1
ontraster les contenus de ces termes sera l’objet
des
essais de mise au point qui suivent. Certains penseront qu’il est dan
2
s préjugés, et de forcer, par esprit de symétrie,
des
antithèses qu’une sagesse supérieure saurait conduire à la synthèse.
3
forcer, par esprit de symétrie, des antithèses qu’
une
sagesse supérieure saurait conduire à la synthèse. Je vois le danger.
4
anger. Mais il faut voir aussi que l’union finale
des
esprits ne sera jamais acquise au prix du sacrifice de nos diversités
5
vantes ; elle suppose bien plutôt la connaissance
des
raisons d’être de ces diversités. Vouloir les ignorer par gain de pai
6
re d’avance les deux vertus majeures qui dénotent
une
union véritable : à savoir sa fécondité et sa durée. Une sagesse supé
7
on véritable : à savoir sa fécondité et sa durée.
Une
sagesse supérieure et vraiment unitive ne naîtra pas d’aspirations ma
8
nformées, ni du refus de bien voir l’état présent
des
choses, encore moins du recours à quelque « Tradition » universelle,
9
ue « Tradition » universelle, remontant à la nuit
des
temps, et noyant les problèmes concrets de notre siècle dans une cond
10
oyant les problèmes concrets de notre siècle dans
une
condamnation globale de l’Occident2. « La nuit, tous les chats sont g
11
ivre à l’aube ! Si l’Orient et l’Occident doivent
un
jour converger au lieu de s’ignorer ou de se combattre, ils le devron
12
r ou de se combattre, ils le devront bien moins à
un
« retour aux sources » qu’à un progrès conscient et toujours plus luc
13
vront bien moins à un « retour aux sources » qu’à
un
progrès conscient et toujours plus lucide vers les buts respectifs de
14
x compris, mieux réalisés, ces buts se révéleront
un
jour complémentaires, d’une façon qui nous demeure encore indescripti
15
ces buts se révéleront un jour complémentaires, d’
une
façon qui nous demeure encore indescriptible, mais dont le pressentim
16
ternes de l’opposition Admettons l’hypothèse d’
une
origine commune, et d’une famille d’idiomes indo-européens dont le sa
17
Admettons l’hypothèse d’une origine commune, et d’
une
famille d’idiomes indo-européens dont le sanscrit serait le plus anci
18
moignage. Admettons même entre l’Inde et l’Europe
une
parenté antérieure aux Aryens. (Elle paraît attestée par les symboles
19
reau, et la Déesse-Mère.) Admettons que le régime
des
castes, imposé aux peuples de l’Inde par les conquérants aryens, ait
20
l’idéalisa, tandis que César devait en retrouver
des
traces en Gaule. Cette identité primitive, peut-être, cette parenté c
21
part, ne rendent que plus frappante la divergence
des
évolutions ultérieures. À l’Est, l’Inde codifie les castes ; elle en
22
t trois millénaires, en dépit de tous les efforts
des
réformateurs religieux, du Bouddha, de l’islam, mais non pas des Angl
23
s religieux, du Bouddha, de l’islam, mais non pas
des
Anglais… À l’Ouest, en revanche, l’ascension de l’Europe se confond a
24
obstant la longue parenthèse du Moyen Âge. À bien
des
égards, en effet, le Moyen Âge a représenté la période « orientale »
25
ôt que d’essayer de l’aménager selon les désirs d’
un
corps vil et d’une raison mal éclairée ; partout, le collectif-sacral
26
e l’aménager selon les désirs d’un corps vil et d’
une
raison mal éclairée ; partout, le collectif-sacral refoulait le ratio
27
vivant avec notre âge technique, trahit l’absence
des
tensions dialectiques qui devaient provoquer la fin du nôtre. À parti
28
la réalité de l’opposition à peu près diamétrale
des
deux mondes s’atteste aux yeux du voyageur le moins prévenu. Atténuée
29
nis dont le passé vivant ne remonte pas au-delà d’
une
post-Renaissance importée. En Inde, on ne voit partout que pèlerinage
30
re accroupis sur leur seuil ; au bord des rues et
des
chemins, ou seuls debout devant l’idole4. Et une misère universelle.
31
des chemins, ou seuls debout devant l’idole4. Et
une
misère universelle. En Europe, dans un paysage où les clochers d’égli
32
dole4. Et une misère universelle. En Europe, dans
un
paysage où les clochers d’églises dominent encore généralement la sil
33
glises dominent encore généralement la silhouette
des
villages et des villes, quelques pèlerinages ou lieux sacrés, quelque
34
encore généralement la silhouette des villages et
des
villes, quelques pèlerinages ou lieux sacrés, quelques centaines de v
35
(symboles de l’âme pour la mystique) témoignent d’
un
sacré dont l’âge fait le prix, mais que l’on isole de la vie, et que
36
et les décors de la technique. En Amérique : pas
un
seul lieu sacré en dehors des églises en faux gothique luxueux, domin
37
, dominées de très haut par les gratte-ciel ; pas
un
seul pèlerinage et pas un vrai château. Plaines et villes immenses, d
38
r les gratte-ciel ; pas un seul pèlerinage et pas
un
vrai château. Plaines et villes immenses, dénudées de mystère, nettoy
39
, les plantes, les animaux ou le surnaturel. Mais
un
confort moral et un luxe matériel largement partagé par toutes les cl
40
nimaux ou le surnaturel. Mais un confort moral et
un
luxe matériel largement partagé par toutes les classes. L’Occidental
41
dental retour d’Orient s’écrie : « Je n’ai vu que
des
foules, pas une personne ! » Et l’Oriental qui circule dans nos ville
42
Orient s’écrie : « Je n’ai vu que des foules, pas
une
personne ! » Et l’Oriental qui circule dans nos villes songe qu’il n’
43
ésordonnée, absence de sens et d’harmonie, et pas
un
seul vrai spirituel… Réalités internes de l’opposition a) Symbo
44
L’Orient et l’Occident ne sont donc pas seulement
des
entités géographiques faciles à situer, sinon à limiter ; ni seulemen
45
faciles à situer, sinon à limiter ; ni seulement
des
complexes historiques, dont les mélanges et superpositions ne seraien
46
r ce sujet fondamental6. Le récit d’Avicenne est
une
initiation à l’Orient, monde des Formes de lumière, contrastant avec
47
t d’Avicenne est une initiation à l’Orient, monde
des
Formes de lumière, contrastant avec l’Occident du monde terrestre et
48
e pure. L’ange qui apparaît à l’adepte lui décrit
un
cosmos dont les données apparemment physiques se transmuent en symbol
49
ques se transmuent en symboles, et il termine par
une
invitation à entreprendre le voyage mystique vers l’Orient. Quel est
50
uel est ce cosmos symbolique ? À droite, l’Orient
des
Formes et du Soleil levant, au-delà duquel réside l’univers angélique
51
couchant, au bord le plus lointain duquel s’étend
une
« mer chaude et boueuse » (le non-être). La Ténèbre règne à demeure s
52
d’ailleurs… » (Thème de l’Exil.) Et ce climat est
un
lieu de dévastation, un désert de sel, rempli de troubles, de guerres
53
l’Exil.) Et ce climat est un lieu de dévastation,
un
désert de sel, rempli de troubles, de guerres, de disputes, de tumult
54
putes, de tumultes : « joie et beauté n’y sont qu’
un
emprunt procuré d’un lieu lointain ». Entre l’Orient et l’Occident (c
55
« joie et beauté n’y sont qu’un emprunt procuré d’
un
lieu lointain ». Entre l’Orient et l’Occident (c’est-à-dire au lieu d
56
eu de rencontre de la matière et de la forme) est
une
circonscription intermédiaire : « C’est celle que l’on connaît le mie
57
l l’auteur rattache d’ailleurs son conte, qui est
une
vision7. Tentons maintenant de dresser une liste des caractères symbo
58
ui est une vision7. Tentons maintenant de dresser
une
liste des caractères symboliques que ces deux auteurs attribuent à l’
59
vision7. Tentons maintenant de dresser une liste
des
caractères symboliques que ces deux auteurs attribuent à l’Orient et
60
t à l’Occident. Ajoutons-y les qualificatifs que,
des
présocratiques à nos jours, tous les esprits occidentaux nourris de l
61
’utilitarisme et de la puissance aveugle, l’oubli
des
buts de l’âme, le corps et la matière, l’activité désordonnée, la pas
62
Japon l’Occident de l’Amérique ! Elle révèle donc
une
forme de l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la p
63
l’Amérique ! Elle révèle donc une forme de l’âme,
une
pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occidentale. M
64
onc une forme de l’âme, une pente de l’âme, voire
une
« orientation » de la psyché occidentale. Mais, du prestige de cet Or
65
ce livre comment l’Occident historique, relevant
un
défi qui semblait écrasant et qu’il se portait à lui-même, acceptant
66
s pour l’âme et l’esprit, en a tiré le principe d’
une
possible grandeur et d’une vérité difficile, qui est l’enjeu de son a
67
n a tiré le principe d’une possible grandeur et d’
une
vérité difficile, qui est l’enjeu de son aventure. b) Incarnation et
68
rnation et Excarnation. — Si nous passons au plan
des
réalités vécues, métaphysiques et religieuses, l’opposition de l’Orie
69
, l’opposition de l’Orient et de l’Occident revêt
une
valeur différente, encore que par sa forme elle semble correspondre a
70
correspondre au tableau que l’on vient d’établir.
Un
voyageur allemand9 demandait à un yogi : « N’avez-vous pas tenté, en
71
ient d’établir. Un voyageur allemand9 demandait à
un
yogi : « N’avez-vous pas tenté, en Inde aussi, de calculer la quadrat
72
don, de l’amour et de la grâce de Dieu. Le fils d’
un
roi de ce monde quitte son palais princier pour aller dans la solitud
73
; car il s’agit en réalité dans le premier cas d’
une
descente créatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’un essai
74
réatrice de Dieu dans l’homme ; dans le second, d’
un
essai de montée de l’homme vers ce qui nie la créature. Foi et Conna
75
ures, on perd de vue les exigences et la maîtrise
des
réalités spirituelles.) Vérifier la Voie : deux formes d’expérience.
76
non par le « saut de la foi », qui ne procure pas
une
connaissance suffisante, n’ouvre pas une voie vérifiable et qu’on pui
77
cure pas une connaissance suffisante, n’ouvre pas
une
voie vérifiable et qu’on puisse librement parcourir ; mais par le moy
78
puisse librement parcourir ; mais par le moyen d’
une
ascèse soumettant le corps et le mental à l’âme, donc délivrant celle
79
rps et le mental à l’âme, donc délivrant celle-ci
des
liens de Prakriti (le monde manifesté, qui est illusion) afin qu’elle
80
ersé dans la Loi, et si maître de lui qu’il soit,
un
dieu lui-même ne peut sans le yoga atteindre la libération. » (Yoga-a
81
e de le vérifier ; mais bien par l’étude patiente
des
choses particulières, discipline ordonnant l’intellect aux lois du ré
82
a divinité, ne serait-ce pas, pense l’Occidental,
une
illusion psychologique chez les très rares qui disent y être parvenus
83
es qui disent y être parvenus, et pour les autres
un
solipsisme exténuant ?… Maîtriser les secrets du cosmos, et peut-être
84
t l’autre se prévaut, puisqu’elles s’appliquent à
une
« réalité » qu’on tient elle-même pour illusion. Et il semble à chacu
85
incères données par l’autre ne sont en vérité que
des
implications de son option fondamentale. Tautologies que tout cela !
86
la chose ne me paraît pas si simple, et j’y sens
une
complexité dont j’essaierai maintenant d’indiquer la nature en rappor
87
simple chambre d’hôtel. Sept ou huit hommes, dont
un
travaille, dans des boutiques minuscules. La chaussée envahie par la
88
tel. Sept ou huit hommes, dont un travaille, dans
des
boutiques minuscules. La chaussée envahie par la foule en tous sens q
89
en tous sens qui entrave en permanence le passage
des
voitures. Les trottoirs couverts de dormeurs pendant la nuit. Et j’ai
90
rs pendant la nuit. Et j’ai vu cinq personnes sur
une
seule bicyclette ! Ces gens ne seront-ils jamais seuls ? L’individu p
91
e, dans les recoins. Silence et dignité profonde.
Un
groupe d’hommes attentifs dans une cour écoute le lecteur de poèmes :
92
gnité profonde. Un groupe d’hommes attentifs dans
une
cour écoute le lecteur de poèmes : il s’agit de légendes sacrées. Jam
93
agées, surmontés de clochetons baroques ? Ce sont
des
temples, dit mon guide. Devant l’idole vêtue de soie précieuse et de
94
e de soie précieuse et de colliers de verroterie,
une
femme seule, un homme seul, immobile et debout. Dans la courette, un
95
se et de colliers de verroterie, une femme seule,
un
homme seul, immobile et debout. Dans la courette, un prêtre renouvell
96
homme seul, immobile et debout. Dans la courette,
un
prêtre renouvelle les cierges noirs devant le jet d’eau grêle. Je pen
97
e privée, s’assemble dans l’église où l’on chante
des
chœurs. Messes de Mozart, Passions de Bach : je ne sais rien de plus
98
porisée, ou corps spiritualisé, sans Moi, ou avec
un
Moi qui n’est qu’un simple centre. L’homme magique, le corps magique
99
iritualisé, sans Moi, ou avec un Moi qui n’est qu’
un
simple centre. L’homme magique, le corps magique n’a pas d’ironie ni
100
ni de ses droits distincts, ni de sa chance, ni d’
un
miroir, donc ni d’une personnalité ni d’un visage. « On peut aller ju
101
incts, ni de sa chance, ni d’un miroir, donc ni d’
une
personnalité ni d’un visage. « On peut aller jusqu’à prétendre ceci :
102
, ni d’un miroir, donc ni d’une personnalité ni d’
un
visage. « On peut aller jusqu’à prétendre ceci : les contradictions r
103
mystificateur ou le plagiaire. Le fakir habituel
des
rues et des places, l’homme des supercheries, est de son appartenance
104
ur ou le plagiaire. Le fakir habituel des rues et
des
places, l’homme des supercheries, est de son appartenance : il forme
105
Le fakir habituel des rues et des places, l’homme
des
supercheries, est de son appartenance : il forme le bord, la lisière
106
du saint, comme les idoles le bord ou la lisière
des
Réalités divines. » Toute magie dépasse la personne, ou plutôt la dis
107
e, sans mesure, sans limites, sans distance, dans
une
identité inexprimable, au sein de laquelle nos conceptions de liberté
108
et que la voie consiste à libérer progressivement
une
âme de l’illusion d’être distincte. Tout se ramène enfin à cette oppo
109
Dieu personnel. Car il n’est pas de personne sans
un
Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel. Soit qu’on p
110
vocation, ni par suite de personne. De là découle
un
monde de conséquences précises, — un monde, littéralement, comme j’es
111
e là découle un monde de conséquences précises, —
un
monde, littéralement, comme j’espère le montrer. Revenons à la déclar
112
ntral de la pensée chinoise (le cercle divisé par
un
grand S qui représente la Voie ou le tao) un point noir frappe la par
113
par un grand S qui représente la Voie ou le tao)
un
point noir frappe la partie blanche et un point blanc la partie noire
114
le tao) un point noir frappe la partie blanche et
un
point blanc la partie noire. Il est ainsi montré que l’élément mascul
115
r les sexologues, cette relation d’inter-présence
des
opposés n’est pas moins évidente dans les zones respectives de l’Orie
116
l’Orient scientifique, ou de l’Occident mystique.
Un
Sankara parfois préfigure le thomisme, et il arrive à Maître Eckhart
117
et il arrive à Maître Eckhart de s’exprimer comme
un
bouddhiste. La Bhagavad-Gita fait l’éloge de l’action, le quiétisme c
118
er la réalité du Moi, l’action de la Grâce, voire
un
Dieu personnel. L’idée de la « voie » ou « loi individuelle » (Svadha
119
collectivisme… Et l’on aura beau jeu de m’opposer
des
textes apparemment ruineux pour ma thèse des deux Voies. À quelle éco
120
oser des textes apparemment ruineux pour ma thèse
des
deux Voies. À quelle école mystique de l’hindouisme appartient l’aute
121
non-Dieu, non-Esprit, non-Personne, non-Image, …
un
Un pur et absolu, dépourvu de toute dualité, dans lequel nous devons
122
n-Dieu, non-Esprit, non-Personne, non-Image, … un
Un
pur et absolu, dépourvu de toute dualité, dans lequel nous devons nou
123
lequel nous devons nous enfoncer éternellement d’
un
néant à un néant » ? Et à l’inverse, quel est le mystique chrétien qu
124
s devons nous enfoncer éternellement d’un néant à
un
néant » ? Et à l’inverse, quel est le mystique chrétien qui nous rapp
125
divine, « il faut demeurer dans l’action, gardant
un
esprit égal que l’action porte ses fruits ou non ? » Je viens de cite
126
tout est dans tout ». La partie blanche contient
un
cercle noir, mais elle est blanche tout de même, et non pas grise.
127
anche tout de même, et non pas grise. Que vaut
un
homme ? Et finalement, ce qu’il importe de voir, ce sont les résul
128
importe de voir, ce sont les résultantes majeures
des
complexes doctrinaux dont on vient de rappeler la richesse en contrad
129
e est plus naturelle qu’on ne le pense à l’esprit
des
Occidentaux, mais elle n’a pas d’effet dans leur vie religieuse, moin
130
ns doute lorsqu’on se pose la question : que vaut
un
homme ? (un homme individuel, un exemplaire humain pris au hasard) qu
131
squ’on se pose la question : que vaut un homme ? (
un
homme individuel, un exemplaire humain pris au hasard) qu’on obtient
132
stion : que vaut un homme ? (un homme individuel,
un
exemplaire humain pris au hasard) qu’on obtient les réponses les plus
133
nt, et rien n’illustre mieux la divergence réelle
des
résultantes majeures dont je parlais plus haut. J’en donnerai deux ex
134
ner, au chapitre où il décrit le corps magique :
Une
histoire d’Hérodote traite d’un grand du royaume qui, en échange de t
135
corps magique : Une histoire d’Hérodote traite d’
un
grand du royaume qui, en échange de tout ce qu’il avait fait pour Xer
136
mande au roi cette faveur : exempter de la guerre
un
de ses cinq fils. Sur quoi Xerxès, irrité, fait mettre à mort ce seul
137
es depuis la tête jusqu’au sexe, comme le corps d’
un
bœuf ou d’un mouton à l’étal d’un boucher, au beau milieu défileront
138
tête jusqu’au sexe, comme le corps d’un bœuf ou d’
un
mouton à l’étal d’un boucher, au beau milieu défileront les armées qu
139
omme le corps d’un bœuf ou d’un mouton à l’étal d’
un
boucher, au beau milieu défileront les armées qui marchent contre les
140
ndividualité. Mon second exemple, est emprunté à
un
essai de Ernst Jünger12 : La relation que soutient l’homme avec le l
141
, dans son voyage d’Arménie, toucha le territoire
des
Assassins, leur grand-maître lui fit escorte et lui montra au passage
142
ses palais et ses châteaux. Ils arrivèrent devant
une
place forte flanquée de très hautes tours : deux guetteurs vêtus de b
143
chrétiens leurs sujets : il leva le bras, et deux
des
gardes se jetèrent dans le vide, pour s’écraser sur le sol rocheux. P
144
d’un second signe livrer à la mort toute la garde
des
créneaux ; l’autre le pria de n’en rien faire, tout en confessant qu’
145
nfessant qu’il ne saurait attendre de ses vassaux
une
telle docilité […]. Et chaque Européen éprouvera ici le même sentimen
146
nt que le comte de Champagne : il se verra mené à
un
point où éclatera en lui le plus sincère, le plus violent des refus.
147
éclatera en lui le plus sincère, le plus violent
des
refus. Les formes fondamentales dont il se croyait sûr, telles que co
148
e, sont ici arrachées de leur place ; l’horreur d’
un
monde étranger lui monte au cœur. Cette horreur saisira toujours celu
149
ur saisira toujours celui qui respecte en l’homme
un
noyau de liberté auquel il n’est pas permis de porter atteinte. Ce qu
150
peine de devenir vain, et même vil, comme le sont
des
faveurs obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé, des tourbil
151
obtenues par contrainte. Quand ce noyau est lésé,
des
tourbillons de néant s’en dégagent. La réaction de nos deux auteurs
152
les chambres à gaz, tandis que l’Orient professe
un
respect de la Vie qui va jusqu’au refus de détruire la vermine13. Pou
153
le ne sera pas sauvée de la nécessité de renaître
un
millier ou cent-milliers de fois. La métempsycose évacue les sanction
154
ient alors cette « horreur » et ce « plus violent
des
refus » qu’éprouve l’Européen, selon Jünger, devant la cruauté des Or
155
rouve l’Européen, selon Jünger, devant la cruauté
des
Orientaux ? Nous ne sommes pas moins cruels, mais nous le sommes autr
156
ine, et nous sommes criminels. Si le moi n’est qu’
une
illusion temporaire, celui qui tue ne détruit rien qui compte ; mais
157
mais au contraire, si le moi libre et unique est
une
réalité tenue pour inviolable, rien ne peut justifier notre délire gu
158
ire guerrier. Je ne juge pas. Je constate. Il y a
des
différences. Et mon propos n’est pas de les mettre en relief pour inc
159
de les mettre en relief pour inciter le lecteur à
des
comparaisons tournant à l’avantage de l’un ou de l’autre « camp » : c
160
ité de leurs données nous oblige à n’examiner que
des
prises partielles et typiques. On a vu que j’ai choisi mes exemples d
161
nt causes premières ou effets ; qu’elles résument
une
série de facteurs antécédents, ou qu’au contraire elles initient l’hi
162
e de les avoir bien vues, et de suivre à partir d’
un
contraste assez simple entre deux conceptions de l’homme et de ses fi
163
ns ce cas particulier, par la théologie orthodoxe
des
catholiques et des protestants européens, qui conçoit Dieu comme le T
164
er, par la théologie orthodoxe des catholiques et
des
protestants européens, qui conçoit Dieu comme le Toi de l’homme ; et
165
Dieu comme le Toi de l’homme ; et l’Asie par ceux
des
systèmes philosophiques et religieux de l’Inde qui conçoivent que le
166
pleinement réalisé. 2. C’est l’attitude générale
des
auteurs modernes qui se réclament en Occident de la « pensée traditio
167
nnelle ». Ces utopistes à rebours projettent dans
un
passé qui souffre tout, sauf d’être vérifié, un négatif du présent qu
168
s un passé qui souffre tout, sauf d’être vérifié,
un
négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle des Sudras, ou indigène
169
un négatif du présent qu’ils refusent. 3. Celle
des
Sudras, ou indigènes assujettis ; les parias ou hors-castes étant les
170
oles que d’habitants, si l’on songe que le nombre
des
dieux connus du panthéon hindou est estimé à 33 crores, c’est-à-dire
171
qui justifient le procédé. L’Inde a joué en Asie
un
rôle très comparable à celui de l’Europe en Occident. C’est de l’hind
172
confrontation de l’Europe et de l’Inde qui garde
une
signification centrale, pourrait répondre la confrontation de l’Extrê
173
di, tome 1, Téhéran, 1952. On y trouvera le texte
des
deux récits que je mentionne. Celui d’Avicenne s’intitule : Récit d’H
174
nvention, mais l’identification du chercheur avec
un
Objet que l’on situe au-delà de tout changement possible. 11. Rudolf
175
rendre inoffensive en la gorgeant du sang impur d’
un
domestique hors-caste, qui se couche le premier dans le lit, se fait
176
ses, les Suédois et les Castillans sont vus comme
des
Européens : il doit y avoir à cela quelque raison. Tout bien considér
177
nos définitions, mais si difficilement au regard
des
Autres. Vue de dehors, l’Europe est évidente. L’histoire que nous viv
178
dente. L’histoire que nous vivons la définit avec
une
précision qui ne pardonne pas : celle du ressentiment, de l’envie, vo
179
eprésente : l’entité qui seule les rassemble dans
une
hostilité sans doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il est
180
r ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux
des
Européens qui insistent avec le plus d’emphase sur la nature universe
181
qu’on ne peut unir notre vieux continent à cause
des
profondes différences qui séparent nos nations depuis des siècles. Il
182
ondes différences qui séparent nos nations depuis
des
siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas de différences bien
183
es Français, entre ceux-ci et les Allemands, etc.
Un
même mouvement de ces esprits les porte à effacer les différences con
184
anismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument
des
contrastes séculaires, invoqué sans fatigue contre l’union de l’Europ
185
sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’est qu’
une
étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cultures,
186
derie aux yeux de l’historien et de l’observateur
des
cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nationalistes. Or il
187
rien et de l’observateur des cultures, mais c’est
un
dernier refuge pour les nationalistes. Or il se trouve que l’argument
188
outer d’abord de l’unité de culture qui donnerait
une
assise à cette union. Mais : 1° les différences de langue, de religio
189
nale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et
des
cantons suisses — pas plus que cette unification, d’ailleurs, n’a sup
190
que les écoles d’État s’y soient efforcées depuis
un
siècle : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’un État fédé
191
: or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’
un
État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’Eu
192
et Grecs, par exemple, il n’en reste pas moins qu’
un
Suédois lisant Kazantzaki, un Grec lisant Selma Lagerlöf, un Français
193
reste pas moins qu’un Suédois lisant Kazantzaki,
un
Grec lisant Selma Lagerlöf, un Français et un Allemand lisant ces deu
194
lisant Kazantzaki, un Grec lisant Selma Lagerlöf,
un
Français et un Allemand lisant ces deux auteurs, y prendront à fort p
195
ki, un Grec lisant Selma Lagerlöf, un Français et
un
Allemand lisant ces deux auteurs, y prendront à fort peu de choses pr
196
é de publicistes découvrent — et cela dure depuis
des
années — que l’Europe n’existe pas comme entité géographique et histo
197
rontières n’ont pas cessé de se déplacer au cours
des
temps. Elle ne serait donc définissable que par sa culture, qui ne l’
198
usion : il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut
une
, il faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’union… Ains
199
ent qu’il est en train de se laisser prendre dans
une
problématique artificielle, sans nul rapport avec le drame qui vient.
200
Ceux-ci doivent circonscrire exactement l’objet d’
un
éventuel enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir, ils le rép
201
t selon les normes académiques. Ce légitime souci
des
pédagogues devient chez les écrivains libres une méthode d’obstructio
202
des pédagogues devient chez les écrivains libres
une
méthode d’obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’une défi
203
bstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’
une
définition historique et géographique, occasion de discours permettan
204
nnu sous le nom de filibuster. Je n’en citerai qu’
un
exemple qui me tombe sous les yeux pendant que j’écris14. Bien qu’aut
205
les yeux pendant que j’écris14. Bien qu’auteur d’
une
Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est p
206
M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas
une
entité, mais une pure et simple expression. En effet, selon le thème
207
jourd’hui que l’Europe n’est pas une entité, mais
une
pure et simple expression. En effet, selon le thème connu, elle ne s
208
frontent inutilement je le crains, car il en va d’
une
civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près comme d’
209
je le crains, car il en va d’une civilisation, d’
une
culture et même d’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : es
210
en va d’une civilisation, d’une culture et même d’
une
nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jour
211
culture et même d’une nation, à peu près comme d’
une
œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reç
212
oté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant d’
une
intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-elle pri
213
uis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’
une
invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comm
214
’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire
des
fédéralistes de notre temps, comme certains l’ont finement supposé ?
215
re temps, comme certains l’ont finement supposé ?
Une
cantate peu connue de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne,
216
e leur « nation ». Mais l’adjectif européen est d’
un
usage bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain de la bataille d
217
n de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’
un
clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja. L’auteur y
218
te avec complaisance ce nom qui indique l’éveil d’
un
sentiment nouveau15 ». Cependant, la prise de conscience d’une entité
219
nouveau15 ». Cependant, la prise de conscience d’
une
entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à pa
220
es maritimes, écrit M. Denys Hay, « constituaient
des
cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus impo
221
’intérêt porté au caractère culturel et politique
des
terres dont ils décrivaient les côtes16 ». Mais pour voir les vocable
222
anitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’
un
homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius Pic
223
es déclare même éternelles dans la prose poétique
des
banquets et des éditoriaux du temps de guerre. Passons sur ces excès,
224
éternelles dans la prose poétique des banquets et
des
éditoriaux du temps de guerre. Passons sur ces excès, voyons la thèse
225
réalité. On a souvent tenté de nier l’existence d’
une
vraie culture européenne, en arguant non seulement de ce qu’une parei
226
ure européenne, en arguant non seulement de ce qu’
une
pareille culture est difficile à définir, mais de la complexité de se
227
la complexité de ses origines et de l’importance
des
influences extracontinentales qu’elle a subies. Ces arguments prennen
228
dre. Spécifiquement européenne ou non, la culture
des
Européens est tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou
229
limites accidentelles et souvent fort récentes d’
un
de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup
230
rituel, culturel et politique, dans les limites d’
un
même cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient fina
231
limites d’un même cordon douanier et du pouvoir d’
une
même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’État
232
liste au fond de son cœur, me paraît comparable à
un
arbre qui s’obstinerait à mettre en doute l’existence même de la forê
233
est née ? Et combien d’arbres il faut pour former
une
forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe…) N
234
il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’
une
Europe fédérée serait seule en mesure de sauver le concret de nos vie
235
la souveraineté peut-être (si elle est le droit d’
un
groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la pr
236
tend) ; la prospérité sans doute (si elle traduit
un
mieux-vivre, et non pas simplement le résultat matériel d’un effort h
237
vre, et non pas simplement le résultat matériel d’
un
effort humainement abrutissant) ; l’indépendance assurément (si elle
238
(si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’
une
puissance étrangère)… Tout cela suppose le développement ou le réveil
239
Tout cela suppose le développement ou le réveil d’
un
sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’apparten
240
core dans tous nos peuples : celui d’appartenir à
un
ensemble humain plus vaste, plus ancien, et plus fort désormais que n
241
cet ensemble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’
un
fait de culture au sens large. Prendre conscience de notre appartenan
242
politique, qui n’est autre, à mon sens, que celui
des
moyens d’ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne
243
ns, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’
un
groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadre
244
ens d’ordonner l’existence d’un groupe humain. Or
un
tel groupe ne saurait être défini par son cadre institutionnel, mais
245
tre défini par son cadre institutionnel, mais par
un
style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de
246
n cadre institutionnel, mais par un style de vie,
un
système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour
247
mais par un style de vie, un système de valeurs,
un
certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort, aux relati
248
au corps, à l’esprit, et au temps — en somme, par
une
culture, au sens où j’emploie le mot. Entre la politique et la cultur
249
être analogue au rapport entre forme et contenu.
Une
politique d’union ne devient possible que s’il y a tout d’abord commu
250
onclus que la forme politique que devrait revêtir
une
union authentiquement européenne, ne saurait être que fédéraliste. En
251
ique se joignent dans la seule et même exigence d’
une
union fédérale de nos peuples. 14. Emmanuel Berl, « Hors du réel »,
252
s du réel », La Table ronde, janvier 1957. 15. D’
une
lettre que m’écrit à ce sujet le comte Jean de Pange. La référence se
253
ys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré d’
une
communication au 10e Congrès international des sciences historiques,
254
d’une communication au 10e Congrès international
des
sciences historiques, Rome, septembre 1955). c. Rougemont Denis de,
255
le Droit, et Romain Rolland, que pour triompher d’
un
épouvantail auquel il accroche mon nom. Je n’attaquais rien de ce qu’
256
la mesure exacte où M. Berl lui-même peut écrire
une
Histoire de l’Europe. Je suis très loin de qualifier de sophistes ceu
257
ne peut la vouloir et la faire — donc l’unir par
des
liens fédéraux — si d’abord on nie qu’elle existe comme entité de cul
258
vais préconisé le mensonge utile et le « massacre
des
affamés » ? Je demandais simplement qu’on cesse de mettre en doute l’
259
Europe ne peut et ne doit pas être regardée comme
une
entité ni comme une fin, mais comme un moyen. M. de Rougemont me prou
260
doit pas être regardée comme une entité ni comme
une
fin, mais comme un moyen. M. de Rougemont me prouve que l’urgence éta
261
dée comme une entité ni comme une fin, mais comme
un
moyen. M. de Rougemont me prouve que l’urgence était plus grande que
262
pas être : la plupart des “européens” furent donc
des
sophistes. Guéhenno dirigeait la revue : Europe, il ne pensait pas qu
263
fut déjà faite. M. de Rougemont me dit qu’il y a
une
Suisse, quoiqu’on puisse disputer sur la date de sa naissance. En eff
264
ou contre lui ? Il ne suffit pas d’ignorer quand
une
personne est née pour avoir la certitude qu’elle vit. Filibusterie à
265
n européen, sans souhaiter, et même sans accepter
une
Europe qui naîtrait de l’imposture et vivrait de la tyrannie. Je crie
266
les nationalismes, non si elle leur en superpose
un
nouveau. Pourquoi donc accorderais-je au fédéralisme ce que je refusa
267
me ce que je refusais au chauvinisme ? Il y avait
une
Europe de Romain Rolland. Il y en a une de Pierre Dominique, qui espè
268
l y avait une Europe de Romain Rolland. Il y en a
une
de Pierre Dominique, qui espère en elle pour répondre du tac au tac à
269
istinguer ou à les confondre ? Je le vois, il y a
des
hommes si engagés dans les affaires européennes qu’ils oublient les m
270
Sorel. Puis on se mit à citer Bergson, réclamant
un
supplément d’âme pour ce corps subitement agrandi, le monde technique
271
a puissance, trois révolutions portant au pouvoir
des
tyrannies totalitaires qui revendiquaient les corps non moins que les
272
e la révolution, ils ne nous parlaient plus que d’
une
Crise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison des
273
ous parlaient plus que d’une Crise de l’Esprit, d’
une
Décadence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’un Monde sans â
274
ise de l’Esprit, d’une Décadence de l’Occident, d’
une
Trahison des Clercs, d’un Monde sans âme, de la France contre les rob
275
it, d’une Décadence de l’Occident, d’une Trahison
des
Clercs, d’un Monde sans âme, de la France contre les robots, de la ma
276
dence de l’Occident, d’une Trahison des Clercs, d’
un
Monde sans âme, de la France contre les robots, de la machine contre
277
re l’homme, de l’homme contre l’humain, de la fin
des
illusions, de la fin de tout. L’Anti-moderne de Maritain et Les Temps
278
tions impuissantes et les justifications ignobles
des
dictatures totalitaires, tout annonçait une catastrophe humaine sans
279
obles des dictatures totalitaires, tout annonçait
une
catastrophe humaine sans précédent, un asservissement sans recours de
280
annonçait une catastrophe humaine sans précédent,
un
asservissement sans recours de l’homme aux puissances anonymes, la ma
281
e, la police et l’État. Orwell n’eut qu’à pousser
un
peu plus loin. Il n’eut qu’à mettre au point l’exemple soviétique, à
282
le facteur de résistance humaine, à désespérer d’
une
manière exemplaire — convainquant les lecteurs qu’il voulait révolter
283
ême. Et Kafka n’était plus que le Jean-Baptiste d’
une
sorte d’Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’une démission fat
284
rte d’Évangile à rebours, « mauvaise nouvelle » d’
une
démission fatale. Les émeutes de Poznań, la résistance de Varsovie et
285
sé le cours de cette immense dérive et restauré d’
un
coup l’espoir. La nature humaine, niée par Sartre, triomphait dans un
286
nature humaine, niée par Sartre, triomphait dans
une
génération qui n’avait appris que le mensonge. Ses pouvoirs de résist
287
Budapest. Sa faculté de revendiquer et d’imposer
un
sens positif à la vie, niée par Kafka, s’est attestée dans le soulève
288
iée par Kafka, s’est attestée dans le soulèvement
des
écrivains unis aux paysans, des ouvriers unis aux étudiants. L’intell
289
ns le soulèvement des écrivains unis aux paysans,
des
ouvriers unis aux étudiants. L’intelligentsia de l’Ouest voyait venir
290
nterpréter. Tout ce qui compte en Europe, depuis
un
demi-siècle, dans les lettres, les arts et la philosophie, sait qu’il
291
, sous peine de ne plus compter. Inutile de citer
des
noms : ce seraient ceux, justement, que tout le monde connaît, la lis
292
ent, que tout le monde connaît, la liste complète
des
meilleurs. On pourrait m’objecter Valéry, hédoniste épris de la règle
293
oniste épris de la règle et persuadé de la valeur
des
conventions ; mais n’est-ce pas lui qui ouvrit, en 1919, le grand cou
294
ur tel dans les cafés, et sa foi prend l’allure d’
un
défi. On pourrait m’objecter Saint-John Perse, mais justement il a ch
295
en soi. Tous les autres sont contre le siècle, d’
une
manière encore plus évidente, soit qu’ils attaquent avec acharnement
296
harnement la morale dite bourgeoise ou les règles
des
arts, soit qu’ils opposent à l’anarchie flagrante des esprits quelque
297
arts, soit qu’ils opposent à l’anarchie flagrante
des
esprits quelque orthodoxie restaurée, justifiant elle aussi, fût-ce p
298
ées et conscientes, qui a fait le succès posthume
des
grands génies maudits, ignorés ou refoulés par ses ancêtres. Et c’est
299
me dépossédé les nobles, qu’il ne peut imposer qu’
un
régime soviétique, et qu’Orwell a dit vrai malgré lui. Curieux pouvoi
300
qu’Orwell a dit vrai malgré lui. Curieux pouvoir
des
pessimistes de l’autre siècle sur les héritiers de leurs ennemis ! La
301
fut optimiste en dépit des souffrances affreuses
des
prolétaires industriels, dont le travail l’enrichissait. Aujourd’hui,
302
hissait. Aujourd’hui, l’ouvrier d’usine bénéficie
des
soins jaloux de l’État. Encore un peu, et la technique elle-même l’au
303
sine bénéficie des soins jaloux de l’État. Encore
un
peu, et la technique elle-même l’aura délivré de la chaîne. Mais c’es
304
qui en vient alors à craindre le règne inexorable
des
machines, et qui conçoit, avec cent ans de retard, un pessimisme fata
305
achines, et qui conçoit, avec cent ans de retard,
un
pessimisme fataliste et résigné. Dans ce décalage séculaire entre la
306
ire entre la conscience et le réel, naît l’idée d’
une
pensée impuissante, d’une réalité terrifiante et d’un sens fatal de l
307
le réel, naît l’idée d’une pensée impuissante, d’
une
réalité terrifiante et d’un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brothe
308
ensée impuissante, d’une réalité terrifiante et d’
un
sens fatal de l’Histoire, dont Big Brother sera l’aboutissement. J’a
309
’elles ont pu prendre du Capital ou de la Science
des
rêves, et les jugements qu’elles avoueraient à leur sujet. Marx et Fr
310
r succès parmi ceux qu’ils ont « démasqués » avec
un
zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès n’est pas dû à la lecture
311
staient leurs arguments. Il s’agit, au plein sens
des
termes, d’un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’un renverse
312
arguments. Il s’agit, au plein sens des termes, d’
un
succès de scandale, d’un choc profanateur, d’un renversement des tabo
313
plein sens des termes, d’un succès de scandale, d’
un
choc profanateur, d’un renversement des tabous. La bourgeoisie du xix
314
d’un succès de scandale, d’un choc profanateur, d’
un
renversement des tabous. La bourgeoisie du xixe frappait d’interdit
315
candale, d’un choc profanateur, d’un renversement
des
tabous. La bourgeoisie du xixe frappait d’interdit deux sujets dans
316
dans les conversations de la table de famille ou
des
salons, et c’étaient le Sexe et l’Argent. Tout devait avoir l’air de
317
nfants naissaient dans les choux, et le langage d’
un
homme tel que Victor Hugo (sauf dans ses petits carnets intimes) rest
318
gent, c’est le secret du drame social. Mais Freud
un
peu plus tard : parlons du sexe, c’est le secret du drame individuel.
319
is (seule étudiée par Freud autour de 1900) comme
un
cas limité dans l’espace et le temps. D’autre part, l’ascension d’un
320
l’espace et le temps. D’autre part, l’ascension d’
un
Staline, son long règne et sa chute posthume, les grandes explosions
321
prises sur les faits, en est réduite à restaurer
des
dogmes à coups de mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas de
322
mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne sont pas
des
« fascistes importés », la dialectique n’est plus qu’une « mystificat
323
ascistes importés », la dialectique n’est plus qu’
une
« mystification » comme eût dit Marx lui-même, et le « mouvement de l
324
Marx lui-même, et le « mouvement de l’histoire »
un
mauvais alibi pour nos démissions personnelles. Le droit d’opposition
325
e, à tenir cette logique démente pour l’annonce d’
une
fatalité. A-t-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’une révo
326
l’annonce d’une fatalité. A-t-il vraiment suffi d’
un
« dégel » temporaire, d’une révolution écrasée, d’une révolte larvée
327
-t-il vraiment suffi d’un « dégel » temporaire, d’
une
révolution écrasée, d’une révolte larvée de la jeunesse russe elle-mê
328
« dégel » temporaire, d’une révolution écrasée, d’
une
révolte larvée de la jeunesse russe elle-même, pour briser le cours d
329
RSS, n’aurait-il pas créé l’illusion romantique d’
un
renouveau de la liberté, d’un faux réveil rêvé pendant un long cauche
330
lusion romantique d’un renouveau de la liberté, d’
un
faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui serait, en fin de comp
331
veau de la liberté, d’un faux réveil rêvé pendant
un
long cauchemar qui serait, en fin de compte, la vraie réalité ? On po
332
d’autres séries de faits, indépendants d’ailleurs
des
récents événements de l’Est, ne venaient corroborer un optimisme neuf
333
cents événements de l’Est, ne venaient corroborer
un
optimisme neuf. Budapest a gagné sa partie — moralement. Admettons qu
334
occidentaux, jusqu’à ces toutes dernières années.
Un
certain déterminisme économique semblait nous conduire sans merci ver
335
tal, ordonnant toute la vie au service de l’État.
Un
certain déterminisme historique faisait prévoir la « décadence de l’O
336
e fatal l’écrasement de l’Europe entre les blocs.
Un
certain déterminisme technologique, enfin, annonçait le règne des rob
337
rminisme technologique, enfin, annonçait le règne
des
robots. Mais l’examen des réalités en marche, loin de confirmer ces p
338
fin, annonçait le règne des robots. Mais l’examen
des
réalités en marche, loin de confirmer ces pronostics paralysants, dis
339
illusions tenaces qu’ils prolongeaient et révèle
une
tendance générale au réveil des valeurs de liberté. Première illusio
340
geaient et révèle une tendance générale au réveil
des
valeurs de liberté. Première illusion fataliste : « L’URSS est l’ave
341
crises cycliques et à la paupérisation croissante
des
travailleurs. L’URSS était donc l’avenir, tandis que les USA se voyai
342
ouvement de l’histoire ». Telle était la religion
des
« progressistes ». Voyons les faits. Nul n’ignore que l’ouvrier améri
343
le plus riche du monde, l’ouvrier soviétique l’un
des
plus pauvres. Cet argument concret n’inquiète pas les marxistes mais
344
n’inquiète pas les marxistes mais les jette dans
des
crises aiguës de dialectique. Ils le jugent grossièrement matérialist
345
nt, Bertrand de Jouvenel, comparant les économies
des
États-Unis et de l’URSS, a montré que l’entreprise communiste n’appor
346
me ; l’autre définie par la remise au travailleur
des
fruits de son travail, serait l’œuvre du communisme. Or l’examen des
347
ravail, serait l’œuvre du communisme. Or l’examen
des
chiffres et des faits conduit à la conclusion suivante : « C’est l’éc
348
’œuvre du communisme. Or l’examen des chiffres et
des
faits conduit à la conclusion suivante : « C’est l’économie capitalis
349
clusion suivante : « C’est l’économie capitaliste
des
États-Unis qui a passé à la seconde phase, et c’est l’économie commun
350
oire. Drôle d’avenir, qui s’essouffle à rejoindre
un
« passé » rituellement dénoncé par les toasts officiels. Si l’on négl
351
est, le servage et la loi d’airain à l’Est, et qu’
une
classe ouvrière mieux informée qu’endoctrinée, si elle a à choisir d’
352
’ils le sont — se voyait promise par l’Histoire à
des
partages ignominieux : l’Est aux Russes, l’Ouest à l’Amérique, et le
353
L’Assemblée constituante est sa prochaine étape.
Un
Pouvoir fédéral devrait en résulter, car tout l’appelle et sa nécessi
354
faits, si elle ne l’est pas encore dans l’esprit
des
nationalistes attardés. Aucun de nos États ne peut se défendre seul.
355
er, plus 100 millions récupérés à l’Est, feraient
un
ensemble supérieur aux Soviétiques et aux Américains additionnés. Je
356
es et aux Américains additionnés. Je ne parle que
des
chiffres, non de la qualité. Alors les prophéties lugubres d’un Speng
357
on de la qualité. Alors les prophéties lugubres d’
un
Spengler, ou les spéculations fascinantes d’un Toynbee, inspirées par
358
d’un Spengler, ou les spéculations fascinantes d’
un
Toynbee, inspirées par l’idée mythique d’Évolution, — on monte, on cu
359
ment — se verront démenties par le nouvel essor d’
une
Europe reprenant la tête du progrès. Et c’est une autre prophétie, qu
360
une Europe reprenant la tête du progrès. Et c’est
une
autre prophétie, qui deviendra vraie, celle de Proudhon, qui fut quar
361
quarante-huitard : « Le xxe siècle ouvrira l’ère
des
fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. »
362
l’ère des fédérations, ou l’humanité recommencera
un
purgatoire de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus
363
ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’est plus
une
hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en ferons, et
364
e nouveau de ce que nous en ferons, et non plus d’
une
courbe mythique, d’une Évolution bien tracée, ou d’un processus diale
365
s en ferons, et non plus d’une courbe mythique, d’
une
Évolution bien tracée, ou d’un processus dialectique, dont un Parti q
366
ourbe mythique, d’une Évolution bien tracée, ou d’
un
processus dialectique, dont un Parti qu’on connaît trop tire les fice
367
bien tracée, ou d’un processus dialectique, dont
un
Parti qu’on connaît trop tire les ficelles. Cessons de chercher le se
368
illusion fataliste : « Nous allons vers le règne
des
robots. » — Les machines envahissent nos vies, nous allons devenir le
369
t nos gestes et le rythme de nos journées. Encore
un
peu, et les cerveaux électroniques dicteront nos pensées par radio. A
370
s, apprentis sorciers, ont déchaîné dans le monde
des
forces inconnues. Il fait trop chaud, il fait trop froid pour la sais
371
le va détruire les neuf dixièmes du genre humain.
Un
jour elle fera sauter la terre. J’entends cela tous les jours. Qui ne
372
ulement ! Car elles sont très chères. Mais jamais
une
Talbot n’est entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m
373
ément, dans l’intention de m’envahir. Et pas même
une
machine à laver. Que de mal, au contraire, dans ma campagne, pour obt
374
esclavage du téléphone ? Mais a-t-on jamais vu qu’
un
appareil, prenant l’initiative, appelle son abonné ? C’est toujours q
375
éléphone, mais de votre seule curiosité. Le règne
des
machines, à vous entendre, nous isolerait de la Nature ? Mais je vois
376
Bombe n’a jamais rien fait sans l’ordre exprès d’
un
président, d’un général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est
377
s rien fait sans l’ordre exprès d’un président, d’
un
général. Ce n’est pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les
378
rité. L’Apprenti sorcier de la légende déchaînait
une
force inconnue. Mais nos savants font tout le contraire : ils domesti
379
savants font tout le contraire : ils domestiquent
des
énergies décelées par leurs calculs. Ce qui se déchaîne, encore une f
380
et peut-être encore plus moralement, la tyrannie
des
rythmes mécaniques. Eux seuls se sont vus transformés en « complément
381
e sont vus transformés en « compléments vivants d’
un
mécanisme mort », selon l’expression terrible et juste de Marx. Or il
382
de la chaîne. Éloquemment entretenu par Bernanos,
un
malentendu sans pareil s’attache à ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’u
383
reil s’attache à ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’
un
robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des millions de pers
384
synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’est pas
un
homme automatique, comme des millions de personnes le croient encore
385
robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme
des
millions de personnes le croient encore sur la foi de quelques films
386
ilms et de la science-fiction. C’est encore moins
un
homme esclave de la machine. C’est une machine, ni plus ni moins, c’e
387
ncore moins un homme esclave de la machine. C’est
une
machine, ni plus ni moins, c’est un outil, que l’homme a conçu, juste
388
chine. C’est une machine, ni plus ni moins, c’est
un
outil, que l’homme a conçu, justement, pour exécuter à sa place des t
389
omme a conçu, justement, pour exécuter à sa place
des
travaux monotones, épuisants ou dangereux. On ne connaît rien au mond
390
aient pas, peut dès maintenant délivrer l’ouvrier
des
servitudes mécaniques. Mais ses effets médiats seront plus étendus. I
391
duisant jour et nuit sous la seule surveillance d’
un
groupe d’opérateurs, signifie simplement, partout où elle fonctionne,
392
ouvrière, qui sera l’agent du dépassement concret
des
conflits institués par la technique elle-même. Comment prévoir et mes
393
e elle-même. Comment prévoir et mesurer l’ampleur
des
transformations initiées par cette libération technologique ? C’est l
394
ette libération technologique ? C’est le problème
des
loisirs qui s’ouvre largement, et tous les problèmes qui en dépendent
395
s les problèmes qui en dépendent pour l’éducation
des
enfants, des adultes, et des techniciens. C’est le problème des moyen
396
es qui en dépendent pour l’éducation des enfants,
des
adultes, et des techniciens. C’est le problème des moyens de culture,
397
ent pour l’éducation des enfants, des adultes, et
des
techniciens. C’est le problème des moyens de culture, qui seront mis
398
es adultes, et des techniciens. C’est le problème
des
moyens de culture, qui seront mis à contribution, sur une échelle bru
399
ns de culture, qui seront mis à contribution, sur
une
échelle brusquement agrandie. C’est, au-delà des questions immenses q
400
une échelle brusquement agrandie. C’est, au-delà
des
questions immenses que je laisse aux économistes, et aux sociologues,
401
mistes, et aux sociologues, tous alertés, au-delà
des
problèmes classiques de plein-emploi et de temps de travail, le probl
402
ident, du déclin de la culture, et de la fatalité
des
tyrannies prochaines, de laisser pour un temps ces sujets affligeants
403
atalité des tyrannies prochaines, de laisser pour
un
temps ces sujets affligeants, leur ayant accordé assez de complaisanc
404
érer la nouveauté de l’époque : bel exercice pour
une
pensée régulatrice, que d’en maîtriser les vertiges ! Je propose la c
405
maîtriser les vertiges ! Je propose la clôture d’
un
demi-siècle de rumination pessimiste, longtemps justifiée, nous le sa
406
e aux dangers prévus. Je propose à l’intelligence
un
rôle nouveau : celui de créer la liberté en la cherchant, en acceptan
407
de les courir d’abord en imagination. Je propose
une
idée renouvelée du Progrès, au-delà de nos illusions mais aussi de no
408
n’étais pas venu pour conclure, mais pour ouvrir
des
portes. f. Rougemont Denis de, « La fin du pessimisme », Réalités,
409
x Ève-Delacroix décerné pour la deuxième fois par
un
jury étrange, composé à la fois de fonctionnaires français des Arts e
410
nge, composé à la fois de fonctionnaires français
des
Arts et Lettres (anciens ministres des Beaux-Arts directeurs, etc.),
411
s français des Arts et Lettres (anciens ministres
des
Beaux-Arts directeurs, etc.), de militaires (le maréchal Juin), d’écr
412
on, Paul Vialar), de critiques (Robert Kemp) et d’
une
directrice de théâtre (Mary Morgan). Tout ce monde s’est entendu pour
413
u pour trouver dans l’œuvre de Denis de Rougemont
un
livre qui « exalte le plus clairement les qualités humaines et propos
414
plus clairement les qualités humaines et propose
un
sens moral au lecteur ». C’est donc sa récente Aventure de l’homme oc
415
hel, éd.) qui est aujourd’hui orné de ce laurier.
Des
prix ? me dit Denis de Rougemont, j’en ai manqué beaucoup avant-guerr
416
ont, j’en ai manqué beaucoup avant-guerre. Plus d’
un
jury pensait à me donner une palme. Et il y avait toujours, au dernie
417
avant-guerre. Plus d’un jury pensait à me donner
une
palme. Et il y avait toujours, au dernier moment, quelqu’un qui se le
418
clarer : Mais ce n’est pas possible ? Rougemont ?
Un
Suisse ? Un étranger ? J’ai donc aujourd’hui ma revanche. Aux photogr
419
s ce n’est pas possible ? Rougemont ? Un Suisse ?
Un
étranger ? J’ai donc aujourd’hui ma revanche. Aux photographes qui me
420
t destinée, me dit Denis de Rougemont, à répandre
un
peu plus les raisons de croire à l’Europe. On sait que cet historien,
421
e l’Europe existe, ne serait-ce que dans l’esprit
des
Américains qui ne veulent pas savoir qu’il y a ici des frontières. L’
422
méricains qui ne veulent pas savoir qu’il y a ici
des
frontières. L’Italie, la France, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique,
423
, la Scandinavie, la Suisse, pour eux, c’est tout
un
. Et quand on me demande où commence et où finit l’Europe, j’assure qu
424
once deux importants ouvrages : l’un qui établira
une
sorte de morale de la vocation, c’est-à-dire prouvera que la fin just
425
sidérant que, par exemple, la puissance n’est pas
une
fin juste. Le second ouvrage essaiera de situer cette morale de la vo
426
cation dans la vie sociale. C’est, dit Rougemont,
une
question de feux rouges et de feux verts, de contrat pour la commodit
427
eux verts, de contrat pour la commodité générale.
Une
morale personnaliste en quelque sorte et l’on se rappelle à ce propos
428
mont qui milita avec Emmanuel Mounier pour fonder
une
nouvelle philosophie de la personne humaine. Je m’attendais à trouver
429
e. Je m’attendais à trouver en Denis de Rougemont
un
de ces théoriciens et philosophes qui sourient avec une pointe de con
430
ces théoriciens et philosophes qui sourient avec
une
pointe de condescendance devant les ouvrages de fiction, devant la cr
431
gemont sut se montrer poète et où Honegger trouva
une
de ses plus grandes réussites. Je songe toujours au roman, me confia
432
me confia Denis de Rougemont. J’en ai jadis écrit
un
que j’ai retiré de justesse des mains de l’éditeur avant qu’il ne soi
433
’en ai jadis écrit un que j’ai retiré de justesse
des
mains de l’éditeur avant qu’il ne soit livré à l’imprimeur. Mais je n
434
l’imprimeur. Mais je n’ai pas renoncé. Je prends
des
notes. Au fait, je considère et rédige comme un poème un livre tel qu
435
des notes. Au fait, je considère et rédige comme
un
poème un livre tel que L’Aventure de l’homme occidental . Le style m
436
s. Au fait, je considère et rédige comme un poème
un
livre tel que L’Aventure de l’homme occidental . Le style me paraît
437
Le rôle mondial
des
valeurs occidentales (octobre 1957)h i L’énoncé des plus hautes va
438
aleurs occidentales (octobre 1957)h i L’énoncé
des
plus hautes valeurs européennes tient dans l’œuvre de Bach et dans ce
439
t le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’
un
Oriental, c’est un bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il fal
440
ccident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est
un
bruit vague, une espèce de rumeur insensée… Il fallait bien rappeler
441
ur l’oreille d’un Oriental, c’est un bruit vague,
une
espèce de rumeur insensée… Il fallait bien rappeler ici qu’une réflex
442
rumeur insensée… Il fallait bien rappeler ici qu’
une
réflexion sur nos valeurs occidentales ne saurait être académique ; e
443
ne saurait être académique ; elle s’inscrit dans
une
situation dominée par le malentendu et toute chargée de tragédies lat
444
it qu’elle n’est pas loin de recouvrir l’ensemble
des
terres habitées, mais que la densité d’occidentalisation varie d’une
445
, mais que la densité d’occidentalisation varie d’
une
manière considérable selon les pays, et à l’intérieur même de presque
446
es divers qui ont caractérisé notre civilisation,
des
origines jusqu’à ce jour, présente évidemment la densité maxima. Les
447
mériques et certains pays du Commonwealth forment
une
zone de diffusion occidentale parfois plus homogène, mais un peu moin
448
diffusion occidentale parfois plus homogène, mais
un
peu moins dense, parce que moins ancienne et moins complexe du point
449
moins ancienne et moins complexe du point de vue
des
valeurs et des tensions. Le Sud-Est européen, de la Puszta hongroise
450
et moins complexe du point de vue des valeurs et
des
tensions. Le Sud-Est européen, de la Puszta hongroise à l’Asie Mineur
451
, le Chili ou l’Australie. Vient ensuite l’empire
des
Soviets, qui subit depuis quarante ans une occidentalisation planifié
452
empire des Soviets, qui subit depuis quarante ans
une
occidentalisation planifiée mais grossière, aux dépens de valeurs eur
453
ulaires systématiquement refoulées. Reportées sur
un
planisphère, ces zones de diffusion pourraient être représentées par
454
nes de diffusion pourraient être représentées par
une
petite tache d’un rouge sombre sur l’Europe médiane tandis que les Am
455
urraient être représentées par une petite tache d’
un
rouge sombre sur l’Europe médiane tandis que les Amériques et l’Austr
456
nt à l’Asie et à l’Afrique, il faudrait y marquer
des
points rouges, indiquant la plupart des grandes villes, quelques tach
457
villes, quelques taches roses et, sporadiquement,
des
stries plus ou moins serrées. Le Japon s’est notoirement occidentalis
458
moitié du xixe siècle. Le colonialisme a laissé
des
quartiers européens à Bombay comme à Capetown et à Hong Kong17 et des
459
ens à Bombay comme à Capetown et à Hong Kong17 et
des
décors industriels aux confins de la jungle ou en plein désert. Enfin
460
ert. Enfin la Chine vient d’adopter coup sur coup
une
doctrine d’État venue d’Europe : le marxisme ; la technique et les ar
461
phabet substitué aux idéogrammes ; et le contrôle
des
naissances. Ce tableau de la diffusion de notre civilisation résume t
462
ignifier, en fin de compte, l’occidentalisation d’
un
peuple, d’un État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer
463
fin de compte, l’occidentalisation d’un peuple, d’
un
État ou d’un individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines
464
, l’occidentalisation d’un peuple, d’un État ou d’
un
individu. Ici, l’on se contente d’importer nos machines et nos armeme
465
ntaliser signifie simplement acquérir le know how
des
procédés techniques, politiques et sociaux les plus voyants et les pl
466
par notre civilisation. Le système très complexe
des
valeurs spirituelles, morales et intellectuelles qui explique seul la
467
définit ou qui limite leur mode d’emploi et donne
un
sens à l’aventure occidentale, ce système de valeurs reste ignoré, re
468
ces est en train de fomenter dans le monde entier
des
tensions inquiétantes, des malentendus pathétiques, une menace de cha
469
r dans le monde entier des tensions inquiétantes,
des
malentendus pathétiques, une menace de chaos sans précédent. Un intel
470
nsions inquiétantes, des malentendus pathétiques,
une
menace de chaos sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit un
471
pathétiques, une menace de chaos sans précédent.
Un
intellectuel indonésien me dit un jour : « Vous autres Européens, vou
472
sans précédent. Un intellectuel indonésien me dit
un
jour : « Vous autres Européens, vous nous envoyez des machines-outils
473
jour : « Vous autres Européens, vous nous envoyez
des
machines-outils ; c’est très joli, cela nous amuse et c’est utile, ma
474
t c’est utile, mais pourquoi n’y joignez-vous pas
un
petit livre expliquant d’où viennent ces objets, pourquoi vous avez e
475
ment ils expriment et transportent, en fait, tout
un
monde de valeurs complètement étranger à nos croyances traditionnelle
476
e autre fois, il me raconte que sa femme, qui est
une
Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une école de
477
te que sa femme, qui est une Hollandaise, donnait
des
leçons de solfège aux enfants d’une école de Djakarta ; et quand ils
478
aise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’
une
école de Djakarta ; et quand ils eurent appris les notes de notre gam
479
notre gamme, elle leur dit : composez maintenant
une
chanson dans le goût de ce pays ; mais ils ne purent écrire que de pe
480
pas. Ainsi chaque machine exportée est, en fait,
un
cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et retiré nos foncti
481
nous ramenons subrepticement, et sans le savoir,
des
occupants plus efficaces et plus puissants, car c’est aux pensées qu’
482
mes d’art et de gouvernement transportent au loin
des
champs de force qui vont agir anarchiquement, détruisant les bases mê
483
ation du temporel et du spirituel ; la séparation
des
pouvoirs et la réglementation de leurs rapports ; l’égalité devant la
484
tes, etc.), la souveraineté nationale et l’idée d’
une
loi internationale… Valeurs : la personne humaine considérée comme i
485
t de protéger les libertés et la garantie interne
des
libertés consistant dans le sens de la responsabilité de chacun enver
486
C’est qu’il se produisit à ce moment, en Europe,
une
conjonction sans précédent : celle de la science, s’établissant enfin
487
tion ; de la philanthropie illuministe, héritière
des
rêves alchimiques ; et de la raison profane, égalitaire, balayant les
488
nviction de la réalité de la matière, objet futur
des
sciences physiques (réalité niée par la plupart des religions de l’Or
489
ar Dieu, n’est pas absurde ni soumis aux caprices
des
divinités monstrueuses ; il vaut la peine d’en scruter les lois et il
490
ncipes de vie publique, ils s’inspirèrent tous, d’
une
manière plus ou moins directe ou correcte, de deux valeurs fondamenta
491
t définie par les premiers conciles, à l’occasion
des
grands débats sur la Trinité, et se lia par la suite indissolublement
492
ptions, ces dernières permettant de rendre compte
des
tendances plus ou moins égalitaires ou aristocratiques, plus ou moins
493
er le système de valeurs dont ils procèdent. User
des
uns ou invoquer les autres hors du contexte spirituel de l’Occident,
494
ors du contexte spirituel de l’Occident, entraîne
des
conséquences incalculables et généralement chaotiques. Le contact de
495
ues. Le contact de la civilisation occidentale et
des
coutumes arabes en Algérie nous en donne un exemple tragique. Il ne s
496
e et des coutumes arabes en Algérie nous en donne
un
exemple tragique. Il ne s’agit nullement ici de politique, et ce n’es
497
ement ici de politique, et ce n’est qu’en vertu d’
un
accident de l’histoire que la France paraît seule en cause dans cette
498
un de ses termes l’étant. Il nous reste à trouver
des
formules d’équilibre ou de compromis tolérables entre ces extrêmes id
499
s doute la première fois dans toute l’histoire qu’
un
même problème crucial se pose au même moment à l’humanité tout entièr
500
éen ». h. Rougemont Denis de, « Le rôle mondial
des
valeurs occidentales », Occident, Bruxelles, octobre 1957, p. 39-42.
501
s pays qui ne se sentent pas ou ne se veulent pas
des
nôtres. L’Occident apporté à l’humanité des connaissances, des méthod
502
t pas des nôtres. L’Occident apporté à l’humanité
des
connaissances, des méthodes et certaines conceptions qui forment un h
503
’Occident apporté à l’humanité des connaissances,
des
méthodes et certaines conceptions qui forment un héritage dont M. de
504
des méthodes et certaines conceptions qui forment
un
héritage dont M. de Rougemont montre l’importance. Philosophe et écri
505
échec serait bientôt mortel. Or le Marché commun
des
Six, la zone de libre-échange des Dix-Sept, et leur future intégratio
506
e Marché commun des Six, la zone de libre-échange
des
Dix-Sept, et leur future intégration dans le cadre d’une Grande Europ
507
-Sept, et leur future intégration dans le cadre d’
une
Grande Europe associée aux nations africaines ne supposent pas seulem
508
aux nations africaines ne supposent pas seulement
une
politique à long terme, mais aussi et peut-être d’abord une préparati
509
que à long terme, mais aussi et peut-être d’abord
une
préparation proprement intellectuelle, par quoi j’entends un vaste ef
510
ion proprement intellectuelle, par quoi j’entends
un
vaste effort de libre réflexion et d’imagination de la part des écono
511
n et d’imagination de la part des économistes, et
une
prise de conscience économique dans le grand public. L’étude des réal
512
nscience économique dans le grand public. L’étude
des
réalités de base et des problèmes présents de l’économie, incroyablem
513
le grand public. L’étude des réalités de base et
des
problèmes présents de l’économie, incroyablement négligée par l’École
514
e, doit devenir partie intégrante de la culture d’
un
honnête homme au xxe siècle, si l’on veut que la démocratie fonction
515
x détermine l’économie de son pays, que ce soit d’
une
manière directe comme en Suisse, ou plus souvent par députés interpos
516
domaine tout au moins. D’autre part, les travaux
des
experts et des économistes professionnels restent généralement inacce
517
u moins. D’autre part, les travaux des experts et
des
économistes professionnels restent généralement inaccessibles au gran
518
que par leurs étudiants et leurs collègues. Entre
un
public ignorant mais qui vote, des experts liés par leur mission, et
519
ollègues. Entre un public ignorant mais qui vote,
des
experts liés par leur mission, et des savants privés d’une large audi
520
s qui vote, des experts liés par leur mission, et
des
savants privés d’une large audience, peu ou point d’échanges efficace
521
ts liés par leur mission, et des savants privés d’
une
large audience, peu ou point d’échanges efficaces. Il faudrait réfléc
522
problèmes sont trop complexes pour le plus génial
des
chercheurs, s’il reste seul. Mais qui le fait ? Les experts des gouve
523
, s’il reste seul. Mais qui le fait ? Les experts
des
gouvernements ne sont pas libres. Les chercheurs libres ne sont pas g
524
de la culture a jugé utile de réunir en séminaire
une
vingtaine d’économistes, à la fois réputés et indépendants, pour leur
525
ants, pour leur poser une question populaire et d’
une
simplicité presque choquante, une question qu’il jugeait présente et
526
populaire et d’une simplicité presque choquante,
une
question qu’il jugeait présente et vraiment agissante dans l’opinion
527
« jouer » ainsi — répugnance sensible dans celles
des
études qu’on va lire qui s’attachent aux résultats acquis plus encore
528
qu’elles se produiraient. Il ne croit guère qu’à
des
fantômes, tandis que les experts croient aux chiffres, et que les mil
529
ut parti pris de militant leur eût paru indigne d’
une
attitude proprement scientifique. Pourtant, un optimisme européen bie
530
d’une attitude proprement scientifique. Pourtant,
un
optimisme européen bien tempéré se dégage de leurs études, dont le pl
531
tour journalistique qui leur eût peut-être assuré
un
succès populaire sans lendemain, au détriment de leur véritable utili
532
ase à plusieurs brochures de large diffusion18, à
des
articles et à des émissions de radio. Mais c’est leur publication en
533
ochures de large diffusion18, à des articles et à
des
émissions de radio. Mais c’est leur publication en recueil qui leur d
534
es, industriels et commerçants, elles apporteront
des
analyses d’une rare objectivité. Que se passerait-il si… ? — Rien ou
535
et commerçants, elles apporteront des analyses d’
une
rare objectivité. Que se passerait-il si… ? — Rien ou presque rien de
536
idité que les totalitaires en apportent à vouloir
un
monde inhumain. Au grand public, ces études donneront une idée précis
537
e inhumain. Au grand public, ces études donneront
une
idée précise de la complexité des problèmes qui se posent, mais aussi
538
tudes donneront une idée précise de la complexité
des
problèmes qui se posent, mais aussi des espoirs autorisés, et dans bi
539
omplexité des problèmes qui se posent, mais aussi
des
espoirs autorisés, et dans bien des cas, assurés. Étrange Europe, qui
540
t, mais aussi des espoirs autorisés, et dans bien
des
cas, assurés. Étrange Europe, qui a tout pour elle si elle s’unit mai
541
s du Marché commun par Raymond Racine, directeur
des
séminaires du CEC ; Marché commun et Euratom , et L’Europe s’inscri
542
Europe et culture (1958)k On peut créer
une
fédération européenne, et il le faut. Mais on ne peut pas créer une c
543
opéenne, et il le faut. Mais on ne peut pas créer
une
culture européenne et personne ne l’a jamais demandé, pour la simple
544
e ne l’a jamais demandé, pour la simple raison qu’
une
culture ne se crée pas comme une institution, et qu’au surplus la cul
545
simple raison qu’une culture ne se crée pas comme
une
institution, et qu’au surplus la culture européenne existe. C’est mêm
546
le, qui nous permet de parler de l’Europe comme d’
une
unité existante, sur laquelle il devient possible de construire notre
547
ale de l’union politique, sont parfois en réalité
des
adversaires politiques de cette union et le sort de la culture leur i
548
s ils sont plus souvent les innocentes victimes d’
une
illusion scolaire : ils ont retenu de leurs manuels que l’Europe se d
549
a conjoncture mondiale du xxe siècle, la culture
des
Européens peut-elle contribuer à cette union, ou bien lui fait-elle o
550
s’assigner toute institution culturelle soucieuse
des
destins de l’Europe. D’une part, une telle institution devra montrer
551
le soucieuse des destins de l’Europe. D’une part,
une
telle institution devra montrer que l’Europe est d’abord une culture,
552
nstitution devra montrer que l’Europe est d’abord
une
culture, qu’elle doit à sa culture d’avoir dominé le monde, qui retou
553
blocs psychologiques » créés dans nos esprits par
une
mauvaise éducation scolaire depuis un siècle, ou résultant de maladie
554
sprits par une mauvaise éducation scolaire depuis
un
siècle, ou résultant de maladies chroniques de notre culture millénai
555
s’unir : tout le monde le sait ; ni en ratifiant
des
traités : personne n’y croit. (On attend de voir…) Et certes il falla
556
ire : unissons-nous ! Certes, il fallait ratifier
des
traités. Mais voilà qui est fait désormais. La condition nécessaire e
557
actions précises : 1° Réduire les préjugés, nés d’
une
mauvaise éducation qui accrédite l’illusion générale de l’existence p
558
vocation, et son avenir si elle s’unit. 3° Créer
des
instruments de coopération pour les différentes branches de la cultur
559
érentes branches de la culture, sans tenir compte
des
frontières nationales quand les problèmes posés débordent les nations
560
erre ? Parallèlement aux mouvements fédéralistes,
une
série d’instituts d’études européennes se créent dès 194620. Ils noue
561
udes européennes se créent dès 194620. Ils nouent
des
liens entre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus d’une vingtai
562
tre eux dès 1950. On en compte aujourd’hui plus d’
une
vingtaine, pour la plupart liés à des universités, ou de rang univers
563
’hui plus d’une vingtaine, pour la plupart liés à
des
universités, ou de rang universitaire. En 1948, le Congrès de l’Europ
564
grès de l’Europe, à La Haye, décide la création d’
un
Centre européen de la culture. Celui-ci se fonde à Genève en l950. No
565
de à Genève en l950. Nous y reviendrons. En 1949,
un
Congrès européen de la culture se réunit à Lausanne, et définit les t
566
en de la culture, du Collège d’Europe (Bruges), d’
une
association des universitaires, et d’un Laboratoire européen de reche
567
, du Collège d’Europe (Bruges), d’une association
des
universitaires, et d’un Laboratoire européen de recherches nucléaires
568
uges), d’une association des universitaires, et d’
un
Laboratoire européen de recherches nucléaires (fondé en 1953 sous le
569
e CERN, à Genève.) Le Conseil de l’Europe, issu d’
une
résolution du congrès de La Haye, est constitué neuf mois plus tard,
570
tué neuf mois plus tard, et comporte dès le début
une
direction culturelle, coiffée d’un Comité d’experts des 16 gouverneme
571
dès le début une direction culturelle, coiffée d’
un
Comité d’experts des 16 gouvernements membres. Il élabore et fait rat
572
rection culturelle, coiffée d’un Comité d’experts
des
16 gouvernements membres. Il élabore et fait ratifier une Convention
573
ouvernements membres. Il élabore et fait ratifier
une
Convention culturelle européenne, convoque deux tables rondes sur l’h
574
convoque deux tables rondes sur l’héritage commun
des
Européens, crée des bourses, organise des expositions de peinture, pa
575
rondes sur l’héritage commun des Européens, crée
des
bourses, organise des expositions de peinture, patronne la révision d
576
commun des Européens, crée des bourses, organise
des
expositions de peinture, patronne la révision des manuels d’histoire,
577
des expositions de peinture, patronne la révision
des
manuels d’histoire, et prépare une série de publications scientifique
578
ne la révision des manuels d’histoire, et prépare
une
série de publications scientifiques. Une Association des universitair
579
prépare une série de publications scientifiques.
Une
Association des universitaires d’Europe et une Association européenne
580
ie de publications scientifiques. Une Association
des
universitaires d’Europe et une Association européenne des enseignants
581
s. Une Association des universitaires d’Europe et
une
Association européenne des enseignants se fondent en 1955 et en 1956…
582
ersitaires d’Europe et une Association européenne
des
enseignants se fondent en 1955 et en 1956… La Journée européenne des
583
fondent en 1955 et en 1956… La Journée européenne
des
écoles propose chaque année des sujets de rédaction sur l’Europe aux
584
ournée européenne des écoles propose chaque année
des
sujets de rédaction sur l’Europe aux élèves des écoles de 7 pays, et
585
e des sujets de rédaction sur l’Europe aux élèves
des
écoles de 7 pays, et donne des prix à 80 d’entre eux, sur plus de 300
586
’Europe aux élèves des écoles de 7 pays, et donne
des
prix à 80 d’entre eux, sur plus de 300 000 participants. Une Fondatio
587
80 d’entre eux, sur plus de 300 000 participants.
Une
Fondation européenne de la culture a été créée à Genève en 1954, et o
588
cette année à Amsterdam. Enfin, la bibliographie
des
volumes, thèses, mémoires et numéros spéciaux de revues sur l’Europe
589
aux défis du temps ? Est-il coordonné à la mesure
des
besoins ? Aurait-il réussi à s’imposer à la conscience des Européens
590
ns ? Aurait-il réussi à s’imposer à la conscience
des
Européens ? Hélas ! la somme totale des budgets annuels de toutes les
591
onscience des Européens ? Hélas ! la somme totale
des
budgets annuels de toutes les organisations que je viens de citer (à
592
truction) équivaudrait à peine aux possibilités d’
une
des « petites » fondations qui existent par milliers en Amérique du N
593
tion) équivaudrait à peine aux possibilités d’une
des
« petites » fondations qui existent par milliers en Amérique du Nord.
594
éduirait vite à ce qu’elle est sur la carte : 4 %
des
terres du globe (et très pauvres en matières premières) ; 2° que la c
595
dent chez eux les empires ascendants et réalistes
des
USA et de l’URSS21. ⁂ Le Centre européen de la culture Sans att
596
re que ce problème ait reçu la moindre promesse d’
un
début de solution raisonnable, le Centre européen de la culture a déc
597
ès brièvement, pour illustrer les considérations,
un
peu théoriques, qui précèdent. La mission générale du CEC est de cont
598
lture dans tous nos peuples, et en leur offrant :
un
lieu de rencontre, des instruments de coordination, un foyer d’études
599
uples, et en leur offrant : un lieu de rencontre,
des
instruments de coordination, un foyer d’études et d’initiatives. Fond
600
eu de rencontre, des instruments de coordination,
un
foyer d’études et d’initiatives. Fondé sous les auspices du Mouvement
601
s auspices du Mouvement européen, le CEC est issu
des
délibérations du congrès de La Haye (mai 1948). Dès février 1949, un
602
congrès de La Haye (mai 1948). Dès février 1949,
un
Bureau d’études s’ouvrait à Genève, chargé d’élaborer le travail de l
603
travail de l’institution projetée, et d’organiser
une
« Conférence européenne de la culture ». Celle-ci se réunit à Lausann
604
alité juridique. Ses ressources sont assurées par
des
dons et subventions provenant de sources privées ou officielles, par
605
res et par la vente de ses publications. Le choix
des
objectifs du CEC est déterminé par deux critères : l’urgence d’un pro
606
CEC est déterminé par deux critères : l’urgence d’
un
problème culturel qui se pose à l’échelle européenne, et ses possibil
607
éenne, et ses possibilités de solution pratiques.
Un
budget réduit au strict minimum opératif, un personnel volontairement
608
ues. Un budget réduit au strict minimum opératif,
un
personnel volontairement restreint, assez peu de papier, une organisa
609
el volontairement restreint, assez peu de papier,
une
organisation constamment subordonnée à l’efficacité, tels sont les tr
610
leur autonomie, tout en agissant dans le cadre d’
un
programme commun. Quelles sont donc les grandes lignes de ce programm
611
grandes lignes de ce programme ? Laissant de côté
des
réalisations passées, qui furent entre autres le Congrès de composite
612
, recherches. Faire l’Europe, c’est d’abord faire
des
Européens, et cela signifie d’une part, éduquer dans les nouvelles gé
613
er dans les nouvelles générations la conscience d’
une
commune appartenance aux formes de pensée et de vie qui définissent n
614
sent notre culture et notre civilisation, au-delà
des
nations actuelles ; d’autre part, exposer l’état présent de l’Europe,
615
Centre a donc suscité dans plusieurs de nos pays
des
expériences-pilotes d’éducation européenne prenant appui soit sur l
616
nne prenant appui soit sur le corps enseignant d’
une
région donnée, soit sur des foyers de culture populaire en milieu rur
617
le corps enseignant d’une région donnée, soit sur
des
foyers de culture populaire en milieu rural ou urbain. Il leur fourni
618
ulaire en milieu rural ou urbain. Il leur fournit
des
moyens audiovisuels d’enseignement, des publications spéciales, des e
619
r fournit des moyens audiovisuels d’enseignement,
des
publications spéciales, des experts ou moniteurs, et des subventions,
620
suels d’enseignement, des publications spéciales,
des
experts ou moniteurs, et des subventions, réparties selon les directi
621
lications spéciales, des experts ou moniteurs, et
des
subventions, réparties selon les directives d’un Comité d’éducateurs
622
des subventions, réparties selon les directives d’
un
Comité d’éducateurs où se trouvent représentés la plupart de nos pays
623
que année six à huit numéros spéciaux consacrés à
des
sujets d’intérêt européen, et largement diffusés en plusieurs langues
624
péen, et largement diffusés en plusieurs langues.
Des
plans de causerie , établis en tenant compte des milieux populaires
625
Des plans de causerie , établis en tenant compte
des
milieux populaires ou des groupes militants auxquels ils s’adressent,
626
tablis en tenant compte des milieux populaires ou
des
groupes militants auxquels ils s’adressent, permettent de multiplier
627
umentés donnés dans de petits groupes de travail.
Un
Service de conférenciers fournit des orateurs aux organisations int
628
de travail. Un Service de conférenciers fournit
des
orateurs aux organisations intéressées par les problèmes européens. U
629
isations intéressées par les problèmes européens.
Une
série, de films documentaires sur l’Europe est en cours de réalisat
630
ées par les services du CEC. Quant au département
des
Recherches, il a déjà organisé deux importants Séminaires, l’un sur l
631
rtants Séminaires, l’un sur l’avenir économique d’
une
Europe sans frontières intérieures l’autre sur les conséquences pour
632
re actuellement trois plans nouveaux : création d’
un
Institut technologique de formation européenne, pour les ingénieurs
633
n européenne, pour les ingénieurs ; convocation d’
une
Conférence « Afrique du Nord-Europe » ; organisation d’un Dialogue As
634
rence « Afrique du Nord-Europe » ; organisation d’
un
Dialogue Asie-Europe. Parallèlement l’Association des instituts d’ét
635
ialogue Asie-Europe. Parallèlement l’Association
des
instituts d’études européennes , qui groupe 19 instituts de niveau un
636
iveau universitaire, et l’Association européenne
des
festivals de musique , qui groupe 21 grands festivals, poursuivent la
637
ar le CEC. Cependant que l’Association européenne
des
enseignants et celle des universitaires d’Europe proposent au CEC une
638
l’Association européenne des enseignants et celle
des
universitaires d’Europe proposent au CEC une forme « fédéraliste » d’
639
elle des universitaires d’Europe proposent au CEC
une
forme « fédéraliste » d’affiliation, sauvegardant l’autonomie des tro
640
raliste » d’affiliation, sauvegardant l’autonomie
des
trois institutions tout en assurant leur plus étroite coopération. ⁂
641
coopération. ⁂ Perspectives Contrairement à
une
opinion fort répandue, mais superficielle, la multiplicité des initia
642
ort répandue, mais superficielle, la multiplicité
des
initiatives européennes dans le domaine très vaste que l’adjectif « c
643
eut servir à désigner (sinon à définir) n’est pas
un
mal en soi, bien au contraire. Cette multiplicité traduit les diversi
644
s diversités réelles et organiques qui sont l’une
des
sources de la vitalité et des tensions fécondes de notre culture. Il
645
ques qui sont l’une des sources de la vitalité et
des
tensions fécondes de notre culture. Il ne s’agit nullement de les uni
646
seules ! — qui semblent bien devoir bénéficier d’
une
intégration plus poussée. À l’heure où les institutions économiques e
647
que possible leurs services et leurs assemblées,
un
effort parallèle doit être entrepris dans le domaine de la culture. C
648
evise, spécifiquement fédéraliste, de cet effort.
Un
autre parallèle s’impose, entre la situation politique et la situatio
649
s unies, menacée dans ses positions mondiales par
des
empires qui l’accusent encore de colonialisme, mais la maintiennent e
650
uveraines » loin de s’additionner pour constituer
une
politique commune, se contredisent souvent et ne convergent jamais, f
651
redisent souvent et ne convergent jamais, faute d’
une
institution unique et compétente. L’Europe a donc besoin d’un ministè
652
on unique et compétente. L’Europe a donc besoin d’
un
ministère des Affaires étrangères européennes. Mais de même, dans le
653
frique et du Moyen-Orient d’autre part, appellent
des
solutions qu’aucun de nos États-nations ne peut élaborer, et moins en
654
urelles européennes qui se fait jour. Le besoin d’
une
coordination entre nos forces culturelles, et le besoin de représenta
655
ivilisations : vue de l’extérieur, l’Europe forme
un
tout évident. En retour, nos différentes nations ne pourront engager
656
de traditions de tous nos peuples. Le Rhin serait
une
frontière naturelle, mais le Danube et le Rhône des liens naturels ?…
657
e frontière naturelle, mais le Danube et le Rhône
des
liens naturels ?…, etc. 20. Voir l’ Annuaire 1957 de l’Association d
658
etc. 20. Voir l’ Annuaire 1957 de l’Association
des
instituts d’études européennes (AIEE) publié en novembre 1957 par le
659
scientifique : les spoutniks ; et le budget total
des
fondations privées aux USA : 10 % du revenu national. k. Rougemont
660
Pourquoi la guerre ?
Un
échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud (avril 1958)l
661
ser les moyens de le prévenir ? On les relit avec
une
sorte d’avidité et d’anxiété rétrospective. L’un se borne à poser des
662
ective. L’un se borne à poser des questions, dans
un
domaine où il n’en sait guère plus que le citoyen raisonnable et moye
663
ein ? Il dit que, la guerre étant devenue le fait
des
nations, il faut créer l’autorité législative et judiciaire qui leur
664
llective » ? C’est écrit de Potsdam et sous l’œil
des
barbares. Freud répond de sa Vienne natale en sursis — elle n’en aura
665
d’Einstein se voit soumis à l’examen analytique d’
un
praticien courtois, mais dénué d’illusions. Non, la force, dit-il, n’
666
ontraire du droit. Car le droit n’est en somme qu’
une
autre forme de la violence inévitable. C’est la violence née de « l’u
667
e « l’union de plusieurs faibles ». La violence d’
un
seul ne peut être brisée que par l’union de ses victimes, fondant sur
668
é ». Mais la Société des Nations ne dispose pas d’
une
force à son échelle et ne provoque pas l’« identification » créatrice
669
à prétendre supprimer les penchants destructeurs
des
hommes. » Mais peut-on les canaliser vers d’autres formes d’expressio
670
; d’autre part, à l’autorité : ce serait celle d’
une
élite véritable de chefs, défenseurs supérieurs qui dirigeraient les
671
vent en présence de la guerre bien autre chose qu’
une
répugnance morale : « une intolérance constitutionnelle ». Comment mu
672
rre bien autre chose qu’une répugnance morale : «
une
intolérance constitutionnelle ». Comment multiplier ce type humain ?
673
s : le développement de la culture, et la crainte
des
effets d’une guerre totale. Einstein propose une seule idée, d’une i
674
ppement de la culture, et la crainte des effets d’
une
guerre totale. Einstein propose une seule idée, d’une irréfutable lo
675
des effets d’une guerre totale. Einstein propose
une
seule idée, d’une irréfutable logique : celle d’un gouvernement mondi
676
uerre totale. Einstein propose une seule idée, d’
une
irréfutable logique : celle d’un gouvernement mondial. J’y reviendrai
677
e seule idée, d’une irréfutable logique : celle d’
un
gouvernement mondial. J’y reviendrai. Pour le reste, son diagnostic j
678
eviendrai. Pour le reste, son diagnostic joue sur
des
images d’Épinal. La « classe régnante » et les marchands de canons ti
679
en Occident, il y a beau temps que ce n’est plus
une
classe ! Les décisions qui font l’histoire concrète, et l’opinion pub
680
qui les prépare, résultent aujourd’hui de l’État,
des
Partis, des Affaires, et parfois des Églises — et non pas de leur com
681
are, résultent aujourd’hui de l’État, des Partis,
des
Affaires, et parfois des Églises — et non pas de leur complicité, mai
682
i de l’État, des Partis, des Affaires, et parfois
des
Églises — et non pas de leur complicité, mais plutôt de leurs dissens
683
seraient toutes dans le même sens à l’intérieur d’
une
même nation, la résultante de leur action serait modifiée ou, dans ce
684
la pression contraire d’autres empires. L’idée d’
une
classe régnante fauteuse de guerre est d’un autre âge, quoique popula
685
ée d’une classe régnante fauteuse de guerre est d’
un
autre âge, quoique populaire. Et l’on peut s’étonner qu’Einstein l’ai
686
a montée d’Hitler au pouvoir, malgré l’opposition
des
partis, des nantis, des Églises et des cadres de l’État, pour une foi
687
itler au pouvoir, malgré l’opposition des partis,
des
nantis, des Églises et des cadres de l’État, pour une fois tous hosti
688
voir, malgré l’opposition des partis, des nantis,
des
Églises et des cadres de l’État, pour une fois tous hostiles à la gue
689
opposition des partis, des nantis, des Églises et
des
cadres de l’État, pour une fois tous hostiles à la guerre. Ce grand h
690
s’exprimait en public. Dans son rôle de critique
des
clichés « pacifistes » Freud, au contraire, paraît plus actuel que ja
691
, cette déclaration signifiait qu’à la violence d’
un
seul s’opposerait la violence née de l’union de ses victimes. Mais, c
692
union, cela revenait à opposer aux chars d’Hitler
une
forte page de rhétorique. Nous voici donc ramenés à la nécessité d’un
693
torique. Nous voici donc ramenés à la nécessité d’
une
autorité supérieure à celle des nations « souveraines ». Einstein et
694
à la nécessité d’une autorité supérieure à celle
des
nations « souveraines ». Einstein et Freud, par des voies différentes
695
s nations « souveraines ». Einstein et Freud, par
des
voies différentes, parviennent à cette même conclusion, mais sont d’a
696
la loi nouvelle ? Tandis que le physicien rêve d’
une
autorité d’ordre moral, le psychologue paraît attendre davantage de
697
emain, écrit Freud, par suite du perfectionnement
des
engins de destruction, équivaudrait à l’extermination de l’un des adv
698
struction, équivaudrait à l’extermination de l’un
des
adversaires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée d’une « paix é
699
nation de l’un des adversaires, et peut-être même
des
deux. » D’où l’idée d’une « paix éternelle » imposée par une arme ass
700
ires, et peut-être même des deux. » D’où l’idée d’
une
« paix éternelle » imposée par une arme assez puissante pour que le p
701
D’où l’idée d’une « paix éternelle » imposée par
une
arme assez puissante pour que le pouvoir central soit obéi… Or, prene
702
lore que le super-État qu’il rêve soit dépourvu d’
une
force à sa mesure. Il la cherche en vain, ne voit rien… Et c’est à lu
703
protester contre le péril atomique, ni d’afficher
un
pacifisme désarmant. Pourtant, un soir de fièvre, il a signé la lettr
704
, ni d’afficher un pacifisme désarmant. Pourtant,
un
soir de fièvre, il a signé la lettre proposant à Roosevelt de fabriqu
705
l’avait inconsciemment conduit à doter l’homme d’
un
suprême instrument de guerre, qui rendrait la guerre impossible ? En
706
fait, la situation s’est renversée. Ce n’est pas
un
super-État qui attend son arme, mais cette arme qui attend un pouvoir
707
t qui attend son arme, mais cette arme qui attend
un
pouvoir à sa taille. Car le second élément fédérateur qu’indiquait Fr
708
e saisissement, ou plus loin, dans le noir absolu
des
espaces intersidéraux ? l. Rougemont Denis de, « Pourquoi la guerr
709
l. Rougemont Denis de, « Pourquoi la guerre ?
Un
échange de lettres prophétique entre Einstein et Freud », Réalités, P
710
Une
expérience de fédéralisme : la Suisse (1959)n 1. Du pacte des co
711
fédéralisme : la Suisse (1959)n 1. Du pacte
des
communes à l’alliance des États (xiiie au xixe siècle) On se fig
712
1959)n 1. Du pacte des communes à l’alliance
des
États (xiiie au xixe siècle) On se figure, et l’on écrit souvent
713
quelque six siècles à la Suisse pour devenir, par
une
évolution, l’État fédéral qu’elle est aujourd’hui. En réalité il a fa
714
’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au terme d’
une
crise de trente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi d’allianc
715
entre petits États souverains, et d’inexistence d’
un
pouvoir central. Et cela s’est produit entre le 17 février et le 17 n
716
emande quelques explications, qui nous obligent à
un
rappel des origines. Les manuels d’histoire suisse donnent la date du
717
lques explications, qui nous obligent à un rappel
des
origines. Les manuels d’histoire suisse donnent la date du 1er août 1
718
le de la naissance de la Confédération. Il y a là
un
étrange anachronisme. Car ce qui se produisit ce jour-là, fut simplem
719
oduisit ce jour-là, fut simplement la signature d’
un
pacte entre les trois « communes » rurales d’Uri, de Schwyz et d’Unte
720
rales d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald, maîtresses
des
débouchés nord du Gothard. Ce col était le seul à relier au travers d
721
thard. Ce col était le seul à relier au travers d’
une
seule chaîne des Alpes les moitiés nord et sud du Saint-Empire. D’où
722
it le seul à relier au travers d’une seule chaîne
des
Alpes les moitiés nord et sud du Saint-Empire. D’où son importance st
723
du col au nom de l’Empire, contre les entreprises
des
féodaux voisins, que les Hohenstaufen donnèrent aux petits peuples de
724
que les Hohenstaufen donnèrent aux petits peuples
des
Waldstätten, déjà organisés en coopératives forestières, l’immédiatet
725
peu d’années après l’ouverture du col. Au nombre
des
seigneurs entreprenants qu’il fallait empêcher de dominer la route fi
726
aient en bonne place les Habsbourg, possesseurs d’
une
série de châteaux au nord de la Suisse actuelle, et qui ne cessaient
727
ut du mois d’août 1291, — « considérant la malice
des
temps, et afin de se défendre et maintenir avec plus d’efficace », le
728
s étaient bien loin de se douter qu’ils fondaient
un
État nouveau, lequel serait un jour, la Suisse. Cette première allian
729
r qu’ils fondaient un État nouveau, lequel serait
un
jour, la Suisse. Cette première alliance locale d’hommes libres des c
730
e. Cette première alliance locale d’hommes libres
des
campagnes, directement inspirée des pactes en vigueur dans les commun
731
hommes libres des campagnes, directement inspirée
des
pactes en vigueur dans les communes lombardes, devait s’élargir et se
732
ardes, devait s’élargir et se compliquer au cours
des
siècles par l’adhésion ou la conquête de communautés voisines, villes
733
fin du xiiie siècle à la fin du xviiie siècle.
Un
enchevêtrement d’alliances particulières et un sens remarquable de la
734
e. Un enchevêtrement d’alliances particulières et
un
sens remarquable de la foi jurée devaient rester, pendant toute cette
735
Le Directoire français, en 1798, tenta d’imposer
une
Constitution unitaire aux cantons. Cette expérience jacobine de « Rép
736
antons. Cette expérience jacobine de « République
une
et indivisible » échoua contre la résistance presque unanime des peup
737
ble » échoua contre la résistance presque unanime
des
peuples et des patriciats dépossédés. Dès 1802, Napoléon écrivait aux
738
ntre la résistance presque unanime des peuples et
des
patriciats dépossédés. Dès 1802, Napoléon écrivait aux délégués helvé
739
it par les événements qui s’y sont succédé depuis
des
siècles, soit par sa situation géographique et topographique, soit pa
740
fédératif. Vouloir la vaincre, ne peut pas être d’
un
homme sage ». En conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’une
741
n conséquence, l’empereur se déclarait partisan d’
une
« organisation fédérative où chaque canton se trouve organisé suivant
742
, l’Acte de Médiation rétablissait l’indépendance
des
cantons. Au lendemain de la chute de l’empereur, en 1815, un nouveau
743
Au lendemain de la chute de l’empereur, en 1815,
un
nouveau Pacte fédéral consacra le retour à l’état de choses prérévolu
744
lutionnaire. Il restaurait la pleine souveraineté
des
cantons, remplaçait le pouvoir central par une simple Diète composée
745
té des cantons, remplaçait le pouvoir central par
une
simple Diète composée de plénipotentiaires des États, et supprimait l
746
ar une simple Diète composée de plénipotentiaires
des
États, et supprimait le terme de « citoyen suisse » qu’avait utilisé
747
étique », ainsi que l’on nommait alors l’ensemble
des
petites républiques et des bailliages occupant l’espace délimité par
748
mmait alors l’ensemble des petites républiques et
des
bailliages occupant l’espace délimité par les Alpes, le Jura, le lac
749
it donc encore, après cinq siècles, guère plus qu’
une
simple Ligue d’États souverains, une alliance visant à assurer leur s
750
uère plus qu’une simple Ligue d’États souverains,
une
alliance visant à assurer leur sécurité collective et à unifier quelq
751
xes d’oligarchies patriciennes pures ou mitigées.
Un
lien si lâche ne représentait en vérité qu’une faible garantie pour l
752
es. Un lien si lâche ne représentait en vérité qu’
une
faible garantie pour l’indépendance des cantons, en un siècle qui all
753
vérité qu’une faible garantie pour l’indépendance
des
cantons, en un siècle qui allait voir surgir deux nouvelles grandes p
754
ible garantie pour l’indépendance des cantons, en
un
siècle qui allait voir surgir deux nouvelles grandes puissances unifi
755
du renforcement de leur unité et de la création d’
un
État. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché la solution de ce
756
ales. Ils ne se demandèrent pas : comment devenir
une
Nation ? mais bien : comment passer d’une alliance d’États (Staatenbu
757
devenir une Nation ? mais bien : comment passer d’
une
alliance d’États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils
758
ent passer d’une alliance d’États (Staatenbund) à
un
État fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pas les seuls à poser ce p
759
ixe siècle, ils furent les seuls à le résoudre d’
une
manière efficace et durable. 2. Crise du Pacte fédéral (1815-1848)
760
olue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain d’
une
guerre civile qui en fit éclater à tous les yeux la gravité littérale
761
aujourd’hui au plan européen pour ne pas corriger
des
erreurs analogues. Les cantons se montraient incapables de pratiquer
762
Les cantons se montraient incapables de pratiquer
une
politique commune à l’égard des grandes nations voisines, mais ils n’
763
ns voisines, mais ils n’hésitaient pas à décréter
des
mesures de blocus contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins de
764
t droits de péages sur les marchandises passant d’
un
canton à un autre ou d’une commune à une autre. « Il y en avait parto
765
péages sur les marchandises passant d’un canton à
un
autre ou d’une commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux
766
marchandises passant d’un canton à un autre ou d’
une
commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux frontières ext
767
passant d’un canton à un autre ou d’une commune à
une
autre. « Il y en avait partout, sauf aux frontières extérieures » rel
768
rafic étranger évitait donc la Suisse. Bien plus,
un
industriel de Saint-Gall avait intérêt à faire passer ses produits de
769
ance plutôt que par les routes suisses traversant
une
douzaine de frontières cantonales, par des routes et des ponts égalem
770
ersant une douzaine de frontières cantonales, par
des
routes et des ponts également frappés de droits. Si l’industrie suiss
771
zaine de frontières cantonales, par des routes et
des
ponts également frappés de droits. Si l’industrie suisse put survivre
772
la haute qualité de sa main-d’œuvre, héritière d’
un
très vieil artisanat : les États faisaient tout pour l’étouffer, sous
773
de leur État. La chancellerie fédérale n’était qu’
un
bureau chargé de préparer les affaires, et changeait de résidence tou
774
xagérait pas. Que pouvait entreprendre, en effet,
une
Confédération qui ne disposait que de contingents militaires levés et
775
les États souverains ? (Elle avait bien en propre
une
« caisse de guerre », et le droit de nommer le Général en chef, son é
776
mais elle n’en dépendait pas moins du bon plaisir
des
cantons, dans ce domaine.) Cependant, la population augmentait rapide
777
) Cependant, la population augmentait rapidement.
Un
prolétariat industriel, misérable et inhumainement exploité s’était f
778
régiments du « service étranger », commandés par
des
fils de familles nobles suisses. Les idées libérales, qu’on nommait a
779
au fusil !)23 qui seules entretenaient l’idéal d’
une
patrie commune et d’une véritable fédération, la Régénération conquit
780
s entretenaient l’idéal d’une patrie commune et d’
une
véritable fédération, la Régénération conquit le pouvoir dans plusieu
781
s plusieurs cantons en vue de hâter l’avènement d’
une
Suisse unie. En 1832, la Diète admit, sous la pression des cantons «
782
e unie. En 1832, la Diète admit, sous la pression
des
cantons « régénérés », le principe d’une révision du Pacte fédéral. U
783
pression des cantons « régénérés », le principe d’
une
révision du Pacte fédéral. Une commission de 15 membres fut chargée d
784
s », le principe d’une révision du Pacte fédéral.
Une
commission de 15 membres fut chargée de rédiger un projet de Constitu
785
e commission de 15 membres fut chargée de rédiger
un
projet de Constitution. Le rapport qu’elle présenta après quelques mo
786
t qu’elle présenta après quelques mois comportait
un
commentaire dû à la plume du délégué de Genève, Pellegrino Rossi24. I
787
quelques passages, qui évoquent irrésistiblement
des
situations que l’Europe a bien connues depuis, aux temps de la Sociét
788
institué en Suisse par le Pacte de 1815 créait «
une
illusion plus dangereuse que l’isolement » par la fausse sécurité qu’
789
tégiques la Suisse, comme si la grande forteresse
des
Alpes était un désert livré au premier occupant ». Il décrivait la pa
790
se, comme si la grande forteresse des Alpes était
un
désert livré au premier occupant ». Il décrivait la paralysie qui fra
791
occupant ». Il décrivait la paralysie qui frappe
une
Diète formée de délégués d’États souverains et non de députés des peu
792
de délégués d’États souverains et non de députés
des
peuples : « Lequel de nous n’a dû souvent déplorer la forme actuelle
793
de nous n’a dû souvent déplorer la forme actuelle
des
délibérations fédérales ? Ces instructions discutées séparément, souv
794
? Ces instructions discutées séparément, souvent
un
peu au hasard, dans vingt-deux législatures, dont les unes ne connais
795
trées… Les magistrats directeurs se trouvent dans
une
situation fausse. Ils doivent, pour ainsi dire, servir deux maîtres,
796
Il n’est, ce me semble, aucun motif de conserver
un
pareil état de choses… Rien ne milite en sa faveur, pas même la raiso
797
rale dans l’élite et les masses : « Oui, l’idée d’
une
commune patrie ne nous est point étrangère… Et quoi qu’en disent les
798
t étrangère… Et quoi qu’en disent les détracteurs
des
temps modernes, c’est une des gloires de ces temps, que cette idée ai
799
disent les détracteurs des temps modernes, c’est
une
des gloires de ces temps, que cette idée ait acquis plus de netteté,
800
ent les détracteurs des temps modernes, c’est une
des
gloires de ces temps, que cette idée ait acquis plus de netteté, ce s
801
littéraires et savantes, les vœux, les projets d’
un
grand nombre de cantons, et cette anxiété elle-même, et ce malaise gé
802
sible de méconnaître, et cette espérance que dans
un
nouveau Pacte, dans une confédération plus solide, doit se trouver le
803
t cette espérance que dans un nouveau Pacte, dans
une
confédération plus solide, doit se trouver le remède aux maux qui aff
804
se résumait essentiellement dans l’idée de créer
un
équilibre vivant entre la souveraineté des cantons et leur union ress
805
e créer un équilibre vivant entre la souveraineté
des
cantons et leur union resserrée, les cantons conservant « tous les dr
806
expressément cédés au pouvoir fédéral ». La Ligue
des
cantons, enfin dotée d’organes législatifs, exécutifs, judiciaires, a
807
tratifs et militaires, devait être transformée en
un
État moderne de forme fédérative. L’éloquence de Rossi ne parvint pas
808
aux jugèrent le projet timide et trop respectueux
des
souverainetés, les conservateurs et les catholiques le jugèrent révol
809
a en 1833, après l’avoir plusieurs fois renvoyé à
des
commissions. Trois cantons seulement avaient osé le proposer à la rat
810
alifié de « national » à l’époque. C’est ainsi qu’
un
député (le grand savant A.-P. de Candolle) pouvait s’écrier en 1832 a
811
: « Que veulent les partisans du nouveau Pacte ?…
Une
république fédérative au lieu d’une réunion d’États souverains ! Avec
812
veau Pacte ?… Une république fédérative au lieu d’
une
réunion d’États souverains ! Avec une position géographique, des mœur
813
e au lieu d’une réunion d’États souverains ! Avec
une
position géographique, des mœurs, des antécédents, une langue, qui no
814
tats souverains ! Avec une position géographique,
des
mœurs, des antécédents, une langue, qui nous distingue des confédérés
815
ains ! Avec une position géographique, des mœurs,
des
antécédents, une langue, qui nous distingue des confédérés, nous ne p
816
osition géographique, des mœurs, des antécédents,
une
langue, qui nous distingue des confédérés, nous ne pouvons vouloir un
817
, des antécédents, une langue, qui nous distingue
des
confédérés, nous ne pouvons vouloir un ordre de choses qui nous engag
818
distingue des confédérés, nous ne pouvons vouloir
un
ordre de choses qui nous engagerait au sacrifice de notre nationalité
819
s engagerait au sacrifice de notre nationalité. »
Un
autre député qualifiait de « chimère » l’idée d’une Union suisse s’op
820
n autre député qualifiait de « chimère » l’idée d’
une
Union suisse s’opposant aux seules réalités solides : le sentiment na
821
olides : le sentiment national et la souveraineté
des
cantons. Cependant la « chimère » restait à l’ordre du jour, même au
822
et d’union l’avaient dénoncé comme introduisant «
un
brandon de discorde » parmi les cantons : il le devint en effet, de p
823
et à refuser les évidences du bien commun, au nom
des
préjugés de la souveraineté. Les cantons catholiques, où le parti con
824
ur restait le maître, n’hésitèrent pas à conclure
une
alliance séparée, le Sonderbund, et à négocier l’intervention des pui
825
arée, le Sonderbund, et à négocier l’intervention
des
puissances de la Sainte-Alliance, qui avaient imposé et garanti le Pa
826
du roi de Prusse. La France lui fournit en secret
des
canons et des fusils. Lorsque les cantons libéraux décrétèrent le ban
827
se. La France lui fournit en secret des canons et
des
fusils. Lorsque les cantons libéraux décrétèrent le bannissement de l
828
s libéraux décrétèrent le bannissement de l’ordre
des
jésuites, en 1847, la guerre civile éclata. Les libéraux (ou « radica
829
Révolution) : il pressentait que l’instauration d’
une
Suisse unie et libérale donnerait le signal du renversement de l’ordr
830
ar l’opinion européenne, et apporta par son issue
un
encouragement efficace aux libéraux. Mais il convient de souligner qu
831
l convient de souligner qu’en retour, l’imminence
des
révolutions de 1848 fut un facteur important du succès des radicaux s
832
n retour, l’imminence des révolutions de 1848 fut
un
facteur important du succès des radicaux suisses : elle retarda ou mê
833
utions de 1848 fut un facteur important du succès
des
radicaux suisses : elle retarda ou même paralysa l’action des Puissan
834
suisses : elle retarda ou même paralysa l’action
des
Puissances. La campagne fut menée avec décision, rapidité et humanité
835
s, ils contribuèrent à couvrir la dette de guerre
des
catholiques. Et dans l’atmosphère de réconciliation nationale ainsi c
836
d’entreprendre sans plus de délai la rédaction d’
une
Constitution fédérale. Plus qu’une victoire des protestants sur les c
837
la rédaction d’une Constitution fédérale. Plus qu’
une
victoire des protestants sur les catholiques, la guerre du Sonderbund
838
d’une Constitution fédérale. Plus qu’une victoire
des
protestants sur les catholiques, la guerre du Sonderbund venait de ma
839
uerre du Sonderbund venait de marquer le triomphe
des
fédéralistes sur les nationalistes cantonaux. 3. De la Ligue d’Éta
840
transformation de leur séculaire Ligue d’États en
un
État fédératif durable et fort. La commission de révision, nommée par
841
on de révision, nommée par la Diète et comprenant
un
délégué par canton, se réunit pour la première fois le 17 février 184
842
la première fois le 17 février 1848. La majorité
des
commissaires étaient des chefs de gouvernements cantonaux ou des magi
843
évrier 1848. La majorité des commissaires étaient
des
chefs de gouvernements cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’autr
844
s étaient des chefs de gouvernements cantonaux ou
des
magistrats supérieurs, d’autres des commerçants, des médecins, d’anci
845
cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’autres
des
commerçants, des médecins, d’anciens commandants de divisions de l’ar
846
magistrats supérieurs, d’autres des commerçants,
des
médecins, d’anciens commandants de divisions de l’armée victorieuse ;
847
orieuse ; tous hommes d’expérience politique, pas
un
seul publiciste ou pur intellectuel. Dès la première réunion, ils déc
848
ui « à peu d’exceptions près — comme le déclarait
un
des membres — relatent ordinairement le contraire de ce qui s’est dit
849
« à peu d’exceptions près — comme le déclarait un
des
membres — relatent ordinairement le contraire de ce qui s’est dit dan
850
dinairement le contraire de ce qui s’est dit dans
une
commission ». En sept semaines, au cours de 31 séances plénières, ils
851
au cours de 31 séances plénières, ils élaborèrent
un
projet de 17 articles. Nombre de ces articles s’inspiraient du projet
852
mais les plus importants furent le fruit original
des
discussions du groupe. Dès le 15 mai, le projet ayant été transmis pr
853
a Diète en aborda l’examen. Une première lecture,
un
renvoi de quelques articles à une Commission, une seconde lecture et
854
remière lecture, un renvoi de quelques articles à
une
Commission, une seconde lecture et le vote final ne prirent en tout q
855
un renvoi de quelques articles à une Commission,
une
seconde lecture et le vote final ne prirent en tout que six semaines.
856
e projet était accepté par les deux tiers environ
des
représentants des cantons. La ratification populaire devait avoir lie
857
epté par les deux tiers environ des représentants
des
cantons. La ratification populaire devait avoir lieu avant le 1er sep
858
e mois d’août. Le 4 septembre, la Diète se réunit
une
dernière fois pour prendre connaissance des résultats : 15 cantons et
859
éunit une dernière fois pour prendre connaissance
des
résultats : 15 cantons et demi contre 6 et demi et 170 000 électeurs
860
l’élection du premier Conseil fédéral, inaugurant
un
régime qui ne devait plus être remis en question jusqu’à nos jours. L
861
l de la nouvelle Suisse unie fut immédiat. Aucune
des
catastrophes prédites et calculées par les adversaires de la fédérati
862
de la fédération ne se produisit. Souple synthèse
des
autonomies locales ou cantonales d’une part, des nécessités pratiques
863
des autonomies locales ou cantonales d’une part,
des
nécessités pratiques de l’union d’autre part, la Constitution de 1848
864
par ces chambres réunies, combine les attributs d’
un
chef d’État à sept têtes et d’un cabinet de ministres ; on ne peut ch
865
les attributs d’un chef d’État à sept têtes et d’
un
cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’un de ses membres da
866
cabinet de ministres ; on ne peut choisir plus d’
un
de ses membres dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît des d
867
sir plus d’un de ses membres dans le même canton.
Un
Tribunal fédéral connaît des différends de droit civil entre l’État c
868
dans le même canton. Un Tribunal fédéral connaît
des
différends de droit civil entre l’État central et les cantons, corpor
869
oriquement tenu pour « insoluble » de l’abolition
des
souverainetés nationales se trouve résolu par un compromis qui, plus
870
des souverainetés nationales se trouve résolu par
un
compromis qui, plus qu’à la logique, satisfait au bon sens. Escamotag
871
tient en trois articles : Article 1. Les peuples
des
vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alli
872
le établit l’égalité devant la loi ; qu’elle crée
une
armée fédérale ; qu’elle supprime les péages intérieurs et reporte le
873
t le domaine culturel et éducatif à la discrétion
des
cantons ; qu’enfin elle prévoit une procédure de révision « en tout t
874
la discrétion des cantons ; qu’enfin elle prévoit
une
procédure de révision « en tout temps » par initiative populaire ou p
875
mentaire — on aura rappelé l’essentiel de l’œuvre
des
constituants de 1848. Une quarantaine de révisions partielles, et la
876
l’essentiel de l’œuvre des constituants de 1848.
Une
quarantaine de révisions partielles, et la révision générale (de tend
877
partielles, et la révision générale (de tendance
un
peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’en ont changé depuis plus
878
ce) opérée en 1874, n’en ont changé depuis plus d’
un
siècle ni l’esprit ni le caractère spécifiquement fédéralistes. 4.
879
i le caractère spécifiquement fédéralistes. 4.
Une
expérience-témoin L’adoption de la Constitution de 1848 est saluée
880
itution de 1848 est saluée par la quasi-unanimité
des
historiens suisses comme l’événement capital de l’histoire des Conféd
881
s suisses comme l’événement capital de l’histoire
des
Confédérés. Elle tira les leçons de cinq siècles d’expériences souven
882
devoirs lentement élaborés par les divers régimes
des
républiques locales, et créa d’un seul coup l’État qui se nomme désor
883
e processus-éclair (9 mois en tout !) succédait à
une
longue période de crise et à des siècles de refus obstiné de tout pou
884
t !) succédait à une longue période de crise et à
des
siècles de refus obstiné de tout pouvoir central. L’absence de public
885
é de tout pouvoir central. L’absence de publicité
des
débats et le soin que l’on apporta à ne point passionner les esprits
886
à ne point passionner les esprits (au lendemain d’
une
guerre civile et religieuse)25 contribua sans nul doute à cette célér
887
nstitution fédérale fut présentée au peuple comme
un
compromis, non point comme le gage du triomphe des radicaux. À vrai d
888
un compromis, non point comme le gage du triomphe
des
radicaux. À vrai dire, elle portait toutes les marques de cette modér
889
rques de cette modération, née du juste équilibre
des
contraires, qui dénote la présence d’un sentiment fédéraliste authent
890
quilibre des contraires, qui dénote la présence d’
un
sentiment fédéraliste authentique… Nulle mesure de transition ne fut
891
et nul délai d’application. Or la suppression, d’
un
trait de plume, des douanes intérieures et des entraves au libre étab
892
lication. Or la suppression, d’un trait de plume,
des
douanes intérieures et des entraves au libre établissement des citoye
893
, d’un trait de plume, des douanes intérieures et
des
entraves au libre établissement des citoyens d’un canton dans un autr
894
ntérieures et des entraves au libre établissement
des
citoyens d’un canton dans un autre, avait été présentée par les oppos
895
es entraves au libre établissement des citoyens d’
un
canton dans un autre, avait été présentée par les opposants comme dev
896
libre établissement des citoyens d’un canton dans
un
autre, avait été présentée par les opposants comme devant fatalement
897
vie économique du pays. On prédisait la faillite
des
industries « protégées », l’envahissement des cantons riches par la m
898
ite des industries « protégées », l’envahissement
des
cantons riches par la main-d’œuvre des cantons pauvres, enfin le nive
899
ahissement des cantons riches par la main-d’œuvre
des
cantons pauvres, enfin le nivellement au plus bas des diversités cult
900
cantons pauvres, enfin le nivellement au plus bas
des
diversités culturelles, des coutumes et traditions locales si chères
901
vellement au plus bas des diversités culturelles,
des
coutumes et traditions locales si chères aux Suisses. Ce furent ces c
902
, chimères et utopies ». L’ascension économique d’
un
riche canton industriel comme Zurich fut immédiate ; celle d’un pauvr
903
n industriel comme Zurich fut immédiate ; celle d’
un
pauvre canton rural comme Glarus (son voisin) plus lente, mais certai
904
produisit, en dépit de la suppression instantanée
des
frontières économiques. Notons en passant qu’il n’est pas un des argu
905
es économiques. Notons en passant qu’il n’est pas
un
des arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été repris, da
906
économiques. Notons en passant qu’il n’est pas un
des
arguments des opposants à l’union suisse qui n’ait été repris, dans l
907
otons en passant qu’il n’est pas un des arguments
des
opposants à l’union suisse qui n’ait été repris, dans les débats actu
908
er. A-t-on pris garde qu’il fallait trois jours à
un
député des Grisons pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’un
909
pris garde qu’il fallait trois jours à un député
des
Grisons pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’une matinée à
910
s pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’
une
matinée à un délégué grec ou scandinave pour se rendre à Paris ou à B
911
re à Berne, tandis qu’il ne faut qu’une matinée à
un
délégué grec ou scandinave pour se rendre à Paris ou à Bruxelles ? L’
912
ue ne l’étaient les paysans primitifs d’Appenzell
des
patriciens cosmopolites de Genève ; ils sont moins nombreux, et souve
913
de moins ancienne tradition nationale… Si, à bien
des
égards, la formation de la Suisse comme État représente une expérienc
914
, la formation de la Suisse comme État représente
une
expérience de laboratoire annonçant des applications futures à grande
915
eprésente une expérience de laboratoire annonçant
des
applications futures à grande échelle, il faut relever qu’à son époqu
916
jà, le pacte de 1291, dernier reflet du mouvement
des
communes italiennes, françaises et flamandes, était apparu comme une
917
nnes, françaises et flamandes, était apparu comme
une
réaction tardive, une exception, dont les destinées devaient être exc
918
amandes, était apparu comme une réaction tardive,
une
exception, dont les destinées devaient être exceptionnellement heureu
919
nale au Moyen Âge ; elle représente le résultat d’
une
révolution générale qui a été vaincue partout ailleurs »26. De même,
920
xplosion d’enthousiasme et de violence populaire.
Une
dernière remarque s’impose. Elle concerne le sens du mot fédéralisme,
921
l’histoire suisse. Les radicaux de 1848 voulaient
une
vraie fédération, mais ils passaient pour des centralistes unitaires.
922
ent une vraie fédération, mais ils passaient pour
des
centralistes unitaires. Leurs ennemis, catholiques et conservateurs,
923
e diminuer les souverainetés locales et d’établir
un
lien fédéral efficace. De nos jours encore, ceux qui s’intitulent « f
924
ralistes » au plan européen, sont les partisans d’
une
union institutionnelle de nos pays. Cette contradiction apparente et
925
de l’union quand les diversités tendent à devenir
des
divisions, — ou le thème des autonomies locales, quand l’union tend à
926
és tendent à devenir des divisions, — ou le thème
des
autonomies locales, quand l’union tend à devenir unification forcée.
927
ècle. Nous ne pouvons songer à en donner ici même
un
aperçu : la Suisse compte 25 cantons ! Les meilleurs ouvrages d’ensem
928
’histoire suisse considérée dans son unité datent
des
débuts du xxe siècle : H. Barth, Bibliographie der Schweizergeschic
929
r les origines : Karl Meyer, Ueber die Einwirkung
des
Gotthardpasses auf die Anfänge der Eidgenossenschaft, in « Geschichts
930
its du Protocole de la Commission constituante et
des
journaux privés des membres de la Commission). Voir aussi : Fritz Fle
931
la Commission constituante et des journaux privés
des
membres de la Commission). Voir aussi : Fritz Fleiner, Entstehung und
932
le Genevois Eynard — et trouva dans cette passion
un
idéal commun, associant toutes les classes et toutes les régions. 24
933
une de ses patries d’adoption.) 25. Sur le total
des
citoyens ayant le droit de vote, 55 % à peine se dérangèrent pour acc
934
urich, 1925, I, p. 79. n. Rougemont Denis de, «
Une
expérience de fédéralisme : la Suisse », L’Europe du XIXe et du XXe s
935
rope disparaissait, le monde perdrait le secret d’
un
certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès,
936
e monde perdrait le secret d’un certain équilibre
des
contraires, d’une certaine formule du progrès, qui est l’accroissemen
937
e secret d’un certain équilibre des contraires, d’
une
certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque humain
938
e notre inquiétude, inséparable de la condition d’
un
homme localement déterminé qui cependant veut l’universel. Denis de R
939
e sa nature et de transcender son destin au nom d’
une
vocation universelle. Qu’est-ce en somme que la Renaissance ? Sinon l
940
t germanique, arabe enfin ; et leur fusion dégage
une
énergie dont le champ ne saurait être que la planète entière, conquér
941
t le monde : elle l’a fait. Épousons cette idée d’
une
Europe qui n’existe que dans son dépassement et qui ne serait pas ell
942
a conçu l’idée d’humanité, la vision planétaire d’
un
genre humain issu du Dieu unique de la Genèse et destiné au grand ras
943
de la Genèse et destiné au grand rassemblement «
des
nations et des langues » qu’annonce l’Apocalypse. Avec cette source j
944
t destiné au grand rassemblement « des nations et
des
langues » qu’annonce l’Apocalypse. Avec cette source judéo-chrétienne
945
ue loue Alexandre d’avoir voulu « réunir comme en
un
seul grand vase tous les peuples du monde entier » et d’avoir « ordon
946
sprit de solidarité évangélique — que tous soient
un
comme les membres variés d’un même corps, participant du même Esprit
947
e — que tous soient un comme les membres variés d’
un
même corps, participant du même Esprit — et des notions conjointes d’
948
d’un même corps, participant du même Esprit — et
des
notions conjointes d’Église et de personne dériveront plus tard le dr
949
lise et de personne dériveront plus tard le droit
des
gens, les droits de l’homme, et l’idée d’une « histoire universelle »
950
roit des gens, les droits de l’homme, et l’idée d’
une
« histoire universelle », dès Augustin. Dira-t-on que les spécialiste
951
gustin. Dira-t-on que les spécialistes retrouvent
des
notions analogues dans les religions de l’Inde et de la Chine ? Ces s
952
ative d’associer les nations de toute la terre en
un
seul corps. 2. C’est l’Europe qui a donné naissance à la seule civili
953
’il régnait sur le monde : il n’en connaissait qu’
un
canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’une illusion semblable lor
954
qu’un canton. Mais nous ne sommes pas victimes d’
une
illusion semblable lorsque nous constatons que tous les peuples d’une
955
le lorsque nous constatons que tous les peuples d’
une
planète entièrement inventoriée adoptent aujourd’hui nos sciences et
956
élires caractéristiques, dont le nationalisme est
un
tragique exemple. Chose étrange, c’est avec la fin de l’ère du coloni
957
. C’est l’Europe qui peut seule animer le courant
des
échanges mondiaux. Car c’est elle qui les a mis en branle dès l’époqu
958
r c’est elle qui les a mis en branle dès l’époque
des
grandes découvertes, en balisant les voies du commerce maritime. C’es
959
me honni fut aussi la première « mise en valeur »
des
possibilités complémentaires qu’offrent aux hommes les variétés conti
960
les variétés continentales. Ne parlons pas ici d’
une
vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’une nécessité, qui n’en dic
961
i d’une vocation de l’Europe ; il ne s’agit que d’
une
nécessité, qui n’en dicte pas moins une politique mondiale. À la veil
962
git que d’une nécessité, qui n’en dicte pas moins
une
politique mondiale. À la veille de la guerre de 1914, les échanges de
963
% de son commerce. Aujourd’hui, les importations
des
États-Unis ne correspondent qu’à 4 % de leur revenu national. L’Europ
964
rien sans le monde : elle doit être mondiale, par
une
nécessité vitale. 4. C’est l’Europe qui représente aujourd’hui non se
965
paléontologie, la paléographie, le déchiffrement
des
langues mortes, l’édition critique des palimpsestes, la datation par
966
hiffrement des langues mortes, l’édition critique
des
palimpsestes, la datation par le carbone 14, la manie publique et pri
967
on par le carbone 14, la manie publique et privée
des
collections, l’enregistrement des folklores sur disques, l’exploratio
968
lique et privée des collections, l’enregistrement
des
folklores sur disques, l’exploration systématique, les fouilles, les
969
êtes sociologiques en 7 volumes sur les indigènes
des
îles Trobriand, les films et les microfilms accumulés dans les archiv
970
ofilms accumulés dans les archives ; ce Musée est
une
invention, cette Mémoire du Monde est un acte, et cette immense Récap
971
sée est une invention, cette Mémoire du Monde est
un
acte, et cette immense Récapitulation du genre humain est une créatio
972
cette immense Récapitulation du genre humain est
une
création de l’histoire. Qui d’autre que l’Europe a su tendre ce piège
973
iole les tabous, mais qu’entoure le respect sacré
des
foules. Résumons cela ; je vois l’Asie sous-développée courir après l
974
ssie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est
une
invention de l’Europe. Europe, patrie de la Mémoire et de l’invention
975
ai que le monde, irréductiblement, tend à devenir
un
organisme, on ne voit pas quelle autre partie de ce grand corps peut
976
t prédestinée. Du seul point de vue de l’économie
des
échanges, elle n’est rien si elle n’est pas l’animatrice d’une circul
977
elle n’est rien si elle n’est pas l’animatrice d’
une
circulation planétaire. Qui peut en dire autant dans notre siècle ? L
978
oir industrielle. L’URSS vit en autarcie, grâce à
des
conditions qui rappellent l’esclavage à l’intérieur, le servage chez
979
mais ils n’y sont pas vitalement contraints. Part
des
importations dans le revenu national : 4 %, ne l’oublions pas. L’Euro
980
r elle-même. L’Europe seule ne peut plus se payer
une
politique provincialiste. Elle se voit condamnée par l’histoire à rep
981
par l’histoire à reprendre son rôle d’animatrice
des
échanges internationaux. Par quoi n’entendez point je ne sais quel le
982
s hégémonie — ce qu’elle fut dès la Renaissance :
une
fonction mondiale, un foyer, une perpétuelle puissance de dépassement
983
e fut dès la Renaissance : une fonction mondiale,
un
foyer, une perpétuelle puissance de dépassement d’elle-même. À cet ap
984
la Renaissance : une fonction mondiale, un foyer,
une
perpétuelle puissance de dépassement d’elle-même. À cet appel, toutef
985
e me rappelle ce jeune Oriental qui disait devant
un
congrès d’étudiants internationaux : « Nous détestons pour telle rais
986
sités externes et globales, dictées par l’attente
des
élites d’outre-mer et par la conjoncture mondiale, répondent les néce
987
fin. Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à
une
défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résou
988
hommes d’État, victimes généralement vertueuses d’
un
vocabulaire périmé, qui plaît aux foules. Cet irréalisme têtu, ce sen
989
ces, quand il est clair que vouloir s’isoler dans
une
souveraineté vide de tout contenu économique ou politique ne saurait
990
ne mène pratiquement qu’à tomber sous la coupe d’
un
des deux « grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’est aussi
991
mène pratiquement qu’à tomber sous la coupe d’un
des
deux « grands ». L’Espagne est souveraine, la Hongrie l’est aussi… La
992
uveraine, la Hongrie l’est aussi… La France est «
un
grand pays qui n’a besoin de personne ». L’Angleterre est liée aux do
993
e qu’elle est au centre de l’Europe, et à cause d’
une
histoire très ancienne ; l’Autriche est neutre aussi parce qu’elle to
994
sur l’histoire et mettons entre parenthèses l’ère
des
souverainetés nationales, irréductibles mais fictives. Nous voyons co
995
ectives de la conjoncture mondiale. Tenant compte
des
unes et des autres, comment concevoir cette union ? On ne peut l’imag
996
a conjoncture mondiale. Tenant compte des unes et
des
autres, comment concevoir cette union ? On ne peut l’imaginer que féd
997
édérale, si le fédéralisme est bien compris comme
une
méthode d’union dans la diversité. Or cette méthode n’est pas seuleme
998
, elle est l’Europe en tant que pouvoir créateur.
Une
Europe uniformisée perdrait sa force principale : l’indiscipline fonc
999
ait sa force principale : l’indiscipline foncière
des
vocations personnelles et communautaires. C’est de l’ensemble des ten
1000
rsonnelles et communautaires. C’est de l’ensemble
des
tensions valables et fécondes qui la tissent depuis deux-mille ans qu
1001
ue l’Europe a tiré son dynamisme incomparable. Qu’
un
tel régime n’aille pas sans grands risques, toutes nos guerres le dém
1002
rts-circuits ne doit pas entraîner la suppression
des
installations électriques, productrices de lumière et d’énergie, — co
1003
nt en somme, au nom de la paix, les neutralistes.
Un
certain rationalisme aplati, une certaine logique prétendue cartésien
1004
les neutralistes. Un certain rationalisme aplati,
une
certaine logique prétendue cartésienne, mais qui n’est guère que l’es
1005
’ensemble harmonique (rien de plus fédéraliste qu’
un
chœur ou qu’un orchestre, créations typiques de l’Europe). Prenez la
1006
nique (rien de plus fédéraliste qu’un chœur ou qu’
un
orchestre, créations typiques de l’Europe). Prenez la peinture : les
1007
mêle pour simplifier, ce qui ne donne que le brun
des
uniformes. Prenez, le corps humain. Prenez, la vie. Tout ce qui vit,
1008
l’Europe, et n’ayant d’autre but que d’entretenir
un
foyer permanent d’animation mondiale des échanges, ne saurait se défi
1009
ntretenir un foyer permanent d’animation mondiale
des
échanges, ne saurait se définir en termes jacobins de nation, de supe
1010
nie continentale. Nos États se définissent depuis
des
siècles par les frontières de leur domaine, auxquelles ils tentent ab
1011
ne, auxquelles ils tentent abusivement de réduire
des
réalités aussi hétérogènes que la langue, la défense militaire, la re
1012
la fige dans les manuels scolaires et le système
des
échanges économiques, voire culturels, qui est mouvant par définition
1013
paysanne et bourgeoise, cadastrale et chicanière
des
âges prétechniques. C’est elle encore qui impose aux services de l’Ét
1014
ices de l’État la tâche idiote de faire coïncider
des
surfaces et des dogmes, des accidents de terrain jadis notables et de
1015
a tâche idiote de faire coïncider des surfaces et
des
dogmes, des accidents de terrain jadis notables et des organigrammes
1016
te de faire coïncider des surfaces et des dogmes,
des
accidents de terrain jadis notables et des organigrammes de lignes aé
1017
ogmes, des accidents de terrain jadis notables et
des
organigrammes de lignes aériennes. L’Europe unie du xxe siècle, fonc
1018
rait donc être conçue selon le modèle archaïque d’
un
État-nation. Les questions de bornes et de passeports n’ont plus de q
1019
l’intéresser. Le problème, sans cesse reposé par
des
historiens amateurs, des limites exactes de l’Europe, loin d’être un
1020
e, sans cesse reposé par des historiens amateurs,
des
limites exactes de l’Europe, loin d’être un sérieux « préalable », es
1021
urs, des limites exactes de l’Europe, loin d’être
un
sérieux « préalable », est une simple sottise à l’âge des ondes et de
1022
Europe, loin d’être un sérieux « préalable », est
une
simple sottise à l’âge des ondes et des fusées intercontinentales. Un
1023
eux « préalable », est une simple sottise à l’âge
des
ondes et des fusées intercontinentales. Un pôle d’énergie n’est pas d
1024
le », est une simple sottise à l’âge des ondes et
des
fusées intercontinentales. Un pôle d’énergie n’est pas défini par ses
1025
l’âge des ondes et des fusées intercontinentales.
Un
pôle d’énergie n’est pas défini par ses « limites », mais par l’inten
1026
ensité de son pouvoir d’attraction et d’émission.
Un
bassin fluvial n’est pas défini par son contour, mais par sa navigabi
1027
défini par son contour, mais par sa navigabilité.
Une
personne n’est pas définie par sa fiche de police. Déclencher un p
1028
pas définie par sa fiche de police. Déclencher
un
processus d’union C’est dans cette perspective ouverte et dynamiqu
1029
s cette perspective ouverte et dynamique, celle d’
une
méthode pour fomenter de l’universel, non d’une nation reculant un pe
1030
d’une méthode pour fomenter de l’universel, non d’
une
nation reculant un peu ses bornes, que doit être considérée l’union p
1031
omenter de l’universel, non d’une nation reculant
un
peu ses bornes, que doit être considérée l’union partielle des six pa
1032
ornes, que doit être considérée l’union partielle
des
six pays qui ont initié le Marché commun. Ceux qui reprochent aux aut
1033
sent aujourd’hui à la Petite Europe, déjà réelle,
une
Grande Europe qu’ils n’ont cessé depuis dix ans de refuser comme utop
1034
re, que cette Petite Europe (qui égale sur plus d’
un
point les grands États-Unis et dépasse bien souvent le « colosse » so
1035
uvent le « colosse » soviétique) n’est au fond qu’
une
mesure de fortune : sans elle, pourtant, rien ne se fût mis en branle
1036
e se fût mis en branle et l’on ne parlerait pas d’
une
zone de libre-échange. L’objectif évident des Six étant de déclencher
1037
s d’une zone de libre-échange. L’objectif évident
des
Six étant de déclencher un processus d’union, il serait manqué si les
1038
e. L’objectif évident des Six étant de déclencher
un
processus d’union, il serait manqué si les Six, dès maintenant, tenta
1039
forcée. En revanche, vouloir ou escompter l’échec
des
Six serait adopter en fait la politique du Kremlin, très alertée sur
1040
sé, pour ce jour-là précisément, la publication d’
une
interview « sensationnelle », d’ailleurs prise trois semaines auparav
1041
trois semaines auparavant et qui chassa l’Europe
des
grands titres…) Opposer la Petite Europe à la Grande est un double no
1042
titres…) Opposer la Petite Europe à la Grande est
un
double non-sens ; c’est d’abord méconnaître sans nulle raison avouabl
1043
nnaître la nature même du processus d’association
des
Six, étonnamment conforme à la définition que je proposais plus haut
1044
s haut de l’Europe comme fonction, c’est-à-dire d’
une
Europe qui ne serait pas elle-même si elle ne tendait sans cesse à êt
1045
ièrement européen dans l’existence encore fragile
des
Six, c’est qu’ils sont vitalement intéressés à devenir ces Dix-Sept q
1046
u total vingt-trois, qui se trouve être le nombre
des
fils de ce Japhet auquel fut dévolue l’Europe — l’Asie allant à Sem,
1047
ant à Sem, l’Afrique à Chain — selon la tradition
des
Pères de l’Église. Et quand les descendants de ces vingt-trois fils (
1048
langues », selon les textes) se verront réunis en
une
famille, ils sauront bien, c’est dans leur sang, que l’Europe entière
1049
est dans leur sang, que l’Europe entière n’est qu’
un
appel au monde. Quelles sont les chances actuelles de notre union, en
1050
toire, a su rendre effective l’implicite ambition
des
civilisations majeures : étendre au monde entier ses mesures et ses l
1051
ement, seule encore dans l’histoire, a su devenir
une
culture de dialogue, de discussion critique de ses propres fondements
1052
e discussion critique de ses propres fondements :
une
culture de la liberté, et qui trouve dans les risques qu’elle assume,
1053
sûres de durer. Ce fait patent, sans précédent, d’
une
culture devenue planétaire (et sans rivaux sérieux, j’y reviendrai) n
1054
s du romantisme qui n’avaient pas attendu Valéry,
une
habitude de pensée pessimiste s’est installée dans nos esprits. Non s
1055
i : toute grandeur serait suivie nécessairement d’
une
décadence. Cette erreur s’explique en partie par le fait que les aute
1056
aisser d’héritage actif ; celle de Lascaux, celle
des
Mayas, celle des Aztèques, sauvées seulement par quelques œuvres d’ar
1057
actif ; celle de Lascaux, celle des Mayas, celle
des
Aztèques, sauvées seulement par quelques œuvres d’art ; celle des Mon
1058
uvées seulement par quelques œuvres d’art ; celle
des
Mongols qui ne laisse rien qu’une herbe rase. Mais les civilisations
1059
s d’art ; celle des Mongols qui ne laisse rien qu’
une
herbe rase. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche
1060
, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration
des
droits de l’Homme, qui définissent aujourd’hui pour Bandung, à peine
1061
nts de tout progrès social. Et non pas le système
des
classes hindoues, ni le mandarinat, ni le Bushido (je ne juge pas de
1062
Bushido (je ne juge pas de valeurs, j’enregistre
des
faits.) Les civilisations antiques, sans lesquelles l’Europe ne serai
1063
ent, puis métamorphosées et baptisées, au cours d’
un
processus qu’on ne voit aucune raison de nommer décadence plutôt que
1064
candidats à la relève étaient nombreux. En est-il
un
seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération, ou simplement la reprise
1065
réclame l’oblitération, ou simplement la reprise
des
charges de notre civilisation ? Les USA ? Ils s’européanisent en prof
1066
e nous, chrétiens ou athées pour qui le doute est
une
forme essentielle du culte que l’homme sincère rend à la Vérité. Je m
1067
e l’homme sincère rend à la Vérité. Je me promets
un
jour de poser cette question à des sages des cinq continents ; si l’E
1068
. Je me promets un jour de poser cette question à
des
sages des cinq continents ; si l’Europe devait disparaître, emportée
1069
omets un jour de poser cette question à des sages
des
cinq continents ; si l’Europe devait disparaître, emportée par un cat
1070
ts ; si l’Europe devait disparaître, emportée par
un
cataclysme ou défaite, nation par nation, faute d’avoir su se fédérer
1071
nant ma réponse personnelle, présumant que plus d’
un
l’approuvera : en perdant notre Europe vivante, le monde perdrait aus
1072
le monde perdrait aussi les secrets et recettes d’
un
certain équilibre des contraires, d’une certaine formule du progrès,
1073
si les secrets et recettes d’un certain équilibre
des
contraires, d’une certaine formule du progrès, qui est l’accroissemen
1074
recettes d’un certain équilibre des contraires, d’
une
certaine formule du progrès, qui est l’accroissement du risque humain
1075
e notre inquiétude, inséparable de la condition d’
un
homme fini et localement déterminé, qui cependant veut l’universel.
1076
Éclipse ou disparition d’
une
civilisation ? (1960)o I Le xxe siècle a vu la civilisation
1077
seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est
un
beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est ass
1078
t assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’
une
civilisation a la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui en
1079
entons qu’une civilisation a la même fragilité qu’
une
vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles
1080
nte qu’elle soit, elle exprime, à mon avis, l’une
des
erreurs les plus célèbres de notre temps. Mais comment expliquer son
1081
iquer son succès ? Au seuil de l’œuvre en prose d’
un
de nos grands poètes, cette phrase résume et condense en quelques mot
1082
cette phrase résume et condense en quelques mots
une
assez longue tradition de pessimisme européen. Dès 1791, le philosoph
1083
philosophe français Volney, méditant sur la mort
des
civilisations, citait à peu près les mêmes noms pour illustrer le mêm
1084
Seine, de la Tamise ou du Zuyderzee… qui sait si
un
voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et
1085
ui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas
un
jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendr
1086
uines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre
des
peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’années plus
1087
dre des peuples et la mémoire de leur grandeur ?
Une
trentaine d’années plus tard, Hegel introduisait l’idée que chaque pe
1088
Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est «
un
individu dans la marche de l’Histoire » et qu’il obéit donc, comme to
1089
ire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à
une
loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait
1090
’elles devait fatalement décliner et mourir après
une
période d’apogée, — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengl
1091
lus loin ; il est convaincu que toute culture est
un
organisme, et correspond morphologiquement à un individu, animal ou v
1092
t un organisme, et correspond morphologiquement à
un
individu, animal ou végétal. Il en résulte inexorablement que toute c
1093
joignons la phrase de Valéry. Enfin Toynbee, dans
un
effort admirable pour embrasser l’ensemble des conditions du monde hu
1094
ans un effort admirable pour embrasser l’ensemble
des
conditions du monde humain, croit pouvoir établir empiriquement, par
1095
ir établir empiriquement, par l’examen comparatif
des
21 civilisations qui ont existé jusqu’ici, les lois complexes mais co
1096
névitable. Ces historiens et philosophes, armés d’
une
écrasante érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre qu
1097
tions semblent confirmées par les faits. Au cours
des
années qui suivent la Première Guerre mondiale, les dictatures prévue
1098
seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’
une
partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la
1099
t-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’
une
éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de rép
1100
r qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’
une
mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre à ces quest
1101
ormulons tout de suite deux remarques dictées par
une
élémentaire prudence historique. Primo, l’hégémonie politique n’est
1102
s toujours et nécessairement liée à la vitalité d’
une
civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être perdue
1103
civilisation, mais que l’Europe du Moyen Âge eut
une
civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’est pas du tout certain q
1104
et particulièrement sur l’exemple le mieux connu
des
Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné l
1105
e pour nous ? La civilisation européenne est-elle
une
civilisation comme les autres ? Est-elle donc vraiment comparable à c
1106
Son destin peut-il être prédit par extrapolation
des
exemples antiques ? Voilà qui n’est pas sûr du tout. Il se pourrait,
1107
caractères nouveaux et originaux, qui déterminent
un
destin non comparable, et même tout à fait différent à partir d’un ce
1108
parable, et même tout à fait différent à partir d’
un
certain moment, d’un certain seuil… Avant de rien pouvoir décider sur
1109
à fait différent à partir d’un certain moment, d’
un
certain seuil… Avant de rien pouvoir décider sur ce point, force nous
1110
re et la seule à franchir, s’affranchissant ainsi
des
lois fatales, qui ont entraîné la ruine des autres civilisations, dem
1111
ainsi des lois fatales, qui ont entraîné la ruine
des
autres civilisations, demeurées locales. II Les civilisations a
1112
. II Les civilisations antiques de l’Égypte
des
Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique, ou des Mayas, fondaient leu
1113
des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique, ou
des
Mayas, fondaient leur unité originelle sur un principe formateur uniq
1114
ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur
un
principe formateur unique, le Sacré. Les civilisations totalitaires d
1115
’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’
une
doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux gro
1116
germanique et celtique, arabe et slave —, à cause
des
valeurs souvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en a héritée
1117
civilisation européenne s’est trouvée fondée sur
une
culture de dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtou
1118
tout, elle n’a jamais voulu se laisser ordonner à
une
seule doctrine qui eût régi à la fois ses institutions, sa religion,
1119
e et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme
une
période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite
1120
iter le Moyen Âge comme une période bénie d’unité
des
esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons auj
1121
ge comme une période bénie d’unité des esprits et
des
cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il
1122
par cette culture, n’a jamais été autre chose qu’
une
unité dans la diversité, une unité paradoxale consistant dans la seul
1123
s été autre chose qu’une unité dans la diversité,
une
unité paradoxale consistant dans la seule volonté commune à tous de r
1124
anente n’a pas produit seulement de l’anarchie et
des
guerres. Il a contraint les élites religieuses, intellectuelles et po
1125
s et politiques, et par elles la partie agissante
des
masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois
1126
rièvement ces trois vertus et ce ne sera pas dans
un
esprit d’orgueil occidental, mais avec le souci de décrire les idéaux
1127
sens de la vérité objective nous vient sans doute
des
Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique
1128
s vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers
des
premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborés par
1129
élites intellectuelles le sens critique, au nom d’
un
absolu de vérité. D’autre part, le sens critique devrait nécessaireme
1130
n contradictoire. Nous pouvons donc expliquer par
des
motifs religieux et philosophiques l’un des caractères les plus indis
1131
r par des motifs religieux et philosophiques l’un
des
caractères les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vé
1132
e sens critique, et qui a permis le développement
des
sciences exactes, notamment. Voilà qui peut paraître banal à des Euro
1133
actes, notamment. Voilà qui peut paraître banal à
des
Européens élevés dans le respect de la vérité dite objective, de la s
1134
nt cette exigence de l’objectivité, et professent
un
dédain notoire pour la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
1135
tères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand
un
ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la nième vir
1136
matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce
un
chiffre, il le veut exact à la nième virgule près, car autrement le p
1137
sous la charge, ou l’avion explosera. Mais quand
un
Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
1138
l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce
un
chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il
1139
chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
un
autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plai
1140
De ce destin, il se croit ou se veut maître, pour
une
part tout au moins, grande ou infime, — cela se discute depuis que l’
1141
quant au sens qu’il donne à sa vie. D’où résulte
une
double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de m
1142
if, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est
un
but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fixé par le gouver
1143
if et matériel, fixé par le gouvernement au nom d’
une
doctrine ennuyeuse ; c’est le but général, statistique et abstrait, s
1144
, n’exigent guère de l’individu que l’observation
des
rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’est pas responsable. Le Karma,
1145
és » revendiquent à grands cris et non sans haine
une
aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le
1146
avail acharné que nous nous sommes imposé pendant
des
siècles, conformément à nos principes, tandis que votre misère est fo
1147
ersonnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
Un
homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est respons
1148
de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir
un
homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ces a
1149
e, le risque individuel ; pour le chrétien, c’est
un
état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliq
1150
iduel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce,
une
disposition intérieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’êtr
1151
’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir
des
droits du citoyen à part entière, et tous ces éléments spirituels, ju
1152
tique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soudain
un
sens précis pour les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est un s
1153
r les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est
un
sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan de ré
1154
mprunté à l’Europe, même et surtout s’il justifie
un
élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’
1155
stifie un élan de révolte contre elle, prétextant
un
colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en valeur ces trois ve
1156
lles permettent d’illustrer ce qui nous distingue
des
autres cultures. C’est surtout parce qu’elles expliquent la plupart d
1157
es nos institutions : et enfin, de la combinaison
des
trois vertus résulte notre dynamisme irrépressible. Si nous avons tou
1158
développé les sciences physiques et naturelles, à
un
degré littéralement incomparable. Certes, les peuples du Proche-Orien
1159
e, ou de se transformer demain radicalement, et d’
une
manière imprévisible. Avant de concentrer leurs énergies sur cette ex
1160
nce. On peut le dire : l’idée de genre humain est
une
création des Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce sont les
1161
le dire : l’idée de genre humain est une création
des
Européens. L’exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui
1162
ue du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement
des
arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations
1163
ence parfois si profondément les choix politiques
des
masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé
1164
mmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du fond
des
temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et à partir
1165
t bibliothèques, ils ont élaboré les préalables d’
une
science comparée des cultures et des civilisations, des religions et
1166
ont élaboré les préalables d’une science comparée
des
cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales
1167
préalables d’une science comparée des cultures et
des
civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouverne
1168
ience comparée des cultures et des civilisations,
des
religions et des arts, des morales et des gouvernements et cette soci
1169
s cultures et des civilisations, des religions et
des
arts, des morales et des gouvernements et cette sociologie totale, ou
1170
et des civilisations, des religions et des arts,
des
morales et des gouvernements et cette sociologie totale, ou planétair
1171
ations, des religions et des arts, des morales et
des
gouvernements et cette sociologie totale, ou planétaire, prépare elle
1172
opéenne ne va pas se réaliser à nos dépens. C’est
un
fait que l’Europe a répandu sur toute la Terre, au hasard de la colon
1173
ucoup de nos secrets de puissance matérielle — en
un
mot, le monde reçoit nos produits. Mais il ne reçoit pas les valeurs
1174
le devenir « mortelle » comme l’ont prédit depuis
un
siècle la majorité de nos plus grands penseurs ? J’oserai dire contre
1175
la civilisation européenne, née de la confluence
des
sources les plus diverses, se distinguait par là de toutes les autres
1176
itant de la vallée et du delta du Nil. Il y avait
un
mot différent pour désigner les habitants des terres voisines, à mi-c
1177
vait un mot différent pour désigner les habitants
des
terres voisines, à mi-chemin entre l’animal et l’Égyptien. Pour les G
1178
, car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous
un
en Jésus-Christ »), cette conception devait (seule) permettre à ceux
1179
sidérer tous les hommes comme dignes et capables,
un
jour ou l’autre, de participer pleinement à l’effort civilisateur. Ma
1180
ême temps qu’elle redécouvrait et faisait revivre
des
cultures disparues ou en voie d’extinction. Valéry nous disait que «
1181
s de Lascaux, les statues grecques et les temples
des
Pharaons menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité des civilisa
1182
t les temples des Pharaons menacés par les eaux d’
un
barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très varia
1183
s menacés par les eaux d’un barrage. La mortalité
des
civilisations nous apparaît donc très variable. Certes, plusieurs ont
1184
tif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle
des
Aurignaciens, ou plus près de nous celle des Hittites, plus près enco
1185
elle des Aurignaciens, ou plus près de nous celle
des
Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques. Mais les
1186
nous celle des Hittites, plus près encore celles
des
Mayas et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte e
1187
es Hittites, plus près encore celles des Mayas et
des
Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche-O
1188
, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration
des
droits de l’Homme, qui définissent aujourd’hui pour tous les peuples
1189
ts de tout progrès social ; et non pas le système
des
castes hindoues, ni le mandarinat, ni le Bushido. On peut le regrette
1190
On peut le regretter, mais on doit le constater.
Un
sociologue français, Roger Caillois, écrivait non sans drôlerie à pro
1191
sacrés publiés de nos jours et retrouvent partout
des
fidèles, c’est par le fait des ethnographes, archéologues et philosop
1192
retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait
des
ethnographes, archéologues et philosophes de l’Europe, poursuivant l’
1193
on ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’
une
civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances de
1194
de celles qui nous ont précédés : c’était parfois
une
catastrophe naturelle, comme la dernière période glaciaire, ou le des
1195
hara, affectant la région entière où avait fleuri
une
civilisation déterminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce fu
1196
ient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’
une
civilisation rivale, soit plus primitive, comme dans le cas des Dorie
1197
on rivale, soit plus primitive, comme dans le cas
des
Doriens détrônant la Crète, ou des Germains submergeant Rome, soit pl
1198
me dans le cas des Doriens détrônant la Crète, ou
des
Germains submergeant Rome, soit plus audacieuse et prestigieuse, comm
1199
ques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire
des
Aztèques et des Incas. Il s’agissait dans tous ces cas, de civilisati
1200
’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques et
des
Incas. Il s’agissait dans tous ces cas, de civilisations locales, ent
1201
candidats à la relève étaient nombreux. En est-il
un
seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la reprise
1202
i réclame l’oblitération ou simplement la reprise
des
charges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Il y
1203
eau du point de vue de la civilisation ? Est-elle
une
autre civilisation ? Lénine définissait ainsi sa Révolution : « Le ma
1204
me plus l’électricité. » Or le marxisme n’est pas
une
invention marxiste au sens politique de ce terme, et encore moins une
1205
te au sens politique de ce terme, et encore moins
une
invention soviétique. Ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais c’est
1206
pas Popov qui l’a inventé, mais c’est Karl Marx,
un
juif allemand dont le père était devenu protestant, et qui écrivait e
1207
e est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’
un
débat séculaire entre la théologie chrétienne et la philosophie des L
1208
e entre la théologie chrétienne et la philosophie
des
Lumières, au moment où se constituaient la sociologie et la technolog
1209
argée d’aider la Chine à liquider la civilisation
des
mandarins ! C’est l’URSS qui introduit dans cette Chine si fermée le
1210
en proche dans les mœurs et les modes de penser d’
une
nation. Le fameux « bond en avant » de la Chine de Mao n’a guère été
1211
t » de la Chine de Mao n’a guère été jusqu’ici qu’
un
bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés par l’Europe et
1212
culaire, ne consiste nullement dans l’avènement d’
une
civilisation originale ou renouvelée, de quelque néo-cannibalisme mag
1213
magique, mais au contraire dans l’adoption rapide
des
formes de vie politique, sociale et économique élaborées par l’Europe
1214
ssie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est
une
invention de l’Europe ! Où est donc dans tout cela « l’éclipse » de l
1215
e » de l’Europe ? Je vais le dire : dans l’esprit
des
Européens, et pas ailleurs. III Devant le recul, ou la métamorp
1216
t fait frémir Lénine ! — on reparle aujourd’hui d’
un
péril jaune, en attendant le péril noir. Je n’y crois guère. Notre éc
1217
et notre vocation. Aux yeux du monde, il n’y a qu’
un
seul péril sérieux : le péril blanc ! La civilisation européenne, dev
1218
qui enfièvre et qui ruine l’Europe depuis près d’
un
siècle et demi, et que nous refusons de prendre au tragique, cette pa
1219
rique, dresse contre nous au nom de nos principes
des
revendications haineuses et délirantes. Forme collective de l’orgueil
1220
n’en poursuit pas moins ses ravages dans l’esprit
des
Européens comme dans l’esprit de peuples neufs, empêchant au-dedans c
1221
se aux réalités spirituelles, à tout ce qui donne
un
sens, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne serait guère plu
1222
alités spirituelles, à tout ce qui donne un sens,
une
saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne serait guère plus dangereu
1223
ophique, la passion de défier le destin, le refus
des
choses comme elles vont, inquiétude, passion et refus sans quoi la sc
1224
o, par où j’entends les bureaucrates et la police
des
États. Ces maladies de l’Europe sont plus dangereuses pour le reste d
1225
même, où elles sont nées. Car l’Europe, à travers
des
crises atroces, s’est vaccinée contre ces maladies. L’Europe a secrét
1226
rdt, à la fin du siècle passé ; et le second dans
un
quotidien du parti communiste de Pékin, il y a deux ans. Burckhardt d
1227
ropéennes au xxe siècle. Voici sa prophétie dans
une
lettre qui date de 1871 : Le sort des ouvriers sera le plus étrange…
1228
hétie dans une lettre qui date de 1871 : Le sort
des
ouvriers sera le plus étrange… l’État militaire va devenir le Grand F
1229
ment abandonnées à leur pauvreté et à leur envie.
Un
certain degré contrôlé de misère, avec de l’avancement et des uniform
1230
degré contrôlé de misère, avec de l’avancement et
des
uniformes, chaque journée commencée et terminée par un roulement de t
1231
iformes, chaque journée commencée et terminée par
un
roulement de tambour, voilà ce qui doit logiquement se produire. Or
1232
unesse de Pékin, le 27 septembre 1958 : À l’aube
des
trompettes sonnèrent et des sifflets retentirent pour le rassemblemen
1233
mbre 1958 : À l’aube des trompettes sonnèrent et
des
sifflets retentirent pour le rassemblement de la population de la com
1234
mblement de la population de la commune Spoutnik.
Un
quart d’heure après les travailleurs étaient alignés. Sur l’ordre des
1235
rès les travailleurs étaient alignés. Sur l’ordre
des
commandants de compagnie et de brigades, les équipes, drapeaux en têt
1236
s, les équipes, drapeaux en tête, se dirigèrent d’
un
pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de deux
1237
en cheminant lentement vers les champs. On entend
des
pas cadencés et des chants de marche. L’habitude millénaire des paysa
1238
nt vers les champs. On entend des pas cadencés et
des
chants de marche. L’habitude millénaire des paysans à vivre au petit
1239
és et des chants de marche. L’habitude millénaire
des
paysans à vivre au petit bonheur est à jamais disparue. Quel énorme c
1240
ous l’avons refusée sous sa forme hitlérienne, en
un
mot, l’organisme européen a réagi avec succès. Notre tâche en Europe,
1241
morales et civiques s’enlisent dans l’euphorie d’
un
confort insipide, non plus libérateur d’énergies neuves, mais tyranni
1242
. Rougemont Denis de, « Éclipse ou disparition d’
une
civilisation ? », Stato sociale, Turin, 1960, p. 546-561.
1243
Un
péché mortel : la désunion des chrétiens (mars 1960)q r Posé devan
1244
Un péché mortel : la désunion
des
chrétiens (mars 1960)q r Posé devant le monde entier par l’annonce
1245
r Posé devant le monde entier par l’annonce d’
un
nouveau concile œcuménique, le problème de l’union des Églises chréti
1246
ouveau concile œcuménique, le problème de l’union
des
Églises chrétiennes concerne-t-il aussi les non-chrétiens, qui sont l
1247
ans la mesure où la religion chrétienne est aussi
une
force historique, liée en fait et depuis plus d’un millénaire aux des
1248
e force historique, liée en fait et depuis plus d’
un
millénaire aux destins de l’Europe et de l’Occident, encore qu’elle n
1249
ion de toutes les religions, et non pas seulement
des
chrétiens, que cet argument exigerait. La possibilité d’une telle uni
1250
ens, que cet argument exigerait. La possibilité d’
une
telle union paraît encore aussi douteuse que l’efficacité d’un front
1251
n paraît encore aussi douteuse que l’efficacité d’
un
front commun fondé sur le respect des valeurs transcendantes : car l’
1252
efficacité d’un front commun fondé sur le respect
des
valeurs transcendantes : car l’alliance de plusieurs absolus, considé
1253
de ceux qui s’y rattachent, qui est de l’ordre d’
un
milliard. S’il est vrai que le monde communiste enferme un nombre équ
1254
rd. S’il est vrai que le monde communiste enferme
un
nombre équivalent d’individus, ce n’est qu’officiellement, par contra
1255
bien moins nombreux que les chrétiens pratiquants
des
trois grandes confessions dans les pays de l’Europe de l’Est et en Ru
1256
tants baptistes, à quoi s’ajoutent les luthériens
des
pays baltes et les Arméniens du Caucase). Le PC russe n’a jamais dépa
1257
ons ces spéculations aux commentateurs politiques
un
peu frottés de sociologie. La survie de l’Occident est une chose, la
1258
rottés de sociologie. La survie de l’Occident est
une
chose, la vérité de l’Esprit en est une autre. Il s’agit, pour le chr
1259
ident est une chose, la vérité de l’Esprit en est
une
autre. Il s’agit, pour le christianisme, non de gagner le monde mais
1260
t homme qui se veut chrétien doit vouloir l’union
des
Églises, c’est pour des motifs spirituels commandés par la substance
1261
tien doit vouloir l’union des Églises, c’est pour
des
motifs spirituels commandés par la substance même du christianisme et
1262
substance même du christianisme et non point par
des
hypothèses sur son « succès » dans le monde et sur sa condition. Ces
1263
bien évidents. Le christianisme est la religion d’
un
Dieu unique, de l’Amour qui cherche l’union, et de la Vérité qui ne s
1264
e l’union, et de la Vérité qui ne saurait être qu’
une
. C’est pour cela, et non point en vertu d’une conjoncture mondiale ac
1265
qu’une. C’est pour cela, et non point en vertu d’
une
conjoncture mondiale actuelle ou prévisible, que la désunion persista
1266
ion persistante et déclarée du monde chrétien est
un
scandale, j’entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’une inf
1267
monde chrétien est un scandale, j’entends bien :
un
scandale spirituel, la preuve d’une infidélité à la vocation même de
1268
entends bien : un scandale spirituel, la preuve d’
une
infidélité à la vocation même de l’homme chrétien, comme à l’ordre di
1269
rétien, comme à l’ordre divin : « Que tous soient
un
… » C’est au niveau des hiérarchies ecclésiastiques, par-dessus la têt
1270
e divin : « Que tous soient un… » C’est au niveau
des
hiérarchies ecclésiastiques, par-dessus la tête des fidèles, que les
1271
s hiérarchies ecclésiastiques, par-dessus la tête
des
fidèles, que les grandes divisions historiques se sont produites. Il
1272
rêts, mais ce qu’il y a de meilleur dans le désir
des
hommes, l’intérêt dernier de leur vie. Le christianisme a bel et bien
1273
st paradoxalement l’exigence d’unité, conçue dans
un
esprit de sagesse politique, toujours méfiante, et non de confiance é
1274
ngile demande l’union, ce n’est jamais aux dépens
des
vocations diverses, dont nulle instance humaine n’est juge en dernier
1275
de plusieurs, je ne puis en appeler qu’à l’union
des
chrétiens comme étant l’unique voie qui me paraisse ouverte vers quel
1276
quelque forme encore imprévisible d’unité future
des
Églises. L’ambition unitaire me paraît utopique, et sa poursuite n’év
1277
aît utopique, et sa poursuite n’évoque en moi que
des
images qui offensent la pudeur spirituelle : épreuves de force ou mar
1278
irituelle : épreuves de force ou marchandages sur
des
formules disciplinaires, diplomatie secondant l’action du Saint-Espri
1279
à découvrir, cette voie qui passerait par l’union
des
chrétiens dans la réalité de leur existence me paraît au contraire pr
1280
st, ont supprimé les sacrements et n’ont guère qu’
un
seul dogme, qui est le libre examen. Et beaucoup de protestants sont
1281
duit au culte de la Vierge, sa morale au décompte
des
jours du Purgatoire. En revanche, combien savent-ils, de part et d’au
1282
la Résurrection, sont communément professés ; qu’
un
même Credo y est lu tous les dimanches, le même Évangile annoncé, et
1283
nt ensuite leurs guides à la réalité œcuménique ?
Un
peu plus de connaissance mutuelle (par exemple assister au culte des
1284
naissance mutuelle (par exemple assister au culte
des
autres) et l’interdiction solennelle d’enseigner ou de tolérer les pr
1285
seigner ou de tolérer les préjugés et les clichés
des
nationalismes religieux. J’ai fait depuis longtemps une autre observa
1286
tionalismes religieux. J’ai fait depuis longtemps
une
autre observation dans l’étude passionnée que je poursuis des tempéra
1287
servation dans l’étude passionnée que je poursuis
des
tempéraments religieux et de leurs formes d’expression : c’est que da
1288
rs formes d’expression : c’est que dans le sein d’
une
même Église coexistent deux attitudes que l’on peut qualifier selon l
1289
les la dogmatique confessionnelle a peu de prise.
Un
seul exemple. On qualifie de nos jours de « catholicisants » les prot
1290
e Présence. Quant à ceux qui savent englober dans
une
seule et même Église les deux tendances — anglicans, luthériens de Su
1291
ue — ils ouvrent la voie de l’union. Le renouveau
des
études liturgiques dans les Églises issues de la Réforme, le renouvea
1292
ns les Églises issues de la Réforme, le renouveau
des
études bibliques dans le catholicisme romain, la découverte du problè
1293
licisme romain, la découverte du problème social (
un
peu forcée) dans l’orthodoxie gréco-russe, et l’union des Églises de
1294
forcée) dans l’orthodoxie gréco-russe, et l’union
des
Églises de l’Inde, sont autant de signes visibles d’une mystérieuse c
1295
lises de l’Inde, sont autant de signes visibles d’
une
mystérieuse convergence que tout invite à seconder. L’union réelle
1296
que tout invite à seconder. L’union réelle
Une
fédération des Églises, plutôt qu’une Église unifiée : voilà qui m’ap
1297
e à seconder. L’union réelle Une fédération
des
Églises, plutôt qu’une Église unifiée : voilà qui m’apparaît l’object
1298
n réelle Une fédération des Églises, plutôt qu’
une
Église unifiée : voilà qui m’apparaît l’objectif raisonnable du grand
1299
n nomme en termes techniques « l’intercommunion »
des
chrétiens : qu’un fidèle, en tous lieux et tous temps, n’importe où,
1300
echniques « l’intercommunion » des chrétiens : qu’
un
fidèle, en tous lieux et tous temps, n’importe où, dans le monde enti
1301
mmes hésitant longuement sur le seuil fascinant d’
une
église — je pense au cas de Simone Weil — trouveraient-ils alors le c
1302
onheur d’être élevés, qu’ils aiment comme on aime
une
patrie, mais l’amour est lucide, la patrie n’est pas le monde… Voici
1303
e leur désignait. Je ne suis pas étranger plus qu’
un
autre aux problèmes concrets de mon temps, économiques, sociaux et po
1304
du sens de nos vies. q. Rougemont Denis de, «
Un
péché mortel : la désunion des chrétiens », Réalités, Paris, mars 196
1305
ugemont Denis de, « Un péché mortel : la désunion
des
chrétiens », Réalités, Paris, mars 1960, p. 66-67. r. Cet article pa
1306
ture profonde de l’Europe” en juin 1959) est l’un
des
plus grands essayistes chrétiens de notre temps. Calviniste de la Sui
1307
e, il représente, au sein du protestantisme, l’un
des
éléments les plus conscients de l’importance du rapprochement entre l
1308
, dans les peuples du tiers-monde, n’est guère qu’
une
revendication d’indépendance, proclamée contre l’Occident colonialist
1309
quelle elles apparaissent comme les survivances d’
une
autre ère. Pour comprendre la vraie nature du phénomène c’est dans le
1310
est idéologie, avant d’être histoire. Il est né d’
une
dialectique idéale et non du jeu des forces économiques, qu’il a faus
1311
Il est né d’une dialectique idéale et non du jeu
des
forces économiques, qu’il a faussé en y intervenant, et qui tend à l’
1312
maliser. Plutôt donc que de retracer la chronique
des
triomphes et des méfaits du nationalisme en Europe, — ce serait refai
1313
onc que de retracer la chronique des triomphes et
des
méfaits du nationalisme en Europe, — ce serait refaire l’histoire du
1314
u seul concept, au moyen de repères bien précis :
une
série de textes, objets d’époque, dûment signés, témoins irréfutables
1315
t signés, témoins irréfutables du style de pensée
des
Européens de 1789 à 191427. I. Des jacobins à Hegel Au principe
1316
le de pensée des Européens de 1789 à 191427. I.
Des
jacobins à Hegel Au principe du nationalisme, nous trouvons le rai
1317
trouvons le raisonnement suivant, toujours lié à
une
période de crise guerrière ou révolutionnaire : — Notre peuple se dis
1318
aire : — Notre peuple se distingue entre tous par
une
mission historique d’une portée universelle (Liberté, Progrès, Cultur
1319
distingue entre tous par une mission historique d’
une
portée universelle (Liberté, Progrès, Culture, gouvernement exemplair
1320
or la guerre a ses exigences : discipline absolue
des
individus, de leurs réflexes et de leur pensée même, lutte contre les
1321
e même, lutte contre les factions, centralisation
des
pouvoirs, raison d’État suprême en tout, puisque l’État incarne la mi
1322
e a cette formule parfaite : Il est de l’intérêt
des
nations de protéger la nation française, parce que c’est de la France
1323
lébrer les victoires de l’armée de la Liberté par
une
« fête de l’Humanité », que Vergniaud célèbre en ces termes : Chante
1324
ud célèbre en ces termes : Chantez donc, chantez
une
victoire qui sera celle de l’humanité. Il a péri des hommes ; mais c’
1325
victoire qui sera celle de l’humanité. Il a péri
des
hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse plus. Je le jure, au nom
1326
ue vous allez établir, chacun de vos combats sera
un
pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples. Déjà
1327
as de fait vers la paix, l’humanité et le bonheur
des
peuples. Déjà, le Patriote français avait publié le 15 décembre 1791
1328
trale l’idéal unitaire de la Révolution, étendu à
un
genre humain totalement « nivelé » par les lois de la Liberté : Nous
1329
is de la Liberté : Nous ne sommes pas libres, si
un
seul obstacle moral arrête notre marche physique sur un seul point du
1330
l obstacle moral arrête notre marche physique sur
un
seul point du globe. Les droits de l’homme s’étendent sur la totalité
1331
Les droits de l’homme s’étendent sur la totalité
des
hommes. Une corporation qui se dit souveraine, blesse grièvement l’hu
1332
de l’homme s’étendent sur la totalité des hommes.
Une
corporation qui se dit souveraine, blesse grièvement l’humanité, elle
1333
bsolue, suprême. Or, si je rencontre sur la terre
une
volonté particulière qui croise l’instinct universel, je m’y oppose ;
1334
t universel, je m’y oppose ; cette résistance est
un
état de guerre et de servitude dont le genre humain, l’être suprême,
1335
21 avril 1792, Cloots avait remis à la Convention
un
ouvrage intitulé la République universelle, dans lequel il demandait
1336
verselle, dans lequel il demandait la suppression
des
gouvernements locaux, et leur remplacement par une République mondial
1337
es gouvernements locaux, et leur remplacement par
une
République mondiale dont le centre serait Paris : Un corps ne se fai
1338
épublique mondiale dont le centre serait Paris :
Un
corps ne se fait pas la guerre à lui-même, et le genre humain vivra e
1339
nre humain vivra en paix, lorsqu’il ne formera qu’
un
seul corps, la nation unique… La commune de Paris sera le point de ré
1340
veux donc que le législateur de la France oublie
un
instant l’univers pour ne s’occuper que de son pays ; je veux cette e
1341
t centralisée, devait conduire la Révolution, par
une
nécessité concrète, à la négation même de ses premiers principes : à
1342
ter dans toute l’Europe. Les réactions de défense
des
peuples « libérés » prendront la même forme que l’agression : une mob
1343
bérés » prendront la même forme que l’agression :
une
mobilisation de l’instinct patriotique au nom de l’État, bientôt appu
1344
patriotique au nom de l’État, bientôt appuyé par
une
idéologie adéquate. C’est ce contrecoup idéologique qui m’intéresse i
1345
ntrecoup idéologique qui m’intéresse ici. Partant
des
mêmes prémisses rousseauistes que les jacobins, et de la même ambitio
1346
peuples du monde antique étaient séparés les uns
des
autres d’une manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Po
1347
onde antique étaient séparés les uns des autres d’
une
manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Pour eux, l’étr
1348
uns des autres d’une manière très rigoureuse, par
une
foule de conditions. Pour eux, l’étranger était un ennemi ou un barba
1349
e foule de conditions. Pour eux, l’étranger était
un
ennemi ou un barbare. On peut au contraire considérer les peuples de
1350
nditions. Pour eux, l’étranger était un ennemi ou
un
barbare. On peut au contraire considérer les peuples de la nouvelle E
1351
es de la nouvelle Europe chrétienne comme formant
une
seule nation. Unis par une même origine, par les mêmes coutumes et le
1352
rétienne comme formant une seule nation. Unis par
une
même origine, par les mêmes coutumes et les mêmes conceptions primiti
1353
êmes coutumes et les mêmes conceptions primitives
des
forêts de Germanie, ils furent aussi liés les uns aux autres, depuis
1354
les provinces de l’Empire romain d’Occident, par
une
même religion commune et la même soumission au chef visible de cette
1355
c l’introduction du droit romain et l’application
des
concepts romains concernant les Imperators aux rois modernes et à l’e
1356
hés ou les couvents, — commencèrent à avoir cours
des
idées et des institutions proprement politiques… Les États modernes s
1357
uvents, — commencèrent à avoir cours des idées et
des
institutions proprement politiques… Les États modernes se sont ainsi
1358
décrire dans la doctrine du droit la formation d’
un
État par le rassemblement et la réunion d’individus isolés sous l’uni
1359
i, mais plutôt par la séparation et la division d’
une
seule grande masse humaine, faiblement unie. Ainsi les divers États d
1360
insi les divers États de l’Europe chrétienne sont
des
morceaux de l’ancien ensemble, déterminés en grande partie pour leur
1361
our leur étendue, par le hasard. … Les citoyens d’
un
même État doivent tous trafiquer entre eux. L’Europe chrétienne forma
1362
trafiquer entre eux. L’Europe chrétienne formant
un
tout, le commerce des Européens entre eux devait être libre. Il est f
1363
L’Europe chrétienne formant un tout, le commerce
des
Européens entre eux devait être libre. Il est facile de faire l’appli
1364
est facile de faire l’application à l’état actuel
des
choses. Si toute l’Europe chrétienne avec les colonies et les places
1365
es dans les autres parties du monde, forme encore
un
tout, alors assurément le commerce de toutes les parties entre elles
1366
és. Or, l’Europe n’en est encore qu’à la période
des
essais pour former de véritables Nations. Il s’agit donc de pousser v
1367
turelles. Dès lors, il n’a plus rien à demander à
un
autre État, car il a trouvé ce qu’il cherchait. Ainsi, à l’utopie ro
1368
te la monnaie mondiale se trouvant dans les mains
des
citoyens, c’est-à-dire tout l’or et l’argent, sera retirée de la circ
1369
sera retirée de la circulation et échangée contre
une
nouvelle monnaie nationale, c’est-à-dire n’ayant cours que dans le pa
1370
commerce et de le faire cesser entièrement après
un
laps de temps déterminé. Il lui faut donc prendre des mesures permett
1371
laps de temps déterminé. Il lui faut donc prendre
des
mesures permettant d’atteindre bientôt sûrement ce but. Il doit y mar
1372
les ans l’importation étrangère doit diminuer. D’
une
année à l’autre le public a moins besoin de ces marchandises qui ne p
1373
t être produites en leur pureté ni remplacées par
des
succédanés dans le pays, puisqu’il doit s’en déshabituer entièrement,
1374
illeurs activement à cela par la constante hausse
des
prix. … L’exportation également doit diminuer : car suivant le plan,
1375
uivant le plan, le gouvernement diminue le nombre
des
fabriques calculées pour les débits à l’étranger, et consacre les bra
1376
qui travaillaient jusqu’ici pour les étrangers à
des
travaux pour les nationaux, de la manière convenable. Il ne cherche p
1377
convenable. Il ne cherche pas en effet à acquérir
une
prépondérance commerciale, ce qui est une tendance dangereuse, mais à
1378
cquérir une prépondérance commerciale, ce qui est
une
tendance dangereuse, mais à rendre la nation entièrement indépendante
1379
le tourisme. Seule exception prévue : les voyages
des
savants. Et ce trait rappelle avec une étrange précision les pratique
1380
es voyages des savants. Et ce trait rappelle avec
une
étrange précision les pratiques totalitaires du xxe siècle : Le sav
1381
rmé : il ne doit pas être permis plus longtemps à
une
vaine curiosité et à la recherche de distractions de transporter en t
1382
transporter en tout pays leur ennui. Les voyages
des
premiers s’effectuent pour le plus grand bien de l’humanité et de l’É
1383
État savants et artistes. Il est évident que dans
une
nation ainsi fermée, dont les membres ne vivent qu’entre eux et fort
1384
s membres ne vivent qu’entre eux et fort peu avec
des
étrangers, qui acquiert par suite des mesures indiquées sa façon de v
1385
rt peu avec des étrangers, qui acquiert par suite
des
mesures indiquées sa façon de vivre, son organisation et ses mœurs pa
1386
e, l’honneur national se développera très vite, à
un
degré élevé, ainsi qu’un caractère national nettement marqué. Ce sera
1387
développera très vite, à un degré élevé, ainsi qu’
un
caractère national nettement marqué. Ce sera une autre nation absolum
1388
u’un caractère national nettement marqué. Ce sera
une
autre nation absolument nouvelle. Cette introduction d’une monnaie na
1389
nation absolument nouvelle. Cette introduction d’
une
monnaie nationale en est véritablement la création. Le seul lien qui
1390
n’aura le moindre intérêt à ne pas communiquer à
un
autre ses découvertes, puisque chaque État en effet ne peut les utili
1391
en asservir d’autres et pour s’attribuer sur eux
une
prépondérance quelconque. De toutes les utopies issues de la philoso
1392
oir le mieux correspondu aux réalités historiques
des
cent-cinquante ans qui allaient suivre. Quelques années plus tard29 F
1393
sur l’idée que « les Européens chrétiens forment
un
seul peuple reconnaissant l’Europe pour leur patrie commune, et d’un
1394
nnaissant l’Europe pour leur patrie commune, et d’
un
bout à l’autre du continent cherchent les mêmes choses et sont attiré
1395
nce unitive fournit à Fichte le point de départ d’
un
plan mondial de diffusion de la culture, qui se réalisera peu à peu,
1396
que le genre humain tout entier soit fondu dans «
une
seule République de la Culture ». À l’expansion colonialiste dans l’a
1397
ns, puis à l’étape nécessaire de fermeture totale
des
monades nationales, succédera donc un jour, selon Fichte, l’expansion
1398
ure totale des monades nationales, succédera donc
un
jour, selon Fichte, l’expansion triomphale de la culture européenne,
1399
: ne fut-ce que par la collusion de la science et
des
nationalismes, ces derniers étant doublement liés à la guerre par leu
1400
la bataille de Valmy, il a compris que la clameur
des
sans-culottes : « Vive la Nation ! » inaugurait une ère nouvelle, née
1401
s sans-culottes : « Vive la Nation ! » inaugurait
une
ère nouvelle, née de la guerre et vivant d’elle. « Vive la Nation » n
1402
qui a saisi le pouvoir par la violence, provoque
des
résistances intérieures. L’État y répondra par la Terreur et par la g
1403
ialisme napoléonien sera la résultante nécessaire
des
tensions internes créées par la volonté d’uniformiser le peuple, et d
1404
créées par la volonté d’uniformiser le peuple, et
des
tensions externes créées par l’idéal missionnaire qui amène le Parti
1405
dans sa prétention à régner au nom de tous contre
une
partie du peuple. Mais l’État-nation exige davantage que l’obéissance
1406
t-nation exige davantage que l’obéissance passive
des
opposants. À la faveur des guerres qu’il présentera toujours comme un
1407
e l’obéissance passive des opposants. À la faveur
des
guerres qu’il présentera toujours comme une « défense de nos foyers »
1408
aveur des guerres qu’il présentera toujours comme
une
« défense de nos foyers »30, il mobilise l’instinct patriotique et op
1409
re en date de toutes les nationalisations ; celle
des
communautés locales, des attachements sentimentaux et des intérêts de
1410
nationalisations ; celle des communautés locales,
des
attachements sentimentaux et des intérêts de groupe. Notons au passag
1411
unautés locales, des attachements sentimentaux et
des
intérêts de groupe. Notons au passage que la guerre, qu’elle soit civ
1412
l’esprit de Valmy, se représente la nation comme
une
croisade pour l’idée : « Ce ne sont pas les déterminations naturelles
1413
omme esprit et nature.) Cet esprit national est «
un
individu dans la marche de l’Histoire ». Il se fait par sa propre act
1414
fatalement décline et meurt. Chaque peuple mûrit
un
fruit ; son activité consiste à accomplir son principe, non à en joui
1415
transfert décisif de l’idée de vocation, passant
des
personnes aux nations. II. nation et Liberté, ou le grand paradoxe
1416
f de la nation, confisqué par l’État, a conduit à
des
guerres d’agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes
1417
s de l’esprit » plus redoutables encore : la Race
des
maîtres, le Herrenvolk, le Prolétariat et sa dictature… Pourquoi ce b
1418
beau système d’évolution globale vers l’harmonie
des
peuples libérés a-t-il été brutalement démenti au terme même du proce
1419
t démenti au terme même du processus de formation
des
grandes et petites nations européennes, qui était censé produire la p
1420
romantisme, en appelant lyriquement la formation
des
« nationalités » comme autant d’étapes nécessaires d’une dialectique
1421
ationalités » comme autant d’étapes nécessaires d’
une
dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passions
1422
tique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait
des
passions que l’esprit ne pouvait contrôler, mais que seuls les États
1423
tion française : libérer sa propre nation du joug
des
tyrans intérieurs ou étrangers, c’est libérer l’Europe et le genre hu
1424
ineté de l’État qui s’en prévaudra. Et l’anarchie
des
souverainetés divinisées, refusant toute instance supérieure à leur «
1425
ement du canal de Suez dont aussitôt la politique
des
États, après s’y être opposée, s’empare sans vergogne. Le grand élan
1426
s’empare sans vergogne. Le grand élan libertaire
des
quarante-huitards échoue dans les manuels d’écoles primaires, et s’y
1427
anke à Renan et de Nietzsche à Sorel aboutiront à
une
série de prophéties uniformément pessimistes, quant à l’avenir de not
1428
es, quant à l’avenir de notre civilisation. Voici
des
textes jalonnant cette double évolution des idées et des faits, en di
1429
Voici des textes jalonnant cette double évolution
des
idées et des faits, en divergence vertigineuse, qui devait nous mener
1430
tes jalonnant cette double évolution des idées et
des
faits, en divergence vertigineuse, qui devait nous mener à 1914. He
1431
ri Heine épouse au début l’idéologie de Herder et
des
romantiques allemands : celle d’une Europe des nationalités, qu’il co
1432
de Herder et des romantiques allemands : celle d’
une
Europe des nationalités, qu’il considère lui aussi comme une étape in
1433
et des romantiques allemands : celle d’une Europe
des
nationalités, qu’il considère lui aussi comme une étape inévitable, q
1434
des nationalités, qu’il considère lui aussi comme
une
étape inévitable, quoique dangereuse de l’évolution historique : Tou
1435
ne succède la fraternité chrétienne. Passons sur
des
exclamations lyriques comme celle qui ouvre son poème « Germania » :
1436
poème « Germania » : « Oui ! le monde entier sera
un
jour allemand ! » Quand Heine accepte l’idée de nation, c’est dans le
1437
l’idée de nation, c’est dans le sens mazzinien d’
une
« Internationale des nationalités », et il loue Herder d’avoir consid
1438
est dans le sens mazzinien d’une « Internationale
des
nationalités », et il loue Herder d’avoir considéré l’humanité « comm
1439
loue Herder d’avoir considéré l’humanité « comme
une
grande harpe dans la main d’un grand maître », chaque nation étant un
1440
’humanité « comme une grande harpe dans la main d’
un
grand maître », chaque nation étant une des cordes et contribuant par
1441
la main d’un grand maître », chaque nation étant
une
des cordes et contribuant par un son particulier à « l’harmonie unive
1442
main d’un grand maître », chaque nation étant une
des
cordes et contribuant par un son particulier à « l’harmonie universel
1443
ue nation étant une des cordes et contribuant par
un
son particulier à « l’harmonie universelle ». Il n’en redoute pas moi
1444
état de troupeau unique sous la houlette de fer d’
un
seul berger : Napoléon à Sainte-Hélène disait que dans un proche ave
1445
erger : Napoléon à Sainte-Hélène disait que dans
un
proche avenir le monde serait une république américaine ou une monarc
1446
disait que dans un proche avenir le monde serait
une
république américaine ou une monarchie universelle russe. La dépriman
1447
enir le monde serait une république américaine ou
une
monarchie universelle russe. La déprimante prophétie ! … Quelle persp
1448
ophétie ! … Quelle perspective ! Dans le meilleur
des
cas, mourir d’ennui en tant que républicain ! Pauvres petits-fils !
1449
la « nationalité » représente la dernière défense
des
diversités européennes, pour les Hongrois et les Polonais écrasés par
1450
rasés par la Russie, elle est le synonyme concret
des
libertés élémentaires. Et malheur à l’Europe si elle abandonne ces pe
1451
camp du général polonais Bem, et qui fut tué dans
un
combat. Kossuth, à Bruxelles en 1859 : Je me bornerai à dire que la
1452
é et ses espérances dans l’avenir, que la mémoire
des
incalculables services rendus par elle à la chrétienté et à la civili
1453
uple ! Alors que d’autres n’osent même pas verser
des
larmes Nous les Magyars, nous versons notre sang. Te faut-il encore p
1454
ous descendre ? Adam Mickiewicz, dans son Livre
des
Pèlerins polonais répercute ce cri de révolte de l’Est européen aband
1455
ands, et je criais vers toi, nation, afin d’avoir
un
morceau de fer pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’as
1456
n, afin d’avoir un morceau de fer pour défense et
une
poignée de poudre, et toi tu m’as donné un article de gazette. Mais c
1457
se et une poignée de poudre, et toi tu m’as donné
un
article de gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’avez-vous ap
1458
il y aura le sifflement du knout et le cliquetis
des
ukases. … Les Puissances ont rejeté votre pierre de l’édifice europée
1459
e sentent au seuil de leur indépendance, prennent
une
vue beaucoup moins pessimiste de l’Europe. Ainsi, Vincenzo Gioberti.
1460
dont il devint le Premier ministre, Gioberti fut
un
néo-guelfe. Il voulait l’union de l’Italie et il voulait aussi l’unio
1461
e direction du pape, Rome devenant la métropole d’
un
monde au sein duquel toutes les « nationalités » politiques et spirit
1462
es, sauvegardant leur diversité, entreraient dans
un
rapport d’union dialectique : La dictature du pape, chef civil de l’
1463
lie et ordonnateur de l’Europe, sera le fondement
des
diverses chrétientés nationales écrivait-il en 1843, dans un ouvrage
1464
chrétientés nationales écrivait-il en 1843, dans
un
ouvrage publié à Bruxelles : De la primauté morale et civile des Ital
1465
lié à Bruxelles : De la primauté morale et civile
des
Italiens, que l’on appelle en Italie Il Primato, et qui eut un succès
1466
que l’on appelle en Italie Il Primato, et qui eut
un
succès retentissant. Dans son traité Della Nazionalità italiana il do
1467
cept d’union de l’Europe, en tant qu’amphictyonie
des
nations chrétiennes et degré supérieur du processus d’unification qui
1468
s d’autre origine. La Pologne et la Hongrie sont
des
nationalités opprimées et qui ont perdu l’indépendance ; l’Allemagne
1469
rdu l’indépendance ; l’Allemagne et l’Italie sont
des
nations encore à naître. On conçoit que pour ces pays, l’idée nationa
1470
berté, et s’harmonise avec l’idée d’Europe unie :
une
nation en devenir n’a pas encore d’intérêts « traditionnels » qui l’o
1471
sent au plus vaste ensemble. Mais qu’en sera-t-il
des
grands aînés, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la France, ce
1472
es ambitions se déploient outre-mer et qui voit d’
un
bon œil les puissances du Continent se multiplier, « s’équilibrer »,
1473
e neutraliser, la France de 48 se considère comme
une
nation qui vient de renaître, dans une Europe rénovée par les princip
1474
dère comme une nation qui vient de renaître, dans
une
Europe rénovée par les principes mêmes de sa Révolution. Lamartine,
1475
vements légitimes de croissance et de nationalité
des
peuples ». Cependant, elle n’entend pas : incendier le monde, mais b
1476
le monde, mais briller de sa place sur l’horizon
des
peuples pour les devancer et les guider à la fois… La raison, rayonna
1477
finalement à Victor Hugo qu’il appartiendra, bien
des
années plus tard, d’opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en
1478
années plus tard, d’opérer la « transfiguration »
des
idéaux de 48 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant
1479
opérer la « transfiguration » des idéaux de 48 en
un
européisme et en un mondialisme sublimes, achevant ainsi — mais dans
1480
uration » des idéaux de 48 en un européisme et en
un
mondialisme sublimes, achevant ainsi — mais dans l’imaginaire — la di
1481
s nécessairement interprétée par les autres comme
un
désir secret de gagner tout l’univers au style de vie et de pensée d’
1482
ner tout l’univers au style de vie et de pensée d’
une
« nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’Empire français qui v
1483
vie et de pensée d’une « nation mère » ? Parlant
des
« sauvages » de l’Empire français qui viennent contempler à Paris l’E
1484
er à Paris l’Exposition universelle de 1867, il a
des
phrases qui découragent la critique : Ces yeux saturés de nuit vienn
1485
nnent regarder la vérité… Ils savent qu’il existe
un
peuple de réconciliation… une nation ouverte, qui appelle chez elle q
1486
savent qu’il existe un peuple de réconciliation…
une
nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque est frère ou veut l’ê
1487
. La Révolution de France s’appellera l’évolution
des
peuples. Pourquoi ? Parce que la France le mérite ; parce qu’elle man
1488
parce que là où les autres nations sont seulement
des
sœurs, elle est mère.31 Au xxe siècle, il y aura une nation extraor
1489
œurs, elle est mère.31 Au xxe siècle, il y aura
une
nation extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l’empêcher
1490
reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’
une
aînée. […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appellera p
1491
ent entrevue par les penseurs, ces contemplateurs
des
pénombres ; mais ce à quoi assiste le xixe siècle, c’est à la format
1492
e, c’est à la formation de l’Europe.32 En 1875,
un
professeur de droit international, Johann Gaspar Bluntschli, déclare
1493
La Suisse a clarifié et réalisé dans son domaine
des
idées et des principes féconds pour l’ensemble des États européens, p
1494
clarifié et réalisé dans son domaine des idées et
des
principes féconds pour l’ensemble des États européens, principes qui
1495
es idées et des principes féconds pour l’ensemble
des
États européens, principes qui sont destinés à garantir un jour la pa
1496
européens, principes qui sont destinés à garantir
un
jour la paix de l’Europe… Lorsque cet idéal sera réalisé, alors la na
1497
sera réalisé, alors la nationalité internationale
des
Suisses pourra se dissoudre dans la plus grande communauté européenne
1498
e passage à l’Europe, cette « transfiguration » d’
une
vocation nationale dont rêvaient Hugo pour la France et Mazzini pour
1499
voilà qui ne paraît concevable que dans le cas d’
une
nation non unitaire, c’est-à-dire de structure fédéraliste. « L’Inter
1500
dire de structure fédéraliste. « L’Internationale
des
nationalismes » préconisée par les prophètes de 48, évoque l’idée d’u
1501
éconisée par les prophètes de 48, évoque l’idée d’
une
amicale universelle des Misanthropes ou d’une mutuelle des égoïstes.
1502
es de 48, évoque l’idée d’une amicale universelle
des
Misanthropes ou d’une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles
1503
e d’une amicale universelle des Misanthropes ou d’
une
mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les faire
1504
le universelle des Misanthropes ou d’une mutuelle
des
égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les faire. Dans le mêm
1505
l’Europe sur le modèle fédéraliste : respectueux
des
diversités, exclusif de toute hégémonie d’une des parties contractant
1506
eux des diversités, exclusif de toute hégémonie d’
une
des parties contractantes. Mais le nationalisme, condamné par Frantz
1507
des diversités, exclusif de toute hégémonie d’une
des
parties contractantes. Mais le nationalisme, condamné par Frantz sous
1508
éapparaît irrésistiblement sous la forme épurée d’
une
mission européenne de son peuple. Nous connaissons maintenant le proc
1509
Suisse comme en France. Il manquait à ce concert
une
note allemande, et Constantin Frantz nous la donne : Il va de soi qu
1510
onstantin Frantz nous la donne : Il va de soi qu’
une
telle fédération ne saurait être instituée d’un seul coup. Elle a bes
1511
stituée d’un seul coup. Elle a besoin, d’abord, d’
une
base réelle, sur laquelle elle repose et d’où la première impulsion s
1512
plus que de tout autre, de recréer la communauté
des
nations et de se faire le précurseur d’un renouveau de tout le systèm
1513
unauté des nations et de se faire le précurseur d’
un
renouveau de tout le système européen… Faire de l’Allemagne la base d
1514
système (fédéraliste), voilà qui serait vraiment
un
acte de génie politique : ce serait poser les principes de toute l’év
1515
re l’Europe et de s’y fondre, accomplissant ainsi
une
vocation nationale, au meilleur sens du terme, mais de portée univers
1516
a pour mission de régénérer l’Europe et de l’unir
un
jour, car c’est ainsi seulement que la Russie pourra devenir européen
1517
ne. En 1837, paraît le premier numéro de la revue
des
slavophiles, partisans d’un nationalisme spirituel et culturel, de l’
1518
r numéro de la revue des slavophiles, partisans d’
un
nationalisme spirituel et culturel, de l’orthodoxie pure et des coutu
1519
me spirituel et culturel, de l’orthodoxie pure et
des
coutumes ancestrales de la Russie paysanne, adversaires donc de « l’E
1520
on d’enthousiasme, qui serait restée le privilège
des
Russes et que nos pays de l’Ouest auraient perdue ; mais cette notion
1521
ement, il est nécessaire qu’il existe à cette fin
un
centre déterminé, un peuple qui domine les autres de sa supériorité p
1522
ire qu’il existe à cette fin un centre déterminé,
un
peuple qui domine les autres de sa supériorité politique et culturell
1523
t ce qu’il exprimera cent fois dans son Journal d’
un
écrivain, gazette qu’il publie seul, à intervalles irréguliers, en 18
1524
ons que nous autres Russes sentons devoir assumer
un
jour, c’est la mission de grouper l’humanité en un seul faisceau, car
1525
n jour, c’est la mission de grouper l’humanité en
un
seul faisceau, car ce n’est pas seulement la Russie et le panslavisme
1526
invincibles, que si nous pouvons fort bien perdre
des
batailles, nous n’en resterons pas moins invincibles, grâce à l’unité
1527
ce nationale. Tirons l’épée, s’il le faut, au nom
des
malheureux persécutés, quand bien même ce serait aux dépens de nos in
1528
ui, en Europe, sont opprimés et abandonnés au nom
des
prétendus intérêts de la civilisation. Il faut que les organes politi
1529
té soit conservée quelque part, que tout au moins
une
nation serve de flambeau. Qu’adviendrait-il sans cela ? Au nom de la
1530
on, et pour leur bien, les Européens opprimés par
une
fausse civilisation sont invités à se laisser éclairer et libérer par
1531
istorien allemand Léopold von Ranke est en plus d’
un
sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobriété spiritue
1532
ue génération est immédiate à Dieu », écrit-il en
une
formule célèbre. Une nation ou une société, selon lui, ne conquiert q
1533
édiate à Dieu », écrit-il en une formule célèbre.
Une
nation ou une société, selon lui, ne conquiert que par sa culture le
1534
», écrit-il en une formule célèbre. Une nation ou
une
société, selon lui, ne conquiert que par sa culture le droit de jouer
1535
romano-germanique » : Italie — France — Espagne d’
un
côté, Allemagne — Angleterre — Scandinavie de l’autre. César, par sa
1536
— Scandinavie de l’autre. César, par sa conquête
des
Gaules a rendu possible cette configuration, dont Charlemagne, « prin
1537
ure », a créé la première unité. Sous la conduite
des
papes romains et des empereurs germains, la communauté des Européens
1538
ière unité. Sous la conduite des papes romains et
des
empereurs germains, la communauté des Européens n’a cessé de se dével
1539
romains et des empereurs germains, la communauté
des
Européens n’a cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit
1540
puis du catholicisme et de la Réforme, aient été
des
grands malheurs pour l’Europe, car cette bipolarité … est trop profo
1541
té … est trop profondément fondée dans la nature
des
choses, et ces oppositions ont fait mûrir l’esprit européen. Le dang
1542
p plus grave : Ceux qui tiennent simplement pour
une
tendance de l’Histoire le fait que les souverainetés nationales vont
1543
nne le 11 mars 1882 sur le thème : « Qu’est-ce qu’
une
nation ? » il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit
1544
thème : « Qu’est-ce qu’une nation ? » il écrit :
Une
nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle,
1545
ation ? » il écrit : Une nation, c’est pour nous
une
âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de
1546
il écrit : Une nation, c’est pour nous une âme,
un
esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souveni
1547
Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit,
une
famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs, de sacri
1548
r de continuer à vivre ensemble. Ce qui constitue
une
nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir au même
1549
e encore dans l’avenir. … De nos jours, on commet
une
erreur plus grave : on confond la race avec la nation, et l’on attrib
1550
onfond la race avec la nation, et l’on attribue à
des
groupes ethnographiques ou plutôt linguistiques, une souveraineté ana
1551
groupes ethnographiques ou plutôt linguistiques,
une
souveraineté analogue à celle des peuples réellement existants. (Or)
1552
linguistiques, une souveraineté analogue à celle
des
peuples réellement existants. (Or) le fait de la race, capital à l’or
1553
pas le droit d’aller par le monde tâter le crâne
des
gens, puis les prendre à la gorge en leur disant : « Tu es de notre s
1554
’Espagne parlent la même langue et ne forment pas
une
seule nation. Au contraire, la Suisse, si bien faite, puisqu’elle a é
1555
’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est
un
fait bien plus important qu’une similitude de langage souvent obtenue
1556
e ses idiomes, est un fait bien plus important qu’
une
similitude de langage souvent obtenue par des vexations. … La géograp
1557
qu’une similitude de langage souvent obtenue par
des
vexations. … La géographie, ce qu’on appelle les frontières naturelle
1558
appelle les frontières naturelles, a certainement
une
part considérable dans la division des nations. La géographie est un
1559
rtainement une part considérable dans la division
des
nations. La géographie est un des facteurs essentiels de l’histoire.
1560
e dans la division des nations. La géographie est
un
des facteurs essentiels de l’histoire. […] Peut-on dire cependant, co
1561
ans la division des nations. La géographie est un
des
facteurs essentiels de l’histoire. […] Peut-on dire cependant, comme
1562
mme le croient certains partis, que les limites d’
une
nation sont écrites sur la carte et que cette nation a le droit de s’
1563
elle montagne, telle rivière, à laquelle on prête
une
sorte de faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de doctrine p
1564
t puis toutes les montagnes ne sauraient découper
des
États. Quelles sont celles qui séparent et celles qui ne séparent pas
1565
séparent pas ? De Biarritz à Tornea, il n’y a pas
une
embouchure de fleuve qui ait plus qu’une autre un caractère bornal. S
1566
’y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus qu’
une
autre un caractère bornal. Si l’histoire l’avait voulu, la Loire, la
1567
ne embouchure de fleuve qui ait plus qu’une autre
un
caractère bornal. Si l’histoire l’avait voulu, la Loire, la Seine, la
1568
ractions au droit fondamental, qui est la volonté
des
hommes. … Je me dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts ten
1569
est la volonté des hommes. … Je me dis souvent qu’
un
individu qui aurait les défauts tenus chez les nations pour des quali
1570
ui aurait les défauts tenus chez les nations pour
des
qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point j
1571
orter sans dégainer, serait le plus insupportable
des
hommes. … Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont
1572
Jacob Burckhardt, historien bâlois, sur la venue
des
« terribles simplificateurs » dominant nos nations domestiquées par l
1573
nations domestiquées par l’État militaire33. Dans
une
de ses lettres à von Preen, il prévoit pour les masses ouvrières enta
1574
es usines et condamnées à la misère et à l’envie,
un
avenir exactement totalitaire : … Un certain degré déterminé et cont
1575
à l’envie, un avenir exactement totalitaire : …
Un
certain degré déterminé et contrôlé de misère et d’avancement, chaque
1576
e journée, en uniforme, commencée et terminée par
un
roulement de tambours, voilà ce qui doit logiquement se produire… Il
1577
et sans lois, ce dernier n’étant plus exercé par
des
dynasties, désormais trop faibles de cœur, mais par des chefs militai
1578
nasties, désormais trop faibles de cœur, mais par
des
chefs militaires qui se donneront pour républicains. Mais personne m
1579
autres « bons Européens », nous aussi nous avons
des
heures où nous nous permettons un patriotisme plein de courage, un bo
1580
ssi nous avons des heures où nous nous permettons
un
patriotisme plein de courage, un bond et un retour à de vieilles amou
1581
nous permettons un patriotisme plein de courage,
un
bond et un retour à de vieilles amours et de vieilles étroitesses, de
1582
ttons un patriotisme plein de courage, un bond et
un
retour à de vieilles amours et de vieilles étroitesses, des heures d’
1583
à de vieilles amours et de vieilles étroitesses,
des
heures d’effervescence nationale, d’angoisse patriotique, des heures
1584
’effervescence nationale, d’angoisse patriotique,
des
heures où bien d’autres sentiments antiques nous submergent. Des espr
1585
ien d’autres sentiments antiques nous submergent.
Des
esprits plus lourds que nous mettront plus de temps à en finir avec c
1586
elques heures : pour les uns, il faut la moitié d’
une
année, pour les autres la moitié d’une vie humaine, selon la rapidité
1587
a moitié d’une année, pour les autres la moitié d’
une
vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés d’assimilation et de
1588
et de renouvellement. Je saurais même me figurer
des
races épaisses et hésitantes, qui, dans notre Europe hâtive, auraient
1589
isme ». Grâce aux divisions morbides que la folie
des
nationalités a mises et met encore entre les peuples de l’Europe, grâ
1590
l point leur politique de désunion est fatalement
une
simple politique d’entracte, — grâce à tout cela, et à bien des chose
1591
itique d’entracte, — grâce à tout cela, et à bien
des
choses encore qu’on ne peut dire aujourd’hui, on méconnaît ou on défo
1592
nière la plus manifeste que l’Europe veut devenir
une
. Tous les hommes un peu profonds et d’esprit large qu’a vus ce siècle
1593
te que l’Europe veut devenir une. Tous les hommes
un
peu profonds et d’esprit large qu’a vus ce siècle ont tendu vers ce b
1594
et de leur âme : ils voulurent frayer les voies à
un
nouvel accord et tentèrent de réaliser en eux-mêmes l’Européen à veni
1595
x-mêmes l’Européen à venir ; s’ils appartinrent à
une
patrie, ce ne fut jamais que par les régions superficielles de leur i
1596
d’eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à
des
hommes comme Napoléon, Goethe, Beethoven, Stendhal, Henri Heine, Scho
1597
trop de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans
un
des Fragments posthumes, Nietzsche précise la nature de ces « grands
1598
p de nommer à leur suite Richard Wagner… Dans un
des
Fragments posthumes, Nietzsche précise la nature de ces « grands inté
1599
ces « grands intérêts » et prévoit la nécessité d’
un
Marché commun de l’Europe : À tout cela s’ajoute un grand fait écono
1600
Marché commun de l’Europe : À tout cela s’ajoute
un
grand fait économique : les petits États de l’Europe — j’entends tous
1601
nt parlant, sous la pression du grand commerce et
des
échanges mondiaux transcendant toutes les frontières. Le dernier mot
1602
cle, Sorel n’a parlé de l’Europe que sur le ton d’
un
sombre dépit prophétique. Voici quelques extraits de ses Propos recue
1603
dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est
un
état anormal. Pourquoi l’Europe est-elle par excellence la terre des
1604
ourquoi l’Europe est-elle par excellence la terre
des
cataclysmes guerriers ? Parce qu’elle est habitée par une quantité de
1605
clysmes guerriers ? Parce qu’elle est habitée par
une
quantité de races qui sont singulièrement opposées les unes aux autre
1606
vent faire que mauvais voisinage. Quand on parle
des
États-Unis d’Europe, je vois tout de suite la guerre qui surgit. Les
1607
es peuples de l’Europe ne peuvent s’unir que dans
une
seule idée : se faire la guerre. … Et il y a le slavisme qui met son
1608
ra de la Russie. …Comment ferez-vous pour fédérer
des
Slaves, ou religieux ou mystiques révolutionnaires ; des Scandinaves
1609
ves, ou religieux ou mystiques révolutionnaires ;
des
Scandinaves assagis ; des Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux d’
1610
ques révolutionnaires ; des Scandinaves assagis ;
des
Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux d’autorité ; des Français av
1611
s Scandinaves assagis ; des Allemands ambitieux ;
des
Anglais jaloux d’autorité ; des Français avares ; des Italiens souffr
1612
mands ambitieux ; des Anglais jaloux d’autorité ;
des
Français avares ; des Italiens souffrant d’une crise de croissance ;
1613
Anglais jaloux d’autorité ; des Français avares ;
des
Italiens souffrant d’une crise de croissance ; des Balkaniques bracon
1614
; des Français avares ; des Italiens souffrant d’
une
crise de croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois guer
1615
es Italiens souffrant d’une crise de croissance ;
des
Balkaniques braconniers ; des Hongrois guerriers ? Comment calmerez-v
1616
ise de croissance ; des Balkaniques braconniers ;
des
Hongrois guerriers ? Comment calmerez-vous ce panier rempli de crabes
1617
s s’arrangent ? Il n’y a aucune raison pour cela.
Des
composés chimiques, qui sont séparément amorphes, provoquent le feu s
1618
phes, provoquent le feu s’ils sont amalgamés dans
un
récipient. L’Europe est un récipient rempli de cette sorte de composé
1619
ls sont amalgamés dans un récipient. L’Europe est
un
récipient rempli de cette sorte de composés chimiques. Ça met le feu
1620
-en votre parti ! IV. Liquidation de l’Europe
des
nations Sorel, qui parlait en 1908 de « cette Europe qui est la te
1621
t pour l’Europe : « Je sais bien que je vais dans
un
cimetière, mais c’est le plus cher de tous », toutefois se bornant à
1622
cimetière… » ; Sorel qui marque le passage entre
un
Marx et un Nietzsche, ses maîtres au xixe siècle, un Lénine et un Mu
1623
» ; Sorel qui marque le passage entre un Marx et
un
Nietzsche, ses maîtres au xixe siècle, un Lénine et un Mussolini, se
1624
arx et un Nietzsche, ses maîtres au xixe siècle,
un
Lénine et un Mussolini, ses disciples au xxe siècle, fut sans doute
1625
tzsche, ses maîtres au xixe siècle, un Lénine et
un
Mussolini, ses disciples au xxe siècle, fut sans doute l’observateur
1626
oute l’observateur le plus pessimiste de l’Europe
des
nationalismes. Et c’est à lui que 1914 donnera raison. Car 1914 sonne
1627
le glas non de l’Europe, certes, mais de l’Europe
des
nations et de son impérialisme planétaire. Il faudra cependant en ven
1628
nces de la souveraineté absolue éclatent aux yeux
des
peuples et de leurs hommes d’État, dans les pays au moins qui auront
1629
eur libération, inscrivent dans leur Constitution
des
articles prévoyant l’abandon du dogme sacro-saint de la souveraineté
1630
27. Les citations qui suivent sont extraites d’
une
Anthologie encore inédite, dans laquelle j’ai groupé et commenté pl
1631
J. Gibelin, Paris, 1940. 29. Dans ses Grundzüge
des
gegenwärtigen Zeitalters, 1804-1805. 30. « On dirait qu’il appelle f
1632
ailleurs, qu’il m’est arrivé d’entendre dire : «
Une
culture européenne, ça n’existe pas. » Le fait même qu’une telle phra
1633
re européenne, ça n’existe pas. » Le fait même qu’
une
telle phrase ne puisse être énoncée qu’en Europe, et seulement par la
1634
e définition de l’originalité de notre continent.
Un
homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait une culture commune
1635
homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait
une
culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Améri
1636
t qu’elle ait une culture commune ne saurait être
un
Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. E
1637
une culture commune ne saurait être un Asiatique,
un
Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un
1638
mune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou
un
Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un peu plus près c
1639
ique, un Africain ou un Américain, mais seulement
un
Européen. Examinons d’un peu plus près ce paradoxe. Les intellectuels
1640
méricain, mais seulement un Européen. Examinons d’
un
peu plus près ce paradoxe. Les intellectuels sceptiques et les advers
1641
pas de culture européenne commune, mais seulement
des
cultures nationales, car les Allemands et les Français, ou les Scandi
1642
liens, sont trop différents entre eux pour former
une
unité quelconque ; secundo : il ne saurait y avoir de culture spécifi
1643
es trop différents pour pouvoir constituer jamais
une
unité de culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les
1644
ançais ne pensent qu’à l’amour ; les Suisses sont
des
paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur un
1645
mour ; les Suisses sont des paysans, les Italiens
des
chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur une connaissance trop méticu
1646
iens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur
une
connaissance trop méticuleuse et pédante de nos diversités, sur une e
1647
rop méticuleuse et pédante de nos diversités, sur
une
expérience, vécue jusqu’à l’irritation, du tempérament, des coutumes
1648
ence, vécue jusqu’à l’irritation, du tempérament,
des
coutumes et des préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle q
1649
u’à l’irritation, du tempérament, des coutumes et
des
préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle qui fait dire que
1650
férents de ceux du reste du monde, s’explique par
une
glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La premiè
1651
onde, s’explique par une glorieuse méconnaissance
des
réalités de ce reste du monde. La première attitude est en somme cell
1652
monde. La première attitude est en somme celle d’
un
myope, et la seconde celle d’un presbyte. Essayons maintenant de corr
1653
en somme celle d’un myope, et la seconde celle d’
un
presbyte. Essayons maintenant de corriger notre vision. Éloignons-nou
1654
st évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même
des
Amériques, l’unité de notre culture s’impose immédiatement et sans hé
1655
loponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’
un
seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvrirez ! Et dès q
1656
tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en
un
mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’originalité, la
1657
es cultures, surtout antiques, l’unité provient d’
une
origine unique, ou d’un grand principe formateur, et d’une continuell
1658
ques, l’unité provient d’une origine unique, ou d’
un
grand principe formateur, et d’une continuelle référence à cette sour
1659
ne unique, ou d’un grand principe formateur, et d’
une
continuelle référence à cette source, qui assure la cohérence et l’ho
1660
source, qui assure la cohérence et l’homogénéité
des
traditions. Tandis que dans d’autres cultures, surtout contemporaines
1661
ltures, surtout contemporaines, l’unité résulte d’
un
décret du Pouvoir, d’une uniformité imposée par la force. Donc, d’une
1662
raines, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir, d’
une
uniformité imposée par la force. Donc, d’une part unité traditionnell
1663
é ; d’autre part, unité synthétique imposée comme
un
cadre rigide à la culture. Pour fixer les idées, et sans vouloir ent
1664
sur le Sacré, comme celles de Sumer, de l’Égypte
des
Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèque
1665
pte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore
des
Mayas, puis des Aztèques ; tandis que les civilisations totalitaires
1666
, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis
des
Aztèques ; tandis que les civilisations totalitaires contemporaines,
1667
de Staline et la Chine de Mao (pour ne rien dire
des
tentatives rapidement avortées du national-socialisme et du fascisme)
1668
première vise à maintenir et la seconde à établir
une
unité dans l’homogène, facilement concevable et vérifiable, tandis qu
1669
enne s’expliquent historiquement par la pluralité
des
origines de notre civilisation. Et elles sont entretenues ou renouvel
1670
e toute doctrine unique et unifiante, imposée par
une
force extérieure au mouvement spontané de la culture. Nous tous, que
1671
émite, de l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi
des
profondeurs obscures du monde celtique et du monde germanique, et par
1672
diverses, hétérogènes, se sont produits au cours
des
siècles autant de conflits non encore résolus que de synthèses fécond
1673
scription définitive voyons maintenant se dégager
une
résultante unique, incontestable : le dynamisme européen. Si nous avo
1674
e monde entier, nous qui n’habitons après tout qu’
un
petit 5 % des terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos orig
1675
r, nous qui n’habitons après tout qu’un petit 5 %
des
terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos origines culturell
1676
ire suffisent dans tous les cas à rendre compte d’
un
dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. En d
1677
iptible de notre civilisation, pensant avoir payé
un
tribut suffisant aux éléments diversifiants, j’envisagerai maintenant
1678
s cette culture se distingue très évidemment soit
des
anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitaires,
1679
demment soit des anciennes cultures sacrées, soit
des
actuelles cultures totalitaires, — lesquelles ont d’ailleurs en commu
1680
tation, du seul fait de ses origines multiples et
des
valeurs souvent incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’a jam
1681
n a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à
une
seule doctrine qui eût régi à la fois ses institutions, sa religion,
1682
e et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme
une
période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite
1683
iter le Moyen Âge comme une période bénie d’unité
des
esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons auj
1684
ge comme une période bénie d’unité des esprits et
des
cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il
1685
lture, n’a pas produit seulement de l’anarchie et
des
guerres. Il a contraint les élites, et par elles la partie agissante
1686
aint les élites, et par elles la partie agissante
des
masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois
1687
sens de la vérité objective nous vient sans doute
des
Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique
1688
s vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers
des
premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborées pa
1689
élites intellectuelles le sens critique, au nom d’
un
absolu de vérité qui s’opposera plus tard au christianisme même, en t
1690
n contradictoire. Nous pouvons donc expliquer par
des
motifs religieux et philosophiques l’un des caractères les plus indis
1691
r par des motifs religieux et philosophiques l’un
des
caractères les plus indiscutables de notre culture : ce sens de la vé
1692
e sens critique, et qui a permis le développement
des
sciences exactes, notamment. Voilà qui peut vous paraître banal, à vo
1693
nt cette exigence de l’objectivité, et professent
un
dédain notoire pour la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
1694
tères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand
un
ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la ne virgul
1695
matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce
un
chiffre, il le veut exact à la ne virgule près, car autrement le pont
1696
sous la charge, ou l’avion explosera. Mais quand
un
Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
1697
l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce
un
chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il
1698
chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
un
autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plai
1699
estin dont il se croit ou se veut le maître, pour
une
part tout au moins — grande ou infime —, cela se discute depuis que l
1700
quant au sens qu’il donne à sa vie. D’où résulte
une
double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de m
1701
oisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore
une
banalité, me direz-vous. Mais comparez, une fois de plus. Les culture
1702
if, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est
un
but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fixé par le gouver
1703
f et matériel, fixé par le gouvernement, au nom d’
une
doctrine ennuyeuse ; c’est un but général, statistique et abstrait, s
1704
ernement, au nom d’une doctrine ennuyeuse ; c’est
un
but général, statistique et abstrait, sans relation directe ou immédi
1705
, n’exigent guère de l’individu que l’observation
des
rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’est pas responsable. Le karma,
1706
-développés » revendiquent à grands cris de haine
une
aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le
1707
avail acharné que nous nous sommes imposé pendant
des
siècles, conformément à nos principes, tandis que votre misère est fo
1708
ersonnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
Un
homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est respons
1709
de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir
un
homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils s
1710
e, le risque individuel ; pour le chrétien, c’est
un
état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliq
1711
iduel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce,
une
disposition intérieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’êtr
1712
’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir
des
droits du citoyen à part entière, et tous ces éléments spirituels, ju
1713
tique ou de la Chine. Ou bien, s’il prend soudain
un
sens précis, pour les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est un
1714
r les meneurs nationalistes de ces peuples, c’est
un
sens emprunté à l’Europe, même et surtout s’il justifie un élan de ré
1715
mprunté à l’Europe, même et surtout s’il justifie
un
élan de révolte contre elle, prétextant un colonialisme périmé. Si j’
1716
stifie un élan de révolte contre elle, prétextant
un
colonialisme périmé. Si j’ai cru bon de mettre en valeur ces trois ve
1717
lles permettent d’illustrer ce qui nous distingue
des
autres cultures. C’est surtout parce qu’elles expliquent la plupart d
1718
répressible. D’où vient, en effet, le dynamisme d’
une
civilisation ? De la pression démographique dans l’aire géographique
1719
ais celui de l’Europe est maximum. Le dynamisme d’
une
culture proviendrait-il plutôt, si l’on en croit Toynbee, des défis a
1720
proviendrait-il plutôt, si l’on en croit Toynbee,
des
défis auxquels elle se voit soumise ? S’il s’agit de défis extérieurs
1721
que nous ayons subi, d’ailleurs victorieusement,
des
champs Catalauniques au Kablenberg, et de Poitiers à Lépante, n’ont r
1722
tives à cet égard ; or elles ne résultèrent pas d’
un
défi venu de l’extérieur, mais au contraire d’une agression délibérée
1723
’un défi venu de l’extérieur, mais au contraire d’
une
agression délibérée de notre part. Je pense donc que le dynamisme de
1724
développé les sciences physiques et naturelles, à
un
degré littéralement incomparable. Certes, les peuples du Proche-Orien
1725
e, ou de se transformer demain radicalement, et d’
une
manière imprévisible. Avant de concentrer leurs énergies sur cette ex
1726
nce. On peut le dire : l’idée de genre humain est
une
création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Eu
1727
le dire : l’idée de genre humain est une création
des
Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui o
1728
ue du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement
des
arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations
1729
ncore influence profondément les choix politiques
des
masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé
1730
mmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du fond
des
temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et, à parti
1731
nt leurs musées, ils ont élaboré les préalables d’
une
science comparée des cultures et des civilisations, des religions et
1732
ont élaboré les préalables d’une science comparée
des
cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales
1733
préalables d’une science comparée des cultures et
des
civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouverne
1734
ience comparée des cultures et des civilisations,
des
religions et des arts, des morales et des gouvernements ; et cette so
1735
s cultures et des civilisations, des religions et
des
arts, des morales et des gouvernements ; et cette sociologie totale,
1736
et des civilisations, des religions et des arts,
des
morales et des gouvernements ; et cette sociologie totale, ou planéta
1737
ations, des religions et des arts, des morales et
des
gouvernements ; et cette sociologie totale, ou planétaire, prépare, e
1738
monde entier. Or, toutes ces créations sont nées
des
profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans leur évo
1739
as aujourd’hui de démontrer la cohérence profonde
des
créations que je viens d’énumérer. Il y faudrait un livre, et je l’ai
1740
créations que je viens d’énumérer. Il y faudrait
un
livre, et je l’ai déjà écrit37. Je me bornerai donc à vous rappeler,
1741
crée le monde, par où j’entends la possibilité d’
un
genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son unit
1742
jamais pris conscience de son unité virtuelle, ni
des
problèmes effrayants que pose son rassemblement. Nous sommes au point
1743
devons tout d’abord, nous les Européens, prendre
une
conscience à la fois plus intime et plus globale de l’originalité de
1744
us devons en même temps nous préparer à affronter
des
synthèses nouvelles, mais au niveau des valeurs créatrices de la cult
1745
affronter des synthèses nouvelles, mais au niveau
des
valeurs créatrices de la culture, et non pas au niveau de ses sous-pr
1746
é que la science et la technique sont aujourd’hui
des
réalités mondiales, et n’appartiennent plus à l’Europe, mais plutôt a
1747
aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est
un
fait que l’Europe a répandu sur toute la terre, au hasard de la colon
1748
secrets de puissance matérielle, nos produits en
un
mot. Mais il ne reçoit pas les valeurs, religieuses, éthiques et phil
1749
Europe, au lendemain de la dernière guerre, avait
un
but précis et limité : empêcher les Français et les Allemands de se b
1750
elle doit d’abord exister. Certains me diront, et
une
part de moi-même me le répète parfois en sourdine : après tout, que p
1751
Nous autres Européens, nous sommes comparables à
des
passagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau ne porte pas aujo
1752
mboles du sens dernier de la vie. Il ne porte pas
des
fuyards, des émigrants, des rescapés d’une catastrophe continentale,
1753
s dernier de la vie. Il ne porte pas des fuyards,
des
émigrants, des rescapés d’une catastrophe continentale, mais des pion
1754
vie. Il ne porte pas des fuyards, des émigrants,
des
rescapés d’une catastrophe continentale, mais des pionniers de l’aven
1755
te pas des fuyards, des émigrants, des rescapés d’
une
catastrophe continentale, mais des pionniers de l’aventure humaine. E
1756
des rescapés d’une catastrophe continentale, mais
des
pionniers de l’aventure humaine. Et il évoque irrésistiblement le sou
1757
aine. Et il évoque irrésistiblement le souvenir d’
un
autre moment de cette aventure, les petites caravelles de Colomb, au
1758
elle-même a suscité. À ceux qui demandent d’abord
des
apaisements moraux, des certitudes bien calculées avant de partir, et
1759
eux qui demandent d’abord des apaisements moraux,
des
certitudes bien calculées avant de partir, et une réponse à leurs ang
1760
des certitudes bien calculées avant de partir, et
une
réponse à leurs angoisses privées, je répondrai simplement ceci : l’a
1761
n. 35. Paul Valéry. 36. Membres de l’Appareil,
des
cadres du régime. 37. L’Aventure occidentale de l’homme , 1957. s
1762
lin (extraits) (juin-juillet 1960)u Au terme d’
une
semaine d’échanges intellectuels d’une exceptionnelle densité, je pen
1763
Au terme d’une semaine d’échanges intellectuels d’
une
exceptionnelle densité, je pense répondre à l’attente de tous en essa
1764
ngrès, Liberté, Culture. Nous sommes donc d’abord
un
Congrès — un congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a tenu des réu
1765
é, Culture. Nous sommes donc d’abord un Congrès —
un
congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a tenu des réunions success
1766
congrès permanent, il est vrai, puisqu’il a tenu
des
réunions successivement dans plus de vingt-cinq pays sur les cinq con
1767
s voici le point important : ce Congrès n’est pas
un
parti, n’est pas un front discipliné mais un simple rassemblement d’h
1768
ortant : ce Congrès n’est pas un parti, n’est pas
un
front discipliné mais un simple rassemblement d’hommes de culture qui
1769
pas un parti, n’est pas un front discipliné mais
un
simple rassemblement d’hommes de culture qui se veulent à la fois lib
1770
in de créer ainsi, en cas d’urgence et au service
des
libertés de l’esprit partout où elles sont attaquées, une certaine fo
1771
rtés de l’esprit partout où elles sont attaquées,
une
certaine force de frappe, de protestation efficace. Mais aussi, ils é
1772
ormé notre Congrès, c’était d’abord lutter contre
des
dictatures extérieures, bien connues et localisées, contre les idéolo
1773
ces contre les libertés ne viennent pas seulement
des
régimes que vous savez. Elles viennent de la misère et de la faim pou
1774
z. Elles viennent de la misère et de la faim pour
une
large partie de l’humanité. Elles viennent aussi des formes de vie ma
1775
large partie de l’humanité. Elles viennent aussi
des
formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propag
1776
s, comme celui de nourrir les corps et de réduire
des
misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de cultures tradi
1777
t que dans les pays techniquement non développés)
des
centaines de millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne
1778
umains qui souffrent avant tout de ne pas trouver
un
sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà
1779
à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans
une
vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le pl
1780
ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’
un
homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homm
1781
passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’
un
homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pa
1782
utter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou
une
femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la
1783
vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd
un
de ses points d’appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occup
1784
venir. Car la culture, c’est justement l’ensemble
des
activités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la
1785
ble des activités proprement humaines qui donnent
un
sens à notre vie. Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre de
1786
Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre
des
recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les
1787
t tout d’abord : transmettre des recettes de vie,
des
connaissances et des significations, relier les sentiments, les idées
1788
smettre des recettes de vie, des connaissances et
des
significations, relier les sentiments, les idées et les actes, mainte
1789
les sentiments, les idées et les actes, maintenir
une
tradition où l’on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l
1790
me de se situer à sa place dans le monde, et dans
un
monde qu’il approuve et dont il comprend les symboles. Mais la sécuri
1791
aventure personnelle, la nouveauté, l’inquiétude,
une
certaine révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’
1792
té, l’inquiétude, une certaine révolte sont aussi
des
besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui
1793
nsemble la culture vivante, celle qui peut rendre
un
sens à l’existence humaine. Or il se trouve que la plupart des confér
1794
technique et démocratique. Pour que notre vie ait
un
sens, il faut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce tem
1795
ulture vivante recrée pour les hommes de ce temps
des
ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humaines que nous
1796
c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent
une
commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour l’Occident surtout
1797
op de nos vies, et retrouvent une commune mesure,
un
style commun. Et ceci vaut pour l’Occident surtout. Mais désormais, c
1798
ons attacher tant de prix aux contacts que permet
un
congrès comme le nôtre : contacts d’une part entre représentants des
1799
e nôtre : contacts d’une part entre représentants
des
arts, des sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre l
1800
contacts d’une part entre représentants des arts,
des
sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre les représe
1801
ie, contacts d’autre part entre les représentants
des
cinq ou six cultures continentales qui vivent dans le monde d’aujourd
1802
, toujours plus consciemment, vers la recherche d’
une
sagesse globale. En situant le Congrès comme je viens de le faire, j’
1803
ibuant à orienter les esprits et leurs choix vers
des
fins qui dépassent la politique et qui seules lui donnent son vrai se
1804
en soi que lui donnent les totalitaires — tant qu’
un
jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues co
1805
ces contre les libertés ne viennent pas seulement
des
formes de vie matérialistes que notre civilisation occidentale propag
1806
s, comme celui de nourrir les corps et de réduire
des
misères matérielles, bouleversent et oppriment tant de cultures tradi
1807
t que dans les pays techniquement non développés)
des
centaines de millions d’êtres humains qui souffrent avant tout de ne
1808
umains qui souffrent avant tout de ne pas trouver
un
sens à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans une vie, voilà
1809
à leur vie individuelle. L’absence de sens, dans
une
vie, voilà ce qui ôte le goût de la liberté, voilà ce qui ruine le pl
1810
ce qui ruine le plus insidieusement la dignité d’
un
homme et sa passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’un homm
1811
passion de lutter pour la liberté. Chaque fois qu’
un
homme ou une femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pa
1812
utter pour la liberté. Chaque fois qu’un homme ou
une
femme en vient à constater que sa vie personnelle n’a pas de sens, la
1813
vie personnelle n’a pas de sens, la liberté perd
un
de ses points d’appui, et la dictature s’avance aussitôt pour l’occup
1814
l’absence de sens : le sentiment de l’absurdité d’
une
vie sans but. Or la culture, c’est justement l’ensemble des activités
1815
ns but. Or la culture, c’est justement l’ensemble
des
activités proprement humaines qui donnent un sens à notre vie. Car la
1816
ble des activités proprement humaines qui donnent
un
sens à notre vie. Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre de
1817
Car la culture, c’est tout d’abord : transmettre
des
recettes de vie, des connaissances et des significations, relier les
1818
t tout d’abord : transmettre des recettes de vie,
des
connaissances et des significations, relier les sentiments, les idées
1819
smettre des recettes de vie, des connaissances et
des
significations, relier les sentiments, les idées et les actes, mainte
1820
les sentiments, les idées et les actes, maintenir
une
tradition où l’on se sente chez soi. C’est donc d’abord permettre à l
1821
me de se situer à sa place dans le monde, et dans
un
monde qu’il approuve et dont il comprend les symboles. Mais la sécuri
1822
aventure personnelle, la nouveauté, l’inquiétude,
une
certaine révolte sont aussi des besoins vitaux. Et alors se révèle l’
1823
té, l’inquiétude, une certaine révolte sont aussi
des
besoins vitaux. Et alors se révèle l’autre aspect de la culture, qui
1824
nsemble la culture vivante, celle qui peut rendre
un
sens à l’existence humaine. Or il se trouve que la plupart des confér
1825
technique et démocratique. Pour que notre vie ait
un
sens, il faut que la culture vivante recrée pour les hommes de ce tem
1826
ulture vivante recrée pour les hommes de ce temps
des
ensembles intelligibles. Il faut que nos activités humaines que nous
1827
c’est le cas dans trop de nos vies, et retrouvent
une
commune mesure, un style commun. Et ceci vaut pour l’Occident surtout
1828
op de nos vies, et retrouvent une commune mesure,
un
style commun. Et ceci vaut pour l’Occident surtout. Mais désormais, c
1829
ons attacher tant de prix aux contacts que permet
un
congrès comme le nôtre : contacts d’une part entre représentants des
1830
e nôtre : contacts d’une part entre représentants
des
arts, des sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre l
1831
contacts d’une part entre représentants des arts,
des
sciences et de la sociologie, contacts d’autre part entre les représe
1832
ie, contacts d’autre part entre les représentants
des
cinq ou six cultures continentales qui vivent dans le monde d’aujourd
1833
, toujours plus consciemment, vers la recherche d’
une
sagesse globale. Voilà pour les trois termes qui forment notre titre.
1834
ions du monde entier, est désormais : d’organiser
un
ample effort de réflexions entre intellectuels du monde entier sur le
1835
ope, de l’Afrique, de l’Asie, du Proche-Orient et
des
deux Amériques ; mais ceci dans la perspective qui nous est propre :
1836
i dans la perspective qui nous est propre : celle
des
incidences du progrès sur les vraies libertés humaines. On nous deman
1837
n nous demande souvent, de tous côtés : Êtes-vous
un
mouvement politique ? Il me semble que le commentaire que je viens de
1838
ibuant à orienter les esprits et leurs choix vers
des
fins qui dépassent la politique et qui seules lui donnent son vrai se
1839
en soi que lui donnent les totalitaires, tant qu’
un
jour il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se jeter à mains nues co
1840
t absolutisée. La politique doit rester pour nous
un
moyen dominé par des fins humaines, ces fins que l’esprit seul peut e
1841
litique doit rester pour nous un moyen dominé par
des
fins humaines, ces fins que l’esprit seul peut entrevoir, imaginer et
1842
bre de ces fins dernières, serait-elle à son tour
un
absolu ? Non, certes, mais elle seule nous conduit à nos fins. Car la
1843
rté se concrétise dans l’augmentation continuelle
des
possibilités, pour chaque homme, de courir son risque personnel, de d
1844
homme, de courir son risque personnel, de donner
un
sens à sa vie tant de travail que de loisir, et tant d’action que de
1845
nt d’action que de méditation. Ce n’est point par
des
statistiques, portant sur les résultats d’un régime ou d’une institut
1846
par des statistiques, portant sur les résultats d’
un
régime ou d’une institution, que se mesure en fin de compte le degré
1847
iques, portant sur les résultats d’un régime ou d’
une
institution, que se mesure en fin de compte le degré de liberté attei
1848
auté, et la seule mesure qui permette de juger qu’
une
forme de vie ou un système d’institution n’apportent pas seulement un
1849
sure qui permette de juger qu’une forme de vie ou
un
système d’institution n’apportent pas seulement un Progrès, mais un B
1850
n système d’institution n’apportent pas seulement
un
Progrès, mais un Bien. v. Rougemont Denis de, « La liberté et le
1851
tution n’apportent pas seulement un Progrès, mais
un
Bien. v. Rougemont Denis de, « La liberté et le sens de la vie »,
1852
pour la liberté de la culture. Parmi les délégués
des
différentes nations on notait la présence de MM. Oppenheimer, le gran
1853
uvent d’entendre prononcer la phrase suivante : «
Une
culture européenne, ça n’existe pas. » Le fait même qu’une telle phra
1854
re européenne, ça n’existe pas. » Le fait même qu’
une
telle phrase ne puisse être entendue qu’en Europe et seulement dans l
1855
e définition de l’originalité de notre continent.
Un
homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait une culture commune
1856
homme qui nie que l’Europe existe et qu’elle ait
une
culture commune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou un Améri
1857
t qu’elle ait une culture commune ne saurait être
un
Asiatique, un Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. E
1858
une culture commune ne saurait être un Asiatique,
un
Africain ou un Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un
1859
mune ne saurait être un Asiatique, un Africain ou
un
Américain, mais seulement un Européen. Examinons d’un peu plus près c
1860
ique, un Africain ou un Américain, mais seulement
un
Européen. Examinons d’un peu plus près ce paradoxe. I. Les intellectu
1861
méricain, mais seulement un Européen. Examinons d’
un
peu plus près ce paradoxe. I. Les intellectuels sceptiques et les adv
1862
pas de culture européenne commune, mais seulement
des
cultures nationales, car, disent-ils, les Allemands et les Français,
1863
emple, sont trop différents entre eux pour former
une
unité quelconque. Et ils affirment secundo : qu’il ne saurait y avoir
1864
es trop différents pour pouvoir constituer jamais
une
unité de culture, se fonde souvent sur les clichés traditionnels les
1865
rançais ne pensent qu’à l’amour, les Suisses sont
des
paysans, les Italiens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur un
1866
amour, les Suisses sont des paysans, les Italiens
des
chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur une connaissance trop méticu
1867
iens des chanteurs, etc.), mais parfois aussi sur
une
connaissance trop méticuleuse ou pédante de nos diversités, sur une e
1868
rop méticuleuse ou pédante de nos diversités, sur
une
expérience vécue jusqu’à l’irritation, du tempérament, des coutumes e
1869
ience vécue jusqu’à l’irritation, du tempérament,
des
coutumes et des préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle q
1870
u’à l’irritation, du tempérament, des coutumes et
des
préjugés de nos voisins. La seconde attitude, celle qui fait dire que
1871
férents de ceux du reste du monde, s’explique par
une
glorieuse méconnaissance des réalités de ce reste du monde. La premiè
1872
onde, s’explique par une glorieuse méconnaissance
des
réalités de ce reste du monde. La première attitude est en somme cell
1873
monde. La première attitude est en somme celle d’
un
myope, et la seconde, celle d’un presbyte. (Il est d’autant plus curi
1874
en somme celle d’un myope, et la seconde, celle d’
un
presbyte. (Il est d’autant plus curieux de les trouver souvent réunie
1875
plus curieux de les trouver souvent réunies chez
un
même individu…) Essayons maintenant de corriger notre vision. Éloigno
1876
st évidente. Vue de l’Asie, de l’Afrique, ou même
des
Amériques, l’unité de notre culture s’impose immédiatement et sans hé
1877
loponnèse et de Madrid à Varsovie, je répondrai d’
un
seul mot : Voyagez ! Quittez l’Europe, vous la découvrirez ! Et dès q
1878
tensions qui en résultent, ne seraient-ce pas en
un
mot nos diversités mêmes qui dénoteraient le mieux l’originalité, la
1879
a communauté — l’unité de notre culture ? Pendant
une
table ronde que je présidais à Rome, il y a quelques années, agacé pa
1880
ons que l’on ne cessait d’opposer à l’idée même d’
une
unité de la culture européenne, j’ai noté la phrase suivante, que j’a
1881
soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’
une
seule nation du grand complexe européen, dont il révèle ainsi qu’il f
1882
es cultures, surtout antiques, l’unité provient d’
une
origine unique, ou d’un grand principe formateur et d’une continuelle
1883
ques, l’unité provient d’une origine unique, ou d’
un
grand principe formateur et d’une continuelle référence à cette sourc
1884
ine unique, ou d’un grand principe formateur et d’
une
continuelle référence à cette source, qui assure la cohérence et l’ho
1885
source, qui assure la cohérence et l’homogénéité
des
traditions. Tandis que dans d’autres cultures, l’unité résulte d’un d
1886
dis que dans d’autres cultures, l’unité résulte d’
un
décret du Pouvoir, d’une uniformité imposée par la force. Donc, d’une
1887
ltures, l’unité résulte d’un décret du Pouvoir, d’
une
uniformité imposée par la force. Donc, d’une part unité traditionnell
1888
sé, d’autre part, unité synthétique imposée comme
un
cadre rigide à la culture. Pour fixer les idées, et sans vouloir entr
1889
ge, the Holy), comme celles de Sumer, de l’Égypte
des
Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis des Aztèque
1890
pte des Pharaons, de l’Inde védantique, ou encore
des
Mayas, puis des Aztèques ; tandis que les civilisations totalitaires
1891
, de l’Inde védantique, ou encore des Mayas, puis
des
Aztèques ; tandis que les civilisations totalitaires contemporaines,
1892
de Staline et la Chine de Mao (pour ne rien dire
des
brèves tentatives avortées du national-socialisme et du fascisme) ser
1893
première vise à maintenir et la seconde à établir
une
unité dans l’homogène, facilement concevable et vérifiable, tandis qu
1894
enne s’expliquent historiquement par la pluralité
des
origines de notre civilisation ; et elles sont entretenues ou renouve
1895
e toute doctrine unique et unifiante, imposée par
une
force extérieure au mouvement spontané de la culture. Nous tous, que
1896
émite, de l’Iran, et de l’Inde. Nous venons aussi
des
profondeurs obscures du monde celtique et du monde germanique, et par
1897
diverses, hétérogènes, se sont produits au cours
des
siècles autant de conflits non encore résolus que de synthèses fécond
1898
cription définitive, voyons maintenant se dégager
une
résultante unique, incontestable : le dynamisme européen. Si nous avo
1899
e monde entier, nous qui n’habitons après tout qu’
un
petit 5 % des terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos orig
1900
r, nous qui n’habitons après tout qu’un petit 5 %
des
terres du Globe, c’est bien à la complexité de nos origines culturell
1901
ire suffisent dans tous les cas à rendre compte d’
un
dynamisme unique et sans rival dans les annales du genre humain. 4. E
1902
iptible de notre civilisation, pensant avoir payé
un
tribut suffisant aux éléments diversifiant, j’envisagerai maintenant
1903
s cette culture se distingue très évidemment soit
des
anciennes cultures sacrées, soit des actuelles cultures totalitaires
1904
demment soit des anciennes cultures sacrées, soit
des
actuelles cultures totalitaires — lesquelles ont d’ailleurs en commun
1905
ation, du seul fait de ses origines multiples, et
des
valeurs souvent incompatibles qu’elle en a héritées, l’Europe n’a jam
1906
n a héritées, l’Europe n’a jamais pu s’ordonner à
une
seule doctrine qui eût régi à la fois ses institutions, sa religion,
1907
e et ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme
une
période bénie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite
1908
iter le Moyen Âge comme une période bénie d’unité
des
esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons auj
1909
ge comme une période bénie d’unité des esprits et
des
cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il
1910
sation n’a pas produit seulement de l’anarchie et
des
guerres. Il a contraint les élites, et par elles la partie agissante
1911
aint les élites, et par elles la partie agissante
des
masses européennes, à développer ce que je voudrais appeler les trois
1912
sens de la vérité objective nous vient sans doute
des
Grecs, eux-mêmes héritiers des premiers principes de la mathématique
1913
s vient sans doute des Grecs, eux-mêmes héritiers
des
premiers principes de la mathématique et de l’astronomie élaborées pa
1914
élites intellectuelles le sens critique, au nom d’
un
absolu de vérité qui s’opposera plus tard au christianisme même en ta
1915
xpliquer les motifs religieux et philosophiques d’
un
des caractères les plus indiscutables de notre culture : le sens de l
1916
iquer les motifs religieux et philosophiques d’un
des
caractères les plus indiscutables de notre culture : le sens de la vé
1917
e sens critique, et qui a permis le développement
des
sciences, notamment. Voilà qui peut paraître banal à un Européen élev
1918
ences, notamment. Voilà qui peut paraître banal à
un
Européen élevé dans le respect de la vérité dite objective, de la sim
1919
nt cette exigence de l’objectivité, et professent
un
dédain notoire pour la simple véracité. Leurs cultures leur proposent
1920
tères que ceux de la preuve « matérielle ». Quand
un
ingénieur européen énonce un chiffre, il le veut exact à la nième vir
1921
matérielle ». Quand un ingénieur européen énonce
un
chiffre, il le veut exact à la nième virgule près, car autrement le p
1922
sous la charge, ou l’avion explosera. Mais quand
un
Oriental énonce un chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
1923
l’avion explosera. Mais quand un Oriental énonce
un
chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir un autre, ou qu’il
1924
chiffre exorbitant, c’est qu’il espère en obtenir
un
autre, ou qu’il veut plaire ou intimider, ou se faire valoir. Il plai
1925
estin dont il se croit ou se veut le maître, pour
une
part tout au moins, grande ou infime — cela se discute depuis que l’E
1926
e pour le sens qu’il donne à sa vie. D’où résulte
une
double exigence de recueillement en soi et d’ouverture au monde, de m
1927
oisir vraiment libre, et de travail. Voilà encore
une
banalité, me dira-t-on. Mais comparons, une fois de plus ! Les cultur
1928
if, qui devient le seul but de la vie. Mais c’est
un
but impersonnel, purement quantitatif et matériel, fixé par le gouver
1929
f et matériel, fixé par le gouvernement, au nom d’
une
doctrine sans ampleur ; c’est un but général, statistique et abstrait
1930
ement, au nom d’une doctrine sans ampleur ; c’est
un
but général, statistique et abstrait, sans relation directe ou immédi
1931
, n’exigent guère de l’individu que l’observation
des
rites sacrés. Pour le reste, l’homme n’est pas responsable. Le karma,
1932
-développés » revendiquent à grands cris de haine
une
aide qui ne leur est due qu’au nom de l’amour chrétien, nous avons le
1933
avail acharné que nous nous sommes imposé pendant
des
siècles, conformément à nos principes, tandis que votre misère est fo
1934
ersonnelle, et que l’un n’irait pas sans l’autre.
Un
homme n’est vraiment libre que dans la seule mesure où il est respons
1935
de son sort, et à l’inverse, on ne saurait tenir
un
homme pour responsable de ses actes que dans la seule mesure où ils s
1936
e, le risque individuel ; pour le chrétien, c’est
un
état de grâce, une disposition intérieure ; pour le Germain, symboliq
1937
iduel ; pour le chrétien, c’est un état de grâce,
une
disposition intérieure ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’êtr
1938
’est d’être armé ; pour le Romain, c’est de jouir
des
droits du citoyen à part entière — et tous ces éléments spirituels, j
1939
et de nos vertus cardinales, paraîtront peut-être
un
peu abstraites. Il est temps que je les illustre. Au lieu d’expliquer
1940
développé les sciences physiques et naturelles à
un
degré littéralement incomparable. Certes, les peuples du Proche-Orien
1941
e, ou de se transformer demain radicalement, et d’
une
manière imprévisible. Avant de concentrer ses énergies sur cette expl
1942
nce. On peut le dire : l’idée de genre humain est
une
création des Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Eu
1943
le dire : l’idée de genre humain est une création
des
Européens. Exploration du temps, ensuite. Ce sont les Européens qui o
1944
ue du passé, leçons qu’on en tire, renouvellement
des
arts, sujets de romans et de pièces de théâtre, arsenal de citations
1945
ncore influence profondément les choix politiques
des
masses. À partir de l’histoire, ce sont les Européens qui ont inventé
1946
mmagasiner tous les trésors ainsi ramenés du fond
des
temps et de l’espace, les Européens ont inventé le Musée. Et, à parti
1947
t de continents, ils ont élaboré les préalables d’
une
science comparée des cultures et des civilisations, des religions et
1948
ont élaboré les préalables d’une science comparée
des
cultures et des civilisations, des religions et des arts, des morales
1949
préalables d’une science comparée des cultures et
des
civilisations, des religions et des arts, des morales et des gouverne
1950
ience comparée des cultures et des civilisations,
des
religions et des arts, des morales et des gouvernements, et cette soc
1951
s cultures et des civilisations, des religions et
des
arts, des morales et des gouvernements, et cette sociologie totale ou
1952
et des civilisations, des religions et des arts,
des
morales et des gouvernements, et cette sociologie totale ou planétair
1953
ations, des religions et des arts, des morales et
des
gouvernements, et cette sociologie totale ou planétaire, prépare elle
1954
, philosophie critique, — et je n’indique ici que
des
têtes de chapitre, et j’ai laissé de côté l’immense chapitre de nos c
1955
u monde entier. Or toutes ces créations sont nées
des
profondeurs de la culture européenne, et restent liées, dans leur évo
1956
aierai pas ici de démontrer la cohérence profonde
des
créations européennes que je viens d’énumérer. Il y faudrait tout un
1957
ennes que je viens d’énumérer. Il y faudrait tout
un
livre, et il se trouve que je l’ai déjà écrit. Je me bornerai donc à
1958
nt elle crée le monde, elle crée la possibilité d’
un
genre humain qui, sans elle, n’eût jamais pris conscience de son exis
1959
is pris conscience de son existence virtuelle, ni
des
problèmes effrayants que pose son rassemblement. Nous sommes au point
1960
devons tout d’abord, nous les Européens, prendre
une
conscience à la fois plus intime et plus globale de l’originalité de
1961
us devons en même temps nous préparer à affronter
des
synthèses nouvelles, mais au niveau des valeurs créatrices, et non pa
1962
affronter des synthèses nouvelles, mais au niveau
des
valeurs créatrices, et non pas au niveau des sous-produits de notre c
1963
veau des valeurs créatrices, et non pas au niveau
des
sous-produits de notre culture. L’originalité de la culture européenn
1964
é que la science et la technique sont aujourd’hui
des
réalités mondiales, et n’appartiennent plus à l’Europe, mais plutôt a
1965
aux valeurs et aux vertus de cette culture. C’est
un
fait que l’Europe a répandu sur toute la terre, au hasard de la colon
1966
secrets de puissance matérielle, nos produits en
un
mot. Mais il ne reçoit pas les valeurs religieuses, éthiques et philo
1967
de son union. L’union de l’Europe, en 1946, avait
un
but précis et limité : empêcher les Français et les Allemands de se b
1968
r, elle doit d’abord exister. Mais on me dira, et
une
part de moi-même me dit : après tout, que peut bien nous faire le sor
1969
Nous autres Européens, nous sommes comparables à
des
passagers embarqués sur le même bateau. » Ce bateau ne porte pas auj
1970
éalable notre union. À ceux qui demandent d’abord
des
apaisements moraux, des certitudes bien calculées avant de partir, et
1971
eux qui demandent d’abord des apaisements moraux,
des
certitudes bien calculées avant de partir, et une réponse à leurs ang
1972
des certitudes bien calculées avant de partir, et
une
réponse à leurs angoisses privées, je répondrai simplement ceci : l’a
1973
ain. 38. Si l’on me permet de paraphraser ainsi
un
vers fameux de Paul Valéry. x. Rougemont Denis de, « Originalité de
1974
Une
fusée à trois étages : bref historique de la Fondation (octobre 1960)
1975
rique de la Fondation (octobre 1960)z L’idée d’
une
Fondation européenne fut exposée pour la première fois par le directe
1976
irecteur du Centre européen de la culture, lors d’
une
réunion qui se tint dans la chambre même où était né Louis XIV, au Pa
1977
int-Germain-en-Laye. C’était le 14 novembre 1953.
Une
quinzaine de personnalités de la banque, de l’industrie, de la politi
1978
de la banque, de l’industrie, de la politique et
des
organisations internationales, fondèrent ce jour-là le Club européen.
1979
ub se donna pour tâche principale l’élaboration d’
un
projet qui s’inspirait des considérations suivantes : Si l’Europe, si
1980
ncipale l’élaboration d’un projet qui s’inspirait
des
considérations suivantes : Si l’Europe, simple cap de l’Asie, a tenu
1981
sie, a tenu le premier rang dans le monde pendant
des
siècles, elle l’a dû à sa faculté de créer des valeurs morales, des s
1982
nt des siècles, elle l’a dû à sa faculté de créer
des
valeurs morales, des structures de la société, et des techniques, que
1983
l’a dû à sa faculté de créer des valeurs morales,
des
structures de la société, et des techniques, que tous les autres peup
1984
valeurs morales, des structures de la société, et
des
techniques, que tous les autres peuples de la Terre ont adoptées ou s
1985
d’imiter. Les Européens ont raison d’être fiers d’
une
telle culture. Cependant, que font-ils aujourd’hui non seulement pour
1986
eurs propres œuvres ? Quand il s’agit de financer
un
projet culturel, un institut nouveau, des recherches avancées dans le
1987
? Quand il s’agit de financer un projet culturel,
un
institut nouveau, des recherches avancées dans les divers domaines de
1988
financer un projet culturel, un institut nouveau,
des
recherches avancées dans les divers domaines de la culture, les Europ
1989
uropéens ont pris l’habitude de recourir à l’aide
des
fondations américaines. Cette situation n’est ni normale ni saine, et
1990
ale ni saine, et peut même devenir démoralisante.
Un
moyen d’y remédier rapidement serait d’établir une puissante fondatio
1991
Un moyen d’y remédier rapidement serait d’établir
une
puissante fondation européenne dotée de capitaux récoltés en Europe.
1992
européenne dotée de capitaux récoltés en Europe.
Une
telle institution, par sa seule existence, contribuerait à restaurer
1993
à rendre aux chercheurs et créateurs de nos pays
une
confiance en soi et en l’avenir qui est l’une des premières condition
1994
une confiance en soi et en l’avenir qui est l’une
des
premières conditions de la vitalité d’une culture. Le Club européen
1995
t l’une des premières conditions de la vitalité d’
une
culture. Le Club européen se réunit encore à trois reprises, au cour
1996
personnes constituant le premier noyau du Conseil
des
gouverneurs de la Fondation. Dès la première session plénière du Cons
1997
tion. Dès la première session plénière du Conseil
des
gouverneurs, le 11 mai 1955, à Genève, S. A. R. le prince Bernhard de
1998
1 mai 1955, à Genève, S. A. R. le prince Bernhard
des
Pays-Bas voulut bien accepter la présidence de la Fondation, et il n’
1999
la Fondation, le CEC lui avait offert de partager
une
partie de ses locaux et de son staff à Genève. Les frais généraux pur
2000
isposait pas, comme les fondations américaines, d’
un
capital initial important mais comptait stimuler l’intérêt d’un nombr
2001
tial important mais comptait stimuler l’intérêt d’
un
nombre aussi grand que possible de donateurs dans tous nos pays. La
2002
us nos pays. La politique adoptée par le Conseil
des
gouverneurs, durant cette première période, se basait sur l’idée sain
2003
ans plus attendre : celui de l’éducation et celui
des
Beaux-Arts. Le premier mit sur pied une série d’expériences-pilotes d
2004
et celui des Beaux-Arts. Le premier mit sur pied
une
série d’expériences-pilotes d’éducation européenne (dont l’exécution
2005
re confiée dès 1956 au CEC) et le second commanda
des
œuvres nouvelles à six jeunes compositeurs, auxquels des bourses fure
2006
res nouvelles à six jeunes compositeurs, auxquels
des
bourses furent décernées. Un comité d’experts en éducation et un jury
2007
positeurs, auxquels des bourses furent décernées.
Un
comité d’experts en éducation et un jury musical présidèrent au choix
2008
nt décernées. Un comité d’experts en éducation et
un
jury musical présidèrent au choix des expériences-pilotes et des comp
2009
éducation et un jury musical présidèrent au choix
des
expériences-pilotes et des compositeurs. En même temps, plusieurs sub
2010
l présidèrent au choix des expériences-pilotes et
des
compositeurs. En même temps, plusieurs subventions furent accordées,
2011
rent accordées, notamment à la Journée européenne
des
écoles, à l’Association des universitaires d’Europe, et au départemen
2012
la Journée européenne des écoles, à l’Association
des
universitaires d’Europe, et au département cartographique du Collège
2013
graphique du Collège d’Europe. Lors de la réunion
des
gouverneurs à Genève, le 16 mars 1957, il fut convenu que la Fondatio
2014
onctions très différentes — l’une devant financer
des
projets, l’autre exécutant elle-même ses plans — se trouvaient éclair
2015
ers cette opération à la mise à feu du 2e étage d’
une
fusée de l’espace, se séparant au moment voulu du premier moteur. La
2016
ndation décida également d’organiser chaque année
un
grand congrès destiné à faire mieux connaître ses buts et à recueilli
2017
à faire mieux connaître ses buts et à recueillir
des
fonds plus importants d’un plus grand nombre de sources. Le premier d
2018
buts et à recueillir des fonds plus importants d’
un
plus grand nombre de sources. Le premier de ces congrès se tint à Ams
2019
Milan en 1958 et le troisième à Vienne, en 1959.
Un
séminaire pour « jeunes responsables » et une table ronde des institu
2020
959. Un séminaire pour « jeunes responsables » et
une
table ronde des institutions culturelles européennes furent organisés
2021
e pour « jeunes responsables » et une table ronde
des
institutions culturelles européennes furent organisés par la Fondatio
2022
en 1960. La table ronde est destinée à permettre
une
meilleure coordination des activités autonomes conduites par les prin
2023
t destinée à permettre une meilleure coordination
des
activités autonomes conduites par les principales institutions cultur
2024
Dès 1960, elle compte répartir entre ses membres
des
subventions et des bourses pour des projets déterminés. Reprenant mai
2025
pte répartir entre ses membres des subventions et
des
bourses pour des projets déterminés. Reprenant maintenant notre compa
2026
e ses membres des subventions et des bourses pour
des
projets déterminés. Reprenant maintenant notre comparaison avec les é
2027
nt maintenant notre comparaison avec les étages d’
une
fusée, nous constaterons que le moment est venu, pour la Fondation, d
2028
de comités nationaux pour la recherche en commun
des
fonds, doit fournir les moyens nécessaires à la mise en pratique de c
2029
ider fort heureusement avec le vaste regroupement
des
institutions européennes, économiques et politiques, qui doit se réal
2030
ci la fin de l’année. z. Rougemont Denis de, «
Une
fusée à trois étages : bref historique de la Fondation », Caractère e
2031
eph Bédier : Seigneurs, vous plaît-il d’entendre
un
beau conte d’amour et de mort ? Seigneurs et dames ici présents, vou
2032
aisir au secret de l’âme que nous vaut la lecture
des
légendes arthuriennes, et d’abord de celle de Tristan, ce plaisir « à
2033
, et pourtant précis à l’extrême, de quelques-uns
des
grands érudits de ce siècle, Gaston Paris et Joseph Bédier en premier
2034
l et historique, ces hommes ont fait bien plus qu’
une
œuvre scientifique, et sérieuse aux yeux des confrères : ils ont perm
2035
s qu’une œuvre scientifique, et sérieuse aux yeux
des
confrères : ils ont permis à l’Occident moderne de reprendre conscien
2036
is à l’Occident moderne de reprendre conscience d’
une
de ses sources, d’une de ses dimensions constitutives, celle de l’émo
2037
e de reprendre conscience d’une de ses sources, d’
une
de ses dimensions constitutives, celle de l’émotion, celle de l’âme.
2038
celle de l’âme. Je voudrais résumer leur œuvre en
une
seule expression, moins pédante qu’elle ne paraît à première vue : av
2039
Les étymologies servent à faire entendre la force
des
mots et à les retenir par la liaison qui se trouve entre le mot primi
2040
et xiiie siècles, expriment bien autre chose qu’
un
thème romanesque, — fût-il même le thème exemplaire, l’archétype de t
2041
pparitions, comme les épiphanies quasi sacrées, d’
un
des grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, e
2042
ritions, comme les épiphanies quasi sacrées, d’un
des
grands mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’un mythe, et qu
2043
ds mythes de l’âme occidentale. Mais qu’est-ce qu’
un
mythe, et qu’est-ce que l’âme ? Tout auteur qui se permet ces grands
2044
teur qui se permet ces grands mots doit au public
une
justification de l’usage personnel qu’il en fait. Un mythe, au sens o
2045
justification de l’usage personnel qu’il en fait.
Un
mythe, au sens où je l’entends, c’est une histoire, généralement très
2046
en fait. Un mythe, au sens où je l’entends, c’est
une
histoire, généralement très simple, et invariable en sa donnée — bien
2047
ple, et invariable en sa donnée — bien qu’offrant
des
possibilités infinies d’adaptation aux circonstances individuelles le
2048
x circonstances individuelles les plus diverses —
une
histoire qui décrit et révèle d’une manière imagée, symbolique, une s
2049
us diverses — une histoire qui décrit et révèle d’
une
manière imagée, symbolique, une structure de notre existence. Mais no
2050
écrit et révèle d’une manière imagée, symbolique,
une
structure de notre existence. Mais non pas de notre existence intelle
2051
e mot dans le sens noble et vague que lui donnent
un
peu trop facilement les poètes, ni dans le sens goethéen de « belle â
2052
assique de la chaire, quand elle parle du « salut
des
âmes », ou « d’immortalité de l’âme ». Je prends le mot au sens préci
2053
animation, ou même animosité. Le jeu « animé » d’
un
pianiste, par exemple, manifeste une réalité qui n’est ni proprement
2054
u « animé » d’un pianiste, par exemple, manifeste
une
réalité qui n’est ni proprement physique ni proprement spirituelle, q
2055
—, celle de l’âme. L’âme est en propre le domaine
des
émotions et des passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comm
2056
e. L’âme est en propre le domaine des émotions et
des
passions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comme la sensation e
2057
nsée, la preuve de l’intellect. La passion, c’est
une
impulsion qui outrepasse les lois et routines de l’instinct, et qui v
2058
-passion est cette forme de l’amour qui se libère
des
contraintes naturelles, des rythmes trop prévus de la sexualité, mais
2059
l’amour qui se libère des contraintes naturelles,
des
rythmes trop prévus de la sexualité, mais aussi des décrets de la mor
2060
s rythmes trop prévus de la sexualité, mais aussi
des
décrets de la morale et des conseils de la raison. L’amour-passion re
2061
sexualité, mais aussi des décrets de la morale et
des
conseils de la raison. L’amour-passion relève par excellence de l’âme
2062
u ton quelque peu didactique de ce rappel au sens
des
mots — considérons le mythe lui-même dans sa pleine stature et ses pr
2063
l’érosion de la vie « courante », par la réalité
des
caractères qui se heurtent à propos de rien, et des tempéraments qui
2064
s caractères qui se heurtent à propos de rien, et
des
tempéraments qui s’accordèrent un jour, dans l’instant du premier reg
2065
os de rien, et des tempéraments qui s’accordèrent
un
jour, dans l’instant du premier regard, mais que le temps modifie fat
2066
ard, mais que le temps modifie fatalement, créant
un
risque permanent de dissonance. C’est le mythe d’un amour qui méprise
2067
risque permanent de dissonance. C’est le mythe d’
un
amour qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports sociaux
2068
es rapports sociaux, et même de l’engagement dans
un
rapport concret avec un Autre toujours insuffisant, jamais digne de s
2069
même de l’engagement dans un rapport concret avec
un
Autre toujours insuffisant, jamais digne de son image, jamais digne d
2070
amais digne de l’Ange dont le premier regard, par
une
intuition fulgurante — et c’est le fameux coup de foudre romantique —
2071
on mystique de Dante, poursuivant l’image aimée d’
une
Béatrice à peine connue dans sa réalité terrestre. Ce que le mythe de
2072
r, passion de l’âme ouverte sur l’esprit, libérée
des
corps dont elle vient, et survolant les irritantes vicissitudes de no
2073
n’est pas amour, qui tourne à réalité », s’écrie
un
troubadour tardif, contemporain de nos légendes tristaniennes. Mais q
2074
ndiose en sa simplicité première, jusqu’au niveau
des
confusions morales les plus banales et complaisantes. Ce serait aller
2075
complaisantes. Ce serait aller de l’apparition d’
un
mythe sacré, voilant de poésie ses secrets religieux, jusqu’à son uti
2076
tout impudente, ou ignorante, ou inconsciente, à
des
fins de rendement commercial : comédies à succès sur le thème du tria
2077
œurs et coutumes, ne serait-elle que l’histoire d’
une
longue profanation ? Faut-il penser que les pouvoirs du mythe sont ép
2078
eux », selon l’expression célèbre de Thomas, l’un
des
auteurs de la légende primitive ? Mais si le mythe est épuisé, et s’i
2079
is si le mythe est épuisé, et s’il était vraiment
un
mythe de l’âme, faut-il conclure que c’est l’âme elle-même, la foncti
2080
ation ? L’hygiène, la technique et la science, et
une
dose de psychanalyse, vont-elles exorciser la société future, évacuan
2081
société future, évacuant les dernières passions ?
Une
analyse sociologique de la dégradation du mythe, au cours des siècles
2082
sociologique de la dégradation du mythe, au cours
des
siècles, inclinerait à cette conclusion. Elle consisterait à montrer
2083
gradation continue et, semble-t-il, irréversible,
des
obstacles opposés à la passion. Or on sait que la passion vit d’obsta
2084
s aujourd’hui, dès lors que le mariage n’est plus
un
lien sacré, adversaire à la taille de la passion ; et que, loin de pr
2085
avent bien que le roman véritable n’est jamais qu’
une
version renouvelée de l’archétype de Tristan et Iseut. Ils cherchent
2086
is déjà, le héros de Lolita nous est décrit comme
un
antihéros, c’est-à-dire un malade mental. Un psychanalyste l’eût guér
2087
nous est décrit comme un antihéros, c’est-à-dire
un
malade mental. Un psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’eût pas eu
2088
omme un antihéros, c’est-à-dire un malade mental.
Un
psychanalyste l’eût guéri, et le roman n’eût pas eu lieu. Si les dern
2089
éalisme, le regard pseudo-scientifique détaillant
des
objets communs ou des fichiers de cartes perforées : c’est littéralem
2090
udo-scientifique détaillant des objets communs ou
des
fichiers de cartes perforées : c’est littéralement sans histoire. Ou
2091
au lieu de l’intensité, la noirceur dans le style
des
roués au lieu de la candeur monumentale, les jeux d’esprit au lieu de
2092
la candeur monumentale, les jeux d’esprit au lieu
des
drames du spirituel. Selon les sociologues, la passion doit mourir. J
2093
que notre culture tend à les supprimer, il reste
un
obstacle suprême, celui-là justement dont triomphe la passion de Tris
2094
re condition d’êtres finis oppose à notre amour d’
un
être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est bien
2095
es sont entrés, nous disent-ils, dans les voies d’
une
destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leur vie, car ils ont b
2096
nce dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour,
un
amour qui s’adresse à la part immortelle que lui seul pourra deviner
2097
Ange. Pétrarque, en proie au mythe, ose parler d’
un
plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace
2098
rant de Gottfried de Strasbourg, inspiré lui-même
des
Bretons, de Béroul, et d’on ne sait qui d’autre, Wagner décrit par sa
2099
angage du mythe essentiel, la mort transfigurante
des
amants. Cette mince bande jaune sur la mer, dans le nouveau décor de
2100
cette frileuse aurore jaune au bas du ciel, c’est
un
jour qui renaît, non pas le jour des hommes et de leur peine quotidie
2101
u ciel, c’est un jour qui renaît, non pas le jour
des
hommes et de leur peine quotidienne, mais l’horizon du nouveau Jour q
2102
u mazdéisme de Zarathoustra, toutes les actions d’
un
homme sur la terre, ses intentions et ses désirs et ses amours, compo
2103
ns et ses désirs et ses amours, composent au Ciel
un
être de lumière, une contrepartie transcendante, qui est son Nom divi
2104
ses amours, composent au Ciel un être de lumière,
une
contrepartie transcendante, qui est son Nom divin, sa personne éterne
2105
le : individu sur Terre, transitoire — et germe d’
un
être éternel qui est son vrai moi, et qui est un ange au ciel. Et ces
2106
’un être éternel qui est son vrai moi, et qui est
un
ange au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont des entités fémini
2107
nge au ciel. Et ces anges, nommés Fravartis, sont
des
entités féminines. On retrouve ici Dante, et Goethe, et peut-être bie
2108
son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans
un
paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tou
2109
s les êtres dans leur pureté paradisiaque, « dans
un
décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croisse
2110
centre du monde spirituel (qui est le monde réel
des
Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde des
2111
es Archétypes), le pont Chinvat s’élance, reliant
un
sommet au monde des Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant
2112
pont Chinvat s’élance, reliant un sommet au monde
des
Lumières infinies. À son entrée, se dresse devant l’âme sa Dâenâ, son
2113
nt l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’
une
beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais si
2114
a maltraité son moi, au lieu de la Fravarti c’est
une
apparition monstrueuse et défigurée qui reflète son état déchu. Je n
2115
cette forme de lumière qu’on ne rejoint que dans
un
au-delà, et qui aurait été, sur la Terre, le véritable objet du désir
2116
er le prochain « comme soi-même » suppose d’abord
une
dualité entre l’individu et le vrai moi, sans laquelle on ne saurait
2117
as, l’altérité même du prochain. Que l’Autre soit
un
Autre impénétrable, ne tient pas à quelque interdit, à quelque tabou
2118
, à quelque décret de la morale que l’on pourrait
un
jour abandonner, mais tient à l’être même, au fait de la personne. Nu
2119
est d’orienter notre vie affective, de lui offrir
un
modèle simple et pur, une grande image ordonnatrice de la passion. En
2120
affective, de lui offrir un modèle simple et pur,
une
grande image ordonnatrice de la passion. En restituant à notre temps
2121
, les philologues nous ont mis au défi d’apporter
un
peu plus de justesse dans le style de nos émotions. Et ce n’est pas s
2122
e réception, n’avait pas à rappeler le souvenir d’
un
prédécesseur. Il lui fut donc loisible d’y indiquer d’intéressantes t
2123
e. Quand elle eut appris que tel était le dessein
des
deux orateurs, l’Académie s’avisa de compléter ces exposés de deux ph
2124
sa tribune, pour y évoquer Tristan et Iseut sous
un
angle tout différent, M. Denis de Rougemont, qui a traité, lui, du «
2125
’auteur de L’Amour et l’Occident . Celui-ci, par
un
fâcheux contretemps, dut renoncer le matin même à gagner Bruxelles, l
2126
mythe de l’amour-passion, M. de Rougemont a tiré
des
essais très attachants sur l’aventure, sur l’homme occidental, sur l’
2127
e, après l’exposé de M. Vinaver fondé sur l’étude
des
textes la plus rigoureuse et la plus sensible, un autre exposé que no
2128
es textes la plus rigoureuse et la plus sensible,
un
autre exposé que nous attendons, un exposé, comme seul M. de Rougemon
2129
lus sensible, un autre exposé que nous attendons,
un
exposé, comme seul M. de Rougemont pouvait le faire, sur le phénomène
2130
Nos meilleurs esprits (1961)ad Dans
un
film naguère célèbre, Orson Welles assurait que la Suisse n’a donné a
2131
r venu, tandis que la grandeur de la Suisse reste
un
mystère, même aux yeux des Européens dotés d’une bonne culture moyenn
2132
deur de la Suisse reste un mystère, même aux yeux
des
Européens dotés d’une bonne culture moyenne. Et finalement, il faut a
2133
e un mystère, même aux yeux des Européens dotés d’
une
bonne culture moyenne. Et finalement, il faut avouer que le statut du
2134
demeurer à peu près invisible. Comment veut-on qu’
un
étranger le voit ? S’il vient chez nous et cite l’un des Suisses qu’i
2135
anger le voit ? S’il vient chez nous et cite l’un
des
Suisses qu’il connaît par sa réputation mondiale, pas une personne su
2136
ses qu’il connaît par sa réputation mondiale, pas
une
personne sur mille, prise dans la rue, n’aura jamais entendu ce nom.
2137
rois points appelleraient d’infinis commentaires,
un
livre entier : imaginons du moins son argument. ⁂ S’il me fallait déc
2138
argument. ⁂ S’il me fallait décrire la Suisse en
une
seule phrase, comme il arrive que des touristes l’exigent, je dirais
2139
a Suisse en une seule phrase, comme il arrive que
des
touristes l’exigent, je dirais : un pays de petits compartiments surm
2140
l arrive que des touristes l’exigent, je dirais :
un
pays de petits compartiments surmontés de sommets éclatants. Voyons c
2141
nts surmontés de sommets éclatants. Voyons cela d’
un
peu plus près. Compartiments est le mot-clé de la Suisse. Vingt-cinq
2142
jalousement préservés, et presque sans mélange ;
une
douzaine de paysages ou décors types, et l’on va de l’un à l’autre en
2143
ou décors types, et l’on va de l’un à l’autre en
une
demi-heure, parfois en deux minutes comme il arrive quand on traverse
2144
verse le tunnel de Chexbres : la vue se ferme sur
un
paysage de plateaux nordiques et rhénans, collines où montent les sap
2145
— et s’ouvre à l’autre bout dans l’espace doré d’
un
ciel méridional que double un lac immense… Compartiments, esprit de g
2146
ans l’espace doré d’un ciel méridional que double
un
lac immense… Compartiments, esprit de groupe, et sociétés. Mais petit
2147
ds y sera surtout local. Il sera le grand homme d’
une
vallée, d’une cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais c
2148
out local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’
une
cité, plus rarement celui d’un canton, presque jamais celui de la nat
2149
e d’une vallée, d’une cité, plus rarement celui d’
un
canton, presque jamais celui de la nation entière. Cette situation en
2150
rait mine de dépasser la mesure commune et d’être
un
chef. Un Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la cul
2151
de dépasser la mesure commune et d’être un chef.
Un
Führer suisse est impensable. Mais dans le domaine de la culture, cet
2152
alitarisme à petite échelle ne présente guère que
des
inconvénients. Car pour faire un grand musicien, un grand poète ou un
2153
sente guère que des inconvénients. Car pour faire
un
grand musicien, un grand poète ou un grand peintre, il faut un milieu
2154
inconvénients. Car pour faire un grand musicien,
un
grand poète ou un grand peintre, il faut un milieu, une école, un pub
2155
r pour faire un grand musicien, un grand poète ou
un
grand peintre, il faut un milieu, une école, un public excité, un sno
2156
cien, un grand poète ou un grand peintre, il faut
un
milieu, une école, un public excité, un snobisme ou une cour, et un s
2157
and poète ou un grand peintre, il faut un milieu,
une
école, un public excité, un snobisme ou une cour, et un sens de la dé
2158
u un grand peintre, il faut un milieu, une école,
un
public excité, un snobisme ou une cour, et un sens de la démesure. C’
2159
, il faut un milieu, une école, un public excité,
un
snobisme ou une cour, et un sens de la démesure. C’est tout cela qu’i
2160
lieu, une école, un public excité, un snobisme ou
une
cour, et un sens de la démesure. C’est tout cela qu’interdisent moral
2161
le, un public excité, un snobisme ou une cour, et
un
sens de la démesure. C’est tout cela qu’interdisent moralement nos co
2162
endules à coucou ignorent généralement que ce fut
un
Suisse qui bâtit le plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome ;
2163
us grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome ; qu’
un
autre Suisse construit des capitales ; qu’un troisième a donné à l’Am
2164
int-Pierre de Rome ; qu’un autre Suisse construit
des
capitales ; qu’un troisième a donné à l’Amérique les deux plus grands
2165
s s’il monte sur la montagne… Alors cette ivresse
des
sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacle devant la pen
2166
rmaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans
un
autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Voilà qui est b
2167
ais le Français ne fait-il pas trop belle la part
des
Suisses dans la culture humaine, tandis que notre Américain la réduis
2168
e Staël comme personne. Jean de Müller, historien
des
Suisses, fut aussi le premier à publier une Vue générale du genre hum
2169
orien des Suisses, fut aussi le premier à publier
une
Vue générale du genre humain, dès la fin du xviiie siècle. Mais ce n
2170
me de Staël et Benjamin Constant à Paris. Quant à
un
C. G. Jung, à un C. F. Ramuz, à un Karl Barth ou à un Jean Piaget, qu
2171
njamin Constant à Paris. Quant à un C. G. Jung, à
un
C. F. Ramuz, à un Karl Barth ou à un Jean Piaget, qui ont surtout véc
2172
Paris. Quant à un C. G. Jung, à un C. F. Ramuz, à
un
Karl Barth ou à un Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’
2173
. G. Jung, à un C. F. Ramuz, à un Karl Barth ou à
un
Jean Piaget, qui ont surtout vécu en Suisse, ce n’est pas la Suisse q
2174
opagé au loin ; c’est au contraire de l’étranger,
des
grands pays voisins et parfois de l’Amérique, que ce nom nous est rev
2175
rique, que ce nom nous est revenu, comme importé.
Un
autre trait commun à nos meilleurs esprits mériterait une étude plus
2176
e trait commun à nos meilleurs esprits mériterait
une
étude plus ample, dont je n’indique ici que le thème : un ou deux exc
2177
plus ample, dont je n’indique ici que le thème :
un
ou deux exceptés (et cela se discuterait) ils furent tous, à des titr
2178
eptés (et cela se discuterait) ils furent tous, à
des
titres divers, des hommes utiles, des penseurs engagés, plutôt que de
2179
iscuterait) ils furent tous, à des titres divers,
des
hommes utiles, des penseurs engagés, plutôt que des créateurs d’art o
2180
ent tous, à des titres divers, des hommes utiles,
des
penseurs engagés, plutôt que des créateurs d’art ou de pensée pure. M
2181
s hommes utiles, des penseurs engagés, plutôt que
des
créateurs d’art ou de pensée pure. Médecins praticiens, guérisseurs d
2182
giens et pédagogues, nous les voyons tous assumer
des
devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spirituels, comme si le fai
2183
oïevski seraient impensables en tant que Suisses.
Une
certaine démesure, un grand théâtre, un sens de la pompe et du style,
2184
ables en tant que Suisses. Une certaine démesure,
un
grand théâtre, un sens de la pompe et du style, libre de tout souci d
2185
Suisses. Une certaine démesure, un grand théâtre,
un
sens de la pompe et du style, libre de tout souci d’application « mor
2186
se. C’est à eux que la Suisse doit de représenter
une
plus grande densité de conscience européenne et d’efficacité transfor
2187
el, c’est la technique, fille de la science, et d’
une
science étroitement liée à toute l’évolution culturelle de l’Occident
2188
rectement, au niveau de la création comme à celui
des
effets extérieurs, et s’inter-déterminent de la manière la mieux véri
2189
Fait n° 1. Pour la première fois dans l’histoire,
une
civilisation devient vraiment mondiale, et c’est la civilisation tech
2190
e la seule exception. Il en résulte qu’on propose
un
peu partout d’orienter les études, dès l’enfance, vers la formation s
2191
d’années, les plus grands penseurs de l’Europe et
des
États-Unis, suivis par les chroniqueurs des journaux et par l’élite d
2192
pe et des États-Unis, suivis par les chroniqueurs
des
journaux et par l’élite de la bourgeoisie, chantent sur tous les tons
2193
onc que l’opposition entre la culture générale et
une
éducation spécialisée est le type même du faux problème. Car sans cul
2194
s. Pour établir cette thèse centrale, il faudrait
des
volumes et toute une vie de recherches. Je vais devoir me contenter d
2195
thèse centrale, il faudrait des volumes et toute
une
vie de recherches. Je vais devoir me contenter de vous rappeler quelq
2196
techniques décisives. Elles dépendent, non point
des
« lois de l’économie » dont parlaient Marx et les théoriciens bourgeo
2197
ns bourgeois de l’utilitarisme, mais au contraire
des
rêves les plus constants de l’homme, des rêves qui déterminent dans n
2198
ontraire des rêves les plus constants de l’homme,
des
rêves qui déterminent dans nos vies ce qu’on nomme les hasards, les t
2199
on nomme les hasards, les trouvailles par hasard,
des
rêves qui sont aussi les grands thèmes directeurs des créations de no
2200
rêves qui sont aussi les grands thèmes directeurs
des
créations de notre culture. Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils
2201
de notre culture. Pourquoi l’homme fabrique-t-il
des
outils ? Quels sont donc les motifs profonds de la technique ? Tout l
2202
siècle répond en chœur : que l’homme invente pour
des
motifs utilitaires. Et presque tous les historiens de la technique ré
2203
jours que les grandes inventions ont « répondu à
des
besoins », économiques, alimentaires et matériels. Quelques-uns cepen
2204
s, réfutent précisément ces théories. À l’origine
des
inventions européennes du xvie au xixe siècle, qui ont décidé du so
2205
rt, ni la volonté de puissance, mais au contraire
des
rêves magiques ou religieux, affectifs, poétiques, archétypiques, et
2206
très généralement humains. L’homme primitif crée
des
outils parce qu’il joue avec les démons cachés dans le feu ou dans la
2207
ler qu’est né l’avion, et non pas de la prévision
des
avantages économiques, touristiques et militaires que présenterait un
2208
ques, touristiques et militaires que présenterait
un
jour l’aviation. L’histoire du vol d’Icare est le récit d’un rêve que
2209
viation. L’histoire du vol d’Icare est le récit d’
un
rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l’autre, y comp
2210
it d’un rêve que presque tous les hommes ont fait
une
nuit ou l’autre, y compris Léonard de Vinci. Le motif onirique du vol
2211
d de Vinci. Le motif onirique du vol, attesté par
des
centaines d’auteurs depuis trois-mille ans, est de toute évidence ant
2212
ientifiques, cherchait à construire, nous dit-il,
une
« locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigi
2213
» qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide
des
voies ferrées et des horaires, mais pût aller à l’aventure le long de
2214
einte à suivre la loi rigide des voies ferrées et
des
horaires, mais pût aller à l’aventure le long des routes et des chemi
2215
mais pût aller à l’aventure le long des routes et
des
chemins dans les campagnes : rêve typique de l’adolescence, qui est l
2216
es : rêve typique de l’adolescence, qui est l’âge
des
fugues. Le jeune Henry Ford le réalisa en 1893, quelques années après
2217
d Otto eut inventé le moteur à explosion interne.
Des
douzaines d’ingénieurs ou amateurs de mécanique, en France surtout, a
2218
invention n’en demeure pas moins exemplaire. L’un
des
inventeurs de la turbine fut Léonard Euler, mathématicien de génie, e
2219
otif religieux qui est décisif. Élevé à Bâle dans
un
milieu ardemment piétiste, Euler pensait que ses livres de science pu
2220
a Nature, il prit le temps d’imaginer les plans d’
une
machine nouvelle, qui devint la turbine. Enfin, la machine à vapeur.
2221
lle qui existait au début du xviiie siècle était
des
plus rudimentaire : il fallait qu’un surveillant introduise de temps
2222
iècle était des plus rudimentaire : il fallait qu’
un
surveillant introduise de temps à autre un jet d’eau froide dans le r
2223
ait qu’un surveillant introduise de temps à autre
un
jet d’eau froide dans le réservoir contenant la vapeur, afin de produ
2224
nant la vapeur, afin de produire sa condensation.
Un
jour, un jeune enfant chargé de cette besogne, Humphrey Potter, eut l
2225
apeur, afin de produire sa condensation. Un jour,
un
jeune enfant chargé de cette besogne, Humphrey Potter, eut l’idée de
2226
besogne, Humphrey Potter, eut l’idée de relier à
un
balancier les robinets commandant l’arrivée de la vapeur et de l’eau
2227
’est utilitaire, économique ou financier. Ce sont
des
besoins d’un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont guid
2228
e, économique ou financier. Ce sont des besoins d’
un
tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont guidé l’intuition
2229
ychologiques et moraux, qui ont guidé l’intuition
des
inventeurs. L’explication de la technique par des besoins utilitaires
2230
des inventeurs. L’explication de la technique par
des
besoins utilitaires ou économiques repose en somme sur un anachronism
2231
ns utilitaires ou économiques repose en somme sur
un
anachronisme, et sur une confusion des effets et des causes. Au début
2232
iques repose en somme sur un anachronisme, et sur
une
confusion des effets et des causes. Au début, il y a le rêve, le jeu
2233
n somme sur un anachronisme, et sur une confusion
des
effets et des causes. Au début, il y a le rêve, le jeu ; plus tard vi
2234
anachronisme, et sur une confusion des effets et
des
causes. Au début, il y a le rêve, le jeu ; plus tard viennent l’indus
2235
français, déclare en 1833 que la locomotive est «
une
simple amusette scientifique ».) Plus tard, l’industrie et la banque,
2236
s lois expriment les besoins matériels de l’homme
des
masses. La vérité est simplement inverse : l’homme moyen n’éprouve le
2237
que quelques fous et rêveurs de génie inventèrent
un
beau jour ces mécaniques, qui devaient permettre l’industrie moderne.
2238
d’exploitation sont pris par les bureaux d’études
des
grandes firmes industrielles ou des offices de recherches militaires.
2239
eaux d’études des grandes firmes industrielles ou
des
offices de recherches militaires. Mais ce sont, après tout, de petite
2240
répondant à de petites nécessités d’abaissement d’
un
prix de revient ou d’augmentation d’un confort défini en termes physi
2241
issement d’un prix de revient ou d’augmentation d’
un
confort défini en termes physiques. Les très grandes inventions de no
2242
is de plus, la thèse du rêve créateur : l’exemple
des
fusées vers la Lune et Vénus me suffira. Les plus grandes sommes — de
2243
ne et Vénus me suffira. Les plus grandes sommes —
des
milliards de dollars — que dépensent nos plus grands États, sont affe
2244
plus grands États, sont affectées à la recherche
des
moyens d’explorer le cosmos. Personne ne peut savoir à quoi cela serv
2245
2/3 de l’humanité souffrent la faim — mais c’est
un
rêve, un rêve universel et proprement irrésistible. Et si un jour nou
2246
’humanité souffrent la faim — mais c’est un rêve,
un
rêve universel et proprement irrésistible. Et si un jour nous découvr
2247
rêve universel et proprement irrésistible. Et si
un
jour nous découvrons sur Mars des substances nouvelles qui procurent
2248
ésistible. Et si un jour nous découvrons sur Mars
des
substances nouvelles qui procurent à nos industries ou à nos États de
2249
réé notre culture ; — la technique n’est donc pas
un
destin objectif et que nous aurions à subir, mais bien au contraire,
2250
ons à subir, mais bien au contraire, elle exprime
des
vœux profonds dont nous sommes responsables. Il en résulte que la cul
2251
avantage de nous faire mieux comprendre la nature
des
deux dangers majeurs que la technique risque de créer dans ce siècle
2252
que je crois illusoire — de la mise en esclavage
des
Occidentaux par leurs machines, et le danger — beaucoup plus sérieux
2253
le danger — beaucoup plus sérieux à mon sens — d’
un
épuisement des sources vives de l’invention, par la réduction de la c
2254
eaucoup plus sérieux à mon sens — d’un épuisement
des
sources vives de l’invention, par la réduction de la culture générale
2255
nos grands penseurs de se lamenter sur le déclin
des
valeurs spirituelles, et sur la mise en esclavage de l’homme par les
2256
: La bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est
un
objet. Ce qui est horriblement dangereux, c’est l’homme. C’est lui qu
2257
prépare à l’employer. Le contrôle de la bombe est
une
absurdité. On nomme des Comités pour la retenir ! C’est comme si tout
2258
contrôle de la bombe est une absurdité. On nomme
des
Comités pour la retenir ! C’est comme si tout d’un coup on se jetait
2259
s Comités pour la retenir ! C’est comme si tout d’
un
coup on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les v
2260
! C’est comme si tout d’un coup on se jetait sur
une
chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laiss
2261
e donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est
un
contrôle de l’homme. Il n’est pas d’invention, si simple et si utili
2262
ire soit-elle, qui ne puisse être mise au service
des
passions meurtrières de l’homme : le couteau de cuisine a sûrement fa
2263
. Dire que la machine domine l’homme, ce n’est qu’
une
manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni une
2264
e manière de parler. Ce qui par contre ne fut pas
une
illusion, ni une manière de parler, ce qui fut même une douloureuse t
2265
er. Ce qui par contre ne fut pas une illusion, ni
une
manière de parler, ce qui fut même une douloureuse tragédie depuis pl
2266
lusion, ni une manière de parler, ce qui fut même
une
douloureuse tragédie depuis plus d’un siècle pour une partie de nos p
2267
i fut même une douloureuse tragédie depuis plus d’
un
siècle pour une partie de nos populations occidentales, ce fut le sor
2268
douloureuse tragédie depuis plus d’un siècle pour
une
partie de nos populations occidentales, ce fut le sort du travailleur
2269
iers du xixe siècle — l’homme attaché au service
des
machines jusqu’à seize heures par jour, dès sa jeunesse, puis l’homme
2270
létaire industriel comme le « complément vivant d’
un
mécanisme mort ». Mais déjà nous voyons s’approcher la fin de cette è
2271
rquable, ce ne sont pas les justes indignations d’
un
Marx, ni l’action politique des partis socialistes, et encore moins l
2272
tes indignations d’un Marx, ni l’action politique
des
partis socialistes, et encore moins la révolution des communistes qui
2273
partis socialistes, et encore moins la révolution
des
communistes qui ont créé les moyens concrets de libérer le prolétaria
2274
s accélérant, que nous sommes parvenus au seuil d’
une
ère nouvelle, qui doit et peut, progressivement, nous permettre non p
2275
en Occident. Et l’on s’aperçoit que l’automatisme
des
machines, qui semblait inhumain tant que l’ouvrier devait y adapter s
2276
e ne consiste pas seulement à se cultiver, à lire
des
livres, à écouter des disques, mais d’abord à écrire des livres, à co
2277
ement à se cultiver, à lire des livres, à écouter
des
disques, mais d’abord à écrire des livres, à composer de la musique,
2278
res, à écouter des disques, mais d’abord à écrire
des
livres, à composer de la musique, à méditer, à inventer et à créer. C
2279
musique, à méditer, à inventer et à créer. C’est
un
travail, c’est même le vrai travail humain. Mais il est clair que si
2280
ur la culture, ou pourra l’être. Nous allons vers
un
temps où les loisirs deviendront quantitativement plus importants que
2281
nent au contraire vers la culture, et lui donnent
un
sérieux nouveau, une importance économique croissante. Cependant un d
2282
rs la culture, et lui donnent un sérieux nouveau,
une
importance économique croissante. Cependant un danger subsiste. L’ère
2283
, une importance économique croissante. Cependant
un
danger subsiste. L’ère de l’automation et de l’électronique exige la
2284
rmation scientifique très poussée non seulement d’
une
petite élite, mais d’une masse importante de techniciens. Deux exempl
2285
poussée non seulement d’une petite élite, mais d’
une
masse importante de techniciens. Deux exemples : la France déclare qu
2286
grands inventeurs de tous les temps n’ont pas été
des
techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et des r
2287
’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais
des
poètes, des philosophes et des rêveurs, quelquefois des théologiens,
2288
des techniciens au sens étroit, mais des poètes,
des
philosophes et des rêveurs, quelquefois des théologiens, ou des peint
2289
sens étroit, mais des poètes, des philosophes et
des
rêveurs, quelquefois des théologiens, ou des peintres, ou des touche-
2290
ètes, des philosophes et des rêveurs, quelquefois
des
théologiens, ou des peintres, ou des touche-à-tout. La brouette, la r
2291
s et des rêveurs, quelquefois des théologiens, ou
des
peintres, ou des touche-à-tout. La brouette, la roulette et les lois
2292
quelquefois des théologiens, ou des peintres, ou
des
touche-à-tout. La brouette, la roulette et les lois du hasard, la mac
2293
es lois du hasard, la machine à calculer, ancêtre
des
cerveaux électroniques, c’est Pascal qui les inventa ; et la turbine
2294
thématicien et mystique ; et le gramophone, c’est
un
poète français un peu loufoque, Charles Cros. Ces successeurs moderne
2295
tique ; et le gramophone, c’est un poète français
un
peu loufoque, Charles Cros. Ces successeurs modernes d’un Archimède e
2296
oufoque, Charles Cros. Ces successeurs modernes d’
un
Archimède et d’un Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’écol
2297
ros. Ces successeurs modernes d’un Archimède et d’
un
Léonard de Vinci, on les imagine mal sortant d’écoles techniques poli
2298
inées, ou même d’écoles où ils n’auraient reçu qu’
une
instruction purement technique. L’ère nouvelle exigera, c’est entendu
2299
technique. L’ère nouvelle exigera, c’est entendu,
des
dizaines de milliers d’ingénieurs, mais si l’on subordonne tout notre
2300
réciproque. La technique ne permet pas seulement
une
augmentation quantitative du temps libre, mais une meilleure utilisat
2301
ne augmentation quantitative du temps libre, mais
une
meilleure utilisation qualitative des loisirs : par la radio, la télé
2302
libre, mais une meilleure utilisation qualitative
des
loisirs : par la radio, la télévision et les disques, toute la musiqu
2303
et même pour la philosophie. Le succès stupéfiant
des
pocket books, aux États-Unis d’abord puis en Europe a été rendu possi
2304
rs accrus. Bergson, qui réclamait si anxieusement
un
« supplément d’âme » pour notre société technique se voit doté, grâce
2305
é technique se voit doté, grâce aux paperbacks, d’
un
supplément posthume de 200 000 lecteurs aux États-Unis ! Deuxième con
2306
t qu’il s’agit de les former d’urgence aux dépens
des
humanités et de la culture générale. L’URSS a décidé de sacrifier la
2307
e dément cette conception simpliste. Je demandais
un
jour à l’un des trois physiciens qui ont réalisé la fission de l’atom
2308
conception simpliste. Je demandais un jour à l’un
des
trois physiciens qui ont réalisé la fission de l’atome comment il tra
2309
clut : « Vous voyez, notre activité réelle, c’est
un
mélange de poésie et de cuisine. Les procédés techniques et l’élabora
2310
er ne cesse d’insister sur la nécessité absolue d’
une
vaste culture générale et synthétique, englobant la littérature et la
2311
erche scientifique et technique n’aboutisse pas à
des
impasses, à la stagnation, ou à des monstruosités. S’il nous faut dav
2312
outisse pas à des impasses, à la stagnation, ou à
des
monstruosités. S’il nous faut davantage de techniciens et de chercheu
2313
culture générale, et non pas moins, et seulement
un
peu plus de formation technique pendant le temps de la scolarité : ca
2314
qui agit dans les pays sous-développés, à l’insu
des
bénéficiaires de nos techniques, mais alors d’une manière anarchique,
2315
des bénéficiaires de nos techniques, mais alors d’
une
manière anarchique, souvent néfaste. Les machines inventées par l’Occ
2316
’ignorer, nous donnerons aux pays sous-développés
des
objets explosifs et destructeurs de leurs traditions ancestrales et d
2317
es bienfaits de notre apport. Nous leur donnerons
des
drogues sans mode d’emploi, et nos remèdes deviendront des poisons. I
2318
es sans mode d’emploi, et nos remèdes deviendront
des
poisons. Il est donc temps, pour nous Occidentaux, d’adjoindre à l’as
2319
e monde parle et que tout le monde exige de nous,
une
assistance éducatrice et culturelle, sans laquelle tous nos dons, mêm
2320
source de nos inventions mais la seule garantie d’
un
progrès véritable. L’avenir de l’Occident ne dépend pas de nos divide
2321
endes immédiats, mais de notre faculté d’imaginer
un
développement plus harmonieux de nos rêves et de notre action. L’aven
2322
à la fois les conditions morales et matérielles d’
un
équilibre humain assez riche et assez souple pour servir de modèle à
2323
« Avec la clarté de l’écrivain et sa connaissance
des
problèmes européens, M. de Rougemont souligne l’interdépendance de la
2324
ndance de la culture et de la technique. Auteur d’
une
vingtaine de volumes — traduits en douze langues — directeur du Centr
2325
à Paris. Nous étions quelques-uns dans le hall d’
un
hôtel, vers quatre heures du matin, et je tirais les cartes. Un grand
2326
quatre heures du matin, et je tirais les cartes.
Un
grand et fort garçon, dans la trentaine, beau visage plein et carré,
2327
la culture, à Genève, qu’il ne devait quitter qu’
un
an avant sa mort. Je parlerai de sa personne. ⁂ Il était alsacien, né
2328
sacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’
une
famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la
2329
possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé
une
Anglaise. Il rêvait d’être un jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec
2330
e. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être
un
jour Suisse, ou Chilien peut-être. Avec tout cela, Français de bon la
2331
nt étranger du Combat d’Albert Camus, titulaire d’
une
émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalem
2332
nationales auxquelles il prêtait le rayonnement d’
une
culture exceptionnellement étendue, d’une sagesse indulgente mais inc
2333
ement d’une culture exceptionnellement étendue, d’
une
sagesse indulgente mais incisive et d’un charme personnel infaillible
2334
ndue, d’une sagesse indulgente mais incisive et d’
un
charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités german
2335
charme personnel infaillible, alliant le meilleur
des
qualités germaniques et françaises, — il semblait toujours que tout c
2336
peut-être, il venait de donner les témoignages d’
une
soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres françai
2337
s témoignages d’une soudaine maîtrise poétique, d’
un
ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifiant
2338
e fois de plus, il est passé au-delà, emporté par
un
mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques s
2339
à, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans
un
bref poème prophétique, quelques semaines avant d’en subir la premièr
2340
es avant d’en subir la première attaque, suivie d’
une
opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être «
2341
« nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’
un
« nouveau travail » ? ⁂ Il n’aimait pas les discussions métaphysiques
2342
ysiques ni qu’on lui demandât ce qu’il croyait. D’
une
thèse ou d’un point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou
2343
n lui demandât ce qu’il croyait. D’une thèse ou d’
un
point de vue qu’on le pressait d’adopter, de fonder ou de réfuter, il
2344
Et l’on sentait qu’il s’agissait en lui non pas d’
une
objection logique ou de doctrine, mais d’une allergie spirituelle. So
2345
as d’une objection logique ou de doctrine, mais d’
une
allergie spirituelle. Son parti pris fondamental, seul déclaré, était
2346
rti pris fondamental, seul déclaré, était celui d’
un
absolu monothéisme, au nom duquel il récusait toutes les construction
2347
ou Karl Barth — comme étant affectées à la base d’
un
« littéralisme » biblique décidément incompatible avec son sens du sy
2348
ens du symbolisme universel. Bach en automne est
un
poème luthérien, le seul que je connaisse en français. Luthérien par
2349
ar il croyait que notre incohérence aveugle avait
un
sens ailleurs, heureux et grand pour l’âme, et des lois dont certains
2350
un sens ailleurs, heureux et grand pour l’âme, et
des
lois dont certains indices — nombres, accords, réminiscences — nous l
2351
train du monde, il fallait naviguer dans la vie d’
un
signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’une certaine qualité
2352
n signe à l’autre, guidé par la seule intuition d’
une
certaine qualité poétique des êtres ou de la conjoncture ; et les err
2353
a seule intuition d’une certaine qualité poétique
des
êtres ou de la conjoncture ; et les erreurs importaient peu, normales
2354
us dans la « platitude divine » du grand fleuve d’
un
seul tenant reliant « l’origine et la perfection des temps ». Sa facu
2355
seul tenant reliant « l’origine et la perfection
des
temps ». Sa faculté de travail n’était guère égalée que par sa facult
2356
e mégalomane que par son mépris de l’arrivisme et
des
conditions élémentaires d’une carrière. Il avait de lui-même et du mo
2357
s de l’arrivisme et des conditions élémentaires d’
une
carrière. Il avait de lui-même et du monde une idée telle que les sou
2358
d’une carrière. Il avait de lui-même et du monde
une
idée telle que les soucis multipliés par une vie quotidienne mal ordo
2359
onde une idée telle que les soucis multipliés par
une
vie quotidienne mal ordonnée, et les besognes dont il s’acquittait po
2360
hélas ! d’écrire son œuvre. Il avait été Roi dans
une
autre existence, il le savait absolument ; il pouvait être dans cette
2361
et bohème, romancier ou poète, — il voulut même,
un
temps, devenir banquier, et riche. L’insignifiance foncière de tout l
2362
nce foncière de tout le laissait libre d’accorder
une
espèce d’intérêt passionné à certaines entreprises méthodiques, créat
2363
de Jean Monnet, qui le fascinait, ou comme celle,
un
peu clandestine, que nous poursuivions à Genève. Une espèce de rêve i
2364
peu clandestine, que nous poursuivions à Genève.
Une
espèce de rêve impérial d’autorité sans pouvoir apparent passait parf
2365
ent passait parfois dans ses propos. (Il eût fait
un
fort bel empereur romain-germanique et d’expression française.) Un ce
2366
eur romain-germanique et d’expression française.)
Un
certain ton de gouaille anarchisante, mais sans trace de vulgarité, e
2367
te, mais sans trace de vulgarité, et dans l’abord
des
êtres, un laisser-aller apparent (mais qui cachait beaucoup de fierté
2368
ns trace de vulgarité, et dans l’abord des êtres,
un
laisser-aller apparent (mais qui cachait beaucoup de fierté, et de ré
2369
ont Denis de, « Le Temps de la louange », Cahiers
des
saisons, Paris, été 1961, p. 21-24.
2370
sacien, né à Strasbourg, et son père descendait d’
une
famille de Hambourg, quelque peu mêlée de sang slave et possédant la
2371
possédant la bourgeoisie de Bâle. Il avait épousé
une
Anglaise. Il rêvait d’être un jour suisse ou chilien peut-être. Avant
2372
e. Il avait épousé une Anglaise. Il rêvait d’être
un
jour suisse ou chilien peut-être. Avant tout cela, Français de bon la
2373
nt étranger du Combat d’Albert Camus, titulaire d’
une
émission française de la BBC qu’il rendit rapidement fameuse, finalem
2374
nationales auxquelles il prêtait le rayonnement d’
une
culture exceptionnellement étendue, d’une sagesse indulgente mais inc
2375
ement d’une culture exceptionnellement étendue, d’
une
sagesse indulgente mais incisive et d’un charme personnel infaillible
2376
ndue, d’une sagesse indulgente mais incisive et d’
un
charme personnel infaillible, alliant le meilleur des qualités german
2377
charme personnel infaillible, alliant le meilleur
des
qualités germaniques et françaises, il semblait toujours que tout cel
2378
peut-être, il venait de donner les témoignages d’
une
soudaine maîtrise poétique, d’un ton nouveau dans les lettres françai
2379
s témoignages d’une soudaine maîtrise poétique, d’
un
ton nouveau dans les lettres françaises, ample, émouvant et pacifiant
2380
e fois de plus, il est passé au-delà, emporté par
un
mal qu’il avait su décrire dans un bref poème prophétique, quelques s
2381
à, emporté par un mal qu’il avait su décrire dans
un
bref poème prophétique, quelques semaines avant d’en subir la premièr
2382
es avant d’en subir la première attaque, suivie d’
une
opération au cerveau. Fallait-il vraiment, écrivait-il alors, être «
2383
« nettoyé » par cette maladie mortelle, en vue d’
un
« nouveau travail » ? at. Rougemont Denis de, Dadelsen Jean-Paul d
2384
Jean Calvin naît le 10 juillet 1509 à Noyon, d’
une
famille de bourgeoisie aisée. Il reçoit une bonne instruction général
2385
on, d’une famille de bourgeoisie aisée. Il reçoit
une
bonne instruction générale, puis va à Paris étudier la théologie, à O
2386
nstitution chrétienne qu’il publie en 1536. Après
un
séjour à Ferrare, il est retenu à Genève par Guillaume Farel et invit
2387
lètes en 59 vol., 1863-1900.) Si l’on admet avec
un
récent manifeste39 que « l’écrivain, dans la mesure où il s’occupe de
2388
9 que « l’écrivain, dans la mesure où il s’occupe
des
vicissitudes de l’époque et tente de s’y mêler — de les diriger, pour
2389
sément œuvre d’écrivain », alors Calvin n’est pas
un
écrivain. Il a créé un style et un vocabulaire, et la langue des idée
2390
», alors Calvin n’est pas un écrivain. Il a créé
un
style et un vocabulaire, et la langue des idées en France, et Bossuet
2391
lvin n’est pas un écrivain. Il a créé un style et
un
vocabulaire, et la langue des idées en France, et Bossuet lui concède
2392
l a créé un style et un vocabulaire, et la langue
des
idées en France, et Bossuet lui concède « la gloire d’avoir aussi bie
2393
faire de la littérature : c’était pour enseigner
des
vérités religieuses dans les vicissitudes de l’époque, et diriger les
2394
aire entendre la Parole. L’idée de surprendre par
des
tournures de phrases ou des adjectifs insolites, des raccourcis obscu
2395
dée de surprendre par des tournures de phrases ou
des
adjectifs insolites, des raccourcis obscurs ou fulgurants, un ton de
2396
tournures de phrases ou des adjectifs insolites,
des
raccourcis obscurs ou fulgurants, un ton de grandeur ou de naturel tr
2397
insolites, des raccourcis obscurs ou fulgurants,
un
ton de grandeur ou de naturel trivial, de désespoir ou de pudeur exqu
2398
turel trivial, de désespoir ou de pudeur exquise,
un
ton quelconque, — l’idée même d’être original ne lui a pas fait perdr
2399
dée même d’être original ne lui a pas fait perdre
une
seconde. On ne joue pas avec les mots quand on est « ministre du Verb
2400
fait, ne joue plus aucun rôle. En revanche, l’une
des
traditions maîtresses de la pensée française, celle qui considère l’é
2401
se, celle qui considère l’écrivain comme chargé d’
une
mission normative et créatrice de valeurs générales dans la cité, — c
2402
omas d’Aquin — il ne séduit que par la démesure d’
une
inflexible discipline intime. Rien de moins sec, d’ailleurs, de plus
2403
goût. Ce qui m’importe ici, c’est l’efficacité d’
une
œuvre écrite et pensée tout entière dans la soumission absolue à une
2404
pensée tout entière dans la soumission absolue à
une
cause qui transcende l’auteur. Homme traqué par sa vocation. Son pèr
2405
r sa vocation. Son père le destinait à la science
des
lois, pour la raison qu’elle enrichit ceux qui la suivent, nous dit-i
2406
de la vraie piété, je fus incontinent enflammé d’
un
si grand désir de profiter, qu’encore que je ne quittasse pas du tout
2407
mencer moi-même. De mon côté, d’autant qu’étant d’
un
naturel un peu sauvage et honteux, j’ai toujours aimé requoy et tranq
2408
même. De mon côté, d’autant qu’étant d’un naturel
un
peu sauvage et honteux, j’ai toujours aimé requoy et tranquillité, je
2409
chercher quelque cachette et moyen de me retirer
des
gens. Mais tant s’en faut que je vinsse à bout de mon désir, qu’au co
2410
se, celle de Robert Olivétan), François Ier signe
un
arrêt totalitaire interdisant sous peine de mort d’imprimer aucun liv
2411
er plus à l’aise, l’obligent à prendre la défense
des
« saints martyrs », de peur, dit-il, qu’en se taisant il ne se montre
2412
s. Il vient d’élaborer en quelques mois, — « dans
des
veilles mémorables, célestes », écrira l’humaniste Ramus — l’un des r
2413
bles, célestes », écrira l’humaniste Ramus — l’un
des
rares livres qui aient changé le cours de notre histoire occidentale.
2414
nt à Genève par hasard, il comptait n’y rester qu’
une
nuit. Mais là, « maître Guillaume Farel me retint, non pas tant par c
2415
, non pas tant par conseil et exhortation que par
une
adjuration épouvantable, comme si Dieu eût d’en haut étendu sa main p
2416
e par les cris de Farel. Il n’accepte pourtant qu’
une
charge de docteur, et commence à « dresser » l’Église dans ses formes
2417
à « dresser » l’Église dans ses formes. Bientôt,
une
sédition le chasse. Peut-il se croire « en liberté et quitte de sa vo
2418
jà Bucer exige sa présence à Strasbourg « usant d’
une
semblable remonstrance qu’avait faite Farel auparavant ». Calvin devi
2419
r de la première Église réformée, et il la dote d’
une
liturgie, qu’il met en vers pour être mieux chantée. Trois ans s’écou
2420
et par quelles épreuves il m’a examiné, ce serait
une
longue histoire. » Semblable au roi David molesté par les guerres et
2421
es et navré au milieu de son peuple par la malice
des
déloyaux « j’ai été assailli tellement qu’à grand-peine ai-je pu être
2422
tellement qu’à grand-peine ai-je pu être en repos
un
bien peu de temps, que toujours je n’eusse à soutenir quelque combat,
2423
emontant) mais c’est être emporté malgré soi vers
des
buts et dans une action à quoi rien ne nous inclinait. J’étais l’homm
2424
est être emporté malgré soi vers des buts et dans
une
action à quoi rien ne nous inclinait. J’étais l’homme le moins fait p
2425
le moins fait pour cela ! gémit l’individu quand
une
force inconnue, l’arrachant à lui-même, le jette à sa personne. Et Ca
2426
ux, moins impérieux pourtant que contraignant par
une
logique amère imagée de proverbes, de frustes apologues à la volée, e
2427
apologues à la volée, et d’innombrables citations
des
Écritures restituées dans leur nouveauté la plus abrupte et prosaïque
2428
on temps : nous jugeons pittoresques, par erreur,
des
tours qui ne voulaient qu’être clairs et convaincants pour l’auditeur
2429
s Ier, opposons le mouvement pressant et familier
des
Sermons qu’il prononce chaque jour à la cathédrale de Saint-Pierre. R
2430
tout vient. La phrase est souvent longue, mais d’
une
démarche ferme, conduisant vers un but si fortement conçu qu’il sembl
2431
ongue, mais d’une démarche ferme, conduisant vers
un
but si fortement conçu qu’il semble que jamais le moindre doute frivo
2432
esprit qui la préméditait. C’est ici le langage d’
un
chef — mais spirituel — parlant dans une ville assiégée, qu’il s’agis
2433
langage d’un chef — mais spirituel — parlant dans
une
ville assiégée, qu’il s’agisse de Genève où l’on veille aux remparts
2434
de le bien « conforter » dans l’amour paternel d’
un
Dieu-roi formidablement exalté au-dessus des puissants de la Terre, m
2435
nel d’un Dieu-roi formidablement exalté au-dessus
des
puissants de la Terre, mais pourtant jaloux de ses droits et des inté
2436
e la Terre, mais pourtant jaloux de ses droits et
des
intérêts de « son » peuple. Langage dénué de toute onction d’église,
2437
éduquer le peuple et les princes. Langage enfin d’
un
homme qui se sait écouté non seulement par les Genevois mais par tout
2438
uté non seulement par les Genevois mais par toute
une
élite européenne, assemblée devant lui, au pied de la chaire, et dont
2439
ouvoir de contagion. Ce ministre du Verbe a fait
un
monde. Il est même le seul écrivain dont les doctrines aient suscité
2440
dont les doctrines aient suscité dans l’Occident
une
éthique sociale et civique, un type neuf de relations politiques, enf
2441
é dans l’Occident une éthique sociale et civique,
un
type neuf de relations politiques, enfin des formes de gouvernement q
2442
ique, un type neuf de relations politiques, enfin
des
formes de gouvernement qui ont marqué d’une manière décisive l’Anglet
2443
enfin des formes de gouvernement qui ont marqué d’
une
manière décisive l’Angleterre et ses dominions, la Hollande et la Sui
2444
inions, la Hollande et la Suisse, la Hongrie pour
un
temps, la France huguenote, enfin toute l’Amérique du Nord, et cela f
2445
isse lui comparer par l’ampleur et par la durée d’
une
action de cet ordre dans l’Histoire. J’écarte Rousseau son disciple m
2446
e Nietzsche. Je ne vois plus que Marx, et encore.
Un
empire international se réclame de son œuvre, ou au moins de son nom
2447
e la Russie par Marx. Mais le marxisme en dépit d’
une
doctrine de l’Histoire quasiment prédestinatienne, et presque aussi p
2448
tinatienne, et presque aussi paradoxale que celle
des
Pères de la Réforme, n’a jamais pu créer une éthique, ni même une for
2449
elle des Pères de la Réforme, n’a jamais pu créer
une
éthique, ni même une formule d’équilibre entre la nation et ses princ
2450
Réforme, n’a jamais pu créer une éthique, ni même
une
formule d’équilibre entre la nation et ses princes, encore bien moins
2451
cité ; et que le titre de citoyen est bien moins
un
droit qu’une charge. Les démocraties d’Occident qui ont refusé de pay
2452
ue le titre de citoyen est bien moins un droit qu’
une
charge. Les démocraties d’Occident qui ont refusé de payer ce prix en
2453
ortes ou ne valent guère mieux. Le régime synodal
des
églises calvinistes préfigure le gouvernement par les élus de la comm
2454
moderne l’aire de l’influence de Calvin et l’aire
des
dictatures totalitaires : elles ne se recouvrent nulle part. Enfin, l
2455
te l’ignorance commune, Calvin a créé le modèle d’
une
église dressée face à l’État et soigneuse à le maintenir dans les lim
2456
ure encore où cet homme accablé a fait l’histoire
des
cités les plus libres, parce qu’il ne croyait pas à l’Histoire déifié
2457
lectuels s’humanisent, les grands noms deviennent
des
prénoms, les titres doivent être mérités, la familiarité dénote le re
2458
pas, on la sent. Ses exigences sont aggravées par
une
dose convenable d’arbitraire, mais tempérées par les plus capricieuse
2459
aises » sont pardonnées si elles s’affirment dans
un
grand style tumultueux à la mongole, à l’espagnole ou à la russe. Les
2460
es et les mises en boîte raffinées sont admis. Qu’
un
propos ou qu’un personnage déplaise, Victoria disparaît dans les prof
2461
en boîte raffinées sont admis. Qu’un propos ou qu’
un
personnage déplaise, Victoria disparaît dans les profondeurs du parc,
2462
a cour de San Isidro : c’était en 1941. Je venais
des
États-Unis, où la guerre en Europe m’avait projeté hors d’une Suisse
2463
is, où la guerre en Europe m’avait projeté hors d’
une
Suisse neutre et assiégée, qui m’estimait sans doute moins gênant, pe
2464
Bagatelle, transfigurée par les rayons obliques d’
une
fin d’après-midi dorée, avec Ortega y Gasset, et nous parlions d’amis
2465
ous parlions d’amis communs, venus de partout, qu’
une
sorte de prémonition avait rassemblés ces jours-là dans la capitale d
2466
à dans la capitale de l’Europe, ultime colloque d’
une
société secrète improvisée, avant les catastrophes et la nuit de l’es
2467
é, si proche et déjà légendaire, et la promesse d’
un
avenir malgré tout qui m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour, da
2468
un avenir malgré tout qui m’étaient rendus, comme
une
grâce. Un jour, dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’éta
2469
algré tout qui m’étaient rendus, comme une grâce.
Un
jour, dans une estancia des environs de Buenos Aires, j’étais tombé e
2470
m’étaient rendus, comme une grâce. Un jour, dans
une
estancia des environs de Buenos Aires, j’étais tombé en arrêt, médusé
2471
ndus, comme une grâce. Un jour, dans une estancia
des
environs de Buenos Aires, j’étais tombé en arrêt, médusé, réduit au s
2472
bé en arrêt, médusé, réduit au silence, au pied d’
une
cathédrale d’eucalyptus géants plus hauts que les tours de Notre-Dame
2473
ienne, au sens noble que définit la seule Société
des
esprits. Et j’ai vu qu’elle était Argentine avant tout, dans ses gran
2474
e son existence. Et c’est pourquoi son amitié est
un
honneur. On n’oserait pas l’avouer n’était l’humour et cette espèce d
2475
— qu’elle fait régner sur les relations humaines.
Un
jour le Sud aura sa revanche sur le Nord masculin, épuisé de logique,
2476
ntuition, l’émotion, le sens de l’Arbre animeront
un
nouvel ordre humain, une sagesse orientée par la Femme, comme Goethe
2477
sens de l’Arbre animeront un nouvel ordre humain,
une
sagesse orientée par la Femme, comme Goethe et C. G. Jung l’ont annon
2478
it d’ailleurs industriel ou philosophe, a d’abord
un
réflexe de doute. L’Europe qui se fait, dans la réalité concrète, n’e
2479
st-elle pas au contraire, ajoutent certains, l’un
des
derniers bastions de l’esprit nationaliste, des particularismes périm
2480
n des derniers bastions de l’esprit nationaliste,
des
particularismes périmés ? Répondre à ces questions me paraît vital, e
2481
ofessionnel. J’essaierai donc de démontrer ici, d’
une
manière aussi simple que possible : 1° que l’Europe unie est beaucoup
2482
jamais vu le jour) s’il ne s’inscrivait pas dans
une
longue tradition culturelle européenne ; 3° que cette tradition, écla
2483
rant la conjoncture actuelle, exige la création d’
une
Europe fédérale, et non pas d’une Europe unitaire ; 4° que le fédéral
2484
e la création d’une Europe fédérale, et non pas d’
une
Europe unitaire ; 4° que le fédéralisme et la culture s’appellent et
2485
ope, sans sa culture, ne serait pas l’Europe mais
un
cap de l’Asie. Doutes sur l’utilité de la culture Le grand publi
2486
ublic pense aujourd’hui que faire l’Europe, c’est
une
question de tarifs douaniers, de prix de revient, de niveaux de vie,
2487
ts sociaux et monétaires, en attendant peut-être,
un
jour, une sorte de confédération politique, — qui effraye encore beau
2488
x et monétaires, en attendant peut-être, un jour,
une
sorte de confédération politique, — qui effraye encore beaucoup de no
2489
roblèmes culturels ne seraient par conséquent que
des
problèmes marginaux. La culture serait au mieux l’ornement des loisir
2490
marginaux. La culture serait au mieux l’ornement
des
loisirs, un luxe flatteur, une dernière touche que mettraient les déc
2491
a culture serait au mieux l’ornement des loisirs,
un
luxe flatteur, une dernière touche que mettraient les décorateurs à l
2492
u mieux l’ornement des loisirs, un luxe flatteur,
une
dernière touche que mettraient les décorateurs à l’édifice du nouveau
2493
du nouveau consortium européen. Elle deviendrait
un
parasite si elle insistait pour qu’on augmente son budget. Cette vue
2494
mente son budget. Cette vue très populaire, née d’
un
xixe siècle utilitariste et mercantile, est en fait partagée par les
2495
nos budgets de la culture avec ceux de l’URSS et
des
USA, puissances modernes ; et surtout de comparer la dotation globale
2496
rnes ; et surtout de comparer la dotation globale
des
quelque 40 000 fondations américaines, qui se chiffre en milliards de
2497
ui se chiffre en milliards de dollars, avec celle
des
quelque 300 fondations culturelles existant dans nos pays, qui ne se
2498
mondiale, et si elle est encore aujourd’hui l’une
des
trois grandes puissances de la planète, ce n’est pas à ses richesses
2499
elles qu’elle le doit : simple cap de l’Asie (4 %
des
terres émergées du globe), un peu moins peuplée que l’Inde et beaucou
2500
cap de l’Asie (4 % des terres émergées du globe),
un
peu moins peuplée que l’Inde et beaucoup plus pauvre en matières prem
2501
la péninsule européenne ? Sinon par la différence
des
cultures, au sens le plus large du terme, qui va de la religion à la
2502
t la morale. L’Europe est très peu de choses plus
une
certaine culture, qui a fait d’une pauvre terre découpée et cloisonné
2503
de choses plus une certaine culture, qui a fait d’
une
pauvre terre découpée et cloisonnée le cœur et le cerveau de la planè
2504
ntinent par m, et sa culture par c, nous obtenons
une
équation semblable et non moins chargée de conséquences : E = mc2 Eu
2505
c2 Europe = Cap de l’Asie x culture intensive
Un
combat sur deux fronts Que veut dire, dans ces conditions, l’expre
2506
ant : « faire l’Europe » ? L’Europe existe depuis
des
millénaires. Il n’est pas question de la créer ; mais simplement, les
2507
l leurs ressources, trop longtemps divisées entre
une
vingtaine d’États tous trop petits désormais pour se suffire. Tel éta
2508
s qu’ils soient, sont profondément enracinés dans
un
millénaire au moins de culture européenne. L’obstacle principal à not
2509
s qu’il s’agit de le combattre. Et ceci n’est pas
une
question de technique ou de calculs tarifaires, mais une question de
2510
stion de technique ou de calculs tarifaires, mais
une
question de mentalité, d’habitudes de pensée, de réflexes acquis — de
2511
acquis — de sentiment autant que de raison. Donc
une
question de culture, d’éducation nouvelle. Mais « faire l’Europe » ne
2512
Et c’est là qu’intervient à nouveau la culture, d’
une
manière positive, créatrice, et vitale. Un ingénieur, un technocrate
2513
re, d’une manière positive, créatrice, et vitale.
Un
ingénieur, un technocrate et un théoricien de l’économie peuvent vous
2514
ère positive, créatrice, et vitale. Un ingénieur,
un
technocrate et un théoricien de l’économie peuvent vous faire en troi
2515
trice, et vitale. Un ingénieur, un technocrate et
un
théoricien de l’économie peuvent vous faire en trois jours un plan gé
2516
n de l’économie peuvent vous faire en trois jours
un
plan géométrique d’unification rigoureuse du continent, supprimant no
2517
le, et que votre intérêt commande de l’appliquer.
Un
autre groupe peut vous rappeler que depuis Dante et Pierre Dubois, au
2518
politiques du continent n’ont cessé de préconiser
une
union fédérale de nos peuples, respectant leurs diversités. Aux premi
2519
est vital pour l’avenir de l’Europe. Ce n’est pas
un
dialogue politique, et encore moins économique. C’est vraiment un dia
2520
tique, et encore moins économique. C’est vraiment
un
dialogue culturel. La synthèse de ces deux doctrines, c’est l’attitud
2521
’Europe matériellement. Vouloir nous unifier dans
un
cadre rigide détruit l’Europe spirituellement. Le combat sur deux fro
2522
e spirituellement. Le combat sur deux fronts pour
une
Europe unie, mais unie dans ses diversités, — voilà la tâche de la cu
2523
ui s’opposent à toute forme d’union ; et proposer
un
modèle efficace d’union spécifiquement européenne, qui s’appelle le f
2524
culturelles. Nous voyons que le programme commun
des
instituts, mouvements et associations de culture que notre Fondation
2525
ux tâches suivantes : 1° organiser la coopération
des
forces culturelles au-delà des frontières nationales ; 2° créer un ét
2526
ser la coopération des forces culturelles au-delà
des
frontières nationales ; 2° créer un état d’esprit favorable à l’avène
2527
lles au-delà des frontières nationales ; 2° créer
un
état d’esprit favorable à l’avènement d’une union fédérale, seule con
2528
créer un état d’esprit favorable à l’avènement d’
une
union fédérale, seule conforme au génie « un et divers » de la cultur
2529
t d’une union fédérale, seule conforme au génie «
un
et divers » de la culture européenne. L’Europe n’est pas une additio
2530
s » de la culture européenne. L’Europe n’est pas
une
addition de cultures nationales. Celles-ci sont des apparitions relat
2531
e addition de cultures nationales. Celles-ci sont
des
apparitions relativement récentes, et plus ou moins artificielles, qu
2532
nationales » ; de montrer que la culture commune
des
Européens est beaucoup plus ancienne que notre présent découpage en É
2533
; bref, de montrer que la culture, en Europe, est
un
phénomène à la fois pré-national et supranational, diversifié selon l
2534
tantes, — par le livre, la presse et le film, par
un
meilleur enseignement de l’histoire, par des comparaisons globales en
2535
, par un meilleur enseignement de l’histoire, par
des
comparaisons globales entre l’Europe et les cultures réellement diffé
2536
e l’Europe et les cultures réellement différentes
des
autres continents, mais aussi et surtout par l’exemple vécu d’une coo
2537
nents, mais aussi et surtout par l’exemple vécu d’
une
coopération supranationale des savants, des sociologues, des éducateu
2538
r l’exemple vécu d’une coopération supranationale
des
savants, des sociologues, des éducateurs, des éditeurs, des publicist
2539
écu d’une coopération supranationale des savants,
des
sociologues, des éducateurs, des éditeurs, des publicistes, etc. — le
2540
tion supranationale des savants, des sociologues,
des
éducateurs, des éditeurs, des publicistes, etc. — les instituts et as
2541
ale des savants, des sociologues, des éducateurs,
des
éditeurs, des publicistes, etc. — les instituts et associations cultu
2542
s, des sociologues, des éducateurs, des éditeurs,
des
publicistes, etc. — les instituts et associations culturelles militan
2543
culturelles militant pour l’Europe unie apportent
une
contribution essentielle à l’intégration du continent. Ils réduisent
2544
ope ? Et que sert de prêcher l’union européenne à
des
gens qui répondent que l’Europe n’est plus rien, qu’elle n’a pas d’id
2545
nde récemment libéré ? Vouloir faire l’Europe par
des
procédés techniques, sans tenir compte de cette situation morale, ne
2546
rait simplement utopique et vouée dès le départ à
un
échec sans gloire. Prendre au sérieux nos principes et nos valeurs, c
2547
re au sérieux nos principes et nos valeurs, c’est
une
affaire d’éducation. Contrairement à l’Asie et à l’URSS, l’Europe a t
2548
sie et à l’URSS, l’Europe a toujours voulu former
des
hommes à la fois libres et responsables. C’est là son grand atout, c’
2549
, et de l’organisation du travail en équipe selon
un
plan commun, d’autre part. Dans le domaine de l’éducation civique, pa
2550
d’une part, de l’esprit communautaire et du sens
des
responsabilités sociales d’autre part. Ces deux grandes tâches, je le
2551
par là : de la recherche pure, de la philosophie,
des
sciences humaines, et surtout de l’éducation. Si les programmes des i
2552
nes, et surtout de l’éducation. Si les programmes
des
instituts européens, des chercheurs et des publicistes, des enseignan
2553
ation. Si les programmes des instituts européens,
des
chercheurs et des publicistes, des enseignants enfin (aux trois degré
2554
rammes des instituts européens, des chercheurs et
des
publicistes, des enseignants enfin (aux trois degrés orientés vers l’
2555
uts européens, des chercheurs et des publicistes,
des
enseignants enfin (aux trois degrés orientés vers l’Europe unie) ne s
2556
a volonté de leurs initiateurs, elles risqueront,
un
jour, de dénaturer cette Europe que l’on croyait « faire ». Car, en f
2557
». Car, en fin de compte, pourquoi faut-il créer
un
grand marché européen ? Sinon pour mettre ou remettre l’Europe en mes
2558
mesure d’exercer sa fonction planétaire, qui est
une
fonction d’animation, d’échanges, et d’équilibre dynamique dans le pr
2559
e de toutes nos forces culturelles, décuplées par
une
aide puissante que l’économie seule peut leur donner, l’indispensable
2560
la freiner. Et les Autres arriveront avant nous à
des
positions de puissance dont ils ne manqueront pas d’abuser contre l’h
2561
moins tel que nous le concevons. En admettant qu’
une
armature d’institutions s’impose tout de même à nos peuples passifs,
2562
ssifs, si les forces de culture ne l’animent pas,
une
Europe techniquement unifiée ne sera jamais qu’une coque vide. L’app
2563
ne Europe techniquement unifiée ne sera jamais qu’
une
coque vide. L’apport vital des forces culturelles à notre intégratio
2564
ne sera jamais qu’une coque vide. L’apport vital
des
forces culturelles à notre intégration consiste donc d’abord à prépar
2565
e du fédéralisme. Si l’on me dit que j’aligne ici
des
évidences, j’en serai content : telle était bien mon intention. Mais
2566
Journal d’
un
témoin (23-24 juin 1962)aj ak Dans l’ouvrage si opportun que La Tr
2567
ve vient de publier, M. Jon Kimche parle beaucoup
des
mouvements de résistance qui se développèrent en Suisse pendant la cr
2568
1940. Il insiste notamment sur la fameuse « ligue
des
officiers », affaire dont M. Kurz, de son côté, souhaite qu’elle soit
2569
dont M. Kurz, de son côté, souhaite qu’elle soit
un
jour élucidée. Je serais heureux que les notes qui suivent contribuen
2570
sur les circonstances qui firent naître la ligue
des
officiers, et surtout à replacer le lecteur d’aujourd’hui dans le cli
2571
rêt. La petite histoire reste la meilleure source
des
historiens soucieux de reconstituer la psychologie d’une époque. ⁂ In
2572
toriens soucieux de reconstituer la psychologie d’
une
époque. ⁂ Incorporé à l’Adjudance générale de l’armée (Ve section, Ar
2573
e et Foyer), j’avais proposé et obtenu de rédiger
des
plans de causeries à l’usage des officiers chargés de faire la « théo
2574
btenu de rédiger des plans de causeries à l’usage
des
officiers chargés de faire la « théorie » quotidienne à leur troupe.
2575
es nazis ayant envahi la Belgique et la Hollande,
une
nouvelle mobilisation générale est ordonnée. Avec un de mes camarades
2576
nouvelle mobilisation générale est ordonnée. Avec
un
de mes camarades, je vais m’annoncer au chef de la police de Berne, q
2577
nous expose notre tâche : prendre le commandement
des
pelotons chargés d’arrêter à la première heure d’une agression allema
2578
pelotons chargés d’arrêter à la première heure d’
une
agression allemande les 70 chefs de quartier nazis qui opèrent dans l
2579
uartier nazis qui opèrent dans la Ville fédérale.
Des
camions sont alignés dans la cour pour cette éventualité. Voici le pl
2580
rs suivants à la troupe, où je suis retourné pour
une
semaine, que des hommes décidés à se battre, gonflés à bloc. Voici le
2581
troupe, où je suis retourné pour une semaine, que
des
hommes décidés à se battre, gonflés à bloc. Voici le film des semaine
2582
écidés à se battre, gonflés à bloc. Voici le film
des
semaines qui suivirent, d’après mes notes de journal de l’époque. ⁂ L
2583
e dans la guerre actuelle. Il faudrait déclencher
une
action dans le pays, pour la résistance à tout prix, avec le Gothard
2584
atout militaire. » Il acquiesce. Je poursuis : «
Une
action qui réunirait tous les groupements organisés en Suisse, mais e
2585
op lents et trop peu sûrs. » « Oui, dit-il, c’est
une
idée… (et pendant une seconde je n’ai pas su s’il était ironique ou s
2586
ûrs. » « Oui, dit-il, c’est une idée… (et pendant
une
seconde je n’ai pas su s’il était ironique ou sérieux) une bonne idée
2587
de je n’ai pas su s’il était ironique ou sérieux)
une
bonne idée… Seulement ce n’est rien d’en parler. Il faut le faire ! »
2588
ai senti sous son regard direct le danger d’avoir
une
idée et de l’exprimer sans précautions — avant d’avoir calculé la dép
2589
Notre projet me travaille. Spoerri insiste, agit.
Des
contacts sont pris à droite et à gauche. On nous approuve, on nous ai
2590
nous aidera, mais allez vite ! Vertige de sentir
une
idée qui s’incarne, qui « prend corps ». Samedi 15 juin 1940 À 11 heu
2591
able de rien dire de plus. Je suis resté immobile
un
long moment. J’ai écrit deux pages sur la confrontation d’Hitler et d
2592
e maison louée, à mi-pente du Gurten. Au-dessous,
des
cités-jardins et des usines. Plus loin la ville, la longue façade ver
2593
pente du Gurten. Au-dessous, des cités-jardins et
des
usines. Plus loin la ville, la longue façade verdâtre du Palais fédér
2594
, la longue façade verdâtre du Palais fédéral sur
une
falaise. À l’horizon, la barrière sombre du Jura, et au-delà se passe
2595
t au-delà se passe la guerre. Derrière la maison,
des
prairies montent jusqu’aux lisières de la forêt de sapins couronnant
2596
ins couronnant le Gurten. Toutes les demi-heures,
des
avions passent, volant très bas. Cette prairie dominant la ville sera
2597
très bas. Cette prairie dominant la ville serait
un
terrain d’atterrissage tout désigné pour des parachutistes. Je la reg
2598
erait un terrain d’atterrissage tout désigné pour
des
parachutistes. Je la regarde de temps à autre en écartant le rideau,
2599
rêt. Me suis levé pensant que c’était commencé. D’
une
fenêtre donnant au nord, j’ai regardé longtemps la ville, apparemment
2600
ville, apparemment paisible, et la ligne précise
des
crêtes du Jura sur un ciel tourmenté où je guettais des lueurs. Quelq
2601
sible, et la ligne précise des crêtes du Jura sur
un
ciel tourmenté où je guettais des lueurs. Quelques camions ont passé
2602
êtes du Jura sur un ciel tourmenté où je guettais
des
lueurs. Quelques camions ont passé sous la fenêtre, tous feux éteints
2603
je n’y pensais plus — en première page, à côté d’
un
appel à se taire lancé par le gouvernement vaudois ! (« Qui ne sait s
2604
e relis rapidement dans l’escalier : il me paraît
un
peu sentimental, je me demande s’il est bien à la mesure du tragique
2605
rère, M. P., qui est à la Censure. Oui, il y aura
des
histoires, paraît-il. Mais rien de nouveau jusqu’à six heures. Je me
2606
derniers. Secret bien gardé jusqu’ici. Ce matin,
un
officier de l’E.-M. est venu m’avertir de ce qui s’est passé dans la
2607
aérodromes. Mais on veillait partout. Hier soir,
des
barrages ont été établis dans les rues de la ville. La troupe a arrêt
2608
lis dans les rues de la ville. La troupe a arrêté
des
automobilistes munis de passeports français, mais aucun n’était Franç
2609
0 À sept heures précises au bureau. Sur ma table,
une
note me priant de passer chez le colonel, chef de la Ve Section. — Bo
2610
e à la maison, en voiture. J’attends deux heures.
Une
auto militaire vient me prendre. Comparutions diverses. Dialogue inva
2611
reconduit enfin chez moi. Écouté la radio pendant
des
heures. La débâcle est consommée, la Suisse cernée par l’Axe — les co
2612
Faucille. aj. Rougemont Denis de, « Journal d’
un
témoin I : La Suisse pendant les événements dramatiques de juin 1940
2613
avait signalé la formation durant l’été de 1940 d’
un
« mouvement de résistance » — il en distingue deux, l’un civil, l’aut
2614
é, après la guerre, l’épisode de « la conjuration
des
officiers » dont l’acte d’indiscipline fut sanctionné, mais dont les
2615
é un rôle non négligeable en faisant front contre
un
certain défaitisme ambiant. Denis de Rougemont, témoin et acteur de c
2616
besoins de cette édition numérique, on a attribué
un
style spécifique aux dates de ce journal.
2617
ard : premier mouvement de résistance : Journal d’
un
témoin II (25 juin 1962)am an Mercredi 19 juin 1940 Atmosphère d’i
2618
is ce pré et je sais qu’il peut y apparaître dans
un
instant des hommes qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus mon pi
2619
t je sais qu’il peut y apparaître dans un instant
des
hommes qui nous tireront dessus. Je n’ai même plus mon pistolet, que
2620
mule par petites touches précises, les éléments d’
un
énorme désastre, incroyable et vrai. Le téléphone m’apporte, heure pa
2621
n sentimentale sur son propre cas, et sur le sort
des
nations. Il ne reste que la préoccupation des petites choses précises
2622
ort des nations. Il ne reste que la préoccupation
des
petites choses précises à faire. 20 juin 1940 Mon colonel se présente
2623
Je prends la position. Il tient dans chaque main
un
petit paquet attaché par un ruban. — Ça, c’est du chocolat pour votre
2624
ient dans chaque main un petit paquet attaché par
un
ruban. — Ça, c’est du chocolat pour votre femme, ça c’est des cigaret
2625
Ça, c’est du chocolat pour votre femme, ça c’est
des
cigarettes parisiennes, pour vous. Maintenant, écoutez. La justice mi
2626
as sortir dans les rues de Berne chaque soir avec
une
petite femme à chaque bras. — À vos ordres, mon colonel ! J’ai toujou
2627
ordres, mon colonel ! J’ai toujours été partisan
des
vacances payées. Je vous remercie. — Repos ! Le colonel a bien voulu
2628
mercie. — Repos ! Le colonel a bien voulu prendre
un
verre, au terme de cette petite cérémonie. 22 juin 1940 Céder à l’enn
2629
n’est-ce point perdre, avant de se battre, l’une
des
raisons que l’on aurait de se battre, l’une des marques de cette indé
2630
e des raisons que l’on aurait de se battre, l’une
des
marques de cette indépendance que l’armée est chargée de défendre ? J
2631
ité du territoire. Il est clair que pour défendre
un
territoire, il est parfois indiqué de céder du terrain : cela s’appel
2632
fois indiqué de céder du terrain : cela s’appelle
une
retraite stratégique. On peut me dire qu’il est aussi des retraites n
2633
aite stratégique. On peut me dire qu’il est aussi
des
retraites nécessaires (des silences opportuns) pour défendre l’indépe
2634
e dire qu’il est aussi des retraites nécessaires (
des
silences opportuns) pour défendre l’indépendance du pays. Cela se dis
2635
es économiques et politiques. (En Suisse romande,
des
éditoriaux parlent déjà de « la nécessité de nous adapter à l’ordre n
2636
à cinq heures du matin, avec les fondateurs, dans
une
petite salle de café enfumée par les cigares de l’infatigable Gottlie
2637
ble. Clandestine dans l’armée, sous l’impulsion d’
un
groupe de jeunes capitaines instructeurs. Publique dans le civil et d
2638
devant l’opinion suisse, sous la responsabilité d’
un
directoire de dix membres. Le manifeste constate que « la Suisse est
2639
naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite
des
races, le Gothard est le grand symbole autour duquel tous les Confédé
2640
ent s’unir dans leurs diversités… Nous n’avons qu’
un
seul but : maintenir la Suisse dans le présent et pour l’avenir. Nous
2641
sent et pour l’avenir. Nous ne vous promettons qu’
un
grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’êt
2642
journaux du pays. Dans chacun, nous avons acheté
une
page entière. (Formule de la publicité politique ou philanthropique a
2643
la somme que nous a remise le capitaine E., l’un
des
chefs de la ligue des officiers — tout ce qu’il possède, paraît-il. 2
2644
emise le capitaine E., l’un des chefs de la ligue
des
officiers — tout ce qu’il possède, paraît-il. 26 juin 1940 Hier, disc
2645
ux, croire qu’il ne l’a pas senti. Mais ce matin,
un
officier de l’E.-M. du Général me dit : « Pour la première fois de ma
2646
quotidiennes, à Berne ou à la campagne, soit avec
des
membres du Directoire de la Ligue, soit avec notre seul homme de liai
2647
l’armée et la Ligue civile : le sergent Lindt41.
Une
maison de Berne, à double entrée, nous permet des contacts discrets a
2648
Une maison de Berne, à double entrée, nous permet
des
contacts discrets avec les représentants de la Ligue dans l’armée. La
2649
e notre vie suisse et non pas tel parti plutôt qu’
un
autre, qui est radicalement menacé. Pas un n’aurait la moindre chance
2650
tôt qu’un autre, qui est radicalement menacé. Pas
un
n’aurait la moindre chance de « s’arranger » avec l’occupant hitlérie
2651
es membres seraient prêts à accéder aux exigences
des
nazis, formulées en onze points. (Point n° 1 : renvoi immédiat des di
2652
ées en onze points. (Point n° 1 : renvoi immédiat
des
directeurs des trois plus grands journaux suisses allemands.) D’autre
2653
nts. (Point n° 1 : renvoi immédiat des directeurs
des
trois plus grands journaux suisses allemands.) D’autres seraient très
2654
D’autres seraient très nettement « résistants ».
Un
ou deux indécis. Sur la base de ces informations et de leur analyse d
2655
irectoire de la Ligue du Gothard entreprend alors
une
démarche que je crois sans précédent dans l’histoire des conjurations
2656
arche que je crois sans précédent dans l’histoire
des
conjurations politiques. Trois de ses membres, conduits par le profes
2657
its par le professeur Theo Spoerri, solliciteront
une
audience du Conseil fédéral. Ils ont mission de lui déclarer que s’il
2658
ssion de lui déclarer que s’il cède aux exigences
des
nazis, tout est prêt pour le renverser, des troupes et des blindés so
2659
ences des nazis, tout est prêt pour le renverser,
des
troupes et des blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe de rempla
2660
, tout est prêt pour le renverser, des troupes et
des
blindés sont en alerte à Lucerne, une équipe de remplacement est prêt
2661
troupes et des blindés sont en alerte à Lucerne,
une
équipe de remplacement est prête à entrer en fonction. Si au contrair
2662
tion. J’attends les résultats de la démarche dans
un
café proche du Palais fédéral. Les délégués m’y retrouvent après une
2663
Palais fédéral. Les délégués m’y retrouvent après
une
heure. Le titulaire ad interim du Département politique les a reçus a
2664
t qu’il puisse apparaître, après coup. Il y avait
une
sorte de pari insensé dans cette manière d’aller dire à un gouverneme
2665
de pari insensé dans cette manière d’aller dire à
un
gouvernement : « Nous vous avertissons qu’il existe un complot pour v
2666
uvernement : « Nous vous avertissons qu’il existe
un
complot pour vous renverser, et que nous en sommes les fauteurs ! » L
2667
ent, il résista, comme on sait.) 40. Néanmoins,
un
sergent de mes amis, syndicaliste, membre fondateur de la Ligue du Go
2668
téléphone. Par bonheur, c’est moi qui suis chargé
des
rapports d’écoute. J’efface les rouleaux enregistrant vos conversatio
2669
près avoir été haut-commissaire de l’Organisation
des
Nations unies pour les réfugiés. am. Rougemont Denis de, « Journal
2670
s réfugiés. am. Rougemont Denis de, « Journal d’
un
témoin II : La Ligue du Gothard, premier mouvement de résistance », T
2671
cédé du chapeau suivant : « Juin 1940, la débâcle
des
armées françaises. Au lendemain de l’entrée des Allemands à Paris, De
2672
e des armées françaises. Au lendemain de l’entrée
des
Allemands à Paris, Denis de Rougemont, alors incorporé à l’Adjudance
2673
on Armée et Foyer) envoie à Gazette de Lausanne
un
article qui lui vaut d’être mis aux arrêts (“Qui ne sait se taire nui
2674
“Qui ne sait se taire nuit à son pays”). Le moral
des
Suisses va-t-il flancher devant le raz de marée nazi ? Le Gothard, pe
2675
ougemont, devrait fournir le symbole et la clef d’
une
résistance à tout prix. Voici la suite du journal de ces jours dramat
2676
La conjuration
des
officiers en juin 1940 : Journal d’un témoin III (26 juin 1962)ao ap
2677
onjuration des officiers en juin 1940 : Journal d’
un
témoin III (26 juin 1962)ao ap 10 juillet 1940 Réunion avec trois
2678
e — ils me confient la rédaction. Ma position est
un
peu délicate. « Le général est toujours furieux après vous ! » m’a di
2679
x après vous ! » m’a dit hier encore mon colonel,
un
Bernois. Mais quoi ! D’une part, le général ne saura pas que le texte
2680
approuvera la pensée. Fin juillet 1940 Je rédige
une
brochure intitulée : Qu’est-ce que la Ligue du Gothard ? Dernière pa
2681
e : La création de la Ligue du Gothard a produit
un
choc salutaire sur l’opinion suisse. Elle a rendu confiance à beaucou
2682
fiance à beaucoup de citoyens, elle a fait naître
un
grand espoir et dissipé certaines brumes de défaitisme. La crainte de
2683
éfaitisme. La crainte de la concurrence a produit
une
émulation inattendue du côté des partis. Il est incontestable que san
2684
rrence a produit une émulation inattendue du côté
des
partis. Il est incontestable que sans la Ligue, les « communautés de
2685
s vu si tôt le jour. Nous savons qu’en réunissant
des
efforts jusqu’ici dispersés et des groupements naguère hostiles, nous
2686
’en réunissant des efforts jusqu’ici dispersés et
des
groupements naguère hostiles, nous créons le visage de la nouvelle gé
2687
Réunion du Directoire de la Ligue à Zurich, dans
une
villa de l’Utliberg. Tandis que nous nous dirigeons vers un café, à l
2688
e l’Utliberg. Tandis que nous nous dirigeons vers
un
café, à l’heure du déjeuner, sur une route presque campagnarde, entre
2689
irigeons vers un café, à l’heure du déjeuner, sur
une
route presque campagnarde, entre deux murs, une voiture militaire ouv
2690
r une route presque campagnarde, entre deux murs,
une
voiture militaire ouverte ralentit le long de nos petits groupes. Un
2691
e ouverte ralentit le long de nos petits groupes.
Un
jeune lieutenant inconnu de moi saute à terre, fait quelques pas à me
2692
s. Ils avaient essayé d’obtenir son appui pendant
une
partie de la nuit. Il leur a laissé croire qu’il marchait, et à 6 heu
2693
s ce voyage aux États-Unis ? Ici, je dois revenir
un
peu en arrière dans mes souvenirs. Dès le mois de mai, le « Secrétari
2694
s souvenirs. Dès le mois de mai, le « Secrétariat
des
Suisses à l’étranger » m’avait proposé d’aller à New York et d’y fair
2695
vait renouvelé la demande. J’aurais à faire aussi
des
conférences. Je proposai, pour voir, les quatre sujets suivants : 1)
2696
e théâtre communautaire en Suisse. Le 27 juillet,
une
lettre du Département politique m’offrait un passeport diplomatique (
2697
et, une lettre du Département politique m’offrait
un
passeport diplomatique (censé me faciliter la traversée de l’Espagne)
2698
bstienne aux États-Unis « de toute activité ayant
un
caractère politique quelconque. Des sujets de conférence comme ceux q
2699
activité ayant un caractère politique quelconque.
Des
sujets de conférence comme ceux qui sont indiqués sous les chiffres 1
2700
aire s’éloignait. Le Gothard était devenu plus qu’
un
symbole. Centre du Réduit national 42 il se dressait vraiment comme c
2701
ns oser croire qu’en quelques mois il deviendrait
une
réalité. L’opinion s’était ressaisie. La Ligue du Gothard, fondée sur
2702
n premier objectif atteint. Elle s’orientait vers
un
programme plus vaste d’entraide sociale et de rénovation économique e
2703
de résistance, au sens que ce mot devait prendre
un
peu plus tard dans les pays occupés par Hitler. Je suis conscient du
2704
ette comparaison, pourtant valable dans le détail
des
problèmes qui se posaient à la Ligue, assassinats et tortures en moin
2705
onne de la « crise » consécutive à l’effondrement
des
Alliés en mai 1940. Dans le détail, c’est-à-dire dans le concret, les
2706
points que je relèverai maintenant. 1. La « ligue
des
officiers » s’est bien constituée aux dates qu’indique M. Kimche (sec
2707
res activités sont correctement définis, sauf sur
un
point, qui est d’importance : je ne crois pas un instant que les offi
2708
un point, qui est d’importance : je ne crois pas
un
instant que les officiers ligueurs aient pu douter de la volonté de r
2709
le Conseil fédéral, et c’est pourquoi il dut être
un
complot. Le général Guisan écrit dans son rapport que leur seule faut
2710
ement à sa table. 2. Il est probable que la ligue
des
officiers et la ligue civile naquirent simultanément, et il est certa
2711
nt », on l’a vu par mes notes. Mais Kimche commet
une
curieuse erreur en confondant la ligue civile de juin 1940 avec ce qu
2712
national ». Si j’en juge par les noms qu’il donne
des
responsables de ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que d’une
2713
ce dernier Mouvement, il ne saurait s’agir que d’
une
organisation civile qui apparut durant l’automne de 1940. L’un de ses
2714
gue du Gothard et la substitution à cette ligue d’
un
mouvement qui n’eut d’autre tort à mes yeux que celui de n’avoir pas
2715
la période que décrit Kimche, n’est pas seulement
une
erreur de fait que l’auteur pourra corriger sans peine. Elle empêche
2716
e de se poser la question suivante : peut-on voir
une
« simple » coïncidence dans le fait que la Ligue civile et militaire
2717
t ? Je tenterai de répondre à cette question dans
un
prochain article. 42. On se rappelle, en Suisse, que le 25 juillet,
2718
du Gothard. ao. Rougemont Denis de, « Journal d’
un
témoin III : La conjuration des officiers en juin 1940 », Tribune de
2719
is de, « Journal d’un témoin III : La conjuration
des
officiers en juin 1940 », Tribune de Genève, Genève, 26 juin 1962, p.
2720
alors que le Troisième Reich venait de triompher
des
armées franco-anglaises et que la volonté de résistance paraissait s’
2721
s de nos compatriotes impressionnés par l’ampleur
des
succès nazis (voir La Tribune de Genève des 23 et 25 juin). Rappelon
2722
leur des succès nazis (voir La Tribune de Genève
des
23 et 25 juin). Rappelons, pour la compréhension de cet article, que
2723
r avoir écrit, au lendemain de la chute de Paris,
un
papier à la gloire de la capitale française qui n’était pas tendre po
2724
Dans vingt ans
une
Europe neuve (novembre 1962)aq ar La prévision est un exercice int
2725
pe neuve (novembre 1962)aq ar La prévision est
un
exercice intellectuel à deux temps alternés : élan et freinage. L’ima
2726
appel d’échecs ou de succès anciens. Ainsi, comme
un
voilier tirant des bords par vent debout, essayons d’avancer dans l’i
2727
de succès anciens. Ainsi, comme un voilier tirant
des
bords par vent debout, essayons d’avancer dans l’inconnu que nous déc
2728
merons. Pour tenter d’estimer l’ordre de grandeur
des
changements qu’apporteront les dix-huit ans qui nous séparent de 1980
2729
’Europe de l’Ouest a passé de la ruine générale à
une
prospérité sans précédent : d’une position dépendante des États-Unis
2730
uine générale à une prospérité sans précédent : d’
une
position dépendante des États-Unis à une position concurrentielle ; d
2731
périté sans précédent : d’une position dépendante
des
États-Unis à une position concurrentielle ; d’un affrontement presque
2732
dent : d’une position dépendante des États-Unis à
une
position concurrentielle ; d’un affrontement presque mortel des natio
2733
des États-Unis à une position concurrentielle ; d’
un
affrontement presque mortel des nationalismes autarciques au succès d
2734
oncurrentielle ; d’un affrontement presque mortel
des
nationalismes autarciques au succès du Marché commun, qui gage matéri
2735
au Mur de Berlin, et de la Libération à la perte
des
pays de l’Est ; de l’omniprésence communiste en France et en Italie a
2736
à sa suppression eu Allemagne, et à la défection
des
intellectuels ; des lamentations sur la dénatalité à une vague angois
2737
Allemagne, et à la défection des intellectuels ;
des
lamentations sur la dénatalité à une vague angoisse devant l’explosio
2738
ellectuels ; des lamentations sur la dénatalité à
une
vague angoisse devant l’explosion démographique ; du chômage endémiqu
2739
mographique ; du chômage endémique au suremploi ;
des
empires d’outre-mer français, anglais, hollandais et belge à la décol
2740
resque tous ces phénomènes avaient été prévus par
des
esprits lucides, quoique jugés impossibles par les experts, mais qu’i
2741
es lignes de cette récente évolution et à prévoir
une
accélération continuée des rythmes ? Deux hypothèses. Ou bien l’union
2742
évolution et à prévoir une accélération continuée
des
rythmes ? Deux hypothèses. Ou bien l’union de l’Europe est stoppée pa
2743
bien l’union de l’Europe est stoppée par l’échec
des
négociations entre les Anglais et le Marché commun, par le succès des
2744
re les Anglais et le Marché commun, par le succès
des
thèses gaullistes, et par la carence des mouvements fédéralistes. Il
2745
e succès des thèses gaullistes, et par la carence
des
mouvements fédéralistes. Il en résulte alors, nécessairement, une ren
2746
édéralistes. Il en résulte alors, nécessairement,
une
renaissance des nationalismes ; la dislocation de l’alliance atlantiq
2747
en résulte alors, nécessairement, une renaissance
des
nationalismes ; la dislocation de l’alliance atlantique ; l’anarchie
2748
ec le tiers-monde, d’où l’affaiblissement général
des
positions occidentales, une série de crises économiques, une arroganc
2749
faiblissement général des positions occidentales,
une
série de crises économiques, une arrogance accrue des peuples neufs d
2750
ns occidentales, une série de crises économiques,
une
arrogance accrue des peuples neufs détenant la majorité à l’ONU, des
2751
série de crises économiques, une arrogance accrue
des
peuples neufs détenant la majorité à l’ONU, des guerres « localisées
2752
e des peuples neufs détenant la majorité à l’ONU,
des
guerres « localisées » et finalement la guerre. Tout pronostic s’arrê
2753
À cette réalité de géographie humaine correspond
une
activité politique, économique et culturelle plusieurs fois supérieur
2754
nde, après en avoir discuté avec les responsables
des
autres continents. (Cela s’opère sur la base d’un Dialogue des cultur
2755
es autres continents. (Cela s’opère sur la base d’
un
Dialogue des cultures, organisé notamment par une série de centres ré
2756
ntinents. (Cela s’opère sur la base d’un Dialogue
des
cultures, organisé notamment par une série de centres régionaux, dont
2757
’un Dialogue des cultures, organisé notamment par
une
série de centres régionaux, dont les premiers sont entrés en fonction
2758
1963.) Enfin, l’Europe offre au monde le modèle d’
une
communauté organisée selon la méthode fédéraliste, antidote ou antico
2759
réfléchir et leurs nouvelles générations, au-delà
des
ivresses de l’indépendance, découvrent les réalités de l’interdépenda
2760
nce. La civilisation technique s’humanise — c’est
un
mot d’ordre ancien, mais qui a fini par devenir populaire. Les vitess
2761
et au Brésil. On cherche encore — on va trouver —
un
système général de freinage ou de décantation du progrès mécanique, q
2762
ussie exclue — y contraint autant que l’évolution
des
idées et des morales. L’Europe, initiatrice et première bénéficiaire
2763
— y contraint autant que l’évolution des idées et
des
morales. L’Europe, initiatrice et première bénéficiaire ou victime de
2764
se doit d’inventer les moyens d’humaniser l’usage
des
ressources matérielles fomentées par son aventureux génie. Le contine
2765
e. Le continent européen est devenu Mégalopolis :
une
maison tous les cent mètres en moyenne, à quelque distance des autoro
2766
us les cent mètres en moyenne, à quelque distance
des
autoroutes à six pistes, lesquelles permettent d’aller aussi vite d’u
2767
istes, lesquelles permettent d’aller aussi vite d’
une
ville à l’autre que les trains express (quelques-uns déjà souterrains
2768
les rives de la Méditerranée, abandon progressif
des
villes du Nord qui avaient proliféré pendant l’ère du charbon, sale e
2769
ement, l’antique formule du château. On construit
des
maisons sur les îles — artificielles ou naturelles — sur et dans les
2770
— sur et dans les rochers et les montagnes, loin
des
lieux du travail, réduit à cinq journées de six heures par semaine, e
2771
elle européenne et à l’échelle mondiale. Le mythe
des
deux grands a disparu, on ne s’en souvient guère davantage que de la
2772
o-socialistes et néo-libéraux s’opposent au sujet
des
problèmes d’aménagement du territoire européen, d’urbanisme, d’éducat
2773
, de formation professionnelle, et de répartition
des
compétences entre le pouvoir central européen et les gouvernements de
2774
le pouvoir central européen et les gouvernements
des
nations, qui subsistent. La médecine, l’hygiène générale et l’hygiène
2775
tale, largement socialisées, sont au premier plan
des
soucis publics. La vie culturelle est devenue la partie sérieuse de l
2776
oindres frais d’énergie. L’accroissement du temps
des
loisirs et l’accroissement de la population produisent des résultante
2777
rs et l’accroissement de la population produisent
des
résultantes contradictoires, qui sont le sujet préféré des études psy
2778
tantes contradictoires, qui sont le sujet préféré
des
études psychosociologiques. D’une part, l’individu est plus que jamai
2779
divertissements (au sens pascalien) que lui offre
une
production massive de spectacles de tous ordres, de magazines et de l
2780
yages, de manifestations sportives, etc. Le règne
des
grands nombres, des standards et des modes favorise en lui une attitu
2781
ions sportives, etc. Le règne des grands nombres,
des
standards et des modes favorise en lui une attitude de consommateur h
2782
tc. Le règne des grands nombres, des standards et
des
modes favorise en lui une attitude de consommateur hédoniste. D’autre
2783
mbres, des standards et des modes favorise en lui
une
attitude de consommateur hédoniste. D’autre part, des possibilités pl
2784
attitude de consommateur hédoniste. D’autre part,
des
possibilités plus vastes de création et de réalisation de soi lui son
2785
donc probable que la différence s’accentue entre
une
majorité passive et moutonnière, et une minorité active et librement
2786
tue entre une majorité passive et moutonnière, et
une
minorité active et librement imaginative. L’enseignement supérieur es
2787
ignement supérieur est en pleine mutation. À côté
des
anciennes universités divisées en facultés démodées, les établissemen
2788
inaire se sont multipliés. Ils se distinguent par
une
insistance simultanée sur la culture générale pour tous (studium gene
2789
. Les diplômes classiques, sanctionnant la sortie
des
études, sont remplacés par des certificats d’aptitude et par des test
2790
tionnant la sortie des études, sont remplacés par
des
certificats d’aptitude et par des tests d’entrée (dans une firme ou d
2791
t remplacés par des certificats d’aptitude et par
des
tests d’entrée (dans une firme ou dans une grande école). Dans l’ense
2792
ficats d’aptitude et par des tests d’entrée (dans
une
firme ou dans une grande école). Dans l’ensemble, les changements sur
2793
et par des tests d’entrée (dans une firme ou dans
une
grande école). Dans l’ensemble, les changements survenus entre 1962 e
2794
mais ils sont plus spectaculaires : les résultats
des
mutations récentes que j’énumérais au début sont devenus généralement
2795
de la population. En revanche, la généralisation
des
bénéfices du progrès technique, rendue possible par l’union économiqu
2796
lation et l’urbanisation du continent développent
des
mécanismes de freinage. La nécessité d’humaniser la technique, de rec
2797
La nécessité d’humaniser la technique, de recréer
des
zones de silence et de lenteur, de compenser par des équivalents spir
2798
zones de silence et de lenteur, de compenser par
des
équivalents spirituels la quasi-abolition des distances physiques et
2799
par des équivalents spirituels la quasi-abolition
des
distances physiques et des diversités traditionnelles — tout cela con
2800
els la quasi-abolition des distances physiques et
des
diversités traditionnelles — tout cela contribue à ralentir et contra
2801
essai ; et pour que certains, aujourd’hui, voient
un
peu mieux vers quoi nous devons choisir d’aller. aq. Rougemont Den
2802
ler. aq. Rougemont Denis de, « Dans vingt ans,
une
Europe neuve », Problèmes, Paris, novembre 1962, p. 9-14. ar. Présen
2803
ennes, participa à Paris, en 1931, à la fondation
des
revues Esprit et L’Ordre nouveau , et collabora à la Nouvelle Rev
2804
ites. Envoyé aux USA et en Argentine pour y faire
des
conférences en 1940, il devint en 1942-1943 le principal rédacteur de
2805
40, il devint en 1942-1943 le principal rédacteur
des
émissions françaises de La Voix de l’Amérique. Revenu en Europe en 19
2806
rope en 1946, il s’engagea dans le mouvement pour
une
fédération européenne et il organisa, en 1949, à Lausanne, le Congrès
2807
faite d’uniformité, mais au contraire, de variété
des
formes, de complexité des structures. L’Europe est née de la multipli
2808
u contraire, de variété des formes, de complexité
des
structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses communes, épou
2809
ommunes, épousant la nature tout en l’utilisant à
des
fins militaires, agricoles, commerciales, après avoir été souvent sac
2810
es, commerciales, après avoir été souvent sacrée.
Une
vallée ou un socle rocheux, une embouchure, un confluent ou un carref
2811
es, après avoir été souvent sacrée. Une vallée ou
un
socle rocheux, une embouchure, un confluent ou un carrefour, un défil
2812
é souvent sacrée. Une vallée ou un socle rocheux,
une
embouchure, un confluent ou un carrefour, un défilé, un gué, un centr
2813
. Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure,
un
confluent ou un carrefour, un défilé, un gué, un centre agraire — don
2814
un socle rocheux, une embouchure, un confluent ou
un
carrefour, un défilé, un gué, un centre agraire — donc une limite, un
2815
ux, une embouchure, un confluent ou un carrefour,
un
défilé, un gué, un centre agraire — donc une limite, un centre ou un
2816
ouchure, un confluent ou un carrefour, un défilé,
un
gué, un centre agraire — donc une limite, un centre ou un passage : t
2817
un confluent ou un carrefour, un défilé, un gué,
un
centre agraire — donc une limite, un centre ou un passage : tous ces
2818
four, un défilé, un gué, un centre agraire — donc
une
limite, un centre ou un passage : tous ces accidents naturels peuvent
2819
ilé, un gué, un centre agraire — donc une limite,
un
centre ou un passage : tous ces accidents naturels peuvent servir de
2820
un centre agraire — donc une limite, un centre ou
un
passage : tous ces accidents naturels peuvent servir de prétexte à un
2821
s accidents naturels peuvent servir de prétexte à
une
concentration qui deviendra communauté humaine, village ou ville, au-
2822
stade originel de la défense, du Burg central et
des
remparts. En Amérique, les villages naissent comme au hasard le long
2823
en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant
une
route, on dirait les wagons-couverts des pionniers arrêtés un soir, à
2824
bordant une route, on dirait les wagons-couverts
des
pionniers arrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’en res
2825
dirait les wagons-couverts des pionniers arrêtés
un
soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’en rester là. En Asie, les
2826
s clairières, ou s’égrènent le long de la berge d’
un
fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancrées
2827
de la berge d’un fleuve. L’Europe seule présente
un
réseau de communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et p
2828
voquent si curieusement les photos prises du haut
des
airs, nous nous posons enfin sur le sol de l’Europe, dans la rumeur h
2829
sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine d’
une
place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil.
2830
e de petite ville. Et voici que tout se résume en
un
coup d’œil. Car autour de la place, vous trouvez, l’église et la mair
2831
À partir de cette place, banale et donc typique,
un
savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d
2832
es structures essentielles de notre civilisation.
Un
service religieux, une séance du conseil municipal, une heure de clas
2833
lles de notre civilisation. Un service religieux,
une
séance du conseil municipal, une heure de classe, les discussions aut
2834
rvice religieux, une séance du conseil municipal,
une
heure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’u
2835
al, une heure de classe, les discussions autour d’
une
table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouv
2836
es discussions autour d’une table de bistrot ou d’
un
étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secre
2837
marché lui permettraient de trouver quelques-uns
des
secrets (pour nous trop évidents) du dynamisme européen, c’est-à-dire
2838
le règne de la loi, le respect général et tacite
des
institutions, l’éducation publique, l’échange des opinions individuel
2839
des institutions, l’éducation publique, l’échange
des
opinions individuelles (de préférence contradictoires et subversives)
2840
ence contradictoires et subversives) et l’échange
des
produits du travail — une vitalité librement ordonnée, faite de visio
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bversives) et l’échange des produits du travail —
une
vitalité librement ordonnée, faite de visions multiples, entrecroisée
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iginel. Les partis qui décident de la composition
des
conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum
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forum de la Rome républicaine, puis sur la place
des
communes médiévales. Ombre et soleil changent avec les heures ; côté
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u café ; marché au centre, et carrefour principal
des
apports régionaux et des courants lointains : c’est cette vie de la p
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, et carrefour principal des apports régionaux et
des
courants lointains : c’est cette vie de la place qui se traduit dans
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cette vie de la place qui se traduit dans la vie
des
conseils et parlements, caractéristiques de l’Europe. (La dernière im
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image qui subsiste de cette origine très précise
des
parlements, c’est la Landsgemeinde des petits cantons suisses, forman
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ès précise des parlements, c’est la Landsgemeinde
des
petits cantons suisses, formant le Ring sur la place principale.) L
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repose sur la libre discussion, sur le libre jeu
des
partis, et sur la liberté de l’opposition, majorité de possible de de
2850
ures de l’absolutisme, et qui préparent le siècle
des
Lumières et la Révolution française. C’est dans les tavernes anglaise
2851
encore dans les cafés que le Spectator d’Addison,
un
peu plus tard, a l’ambition de faire pénétrer la philosophie, enfin s
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on de faire pénétrer la philosophie, enfin sortie
des
cabinets d’études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, l
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du civisme, a survécu tant bien que mal, à plus d’
un
siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dan
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pouvait croire que l’ère technique, qui est celle
des
plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce. Bien au c
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lon ses meilleurs spécialistes, veulent à la fois
des
regroupements industriels et une répartition plus décentralisée de la
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eulent à la fois des regroupements industriels et
une
répartition plus décentralisée de la production, poussant à la mise e
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poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire
des
communes, des régions défavorisées du territoire. Même dans les natio
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mise en valeur, par l’intermédiaire des communes,
des
régions défavorisées du territoire. Même dans les nations les plus ce
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es, comme la France, le mouvement de restauration
des
compétences communales se prononce chaque année plus nettement. Au pl
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nnée plus nettement. Au plan européen, le Conseil
des
communes d’Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus
2861
ropéen, le Conseil des communes d’Europe, l’Union
des
villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre, ne
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seil des communes d’Europe, l’Union des villes et
des
pouvoirs locaux, apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pas un
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apparus depuis la dernière guerre, ne livrent pas
un
combat d’arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pion
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re l’État, mais au contraire sont les pionniers d’
un
renouveau de l’autonomie municipale. as. Rougemont Denis de, « La