1 1957, Articles divers (1957-1962). La voie et l’aventure (janvier 1957)
1 ontraster les contenus de ces termes sera l’objet des essais de mise au point qui suivent. Certains penseront qu’il est dan
2 s préjugés, et de forcer, par esprit de symétrie, des antithèses qu’une sagesse supérieure saurait conduire à la synthèse.
3 forcer, par esprit de symétrie, des antithèses qu’ une sagesse supérieure saurait conduire à la synthèse. Je vois le danger.
4 anger. Mais il faut voir aussi que l’union finale des esprits ne sera jamais acquise au prix du sacrifice de nos diversités
5 vantes ; elle suppose bien plutôt la connaissance des raisons d’être de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de pai
6 re d’avance les deux vertus majeures qui dénotent une union véritable : à savoir sa fécondité et sa durée. Une sagesse supé
7 on véritable : à savoir sa fécondité et sa durée. Une sagesse supérieure et vraiment unitive ne naîtra pas d’aspirations ma
8 nformées, ni du refus de bien voir l’état présent des choses, encore moins du recours à quelque « Tradition » universelle,
9 ue « Tradition » universelle, remontant à la nuit des temps, et noyant les problèmes concrets de notre siècle dans une cond
10 oyant les problèmes concrets de notre siècle dans une condamnation globale de l’Occident2. « La nuit, tous les chats sont g
11 ivre à l’aube ! Si l’Orient et l’Occident doivent un jour converger au lieu de s’ignorer ou de se combattre, ils le devron
12 r ou de se combattre, ils le devront bien moins à un « retour aux sources » qu’à un progrès conscient et toujours plus luc
13 vront bien moins à un « retour aux sources » qu’à un progrès conscient et toujours plus lucide vers les buts respectifs de
14 x compris, mieux réalisés, ces buts se révéleront un jour complémentaires, d’une façon qui nous demeure encore indescripti
15 ces buts se révéleront un jour complémentaires, d’ une façon qui nous demeure encore indescriptible, mais dont le pressentim
16 ternes de l’opposition Admettons l’hypothèse d’ une origine commune, et d’une famille d’idiomes indo-européens dont le sa
17 Admettons l’hypothèse d’une origine commune, et d’ une famille d’idiomes indo-européens dont le sanscrit serait le plus anci
18 moignage. Admettons même entre l’Inde et l’Europe une parenté antérieure aux Aryens. (Elle paraît attestée par les symboles
19 reau, et la Déesse-Mère.) Admettons que le régime des castes, imposé aux peuples de l’Inde par les conquérants aryens, ait
20 l’idéalisa, tandis que César devait en retrouver des traces en Gaule. Cette identité primitive, peut-être, cette parenté c
21 part, ne rendent que plus frappante la divergence des évolutions ultérieures. À l’Est, l’Inde codifie les castes ; elle en
22 t trois millénaires, en dépit de tous les efforts des réformateurs religieux, du Bouddha, de l’islam, mais non pas des Angl
23 s religieux, du Bouddha, de l’islam, mais non pas des Anglais… À l’Ouest, en revanche, l’ascension de l’Europe se confond a
24 obstant la longue parenthèse du Moyen Âge. À bien des égards, en effet, le Moyen Âge a représenté la période « orientale »
25 ôt que d’essayer de l’aménager selon les désirs d’ un corps vil et d’une raison mal éclairée ; partout, le collectif-sacral
26 e l’aménager selon les désirs d’un corps vil et d’ une raison mal éclairée ; partout, le collectif-sacral refoulait le ratio
27 vivant avec notre âge technique, trahit l’absence des tensions dialectiques qui devaient provoquer la fin du nôtre. À parti
28 la réalité de l’opposition à peu près diamétrale des deux mondes s’atteste aux yeux du voyageur le moins prévenu. Atténuée
29 nis dont le passé vivant ne remonte pas au-delà d’ une post-Renaissance importée. En Inde, on ne voit partout que pèlerinage
30 re accroupis sur leur seuil ; au bord des rues et des chemins, ou seuls debout devant l’idole4. Et une misère universelle.
31 des chemins, ou seuls debout devant l’idole4. Et une misère universelle. En Europe, dans un paysage où les clochers d’égli
32 dole4. Et une misère universelle. En Europe, dans un paysage où les clochers d’églises dominent encore généralement la sil
33 glises dominent encore généralement la silhouette des villages et des villes, quelques pèlerinages ou lieux sacrés, quelque
34 encore généralement la silhouette des villages et des villes, quelques pèlerinages ou lieux sacrés, quelques centaines de v
35 (symboles de l’âme pour la mystique) témoignent d’ un sacré dont l’âge fait le prix, mais que l’on isole de la vie, et que
36 et les décors de la technique. En Amérique : pas un seul lieu sacré en dehors des églises en faux gothique luxueux, domin
37 , dominées de très haut par les gratte-ciel ; pas un seul pèlerinage et pas un vrai château. Plaines et villes immenses, d
38 r les gratte-ciel ; pas un seul pèlerinage et pas un vrai château. Plaines et villes immenses, dénudées de mystère, nettoy
39 , les plantes, les animaux ou le surnaturel. Mais un confort moral et un luxe matériel largement partagé par toutes les cl
40 nimaux ou le surnaturel. Mais un confort moral et un luxe matériel largement partagé par toutes les classes. L’Occidental
41 dental retour d’Orient s’écrie : « Je n’ai vu que des foules, pas une personne ! » Et l’Oriental qui circule dans nos ville
42 Orient s’écrie : « Je n’ai vu que des foules, pas une personne ! » Et l’Oriental qui circule dans nos villes songe qu’il n’
43 ésordonnée, absence de sens et d’harmonie, et pas un seul vrai spirituel… Réalités internes de l’opposition a) Symbo
44 L’Orient et l’Occident ne sont donc pas seulement des entités géographiques faciles à situer, sinon à limiter ; ni seulemen
45 faciles à situer, sinon à limiter ; ni seulement des complexes historiques, dont les mélanges et superpositions ne seraien
46 r ce sujet fondamental6. Le récit d’Avicenne est une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, contrastant avec
47 t d’Avicenne est une initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, contrastant avec l’Occident du monde terrestre et
48 e pure. L’ange qui apparaît à l’adepte lui décrit un cosmos dont les données apparemment physiques se transmuent en symbol
49 ques se transmuent en symboles, et il termine par une invitation à entreprendre le voyage mystique vers l’Orient. Quel est
50 uel est ce cosmos symbolique ? À droite, l’Orient des Formes et du Soleil levant, au-delà duquel réside l’univers angélique
51 couchant, au bord le plus lointain duquel s’étend une « mer chaude et boueuse » (le non-être). La Ténèbre règne à demeure s
52 d’ailleurs… » (Thème de l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guerres
53 l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes, de tumult
54 putes, de tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’ un emprunt procuré d’un lieu lointain ». Entre l’Orient et l’Occident (c
55 « joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procuré d’ un lieu lointain ». Entre l’Orient et l’Occident (c’est-à-dire au lieu d
56 eu de rencontre de la matière et de la forme) est une circonscription intermédiaire : « C’est celle que l’on connaît le mie
57 l l’auteur rattache d’ailleurs son conte, qui est une vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères symbo
58 ui est une vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères symboliques que ces deux auteurs attribuent à l’
59 vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères symboliques que ces deux auteurs attribuent à l’Orient et
60 t à l’Occident. Ajoutons-y les qualificatifs que, des présocratiques à nos jours, tous les esprits occidentaux nourris de l
61 ’utilitarisme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme, le corps et la matière, l’activité désordonnée, la pas
62 Japon l’Occident de l’Amérique ! Elle révèle donc une forme de l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la p
63 l’Amérique ! Elle révèle donc une forme de l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occidentale. M
64 onc une forme de l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occidentale. Mais, du prestige de cet Or
65 ce livre comment l’Occident historique, relevant un défi qui semblait écrasant et qu’il se portait à lui-même, acceptant
66 s pour l’âme et l’esprit, en a tiré le principe d’ une possible grandeur et d’une vérité difficile, qui est l’enjeu de son a
67 n a tiré le principe d’une possible grandeur et d’ une vérité difficile, qui est l’enjeu de son aventure. b) Incarnation et
68 rnation et Excarnation. — Si nous passons au plan des réalités vécues, métaphysiques et religieuses, l’opposition de l’Orie
69 , l’opposition de l’Orient et de l’Occident revêt une valeur différente, encore que par sa forme elle semble correspondre a
70 correspondre au tableau que l’on vient d’établir. Un voyageur allemand9 demandait à un yogi : « N’avez-vous pas tenté, en
71 ient d’établir. Un voyageur allemand9 demandait à un yogi : « N’avez-vous pas tenté, en Inde aussi, de calculer la quadrat
72 don, de l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’ un roi de ce monde quitte son palais princier pour aller dans la solitud
73  ; car il s’agit en réalité dans le premier cas d’ une descente créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un essai
74 réatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’ un essai de montée de l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Conna
75 ures, on perd de vue les exigences et la maîtrise des réalités spirituelles.) Vérifier la Voie : deux formes d’expérience.
76 non par le « saut de la foi », qui ne procure pas une connaissance suffisante, n’ouvre pas une voie vérifiable et qu’on pui
77 cure pas une connaissance suffisante, n’ouvre pas une voie vérifiable et qu’on puisse librement parcourir ; mais par le moy
78 puisse librement parcourir ; mais par le moyen d’ une ascèse soumettant le corps et le mental à l’âme, donc délivrant celle
79 rps et le mental à l’âme, donc délivrant celle-ci des liens de Prakriti (le monde manifesté, qui est illusion) afin qu’elle
80 ersé dans la Loi, et si maître de lui qu’il soit, un dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la libération. » (Yoga-a
81 e de le vérifier ; mais bien par l’étude patiente des choses particulières, discipline ordonnant l’intellect aux lois du ré
82 a divinité, ne serait-ce pas, pense l’Occidental, une illusion psychologique chez les très rares qui disent y être parvenus
83 es qui disent y être parvenus, et pour les autres un solipsisme exténuant ?… Maîtriser les secrets du cosmos, et peut-être
84 t l’autre se prévaut, puisqu’elles s’appliquent à une « réalité » qu’on tient elle-même pour illusion. Et il semble à chacu
85 incères données par l’autre ne sont en vérité que des implications de son option fondamentale. Tautologies que tout cela !
86 la chose ne me paraît pas si simple, et j’y sens une complexité dont j’essaierai maintenant d’indiquer la nature en rappor
87 simple chambre d’hôtel. Sept ou huit hommes, dont un travaille, dans des boutiques minuscules. La chaussée envahie par la
88 tel. Sept ou huit hommes, dont un travaille, dans des boutiques minuscules. La chaussée envahie par la foule en tous sens q
89 en tous sens qui entrave en permanence le passage des voitures. Les trottoirs couverts de dormeurs pendant la nuit. Et j’ai
90 rs pendant la nuit. Et j’ai vu cinq personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront-ils jamais seuls ? L’individu p
91 e, dans les recoins. Silence et dignité profonde. Un groupe d’hommes attentifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes :
92 gnité profonde. Un groupe d’hommes attentifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit de légendes sacrées. Jam
93 agées, surmontés de clochetons baroques ? Ce sont des temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et de
94 e de soie précieuse et de colliers de verroterie, une femme seule, un homme seul, immobile et debout. Dans la courette, un
95 se et de colliers de verroterie, une femme seule, un homme seul, immobile et debout. Dans la courette, un prêtre renouvell
96 homme seul, immobile et debout. Dans la courette, un prêtre renouvelle les cierges noirs devant le jet d’eau grêle. Je pen
97 e privée, s’assemble dans l’église où l’on chante des chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bach : je ne sais rien de plus
98 porisée, ou corps spiritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’est qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique
99 iritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’est qu’ un simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas d’ironie ni
100 ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’ un miroir, donc ni d’une personnalité ni d’un visage. « On peut aller ju
101 incts, ni de sa chance, ni d’un miroir, donc ni d’ une personnalité ni d’un visage. « On peut aller jusqu’à prétendre ceci :
102 , ni d’un miroir, donc ni d’une personnalité ni d’ un visage. « On peut aller jusqu’à prétendre ceci : les contradictions r
103 mystificateur ou le plagiaire. Le fakir habituel des rues et des places, l’homme des supercheries, est de son appartenance
104 ur ou le plagiaire. Le fakir habituel des rues et des places, l’homme des supercheries, est de son appartenance : il forme
105 Le fakir habituel des rues et des places, l’homme des supercheries, est de son appartenance : il forme le bord, la lisière
106 du saint, comme les idoles le bord ou la lisière des Réalités divines. » Toute magie dépasse la personne, ou plutôt la dis
107 e, sans mesure, sans limites, sans distance, dans une identité inexprimable, au sein de laquelle nos conceptions de liberté
108 et que la voie consiste à libérer progressivement une âme de l’illusion d’être distincte. Tout se ramène enfin à cette oppo
109 Dieu personnel. Car il n’est pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel. Soit qu’on p
110 vocation, ni par suite de personne. De là découle un monde de conséquences précises, — un monde, littéralement, comme j’es
111 e là découle un monde de conséquences précises, —  un monde, littéralement, comme j’espère le montrer. Revenons à la déclar
112 ntral de la pensée chinoise (le cercle divisé par un grand S qui représente la Voie ou le tao) un point noir frappe la par
113 par un grand S qui représente la Voie ou le tao) un point noir frappe la partie blanche et un point blanc la partie noire
114 le tao) un point noir frappe la partie blanche et un point blanc la partie noire. Il est ainsi montré que l’élément mascul
115 r les sexologues, cette relation d’inter-présence des opposés n’est pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orie
116 l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique. Un Sankara parfois préfigure le thomisme, et il arrive à Maître Eckhart
117 et il arrive à Maître Eckhart de s’exprimer comme un bouddhiste. La Bhagavad-Gita fait l’éloge de l’action, le quiétisme c
118 er la réalité du Moi, l’action de la Grâce, voire un Dieu personnel. L’idée de la « voie » ou « loi individuelle » (Svadha
119 collectivisme… Et l’on aura beau jeu de m’opposer des textes apparemment ruineux pour ma thèse des deux Voies. À quelle éco
120 oser des textes apparemment ruineux pour ma thèse des deux Voies. À quelle école mystique de l’hindouisme appartient l’aute
121 non-Dieu, non-Esprit, non-Personne, non-Image, … un Un pur et absolu, dépourvu de toute dualité, dans lequel nous devons
122 n-Dieu, non-Esprit, non-Personne, non-Image, … un Un pur et absolu, dépourvu de toute dualité, dans lequel nous devons nou
123 lequel nous devons nous enfoncer éternellement d’ un néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel est le mystique chrétien qu
124 s devons nous enfoncer éternellement d’un néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel est le mystique chrétien qui nous rapp
125 divine, « il faut demeurer dans l’action, gardant un esprit égal que l’action porte ses fruits ou non ? » Je viens de cite
126  tout est dans tout ». La partie blanche contient un cercle noir, mais elle est blanche tout de même, et non pas grise.
127 anche tout de même, et non pas grise. Que vaut un homme ? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce sont les résul
128 importe de voir, ce sont les résultantes majeures des complexes doctrinaux dont on vient de rappeler la richesse en contrad
129 e est plus naturelle qu’on ne le pense à l’esprit des Occidentaux, mais elle n’a pas d’effet dans leur vie religieuse, moin
130 ns doute lorsqu’on se pose la question : que vaut un homme ? (un homme individuel, un exemplaire humain pris au hasard) qu
131 squ’on se pose la question : que vaut un homme ? ( un homme individuel, un exemplaire humain pris au hasard) qu’on obtient
132 stion : que vaut un homme ? (un homme individuel, un exemplaire humain pris au hasard) qu’on obtient les réponses les plus
133 nt, et rien n’illustre mieux la divergence réelle des résultantes majeures dont je parlais plus haut. J’en donnerai deux ex
134 ner, au chapitre où il décrit le corps magique : Une histoire d’Hérodote traite d’un grand du royaume qui, en échange de t
135 corps magique : Une histoire d’Hérodote traite d’ un grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il avait fait pour Xer
136 mande au roi cette faveur : exempter de la guerre un de ses cinq fils. Sur quoi Xerxès, irrité, fait mettre à mort ce seul
137 es depuis la tête jusqu’au sexe, comme le corps d’ un bœuf ou d’un mouton à l’étal d’un boucher, au beau milieu défileront
138 tête jusqu’au sexe, comme le corps d’un bœuf ou d’ un mouton à l’étal d’un boucher, au beau milieu défileront les armées qu
139 omme le corps d’un bœuf ou d’un mouton à l’étal d’ un boucher, au beau milieu défileront les armées qui marchent contre les
140 ndividualité. Mon second exemple, est emprunté à un essai de Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’homme avec le l
141 , dans son voyage d’Arménie, toucha le territoire des Assassins, leur grand-maître lui fit escorte et lui montra au passage
142 ses palais et ses châteaux. Ils arrivèrent devant une place forte flanquée de très hautes tours : deux guetteurs vêtus de b
143 chrétiens leurs sujets : il leva le bras, et deux des gardes se jetèrent dans le vide, pour s’écraser sur le sol rocheux. P
144 d’un second signe livrer à la mort toute la garde des créneaux ; l’autre le pria de n’en rien faire, tout en confessant qu’
145 nfessant qu’il ne saurait attendre de ses vassaux une telle docilité […]. Et chaque Européen éprouvera ici le même sentimen
146 nt que le comte de Champagne : il se verra mené à un point où éclatera en lui le plus sincère, le plus violent des refus.
147 éclatera en lui le plus sincère, le plus violent des refus. Les formes fondamentales dont il se croyait sûr, telles que co
148 e, sont ici arrachées de leur place ; l’horreur d’ un monde étranger lui monte au cœur. Cette horreur saisira toujours celu
149 ur saisira toujours celui qui respecte en l’homme un noyau de liberté auquel il n’est pas permis de porter atteinte. Ce qu
150 peine de devenir vain, et même vil, comme le sont des faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tourbil
151 obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction de nos deux auteurs
152 les chambres à gaz, tandis que l’Orient professe un respect de la Vie qui va jusqu’au refus de détruire la vermine13. Pou
153 le ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître un millier ou cent-milliers de fois. La métempsycose évacue les sanction
154 ient alors cette « horreur » et ce « plus violent des refus » qu’éprouve l’Européen, selon Jünger, devant la cruauté des Or
155 rouve l’Européen, selon Jünger, devant la cruauté des Orientaux ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le sommes autr
156 ine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’ une illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui compte ; mais
157 mais au contraire, si le moi libre et unique est une réalité tenue pour inviolable, rien ne peut justifier notre délire gu
158 ire guerrier. Je ne juge pas. Je constate. Il y a des différences. Et mon propos n’est pas de les mettre en relief pour inc
159 de les mettre en relief pour inciter le lecteur à des comparaisons tournant à l’avantage de l’un ou de l’autre « camp » : c
160 ité de leurs données nous oblige à n’examiner que des prises partielles et typiques. On a vu que j’ai choisi mes exemples d
161 nt causes premières ou effets ; qu’elles résument une série de facteurs antécédents, ou qu’au contraire elles initient l’hi
162 e de les avoir bien vues, et de suivre à partir d’ un contraste assez simple entre deux conceptions de l’homme et de ses fi
163 ns ce cas particulier, par la théologie orthodoxe des catholiques et des protestants européens, qui conçoit Dieu comme le T
164 er, par la théologie orthodoxe des catholiques et des protestants européens, qui conçoit Dieu comme le Toi de l’homme ; et
165 Dieu comme le Toi de l’homme ; et l’Asie par ceux des systèmes philosophiques et religieux de l’Inde qui conçoivent que le
166 pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale des auteurs modernes qui se réclament en Occident de la « pensée traditio
167 nnelle ». Ces utopistes à rebours projettent dans un passé qui souffre tout, sauf d’être vérifié, un négatif du présent qu
168 s un passé qui souffre tout, sauf d’être vérifié, un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sudras, ou indigène
169 un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sudras, ou indigènes assujettis ; les parias ou hors-castes étant les
170 oles que d’habitants, si l’on songe que le nombre des dieux connus du panthéon hindou est estimé à 33 crores, c’est-à-dire
171 qui justifient le procédé. L’Inde a joué en Asie un rôle très comparable à celui de l’Europe en Occident. C’est de l’hind
172 confrontation de l’Europe et de l’Inde qui garde une signification centrale, pourrait répondre la confrontation de l’Extrê
173 di, tome 1, Téhéran, 1952. On y trouvera le texte des deux récits que je mentionne. Celui d’Avicenne s’intitule : Récit d’H
174 nvention, mais l’identification du chercheur avec un Objet que l’on situe au-delà de tout changement possible. 11. Rudolf
175 rendre inoffensive en la gorgeant du sang impur d’ un domestique hors-caste, qui se couche le premier dans le lit, se fait
2 1957, Articles divers (1957-1962). De l’unité de culture à l’union politique (mai 1957)
176 ses, les Suédois et les Castillans sont vus comme des Européens : il doit y avoir à cela quelque raison. Tout bien considér
177 nos définitions, mais si difficilement au regard des Autres. Vue de dehors, l’Europe est évidente. L’histoire que nous viv
178 dente. L’histoire que nous vivons la définit avec une précision qui ne pardonne pas : celle du ressentiment, de l’envie, vo
179 eprésente : l’entité qui seule les rassemble dans une hostilité sans doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il est
180 r ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des Européens qui insistent avec le plus d’emphase sur la nature universe
181 qu’on ne peut unir notre vieux continent à cause des profondes différences qui séparent nos nations depuis des siècles. Il
182 ondes différences qui séparent nos nations depuis des siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas de différences bien
183 es Français, entre ceux-ci et les Allemands, etc. Un même mouvement de ces esprits les porte à effacer les différences con
184 anismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes séculaires, invoqué sans fatigue contre l’union de l’Europ
185 sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’est qu’ une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cultures,
186 derie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nationalistes. Or il
187 rien et de l’observateur des cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nationalistes. Or il se trouve que l’argument
188 outer d’abord de l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais : 1° les différences de langue, de religio
189 nale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses — pas plus que cette unification, d’ailleurs, n’a sup
190 que les écoles d’État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’un État fédé
191 : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’ un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’Eu
192 et Grecs, par exemple, il n’en reste pas moins qu’ un Suédois lisant Kazantzaki, un Grec lisant Selma Lagerlöf, un Français
193 reste pas moins qu’un Suédois lisant Kazantzaki, un Grec lisant Selma Lagerlöf, un Français et un Allemand lisant ces deu
194 lisant Kazantzaki, un Grec lisant Selma Lagerlöf, un Français et un Allemand lisant ces deux auteurs, y prendront à fort p
195 ki, un Grec lisant Selma Lagerlöf, un Français et un Allemand lisant ces deux auteurs, y prendront à fort peu de choses pr
196 é de publicistes découvrent — et cela dure depuis des années — que l’Europe n’existe pas comme entité géographique et histo
197 rontières n’ont pas cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que par sa culture, qui ne l’
198 usion : il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut une , il faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’union… Ains
199 ent qu’il est en train de se laisser prendre dans une problématique artificielle, sans nul rapport avec le drame qui vient.
200 Ceux-ci doivent circonscrire exactement l’objet d’ un éventuel enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir, ils le rép
201 t selon les normes académiques. Ce légitime souci des pédagogues devient chez les écrivains libres une méthode d’obstructio
202 des pédagogues devient chez les écrivains libres une méthode d’obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’une défi
203 bstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’ une définition historique et géographique, occasion de discours permettan
204 nnu sous le nom de filibuster. Je n’en citerai qu’ un exemple qui me tombe sous les yeux pendant que j’écris14. Bien qu’aut
205 les yeux pendant que j’écris14. Bien qu’auteur d’ une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est p
206 M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entité, mais une pure et simple expression. En effet, selon le thème
207 jourd’hui que l’Europe n’est pas une entité, mais une pure et simple expression. En effet, selon le thème connu, elle ne s
208 frontent inutilement je le crains, car il en va d’ une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près comme d’
209 je le crains, car il en va d’une civilisation, d’ une culture et même d’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : es
210 en va d’une civilisation, d’une culture et même d’ une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jour
211 culture et même d’une nation, à peu près comme d’ une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reç
212 oté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant d’ une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-elle pri
213 uis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’ une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comm
214 ’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’ont finement supposé ?
215 re temps, comme certains l’ont finement supposé ? Une cantate peu connue de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne,
216 e leur « nation ». Mais l’adjectif européen est d’ un usage bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain de la bataille d
217 n de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’ un clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja. L’auteur y
218 te avec complaisance ce nom qui indique l’éveil d’ un sentiment nouveau15 ». Cependant, la prise de conscience d’une entité
219 nouveau15 ». Cependant, la prise de conscience d’ une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à pa
220 es maritimes, écrit M. Denys Hay, « constituaient des cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus impo
221 ’intérêt porté au caractère culturel et politique des terres dont ils décrivaient les côtes16 ». Mais pour voir les vocable
222 anitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’ un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius Pic
223 es déclare même éternelles dans la prose poétique des banquets et des éditoriaux du temps de guerre. Passons sur ces excès,
224 éternelles dans la prose poétique des banquets et des éditoriaux du temps de guerre. Passons sur ces excès, voyons la thèse
225 réalité. On a souvent tenté de nier l’existence d’ une vraie culture européenne, en arguant non seulement de ce qu’une parei
226 ure européenne, en arguant non seulement de ce qu’ une pareille culture est difficile à définir, mais de la complexité de se
227 la complexité de ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’elle a subies. Ces arguments prennen
228 dre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens est tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou
229 limites accidentelles et souvent fort récentes d’ un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup
230 rituel, culturel et politique, dans les limites d’ un même cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient fina
231 limites d’un même cordon douanier et du pouvoir d’ une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’État
232 liste au fond de son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre en doute l’existence même de la forê
233 est née ? Et combien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N
234 il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’ une Europe fédérée serait seule en mesure de sauver le concret de nos vie
235 la souveraineté peut-être (si elle est le droit d’ un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la pr
236 tend) ; la prospérité sans doute (si elle traduit un mieux-vivre, et non pas simplement le résultat matériel d’un effort h
237 vre, et non pas simplement le résultat matériel d’ un effort humainement abrutissant) ; l’indépendance assurément (si elle
238 (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’ une puissance étrangère)… Tout cela suppose le développement ou le réveil
239 Tout cela suppose le développement ou le réveil d’ un sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’apparten
240 core dans tous nos peuples : celui d’appartenir à un ensemble humain plus vaste, plus ancien, et plus fort désormais que n
241 cet ensemble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’ un fait de culture au sens large. Prendre conscience de notre appartenan
242 politique, qui n’est autre, à mon sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne
243 ns, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’ un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadre
244 ens d’ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadre institutionnel, mais
245 tre défini par son cadre institutionnel, mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de
246 n cadre institutionnel, mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour
247 mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort, aux relati
248 au corps, à l’esprit, et au temps — en somme, par une culture, au sens où j’emploie le mot. Entre la politique et la cultur
249 être analogue au rapport entre forme et contenu. Une politique d’union ne devient possible que s’il y a tout d’abord commu
250 onclus que la forme politique que devrait revêtir une union authentiquement européenne, ne saurait être que fédéraliste. En
251 ique se joignent dans la seule et même exigence d’ une union fédérale de nos peuples. 14. Emmanuel Berl, « Hors du réel »,
252 s du réel », La Table ronde, janvier 1957. 15. D’ une lettre que m’écrit à ce sujet le comte Jean de Pange. La référence se
253 ys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré d’ une communication au 10e Congrès international des sciences historiques,
254 d’une communication au 10e Congrès international des sciences historiques, Rome, septembre 1955). c. Rougemont Denis de,
3 1957, Articles divers (1957-1962). Lettre en réponse à Emmanuel Berl (mai 1957)
255 le Droit, et Romain Rolland, que pour triompher d’ un épouvantail auquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce qu’
256 la mesure exacte où M. Berl lui-même peut écrire une Histoire de l’Europe. Je suis très loin de qualifier de sophistes ceu
257 ne peut la vouloir et la faire — donc l’unir par des liens fédéraux — si d’abord on nie qu’elle existe comme entité de cul
258 vais préconisé le mensonge utile et le « massacre des affamés » ? Je demandais simplement qu’on cesse de mettre en doute l’
259 Europe ne peut et ne doit pas être regardée comme une entité ni comme une fin, mais comme un moyen. M. de Rougemont me prou
260 doit pas être regardée comme une entité ni comme une fin, mais comme un moyen. M. de Rougemont me prouve que l’urgence éta
261 dée comme une entité ni comme une fin, mais comme un moyen. M. de Rougemont me prouve que l’urgence était plus grande que
262 pas être : la plupart des “européens” furent donc des sophistes. Guéhenno dirigeait la revue : Europe, il ne pensait pas qu
263 fut déjà faite. M. de Rougemont me dit qu’il y a une Suisse, quoiqu’on puisse disputer sur la date de sa naissance. En eff
264 ou contre lui ? Il ne suffit pas d’ignorer quand une personne est née pour avoir la certitude qu’elle vit. Filibusterie à
265 n européen, sans souhaiter, et même sans accepter une Europe qui naîtrait de l’imposture et vivrait de la tyrannie. Je crie
266 les nationalismes, non si elle leur en superpose un nouveau. Pourquoi donc accorderais-je au fédéralisme ce que je refusa
267 me ce que je refusais au chauvinisme ? Il y avait une Europe de Romain Rolland. Il y en a une de Pierre Dominique, qui espè
268 l y avait une Europe de Romain Rolland. Il y en a une de Pierre Dominique, qui espère en elle pour répondre du tac au tac à
269 istinguer ou à les confondre ? Je le vois, il y a des hommes si engagés dans les affaires européennes qu’ils oublient les m
4 1957, Articles divers (1957-1962). La fin du pessimisme (juin 1957)
270 Sorel. Puis on se mit à citer Bergson, réclamant un supplément d’âme pour ce corps subitement agrandi, le monde technique
271 a puissance, trois révolutions portant au pouvoir des tyrannies totalitaires qui revendiquaient les corps non moins que les
272 e la révolution, ils ne nous parlaient plus que d’ une Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des
273 ous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit, d’ une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’un Monde sans â
274 ise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’ une Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme, de la France contre les rob
275 it, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme, de la France contre les robots, de la ma
276 dence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’ un Monde sans âme, de la France contre les robots, de la machine contre
277 re l’homme, de l’homme contre l’humain, de la fin des illusions, de la fin de tout. L’Anti-moderne de Maritain et Les Temps
278 tions impuissantes et les justifications ignobles des dictatures totalitaires, tout annonçait une catastrophe humaine sans
279 obles des dictatures totalitaires, tout annonçait une catastrophe humaine sans précédent, un asservissement sans recours de
280 annonçait une catastrophe humaine sans précédent, un asservissement sans recours de l’homme aux puissances anonymes, la ma
281 e, la police et l’État. Orwell n’eut qu’à pousser un peu plus loin. Il n’eut qu’à mettre au point l’exemple soviétique, à
282 le facteur de résistance humaine, à désespérer d’ une manière exemplaire — convainquant les lecteurs qu’il voulait révolter
283 ême. Et Kafka n’était plus que le Jean-Baptiste d’ une sorte d’Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’une démission fat
284 rte d’Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’ une démission fatale. Les émeutes de Poznań, la résistance de Varsovie et
285 sé le cours de cette immense dérive et restauré d’ un coup l’espoir. La nature humaine, niée par Sartre, triomphait dans un
286 nature humaine, niée par Sartre, triomphait dans une génération qui n’avait appris que le mensonge. Ses pouvoirs de résist
287 Budapest. Sa faculté de revendiquer et d’imposer un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’est attestée dans le soulève
288 iée par Kafka, s’est attestée dans le soulèvement des écrivains unis aux paysans, des ouvriers unis aux étudiants. L’intell
289 ns le soulèvement des écrivains unis aux paysans, des ouvriers unis aux étudiants. L’intelligentsia de l’Ouest voyait venir
290 nterpréter. Tout ce qui compte en Europe, depuis un demi-siècle, dans les lettres, les arts et la philosophie, sait qu’il
291 , sous peine de ne plus compter. Inutile de citer des noms : ce seraient ceux, justement, que tout le monde connaît, la lis
292 ent, que tout le monde connaît, la liste complète des meilleurs. On pourrait m’objecter Valéry, hédoniste épris de la règle
293 oniste épris de la règle et persuadé de la valeur des conventions ; mais n’est-ce pas lui qui ouvrit, en 1919, le grand cou
294 ur tel dans les cafés, et sa foi prend l’allure d’ un défi. On pourrait m’objecter Saint-John Perse, mais justement il a ch
295 en soi. Tous les autres sont contre le siècle, d’ une manière encore plus évidente, soit qu’ils attaquent avec acharnement
296 harnement la morale dite bourgeoise ou les règles des arts, soit qu’ils opposent à l’anarchie flagrante des esprits quelque
297 arts, soit qu’ils opposent à l’anarchie flagrante des esprits quelque orthodoxie restaurée, justifiant elle aussi, fût-ce p
298 ées et conscientes, qui a fait le succès posthume des grands génies maudits, ignorés ou refoulés par ses ancêtres. Et c’est
299 me dépossédé les nobles, qu’il ne peut imposer qu’ un régime soviétique, et qu’Orwell a dit vrai malgré lui. Curieux pouvoi
300 qu’Orwell a dit vrai malgré lui. Curieux pouvoir des pessimistes de l’autre siècle sur les héritiers de leurs ennemis ! La
301 fut optimiste en dépit des souffrances affreuses des prolétaires industriels, dont le travail l’enrichissait. Aujourd’hui,
302 hissait. Aujourd’hui, l’ouvrier d’usine bénéficie des soins jaloux de l’État. Encore un peu, et la technique elle-même l’au
303 sine bénéficie des soins jaloux de l’État. Encore un peu, et la technique elle-même l’aura délivré de la chaîne. Mais c’es
304 qui en vient alors à craindre le règne inexorable des machines, et qui conçoit, avec cent ans de retard, un pessimisme fata
305 achines, et qui conçoit, avec cent ans de retard, un pessimisme fataliste et résigné. Dans ce décalage séculaire entre la
306 ire entre la conscience et le réel, naît l’idée d’ une pensée impuissante, d’une réalité terrifiante et d’un sens fatal de l
307 le réel, naît l’idée d’une pensée impuissante, d’ une réalité terrifiante et d’un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brothe
308 ensée impuissante, d’une réalité terrifiante et d’ un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J’a
309 ’elles ont pu prendre du Capital ou de la Science des rêves, et les jugements qu’elles avoueraient à leur sujet. Marx et Fr
310 r succès parmi ceux qu’ils ont « démasqués » avec un zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès n’est pas dû à la lecture
311 staient leurs arguments. Il s’agit, au plein sens des termes, d’un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’un renverse
312 arguments. Il s’agit, au plein sens des termes, d’ un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’un renversement des tabo
313 plein sens des termes, d’un succès de scandale, d’ un choc profanateur, d’un renversement des tabous. La bourgeoisie du xix
314 d’un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’ un renversement des tabous. La bourgeoisie du xixe frappait d’interdit
315 candale, d’un choc profanateur, d’un renversement des tabous. La bourgeoisie du xixe frappait d’interdit deux sujets dans
316 dans les conversations de la table de famille ou des salons, et c’étaient le Sexe et l’Argent. Tout devait avoir l’air de
317 nfants naissaient dans les choux, et le langage d’ un homme tel que Victor Hugo (sauf dans ses petits carnets intimes) rest
318 gent, c’est le secret du drame social. Mais Freud un peu plus tard : parlons du sexe, c’est le secret du drame individuel.
319 is (seule étudiée par Freud autour de 1900) comme un cas limité dans l’espace et le temps. D’autre part, l’ascension d’un
320 l’espace et le temps. D’autre part, l’ascension d’ un Staline, son long règne et sa chute posthume, les grandes explosions
321 prises sur les faits, en est réduite à restaurer des dogmes à coups de mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas de
322 mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas des « fascistes importés », la dialectique n’est plus qu’une « mystificat
323 ascistes importés », la dialectique n’est plus qu’ une « mystification » comme eût dit Marx lui-même, et le « mouvement de l
324 Marx lui-même, et le « mouvement de l’histoire » un mauvais alibi pour nos démissions personnelles. Le droit d’opposition
325 e, à tenir cette logique démente pour l’annonce d’ une fatalité. A-t-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’une révo
326 l’annonce d’une fatalité. A-t-il vraiment suffi d’ un « dégel » temporaire, d’une révolution écrasée, d’une révolte larvée
327 -t-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’ une révolution écrasée, d’une révolte larvée de la jeunesse russe elle-mê
328 « dégel » temporaire, d’une révolution écrasée, d’ une révolte larvée de la jeunesse russe elle-même, pour briser le cours d
329 RSS, n’aurait-il pas créé l’illusion romantique d’ un renouveau de la liberté, d’un faux réveil rêvé pendant un long cauche
330 lusion romantique d’un renouveau de la liberté, d’ un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui serait, en fin de comp
331 veau de la liberté, d’un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui serait, en fin de compte, la vraie réalité ? On po
332 d’autres séries de faits, indépendants d’ailleurs des récents événements de l’Est, ne venaient corroborer un optimisme neuf
333 cents événements de l’Est, ne venaient corroborer un optimisme neuf. Budapest a gagné sa partie — moralement. Admettons qu
334 occidentaux, jusqu’à ces toutes dernières années. Un certain déterminisme économique semblait nous conduire sans merci ver
335 tal, ordonnant toute la vie au service de l’État. Un certain déterminisme historique faisait prévoir la « décadence de l’O
336 e fatal l’écrasement de l’Europe entre les blocs. Un certain déterminisme technologique, enfin, annonçait le règne des rob
337 rminisme technologique, enfin, annonçait le règne des robots. Mais l’examen des réalités en marche, loin de confirmer ces p
338 fin, annonçait le règne des robots. Mais l’examen des réalités en marche, loin de confirmer ces pronostics paralysants, dis
339 illusions tenaces qu’ils prolongeaient et révèle une tendance générale au réveil des valeurs de liberté. Première illusio
340 geaient et révèle une tendance générale au réveil des valeurs de liberté. Première illusion fataliste : « L’URSS est l’ave
341 crises cycliques et à la paupérisation croissante des travailleurs. L’URSS était donc l’avenir, tandis que les USA se voyai
342 ouvement de l’histoire ». Telle était la religion des « progressistes ». Voyons les faits. Nul n’ignore que l’ouvrier améri
343 le plus riche du monde, l’ouvrier soviétique l’un des plus pauvres. Cet argument concret n’inquiète pas les marxistes mais
344 n’inquiète pas les marxistes mais les jette dans des crises aiguës de dialectique. Ils le jugent grossièrement matérialist
345 nt, Bertrand de Jouvenel, comparant les économies des États-Unis et de l’URSS, a montré que l’entreprise communiste n’appor
346 me ; l’autre définie par la remise au travailleur des fruits de son travail, serait l’œuvre du communisme. Or l’examen des
347 ravail, serait l’œuvre du communisme. Or l’examen des chiffres et des faits conduit à la conclusion suivante : « C’est l’éc
348 ’œuvre du communisme. Or l’examen des chiffres et des faits conduit à la conclusion suivante : « C’est l’économie capitalis
349 clusion suivante : « C’est l’économie capitaliste des États-Unis qui a passé à la seconde phase, et c’est l’économie commun
350 oire. Drôle d’avenir, qui s’essouffle à rejoindre un « passé » rituellement dénoncé par les toasts officiels. Si l’on négl
351 est, le servage et la loi d’airain à l’Est, et qu’ une classe ouvrière mieux informée qu’endoctrinée, si elle a à choisir d’
352 ’ils le sont — se voyait promise par l’Histoire à des partages ignominieux : l’Est aux Russes, l’Ouest à l’Amérique, et le
353 L’Assemblée constituante est sa prochaine étape. Un Pouvoir fédéral devrait en résulter, car tout l’appelle et sa nécessi
354 faits, si elle ne l’est pas encore dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun de nos États ne peut se défendre seul.
355 er, plus 100 millions récupérés à l’Est, feraient un ensemble supérieur aux Soviétiques et aux Américains additionnés. Je
356 es et aux Américains additionnés. Je ne parle que des chiffres, non de la qualité. Alors les prophéties lugubres d’un Speng
357 on de la qualité. Alors les prophéties lugubres d’ un Spengler, ou les spéculations fascinantes d’un Toynbee, inspirées par
358 d’un Spengler, ou les spéculations fascinantes d’ un Toynbee, inspirées par l’idée mythique d’Évolution, — on monte, on cu
359 ment — se verront démenties par le nouvel essor d’ une Europe reprenant la tête du progrès. Et c’est une autre prophétie, qu
360 une Europe reprenant la tête du progrès. Et c’est une autre prophétie, qui deviendra vraie, celle de Proudhon, qui fut quar
361 quarante-huitard : « Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. »
362 l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus
363 ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en ferons, et
364 e nouveau de ce que nous en ferons, et non plus d’ une courbe mythique, d’une Évolution bien tracée, ou d’un processus diale
365 s en ferons, et non plus d’une courbe mythique, d’ une Évolution bien tracée, ou d’un processus dialectique, dont un Parti q
366 ourbe mythique, d’une Évolution bien tracée, ou d’ un processus dialectique, dont un Parti qu’on connaît trop tire les fice
367 bien tracée, ou d’un processus dialectique, dont un Parti qu’on connaît trop tire les ficelles. Cessons de chercher le se
368 illusion fataliste : « Nous allons vers le règne des robots. » — Les machines envahissent nos vies, nous allons devenir le
369 t nos gestes et le rythme de nos journées. Encore un peu, et les cerveaux électroniques dicteront nos pensées par radio. A
370 s, apprentis sorciers, ont déchaîné dans le monde des forces inconnues. Il fait trop chaud, il fait trop froid pour la sais
371 le va détruire les neuf dixièmes du genre humain. Un jour elle fera sauter la terre. J’entends cela tous les jours. Qui ne
372 ulement ! Car elles sont très chères. Mais jamais une Talbot n’est entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m
373 ément, dans l’intention de m’envahir. Et pas même une machine à laver. Que de mal, au contraire, dans ma campagne, pour obt
374 esclavage du téléphone ? Mais a-t-on jamais vu qu’ un appareil, prenant l’initiative, appelle son abonné ? C’est toujours q
375 éléphone, mais de votre seule curiosité. Le règne des machines, à vous entendre, nous isolerait de la Nature ? Mais je vois
376 Bombe n’a jamais rien fait sans l’ordre exprès d’ un président, d’un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est
377 s rien fait sans l’ordre exprès d’un président, d’ un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les
378 rité. L’Apprenti sorcier de la légende déchaînait une force inconnue. Mais nos savants font tout le contraire : ils domesti
379 savants font tout le contraire : ils domestiquent des énergies décelées par leurs calculs. Ce qui se déchaîne, encore une f
380 et peut-être encore plus moralement, la tyrannie des rythmes mécaniques. Eux seuls se sont vus transformés en « complément
381 e sont vus transformés en « compléments vivants d’ un mécanisme mort », selon l’expression terrible et juste de Marx. Or il
382 de la chaîne. Éloquemment entretenu par Bernanos, un malentendu sans pareil s’attache à ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’u
383 reil s’attache à ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’ un robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des millions de pers
384 synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des millions de personnes le croient encore
385 robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des millions de personnes le croient encore sur la foi de quelques films
386 ilms et de la science-fiction. C’est encore moins un homme esclave de la machine. C’est une machine, ni plus ni moins, c’e
387 ncore moins un homme esclave de la machine. C’est une machine, ni plus ni moins, c’est un outil, que l’homme a conçu, juste
388 chine. C’est une machine, ni plus ni moins, c’est un outil, que l’homme a conçu, justement, pour exécuter à sa place des t
389 omme a conçu, justement, pour exécuter à sa place des travaux monotones, épuisants ou dangereux. On ne connaît rien au mond
390 aient pas, peut dès maintenant délivrer l’ouvrier des servitudes mécaniques. Mais ses effets médiats seront plus étendus. I
391 duisant jour et nuit sous la seule surveillance d’ un groupe d’opérateurs, signifie simplement, partout où elle fonctionne,
392 ouvrière, qui sera l’agent du dépassement concret des conflits institués par la technique elle-même. Comment prévoir et mes
393 e elle-même. Comment prévoir et mesurer l’ampleur des transformations initiées par cette libération technologique ? C’est l
394 ette libération technologique ? C’est le problème des loisirs qui s’ouvre largement, et tous les problèmes qui en dépendent
395 s les problèmes qui en dépendent pour l’éducation des enfants, des adultes, et des techniciens. C’est le problème des moyen
396 es qui en dépendent pour l’éducation des enfants, des adultes, et des techniciens. C’est le problème des moyens de culture,
397 ent pour l’éducation des enfants, des adultes, et des techniciens. C’est le problème des moyens de culture, qui seront mis
398 es adultes, et des techniciens. C’est le problème des moyens de culture, qui seront mis à contribution, sur une échelle bru
399 ns de culture, qui seront mis à contribution, sur une échelle brusquement agrandie. C’est, au-delà des questions immenses q
400 une échelle brusquement agrandie. C’est, au-delà des questions immenses que je laisse aux économistes, et aux sociologues,
401 mistes, et aux sociologues, tous alertés, au-delà des problèmes classiques de plein-emploi et de temps de travail, le probl
402 ident, du déclin de la culture, et de la fatalité des tyrannies prochaines, de laisser pour un temps ces sujets affligeants
403 atalité des tyrannies prochaines, de laisser pour un temps ces sujets affligeants, leur ayant accordé assez de complaisanc
404 érer la nouveauté de l’époque : bel exercice pour une pensée régulatrice, que d’en maîtriser les vertiges ! Je propose la c
405 maîtriser les vertiges ! Je propose la clôture d’ un demi-siècle de rumination pessimiste, longtemps justifiée, nous le sa
406 e aux dangers prévus. Je propose à l’intelligence un rôle nouveau : celui de créer la liberté en la cherchant, en acceptan
407 de les courir d’abord en imagination. Je propose une idée renouvelée du Progrès, au-delà de nos illusions mais aussi de no
408 n’étais pas venu pour conclure, mais pour ouvrir des portes. f. Rougemont Denis de, « La fin du pessimisme », Réalités,
5 1957, Articles divers (1957-1962). La fin justifie les moyens (9 juin 1957)
409 x Ève-Delacroix décerné pour la deuxième fois par un jury étrange, composé à la fois de fonctionnaires français des Arts e
410 nge, composé à la fois de fonctionnaires français des Arts et Lettres (anciens ministres des Beaux-Arts directeurs, etc.),
411 s français des Arts et Lettres (anciens ministres des Beaux-Arts directeurs, etc.), de militaires (le maréchal Juin), d’écr
412 on, Paul Vialar), de critiques (Robert Kemp) et d’ une directrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’est entendu pour
413 u pour trouver dans l’œuvre de Denis de Rougemont un livre qui « exalte le plus clairement les qualités humaines et propos
414 plus clairement les qualités humaines et propose un sens moral au lecteur ». C’est donc sa récente Aventure de l’homme oc
415 hel, éd.) qui est aujourd’hui orné de ce laurier. Des prix ? me dit Denis de Rougemont, j’en ai manqué beaucoup avant-guerr
416 ont, j’en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’ un jury pensait à me donner une palme. Et il y avait toujours, au dernie
417 avant-guerre. Plus d’un jury pensait à me donner une palme. Et il y avait toujours, au dernier moment, quelqu’un qui se le
418 clarer : Mais ce n’est pas possible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ? J’ai donc aujourd’hui ma revanche. Aux photogr
419 s ce n’est pas possible ? Rougemont ? Un Suisse ? Un étranger ? J’ai donc aujourd’hui ma revanche. Aux photographes qui me
420 t destinée, me dit Denis de Rougemont, à répandre un peu plus les raisons de croire à l’Europe. On sait que cet historien,
421 e l’Europe existe, ne serait-ce que dans l’esprit des Américains qui ne veulent pas savoir qu’il y a ici des frontières. L’
422 méricains qui ne veulent pas savoir qu’il y a ici des frontières. L’Italie, la France, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique,
423 , la Scandinavie, la Suisse, pour eux, c’est tout un . Et quand on me demande où commence et où finit l’Europe, j’assure qu
424 once deux importants ouvrages : l’un qui établira une sorte de morale de la vocation, c’est-à-dire prouvera que la fin just
425 sidérant que, par exemple, la puissance n’est pas une fin juste. Le second ouvrage essaiera de situer cette morale de la vo
426 cation dans la vie sociale. C’est, dit Rougemont, une question de feux rouges et de feux verts, de contrat pour la commodit
427 eux verts, de contrat pour la commodité générale. Une morale personnaliste en quelque sorte et l’on se rappelle à ce propos
428 mont qui milita avec Emmanuel Mounier pour fonder une nouvelle philosophie de la personne humaine. Je m’attendais à trouver
429 e. Je m’attendais à trouver en Denis de Rougemont un de ces théoriciens et philosophes qui sourient avec une pointe de con
430 ces théoriciens et philosophes qui sourient avec une pointe de condescendance devant les ouvrages de fiction, devant la cr
431 gemont sut se montrer poète et où Honegger trouva une de ses plus grandes réussites. Je songe toujours au roman, me confia
432 me confia Denis de Rougemont. J’en ai jadis écrit un que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soi
433 ’en ai jadis écrit un que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n
434 l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé. Je prends des notes. Au fait, je considère et rédige comme un poème un livre tel qu
435 des notes. Au fait, je considère et rédige comme un poème un livre tel que L’Aventure de l’homme occidental . Le style m
436 s. Au fait, je considère et rédige comme un poème un livre tel que L’Aventure de l’homme occidental . Le style me paraît
6 1957, Articles divers (1957-1962). Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)
437 Le rôle mondial des valeurs occidentales (octobre 1957)h i L’énoncé des plus hautes va
438 aleurs occidentales (octobre 1957)h i L’énoncé des plus hautes valeurs européennes tient dans l’œuvre de Bach et dans ce
439 t le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’ un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il fal
440 ccident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il fallait bien rappeler
441 ur l’oreille d’un Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il fallait bien rappeler ici qu’une réflex
442 rumeur insensée… Il fallait bien rappeler ici qu’ une réflexion sur nos valeurs occidentales ne saurait être académique ; e
443 ne saurait être académique ; elle s’inscrit dans une situation dominée par le malentendu et toute chargée de tragédies lat
444 it qu’elle n’est pas loin de recouvrir l’ensemble des terres habitées, mais que la densité d’occidentalisation varie d’une
445 , mais que la densité d’occidentalisation varie d’ une manière considérable selon les pays, et à l’intérieur même de presque
446 es divers qui ont caractérisé notre civilisation, des origines jusqu’à ce jour, présente évidemment la densité maxima. Les
447 mériques et certains pays du Commonwealth forment une zone de diffusion occidentale parfois plus homogène, mais un peu moin
448 diffusion occidentale parfois plus homogène, mais un peu moins dense, parce que moins ancienne et moins complexe du point
449 moins ancienne et moins complexe du point de vue des valeurs et des tensions. Le Sud-Est européen, de la Puszta hongroise
450 et moins complexe du point de vue des valeurs et des tensions. Le Sud-Est européen, de la Puszta hongroise à l’Asie Mineur
451 , le Chili ou l’Australie. Vient ensuite l’empire des Soviets, qui subit depuis quarante ans une occidentalisation planifié
452 empire des Soviets, qui subit depuis quarante ans une occidentalisation planifiée mais grossière, aux dépens de valeurs eur
453 ulaires systématiquement refoulées. Reportées sur un planisphère, ces zones de diffusion pourraient être représentées par
454 nes de diffusion pourraient être représentées par une petite tache d’un rouge sombre sur l’Europe médiane tandis que les Am
455 urraient être représentées par une petite tache d’ un rouge sombre sur l’Europe médiane tandis que les Amériques et l’Austr
456 nt à l’Asie et à l’Afrique, il faudrait y marquer des points rouges, indiquant la plupart des grandes villes, quelques tach
457 villes, quelques taches roses et, sporadiquement, des stries plus ou moins serrées. Le Japon s’est notoirement occidentalis
458 moitié du xixe siècle. Le colonialisme a laissé des quartiers européens à Bombay comme à Capetown et à Hong Kong17 et des
459 ens à Bombay comme à Capetown et à Hong Kong17 et des décors industriels aux confins de la jungle ou en plein désert. Enfin
460 ert. Enfin la Chine vient d’adopter coup sur coup une doctrine d’État venue d’Europe : le marxisme ; la technique et les ar
461 phabet substitué aux idéogrammes ; et le contrôle des naissances. Ce tableau de la diffusion de notre civilisation résume t
462 ignifier, en fin de compte, l’occidentalisation d’ un peuple, d’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer
463 fin de compte, l’occidentalisation d’un peuple, d’ un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines
464 , l’occidentalisation d’un peuple, d’un État ou d’ un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines et nos armeme
465 ntaliser signifie simplement acquérir le know how des procédés techniques, politiques et sociaux les plus voyants et les pl
466 par notre civilisation. Le système très complexe des valeurs spirituelles, morales et intellectuelles qui explique seul la
467 définit ou qui limite leur mode d’emploi et donne un sens à l’aventure occidentale, ce système de valeurs reste ignoré, re
468 ces est en train de fomenter dans le monde entier des tensions inquiétantes, des malentendus pathétiques, une menace de cha
469 r dans le monde entier des tensions inquiétantes, des malentendus pathétiques, une menace de chaos sans précédent. Un intel
470 nsions inquiétantes, des malentendus pathétiques, une menace de chaos sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit un
471 pathétiques, une menace de chaos sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit un jour : « Vous autres Européens, vou
472 sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit un jour : « Vous autres Européens, vous nous envoyez des machines-outils
473 jour : « Vous autres Européens, vous nous envoyez des machines-outils ; c’est très joli, cela nous amuse et c’est utile, ma
474 t c’est utile, mais pourquoi n’y joignez-vous pas un petit livre expliquant d’où viennent ces objets, pourquoi vous avez e
475 ment ils expriment et transportent, en fait, tout un monde de valeurs complètement étranger à nos croyances traditionnelle
476 e autre fois, il me raconte que sa femme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une école de
477 te que sa femme, qui est une Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une école de Djakarta ; et quand ils
478 aise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’ une école de Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre gam
479 notre gamme, elle leur dit : composez maintenant une chanson dans le goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de pe
480 pas. Ainsi chaque machine exportée est, en fait, un cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et retiré nos foncti
481 nous ramenons subrepticement, et sans le savoir, des occupants plus efficaces et plus puissants, car c’est aux pensées qu’
482 mes d’art et de gouvernement transportent au loin des champs de force qui vont agir anarchiquement, détruisant les bases mê
483 ation du temporel et du spirituel ; la séparation des pouvoirs et la réglementation de leurs rapports ; l’égalité devant la
484 tes, etc.), la souveraineté nationale et l’idée d’ une loi internationale… Valeurs : la personne humaine considérée comme i
485 t de protéger les libertés et la garantie interne des libertés consistant dans le sens de la responsabilité de chacun enver
486 C’est qu’il se produisit à ce moment, en Europe, une conjonction sans précédent : celle de la science, s’établissant enfin
487 tion ; de la philanthropie illuministe, héritière des rêves alchimiques ; et de la raison profane, égalitaire, balayant les
488 nviction de la réalité de la matière, objet futur des sciences physiques (réalité niée par la plupart des religions de l’Or
489 ar Dieu, n’est pas absurde ni soumis aux caprices des divinités monstrueuses ; il vaut la peine d’en scruter les lois et il
490 ncipes de vie publique, ils s’inspirèrent tous, d’ une manière plus ou moins directe ou correcte, de deux valeurs fondamenta
491 t définie par les premiers conciles, à l’occasion des grands débats sur la Trinité, et se lia par la suite indissolublement
492 ptions, ces dernières permettant de rendre compte des tendances plus ou moins égalitaires ou aristocratiques, plus ou moins
493 er le système de valeurs dont ils procèdent. User des uns ou invoquer les autres hors du contexte spirituel de l’Occident,
494 ors du contexte spirituel de l’Occident, entraîne des conséquences incalculables et généralement chaotiques. Le contact de
495 ues. Le contact de la civilisation occidentale et des coutumes arabes en Algérie nous en donne un exemple tragique. Il ne s
496 e et des coutumes arabes en Algérie nous en donne un exemple tragique. Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’es
497 ement ici de politique, et ce n’est qu’en vertu d’ un accident de l’histoire que la France paraît seule en cause dans cette
498 un de ses termes l’étant. Il nous reste à trouver des formules d’équilibre ou de compromis tolérables entre ces extrêmes id
499 s doute la première fois dans toute l’histoire qu’ un même problème crucial se pose au même moment à l’humanité tout entièr
500 éen ». h. Rougemont Denis de, « Le rôle mondial des valeurs occidentales », Occident, Bruxelles, octobre 1957, p. 39-42.
501 s pays qui ne se sentent pas ou ne se veulent pas des nôtres. L’Occident apporté à l’humanité des connaissances, des méthod
502 t pas des nôtres. L’Occident apporté à l’humanité des connaissances, des méthodes et certaines conceptions qui forment un h
503 ’Occident apporté à l’humanité des connaissances, des méthodes et certaines conceptions qui forment un héritage dont M. de
504 des méthodes et certaines conceptions qui forment un héritage dont M. de Rougemont montre l’importance. Philosophe et écri
7 1958, Articles divers (1957-1962). Demain l’Europe sans frontières ?[préface] (1958)
505 échec serait bientôt mortel. Or le Marché commun des Six, la zone de libre-échange des Dix-Sept, et leur future intégratio
506 e Marché commun des Six, la zone de libre-échange des Dix-Sept, et leur future intégration dans le cadre d’une Grande Europ
507 -Sept, et leur future intégration dans le cadre d’ une Grande Europe associée aux nations africaines ne supposent pas seulem
508 aux nations africaines ne supposent pas seulement une politique à long terme, mais aussi et peut-être d’abord une préparati
509 que à long terme, mais aussi et peut-être d’abord une préparation proprement intellectuelle, par quoi j’entends un vaste ef
510 ion proprement intellectuelle, par quoi j’entends un vaste effort de libre réflexion et d’imagination de la part des écono
511 n et d’imagination de la part des économistes, et une prise de conscience économique dans le grand public. L’étude des réal
512 nscience économique dans le grand public. L’étude des réalités de base et des problèmes présents de l’économie, incroyablem
513 le grand public. L’étude des réalités de base et des problèmes présents de l’économie, incroyablement négligée par l’École
514 e, doit devenir partie intégrante de la culture d’ un honnête homme au xxe siècle, si l’on veut que la démocratie fonction
515 x détermine l’économie de son pays, que ce soit d’ une manière directe comme en Suisse, ou plus souvent par députés interpos
516 domaine tout au moins. D’autre part, les travaux des experts et des économistes professionnels restent généralement inacce
517 u moins. D’autre part, les travaux des experts et des économistes professionnels restent généralement inaccessibles au gran
518 que par leurs étudiants et leurs collègues. Entre un public ignorant mais qui vote, des experts liés par leur mission, et
519 ollègues. Entre un public ignorant mais qui vote, des experts liés par leur mission, et des savants privés d’une large audi
520 s qui vote, des experts liés par leur mission, et des savants privés d’une large audience, peu ou point d’échanges efficace
521 ts liés par leur mission, et des savants privés d’ une large audience, peu ou point d’échanges efficaces. Il faudrait réfléc
522 problèmes sont trop complexes pour le plus génial des chercheurs, s’il reste seul. Mais qui le fait ? Les experts des gouve
523 , s’il reste seul. Mais qui le fait ? Les experts des gouvernements ne sont pas libres. Les chercheurs libres ne sont pas g
524 de la culture a jugé utile de réunir en séminaire une vingtaine d’économistes, à la fois réputés et indépendants, pour leur
525 ants, pour leur poser une question populaire et d’ une simplicité presque choquante, une question qu’il jugeait présente et
526 populaire et d’une simplicité presque choquante, une question qu’il jugeait présente et vraiment agissante dans l’opinion 
527 « jouer » ainsi — répugnance sensible dans celles des études qu’on va lire qui s’attachent aux résultats acquis plus encore
528 qu’elles se produiraient. Il ne croit guère qu’à des fantômes, tandis que les experts croient aux chiffres, et que les mil
529 ut parti pris de militant leur eût paru indigne d’ une attitude proprement scientifique. Pourtant, un optimisme européen bie
530 d’une attitude proprement scientifique. Pourtant, un optimisme européen bien tempéré se dégage de leurs études, dont le pl
531 tour journalistique qui leur eût peut-être assuré un succès populaire sans lendemain, au détriment de leur véritable utili
532 ase à plusieurs brochures de large diffusion18, à des articles et à des émissions de radio. Mais c’est leur publication en
533 ochures de large diffusion18, à des articles et à des émissions de radio. Mais c’est leur publication en recueil qui leur d
534 es, industriels et commerçants, elles apporteront des analyses d’une rare objectivité. Que se passerait-il si… ? — Rien ou
535 et commerçants, elles apporteront des analyses d’ une rare objectivité. Que se passerait-il si… ? — Rien ou presque rien de
536 idité que les totalitaires en apportent à vouloir un monde inhumain. Au grand public, ces études donneront une idée précis
537 e inhumain. Au grand public, ces études donneront une idée précise de la complexité des problèmes qui se posent, mais aussi
538 tudes donneront une idée précise de la complexité des problèmes qui se posent, mais aussi des espoirs autorisés, et dans bi
539 omplexité des problèmes qui se posent, mais aussi des espoirs autorisés, et dans bien des cas, assurés. Étrange Europe, qui
540 t, mais aussi des espoirs autorisés, et dans bien des cas, assurés. Étrange Europe, qui a tout pour elle si elle s’unit mai
541 s du Marché commun par Raymond Racine, directeur des séminaires du CEC ; Marché commun et Euratom , et L’Europe s’inscri
8 1958, Articles divers (1957-1962). Europe et culture (1958)
542 Europe et culture (1958)k On peut créer une fédération européenne, et il le faut. Mais on ne peut pas créer une c
543 opéenne, et il le faut. Mais on ne peut pas créer une culture européenne et personne ne l’a jamais demandé, pour la simple
544 e ne l’a jamais demandé, pour la simple raison qu’ une culture ne se crée pas comme une institution, et qu’au surplus la cul
545 simple raison qu’une culture ne se crée pas comme une institution, et qu’au surplus la culture européenne existe. C’est mêm
546 le, qui nous permet de parler de l’Europe comme d’ une unité existante, sur laquelle il devient possible de construire notre
547 ale de l’union politique, sont parfois en réalité des adversaires politiques de cette union et le sort de la culture leur i
548 s ils sont plus souvent les innocentes victimes d’ une illusion scolaire : ils ont retenu de leurs manuels que l’Europe se d
549 a conjoncture mondiale du xxe siècle, la culture des Européens peut-elle contribuer à cette union, ou bien lui fait-elle o
550 s’assigner toute institution culturelle soucieuse des destins de l’Europe. D’une part, une telle institution devra montrer
551 le soucieuse des destins de l’Europe. D’une part, une telle institution devra montrer que l’Europe est d’abord une culture,
552 nstitution devra montrer que l’Europe est d’abord une culture, qu’elle doit à sa culture d’avoir dominé le monde, qui retou
553 blocs psychologiques » créés dans nos esprits par une mauvaise éducation scolaire depuis un siècle, ou résultant de maladie
554 sprits par une mauvaise éducation scolaire depuis un siècle, ou résultant de maladies chroniques de notre culture millénai
555 s’unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant des traités : personne n’y croit. (On attend de voir…) Et certes il falla
556 ire : unissons-nous ! Certes, il fallait ratifier des traités. Mais voilà qui est fait désormais. La condition nécessaire e
557 actions précises : 1° Réduire les préjugés, nés d’ une mauvaise éducation qui accrédite l’illusion générale de l’existence p
558 vocation, et son avenir si elle s’unit. 3° Créer des instruments de coopération pour les différentes branches de la cultur
559 érentes branches de la culture, sans tenir compte des frontières nationales quand les problèmes posés débordent les nations
560 erre ? Parallèlement aux mouvements fédéralistes, une série d’instituts d’études européennes se créent dès 194620. Ils noue
561 udes européennes se créent dès 194620. Ils nouent des liens entre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus d’une vingtai
562 tre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus d’ une vingtaine, pour la plupart liés à des universités, ou de rang univers
563 ’hui plus d’une vingtaine, pour la plupart liés à des universités, ou de rang universitaire. En 1948, le Congrès de l’Europ
564 grès de l’Europe, à La Haye, décide la création d’ un Centre européen de la culture. Celui-ci se fonde à Genève en l950. No
565 de à Genève en l950. Nous y reviendrons. En 1949, un Congrès européen de la culture se réunit à Lausanne, et définit les t
566 en de la culture, du Collège d’Europe (Bruges), d’ une association des universitaires, et d’un Laboratoire européen de reche
567 , du Collège d’Europe (Bruges), d’une association des universitaires, et d’un Laboratoire européen de recherches nucléaires
568 uges), d’une association des universitaires, et d’ un Laboratoire européen de recherches nucléaires (fondé en 1953 sous le
569 e CERN, à Genève.) Le Conseil de l’Europe, issu d’ une résolution du congrès de La Haye, est constitué neuf mois plus tard,
570 tué neuf mois plus tard, et comporte dès le début une direction culturelle, coiffée d’un Comité d’experts des 16 gouverneme
571 dès le début une direction culturelle, coiffée d’ un Comité d’experts des 16 gouvernements membres. Il élabore et fait rat
572 rection culturelle, coiffée d’un Comité d’experts des 16 gouvernements membres. Il élabore et fait ratifier une Convention
573 ouvernements membres. Il élabore et fait ratifier une Convention culturelle européenne, convoque deux tables rondes sur l’h
574 convoque deux tables rondes sur l’héritage commun des Européens, crée des bourses, organise des expositions de peinture, pa
575 rondes sur l’héritage commun des Européens, crée des bourses, organise des expositions de peinture, patronne la révision d
576 commun des Européens, crée des bourses, organise des expositions de peinture, patronne la révision des manuels d’histoire,
577 des expositions de peinture, patronne la révision des manuels d’histoire, et prépare une série de publications scientifique
578 ne la révision des manuels d’histoire, et prépare une série de publications scientifiques. Une Association des universitair
579 prépare une série de publications scientifiques. Une Association des universitaires d’Europe et une Association européenne
580 ie de publications scientifiques. Une Association des universitaires d’Europe et une Association européenne des enseignants
581 s. Une Association des universitaires d’Europe et une Association européenne des enseignants se fondent en 1955 et en 1956…
582 ersitaires d’Europe et une Association européenne des enseignants se fondent en 1955 et en 1956… La Journée européenne des
583 fondent en 1955 et en 1956… La Journée européenne des écoles propose chaque année des sujets de rédaction sur l’Europe aux
584 ournée européenne des écoles propose chaque année des sujets de rédaction sur l’Europe aux élèves des écoles de 7 pays, et
585 e des sujets de rédaction sur l’Europe aux élèves des écoles de 7 pays, et donne des prix à 80 d’entre eux, sur plus de 300
586 ’Europe aux élèves des écoles de 7 pays, et donne des prix à 80 d’entre eux, sur plus de 300 000 participants. Une Fondatio
587 80 d’entre eux, sur plus de 300 000 participants. Une Fondation européenne de la culture a été créée à Genève en 1954, et o
588 cette année à Amsterdam. Enfin, la bibliographie des volumes, thèses, mémoires et numéros spéciaux de revues sur l’Europe
589 aux défis du temps ? Est-il coordonné à la mesure des besoins ? Aurait-il réussi à s’imposer à la conscience des Européens 
590 ns ? Aurait-il réussi à s’imposer à la conscience des Européens ? Hélas ! la somme totale des budgets annuels de toutes les
591 onscience des Européens ? Hélas ! la somme totale des budgets annuels de toutes les organisations que je viens de citer (à
592 truction) équivaudrait à peine aux possibilités d’ une des « petites » fondations qui existent par milliers en Amérique du N
593 tion) équivaudrait à peine aux possibilités d’une des « petites » fondations qui existent par milliers en Amérique du Nord.
594 éduirait vite à ce qu’elle est sur la carte : 4 % des terres du globe (et très pauvres en matières premières) ; 2° que la c
595 dent chez eux les empires ascendants et réalistes des USA et de l’URSS21. ⁂ Le Centre européen de la culture Sans att
596 re que ce problème ait reçu la moindre promesse d’ un début de solution raisonnable, le Centre européen de la culture a déc
597 ès brièvement, pour illustrer les considérations, un peu théoriques, qui précèdent. La mission générale du CEC est de cont
598 lture dans tous nos peuples, et en leur offrant : un lieu de rencontre, des instruments de coordination, un foyer d’études
599 uples, et en leur offrant : un lieu de rencontre, des instruments de coordination, un foyer d’études et d’initiatives. Fond
600 eu de rencontre, des instruments de coordination, un foyer d’études et d’initiatives. Fondé sous les auspices du Mouvement
601 s auspices du Mouvement européen, le CEC est issu des délibérations du congrès de La Haye (mai 1948). Dès février 1949, un
602 congrès de La Haye (mai 1948). Dès février 1949, un Bureau d’études s’ouvrait à Genève, chargé d’élaborer le travail de l
603 travail de l’institution projetée, et d’organiser une « Conférence européenne de la culture ». Celle-ci se réunit à Lausann
604 alité juridique. Ses ressources sont assurées par des dons et subventions provenant de sources privées ou officielles, par
605 res et par la vente de ses publications. Le choix des objectifs du CEC est déterminé par deux critères : l’urgence d’un pro
606 CEC est déterminé par deux critères : l’urgence d’ un problème culturel qui se pose à l’échelle européenne, et ses possibil
607 éenne, et ses possibilités de solution pratiques. Un budget réduit au strict minimum opératif, un personnel volontairement
608 ues. Un budget réduit au strict minimum opératif, un personnel volontairement restreint, assez peu de papier, une organisa
609 el volontairement restreint, assez peu de papier, une organisation constamment subordonnée à l’efficacité, tels sont les tr
610 leur autonomie, tout en agissant dans le cadre d’ un programme commun. Quelles sont donc les grandes lignes de ce programm
611 grandes lignes de ce programme ? Laissant de côté des réalisations passées, qui furent entre autres le Congrès de composite
612 , recherches. Faire l’Europe, c’est d’abord faire des Européens, et cela signifie d’une part, éduquer dans les nouvelles gé
613 er dans les nouvelles générations la conscience d’ une commune appartenance aux formes de pensée et de vie qui définissent n
614 sent notre culture et notre civilisation, au-delà des nations actuelles ; d’autre part, exposer l’état présent de l’Europe,
615 Centre a donc suscité dans plusieurs de nos pays des expériences-pilotes d’éducation européenne prenant appui soit sur l
616 nne prenant appui soit sur le corps enseignant d’ une région donnée, soit sur des foyers de culture populaire en milieu rur
617 le corps enseignant d’une région donnée, soit sur des foyers de culture populaire en milieu rural ou urbain. Il leur fourni
618 ulaire en milieu rural ou urbain. Il leur fournit des moyens audiovisuels d’enseignement, des publications spéciales, des e
619 r fournit des moyens audiovisuels d’enseignement, des publications spéciales, des experts ou moniteurs, et des subventions,
620 suels d’enseignement, des publications spéciales, des experts ou moniteurs, et des subventions, réparties selon les directi
621 lications spéciales, des experts ou moniteurs, et des subventions, réparties selon les directives d’un Comité d’éducateurs
622 des subventions, réparties selon les directives d’ un Comité d’éducateurs où se trouvent représentés la plupart de nos pays
623 que année six à huit numéros spéciaux consacrés à des sujets d’intérêt européen, et largement diffusés en plusieurs langues
624 péen, et largement diffusés en plusieurs langues. Des plans de causerie , établis en tenant compte des milieux populaires
625 Des plans de causerie , établis en tenant compte des milieux populaires ou des groupes militants auxquels ils s’adressent,
626 tablis en tenant compte des milieux populaires ou des groupes militants auxquels ils s’adressent, permettent de multiplier
627 umentés donnés dans de petits groupes de travail. Un Service de conférenciers fournit des orateurs aux organisations int
628 de travail. Un Service de conférenciers fournit des orateurs aux organisations intéressées par les problèmes européens. U
629 isations intéressées par les problèmes européens. Une série, de films documentaires sur l’Europe est en cours de réalisat
630 ées par les services du CEC. Quant au département des Recherches, il a déjà organisé deux importants Séminaires, l’un sur l
631 rtants Séminaires, l’un sur l’avenir économique d’ une Europe sans frontières intérieures l’autre sur les conséquences pour
632 re actuellement trois plans nouveaux : création d’ un Institut technologique de formation européenne, pour les ingénieurs 
633 n européenne, pour les ingénieurs ; convocation d’ une Conférence « Afrique du Nord-Europe » ; organisation d’un Dialogue As
634 rence « Afrique du Nord-Europe » ; organisation d’ un Dialogue Asie-Europe. Parallèlement l’Association des instituts d’ét
635 ialogue Asie-Europe. Parallèlement l’Association des instituts d’études européennes , qui groupe 19 instituts de niveau un
636 iveau universitaire, et l’Association européenne des festivals de musique , qui groupe 21 grands festivals, poursuivent la
637 ar le CEC. Cependant que l’Association européenne des enseignants et celle des universitaires d’Europe proposent au CEC une
638 l’Association européenne des enseignants et celle des universitaires d’Europe proposent au CEC une forme « fédéraliste » d’
639 elle des universitaires d’Europe proposent au CEC une forme « fédéraliste » d’affiliation, sauvegardant l’autonomie des tro
640 raliste » d’affiliation, sauvegardant l’autonomie des trois institutions tout en assurant leur plus étroite coopération. ⁂
641 coopération. ⁂ Perspectives Contrairement à une opinion fort répandue, mais superficielle, la multiplicité des initia
642 ort répandue, mais superficielle, la multiplicité des initiatives européennes dans le domaine très vaste que l’adjectif « c
643 eut servir à désigner (sinon à définir) n’est pas un mal en soi, bien au contraire. Cette multiplicité traduit les diversi
644 s diversités réelles et organiques qui sont l’une des sources de la vitalité et des tensions fécondes de notre culture. Il
645 ques qui sont l’une des sources de la vitalité et des tensions fécondes de notre culture. Il ne s’agit nullement de les uni
646 seules ! — qui semblent bien devoir bénéficier d’ une intégration plus poussée. À l’heure où les institutions économiques e
647 que possible leurs services et leurs assemblées, un effort parallèle doit être entrepris dans le domaine de la culture. C
648 evise, spécifiquement fédéraliste, de cet effort. Un autre parallèle s’impose, entre la situation politique et la situatio
649 s unies, menacée dans ses positions mondiales par des empires qui l’accusent encore de colonialisme, mais la maintiennent e
650 uveraines » loin de s’additionner pour constituer une politique commune, se contredisent souvent et ne convergent jamais, f
651 redisent souvent et ne convergent jamais, faute d’ une institution unique et compétente. L’Europe a donc besoin d’un ministè
652 on unique et compétente. L’Europe a donc besoin d’ un ministère des Affaires étrangères européennes. Mais de même, dans le
653 frique et du Moyen-Orient d’autre part, appellent des solutions qu’aucun de nos États-nations ne peut élaborer, et moins en
654 urelles européennes qui se fait jour. Le besoin d’ une coordination entre nos forces culturelles, et le besoin de représenta
655 ivilisations : vue de l’extérieur, l’Europe forme un tout évident. En retour, nos différentes nations ne pourront engager
656 de traditions de tous nos peuples. Le Rhin serait une frontière naturelle, mais le Danube et le Rhône des liens naturels ?…
657 e frontière naturelle, mais le Danube et le Rhône des liens naturels ?…, etc. 20. Voir l’ Annuaire 1957 de l’Association d
658 etc. 20. Voir l’ Annuaire 1957 de l’Association des instituts d’études européennes (AIEE) publié en novembre 1957 par le
659 scientifique : les spoutniks ; et le budget total des fondations privées aux USA : 10 % du revenu national. k. Rougemont
9 1958, Articles divers (1957-1962). Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)
660 Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)l
661 ser les moyens de le prévenir ? On les relit avec une sorte d’avidité et d’anxiété rétrospective. L’un se borne à poser des
662 ective. L’un se borne à poser des questions, dans un domaine où il n’en sait guère plus que le citoyen raisonnable et moye
663 ein ? Il dit que, la guerre étant devenue le fait des nations, il faut créer l’autorité législative et judiciaire qui leur
664 llective » ? C’est écrit de Potsdam et sous l’œil des barbares. Freud répond de sa Vienne natale en sursis — elle n’en aura
665 d’Einstein se voit soumis à l’examen analytique d’ un praticien courtois, mais dénué d’illusions. Non, la force, dit-il, n’
666 ontraire du droit. Car le droit n’est en somme qu’ une autre forme de la violence inévitable. C’est la violence née de « l’u
667 e « l’union de plusieurs faibles ». La violence d’ un seul ne peut être brisée que par l’union de ses victimes, fondant sur
668 é ». Mais la Société des Nations ne dispose pas d’ une force à son échelle et ne provoque pas l’« identification » créatrice
669 à prétendre supprimer les penchants destructeurs des hommes. » Mais peut-on les canaliser vers d’autres formes d’expressio
670  ; d’autre part, à l’autorité : ce serait celle d’ une élite véritable de chefs, défenseurs supérieurs qui dirigeraient les
671 vent en présence de la guerre bien autre chose qu’ une répugnance morale : « une intolérance constitutionnelle ». Comment mu
672 rre bien autre chose qu’une répugnance morale : «  une intolérance constitutionnelle ». Comment multiplier ce type humain ?
673 s : le développement de la culture, et la crainte des effets d’une guerre totale. Einstein propose une seule idée, d’une i
674 ppement de la culture, et la crainte des effets d’ une guerre totale. Einstein propose une seule idée, d’une irréfutable lo
675 des effets d’une guerre totale. Einstein propose une seule idée, d’une irréfutable logique : celle d’un gouvernement mondi
676 uerre totale. Einstein propose une seule idée, d’ une irréfutable logique : celle d’un gouvernement mondial. J’y reviendrai
677 e seule idée, d’une irréfutable logique : celle d’ un gouvernement mondial. J’y reviendrai. Pour le reste, son diagnostic j
678 eviendrai. Pour le reste, son diagnostic joue sur des images d’Épinal. La « classe régnante » et les marchands de canons ti
679 en Occident, il y a beau temps que ce n’est plus une classe ! Les décisions qui font l’histoire concrète, et l’opinion pub
680 qui les prépare, résultent aujourd’hui de l’État, des Partis, des Affaires, et parfois des Églises — et non pas de leur com
681 are, résultent aujourd’hui de l’État, des Partis, des Affaires, et parfois des Églises — et non pas de leur complicité, mai
682 i de l’État, des Partis, des Affaires, et parfois des Églises — et non pas de leur complicité, mais plutôt de leurs dissens
683 seraient toutes dans le même sens à l’intérieur d’ une même nation, la résultante de leur action serait modifiée ou, dans ce
684 la pression contraire d’autres empires. L’idée d’ une classe régnante fauteuse de guerre est d’un autre âge, quoique popula
685 ée d’une classe régnante fauteuse de guerre est d’ un autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’étonner qu’Einstein l’ai
686 a montée d’Hitler au pouvoir, malgré l’opposition des partis, des nantis, des Églises et des cadres de l’État, pour une foi
687 itler au pouvoir, malgré l’opposition des partis, des nantis, des Églises et des cadres de l’État, pour une fois tous hosti
688 voir, malgré l’opposition des partis, des nantis, des Églises et des cadres de l’État, pour une fois tous hostiles à la gue
689 opposition des partis, des nantis, des Églises et des cadres de l’État, pour une fois tous hostiles à la guerre. Ce grand h
690 s’exprimait en public. Dans son rôle de critique des clichés « pacifistes » Freud, au contraire, paraît plus actuel que ja
691 , cette déclaration signifiait qu’à la violence d’ un seul s’opposerait la violence née de l’union de ses victimes. Mais, c
692 union, cela revenait à opposer aux chars d’Hitler une forte page de rhétorique. Nous voici donc ramenés à la nécessité d’un
693 torique. Nous voici donc ramenés à la nécessité d’ une autorité supérieure à celle des nations « souveraines ». Einstein et
694 à la nécessité d’une autorité supérieure à celle des nations « souveraines ». Einstein et Freud, par des voies différentes
695 s nations « souveraines ». Einstein et Freud, par des voies différentes, parviennent à cette même conclusion, mais sont d’a
696 la loi nouvelle ? Tandis que le physicien rêve d’ une autorité d’ordre moral, le psychologue paraît attendre davan­tage de
697 emain, écrit Freud, par suite du perfectionnement des engins de destruction, équivaudrait à l’extermination de l’un des adv
698 struction, équivaudrait à l’extermination de l’un des adversaires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée d’une « paix é
699 nation de l’un des adversaires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée d’une « paix éternelle » imposée par une arme ass
700 ires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée d’ une « paix éternelle » imposée par une arme assez puissante pour que le p
701 D’où l’idée d’une « paix éternelle » imposée par une arme assez puissante pour que le pouvoir central soit obéi… Or, prene
702 lore que le super-État qu’il rêve soit dépourvu d’ une force à sa mesure. Il la cherche en vain, ne voit rien… Et c’est à lu
703 protester contre le péril atomique, ni d’afficher un pacifisme désarmant. Pourtant, un soir de fièvre, il a signé la lettr
704 , ni d’afficher un pacifisme désarmant. Pourtant, un soir de fièvre, il a signé la lettre proposant à Roosevelt de fabriqu
705 l’avait inconsciemment conduit à doter l’homme d’ un suprême instrument de guerre, qui rendrait la guerre impossible ? En
706 fait, la situation s’est renversée. Ce n’est pas un super-État qui attend son arme, mais cette arme qui attend un pouvoir
707 t qui attend son arme, mais cette arme qui attend un pouvoir à sa taille. Car le second élément fédérateur qu’indiquait Fr
708 e saisissement, ou plus loin, dans le noir absolu des espaces intersidéraux ? l. Rougemont Denis de, « Pourquoi la guerr
709 l. Rougemont Denis de, « Pourquoi la guerre ? Un échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud », Réalités, P
10 1959, Articles divers (1957-1962).  Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)
710   Une expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)n 1. Du pacte des co
711 fédéralisme : la Suisse (1959)n 1. Du pacte des communes à l’alliance des États (xiiie au xixe siècle) On se fig
712 1959)n 1. Du pacte des communes à l’alliance des États (xiiie au xixe siècle) On se figure, et l’on écrit souvent
713 quelque six siècles à la Suisse pour devenir, par une évolution, l’État fédéral qu’elle est aujourd’hui. En réalité il a fa
714 ’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au terme d’ une crise de trente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi d’allianc
715 entre petits États souverains, et d’inexistence d’ un pouvoir central. Et cela s’est produit entre le 17 février et le 17 n
716 emande quelques explications, qui nous obligent à un rappel des origines. Les manuels d’histoire suisse donnent la date du
717 lques explications, qui nous obligent à un rappel des origines. Les manuels d’histoire suisse donnent la date du 1er août 1
718 le de la naissance de la Confédération. Il y a là un étrange anachronisme. Car ce qui se produisit ce jour-là, fut simplem
719 oduisit ce jour-là, fut simplement la signature d’ un pacte entre les trois « communes » rurales d’Uri, de Schwyz et d’Unte
720 rales d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald, maîtresses des débouchés nord du Gothard. Ce col était le seul à relier au travers d
721 thard. Ce col était le seul à relier au travers d’ une seule chaîne des Alpes les moitiés nord et sud du Saint-Empire. D’où
722 it le seul à relier au travers d’une seule chaîne des Alpes les moitiés nord et sud du Saint-Empire. D’où son importance st
723 du col au nom de l’Empire, contre les entreprises des féodaux voisins, que les Hohenstaufen donnèrent aux petits peuples de
724 que les Hohenstaufen donnèrent aux petits peuples des Waldstätten, déjà organisés en coopératives forestières, l’immédiatet
725 peu d’années après l’ouverture du col. Au nombre des seigneurs entreprenants qu’il fallait empêcher de dominer la route fi
726 aient en bonne place les Habsbourg, possesseurs d’ une série de châteaux au nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaient
727 ut du mois d’août 1291, — « considérant la malice des temps, et afin de se défendre et maintenir avec plus d’efficace », le
728 s étaient bien loin de se douter qu’ils fondaient un État nouveau, lequel serait un jour, la Suisse. Cette première allian
729 r qu’ils fondaient un État nouveau, lequel serait un jour, la Suisse. Cette première alliance locale d’hommes libres des c
730 e. Cette première alliance locale d’hommes libres des campagnes, directement inspirée des pactes en vigueur dans les commun
731 hommes libres des campagnes, directement inspirée des pactes en vigueur dans les communes lombardes, devait s’élargir et se
732 ardes, devait s’élargir et se compliquer au cours des siècles par l’adhésion ou la conquête de communautés voisines, villes
733 fin du xiiie siècle à la fin du xviiie siècle. Un enchevêtrement d’alliances particulières et un sens remarquable de la
734 e. Un enchevêtrement d’alliances particulières et un sens remarquable de la foi jurée devaient rester, pendant toute cette
735 Le Directoire français, en 1798, tenta d’imposer une Constitution unitaire aux cantons. Cette expérience jacobine de « Rép
736 antons. Cette expérience jacobine de « République une et indivisible » échoua contre la résistance presque unanime des peup
737 ble » échoua contre la résistance presque unanime des peuples et des patriciats dépossédés. Dès 1802, Napoléon écrivait aux
738 ntre la résistance presque unanime des peuples et des patriciats dépossédés. Dès 1802, Napoléon écrivait aux délégués helvé
739 it par les événements qui s’y sont succédé depuis des siècles, soit par sa situation géographique et topographique, soit pa
740 fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être d’ un homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’une
741 n conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’ une « organisation fédérative où chaque canton se trouve organisé suivant
742 , l’Acte de Médiation rétablissait l’indépendance des cantons. Au lendemain de la chute de l’empereur, en 1815, un nouveau
743 Au lendemain de la chute de l’empereur, en 1815, un nouveau Pacte fédéral consacra le retour à l’état de choses prérévolu
744 lutionnaire. Il restaurait la pleine souveraineté des cantons, remplaçait le pouvoir central par une simple Diète composée
745 té des cantons, remplaçait le pouvoir central par une simple Diète composée de plénipotentiaires des États, et supprimait l
746 ar une simple Diète composée de plénipotentiaires des États, et supprimait le terme de « citoyen suisse » qu’avait utilisé
747 étique », ainsi que l’on nommait alors l’ensemble des petites républiques et des bailliages occupant l’espace délimité par
748 mmait alors l’ensemble des petites républiques et des bailliages occupant l’espace délimité par les Alpes, le Jura, le lac
749 it donc encore, après cinq siècles, guère plus qu’ une simple Ligue d’États souverains, une alliance visant à assurer leur s
750 uère plus qu’une simple Ligue d’États souverains, une alliance visant à assurer leur sécurité collective et à unifier quelq
751 xes d’oligarchies patriciennes pures ou mitigées. Un lien si lâche ne représentait en vérité qu’une faible garantie pour l
752 es. Un lien si lâche ne représentait en vérité qu’ une faible garantie pour l’indépendance des cantons, en un siècle qui all
753 vérité qu’une faible garantie pour l’indépendance des cantons, en un siècle qui allait voir surgir deux nouvelles grandes p
754 ible garantie pour l’indépendance des cantons, en un siècle qui allait voir surgir deux nouvelles grandes puissances unifi
755 du renforcement de leur unité et de la création d’ un État. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de ce
756 ales. Ils ne se demandèrent pas : comment devenir une Nation ? mais bien : comment passer d’une alliance d’États (Staatenbu
757 devenir une Nation ? mais bien : comment passer d’ une alliance d’États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils
758 ent passer d’une alliance d’États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pas les seuls à poser ce p
759 ixe siècle, ils furent les seuls à le résoudre d’ une manière efficace et durable. 2. Crise du Pacte fédéral (1815-1848)
760 olue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain d’ une guerre civile qui en fit éclater à tous les yeux la gravité littérale
761 aujourd’hui au plan européen pour ne pas corriger des erreurs analogues. Les cantons se montraient incapables de pratiquer
762 Les cantons se montraient incapables de pratiquer une politique commune à l’égard des grandes nations voisines, mais ils n’
763 ns voisines, mais ils n’hésitaient pas à décréter des mesures de blocus contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins de
764 t droits de péages sur les marchandises passant d’ un canton à un autre ou d’une commune à une autre. « Il y en avait parto
765 péages sur les marchandises passant d’un canton à un autre ou d’une commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux
766 marchandises passant d’un canton à un autre ou d’ une commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux frontières ext
767 passant d’un canton à un autre ou d’une commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux frontières extérieures » rel
768 rafic étranger évitait donc la Suisse. Bien plus, un industriel de Saint-Gall avait intérêt à faire passer ses produits de
769 ance plutôt que par les routes suisses traversant une douzaine de frontières cantonales, par des routes et des ponts égalem
770 ersant une douzaine de frontières cantonales, par des routes et des ponts également frappés de droits. Si l’industrie suiss
771 zaine de frontières cantonales, par des routes et des ponts également frappés de droits. Si l’industrie suisse put survivre
772 la haute qualité de sa main-d’œuvre, héritière d’ un très vieil artisanat : les États faisaient tout pour l’étouffer, sous
773 de leur État. La chancellerie fédérale n’était qu’ un bureau chargé de préparer les affaires, et changeait de résidence tou
774 xagérait pas. Que pouvait entreprendre, en effet, une Confédération qui ne disposait que de contingents militaires levés et
775 les États souverains ? (Elle avait bien en propre une « caisse de guerre », et le droit de nommer le Général en chef, son é
776 mais elle n’en dépendait pas moins du bon plaisir des cantons, dans ce domaine.) Cependant, la population augmentait rapide
777 ) Cependant, la population augmentait rapidement. Un prolétariat industriel, misérable et inhumainement exploité s’était f
778 régiments du « service étranger », commandés par des fils de familles nobles suisses. Les idées libérales, qu’on nommait a
779 au fusil !)23 qui seules entretenaient l’idéal d’ une patrie commune et d’une véritable fédération, la Régénération conquit
780 s entretenaient l’idéal d’une patrie commune et d’ une véritable fédération, la Régénération conquit le pouvoir dans plusieu
781 s plusieurs cantons en vue de hâter l’avènement d’ une Suisse unie. En 1832, la Diète admit, sous la pression des cantons « 
782 e unie. En 1832, la Diète admit, sous la pression des cantons « régénérés », le principe d’une révision du Pacte fédéral. U
783 pression des cantons « régénérés », le principe d’ une révision du Pacte fédéral. Une commission de 15 membres fut chargée d
784 s », le principe d’une révision du Pacte fédéral. Une commission de 15 membres fut chargée de rédiger un projet de Constitu
785 e commission de 15 membres fut chargée de rédiger un projet de Constitution. Le rapport qu’elle présenta après quelques mo
786 t qu’elle présenta après quelques mois comportait un commentaire dû à la plume du délégué de Genève, Pellegrino Rossi24. I
787 quelques passages, qui évoquent irrésistiblement des situations que l’Europe a bien connues depuis, aux temps de la Sociét
788 institué en Suisse par le Pacte de 1815 créait «  une illusion plus dangereuse que l’isolement » par la fausse sécurité qu’
789 tégiques la Suisse, comme si la grande forteresse des Alpes était un désert livré au premier occupant ». Il décrivait la pa
790 se, comme si la grande forteresse des Alpes était un désert livré au premier occupant ». Il décrivait la paralysie qui fra
791 occupant ». Il décrivait la paralysie qui frappe une Diète formée de délégués d’États souverains et non de députés des peu
792 de délégués d’États souverains et non de députés des peuples : « Lequel de nous n’a dû souvent déplorer la forme actuelle
793 de nous n’a dû souvent déplorer la forme actuelle des délibérations fédérales ? Ces instructions discutées séparément, souv
794  ? Ces instructions discutées séparément, souvent un peu au hasard, dans vingt-deux législatures, dont les unes ne connais
795 trées… Les magistrats directeurs se trouvent dans une situation fausse. Ils doivent, pour ainsi dire, servir deux maîtres,
796 Il n’est, ce me semble, aucun motif de conserver un pareil état de choses… Rien ne milite en sa faveur, pas même la raiso
797 rale dans l’élite et les masses : « Oui, l’idée d’ une commune patrie ne nous est point étrangère… Et quoi qu’en disent les
798 t étrangère… Et quoi qu’en disent les détracteurs des temps modernes, c’est une des gloires de ces temps, que cette idée ai
799 disent les détracteurs des temps modernes, c’est une des gloires de ces temps, que cette idée ait acquis plus de netteté,
800 ent les détracteurs des temps modernes, c’est une des gloires de ces temps, que cette idée ait acquis plus de netteté, ce s
801 littéraires et savantes, les vœux, les projets d’ un grand nombre de cantons, et cette anxiété elle-même, et ce malaise gé
802 sible de méconnaître, et cette espérance que dans un nouveau Pacte, dans une confédération plus solide, doit se trouver le
803 t cette espérance que dans un nouveau Pacte, dans une confédération plus solide, doit se trouver le remède aux maux qui aff
804 se résumait essentiellement dans l’idée de créer un équilibre vivant entre la souveraineté des cantons et leur union ress
805 e créer un équilibre vivant entre la souveraineté des cantons et leur union resserrée, les cantons conservant « tous les dr
806 expressément cédés au pouvoir fédéral ». La Ligue des cantons, enfin dotée d’organes législatifs, exécutifs, judiciaires, a
807 tratifs et militaires, devait être transformée en un État moderne de forme fédérative. L’éloquence de Rossi ne parvint pas
808 aux jugèrent le projet timide et trop respectueux des souverainetés, les conservateurs et les catholiques le jugèrent révol
809 a en 1833, après l’avoir plusieurs fois renvoyé à des commissions. Trois cantons seulement avaient osé le proposer à la rat
810 alifié de « national » à l’époque. C’est ainsi qu’ un député (le grand savant A.-P. de Candolle) pouvait s’écrier en 1832 a
811 : « Que veulent les partisans du nouveau Pacte ?… Une république fédérative au lieu d’une réunion d’États souverains ! Avec
812 veau Pacte ?… Une république fédérative au lieu d’ une réunion d’États souverains ! Avec une position géographique, des mœur
813 e au lieu d’une réunion d’États souverains ! Avec une position géographique, des mœurs, des antécédents, une langue, qui no
814 tats souverains ! Avec une position géographique, des mœurs, des antécédents, une langue, qui nous distingue des confédérés
815 ains ! Avec une position géographique, des mœurs, des antécédents, une langue, qui nous distingue des confédérés, nous ne p
816 osition géographique, des mœurs, des antécédents, une langue, qui nous distingue des confédérés, nous ne pouvons vouloir un
817 , des antécédents, une langue, qui nous distingue des confédérés, nous ne pouvons vouloir un ordre de choses qui nous engag
818 distingue des confédérés, nous ne pouvons vouloir un ordre de choses qui nous engagerait au sacrifice de notre nationalité
819 s engagerait au sacrifice de notre nationalité. » Un autre député qualifiait de « chimère » l’idée d’une Union suisse s’op
820 n autre député qualifiait de « chimère » l’idée d’ une Union suisse s’opposant aux seules réalités solides : le sentiment na
821 olides : le sentiment national et la souveraineté des cantons. Cependant la « chimère » restait à l’ordre du jour, même au
822 et d’union l’avaient dénoncé comme introduisant «  un brandon de discorde » parmi les cantons : il le devint en effet, de p
823 et à refuser les évidences du bien commun, au nom des préjugés de la souveraineté. Les cantons catholiques, où le parti con
824 ur restait le maître, n’hésitèrent pas à conclure une alliance séparée, le Sonderbund, et à négocier l’intervention des pui
825 arée, le Sonderbund, et à négocier l’intervention des puissances de la Sainte-Alliance, qui avaient imposé et garanti le Pa
826 du roi de Prusse. La France lui fournit en secret des canons et des fusils. Lorsque les cantons libéraux décrétèrent le ban
827 se. La France lui fournit en secret des canons et des fusils. Lorsque les cantons libéraux décrétèrent le bannissement de l
828 s libéraux décrétèrent le bannissement de l’ordre des jésuites, en 1847, la guerre civile éclata. Les libéraux (ou « radica
829 Révolution) : il pressentait que l’instauration d’ une Suisse unie et libérale donnerait le signal du renversement de l’ordr
830 ar l’opinion européenne, et apporta par son issue un encouragement efficace aux libéraux. Mais il convient de souligner qu
831 l convient de souligner qu’en retour, l’imminence des révolutions de 1848 fut un facteur important du succès des radicaux s
832 n retour, l’imminence des révolutions de 1848 fut un facteur important du succès des radicaux suisses : elle retarda ou mê
833 utions de 1848 fut un facteur important du succès des radicaux suisses : elle retarda ou même paralysa l’action des Puissan
834 suisses : elle retarda ou même paralysa l’action des Puissances. La campagne fut menée avec décision, rapidité et humanité
835 s, ils contribuèrent à couvrir la dette de guerre des catholiques. Et dans l’atmosphère de réconciliation nationale ainsi c
836 d’entreprendre sans plus de délai la rédaction d’ une Constitution fédérale. Plus qu’une victoire des protestants sur les c
837 la rédaction d’une Constitution fédérale. Plus qu’ une victoire des protestants sur les catholiques, la guerre du Sonderbund
838 d’une Constitution fédérale. Plus qu’une victoire des protestants sur les catholiques, la guerre du Sonderbund venait de ma
839 uerre du Sonderbund venait de marquer le triomphe des fédéralistes sur les nationalistes cantonaux. 3. De la Ligue d’Éta
840 transformation de leur séculaire Ligue d’États en un État fédératif durable et fort. La commission de révision, nommée par
841 on de révision, nommée par la Diète et comprenant un délégué par canton, se réunit pour la première fois le 17 février 184
842 la première fois le 17 février 1848. La majorité des commissaires étaient des chefs de gouvernements cantonaux ou des magi
843 évrier 1848. La majorité des commissaires étaient des chefs de gouvernements cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’autr
844 s étaient des chefs de gouvernements cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’autres des commerçants, des médecins, d’anci
845 cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’autres des commerçants, des médecins, d’anciens commandants de divisions de l’ar
846 magistrats supérieurs, d’autres des commerçants, des médecins, d’anciens commandants de divisions de l’armée victorieuse ;
847 orieuse ; tous hommes d’expérience politique, pas un seul publiciste ou pur intellectuel. Dès la première réunion, ils déc
848 ui « à peu d’exceptions près — comme le déclarait un des membres — relatent ordinairement le contraire de ce qui s’est dit
849 « à peu d’exceptions près — comme le déclarait un des membres — relatent ordinairement le contraire de ce qui s’est dit dan
850 dinairement le contraire de ce qui s’est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de 31 séances plénières, ils
851 au cours de 31 séances plénières, ils élaborèrent un projet de 17 articles. Nombre de ces articles s’inspiraient du projet
852 mais les plus importants furent le fruit original des discussions du groupe. Dès le 15 mai, le projet ayant été transmis pr
853 a Diète en aborda l’examen. Une première lecture, un renvoi de quelques articles à une Commission, une seconde lecture et
854 remière lecture, un renvoi de quelques articles à une Commission, une seconde lecture et le vote final ne prirent en tout q
855 un renvoi de quelques articles à une Commission, une seconde lecture et le vote final ne prirent en tout que six semaines.
856 e projet était accepté par les deux tiers environ des représentants des cantons. La ratification populaire devait avoir lie
857 epté par les deux tiers environ des représentants des cantons. La ratification populaire devait avoir lieu avant le 1er sep
858 e mois d’août. Le 4 septembre, la Diète se réunit une dernière fois pour prendre connaissance des résultats : 15 cantons et
859 éunit une dernière fois pour prendre connaissance des résultats : 15 cantons et demi contre 6 et demi et 170 000 électeurs
860 l’élection du premier Conseil fédéral, inaugurant un régime qui ne devait plus être remis en question jusqu’à nos jours. L
861 l de la nouvelle Suisse unie fut immédiat. Aucune des catastrophes prédites et calculées par les adversaires de la fédérati
862 de la fédération ne se produisit. Souple synthèse des autonomies locales ou cantonales d’une part, des nécessités pratiques
863 des autonomies locales ou cantonales d’une part, des nécessités pratiques de l’union d’autre part, la Constitution de 1848
864 par ces chambres réunies, combine les attributs d’ un chef d’État à sept têtes et d’un cabinet de ministres ; on ne peut ch
865 les attributs d’un chef d’État à sept têtes et d’ un cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres da
866 cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’ un de ses membres dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des d
867 sir plus d’un de ses membres dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des différends de droit civil entre l’État c
868 dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des différends de droit civil entre l’État central et les cantons, corpor
869 oriquement tenu pour « insoluble » de l’abolition des souverainetés nationales se trouve résolu par un compromis qui, plus
870 des souverainetés nationales se trouve résolu par un compromis qui, plus qu’à la logique, satisfait au bon sens. Escamotag
871 tient en trois articles : Article 1. Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alli
872 le établit l’égalité devant la loi ; qu’elle crée une armée fédérale ; qu’elle supprime les péages intérieurs et reporte le
873 t le domaine culturel et éducatif à la discrétion des cantons ; qu’enfin elle prévoit une procédure de révision « en tout t
874 la discrétion des cantons ; qu’enfin elle prévoit une procédure de révision « en tout temps » par initiative populaire ou p
875 mentaire — on aura rappelé l’essentiel de l’œuvre des constituants de 1848. Une quarantaine de révisions partielles, et la
876 l’essentiel de l’œuvre des constituants de 1848. Une quarantaine de révisions partielles, et la révision générale (de tend
877 partielles, et la révision générale (de tendance un peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’en ont changé depuis plus
878 ce) opérée en 1874, n’en ont changé depuis plus d’ un siècle ni l’esprit ni le caractère spécifiquement fédéralistes. 4.
879 i le caractère spécifiquement fédéralistes. 4. Une expérience-témoin L’adoption de la Constitution de 1848 est saluée
880 itution de 1848 est saluée par la quasi-unanimité des historiens suisses comme l’événement capital de l’histoire des Conféd
881 s suisses comme l’événement capital de l’histoire des Confédérés. Elle tira les leçons de cinq siècles d’expériences souven
882 devoirs lentement élaborés par les divers régimes des républiques locales, et créa d’un seul coup l’État qui se nomme désor
883 e processus-éclair (9 mois en tout !) succédait à une longue période de crise et à des siècles de refus obstiné de tout pou
884 t !) succédait à une longue période de crise et à des siècles de refus obstiné de tout pouvoir central. L’absence de public
885 é de tout pouvoir central. L’absence de publicité des débats et le soin que l’on apporta à ne point passionner les esprits
886 à ne point passionner les esprits (au lendemain d’ une guerre civile et religieuse)25 contribua sans nul doute à cette célér
887 nstitution fédérale fut présentée au peuple comme un compromis, non point comme le gage du triomphe des radicaux. À vrai d
888 un compromis, non point comme le gage du triomphe des radicaux. À vrai dire, elle portait toutes les marques de cette modér
889 rques de cette modération, née du juste équilibre des contraires, qui dénote la présence d’un sentiment fédéraliste authent
890 quilibre des contraires, qui dénote la présence d’ un sentiment fédéraliste authentique… Nulle mesure de transition ne fut
891 et nul délai d’application. Or la suppression, d’ un trait de plume, des douanes intérieures et des entraves au libre étab
892 lication. Or la suppression, d’un trait de plume, des douanes intérieures et des entraves au libre établissement des citoye
893 , d’un trait de plume, des douanes intérieures et des entraves au libre établissement des citoyens d’un canton dans un autr
894 ntérieures et des entraves au libre établissement des citoyens d’un canton dans un autre, avait été présentée par les oppos
895 es entraves au libre établissement des citoyens d’ un canton dans un autre, avait été présentée par les opposants comme dev
896 libre établissement des citoyens d’un canton dans un autre, avait été présentée par les opposants comme devant fatalement
897 vie économique du pays. On prédisait la faillite des industries « protégées », l’envahissement des cantons riches par la m
898 ite des industries « protégées », l’envahissement des cantons riches par la main-d’œuvre des cantons pauvres, enfin le nive
899 ahissement des cantons riches par la main-d’œuvre des cantons pauvres, enfin le nivellement au plus bas des diversités cult
900 cantons pauvres, enfin le nivellement au plus bas des diversités culturelles, des coutumes et traditions locales si chères
901 vellement au plus bas des diversités culturelles, des coutumes et traditions locales si chères aux Suisses. Ce furent ces c
902 , chimères et utopies ». L’ascension économique d’ un riche canton industriel comme Zurich fut immédiate ; celle d’un pauvr
903 n industriel comme Zurich fut immédiate ; celle d’ un pauvre canton rural comme Glarus (son voisin) plus lente, mais certai
904 produisit, en dépit de la suppression instantanée des frontières économiques. Notons en passant qu’il n’est pas un des argu
905 es économiques. Notons en passant qu’il n’est pas un des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été repris, da
906 économiques. Notons en passant qu’il n’est pas un des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été repris, dans l
907 otons en passant qu’il n’est pas un des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été repris, dans les débats actu
908 er. A-t-on pris garde qu’il fallait trois jours à un député des Grisons pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’un
909 pris garde qu’il fallait trois jours à un député des Grisons pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’une matinée à
910 s pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’ une matinée à un délégué grec ou scandinave pour se rendre à Paris ou à B
911 re à Berne, tandis qu’il ne faut qu’une matinée à un délégué grec ou scandinave pour se rendre à Paris ou à Bruxelles ? L’
912 ue ne l’étaient les paysans primitifs d’Appenzell des patriciens cosmopolites de Genève ; ils sont moins nombreux, et souve
913 de moins ancienne tradition nationale… Si, à bien des égards, la formation de la Suisse comme État représente une expérienc
914 , la formation de la Suisse comme État représente une expérience de laboratoire annonçant des applications futures à grande
915 eprésente une expérience de laboratoire annonçant des applications futures à grande échelle, il faut relever qu’à son époqu
916 jà, le pacte de 1291, dernier reflet du mouvement des communes italiennes, françaises et flamandes, était apparu comme une
917 nnes, françaises et flamandes, était apparu comme une réaction tardive, une exception, dont les destinées devaient être exc
918 amandes, était apparu comme une réaction tardive, une exception, dont les destinées devaient être exceptionnellement heureu
919 nale au Moyen Âge ; elle représente le résultat d’ une révolution générale qui a été vaincue partout ailleurs »26. De même,
920 xplosion d’enthousiasme et de violence populaire. Une dernière remarque s’impose. Elle concerne le sens du mot fédéralisme,
921 l’histoire suisse. Les radicaux de 1848 voulaient une vraie fédération, mais ils passaient pour des centralistes unitaires.
922 ent une vraie fédération, mais ils passaient pour des centralistes unitaires. Leurs ennemis, catholiques et conservateurs,
923 e diminuer les souverainetés locales et d’établir un lien fédéral efficace. De nos jours encore, ceux qui s’intitulent « f
924 ralistes » au plan européen, sont les partisans d’ une union institutionnelle de nos pays. Cette contradiction apparente et
925 de l’union quand les diversités tendent à devenir des divisions, — ou le thème des autonomies locales, quand l’union tend à
926 és tendent à devenir des divisions, — ou le thème des autonomies locales, quand l’union tend à devenir unification forcée.
927 ècle. Nous ne pouvons songer à en donner ici même un aperçu : la Suisse compte 25 cantons ! Les meilleurs ouvrages d’ensem
928 ’histoire suisse considérée dans son unité datent des débuts du xxe siècle : H. Barth, Bibliographie der Schweizergeschic
929 r les origines : Karl Meyer, Ueber die Einwirkung des Gotthardpasses auf die Anfänge der Eidgenossenschaft, in « Geschichts
930 its du Protocole de la Commission constituante et des journaux privés des membres de la Commission). Voir aussi : Fritz Fle
931 la Commission constituante et des journaux privés des membres de la Commission). Voir aussi : Fritz Fleiner, Entstehung und
932 le Genevois Eynard — et trouva dans cette passion un idéal commun, associant toutes les classes et toutes les régions. 24
933 une de ses patries d’adoption.) 25. Sur le total des citoyens ayant le droit de vote, 55 % à peine se dérangèrent pour acc
934 urich, 1925, I, p. 79. n. Rougemont Denis de, «  Une expérience de fédéralisme : la Suisse », L’Europe du XIXe et du XXe s
11 1959, Articles divers (1957-1962). La nature profonde de l’Europe (juin 1959)
935 rope disparaissait, le monde perdrait le secret d’ un certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès,
936 e monde perdrait le secret d’un certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès, qui est l’accroissemen
937 e secret d’un certain équilibre des contraires, d’ une certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque humain
938 e notre inquiétude, inséparable de la condition d’ un homme localement déterminé qui cependant veut l’universel. Denis de R
939 e sa nature et de transcender son destin au nom d’ une vocation universelle. Qu’est-ce en somme que la Renaissance ? Sinon l
940 t germanique, arabe enfin ; et leur fusion dégage une énergie dont le champ ne saurait être que la planète entière, conquér
941 t le monde : elle l’a fait. Épousons cette idée d’ une Europe qui n’existe que dans son dépassement et qui ne serait pas ell
942 a conçu l’idée d’humanité, la vision planétaire d’ un genre humain issu du Dieu unique de la Genèse et destiné au grand ras
943 de la Genèse et destiné au grand rassemblement «  des nations et des langues » qu’annonce l’Apocalypse. Avec cette source j
944 t destiné au grand rassemblement « des nations et des langues » qu’annonce l’Apocalypse. Avec cette source judéo-chrétienne
945 ue loue Alexandre d’avoir voulu « réunir comme en un seul grand vase tous les peuples du monde entier » et d’avoir « ordon
946 sprit de solidarité évangélique — que tous soient un comme les membres variés d’un même corps, participant du même Esprit
947 e — que tous soient un comme les membres variés d’ un même corps, participant du même Esprit — et des notions conjointes d’
948 d’un même corps, participant du même Esprit — et des notions conjointes d’Église et de personne dériveront plus tard le dr
949 lise et de personne dériveront plus tard le droit des gens, les droits de l’homme, et l’idée d’une « histoire universelle »
950 roit des gens, les droits de l’homme, et l’idée d’ une « histoire universelle », dès Augustin. Dira-t-on que les spécialiste
951 gustin. Dira-t-on que les spécialistes retrouvent des notions analogues dans les religions de l’Inde et de la Chine ? Ces s
952 ative d’associer les nations de toute la terre en un seul corps. 2. C’est l’Europe qui a donné naissance à la seule civili
953 ’il régnait sur le monde : il n’en connaissait qu’ un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’une illusion semblable lor
954 qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’ une illusion semblable lorsque nous constatons que tous les peuples d’une
955 le lorsque nous constatons que tous les peuples d’ une planète entièrement inventoriée adoptent aujourd’hui nos sciences et
956 élires caractéristiques, dont le nationalisme est un tragique exemple. Chose étrange, c’est avec la fin de l’ère du coloni
957 . C’est l’Europe qui peut seule animer le courant des échanges mondiaux. Car c’est elle qui les a mis en branle dès l’époqu
958 r c’est elle qui les a mis en branle dès l’époque des grandes découvertes, en balisant les voies du commerce maritime. C’es
959 me honni fut aussi la première « mise en valeur » des possibilités complémentaires qu’offrent aux hommes les variétés conti
960 les variétés continentales. Ne parlons pas ici d’ une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’en dic
961 i d’une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’ une nécessité, qui n’en dicte pas moins une politique mondiale. À la veil
962 git que d’une nécessité, qui n’en dicte pas moins une politique mondiale. À la veille de la guerre de 1914, les échanges de
963  % de son commerce. Aujourd’hui, les importations des États-Unis ne correspondent qu’à 4 % de leur revenu national. L’Europ
964 rien sans le monde : elle doit être mondiale, par une nécessité vitale. 4. C’est l’Europe qui représente aujourd’hui non se
965 paléontologie, la paléographie, le déchiffrement des langues mortes, l’édition critique des palimpsestes, la datation par
966 hiffrement des langues mortes, l’édition critique des palimpsestes, la datation par le carbone 14, la manie publique et pri
967 on par le carbone 14, la manie publique et privée des collections, l’enregistrement des folklores sur disques, l’exploratio
968 lique et privée des collections, l’enregistrement des folklores sur disques, l’exploration systématique, les fouilles, les
969 êtes sociologiques en 7 volumes sur les indigènes des îles Trobriand, les films et les microfilms accumulés dans les archiv
970 ofilms accumulés dans les archives ; ce Musée est une invention, cette Mémoire du Monde est un acte, et cette immense Récap
971 sée est une invention, cette Mémoire du Monde est un acte, et cette immense Récapitulation du genre humain est une créatio
972 cette immense Récapitulation du genre humain est une création de l’histoire. Qui d’autre que l’Europe a su tendre ce piège
973 iole les tabous, mais qu’entoure le respect sacré des foules. Résumons cela ; je vois l’Asie sous-développée courir après l
974 ssie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et de l’invention
975 ai que le monde, irréductiblement, tend à devenir un organisme, on ne voit pas quelle autre partie de ce grand corps peut
976 t prédestinée. Du seul point de vue de l’économie des échanges, elle n’est rien si elle n’est pas l’animatrice d’une circul
977 elle n’est rien si elle n’est pas l’animatrice d’ une circulation planétaire. Qui peut en dire autant dans notre siècle ? L
978 oir industrielle. L’URSS vit en autarcie, grâce à des conditions qui rappellent l’esclavage à l’intérieur, le servage chez
979 mais ils n’y sont pas vitalement contraints. Part des importations dans le revenu national : 4 %, ne l’oublions pas. L’Euro
980 r elle-même. L’Europe seule ne peut plus se payer une politique provincialiste. Elle se voit condamnée par l’histoire à rep
981 par l’histoire à reprendre son rôle d’animatrice des échanges internationaux. Par quoi n’entendez point je ne sais quel le
982 s hégémonie — ce qu’elle fut dès la Renaissance : une fonction mondiale, un foyer, une perpétuelle puissance de dépassement
983 e fut dès la Renaissance : une fonction mondiale, un foyer, une perpétuelle puissance de dépassement d’elle-même. À cet ap
984 la Renaissance : une fonction mondiale, un foyer, une perpétuelle puissance de dépassement d’elle-même. À cet appel, toutef
985 e me rappelle ce jeune Oriental qui disait devant un congrès d’étudiants internationaux : « Nous détestons pour telle rais
986 sités externes et globales, dictées par l’attente des élites d’outre-mer et par la conjoncture mondiale, répondent les néce
987 fin. Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résou
988 hommes d’État, victimes généralement vertueuses d’ un vocabulaire périmé, qui plaît aux foules. Cet irréalisme têtu, ce sen
989 ces, quand il est clair que vouloir s’isoler dans une souveraineté vide de tout contenu économique ou politique ne saurait
990 ne mène pratiquement qu’à tomber sous la coupe d’ un des deux « grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’est aussi
991 mène pratiquement qu’à tomber sous la coupe d’un des deux « grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’est aussi… La
992 uveraine, la Hongrie l’est aussi… La France est «  un grand pays qui n’a besoin de personne ». L’Angleterre est liée aux do
993 e qu’elle est au centre de l’Europe, et à cause d’ une histoire très ancienne ; l’Autriche est neutre aussi parce qu’elle to
994 sur l’histoire et mettons entre parenthèses l’ère des souverainetés nationales, irréductibles mais fictives. Nous voyons co
995 ectives de la conjoncture mondiale. Tenant compte des unes et des autres, comment concevoir cette union ? On ne peut l’imag
996 a conjoncture mondiale. Tenant compte des unes et des autres, comment concevoir cette union ? On ne peut l’imaginer que féd
997 édérale, si le fédéralisme est bien compris comme une méthode d’union dans la diversité. Or cette méthode n’est pas seuleme
998 , elle est l’Europe en tant que pouvoir créateur. Une Europe uniformisée perdrait sa force principale : l’indiscipline fonc
999 ait sa force principale : l’indiscipline foncière des vocations personnelles et communautaires. C’est de l’ensemble des ten
1000 rsonnelles et communautaires. C’est de l’ensemble des tensions valables et fécondes qui la tissent depuis deux-mille ans qu
1001 ue l’Europe a tiré son dynamisme incomparable. Qu’ un tel régime n’aille pas sans grands risques, toutes nos guerres le dém
1002 rts-circuits ne doit pas entraîner la suppression des installations électriques, productrices de lumière et d’énergie, — co
1003 nt en somme, au nom de la paix, les neutralistes. Un certain rationalisme aplati, une certaine logique prétendue cartésien
1004 les neutralistes. Un certain rationalisme aplati, une certaine logique prétendue cartésienne, mais qui n’est guère que l’es
1005 ’ensemble harmonique (rien de plus fédéraliste qu’ un chœur ou qu’un orchestre, créations typiques de l’Europe). Prenez la
1006 nique (rien de plus fédéraliste qu’un chœur ou qu’ un orchestre, créations typiques de l’Europe). Prenez la peinture : les
1007 mêle pour simplifier, ce qui ne donne que le brun des uniformes. Prenez, le corps humain. Prenez, la vie. Tout ce qui vit,
1008 l’Europe, et n’ayant d’autre but que d’entretenir un foyer permanent d’animation mondiale des échanges, ne saurait se défi
1009 ntretenir un foyer permanent d’animation mondiale des échanges, ne saurait se définir en termes jacobins de nation, de supe
1010 nie continentale. Nos États se définissent depuis des siècles par les frontières de leur domaine, auxquelles ils tentent ab
1011 ne, auxquelles ils tentent abusivement de réduire des réalités aussi hétérogènes que la langue, la défense militaire, la re
1012 la fige dans les manuels scolaires et le système des échanges économiques, voire culturels, qui est mouvant par définition
1013 paysanne et bourgeoise, cadastrale et chicanière des âges prétechniques. C’est elle encore qui impose aux services de l’Ét
1014 ices de l’État la tâche idiote de faire coïncider des surfaces et des dogmes, des accidents de terrain jadis notables et de
1015 a tâche idiote de faire coïncider des surfaces et des dogmes, des accidents de terrain jadis notables et des organigrammes
1016 te de faire coïncider des surfaces et des dogmes, des accidents de terrain jadis notables et des organigrammes de lignes aé
1017 ogmes, des accidents de terrain jadis notables et des organigrammes de lignes aériennes. L’Europe unie du xxe siècle, fonc
1018 rait donc être conçue selon le modèle archaïque d’ un État-nation. Les questions de bornes et de passeports n’ont plus de q
1019 l’intéresser. Le problème, sans cesse reposé par des historiens amateurs, des limites exactes de l’Europe, loin d’être un
1020 e, sans cesse reposé par des historiens amateurs, des limites exactes de l’Europe, loin d’être un sérieux « préalable », es
1021 urs, des limites exactes de l’Europe, loin d’être un sérieux « préalable », est une simple sottise à l’âge des ondes et de
1022 Europe, loin d’être un sérieux « préalable », est une simple sottise à l’âge des ondes et des fusées intercontinentales. Un
1023 eux « préalable », est une simple sottise à l’âge des ondes et des fusées intercontinentales. Un pôle d’énergie n’est pas d
1024 le », est une simple sottise à l’âge des ondes et des fusées intercontinentales. Un pôle d’énergie n’est pas défini par ses
1025 l’âge des ondes et des fusées intercontinentales. Un pôle d’énergie n’est pas défini par ses « limites », mais par l’inten
1026 ensité de son pouvoir d’attraction et d’émission. Un bassin fluvial n’est pas défini par son contour, mais par sa navigabi
1027 défini par son contour, mais par sa navigabilité. Une personne n’est pas définie par sa fiche de police. Déclencher un p
1028 pas définie par sa fiche de police. Déclencher un processus d’union C’est dans cette perspective ouverte et dynamiqu
1029 s cette perspective ouverte et dynamique, celle d’ une méthode pour fomenter de l’universel, non d’une nation reculant un pe
1030 d’une méthode pour fomenter de l’universel, non d’ une nation reculant un peu ses bornes, que doit être considérée l’union p
1031 omenter de l’universel, non d’une nation reculant un peu ses bornes, que doit être considérée l’union partielle des six pa
1032 ornes, que doit être considérée l’union partielle des six pays qui ont initié le Marché commun. Ceux qui reprochent aux aut
1033 sent aujourd’hui à la Petite Europe, déjà réelle, une Grande Europe qu’ils n’ont cessé depuis dix ans de refuser comme utop
1034 re, que cette Petite Europe (qui égale sur plus d’ un point les grands États-Unis et dépasse bien souvent le « colosse » so
1035 uvent le « colosse » soviétique) n’est au fond qu’ une mesure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle
1036 e se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’ une zone de libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclencher
1037 s d’une zone de libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclencher un processus d’union, il serait manqué si les
1038 e. L’objectif évident des Six étant de déclencher un processus d’union, il serait manqué si les Six, dès maintenant, tenta
1039 forcée. En revanche, vouloir ou escompter l’échec des Six serait adopter en fait la politique du Kremlin, très alertée sur
1040 sé, pour ce jour-là précisément, la publication d’ une interview « sensationnelle », d’ailleurs prise trois semaines auparav
1041 trois semaines auparavant et qui chassa l’Europe des grands titres…) Opposer la Petite Europe à la Grande est un double no
1042 titres…) Opposer la Petite Europe à la Grande est un double non-sens ; c’est d’abord méconnaître sans nulle raison avouabl
1043 nnaître la nature même du processus d’association des Six, étonnamment conforme à la définition que je proposais plus haut
1044 s haut de l’Europe comme fonction, c’est-à-dire d’ une Europe qui ne serait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à êt
1045 ièrement européen dans l’existence encore fragile des Six, c’est qu’ils sont vitalement intéressés à devenir ces Dix-Sept q
1046 u total vingt-trois, qui se trouve être le nombre des fils de ce Japhet auquel fut dévolue l’Europe — l’Asie allant à Sem,
1047 ant à Sem, l’Afrique à Chain — selon la tradition des Pères de l’Église. Et quand les descendants de ces vingt-trois fils (
1048 langues », selon les textes) se verront réunis en une famille, ils sauront bien, c’est dans leur sang, que l’Europe entière
1049 est dans leur sang, que l’Europe entière n’est qu’ un appel au monde. Quelles sont les chances actuelles de notre union, en
1050 toire, a su rendre effective l’implicite ambition des civilisations majeures : étendre au monde entier ses mesures et ses l
1051 ement, seule encore dans l’histoire, a su devenir une culture de dialogue, de discussion critique de ses propres fondements
1052 e discussion critique de ses propres fondements : une culture de la liberté, et qui trouve dans les risques qu’elle assume,
1053 sûres de durer. Ce fait patent, sans précédent, d’ une culture devenue planétaire (et sans rivaux sérieux, j’y reviendrai) n
1054 s du romantisme qui n’avaient pas attendu Valéry, une habitude de pensée pessimiste s’est installée dans nos esprits. Non s
1055 i : toute grandeur serait suivie nécessairement d’ une décadence. Cette erreur s’explique en partie par le fait que les aute
1056 aisser d’héritage actif ; celle de Lascaux, celle des Mayas, celle des Aztèques, sauvées seulement par quelques œuvres d’ar
1057 actif ; celle de Lascaux, celle des Mayas, celle des Aztèques, sauvées seulement par quelques œuvres d’art ; celle des Mon
1058 uvées seulement par quelques œuvres d’art ; celle des Mongols qui ne laisse rien qu’une herbe rase. Mais les civilisations
1059 s d’art ; celle des Mongols qui ne laisse rien qu’ une herbe rase. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche
1060 , d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’Homme, qui définissent aujourd’hui pour Bandung, à peine
1061 nts de tout progrès social. Et non pas le système des classes hindoues, ni le mandarinat, ni le Bushido (je ne juge pas de
1062 Bushido (je ne juge pas de valeurs, j’enregistre des faits.) Les civilisations antiques, sans lesquelles l’Europe ne serai
1063 ent, puis métamorphosées et baptisées, au cours d’ un processus qu’on ne voit aucune raison de nommer décadence plutôt que
1064 candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération, ou simplement la reprise
1065 réclame l’oblitération, ou simplement la reprise des charges de notre civilisation ? Les USA ? Ils s’européanisent en prof
1066 e nous, chrétiens ou athées pour qui le doute est une forme essentielle du culte que l’homme sincère rend à la Vérité. Je m
1067 e l’homme sincère rend à la Vérité. Je me promets un jour de poser cette question à des sages des cinq continents ; si l’E
1068 . Je me promets un jour de poser cette question à des sages des cinq continents ; si l’Europe devait disparaître, emportée
1069 omets un jour de poser cette question à des sages des cinq continents ; si l’Europe devait disparaître, emportée par un cat
1070 ts ; si l’Europe devait disparaître, emportée par un cataclysme ou défaite, nation par nation, faute d’avoir su se fédérer
1071 nant ma réponse personnelle, présumant que plus d’ un l’approuvera : en perdant notre Europe vivante, le monde perdrait aus
1072 le monde perdrait aussi les secrets et recettes d’ un certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès,
1073 si les secrets et recettes d’un certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès, qui est l’accroissemen
1074 recettes d’un certain équilibre des contraires, d’ une certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque humain
1075 e notre inquiétude, inséparable de la condition d’ un homme fini et localement déterminé, qui cependant veut l’universel.
12 1960, Articles divers (1957-1962). Éclipse ou disparition d’une civilisation ? (1960)
1076 Éclipse ou disparition d’ une civilisation ? (1960)o I Le xxe siècle a vu la civilisation
1077 seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est ass
1078 t assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’ une civilisation a la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui en
1079 entons qu’une civilisation a la même fragilité qu’ une vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles
1080 nte qu’elle soit, elle exprime, à mon avis, l’une des erreurs les plus célèbres de notre temps. Mais comment expliquer son
1081 iquer son succès ? Au seuil de l’œuvre en prose d’ un de nos grands poètes, cette phrase résume et condense en quelques mot
1082 cette phrase résume et condense en quelques mots une assez longue tradition de pessimisme européen. Dès 1791, le philosoph
1083 philosophe français Volney, méditant sur la mort des civilisations, citait à peu près les mêmes noms pour illustrer le mêm
1084 Seine, de la Tamise ou du Zuyderzee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et
1085 ui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendr
1086 uines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’années plus
1087 dre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’années plus tard, Hegel introduisait l’idée que chaque pe
1088 Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est «  un individu dans la marche de l’Histoire » et qu’il obéit donc, comme to
1089 ire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait
1090 ’elles devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée, — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengl
1091 lus loin ; il est convaincu que toute culture est un organisme, et correspond morphologiquement à un individu, animal ou v
1092 t un organisme, et correspond morphologiquement à un individu, animal ou végétal. Il en résulte inexorablement que toute c
1093 joignons la phrase de Valéry. Enfin Toynbee, dans un effort admirable pour embrasser l’ensemble des conditions du monde hu
1094 ans un effort admirable pour embrasser l’ensemble des conditions du monde humain, croit pouvoir établir empiriquement, par
1095 ir établir empiriquement, par l’examen comparatif des 21 civilisations qui ont existé jusqu’ici, les lois complexes mais co
1096 névitable. Ces historiens et philosophes, armés d’ une écrasante érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre qu
1097 tions semblent confirmées par les faits. Au cours des années qui suivent la Première Guerre mondiale, les dictatures prévue
1098 seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’ une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la
1099 t-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’ une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de rép
1100 r qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’ une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre à ces quest
1101 ormulons tout de suite deux remarques dictées par une élémentaire prudence historique. Primo, l’hégémonie politique n’est
1102 s toujours et nécessairement liée à la vitalité d’ une civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être perdue
1103 civilisation, mais que l’Europe du Moyen Âge eut une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’est pas du tout certain q
1104 et particulièrement sur l’exemple le mieux connu des Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné l
1105 e pour nous ? La civilisation européenne est-elle une civilisation comme les autres ? Est-elle donc vraiment comparable à c
1106 Son destin peut-il être prédit par extrapolation des exemples antiques ? Voilà qui n’est pas sûr du tout. Il se pourrait,
1107 caractères nouveaux et originaux, qui déterminent un destin non comparable, et même tout à fait différent à partir d’un ce
1108 parable, et même tout à fait différent à partir d’ un certain moment, d’un certain seuil… Avant de rien pouvoir décider sur
1109 à fait différent à partir d’un certain moment, d’ un certain seuil… Avant de rien pouvoir décider sur ce point, force nous
1110 re et la seule à franchir, s’affranchissant ainsi des lois fatales, qui ont entraîné la ruine des autres civilisations, dem
1111 ainsi des lois fatales, qui ont entraîné la ruine des autres civilisations, demeurées locales. II Les civilisations a
1112 . II Les civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique, ou des Mayas, fondaient leu
1113 des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique, ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur un principe formateur uniq
1114 ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur un principe formateur unique, le Sacré. Les civilisations totalitaires d
1115 ’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’ une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux gro
1116 germanique et celtique, arabe et slave —, à cause des valeurs souvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en a héritée
1117 civilisation européenne s’est trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtou
1118 tout, elle n’a jamais voulu se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses institutions, sa religion,
1119 e et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite
1120 iter le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons auj
1121 ge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il
1122 par cette culture, n’a jamais été autre chose qu’ une unité dans la diversité, une unité paradoxale consistant dans la seul
1123 s été autre chose qu’une unité dans la diversité, une unité paradoxale consistant dans la seule volonté commune à tous de r
1124 anente n’a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites religieuses, intellectuelles et po
1125 s et politiques, et par elles la partie agissante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois
1126 rièvement ces trois vertus et ce ne sera pas dans un esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci de décrire les idéaux
1127 sens de la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique
1128 s vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborés par
1129 élites intellectuelles le sens critique, au nom d’ un absolu de vérité. D’autre part, le sens critique devrait nécessaireme
1130 n contradictoire. Nous pouvons donc expliquer par des motifs religieux et philosophiques l’un des caractères les plus indis
1131 r par des motifs religieux et philosophiques l’un des caractères les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vé
1132 e sens critique, et qui a permis le développement des sciences exactes, notamment. Voilà qui peut paraître banal à des Euro
1133 actes, notamment. Voilà qui peut paraître banal à des Européens élevés dans le respect de la vérité dite objective, de la s
1134 nt cette exigence de l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
1135 tères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la nième vir
1136  matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la nième virgule près, car autrement le p
1137 sous la charge, ou l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
1138 l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il
1139 chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plai
1140 De ce destin, il se croit ou se veut maître, pour une part tout au moins, grande ou infime, — cela se discute depuis que l’
1141 quant au sens qu’il donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de m
1142 if, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fixé par le gouver
1143 if et matériel, fixé par le gouvernement au nom d’ une doctrine ennuyeuse ; c’est le but général, statistique et abstrait, s
1144 , n’exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’est pas responsable. Le Karma,
1145 és » revendiquent à grands cris et non sans haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le
1146 avail acharné que nous nous sommes imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que votre misère est fo
1147 ersonnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est respons
1148 de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ces a
1149 e, le risque individuel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliq
1150 iduel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’êtr
1151 ’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part entière, et tous ces éléments spirituels, ju
1152 tique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soudain un sens précis pour les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est un s
1153 r les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan de ré
1154 mprunté à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’
1155 stifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en valeur ces trois ve
1156 lles permettent d’illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’est surtout parce qu’elles expliquent la plupart d
1157 es nos institutions : et enfin, de la combinaison des trois vertus résulte notre dynamisme irrépressible. Si nous avons tou
1158 développé les sciences physiques et naturelles, à un degré littéralement incomparable. Certes, les peuples du Proche-Orien
1159 e, ou de se transformer demain radicalement, et d’ une manière imprévisible. Avant de concentrer leurs énergies sur cette ex
1160 nce. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce sont les
1161 le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui
1162 ue du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations
1163 ence parfois si profondément les choix politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé
1164 mmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du fond des temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et à partir
1165 t bibliothèques, ils ont élaboré les préalables d’ une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et
1166 ont élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales
1167 préalables d’une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouverne
1168 ience comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements et cette soci
1169 s cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements et cette sociologie totale, ou
1170 et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements et cette sociologie totale, ou planétair
1171 ations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements et cette sociologie totale, ou planétaire, prépare elle
1172 opéenne ne va pas se réaliser à nos dépens. C’est un fait que l’Europe a répandu sur toute la Terre, au hasard de la colon
1173 ucoup de nos secrets de puissance matérielle — en un mot, le monde reçoit nos produits. Mais il ne reçoit pas les valeurs
1174 le devenir « mortelle » comme l’ont prédit depuis un siècle la majorité de nos plus grands penseurs ? J’oserai dire contre
1175 la civilisation européenne, née de la confluence des sources les plus diverses, se distinguait par là de toutes les autres
1176 itant de la vallée et du delta du Nil. Il y avait un mot différent pour désigner les habitants des terres voisines, à mi-c
1177 vait un mot différent pour désigner les habitants des terres voisines, à mi-chemin entre l’animal et l’Égyptien. Pour les G
1178 , car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ »), cette conception devait (seule) permettre à ceux
1179 sidérer tous les hommes comme dignes et capables, un jour ou l’autre, de participer pleinement à l’effort civilisateur. Ma
1180 ême temps qu’elle redécouvrait et faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’extinction. Valéry nous disait que « 
1181 s de Lascaux, les statues grecques et les temples des Pharaons menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité des civilisa
1182 t les temples des Pharaons menacés par les eaux d’ un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très varia
1183 s menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très variable. Certes, plusieurs ont
1184 tif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des Aurignaciens, ou plus près de nous celle des Hittites, plus près enco
1185 elle des Aurignaciens, ou plus près de nous celle des Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais les
1186 nous celle des Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte e
1187 es Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche-O
1188 , d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’Homme, qui définissent aujourd’hui pour tous les peuples
1189 ts de tout progrès social ; et non pas le système des castes hindoues, ni le mandarinat, ni le Bushido. On peut le regrette
1190 On peut le regretter, mais on doit le constater. Un sociologue français, Roger Caillois, écrivait non sans drôlerie à pro
1191 sacrés publiés de nos jours et retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des ethnographes, archéologues et philosop
1192 retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des ethnographes, archéologues et philosophes de l’Europe, poursuivant l’
1193 on ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’ une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances de
1194 de celles qui nous ont précédés : c’était parfois une catastrophe naturelle, comme la dernière période glaciaire, ou le des
1195 hara, affectant la région entière où avait fleuri une civilisation déterminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce fu
1196 ient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’ une civilisation rivale, soit plus primitive, comme dans le cas des Dorie
1197 on rivale, soit plus primitive, comme dans le cas des Doriens détrônant la Crète, ou des Germains submergeant Rome, soit pl
1198 me dans le cas des Doriens détrônant la Crète, ou des Germains submergeant Rome, soit plus audacieuse et prestigieuse, comm
1199 ques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’agissait dans tous ces cas, de civilisati
1200 ’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques et des Incas. Il s’agissait dans tous ces cas, de civilisations locales, ent
1201 candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la reprise
1202 i réclame l’oblitération ou simplement la reprise des charges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Il y
1203 eau du point de vue de la civilisation ? Est-elle une autre civilisation ? Lénine définissait ainsi sa Révolution : « Le ma
1204 me plus l’électricité. » Or le marxisme n’est pas une invention marxiste au sens politique de ce terme, et encore moins une
1205 te au sens politique de ce terme, et encore moins une invention soviétique. Ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais c’est
1206 pas Popov qui l’a inventé, mais c’est Karl Marx, un juif allemand dont le père était devenu protestant, et qui écrivait e
1207 e est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’ un débat séculaire entre la théologie chrétienne et la philosophie des L
1208 e entre la théologie chrétienne et la philosophie des Lumières, au moment où se constituaient la sociologie et la technolog
1209 argée d’aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins ! C’est l’URSS qui introduit dans cette Chine si fermée le
1210 en proche dans les mœurs et les modes de penser d’ une nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n’a guère été
1211 t » de la Chine de Mao n’a guère été jusqu’ici qu’ un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés par l’Europe et
1212 culaire, ne consiste nullement dans l’avènement d’ une civilisation originale ou renouvelée, de quelque néo-cannibalisme mag
1213 magique, mais au contraire dans l’adoption rapide des formes de vie politique, sociale et économique élaborées par l’Europe
1214 ssie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de l’Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse » de l
1215 e » de l’Europe ? Je vais le dire : dans l’esprit des Européens, et pas ailleurs. III Devant le recul, ou la métamorp
1216 t fait frémir Lénine ! — on reparle aujourd’hui d’ un péril jaune, en attendant le péril noir. Je n’y crois guère. Notre éc
1217 et notre vocation. Aux yeux du monde, il n’y a qu’ un seul péril sérieux : le péril blanc ! La civilisation européenne, dev
1218 qui enfièvre et qui ruine l’Europe depuis près d’ un siècle et demi, et que nous refusons de prendre au tragique, cette pa
1219 rique, dresse contre nous au nom de nos principes des revendications haineuses et délirantes. Forme collective de l’orgueil
1220 n’en poursuit pas moins ses ravages dans l’esprit des Européens comme dans l’esprit de peuples neufs, empêchant au-dedans c
1221 se aux réalités spirituelles, à tout ce qui donne un sens, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne serait guère plu
1222 alités spirituelles, à tout ce qui donne un sens, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne serait guère plus dangereu
1223 ophique, la passion de défier le destin, le refus des choses comme elles vont, inquiétude, passion et refus sans quoi la sc
1224 o, par où j’entends les bureaucrates et la police des États. Ces maladies de l’Europe sont plus dangereuses pour le reste d
1225 même, où elles sont nées. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’est vaccinée contre ces maladies. L’Europe a secrét
1226 rdt, à la fin du siècle passé ; et le second dans un quotidien du parti communiste de Pékin, il y a deux ans. Burckhardt d
1227 ropéennes au xxe siècle. Voici sa prophétie dans une lettre qui date de 1871 : Le sort des ouvriers sera le plus étrange…
1228 hétie dans une lettre qui date de 1871 : Le sort des ouvriers sera le plus étrange… l’État militaire va devenir le Grand F
1229 ment abandonnées à leur pauvreté et à leur envie. Un certain degré contrôlé de misère, avec de l’avancement et des uniform
1230 degré contrôlé de misère, avec de l’avancement et des uniformes, chaque journée commencée et terminée par un roulement de t
1231 iformes, chaque journée commencée et terminée par un roulement de tambour, voilà ce qui doit logiquement se produire. Or
1232 unesse de Pékin, le 27 septembre 1958 : À l’aube des trompettes sonnèrent et des sifflets retentirent pour le rassemblemen
1233 mbre 1958 : À l’aube des trompettes sonnèrent et des sifflets retentirent pour le rassemblement de la population de la com
1234 mblement de la population de la commune Spoutnik. Un quart d’heure après les travailleurs étaient alignés. Sur l’ordre des
1235 rès les travailleurs étaient alignés. Sur l’ordre des commandants de compagnie et de brigades, les équipes, drapeaux en têt
1236 s, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèrent d’ un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de deux
1237 en cheminant lentement vers les champs. On entend des pas cadencés et des chants de marche. L’habitude millénaire des paysa
1238 nt vers les champs. On entend des pas cadencés et des chants de marche. L’habitude millénaire des paysans à vivre au petit
1239 és et des chants de marche. L’habitude millénaire des paysans à vivre au petit bonheur est à jamais disparue. Quel énorme c
1240 ous l’avons refusée sous sa forme hitlérienne, en un mot, l’organisme européen a réagi avec succès. Notre tâche en Europe,
1241 morales et civiques s’enlisent dans l’euphorie d’ un confort insipide, non plus libérateur d’énergies neuves, mais tyranni
1242 . Rougemont Denis de, « Éclipse ou disparition d’ une civilisation ? », Stato sociale, Turin, 1960, p. 546-561.
13 1960, Articles divers (1957-1962). Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)
1243 Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)q r Posé devan
1244 Un péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)q r Posé devant le monde entier par l’annonce
1245 r Posé devant le monde entier par l’annonce d’ un nouveau concile œcuménique, le problème de l’union des Églises chréti
1246 ouveau concile œcuménique, le problème de l’union des Églises chrétiennes concerne-t-il aussi les non-chrétiens, qui sont l
1247 ans la mesure où la religion chrétienne est aussi une force historique, liée en fait et depuis plus d’un millénaire aux des
1248 e force historique, liée en fait et depuis plus d’ un millénaire aux destins de l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle n
1249 ion de toutes les religions, et non pas seulement des chrétiens, que cet argument exigerait. La possibilité d’une telle uni
1250 ens, que cet argument exigerait. La possibilité d’ une telle union paraît encore aussi douteuse que l’efficacité d’un front
1251 n paraît encore aussi douteuse que l’efficacité d’ un front commun fondé sur le respect des valeurs transcendantes : car l’
1252 efficacité d’un front commun fondé sur le respect des valeurs transcendantes : car l’alliance de plusieurs absolus, considé
1253 de ceux qui s’y rattachent, qui est de l’ordre d’ un milliard. S’il est vrai que le monde communiste enferme un nombre équ
1254 rd. S’il est vrai que le monde communiste enferme un nombre équivalent d’individus, ce n’est qu’officiellement, par contra
1255 bien moins nombreux que les chrétiens pratiquants des trois grandes confessions dans les pays de l’Europe de l’Est et en Ru
1256 tants baptistes, à quoi s’ajoutent les luthériens des pays baltes et les Arméniens du Caucase). Le PC russe n’a jamais dépa
1257 ons ces spéculations aux commentateurs politiques un peu frottés de sociologie. La survie de l’Occident est une chose, la
1258 rottés de sociologie. La survie de l’Occident est une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le chr
1259 ident est une chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le christianisme, non de gagner le monde mais
1260 t homme qui se veut chrétien doit vouloir l’union des Églises, c’est pour des motifs spirituels commandés par la substance
1261 tien doit vouloir l’union des Églises, c’est pour des motifs spirituels commandés par la substance même du christianisme et
1262 substance même du christianisme et non point par des hypothèses sur son « succès » dans le monde et sur sa condition. Ces
1263 bien évidents. Le christianisme est la religion d’ un Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et de la Vérité qui ne s
1264 e l’union, et de la Vérité qui ne saurait être qu’ une . C’est pour cela, et non point en vertu d’une conjoncture mondiale ac
1265 qu’une. C’est pour cela, et non point en vertu d’ une conjoncture mondiale actuelle ou prévisible, que la désunion persista
1266 ion persistante et déclarée du monde chrétien est un scandale, j’entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’une inf
1267 monde chrétien est un scandale, j’entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’une infidélité à la vocation même de
1268 entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’ une infidélité à la vocation même de l’homme chrétien, comme à l’ordre di
1269 rétien, comme à l’ordre divin : « Que tous soient un … » C’est au niveau des hiérarchies ecclésiastiques, par-dessus la têt
1270 e divin : « Que tous soient un… » C’est au niveau des hiérarchies ecclésiastiques, par-dessus la tête des fidèles, que les
1271 s hiérarchies ecclésiastiques, par-dessus la tête des fidèles, que les grandes divisions historiques se sont produites. Il
1272 rêts, mais ce qu’il y a de meilleur dans le désir des hommes, l’intérêt dernier de leur vie. Le christianisme a bel et bien
1273 st paradoxalement l’exigence d’unité, conçue dans un esprit de sagesse politique, toujours méfiante, et non de confiance é
1274 ngile demande l’union, ce n’est jamais aux dépens des vocations diverses, dont nulle instance humaine n’est juge en dernier
1275 de plusieurs, je ne puis en appeler qu’à l’union des chrétiens comme étant l’unique voie qui me paraisse ouverte vers quel
1276 quelque forme encore imprévisible d’unité future des Églises. L’ambition unitaire me paraît utopique, et sa poursuite n’év
1277 aît utopique, et sa poursuite n’évoque en moi que des images qui offensent la pudeur spirituelle : épreuves de force ou mar
1278 irituelle : épreuves de force ou marchandages sur des formules disciplinaires, diplomatie secondant l’action du Saint-Espri
1279 à découvrir, cette voie qui passerait par l’union des chrétiens dans la réalité de leur existence me paraît au contraire pr
1280 st, ont supprimé les sacrements et n’ont guère qu’ un seul dogme, qui est le libre examen. Et beaucoup de protestants sont
1281 duit au culte de la Vierge, sa morale au décompte des jours du Purgatoire. En revanche, combien savent-ils, de part et d’au
1282 la Résurrection, sont communément professés ; qu’ un même Credo y est lu tous les dimanches, le même Évangile annoncé, et
1283 nt ensuite leurs guides à la réalité œcuménique ? Un peu plus de connaissance mutuelle (par exemple assister au culte des
1284 naissance mutuelle (par exemple assister au culte des autres) et l’interdiction solennelle d’enseigner ou de tolérer les pr
1285 seigner ou de tolérer les préjugés et les clichés des nationalismes religieux. J’ai fait depuis longtemps une autre observa
1286 tionalismes religieux. J’ai fait depuis longtemps une autre observation dans l’étude passionnée que je poursuis des tempéra
1287 servation dans l’étude passionnée que je poursuis des tempéraments religieux et de leurs formes d’expression : c’est que da
1288 rs formes d’expression : c’est que dans le sein d’ une même Église coexistent deux attitudes que l’on peut qualifier selon l
1289 les la dogmatique confessionnelle a peu de prise. Un seul exemple. On qualifie de nos jours de « catholicisants » les prot
1290 e Présence. Quant à ceux qui savent englober dans une seule et même Église les deux tendances — anglicans, luthériens de Su
1291 ue — ils ouvrent la voie de l’union. Le renouveau des études liturgiques dans les Églises issues de la Réforme, le renouvea
1292 ns les Églises issues de la Réforme, le renouveau des études bibliques dans le catholicisme romain, la découverte du problè
1293 licisme romain, la découverte du problème social ( un peu forcée) dans l’orthodoxie gréco-russe, et l’union des Églises de
1294 forcée) dans l’orthodoxie gréco-russe, et l’union des Églises de l’Inde, sont autant de signes visibles d’une mystérieuse c
1295 lises de l’Inde, sont autant de signes visibles d’ une mystérieuse convergence que tout invite à seconder. L’union réelle
1296 que tout invite à seconder. L’union réelle Une fédération des Églises, plutôt qu’une Église unifiée : voilà qui m’ap
1297 e à seconder. L’union réelle Une fédération des Églises, plutôt qu’une Église unifiée : voilà qui m’apparaît l’object
1298 n réelle Une fédération des Églises, plutôt qu’ une Église unifiée : voilà qui m’apparaît l’objectif raisonnable du grand
1299 n nomme en termes techniques « l’intercommunion » des chrétiens : qu’un fidèle, en tous lieux et tous temps, n’importe où,
1300 echniques « l’intercommunion » des chrétiens : qu’ un fidèle, en tous lieux et tous temps, n’importe où, dans le monde enti
1301 mmes hésitant longuement sur le seuil fascinant d’ une église — je pense au cas de Simone Weil — trouveraient-ils alors le c
1302 onheur d’être élevés, qu’ils aiment comme on aime une patrie, mais l’amour est lucide, la patrie n’est pas le monde… Voici
1303 e leur désignait. Je ne suis pas étranger plus qu’ un autre aux problèmes concrets de mon temps, économiques, sociaux et po
1304 du sens de nos vies. q. Rougemont Denis de, «  Un péché mortel : la désunion des chrétiens », Réalités, Paris, mars 196
1305 ugemont Denis de, « Un péché mortel : la désunion des chrétiens », Réalités, Paris, mars 1960, p. 66-67. r. Cet article pa
1306 ture profonde de l’Europe” en juin 1959) est l’un des plus grands essayistes chrétiens de notre temps. Calviniste de la Sui
1307 e, il représente, au sein du protestantisme, l’un des éléments les plus conscients de l’importance du rapprochement entre l
14 1960, Articles divers (1957-1962). Le nationalisme et l’Europe (mars 1960)
1308 , dans les peuples du tiers-monde, n’est guère qu’ une revendication d’indépendance, proclamée contre l’Occident colonialist
1309 quelle elles apparaissent comme les survivances d’ une autre ère. Pour comprendre la vraie nature du phénomène c’est dans le
1310 est idéologie, avant d’être histoire. Il est né d’ une dialectique idéale et non du jeu des forces économiques, qu’il a faus
1311 Il est né d’une dialectique idéale et non du jeu des forces économiques, qu’il a faussé en y intervenant, et qui tend à l’
1312 maliser. Plutôt donc que de retracer la chronique des triomphes et des méfaits du nationalisme en Europe, — ce serait refai
1313 onc que de retracer la chronique des triomphes et des méfaits du nationalisme en Europe, — ce serait refaire l’histoire du
1314 u seul concept, au moyen de repères bien précis : une série de textes, objets d’époque, dûment signés, témoins irréfutables
1315 t signés, témoins irréfutables du style de pensée des Européens de 1789 à 191427. I. Des jacobins à Hegel Au principe
1316 le de pensée des Européens de 1789 à 191427. I. Des jacobins à Hegel Au principe du nationalisme, nous trouvons le rai
1317 trouvons le raisonnement suivant, toujours lié à une période de crise guerrière ou révolutionnaire : — Notre peuple se dis
1318 aire : — Notre peuple se distingue entre tous par une mission historique d’une portée universelle (Liberté, Progrès, Cultur
1319 distingue entre tous par une mission historique d’ une portée universelle (Liberté, Progrès, Culture, gouvernement exemplair
1320 or la guerre a ses exigences : discipline absolue des individus, de leurs réflexes et de leur pensée même, lutte contre les
1321 e même, lutte contre les factions, centralisation des pouvoirs, raison d’État suprême en tout, puisque l’État incarne la mi
1322 e a cette formule parfaite : Il est de l’intérêt des nations de protéger la nation française, parce que c’est de la France
1323 lébrer les victoires de l’armée de la Liberté par une « fête de l’Humanité », que Vergniaud célèbre en ces termes : Chante
1324 ud célèbre en ces termes : Chantez donc, chantez une victoire qui sera celle de l’humanité. Il a péri des hommes ; mais c’
1325 victoire qui sera celle de l’humanité. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse plus. Je le jure, au nom
1326 ue vous allez établir, chacun de vos combats sera un pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples. Déjà
1327 as de fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples. Déjà, le Patriote français avait publié le 15 décembre 1791
1328 trale l’idéal unitaire de la Révolution, étendu à un genre humain totalement « nivelé » par les lois de la Liberté : Nous
1329 is de la Liberté : Nous ne sommes pas libres, si un seul obstacle moral arrête notre marche physique sur un seul point du
1330 l obstacle moral arrête notre marche physique sur un seul point du globe. Les droits de l’homme s’étendent sur la totalité
1331 Les droits de l’homme s’étendent sur la totalité des hommes. Une corporation qui se dit souveraine, blesse grièvement l’hu
1332 de l’homme s’étendent sur la totalité des hommes. Une corporation qui se dit souveraine, blesse grièvement l’humanité, elle
1333 bsolue, suprême. Or, si je rencontre sur la terre une volonté particulière qui croise l’instinct universel, je m’y oppose ;
1334 t universel, je m’y oppose ; cette résistance est un état de guerre et de servitude dont le genre humain, l’être suprême,
1335 21 avril 1792, Cloots avait remis à la Convention un ouvrage intitulé la République universelle, dans lequel il demandait
1336 verselle, dans lequel il demandait la suppression des gouvernements locaux, et leur remplacement par une République mondial
1337 es gouvernements locaux, et leur remplacement par une République mondiale dont le centre serait Paris : Un corps ne se fai
1338 épublique mondiale dont le centre serait Paris : Un corps ne se fait pas la guerre à lui-même, et le genre humain vivra e
1339 nre humain vivra en paix, lorsqu’il ne formera qu’ un seul corps, la nation unique… La commune de Paris sera le point de ré
1340 veux donc que le législateur de la France oublie un instant l’univers pour ne s’occuper que de son pays ; je veux cette e
1341 t centralisée, devait conduire la Révolution, par une nécessité concrète, à la négation même de ses premiers principes : à
1342 ter dans toute l’Europe. Les réactions de défense des peuples « libérés » prendront la même forme que l’agression : une mob
1343 bérés » prendront la même forme que l’agression : une mobilisation de l’instinct patriotique au nom de l’État, bientôt appu
1344 patriotique au nom de l’État, bientôt appuyé par une idéologie adéquate. C’est ce contrecoup idéologique qui m’intéresse i
1345 ntrecoup idéologique qui m’intéresse ici. Partant des mêmes prémisses rousseauistes que les jacobins, et de la même ambitio
1346 peuples du monde antique étaient séparés les uns des autres d’une manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Po
1347 onde antique étaient séparés les uns des autres d’ une manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Pour eux, l’étr
1348 uns des autres d’une manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Pour eux, l’étranger était un ennemi ou un barba
1349 e foule de conditions. Pour eux, l’étranger était un ennemi ou un barbare. On peut au contraire considérer les peuples de
1350 nditions. Pour eux, l’étranger était un ennemi ou un barbare. On peut au contraire considérer les peuples de la nouvelle E
1351 es de la nouvelle Europe chrétienne comme formant une seule nation. Unis par une même origine, par les mêmes coutumes et le
1352 rétienne comme formant une seule nation. Unis par une même origine, par les mêmes coutumes et les mêmes conceptions primiti
1353 êmes coutumes et les mêmes conceptions primitives des forêts de Germanie, ils furent aussi liés les uns aux autres, depuis
1354 les provinces de l’Empire romain d’Occident, par une même religion commune et la même soumission au chef visible de cette
1355 c l’introduction du droit romain et l’application des concepts romains concernant les Imperators aux rois modernes et à l’e
1356 hés ou les couvents, — commencèrent à avoir cours des idées et des institutions proprement politiques… Les États modernes s
1357 uvents, — commencèrent à avoir cours des idées et des institutions proprement politiques… Les États modernes se sont ainsi
1358 décrire dans la doctrine du droit la formation d’ un État par le rassemblement et la réunion d’individus isolés sous l’uni
1359 i, mais plutôt par la séparation et la division d’ une seule grande masse humaine, faiblement unie. Ainsi les divers États d
1360 insi les divers États de l’Europe chrétienne sont des morceaux de l’ancien ensemble, déterminés en grande partie pour leur
1361 our leur étendue, par le hasard. … Les citoyens d’ un même État doivent tous trafiquer entre eux. L’Europe chrétienne forma
1362 trafiquer entre eux. L’Europe chrétienne formant un tout, le commerce des Européens entre eux devait être libre. Il est f
1363 L’Europe chrétienne formant un tout, le commerce des Européens entre eux devait être libre. Il est facile de faire l’appli
1364 est facile de faire l’application à l’état actuel des choses. Si toute l’Europe chrétienne avec les colonies et les places
1365 es dans les autres parties du monde, forme encore un tout, alors assurément le commerce de toutes les parties entre elles
1366 és. Or, l’Europe n’en est encore qu’à la période des essais pour former de véritables Nations. Il s’agit donc de pousser v
1367 turelles. Dès lors, il n’a plus rien à demander à un autre État, car il a trouvé ce qu’il cherchait. Ainsi, à l’utopie ro
1368 te la monnaie mondiale se trouvant dans les mains des citoyens, c’est-à-dire tout l’or et l’argent, sera retirée de la circ
1369 sera retirée de la circulation et échangée contre une nouvelle monnaie nationale, c’est-à-dire n’ayant cours que dans le pa
1370 commerce et de le faire cesser entièrement après un laps de temps déterminé. Il lui faut donc prendre des mesures permett
1371 laps de temps déterminé. Il lui faut donc prendre des mesures permettant d’atteindre bientôt sûrement ce but. Il doit y mar
1372 les ans l’importation étrangère doit diminuer. D’ une année à l’autre le public a moins besoin de ces marchandises qui ne p
1373 t être produites en leur pureté ni remplacées par des succédanés dans le pays, puisqu’il doit s’en déshabituer entièrement,
1374 illeurs activement à cela par la constante hausse des prix. … L’exportation également doit diminuer : car suivant le plan,
1375 uivant le plan, le gouvernement diminue le nombre des fabriques calculées pour les débits à l’étranger, et consacre les bra
1376 qui travaillaient jusqu’ici pour les étrangers à des travaux pour les nationaux, de la manière convenable. Il ne cherche p
1377 convenable. Il ne cherche pas en effet à acquérir une prépondérance commerciale, ce qui est une tendance dangereuse, mais à
1378 cquérir une prépondérance commerciale, ce qui est une tendance dangereuse, mais à rendre la nation entièrement indépendante
1379 le tourisme. Seule exception prévue : les voyages des savants. Et ce trait rappelle avec une étrange précision les pratique
1380 es voyages des savants. Et ce trait rappelle avec une étrange précision les pratiques totalitaires du xxe siècle : Le sav
1381 rmé : il ne doit pas être permis plus longtemps à une vaine curiosité et à la recherche de distractions de transporter en t
1382 transporter en tout pays leur ennui. Les voyages des premiers s’effectuent pour le plus grand bien de l’humanité et de l’É
1383 État savants et artistes. Il est évident que dans une nation ainsi fermée, dont les membres ne vivent qu’entre eux et fort
1384 s membres ne vivent qu’entre eux et fort peu avec des étrangers, qui acquiert par suite des mesures indiquées sa façon de v
1385 rt peu avec des étrangers, qui acquiert par suite des mesures indiquées sa façon de vivre, son organisation et ses mœurs pa
1386 e, l’honneur national se développera très vite, à un degré élevé, ainsi qu’un caractère national nettement marqué. Ce sera
1387 développera très vite, à un degré élevé, ainsi qu’ un caractère national nettement marqué. Ce sera une autre nation absolum
1388 u’un caractère national nettement marqué. Ce sera une autre nation absolument nouvelle. Cette introduction d’une monnaie na
1389 nation absolument nouvelle. Cette introduction d’ une monnaie nationale en est véritablement la création. Le seul lien qui
1390 n’aura le moindre intérêt à ne pas communiquer à un autre ses découvertes, puisque chaque État en effet ne peut les utili
1391 en asservir d’autres et pour s’attribuer sur eux une prépondérance quelconque. De toutes les utopies issues de la philoso
1392 oir le mieux correspondu aux réalités historiques des cent-cinquante ans qui allaient suivre. Quelques années plus tard29 F
1393 sur l’idée que « les Européens chrétiens forment un seul peuple reconnaissant l’Europe pour leur patrie commune, et d’un
1394 nnaissant l’Europe pour leur patrie commune, et d’ un bout à l’autre du continent cherchent les mêmes choses et sont attiré
1395 nce unitive fournit à Fichte le point de départ d’ un plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera peu à peu,
1396 que le genre humain tout entier soit fondu dans «  une seule République de la Culture ». À l’expansion colonialiste dans l’a
1397 ns, puis à l’étape nécessaire de fermeture totale des monades nationales, succédera donc un jour, selon Fichte, l’expansion
1398 ure totale des monades nationales, succédera donc un jour, selon Fichte, l’expansion triomphale de la culture européenne,
1399 : ne fut-ce que par la collusion de la science et des nationalismes, ces derniers étant doublement liés à la guerre par leu
1400 la bataille de Valmy, il a compris que la clameur des sans-culottes : « Vive la Nation ! » inaugurait une ère nouvelle, née
1401 s sans-culottes : « Vive la Nation ! » inaugurait une ère nouvelle, née de la guerre et vivant d’elle. « Vive la Nation » n
1402 qui a saisi le pouvoir par la violence, provoque des résistances intérieures. L’État y répondra par la Terreur et par la g
1403 ialisme napoléonien sera la résultante nécessaire des tensions internes créées par la volonté d’uniformiser le peuple, et d
1404 créées par la volonté d’uniformiser le peuple, et des tensions externes créées par l’idéal missionnaire qui amène le Parti
1405 dans sa prétention à régner au nom de tous contre une partie du peuple. Mais l’État-nation exige davantage que l’obéissance
1406 t-nation exige davantage que l’obéissance passive des opposants. À la faveur des guerres qu’il présentera toujours comme un
1407 e l’obéissance passive des opposants. À la faveur des guerres qu’il présentera toujours comme une « défense de nos foyers »
1408 aveur des guerres qu’il présentera toujours comme une « défense de nos foyers »30, il mobilise l’instinct patriotique et op
1409 re en date de toutes les nationalisations ; celle des communautés locales, des attachements sentimentaux et des intérêts de
1410 nationalisations ; celle des communautés locales, des attachements sentimentaux et des intérêts de groupe. Notons au passag
1411 unautés locales, des attachements sentimentaux et des intérêts de groupe. Notons au passage que la guerre, qu’elle soit civ
1412 l’esprit de Valmy, se représente la nation comme une croisade pour l’idée : « Ce ne sont pas les déterminations naturelles
1413 omme esprit et nature.) Cet esprit national est «  un individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre act
1414 fatalement décline et meurt. Chaque peuple mûrit un fruit ; son activité consiste à accomplir son principe, non à en joui
1415 transfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. II. nation et Liberté, ou le grand paradoxe
1416 f de la nation, confisqué par l’État, a conduit à des guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes
1417 s de l’esprit » plus redoutables encore : la Race des maîtres, le Herrenvolk, le Prolétariat et sa dictature… Pourquoi ce b
1418 beau système d’évolution globale vers l’harmonie des peuples libérés a-t-il été brutalement démenti au terme même du proce
1419 t démenti au terme même du processus de formation des grandes et petites nations européennes, qui était censé produire la p
1420 romantisme, en appelant lyriquement la formation des « nationalités » comme autant d’étapes nécessaires d’une dialectique
1421 ationalités » comme autant d’étapes nécessaires d’ une dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passions
1422 tique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne pouvait contrôler, mais que seuls les États
1423 tion française : libérer sa propre nation du joug des tyrans intérieurs ou étrangers, c’est libérer l’Europe et le genre hu
1424 ineté de l’État qui s’en prévaudra. Et l’anarchie des souverainetés divinisées, refusant toute instance supérieure à leur «
1425 ement du canal de Suez dont aussitôt la politique des États, après s’y être opposée, s’empare sans vergogne. Le grand élan
1426 s’empare sans vergogne. Le grand élan libertaire des quarante-huitards échoue dans les manuels d’écoles primaires, et s’y
1427 anke à Renan et de Nietzsche à Sorel aboutiront à une série de prophéties uniformément pessimistes, quant à l’avenir de not
1428 es, quant à l’avenir de notre civilisation. Voici des textes jalonnant cette double évolution des idées et des faits, en di
1429 Voici des textes jalonnant cette double évolution des idées et des faits, en divergence vertigineuse, qui devait nous mener
1430 tes jalonnant cette double évolution des idées et des faits, en divergence vertigineuse, qui devait nous mener à 1914. He
1431 ri Heine épouse au début l’idéologie de Herder et des romantiques allemands : celle d’une Europe des nationalités, qu’il co
1432 de Herder et des romantiques allemands : celle d’ une Europe des nationalités, qu’il considère lui aussi comme une étape in
1433 et des romantiques allemands : celle d’une Europe des nationalités, qu’il considère lui aussi comme une étape inévitable, q
1434 des nationalités, qu’il considère lui aussi comme une étape inévitable, quoique dangereuse de l’évolution historique : Tou
1435 ne succède la fraternité chrétienne. Passons sur des exclamations lyriques comme celle qui ouvre son poème « Germania » :
1436 poème « Germania » : « Oui ! le monde entier sera un jour allemand ! » Quand Heine accepte l’idée de nation, c’est dans le
1437 l’idée de nation, c’est dans le sens mazzinien d’ une « Internationale des nationalités », et il loue Herder d’avoir consid
1438 est dans le sens mazzinien d’une « Internationale des nationalités », et il loue Herder d’avoir considéré l’humanité « comm
1439 loue Herder d’avoir considéré l’humanité « comme une grande harpe dans la main d’un grand maître », chaque nation étant un
1440 ’humanité « comme une grande harpe dans la main d’ un grand maître », chaque nation étant une des cordes et contribuant par
1441 la main d’un grand maître », chaque nation étant une des cordes et contribuant par un son particulier à « l’harmonie unive
1442 main d’un grand maître », chaque nation étant une des cordes et contribuant par un son particulier à « l’harmonie universel
1443 ue nation étant une des cordes et contribuant par un son particulier à « l’harmonie universelle ». Il n’en redoute pas moi
1444 état de troupeau unique sous la houlette de fer d’ un seul berger : Napoléon à Sainte-Hélène disait que dans un proche ave
1445 erger : Napoléon à Sainte-Hélène disait que dans un proche avenir le monde serait une république américaine ou une monarc
1446 disait que dans un proche avenir le monde serait une république américaine ou une monarchie universelle russe. La dépriman
1447 enir le monde serait une république américaine ou une monarchie universelle russe. La déprimante prophétie ! … Quelle persp
1448 ophétie ! … Quelle perspective ! Dans le meilleur des cas, mourir d’ennui en tant que républicain ! Pauvres petits-fils !
1449 la « nationalité » représente la dernière défense des diversités européennes, pour les Hongrois et les Polonais écrasés par
1450 rasés par la Russie, elle est le synonyme concret des libertés élémentaires. Et malheur à l’Europe si elle abandonne ces pe
1451 camp du général polonais Bem, et qui fut tué dans un combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je me bornerai à dire que la
1452 é et ses espérances dans l’avenir, que la mémoire des incalculables services rendus par elle à la chrétienté et à la civili
1453 uple ! Alors que d’autres n’osent même pas verser des larmes Nous les Magyars, nous versons notre sang. Te faut-il encore p
1454 ous descendre ? Adam Mickiewicz, dans son Livre des Pèlerins polonais répercute ce cri de révolte de l’Est européen aband
1455 ands, et je criais vers toi, nation, afin d’avoir un morceau de fer pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’as
1456 n, afin d’avoir un morceau de fer pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’as donné un article de gazette. Mais c
1457 se et une poignée de poudre, et toi tu m’as donné un article de gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’avez-vous ap
1458 il y aura le sifflement du knout et le cliquetis des ukases. … Les Puissances ont rejeté votre pierre de l’édifice europée
1459 e sentent au seuil de leur indépendance, prennent une vue beaucoup moins pessimiste de l’Europe. Ainsi, Vincenzo Gioberti.
1460 dont il devint le Premier ministre, Gioberti fut un néo-guelfe. Il voulait l’union de l’Italie et il voulait aussi l’unio
1461 e direction du pape, Rome devenant la métropole d’ un monde au sein duquel toutes les « nationalités » politiques et spirit
1462 es, sauvegardant leur diversité, entreraient dans un rapport d’union dialectique : La dictature du pape, chef civil de l’
1463 lie et ordonnateur de l’Europe, sera le fondement des diverses chrétientés nationales écrivait-il en 1843, dans un ouvrage
1464 chrétientés nationales écrivait-il en 1843, dans un ouvrage publié à Bruxelles : De la primauté morale et civile des Ital
1465 lié à Bruxelles : De la primauté morale et civile des Italiens, que l’on appelle en Italie Il Primato, et qui eut un succès
1466 que l’on appelle en Italie Il Primato, et qui eut un succès retentissant. Dans son traité Della Nazionalità italiana il do
1467 cept d’union de l’Europe, en tant qu’amphictyonie des nations chrétiennes et degré supérieur du processus d’unification qui
1468 s d’autre origine. La Pologne et la Hongrie sont des nationalités opprimées et qui ont perdu l’indépendance ; l’Allemagne
1469 rdu l’indépendance ; l’Allemagne et l’Italie sont des nations encore à naître. On conçoit que pour ces pays, l’idée nationa
1470 berté, et s’harmonise avec l’idée d’Europe unie : une nation en devenir n’a pas encore d’intérêts « traditionnels » qui l’o
1471 sent au plus vaste ensemble. Mais qu’en sera-t-il des grands aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la France, ce
1472 es ambitions se déploient outre-mer et qui voit d’ un bon œil les puissances du Continent se multiplier, « s’équilibrer »,
1473 e neutraliser, la France de 48 se considère comme une nation qui vient de renaître, dans une Europe rénovée par les princip
1474 dère comme une nation qui vient de renaître, dans une Europe rénovée par les principes mêmes de sa Révolution. Lamartine,
1475 vements légitimes de croissance et de nationalité des peuples ». Cependant, elle n’entend pas : incendier le monde, mais b
1476 le monde, mais briller de sa place sur l’horizon des peuples pour les devancer et les guider à la fois… La raison, rayonna
1477 finalement à Victor Hugo qu’il appartiendra, bien des années plus tard, d’opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en
1478 années plus tard, d’opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant
1479 opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant ainsi — mais dans
1480 uration » des idéaux de 48 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant ainsi — mais dans l’imaginaire — la di
1481 s nécessairement interprétée par les autres comme un désir secret de gagner tout l’univers au style de vie et de pensée d’
1482 ner tout l’univers au style de vie et de pensée d’ une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Empire français qui v
1483 vie et de pensée d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Empire français qui viennent contempler à Paris l’E
1484 er à Paris l’Exposition universelle de 1867, il a des phrases qui découragent la critique : Ces yeux saturés de nuit vienn
1485 nnent regarder la vérité… Ils savent qu’il existe un peuple de réconciliation… une nation ouverte, qui appelle chez elle q
1486 savent qu’il existe un peuple de réconciliation… une nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque est frère ou veut l’ê
1487 . La Révolution de France s’appellera l’évolution des peuples. Pourquoi ? Parce que la France le mérite ; parce qu’elle man
1488 parce que là où les autres nations sont seulement des sœurs, elle est mère.31 Au xxe siècle, il y aura une nation extraor
1489 œurs, elle est mère.31 Au xxe siècle, il y aura une nation extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l’empêcher
1490 reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’ une aînée. […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appellera p
1491 ent entrevue par les penseurs, ces contemplateurs des pénombres ; mais ce à quoi assiste le xixe siècle, c’est à la format
1492 e, c’est à la formation de l’Europe.32 En 1875, un professeur de droit international, Johann Gaspar Bluntschli, déclare
1493 La Suisse a clarifié et réalisé dans son domaine des idées et des principes féconds pour l’ensemble des États européens, p
1494 clarifié et réalisé dans son domaine des idées et des principes féconds pour l’ensemble des États européens, principes qui
1495 es idées et des principes féconds pour l’ensemble des États européens, principes qui sont destinés à garantir un jour la pa
1496 européens, principes qui sont destinés à garantir un jour la paix de l’Europe… Lorsque cet idéal sera réalisé, alors la na
1497 sera réalisé, alors la nationalité internationale des Suisses pourra se dissoudre dans la plus grande communauté européenne
1498 e passage à l’Europe, cette « transfiguration » d’ une vocation nationale dont rêvaient Hugo pour la France et Mazzini pour
1499 voilà qui ne paraît concevable que dans le cas d’ une nation non unitaire, c’est-à-dire de structure fédéraliste. « L’Inter
1500 dire de structure fédéraliste. « L’Internationale des nationalismes » préconisée par les prophètes de 48, évoque l’idée d’u
1501 éconisée par les prophètes de 48, évoque l’idée d’ une amicale universelle des Misanthropes ou d’une mutuelle des égoïstes.
1502 es de 48, évoque l’idée d’une amicale universelle des Misanthropes ou d’une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles
1503 e d’une amicale universelle des Misanthropes ou d’ une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les faire
1504 le universelle des Misanthropes ou d’une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les faire. Dans le mêm
1505 l’Europe sur le modèle fédéraliste : respectueux des diversités, exclusif de toute hégémonie d’une des parties contractant
1506 eux des diversités, exclusif de toute hégémonie d’ une des parties contractantes. Mais le nationalisme, condamné par Frantz
1507 des diversités, exclusif de toute hégémonie d’une des parties contractantes. Mais le nationalisme, condamné par Frantz sous
1508 éapparaît irrésistiblement sous la forme épurée d’ une mission européenne de son peuple. Nous connaissons maintenant le proc
1509 Suisse comme en France. Il manquait à ce concert une note allemande, et Constantin Frantz nous la donne : Il va de soi qu
1510 onstantin Frantz nous la donne : Il va de soi qu’ une telle fédération ne saurait être instituée d’un seul coup. Elle a bes
1511 stituée d’un seul coup. Elle a besoin, d’abord, d’ une base réelle, sur laquelle elle repose et d’où la première impulsion s
1512 plus que de tout autre, de recréer la communauté des nations et de se faire le précurseur d’un renouveau de tout le systèm
1513 unauté des nations et de se faire le précurseur d’ un renouveau de tout le système européen… Faire de l’Allemagne la base d
1514 système (fédéraliste), voilà qui serait vraiment un acte de génie politique : ce serait poser les principes de toute l’év
1515 re l’Europe et de s’y fondre, accomplissant ainsi une vocation nationale, au meilleur sens du terme, mais de portée univers
1516 a pour mission de régénérer l’Europe et de l’unir un jour, car c’est ainsi seulement que la Russie pourra devenir européen
1517 ne. En 1837, paraît le premier numéro de la revue des slavophiles, partisans d’un nationalisme spirituel et culturel, de l’
1518 r numéro de la revue des slavophiles, partisans d’ un nationalisme spirituel et culturel, de l’orthodoxie pure et des coutu
1519 me spirituel et culturel, de l’orthodoxie pure et des coutumes ancestrales de la Russie paysanne, adversaires donc de « l’E
1520 on d’enthousiasme, qui serait restée le privilège des Russes et que nos pays de l’Ouest auraient perdue ; mais cette notion
1521 ement, il est nécessaire qu’il existe à cette fin un centre déterminé, un peuple qui domine les autres de sa supériorité p
1522 ire qu’il existe à cette fin un centre déterminé, un peuple qui domine les autres de sa supériorité politique et culturell
1523 t ce qu’il exprimera cent fois dans son Journal d’ un écrivain, gazette qu’il publie seul, à intervalles irréguliers, en 18
1524 ons que nous autres Russes sentons devoir assumer un jour, c’est la mission de grouper l’humanité en un seul faisceau, car
1525 n jour, c’est la mission de grouper l’humanité en un seul faisceau, car ce n’est pas seulement la Russie et le panslavisme
1526 invincibles, que si nous pouvons fort bien perdre des batailles, nous n’en resterons pas moins invincibles, grâce à l’unité
1527 ce nationale. Tirons l’épée, s’il le faut, au nom des malheureux persécutés, quand bien même ce serait aux dépens de nos in
1528 ui, en Europe, sont opprimés et abandonnés au nom des prétendus intérêts de la civilisation. Il faut que les organes politi
1529 té soit conservée quelque part, que tout au moins une nation serve de flambeau. Qu’adviendrait-il sans cela ? Au nom de la
1530 on, et pour leur bien, les Européens opprimés par une fausse civilisation sont invités à se laisser éclairer et libérer par
1531 istorien allemand Léopold von Ranke est en plus d’ un sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobriété spiritue
1532 ue génération est immédiate à Dieu », écrit-il en une formule célèbre. Une nation ou une société, selon lui, ne conquiert q
1533 édiate à Dieu », écrit-il en une formule célèbre. Une nation ou une société, selon lui, ne conquiert que par sa culture le
1534 », écrit-il en une formule célèbre. Une nation ou une société, selon lui, ne conquiert que par sa culture le droit de jouer
1535 romano-germanique » : Italie — France — Espagne d’ un côté, Allemagne — Angleterre — Scandinavie de l’autre. César, par sa
1536 — Scandinavie de l’autre. César, par sa conquête des Gaules a rendu possible cette configuration, dont Charlemagne, « prin
1537 ure », a créé la première unité. Sous la conduite des papes romains et des empereurs germains, la communauté des Européens
1538 ière unité. Sous la conduite des papes romains et des empereurs germains, la communauté des Européens n’a cessé de se dével
1539 romains et des empereurs germains, la communauté des Européens n’a cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit
1540 puis du catholicisme et de la Réforme, aient été des grands malheurs pour l’Europe, car cette bipolarité … est trop profo
1541 té … est trop profondément fondée dans la nature des choses, et ces oppositions ont fait mûrir l’esprit européen. Le dang
1542 p plus grave : Ceux qui tiennent simplement pour une tendance de l’Histoire le fait que les souverainetés nationales vont
1543 nne le 11 mars 1882 sur le thème : « Qu’est-ce qu’ une nation ? » il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit
1544 thème : « Qu’est-ce qu’une nation ? » il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle,
1545 ation ? » il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de
1546 il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souveni
1547 Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs, de sacri
1548 r de continuer à vivre ensemble. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir au même
1549 e encore dans l’avenir. … De nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la race avec la nation, et l’on attrib
1550 onfond la race avec la nation, et l’on attribue à des groupes ethnographiques ou plutôt linguistiques, une souveraineté ana
1551 groupes ethnographiques ou plutôt linguistiques, une souveraineté analogue à celle des peuples réellement existants. (Or)
1552 linguistiques, une souveraineté analogue à celle des peuples réellement existants. (Or) le fait de la race, capital à l’or
1553 pas le droit d’aller par le monde tâter le crâne des gens, puis les prendre à la gorge en leur disant : « Tu es de notre s
1554 ’Espagne parlent la même langue et ne forment pas une seule nation. Au contraire, la Suisse, si bien faite, puisqu’elle a é
1555 ’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus important qu’une similitude de langage souvent obtenue
1556 e ses idiomes, est un fait bien plus important qu’ une similitude de langage souvent obtenue par des vexations. … La géograp
1557 qu’une similitude de langage souvent obtenue par des vexations. … La géographie, ce qu’on appelle les frontières naturelle
1558 appelle les frontières naturelles, a certainement une part considérable dans la division des nations. La géographie est un
1559 rtainement une part considérable dans la division des nations. La géographie est un des facteurs essentiels de l’histoire.
1560 e dans la division des nations. La géographie est un des facteurs essentiels de l’histoire. […] Peut-on dire cependant, co
1561 ans la division des nations. La géographie est un des facteurs essentiels de l’histoire. […] Peut-on dire cependant, comme
1562 mme le croient certains partis, que les limites d’ une nation sont écrites sur la carte et que cette nation a le droit de s’
1563 elle montagne, telle rivière, à laquelle on prête une sorte de faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de doctrine p
1564 t puis toutes les montagnes ne sauraient découper des États. Quelles sont celles qui séparent et celles qui ne séparent pas
1565 séparent pas ? De Biarritz à Tornea, il n’y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus qu’une autre un caractère bornal. S
1566 ’y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus qu’ une autre un caractère bornal. Si l’histoire l’avait voulu, la Loire, la
1567 ne embouchure de fleuve qui ait plus qu’une autre un caractère bornal. Si l’histoire l’avait voulu, la Loire, la Seine, la
1568 ractions au droit fondamental, qui est la volonté des hommes. … Je me dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts ten
1569 est la volonté des hommes. … Je me dis souvent qu’ un individu qui aurait les défauts tenus chez les nations pour des quali
1570 ui aurait les défauts tenus chez les nations pour des qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point j
1571 orter sans dégainer, serait le plus insupportable des hommes. … Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont
1572 Jacob Burckhardt, historien bâlois, sur la venue des « terribles simplificateurs » dominant nos nations domestiquées par l
1573 nations domestiquées par l’État militaire33. Dans une de ses lettres à von Preen, il prévoit pour les masses ouvrières enta
1574 es usines et condamnées à la misère et à l’envie, un avenir exactement totalitaire : … Un certain degré déterminé et cont
1575 à l’envie, un avenir exactement totalitaire : … Un certain degré déterminé et contrôlé de misère et d’avancement, chaque
1576 e journée, en uniforme, commencée et terminée par un roulement de tambours, voilà ce qui doit logiquement se produire… Il
1577 et sans lois, ce dernier n’étant plus exercé par des dynasties, désormais trop faibles de cœur, mais par des chefs militai
1578 nasties, désormais trop faibles de cœur, mais par des chefs militaires qui se donneront pour républicains. Mais personne m
1579 autres « bons Européens », nous aussi nous avons des heures où nous nous permettons un patriotisme plein de courage, un bo
1580 ssi nous avons des heures où nous nous permettons un patriotisme plein de courage, un bond et un retour à de vieilles amou
1581 nous permettons un patriotisme plein de courage, un bond et un retour à de vieilles amours et de vieilles étroitesses, de
1582 ttons un patriotisme plein de courage, un bond et un retour à de vieilles amours et de vieilles étroitesses, des heures d’
1583 à de vieilles amours et de vieilles étroitesses, des heures d’effervescence nationale, d’angoisse patriotique, des heures
1584 ’effervescence nationale, d’angoisse patriotique, des heures où bien d’autres sentiments antiques nous submergent. Des espr
1585 ien d’autres sentiments antiques nous submergent. Des esprits plus lourds que nous mettront plus de temps à en finir avec c
1586 elques heures : pour les uns, il faut la moitié d’ une année, pour les autres la moitié d’une vie humaine, selon la rapidité
1587 a moitié d’une année, pour les autres la moitié d’ une vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés d’assimilation et de
1588 et de renouvellement. Je saurais même me figurer des races épaisses et hésitantes, qui, dans notre Europe hâtive, auraient
1589 isme ». Grâce aux divisions morbides que la folie des nationalités a mises et met encore entre les peuples de l’Europe, grâ
1590 l point leur politique de désunion est fatalement une simple politique d’entracte, — grâce à tout cela, et à bien des chose
1591 itique d’entracte, — grâce à tout cela, et à bien des choses encore qu’on ne peut dire aujourd’hui, on méconnaît ou on défo
1592 nière la plus manifeste que l’Europe veut devenir une . Tous les hommes un peu profonds et d’esprit large qu’a vus ce siècle
1593 te que l’Europe veut devenir une. Tous les hommes un peu profonds et d’esprit large qu’a vus ce siècle ont tendu vers ce b
1594 et de leur âme : ils voulurent frayer les voies à un nouvel accord et tentèrent de réaliser en eux-mêmes l’Européen à veni
1595 x-mêmes l’Européen à venir ; s’ils appartinrent à une patrie, ce ne fut jamais que par les régions superficielles de leur i
1596 d’eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, Henri Heine, Scho
1597 trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un des Fragments posthumes, Nietzsche précise la nature de ces « grands
1598 p de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un des Fragments posthumes, Nietzsche précise la nature de ces « grands inté
1599 ces « grands intérêts » et prévoit la nécessité d’ un Marché commun de l’Europe : À tout cela s’ajoute un grand fait écono
1600 Marché commun de l’Europe : À tout cela s’ajoute un grand fait économique : les petits États de l’Europe — j’entends tous
1601 nt parlant, sous la pression du grand commerce et des échanges mondiaux transcendant toutes les frontières. Le dernier mot
1602 cle, Sorel n’a parlé de l’Europe que sur le ton d’ un sombre dépit prophétique. Voici quelques extraits de ses Propos recue
1603 dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe est-elle par excellence la terre des
1604 ourquoi l’Europe est-elle par excellence la terre des cataclysmes guerriers ? Parce qu’elle est habitée par une quantité de
1605 clysmes guerriers ? Parce qu’elle est habitée par une quantité de races qui sont singulièrement opposées les unes aux autre
1606 vent faire que mauvais voisinage. Quand on parle des États-Unis d’Europe, je vois tout de suite la guerre qui surgit. Les
1607 es peuples de l’Europe ne peuvent s’unir que dans une seule idée : se faire la guerre. … Et il y a le slavisme qui met son
1608 ra de la Russie. …Comment ferez-vous pour fédérer des Slaves, ou religieux ou mystiques révolutionnaires ; des Scandinaves
1609 ves, ou religieux ou mystiques révolutionnaires ; des Scandinaves assagis ; des Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux d’
1610 ques révolutionnaires ; des Scandinaves assagis ; des Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux d’autorité ; des Français av
1611 s Scandinaves assagis ; des Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux d’autorité ; des Français avares ; des Italiens souffr
1612 mands ambitieux ; des Anglais jaloux d’autorité ; des Français avares ; des Italiens souffrant d’une crise de croissance ;
1613 Anglais jaloux d’autorité ; des Français avares ; des Italiens souffrant d’une crise de croissance ; des Balkaniques bracon
1614  ; des Français avares ; des Italiens souffrant d’ une crise de croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois guer
1615 es Italiens souffrant d’une crise de croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois guerriers ? Comment calmerez-v
1616 ise de croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois guerriers ? Comment calmerez-vous ce panier rempli de crabes
1617 s s’arrangent ? Il n’y a aucune raison pour cela. Des composés chimiques, qui sont séparément amorphes, provoquent le feu s
1618 phes, provoquent le feu s’ils sont amalgamés dans un récipient. L’Europe est un récipient rempli de cette sorte de composé
1619 ls sont amalgamés dans un récipient. L’Europe est un récipient rempli de cette sorte de composés chimiques. Ça met le feu 
1620 -en votre parti ! IV. Liquidation de l’Europe des nations Sorel, qui parlait en 1908 de « cette Europe qui est la te
1621 t pour l’Europe : « Je sais bien que je vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher de tous », toutefois se bornant à
1622 cimetière… » ; Sorel qui marque le passage entre un Marx et un Nietzsche, ses maîtres au xixe siècle, un Lénine et un Mu
1623  » ; Sorel qui marque le passage entre un Marx et un Nietzsche, ses maîtres au xixe siècle, un Lénine et un Mussolini, se
1624 arx et un Nietzsche, ses maîtres au xixe siècle, un Lénine et un Mussolini, ses disciples au xxe siècle, fut sans doute
1625 tzsche, ses maîtres au xixe siècle, un Lénine et un Mussolini, ses disciples au xxe siècle, fut sans doute l’observateur
1626 oute l’observateur le plus pessimiste de l’Europe des nationalismes. Et c’est à lui que 1914 donnera raison. Car 1914 sonne
1627 le glas non de l’Europe, certes, mais de l’Europe des nations et de son impérialisme planétaire. Il faudra cependant en ven
1628 nces de la souveraineté absolue éclatent aux yeux des peuples et de leurs hommes d’État, dans les pays au moins qui auront
1629 eur libération, inscrivent dans leur Constitution des articles prévoyant l’abandon du dogme sacro-saint de la souveraineté
1630 27. Les citations qui suivent sont extraites d’ une Anthologie encore inédite, dans laquelle j’ai groupé et commenté pl
1631 J. Gibelin, Paris, 1940. 29. Dans ses Grundzüge des gegenwärtigen Zeitalters, 1804-1805. 30. « On dirait qu’il appelle f
15 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (juin 1960)
1632 ailleurs, qu’il m’est arrivé d’entendre dire : «  Une culture européenne, ça n’existe pas. » Le fait même qu’une telle phra
1633 re européenne, ça n’existe pas. » Le fait même qu’ une telle phrase ne puisse être énoncée qu’en Europe, et seulement par la
1634 e définition de l’originalité de notre continent. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait une culture commune
1635 homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Améri
1636 t qu’elle ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. E
1637 une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un
1638 mune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un peu plus près c
1639 ique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un peu plus près ce paradoxe. Les intellectuels
1640 méricain, mais seulement un Européen. Examinons d’ un peu plus près ce paradoxe. Les intellectuels sceptiques et les advers
1641 pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures nationales, car les Allemands et les Français, ou les Scandi
1642 liens, sont trop différents entre eux pour former une unité quelconque ; secundo : il ne saurait y avoir de culture spécifi
1643 es trop différents pour pouvoir constituer jamais une unité de culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les
1644 ançais ne pensent qu’à l’amour ; les Suisses sont des paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur un
1645 mour ; les Suisses sont des paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur une connaissance trop méticu
1646 iens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur une connaissance trop méticuleuse et pédante de nos diversités, sur une e
1647 rop méticuleuse et pédante de nos diversités, sur une expérience, vécue jusqu’à l’irritation, du tempérament, des coutumes
1648 ence, vécue jusqu’à l’irritation, du tempérament, des coutumes et des préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle q
1649 u’à l’irritation, du tempérament, des coutumes et des préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle qui fait dire que
1650 férents de ceux du reste du monde, s’explique par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La premiè
1651 onde, s’explique par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La première attitude est en somme cell
1652 monde. La première attitude est en somme celle d’ un myope, et la seconde celle d’un presbyte. Essayons maintenant de corr
1653 en somme celle d’un myope, et la seconde celle d’ un presbyte. Essayons maintenant de corriger notre vision. Éloignons-nou
1654 st évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’impose immédiatement et sans hé
1655 loponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’ un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvrirez ! Et dès q
1656 tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’originalité, la
1657 es cultures, surtout antiques, l’unité provient d’ une origine unique, ou d’un grand principe formateur, et d’une continuell
1658 ques, l’unité provient d’une origine unique, ou d’ un grand principe formateur, et d’une continuelle référence à cette sour
1659 ne unique, ou d’un grand principe formateur, et d’ une continuelle référence à cette source, qui assure la cohérence et l’ho
1660 source, qui assure la cohérence et l’homogénéité des traditions. Tandis que dans d’autres cultures, surtout contemporaines
1661 ltures, surtout contemporaines, l’unité résulte d’ un décret du Pouvoir, d’une uniformité imposée par la force. Donc, d’une
1662 raines, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir, d’ une uniformité imposée par la force. Donc, d’une part unité traditionnell
1663 é ; d’autre part, unité synthétique imposée comme un cadre rigide à la culture. Pour fixer les idées, et sans vouloir ent
1664 sur le Sacré, comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèque
1665 pte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèques ; tandis que les civilisations totalitaires
1666 , de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèques ; tandis que les civilisations totalitaires contemporaines,
1667 de Staline et la Chine de Mao (pour ne rien dire des tentatives rapidement avortées du national-socialisme et du fascisme)
1668 première vise à maintenir et la seconde à établir une unité dans l’homogène, facilement concevable et vérifiable, tandis qu
1669 enne s’expliquent historiquement par la pluralité des origines de notre civilisation. Et elles sont entretenues ou renouvel
1670 e toute doctrine unique et unifiante, imposée par une force extérieure au mouvement spontané de la culture. Nous tous, que
1671 émite, de l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du monde celtique et du monde germanique, et par
1672 diverses, hétérogènes, se sont produits au cours des siècles autant de conflits non encore résolus que de synthèses fécond
1673 scription définitive voyons maintenant se dégager une résultante unique, incontestable : le dynamisme européen. Si nous avo
1674 e monde entier, nous qui n’habitons après tout qu’ un petit 5 % des terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos orig
1675 r, nous qui n’habitons après tout qu’un petit 5 % des terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos origines culturell
1676 ire suffisent dans tous les cas à rendre compte d’ un dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. En d
1677 iptible de notre civilisation, pensant avoir payé un tribut suffisant aux éléments diversifiants, j’envisagerai maintenant
1678 s cette culture se distingue très évidemment soit des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitaires,
1679 demment soit des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitaires, — lesquelles ont d’ailleurs en commu
1680 tation, du seul fait de ses origines multiples et des valeurs souvent incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’a jam
1681 n a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses institutions, sa religion,
1682 e et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite
1683 iter le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons auj
1684 ge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il
1685 lture, n’a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites, et par elles la partie agissante
1686 aint les élites, et par elles la partie agissante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois
1687 sens de la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique
1688 s vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborées pa
1689 élites intellectuelles le sens critique, au nom d’ un absolu de vérité qui s’opposera plus tard au christianisme même, en t
1690 n contradictoire. Nous pouvons donc expliquer par des motifs religieux et philosophiques l’un des caractères les plus indis
1691 r par des motifs religieux et philosophiques l’un des caractères les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vé
1692 e sens critique, et qui a permis le développement des sciences exactes, notamment. Voilà qui peut vous paraître banal, à vo
1693 nt cette exigence de l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
1694 tères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la ne virgul
1695  matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la ne virgule près, car autrement le pont
1696 sous la charge, ou l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
1697 l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il
1698 chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plai
1699 estin dont il se croit ou se veut le maître, pour une part tout au moins — grande ou infime —, cela se discute depuis que l
1700 quant au sens qu’il donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de m
1701 oisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me direz-vous. Mais comparez, une fois de plus. Les culture
1702 if, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fixé par le gouver
1703 f et matériel, fixé par le gouvernement, au nom d’ une doctrine ennuyeuse ; c’est un but général, statistique et abstrait, s
1704 ernement, au nom d’une doctrine ennuyeuse ; c’est un but général, statistique et abstrait, sans relation directe ou immédi
1705 , n’exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’est pas responsable. Le karma,
1706 -développés » revendiquent à grands cris de haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le
1707 avail acharné que nous nous sommes imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que votre misère est fo
1708 ersonnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est respons
1709 de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils s
1710 e, le risque individuel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliq
1711 iduel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’êtr
1712 ’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part entière, et tous ces éléments spirituels, ju
1713 tique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soudain un sens précis, pour les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est un
1714 r les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est un sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan de ré
1715 mprunté à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’
1716 stifie un élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en valeur ces trois ve
1717 lles permettent d’illustrer ce qui nous distingue des autres cultures. C’est surtout parce qu’elles expliquent la plupart d
1718 répressible. D’où vient, en effet, le dynamisme d’ une civilisation ? De la pression démographique dans l’aire géographique
1719 ais celui de l’Europe est maximum. Le dynamisme d’ une culture proviendrait-il plutôt, si l’on en croit Toynbee, des défis a
1720 proviendrait-il plutôt, si l’on en croit Toynbee, des défis auxquels elle se voit soumise ? S’il s’agit de défis extérieurs
1721 que nous ayons subi, d’ailleurs victorieusement, des champs Catalauniques au Kablenberg, et de Poitiers à Lépante, n’ont r
1722 tives à cet égard ; or elles ne résultèrent pas d’ un défi venu de l’extérieur, mais au contraire d’une agression délibérée
1723 ’un défi venu de l’extérieur, mais au contraire d’ une agression délibérée de notre part. Je pense donc que le dynamisme de
1724 développé les sciences physiques et naturelles, à un degré littéralement incomparable. Certes, les peuples du Proche-Orien
1725 e, ou de se transformer demain radicalement, et d’ une manière imprévisible. Avant de concentrer leurs énergies sur cette ex
1726 nce. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Eu
1727 le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui o
1728 ue du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations
1729 ncore influence profondément les choix politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé
1730 mmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du fond des temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et, à parti
1731 nt leurs musées, ils ont élaboré les préalables d’ une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et
1732 ont élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales
1733 préalables d’une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouverne
1734 ience comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements ; et cette so
1735 s cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements ; et cette sociologie totale,
1736 et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements ; et cette sociologie totale, ou planéta
1737 ations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements ; et cette sociologie totale, ou planétaire, prépare, e
1738 monde entier. Or, toutes ces créations sont nées des profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans leur évo
1739 as aujourd’hui de démontrer la cohérence profonde des créations que je viens d’énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’ai
1740 créations que je viens d’énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’ai déjà écrit37. Je me bornerai donc à vous rappeler,
1741 crée le monde, par où j’entends la possibilité d’ un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son unit
1742 jamais pris conscience de son unité virtuelle, ni des problèmes effrayants que pose son rassemblement. Nous sommes au point
1743 devons tout d’abord, nous les Européens, prendre une conscience à la fois plus intime et plus globale de l’originalité de
1744 us devons en même temps nous préparer à affronter des synthèses nouvelles, mais au niveau des valeurs créatrices de la cult
1745 affronter des synthèses nouvelles, mais au niveau des valeurs créatrices de la culture, et non pas au niveau de ses sous-pr
1746 é que la science et la technique sont aujourd’hui des réalités mondiales, et n’appartiennent plus à l’Europe, mais plutôt a
1747 aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est un fait que l’Europe a répandu sur toute la terre, au hasard de la colon
1748 secrets de puissance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas les valeurs, religieuses, éthiques et phil
1749 Europe, au lendemain de la dernière guerre, avait un but précis et limité : empêcher les Français et les Allemands de se b
1750 elle doit d’abord exister. Certains me diront, et une part de moi-même me le répète parfois en sourdine : après tout, que p
1751  Nous autres Européens, nous sommes comparables à des passagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau ne porte pas aujo
1752 mboles du sens dernier de la vie. Il ne porte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’une catastrophe continentale,
1753 s dernier de la vie. Il ne porte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’une catastrophe continentale, mais des pion
1754 vie. Il ne porte pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’une catastrophe continentale, mais des pionniers de l’aven
1755 te pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’ une catastrophe continentale, mais des pionniers de l’aventure humaine. E
1756 des rescapés d’une catastrophe continentale, mais des pionniers de l’aventure humaine. Et il évoque irrésistiblement le sou
1757 aine. Et il évoque irrésistiblement le souvenir d’ un autre moment de cette aventure, les petites caravelles de Colomb, au
1758 elle-même a suscité. À ceux qui demandent d’abord des apaisements moraux, des certitudes bien calculées avant de partir, et
1759 eux qui demandent d’abord des apaisements moraux, des certitudes bien calculées avant de partir, et une réponse à leurs ang
1760 des certitudes bien calculées avant de partir, et une réponse à leurs angoisses privées, je répondrai simplement ceci : l’a
1761 n. 35. Paul Valéry. 36. Membres de l’Appareil, des cadres du régime. 37. L’Aventure occidentale de l’homme , 1957. s
16 1960, Articles divers (1957-1962). Allocution de Denis de Rougemont, président du Congrès pour la liberté de la culture, à la séance de clôture de la rencontre de Berlin (extraits) (juin-juillet 1960)
1762 lin (extraits) (juin-juillet 1960)u Au terme d’ une semaine d’échanges intellectuels d’une exceptionnelle densité, je pen
1763 Au terme d’une semaine d’échanges intellectuels d’ une exceptionnelle densité, je pense répondre à l’attente de tous en essa
1764 ngrès, Liberté, Culture. Nous sommes donc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a tenu des réu
1765 é, Culture. Nous sommes donc d’abord un Congrès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a tenu des réunions success
1766 congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a tenu des réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les cinq con
1767 s voici le point important : ce Congrès n’est pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’h
1768 ortant : ce Congrès n’est pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de culture qui
1769 pas un parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de culture qui se veulent à la fois lib
1770 in de créer ainsi, en cas d’urgence et au service des libertés de l’esprit partout où elles sont attaquées, une certaine fo
1771 rtés de l’esprit partout où elles sont attaquées, une certaine force de frappe, de protestation efficace. Mais aussi, ils é
1772 ormé notre Congrès, c’était d’abord lutter contre des dictatures extérieures, bien connues et localisées, contre les idéolo
1773 ces contre les libertés ne viennent pas seulement des régimes que vous savez. Elles viennent de la misère et de la faim pou
1774 z. Elles viennent de la misère et de la faim pour une large partie de l’humanité. Elles viennent aussi des formes de vie ma
1775 large partie de l’humanité. Elles viennent aussi des formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propag
1776 s, comme celui de nourrir les corps et de réduire des misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de cultures tradi
1777 t que dans les pays techniquement non développés) des centaines de millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne
1778 umains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà
1779 à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le pl
1780 ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’ un homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homm
1781 passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’ un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pa
1782 utter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la
1783 vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occup
1784 venir. Car la culture, c’est justement l’ensemble des activités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la
1785 ble des activités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre de
1786 Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre des recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les
1787 t tout d’abord : transmettre des recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les sentiments, les idées
1788 smettre des recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les sentiments, les idées et les actes, mainte
1789 les sentiments, les idées et les actes, maintenir une tradition où l’on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l
1790 me de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les symboles. Mais la sécuri
1791 aventure personnelle, la nouveauté, l’inquiétude, une certaine révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’
1792 té, l’inquiétude, une certaine révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui
1793 nsemble la culture vivante, celle qui peut rendre un sens à l’existence humaine. Or il se trouve que la plupart des confér
1794 technique et démocratique. Pour que notre vie ait un sens, il faut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce tem
1795 ulture vivante recrée pour les hommes de ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humaines que nous
1796 c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour l’Occident surtout
1797 op de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour l’Occident surtout. Mais désormais, c
1798 ons attacher tant de prix aux contacts que permet un congrès comme le nôtre : contacts d’une part entre représentants des
1799 e nôtre : contacts d’une part entre représentants des arts, des sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre l
1800 contacts d’une part entre représentants des arts, des sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre les représe
1801 ie, contacts d’autre part entre les représentants des cinq ou six cultures continentales qui vivent dans le monde d’aujourd
1802 , toujours plus consciemment, vers la recherche d’ une sagesse globale. En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’
1803 ibuant à orienter les esprits et leurs choix vers des fins qui dépassent la politique et qui seules lui donnent son vrai se
1804 en soi que lui donnent les totalitaires — tant qu’ un jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues co
17 1960, Articles divers (1957-1962). La liberté et le sens de la vie (8 juillet 1960)
1805 ces contre les libertés ne viennent pas seulement des formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propag
1806 s, comme celui de nourrir les corps et de réduire des misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de cultures tradi
1807 t que dans les pays techniquement non développés) des centaines de millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne
1808 umains qui souffrent avant tout de ne pas trouver un sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà
1809 à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le pl
1810 ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’ un homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homm
1811 passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’ un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pa
1812 utter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la
1813 vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd un de ses points d’appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occup
1814 l’absence de sens : le sentiment de l’absurdité d’ une vie sans but. Or la culture, c’est justement l’ensemble des activités
1815 ns but. Or la culture, c’est justement l’ensemble des activités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la
1816 ble des activités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre de
1817 Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre des recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les
1818 t tout d’abord : transmettre des recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les sentiments, les idées
1819 smettre des recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les sentiments, les idées et les actes, mainte
1820 les sentiments, les idées et les actes, maintenir une tradition où l’on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l
1821 me de se situer à sa place dans le monde, et dans un monde qu’il approuve et dont il comprend les symboles. Mais la sécuri
1822 aventure personnelle, la nouveauté, l’inquiétude, une certaine révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’
1823 té, l’inquiétude, une certaine révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui
1824 nsemble la culture vivante, celle qui peut rendre un sens à l’existence humaine. Or il se trouve que la plupart des confér
1825 technique et démocratique. Pour que notre vie ait un sens, il faut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce tem
1826 ulture vivante recrée pour les hommes de ce temps des ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humaines que nous
1827 c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour l’Occident surtout
1828 op de nos vies, et retrouvent une commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour l’Occident surtout. Mais désormais, c
1829 ons attacher tant de prix aux contacts que permet un congrès comme le nôtre : contacts d’une part entre représentants des
1830 e nôtre : contacts d’une part entre représentants des arts, des sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre l
1831 contacts d’une part entre représentants des arts, des sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre les représe
1832 ie, contacts d’autre part entre les représentants des cinq ou six cultures continentales qui vivent dans le monde d’aujourd
1833 , toujours plus consciemment, vers la recherche d’ une sagesse globale. Voilà pour les trois termes qui forment notre titre.
1834 ions du monde entier, est désormais : d’organiser un ample effort de réflexions entre intellectuels du monde entier sur le
1835 ope, de l’Afrique, de l’Asie, du Proche-Orient et des deux Amériques ; mais ceci dans la perspective qui nous est propre :
1836 i dans la perspective qui nous est propre : celle des incidences du progrès sur les vraies libertés humaines. On nous deman
1837 n nous demande souvent, de tous côtés : Êtes-vous un mouvement politique ? Il me semble que le commentaire que je viens de
1838 ibuant à orienter les esprits et leurs choix vers des fins qui dépassent la politique et qui seules lui donnent son vrai se
1839 en soi que lui donnent les totalitaires, tant qu’ un jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues co
1840 t absolutisée. La politique doit rester pour nous un moyen dominé par des fins humaines, ces fins que l’esprit seul peut e
1841 litique doit rester pour nous un moyen dominé par des fins humaines, ces fins que l’esprit seul peut entrevoir, imaginer et
1842 bre de ces fins dernières, serait-elle à son tour un absolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit à nos fins. Car la
1843 rté se concrétise dans l’augmentation continuelle des possibilités, pour chaque homme, de courir son risque personnel, de d
1844 homme, de courir son risque personnel, de donner un sens à sa vie tant de travail que de loisir, et tant d’action que de
1845 nt d’action que de méditation. Ce n’est point par des statistiques, portant sur les résultats d’un régime ou d’une institut
1846 par des statistiques, portant sur les résultats d’ un régime ou d’une institution, que se mesure en fin de compte le degré
1847 iques, portant sur les résultats d’un régime ou d’ une institution, que se mesure en fin de compte le degré de liberté attei
1848 auté, et la seule mesure qui permette de juger qu’ une forme de vie ou un système d’institution n’apportent pas seulement un
1849 sure qui permette de juger qu’une forme de vie ou un système d’institution n’apportent pas seulement un Progrès, mais un B
1850 n système d’institution n’apportent pas seulement un Progrès, mais un Bien. v. Rougemont Denis de, « La liberté et le
1851 tution n’apportent pas seulement un Progrès, mais un Bien. v. Rougemont Denis de, « La liberté et le sens de la vie »,
1852 pour la liberté de la culture. Parmi les délégués des différentes nations on notait la présence de MM. Oppenheimer, le gran
18 1960, Articles divers (1957-1962). Originalité de la culture européenne comparée aux autres cultures (août 1960)
1853 uvent d’entendre prononcer la phrase suivante : «  Une culture européenne, ça n’existe pas. » Le fait même qu’une telle phra
1854 re européenne, ça n’existe pas. » Le fait même qu’ une telle phrase ne puisse être entendue qu’en Europe et seulement dans l
1855 e définition de l’originalité de notre continent. Un homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait une culture commune
1856 homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Améri
1857 t qu’elle ait une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. E
1858 une culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un
1859 mune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un peu plus près c
1860 ique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un peu plus près ce paradoxe. I. Les intellectu
1861 méricain, mais seulement un Européen. Examinons d’ un peu plus près ce paradoxe. I. Les intellectuels sceptiques et les adv
1862 pas de culture européenne commune, mais seulement des cultures nationales, car, disent-ils, les Allemands et les Français,
1863 emple, sont trop différents entre eux pour former une unité quelconque. Et ils affirment secundo : qu’il ne saurait y avoir
1864 es trop différents pour pouvoir constituer jamais une unité de culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les
1865 rançais ne pensent qu’à l’amour, les Suisses sont des paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur un
1866 amour, les Suisses sont des paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur une connaissance trop méticu
1867 iens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur une connaissance trop méticuleuse ou pédante de nos diversités, sur une e
1868 rop méticuleuse ou pédante de nos diversités, sur une expérience vécue jusqu’à l’irritation, du tempérament, des coutumes e
1869 ience vécue jusqu’à l’irritation, du tempérament, des coutumes et des préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle q
1870 u’à l’irritation, du tempérament, des coutumes et des préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle qui fait dire que
1871 férents de ceux du reste du monde, s’explique par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La premiè
1872 onde, s’explique par une glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La première attitude est en somme cell
1873 monde. La première attitude est en somme celle d’ un myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il est d’autant plus curi
1874 en somme celle d’un myope, et la seconde, celle d’ un presbyte. (Il est d’autant plus curieux de les trouver souvent réunie
1875 plus curieux de les trouver souvent réunies chez un même individu…) Essayons maintenant de corriger notre vision. Éloigno
1876 st évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même des Amériques, l’unité de notre culture s’impose immédiatement et sans hé
1877 loponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’ un seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvrirez ! Et dès q
1878 tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en un mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’originalité, la
1879 a communauté — l’unité de notre culture ? Pendant une table ronde que je présidais à Rome, il y a quelques années, agacé pa
1880 ons que l’on ne cessait d’opposer à l’idée même d’ une unité de la culture européenne, j’ai noté la phrase suivante, que j’a
1881 soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’ une seule nation du grand complexe européen, dont il révèle ainsi qu’il f
1882 es cultures, surtout antiques, l’unité provient d’ une origine unique, ou d’un grand principe formateur et d’une continuelle
1883 ques, l’unité provient d’une origine unique, ou d’ un grand principe formateur et d’une continuelle référence à cette sourc
1884 ine unique, ou d’un grand principe formateur et d’ une continuelle référence à cette source, qui assure la cohérence et l’ho
1885 source, qui assure la cohérence et l’homogénéité des traditions. Tandis que dans d’autres cultures, l’unité résulte d’un d
1886 dis que dans d’autres cultures, l’unité résulte d’ un décret du Pouvoir, d’une uniformité imposée par la force. Donc, d’une
1887 ltures, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir, d’ une uniformité imposée par la force. Donc, d’une part unité traditionnell
1888 sé, d’autre part, unité synthétique imposée comme un cadre rigide à la culture. Pour fixer les idées, et sans vouloir entr
1889 ge, the Holy), comme celles de Sumer, de l’Égypte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèque
1890 pte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèques ; tandis que les civilisations totalitaires
1891 , de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèques ; tandis que les civilisations totalitaires contemporaines,
1892 de Staline et la Chine de Mao (pour ne rien dire des brèves tentatives avortées du national-socialisme et du fascisme) ser
1893 première vise à maintenir et la seconde à établir une unité dans l’homogène, facilement concevable et vérifiable, tandis qu
1894 enne s’expliquent historiquement par la pluralité des origines de notre civilisation ; et elles sont entretenues ou renouve
1895 e toute doctrine unique et unifiante, imposée par une force extérieure au mouvement spontané de la culture. Nous tous, que
1896 émite, de l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi des profondeurs obscures du monde celtique et du monde germanique, et par
1897 diverses, hétérogènes, se sont produits au cours des siècles autant de conflits non encore résolus que de synthèses fécond
1898 cription définitive, voyons maintenant se dégager une résultante unique, incontestable : le dynamisme européen. Si nous avo
1899 e monde entier, nous qui n’habitons après tout qu’ un petit 5 % des terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos orig
1900 r, nous qui n’habitons après tout qu’un petit 5 % des terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos origines culturell
1901 ire suffisent dans tous les cas à rendre compte d’ un dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. 4. E
1902 iptible de notre civilisation, pensant avoir payé un tribut suffisant aux éléments diversifiant, j’envisagerai maintenant
1903 s cette culture se distingue très évidemment soit des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitaires
1904 demment soit des anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitaires — lesquelles ont d’ailleurs en commun
1905 ation, du seul fait de ses origines multiples, et des valeurs souvent incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’a jam
1906 n a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses institutions, sa religion,
1907 e et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite
1908 iter le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons auj
1909 ge comme une période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il
1910 sation n’a pas produit seulement de l’anarchie et des guerres. Il a contraint les élites, et par elles la partie agissante
1911 aint les élites, et par elles la partie agissante des masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois
1912 sens de la vérité objective nous vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique
1913 s vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborées pa
1914 élites intellectuelles le sens critique, au nom d’ un absolu de vérité qui s’opposera plus tard au christianisme même en ta
1915 xpliquer les motifs religieux et philosophiques d’ un des caractères les plus indiscutables de notre culture : le sens de l
1916 iquer les motifs religieux et philosophiques d’un des caractères les plus indiscutables de notre culture : le sens de la vé
1917 e sens critique, et qui a permis le développement des sciences, notamment. Voilà qui peut paraître banal à un Européen élev
1918 ences, notamment. Voilà qui peut paraître banal à un Européen élevé dans le respect de la vérité dite objective, de la sim
1919 nt cette exigence de l’objectivité, et professent un dédain notoire pour la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
1920 tères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la nième vir
1921  matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la nième virgule près, car autrement le p
1922 sous la charge, ou l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
1923 l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il
1924 chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plai
1925 estin dont il se croit ou se veut le maître, pour une part tout au moins, grande ou infime — cela se discute depuis que l’E
1926 e pour le sens qu’il donne à sa vie. D’où résulte une double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de m
1927 oisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore une banalité, me dira-t-on. Mais comparons, une fois de plus ! Les cultur
1928 if, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est un but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fixé par le gouver
1929 f et matériel, fixé par le gouvernement, au nom d’ une doctrine sans ampleur ; c’est un but général, statistique et abstrait
1930 ement, au nom d’une doctrine sans ampleur ; c’est un but général, statistique et abstrait, sans relation directe ou immédi
1931 , n’exigent guère de l’individu que l’observation des rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’est pas responsable. Le karma,
1932 -développés » revendiquent à grands cris de haine une aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le
1933 avail acharné que nous nous sommes imposé pendant des siècles, conformément à nos principes, tandis que votre misère est fo
1934 ersonnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre. Un homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est respons
1935 de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir un homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils s
1936 e, le risque individuel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliq
1937 iduel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’êtr
1938 ’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir des droits du citoyen à part entière — et tous ces éléments spirituels, j
1939 et de nos vertus cardinales, paraîtront peut-être un peu abstraites. Il est temps que je les illustre. Au lieu d’expliquer
1940 développé les sciences physiques et naturelles à un degré littéralement incomparable. Certes, les peuples du Proche-Orien
1941 e, ou de se transformer demain radicalement, et d’ une manière imprévisible. Avant de concentrer ses énergies sur cette expl
1942 nce. On peut le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Eu
1943 le dire : l’idée de genre humain est une création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui o
1944 ue du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement des arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations
1945 ncore influence profondément les choix politiques des masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé
1946 mmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du fond des temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et, à parti
1947 t de continents, ils ont élaboré les préalables d’ une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et
1948 ont élaboré les préalables d’une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales
1949 préalables d’une science comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouverne
1950 ience comparée des cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements, et cette soc
1951 s cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements, et cette sociologie totale ou
1952 et des civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements, et cette sociologie totale ou planétair
1953 ations, des religions et des arts, des morales et des gouvernements, et cette sociologie totale ou planétaire, prépare elle
1954 , philosophie critique, — et je n’indique ici que des têtes de chapitre, et j’ai laissé de côté l’immense chapitre de nos c
1955 u monde entier. Or toutes ces créations sont nées des profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans leur évo
1956 aierai pas ici de démontrer la cohérence profonde des créations européennes que je viens d’énumérer. Il y faudrait tout un
1957 ennes que je viens d’énumérer. Il y faudrait tout un livre, et il se trouve que je l’ai déjà écrit. Je me bornerai donc à
1958 nt elle crée le monde, elle crée la possibilité d’ un genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son exis
1959 is pris conscience de son existence virtuelle, ni des problèmes effrayants que pose son rassemblement. Nous sommes au point
1960 devons tout d’abord, nous les Européens, prendre une conscience à la fois plus intime et plus globale de l’originalité de
1961 us devons en même temps nous préparer à affronter des synthèses nouvelles, mais au niveau des valeurs créatrices, et non pa
1962 affronter des synthèses nouvelles, mais au niveau des valeurs créatrices, et non pas au niveau des sous-produits de notre c
1963 veau des valeurs créatrices, et non pas au niveau des sous-produits de notre culture. L’originalité de la culture européenn
1964 é que la science et la technique sont aujourd’hui des réalités mondiales, et n’appartiennent plus à l’Europe, mais plutôt a
1965 aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est un fait que l’Europe a répandu sur toute la terre, au hasard de la colon
1966 secrets de puissance matérielle, nos produits en un mot. Mais il ne reçoit pas les valeurs religieuses, éthiques et philo
1967 de son union. L’union de l’Europe, en 1946, avait un but précis et limité : empêcher les Français et les Allemands de se b
1968 r, elle doit d’abord exister. Mais on me dira, et une part de moi-même me dit : après tout, que peut bien nous faire le sor
1969  Nous autres Européens, nous sommes comparables à des passagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau ne porte pas auj
1970 éalable notre union. À ceux qui demandent d’abord des apaisements moraux, des certitudes bien calculées avant de partir, et
1971 eux qui demandent d’abord des apaisements moraux, des certitudes bien calculées avant de partir, et une réponse à leurs ang
1972 des certitudes bien calculées avant de partir, et une réponse à leurs angoisses privées, je répondrai simplement ceci : l’a
1973 ain. 38. Si l’on me permet de paraphraser ainsi un vers fameux de Paul Valéry. x. Rougemont Denis de, « Originalité de
19 1960, Articles divers (1957-1962). Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
1974 Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
1975 rique de la Fondation (octobre 1960)z L’idée d’ une Fondation européenne fut exposée pour la première fois par le directe
1976 irecteur du Centre européen de la culture, lors d’ une réunion qui se tint dans la chambre même où était né Louis XIV, au Pa
1977 int-Germain-en-Laye. C’était le 14 novembre 1953. Une quinzaine de personnalités de la banque, de l’industrie, de la politi
1978 de la banque, de l’industrie, de la politique et des organisations internationales, fondèrent ce jour-là le Club européen.
1979 ub se donna pour tâche principale l’élaboration d’ un projet qui s’inspirait des considérations suivantes : Si l’Europe, si
1980 ncipale l’élaboration d’un projet qui s’inspirait des considérations suivantes : Si l’Europe, simple cap de l’Asie, a tenu
1981 sie, a tenu le premier rang dans le monde pendant des siècles, elle l’a dû à sa faculté de créer des valeurs morales, des s
1982 nt des siècles, elle l’a dû à sa faculté de créer des valeurs morales, des structures de la société, et des techniques, que
1983 l’a dû à sa faculté de créer des valeurs morales, des structures de la société, et des techniques, que tous les autres peup
1984 valeurs morales, des structures de la société, et des techniques, que tous les autres peuples de la Terre ont adoptées ou s
1985 d’imiter. Les Européens ont raison d’être fiers d’ une telle culture. Cependant, que font-ils aujourd’hui non seulement pour
1986 eurs propres œuvres ? Quand il s’agit de financer un projet culturel, un institut nouveau, des recherches avancées dans le
1987 ? Quand il s’agit de financer un projet culturel, un institut nouveau, des recherches avancées dans les divers domaines de
1988 financer un projet culturel, un institut nouveau, des recherches avancées dans les divers domaines de la culture, les Europ
1989 uropéens ont pris l’habitude de recourir à l’aide des fondations américaines. Cette situation n’est ni normale ni saine, et
1990 ale ni saine, et peut même devenir démoralisante. Un moyen d’y remédier rapidement serait d’établir une puissante fondatio
1991 Un moyen d’y remédier rapidement serait d’établir une puissante fondation européenne dotée de capitaux récoltés en Europe.
1992 européenne dotée de capitaux récoltés en Europe. Une telle institution, par sa seule existence, contribuerait à restaurer
1993 à rendre aux chercheurs et créateurs de nos pays une confiance en soi et en l’avenir qui est l’une des premières condition
1994 une confiance en soi et en l’avenir qui est l’une des premières conditions de la vitalité d’une culture. Le Club européen
1995 t l’une des premières conditions de la vitalité d’ une culture. Le Club européen se réunit encore à trois reprises, au cour
1996 personnes constituant le premier noyau du Conseil des gouverneurs de la Fondation. Dès la première session plénière du Cons
1997 tion. Dès la première session plénière du Conseil des gouverneurs, le 11 mai 1955, à Genève, S. A. R. le prince Bernhard de
1998 1 mai 1955, à Genève, S. A. R. le prince Bernhard des Pays-Bas voulut bien accepter la présidence de la Fondation, et il n’
1999 la Fondation, le CEC lui avait offert de partager une partie de ses locaux et de son staff à Genève. Les frais généraux pur
2000 isposait pas, comme les fondations américaines, d’ un capital initial important mais comptait stimuler l’intérêt d’un nombr
2001 tial important mais comptait stimuler l’intérêt d’ un nombre aussi grand que possible de donateurs dans tous nos pays. La
2002 us nos pays. La politique adoptée par le Conseil des gouverneurs, durant cette première période, se basait sur l’idée sain
2003 ans plus attendre : celui de l’éducation et celui des Beaux-Arts. Le premier mit sur pied une série d’expériences-pilotes d
2004 et celui des Beaux-Arts. Le premier mit sur pied une série d’expériences-pilotes d’éducation européenne (dont l’exécution
2005 re confiée dès 1956 au CEC) et le second commanda des œuvres nouvelles à six jeunes compositeurs, auxquels des bourses fure
2006 res nouvelles à six jeunes compositeurs, auxquels des bourses furent décernées. Un comité d’experts en éducation et un jury
2007 positeurs, auxquels des bourses furent décernées. Un comité d’experts en éducation et un jury musical présidèrent au choix
2008 nt décernées. Un comité d’experts en éducation et un jury musical présidèrent au choix des expériences-pilotes et des comp
2009 éducation et un jury musical présidèrent au choix des expériences-pilotes et des compositeurs. En même temps, plusieurs sub
2010 l présidèrent au choix des expériences-pilotes et des compositeurs. En même temps, plusieurs subventions furent accordées,
2011 rent accordées, notamment à la Journée européenne des écoles, à l’Association des universitaires d’Europe, et au départemen
2012 la Journée européenne des écoles, à l’Association des universitaires d’Europe, et au département cartographique du Collège
2013 graphique du Collège d’Europe. Lors de la réunion des gouverneurs à Genève, le 16 mars 1957, il fut convenu que la Fondatio
2014 onctions très différentes — l’une devant financer des projets, l’autre exécutant elle-même ses plans — se trouvaient éclair
2015 ers cette opération à la mise à feu du 2e étage d’ une fusée de l’espace, se séparant au moment voulu du premier moteur. La
2016 ndation décida également d’organiser chaque année un grand congrès destiné à faire mieux connaître ses buts et à recueilli
2017 à faire mieux connaître ses buts et à recueillir des fonds plus importants d’un plus grand nombre de sources. Le premier d
2018 buts et à recueillir des fonds plus importants d’ un plus grand nombre de sources. Le premier de ces congrès se tint à Ams
2019 Milan en 1958 et le troisième à Vienne, en 1959. Un séminaire pour « jeunes responsables » et une table ronde des institu
2020 959. Un séminaire pour « jeunes responsables » et une table ronde des institutions culturelles européennes furent organisés
2021 e pour « jeunes responsables » et une table ronde des institutions culturelles européennes furent organisés par la Fondatio
2022 en 1960. La table ronde est destinée à permettre une meilleure coordination des activités autonomes conduites par les prin
2023 t destinée à permettre une meilleure coordination des activités autonomes conduites par les principales institutions cultur
2024 Dès 1960, elle compte répartir entre ses membres des subventions et des bourses pour des projets déterminés. Reprenant mai
2025 pte répartir entre ses membres des subventions et des bourses pour des projets déterminés. Reprenant maintenant notre compa
2026 e ses membres des subventions et des bourses pour des projets déterminés. Reprenant maintenant notre comparaison avec les é
2027 nt maintenant notre comparaison avec les étages d’ une fusée, nous constaterons que le moment est venu, pour la Fondation, d
2028 de comités nationaux pour la recherche en commun des fonds, doit fournir les moyens nécessaires à la mise en pratique de c
2029 ider fort heureusement avec le vaste regroupement des institutions européennes, économiques et politiques, qui doit se réal
2030 ci la fin de l’année. z. Rougemont Denis de, «  Une fusée à trois étages : bref historique de la Fondation », Caractère e
20 1961, Articles divers (1957-1962). Tristan et Iseut à travers le temps (1961)
2031 eph Bédier : Seigneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’amour et de mort ? Seigneurs et dames ici présents, vou
2032 aisir au secret de l’âme que nous vaut la lecture des légendes arthuriennes, et d’abord de celle de Tristan, ce plaisir « à
2033 , et pourtant précis à l’extrême, de quelques-uns des grands érudits de ce siècle, Gaston Paris et Joseph Bédier en premier
2034 l et historique, ces hommes ont fait bien plus qu’ une œuvre scientifique, et sérieuse aux yeux des confrères : ils ont perm
2035 s qu’une œuvre scientifique, et sérieuse aux yeux des confrères : ils ont permis à l’Occident moderne de reprendre conscien
2036 is à l’Occident moderne de reprendre conscience d’ une de ses sources, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’émo
2037 e de reprendre conscience d’une de ses sources, d’ une de ses dimensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme.
2038 celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en une seule expression, moins pédante qu’elle ne paraît à première vue : av
2039 Les étymologies servent à faire entendre la force des mots et à les retenir par la liaison qui se trouve entre le mot primi
2040 et xiiie siècles, expriment bien autre chose qu’ un thème romanesque, — fût-il même le thème exemplaire, l’archétype de t
2041 pparitions, comme les épiphanies quasi sacrées, d’ un des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, e
2042 ritions, comme les épiphanies quasi sacrées, d’un des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu
2043 ds mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’ un mythe, et qu’est-ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ces grands
2044 teur qui se permet ces grands mots doit au public une justification de l’usage personnel qu’il en fait. Un mythe, au sens o
2045 justification de l’usage personnel qu’il en fait. Un mythe, au sens où je l’entends, c’est une histoire, généralement très
2046 en fait. Un mythe, au sens où je l’entends, c’est une histoire, généralement très simple, et invariable en sa donnée — bien
2047 ple, et invariable en sa donnée — bien qu’offrant des possibilités infinies d’adaptation aux circonstances individuelles le
2048 x circonstances individuelles les plus diverses — une histoire qui décrit et révèle d’une manière imagée, symbolique, une s
2049 us diverses — une histoire qui décrit et révèle d’ une manière imagée, symbolique, une structure de notre existence. Mais no
2050 écrit et révèle d’une manière imagée, symbolique, une structure de notre existence. Mais non pas de notre existence intelle
2051 e mot dans le sens noble et vague que lui donnent un peu trop facilement les poètes, ni dans le sens goethéen de « belle â
2052 assique de la chaire, quand elle parle du « salut des âmes », ou « d’immortalité de l’âme ». Je prends le mot au sens préci
2053 animation, ou même animosité. Le jeu « animé » d’ un pianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’est ni proprement
2054 u « animé » d’un pianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’est ni proprement physique ni proprement spirituelle, q
2055 —, celle de l’âme. L’âme est en propre le domaine des émotions et des passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comm
2056 e. L’âme est en propre le domaine des émotions et des passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comme la sensation e
2057 nsée, la preuve de l’intellect. La passion, c’est une impulsion qui outrepasse les lois et routines de l’instinct, et qui v
2058 -passion est cette forme de l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des rythmes trop prévus de la sexualité, mais
2059 l’amour qui se libère des contraintes naturelles, des rythmes trop prévus de la sexualité, mais aussi des décrets de la mor
2060 s rythmes trop prévus de la sexualité, mais aussi des décrets de la morale et des conseils de la raison. L’amour-passion re
2061 sexualité, mais aussi des décrets de la morale et des conseils de la raison. L’amour-passion relève par excellence de l’âme
2062 u ton quelque peu didactique de ce rappel au sens des mots — considérons le mythe lui-même dans sa pleine stature et ses pr
2063 l’érosion de la vie « courante », par la réalité des caractères qui se heurtent à propos de rien, et des tempéraments qui
2064 s caractères qui se heurtent à propos de rien, et des tempéraments qui s’accordèrent un jour, dans l’instant du premier reg
2065 os de rien, et des tempéraments qui s’accordèrent un jour, dans l’instant du premier regard, mais que le temps modifie fat
2066 ard, mais que le temps modifie fatalement, créant un risque permanent de dissonance. C’est le mythe d’un amour qui méprise
2067 risque permanent de dissonance. C’est le mythe d’ un amour qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports sociaux
2068 es rapports sociaux, et même de l’engagement dans un rapport concret avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne de s
2069 même de l’engagement dans un rapport concret avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne de son image, jamais digne d
2070 amais digne de l’Ange dont le premier regard, par une intuition fulgurante — et c’est le fameux coup de foudre romantique —
2071 on mystique de Dante, poursuivant l’image aimée d’ une Béatrice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de
2072 r, passion de l’âme ouverte sur l’esprit, libérée des corps dont elle vient, et survolant les irritantes vicissitudes de no
2073 n’est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, contemporain de nos légendes tristaniennes. Mais q
2074 ndiose en sa simplicité première, jusqu’au niveau des confusions morales les plus banales et complaisantes. Ce serait aller
2075 complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’ un mythe sacré, voilant de poésie ses secrets religieux, jusqu’à son uti
2076 tout impudente, ou ignorante, ou inconsciente, à des fins de rendement commercial : comédies à succès sur le thème du tria
2077 œurs et coutumes, ne serait-elle que l’histoire d’ une longue profanation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe sont ép
2078 eux », selon l’expression célèbre de Thomas, l’un des auteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’i
2079 is si le mythe est épuisé, et s’il était vraiment un mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-même, la foncti
2080 ation ? L’hygiène, la technique et la science, et une dose de psychanalyse, vont-elles exorciser la société future, évacuan
2081 société future, évacuant les dernières passions ? Une analyse sociologique de la dégradation du mythe, au cours des siècles
2082 sociologique de la dégradation du mythe, au cours des siècles, inclinerait à cette conclusion. Elle consisterait à montrer
2083 gradation continue et, semble-t-il, irréversible, des obstacles opposés à la passion. Or on sait que la passion vit d’obsta
2084 s aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus un lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, loin de pr
2085 avent bien que le roman véritable n’est jamais qu’ une version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent
2086 is déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychanalyste l’eût guér
2087 nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’eût pas eu
2088 omme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’eût pas eu lieu. Si les dern
2089 éalisme, le regard pseudo-scientifique détaillant des objets communs ou des fichiers de cartes perforées : c’est littéralem
2090 udo-scientifique détaillant des objets communs ou des fichiers de cartes perforées : c’est littéralement sans histoire. Ou
2091 au lieu de l’intensité, la noirceur dans le style des roués au lieu de la candeur monumentale, les jeux d’esprit au lieu de
2092 la candeur monumentale, les jeux d’esprit au lieu des drames du spirituel. Selon les sociologues, la passion doit mourir. J
2093 que notre culture tend à les supprimer, il reste un obstacle suprême, celui-là justement dont triomphe la passion de Tris
2094 re condition d’êtres finis oppose à notre amour d’ un être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien
2095 es sont entrés, nous disent-ils, dans les voies d’ une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils ont b
2096 nce dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour, un amour qui s’adresse à la part immortelle que lui seul pourra deviner
2097 Ange. Pétrarque, en proie au mythe, ose parler d’ un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace
2098 rant de Gottfried de Strasbourg, inspiré lui-même des Bretons, de Béroul, et d’on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa
2099 angage du mythe essentiel, la mort transfigurante des amants. Cette mince bande jaune sur la mer, dans le nouveau décor de
2100 cette frileuse aurore jaune au bas du ciel, c’est un jour qui renaît, non pas le jour des hommes et de leur peine quotidie
2101 u ciel, c’est un jour qui renaît, non pas le jour des hommes et de leur peine quotidienne, mais l’horizon du nouveau Jour q
2102 u mazdéisme de Zarathoustra, toutes les actions d’ un homme sur la terre, ses intentions et ses désirs et ses amours, compo
2103 ns et ses désirs et ses amours, composent au Ciel un être de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divi
2104 ses amours, composent au Ciel un être de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa personne éterne
2105 le : individu sur Terre, transitoire — et germe d’ un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et ces
2106 ’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont des entités fémini
2107 nge au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont des entités féminines. On retrouve ici Dante, et Goethe, et peut-être bie
2108 son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tou
2109 s les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croisse
2110 centre du monde spirituel (qui est le monde réel des Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des
2111 es Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant
2112 pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son
2113 nt l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’ une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si
2114 a maltraité son moi, au lieu de la Fravarti c’est une apparition monstrueuse et défigurée qui reflète son état déchu. Je n
2115 cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans un au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le véritable objet du désir
2116 er le prochain « comme soi-même » suppose d’abord une dualité entre l’individu et le vrai moi, sans laquelle on ne saurait
2117 as, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit un Autre impénétrable, ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabou
2118 , à quelque décret de la morale que l’on pourrait un jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait de la personne. Nu
2119 est d’orienter notre vie affective, de lui offrir un modèle simple et pur, une grande image ordonnatrice de la passion. En
2120 affective, de lui offrir un modèle simple et pur, une grande image ordonnatrice de la passion. En restituant à notre temps
2121 , les philologues nous ont mis au défi d’apporter un peu plus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas s
2122 e réception, n’avait pas à rappeler le souvenir d’ un prédécesseur. Il lui fut donc loisible d’y indiquer d’intéressantes t
2123 e. Quand elle eut appris que tel était le dessein des deux orateurs, l’Académie s’avisa de compléter ces exposés de deux ph
2124 sa tribune, pour y évoquer Tristan et Iseut sous un angle tout différent, M. Denis de Rougemont, qui a traité, lui, du « 
2125 ’auteur de L’Amour et l’Occident . Celui-ci, par un fâcheux contretemps, dut renoncer le matin même à gagner Bruxelles, l
2126 mythe de l’amour-passion, M. de Rougemont a tiré des essais très attachants sur l’aventure, sur l’homme occidental, sur l’
2127 e, après l’exposé de M. Vinaver fondé sur l’étude des textes la plus rigoureuse et la plus sensible, un autre exposé que no
2128 es textes la plus rigoureuse et la plus sensible, un autre exposé que nous attendons, un exposé, comme seul M. de Rougemon
2129 lus sensible, un autre exposé que nous attendons, un exposé, comme seul M. de Rougemont pouvait le faire, sur le phénomène
21 1961, Articles divers (1957-1962). Nos meilleurs esprits (1961)
2130 Nos meilleurs esprits (1961)ad Dans un film naguère célèbre, Orson Welles assurait que la Suisse n’a donné a
2131 r venu, tandis que la grandeur de la Suisse reste un mystère, même aux yeux des Européens dotés d’une bonne culture moyenn
2132 deur de la Suisse reste un mystère, même aux yeux des Européens dotés d’une bonne culture moyenne. Et finalement, il faut a
2133 e un mystère, même aux yeux des Européens dotés d’ une bonne culture moyenne. Et finalement, il faut avouer que le statut du
2134 demeurer à peu près invisible. Comment veut-on qu’ un étranger le voit ? S’il vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’i
2135 anger le voit ? S’il vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’il connaît par sa réputation mondiale, pas une personne su
2136 ses qu’il connaît par sa réputation mondiale, pas une personne sur mille, prise dans la rue, n’aura jamais entendu ce nom.
2137 rois points appelleraient d’infinis commentaires, un livre entier : imaginons du moins son argument. ⁂ S’il me fallait déc
2138 argument. ⁂ S’il me fallait décrire la Suisse en une seule phrase, comme il arrive que des touristes l’exigent, je dirais 
2139 a Suisse en une seule phrase, comme il arrive que des touristes l’exigent, je dirais : un pays de petits compartiments surm
2140 l arrive que des touristes l’exigent, je dirais : un pays de petits compartiments surmontés de sommets éclatants. Voyons c
2141 nts surmontés de sommets éclatants. Voyons cela d’ un peu plus près. Compartiments est le mot-clé de la Suisse. Vingt-cinq
2142 jalousement préservés, et presque sans mélange ; une douzaine de paysages ou décors types, et l’on va de l’un à l’autre en
2143 ou décors types, et l’on va de l’un à l’autre en une demi-heure, parfois en deux minutes comme il arrive quand on traverse
2144 verse le tunnel de Chexbres : la vue se ferme sur un paysage de plateaux nordiques et rhénans, collines où montent les sap
2145 — et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’ un ciel méridional que double un lac immense… Compartiments, esprit de g
2146 ans l’espace doré d’un ciel méridional que double un lac immense… Compartiments, esprit de groupe, et sociétés. Mais petit
2147 ds y sera surtout local. Il sera le grand homme d’ une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais c
2148 out local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’ une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la nat
2149 e d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’ un canton, presque jamais celui de la nation entière. Cette situation en
2150 rait mine de dépasser la mesure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la cul
2151 de dépasser la mesure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la culture, cet
2152 alitarisme à petite échelle ne présente guère que des inconvénients. Car pour faire un grand musicien, un grand poète ou un
2153 sente guère que des inconvénients. Car pour faire un grand musicien, un grand poète ou un grand peintre, il faut un milieu
2154 inconvénients. Car pour faire un grand musicien, un grand poète ou un grand peintre, il faut un milieu, une école, un pub
2155 r pour faire un grand musicien, un grand poète ou un grand peintre, il faut un milieu, une école, un public excité, un sno
2156 cien, un grand poète ou un grand peintre, il faut un milieu, une école, un public excité, un snobisme ou une cour, et un s
2157 and poète ou un grand peintre, il faut un milieu, une école, un public excité, un snobisme ou une cour, et un sens de la dé
2158 u un grand peintre, il faut un milieu, une école, un public excité, un snobisme ou une cour, et un sens de la démesure. C’
2159 , il faut un milieu, une école, un public excité, un snobisme ou une cour, et un sens de la démesure. C’est tout cela qu’i
2160 lieu, une école, un public excité, un snobisme ou une cour, et un sens de la démesure. C’est tout cela qu’interdisent moral
2161 le, un public excité, un snobisme ou une cour, et un sens de la démesure. C’est tout cela qu’interdisent moralement nos co
2162 endules à coucou ignorent généralement que ce fut un Suisse qui bâtit le plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome ;
2163 us grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome ; qu’ un autre Suisse construit des capitales ; qu’un troisième a donné à l’Am
2164 int-Pierre de Rome ; qu’un autre Suisse construit des capitales ; qu’un troisième a donné à l’Amérique les deux plus grands
2165 s s’il monte sur la montagne… Alors cette ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacle devant la pen
2166 rmaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Voilà qui est b
2167 ais le Français ne fait-il pas trop belle la part des Suisses dans la culture humaine, tandis que notre Américain la réduis
2168 e Staël comme personne. Jean de Müller, historien des Suisses, fut aussi le premier à publier une Vue générale du genre hum
2169 orien des Suisses, fut aussi le premier à publier une Vue générale du genre humain, dès la fin du xviiie siècle. Mais ce n
2170 me de Staël et Benjamin Constant à Paris. Quant à un C. G. Jung, à un C. F. Ramuz, à un Karl Barth ou à un Jean Piaget, qu
2171 njamin Constant à Paris. Quant à un C. G. Jung, à un C. F. Ramuz, à un Karl Barth ou à un Jean Piaget, qui ont surtout véc
2172 Paris. Quant à un C. G. Jung, à un C. F. Ramuz, à un Karl Barth ou à un Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’
2173 . G. Jung, à un C. F. Ramuz, à un Karl Barth ou à un Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’est pas la Suisse q
2174 opagé au loin ; c’est au contraire de l’étranger, des grands pays voisins et parfois de l’Amérique, que ce nom nous est rev
2175 rique, que ce nom nous est revenu, comme importé. Un autre trait commun à nos meilleurs esprits mériterait une étude plus
2176 e trait commun à nos meilleurs esprits mériterait une étude plus ample, dont je n’indique ici que le thème : un ou deux exc
2177 plus ample, dont je n’indique ici que le thème : un ou deux exceptés (et cela se discuterait) ils furent tous, à des titr
2178 eptés (et cela se discuterait) ils furent tous, à des titres divers, des hommes utiles, des penseurs engagés, plutôt que de
2179 iscuterait) ils furent tous, à des titres divers, des hommes utiles, des penseurs engagés, plutôt que des créateurs d’art o
2180 ent tous, à des titres divers, des hommes utiles, des penseurs engagés, plutôt que des créateurs d’art ou de pensée pure. M
2181 s hommes utiles, des penseurs engagés, plutôt que des créateurs d’art ou de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d
2182 giens et pédagogues, nous les voyons tous assumer des devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, comme si le fai
2183 oïevski seraient impensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâtre, un sens de la pompe et du style,
2184 ables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâtre, un sens de la pompe et du style, libre de tout souci d
2185 Suisses. Une certaine démesure, un grand théâtre, un sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’application « mor
2186 se. C’est à eux que la Suisse doit de représenter une plus grande densité de conscience européenne et d’efficacité transfor
22 1961, Articles divers (1957-1962). Culture et technique (juillet 1961)
2187 el, c’est la technique, fille de la science, et d’ une science étroitement liée à toute l’évolution culturelle de l’Occident
2188 rectement, au niveau de la création comme à celui des effets extérieurs, et s’inter-déterminent de la manière la mieux véri
2189 Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire, une civilisation devient vraiment mondiale, et c’est la civilisation tech
2190 e la seule exception. Il en résulte qu’on propose un peu partout d’orienter les études, dès l’enfance, vers la formation s
2191 d’années, les plus grands penseurs de l’Europe et des États-Unis, suivis par les chroniqueurs des journaux et par l’élite d
2192 pe et des États-Unis, suivis par les chroniqueurs des journaux et par l’élite de la bourgeoisie, chantent sur tous les tons
2193 onc que l’opposition entre la culture générale et une éducation spécialisée est le type même du faux problème. Car sans cul
2194 s. Pour établir cette thèse centrale, il faudrait des volumes et toute une vie de recherches. Je vais devoir me contenter d
2195 thèse centrale, il faudrait des volumes et toute une vie de recherches. Je vais devoir me contenter de vous rappeler quelq
2196 techniques décisives. Elles dépendent, non point des « lois de l’économie » dont parlaient Marx et les théoriciens bourgeo
2197 ns bourgeois de l’utilitarisme, mais au contraire des rêves les plus constants de l’homme, des rêves qui déterminent dans n
2198 ontraire des rêves les plus constants de l’homme, des rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’on nomme les hasards, les t
2199 on nomme les hasards, les trouvailles par hasard, des rêves qui sont aussi les grands thèmes directeurs des créations de no
2200 rêves qui sont aussi les grands thèmes directeurs des créations de notre culture. Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils
2201 de notre culture. Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils ? Quels sont donc les motifs profonds de la technique ? Tout l
2202 siècle répond en chœur : que l’homme invente pour des motifs utilitaires. Et presque tous les historiens de la technique ré
2203 jours que les grandes inventions ont « répondu à des besoins », économiques, alimentaires et matériels. Quelques-uns cepen
2204 s, réfutent précisément ces théories. À l’origine des inventions européennes du xvie au xixe siècle, qui ont décidé du so
2205 rt, ni la volonté de puissance, mais au contraire des rêves magiques ou religieux, affectifs, poétiques, archétypiques, et
2206 très généralement humains. L’homme primitif crée des outils parce qu’il joue avec les démons cachés dans le feu ou dans la
2207 ler qu’est né l’avion, et non pas de la prévision des avantages économiques, touristiques et militaires que présenterait un
2208 ques, touristiques et militaires que présenterait un jour l’aviation. L’histoire du vol d’Icare est le récit d’un rêve que
2209 viation. L’histoire du vol d’Icare est le récit d’ un rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l’autre, y comp
2210 it d’un rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l’autre, y compris Léonard de Vinci. Le motif onirique du vol
2211 d de Vinci. Le motif onirique du vol, attesté par des centaines d’auteurs depuis trois-mille ans, est de toute évidence ant
2212 ientifiques, cherchait à construire, nous dit-il, une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigi
2213 » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et des horaires, mais pût aller à l’aventure le long de
2214 einte à suivre la loi rigide des voies ferrées et des horaires, mais pût aller à l’aventure le long des routes et des chemi
2215 mais pût aller à l’aventure le long des routes et des chemins dans les campagnes : rêve typique de l’adolescence, qui est l
2216 es : rêve typique de l’adolescence, qui est l’âge des fugues. Le jeune Henry Ford le réalisa en 1893, quelques années après
2217 d Otto eut inventé le moteur à explosion interne. Des douzaines d’ingénieurs ou amateurs de mécanique, en France surtout, a
2218 invention n’en demeure pas moins exemplaire. L’un des inventeurs de la turbine fut Léonard Euler, mathématicien de génie, e
2219 otif religieux qui est décisif. Élevé à Bâle dans un milieu ardemment piétiste, Euler pensait que ses livres de science pu
2220 a Nature, il prit le temps d’imaginer les plans d’ une machine nouvelle, qui devint la turbine. Enfin, la machine à vapeur.
2221 lle qui existait au début du xviiie siècle était des plus rudimentaire : il fallait qu’un surveillant introduise de temps
2222 iècle était des plus rudimentaire : il fallait qu’ un surveillant introduise de temps à autre un jet d’eau froide dans le r
2223 ait qu’un surveillant introduise de temps à autre un jet d’eau froide dans le réservoir contenant la vapeur, afin de produ
2224 nant la vapeur, afin de produire sa condensation. Un jour, un jeune enfant chargé de cette besogne, Humphrey Potter, eut l
2225 apeur, afin de produire sa condensation. Un jour, un jeune enfant chargé de cette besogne, Humphrey Potter, eut l’idée de
2226 besogne, Humphrey Potter, eut l’idée de relier à un balancier les robinets commandant l’arrivée de la vapeur et de l’eau
2227 ’est utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont guid
2228 e, économique ou financier. Ce sont des besoins d’ un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont guidé l’intuition
2229 ychologiques et moraux, qui ont guidé l’intuition des inventeurs. L’explication de la technique par des besoins utilitaires
2230 des inventeurs. L’explication de la technique par des besoins utilitaires ou économiques repose en somme sur un anachronism
2231 ns utilitaires ou économiques repose en somme sur un anachronisme, et sur une confusion des effets et des causes. Au début
2232 iques repose en somme sur un anachronisme, et sur une confusion des effets et des causes. Au début, il y a le rêve, le jeu 
2233 n somme sur un anachronisme, et sur une confusion des effets et des causes. Au début, il y a le rêve, le jeu ; plus tard vi
2234 anachronisme, et sur une confusion des effets et des causes. Au début, il y a le rêve, le jeu ; plus tard viennent l’indus
2235 français, déclare en 1833 que la locomotive est «  une simple amusette scientifique ».) Plus tard, l’industrie et la banque,
2236 s lois expriment les besoins matériels de l’homme des masses. La vérité est simplement inverse : l’homme moyen n’éprouve le
2237 que quelques fous et rêveurs de génie inventèrent un beau jour ces mécaniques, qui devaient permettre l’industrie moderne.
2238 d’exploitation sont pris par les bureaux d’études des grandes firmes industrielles ou des offices de recherches militaires.
2239 eaux d’études des grandes firmes industrielles ou des offices de recherches militaires. Mais ce sont, après tout, de petite
2240 répondant à de petites nécessités d’abaissement d’ un prix de revient ou d’augmentation d’un confort défini en termes physi
2241 issement d’un prix de revient ou d’augmentation d’ un confort défini en termes physiques. Les très grandes inventions de no
2242 is de plus, la thèse du rêve créateur : l’exemple des fusées vers la Lune et Vénus me suffira. Les plus grandes sommes — de
2243 ne et Vénus me suffira. Les plus grandes sommes — des milliards de dollars — que dépensent nos plus grands États, sont affe
2244 plus grands États, sont affectées à la recherche des moyens d’explorer le cosmos. Personne ne peut savoir à quoi cela serv
2245 2/3 de l’humanité souffrent la faim — mais c’est un rêve, un rêve universel et proprement irrésistible. Et si un jour nou
2246 ’humanité souffrent la faim — mais c’est un rêve, un rêve universel et proprement irrésistible. Et si un jour nous découvr
2247 rêve universel et proprement irrésistible. Et si un jour nous découvrons sur Mars des substances nouvelles qui procurent
2248 ésistible. Et si un jour nous découvrons sur Mars des substances nouvelles qui procurent à nos industries ou à nos États de
2249 réé notre culture ; — la technique n’est donc pas un destin objectif et que nous aurions à subir, mais bien au contraire,
2250 ons à subir, mais bien au contraire, elle exprime des vœux profonds dont nous sommes responsables. Il en résulte que la cul
2251 avantage de nous faire mieux comprendre la nature des deux dangers majeurs que la technique risque de créer dans ce siècle 
2252 que je crois illusoire — de la mise en esclavage des Occidentaux par leurs machines, et le danger — beaucoup plus sérieux
2253 le danger — beaucoup plus sérieux à mon sens — d’ un épuisement des sources vives de l’invention, par la réduction de la c
2254 eaucoup plus sérieux à mon sens — d’un épuisement des sources vives de l’invention, par la réduction de la culture générale
2255 nos grands penseurs de se lamenter sur le déclin des valeurs spirituelles, et sur la mise en esclavage de l’homme par les
2256  : La bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Ce qui est horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qu
2257 prépare à l’employer. Le contrôle de la bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si tout
2258 contrôle de la bombe est une absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si tout d’un coup on se jetait
2259 s Comités pour la retenir ! C’est comme si tout d’ un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les v
2260  ! C’est comme si tout d’un coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laiss
2261 e donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. Il n’est pas d’invention, si simple et si utili
2262 ire soit-elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de l’homme : le couteau de cuisine a sûrement fa
2263 . Dire que la machine domine l’homme, ce n’est qu’ une manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une
2264 e manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse t
2265 er. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis pl
2266 lusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’un siècle pour une partie de nos p
2267 i fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’ un siècle pour une partie de nos populations occidentales, ce fut le sor
2268 douloureuse tragédie depuis plus d’un siècle pour une partie de nos populations occidentales, ce fut le sort du travailleur
2269 iers du xixe siècle — l’homme attaché au service des machines jusqu’à seize heures par jour, dès sa jeunesse, puis l’homme
2270 létaire industriel comme le « complément vivant d’ un mécanisme mort ». Mais déjà nous voyons s’approcher la fin de cette è
2271 rquable, ce ne sont pas les justes indignations d’ un Marx, ni l’action politique des partis socialistes, et encore moins l
2272 tes indignations d’un Marx, ni l’action politique des partis socialistes, et encore moins la révolution des communistes qui
2273 partis socialistes, et encore moins la révolution des communistes qui ont créé les moyens concrets de libérer le prolétaria
2274 s accélérant, que nous sommes parvenus au seuil d’ une ère nouvelle, qui doit et peut, progressivement, nous permettre non p
2275 en Occident. Et l’on s’aperçoit que l’automatisme des machines, qui semblait inhumain tant que l’ouvrier devait y adapter s
2276 e ne consiste pas seulement à se cultiver, à lire des livres, à écouter des disques, mais d’abord à écrire des livres, à co
2277 ement à se cultiver, à lire des livres, à écouter des disques, mais d’abord à écrire des livres, à composer de la musique,
2278 res, à écouter des disques, mais d’abord à écrire des livres, à composer de la musique, à méditer, à inventer et à créer. C
2279 musique, à méditer, à inventer et à créer. C’est un travail, c’est même le vrai travail humain. Mais il est clair que si
2280 ur la culture, ou pourra l’être. Nous allons vers un temps où les loisirs deviendront quantitativement plus importants que
2281 nent au contraire vers la culture, et lui donnent un sérieux nouveau, une importance économique croissante. Cependant un d
2282 rs la culture, et lui donnent un sérieux nouveau, une importance économique croissante. Cependant un danger subsiste. L’ère
2283 , une importance économique croissante. Cependant un danger subsiste. L’ère de l’automation et de l’électronique exige la
2284 rmation scientifique très poussée non seulement d’ une petite élite, mais d’une masse importante de techniciens. Deux exempl
2285 poussée non seulement d’une petite élite, mais d’ une masse importante de techniciens. Deux exemples : la France déclare qu
2286 grands inventeurs de tous les temps n’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et des r
2287 ’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et des rêveurs, quelquefois des théologiens,
2288 des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et des rêveurs, quelquefois des théologiens, ou des peint
2289 sens étroit, mais des poètes, des philosophes et des rêveurs, quelquefois des théologiens, ou des peintres, ou des touche-
2290 ètes, des philosophes et des rêveurs, quelquefois des théologiens, ou des peintres, ou des touche-à-tout. La brouette, la r
2291 s et des rêveurs, quelquefois des théologiens, ou des peintres, ou des touche-à-tout. La brouette, la roulette et les lois
2292 quelquefois des théologiens, ou des peintres, ou des touche-à-tout. La brouette, la roulette et les lois du hasard, la mac
2293 es lois du hasard, la machine à calculer, ancêtre des cerveaux électroniques, c’est Pascal qui les inventa ; et la turbine
2294 thématicien et mystique ; et le gramophone, c’est un poète français un peu loufoque, Charles Cros. Ces successeurs moderne
2295 tique ; et le gramophone, c’est un poète français un peu loufoque, Charles Cros. Ces successeurs modernes d’un Archimède e
2296 oufoque, Charles Cros. Ces successeurs modernes d’ un Archimède et d’un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’écol
2297 ros. Ces successeurs modernes d’un Archimède et d’ un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’écoles techniques poli
2298 inées, ou même d’écoles où ils n’auraient reçu qu’ une instruction purement technique. L’ère nouvelle exigera, c’est entendu
2299 technique. L’ère nouvelle exigera, c’est entendu, des dizaines de milliers d’ingénieurs, mais si l’on subordonne tout notre
2300 réciproque. La technique ne permet pas seulement une augmentation quantitative du temps libre, mais une meilleure utilisat
2301 ne augmentation quantitative du temps libre, mais une meilleure utilisation qualitative des loisirs : par la radio, la télé
2302 libre, mais une meilleure utilisation qualitative des loisirs : par la radio, la télévision et les disques, toute la musiqu
2303 et même pour la philosophie. Le succès stupéfiant des pocket books, aux États-Unis d’abord puis en Europe a été rendu possi
2304 rs accrus. Bergson, qui réclamait si anxieusement un « supplément d’âme » pour notre société technique se voit doté, grâce
2305 é technique se voit doté, grâce aux paperbacks, d’ un supplément posthume de 200 000 lecteurs aux États-Unis ! Deuxième con
2306 t qu’il s’agit de les former d’urgence aux dépens des humanités et de la culture générale. L’URSS a décidé de sacrifier la
2307 e dément cette conception simpliste. Je demandais un jour à l’un des trois physiciens qui ont réalisé la fission de l’atom
2308 conception simpliste. Je demandais un jour à l’un des trois physiciens qui ont réalisé la fission de l’atome comment il tra
2309 clut : « Vous voyez, notre activité réelle, c’est un mélange de poésie et de cuisine. Les procédés techniques et l’élabora
2310 er ne cesse d’insister sur la nécessité absolue d’ une vaste culture générale et synthétique, englobant la littérature et la
2311 erche scientifique et technique n’aboutisse pas à des impasses, à la stagnation, ou à des monstruosités. S’il nous faut dav
2312 outisse pas à des impasses, à la stagnation, ou à des monstruosités. S’il nous faut davantage de techniciens et de chercheu
2313 culture générale, et non pas moins, et seulement un peu plus de formation technique pendant le temps de la scolarité : ca
2314 qui agit dans les pays sous-développés, à l’insu des bénéficiaires de nos techniques, mais alors d’une manière anarchique,
2315 des bénéficiaires de nos techniques, mais alors d’ une manière anarchique, souvent néfaste. Les machines inventées par l’Occ
2316 ’ignorer, nous donnerons aux pays sous-développés des objets explosifs et destructeurs de leurs traditions ancestrales et d
2317 es bienfaits de notre apport. Nous leur donnerons des drogues sans mode d’emploi, et nos remèdes deviendront des poisons. I
2318 es sans mode d’emploi, et nos remèdes deviendront des poisons. Il est donc temps, pour nous Occidentaux, d’adjoindre à l’as
2319 e monde parle et que tout le monde exige de nous, une assistance éducatrice et culturelle, sans laquelle tous nos dons, mêm
2320 source de nos inventions mais la seule garantie d’ un progrès véritable. L’avenir de l’Occident ne dépend pas de nos divide
2321 endes immédiats, mais de notre faculté d’imaginer un développement plus harmonieux de nos rêves et de notre action. L’aven
2322 à la fois les conditions morales et matérielles d’ un équilibre humain assez riche et assez souple pour servir de modèle à
2323 « Avec la clarté de l’écrivain et sa connaissance des problèmes européens, M. de Rougemont souligne l’interdépendance de la
2324 ndance de la culture et de la technique. Auteur d’ une vingtaine de volumes — traduits en douze langues — directeur du Centr
23 1961, Articles divers (1957-1962). Le Temps de la louange (été 1961)
2325 à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’ un hôtel, vers quatre heures du matin, et je tirais les cartes. Un grand
2326 quatre heures du matin, et je tirais les cartes. Un grand et fort garçon, dans la trentaine, beau visage plein et carré,
2327 la culture, à Genève, qu’il ne devait quitter qu’ un an avant sa mort. Je parlerai de sa personne. ⁂ Il était alsacien, né
2328 sacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’ une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la
2329 possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec
2330 e. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, Français de bon la
2331 nt étranger du Combat d’Albert Camus, titulaire d’ une émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalem
2332 nationales auxquelles il prêtait le rayonnement d’ une culture exceptionnellement étendue, d’une sagesse indulgente mais inc
2333 ement d’une culture exceptionnellement étendue, d’ une sagesse indulgente mais incisive et d’un charme personnel infaillible
2334 ndue, d’une sagesse indulgente mais incisive et d’ un charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités german
2335 charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités germaniques et françaises, — il semblait toujours que tout c
2336 peut-être, il venait de donner les témoignages d’ une soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres françai
2337 s témoignages d’une soudaine maîtrise poétique, d’ un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifiant
2338 e fois de plus, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques s
2339 à, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines avant d’en subir la premièr
2340 es avant d’en subir la première attaque, suivie d’ une opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être « 
2341 « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’ un « nouveau travail » ? ⁂ Il n’aimait pas les discussions métaphysiques
2342 ysiques ni qu’on lui demandât ce qu’il croyait. D’ une thèse ou d’un point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou
2343 n lui demandât ce qu’il croyait. D’une thèse ou d’ un point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou de réfuter, il
2344 Et l’on sentait qu’il s’agissait en lui non pas d’ une objection logique ou de doctrine, mais d’une allergie spirituelle. So
2345 as d’une objection logique ou de doctrine, mais d’ une allergie spirituelle. Son parti pris fondamental, seul déclaré, était
2346 rti pris fondamental, seul déclaré, était celui d’ un absolu monothéisme, au nom duquel il récusait toutes les construction
2347 ou Karl Barth — comme étant affectées à la base d’ un « littéralisme » biblique décidément incompatible avec son sens du sy
2348 ens du symbolisme universel. Bach en automne est un poème luthérien, le seul que je connaisse en français. Luthérien par
2349 ar il croyait que notre incohérence aveugle avait un sens ailleurs, heureux et grand pour l’âme, et des lois dont certains
2350 un sens ailleurs, heureux et grand pour l’âme, et des lois dont certains indices — nombres, accords, réminiscences — nous l
2351 train du monde, il fallait naviguer dans la vie d’ un signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’une certaine qualité
2352 n signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’ une certaine qualité poétique des êtres ou de la conjoncture ; et les err
2353 a seule intuition d’une certaine qualité poétique des êtres ou de la conjoncture ; et les erreurs importaient peu, normales
2354 us dans la « platitude divine » du grand fleuve d’ un seul tenant reliant « l’origine et la perfection des temps ». Sa facu
2355 seul tenant reliant « l’origine et la perfection des temps ». Sa faculté de travail n’était guère égalée que par sa facult
2356 e mégalomane que par son mépris de l’arrivisme et des conditions élémentaires d’une carrière. Il avait de lui-même et du mo
2357 s de l’arrivisme et des conditions élémentaires d’ une carrière. Il avait de lui-même et du monde une idée telle que les sou
2358 d’une carrière. Il avait de lui-même et du monde une idée telle que les soucis multipliés par une vie quotidienne mal ordo
2359 onde une idée telle que les soucis multipliés par une vie quotidienne mal ordonnée, et les besognes dont il s’acquittait po
2360 hélas ! d’écrire son œuvre. Il avait été Roi dans une autre existence, il le savait absolument ; il pouvait être dans cette
2361 et bohème, romancier ou poète, — il voulut même, un temps, devenir banquier, et riche. L’insignifiance foncière de tout l
2362 nce foncière de tout le laissait libre d’accorder une espèce d’intérêt passionné à certaines entreprises méthodiques, créat
2363 de Jean Monnet, qui le fascinait, ou comme celle, un peu clandestine, que nous poursuivions à Genève. Une espèce de rêve i
2364 peu clandestine, que nous poursuivions à Genève. Une espèce de rêve impérial d’autorité sans pouvoir apparent passait parf
2365 ent passait parfois dans ses propos. (Il eût fait un fort bel empereur romain-germanique et d’expression française.) Un ce
2366 eur romain-germanique et d’expression française.) Un certain ton de gouaille anarchisante, mais sans trace de vulgarité, e
2367 te, mais sans trace de vulgarité, et dans l’abord des êtres, un laisser-aller apparent (mais qui cachait beaucoup de fierté
2368 ns trace de vulgarité, et dans l’abord des êtres, un laisser-aller apparent (mais qui cachait beaucoup de fierté, et de ré
2369 ont Denis de, « Le Temps de la louange », Cahiers des saisons, Paris, été 1961, p. 21-24.
24 1962, Articles divers (1957-1962). Jonas [préface] (1962)
2370 sacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’ une famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la
2371 possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour suisse ou chilien peut-être. Avant
2372 e. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être un jour suisse ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français de bon la
2373 nt étranger du Combat d’Albert Camus, titulaire d’ une émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalem
2374 nationales auxquelles il prêtait le rayonnement d’ une culture exceptionnellement étendue, d’une sagesse indulgente mais inc
2375 ement d’une culture exceptionnellement étendue, d’ une sagesse indulgente mais incisive et d’un charme personnel infaillible
2376 ndue, d’une sagesse indulgente mais incisive et d’ un charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités german
2377 charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités germaniques et françaises, il semblait toujours que tout cel
2378 peut-être, il venait de donner les témoignages d’ une soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres françai
2379 s témoignages d’une soudaine maîtrise poétique, d’ un ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifiant
2380 e fois de plus, il est passé au-delà, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques s
2381 à, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques semaines avant d’en subir la premièr
2382 es avant d’en subir la première attaque, suivie d’ une opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être « 
2383 « nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’ un « nouveau travail » ? at. Rougemont Denis de, Dadelsen Jean-Paul d
25 1962, Articles divers (1957-1962). Calvin (1962)
2384 Jean Calvin naît le 10 juillet 1509 à Noyon, d’ une famille de bourgeoisie aisée. Il reçoit une bonne instruction général
2385 on, d’une famille de bourgeoisie aisée. Il reçoit une bonne instruction générale, puis va à Paris étudier la théologie, à O
2386 nstitution chrétienne qu’il publie en 1536. Après un séjour à Ferrare, il est retenu à Genève par Guillaume Farel et invit
2387 lètes en 59 vol., 1863-1900.) Si l’on admet avec un récent manifeste39 que « l’écrivain, dans la mesure où il s’occupe de
2388 9 que « l’écrivain, dans la mesure où il s’occupe des vicissitudes de l’époque et tente de s’y mêler — de les diriger, pour
2389 sément œuvre d’écrivain », alors Calvin n’est pas un écrivain. Il a créé un style et un vocabulaire, et la langue des idée
2390  », alors Calvin n’est pas un écrivain. Il a créé un style et un vocabulaire, et la langue des idées en France, et Bossuet
2391 lvin n’est pas un écrivain. Il a créé un style et un vocabulaire, et la langue des idées en France, et Bossuet lui concède
2392 l a créé un style et un vocabulaire, et la langue des idées en France, et Bossuet lui concède « la gloire d’avoir aussi bie
2393 faire de la littérature : c’était pour enseigner des vérités religieuses dans les vicissitudes de l’époque, et diriger les
2394 aire entendre la Parole. L’idée de surprendre par des tournures de phrases ou des adjectifs insolites, des raccourcis obscu
2395 dée de surprendre par des tournures de phrases ou des adjectifs insolites, des raccourcis obscurs ou fulgurants, un ton de
2396 tournures de phrases ou des adjectifs insolites, des raccourcis obscurs ou fulgurants, un ton de grandeur ou de naturel tr
2397 insolites, des raccourcis obscurs ou fulgurants, un ton de grandeur ou de naturel trivial, de désespoir ou de pudeur exqu
2398 turel trivial, de désespoir ou de pudeur exquise, un ton quelconque, — l’idée même d’être original ne lui a pas fait perdr
2399 dée même d’être original ne lui a pas fait perdre une seconde. On ne joue pas avec les mots quand on est « ministre du Verb
2400 fait, ne joue plus aucun rôle. En revanche, l’une des traditions maîtresses de la pensée française, celle qui considère l’é
2401 se, celle qui considère l’écrivain comme chargé d’ une mission normative et créatrice de valeurs générales dans la cité, — c
2402 omas d’Aquin — il ne séduit que par la démesure d’ une inflexible discipline intime. Rien de moins sec, d’ailleurs, de plus
2403 goût. Ce qui m’importe ici, c’est l’efficacité d’ une œuvre écrite et pensée tout entière dans la soumission absolue à une
2404 pensée tout entière dans la soumission absolue à une cause qui transcende l’auteur. Homme traqué par sa vocation. Son pèr
2405 r sa vocation. Son père le destinait à la science des lois, pour la raison qu’elle enrichit ceux qui la suivent, nous dit-i
2406 de la vraie piété, je fus incontinent enflammé d’ un si grand désir de profiter, qu’encore que je ne quittasse pas du tout
2407 mencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’étant d’ un naturel un peu sauvage et honteux, j’ai toujours aimé requoy et tranq
2408 même. De mon côté, d’autant qu’étant d’un naturel un peu sauvage et honteux, j’ai toujours aimé requoy et tranquillité, je
2409 chercher quelque cachette et moyen de me retirer des gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon désir, qu’au co
2410 se, celle de Robert Olivétan), François Ier signe un arrêt totalitaire interdisant sous peine de mort d’imprimer aucun liv
2411 er plus à l’aise, l’obligent à prendre la défense des « saints martyrs », de peur, dit-il, qu’en se taisant il ne se montre
2412 s. Il vient d’élaborer en quelques mois, — « dans des veilles mémorables, célestes », écrira l’humaniste Ramus — l’un des r
2413 bles, célestes », écrira l’humaniste Ramus — l’un des rares livres qui aient changé le cours de notre histoire occidentale.
2414 nt à Genève par hasard, il comptait n’y rester qu’ une nuit. Mais là, « maître Guillaume Farel me retint, non pas tant par c
2415 , non pas tant par conseil et exhortation que par une adjuration épouvantable, comme si Dieu eût d’en haut étendu sa main p
2416 e par les cris de Farel. Il n’accepte pourtant qu’ une charge de docteur, et commence à « dresser » l’Église dans ses formes
2417 à « dresser » l’Église dans ses formes. Bientôt, une sédition le chasse. Peut-il se croire « en liberté et quitte de sa vo
2418 jà Bucer exige sa présence à Strasbourg « usant d’ une semblable remonstrance qu’avait faite Farel auparavant ». Calvin devi
2419 r de la première Église réformée, et il la dote d’ une liturgie, qu’il met en vers pour être mieux chantée. Trois ans s’écou
2420 et par quelles épreuves il m’a examiné, ce serait une longue histoire. » Semblable au roi David molesté par les guerres et
2421 es et navré au milieu de son peuple par la malice des déloyaux « j’ai été assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être
2422 tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos un bien peu de temps, que toujours je n’eusse à soutenir quelque combat,
2423 emontant) mais c’est être emporté malgré soi vers des buts et dans une action à quoi rien ne nous inclinait. J’étais l’homm
2424 est être emporté malgré soi vers des buts et dans une action à quoi rien ne nous inclinait. J’étais l’homme le moins fait p
2425 le moins fait pour cela ! gémit l’individu quand une force inconnue, l’arrachant à lui-même, le jette à sa personne. Et Ca
2426 ux, moins impérieux pourtant que contraignant par une logique amère imagée de proverbes, de frustes apologues à la volée, e
2427 apologues à la volée, et d’innombrables citations des Écritures restituées dans leur nouveauté la plus abrupte et prosaïque
2428 on temps : nous jugeons pittoresques, par erreur, des tours qui ne voulaient qu’être clairs et convaincants pour l’auditeur
2429 s Ier, opposons le mouvement pressant et familier des Sermons qu’il prononce chaque jour à la cathédrale de Saint-Pierre. R
2430 tout vient. La phrase est souvent longue, mais d’ une démarche ferme, conduisant vers un but si fortement conçu qu’il sembl
2431 ongue, mais d’une démarche ferme, conduisant vers un but si fortement conçu qu’il semble que jamais le moindre doute frivo
2432 esprit qui la préméditait. C’est ici le langage d’ un chef — mais spirituel — parlant dans une ville assiégée, qu’il s’agis
2433 langage d’un chef — mais spirituel — parlant dans une ville assiégée, qu’il s’agisse de Genève où l’on veille aux remparts
2434 de le bien « conforter » dans l’amour paternel d’ un Dieu-roi formidablement exalté au-dessus des puissants de la Terre, m
2435 nel d’un Dieu-roi formidablement exalté au-dessus des puissants de la Terre, mais pourtant jaloux de ses droits et des inté
2436 e la Terre, mais pourtant jaloux de ses droits et des intérêts de « son » peuple. Langage dénué de toute onction d’église,
2437 éduquer le peuple et les princes. Langage enfin d’ un homme qui se sait écouté non seulement par les Genevois mais par tout
2438 uté non seulement par les Genevois mais par toute une élite européenne, assemblée devant lui, au pied de la chaire, et dont
2439 ouvoir de contagion. Ce ministre du Verbe a fait un monde. Il est même le seul écrivain dont les doctrines aient suscité
2440 dont les doctrines aient suscité dans l’Occident une éthique sociale et civique, un type neuf de relations politiques, enf
2441 é dans l’Occident une éthique sociale et civique, un type neuf de relations politiques, enfin des formes de gouvernement q
2442 ique, un type neuf de relations politiques, enfin des formes de gouvernement qui ont marqué d’une manière décisive l’Anglet
2443 enfin des formes de gouvernement qui ont marqué d’ une manière décisive l’Angleterre et ses dominions, la Hollande et la Sui
2444 inions, la Hollande et la Suisse, la Hongrie pour un temps, la France huguenote, enfin toute l’Amérique du Nord, et cela f
2445 isse lui comparer par l’ampleur et par la durée d’ une action de cet ordre dans l’Histoire. J’écarte Rousseau son disciple m
2446 e Nietzsche. Je ne vois plus que Marx, et encore. Un empire international se réclame de son œuvre, ou au moins de son nom 
2447 e la Russie par Marx. Mais le marxisme en dépit d’ une doctrine de l’Histoire quasiment prédestinatienne, et presque aussi p
2448 tinatienne, et presque aussi paradoxale que celle des Pères de la Réforme, n’a jamais pu créer une éthique, ni même une for
2449 elle des Pères de la Réforme, n’a jamais pu créer une éthique, ni même une formule d’équilibre entre la nation et ses princ
2450 Réforme, n’a jamais pu créer une éthique, ni même une formule d’équilibre entre la nation et ses princes, encore bien moins
2451 cité ; et que le titre de citoyen est bien moins un droit qu’une charge. Les démocraties d’Occident qui ont refusé de pay
2452 ue le titre de citoyen est bien moins un droit qu’ une charge. Les démocraties d’Occident qui ont refusé de payer ce prix en
2453 ortes ou ne valent guère mieux. Le régime synodal des églises calvinistes préfigure le gouvernement par les élus de la comm
2454 moderne l’aire de l’influence de Calvin et l’aire des dictatures totalitaires : elles ne se recouvrent nulle part. Enfin, l
2455 te l’ignorance commune, Calvin a créé le modèle d’ une église dressée face à l’État et soigneuse à le maintenir dans les lim
2456 ure encore où cet homme accablé a fait l’histoire des cités les plus libres, parce qu’il ne croyait pas à l’Histoire déifié
26 1962, Articles divers (1957-1962). Le règne de Victoria (1962)
2457 lectuels s’humanisent, les grands noms deviennent des prénoms, les titres doivent être mérités, la familiarité dénote le re
2458 pas, on la sent. Ses exigences sont aggravées par une dose convenable d’arbitraire, mais tempérées par les plus capricieuse
2459 aises » sont pardonnées si elles s’affirment dans un grand style tumultueux à la mongole, à l’espagnole ou à la russe. Les
2460 es et les mises en boîte raffinées sont admis. Qu’ un propos ou qu’un personnage déplaise, Victoria disparaît dans les prof
2461 en boîte raffinées sont admis. Qu’un propos ou qu’ un personnage déplaise, Victoria disparaît dans les profondeurs du parc,
2462 a cour de San Isidro : c’était en 1941. Je venais des États-Unis, où la guerre en Europe m’avait projeté hors d’une Suisse
2463 is, où la guerre en Europe m’avait projeté hors d’ une Suisse neutre et assiégée, qui m’estimait sans doute moins gênant, pe
2464 Bagatelle, transfigurée par les rayons obliques d’ une fin d’après-midi dorée, avec Ortega y Gasset, et nous parlions d’amis
2465 ous parlions d’amis communs, venus de partout, qu’ une sorte de prémonition avait rassemblés ces jours-là dans la capitale d
2466 à dans la capitale de l’Europe, ultime colloque d’ une société secrète improvisée, avant les catastrophes et la nuit de l’es
2467 é, si proche et déjà légendaire, et la promesse d’ un avenir malgré tout qui m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour, da
2468 un avenir malgré tout qui m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’éta
2469 algré tout qui m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’étais tombé e
2470 m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’étais tombé en arrêt, médusé
2471 ndus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’étais tombé en arrêt, médusé, réduit au s
2472 bé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied d’ une cathédrale d’eucalyptus géants plus hauts que les tours de Notre-Dame
2473 ienne, au sens noble que définit la seule Société des esprits. Et j’ai vu qu’elle était Argentine avant tout, dans ses gran
2474 e son existence. Et c’est pourquoi son amitié est un honneur. On n’oserait pas l’avouer n’était l’humour et cette espèce d
2475 — qu’elle fait régner sur les relations humaines. Un jour le Sud aura sa revanche sur le Nord masculin, épuisé de logique,
2476 ntuition, l’émotion, le sens de l’Arbre animeront un nouvel ordre humain, une sagesse orientée par la Femme, comme Goethe
2477 sens de l’Arbre animeront un nouvel ordre humain, une sagesse orientée par la Femme, comme Goethe et C. G. Jung l’ont annon
27 1962, Articles divers (1957-1962). La culture et l’union de l’Europe (avril 1962)
2478 it d’ailleurs industriel ou philosophe, a d’abord un réflexe de doute. L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’e
2479 st-elle pas au contraire, ajoutent certains, l’un des derniers bastions de l’esprit nationaliste, des particularismes périm
2480 n des derniers bastions de l’esprit nationaliste, des particularismes périmés ? Répondre à ces questions me paraît vital, e
2481 ofessionnel. J’essaierai donc de démontrer ici, d’ une manière aussi simple que possible : 1° que l’Europe unie est beaucoup
2482 jamais vu le jour) s’il ne s’inscrivait pas dans une longue tradition culturelle européenne ; 3° que cette tradition, écla
2483 rant la conjoncture actuelle, exige la création d’ une Europe fédérale, et non pas d’une Europe unitaire ; 4° que le fédéral
2484 e la création d’une Europe fédérale, et non pas d’ une Europe unitaire ; 4° que le fédéralisme et la culture s’appellent et
2485 ope, sans sa culture, ne serait pas l’Europe mais un cap de l’Asie. Doutes sur l’utilité de la culture Le grand publi
2486 ublic pense aujourd’hui que faire l’Europe, c’est une question de tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie,
2487 ts sociaux et monétaires, en attendant peut-être, un jour, une sorte de confédération politique, — qui effraye encore beau
2488 x et monétaires, en attendant peut-être, un jour, une sorte de confédération politique, — qui effraye encore beaucoup de no
2489 roblèmes culturels ne seraient par conséquent que des problèmes marginaux. La culture serait au mieux l’ornement des loisir
2490 marginaux. La culture serait au mieux l’ornement des loisirs, un luxe flatteur, une dernière touche que mettraient les déc
2491 a culture serait au mieux l’ornement des loisirs, un luxe flatteur, une dernière touche que mettraient les décorateurs à l
2492 u mieux l’ornement des loisirs, un luxe flatteur, une dernière touche que mettraient les décorateurs à l’édifice du nouveau
2493 du nouveau consortium européen. Elle deviendrait un parasite si elle insistait pour qu’on augmente son budget. Cette vue
2494 mente son budget. Cette vue très populaire, née d’ un xixe siècle utilitariste et mercantile, est en fait partagée par les
2495 nos budgets de la culture avec ceux de l’URSS et des USA, puissances modernes ; et surtout de comparer la dotation globale
2496 rnes ; et surtout de comparer la dotation globale des quelque 40 000 fondations américaines, qui se chiffre en milliards de
2497 ui se chiffre en milliards de dollars, avec celle des quelque 300 fondations culturelles existant dans nos pays, qui ne se
2498 mondiale, et si elle est encore aujourd’hui l’une des trois grandes puissances de la planète, ce n’est pas à ses richesses
2499 elles qu’elle le doit : simple cap de l’Asie (4 % des terres émergées du globe), un peu moins peuplée que l’Inde et beaucou
2500 cap de l’Asie (4 % des terres émergées du globe), un peu moins peuplée que l’Inde et beaucoup plus pauvre en matières prem
2501 la péninsule européenne ? Sinon par la différence des cultures, au sens le plus large du terme, qui va de la religion à la
2502 t la morale. L’Europe est très peu de choses plus une certaine culture, qui a fait d’une pauvre terre découpée et cloisonné
2503 de choses plus une certaine culture, qui a fait d’ une pauvre terre découpée et cloisonnée le cœur et le cerveau de la planè
2504 ntinent par m, et sa culture par c, nous obtenons une équation semblable et non moins chargée de conséquences : E = mc2 Eu
2505 c2 Europe = Cap de l’Asie x culture intensive Un combat sur deux fronts Que veut dire, dans ces conditions, l’expre
2506 ant : « faire l’Europe » ? L’Europe existe depuis des millénaires. Il n’est pas question de la créer ; mais simplement, les
2507 l leurs ressources, trop longtemps divisées entre une vingtaine d’États tous trop petits désormais pour se suffire. Tel éta
2508 s qu’ils soient, sont profondément enracinés dans un millénaire au moins de culture européenne. L’obstacle principal à not
2509 s qu’il s’agit de le combattre. Et ceci n’est pas une question de technique ou de calculs tarifaires, mais une question de
2510 stion de technique ou de calculs tarifaires, mais une question de mentalité, d’habitudes de pensée, de réflexes acquis — de
2511 acquis — de sentiment autant que de raison. Donc une question de culture, d’éducation nouvelle. Mais « faire l’Europe » ne
2512 Et c’est là qu’intervient à nouveau la culture, d’ une manière positive, créatrice, et vitale. Un ingénieur, un technocrate
2513 re, d’une manière positive, créatrice, et vitale. Un ingénieur, un technocrate et un théoricien de l’économie peuvent vous
2514 ère positive, créatrice, et vitale. Un ingénieur, un technocrate et un théoricien de l’économie peuvent vous faire en troi
2515 trice, et vitale. Un ingénieur, un technocrate et un théoricien de l’économie peuvent vous faire en trois jours un plan gé
2516 n de l’économie peuvent vous faire en trois jours un plan géométrique d’unification rigoureuse du continent, supprimant no
2517 le, et que votre intérêt commande de l’appliquer. Un autre groupe peut vous rappeler que depuis Dante et Pierre Dubois, au
2518 politiques du continent n’ont cessé de préconiser une union fédérale de nos peuples, respectant leurs diversités. Aux premi
2519 est vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’est pas un dialogue politique, et encore moins économique. C’est vraiment un dia
2520 tique, et encore moins économique. C’est vraiment un dialogue culturel. La synthèse de ces deux doctrines, c’est l’attitud
2521 ’Europe matériellement. Vouloir nous unifier dans un cadre rigide détruit l’Europe spirituellement. Le combat sur deux fro
2522 e spirituellement. Le combat sur deux fronts pour une Europe unie, mais unie dans ses diversités, — voilà la tâche de la cu
2523 ui s’opposent à toute forme d’union ; et proposer un modèle efficace d’union spécifiquement européenne, qui s’appelle le f
2524 culturelles. Nous voyons que le programme commun des instituts, mouvements et associations de culture que notre Fondation
2525 ux tâches suivantes : 1° organiser la coopération des forces culturelles au-delà des frontières nationales ; 2° créer un ét
2526 ser la coopération des forces culturelles au-delà des frontières nationales ; 2° créer un état d’esprit favorable à l’avène
2527 lles au-delà des frontières nationales ; 2° créer un état d’esprit favorable à l’avènement d’une union fédérale, seule con
2528 créer un état d’esprit favorable à l’avènement d’ une union fédérale, seule conforme au génie « un et divers » de la cultur
2529 t d’une union fédérale, seule conforme au génie «  un et divers » de la culture européenne. L’Europe n’est pas une additio
2530 s » de la culture européenne. L’Europe n’est pas une addition de cultures nationales. Celles-ci sont des apparitions relat
2531 e addition de cultures nationales. Celles-ci sont des apparitions relativement récentes, et plus ou moins artificielles, qu
2532  nationales » ; de montrer que la culture commune des Européens est beaucoup plus ancienne que notre présent découpage en É
2533 ; bref, de montrer que la culture, en Europe, est un phénomène à la fois pré-national et supranational, diversifié selon l
2534 tantes, — par le livre, la presse et le film, par un meilleur enseignement de l’histoire, par des comparaisons globales en
2535 , par un meilleur enseignement de l’histoire, par des comparaisons globales entre l’Europe et les cultures réellement diffé
2536 e l’Europe et les cultures réellement différentes des autres continents, mais aussi et surtout par l’exemple vécu d’une coo
2537 nents, mais aussi et surtout par l’exemple vécu d’ une coopération supranationale des savants, des sociologues, des éducateu
2538 r l’exemple vécu d’une coopération supranationale des savants, des sociologues, des éducateurs, des éditeurs, des publicist
2539 écu d’une coopération supranationale des savants, des sociologues, des éducateurs, des éditeurs, des publicistes, etc. — le
2540 tion supranationale des savants, des sociologues, des éducateurs, des éditeurs, des publicistes, etc. — les instituts et as
2541 ale des savants, des sociologues, des éducateurs, des éditeurs, des publicistes, etc. — les instituts et associations cultu
2542 s, des sociologues, des éducateurs, des éditeurs, des publicistes, etc. — les instituts et associations culturelles militan
2543 culturelles militant pour l’Europe unie apportent une contribution essentielle à l’intégration du continent. Ils réduisent
2544 ope ? Et que sert de prêcher l’union européenne à des gens qui répondent que l’Europe n’est plus rien, qu’elle n’a pas d’id
2545 nde récemment libéré ? Vouloir faire l’Europe par des procédés techniques, sans tenir compte de cette situation morale, ne
2546 rait simplement utopique et vouée dès le départ à un échec sans gloire. Prendre au sérieux nos principes et nos valeurs, c
2547 re au sérieux nos principes et nos valeurs, c’est une affaire d’éducation. Contrairement à l’Asie et à l’URSS, l’Europe a t
2548 sie et à l’URSS, l’Europe a toujours voulu former des hommes à la fois libres et responsables. C’est là son grand atout, c’
2549 , et de l’organisation du travail en équipe selon un plan commun, d’autre part. Dans le domaine de l’éducation civique, pa
2550 d’une part, de l’esprit communautaire et du sens des responsabilités sociales d’autre part. Ces deux grandes tâches, je le
2551 par là : de la recherche pure, de la philosophie, des sciences humaines, et surtout de l’éducation. Si les programmes des i
2552 nes, et surtout de l’éducation. Si les programmes des instituts européens, des chercheurs et des publicistes, des enseignan
2553 ation. Si les programmes des instituts européens, des chercheurs et des publicistes, des enseignants enfin (aux trois degré
2554 rammes des instituts européens, des chercheurs et des publicistes, des enseignants enfin (aux trois degrés orientés vers l’
2555 uts européens, des chercheurs et des publicistes, des enseignants enfin (aux trois degrés orientés vers l’Europe unie) ne s
2556 a volonté de leurs initiateurs, elles risqueront, un jour, de dénaturer cette Europe que l’on croyait « faire ». Car, en f
2557  ». Car, en fin de compte, pourquoi faut-il créer un grand marché européen ? Sinon pour mettre ou remettre l’Europe en mes
2558 mesure d’exercer sa fonction planétaire, qui est une fonction d’animation, d’échanges, et d’équilibre dynamique dans le pr
2559 e de toutes nos forces culturelles, décuplées par une aide puissante que l’économie seule peut leur donner, l’indispensable
2560 la freiner. Et les Autres arriveront avant nous à des positions de puissance dont ils ne manqueront pas d’abuser contre l’h
2561 moins tel que nous le concevons. En admettant qu’ une armature d’institutions s’impose tout de même à nos peuples passifs,
2562 ssifs, si les forces de culture ne l’animent pas, une Europe techniquement unifiée ne sera jamais qu’une coque vide. L’app
2563 ne Europe techniquement unifiée ne sera jamais qu’ une coque vide. L’apport vital des forces culturelles à notre intégratio
2564 ne sera jamais qu’une coque vide. L’apport vital des forces culturelles à notre intégration consiste donc d’abord à prépar
2565 e du fédéralisme. Si l’on me dit que j’aligne ici des évidences, j’en serai content : telle était bien mon intention. Mais
28 1962, Articles divers (1957-1962). Journal d’un témoin (23-24 juin 1962)
2566 Journal d’ un témoin (23-24 juin 1962)aj ak Dans l’ouvrage si opportun que La Tr
2567 ve vient de publier, M. Jon Kimche parle beaucoup des mouvements de résistance qui se développèrent en Suisse pendant la cr
2568 1940. Il insiste notamment sur la fameuse « ligue des officiers », affaire dont M. Kurz, de son côté, souhaite qu’elle soit
2569 dont M. Kurz, de son côté, souhaite qu’elle soit un jour élucidée. Je serais heureux que les notes qui suivent contribuen
2570 sur les circonstances qui firent naître la ligue des officiers, et surtout à replacer le lecteur d’aujourd’hui dans le cli
2571 rêt. La petite histoire reste la meilleure source des historiens soucieux de reconstituer la psychologie d’une époque. ⁂ In
2572 toriens soucieux de reconstituer la psychologie d’ une époque. ⁂ Incorporé à l’Adjudance générale de l’armée (Ve section, Ar
2573 e et Foyer), j’avais proposé et obtenu de rédiger des plans de causeries à l’usage des officiers chargés de faire la « théo
2574 btenu de rédiger des plans de causeries à l’usage des officiers chargés de faire la « théorie » quotidienne à leur troupe.
2575 es nazis ayant envahi la Belgique et la Hollande, une nouvelle mobilisation générale est ordonnée. Avec un de mes camarades
2576 nouvelle mobilisation générale est ordonnée. Avec un de mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, q
2577 nous expose notre tâche : prendre le commandement des pelotons chargés d’arrêter à la première heure d’une agression allema
2578 pelotons chargés d’arrêter à la première heure d’ une agression allemande les 70 chefs de quartier nazis qui opèrent dans l
2579 uartier nazis qui opèrent dans la Ville fédérale. Des camions sont alignés dans la cour pour cette éventualité. Voici le pl
2580 rs suivants à la troupe, où je suis retourné pour une semaine, que des hommes décidés à se battre, gonflés à bloc. Voici le
2581 troupe, où je suis retourné pour une semaine, que des hommes décidés à se battre, gonflés à bloc. Voici le film des semaine
2582 écidés à se battre, gonflés à bloc. Voici le film des semaines qui suivirent, d’après mes notes de journal de l’époque. ⁂ L
2583 e dans la guerre actuelle. Il faudrait déclencher une action dans le pays, pour la résistance à tout prix, avec le Gothard
2584 atout militaire. » Il acquiesce. Je poursuis : «  Une action qui réunirait tous les groupements organisés en Suisse, mais e
2585 op lents et trop peu sûrs. » « Oui, dit-il, c’est une idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’il était ironique ou s
2586 ûrs. » « Oui, dit-il, c’est une idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’il était ironique ou sérieux) une bonne idée
2587 de je n’ai pas su s’il était ironique ou sérieux) une bonne idée… Seulement ce n’est rien d’en parler. Il faut le faire ! »
2588 ai senti sous son regard direct le danger d’avoir une idée et de l’exprimer sans précautions — avant d’avoir calculé la dép
2589 Notre projet me travaille. Spoerri insiste, agit. Des contacts sont pris à droite et à gauche. On nous approuve, on nous ai
2590 nous aidera, mais allez vite ! Vertige de sentir une idée qui s’incarne, qui « prend corps ». Samedi 15 juin 1940 À 11 heu
2591 able de rien dire de plus. Je suis resté immobile un long moment. J’ai écrit deux pages sur la confrontation d’Hitler et d
2592 e maison louée, à mi-pente du Gurten. Au-dessous, des cités-jardins et des usines. Plus loin la ville, la longue façade ver
2593 pente du Gurten. Au-dessous, des cités-jardins et des usines. Plus loin la ville, la longue façade verdâtre du Palais fédér
2594 , la longue façade verdâtre du Palais fédéral sur une falaise. À l’horizon, la barrière sombre du Jura, et au-delà se passe
2595 t au-delà se passe la guerre. Derrière la maison, des prairies montent jusqu’aux lisières de la forêt de sapins couronnant
2596 ins couronnant le Gurten. Toutes les demi-heures, des avions passent, volant très bas. Cette prairie dominant la ville sera
2597 très bas. Cette prairie dominant la ville serait un terrain d’atterrissage tout désigné pour des parachutistes. Je la reg
2598 erait un terrain d’atterrissage tout désigné pour des parachutistes. Je la regarde de temps à autre en écartant le rideau,
2599 rêt. Me suis levé pensant que c’était commencé. D’ une fenêtre donnant au nord, j’ai regardé longtemps la ville, apparemment
2600 ville, apparemment paisible, et la ligne précise des crêtes du Jura sur un ciel tourmenté où je guettais des lueurs. Quelq
2601 sible, et la ligne précise des crêtes du Jura sur un ciel tourmenté où je guettais des lueurs. Quelques camions ont passé
2602 êtes du Jura sur un ciel tourmenté où je guettais des lueurs. Quelques camions ont passé sous la fenêtre, tous feux éteints
2603 je n’y pensais plus — en première page, à côté d’ un appel à se taire lancé par le gouvernement vaudois ! (« Qui ne sait s
2604 e relis rapidement dans l’escalier : il me paraît un peu sentimental, je me demande s’il est bien à la mesure du tragique
2605 rère, M. P., qui est à la Censure. Oui, il y aura des histoires, paraît-il. Mais rien de nouveau jusqu’à six heures. Je me
2606 derniers. Secret bien gardé jusqu’ici. Ce matin, un officier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la
2607 aérodromes. Mais on veillait partout. Hier soir, des barrages ont été établis dans les rues de la ville. La troupe a arrêt
2608 lis dans les rues de la ville. La troupe a arrêté des automobilistes munis de passeports français, mais aucun n’était Franç
2609 0 À sept heures précises au bureau. Sur ma table, une note me priant de passer chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bo
2610 e à la maison, en voiture. J’attends deux heures. Une auto militaire vient me prendre. Comparutions diverses. Dialogue inva
2611 reconduit enfin chez moi. Écouté la radio pendant des heures. La débâcle est consommée, la Suisse cernée par l’Axe — les co
2612 Faucille. aj. Rougemont Denis de, « Journal d’ un témoin I : La Suisse pendant les événements dramatiques de juin 1940 
2613 avait signalé la formation durant l’été de 1940 d’ un « mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un civil, l’aut
2614 é, après la guerre, l’épisode de « la conjuration des officiers » dont l’acte d’indiscipline fut sanctionné, mais dont les
2615 é un rôle non négligeable en faisant front contre un certain défaitisme ambiant. Denis de Rougemont, témoin et acteur de c
2616 besoins de cette édition numérique, on a attribué un style spécifique aux dates de ce journal.
29 1962, Articles divers (1957-1962). La Ligue du Gothard : premier mouvement de résistance : Journal d’un témoin II (25 juin 1962)
2617 ard : premier mouvement de résistance : Journal d’ un témoin II (25 juin 1962)am an Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère d’i
2618 is ce pré et je sais qu’il peut y apparaître dans un instant des hommes qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus mon pi
2619 t je sais qu’il peut y apparaître dans un instant des hommes qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus mon pistolet, que
2620 mule par petites touches précises, les éléments d’ un énorme désastre, incroyable et vrai. Le téléphone m’apporte, heure pa
2621 n sentimentale sur son propre cas, et sur le sort des nations. Il ne reste que la préoccupation des petites choses précises
2622 ort des nations. Il ne reste que la préoccupation des petites choses précises à faire. 20 juin 1940 Mon colonel se présente
2623 Je prends la position. Il tient dans chaque main un petit paquet attaché par un ruban. — Ça, c’est du chocolat pour votre
2624 ient dans chaque main un petit paquet attaché par un ruban. — Ça, c’est du chocolat pour votre femme, ça c’est des cigaret
2625 Ça, c’est du chocolat pour votre femme, ça c’est des cigarettes parisiennes, pour vous. Maintenant, écoutez. La justice mi
2626 as sortir dans les rues de Berne chaque soir avec une petite femme à chaque bras. — À vos ordres, mon colonel ! J’ai toujou
2627 ordres, mon colonel ! J’ai toujours été partisan des vacances payées. Je vous remercie. — Repos ! Le colonel a bien voulu
2628 mercie. — Repos ! Le colonel a bien voulu prendre un verre, au terme de cette petite cérémonie. 22 juin 1940 Céder à l’enn
2629 n’est-ce point perdre, avant de se battre, l’une des raisons que l’on aurait de se battre, l’une des marques de cette indé
2630 e des raisons que l’on aurait de se battre, l’une des marques de cette indépendance que l’armée est chargée de défendre ? J
2631 ité du territoire. Il est clair que pour défendre un territoire, il est parfois indiqué de céder du terrain : cela s’appel
2632 fois indiqué de céder du terrain : cela s’appelle une retraite stratégique. On peut me dire qu’il est aussi des retraites n
2633 aite stratégique. On peut me dire qu’il est aussi des retraites nécessaires (des silences opportuns) pour défendre l’indépe
2634 e dire qu’il est aussi des retraites nécessaires ( des silences opportuns) pour défendre l’indépendance du pays. Cela se dis
2635 es économiques et politiques. (En Suisse romande, des éditoriaux parlent déjà de « la nécessité de nous adapter à l’ordre n
2636 à cinq heures du matin, avec les fondateurs, dans une petite salle de café enfumée par les cigares de l’infatigable Gottlie
2637 ble. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion d’ un groupe de jeunes capitaines instructeurs. Publique dans le civil et d
2638 devant l’opinion suisse, sous la responsabilité d’ un directoire de dix membres. Le manifeste constate que « la Suisse est
2639 naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour duquel tous les Confédé
2640 ent s’unir dans leurs diversités… Nous n’avons qu’ un seul but : maintenir la Suisse dans le présent et pour l’avenir. Nous
2641 sent et pour l’avenir. Nous ne vous promettons qu’ un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’êt
2642 journaux du pays. Dans chacun, nous avons acheté une page entière. (Formule de la publicité politique ou philanthropique a
2643 la somme que nous a remise le capitaine E., l’un des chefs de la ligue des officiers — tout ce qu’il possède, paraît-il. 2
2644 emise le capitaine E., l’un des chefs de la ligue des officiers — tout ce qu’il possède, paraît-il. 26 juin 1940 Hier, disc
2645 ux, croire qu’il ne l’a pas senti. Mais ce matin, un officier de l’E.-M. du Général me dit : « Pour la première fois de ma
2646 quotidiennes, à Berne ou à la campagne, soit avec des membres du Directoire de la Ligue, soit avec notre seul homme de liai
2647 l’armée et la Ligue civile : le sergent Lindt41. Une maison de Berne, à double entrée, nous permet des contacts discrets a
2648 Une maison de Berne, à double entrée, nous permet des contacts discrets avec les représentants de la Ligue dans l’armée. La
2649 e notre vie suisse et non pas tel parti plutôt qu’ un autre, qui est radicalement menacé. Pas un n’aurait la moindre chance
2650 tôt qu’un autre, qui est radicalement menacé. Pas un n’aurait la moindre chance de « s’arranger » avec l’occupant hitlérie
2651 es membres seraient prêts à accéder aux exigences des nazis, formulées en onze points. (Point n° 1 : renvoi immédiat des di
2652 ées en onze points. (Point n° 1 : renvoi immédiat des directeurs des trois plus grands journaux suisses allemands.) D’autre
2653 nts. (Point n° 1 : renvoi immédiat des directeurs des trois plus grands journaux suisses allemands.) D’autres seraient très
2654 D’autres seraient très nettement « résistants ». Un ou deux indécis. Sur la base de ces informations et de leur analyse d
2655 irectoire de la Ligue du Gothard entreprend alors une démarche que je crois sans précédent dans l’histoire des conjurations
2656 arche que je crois sans précédent dans l’histoire des conjurations politiques. Trois de ses membres, conduits par le profes
2657 its par le professeur Theo Spoerri, solliciteront une audience du Conseil fédéral. Ils ont mission de lui déclarer que s’il
2658 ssion de lui déclarer que s’il cède aux exigences des nazis, tout est prêt pour le renverser, des troupes et des blindés so
2659 ences des nazis, tout est prêt pour le renverser, des troupes et des blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe de rempla
2660 , tout est prêt pour le renverser, des troupes et des blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement est prêt
2661 troupes et des blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement est prête à entrer en fonction. Si au contrair
2662 tion. J’attends les résultats de la démarche dans un café proche du Palais fédéral. Les délégués m’y retrouvent après une
2663 Palais fédéral. Les délégués m’y retrouvent après une heure. Le titulaire ad interim du Département politique les a reçus a
2664 t qu’il puisse apparaître, après coup. Il y avait une sorte de pari insensé dans cette manière d’aller dire à un gouverneme
2665 de pari insensé dans cette manière d’aller dire à un gouvernement : « Nous vous avertissons qu’il existe un complot pour v
2666 uvernement : « Nous vous avertissons qu’il existe un complot pour vous renverser, et que nous en sommes les fauteurs ! » L
2667 ent, il résista, comme on sait.) 40. Néanmoins, un sergent de mes amis, syndicaliste, membre fondateur de la Ligue du Go
2668 téléphone. Par bonheur, c’est moi qui suis chargé des rapports d’écoute. J’efface les rouleaux enregistrant vos conversatio
2669 près avoir été haut-commissaire de l’Organisation des Nations unies pour les réfugiés. am. Rougemont Denis de, « Journal
2670 s réfugiés. am. Rougemont Denis de, « Journal d’ un témoin II : La Ligue du Gothard, premier mouvement de résistance », T
2671 cédé du chapeau suivant : « Juin 1940, la débâcle des armées françaises. Au lendemain de l’entrée des Allemands à Paris, De
2672 e des armées françaises. Au lendemain de l’entrée des Allemands à Paris, Denis de Rougemont, alors incorporé à l’Adjudance
2673 on Armée et Foyer) envoie à Gazette de Lausanne un article qui lui vaut d’être mis aux arrêts (“Qui ne sait se taire nui
2674 “Qui ne sait se taire nuit à son pays”). Le moral des Suisses va-t-il flancher devant le raz de marée nazi ? Le Gothard, pe
2675 ougemont, devrait fournir le symbole et la clef d’ une résistance à tout prix. Voici la suite du journal de ces jours dramat
30 1962, Articles divers (1957-1962). La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)
2676 La conjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)ao ap
2677 onjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’ un témoin III (26 juin 1962)ao ap 10 juillet 1940 Réunion avec trois
2678 e — ils me confient la rédaction. Ma position est un peu délicate. « Le général est toujours furieux après vous ! » m’a di
2679 x après vous ! » m’a dit hier encore mon colonel, un Bernois. Mais quoi ! D’une part, le général ne saura pas que le texte
2680 approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige une brochure intitulée : Qu’est-ce que la Ligue du Gothard ? Dernière pa
2681 e : La création de la Ligue du Gothard a produit un choc salutaire sur l’opinion suisse. Elle a rendu confiance à beaucou
2682 fiance à beaucoup de citoyens, elle a fait naître un grand espoir et dissipé certaines brumes de défaitisme. La crainte de
2683 éfaitisme. La crainte de la concurrence a produit une émulation inattendue du côté des partis. Il est incontestable que san
2684 rrence a produit une émulation inattendue du côté des partis. Il est incontestable que sans la Ligue, les « communautés de
2685 s vu si tôt le jour. Nous savons qu’en réunissant des efforts jusqu’ici dispersés et des groupements naguère hostiles, nous
2686 ’en réunissant des efforts jusqu’ici dispersés et des groupements naguère hostiles, nous créons le visage de la nouvelle gé
2687 Réunion du Directoire de la Ligue à Zurich, dans une villa de l’Utliberg. Tandis que nous nous dirigeons vers un café, à l
2688 e l’Utliberg. Tandis que nous nous dirigeons vers un café, à l’heure du déjeuner, sur une route presque campagnarde, entre
2689 irigeons vers un café, à l’heure du déjeuner, sur une route presque campagnarde, entre deux murs, une voiture militaire ouv
2690 r une route presque campagnarde, entre deux murs, une voiture militaire ouverte ralentit le long de nos petits groupes. Un
2691 e ouverte ralentit le long de nos petits groupes. Un jeune lieutenant inconnu de moi saute à terre, fait quelques pas à me
2692 s. Ils avaient essayé d’obtenir son appui pendant une partie de la nuit. Il leur a laissé croire qu’il marchait, et à 6 heu
2693 s ce voyage aux États-Unis ? Ici, je dois revenir un peu en arrière dans mes souvenirs. Dès le mois de mai, le « Secrétari
2694 s souvenirs. Dès le mois de mai, le « Secrétariat des Suisses à l’étranger » m’avait proposé d’aller à New York et d’y fair
2695 vait renouvelé la demande. J’aurais à faire aussi des conférences. Je proposai, pour voir, les quatre sujets suivants : 1)
2696 e théâtre communautaire en Suisse. Le 27 juillet, une lettre du Département politique m’offrait un passeport diplomatique (
2697 et, une lettre du Département politique m’offrait un passeport diplomatique (censé me faciliter la traversée de l’Espagne)
2698 bstienne aux États-Unis « de toute activité ayant un caractère politique quelconque. Des sujets de conférence comme ceux q
2699 activité ayant un caractère politique quelconque. Des sujets de conférence comme ceux qui sont indiqués sous les chiffres 1
2700 aire s’éloignait. Le Gothard était devenu plus qu’ un symbole. Centre du Réduit national 42 il se dressait vraiment comme c
2701 ns oser croire qu’en quelques mois il deviendrait une réalité. L’opinion s’était ressaisie. La Ligue du Gothard, fondée sur
2702 n premier objectif atteint. Elle s’orientait vers un programme plus vaste d’entraide sociale et de rénovation économique e
2703 de résistance, au sens que ce mot devait prendre un peu plus tard dans les pays occupés par Hitler. Je suis conscient du
2704 ette comparaison, pourtant valable dans le détail des problèmes qui se posaient à la Ligue, assassinats et tortures en moin
2705 onne de la « crise » consécutive à l’effondrement des Alliés en mai 1940. Dans le détail, c’est-à-dire dans le concret, les
2706 points que je relèverai maintenant. 1. La « ligue des officiers » s’est bien constituée aux dates qu’indique M. Kimche (sec
2707 res activités sont correctement définis, sauf sur un point, qui est d’importance : je ne crois pas un instant que les offi
2708 un point, qui est d’importance : je ne crois pas un instant que les officiers ligueurs aient pu douter de la volonté de r
2709 le Conseil fédéral, et c’est pourquoi il dut être un complot. Le général Guisan écrit dans son rapport que leur seule faut
2710 ement à sa table. 2. Il est probable que la ligue des officiers et la ligue civile naquirent simultanément, et il est certa
2711 nt », on l’a vu par mes notes. Mais Kimche commet une curieuse erreur en confondant la ligue civile de juin 1940 avec ce qu
2712 national ». Si j’en juge par les noms qu’il donne des responsables de ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que d’une
2713 ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que d’ une organisation civile qui apparut durant l’automne de 1940. L’un de ses
2714 gue du Gothard et la substitution à cette ligue d’ un mouvement qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pas
2715 la période que décrit Kimche, n’est pas seulement une erreur de fait que l’auteur pourra corriger sans peine. Elle empêche
2716 e de se poser la question suivante : peut-on voir une « simple » coïncidence dans le fait que la Ligue civile et militaire
2717 t ? Je tenterai de répondre à cette question dans un prochain article. 42. On se rappelle, en Suisse, que le 25 juillet,
2718 du Gothard. ao. Rougemont Denis de, « Journal d’ un témoin III : La conjuration des officiers en juin 1940 », Tribune de
2719 is de, « Journal d’un témoin III : La conjuration des officiers en juin 1940 », Tribune de Genève, Genève, 26 juin 1962, p.
2720 alors que le Troisième Reich venait de triompher des armées franco-anglaises et que la volonté de résistance paraissait s’
2721 s de nos compatriotes impressionnés par l’ampleur des succès nazis (voir La Tribune de Genève des 23 et 25 juin). Rappelon
2722 leur des succès nazis (voir La Tribune de Genève des 23 et 25 juin). Rappelons, pour la compréhension de cet article, que
2723 r avoir écrit, au lendemain de la chute de Paris, un papier à la gloire de la capitale française qui n’était pas tendre po
31 1962, Articles divers (1957-1962). Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)
2724 Dans vingt ans une Europe neuve (novembre 1962)aq ar La prévision est un exercice int
2725 pe neuve (novembre 1962)aq ar La prévision est un exercice intellectuel à deux temps alternés : élan et freinage. L’ima
2726 appel d’échecs ou de succès anciens. Ainsi, comme un voilier tirant des bords par vent debout, essayons d’avancer dans l’i
2727 de succès anciens. Ainsi, comme un voilier tirant des bords par vent debout, essayons d’avancer dans l’inconnu que nous déc
2728 merons. Pour tenter d’estimer l’ordre de grandeur des changements qu’apporteront les dix-huit ans qui nous séparent de 1980
2729 ’Europe de l’Ouest a passé de la ruine générale à une prospérité sans précédent : d’une position dépendante des États-Unis
2730 uine générale à une prospérité sans précédent : d’ une position dépendante des États-Unis à une position concurrentielle ; d
2731 périté sans précédent : d’une position dépendante des États-Unis à une position concurrentielle ; d’un affrontement presque
2732 dent : d’une position dépendante des États-Unis à une position concurrentielle ; d’un affrontement presque mortel des natio
2733 des États-Unis à une position concurrentielle ; d’ un affrontement presque mortel des nationalismes autarciques au succès d
2734 oncurrentielle ; d’un affrontement presque mortel des nationalismes autarciques au succès du Marché commun, qui gage matéri
2735 au Mur de Berlin, et de la Libération à la perte des pays de l’Est ; de l’omniprésence communiste en France et en Italie a
2736 à sa suppression eu Allemagne, et à la défection des intellectuels ; des lamentations sur la dénatalité à une vague angois
2737 Allemagne, et à la défection des intellectuels ; des lamentations sur la dénatalité à une vague angoisse devant l’explosio
2738 ellectuels ; des lamentations sur la dénatalité à une vague angoisse devant l’explosion démographique ; du chômage endémiqu
2739 mographique ; du chômage endémique au suremploi ; des empires d’outre-mer français, anglais, hollandais et belge à la décol
2740 resque tous ces phénomènes avaient été prévus par des esprits lucides, quoique jugés impossibles par les experts, mais qu’i
2741 es lignes de cette récente évolution et à prévoir une accélération continuée des rythmes ? Deux hypothèses. Ou bien l’union
2742 évolution et à prévoir une accélération continuée des rythmes ? Deux hypothèses. Ou bien l’union de l’Europe est stoppée pa
2743 bien l’union de l’Europe est stoppée par l’échec des négociations entre les Anglais et le Marché commun, par le succès des
2744 re les Anglais et le Marché commun, par le succès des thèses gaullistes, et par la carence des mouvements fédéralistes. Il
2745 e succès des thèses gaullistes, et par la carence des mouvements fédéralistes. Il en résulte alors, nécessairement, une ren
2746 édéralistes. Il en résulte alors, nécessairement, une renaissance des nationalismes ; la dislocation de l’alliance atlantiq
2747 en résulte alors, nécessairement, une renaissance des nationalismes ; la dislocation de l’alliance atlantique ; l’anarchie
2748 ec le tiers-monde, d’où l’affaiblissement général des positions occidentales, une série de crises économiques, une arroganc
2749 faiblissement général des positions occidentales, une série de crises économiques, une arrogance accrue des peuples neufs d
2750 ns occidentales, une série de crises économiques, une arrogance accrue des peuples neufs détenant la majorité à l’ONU, des
2751 série de crises économiques, une arrogance accrue des peuples neufs détenant la majorité à l’ONU, des guerres « localisées 
2752 e des peuples neufs détenant la majorité à l’ONU, des guerres « localisées » et finalement la guerre. Tout pronostic s’arrê
2753 À cette réalité de géographie humaine correspond une activité politique, économique et culturelle plusieurs fois supérieur
2754 nde, après en avoir discuté avec les responsables des autres continents. (Cela s’opère sur la base d’un Dialogue des cultur
2755 es autres continents. (Cela s’opère sur la base d’ un Dialogue des cultures, organisé notamment par une série de centres ré
2756 ntinents. (Cela s’opère sur la base d’un Dialogue des cultures, organisé notamment par une série de centres régionaux, dont
2757 ’un Dialogue des cultures, organisé notamment par une série de centres régionaux, dont les premiers sont entrés en fonction
2758 1963.) Enfin, l’Europe offre au monde le modèle d’ une communauté organisée selon la méthode fédéraliste, antidote ou antico
2759 réfléchir et leurs nouvelles générations, au-delà des ivresses de l’indépendance, découvrent les réalités de l’interdépenda
2760 nce. La civilisation technique s’humanise — c’est un mot d’ordre ancien, mais qui a fini par devenir populaire. Les vitess
2761 et au Brésil. On cherche encore — on va trouver — un système général de freinage ou de décantation du progrès mécanique, q
2762 ussie exclue — y contraint autant que l’évolution des idées et des morales. L’Europe, initiatrice et première bénéficiaire
2763 — y contraint autant que l’évolution des idées et des morales. L’Europe, initiatrice et première bénéficiaire ou victime de
2764 se doit d’inventer les moyens d’humaniser l’usage des ressources matérielles fomentées par son aventureux génie. Le contine
2765 e. Le continent européen est devenu Mégalopolis : une maison tous les cent mètres en moyenne, à quelque distance des autoro
2766 us les cent mètres en moyenne, à quelque distance des autoroutes à six pistes, lesquelles permettent d’aller aussi vite d’u
2767 istes, lesquelles permettent d’aller aussi vite d’ une ville à l’autre que les trains express (quelques-uns déjà souterrains
2768 les rives de la Méditerranée, abandon progressif des villes du Nord qui avaient proliféré pendant l’ère du charbon, sale e
2769 ement, l’antique formule du château. On construit des maisons sur les îles — artificielles ou naturelles — sur et dans les
2770 — sur et dans les rochers et les montagnes, loin des lieux du travail, réduit à cinq journées de six heures par semaine, e
2771 elle européenne et à l’échelle mondiale. Le mythe des deux grands a disparu, on ne s’en souvient guère davantage que de la
2772 o-socialistes et néo-libéraux s’opposent au sujet des problèmes d’aménagement du territoire européen, d’urbanisme, d’éducat
2773 , de formation professionnelle, et de répartition des compétences entre le pouvoir central européen et les gouvernements de
2774 le pouvoir central européen et les gouvernements des nations, qui subsistent. La médecine, l’hygiène générale et l’hygiène
2775 tale, largement socialisées, sont au premier plan des soucis publics. La vie culturelle est devenue la partie sérieuse de l
2776 oindres frais d’énergie. L’accroissement du temps des loisirs et l’accroissement de la population produisent des résultante
2777 rs et l’accroissement de la population produisent des résultantes contradictoires, qui sont le sujet préféré des études psy
2778 tantes contradictoires, qui sont le sujet préféré des études psychosociologiques. D’une part, l’individu est plus que jamai
2779 divertissements (au sens pascalien) que lui offre une production massive de spectacles de tous ordres, de magazines et de l
2780 yages, de manifestations sportives, etc. Le règne des grands nombres, des standards et des modes favorise en lui une attitu
2781 ions sportives, etc. Le règne des grands nombres, des standards et des modes favorise en lui une attitude de consommateur h
2782 tc. Le règne des grands nombres, des standards et des modes favorise en lui une attitude de consommateur hédoniste. D’autre
2783 mbres, des standards et des modes favorise en lui une attitude de consommateur hédoniste. D’autre part, des possibilités pl
2784 attitude de consommateur hédoniste. D’autre part, des possibilités plus vastes de création et de réalisation de soi lui son
2785 donc probable que la différence s’accentue entre une majorité passive et moutonnière, et une minorité active et librement
2786 tue entre une majorité passive et moutonnière, et une minorité active et librement imaginative. L’enseignement supérieur es
2787 ignement supérieur est en pleine mutation. À côté des anciennes universités divisées en facultés démodées, les établissemen
2788 inaire se sont multipliés. Ils se distinguent par une insistance simultanée sur la culture générale pour tous (studium gene
2789 . Les diplômes classiques, sanctionnant la sortie des études, sont remplacés par des certificats d’aptitude et par des test
2790 tionnant la sortie des études, sont remplacés par des certificats d’aptitude et par des tests d’entrée (dans une firme ou d
2791 t remplacés par des certificats d’aptitude et par des tests d’entrée (dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ense
2792 ficats d’aptitude et par des tests d’entrée (dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ensemble, les changements sur
2793 et par des tests d’entrée (dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ensemble, les changements survenus entre 1962 e
2794 mais ils sont plus spectaculaires : les résultats des mutations récentes que j’énumérais au début sont devenus généralement
2795 de la population. En revanche, la généralisation des bénéfices du progrès technique, rendue possible par l’union économiqu
2796 lation et l’urbanisation du continent développent des mécanismes de freinage. La nécessité d’humaniser la technique, de rec
2797 La nécessité d’humaniser la technique, de recréer des zones de silence et de lenteur, de compenser par des équivalents spir
2798 zones de silence et de lenteur, de compenser par des équivalents spirituels la quasi-abolition des distances physiques et
2799 par des équivalents spirituels la quasi-abolition des distances physiques et des diversités traditionnelles — tout cela con
2800 els la quasi-abolition des distances physiques et des diversités traditionnelles — tout cela contribue à ralentir et contra
2801 essai ; et pour que certains, aujourd’hui, voient un peu mieux vers quoi nous devons choisir d’aller. aq. Rougemont Den
2802 ler. aq. Rougemont Denis de, « Dans vingt ans, une Europe neuve », Problèmes, Paris, novembre 1962, p. 9-14. ar. Présen
2803 ennes, participa à Paris, en 1931, à la fondation des revues Esprit et L’Ordre nouveau , et collabora à la Nouvelle Rev
2804 ites. Envoyé aux USA et en Argentine pour y faire des conférences en 1940, il devint en 1942-1943 le principal rédacteur de
2805 40, il devint en 1942-1943 le principal rédacteur des émissions françaises de La Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 19
2806 rope en 1946, il s’engagea dans le mouvement pour une fédération européenne et il organisa, en 1949, à Lausanne, le Congrès
32 1962, Articles divers (1957-1962). La commune, base essentielle de notre civilisation (novembre-décembre 1962)
2807 faite d’uniformité, mais au contraire, de variété des formes, de complexité des structures. L’Europe est née de la multipli
2808 u contraire, de variété des formes, de complexité des structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses communes, épou
2809 ommunes, épousant la nature tout en l’utilisant à des fins militaires, agricoles, commerciales, après avoir été souvent sac
2810 es, commerciales, après avoir été souvent sacrée. Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure, un confluent ou un carref
2811 es, après avoir été souvent sacrée. Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure, un confluent ou un carrefour, un défil
2812 é souvent sacrée. Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure, un confluent ou un carrefour, un défilé, un gué, un centr
2813 . Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure, un confluent ou un carrefour, un défilé, un gué, un centre agraire — don
2814 un socle rocheux, une embouchure, un confluent ou un carrefour, un défilé, un gué, un centre agraire — donc une limite, un
2815 ux, une embouchure, un confluent ou un carrefour, un défilé, un gué, un centre agraire — donc une limite, un centre ou un
2816 ouchure, un confluent ou un carrefour, un défilé, un gué, un centre agraire — donc une limite, un centre ou un passage : t
2817 un confluent ou un carrefour, un défilé, un gué, un centre agraire — donc une limite, un centre ou un passage : tous ces
2818 four, un défilé, un gué, un centre agraire — donc une limite, un centre ou un passage : tous ces accidents naturels peuvent
2819 ilé, un gué, un centre agraire — donc une limite, un centre ou un passage : tous ces accidents naturels peuvent servir de
2820 un centre agraire — donc une limite, un centre ou un passage : tous ces accidents naturels peuvent servir de prétexte à un
2821 s accidents naturels peuvent servir de prétexte à une concentration qui deviendra communauté humaine, village ou ville, au-
2822 stade originel de la défense, du Burg central et des remparts. En Amérique, les villages naissent comme au hasard le long
2823 en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on dirait les wagons-couverts des pionniers arrêtés un soir, à
2824 bordant une route, on dirait les wagons-couverts des pionniers arrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’en res
2825 dirait les wagons-couverts des pionniers arrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’en rester là. En Asie, les
2826 s clairières, ou s’égrènent le long de la berge d’ un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancrées
2827 de la berge d’un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et p
2828 voquent si curieusement les photos prises du haut des airs, nous nous posons enfin sur le sol de l’Europe, dans la rumeur h
2829 sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine d’ une place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil.
2830 e de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autour de la place, vous trouvez, l’église et la mair
2831 À partir de cette place, banale et donc typique, un savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d
2832 es structures essentielles de notre civilisation. Un service religieux, une séance du conseil municipal, une heure de clas
2833 lles de notre civilisation. Un service religieux, une séance du conseil municipal, une heure de classe, les discussions aut
2834 rvice religieux, une séance du conseil municipal, une heure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’u
2835 al, une heure de classe, les discussions autour d’ une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouv
2836 es discussions autour d’une table de bistrot ou d’ un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secre
2837 marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour nous trop évidents) du dynamisme européen, c’est-à-dire
2838 le règne de la loi, le respect général et tacite des institutions, l’éducation publique, l’échange des opinions individuel
2839 des institutions, l’éducation publique, l’échange des opinions individuelles (de préférence contradictoires et subversives)
2840 ence contradictoires et subversives) et l’échange des produits du travail — une vitalité librement ordonnée, faite de visio
2841 bversives) et l’échange des produits du travail — une vitalité librement ordonnée, faite de visions multiples, entrecroisée
2842 iginel. Les partis qui décident de la composition des conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum
2843 forum de la Rome républicaine, puis sur la place des communes médiévales. Ombre et soleil changent avec les heures ; côté
2844 u café ; marché au centre, et carrefour principal des apports régionaux et des courants lointains : c’est cette vie de la p
2845 , et carrefour principal des apports régionaux et des courants lointains : c’est cette vie de la place qui se traduit dans
2846 cette vie de la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, caractéristiques de l’Europe. (La dernière im
2847 image qui subsiste de cette origine très précise des parlements, c’est la Landsgemeinde des petits cantons suisses, forman
2848 ès précise des parlements, c’est la Landsgemeinde des petits cantons suisses, formant le Ring sur la place principale.) L
2849 repose sur la libre discussion, sur le libre jeu des partis, et sur la liberté de l’opposition, majorité de possible de de
2850 ures de l’absolutisme, et qui préparent le siècle des Lumières et la Révolution française. C’est dans les tavernes anglaise
2851 encore dans les cafés que le Spectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition de faire pénétrer la philosophie, enfin s
2852 on de faire pénétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, l
2853 du civisme, a survécu tant bien que mal, à plus d’ un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dan
2854 pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce. Bien au c
2855 lon ses meilleurs spécialistes, veulent à la fois des regroupements industriels et une répartition plus décentralisée de la
2856 eulent à la fois des regroupements industriels et une répartition plus décentralisée de la production, poussant à la mise e
2857 poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des communes, des régions défavorisées du territoire. Même dans les natio
2858 mise en valeur, par l’intermédiaire des communes, des régions défavorisées du territoire. Même dans les nations les plus ce
2859 es, comme la France, le mouvement de restauration des compétences communales se prononce chaque année plus nettement. Au pl
2860 nnée plus nettement. Au plan européen, le Conseil des communes d’Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus
2861 ropéen, le Conseil des communes d’Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre, ne
2862 seil des communes d’Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pas un
2863 apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pas un combat d’arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pion
2864 re l’État, mais au contraire sont les pionniers d’ un renouveau de l’autonomie municipale. as. Rougemont Denis de, « La