1 suisse (1963)a La Suisse ne saurait se targuer d’ avoir donné à l’Europe et au monde une « culture nationale » bien cara

2 « culture nationale » bien caractérisée ; ni même d’ avoir été la mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée

3 » bien caractérisée ; ni même d’avoir été la mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée, marquant leur temp

4 e ; ni même d’avoir été la mère de grandes écoles d’ art, de littérature ou de pensée, marquant leur temps ou propageant un

5 même d’avoir été la mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée, marquant leur temps ou propageant un style

6 a mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée, marquant leur temps ou propageant un style doté du nom de sa

7 ant leur temps ou propageant un style doté du nom de sa terre natale. Il n’y eut jamais de peinture suisse, au sens où l’o

8 doté du nom de sa terre natale. Il n’y eut jamais de peinture suisse, au sens où l’on a pu parler d’une peinture vénitienn

9 s de peinture suisse, au sens où l’on a pu parler d’ une peinture vénitienne ou hollandaise ; ni de musique suisse, comme o

10 ler d’une peinture vénitienne ou hollandaise ; ni de musique suisse, comme on parle d’une musique flamande ou allemande ;

11 ollandaise ; ni de musique suisse, comme on parle d’ une musique flamande ou allemande ; ni de poésie, ou de dramaturgie, o

12 on parle d’une musique flamande ou allemande ; ni de poésie, ou de dramaturgie, ou de roman suisses, comme il y eut un lyr

13 musique flamande ou allemande ; ni de poésie, ou de dramaturgie, ou de roman suisses, comme il y eut un lyrisme languedoc

14 u allemande ; ni de poésie, ou de dramaturgie, ou de roman suisses, comme il y eut un lyrisme languedocien, un théâtre éli

15 n point que l’apport des Suisses en ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait été globalement inférieur à celui de

16 nos jours, ait été globalement inférieur à celui de toute autre région de dimensions à peu près analogues. (Le contraire

17 obalement inférieur à celui de toute autre région de dimensions à peu près analogues. (Le contraire me paraît probable.) M

18 is cet apport ne fut jamais typique et spécifique d’ une unité bien évidente, à la fois culturelle et politique, comme le f

19 omme le furent la Sérénissime, les états généraux de Hollande, l’Angleterre de la première Élisabeth, la France de Louis X

20 ime, les états généraux de Hollande, l’Angleterre de la première Élisabeth, la France de Louis XIV, le Portugal manuélin,

21 ouis XIV, le Portugal manuélin, ou le grand-duché de Weimar. C’est que l’ensemble suisse n’a jamais été défini par autre c

22 ais été défini par autre chose que par un système d’ alliances, embrassant de multiples unités locales — vallées, cités, pr

23 chose que par un système d’alliances, embrassant de multiples unités locales — vallées, cités, principautés et république

24 bliques — dont on sait la diversité non seulement de langue, de confession et de coutumes, mais de régime politique, penda

25 ont on sait la diversité non seulement de langue, de confession et de coutumes, mais de régime politique, pendant des sièc

26 versité non seulement de langue, de confession et de coutumes, mais de régime politique, pendant des siècles. C’est ce sys

27 ent de langue, de confession et de coutumes, mais de régime politique, pendant des siècles. C’est ce système, ou pour mieu

28 ème, ou pour mieux dire, cette pratique séculaire de l’union dans les diversités jalousement préservées, qui constitue le

29 ent préservées, qui constitue le véritable apport de la Suisse comme telle à l’Europe. Pratique restée longtemps sans nom

30 st guère qu’au xixe siècle qu’on se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose était-elle entendue de manière assez dif

31 fédéralisme. Encore la chose était-elle entendue de manière assez différente par les Alémaniques et les Romands. Pour les

32 les seconds, fédéralisme signifie surtout volonté de maintenir les autonomies locales et cantonales, contre les empiètemen

33 es locales et cantonales, contre les empiètements de l’autorité centrale. Rien d’étonnant si une telle pratique est mal co

34 tre les empiètements de l’autorité centrale. Rien d’ étonnant si une telle pratique est mal connue ou mal comprise à l’exté

35 ur, et notamment chez nos voisins français, épris de logique, disent-ils, et centralisateurs. Un Français cultivé et qui s

36 dant la révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédératio

37 ibué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. « Aux jacobi

38 ale et de transformer la France en une fédération de petits États. « Aux jacobins, on agita gravement la question du fédér

39 fureurs contre les girondins. » Thiers, Histoire de la révolution, chap. I. Pour un Français, la cause est entendue : fé

40 n Suisse, c’est Littré qui perd la face. Essayons d’ expliquer ce qui peut l’être, en cette affaire où le sens concret du b

41 niques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même dire qu’il

42 ntes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’ oppositions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contra

43 sme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu

44 et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres systèmes p

45 t fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophiques, il ne cherche

46 à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les fai

47 ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble

48 e ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles sont. Mais parce qu’il acce

49 ons pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’ éclectisme universel ou d’opportunisme lâche, qui tolère tout et ne s’

50 ralisme soit une espèce d’éclectisme universel ou d’ opportunisme lâche, qui tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédérali

51 ’uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’ une capitale ou d’un parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il est

52 e par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’ un parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire

53 tre, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’un parti, d’ un pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire absolu de t

54 cal ou politique. Il est donc le contraire absolu de tout régime totalitaire, de tout ordre géométrique simpliste, et par-

55 c le contraire absolu de tout régime totalitaire, de tout ordre géométrique simpliste, et par-là même tyrannique. (« La ty

56 ’autre part, le fédéralisme refuse avec non moins de fermeté l’esprit de clocher, les particularismes régionaux ou locaux

57 ralisme refuse avec non moins de fermeté l’esprit de clocher, les particularismes régionaux ou locaux qui prétendraient vi

58 régionales, aime aussi leur santé, qui est celle de l’ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide, et même

59 dans certains cas bien définis, la mise en commun de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’uniformité imposée p

60 un de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’uniformité imposée par un centre, mais aussi le contraire des parti

61 le fédéralisme représenterait-il alors une sorte de moyen terme entre ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’est

62 e entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt d

63 ve n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-

64 in entre la centralisation oppressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un

65 es ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation, et l

66 bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation, et la volonté de la fragmenter en

67 ’imaginer que la volonté de centralisation totale d’ une nation, et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales

68 centralisation totale d’une nation, et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement closes, manifes

69 closes, manifestent deux tendances incompatibles de l’esprit. Car en réalité, ceux qui n’admettent aucune diversité polit

70 même état d’esprit que ceux qui n’admettent rien d’ autre que leur manière de vivre locale, définie par la majorité locale

71 eux qui n’admettent rien d’autre que leur manière de vivre locale, définie par la majorité locale, traitent tout le reste

72 ie par la majorité locale, traitent tout le reste d’ étranger, donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier

73 é locale, traitent tout le reste d’étranger, donc d’ impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec

74 d’étranger, donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ouvrir aux

75 donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ouvrir aux échanges. Ce

76 pérer, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ouvrir aux échanges. Ce nationalisme local, ce chauvinisme cantonal

77 nal (on l’appelle chez nous Kantönligeist) relève de la même mentalité que le totalitarisme, à l’échelle nationale. Il tra

78 à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’ imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’espri

79 tionale. Il traduit le même manque d’imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du

80 raduit le même manque d’imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l

81 magination, de vitalité, de sens des proportions, d’ ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne

82 de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’ esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas

83 de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’ amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconnaît

84 e borne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’union, d’autre part la légitimité des autonomies locales. Elle exig

85 îtrise du divers, comme tout art. Elle est un art de la composition, qui requiert à la fois et en même temps la vivacité d

86 ntrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’ une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible dans un ta

87 exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’ harmonie possible dans un tableau sans contrastes de couleurs, et sans

88 harmonie possible dans un tableau sans contrastes de couleurs, et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’e

89 s nuances complexes ; de même que sans une vision d’ ensemble, celle de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il n’y aurai

90 s ; de même que sans une vision d’ensemble, celle de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contraste

91 te, hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtapos

92 s tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre dans leur boîte. Pour que

93 l n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre dans leur boîte. Pour que la qualit

94 dans leur boîte. Pour que la qualité particulière d’ un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit

95 avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’ une œuvre au sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’une inf

96 u sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’ une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéralist

97 litaire, lui, trouve plus simple et plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce

98 toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et

99 e de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’harmonie fédér

100 tous les sens du mot. Ces images, qui sont autant d’ évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de composer en un e

101 vidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnan

102 u’un seul exemple : l’impasse à laquelle risquent d’ aboutir les négociations entre la Suisse et l’Europe, représentée pour

103 cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns sont tentés d’o

104 ber dans un plus grand corps. Les uns sont tentés d’ oublier que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organes bien dif

105 corps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’ un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; et les autr

106 blier que la santé d’un corps exige le souple jeu d’ organes bien différenciés ; et les autres sont tentés d’oublier qu’un

107 nes bien différenciés ; et les autres sont tentés d’ oublier qu’un organe bien différencié ne saurait vivre isolé du corps.

108 mps la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’ une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans

109 cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sinon elle tra

110 s que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’être. Mais le fédéra

111 de la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’ être. Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation p

112 . Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’ organisation politique, le seul « régime de coexistence » digne du nom

113 n mode d’organisation politique, le seul « régime de coexistence » digne du nom. C’est aussi, et c’est même avant tout, un

114 ’est aussi, et c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversifiées, — et voilà, me semble-t-il, du

115 le-t-il, du même coup, une assez bonne définition de la culture ! ⁂ Pour qu’il y ait culture en général — au sens occident

116 e —, il faut une variété aussi riche que possible de créations humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d

117 e possible de créations humaines, un foisonnement d’ œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de

118 de créations humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de doctrines

119 s humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’écoles,

120 , un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’ expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. — et

121 s, de langues, de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. — et il faut quelque chose qui

122 , de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. — et il faut quelque chose qui lie toutes c

123 expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’ écoles, etc. — et il faut quelque chose qui lie toutes ces œuvres vari

124 mmune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’ une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fo

125 rions parler d’une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche

126 une très riche diversité se détachant sur un fond d’ unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses, l’unité

127 uelle est donc, pour nous autres Suisses, l’unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitemen

128 donc, pour nous autres Suisses, l’unité de base, d’ origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans to

129 ous autres Suisses, l’unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans toutes nos œuvr

130 nous qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’ avoir une soi-disant « culture nationale », intermédiaire entre l’Euro

131 oit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités culturelles. Or il n

132 L’idée qu’il y aurait en Europe un certain nombre de « cultures nationales » bien distinctes et autonomes dont l’addition

133 ulture européenne est une pure et simple illusion d’ optique scolaire. Elle se dissipe comme brume au soleil à la lumière d

134 as, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui o

135 tion de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, indépenda

136 urope, et dont la plupart n’ont même pas cent ans d’ existence : il faut bien admettre que la culture s’était constituée av

137 les ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’ un seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquemen

138 our illustrer ce point, d’un seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquement européen de notre cultur

139 usique, élément important et typiquement européen de notre culture. Dans ses grandes lignes, voici l’évolution de la musiq

140 lture. Dans ses grandes lignes, voici l’évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue entre les xiie et x

141 les xiie et xive siècles dans un certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienne, en Provence, pu

142 s un certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienne, en Provence, puis en Île-de-France. Des cités

143 cités flamandes, le long du grand axe commercial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges. Une nouvelle école s’épanoui

144 ogne, et redescend vers l’Italie qu’elle enrichit de ses nombreuses découvertes. Plus tard, les Allemands (comme Schütz) v

145 italiens. Bach copie avec application des œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européen

146 des œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniq

147 de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniques, Hanovr

148 s maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennent leur métier. Au début du xx

149 emands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennent leur métier. Au début du xxe siècle, pl

150 le, en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies,

151 sent avec une glorieuse indifférence des dizaines de nos frontières nationales actuelles. Elles relient des cités, des foy

152 es actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parf

153 me parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’ un musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’école locale dans laqu

154 nt la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’ un peintre, c’est simplement l’école locale dans laquelle il s’est for

155 ment l’école locale dans laquelle il s’est formé. D’ où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais, cette croyanc

156 e il s’est formé. D’où vient alors cette illusion d’ optique dont je parlais, cette croyance si rarement mise en doute depu

157 en doute depuis un siècle environ, en l’existence de « cultures nationales » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l

158  cultures nationales » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se r

159 française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut im

160 été de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 15

161 de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’aujourd’hui s

162 çois Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’ aujourd’hui sept ou huit langues différentes : l’allemand, le flamand,

163 « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nations différentes. Il faut

164 à coïncider approximativement avec les frontières d’ une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à

165 cider approximativement avec les frontières d’une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à elle s

166 une culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-il. Tous les autres éléments

167 nt indépendants des langues modernes, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu qu

168 ons qui ont découpé et longtemps déchiré le corps de notre continent. ⁂ Or il se trouve que les Suisses sont, ou devraient

169 ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures nationales », fût-ce du seul fait de la com

170 des « cultures nationales », fût-ce du seul fait de la composition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en me

171 eul fait de la composition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que l

172 que si variée de leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et d

173 savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, mai

174 es autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, mais se rattache dire

175 elle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, mais se rattache directement à l’ensemble cultur

176 », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque, — nous dirions aujourd’hui :

177 ait là une garantie de liberté contre les princes de l’époque, — nous dirions aujourd’hui : contre les États-nations. La v

178 ui : contre les États-nations. La véritable unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de sav

179 s États-nations. La véritable unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment ce

180 la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent alors

181 le, se différencient des Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’École nous donne depuis cent ans de la « cultu

182 e convenue que l’École nous donne depuis cent ans de la « culture française », bien que nous parlions à peu près la même l

183 ’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de petits compa

184 à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de petits compartiments natu

185 sance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de petits compartiments naturels ou historiques, qui n’ont jamais été un

186 t le cas des provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiques — même Neuchâtel, en dépit de ses princes — fond

187 érémonies, à moins que son adoption n’ait résulté de notre tempérament particulier, mais cela revient au même. 5° nous ne

188 n’en ont conscience ou ne voudraient l’admettre. D’ où résulte qu’un Suisse romand — et tout ce que je viens d’en dire vau

189 lte qu’un Suisse romand — et tout ce que je viens d’ en dire vaut aussi, mutatis mutandis, pour le Suisse alémanique par ra

190 sse alémanique par rapport à l’Allemagne — dépend de plusieurs entités indépendantes et d’ordres divers, les unes plus pet

191 ne — dépend de plusieurs entités indépendantes et d’ ordres divers, les unes plus petites que la Suisse et les autres beauc

192 français, et par sa culture, aux sources variées de l’Europe antique, médiévale et moderne. Autant de réalités ou d’entit

193 de l’Europe antique, médiévale et moderne. Autant de réalités ou d’entités qui n’ont pas les mêmes frontières, qui ne se c

194 ique, médiévale et moderne. Autant de réalités ou d’ entités qui n’ont pas les mêmes frontières, qui ne se couvrent que trè

195 partiellement, et qui permettent un grand nombre de combinaisons originales. On ne saurait être moins conforme aux devise

196 rer » sous Hitler). On ne saurait être plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, et non point à

197 saurait être plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, et non point à celle de l’État. D’où la

198 se faire homme à sa manière, et non point à celle de l’État. D’où la densité culturelle de ce petit coin de pays, — éducat

199 mme à sa manière, et non point à celle de l’État. D’ où la densité culturelle de ce petit coin de pays, — éducation, lettre

200 int à celle de l’État. D’où la densité culturelle de ce petit coin de pays, — éducation, lettres et arts, sciences et tech

201 État. D’où la densité culturelle de ce petit coin de pays, — éducation, lettres et arts, sciences et techniques. Densité s

202 niques. Densité sans nul doute supérieure à celle d’ une tranche quelconque d’un million et demi d’habitants, prise au hasa

203 doute supérieure à celle d’une tranche quelconque d’ un million et demi d’habitants, prise au hasard dans l’une des grandes

204 lle d’une tranche quelconque d’un million et demi d’ habitants, prise au hasard dans l’une des grandes nations voisines. Qu

205 nes. Qu’on m’entende bien : ce n’est pas un éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites dimensions matéri

206 is au contraire de la pluralité des dimensions et de la variété des allégeances possibles, les unes locales ou régionales,

207  telles que le fédéralisme les implique et permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peut conduire moralement

208 la médiocrité dorée, politiquement au neutralisme de l’autruche, et dans le domaine culturel, à préférer les moyennes rass

209 nes rassurantes aux œuvres fortes. Offrant un jeu de petites et de grandes dimensions à composer diversement, il satisfait

210 s aux œuvres fortes. Offrant un jeu de petites et de grandes dimensions à composer diversement, il satisfait trop facileme

211 ait trop facilement, dit-on, ceux qui choisissent de s’installer dans les petites. Mais la plupart des hommes veulent, et

212 moyens trouvent-ils dans les structures fédérales de leur pays une protection plus efficace de leur vie culturelle et civi

213 dérales de leur pays une protection plus efficace de leur vie culturelle et civique, comme de leur paix. On voit mal ce qu

214 efficace de leur vie culturelle et civique, comme de leur paix. On voit mal ce qu’ils gagneraient à échanger cette paix —

215 aix — que l’on jalouse un peu tout en la couvrant de sarcasmes — contre les régimes prestigieux, épris de grandeur et d’id

216 sarcasmes — contre les régimes prestigieux, épris de grandeur et d’idéologies, et qui aboutissent périodiquement à faire t

217 tre les régimes prestigieux, épris de grandeur et d’ idéologies, et qui aboutissent périodiquement à faire tuer quelques mi

218 ent périodiquement à faire tuer quelques millions d’ hommes au nom de principes réputés immortels, mais que les générations

219 qu’un régime fédéraliste et pluraliste leur ouvre de belles perspectives : qu’ils y entrent et qu’ils les explorent, ils s

220 eux, sans avoir à renier leur clocher. Définition de la liberté fédéraliste. Nos meilleurs auteurs (pour ne prendre que ce

221 isqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos me

222 ousseau, Constant, Mme de Staël dans le passé, et de nos jours, Robert de Traz, Charles-Albert Cingria, Gonzague de Reynol

223 pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture européenne, germanique et anglo-saxonne autant que françai

224 ans s’arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représentent ailleurs les cultures soi-disant « nationale

225 l’on reconnaît le plus vite leur commun caractère de Suisses romands, si profondes qu’aient été leurs différences de doctr

226 ands, si profondes qu’aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certains citeront alors C.

227 ondes qu’aient été leurs différences de doctrine, d’ esthétique ou de tempérament ? Certains citeront alors C. F. Ramuz, à

228 té leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certains citeront alors C. F. Ramuz, à titre d’argument

229 nt ? Certains citeront alors C. F. Ramuz, à titre d’ argument massue contre ma thèse. Est-il besoin de rappeler que ce gran

230 d’argument massue contre ma thèse. Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de Paris, mais au

231 ppeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers russes, e

232 st formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait

233 ole de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le

234 is, séparatiste (car c’était là le véritable sens de son fédéralisme étroit). Cette erreur l’a peut-être soutenu, en tant

235 e il arrive ; elle n’en fut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. Mais la littérature n’est plus,

236 ut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. Mais la littérature n’est plus, de nos jours, cette espèc

237 ns de son œuvre. Mais la littérature n’est plus, de nos jours, cette espèce de critère privilégié du niveau de culture d’

238 ittérature n’est plus, de nos jours, cette espèce de critère privilégié du niveau de culture d’un peuple, qu’elle fut au t

239 urs, cette espèce de critère privilégié du niveau de culture d’un peuple, qu’elle fut au temps de l’Europe classique puis

240 espèce de critère privilégié du niveau de culture d’ un peuple, qu’elle fut au temps de l’Europe classique puis romantique.

241 obel » peut nous l’apprendre : il donne le nombre de prix Nobel par million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960. Voici u

242 re : il donne le nombre de prix Nobel par million d’ habitants d’un pays, de 1901 à 1960. Voici un extrait du tableau1 :

243 e le nombre de prix Nobel par million d’habitants d’ un pays, de 1901 à 1960. Voici un extrait du tableau1 : 1. Suis

244 de prix Nobel par million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960. Voici un extrait du tableau1 : 1. Suisse 2,62 7.

245 gne 0,71 19. Russie et URSS 0,03 À la question de savoir ce que les Suisses peuvent apporter de meilleur à la culture,

246 ion de savoir ce que les Suisses peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds donc sans hésiter que c’est surtout

247 ard Euler ou Ferdinand de Saussure, mais beaucoup d’ excellents ou même de grands esprits qui avaient ce sens, trop rare ch

248 d de Saussure, mais beaucoup d’excellents ou même de grands esprits qui avaient ce sens, trop rare chez nos voisins. Cet a

249 e revêt une importance particulière dans le monde de cette deuxième moitié du xxe siècle. Il symbolise et préfigure l’app

250 u xxe siècle. Il symbolise et préfigure l’apport de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les virus nationalistes qu

251 uisse, aujourd’hui, se confond donc avec l’apport d’ une Europe rajeunie, découvrant le fédéralisme, sa morale et sa philos

252 phie, et surtout ses recettes pratiques, — celles de la paix. 1. Léo Moulin, La Nationalité des prix Nobel de sciences d

253 x. 1. Léo Moulin, La Nationalité des prix Nobel de sciences de 1901 à 1960, Cahiers internationaux de sociologie, Paris,

254 Moulin, La Nationalité des prix Nobel de sciences de 1901 à 1960, Cahiers internationaux de sociologie, Paris, 1961. a.

255 e sciences de 1901 à 1960, Cahiers internationaux de sociologie, Paris, 1961. a. Rougemont Denis de, « Le fédéralisme su

256 de sociologie, Paris, 1961. a. Rougemont Denis de , « Le fédéralisme suisse », La Suisse face à l’avenir : interrogation

257 isse », La Suisse face à l’avenir : interrogation d’ un petit pays, Berne, Nouvelle Société helvétique, 1963, p. 66-75.

258 Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’ union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)j k Au seuil des ac

259 e à nos jours (1963)j k Au seuil des activités d’ enseignement que cet Institut commence aujourd’hui, après une longue p

260 ut commence aujourd’hui, après une longue période de recherches, d’expériences pratiques et de publications dans le cadre

261 ourd’hui, après une longue période de recherches, d’ expériences pratiques et de publications dans le cadre du Centre europ

262 période de recherches, d’expériences pratiques et de publications dans le cadre du Centre européen de la culture, il ne se

263 de la culture, il ne sera sans doute pas inutile de situer notre projet, d’en préciser les coordonnées, et d’exposer ensu

264 ra sans doute pas inutile de situer notre projet, d’ en préciser les coordonnées, et d’exposer ensuite le thème général de

265 r notre projet, d’en préciser les coordonnées, et d’ exposer ensuite le thème général de nos travaux pendant le semestre qu

266 oordonnées, et d’exposer ensuite le thème général de nos travaux pendant le semestre qui s’ouvre. Permettez-moi donc, avan

267 e semestre qui s’ouvre. Permettez-moi donc, avant d’ en venir à l’objet particulier de mon cours, de consacrer quelques mom

268 -moi donc, avant d’en venir à l’objet particulier de mon cours, de consacrer quelques moments à cette introduction plus gé

269 nt d’en venir à l’objet particulier de mon cours, de consacrer quelques moments à cette introduction plus générale. S’il p

270 introduction plus générale. S’il paraît opportun d’ entreprendre aujourd’hui, ou plutôt de poursuivre et d’élargir partout

271 ît opportun d’entreprendre aujourd’hui, ou plutôt de poursuivre et d’élargir partout où cela se peut, et donc aussi à Genè

272 reprendre aujourd’hui, ou plutôt de poursuivre et d’ élargir partout où cela se peut, et donc aussi à Genève, des études eu

273 s études européennes, c’est parce que la question de l’union de l’Europe se trouve posée à cette génération, et parce qu’e

274 ropéennes, c’est parce que la question de l’union de l’Europe se trouve posée à cette génération, et parce qu’elle met en

275 e que des intérêts matériels. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’être de cet Institut, sans dout

276 donc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’ être de cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture

277 ain de se dissimuler que l’une des raisons d’être de cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture présen

278 ient à la conjoncture présente, aux circonstances de notre temps. Ce fait détermine le caractère particulier de notre Inst

279 temps. Ce fait détermine le caractère particulier de notre Institut, comme d’ailleurs des quelque vingt-cinq autres instit

280 ’ailleurs des quelque vingt-cinq autres instituts d’ études européennes qui sont à l’œuvre, depuis plusieurs années, dans d

281 ntinent. Très près de l’actualité, en raison même de leur objet, qui se compose, se définit et se modifie sous nos yeux, c

282 Elle n’appartient pas à un passé qu’il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à un avenir auquel nous sommes tous vi

283 ient pas à un passé qu’il suffirait de décrire et d’ interpréter, mais à un avenir auquel nous sommes tous vitalement intér

284 ommes tous vitalement intéressés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’un problème à rés

285 premier chef, elle implique en réalité, quantité de problèmes moraux, juridiques, historiques, philosophiques, dont il fa

286 ut bien reconnaître que beaucoup attendent encore d’ être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’être envisagés dans l’

287 e d’être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’ être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections et par rappor

288 n à un, et aussi d’être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections et par rapport à ces notions de l’homme qui on

289 urs interconnections et par rapport à ces notions de l’homme qui ont fait que l’Europe, malgré tout, représente autre chos

290 physique, qui est à peine 4 % des terres émergées de la planète. Cette question européenne constituant l’objet central de

291 e question européenne constituant l’objet central de notre enseignement et de nos recherches, il importe de rappeler tout

292 stituant l’objet central de notre enseignement et de nos recherches, il importe de rappeler tout d’abord à grands traits d

293 tre enseignement et de nos recherches, il importe de rappeler tout d’abord à grands traits dans quels termes elle se pose,

294 mes elle se pose, et qui l’a posée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a vu surgir, en lieu et place de la prépon

295 sunis et rivaux, une constellation toute nouvelle de grands ensembles fortement unifiés, comme les États-Unis, la Russie e

296 ’Inde et l’Insulinde, tandis que d’autres groupes de nations récentes et plus instables, sont à la recherche de quelque un

297 s récentes et plus instables, sont à la recherche de quelque union encore mal définie, mais qui a déjà force de mythe, en

298 e union encore mal définie, mais qui a déjà force de mythe, en Afrique noire et dans le monde arabe. La tendance générale

299 945 à 1950 va donc aux grandes unités politiques, de 200 à 600 millions d’hommes. Dans un tel monde, quel peut être l’aven

300 grandes unités politiques, de 200 à 600 millions d’ hommes. Dans un tel monde, quel peut être l’avenir des États de l’Euro

301 etits et moyens désormais — c’est-à-dire comptant de 3 à 50 millions d’habitants ? Aucun ne paraît en mesure de se relever

302 ormais — c’est-à-dire comptant de 3 à 50 millions d’ habitants ? Aucun ne paraît en mesure de se relever de ses ruines sans

303 millions d’habitants ? Aucun ne paraît en mesure de se relever de ses ruines sans aide extérieure ; ni d’assurer à lui se

304 bitants ? Aucun ne paraît en mesure de se relever de ses ruines sans aide extérieure ; ni d’assurer à lui seul sa défense

305 e relever de ses ruines sans aide extérieure ; ni d’ assurer à lui seul sa défense et sa prospérité économique ; ni de pour

306 seul sa défense et sa prospérité économique ; ni de poursuivre une politique étrangère autonome. Que deviennent, dans ces

307 ère autonome. Que deviennent, dans ces conditions de fait, leur souveraineté et même leur indépendance, au sens classique

308 neté et même leur indépendance, au sens classique de ces expressions ? Aucun de nos pays n’est en mesure, non plus, de par

309 nce, au sens classique de ces expressions ? Aucun de nos pays n’est en mesure, non plus, de parler au nom de l’Europe. Qui

310 ns ? Aucun de nos pays n’est en mesure, non plus, de parler au nom de l’Europe. Qui pourrait assumer, dans ces conditions,

311 us-développés, ou l’intervention effective en cas de crise internationale, ou en cas d’agression contre un pays isolé ? Qu

312 fective en cas de crise internationale, ou en cas d’ agression contre un pays isolé ? Que peut encore signifier l’expressio

313 signifier l’expression Europe, sinon un ensemble de pays qui vivent, comme le dit alors P.-H. Spaak, « dans la peur des R

314 t alors P.-H. Spaak, « dans la peur des Russes et de la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît, ou renaît e

315 oment que naît, ou renaît en Europe le vieux rêve d’ union du Continent. Et cela commence, comme toujours, par des manifest

316 cela commence, comme toujours, par des manifestes d’ intellectuels, des écrits de visionnaires, des groupuscules de militan

317 s, par des manifestes d’intellectuels, des écrits de visionnaires, des groupuscules de militants — pour la plupart issus d

318 els, des écrits de visionnaires, des groupuscules de militants — pour la plupart issus de la résistance à l’hitlérisme, mê

319 groupuscules de militants — pour la plupart issus de la résistance à l’hitlérisme, même en Allemagne et en Italie — et qui

320 listes et le Mouvement européen. Les économistes, de leur côté, supputent et calculent l’avenir immédiat. Le professeur Ma

321 . Le professeur Maurice Allais déclare au congrès de La Haye, en 1948, qu’une Europe unie serait en mesure de doubler sa p

322 aye, en 1948, qu’une Europe unie serait en mesure de doubler sa production et son niveau de vie. Jean Monnet et son équipe

323 en silence, loin des congrès et des associations de militants qui leur ont préparé la voie dans les esprits. Puis des hom

324 er ce mouvement naissant, qui a peut-être le vent de l’histoire en poupe. Ils ne sont pas nombreux d’abord, ils ne sont pa

325 x d’abord, ils ne sont pas suivis par la majorité de leurs collègues. Mais ce sont, notons-le, les plus illustres de l’épo

326 gues. Mais ce sont, notons-le, les plus illustres de l’époque : Churchill, De Gasperi, Léon Blum, Paul Reynaud, Robert Sch

327 s-le, les plus illustres de l’époque : Churchill, De Gasperi, Léon Blum, Paul Reynaud, Robert Schuman, Adenauer, Paul-Henr

328 ais en fait dans le même sens final qui est celui d’ une Europe autonome rendue forte par son union, de Gaulle lui-même. Le

329 s parlements ne se croient pas encore en mesure «  d’ aller plus loin ». Mais dans notre civilisation moderne, une transform

330 vilisation moderne, une transformation économique de quelque envergure ne saurait être limitée au domaine purement économi

331 it naguère. D’une part, le social est inséparable de l’économique, d’autre part, l’économie commande les armements, surtou

332 onc aussi étroitement qu’elle dépend par ailleurs de l’opinion, des idéologies nationales et des doctrines. Créer une unio

333 virtuellement modifier les conditions politiques de toute l’Europe. Le problème de l’union politique se trouve donc posé,

334 ditions politiques de toute l’Europe. Le problème de l’union politique se trouve donc posé, inéluctablement, à tous nos pa

335 in sur le plan politique. Mais il serait excessif de dire qu’elle y débouche en pleine clarté. Au contraire, c’est à ce ni

336 ès et les déclarations des hommes d’État témoigne de la plus grande confusion. Si l’on examine son vocabulaire, on s’aperç

337 il utilise à peu près au petit bonheur les termes d’ union et d’unification, d’intégration et de fédération, d’union « plus

338 à peu près au petit bonheur les termes d’union et d’ unification, d’intégration et de fédération, d’union « plus étroite »

339 etit bonheur les termes d’union et d’unification, d’ intégration et de fédération, d’union « plus étroite » (plus étroite q

340 termes d’union et d’unification, d’intégration et de fédération, d’union « plus étroite » (plus étroite que quoi, on ne le

341 et d’unification, d’intégration et de fédération, d’ union « plus étroite » (plus étroite que quoi, on ne le dit pas) et de

342 te » (plus étroite que quoi, on ne le dit pas) et de communauté, de supranationalité et de super-État, ou encore d’États-U

343 ite que quoi, on ne le dit pas) et de communauté, de supranationalité et de super-État, ou encore d’États-Unis d’Europe, c

344 dit pas) et de communauté, de supranationalité et de super-État, ou encore d’États-Unis d’Europe, comme si ces termes étai

345 , de supranationalité et de super-État, ou encore d’ États-Unis d’Europe, comme si ces termes étaient, à toutes fins utiles

346 s fins utiles et grosso modo, synonymes. Cet état de confusion générale et d’aimable anarchie sémantique, traduit non seul

347 odo, synonymes. Cet état de confusion générale et d’ aimable anarchie sémantique, traduit non seulement l’ignorance courant

348 nce courante des problèmes ou l’inévitable manque d’ information de l’opinion, mais peut-être surtout, et c’est plus grave,

349 es problèmes ou l’inévitable manque d’information de l’opinion, mais peut-être surtout, et c’est plus grave, l’absence d’u

350 peut-être surtout, et c’est plus grave, l’absence d’ une vision claire et convaincante des solutions proprement politiques,

351 ain à la question européenne. En vue de cerner et de choisir au mieux l’objet de nos études dans un champ aussi vaste, ess

352 . En vue de cerner et de choisir au mieux l’objet de nos études dans un champ aussi vaste, essayons donc de définir les qu

353 s études dans un champ aussi vaste, essayons donc de définir les quelques types principaux de solutions théoriquement imag

354 ons donc de définir les quelques types principaux de solutions théoriquement imaginables ou pratiquement en question de no

355 riquement imaginables ou pratiquement en question de nos jours. Je n’en vois guère que trois, qui se distinguent nettement

356 sur le modèle élargi aux dimensions continentales de nos États-nations centralisés, dont l’exemple typique est la France.

357 le défendue par personne, et n’offre pas un champ d’ études utiles, car chacun voit que l’unification de l’Europe, à suppos

358 ’études utiles, car chacun voit que l’unification de l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne serait conforme ni a

359 ètes du problème à résoudre. Il importe toutefois de la mentionner, ne fût-ce qu’à titre de limite, de conséquence extrême

360 de la mentionner, ne fût-ce qu’à titre de limite, de conséquence extrême, inaccessible, qui marquerait le triomphe exclusi

361 inaccessible, qui marquerait le triomphe exclusif d’ une seule des tendances contradictoires qui composent l’esprit europée

362 ux dire la tendance à l’unité abstraite, l’esprit de géométrie d’un planificateur supposé capable de modeler à son gré la

363 ndance à l’unité abstraite, l’esprit de géométrie d’ un planificateur supposé capable de modeler à son gré la société. Dans

364 t de géométrie d’un planificateur supposé capable de modeler à son gré la société. Dans les discussions sur la question eu

365 oue un rôle non négligeable, fût-ce au seul titre de repoussoir, disons même d’épouvantail. À l’autre extrême, on peut con

366 , fût-ce au seul titre de repoussoir, disons même d’ épouvantail. À l’autre extrême, on peut concevoir une Europe qui ne se

367 Europe qui ne serait organisée que par un système d’ alliances entre États souverains. C’est, de fait, la solution préconis

368 ystème d’alliances entre États souverains. C’est, de fait, la solution préconisée par les tenants de « l’Europe des patrie

369 , de fait, la solution préconisée par les tenants de « l’Europe des patries », belle expression hélas impropre en l’occurr

370 général de Gaulle lui-même (conférence de presse de mai 1962), elle ne désigne en réalité qu’une Europe des États. Dans u

371 nces mêmes. Cette solution pose un certain nombre de problèmes qui pourraient et devraient faire l’objet de recherches, do

372 oblèmes qui pourraient et devraient faire l’objet de recherches, dont je suggère seulement quelques têtes de chapitre. On

373 herches, dont je suggère seulement quelques têtes de chapitre. On peut se demander d’abord si cette solution apparemment d

374 se demander d’abord si cette solution apparemment de statu quo, répond d’une manière adéquate aux nouveaux besoins d’union

375 i cette solution apparemment de statu quo, répond d’ une manière adéquate aux nouveaux besoins d’union apparus depuis 1945,

376 épond d’une manière adéquate aux nouveaux besoins d’ union apparus depuis 1945, et qui ont posé, précisément, la question e

377 D’autre part, elle se fonde sur une certaine idée de la souveraineté des États, considérés comme seule réalité tangible, o

378 ? Pour répondre à cette question, il conviendrait d’ examiner, après Léon Duguit, Preuss, Lapradelle, Chabod et tant d’autr

379 s, Lapradelle, Chabod et tant d’autres, la notion de souveraineté sans limites, constituée pendant la période absolutiste,

380 « les choses étant ce qu’elles sont », la notion d’ indépendance n’a pas déjà cédé le pas, en fait plus encore qu’en droit

381 pas, en fait plus encore qu’en droit, à la notion d’ interdépendance. Mais l’objet de pareilles études risquerait d’être pa

382 roit, à la notion d’interdépendance. Mais l’objet de pareilles études risquerait d’être par trop transitoire, trop lié à u

383 ance. Mais l’objet de pareilles études risquerait d’ être par trop transitoire, trop lié à une actualité mouvante, suscepti

384 e, trop lié à une actualité mouvante, susceptible de déboucher plus ou moins rapidement sur une problématique plus vaste e

385 e solution concevable, essentiellement différente de celle de l’unification et de celle des alliances entre souverains, c’

386 n concevable, essentiellement différente de celle de l’unification et de celle des alliances entre souverains, c’est la so

387 iellement différente de celle de l’unification et de celle des alliances entre souverains, c’est la solution fédéraliste.

388 seraient pas non plus maintenus dans une fiction de souveraineté absolue, mais ils joueraient un rôle plus ou moins analo

389 ont l’autonomie se voit assurée par la force même de leur union. La fédération garantirait leur souveraineté — dans les do

390 xerçant collectivement dans d’autres domaines où, de toute façon, elle ne peut plus guère s’exercer individuellement. Conv

391 lus guère s’exercer individuellement. Convient-il de considérer comme un quatrième type, la solution qui consisterait à ét

392 étendre au plan politique les règles et méthodes de l’intégration déjà réalisée au plan économique par le Marché commun ?

393 ? Voilà qui paraît difficile. En effet, le traité de Rome n’évoque aucune solution de cet ordre. La déclaration des chefs

394 effet, le traité de Rome n’évoque aucune solution de cet ordre. La déclaration des chefs d’État des Six, faite à Bonn le 1

395 te à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est vrai, de « donner forme à la volonté d’union politique déjà implicite dans les

396 arle, il est vrai, de « donner forme à la volonté d’ union politique déjà implicite dans les traités qui ont institué les C

397 pas les voies et moyens qui pourraient permettre d’ opérer un jour ou l’autre ce passage de l’économique au politique. Ni

398 permettre d’opérer un jour ou l’autre ce passage de l’économique au politique. Ni cette déclaration, ni le traité lui-mêm

399 éclaration, ni le traité lui-même, ne fournissent d’ indications sur le type de régime politique dont l’intégration économi

400 ui-même, ne fournissent d’indications sur le type de régime politique dont l’intégration économique pourrait être la préfi

401 par Georges Scelle ? On ne sait. Et cela dépendra de la prédominance finale d’un des trois types de solutions que je viens

402 sait. Et cela dépendra de la prédominance finale d’ un des trois types de solutions que je viens de caractériser très briè

403 ra de la prédominance finale d’un des trois types de solutions que je viens de caractériser très brièvement. Mais rien ne

404 à pratiqué quasi journellement dans les processus de décision des Communautés économiques, serait celle des trois solution

405 ait celle des trois solutions qui aurait le moins de chances dans cette compétition. ⁂ Les raisons qui nous ont fait reten

406 tenir la solution fédéraliste comme thème central de nos études, au cours de ce premier semestre tout au moins, sont de na

407 cours de ce premier semestre tout au moins, sont de nature assez diverse. Raisons générales, d’abord. La solution fédéral

408 solution fédéraliste paraît la mieux susceptible de répondre à la fois aux besoins nouveaux d’union, et aux besoins tradi

409 ptible de répondre à la fois aux besoins nouveaux d’ union, et aux besoins traditionnels d’autonomie de nos peuples, besoin

410 ns nouveaux d’union, et aux besoins traditionnels d’ autonomie de nos peuples, besoins qui semblent contradictoires, mais q

411 d’union, et aux besoins traditionnels d’autonomie de nos peuples, besoins qui semblent contradictoires, mais qui sont là,

412 faire converger un jour ou l’autre les partisans de l’Europe des États et ceux des États-Unis d’Europe, ceux qui insisten

413 pe, ceux qui insistent avant tout sur l’autonomie de leur pays, et ceux qui insistent avant tout sur l’unité du continent.

414 te est évidemment la plus conforme à l’expérience de la vie politique et civique du pays où nous sommes, et dont je suis,

415 souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de l’Europe unie. Enfin, raisons immédiates et personnelles. Il se trouv

416 ient nos tempéraments, nos origines et nos champs d’ intérêts particuliers, avons tous les trois été amenés par nos précéde

417 ujet, bien sûr, mais qui permettent tout au moins de l’approcher de manières variées, avec les moyens du bord, dans un esp

418 mais qui permettent tout au moins de l’approcher de manières variées, avec les moyens du bord, dans un esprit commun. Or

419 monie préétablie entre le fédéralisme comme objet d’ études et la méthode interdisciplinaire qui s’impose à nous. Car le fé

420 octrine toute faite, un dogme auquel il s’agirait de plier les réalités, mais une méthode générale d’aménagement des chose

421 de plier les réalités, mais une méthode générale d’ aménagement des choses humaines, méthode d’allure pragmatique qui ne s

422 nérale d’aménagement des choses humaines, méthode d’ allure pragmatique qui ne se comprend et ne s’explique bien que par so

423 insi que M. Henri Schwamm, en économiste qui suit de très près l’évolution et les répercussions de l’intégration, abordera

424 uit de très près l’évolution et les répercussions de l’intégration, abordera le problème de la manière la plus concrète pa

425 ercussions de l’intégration, abordera le problème de la manière la plus concrète par une comparaison des marchés avant et

426 l’AELE, etc. Il étudiera donc des exemples précis d’ évolution des structures du stade national aux divers stades d’une int

427 es structures du stade national aux divers stades d’ une intégration progressive à l’échelle européenne. Problème préfédéra

428 usement, mais préalable nécessaire, et d’ailleurs d’ intérêt suffisant en soi. M. Dusan Sidjanski de son côté, décrira les

429 rs d’intérêt suffisant en soi. M. Dusan Sidjanski de son côté, décrira les structures institutionnelles dans lesquelles et

430 rapprocher des formes fédéralistes. Il rejoindra de la sorte les études de méthode et d’évaluation des tendances politiqu

431 fédéralistes. Il rejoindra de la sorte les études de méthode et d’évaluation des tendances politiques vers l’intégration,

432 Il rejoindra de la sorte les études de méthode et d’ évaluation des tendances politiques vers l’intégration, réunies dans l

433 u’il publie ces jours-ci : Dimensions européennes de la science politique. Enfin, je me propose, pour ma part, d’aborder l

434 ce politique. Enfin, je me propose, pour ma part, d’ aborder le problème sur le plan de l’histoire des idées, en traitant d

435 , pour ma part, d’aborder le problème sur le plan de l’histoire des idées, en traitant des aspects fédéralistes dans les p

436 es aspects fédéralistes dans les projets et plans d’ union européenne, du Moyen Âge à nos jours. Parallèlement aux cours e

437 os jours. Parallèlement aux cours et aux travaux de séminaire, nous avons convoqué un groupe d’une vingtaine de juristes,

438 avaux de séminaire, nous avons convoqué un groupe d’ une vingtaine de juristes, philosophes, historiens, économistes, théor

439 re, nous avons convoqué un groupe d’une vingtaine de juristes, philosophes, historiens, économistes, théoriciens et pratic

440 istoriens, économistes, théoriciens et praticiens de l’intégration, pour étudier les perspectives d’une solution fédéralis

441 s de l’intégration, pour étudier les perspectives d’ une solution fédéraliste de la question européenne. Le groupe doit se

442 udier les perspectives d’une solution fédéraliste de la question européenne. Le groupe doit se réunir pour la première foi

443 e des travaux intéressants, auront la possibilité d’ y participer. Voilà donc le programme initial de notre petit Institut.

444 é d’y participer. Voilà donc le programme initial de notre petit Institut. Moyens modestes, longues visées, tâche qui dépa

445 ent nos forces actuelles mais qu’il semble urgent d’ entreprendre là où on le peut, dans l’esprit du proverbe chinois qui d

446 t : « Mieux vaut allumer une petite chandelle que de maudire l’obscurité ! » ⁂ Ces quelques propos d’introduction générale

447 de maudire l’obscurité ! » ⁂ Ces quelques propos d’ introduction générale ne me laissent pas beaucoup de temps pour introd

448 oup de temps pour introduire le sujet particulier de mon cours, mais je souhaite qu’ils aient permis déjà d’en pressentir

449 cours, mais je souhaite qu’ils aient permis déjà d’ en pressentir les intentions. Il pourrait sembler logique de commencer

450 entir les intentions. Il pourrait sembler logique de commencer par définir le fédéralisme avant d’en étudier les exemples,

451 que de commencer par définir le fédéralisme avant d’ en étudier les exemples, soit dans l’expression, soit dans l’applicati

452 que l’on puisse déduire dans l’abstrait à partir d’ une définition simple et de quelques principes axiomatiques. On l’a mê

453 ns l’abstrait à partir d’une définition simple et de quelques principes axiomatiques. On l’a même décrit comme l’antisystè

454 ui s’en déclarent les adeptes, c’est une attitude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’une doctrine ou une notion

455 ptes, c’est une attitude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’une doctrine ou une notion juridique ; une expérien

456 es simples et aux structures géométriques. Tenter de le définir d’entrée de jeu serait donc s’exposer à trahir méthodiquem

457 aux structures géométriques. Tenter de le définir d’ entrée de jeu serait donc s’exposer à trahir méthodiquement sa nature

458 tures géométriques. Tenter de le définir d’entrée de jeu serait donc s’exposer à trahir méthodiquement sa nature même. Voi

459 oi ce sont ses adversaires qui éprouvent le moins de scrupules à en donner des caractérisations brèves et simples. Et voil

460 e un système politique. La plupart nous renvoient de fédéralisme à fédératif et à fédération, voire à confédération indiff

461 lisent carrément le terme. Ainsi, le dictionnaire de Littré, dans sa 1re édition qui date de 1863 : Fédéralisme, s.m. Né

462 tionnaire de Littré, dans sa 1re édition qui date de 1863 : Fédéralisme, s.m. Néologisme. Système, doctrine du gouvernem

463 dant la révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédératio

464 ibué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. Vingt-et-un

465 ale et de transformer la France en une fédération de petits États. Vingt-et-un ans plus tard, le dictionnaire historique

466 t-et-un ans plus tard, le dictionnaire historique de Grégoire récidive, et je cite : Fédéralisme. En 1792 et 1793, on ac

467 ralisme. En 1792 et 1793, on accusa les girondins de vouloir substituer à l’unité nationale le fédéralisme, c’est-à-dire u

468 ciation des départements qui eussent formé autant de républiques distinctes, comme les cantons suisses… Cette calomnie pro

469 nie propagée par les montagnards excita le peuple de Paris contre les girondins… Les dictionnaires anglais renvoient, eux

470 nissent ainsi la structure fédérale : « Une forme de gouvernement extravagante et inefficace, justifiable là seulement où

471 ustifiable là seulement où une forme plus stricte d’ organisation est pratiquement impraticable (practically impracticable)

472 paru en 1957). En France, c’est l’œuvre posthume de Proudhon, Du Principe fédératif, qui, en 1863 (l’année même où Littré

473 Puis des savants français entreprennent une série de mises au point systéma­tiques : Le Fur publie en 1896 son ouvrage int

474 ouvrage intitulé État fédératif et Confédération d’ États (distinction classique, mais que les dictionnaires déjà cités et

475 tionnaires déjà cités et contemporains continuent d’ ignorer sereinement) ; Georges Scelle, dans son Précis du droit des ge

476 ales, qu’elles soient ou non étatiques ; l’équipe de l’Ordre nouveau, de 1932 à 1939, avec Arnaud Dandieu, Robert Aron, Al

477 t ou non étatiques ; l’équipe de l’Ordre nouveau, de 1932 à 1939, avec Arnaud Dandieu, Robert Aron, Alexandre Marc et moi-

478 rc et moi-même, puis Henri Brugmans qui s’inspire de ses travaux, rénove ce que j’ai nommé « l’attitude fédéraliste ». Plu

479 « l’attitude fédéraliste ». Plusieurs des membres de ce groupe, dispersé dès 1939, se retrouvent pour déclencher, après la

480 rre mondiale, le mouvement qui aboutit au congrès de Montreux (1947) suivi par le Congrès de l’Europe, à La Haye, en 1948,

481 u congrès de Montreux (1947) suivi par le Congrès de l’Europe, à La Haye, en 1948, d’où sont issues les premières réalisat

482 i par le Congrès de l’Europe, à La Haye, en 1948, d’ où sont issues les premières réalisations européennes, le Conseil de l

483 e l’Europe notamment. Citons enfin les deux tomes d’ Études sur le fédéralisme, composés par une trentaine de professeurs a

484 es sur le fédéralisme, composés par une trentaine de professeurs américains sous la direction de Robert Bowie et de Carl F

485 taine de professeurs américains sous la direction de Robert Bowie et de Carl Friedrich, et récemment traduits en français.

486 s américains sous la direction de Robert Bowie et de Carl Friedrich, et récemment traduits en français. Dans le dernier en

487 , par Henri Brugmans et Pierre Duclos — le second de ces auteurs écrit ceci : Tout démontre que, quel que soit son avenir

488 ridique ou politique : il est un des grands types d’ aménagement du rapport politique, et peut-être plus encore, un des gra

489 e, et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le

490 -être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le socialism

491 e le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’ alimenter la pensée des sociétés. Ainsi donc, entre le fédéralisme co

492 sme considéré par l’esprit jacobin comme trahison de l’unité nationale sacro-sainte, le fédéralisme considéré simplement c

493 le fédéralisme considéré simplement comme système d’ association d’États, et le fédéralisme considéré par la nouvelle école

494 considéré simplement comme système d’association d’ États, et le fédéralisme considéré par la nouvelle école que décrit Pi

495 e décrit Pierre Duclos comme un des grands styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discussion est très ouverte

496 ierre Duclos comme un des grands styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discussion est très ouverte… J’ai don

497 ès ouverte… J’ai donc estimé qu’au lieu de partir d’ une définition pseudo-scientifique, ou secrètement partisane, ou entac

498 ientifique, ou secrètement partisane, ou entachée d’ abstraction, il était plus honnête et enseignant d’aller rechercher da

499 ’abstraction, il était plus honnête et enseignant d’ aller rechercher dans les écrits des précurseurs de l’Europe unie, à p

500 ’aller rechercher dans les écrits des précurseurs de l’Europe unie, à partir du xive siècle, et en remontant peu à peu ve

501 montant peu à peu vers notre époque, les éléments d’ une tradition fédéraliste de l’Europe ; quitte à déduire, finalement,

502 époque, les éléments d’une tradition fédéraliste de l’Europe ; quitte à déduire, finalement, de cette enquête, quelques c

503 liste de l’Europe ; quitte à déduire, finalement, de cette enquête, quelques critères permanents, voire même, si possible,

504 ces plans sont restés peu connus, voire inconnus de leurs contemporains. Aucun d’entre eux, avant celui de Coudenhove-Kal

505 urs contemporains. Aucun d’entre eux, avant celui de Coudenhove-Kalergi, publié en 1923, n’a entraîné d’action politique c

506 Coudenhove-Kalergi, publié en 1923, n’a entraîné d’ action politique concrète, et moins encore de résultats. Cependant, ce

507 aîné d’action politique concrète, et moins encore de résultats. Cependant, ce n’est pas une histoire des échecs de l’idée

508 . Cependant, ce n’est pas une histoire des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de la pensée fédéraliste, ni des cu

509 e des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de la pensée fédéraliste, ni des curiosa de l’esprit occidental que je m

510 déchets de la pensée fédéraliste, ni des curiosa de l’esprit occidental que je me propose de retracer et qui mérite de re

511 curiosa de l’esprit occidental que je me propose de retracer et qui mérite de retenir l’attention des étudiants. Ces plan

512 ental que je me propose de retracer et qui mérite de retenir l’attention des étudiants. Ces plans et projets constituent a

513 tudiants. Ces plans et projets constituent autant de prises sur leur époque, autant de documents paléontologiques sur les

514 stituent autant de prises sur leur époque, autant de documents paléontologiques sur les conceptions et croyances régnantes

515 es reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à « ce qui allait

516 nticipent le dépassement. Ainsi, la considération d’ un traité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’un plan co

517 dépassement. Ainsi, la considération d’un traité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’un plan confédéral de

518 Ainsi, la considération d’un traité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’un plan confédéral de Pierre Dubois

519 n d’un traité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’un plan confédéral de Pierre Dubois (le De Recuperatione T

520 é de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’ un plan confédéral de Pierre Dubois (le De Recuperatione Terre Sancte,

521 archia, qui date de 1308) et d’un plan confédéral de Pierre Dubois (le De Recuperatione Terre Sancte, qui date de 1306), n

522 308) et d’un plan confédéral de Pierre Dubois (le De Recuperatione Terre Sancte, qui date de 1306), nous permettront d’ana

523 ubois (le De Recuperatione Terre Sancte, qui date de 1306), nous permettront d’analyser les deux grandes origines antinomi

524 Terre Sancte, qui date de 1306), nous permettront d’ analyser les deux grandes origines antinomiques de la question europée

525 d’analyser les deux grandes origines antinomiques de la question européenne, l’empire et les nations. Dante écrit son trai

526 son traité au moment où le Saint-Empire, principe d’ unité, est en crise, en décadence. Pierre Dubois, avocat de Philippe l

527 est en crise, en décadence. Pierre Dubois, avocat de Philippe le Bel, propose son plan d’union au moment où la première na

528 bois, avocat de Philippe le Bel, propose son plan d’ union au moment où la première nation se constitue, menaçant la double

529 ère nation se constitue, menaçant la double unité de l’empire et de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pr

530 onstitue, menaçant la double unité de l’empire et de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement cont

531 ces deux ouvrages sont pratiquement contemporains de la naissance de notre confédération, qui résulte, elle, du mouvement

532 s sont pratiquement contemporains de la naissance de notre confédération, qui résulte, elle, du mouvement des communes12,

533 du mouvement des communes12, troisième composante de l’époque. Vous pressentez qu’il y aura, là-dessus, beaucoup à dire. L

534 a, là-dessus, beaucoup à dire. L’échec historique de ces projets et de ceux qui les suivront au cours des siècles jusqu’à

535 coup à dire. L’échec historique de ces projets et de ceux qui les suivront au cours des siècles jusqu’à nous, est certes s

536 aminerai les causes. Dans ce contexte, il s’agira de repérer la nature des obstacles traditionnels de l’union, et d’essaye

537 de repérer la nature des obstacles traditionnels de l’union, et d’essayer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains d

538 nature des obstacles traditionnels de l’union, et d’ essayer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains de ces obstacles

539 obstacles traditionnels de l’union, et d’essayer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains de ces obstacles sont en t

540 itionnels de l’union, et d’essayer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains de ces obstacles sont en train de céder a

541 yer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains de ces obstacles sont en train de céder aujourd’hui. Mais il n’est pas m

542 er aujourd’hui. Mais il n’est pas moins important de rechercher dans ces plans avortés les étymologies vivantes du vocabul

543 logies vivantes du vocabulaire politique européen de la plupart de ses termes de base, tels que : unité, union, unificatio

544 re politique européen de la plupart de ses termes de base, tels que : unité, union, unification, ou encore nation, souvera

545 me inventé par Rousseau, prétend-il, à l’occasion de sa critique des utopies de l’abbé de Saint-Pierre, encore que Proudho

546 étend-il, à l’occasion de sa critique des utopies de l’abbé de Saint-Pierre, encore que Proudhon, cent ans plus tard, reve

547 e paternité. À cet égard, nous aurons l’occasion d’ illustrer fréquemment un phénomène curieux : la pratique du fédéralism

548 ne curieux : la pratique du fédéralisme a précédé de plusieurs siècles sa théorie (ceci peut être vérifié le plus exacteme

549 ins, tandis qu’elle se réalisait enfin, mais hors d’ Europe, dans la Constitution américaine. Nous montrerons aussi dans qu

550 oine parisien Émeric Crucé, qui propose une série de « grands travaux européens » ; comment elles se développent dans les

551 s » ; comment elles se développent dans les plans de Bentham et de Saint-Simon ; enfin comment elles aboutissent aux réali

552 elles se développent dans les plans de Bentham et de Saint-Simon ; enfin comment elles aboutissent aux réalisations que l’

553 l’on sait dans notre temps. C’est donc une sorte de généalogie des grands desseins européens que nous aurons à établir, a

554 établir, au moins autant qu’un constat déprimant d’ échecs pratiques et de déchets idéologiques. Qu’il s’agisse au début d

555 ant qu’un constat déprimant d’échecs pratiques et de déchets idéologiques. Qu’il s’agisse au début du plus grand poète du

556 re déchu qu’était le duc de Sully, ou du créateur d’ un grand État qu’était William Penn, puis d’un économiste visionnaire

557 ateur d’un grand État qu’était William Penn, puis d’ un économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d’un solide juriste sui

558 d’un économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d’ un solide juriste suisse comme Bluntschli, et finalement d’un autre gr

559 de juriste suisse comme Bluntschli, et finalement d’ un autre grand poète, Saint-John Perse, de son vrai nom Alexis Léger,

560 alement d’un autre grand poète, Saint-John Perse, de son vrai nom Alexis Léger, qui rédige le Mémorandum sur l’organisatio

561 éger, qui rédige le Mémorandum sur l’organisation d’ un régime d’union fédérale européenne adressé par Briand à la Société

562 dige le Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’ union fédérale européenne adressé par Briand à la Société des Nations

563 ciété des Nations en 1930, la galerie des auteurs de plans que nous allons parcourir n’est pas seulement pittoresque : ell

564 uit au cœur des débats idéologiques et politiques de l’Europe actuelle. J’inscris donc sur son seuil : nostra res agitur !

565 uis E. Gagliardi, notamment. j. Rougemont Denis de , « Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne

566 « Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’ union européenne du Moyen Âge à nos jours », Bastions de Genève, Genèv

567 n européenne du Moyen Âge à nos jours », Bastions de Genève, Genève, 1963, p. 61-72. k. L’auteur est présenté par cette n

568 nis de Rougemont : né en 1906 à Neuchâtel. Études de lettres et de philosophie. Éditeur à Paris dès 1931. Lecteur à l’Univ

569 nt : né en 1906 à Neuchâtel. Études de lettres et de philosophie. Éditeur à Paris dès 1931. Lecteur à l’Université de Fran

570 Éditeur à Paris dès 1931. Lecteur à l’Université de Francfort 1935-1936. Cours à l’École libre des hautes études de New Y

571 935-1936. Cours à l’École libre des hautes études de New York de 1941 à 1946. Fonde en 1948 le Centre européen de la cultu

572 urs à l’École libre des hautes études de New York de 1941 à 1946. Fonde en 1948 le Centre européen de la culture à Genève,

573 ent du comité exécutif du Congrès pour la liberté de la culture. Auteur de 24 ouvrages qui ont été traduits en 12 langues.

574 du Congrès pour la liberté de la culture. Auteur de 24 ouvrages qui ont été traduits en 12 langues. »

575 Les Suisses sont tard venus dans le développement de la culture occidentale ; ils n’y entrent en fait et d’une manière dis

576 culture occidentale ; ils n’y entrent en fait et d’ une manière distincte qu’au troisième quart de l’ère chrétienne : au x

577 et d’une manière distincte qu’au troisième quart de l’ère chrétienne : au xvie siècle. Mais c’est alors un « carré suiss

578 e formation guerrière qui dominait sur les champs de bataille de l’époque, rangs pressés de porteurs de longues piques, de

579 guerrière qui dominait sur les champs de bataille de l’époque, rangs pressés de porteurs de longues piques, de hallebardes

580 les champs de bataille de l’époque, rangs pressés de porteurs de longues piques, de hallebardes, d’épées et d’arquebuses —

581 e bataille de l’époque, rangs pressés de porteurs de longues piques, de hallebardes, d’épées et d’arquebuses — qui fait so

582 que, rangs pressés de porteurs de longues piques, de hallebardes, d’épées et d’arquebuses — qui fait son entrée résolue su

583 és de porteurs de longues piques, de hallebardes, d’ épées et d’arquebuses — qui fait son entrée résolue sur la grande scèn

584 urs de longues piques, de hallebardes, d’épées et d’ arquebuses — qui fait son entrée résolue sur la grande scène européenn

585 ilosophe Paracelse, et l’architecte Fontana. Mais de cette époque à nos jours, la densité de création intellectuelle et ar

586 ana. Mais de cette époque à nos jours, la densité de création intellectuelle et artistique dans l’ensemble des petits État

587 e Confédération est sans doute supérieure à celle de toute autre région prise au hasard dans les pays voisins, et qui sera

588 Suisses à la culture représente une contribution de la Suisse en tant qu’entité ou système de valeurs spécifique ? C’est

589 ibution de la Suisse en tant qu’entité ou système de valeurs spécifique ? C’est à ces deux questions que je vais tenter de

590 e ? C’est à ces deux questions que je vais tenter de répondre. ⁂ La Suisse n’existe que depuis cent-quinze ans sous la for

591 n’existe que depuis cent-quinze ans sous la forme d’ un État fédéral et solidement constitué. Auparavant, de la fin du xiii

592 État fédéral et solidement constitué. Auparavant, de la fin du xiiie jusqu’au milieu du xixe siècle, elle n’était guère

593 it guère qu’une confédération plus ou moins lâche de petits États souverains, très variés par la forme politique, l’économ

594 angue. Elle dépendait ainsi, à des titres divers, de plusieurs grands ensembles culturels, religieux, linguistiques ou pol

595 ou politiques dépassant largement les frontières de ce que l’on nommait les ligues suisses. Les plus grands esprits et le

596 ts et les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’ un canton déterminé (qui n’est parfois qu’une ville, Bâle ou Genève) m

597 ement par leur rayonnement (comme le furent celle d’ un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui

598 r rayonnement (comme le furent celle d’un Racine, d’ un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu q

599 (comme le furent celle d’un Racine, d’un Newton, d’ un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur

600 furent celle d’un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’ un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur seule natio

601 ’un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’ un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation, et d’elle s

602 rd, qui n’ont vécu que dans leur seule nation, et d’ elle seule ont nourri leur carrière) mais par leur biographie, leurs h

603 eances spirituelles, par les lieux où ils agirent de leur vivant, et par les influences subies ou exercées. Pays de gens

604 , et par les influences subies ou exercées. Pays de gens moyens, oui, disait Lucien Fèbvre. Mais quand ils réussissent à

605 n Fèbvre. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton, alors pas de milieu, ils atteignent à l’universel… Et pl

606 éussissent à se dégager de leur canton, alors pas de milieu, ils atteignent à l’universel… Et plus d’obstacle devant la pe

607 de milieu, ils atteignent à l’universel… Et plus d’ obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appe

608 suisses reçurent leurs libertés non des suzerains de la région, mais, par-dessus leur tête, du seul empereur. Leur liberté

609 ndamnés à l’Europe, dirais-je, quand nous sortons de notre commune originelle. Cette situation particulière est très confo

610 situation particulière est très conforme au génie de la culture occidentale, car celle-ci a toujours été faite par des foy

611 oupages en couleurs plates que montrent nos atlas d’ école. La multiplicité des foyers créateurs fournit à la Suisse ses me

612 eilleures chances, et c’est elle qui, dans le cas de la Suisse — compartimentée à l’extrême, mais liée par tout un réseau

613 imentée à l’extrême, mais liée par tout un réseau d’ échanges spirituels avec ses grands voisins — constitue la raison suff

614 rich avec Zwingli, sont les trois premiers foyers de rayonnement européen des ligues. Aussitôt prolifèrent autour d’eux le

615 européen des ligues. Aussitôt prolifèrent autour d’ eux les bases de lancement de nos fusées culturelles. Paracelse, natif

616 gues. Aussitôt prolifèrent autour d’eux les bases de lancement de nos fusées culturelles. Paracelse, natif d’Einsiedeln, g

617 t prolifèrent autour d’eux les bases de lancement de nos fusées culturelles. Paracelse, natif d’Einsiedeln, grand précurse

618 ement de nos fusées culturelles. Paracelse, natif d’ Einsiedeln, grand précurseur de la médecine la plus moderne, vagabonde

619 . Paracelse, natif d’Einsiedeln, grand précurseur de la médecine la plus moderne, vagabonde en de nombreux pays où il inve

620 seur de la médecine la plus moderne, vagabonde en de nombreux pays où il invente et exerce son art, puis revient enseigner

621 ent enseigner en Suisse dans les dernières années de sa vie. Les Bernouilli et Léonard Euler, héritiers de la tradition hu

622 a vie. Les Bernouilli et Léonard Euler, héritiers de la tradition humaniste et piétiste de Bâle et rivalisant de génie dan

623 , héritiers de la tradition humaniste et piétiste de Bâle et rivalisant de génie dans les mathématiques et la physique, vi

624 ition humaniste et piétiste de Bâle et rivalisant de génie dans les mathématiques et la physique, vivent aux cours de Russ

625 es mathématiques et la physique, vivent aux cours de Russie et de Prusse, ou professent à Groningue et à Londres. Jean de

626 ues et la physique, vivent aux cours de Russie et de Prusse, ou professent à Groningue et à Londres. Jean de Müller, « his

627 « historien des Suisses », mais également auteur de la célèbre Vue générale du genre humain, entre au service des empereu

628 , entre au service des empereurs autrichiens puis de la Prusse. Jean-Jacques Rousseau, « citoyen de Genève », vit en Franc

629 is de la Prusse. Jean-Jacques Rousseau, « citoyen de Genève », vit en France, en Italie, en Angleterre, défend avec éloque

630 lie, en Angleterre, défend avec éloquence un plan d’ union fédérale de l’Europe, et modifie plus que nul autre la sensibili

631 e, défend avec éloquence un plan d’union fédérale de l’Europe, et modifie plus que nul autre la sensibilité occidentale. D

632 ie plus que nul autre la sensibilité occidentale. De Zurich au début du xviiie siècle, rayonne l’école suisse du doyen Bo

633 e l’école suisse du doyen Bodmer puis des Idylles de Salomon Gessner et des spéculations mystiques de Lavater ; et Zurich

634 de Salomon Gessner et des spéculations mystiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’une renaissance de la littérat

635 mystiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’ une renaissance de la littérature dans les Allemagnes. De Coppet rayon

636 er ; et Zurich devient le foyer d’une renaissance de la littérature dans les Allemagnes. De Coppet rayonne sur la France l

637 enaissance de la littérature dans les Allemagnes. De Coppet rayonne sur la France le génie de Mme de Staël et de sa cour c

638 emagnes. De Coppet rayonne sur la France le génie de Mme de Staël et de sa cour cosmopolite, où brillent Sismondi et Benja

639 rayonne sur la France le génie de Mme de Staël et de sa cour cosmopolite, où brillent Sismondi et Benjamin Constant, initi

640 t Sismondi et Benjamin Constant, initiateurs l’un de l’économie et l’autre de la politique libérales qui allaient marquer

641 nstant, initiateurs l’un de l’économie et l’autre de la politique libérales qui allaient marquer tout le xixe siècle. Cin

642 re par son Matriarcat une conception sociologique de l’ethnographie, Jacob Burckhardt par ses ouvrages sur la Renaissance

643 e Betrachtungen renouvelle une vision synthétique de l’histoire, dont son fervent disciple, Nietzsche — qui est aussi son

644 Nietzsche — qui est aussi son plus jeune collègue de faculté — nourrira son génie bouleversant. Puis c’est le tour de Genè

645 urrira son génie bouleversant. Puis c’est le tour de Genève, une fois de plus, et de Zurich tôt après, d’où rayonnent sur

646 uis c’est le tour de Genève, une fois de plus, et de Zurich tôt après, d’où rayonnent sur l’Europe entière et l’Amérique l

647 Genève, une fois de plus, et de Zurich tôt après, d’ où rayonnent sur l’Europe entière et l’Amérique l’Institut Rousseau de

648 , et l’école du grand C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la psychologie occidentales en seront transformés

649 nd C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la psychologie occidentales en seront transformés sans retour. Enfin,

650 etour. Enfin, n’oublions pas l’influence mondiale de la pensée théologique de Karl Barth : elle dépasse largement les limi

651 pas l’influence mondiale de la pensée théologique de Karl Barth : elle dépasse largement les limites de la confession prot

652 e Karl Barth : elle dépasse largement les limites de la confession protestante. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’est

653 n’ayant été pendant des siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale, et moins en relations les uns avec les autres q

654 s dans cette succession chronologique très serrée de puissants émetteurs d’énergie culturelle ? Une énumération complète d

655 chronologique très serrée de puissants émetteurs d’ énergie culturelle ? Une énumération complète de nos gloires ayant att

656 s d’énergie culturelle ? Une énumération complète de nos gloires ayant atteint le niveau européen, ou même mondial, dessin

657 e, la psychologie et la pédagogie, la littérature d’ idées, les sciences et la technique. Comment interpréter cette courbe

658 Baudelaire ou leur Descartes. Mais force est bien de reconnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique flamand

659 ce est bien de reconnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique flamande de la Renaissance, à la peinture hol

660 isse n’a rien de comparable à la musique flamande de la Renaissance, à la peinture hollandaise ou vénitienne du xviiie si

661 devenue évidente à partir du xixe siècle : point de grand art dans les petits pays. Un Ludwig Senfl au xvie siècle, un A

662 ie siècle, un Arthur Honegger et un Frank Martin de nos jours, mais rien qui vraiment compte dans l’entre-deux, cela ne f

663 musicale ; et les épopées symboliques démesurées d’ un Carl Spitteler ne suffisent pas à compenser des siècles de médiocri

664 pitteler ne suffisent pas à compenser des siècles de médiocrité dans nos productions versifiées. La peinture avait pris un

665 u départ au xvie siècle, mais l’école turbulente de Conrad Witz, de Nicolas Manuel, de Hans Friess et d’Urs Graf ne trouv

666 siècle, mais l’école turbulente de Conrad Witz, de Nicolas Manuel, de Hans Friess et d’Urs Graf ne trouve un répondant,

667 ole turbulente de Conrad Witz, de Nicolas Manuel, de Hans Friess et d’Urs Graf ne trouve un répondant, par ailleurs discut

668 Conrad Witz, de Nicolas Manuel, de Hans Friess et d’ Urs Graf ne trouve un répondant, par ailleurs discutable, qu’au xxe s

669 ès se font à Paris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul Klee, une sculpture d’Alberto Giacometti, un poème de Blaise Cen

670 et Berlin. Un tableau de Paul Klee, une sculpture d’ Alberto Giacometti, un poème de Blaise Cendrars : l’amateur non préven

671 lee, une sculpture d’Alberto Giacometti, un poème de Blaise Cendrars : l’amateur non prévenu n’y verra pas la Suisse, comm

672 omme il voit à coup sûr l’Espagne dans les œuvres de Picasso, le ghetto russe dans celles de Chagall, ou les Flandres myst

673 es œuvres de Picasso, le ghetto russe dans celles de Chagall, ou les Flandres mystiques dans celles de Maeterlinck. Si l’o

674 de Chagall, ou les Flandres mystiques dans celles de Maeterlinck. Si l’on veut distinguer les éléments sinon d’une « cultu

675 linck. Si l’on veut distinguer les éléments sinon d’ une « culture suisse » — qui ne saurait exister — du moins d’une attit

676 ture suisse » — qui ne saurait exister — du moins d’ une attitude d’esprit commune aux créateurs issus de nos divers canton

677 qui ne saurait exister — du moins d’une attitude d’ esprit commune aux créateurs issus de nos divers cantons, on aura plus

678 une attitude d’esprit commune aux créateurs issus de nos divers cantons, on aura plus de chances de les trouver dans le do

679 éateurs issus de nos divers cantons, on aura plus de chances de les trouver dans le domaine du roman : La Nouvelle Héloïse

680 us de nos divers cantons, on aura plus de chances de les trouver dans le domaine du roman : La Nouvelle Héloïse, l’Émile,

681 ue Pestalozzi, voire à certains égards les récits d’ un réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se distinguent des romans français

682 certains égards les récits d’un réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se distinguent des romans français, anglais ou russes de

683 drame moral dans la vie quotidienne. Le sentiment de la nature, toujours présente, mélancolique, maternelle ou menaçante,

684 olique, maternelle ou menaçante, y tient la place de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou de l’arr

685 e métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou de l’arrière-plan de compétition sociale chez un Balzac et un Stendhal.

686 z un Dostoïevski et un Kafka ou de l’arrière-plan de compétition sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces traits sont pr

687 traits sont protestants, peut-être. Mais le goût de la mesure, de l’intériorité, du réalisme et de la psychologie moyenne

688 rotestants, peut-être. Mais le goût de la mesure, de l’intériorité, du réalisme et de la psychologie moyenne expriment sur

689 ût de la mesure, de l’intériorité, du réalisme et de la psychologie moyenne expriment surtout les conditions dictées par l

690 travail humain, bien concerté : la Suisse est née de coopératives forestières exploitant le passage du Gothard, « Un pour

691  », c’est moins un idéal qu’une vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suisse entreprend de créer quelque chos

692 e solidarité pratique. Quand un Suisse entreprend de créer quelque chose, tout se passe comme s’il avait à se faire pardon

693 ’architecte suisse par exemple — et nous en avons d’ excellents — doit voir plutôt petit, fonctionnel et très sobre, s’il r

694 sobre, s’il reste en Suisse. Mais s’il a le goût de la grandeur, c’est à Rome qu’il ira terminer l’énorme dôme de Saint-P

695 ur, c’est à Rome qu’il ira terminer l’énorme dôme de Saint-Pierre comme Maderno et les deux Fontana, c’est aux États-Unis

696 u’il trouvera des commandes pour bâtir une église de Ronchamps ou une capitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de

697 se de Ronchamps ou une capitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de l’architecture moderne, puritain révolutionnair

698 capitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de l’architecture moderne, puritain révolutionnaire, né dans une vallée

699 ngagés dans leur communauté, plutôt que créateurs d’ art ou de grands systèmes. Médecins praticiens, guérisseurs d’âme, réf

700 ns leur communauté, plutôt que créateurs d’art ou de grands systèmes. Médecins praticiens, guérisseurs d’âme, réformateurs

701 grands systèmes. Médecins praticiens, guérisseurs d’ âme, réformateurs politiques ou religieux, négociateurs de grande affa

702 éformateurs politiques ou religieux, négociateurs de grande affaires publiques, théologiens et pédagogues, savants du prem

703 avants du premier rang, mais qui restent soucieux d’ applications industrielles ou humanitaires — comme Euler inventant la

704 éducatifs ou spirituels, avec un souci primordial de l’efficacité transformatrice. Et c’est en cela qu’ils sont typiquemen

705 sont typiquement suisses. ⁂ Cependant, une série de grands noms ne représente pas à elle seule tout l’apport culturel d’u

706 eprésente pas à elle seule tout l’apport culturel d’ un pays, de même qu’un prestigieux état-major ne suffit pas à renseign

707 at-major ne suffit pas à renseigner sur la valeur d’ un combat d’une armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dan

708 suffit pas à renseigner sur la valeur d’un combat d’ une armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans la populat

709 valeur d’un combat d’une armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans la population. Ce qu’il est important de

710 appuie dans la population. Ce qu’il est important de savoir sur l’armée suisse, c’est que chacun de ses soldats garde son

711 nt de savoir sur l’armée suisse, c’est que chacun de ses soldats garde son fusil et son équipement militaire dans son armo

712 uipement militaire dans son armoire. Qu’en est-il de notre équipement culturel ? Il me paraît que la structure fédéraliste

713 els favorise une implantation relativement serrée de la vie culturelle. J’en citerai quelques exemples. La souveraineté de

714 souveraineté des cantons en matière de culture et d’ éducation explique et justifie l’existence de sept universités, de deu

715 e et d’éducation explique et justifie l’existence de sept universités, de deux écoles polytechniques, et de plusieurs diza

716 ique et justifie l’existence de sept universités, de deux écoles polytechniques, et de plusieurs dizaines d’instituts spéc

717 pt universités, de deux écoles polytechniques, et de plusieurs dizaines d’instituts spécialisés de niveau universitaire, p

718 x écoles polytechniques, et de plusieurs dizaines d’ instituts spécialisés de niveau universitaire, pour une population de

719 et de plusieurs dizaines d’instituts spécialisés de niveau universitaire, pour une population de 5 millions. Chaque gros

720 isés de niveau universitaire, pour une population de 5 millions. Chaque gros village possède son chœur, et souvent sa fanf

721 e son chœur, et souvent sa fanfare ; chaque ville de quelque importance a ses sociétés de concerts, de théâtre et de confé

722 chaque ville de quelque importance a ses sociétés de concerts, de théâtre et de conférences hebdomadaires, son musée, ses

723 de quelque importance a ses sociétés de concerts, de théâtre et de conférences hebdomadaires, son musée, ses expositions,

724 ortance a ses sociétés de concerts, de théâtre et de conférences hebdomadaires, son musée, ses expositions, ses bibliothèq

725 xpositions, ses bibliothèques et ses associations d’ éducation, d’amis des arts ou de la nature. Les plus grandes cités — d

726 es bibliothèques et ses associations d’éducation, d’ amis des arts ou de la nature. Les plus grandes cités — de 150 à 500 0

727 ses associations d’éducation, d’amis des arts ou de la nature. Les plus grandes cités — de 150 à 500 000 habitants — entr

728 es arts ou de la nature. Les plus grandes cités — de 150 à 500 000 habitants — entretiennent chacune un ou deux orchestres

729 ival, plusieurs théâtres. Les collections privées de peinture sont parmi les plus belles du monde, Reinhart à Winterthour

730 et Hahnloser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’ étude des grandes firmes industrielles financent des recherches orient

731 hnique, mais dont la science pure bénéficie. Deux de ces bureaux sont dirigés par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos,

732 es sciences, se place au premier rang mondial, et de très loin, relativement à sa population (Hollande : 9 prix Nobel pour

733 ne population neuf fois plus grande). ⁂ À l’heure de l’Europe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir une place plu

734 de l’Europe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir une place plus qu’honorable dans une compétition continentale o

735 tes depuis des siècles. Il s’ensuit que la menace d’ uniformisation et d’oblitération des traditions locales est bien plus

736 es. Il s’ensuit que la menace d’uniformisation et d’ oblitération des traditions locales est bien plus grave pour elle que

737 e pour ses grands voisins. Ce n’est pas du projet d’ union européenne que provient cette menace de nivellement, mais plutôt

738 ojet d’union européenne que provient cette menace de nivellement, mais plutôt d’un certain matérialisme philistin favorisé

739 provient cette menace de nivellement, mais plutôt d’ un certain matérialisme philistin favorisé par les succès de la techni

740 in matérialisme philistin favorisé par les succès de la technique. Et le doublement prévu de la population, dans les trent

741 es succès de la technique. Et le doublement prévu de la population, dans les trente ans qui viennent, sur un très petit te

742 a totalement dans le même sens. La Suisse se doit de réagir à temps en soutenant plus « matériellement » que jusqu’ici les

743 urelles dont elle dispose. N’est-elle pas le pays d’ Europe qui a les raisons les plus fortes et les plus concrètes de savo

744 les raisons les plus fortes et les plus concrètes de savoir que le terme de culture n’est pas un synonyme de superflu ?

745 rtes et les plus concrètes de savoir que le terme de culture n’est pas un synonyme de superflu ? b. Rougemont Denis de,

746 oir que le terme de culture n’est pas un synonyme de superflu ? b. Rougemont Denis de, « Apport à la civilisation occid

747 s un synonyme de superflu ? b. Rougemont Denis de , « Apport à la civilisation occidentale », Associations international

748 niques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même dire qu’il

749 ntes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’ oppositions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contra

750 sme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu

751 et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres systèmes p

752 t fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophiques, il ne cherche

753 à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les fai

754 ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble

755 e ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles sont. Mais parce qu’il acce

756 lez pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’ éclectisme universel, ou d’opportunisme lâche qui tolère tout et ne s’

757 alisme soit une espèce d’éclectisme universel, ou d’ opportunisme lâche qui tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralis

758 ’uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’ une capitale, d’un État, d’un parti, d’un pouvoir clérical, politique,

759 sée par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’ un État, d’un parti, d’un pouvoir clérical, politique, ou économique.

760 centre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’un État, d’ un parti, d’un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il est donc

761 l s’agisse d’une capitale, d’un État, d’un parti, d’ un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il est donc le contrair

762 e, ou économique. Il est donc le contraire absolu de tout régime totalitaire de tout ordre géométrique, simpliste, et par

763 nc le contraire absolu de tout régime totalitaire de tout ordre géométrique, simpliste, et par là même tyrannique. Or la t

764 ’autre part, le fédéralisme refuse avec non moins de fermeté l’esprit de clocher, les particularismes régionaux ou locaux

765 ralisme refuse avec non moins de fermeté l’esprit de clocher, les particularismes régionaux ou locaux qui prétendraient vi

766 rsités régionales, aime aussi leur santé et celle de l’ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide, et même

767 dans certains cas bien définis, la mise en commun de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’uniformité imposée p

768 un de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’uniformité imposée par un centre, mais aussi le contraire des parti

769 le fédéralisme représenterait-il alors une sorte de moyen terme entre ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’est

770 e entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt

771 e, n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-

772 in entre la centralisation oppressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un

773 es ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation et la

774 bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation et la volonté de la fragmenter en

775 ’imaginer que la volonté de centralisation totale d’ une nation et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales

776 centralisation totale d’une nation et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement closes manifest

777 t closes manifestent deux tendances incompatibles de l’esprit. Car en réalité, ceux qui n’admettent aucune diversité polit

778 même état d’esprit que ceux qui n’admettent rien d’ autre que leur manière de vivre locale, définie par la majorité locale

779 eux qui n’admettent rien d’autre que leur manière de vivre locale, définie par la majorité locale, traitent tout le reste

780 ie par la majorité locale, traitent tout le reste d’ étranger, donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier

781 é locale, traitent tout le reste d’étranger, donc d’ impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec

782 d’étranger, donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ouvrir aux

783 donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ouvrir aux échanges. Ce

784 pérer, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ouvrir aux échanges. Ce nationalisme local relève de la même mental

785 ouvrir aux échanges. Ce nationalisme local relève de la même mentalité que le totalitarisme à l’échelle nationale. Il trad

786 à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’ imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’espri

787 tionale. Il traduit le même manque d’imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du

788 raduit le même manque d’imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l

789 magination, de vitalité, de sens des proportions, d’ ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne

790 de vitalité, de sens des proportions, d’ouverture d’ esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas

791 de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’ amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconnaît

792 e borne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’union, d’autre part la légitimité des autonomies locales. Elle exig

793 rise du divers — comme tout art ! Elle est un art de la composition qui requiert à la fois et en même temps la vivacité de

794 ontrastes et leur harmonisation. Prenez l’exemple d’ une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible sans contr

795 exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’ harmonie possible sans contrastes de couleurs, et sans nuances complex

796 ’y aurait pas d’harmonie possible sans contrastes de couleurs, et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’e

797 s nuances complexes ; de même que sans une vision d’ ensemble, celle de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il n’y aurai

798 s ; de même que sans une vision d’ensemble, celle de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contraste

799 te, hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtapos

800 s tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre dans leur boîte. Pour que

801 l n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre dans leur boîte. Pour que la qualit

802 dans leur boîte. Pour que la qualité particulière d’ un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit

803 avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’ une œuvre au sein de laquelle s’opèrent mille échanges d’une infinie c

804 uvre au sein de laquelle s’opèrent mille échanges d’ une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéralist

805 litaire, lui, trouve plus simple et plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce

806 toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et

807 e de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’harmonie fédér

808 forcée à l’uniforme. Ces images, qui sont autant d’ évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de composer en un e

809 vidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnan

810 seul exemple : l’impasse à laquelle risquent bien d’ aboutir les négociations entre la Suisse et l’Europe, représentée pour

811 cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns oublient que la

812 n plus grand corps. Les uns oublient que la santé d’ un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; les autres

813 lient que la santé d’un corps exige le souple jeu d’ organes bien différenciés ; les autres oublient qu’un organe bien diff

814 emps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’ une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans

815 cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sinon elle tra

816 s que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’être. Mais le fédéra

817 de la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’ être. Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation p

818 . Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’ organisation politique, le seul régime de coexistence digne du nom. C’

819 un mode d’organisation politique, le seul régime de coexistence digne du nom. C’est aussi, et c’est même avant tout, une

820 ’est aussi, et c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversifiées, — et voilà, me semble-t-il, une

821 voilà, me semble-t-il, une assez bonne définition de la culture ! II Avec ces quelques précisions de doctrine — qui p

822 la culture ! II Avec ces quelques précisions de doctrine — qui paraîtraient bien théoriques et bien abstraites à un p

823 litique très concrète —, tout est dit en principe de ce que nous aurions à dire sur les rapports entre le fédéralisme et l

824 sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de la Suisse romande en particulier. Essayons pourtant d’illustrer les p

825 Suisse romande en particulier. Essayons pourtant d’ illustrer les principes du fédéralisme en les appliquant à la culture.

826 ral — au sens occidental du terme, très différent de l’asiatique — il faut une variété aussi riche que possible de créatio

827 ue — il faut une variété aussi riche que possible de créations humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d

828 e possible de créations humaines, un foisonnement d’ œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de

829 de créations humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de doctrines

830 s humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’écoles,

831 , un foisonnement d’œuvres, de langues, de moyens d’ expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. — et

832 s, de langues, de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. — et il faut quelque chose qui

833 , de moyens d’expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. — et il faut quelque chose qui lie toutes c

834 expression plastiques, de méthodes, de doctrines, d’ écoles, etc. — et il faut quelque chose qui lie toutes ces œuvres vari

835 mmune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parler d’ une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fo

836 rions parler d’une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche

837 une très riche diversité se détachant sur un fond d’ unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses romands,

838 t donc, pour nous autres Suisses romands, l’unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitemen

839 our nous autres Suisses romands, l’unité de base, d’ origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans to

840 es Suisses romands, l’unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans toutes nos œuvr

841 nous qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’ avoir une soi-disant culture nationale, intermédiaire entre l’Europe e

842 ntre l’Europe et nos cités. Ici, je me permettrai de rompre une lance contre le concept aussi néfaste qu’invétéré de « cul

843 lance contre le concept aussi néfaste qu’invétéré de « culture nationale ». On nous répète depuis un siècle que les Suisse

844 oit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités culturelles. Or il n

845 L’idée qu’il y aurait en Europe un certain nombre de « cultures nationales » bien distinctes et autonomes dont l’ensemble

846 ulture européenne est une pure et simple illusion d’ optique scolaire. Elle se dissipe comme brume au soleil à la lumière d

847 as, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui o

848 tion de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, indépenda

849 urope, et dont la plupart n’ont même pas cent ans d’ existence : il faut bien admettre que la culture s’était constituée av

850 les ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’ un seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquemen

851 our illustrer ce point, d’un seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquement européen de notre cultur

852 usique, élément important et typiquement européen de notre culture. Dans ses grandes lignes, voici l’évolution de la musiq

853 lture. Dans ses grandes lignes, voici l’évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue au xiiie siècle dan

854 constitue au xiiie siècle dans un certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienne, en Provence, pu

855 s un certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienne, en Provence, puis en Île-de-France. Des cités

856 cités flamandes, le long du grand axe commercial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges. Une école nouvelle s’épanoui

857 ogne, et redescend vers l’Italie qu’elle enrichit de ses nombreuses découvertes. Plus tard, les Allemands et les Autrichie

858 italiens. Bach copie avec application des œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européen

859 des œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniq

860 de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniques, Hanovr

861 s maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennent leur métier. Au début du xx

862 emands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennent leur métier. Au début du xxe siècle, pl

863 le, en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies,

864 sent avec une glorieuse indifférence des dizaines de nos frontières nationales actuelles. Elles relient des cités, des foy

865 es actuelles. Elles relient des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parf

866 me parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’ un musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’école locale dans laqu

867 nt la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’ un peintre, c’est simplement l’école locale dans laquelle il s’est for

868 ment l’école locale dans laquelle il s’est formé. D’ où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais, cette croyanc

869 e il s’est formé. D’où vient alors cette illusion d’ optique dont je parlais, cette croyance si rarement mise en doute depu

870 en doute depuis un siècle environ, en l’existence de « cultures nationales » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l

871  cultures nationales » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se r

872 française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut im

873 été de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 15

874 de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’aujourd’hui s

875 çois Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’ aujourd’hui sept ou huit langues différentes : l’allemand, le flamand,

876 « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nations différentes. Il faut

877 à coïncider approximativement avec les frontières d’ une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à

878 cider approximativement avec les frontières d’une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à elle s

879 une culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en général. Or tous les autres éléments : la religion, la

880 nt indépendants des langues modernes, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu qu

881 e nations qui ont découpé leur État dans le corps de ce continent. III Or il se trouve que les Suisses sont, ou devr

882 ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures nationales », du seul fait de la compositio

883 llusion des « cultures nationales », du seul fait de la composition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en me

884 eul fait de la composition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que l

885 que si variée de leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et d

886 savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, don

887 es autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, donc politiques, mais

888 elle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, donc politiques, mais se rattache directement à

889 », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque — nous dirions aujourd’hui : c

890 ait là une garantie de liberté contre les princes de l’époque — nous dirions aujourd’hui : contre les États-nations. L’uni

891 s aujourd’hui : contre les États-nations. L’unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de sav

892 : contre les États-nations. L’unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment ce

893 la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent à se

894 nds se différencient des Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’État français nous donne depuis cent ans de la

895 ue que l’État français nous donne depuis cent ans de la « culture française », bien que nous parlions à peu près la même l

896 ’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de petits comp

897 à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de petits compartiments nat

898 ance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de petits compartiments naturels ou historiques, qui n’ont jamais été un

899 le cas des provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiques — même Neuchâtel, en dépit de ses princes — fond

900 rémonies — à moins que son adoption n’ait résulté de notre tempérament particulier, mais cela revient au même ; 5° nous ne

901 à nous-mêmes, j’entends : pour illustrer, au plan de la culture, nos raisons d’être, pour légitimer notre accent particuli

902 our illustrer, au plan de la culture, nos raisons d’ être, pour légitimer notre accent particulier, pour nous exprimer d’un

903 imer notre accent particulier, pour nous exprimer d’ une manière authentique et non pas empruntée, imitée ? Je ne crois guè

904 empruntée, imitée ? Je ne crois guère aux mesures de « défense » qu’on nous propose périodiquement : défense contre l’infl

905 d’autre part. La défensive n’est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, avant d’être héritage,

906 ateurs, et la culture est d’abord création, avant d’ être héritage, ou enseignement. Si nous voulons rester nous-mêmes, con

907 nuons en toute confiance, curiosité, et ouverture d’ esprit, à vivre en symbiose permanente avec l’ensemble de la culture e

908 t, à vivre en symbiose permanente avec l’ensemble de la culture européenne. Nos meilleurs auteurs (pour ne prendre que cet

909 isqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos me

910 ousseau, Constant, Mme de Staël dans le passé, et de nos jours, parmi nos aînés, Robert de Traz, Charles-Albert Cingria, G

911 pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture européenne, germanique et anglo-saxonne autant que françai

912 ans s’arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représentent ailleurs les cultures soi-disant « nationale

913 l’on reconnaît le plus vite leur commun caractère de Suisses romands, si profondes qu’aient été leurs différences de doctr

914 ands, si profondes qu’aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certains citeront alors Ra

915 ondes qu’aient été leurs différences de doctrine, d’ esthétique ou de tempérament ? Certains citeront alors Ramuz, à titre

916 té leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certains citeront alors Ramuz, à titre d’argument massu

917 pérament ? Certains citeront alors Ramuz, à titre d’ argument massue contre ma thèse. Est-il besoin de rappeler que ce gran

918 d’argument massue contre ma thèse. Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de Paris, mais au

919 ppeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers russes, e

920 st formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait

921 ole de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le

922 is, séparatiste (car c’était là le véritable sens de son fédéralisme mal compris). Cette erreur l’a peut-être soutenu, com

923 me il arrive, mais n’en fut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. IV À la question de savoir

924 ut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. IV À la question de savoir ce que les Suisses romand

925 limitations de son œuvre. IV À la question de savoir ce que les Suisses romands peuvent apporter de meilleur à la c

926 avoir ce que les Suisses romands peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds donc sans hésiter que c’est surtout

927 nce du fédéralisme vécu. Nous n’avons pas produit de génies du premier ordre, à part Rousseau, mais beaucoup d’excellents

928 du premier ordre, à part Rousseau, mais beaucoup d’ excellents ou même de grands esprits qui avaient ce sens, trop rare ch

929 part Rousseau, mais beaucoup d’excellents ou même de grands esprits qui avaient ce sens, trop rare chez nos voisins. Cet a

930 e revêt une importance particulière dans le monde de cette deuxième moitié du xxe siècle. Il symbolise et préfigure l’app

931 u xxe siècle. Il symbolise et préfigure l’apport de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les virus nationalistes qu

932 ise totalitaire ont propagés. L’apport spécifique de la Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’

933 , et ce sens étant lié, nous l’avons vu, au génie de la culture en Europe, la question qui se pose maintenant est de savoi

934 en Europe, la question qui se pose maintenant est de savoir comment nous saurons illustrer notre vocation décisive dans l’

935 notre vocation décisive dans l’existence concrète de nos vies cantonales. Ici je rejoins le propos de l’entreprise très op

936 de nos vies cantonales. Ici je rejoins le propos de l’entreprise très opportune qui nous réunit. Deux erreurs de méthode

937 rise très opportune qui nous réunit. Deux erreurs de méthode menacent toute tentative de réveil culturel en Suisse romande

938 Deux erreurs de méthode menacent toute tentative de réveil culturel en Suisse romande : l’esprit de clocher et l’esprit d

939 e de réveil culturel en Suisse romande : l’esprit de clocher et l’esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à conf

940 Suisse romande : l’esprit de clocher et l’esprit d’ administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amour fédéralis

941 de clocher et l’esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la

942 t de clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde organisée, et si possible officielle,

943 sauvegarde organisée, et si possible officielle, de nos particularismes les plus désuets. Il voudrait que chacune de nos

944 arismes les plus désuets. Il voudrait que chacune de nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines : université,

945 iversité, radio, publications, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un cas, il pousse

946 reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’ un cas, il pousse à préférer des solutions médiocres, mais « bien de c

947 e à préférer des solutions médiocres, mais « bien de chez nous », aux avantages que pourrait procurer une coopération sans

948 u pays. Votre congrès ayant pour premier objectif de surmonter cette tendance défensive, faussement traditionnelle et auta

949 faussement traditionnelle et autarcique, inutile d’ insister sur ce point. Mais c’est une autre erreur, inverse de la prem

950 ur ce point. Mais c’est une autre erreur, inverse de la première, qui ne cessera de vous tenter : celle de l’organisation

951 re erreur, inverse de la première, qui ne cessera de vous tenter : celle de l’organisation rationnelle d’activités qui par

952 a première, qui ne cessera de vous tenter : celle de l’organisation rationnelle d’activités qui par essence, ne le sont pa

953 vous tenter : celle de l’organisation rationnelle d’ activités qui par essence, ne le sont pas. Tout le secret du fédéralis

954 . Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant centralis

955 t du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé et ce qui mar

956 trop petites pour se payer chacune un laboratoire de recherches nucléaires, pour ne prendre que cet exemple. Mais qu’on ne

957 ites pour que s’y développent à foison des écoles de peintres, des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs, des group

958 ent à foison des écoles de peintres, des galeries d’ exposition, des troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire des

959 peintres, des galeries d’exposition, des troupes d’ acteurs, des groupes d’écrivains, voire des petites revues qui exprime

960 d’exposition, des troupes d’acteurs, des groupes d’ écrivains, voire des petites revues qui expriment ces groupes avec l’i

961 sont tout de même devenues des foyers rayonnants de créations du premier ordre. Et cela, je crois, pour les deux raisons

962 : premièrement, la passion créatrice un peu folle de jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’un maître du métier

963 e jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’ un maître du métier ; secondement, le sens de la dépense magnifique, l

964 tour d’un maître du métier ; secondement, le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui c

965 dement, le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui caractérisent tant de princes et de

966 u somptueux, qui caractérisent tant de princes et de grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cet

967 actérisent tant de princes et de grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice

968 nds de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul comité de coord

969 lair qu’à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul comité de coordination ne pourra jamais reméd

970 on créatrice et de ce sens du mécénat, nul comité de coordination ne pourra jamais remédier. Les comités ne peuvent faire,

971 e est faite par des passions individuelles et par de petits groupes qui ne craignent pas de passer pour extravagants ou ex

972 les et par de petits groupes qui ne craignent pas de passer pour extravagants ou excessifs. Les comités sont par définitio

973 prudents et économes : leur rôle est normalement de rationaliser les activités dont ils s’occupent, pour les rendre plus

974 es ou plus rentables. Mais la culture vivante vit d’ imprudence, et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. J

975 s soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat d’excitation intellectuelle et artistique. Nos habitudes ut

976 re, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat d’ excitation intellectuelle et artistique. Nos habitudes utilitaires, no

977 nitiatives hardies et protégeant en revanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été un jour inscrites à quelque bu

978 lles aient été un jour inscrites à quelque budget d’ État, et sous prétexte de répartition géographique équitable — ce qui

979 éralisme — c’est tout cela qui mérite aujourd’hui d’ inquiéter les amis de la culture, et c’est aussi tout cela qui menace

980 cela qui mérite aujourd’hui d’inquiéter les amis de la culture, et c’est aussi tout cela qui menace dans ses sources notr

981 tre Suisse fédéraliste. Mais ce n’est pas le fait de supprimer nos douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’être » !

982 nos douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’ être » ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au nivea

983 os « raisons d’être » ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au niveau de notre vie matérielle, de traiter

984 ’intéresser qu’au niveau de notre vie matérielle, de traiter la culture en mendiante, de refuser de la faire participer à

985 e matérielle, de traiter la culture en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospérité économique sans précé

986 e, de traiter la culture en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospérité économique sans précédent. Nos r

987 prospérité économique sans précédent. Nos raisons d’ être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédé

988 économique sans précédent. Nos raisons d’être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j

989 s raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit des mêmes réalités spirituelles

990 es, et prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas l’un sans l’autre.

991 era pas l’un sans l’autre. c. Rougemont Denis de , « Le fédéralisme et notre temps », Cahiers de l’Alliance culturelle

992 is de, « Le fédéralisme et notre temps », Cahiers de l’Alliance culturelle romande, Genève, mars 1963, p. 15-19.

993 lu avec un étonnement croissant le petit article de M. Chiti-Batelli dans votre numéro de décembre. Je me demandais au dé

994 tit article de M. Chiti-Batelli dans votre numéro de décembre. Je me demandais au début à quels « Européens » l’auteur s’e

995 ’auteur s’en prenait, qui d’une part refuseraient de reconnaître les apports judaïque, chrétien et arabe, à la formation d

996 ports judaïque, chrétien et arabe, à la formation de la culture européenne, d’autre part réduiraient l’Europe à l’anticomm

997 hique mais « géographique ». N’ayant jamais connu d’ « Européens » à ce point illettrés et fanatiques, j’attendais avec cur

998 t ses publications qui sont « l’exemple typique » de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à « l’effort vain et absur

999 EC se livrerait donc à « l’effort vain et absurde de présenter une culture européenne unitaire » ; il nierait que l’Europe

1000 ionalisme culturel » au nom d’un « anticommunisme de type maccarthyste ». Si vos lecteurs prennent la peine de se reporter

1001 maccarthyste ». Si vos lecteurs prennent la peine de se reporter à l’une quelconque des publications du CEC (l’un de nos 5

1002 à l’une quelconque des publications du CEC (l’un de nos 52 bulletins , ou à Vingt-huit siècles d’Europe , ou le Dialog

1003 n de nos 52 bulletins , ou à Vingt-huit siècles d’ Europe , ou le Dialogue des cultures ou Les Chances de l’Europe , e

1004 e , ou le Dialogue des cultures ou Les Chances de l’Europe , etc.), ils partageront notre stupeur. M. Chiti-Batelli acc

1005 ont notre stupeur. M. Chiti-Batelli accuse le CEC d’ un « défaut capital d’esprit critique » qui « vicie » ses travaux. Que

1006 Chiti-Batelli accuse le CEC d’un « défaut capital d’ esprit critique » qui « vicie » ses travaux. Quelle est donc sa méthod

1007 daïsme ou le christianisme, quand nous ne cessons d’ écrire qu’avec Rome et Athènes ils sont les éléments fondamentaux de n

1008 ome et Athènes ils sont les éléments fondamentaux de notre culture, à nous opposer ma propre définition de l’Europe comme

1009 otre culture, à nous opposer ma propre définition de l’Europe comme « patrie des contradictions », etc. Bref, la méthode c

1010 contradictions », etc. Bref, la méthode critique de votre auteur consiste à lire à rebours tous nos écrits, et non pas à

1011 urs tous nos écrits, et non pas à les interpréter d’ une manière qui pourrait prêter à discussion, mais à les falsifier rad

1012 y ait une tradition « européenne » du fascisme et de ses procédés, comme le rappelle votre auteur — non sans une évidente

1013 dente Schadenfreude — c’est indéniable. Il y a eu de tout en Europe, de la sottise aussi, autant qu’ailleurs. La seule que

1014 — c’est indéniable. Il y a eu de tout en Europe, de la sottise aussi, autant qu’ailleurs. La seule question qu’on se pose

1015 qu’ailleurs. La seule question qu’on se pose est de savoir quelles sont les traditions qui doivent collaborer à notre « E

1016 formation », et à la vôtre. d. Rougemont Denis de , « À propos de la culture européenne », L’Europe en formation, Nice,

1017 ne culture européenne ?” publié dans notre numéro de décembre, nous avons reçu la lettre suivante de Denis de Rougemont, d

1018 o de décembre, nous avons reçu la lettre suivante de Denis de Rougemont, directeur du Centre européen de la culture. »

1019 f I. La puissance ou la liberté ? L’union de l’Europe ne pourra se faire qu’en vertu d’une volonté, mais il n’est

1020 aire qu’en vertu d’une volonté, mais il n’est pas de volonté sans but, sans quelque utopie directrice, imaginée, vue par l

1021 rice, imaginée, vue par l’esprit, et comme saisie d’ avance par sa passion maîtresse. Or, parmi les passions fondamentales

1022 les plus propres à motiver chez l’homme soucieux de la chose publique la conception d’un but lointain, la vision d’un ave

1023 homme soucieux de la chose publique la conception d’ un but lointain, la vision d’un avenir politique au sens large : et ce

1024 blique la conception d’un but lointain, la vision d’ un avenir politique au sens large : et ce sont le besoin de puissance

1025 ir politique au sens large : et ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier porte à vouloir des rég

1026  : et ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier porte à vouloir des régimes unitaires, centralisé

1027 ois simples et mécaniques, réglant tout le détail de l’existence : régimes totalitaires à la limite. Le second porte à dés

1028 viennent, ménageant les complexités et l’imprévu de l’existence ; régimes dont l’anarchie serait la limite, en prenant le

1029 tendu, ne furent jamais atteintes dans l’histoire de l’Europe. Mais en chemin vers la première, nous trouvons le règne de

1030 n chemin vers la première, nous trouvons le règne de Louis XIV, la doctrine des jacobins, le national-socialisme, le marxi

1031 marxisme-léninisme, le stalinisme et les devises de ces régimes : « Une foi, une loi, un roi », « Ein Volk, ein Reich, ei

1032 prison ». En proclamant que « le coup électrique de la Raison » doit se transmettre instantanément de Paris jusqu’à toute

1033 de la Raison » doit se transmettre instantanément de Paris jusqu’à toutes les extrémités du territoire national, Anarchars

1034 l’utopie unitaire, que la technique met à portée de nos mains. En chemin vers l’autre limite ou utopie, celle d’un plural

1035 s. En chemin vers l’autre limite ou utopie, celle d’ un pluralisme intégral, nous trouvons le régime féodal mais aussi les

1036 les brèves flambées du communisme anabaptiste ou de l’anarcho-syndicalisme. Ni l’une ni l’autre des deux tendances n’a ja

1037 ue part entre les deux extrémités, et ainsi tient de toutes les deux. Mais on remarque, chez les initiateurs des mouvement

1038 on remarque, chez les initiateurs des mouvements de pensée et d’action politique, des dispositions dominantes qui détermi

1039 chez les initiateurs des mouvements de pensée et d’ action politique, des dispositions dominantes qui déterminent nettemen

1040 rces vives à faire jouer ; l’un se soucie d’abord de la stabilité, l’autre plutôt de la fluidité ; l’un fait confiance aux

1041 se soucie d’abord de la stabilité, l’autre plutôt de la fluidité ; l’un fait confiance aux règlements et aux décrets, l’au

1042 aux règlements et aux décrets, l’autre aux règles d’ action commune et aux méthodes. Mais la volonté ou l’initiative d’un

1043 et aux méthodes. Mais la volonté ou l’initiative d’ un seul n’aurait aucune chance de succès si elle ne rencontrait dans l

1044 ou l’initiative d’un seul n’aurait aucune chance de succès si elle ne rencontrait dans les masses des prédispositions de

1045 asses des prédispositions de même nature, quoique de signe inverse : la volonté de puissance d’un dictateur réussit dans l

1046 ême nature, quoique de signe inverse : la volonté de puissance d’un dictateur réussit dans la mesure exacte où elle rencon

1047 uoique de signe inverse : la volonté de puissance d’ un dictateur réussit dans la mesure exacte où elle rencontre et satisf

1048 encontre et satisfait un besoin largement partagé de subir la puissance d’un autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’être

1049 un besoin largement partagé de subir la puissance d’ un autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’être libéré de sa propre li

1050 rgement partagé de subir la puissance d’un autre, d’ être commandé, d’obéir, donc d’être libéré de sa propre liberté. Et de

1051 e subir la puissance d’un autre, d’être commandé, d’ obéir, donc d’être libéré de sa propre liberté. Et de même, l’initiati

1052 ssance d’un autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’ être libéré de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’un animat

1053 tre, d’être commandé, d’obéir, donc d’être libéré de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’un animateur sans pouvo

1054 ré de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’ un animateur sans pouvoir contraignant n’est féconde que dans la mesur

1055 le éveille et libère chez beaucoup la possibilité de s’affirmer, de se charger de ses propres responsabilités, et donc d’a

1056 ibère chez beaucoup la possibilité de s’affirmer, de se charger de ses propres responsabilités, et donc d’actualiser à son

1057 ucoup la possibilité de s’affirmer, de se charger de ses propres responsabilités, et donc d’actualiser à son échelle sa vo

1058 e charger de ses propres responsabilités, et donc d’ actualiser à son échelle sa volonté de puissance personnelle. Parmi le

1059 és, et donc d’actualiser à son échelle sa volonté de puissance personnelle. Parmi les hommes que le souci de la chose publ

1060 ssance personnelle. Parmi les hommes que le souci de la chose publique conduit à prendre part à l’élaboration des plans d’

1061 conduit à prendre part à l’élaboration des plans d’ avenir européen, je vois deux types intermédiaires, entre ceux que l’o

1062 rofesseur. Ils ont en commun une volonté déclarée d’ objectivité (technique ou scientifique), et une méfiance affichée à l’

1063 s des deux autres types. Mais peut-être s’agit-il d’ un double refoulement. Chez le manager, la volonté de puissance ne se

1064 n double refoulement. Chez le manager, la volonté de puissance ne se traduit que d’une manière abstraite, en termes d’orga

1065 anager, la volonté de puissance ne se traduit que d’ une manière abstraite, en termes d’organisation sans défaut, et par le

1066 ermes d’organisation sans défaut, et par le souci d’ éliminer l’imprévu, l’improvisation, l’excès de « jeu » dans les rouag

1067 ci d’éliminer l’imprévu, l’improvisation, l’excès de « jeu » dans les rouages ; l’idée de liberté se trouvant obscurément

1068 ion, l’excès de « jeu » dans les rouages ; l’idée de liberté se trouvant obscurément assimilée à celle d’atteinte aux droi

1069 liberté se trouvant obscurément assimilée à celle d’ atteinte aux droits acquis, fussent-ils les souverainetés traditionnel

1070 , de plus en plus incompatibles avec les libertés de la personne… Bornons là cette esquisse caractérologique des faiseurs

1071 s là cette esquisse caractérologique des faiseurs d’ utopies et de plans, et de leurs critiques : elle reste à écrire, on l

1072 quisse caractérologique des faiseurs d’utopies et de plans, et de leurs critiques : elle reste à écrire, on le voit. Il m’

1073 érologique des faiseurs d’utopies et de plans, et de leurs critiques : elle reste à écrire, on le voit. Il m’importait seu

1074 te à écrire, on le voit. Il m’importait seulement de situer ma position, c’est-à-dire mon option très nettement pluraliste

1075 seuil des considérations qui suivent sur l’avenir d’ une Europe unie. ⁂ II. L’attitude fédéraliste L’attitude fédéral

1076 ne serait donc : — ni totalement unifiée autour d’ un centre, — ni simplement liée par l’alliance temporaire d’une vingta

1077 e, — ni simplement liée par l’alliance temporaire d’ une vingtaine d’États absolument souverains, — mais dotée d’un pouvoir

1078 nt liée par l’alliance temporaire d’une vingtaine d’ États absolument souverains, — mais dotée d’un pouvoir supérieur aux n

1079 taine d’États absolument souverains, — mais dotée d’ un pouvoir supérieur aux nations, fortement établi au bénéfice des aut

1080 ure du cercle aux yeux de la logique rationaliste de nos pères. En revanche, elle apparaît conforme à la logique déduite d

1081 de moitié du xxe siècle. Mais en fait, le projet d’ une Europe fédérale est antérieur à ces deux stades récents de notre a

1082 fédérale est antérieur à ces deux stades récents de notre aventure intellectuelle, et il en demeure indépendant. (Le prem

1083 t véritablement la projection au plan continental d’ une notion de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, e

1084 nt la projection au plan continental d’une notion de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et sans laquel

1085 tion de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et sans laquelle nos sciences et nos logiques ne seraient p

1086 u n’auraient pas eu lieu. Lors du premier congrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se tint à Montreux en 1947,

1087 es, qui se tint à Montreux en 1947, j’avais tenté de situer à grands traits cette idée de l’homo europaeus dans la conjonc

1088 ’avais tenté de situer à grands traits cette idée de l’homo europaeus dans la conjoncture politique d’où allait naître le

1089 de l’homo europaeus dans la conjoncture politique d’ où allait naître le Mouvement européen. S’agissant de reprendre ici la

1090 ù allait naître le Mouvement européen. S’agissant de reprendre ici la description de l’ensemble du projet, je me vois rame

1091 opéen. S’agissant de reprendre ici la description de l’ensemble du projet, je me vois ramené, inévitablement, à son point

1092 t, je me vois ramené, inévitablement, à son point de départ, qui est l’homme de notre Europe, redéfini dans les catégories

1093 tablement, à son point de départ, qui est l’homme de notre Europe, redéfini dans les catégories concrètes du présent. Tou

1094 sent. Toute politique implique une certaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on

1095 ’homme, et contribue à promouvoir un certain type d’ humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est d

1096 on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, ou pour mieux dire

1097 s ne serions pas ici si nous pensions que le type d’ homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de toute respon

1098 le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de toute responsabilité vis-à-vis de la communauté. Car, dans ce cas, no

1099 ldat politique, totalement absorbé par le service de la communauté. Car alors nous serions de l’autre côté du rideau de fe

1100 service de la communauté. Car alors nous serions de l’autre côté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous somme

1101 Car alors nous serions de l’autre côté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous sommes ici, c’est que nous savo

1102 rendre chaque individu plus libre dans l’exercice de sa vocation. L’homme est donc à la fois libre et engagé, à la fois au

1103 es humains, qui favorisent trois types différents de régimes politiques, et sont en retour favorisés par eux. À l’homme co

1104 sont que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste

1105 le représente la santé civique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de s

1106 lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et, de même, le fédéralisme ne naîtra jama

1107 oie. Et, de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’ un habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné e

1108 e fédéralisme ne naîtra jamais d’un habile dosage d’ anarchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation

1109 ne naîtra jamais d’un habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive. L

1110 is d’un habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive. Le fédéralisme

1111 rchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan que c

1112 contrent les dictateurs sont au contraire le fait de groupes de citoyens responsables, c’est-à-dire des personnes fédérées

1113 s dictateurs sont au contraire le fait de groupes de citoyens responsables, c’est-à-dire des personnes fédérées.2 On voi

1114 des personnes fédérées.2 On voit que le passage de la personne au fédéralisme s’opère tout naturellement, et presque irr

1115 sistiblement, le second n’étant que la projection de la première au plan politique, en ce sens précis que les éléments ant

1116 leur composition dans la personne sont homologues de ceux qui trouvent leur composition dans le fédéralisme : ici l’indivi

1117 ue ne pouvant d’ailleurs être maintenu qu’au prix d’ une vigilance toujours alertée, de rétablissements, ajustements, réarr

1118 tenu qu’au prix d’une vigilance toujours alertée, de rétablissements, ajustements, réarrangements, inventions et créations

1119 al compassées » comme dit Descartes. C’est un art de composer, quand il s’agit d’élaborer une constitution et des lois, et

1120 cartes. C’est un art de composer, quand il s’agit d’ élaborer une constitution et des lois, et une méthode de pilotage quan

1121 orer une constitution et des lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner entre le Charybde de l’anarchie

1122 lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner entre le Charybde de l’anarchie des particularismes et le S

1123 ge quand il s’agit de gouverner entre le Charybde de l’anarchie des particularismes et le Scylla de la centralisation tota

1124 de de l’anarchie des particularismes et le Scylla de la centralisation totalitaire. Cet art et cette méthode ne vont pas s

1125 vées, sans secrets du métier, mais il serait vain d’ en faire un traité théorique. Plutôt que d’essayer de les déduire dans

1126 t vain d’en faire un traité théorique. Plutôt que d’ essayer de les déduire dans l’abstrait, observons des exemples réussis

1127 n faire un traité théorique. Plutôt que d’essayer de les déduire dans l’abstrait, observons des exemples réussis de fédéra

1128 e dans l’abstrait, observons des exemples réussis de fédérations politiques — les États-Unis et la Suisse. Bien que ces ré

1129 la Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’ une manière empirique, tout se passe comme si les hommes d’État et les

1130 ix du renoncement formel et vigilant à toute idée d’ hégémonie organisatrice, exercée par l’une des nations composantes. La

1131 aire — et d’ailleurs partagée par certains hommes d’ États européens — selon laquelle une fédération ne peut être que l’œuv

1132 laquelle une fédération ne peut être que l’œuvre d’ un tout-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’est confirmée pa

1133 tifs. Mais qu’un État ou une coalition, disposant de l’hégémonie, décident expressément d’y renoncer au profit d’ensemble

1134 , disposant de l’hégémonie, décident expressément d’ y renoncer au profit d’ensemble plus vaste, c’est-à-dire déposent leur

1135 nie, décident expressément d’y renoncer au profit d’ ensemble plus vaste, c’est-à-dire déposent leur surplus de moyens tech

1136 le plus vaste, c’est-à-dire déposent leur surplus de moyens techniques et de richesses dans une caisse commune, ils agisse

1137 ire déposent leur surplus de moyens techniques et de richesses dans une caisse commune, ils agissent alors en fondateurs d

1138 caisse commune, ils agissent alors en fondateurs d’ une fédération. Ne mérite donc le titre de fédérateur que le groupe, o

1139 dateurs d’une fédération. Ne mérite donc le titre de fédérateur que le groupe, ou l’État, ou la communauté d’États, ou le

1140 rateur que le groupe, ou l’État, ou la communauté d’ États, ou le parti politique, qui agit comme catalyseur de volontés li

1141 ou le parti politique, qui agit comme catalyseur de volontés libres, comme maître de sagesse, ou comme inventeur, proposa

1142 comme catalyseur de volontés libres, comme maître de sagesse, ou comme inventeur, proposant une vision qui se trouve corre

1143 e trouve correspondre à la fois aux besoins réels d’ une communauté en puissance, et à des solutions qui figurent l’optimum

1144 gurent l’optimum entre les maxima contradictoires de la liberté individuelle et de la solidarité sociale. L’histoire suiss

1145 ima contradictoires de la liberté individuelle et de la solidarité sociale. L’histoire suisse illustre à l’envi ce process

1146 L’histoire suisse illustre à l’envi ce processus de création fédéraliste par négation de toute hégémonie. Chaque fois qu

1147 ce processus de création fédéraliste par négation de toute hégémonie. Chaque fois qu’un des cantons plus riche ou plus pe

1148 peuplé que les autres, comme Zurich, ou un groupe de cantons coalisés au nom de leurs intérêts particuliers, ou de leur id

1149 oalisés au nom de leurs intérêts particuliers, ou de leur idéologie, a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se sont

1150 Lors de la dernière crise grave, la guerre civile de 1847 opposant catholiques et protestants (le Sonderbund ou « Alliance

1151 ez analogue à la « Sécession » des États sudistes de l’Amérique), les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que de rendr

1152 , les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que de rendre aux vaincus leur pleine égalité de droits. Et de cet acte de r

1153 ssé que de rendre aux vaincus leur pleine égalité de droits. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, a résul

1154 dre aux vaincus leur pleine égalité de droits. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, a résulté la Constitu

1155 cus leur pleine égalité de droits. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, a résulté la Constitution de 1848

1156 à l’hégémonie conquise, a résulté la Constitution de 1848, base de notre État fédératif moderne. C’est pourquoi la Suisse

1157 conquise, a résulté la Constitution de 1848, base de notre État fédératif moderne. C’est pourquoi la Suisse ne verra jamai

1158 fiance certains « grands » s’arroger l’initiative d’ une fédération continentale ou mondiale. L’échec de Napoléon, puis cel

1159 ’une fédération continentale ou mondiale. L’échec de Napoléon, puis celui d’Hitler, dans leurs tentatives pour faire l’uni

1160 tale ou mondiale. L’échec de Napoléon, puis celui d’ Hitler, dans leurs tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont des

1161 ’Hitler, dans leurs tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont des avertissements utiles. Ils nous confirment dans l’

1162 nt conduire qu’à l’unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième principe. Le fédéralisme ne peut naître

1163 e ne peut naître que du renoncement à tout esprit de système idéologique ou technocratique. Ce que je viens de dire au suj

1164 ue je viens de dire au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’une nation vaut également pour l’impérialisme d’une idé

1165 dire au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’ une nation vaut également pour l’impérialisme d’une idéologie. On pour

1166 e d’une nation vaut également pour l’impérialisme d’ une idéologie. On pourrait définir l’attitude fédéraliste comme un ref

1167 fédéraliste comme un refus constant et instinctif de recourir aux solutions systématiques, aux plans simples de lignes, cl

1168 ir aux solutions systématiques, aux plans simples de lignes, clairs et satisfaisants pour la logique, mais par là même inf

1169 destructeurs des diversités qui sont la condition de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’est pa

1170 tre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’ un centre ou d’un axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemb

1171 après un plan géométrique à partir d’un centre ou d’ un axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemble, composer ce

1172 s caractères particuliers, qu’il s’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisième principe. Le fédér

1173 iculiers, qu’il s’agit à la fois de respecter, et d’ articuler dans un tout. Troisième principe. Le fédéralisme ne connaît

1174 Troisième principe. Le fédéralisme ne connaît pas de problème des minorités. On objectera que le totalitarisme, lui aussi,

1175 des États membres, qui y délèguent le même nombre de représentants quelle que soit leur population. Mais le jeu des minori

1176 qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’ élection du Conseil des États (deux députés par canton), mais surtout,

1177 États (deux députés par canton), mais surtout, et d’ une manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politi

1178 manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politique et culturelle, où l’on voit la Suisse romande et la

1179 nne jouer un rôle sans proportion avec le chiffre de leurs habitants ou de leurs kilomètres carrés. Quatrième principe. L

1180 proportion avec le chiffre de leurs habitants ou de leurs kilomètres carrés. Quatrième principe. La fédération n’a pas p

1181 uatrième principe. La fédération n’a pas pour but d’ effacer les diversités et de fondre toutes les nations en un seul bloc

1182 tion n’a pas pour but d’effacer les diversités et de fondre toutes les nations en un seul bloc, mais, au contraire, de sau

1183 les nations en un seul bloc, mais, au contraire, de sauvegarder leurs qualités propres. La richesse de l’Europe et l’esse

1184 e sauvegarder leurs qualités propres. La richesse de l’Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on ten

1185 ropres. La richesse de l’Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’unifier le continent, d

1186 me de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’ unifier le continent, de tout y mélanger, et d’obtenir une sorte de na

1187 t perdues si l’on tentait d’unifier le continent, de tout y mélanger, et d’obtenir une sorte de nation européenne où Latin

1188 it d’unifier le continent, de tout y mélanger, et d’ obtenir une sorte de nation européenne où Latins et Germains, Slaves e

1189 inent, de tout y mélanger, et d’obtenir une sorte de nation européenne où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scan

1190 ois et coutumes, qui ne pourrait satisfaire aucun de ces groupes ; et qui les brimerait tous. L’attitude fédéraliste veut

1191 veut une maîtrise du divers, comme tout art. Art de la composition, elle requiert à la fois et en même temps la vivacité

1192 ntrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’ une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible, dans un t

1193 exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’ harmonie possible, dans un tableau, sans contrastes de couleurs et san

1194 rmonie possible, dans un tableau, sans contrastes de couleurs et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’en

1195 s nuances complexes ; de même que sans une vision d’ ensemble (celle de l’artiste) et hors de l’unité du tableau, il n’y au

1196 s ; de même que sans une vision d’ensemble (celle de l’artiste) et hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contra

1197 et hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtapos

1198 s tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre dans leur boîte. Pour que

1199 l n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre dans leur boîte. Pour que la qualit

1200 dans leur boîte. Pour que la qualité particulière d’ un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit

1201 avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’ une œuvre au sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’une inf

1202 u sein de laquelle s’opèrent alors mille échanges d’ une infinie complexité. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plu

1203 litaire, lui, trouve plus simple et plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce

1204 toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et

1205 e de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’harmonie fédér

1206 e une fonction propre, irremplaçable, comme celle d’ un organe dans un corps. Or, la vie normale du corps dépend de la vita

1207 dans un corps. Or, la vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses organes, de même que la vie d’un organe

1208 Or, la vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses organes, de même que la vie d’un organe dépend de son h

1209 normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses organes, de même que la vie d’un organe dépend de son harmonie av

1210 lité de chacun de ses organes, de même que la vie d’ un organe dépend de son harmonie avec tous les autres. Si les nations

1211 es organes, de même que la vie d’un organe dépend de son harmonie avec tous les autres. Si les nations de l’Europe arrivai

1212 son harmonie avec tous les autres. Si les nations de l’Europe arrivaient à se concevoir dans un rôle analogue, elles compr

1213 concession qu’on leur demande, ou une diminution de leur valeur propre. Elles comprendraient aussi que dans une fédératio

1214 as à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas une simple quest

1215 sa vocation. Ce ne serait pas une simple question de tolérance, vertu négative et qui naît le plus souvent du scepticisme,

1216 naît le plus souvent du scepticisme, mais plutôt de participation, vertu positive et qui naît d’une juste ambition. Chaqu

1217 utôt de participation, vertu positive et qui naît d’ une juste ambition. Chaque nation serait mise au défi de donner le mei

1218 juste ambition. Chaque nation serait mise au défi de donner le meilleur d’elle-même à sa manière et selon son génie. Après

1219 nation serait mise au défi de donner le meilleur d’ elle-même à sa manière et selon son génie. Après tout, le poumon n’a p

1220 lérer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’ être un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et, dans cette

1221 e qu’on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’ être aussi poumon que possible, et, dans cette mesure même, il aidera

1222 uième principe. Le fédéralisme repose sur l’amour de la complexité, par contraste avec le simplisme brutal qui caractérise

1223 mplificateurs ». Lorsque les étrangers s’étonnent de l’extrême complication des institutions suisses, de cette espèce de m

1224 l’extrême complication des institutions suisses, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine que composent nos rouages

1225 ication des institutions suisses, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine que composent nos rouages communaux, cant

1226 nstitutions suisses, de cette espèce de mouvement d’ horlogerie fine que composent nos rouages communaux, cantonaux, fédéra

1227 x, fédéraux, si diversement engrenés, il convient de leur montrer que cette complexité — cause de tant de lenteurs et d’ex

1228 ient de leur montrer que cette complexité — cause de tant de lenteurs et d’excessives prudences — est la condition même de

1229 e cette complexité — cause de tant de lenteurs et d’ excessives prudences — est la condition même de nos libertés. C’est gr

1230 et d’excessives prudences — est la condition même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont rappelés

1231 au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les réalités humaines et naturelles d

1232 aines et naturelles du pays. La Suisse est formée d’ une multitude de groupes et d’organismes politiques, administratifs, c

1233 les du pays. La Suisse est formée d’une multitude de groupes et d’organismes politiques, administratifs, culturels, lingui

1234 a Suisse est formée d’une multitude de groupes et d’ organismes politiques, administratifs, culturels, linguistiques, relig

1235 ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent de cent manières différentes. Il est clair que des lois ou des instituti

1236 taire, brimeraient nécessairement un ou plusieurs de ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mutileraient ainsi

1237 eur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dimensions la personne même de ceux qui s’y rattachent. Certes, i

1238 dans plusieurs de ses dimensions la personne même de ceux qui s’y rattachent. Certes, il est plus facile de décréter sur t

1239 ux qui s’y rattachent. Certes, il est plus facile de décréter sur table rase, de simplifier les réalités d’un trait de plu

1240 s, il est plus facile de décréter sur table rase, de simplifier les réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la

1241 créter sur table rase, de simplifier les réalités d’ un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et d

1242 table rase, de simplifier les réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer en

1243 , de simplifier les réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur

1244 de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qui résiste, ou sim

1245 se. Mais ce qu’on écrase ainsi, c’est la vitalité d’ un peuple. Une politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réa

1246 d’un peuple. Une politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réalité, toujours complexe, suppose infiniment plus

1247 alité, toujours complexe, suppose infiniment plus de soins, d’ingéniosité technique, et de compréhension des peuples qu’el

1248 jours complexe, suppose infiniment plus de soins, d’ ingéniosité technique, et de compréhension des peuples qu’elle adminis

1249 niment plus de soins, d’ingéniosité technique, et de compréhension des peuples qu’elle administre. Elle exige beaucoup plu

1250 ples qu’elle administre. Elle exige beaucoup plus de vrai sens politique. Finalement, si l’on y réfléchit, on s’aperçoit q

1251 ’aperçoit que la politique fédéraliste n’est rien d’ autre que la politique par excellence, c’est-à-dire l’art d’organiser

1252 e la politique par excellence, c’est-à-dire l’art d’ organiser la cité au bénéfice des citoyens. Tandis que les méthodes to

1253 lement à supprimer les diversités, par incapacité de les composer en un tout organique et vivant. Sixième principe. Une f

1254 ivant. Sixième principe. Une fédération se forme de proche en proche, par le moyen des personnes et des groupes, et non p

1255 s personnes et des groupes, et non point à partir d’ un centre ou par le moyen des gouvernements. Nous voyons la fédération

1256 opéenne se composer lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente économique, là c’es

1257 er lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente économique, là c’est une parenté cul

1258 lturelle qui s’affirme. Ici, ce sont deux églises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là ce sont des

1259 s écoles, qui créent peu à peu des réseaux variés d’ échanges européens. Rien de tout cela n’est inutile. Et tout cela qui

1260 peu des réseaux variés d’échanges européens. Rien de tout cela n’est inutile. Et tout cela qui paraît si dispersé, si peu

1261 des structures complexes, dessine les linéaments d’ une ossature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra

1262 une ossature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un jour le corps de l’Europe unie. Au-dessous et au-

1263 aux sanguins de ce qui deviendra un jour le corps de l’Europe unie. Au-dessous et au-dessus des gouvernements, l’Europe de

1264 n réalité, qu’elle ne le croit. C’est sur le plan de l’action gouvernementale que les oppositions et les rivalités éclaten

1265 ou deviennent irréductibles. Il paraît difficile d’ espérer que les gouvernements puissent jamais réaliser une union viabl

1266 s nations. Chacun sait qu’il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’un match les capitaines des équipes en prése

1267 il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’ un match les capitaines des équipes en présence. C’est pourtant bien c

1268 n présence. C’est pourtant bien ce qu’avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce qu’a tenté à nouveau l’ONU, que

1269 t ce qu’a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération européenne ne saurait être l’œuvre des gouvernan

1270 e ne saurait être l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le reste du monde, mais p

1271 des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le reste du monde, mais peut être l’œuvre de group

1272 contre le reste du monde, mais peut être l’œuvre de groupes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fédérer en de

1273 te du monde, mais peut être l’œuvre de groupes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fédérer en dehors des gouve

1274 groupes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fédérer en dehors des gouvernements nationaux (Congrès de l’Europe

1275 er en dehors des gouvernements nationaux (Congrès de l’Europe à La Haye en 1948, et ses suites) et qui, par le détour de l

1276 aye en 1948, et ses suites) et qui, par le détour de l’opinion publique et de groupes de pression économiques ou idéologiq

1277 s) et qui, par le détour de l’opinion publique et de groupes de pression économiques ou idéologiques, amèneront quelques p

1278 par le détour de l’opinion publique et de groupes de pression économiques ou idéologiques, amèneront quelques parlements à

1279 ux, c’est-à-dire supranationaux. On ne voit guère d’ autre voie possible ou praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une

1280 le. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée de gouverneurs des cinquante États, ni la Suisse par les délégués des vi

1281 . Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif iss

1282 et un législatif issus des peuples et des groupes de tout ordre qui animent la vie publique. Septième principe. Une fédér

1283 s au contraire : pour l’avantage et la survivance de chacune des communautés constituantes et pour qu’elles puissent exerc

1284 r ensemble des fonctions qui dépassent les forces de chacune d’elle. Ni les menaces arabes puis mongoles, ni l’entreprise

1285 des fonctions qui dépassent les forces de chacune d’ elle. Ni les menaces arabes puis mongoles, ni l’entreprise des croisad

1286 chez nous, n’ont réussi à provoquer la fédération de nos craintes et de nos forces de défense. Aux yeux de l’histoire, la

1287 ussi à provoquer la fédération de nos craintes et de nos forces de défense. Aux yeux de l’histoire, la cause est entendue.

1288 er la fédération de nos craintes et de nos forces de défense. Aux yeux de l’histoire, la cause est entendue. Et quant aux

1289 gir comme une seule nation au niveau des réalités de leur époque. Ni les paniques générales, ni les délires de conquête n’

1290 époque. Ni les paniques générales, ni les délires de conquête n’ont jamais rien construit en Europe. Seules, les prises de

1291 mais rien construit en Europe. Seules, les prises de conscience dramatiques de l’incapacité de subsister isolément, et en

1292 ope. Seules, les prises de conscience dramatiques de l’incapacité de subsister isolément, et en même temps, la reconnaissa

1293 prises de conscience dramatiques de l’incapacité de subsister isolément, et en même temps, la reconnaissance des capacité

1294 on virtuelle, ont réussi à provoquer la formation d’ institutions fédératives durables. Les conséquences de la dernière gue

1295 stitutions fédératives durables. Les conséquences de la dernière guerre mondiale ont placé les nations européennes dans un

1296 s égards à celle des cantons suisses au lendemain de la guerre du Sonderbund, et notamment devant le double défi de sauveg

1297 du Sonderbund, et notamment devant le double défi de sauvegarder leurs libertés civiques et leurs coutumes nationales, mai

1298 ertés civiques et leurs coutumes nationales, mais d’ assumer aussi leurs tâches mondiales. ⁂ III. Dialectique du fédéral

1299 quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’ un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que seul

1300 vulgaire ; mais correspond assez bien aux formes de pensée introduites par la science relativiste.3 La pensée fédéralist

1301 nt elle une utopie bien cohérente qu’il s’agirait d’ imposer, ou des plans statiques qu’il faudrait réaliser en quatre ou c

1302 et gênantes. Elle cherche au contraire le secret d’ un équilibre souple et constamment mouvant entre des groupes qu’il s’a

1303 onstamment mouvant entre des groupes qu’il s’agit de composer en sauvegardant à la fois leur individualité et leurs relati

1304 omme on voudra, qui est le battement même du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier serait se condamner à retomber san

1305 sse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de la vie politique suisse illustre très clairement. En effet, les mots

1306 , les mots fédération et fédéralisme sont compris de deux manières très différentes par les Suisses alémaniques et par les

1307 i signifie union, et qui évoque avant tout l’idée de centralisation. En Suisse romande, au contraire, ceux qui se proclame

1308 éralistes » sont en réalité les défenseurs jaloux de l’autonomie des cantons contre la centralisation. Pour les uns, fédér

1309 deux nécessités, dans la composition perpétuelle de ces deux forces de sens contraire, en vue de leur renforcement mutuel

1310 ans la composition perpétuelle de ces deux forces de sens contraire, en vue de leur renforcement mutuel. Ce dernier point

1311 ous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout de sauvegarder les droits de chaque nation ou région contre les empiètem

1312 s préoccupés avant tout de sauvegarder les droits de chaque nation ou région contre les empiètements du pouvoir central. U

1313 sme véritable n’est ni dans l’une ni dans l’autre de ces tendances, mais bien dans leur coexistence acceptée, dans leur di

1314 e. Toutefois — et il m’importe au plus haut point de le préciser ici et de le souligner —, cette coexistence, ce dialogue,

1315 ’importe au plus haut point de le préciser ici et de le souligner —, cette coexistence, ce dialogue, cette tension ne doiv

1316 doivent pas être imaginés sous la forme négative d’ une tolérance mutuelle, d’une neutralisation des différences, d’un com

1317 sous la forme négative d’une tolérance mutuelle, d’ une neutralisation des différences, d’un compromis conclu par gain de

1318 e mutuelle, d’une neutralisation des différences, d’ un compromis conclu par gain de paix, quelque part à mi-chemin entre l

1319 n des différences, d’un compromis conclu par gain de paix, quelque part à mi-chemin entre les buts visés, qui sont l’établ

1320 in entre les buts visés, qui sont l’établissement de l’union générale et le respect des droits particuliers. Car cela ne c

1321 e qu’à une union trop faible mais bientôt accusée d’ oppression par ses membres, et à des droits trop limités mais taxés d’

1322 membres, et à des droits trop limités mais taxés d’ abusifs par le centre. La saine méthode fédéraliste consiste à disting

1323 distinguer dans tous les ordres, à chaque niveau, de cas en cas, ce qui doit être carrément centralisé pour bien fonctionn

1324 treront ce point : celui des transports, et celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun des membres d’une fédér

1325 ransports, et celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’une organi

1326 ion. Il est facile de voir que chacun des membres d’ une fédération bénéficiera d’une organisation uniforme et centralisée

1327 e chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’ une organisation uniforme et centralisée des chemins de fer, des poste

1328 s de fer, des postes et télécommunications, voire de l’aviation4, la fonction même de ces moyens coûteux étant de dépasser

1329 nications, voire de l’aviation4, la fonction même de ces moyens coûteux étant de dépasser les cadres physiques dans lesque

1330 on4, la fonction même de ces moyens coûteux étant de dépasser les cadres physiques dans lesquels s’exercent les autonomies

1331 ident que l’ensemble fédéral européen bénéficiera de la vitalité culturelle de chacun de ses membres : or cette vitalité n

1332 al européen bénéficiera de la vitalité culturelle de chacun de ses membres : or cette vitalité ne supporterait pas l’unifo

1333 n bénéficiera de la vitalité culturelle de chacun de ses membres : or cette vitalité ne supporterait pas l’uniformisation

1334 ne supporterait pas l’uniformisation des régimes d’ éducation, liés dans chacun de nos pays à des langues, des coutumes, d

1335 isation des régimes d’éducation, liés dans chacun de nos pays à des langues, des coutumes, des traditions religieuses, des

1336 a variété même conditionne la puissance créatrice de l’Europe. Il convient donc d’attribuer aux régions une totale autonom

1337 puissance créatrice de l’Europe. Il convient donc d’ attribuer aux régions une totale autonomie en matière d’enseignement (

1338 ibuer aux régions une totale autonomie en matière d’ enseignement (comme c’est le cas aux États-Unis et en Suisse). Les élé

1339 ats-Unis et en Suisse). Les éléments fondamentaux de culture commune étant par ailleurs assez forts pour assurer spontaném

1340 assez forts pour assurer spontanément la cohésion de l’ensemble, sans interventions fédérales. (Le cas de la recherche est

1341 l’ensemble, sans interventions fédérales. (Le cas de la recherche est très différent : dès que ses besoins dépassent les m

1342 dividus et les régions, se manifeste la nécessité d’ un Centre inspirant, équilibrant, coordonnant les efforts et veillant

1343 publics, il apparaîtra normal ou nécessaire soit de déléguer aux membres de la fédération l’administration locale d’activ

1344 normal ou nécessaire soit de déléguer aux membres de la fédération l’administration locale d’activités relevant en princip

1345 membres de la fédération l’administration locale d’ activités relevant en principe du pouvoir fédéral (régime fiscal, entr

1346 e fiscal, entretien des routes, par exemple) soit d’ admettre l’existence parallèle de services fédéraux et de services nat

1347 ar exemple) soit d’admettre l’existence parallèle de services fédéraux et de services nationaux ou régionaux (police, trib

1348 tre l’existence parallèle de services fédéraux et de services nationaux ou régionaux (police, tribunaux, par exemple) aux

1349 distinctes. Mais ceci ne change rien au principe de la méthode indiquée ci-dessus, et qui consiste à distinguer dans tous

1350 qui consiste à distinguer dans tous les domaines de la vie publique, au fur et à mesure de leur évolution, d’une part ce

1351 s domaines de la vie publique, au fur et à mesure de leur évolution, d’une part ce qu’il devient avantageux pour chacun de

1352 ’une part ce qu’il devient avantageux pour chacun de confier au pouvoir fédéral ; d’autre part, ce qu’il reste indispensab

1353 éral ; d’autre part, ce qu’il reste indispensable de laisser à la libre initiative des États ou régions, des groupes et de

1354 ndividuelles ou locales deviennent des phénomènes d’ ampleur publique, il est normal qu’un pouvoir central prenne la charge

1355 est normal qu’un pouvoir central prenne la charge de les organiser, rationaliser et simplifier, élargissant ainsi ses comp

1356 e coup les énergies individuelles ou locales pour de nouvelles créations ou conquêtes. En dernière analyse, nous pouvons d

1357 déralisme comme l’application à la chose publique d’ une méthode générale de travail et de création, qui rend compte du dyn

1358 cation à la chose publique d’une méthode générale de travail et de création, qui rend compte du dynamisme particulier de n

1359 ose publique d’une méthode générale de travail et de création, qui rend compte du dynamisme particulier de notre civilisat

1360 réation, qui rend compte du dynamisme particulier de notre civilisation : la libération permanente de nouvelles énergies,

1361 de notre civilisation : la libération permanente de nouvelles énergies, grâce à l’organisation croissante des activités i

1362 e nouvelle effectuée, correspond une organisation de la zone conquise, qui, ainsi colonisée, permet soit de se lancer vers

1363 zone conquise, qui, ainsi colonisée, permet soit de se lancer vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d’ac

1364 des aventures ou des explorations nouvelles, soit d’ accroître les possibilités de libération personnelle de l’homme.5 Du

1365 ions nouvelles, soit d’accroître les possibilités de libération personnelle de l’homme.5 Durant la première moitié du xx

1366 roître les possibilités de libération personnelle de l’homme.5 Durant la première moitié du xxe siècle, la plupart des

1367 siècle, la plupart des penseurs européens, pris d’ angoisse devant l’essor technique, ont popularisé l’idée que la machin

1368 t popularisé l’idée que la machine était en passe d’ asservir l’homme. Étrange démission de l’esprit devant ses propres inv

1369 it en passe d’asservir l’homme. Étrange démission de l’esprit devant ses propres inventions ! Car il est clair que la mach

1370 vrai responsable. Le mécanisme quel qu’il soit — de la machine-outil à l’État, du plan de travail d’un écrivain au plan d

1371 u’il soit — de la machine-outil à l’État, du plan de travail d’un écrivain au plan de production d’un pool international,

1372 de la machine-outil à l’État, du plan de travail d’ un écrivain au plan de production d’un pool international, des habitud

1373 l’État, du plan de travail d’un écrivain au plan de production d’un pool international, des habitudes et routines privées

1374 an de travail d’un écrivain au plan de production d’ un pool international, des habitudes et routines privées aux règlement

1375 in de compte, comme à l’origine, qu’un auxiliaire de la vie créatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même, il serait néfa

1376 nné à sa fin. De même, il serait néfaste et faux de considérer la centralisation, l’organisation, les lois fédérales comm

1377 , l’organisation, les lois fédérales comme autant de dangers en soi pour les libertés locales ou personnelles. Ces mécanis

1378 nnelles. Ces mécanismes ont pour fonction normale de décharger les communautés fédérées de tâches devenues trop lourdes po

1379 ion normale de décharger les communautés fédérées de tâches devenues trop lourdes pour elles, mais dont la bonne exécution

1380 lles, mais dont la bonne exécution ouvre à chacun de leurs citoyens des moyens de mieux vivre sa vie propre, et de plus li

1381 ution ouvre à chacun de leurs citoyens des moyens de mieux vivre sa vie propre, et de plus librement se choisir : sécurité

1382 ches indifférenciées et niveleuses ; possibilités de déplacement, donc de contacts ou d’éloignement à volonté, et par suit

1383 et niveleuses ; possibilités de déplacement, donc de contacts ou d’éloignement à volonté, et par suite d’élargissement de

1384 possibilités de déplacement, donc de contacts ou d’ éloignement à volonté, et par suite d’élargissement de la conscience ;

1385 contacts ou d’éloignement à volonté, et par suite d’ élargissement de la conscience ; faculté accrue de s’engager selon ses

1386 oignement à volonté, et par suite d’élargissement de la conscience ; faculté accrue de s’engager selon ses goûts, ses idée

1387 d’élargissement de la conscience ; faculté accrue de s’engager selon ses goûts, ses idées ou sa foi, mais aussi de se déga

1388 selon ses goûts, ses idées ou sa foi, mais aussi de se dégager de ses « fatalités » natives… N’est-ce point là ce que l’h

1389 ts, ses idées ou sa foi, mais aussi de se dégager de ses « fatalités » natives… N’est-ce point là ce que l’homme européen,

1390 fié, le collectif au personnel, tel est le secret de cette méthode, de cette « fonction dichotomique », par définition pro

1391 au personnel, tel est le secret de cette méthode, de cette « fonction dichotomique », par définition progressiste, libérat

1392 enant comme la traduction politique. Ayant défini de la sorte la santé de l’Europe à construire, je ne perdrai pas de temp

1393 tion politique. Ayant défini de la sorte la santé de l’Europe à construire, je ne perdrai pas de temps à rappeler les mala

1394 santé de l’Europe à construire, je ne perdrai pas de temps à rappeler les maladies qui la menacent en permanence. La tyran

1395 ladies qui la menacent en permanence. La tyrannie de l’État et de ses mécanismes, l’anarchie individualiste (ou impérialis

1396 menacent en permanence. La tyrannie de l’État et de ses mécanismes, l’anarchie individualiste (ou impérialisme local) de

1397 l’anarchie individualiste (ou impérialisme local) de groupes qui se veulent souverains, comme si le reste du monde n’exist

1398 plus haut que ce sont, à la racine, les maladies de la personne elle-même. Car la personne sera toujours tentée soit de c

1399 e-même. Car la personne sera toujours tentée soit de céder à la pesanteur naturelle, aux routines, aux machines qu’elle s’

1400 lle s’est construites mais qu’elle accuse ensuite de l’asservir, cette mauvaise foi trahissant à vrai dire un manque de fo

1401 tte mauvaise foi trahissant à vrai dire un manque de foi ; soit de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle volerait

1402 oi trahissant à vrai dire un manque de foi ; soit de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle volerait beaucoup mieux

1403 que de foi ; soit de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle volerait beaucoup mieux dans le vide. Bureaucratie, tec

1404 la révolte individuelle, d’autre part, résultent d’ une seule et même démission de la personne devant sa liberté et devant

1405 tre part, résultent d’une seule et même démission de la personne devant sa liberté et devant sa responsabilité. Mais la pe

1406 mécanismes, ces objets, et les doue des pouvoirs de sujets qu’elle abdique… ⁂ IV. Passage des buts aux moyens Quels

1407 ue l’homme européen peut et doit projeter au plan de la politique et de l’organisation du continent, pour les décennies à

1408 peut et doit projeter au plan de la politique et de l’organisation du continent, pour les décennies à venir ? Et de quels

1409 ion du continent, pour les décennies à venir ? Et de quels mécanismes l’Europe a-t-elle besoin pour atteindre ces buts, ou

1410 groupes, des communes, des régions, et finalement de l’Europe entière, pour exercer de mieux en mieux leur vocation partic

1411 , et finalement de l’Europe entière, pour exercer de mieux en mieux leur vocation particulière, à leur degré de réalité et

1412 en mieux leur vocation particulière, à leur degré de réalité et d’action, soit dans la vie privée (qui relève de la métaph

1413 vocation particulière, à leur degré de réalité et d’ action, soit dans la vie privée (qui relève de la métaphysique), soit

1414 et d’action, soit dans la vie privée (qui relève de la métaphysique), soit dans la vie du groupe ou de la cité (qui relèv

1415 e la métaphysique), soit dans la vie du groupe ou de la cité (qui relève de l’éthique), soit dans les relations intercolle

1416 t dans la vie du groupe ou de la cité (qui relève de l’éthique), soit dans les relations intercollectives (qui relèvent de

1417 dans les relations intercollectives (qui relèvent de la politique). Moyens. Union (économie d’énergies) capable de surmo

1418 èvent de la politique). Moyens. Union (économie d’ énergies) capable de surmonter les tendances anarchiques-autarciques d

1419 e). Moyens. Union (économie d’énergies) capable de surmonter les tendances anarchiques-autarciques des individus, groupe

1420 es individus, groupes, régions, capable donc : a) d’ organiser à l’intérieur du continent les services libérant personnes e

1421 personnes et groupes des tâches mécanisables ; b) de manifester à l’échelle mondiale la vocation générale des Européens, c

1422 la vocation générale des Européens, c’est-à-dire de donner une Voix à l’ensemble historique et culturel qu’est l’Europe.

1423 et culturel qu’est l’Europe. Tout le problème est d’ ordonner, subordonner, articuler ces moyens collectifs à ces buts pers

1424 l). Il s’agit donc : — d’une part, à l’intérieur, d’ éviter que les indépendances personnelles et locales soient dissoutes

1425 ient dissoutes dans un réseau toujours plus serré d’ interdépendances mécaniques proliférant sans contrôle ni orientation,

1426 n, par suite niveleuses et accroissant l’entropie de l’ensemble ; — d’autre part, vis-à-vis de l’extérieur, d’éviter que s

1427 emble ; — d’autre part, vis-à-vis de l’extérieur, d’ éviter que soit reportée aux frontières de l’union la somme des tendan

1428 érieur, d’éviter que soit reportée aux frontières de l’union la somme des tendances autarciques-impérialistes dont une uni

1429 ion forcée (uniformisation) aurait frustré chacun de ses membres, au lieu de lui permettre de les transmuer en émulation c

1430 é chacun de ses membres, au lieu de lui permettre de les transmuer en émulation créatrice au sein d’un ensemble plus vaste

1431 d’un ensemble plus vaste. Ainsi posé, le problème d’ une organisation fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’un

1432 i posé, le problème d’une organisation fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’un optimum pratique entre les max

1433 n fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’ un optimum pratique entre les maxima possiblement contradictoires (en

1434 ment contradictoires (en vérité, complémentaires) de l’autonomie et de l’union. Sa solution peut apparaître d’une complexi

1435 es (en vérité, complémentaires) de l’autonomie et de l’union. Sa solution peut apparaître d’une complexité sans espoir aux

1436 onomie et de l’union. Sa solution peut apparaître d’ une complexité sans espoir aux praticiens de la vie politique qui se c

1437 aître d’une complexité sans espoir aux praticiens de la vie politique qui se contentent des routines et recettes « réalist

1438 les qu’on demande, par exemple, aux constructeurs d’ une fusée balistique ou d’un vaisseau astronautique. Et l’on ne voit p

1439 mple, aux constructeurs d’une fusée balistique ou d’ un vaisseau astronautique. Et l’on ne voit pas comment « l’art du poss

1440 ment « l’art du possible » pourrait encore servir d’ excuse à la paresse d’esprit d’une classe politicienne qui n’a pas su

1441 le » pourrait encore servir d’excuse à la paresse d’ esprit d’une classe politicienne qui n’a pas su prévoir Hitler, et qui

1442 rait encore servir d’excuse à la paresse d’esprit d’ une classe politicienne qui n’a pas su prévoir Hitler, et qui trouvait

1443 our être sérieux. Philosophie des buts et science de leurs moyens doivent déterminer conjointement toute vision digne du n

1444 éterminer conjointement toute vision digne du nom de politique, dans l’ère d’universelle interaction inaugurée par la tech

1445 oute vision digne du nom de politique, dans l’ère d’ universelle interaction inaugurée par la technique occidentale. La néc

1446 ugurée par la technique occidentale. La nécessité d’ une union de l’Europe n’étant pas ici discutée mais admise, il faut ch

1447 a technique occidentale. La nécessité d’une union de l’Europe n’étant pas ici discutée mais admise, il faut chercher à voi

1448 il faut chercher à voir maintenant quelles formes d’ organisation politique seront capables de satisfaire aux doubles exige

1449 s formes d’organisation politique seront capables de satisfaire aux doubles exigences que l’on vient d’énoncer : Autonomie

1450 e satisfaire aux doubles exigences que l’on vient d’ énoncer : Autonomie et Union, Buts et Moyens, philosophie de la person

1451 : Autonomie et Union, Buts et Moyens, philosophie de la personne et technique d’organisation qui la traduise. En bonne mét

1452 t Moyens, philosophie de la personne et technique d’ organisation qui la traduise. En bonne méthode personnaliste, c’est d’

1453 a traduise. En bonne méthode personnaliste, c’est d’ une vision des Buts qu’il faut partir : car elle seule permettra d’écl

1454 Buts qu’il faut partir : car elle seule permettra d’ éclairer les chemins qui peuvent y conduire. Nous allons essayer de la

1455 emins qui peuvent y conduire. Nous allons essayer de la décrire à grands traits, en nous plaçant en imagination dans la pé

1456 s, en nous plaçant en imagination dans la période de 1975-1980. ⁂ V. Vue générale d’une Europe fédérée Buts Le

1457 ans la période de 1975-1980. ⁂ V. Vue générale d’ une Europe fédérée Buts Le préambule de l’Acte constituant la

1458 le d’une Europe fédérée Buts Le préambule de l’Acte constituant la fédération européenne déclare que l’union de se

1459 uant la fédération européenne déclare que l’union de ses peuples a pour fins, d’une part, d’assurer les libertés et les re

1460 e l’union de ses peuples a pour fins, d’une part, d’ assurer les libertés et les responsabilités civiques à l’intérieur de

1461 es à l’intérieur de la fédération ; d’autre part, de représenter dans le monde la vocation et les intérêts propres de l’en

1462 dans le monde la vocation et les intérêts propres de l’ensemble européen. Comment ces grands principes abstraits se tradui

1463 vivant en 1980 ? Tout d’abord, par un sentiment de grand espace ouvert. Euphorie pour les uns — les meilleurs ; nostalgi

1464 les uns — les meilleurs ; nostalgie ou sentiment de vague insécurité pour les autres. (Mais on y veille, leur commune les

1465 expériences à vivre, en aventures, en découvertes de soi-même et des autres hommes. Du rocher de Gibraltar à la steppe mon

1466 ertes de soi-même et des autres hommes. Du rocher de Gibraltar à la steppe monotone, des lacs de l’Écosse aux îles grecque

1467 ocher de Gibraltar à la steppe monotone, des lacs de l’Écosse aux îles grecques, de la Finlande à la Sicile, tout s’ouvre

1468 monotone, des lacs de l’Écosse aux îles grecques, de la Finlande à la Sicile, tout s’ouvre aux ambitions ou aux rêves d’un

1469 a Sicile, tout s’ouvre aux ambitions ou aux rêves d’ un jeune homme. Les citoyens de tous les pays membres de la fédération

1470 tions ou aux rêves d’un jeune homme. Les citoyens de tous les pays membres de la fédération européenne circulent du nord a

1471 eune homme. Les citoyens de tous les pays membres de la fédération européenne circulent du nord au sud et de l’est à l’oue

1472 fédération européenne circulent du nord au sud et de l’est à l’ouest sans passeports ni visas, sans visites de douanes, sa

1473 à l’ouest sans passeports ni visas, sans visites de douanes, sans embouteillages à Menton, sans contrôles aux aérodromes,

1474 ns contrôles aux aérodromes, sans avoir à changer de monnaies en y perdant à chaque guichet, sans rien déclarer à personne

1475 het, sans rien déclarer à personne. Des milliards d’ heures de vie active ou de loisirs sont ainsi gagnées chaque année, pa

1476 rien déclarer à personne. Des milliards d’heures de vie active ou de loisirs sont ainsi gagnées chaque année, par des mil

1477 personne. Des milliards d’heures de vie active ou de loisirs sont ainsi gagnées chaque année, par des millions d’Européens

1478 sont ainsi gagnées chaque année, par des millions d’ Européens en déplacement professionnel ou en vacances. Ils sont chez e

1479 lien en Lombardie. Ils disent « nous » en parlant de n’importe quel autre peuple. Ils apprennent à considérer les gloires

1480 t à considérer les gloires et les hontes du passé de chaque pays européen comme les leurs, et l’avenir de l’ensemble europ

1481 chaque pays européen comme les leurs, et l’avenir de l’ensemble européen comme leur avenir. Leur horizon, leur projet d’ex

1482 péen comme leur avenir. Leur horizon, leur projet d’ existence n’est plus borné par les frontières rigides de leur nation,

1483 tence n’est plus borné par les frontières rigides de leur nation, moyenne ou petite, mais s’ouvre aux dimensions continent

1484 nentales, et donc mondiales. S’ils veulent sortir de l’Europe, vers l’Afrique ou l’Asie, les Amériques ou la Russie, ils p

1485 uisent un passeport européen, délivré à leur lieu d’ origine. Chacun peut s’établir où il le veut, sur tout le territoire d

1486 t s’établir où il le veut, sur tout le territoire de la fédération, soit pour y travailler, soit pour y vivre à sa manière

1487 nelles à ce droit fondamental découlent des plans d’ aménagement locaux, urbains ou agricoles, harmonisés dans le cadre féd

1488 a à éviter les congestions locales et les goulots d’ étranglement, dans les régions les plus favorisées par une mode, un cl

1489 ême prix et en francs européens. Ce marché commun de 400 millions de producteurs et de consommateurs est de loin le plus r

1490 rancs européens. Ce marché commun de 400 millions de producteurs et de consommateurs est de loin le plus riche et le plus

1491 e marché commun de 400 millions de producteurs et de consommateurs est de loin le plus riche et le plus varié du monde. L’

1492 0 millions de producteurs et de consommateurs est de loin le plus riche et le plus varié du monde. L’Europe a donc cessé d

1493 et le plus varié du monde. L’Europe a donc cessé de se sentir écrasée entre les « deux grands » : elle est plus « grande 

1494 ux grands » : elle est plus « grande » que chacun d’ eux, et presque autant que les deux additionnés. Mais cette grande lib

1495 rande liberté cosmopolite n’est pas payée au prix d’ un déracinement général ; ces ouvertures plus vastes à l’esprit d’aven

1496 t général ; ces ouvertures plus vastes à l’esprit d’ aventure, qui sera toujours le fait d’une minorité, n’empêchent nullem

1497 à l’esprit d’aventure, qui sera toujours le fait d’ une minorité, n’empêchent nullement ceux qui préfèrent la sécurité mat

1498 préfèrent la sécurité maternelle et la protection d’ une partie limitée, d’en jouir et même mieux qu’avant. Car chaque cito

1499 maternelle et la protection d’une partie limitée, d’ en jouir et même mieux qu’avant. Car chaque citoyen de l’Europe relève

1500 jouir et même mieux qu’avant. Car chaque citoyen de l’Europe relève d’un pays d’origine, d’une communauté définie où il a

1501 x qu’avant. Car chaque citoyen de l’Europe relève d’ un pays d’origine, d’une communauté définie où il a (ou prend) ses rac

1502 . Car chaque citoyen de l’Europe relève d’un pays d’ origine, d’une communauté définie où il a (ou prend) ses racines ; et

1503 e citoyen de l’Europe relève d’un pays d’origine, d’ une communauté définie où il a (ou prend) ses racines ; et il peut y e

1504 ution fédérale, et surveillé par la Cour fédérale de justice, dépositaire du Statut de la Personne. Pour devenir citoyen d

1505 a Cour fédérale de justice, dépositaire du Statut de la Personne. Pour devenir citoyen de l’Europe, il faut et il suffit q

1506 re du Statut de la Personne. Pour devenir citoyen de l’Europe, il faut et il suffit que l’on devienne d’abord citoyen de l

1507 ut et il suffit que l’on devienne d’abord citoyen de l’un des pays membres, voire d’une de ses communes. Tout citoyen d’un

1508 e d’abord citoyen de l’un des pays membres, voire d’ une de ses communes. Tout citoyen d’un État membre qui s’établit sur l

1509 ord citoyen de l’un des pays membres, voire d’une de ses communes. Tout citoyen d’un État membre qui s’établit sur le terr

1510 embres, voire d’une de ses communes. Tout citoyen d’ un État membre qui s’établit sur le territoire administré par un autre

1511 e administré par un autre État membre y bénéficie de tous les droits civiques et sociaux. Il y vote, et il y est éligible

1512 ès un certain délai, qui varie selon qu’il s’agit d’ emplois publics municipaux, régionaux, ou nationaux. Le droit fondamen

1513 ts, sont responsables vis-à-vis de leurs citoyens de maintenir et développer leur autonomie, leur physionomie particulière

1514 a Constitution fédérale et à la Charte des droits de la personne. (Les libertés de culte, d’expression et d’association so

1515 a Charte des droits de la personne. (Les libertés de culte, d’expression et d’association sont expressément garanties ; l’

1516 es droits de la personne. (Les libertés de culte, d’ expression et d’association sont expressément garanties ; l’État, ou l

1517 personne. (Les libertés de culte, d’expression et d’ association sont expressément garanties ; l’État, ou la majorité dans

1518 nos peuples peuvent enfin faire entendre la Voix de l’Europe (comme le demandait Churchill dès 1948 au Congrès de l’Europ

1519 (comme le demandait Churchill dès 1948 au Congrès de l’Europe à La Haye6). Le fait que leur fédération ait désormais, en t

1520 ique étrangère commune, signifie que les citoyens d’ un de nos petits États ne sont plus à la merci de la politique d’un de

1521 étrangère commune, signifie que les citoyens d’un de nos petits États ne sont plus à la merci de la politique d’un de nos

1522 d’un de nos petits États ne sont plus à la merci de la politique d’un de nos grands États, les entraînant dans une guerre

1523 its États ne sont plus à la merci de la politique d’ un de nos grands États, les entraînant dans une guerre ou une ruine gé

1524 tats ne sont plus à la merci de la politique d’un de nos grands États, les entraînant dans une guerre ou une ruine général

1525 tion culturelle, sociale, économique et politique de l’ensemble européen s’exprime désormais par des décisions fédérales,

1526 rales, qui traduisent la conscience et la volonté de la majorité des États et des Européens responsables de leur État. La

1527 majorité des États et des Européens responsables de leur État. La fédération européenne a solennellement déclaré qu’elle

1528 es en quelques heures dans le cadre local. En cas d’ attaque contre n’importe quel membre de la fédération, tous les autres

1529 al. En cas d’attaque contre n’importe quel membre de la fédération, tous les autres se portent automatiquement à sa défens

1530 ent automatiquement à sa défense, selon les plans de l’état-major européen, qui dépend du pouvoir fédéral. Moyens, ou i

1531 s Les institutions européennes ont pour raison d’ être et principe formateur d’exprimer et de garantir les libertés fond

1532 nnes ont pour raison d’être et principe formateur d’ exprimer et de garantir les libertés fondamentales de l’homme européen

1533 raison d’être et principe formateur d’exprimer et de garantir les libertés fondamentales de l’homme européen. Il en résult

1534 xprimer et de garantir les libertés fondamentales de l’homme européen. Il en résulte immédiatement que l’organisation poli

1535 ésulte immédiatement que l’organisation politique de l’Europe ne saurait être l’État-nation unifié, ni un système d’allian

1536 saurait être l’État-nation unifié, ni un système d’ alliances bi- ou multilatérales. En effet, la première solution porter

1537 fondamental des communautés qui est, d’une part, d’ être déchargées des tâches d’organisation (ou « mécaniques ») outrepas

1538 qui est, d’une part, d’être déchargées des tâches d’ organisation (ou « mécaniques ») outrepassant leurs capacités, d’autre

1539 ues ») outrepassant leurs capacités, d’autre part de manifester la vocation générale des Européens à l’échelle mondiale :

1540 te, en conséquence, comme un grand espace composé d’ une vingtaine d’États membres, et de quelques États associés (bordure

1541 ce, comme un grand espace composé d’une vingtaine d’ États membres, et de quelques États associés (bordure de l’Est). La so

1542 space composé d’une vingtaine d’États membres, et de quelques États associés (bordure de l’Est). La souveraineté des membr

1543 s membres, et de quelques États associés (bordure de l’Est). La souveraineté des membres est garantie par la Constitution

1544 nstitution fédérale, nonobstant la mise en commun de plusieurs de leurs fonctions principales. Elle se trouve être, de la

1545 dérale, nonobstant la mise en commun de plusieurs de leurs fonctions principales. Elle se trouve être, de la sorte, au moi

1546 leurs fonctions principales. Elle se trouve être, de la sorte, au moins aussi réelle que dans l’ancien régime, quoiqu’expr

1547 ins sont en pleine évolution vers des groupements de leurs régions, qui parfois nouent des liens assez étroits, par-delà l

1548 fonction des problèmes qui se posaient au départ de la construction de l’Europe. Ouvrons donc en ce point une parenthèse,

1549 èmes qui se posaient au départ de la construction de l’Europe. Ouvrons donc en ce point une parenthèse, et, faisant retour

1550 ituation telle qu’elle se présentait aux environs de 1963, lorsqu’on se mit à envisager les divers modes possibles d’une u

1551 ’on se mit à envisager les divers modes possibles d’ une union politique, et à supputer les conséquences probables qu’entra

1552 ance, interdisant toute union efficace, il s’agit de manœuvrer selon les meilleures recettes de pilotage, de trouver une f

1553 s’agit de manœuvrer selon les meilleures recettes de pilotage, de trouver une formule d’équilibre en mouvement entre les p

1554 œuvrer selon les meilleures recettes de pilotage, de trouver une formule d’équilibre en mouvement entre les pouvoirs fédér

1555 ures recettes de pilotage, de trouver une formule d’ équilibre en mouvement entre les pouvoirs fédéraux et les États, entre

1556 es organes. Le problème le plus épineux est celui de la souveraineté : faut-il exiger des États qu’ils y renoncent ? Si c’

1557 le. D’une part nos grands États prennent prétexte de leur souveraineté théorique pour refuser les plans d’union concrète.

1558 eur souveraineté théorique pour refuser les plans d’ union concrète. D’autre part, les mouvements fédéralistes, par un gran

1559 les mouvements fédéralistes, par un grand nombre de résolutions impératives mais dont personne ne semble tenir compte, ex

1560 it inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’ un enthousiasme collectif. « L’État est le plus froid des monstres fro

1561 ds », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’il est vain de fonder l’espoir d’une construction européenne sur un geste qu’aucun g

1562 Nietzsche. Mais s’il est vain de fonder l’espoir d’ une construction européenne sur un geste qu’aucun grand État n’est en

1563 sur un geste qu’aucun grand État n’est en mesure de faire, il est sans doute dangereux de s’épuiser à combattre des souve

1564 t en mesure de faire, il est sans doute dangereux de s’épuiser à combattre des souverainetés en grande partie inexistantes

1565 ement en les obligeant à se défendre au nom sacré de l’indépendance d’un pays. Pour sortir de l’impasse, on pourrait recou

1566 eant à se défendre au nom sacré de l’indépendance d’ un pays. Pour sortir de l’impasse, on pourrait recourir à un précédent

1567 om sacré de l’indépendance d’un pays. Pour sortir de l’impasse, on pourrait recourir à un précédent historique qui me para

1568 indiqué en la matière : La Constitution fédérale de la Suisse (1848) semble avoir résolu la quadrature du cercle. Loin d’

1569 semble avoir résolu la quadrature du cercle. Loin d’ exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, elle la garan

1570 . — Les peuples des vingt-deux cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance… forment dans leur ensemble

1571 epuis cent-quinze ans. On peut les qualifier soit d’ habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pr

1572 peut les qualifier soit d’habile compromis, soit d’ échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire.

1573 ue ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant ell

1574 st pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres !

1575 Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres ! Souveraineté fictive, dira-t-on ? Elle l’est certes en

1576 tes en partie ; pas davantage toutefois que celle de nos États contemporains. Au surplus, dans la mesure où elle subsiste,

1577 les et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’ être le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des grands ou pe

1578 ou petits États de l’Europe désunie. Voyons cela d’ un peu plus près. Les cantons suisses n’ont plus le droit de faire la

1579 lus près. Les cantons suisses n’ont plus le droit de faire la guerre, ni d’entretenir leur propre armée, ni de conclure de

1580 uisses n’ont plus le droit de faire la guerre, ni d’ entretenir leur propre armée, ni de conclure des traités séparés ; ces

1581 la guerre, ni d’entretenir leur propre armée, ni de conclure des traités séparés ; ces attributs de la souveraineté class

1582 i de conclure des traités séparés ; ces attributs de la souveraineté classique sont reportés au niveau fédéral, et la fédé

1583 al, et la fédération, de plus, a renoncé au droit d’ attaquer ses voisins ou de prendre parti dans leurs querelles. Mais qu

1584 lus, a renoncé au droit d’attaquer ses voisins ou de prendre parti dans leurs querelles. Mais qu’en est-il de ces voisins

1585 dre parti dans leurs querelles. Mais qu’en est-il de ces voisins et de leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Suez a p

1586 rs querelles. Mais qu’en est-il de ces voisins et de leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Suez a permis d’en juger.

1587 ins et de leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Suez a permis d’en juger. Deux grands États de l’Europe avaient tenté

1588 uveraineté illimitée ? L’affaire de Suez a permis d’ en juger. Deux grands États de l’Europe avaient tenté de faire valoir

1589 uger. Deux grands États de l’Europe avaient tenté de faire valoir les droits fondamentaux que la doctrine classique attrib

1590 ine classique attribue aux « souverains » : celui de déclarer la guerre et celui de conclure la paix comme on l’entend et

1591 uverains » : celui de déclarer la guerre et celui de conclure la paix comme on l’entend et quand on le veut. En fait, ces

1592 alement mis en demeure par deux autres puissances de cesser les hostilités, qu’ils venaient d’engager contre l’Égypte. Ils

1593 ssances de cesser les hostilités, qu’ils venaient d’ engager contre l’Égypte. Ils ont immédiatement obtempéré. Or, ces puis

1594 s n’étaient pas même européennes, et sans l’appui de l’une aucun pays d’Europe ne peut se défendre contre l’autre. Aucun p

1595 européennes, et sans l’appui de l’une aucun pays d’ Europe ne peut se défendre contre l’autre. Aucun pays d’Europe n’est d