, s’ ils restent séparés, isolés l’un de l’autre. En revanche, équilibrées
508 quées, la pensée et l’action en somme, cessent de se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, e
509 corps et de l’intellect (d’où la technique) dont s’ occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme vitale que l’Afrique a l
510 u’un jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles écrasants de la politiq
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
511 té perd un de ses points d’appui, et la dictature s’ avance aussitôt pour l’occuper. C’est ici qu’intervient la Culture, ou
512 ées et les actes, maintenir une tradition où l’on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à
513 ez soi. C’est donc d’abord permettre à l’homme de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et d
514 e révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui n’est plus seulement transmi
515 s seulement transmission mais critique et rupture s’ il le faut ; qui n’est plus seulement tradition mais création, et qui
516 dangereux pour l’homme et pour sa liberté réelle, s’ ils restent séparés, isolés l’un de l’autre. En revanche, équilibrées
517 quées, la pensée et l’action en somme, cessent de se ridiculiser mutuellement, comme c’est le cas dans trop de nos vies, e
518 corps et de l’intellect (d’où la technique) dont s’ occupe surtout l’Occident ; — celles de l’âme vitale que l’Afrique a l
519 tre Congrès, tel qu’il est devenu depuis dix ans, s’ élargissant progressivement aux dimensions du monde entier, est désorm
520 u’un jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues contre les tanks, symboles écrasants de la politiq
521 lle seule nous conduit à nos fins. Car la liberté se concrétise dans l’augmentation continuelle des possibilités, pour cha
522 s résultats d’un régime ou d’une institution, que se mesure en fin de compte le degré de liberté atteint par l’homme dans
523 w. Présenté par cette note : « Du 16 au 22 juin s’ est tenu à Berlin (Ouest), le 3e Congrès international pour la liberté
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
524 en Europe, sont à peu près les mêmes que ceux qui se posent dans le reste du monde. Comment expliquer ces deux attitudes n
525 r pouvoir constituer jamais une unité de culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les plus vulgaires (les A
526 pécifiques, différents de ceux du reste du monde, s’ explique par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du
527 , ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’ impose immédiatement et sans hésitation à l’esprit de ceux qui l’obser
528 e paradoxe, jusqu’au point où nous allons le voir se renverser. Ne serait-ce pas, précisément, la multiplicité de nos diff
529 L’Européen ne serait-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesure précise où il doute qu’il le
530 où il doute qu’il le soit et prétend au contraire s’ identifier soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’une seule
531 ropéennes qui subsistent encore ou qui tentent de se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien distin
532 ui tentent de se former de nos jours, nous voyons se dégager deux formules bien distinctes. Dans certaines cultures, surto
533 roviennent ces fameuses diversités, et comment il se fait que l’Europe en ait tant et même les multiplie comme à plaisir,
534 ersités caractéristiques de la culture européenne s’ expliquent historiquement par la pluralité des origines de notre civil
535 arabe. Entre ces origines diverses, hétérogènes, se sont produits au cours des siècles autant de conflits non encore réso
536 à la déraison de la foi, le guerrier germain qui se sent libre quand il touche son épée, le Celte romantique et magique —
537 t toute description définitive, voyons maintenant se dégager une résultante unique, incontestable : le dynamisme européen.
538 entends les caractères par lesquels cette culture se distingue très évidemment soit des anciennes cultures sacrées, soit d
539 les qu’elle en a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses institutions,
540 nelle, et le sens de la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il
541 la liberté. Ces trois vertus se conditionnent et s’ impliquent mutuellement en Europe. En revanche, il est évident qu’elle
542 t en Europe. En revanche, il est évident qu’elles se voient réprimées, débilitées, sinon radicalement exclues, par toutes
543 e sens critique, au nom d’un absolu de vérité qui s’ opposera plus tard au christianisme même en tant que vérité révélée, m
544 utre part, le sens critique devait nécessairement s’ aiguiser en Europe plus qu’ailleurs, du fait même de la coexistence de
545 perpétuelle session contradictoire. Ainsi peut-on s’ expliquer les motifs religieux et philosophiques d’un des caractères l
546 r un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plaide, il marchande, il joue, pendant que nous véri
547 re : le sens de la responsabilité personnelle. Il s’ enracine dans la notion chrétienne de la personne humaine, c’est-à-dir
548 destin sur la terre comme au ciel, destin dont il se croit ou se veut le maître, pour une part tout au moins, grande ou in
549 a terre comme au ciel, destin dont il se croit ou se veut le maître, pour une part tout au moins, grande ou infime — cela
550 r une part tout au moins, grande ou infime — cela se discute depuis que l’Europe existe — mais décisive pour le sens qu’il
551 rituels, juridiques, subversifs ou philosophiques se combinent et permutent à doses variables dans notre idée de la libert
552 ner la matière, mais à l’humanité tout entière de s’ unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, e
553 mais à l’humanité tout entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière
554 out entière de s’unifier ou de se détruire, ou de se transformer demain radicalement, et d’une manière imprévisible. Avant
555 on vers le monde, elles appellent le monde, elles s’ en nourrissent, et toutes, elles préparent son unité après avoir explo
556 gique qui définit l’originalité même de l’Europe, se voient soudain universalisées, et dans les apparences tout au moins,
557 éé « le monde » (au sens que je viens d’indiquer) se voient menacés d’être dépossédés de leurs pouvoirs par ce monde même
558 r quelques observations et suggestions sur ce qui se passe d’étrange et de démesuré devant nos yeux, et sur la politique q
559 m de valeurs hostiles aux nôtres. Le monde entier s’ européanise dans ses apparences : usines, machines, costumes, voirie,
560 imité : empêcher les Français et les Allemands de se battre. Ce premier but est parfaitement atteint. L’union de l’Europe
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
561 re européen de la culture, lors d’une réunion qui se tint dans la chambre même où était né Louis XIV, au Pavillon Henri IV
562 s, fondèrent ce jour-là le Club européen. Ce club se donna pour tâche principale l’élaboration d’un projet qui s’inspirait
563 ur tâche principale l’élaboration d’un projet qui s’ inspirait des considérations suivantes : Si l’Europe, simple cap de l’
564 us les autres peuples de la Terre ont adoptées ou s’ efforcent d’imiter. Les Européens ont raison d’être fiers d’une telle
565 xxe siècle né de leurs propres œuvres ? Quand il s’ agit de financer un projet culturel, un institut nouveau, des recherch
566 s de la vitalité d’une culture. Le Club européen se réunit encore à trois reprises, au cours de l’année suivante, pour di
567 ire devait permettre à la Fondation d’une part de s’ organiser et d’élaborer son programme, d’autre part de rassembler les
568 l des gouverneurs, durant cette première période, se basait sur l’idée saine en soi que les fonds viennent à qui sait entr
569 a mise à feu du 2e étage d’une fusée de l’espace, se séparant au moment voulu du premier moteur. La Fondation décida égale
570 rand nombre de sources. Le premier de ces congrès se tint à Amsterdam en 1957, le second à Milan en 1958 et le troisième à
571 a Fondation à l’occasion du congrès de Vienne, et se réuniront de nouveau lors du congrès de Copenhague, en 1960. La table
572 Fondation atteint ainsi, en 1960, le but qu’elle s’ était fixé au départ, ce succès se trouvera coïncider fort heureusemen
573 européennes, économiques et politiques, qui doit se réaliser d’ici la fin de l’année. z. Rougemont Denis de, « Une fus
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
574 temps (1961)aa ab I. Qui d’entre vous ne se souvient de cette première phrase du Tristan rendu naguère au grand p
575 n mythe, et qu’est-ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ces grands mots doit au public une justification de l’usage pe
576 tuelle, car celle-ci possède d’autres manières de s’ exprimer, plus directes et abstraites à la fois, comme la logique et l
577 que ou animale, car celle-là échappe au discours, s’ exprime en sensations, et peut-être traduite à la rigueur en formules
578 te à la rigueur en formules de biochimie. De quoi s’ agit-il donc ici ? Entre le corps et l’intellect, la tradition disting
579 au sens précis et véritablement traditionnel, qui se retrouve dans certains dérivés comme animé, animation, ou même animos
580 sse les lois et routines de l’instinct, et qui va se heurter aux conventions sociales. Ainsi, l’amour-passion est cette fo
581 i, l’amour-passion est cette forme de l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des rythmes trop prévus de la sexu
582 e « courante », par la réalité des caractères qui se heurtent à propos de rien, et des tempéraments qui s’accordèrent un j
583 eurtent à propos de rien, et des tempéraments qui s’ accordèrent un jour, dans l’instant du premier regard, mais que le tem
584 ours irréductible à l’image idéale que la passion s’ en fait. Cette image, étant idéale, doit demeurer toujours fuyante, in
585 ré. « Ce n’est pas amour, qui tourne à réalité », s’ écrie un troubadour tardif, contemporain de nos légendes tristaniennes
586 hant du mariage, c’est-à-dire de l’amour-réalité, se rattachent deux grandes traditions de la culture occidentale : le rom
587 gende primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’ il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme
588 fonction émotive, dans l’homme contemporain, qui s’ épuise et qui s’atrophie, entre le corps et l’intellect seuls cultivés
589 e, dans l’homme contemporain, qui s’épuise et qui s’ atrophie, entre le corps et l’intellect seuls cultivés par notre civil
590 aturels ou sacrés, coutumiers ou légaux ; qu’elle s’ en nourrit et même les invente au besoin. Sans les obstacles accumulés
591 e mythe. On ne saurait imaginer le grand roi Marc s’ inclinant devant les « droits divins de la passion » qu’inventera bien
592 celle-ci par ses refus intransigeants, il prétend se fonder sur l’amour-sentiment, succédané édulcoré, achevant ainsi de d
593 même temps que ses propres fondements. La passion se fait rare de nos jours, s’il faut en croire nos romanciers. Ils saven
594 fondements. La passion se fait rare de nos jours, s’ il faut en croire nos romanciers. Ils savent bien que le roman véritab
595 t mourir. Je vous dis que je n’en crois rien. Car s’ il est vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notr
596 n’en crois rien. Car s’il est vrai que la passion se nourrit d’obstacles choisis, et que notre culture tend à les supprime
597 le est dans la mort, et toutes nos sciences, ici, se récusent et se taisent. Or c’est ici que la passion mythique va se dr
598 mort, et toutes nos sciences, ici, se récusent et se taisent. Or c’est ici que la passion mythique va se dresser dans sa p
599 taisent. Or c’est ici que la passion mythique va se dresser dans sa pleine stature. En buvant le breuvage magique, les am
600 onde, mais ils ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’ adresse à la part immortelle que lui seul pourra deviner — ou susciter
601 de la légende qu’il a su recréer d’après nature, s’ inspirant de Gottfried de Strasbourg, inspiré lui-même des Bretons, de
602 capitale du drame de la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’
603 st le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’ élance, reliant un sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée
604 met au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’une beau
605 figure la conclusion du mythe de Tristan : ce qui se passe trois jours après la mort d’amour. Iseut n’évoque-t-elle point
606 La tradition chrétienne de l’amour du prochain ne s’ en trouverait-elle pas éclairée, à son tour ? Aimer le prochain « comm
607 ividu et le vrai moi, sans laquelle on ne saurait s’ aimer soi-même, puisqu’« il faut être deux pour aimer », comme dit la
608 el était le dessein des deux orateurs, l’Académie s’ avisa de compléter ces exposés de deux philologues sur la grande œuvre
609 ages. M. Robert Guiette, directeur de l’Académie, se proposait d’introduire l’auteur de L’Amour et l’Occident . Celui-ci,
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
610 visible. Comment veut-on qu’un étranger le voit ? S’ il vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’il connaît par sa réput
611 livre entier : imaginons du moins son argument. ⁂ S’ il me fallait décrire la Suisse en une seule phrase, comme il arrive q
612 ux confessions majeures et trente-six sectes, qui se côtoient partout mais qui s’ignorent ; je ne sais combien de races, d
613 ente-six sectes, qui se côtoient partout mais qui s’ ignorent ; je ne sais combien de races, de classes et de dialectes, ja
614 quand on traverse le tunnel de Chexbres : la vue se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénans, collines où mo
615 ontent les sapins en bataillons noirs et pensifs, s’ arrêtant au sommet d’un seul coup, — et s’ouvre à l’autre bout dans l’
616 ensifs, s’arrêtant au sommet d’un seul coup, — et s’ ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’un ciel méridional que doubl
617 , et sociétés. Mais petits groupes de gens qui ne se connaissent que trop, et sociétés solides si leur but est restreint.
618 quences dans le domaine de la vie publique : tout se ligue instantanément contre celui qui ferait mine de dépasser la mesu
619 de talent, d’ambition, de génie ? Il ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter de se rendre utile, ou courir loin de
620 ne peut que se cacher dans son coin, ou tenter de se rendre utile, ou courir loin de la Suisse son aventure. Les acheteurs
621 de gens moyens, oui. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors pas de milieu, ils atteignent à l’univ
622 Viège, entre les hautes parois de sa prison. Mais s’ il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition
623 r. Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’ appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Bur
624 t la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’ appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre d
625 Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’ appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton —
626 ’est pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’ illustrèrent et apprirent à voir grand ; c’est au contraire en quittan
627 e ici que le thème : un ou deux exceptés (et cela se discuterait) ils furent tous, à des titres divers, des hommes utiles,
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
628 création comme à celui des effets extérieurs, et s’ inter-déterminent de la manière la mieux vérifiable. Le sujet de mes r
629 chniques adoptées par le monde entier, l’Occident se met à douter de son bon droit, et à diviser ses forces en deux camps 
630 culture générale aux exigences techniques et qui se nomment les progressistes ; d’autre part, ceux qui défendent nos trad
631 qui défendent nos traditions humanistes, ceux qui s’ opposent de toutes leurs forces instinctives à la technique, et qu’on
632 la technique résulte de la culture occidentale et s’ en nourrit, et à quel point cette culture occidentale peut à son tour
633 chnique ne saurait faire de vrais progrès si elle se coupe de la culture. Je pense donc que l’opposition entre la culture
634 ur la culture, au sens occidental du terme. L’une se nourrit de l’autre et l’une sans l’autre serait condamnée à dépérir e
635 C’est évident. Mais il ne faut pas oublier qu’ils se nourrissent en retour de la culture : nos lectures, les tableaux que
636 ie par la machine. Et tous nos grands penseurs de se lamenter sur le déclin des valeurs spirituelles, et sur la mise en es
637 , c’est l’homme. C’est lui qui a fait la bombe et se prépare à l’employer. Le contrôle de la bombe est une absurdité. On n
638 our la retenir ! C’est comme si tout d’un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chi
639 tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoi
640 vant d’un mécanisme mort ». Mais déjà nous voyons s’ approcher la fin de cette ère primitive, inhumaine et cruelle, de la t
641 L’utopie de « l’usine sans ouvriers » commence à se réaliser en Occident. Et l’on s’aperçoit que l’automatisme des machin
642 ers » commence à se réaliser en Occident. Et l’on s’ aperçoit que l’automatisme des machines, qui semblait inhumain tant qu
643 ux-mille heures par an aux États-Unis. Ce chiffre se verra fatalement augmenté à mesure que se développera l’automation. I
644 chiffre se verra fatalement augmenté à mesure que se développera l’automation. Imaginons donc notre humanité occidentale p
645 tout nouveaux, et privée du même coup du droit de se plaindre qu’elle n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous ne
646 droit de se plaindre qu’elle n’a pas le temps de se cultiver ! Bien sûr, nous ne confondrons pas le simple loisir et la c
647 a culture. La culture ne consiste pas seulement à se cultiver, à lire des livres, à écouter des disques, mais d’abord à éc
648 uelle est assise notre puissance technique ; elle se nomme culture générale. Les plus grands inventeurs de tous les temps
649 er théoriquement la culture et la technique comme s’ il s’agissait de deux entités indépendantes et au surplus rivales. No
650 éoriquement la culture et la technique comme s’il s’ agissait de deux entités indépendantes et au surplus rivales. Nous av
651 t communes, qu’elles jaillissent du même fonds et s’ alimentent aux mêmes nappes profondes de la psyché, à la fois fabulatr
652 fets, au stade présent de leur évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire sont au contraire en relation de promotio
653 de leur évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire sont au contraire en relation de promotion réciproque. La techn
654 « supplément d’âme » pour notre société technique se voit doté, grâce aux paperbacks, d’un supplément posthume de 200 000
655 été a besoin d’innombrables techniciens, et qu’il s’ agit de les former d’urgence aux dépens des humanités et de la culture
656 mpasses, à la stagnation, ou à des monstruosités. S’ il nous faut davantage de techniciens et de chercheurs scientifiques,
657 ndant le temps de la scolarité : car le métier ne s’ apprend qu’en dehors des études. Cherchons d’abord à concevoir les gra
658 t de notre action. L’avenir de l’Occident ne peut se lire seulement dans les indices de production, mais dans ce que je vo
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
659 , le cheveu noir et dru, en bras de chemise, vint s’ asseoir à côté de moi sur le tapis. Il arrivait tout droit de la rédac
660 conforme à ma théologie. » Et l’on sentait qu’il s’ agissait en lui non pas d’une objection logique ou de doctrine, mais d
661 quotidienne mal ordonnée, et les besognes dont il s’ acquittait pour s’en tirer ne l’atteignaient pas, quoique l’empêchant,
662 donnée, et les besognes dont il s’acquittait pour s’ en tirer ne l’atteignaient pas, quoique l’empêchant, hélas ! d’écrire
663 r venu. Il protégeait en lui le grand poète qu’il se sentait devenir dans « le temps saugrenu » de la vie brève, et qu’il
24 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
664 ise sa part d’héritage, vend ses bénéfices, et ne s’ occupe plus que de religion. Il prêche. Il doit s’enfuir à Nérac auprè
665 s’occupe plus que de religion. Il prêche. Il doit s’ enfuir à Nérac auprès de la reine de Navarre, puis à Bâle, où il écrit
666 Église. Chassé par les magistrats en 1538, Calvin s’ en va à Strasbourg, où il se marie. Rappelé à Genève en 1540, il y res
667 trats en 1538, Calvin s’en va à Strasbourg, où il se marie. Rappelé à Genève en 1540, il y reste jusqu’à sa mort, qui surv
668 anifeste39 que « l’écrivain, dans la mesure où il s’ occupe des vicissitudes de l’époque et tente de s’y mêler — de les dir
669 s’occupe des vicissitudes de l’époque et tente de s’ y mêler — de les diriger, pourquoi pas ? — ne fait pas précisément œuv
670 s par « la littérature » dans les milieux où elle se crée et se cultive pour elle-même, se définit précisément comme quelq
671 littérature » dans les milieux où elle se crée et se cultive pour elle-même, se définit précisément comme quelque chose où
672 eux où elle se crée et se cultive pour elle-même, se définit précisément comme quelque chose où Calvin ne trouverait pas s
673 d’engagement, — dont il semble qu’on ait abusé — s’ origine sans nul doute chez Calvin et n’a jamais encore égalé son modè
674 eux qui avaient quelque désir de la pure doctrine se rangeaient à moi pour apprendre, combien que je ne fisse que commence
675 chette et moyen de me retirer des gens. Mais tant s’ en faut que je vinsse à bout de mon désir, qu’au contraire toutes retr
676 e et fait venir en jeu, comme on dit. L’aventure se noue en 1535, année cruciale où, tandis que paraissent trois grandes
677 se des « saints martyrs », de peur, dit-il, qu’en se taisant il ne se montre lâche et déloyal. C’est ainsi qu’il rédige en
678 artyrs », de peur, dit-il, qu’en se taisant il ne se montre lâche et déloyal. C’est ainsi qu’il rédige en latin, de mars à
679 formes. Bientôt, une sédition le chasse. Peut-il se croire « en liberté et quitte de sa vocation » ? Déjà Bucer exige sa
680 il met en vers pour être mieux chantée. Trois ans s’ écoulent et sa pensée mûrit, mais voilà Genève qui le rappelle. « Cont
681 pirituel — parlant dans une ville assiégée, qu’il s’ agisse de Genève où l’on veille aux remparts de l’Église harassée par
682 ble de l’homme en butte aux attaques du monde. Il s’ agit de « presser » l’auditoire, de l’instruire « à salut », de le bie
683 uple et les princes. Langage enfin d’un homme qui se sait écouté non seulement par les Genevois mais par toute une élite e
684 plus que Marx, et encore. Un empire international se réclame de son œuvre, ou au moins de son nom : mais est-il justifié à
685 et l’aire des dictatures totalitaires : elles ne se recouvrent nulle part. Enfin, loin d’avoir instauré la théocratie à G
25 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
686 lettres et les arts prospèrent, les intellectuels s’ humanisent, les grands noms deviennent des prénoms, les titres doivent
687 mystérieuse que la Constitution anglaise, elle ne s’ explique pas, on la sent. Ses exigences sont aggravées par une dose co
688 es tolérances. On ne sait jamais, mais si l’on ne s’ inquiète pas de trop savoir, on est admis, on est heureux. Contraireme
689 est admis, on est heureux. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui dans d’autres cours royales embourgeoisées, les pet
690 arfois les « mauvaises » sont pardonnées si elles s’ affirment dans un grand style tumultueux à la mongole, à l’espagnole o
26 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
691 culture et l’union de l’Europe (avril 1962)ai S’ il est question d’intégration européenne et qu’on lui parle de culture
692 ophe, a d’abord un réflexe de doute. L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’est-elle pas avant tout l’Europe éc
693 nsable (et au surplus n’aurait jamais vu le jour) s’ il ne s’inscrivait pas dans une longue tradition culturelle européenne
694 et au surplus n’aurait jamais vu le jour) s’il ne s’ inscrivait pas dans une longue tradition culturelle européenne ; 3° qu
695 pe unitaire ; 4° que le fédéralisme et la culture s’ appellent et se conditionnent réciproquement ; 5° enfin, que l’Europe,
696 ° que le fédéralisme et la culture s’appellent et se conditionnent réciproquement ; 5° enfin, que l’Europe, sans sa cultur
697 ites sociales de notre continent : il suffit pour s’ en assurer de comparer nos budgets de la culture avec ceux de l’URSS e
698 le des quelque 40 000 fondations américaines, qui se chiffre en milliards de dollars, avec celle des quelque 300 fondation
699 ations culturelles existant dans nos pays, qui ne se chiffre qu’en millions de francs, marks ou florins. Mais quelle que s
700 soit sa popularité, cette courte vue matérialiste se révèle au premier examen non seulement fausse en soi mais particulièr
701 par le carré de la vitesse de la lumière, et cela s’ écrit : E = mc2 En désignant l’Europe par E, la petite masse physique
702 vingtaine d’États tous trop petits désormais pour se suffire. Tel étant le problème véritable, on voit qu’il est bien moin
703 ces traditionnelles de peuple à peuple, etc.) qui s’ oppose à l’union nécessaire, admise et réclamée par tous les bons écon
704 dans les faits. C’est donc dans les esprits qu’il s’ agit de le combattre. Et ceci n’est pas une question de technique ou d
705 volant ; les uns et les autres ont tort quand ils se prétendent suffisants, à eux seuls. Leur dialogue est vital pour l’av
706 ologies, d’ambitions. Mais lorsque ces diversités s’ absolutisent, se ferment sur elles-mêmes, et deviennent en fait divisi
707 ions. Mais lorsque ces diversités s’absolutisent, se ferment sur elles-mêmes, et deviennent en fait divisions, le corps eu
708 t deviennent en fait divisions, le corps européen se déchire et s’étiole : c’est ce qui s’est produit par deux fois dans l
709 n fait divisions, le corps européen se déchire et s’ étiole : c’est ce qui s’est produit par deux fois dans la génération à
710 ps européen se déchire et s’étiole : c’est ce qui s’ est produit par deux fois dans la génération à laquelle j’appartiens,
711 double : réduire les préjugés nationalistes, qui s’ opposent à toute forme d’union ; et proposer un modèle efficace d’unio
712 e efficace d’union spécifiquement européenne, qui s’ appelle le fédéralisme. Double mission européenne de la culture
713 é du xixe et première moitié du xxe siècle — en s’ appuyant sur la diversité de nos langues. La première tâche sera donc
714 ancienne que notre présent découpage en États qui se disent « souverains » mais qui seraient bien en peine de le prouver ;
715 le secret de son dynamisme incomparable. Et cela se traduit dans le domaine de la recherche, par la double exigence de la
716 nationales. Au terme de l’intégration européenne, s’ il ne devait y avoir que dividendes, bombes atomiques, autos et frigid
717 ires, les forces culturelles auraient le droit de s’ occuper dès maintenant d’autre chose. Mais sans l’action éducatrice de
718 vons. En admettant qu’une armature d’institutions s’ impose tout de même à nos peuples passifs, si les forces de culture ne
719 culture et de son « utilité ». On verra qu’elles s’ opposent diamétralement. Si les croyances populaires ont raison, le pe
27 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
720 e parle beaucoup des mouvements de résistance qui se développèrent en Suisse pendant la crise de mai à août 1940. Il insis
721 e, telle que j’ai pu la voir de près, à Berne. Il s’ agit de notes tirées de mon journal privé, néces­sairement trop person
722 tourné pour une semaine, que des hommes décidés à se battre, gonflés à bloc. Voici le film des semaines qui suivirent, d’a
723 une idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’ il était ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien
724 mais allez vite ! Vertige de sentir une idée qui s’ incarne, qui « prend corps ». Samedi 15 juin 1940 À 11 heures, l’ordon
725 l’horizon, la barrière sombre du Jura, et au-delà se passe la guerre. Derrière la maison, des prairies montent jusqu’aux l
726 . Pas d’autre bruit. Me suis recouché pensant que s’ il se passait quelque chose, je serais alerté par téléphone. Peu dormi
727 d’autre bruit. Me suis recouché pensant que s’il se passait quelque chose, je serais alerté par téléphone. Peu dormi, et
728 sais plus — en première page, à côté d’un appel à se taire lancé par le gouvernement vaudois ! (« Qui ne sait se taire, nu
729 ancé par le gouvernement vaudois ! (« Qui ne sait se taire, nuit à son pays ! ») Je le relis rapidement dans l’escalier :
730  : il me paraît un peu sentimental, je me demande s’ il est bien à la mesure du tragique dans lequel nous baignons… L’ai fa
731 pantes au bureau, surtout. Notre projet du 6 juin se précise. Ph. Mottu est en train de convoquer pour le 22 juin les dix
732 officier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’ est passé dans la nuit de samedi. C’était sérieux. Attaques de saboteu
733 ak. Précédé du chapeau suivant : « Nos lecteurs se souviennent sans doute de l’étude du journaliste anglo-suisse Jon Kim
28 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
734 choses précises à faire. 20 juin 1940 Mon colonel se présente à la porte de notre petite maison du Gurten. Je prends la po
735 rté d’expression, n’est-ce point perdre, avant de se battre, l’une des raisons que l’on aurait de se battre, l’une des mar
736 e se battre, l’une des raisons que l’on aurait de se battre, l’une des marques de cette indépendance que l’armée est charg
737 il est parfois indiqué de céder du terrain : cela s’ appelle une retraite stratégique. On peut me dire qu’il est aussi des
738 rtuns) pour défendre l’indépendance du pays. Cela se discute, mais j’ai pris mon parti, tout comme le général de Gaulle, à
739 symbole autour duquel tous les Confédérés peuvent s’ unir dans leurs diversités… Nous n’avons qu’un seul but : maintenir la
740 , il a parlé de notre « soulagement » ! Cela peut s’ entendre de diverses manières, mais l’une est atroce. Je veux, croire
741 nt menacé. Pas un n’aurait la moindre chance de «  s’ arranger » avec l’occupant hitlérien. Pour les intérêts matériels, c’e
742 seil fédéral. Ils ont mission de lui déclarer que s’ il cède aux exigences des nazis, tout est prêt pour le renverser, des
743 e démarche dans les archives fédérales. On devait s’ y attendre. Et personne n’ébruita la chose à l’époque. On comprend don
744 oyait, il devait nous faire arrêter sur-le-champ. S’ il ne nous croyait pas, notre démarche était ratée, et au surplus couv
745 ui reçut cette délégation comprit très bien qu’il s’ agissait pour nous d’appuyer les durs et de faire peur aux mous. Le Co
746 uleaux enregistrant vos conversations ! » 41. Il s’ agit de M. Auguste Lindt, aujourd’hui ambassadeur de Suisse à Washingt
747 qui lui vaut d’être mis aux arrêts (“Qui ne sait se taire nuit à son pays”). Le moral des Suisses va-t-il flancher devant
29 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
748 De tout temps, à l’appel du danger, nos ancêtres se sont levés. C’est notre tour. 25 juillet 1940 Hier a eu lieu le rapp
749 fait boucler. » Le lieutenant remonte, la voiture s’ éloigne. Demain, je suis convoqué au Palais fédéral. Est-ce vraiment p
750 s. Pour la Suisse, cet été-là, le péril militaire s’ éloignait. Le Gothard était devenu plus qu’un symbole. Centre du Rédui
751 us qu’un symbole. Centre du Réduit national 42 il se dressait vraiment comme ce bastion de l’Europe libre dont nous avions
752 elques mois il deviendrait une réalité. L’opinion s’ était ressaisie. La Ligue du Gothard, fondée sur l’idée simple d’organ
753 , voyait ainsi son premier objectif atteint. Elle s’ orientait vers un programme plus vaste d’entraide sociale et de rénova
754 pourtant valable dans le détail des problèmes qui se posaient à la Ligue, assassinats et tortures en moins. Les mêmes peuv
755 rmée suisse parce qu’elle n’eut pas l’occasion de se battre. Pourtant elle l’aurait eue, probablement, si les Allemands av
756 nement passé à la pratique si le moral du pays ne s’ était pas ressaisi. Le seul fait qu’à ce redressement la Ligue ait con
757 détail, c’est-à-dire dans le concret, les choses se sont passées différemment, sur plusieurs points que je relèverai main
758 lèverai maintenant. 1. La « ligue des officiers » s’ est bien constituée aux dates qu’indique M. Kimche (seconde quinzaine
759 e leur seule faute fut « d’agir en secret ». Mais s’ ils avaient agi « ouvertement », le Conseil fédéral eût exigé sur l’he
760 irent simultanément, et il est certain qu’elles «  s’ imbriquaient étroitement », on l’a vu par mes notes. Mais Kimche comme
761 sponsables de ce dernier Mouvement, il ne saurait s’ agir que d’une organisation civile qui apparut durant l’automne de 194
762 épart pour les États-Unis », d’autre part qu’elle se forma « contre la Ligue du Gothard ». « Le Gothardbund, c’était du ro
763 ational. Elle empêche en particulier M. Kimche de se poser la question suivante : peut-on voir une « simple » coïncidence
764 cette question dans un prochain article. 42. On se rappelle, en Suisse, que le 25 juillet, le général Guisan convoqua to
765 laises et que la volonté de résistance paraissait s’ émousser chez certains de nos compatriotes impressionnés par l’ampleur
30 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
766 l’union. Si l’on relit la presse de l’époque, on s’ aperçoit que presque tous ces phénomènes avaient été prévus par des es
767 ue jugés impossibles par les experts, mais qu’ils se sont produits beaucoup plus vite et avec plus d’intensité que personn
768 alisées » et finalement la guerre. Tout pronostic s’ arrête là. Ou bien l’union européenne s’élargit et se consolide. Le pr
769 pronostic s’arrête là. Ou bien l’union européenne s’ élargit et se consolide. Le pronostic se confond désormais avec les vœ
770 rrête là. Ou bien l’union européenne s’élargit et se consolide. Le pronostic se confond désormais avec les vœux, les buts,
771 uropéenne s’élargit et se consolide. Le pronostic se confond désormais avec les vœux, les buts, la volonté de ceux qui lut
772 é de ceux qui luttent pour cette union. Car il ne s’ agit pas — je le dis une fois de plus — de deviner l’histoire qui vien
773 ulturelle plusieurs fois supérieure à tout ce qui se passe dans le reste du monde. L’Europe anime les échanges intercontin
774 vec les responsables des autres continents. (Cela s’ opère sur la base d’un Dialogue des cultures, organisé notamment par u
775 ourgeois (xixe siècle) que les petits pays neufs s’ efforçaient encore de copier dans les années 1950 à 1970. Le succès du
776 s de l’interdépendance. La civilisation technique s’ humanise — c’est un mot d’ordre ancien, mais qui a fini par devenir po
777 st devenu le luxe suprême : peu sont en mesure de se le payer en allant vivre dans les régions vertes aménagées en France,
778 nique, désormais universalisée, a compris qu’elle se doit d’inventer les moyens d’humaniser l’usage des ressources matérie
779 ’industrie permettant au phototropisme naturel de se manifester librement : boom sur les rives de la Méditerranée, abandon
780 ndiale. Le mythe des deux grands a disparu, on ne s’ en souvient guère davantage que de la Triplice et de la Triple Entente
781 du monde arabe et de l’Afrique noire, l’Occident se regroupe autour de l’Europe unie, de San Francisco à Vladivostok (rés
782 et culturels). En Europe, deux grandes tendances s’ affrontent, en lieu et place de la droite et de la gauche anciennes :
783 listes européens, néo-socialistes et néo-libéraux s’ opposent au sujet des problèmes d’aménagement du territoire européen,
784 une part, l’individu est plus que jamais tenté de se « laisser vivre », c’est-à-dire de se laisser « être-vécu » par les d
785 is tenté de se « laisser vivre », c’est-à-dire de se laisser « être-vécu » par les divertissements (au sens pascalien) que
786 ouvertes. Il est donc probable que la différence s’ accentue entre une majorité passive et moutonnière, et une minorité ac
787 es établissements de formation interdisciplinaire se sont multipliés. Ils se distinguent par une insistance simultanée sur
788 mation interdisciplinaire se sont multipliés. Ils se distinguent par une insistance simultanée sur la culture générale pou
789 e. J’écris ceci pour amuser les lecteurs de 1980, s’ ils retrouvent par hasard mon petit essai ; et pour que certains, aujo
790 Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 1946, il s’ engagea dans le mouvement pour une fédération européenne et il organis
31 1962, Articles divers (1957-1962). La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
791 rez pas deux dont les plans soient superposables. S’ ils se ressemblent, c’est par leur complication, ou par leur manière d
792 s deux dont les plans soient superposables. S’ils se ressemblent, c’est par leur complication, ou par leur manière d’être
793 aient décidé d’en rester là. En Asie, les maisons s’ assemblent en essaims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans
794 s s’assemblent en essaims. En Afrique, les huttes se groupent en rond dans les clairières, ou s’égrènent le long de la ber
795 uttes se groupent en rond dans les clairières, ou s’ égrènent le long de la berge d’un fleuve. L’Europe seule présente un r
796 ne d’une place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autour de la place, vous trouvez, l’égli
797 écident de la composition des conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome républicain
798 rants lointains : c’est cette vie de la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, caractéristiques de l
799 s partis de l’opinion, et l’opposition notamment, se manifestent par la presse, dans l’ère moderne de l’Europe ; et la pre
800 te place digne du nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord, s’écrit bien souvent et se lit. C’est dans les cafés d
801 nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord, s’ écrit bien souvent et se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se
802 qu’elle se parle d’abord, s’écrit bien souvent et se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se réunissent les réfugiés
803 t et se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se réunissent les réfugiés huguenots qui créeront les fameuses gazettes
804 française. C’est dans les tavernes anglaises que se lisent à haute voix les éditoriaux du journal que Daniel Defoe rédige
805 vement de restauration des compétences communales se prononce chaque année plus nettement. Au plan européen, le Conseil de