1 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme suisse (1963)
1 La Suisse ne saurait se targuer d’avoir donné à l’Europe et au monde une « culture nationale » bien caractérisée ; ni
2 rt des Suisses en ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait été globalement inférieur à celui de toute autre régio
3 ssance à nos jours, ait été globalement inférieur à celui de toute autre région de dimensions à peu près analogues. (Le c
4 itue le véritable apport de la Suisse comme telle à l’Europe. Pratique restée longtemps sans nom et sans doctrine — ou du
5 e. Ce n’est guère qu’au xixe siècle qu’on se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose était-elle entendue de manière
6 une telle pratique est mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notamment chez nos voisins français, épris de logique
7 est le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt à son Littré, où il trouve ceci : Fédéralisme s.m. Néologisme. Systèm
8 me dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’ à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophique
9 s politiques ou philosophiques, il ne cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la
10 philosophiques, il ne cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de l
11 cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pou
12 ctions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’allons pas croire que l
13 pportunisme lâche, qui tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances très puissante
14 s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances très puissantes dans le monde occidental moderne : le
15 t la complexité du réel, il la respecte, il croit à ses vertus, il en épouse la loi, bref, il l’aime. D’autre part, le fé
16 vre en autarcie, refermés sur eux-mêmes, hostiles à toute coopération, voir à tout échange avec le monde extérieur. Car l
17 sur eux-mêmes, hostiles à toute coopération, voir à tout échange avec le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’il aime l
18 homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. D
19 me qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clocher,
20 centralisation oppressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan
21 ésente la seule attitude rigoureusement contraire à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en eff
22 relève de la même mentalité que le totalitarisme, à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’imagination, de vita
23 réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’union, d’autre part la légit
24 mécaniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistr
25 , centraliste, jacobine, qui est réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Ces images, qui sont autant
26 es images, qui sont autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des dive
27 des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa manière. La plupart des impasses dans lesquelles se fourvoie l’org
28 . Je n’en donnerai qu’un seul exemple : l’impasse à laquelle risquent d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’Eur
29 souveraineté globale, qui ne laisserait jouer qu’ à regret, et à titre de concession, la diversité des fonctions national
30 ctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un
31 pose ici le principe : que l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations qui la composent, sinon el
32 le monde ; et qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun
33 es Suisses, l’unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans toutes nos œuvres, le
34 éritable unité culturelle, organique et complète, à laquelle nous pouvons nous rattacher directement, nous qui n’avons pa
35 es, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois grandes cultures nationales voisines. Po
36 a langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois grandes cultures nationales voisines. Pour que cela
37 e le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à des prétentions na
38 des réalités culturelles. Or il ne correspond qu’ à des prétentions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certai
39 axe commercial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges. Une nouvelle école s’épanouit dans les Flandres. Elle influen
40 sieurs Russes, tels que Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L
41 la musique occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes
42 s œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies, notons-le, traverse
43 uand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne pense guère qu’à la langue française.
44 à la « culture française », on ne pense guère qu’ à la langue française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nati
45 as une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de Franç
46 olence aux réalités linguistiques pour les amener à coïncider approximativement avec les frontières d’une de nos nations
47 modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à elle seule définir une culture : elle n’est guère qu’un des éléments
48 s, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dir
49 ies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chacun des 24 États-nations qui ont découpé et longtemps déchiré le c
50 réalités nationales, mais se rattache directement à l’ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », com
51 ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos trois cantons
52 ois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté
53 ines cités ou certaines régions parviennent alors à se différencier, à s’individualiser sur cet arrière-fond commun. Si j
54 ines régions parviennent alors à se différencier, à s’individualiser sur cet arrière-fond commun. Si je cherche pourquoi
55 1° la culture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la cultu
56 ouci moral et notre méfiance pour les cérémonies, à moins que son adoption n’ait résulté de notre tempérament particulier
57 civiques, économiques et sociales, il se rattache à sa commune, à son canton, à la Confédération ; par son allégeance rel
58 omiques et sociales, il se rattache à sa commune, à son canton, à la Confédération ; par son allégeance religieuse, à la
59 iales, il se rattache à sa commune, à son canton, à la Confédération ; par son allégeance religieuse, à la Réforme ou à l
60 la Confédération ; par son allégeance religieuse, à la Réforme ou à l’Église catholique, qui sont mondiales ; par sa lang
61  ; par son allégeance religieuse, à la Réforme ou à l’Église catholique, qui sont mondiales ; par sa langue, au domaine f
62 libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, et non point à celle de l’État. D’où la densité culturell
63 ends de se faire homme à sa manière, et non point à celle de l’État. D’où la densité culturelle de ce petit coin de pays,
64 et techniques. Densité sans nul doute supérieure à celle d’une tranche quelconque d’un million et demi d’habitants, pris
65 l est vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité dorée, politiquement au neutralisme de l’autruche, et d
66 lisme de l’autruche, et dans le domaine culturel, à préférer les moyennes rassurantes aux œuvres fortes. Offrant un jeu d
67 ffrant un jeu de petites et de grandes dimensions à composer diversement, il satisfait trop facilement, dit-on, ceux qui
68 té avant tout. Ce phénomène n’est pas particulier à la Suisse, mais peut-être les Suisses moyens trouvent-ils dans les st
69 e de leur paix. On voit mal ce qu’ils gagneraient à échanger cette paix — que l’on jalouse un peu tout en la couvrant de
70 t d’idéologies, et qui aboutissent périodiquement à faire tuer quelques millions d’hommes au nom de principes réputés imm
71 ais que les générations suivantes récusent… Quant à ceux qui assument leurs plus grandes dimensions, il faut admettre qu’
72 rent, ils s’y sentiront vite chez eux, sans avoir à renier leur clocher. Définition de la liberté fédéraliste. Nos meille
73 e cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’archit
74 old. Européens en ce sens qu’ils n’ont pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture européenne, germani
75 nglo-saxonne autant que française, sans s’arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représentent ailleur
76 t que française, sans s’arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représentent ailleurs les cultures soi
77 ltures soi-disant « nationales ». Et n’est-ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît le plus vi
78 empérament ? Certains citeront alors C. F. Ramuz, à titre d’argument massue contre ma thèse. Est-il besoin de rappeler qu
79 soin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romancier
80 rtiste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il
81 Nobel par million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960. Voici un extrait du tableau1 : 1. Suisse 2,62 7. Royaume
82 6. Allemagne 0,71 19. Russie et URSS 0,03 À la question de savoir ce que les Suisses peuvent apporter de meilleur
83 r ce que les Suisses peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds donc sans hésiter que c’est surtout leur sens
84 z nos voisins. Cet apport très typiquement suisse à la culture européenne revêt une importance particulière dans le monde
85 La Nationalité des prix Nobel de sciences de 1901 à 1960, Cahiers internationaux de sociologie, Paris, 1961. a. Rougemo
2 1963, Articles divers (1963-1969). Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)
86 plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)j k Au seuil des activités d’enseignement que cet
87 qui s’ouvre. Permettez-moi donc, avant d’en venir à l’objet particulier de mon cours, de consacrer quelques moments à cet
88 ulier de mon cours, de consacrer quelques moments à cette introduction plus générale. S’il paraît opportun d’entreprendre
89 d’élargir partout où cela se peut, et donc aussi à Genève, des études européennes, c’est parce que la question de l’unio
90 a question de l’union de l’Europe se trouve posée à cette génération, et parce qu’elle met en jeu bien autre chose que de
91 de cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture présente, aux circonstances de notre temps. Ce fait dé
92 nq autres instituts d’études européennes qui sont à l’œuvre, depuis plusieurs années, dans d’autres villes du continent.
93 e sous nos yeux, ces instituts tiennent cependant à garder, par rapport au déroulement des faits et à l’action politique
94 à garder, par rapport au déroulement des faits et à l’action politique militante, la distance nécessaire à la réflexion c
95 ction politique militante, la distance nécessaire à la réflexion critique et à la recherche objective. Certes, la questio
96 la distance nécessaire à la réflexion critique et à la recherche objective. Certes, la question européenne n’est pas une
97 s une question académique ! Elle n’appartient pas à un passé qu’il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à un aveni
98 qu’il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à un avenir auquel nous sommes tous vitalement intéressés, et qu’il s’a
99 u’il s’agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dire qu’il faille en
100 est moins un acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dire qu’il faille en laisser le soin au seul réali
101 s à transmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dire qu’il faille en laisser le soin au seul réalisme des hommes d’Ét
102 attendent encore d’être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnectio
103 s recherches, il importe de rappeler tout d’abord à grands traits dans quels termes elle se pose, et qui l’a posée. Le mo
104 oupes de nations récentes et plus instables, sont à la recherche de quelque union encore mal définie, mais qui a déjà for
105 ance générale qui se dessine dans les années 1945 à 1950 va donc aux grandes unités politiques, de 200 à 600 millions d’h
106 950 va donc aux grandes unités politiques, de 200 à 600 millions d’hommes. Dans un tel monde, quel peut être l’avenir des
107 et moyens désormais — c’est-à-dire comptant de 3 à 50 millions d’habitants ? Aucun ne paraît en mesure de se relever de
108 de ses ruines sans aide extérieure ; ni d’assurer à lui seul sa défense et sa prospérité économique ; ni de poursuivre un
109 onctions et les devoirs qui vont bientôt incomber à l’Occident au plan mondial, tels que l’aide aux pays sous-développés,
110 Russes et de la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît, ou renaît en Europe le vieux rêve d’union du Cont
111 ilitants — pour la plupart issus de la résistance à l’hitlérisme, même en Allemagne et en Italie — et qui bientôt formero
112 Monnet et son équipe du Plan français se mettent à l’œuvre en silence, loin des congrès et des associations de militants
113 Paul-Henri Spaak, enfin, plus tard et contre eux à l’en croire, mais en fait dans le même sens final qui est celui d’une
114 ines. Créer une union économique, même restreinte à quelques pays pour commencer, c’est virtuellement modifier les condit
115 n politique se trouve donc posé, inéluctablement, à tous nos pays, ne fût-ce que par la seule existence du Marché commun.
116 y débouche en pleine clarté. Au contraire, c’est à ce niveau que la discussion générale du problème dans la presse, les
117 États-Unis d’Europe, comme si ces termes étaient, à toutes fins utiles et grosso modo, synonymes. Cet état de confusion g
118 tiques, qu’il faudra bien donner un jour prochain à la question européenne. En vue de cerner et de choisir au mieux l’obj
119 actuels ne joueraient plus qu’un rôle comparable à celui des dépar­tements dans une République une et indivisible, ce qu
120 e République une et indivisible, ce qui amènerait à les redécouper en circonscriptions administratives moins inégales par
121 s, car chacun voit que l’unification de l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne serait conforme ni aux données h
122 ni aux données actuelles et concrètes du problème à résoudre. Il importe toutefois de la mentionner, ne fût-ce qu’à titre
123 osent l’esprit européen, je veux dire la tendance à l’unité abstraite, l’esprit de géométrie d’un planificateur supposé c
124 rie d’un planificateur supposé capable de modeler à son gré la société. Dans les discussions sur la question européenne,
125 l titre de repoussoir, disons même d’épouvantail. À l’autre extrême, on peut concevoir une Europe qui ne serait organisée
126 as impropre en l’occurrence, car, ainsi qu’a tenu à le préciser le général de Gaulle lui-même (conférence de presse de ma
127 at soit bien celui que l’on croit ? Pour répondre à cette question, il conviendrait d’examiner, après Léon Duguit, Preuss
128 droit, et d’autre part, si elle correspond encore à des réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États p
129 elle correspond encore à des réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puissent réellement exercer
130 encore à des réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puissent réellement exercer, comme faire la
131 llement exercer, comme faire la guerre ou la paix à leur guise, assurer seuls leur défense, leur prospérité, leurs libert
132 éjà cédé le pas, en fait plus encore qu’en droit, à la notion d’interdépendance. Mais l’objet de pareilles études risquer
133 risquerait d’être par trop transitoire, trop lié à une actualité mouvante, susceptible de déboucher plus ou moins rapide
134 ais ils joueraient un rôle plus ou moins analogue à celui des cantons suisses, dont l’autonomie se voit assurée par la fo
135 e un quatrième type, la solution qui consisterait à étendre au plan politique les règles et méthodes de l’intégration déj
136 e. La déclaration des chefs d’État des Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est vrai, de « donner forme à la v
137 illet 1961, parle, il est vrai, de « donner forme à la volonté d’union politique déjà implicite dans les traités qui ont
138 riser très brièvement. Mais rien ne nous autorise à juger que le fédéralisme, déjà pratiqué quasi journellement dans les
139 contestablement. Elle paraît aussi la plus propre à rallier ou à faire converger un jour ou l’autre les partisans de l’Eu
140 nt. Elle paraît aussi la plus propre à rallier ou à faire converger un jour ou l’autre les partisans de l’Europe des État
141 ution fédéraliste est évidemment la plus conforme à l’expérience de la vie politique et civique du pays où nous sommes, e
142 et dont je suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de l’Europe unie. Enfin, raisons immé
143 e suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de l’Europe unie. Enfin, raisons immédiates et
144 s les trois été amenés par nos précédents travaux à étudier certains aspects du problème fédéraliste, aspects complémenta
145 des et la méthode interdisciplinaire qui s’impose à nous. Car le fédéralisme n’est pas une doctrine toute faite, un dogme
146 l aux divers stades d’une intégration progressive à l’échelle européenne. Problème préfédéraliste, à parler rigoureusemen
147 à l’échelle européenne. Problème préfédéraliste, à parler rigoureusement, mais préalable nécessaire, et d’ailleurs d’int
148 dans quelle mesure ces structures tendent ou non à se rapprocher des formes fédéralistes. Il rejoindra de la sorte les é
149 projets et plans d’union européenne, du Moyen Âge à nos jours. Parallèlement aux cours et aux travaux de séminaire, nous
150 e logique que l’on puisse déduire dans l’abstrait à partir d’une définition simple et de quelques principes axiomatiques.
151 le définir d’entrée de jeu serait donc s’exposer à trahir méthodiquement sa nature même. Voilà sans doute pourquoi ce so
152 s adversaires qui éprouvent le moins de scrupules à en donner des caractérisations brèves et simples. Et voilà pourquoi l
153 les. Et voilà pourquoi les dictionnaires échouent à le définir en tant que méthode, et pas seulement comme un système pol
154 litique. La plupart nous renvoient de fédéralisme à fédératif et à fédération, voire à confédération indifféremment, sans
155 part nous renvoient de fédéralisme à fédératif et à fédération, voire à confédération indifféremment, sans qu’aucun conte
156 de fédéralisme à fédératif et à fédération, voire à confédération indifféremment, sans qu’aucun contenu ne puisse être sa
157 93, on accusa les girondins de vouloir substituer à l’unité nationale le fédéralisme, c’est-à-dire une association des dé
158 932, généralise la méthode fédéraliste et l’étend à toutes les structures intersociales, qu’elles soient ou non étatiques
159 étatiques ; l’équipe de l’Ordre nouveau, de 1932 à 1939, avec Arnaud Dandieu, Robert Aron, Alexandre Marc et moi-même, p
160 Montreux (1947) suivi par le Congrès de l’Europe, à La Haye, en 1948, d’où sont issues les premières réalisations europée
161 nier en date des très nombreux ouvrages consacrés à notre question après la Seconde Guerre mondiale — c’est le Fédéralism
162 dans les écrits des précurseurs de l’Europe unie, à partir du xive siècle, et en remontant peu à peu vers notre époque,
163 d’une tradition fédéraliste de l’Europe ; quitte à déduire, finalement, de cette enquête, quelques critères permanents,
164 es décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à « ce qui allait de soi » du vivant de leurs auteurs, et dont ils anno
165 Vous pressentez qu’il y aura, là-dessus, beaucoup à dire. L’échec historique de ces projets et de ceux qui les suivront a
166 ceux qui les suivront au cours des siècles jusqu’ à nous, est certes significatif, et j’en examinerai les causes. Dans ce
167 éralisme, terme inventé par Rousseau, prétend-il, à l’occasion de sa critique des utopies de l’abbé de Saint-Pierre, enco
168 gie des grands desseins européens que nous aurons à établir, au moins autant qu’un constat déprimant d’échecs pratiques e
169 me d’union fédérale européenne adressé par Briand à la Société des Nations en 1930, la galerie des auteurs de plans que n
170 plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours », Bastions de Genève, Genève, 1963, p. 61-72. k. L’auteur
171 ar cette note : « Denis de Rougemont : né en 1906 à Neuchâtel. Études de lettres et de philosophie. Éditeur à Paris dès 1
172 tel. Études de lettres et de philosophie. Éditeur à Paris dès 1931. Lecteur à l’Université de Francfort 1935-1936. Cours
173 de philosophie. Éditeur à Paris dès 1931. Lecteur à l’Université de Francfort 1935-1936. Cours à l’École libre des hautes
174 teur à l’Université de Francfort 1935-1936. Cours à l’École libre des hautes études de New York de 1941 à 1946. Fonde en
175 École libre des hautes études de New York de 1941 à 1946. Fonde en 1948 le Centre européen de la culture à Genève, qu’il
176 6. Fonde en 1948 le Centre européen de la culture à Genève, qu’il dirige encore aujourd’hui. Dès 1951, président du comit
3 1963, Articles divers (1963-1969). Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)
177 Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)b Les Suisses sont tard
178 se, et l’architecte Fontana. Mais de cette époque à nos jours, la densité de création intellectuelle et artistique dans l
179 ’actuelle Confédération est sans doute supérieure à celle de toute autre région prise au hasard dans les pays voisins, et
180 d dans les pays voisins, et qui serait comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On excepte, bien entendu,
181 le mesure peut-on dire que cet apport des Suisses à la culture représente une contribution de la Suisse en tant qu’entité
182 u’entité ou système de valeurs spécifique ? C’est à ces deux questions que je vais tenter de répondre. ⁂ La Suisse n’exis
183 , la confession, la langue. Elle dépendait ainsi, à des titres divers, de plusieurs grands ensembles culturels, religieux
184 u’une ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’au sein d’une entité beaucoup plus vaste, impériale, p
185 ou réformée, germanique, italienne ou française — à une échelle européenne. Toutes nos gloires sont européennes, non seul
186 disait Lucien Fèbvre. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton, alors pas de milieu, ils atteignent à l’un
187 leur canton, alors pas de milieu, ils atteignent à l’universel… Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle
188 é, c’était ce qu’on nommait alors « l’immédiateté à l’Empire » (Reichsunmittelbarkeit). Il en va de même dans le domaine
189 ne culturel. Nous sommes, nous Suisses, immédiats à l’Europe, condamnés à l’Europe, dirais-je, quand nous sortons de notr
190 es, nous Suisses, immédiats à l’Europe, condamnés à l’Europe, dirais-je, quand nous sortons de notre commune originelle.
191 ières politiques ; et par des traditions communes à tous nos peuples, la grecque, la romaine, la chrétienne, bien antérie
192 ole. La multiplicité des foyers créateurs fournit à la Suisse ses meilleures chances, et c’est elle qui, dans le cas de l
193 le qui, dans le cas de la Suisse — compartimentée à l’extrême, mais liée par tout un réseau d’échanges spirituels avec se
194 du phénomène exceptionnel que je constatais tout à l’heure. Genève, avec Calvin et Théodore de Bèze, Bâle, avec Érasme e
195 t aux cours de Russie et de Prusse, ou professent à Groningue et à Londres. Jean de Müller, « historien des Suisses », ma
196 Russie et de Prusse, ou professent à Groningue et à Londres. Jean de Müller, « historien des Suisses », mais également au
197 t le xixe siècle. Cinquante ans plus tard, c’est à Bâle que s’allume un nouveau foyer : Bachofen inaugure par son Matria
198 reconnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique flamande de la Renaissance, à la peinture hollandaise ou v
199 mparable à la musique flamande de la Renaissance, à la peinture hollandaise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’elle s
200 ècle, et qu’elle s’est conformée par anticipation à cette règle devenue évidente à partir du xixe siècle : point de gran
201 e par anticipation à cette règle devenue évidente à partir du xixe siècle : point de grand art dans les petits pays. Un
202 s démesurées d’un Carl Spitteler ne suffisent pas à compenser des siècles de médiocrité dans nos productions versifiées.
203 élicieux ou extravagants, et leurs succès se font à Paris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul Klee, une sculpture d’Al
204 et Gertrude du fameux pédagogue Pestalozzi, voire à certains égards les récits d’un réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se d
205 éer quelque chose, tout se passe comme s’il avait à se faire pardonner son ambition ou son génie individuel en démontrant
206 Suisse. Mais s’il a le goût de la grandeur, c’est à Rome qu’il ira terminer l’énorme dôme de Saint-Pierre comme Maderno e
207 les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hommes utiles, au sens le plus noble, et penseurs
208 ndant, une série de grands noms ne représente pas à elle seule tout l’apport culturel d’un pays, de même qu’un prestigieu
209 e même qu’un prestigieux état-major ne suffit pas à renseigner sur la valeur d’un combat d’une armée et sur la volonté de
210 ou de la nature. Les plus grandes cités — de 150 à 500 000 habitants — entretiennent chacune un ou deux orchestres, un o
211 ure sont parmi les plus belles du monde, Reinhart à Winterthour et Hahnloser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’étude
212 les du monde, Reinhart à Winterthour et Hahnloser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’étude des grandes firmes industri
213 eaux sont dirigés par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que la Suisse, avec 11 prix Nobel pour les sciences, se pl
214 emier rang mondial, et de très loin, relativement à sa population (Hollande : 9 prix Nobel pour une population double ; F
215 bel pour une population neuf fois plus grande). ⁂ À l’heure de l’Europe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir un
216 era la matière grise. Elle le doit sans nul doute à ses structures très concrètement fédéralistes depuis des siècles. Il
217 nt dans le même sens. La Suisse se doit de réagir à temps en soutenant plus « matériellement » que jusqu’ici les valeurs
218 de superflu ? b. Rougemont Denis de, « Apport à la civilisation occidentale », Associations internationales, Bruxelle
4 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)
219 me dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’ à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophique
220 s politiques ou philosophiques, il ne cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la
221 philosophiques, il ne cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de l
222 cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pou
223 ctions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’allez pas croire que le
224 opportunisme lâche qui tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances très puissante
225 s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances très puissantes dans le monde occidental moderne : le
226 t la complexité du réel, il la respecte, il croit à ses vertus, il en épouse la loi, bref, il l’aime. D’autre part, le fé
227 vre en autarcie, refermés sur eux-mêmes, hostiles à toute coopération, voire à tout échange avec le monde extérieur. Car
228 ur eux-mêmes, hostiles à toute coopération, voire à tout échange avec le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’il aime l
229 homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. D
230 me qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clocher,
231 centralisation oppressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan
232 ésente la seule attitude rigoureusement contraire à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en eff
233 relève de la même mentalité que le totalitarisme à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’imagination, de vita
234 réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’union, d’autre part la légit
235 mécaniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistr
236 unification totalitaire, qui est réduction forcée à l’uniforme. Ces images, qui sont autant d’évidences, suffisent à défi
237 es images, qui sont autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des dive
238 des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa manière. La plupart des impasses dans lesquelles se fourvoie l’org
239 . Je n’en donnerai qu’un seul exemple : l’impasse à laquelle risquent bien d’aboutir les négociations entre la Suisse et
240 ctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un
241 propose le principe : que l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations qui la composent, sinon el
242 le monde ; et qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun d
243 i paraîtraient bien théoriques et bien abstraites à un public français, mais je parle après tout à des citoyens suisses,
244 es à un public français, mais je parle après tout à des citoyens suisses, qui n’auront éprouvé aucune peine à me traduire
245 toyens suisses, qui n’auront éprouvé aucune peine à me traduire en termes d’expérience politique très concrète —, tout es
246 , tout est dit en principe de ce que nous aurions à dire sur les rapports entre le fédéralisme et la culture, et sur les
247 er les principes du fédéralisme en les appliquant à la culture. Pour qu’il y ait culture en général — au sens occidental
248 es romands, l’unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans toutes nos œuvres, le
249 éritable unité culturelle, organique et complète, à laquelle nous pouvons nous rattacher directement, nous qui n’avons pa
250 es, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois grandes cultures nationales voisines. Po
251 a langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois grandes cultures nationales voisines. Pour que cela
252 e le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités culturelles. Or il ne correspond qu’à des prétentions na
253 des réalités culturelles. Or il ne correspond qu’ à des prétentions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certai
254 axe commercial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges. Une école nouvelle s’épanouit alors dans les Flandres. Elle i
255 sieurs Russes, tels que Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L
256 la musique occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes
257 s œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies, notons-le, traverse
258 uand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne pense guère qu’à la langue française.
259 à la « culture française », on ne pense guère qu’ à la langue française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nati
260 as une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de Franç
261 olence aux réalités linguistiques pour les amener à coïncider approximativement avec les frontières d’une de nos nations
262 modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à elle seule définir une culture : elle n’est guère qu’un des éléments
263 s, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dir
264 ies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chacune des vingt-quatre nations qui ont découpé leur État dans le co
265 es, donc politiques, mais se rattache directement à l’ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », com
266 ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos trois cantons
267 ois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté
268 certaines cités ou certaines régions parviennent à se différencier, à s’individualiser sur cet arrière-fond commun. Si
269 certaines régions parviennent à se différencier, à s’individualiser sur cet arrière-fond commun. Si je cherche pourquoi
270 : 1° la culture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la cult
271 uci moral et notre méfiance pour les cérémonies — à moins que son adoption n’ait résulté de notre tempérament particulier
272 devons-nous faire maintenant pour rester fidèles à nous-mêmes, j’entends : pour illustrer, au plan de la culture, nos ra
273 oute confiance, curiosité, et ouverture d’esprit, à vivre en symbiose permanente avec l’ensemble de la culture européenne
274 e cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’archit
275 old. Européens en ce sens qu’ils n’ont pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture européenne, germani
276 nglo-saxonne autant que française, sans s’arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représentent ailleur
277 t que française, sans s’arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représentent ailleurs les cultures soi
278 ltures soi-disant « nationales ». Et n’est-ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît le plus vi
279 u de tempérament ? Certains citeront alors Ramuz, à titre d’argument massue contre ma thèse. Est-il besoin de rappeler qu
280 soin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romancier
281 rtiste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il
282 e de certaines limitations de son œuvre. IV À la question de savoir ce que les Suisses romands peuvent apporter de
283 les Suisses romands peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds donc sans hésiter que c’est surtout leur sens
284 z nos voisins. Cet apport très typiquement suisse à la culture européenne revêt une importance particulière dans le monde
285 esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde orga
286 . Il voudrait que chacune de nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines : université, radio, publications, e
287 a n’est pas possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des solutions médiocres, mais « bien de chez nous », aux ava
288 ’elles sont trop petites pour que s’y développent à foison des écoles de peintres, des galeries d’exposition, des troupes
289 rands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’ à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul co
290 ité pour peu qu’elles aient été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répartition géographique é
291 e en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospérité économique sans précédent. Nos raisons d’être et de re
5 1963, Articles divers (1963-1969). À propos de la culture européenne (avril 1963)
292 otre numéro de décembre. Je me demandais au début à quels « Européens » l’auteur s’en prenait, qui d’une part refuseraien
293 onnaître les apports judaïque, chrétien et arabe, à la formation de la culture européenne, d’autre part réduiraient l’Eur
294 ure européenne, d’autre part réduiraient l’Europe à l’anticommunisme, même pas philosophique mais « géographique ». N’aya
295 graphique ». N’ayant jamais connu d’« Européens » à ce point illettrés et fanatiques, j’attendais avec curiosité des préc
296 osité des précisions, des noms. On nous les donne à la deuxième colonne : c’est le Centre européen de la culture et ses p
297 e » de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à « l’effort vain et absurde de présenter une culture européenne unitai
298 Si vos lecteurs prennent la peine de se reporter à l’une quelconque des publications du CEC (l’un de nos 52 bulletins ,
299 blications du CEC (l’un de nos 52 bulletins , ou à Vingt-huit siècles d’Europe , ou le Dialogue des cultures ou Les
300 « vicie » ses travaux. Quelle est donc sa méthode à lui ? Elle consiste à lire « unitaire » là où nous disons « pluralist
301 Quelle est donc sa méthode à lui ? Elle consiste à lire « unitaire » là où nous disons « pluraliste » ; à lire « caractè
302 e « unitaire » là où nous disons « pluraliste » ; à lire « caractère unifiant » là où nous écrivons « trait distinctif »,
303 fiant » là où nous écrivons « trait distinctif », à déplorer que nous éliminions le judaïsme ou le christianisme, quand n
304 sont les éléments fondamentaux de notre culture, à nous opposer ma propre définition de l’Europe comme « patrie des cont
305 ref, la méthode critique de votre auteur consiste à lire à rebours tous nos écrits, et non pas à les interpréter d’une ma
306 iste à lire à rebours tous nos écrits, et non pas à les interpréter d’une manière qui pourrait prêter à discussion, mais
307 les interpréter d’une manière qui pourrait prêter à discussion, mais à les falsifier radicalement. Qu’il y ait une tradit
308 ne manière qui pourrait prêter à discussion, mais à les falsifier radicalement. Qu’il y ait une tradition « européenne »
309 uelles sont les traditions qui doivent collaborer à notre « Europe en formation », et à la vôtre. d. Rougemont Denis d
310 nt collaborer à notre « Europe en formation », et à la vôtre. d. Rougemont Denis de, « À propos de la culture européen
6 1963, Articles divers (1963-1969). Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)
311 il en est deux qui me paraissent les plus propres à motiver chez l’homme soucieux de la chose publique la conception d’un
312 issance et le besoin de liberté. Le premier porte à vouloir des régimes unitaires, centralisés, soumis à des lois simples
313 ouloir des régimes unitaires, centralisés, soumis à des lois simples et mécaniques, réglant tout le détail de l’existence
314 t le détail de l’existence : régimes totalitaires à la limite. Le second porte à désirer des régimes pluralistes, arrangé
315 régimes totalitaires à la limite. Le second porte à désirer des régimes pluralistes, arrangés comme ils viennent, ménagea
316 doit se transmettre instantanément de Paris jusqu’ à toutes les extrémités du territoire national, Anarcharsis Clootz, l’«
317 très bien l’utopie unitaire, que la technique met à portée de nos mains. En chemin vers l’autre limite ou utopie, celle d
318 r Lénine lorsqu’il était en Suisse), l’anarchisme à la Bakounine et les brèves flambées du communisme anabaptiste ou de l
319 l’autre des deux tendances n’a jamais été isolée à l’état pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa perfection
320 été isolée à l’état pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa perfection (nulle société ne saurait y survivre) e
321 tat pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa perfection (nulle société ne saurait y survivre) et elles coexiste
322 rt de préférence aux mathématiques, le pluraliste à la biologie ; l’un se préoccupe des cadres à imposer, l’autre des for
323 iste à la biologie ; l’un se préoccupe des cadres à imposer, l’autre des forces vives à faire jouer ; l’un se soucie d’ab
324 pe des cadres à imposer, l’autre des forces vives à faire jouer ; l’un se soucie d’abord de la stabilité, l’autre plutôt
325 ses propres responsabilités, et donc d’actualiser à son échelle sa volonté de puissance personnelle. Parmi les hommes que
326 hommes que le souci de la chose publique conduit à prendre part à l’élaboration des plans d’avenir européen, je vois deu
327 souci de la chose publique conduit à prendre part à l’élaboration des plans d’avenir européen, je vois deux types intermé
328 hnique ou scientifique), et une méfiance affichée à l’endroit des motifs passionnels qui prédéterminent visiblement les o
329 idée de liberté se trouvant obscurément assimilée à celle d’atteinte aux droits acquis, fussent-ils les souverainetés tra
330 s et de plans, et de leurs critiques : elle reste à écrire, on le voit. Il m’importait seulement de situer ma position, c
331 e L’attitude fédéraliste est celle qui conduit à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui serait unie par des l
332 de nos pères. En revanche, elle apparaît conforme à la logique déduite des sciences physiques, et biologiques dans cette
333 it, le projet d’une Europe fédérale est antérieur à ces deux stades récents de notre aventure intellectuelle, et il en de
334 eure indépendant. (Le premier ne suffit pas mieux à le réfuter, que le second à le fonder en principe.) Car il est vérita
335 r ne suffit pas mieux à le réfuter, que le second à le fonder en principe.) Car il est véritablement la projection au pla
336 l’Union européenne des fédéralistes, qui se tint à Montreux en 1947, j’avais tenté de situer à grands traits cette idée
337 tint à Montreux en 1947, j’avais tenté de situer à grands traits cette idée de l’homo europaeus dans la conjoncture poli
338 ble du projet, je me vois ramené, inévitablement, à son point de départ, qui est l’homme de notre Europe, redéfini dans l
339 plique une certaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on
340 sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à rendre chaque individu plus libre dans l’exercice de sa vocation. L’h
341 ité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet hom
342 elui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le
343 politiques, et sont en retour favorisés par eux. À l’homme considéré comme pur individu, libre mais non engagé, correspo
344 le désordre, lequel prépare toujours la tyrannie. À l’homme considéré comme soldat politique, totalement engagé mais non
345 n libre, correspond le régime totalitaire. Enfin, à l’homme considéré comme personne, à la fois libre et engagé, et vivan
346 ons de l’humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, elle représente la santé civi
347 homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et, de
348 pes qui les instituaient avaient constamment obéi à certains principes directeurs ou réflexes quasi instinctifs, que l’on
349 etiendra ici ceux qui paraissent les plus faciles à transposer dans l’actualité immédiate, à l’échelle des nations europé
350 faciles à transposer dans l’actualité immédiate, à l’échelle des nations européennes. Premier principe. Une fédération
351 ître qu’au prix du renoncement formel et vigilant à toute idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’une des nations c
352 itions qui se forment contre lui ne survivent pas à sa défaite. L’hégémonie ni sa menace ne sont principes fédérateurs, m
353 x besoins réels d’une communauté en puissance, et à des solutions qui figurent l’optimum entre les maxima contradictoires
354 es autres se sont ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrès. Lors d
355 lliance séparée » des catholiques, assez analogue à la « Sécession » des États sudistes de l’Amérique), les vainqueurs n’
356 égalité de droits. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, a résulté la Constitution de 1848, base de notr
357 ens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’ à l’unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième prin
358 Le fédéralisme ne peut naître que du renoncement à tout esprit de système idéologique ou technocratique. Ce que je viens
359 t pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’un centre ou d’un axe ; fédérer, c’est tout simplement arran
360 té ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’ à ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit. P
361 plus qu’une majorité dans certains cas, parce qu’ à ses yeux elle représente une qualité irremplaçable. (On pourrait auss
362 mécaniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises brunes par exemple, de sinistr
363 , centraliste, jacobine, qui est réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Prenons une autre image. Cha
364 les autres. Si les nations de l’Europe arrivaient à se concevoir dans un rôle analogue, elles comprendraient que leur har
365 ussi que dans une fédération elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune selo
366 s n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas u
367 it mise au défi de donner le meilleur d’elle-même à sa manière et selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas à « tolé
368 et selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être un vrai
369 le, et, dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Cinquième principe. Le fédéralisme repose sur l’am
370 rement un ou plusieurs de ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dim
371 réalités d’un trait de plume, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écra
372 ar définition, puisqu’elles consistent simplement à supprimer les diversités, par incapacité de les composer en un tout o
373 moyen des personnes et des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le moyen des gouvernements. Nous voyons la
374 lises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là ce sont des professions qui s’organisent. Et surtout,
375 des gouvernements nationaux (Congrès de l’Europe à La Haye en 1948, et ses suites) et qui, par le détour de l’opinion pu
376 es ou idéologiques, amèneront quelques parlements à soutenir des projets fédéraux, c’est-à-dire supranationaux. On ne voi
377 n ne se crée pas contre une menace extérieure, ni à des fins impérialistes, mais au contraire : pour l’avantage et la sur
378 reprise des croisades, ni les Turcs devant Vienne à deux reprises, ni les Soviets nous pressant à l’Est et nous minant à
379 nne à deux reprises, ni les Soviets nous pressant à l’Est et nous minant à l’intérieur par les partis qu’ils commandaient
380 les Soviets nous pressant à l’Est et nous minant à l’intérieur par les partis qu’ils commandaient chez nous, n’ont réuss
381 artis qu’ils commandaient chez nous, n’ont réussi à provoquer la fédération de nos craintes et de nos forces de défense.
382 ncurrence nationaliste : elles n’ont contribué qu’ à notre division, et presque à notre ruine à deux reprises. En revanche
383 s n’ont contribué qu’à notre division, et presque à notre ruine à deux reprises. En revanche, les treize États américains
384 bué qu’à notre division, et presque à notre ruine à deux reprises. En revanche, les treize États américains en 1783, et l
385 relles ménagées par l’union virtuelle, ont réussi à provoquer la formation d’institutions fédératives durables. Les consé
386 nations européennes dans une situation comparable à bien des égards à celle des cantons suisses au lendemain de la guerre
387 s dans une situation comparable à bien des égards à celle des cantons suisses au lendemain de la guerre du Sonderbund, et
388 ’idée fédéraliste est simple, mais non pas simple à définir en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’un type
389 régime fédéraliste. L’oublier serait se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de
390 uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’ à moitié raison. Le véritable fédéralisme ne consiste ni dans la seule
391 ur un » signifie l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est infiniment probable que,
392 aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est infiniment probable que, sur le plan europée
393 voir se dessiner deux tendances toutes semblables à celles que je viens de signaler pour la Suisse. Nous aurons des fédér
394 Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’ à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préo
395 déralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout d
396 n compromis conclu par gain de paix, quelque part à mi-chemin entre les buts visés, qui sont l’établissement de l’union g
397 rticuliers. Car cela ne conduirait en pratique qu’ à une union trop faible mais bientôt accusée d’oppression par ses membr
398 bientôt accusée d’oppression par ses membres, et à des droits trop limités mais taxés d’abusifs par le centre. La saine
399 le centre. La saine méthode fédéraliste consiste à distinguer dans tous les ordres, à chaque niveau, de cas en cas, ce q
400 liste consiste à distinguer dans tous les ordres, à chaque niveau, de cas en cas, ce qui doit être carrément centralisé p
401 régimes d’éducation, liés dans chacun de nos pays à des langues, des coutumes, des traditions religieuses, des conditions
402 t, coordonnant les efforts et veillant au surplus à leur financement fédéral.) Ceci posé, il va sans dire que dans certa
403 de la méthode indiquée ci-dessus, et qui consiste à distinguer dans tous les domaines de la vie publique, au fur et à mes
404 tre part, ce qu’il reste indispensable de laisser à la libre initiative des États ou régions, des groupes et des individu
405 ouvons définir le fédéralisme comme l’application à la chose publique d’une méthode générale de travail et de création, q
406 par la personne et assimilées par la communauté. À chaque conquête nouvelle effectuée, correspond une organisation de la
407 it être fait par elle ; et s’ils ne savent mettre à profit les libertés ainsi conquises, à la fois physiques et psychique
408 e mécanisme quel qu’il soit — de la machine-outil à l’État, du plan de travail d’un écrivain au plan de production d’un p
409 ctifs et aux lois — n’est en fin de compte, comme à l’origine, qu’un auxiliaire de la vie créatrice, un moyen ordonné à s
410 auxiliaire de la vie créatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même, il serait néfaste et faux de considérer la centrali
411 es pour elles, mais dont la bonne exécution ouvre à chacun de leurs citoyens des moyens de mieux vivre sa vie propre, et
412 de déplacement, donc de contacts ou d’éloignement à volonté, et par suite d’élargissement de la conscience ; faculté accr
413 té ? Subordonner sans trêve les mécanismes utiles à des buts créateurs, l’organisation à la vie, l’uniforme au diversifié
414 ismes utiles à des buts créateurs, l’organisation à la vie, l’uniforme au diversifié, le collectif au personnel, tel est
415 ue. Ayant défini de la sorte la santé de l’Europe à construire, je ne perdrai pas de temps à rappeler les maladies qui la
416 l’Europe à construire, je ne perdrai pas de temps à rappeler les maladies qui la menacent en permanence. La tyrannie de l
417 n’existait pas : j’ai dit plus haut que ce sont, à la racine, les maladies de la personne elle-même. Car la personne ser
418 ar la personne sera toujours tentée soit de céder à la pesanteur naturelle, aux routines, aux machines qu’elle s’est cons
419 ne part ; condition prolétarienne, travail humain à la chaîne, aliénation des libertés essentielles et disciplines totali
420 essentielles et disciplines totalitaires imposées à la révolte individuelle, d’autre part, résultent d’une seule et même
421 e l’organisation du continent, pour les décennies à venir ? Et de quels mécanismes l’Europe a-t-elle besoin pour atteindr
422 cer de mieux en mieux leur vocation particulière, à leur degré de réalité et d’action, soit dans la vie privée (qui relèv
423 , groupes, régions, capable donc : a) d’organiser à l’intérieur du continent les services libérant personnes et groupes d
424 roupes des tâches mécanisables ; b) de manifester à l’échelle mondiale la vocation générale des Européens, c’est-à-dire d
425 le des Européens, c’est-à-dire de donner une Voix à l’ensemble historique et culturel qu’est l’Europe. Tout le problème e
426 ner, subordonner, articuler ces moyens collectifs à ces buts personnels (les plus immédiats à l’universel). Il s’agit don
427 lectifs à ces buts personnels (les plus immédiats à l’universel). Il s’agit donc : — d’une part, à l’intérieur, d’éviter
428 ts à l’universel). Il s’agit donc : — d’une part, à l’intérieur, d’éviter que les indépendances personnelles et locales s
429 une organisation fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’un optimum pratique entre les maxima possiblement cont
430 art du possible » pourrait encore servir d’excuse à la paresse d’esprit d’une classe politicienne qui n’a pas su prévoir
431 ent y conduire. Nous allons essayer de la décrire à grands traits, en nous plaçant en imagination dans la période de 1975
432 la traverse, infiniment plus riche en expériences à vivre, en aventures, en découvertes de soi-même et des autres hommes.
433 même et des autres hommes. Du rocher de Gibraltar à la steppe monotone, des lacs de l’Écosse aux îles grecques, de la Fin
434 acs de l’Écosse aux îles grecques, de la Finlande à la Sicile, tout s’ouvre aux ambitions ou aux rêves d’un jeune homme.
435 n européenne circulent du nord au sud et de l’est à l’ouest sans passeports ni visas, sans visites de douanes, sans embou
436 sas, sans visites de douanes, sans embouteillages à Menton, sans contrôles aux aérodromes, sans avoir à changer de monnai
437 Menton, sans contrôles aux aérodromes, sans avoir à changer de monnaies en y perdant à chaque guichet, sans rien déclarer
438 es, sans avoir à changer de monnaies en y perdant à chaque guichet, sans rien déclarer à personne. Des milliards d’heures
439 en y perdant à chaque guichet, sans rien déclarer à personne. Des milliards d’heures de vie active ou de loisirs sont ain
440 vacances. Ils sont chez eux partout, du Cap Nord à Stamboul, comme c’était le cas naguère du Provençal à Paris, du Saint
441 amboul, comme c’était le cas naguère du Provençal à Paris, du Saint-Gallois à Genève, du Sicilien en Lombardie. Ils disen
442 as naguère du Provençal à Paris, du Saint-Gallois à Genève, du Sicilien en Lombardie. Ils disent « nous » en parlant de n
443 nt de n’importe quel autre peuple. Ils apprennent à considérer les gloires et les hontes du passé de chaque pays européen
444 ie, ils produisent un passeport européen, délivré à leur lieu d’origine. Chacun peut s’établir où il le veut, sur tout le
445 ration, soit pour y travailler, soit pour y vivre à sa manière. (Les seules restrictions occasionnelles à ce droit fondam
446 manière. (Les seules restrictions occasionnelles à ce droit fondamental découlent des plans d’aménagement locaux, urbain
447 s, harmonisés dans le cadre fédéral. On cherchera à éviter les congestions locales et les goulots d’étranglement, dans le
448 déracinement général ; ces ouvertures plus vastes à l’esprit d’aventure, qui sera toujours le fait d’une minorité, n’empê
449 t il peut y exercer ses droits civiques. Le droit à une patrie locale est garanti par la Constitution fédérale, et survei
450 ux, régionaux, ou nationaux. Le droit fondamental à une patrie locale entraîne que les communautés constituées, régions a
451 ne conservent ou n’introduisent rien au contraire à la Constitution fédérale et à la Charte des droits de la personne. (L
452 t rien au contraire à la Constitution fédérale et à la Charte des droits de la personne. (Les libertés de culte, d’expres
453 mandait Churchill dès 1948 au Congrès de l’Europe à La Haye6). Le fait que leur fédération ait désormais, en tant que tel
454 es citoyens d’un de nos petits États ne sont plus à la merci de la politique d’un de nos grands États, les entraînant dan
455 péenne a solennellement déclaré qu’elle renonçait à la guerre comme moyen politique. Pour sa police interne et pour garan
456 ation, tous les autres se portent automatiquement à sa défense, selon les plans de l’état-major européen, qui dépend du p
457 erait atteinte au droit fondamental des personnes à se grouper en communautés diversifiées : droit à l’autonomie ; tandis
458 à se grouper en communautés diversifiées : droit à l’autonomie ; tandis que la seconde solution porterait atteinte au dr
459 de manifester la vocation générale des Européens à l’échelle mondiale : droit à l’Union. L’Europe fédérée se présente, e
460 nérale des Européens à l’échelle mondiale : droit à l’Union. L’Europe fédérée se présente, en conséquence, comme un grand
461 présentait aux environs de 1963, lorsqu’on se mit à envisager les divers modes possibles d’une union politique, et à supp
462 divers modes possibles d’une union politique, et à supputer les conséquences probables qu’entraînerait une fédération.
463 qu’on l’obtienne jamais, donc qu’on arrive jamais à une fédération ? Ainsi posé, le problème est insoluble. D’une part no
464 pte, exigent que les États renoncent expressément à cette souveraineté théorique. Or, on ne saurait attendre une nuit du
465 personnes libres et responsables, et il est tout à fait inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’un enthousiasme
466 e faire, il est sans doute dangereux de s’épuiser à combattre des souverainetés en grande partie inexistantes, et qu’on n
467 ait que renforcer temporairement en les obligeant à se défendre au nom sacré de l’indépendance d’un pays. Pour sortir de
468 s. Pour sortir de l’impasse, on pourrait recourir à un précédent historique qui me paraît tout à fait indiqué en la matiè
469 urir à un précédent historique qui me paraît tout à fait indiqué en la matière : La Constitution fédérale de la Suisse (1
470 ercle. Loin d’exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, elle la garantit expressément, en même temps qu’el
471 des cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction générale depuis cent-quinze ans. On peut les qualifie
472 humiliante indique clairement ce qu’il nous reste à faire : — une Constitution fédérale, afin que l’Europe recouvre, au t
473 s, l’indépendance de décision qui échappe en fait à ses nations. b) Libération des dynamismes régionaux Un second
474 problème fondamental semble bien devoir se poser à l’Europe une fois fédérée. Peu le pressentent ou s’en inquiètent, aux
475 aginer. En admettant que l’union fédérale étende à l’ensemble du continent et aux îles britanniques le régime qui est en
476 ntières nationales seront dévalorisées — réduites à d’invisibles limites administratives et d’état civil, comme c’est le
477 prendra forme. Des reliefs nouveaux, comparables à des soulèvements de terrain révélant un jeu de forces profondes, modè
478 u’il y aura de « métropoles » prouvant leur droit à une autonomie de fait. C’est ici que l’exemple de la Suisse cesse de
479 moins transposable tel quel du régime des cantons à celui des États. Car les cantons correspondent à peu près à des régio
480 s États. Car les cantons correspondent à peu près à des régions à la fois naturelles et culturelles — linguistiques, reli
481 ntière « nationale », se sont trouvées amalgamées à des États de traditions bien différentes8. ⁂ Reprenons maintenant la
482 ription de l’Europe fédérée de 1980. On y assiste à des regroupements qui ne tiennent plus compte des frontières national
483 re européen. Ils requièrent des solutions neuves, à la recherche desquelles concourent économistes, démographes, sociolog
484 ue fédérale de production et de distribution tend à prévoir et régulariser les mouvements démographiques, et les incidenc
485 continent, et les échanges toujours plus intenses à l’échelle mondiale. Ce processus dans lequel la fédération joue un rô
486 fédérale. Plusieurs États conservent cependant, à l’intérieur et à l’extérieur de la fédération, des ambassades et cons
487 de tous ordres, tout cela contribue non seulement à empêcher le retour des chocs destructeurs entre États-nations rigides
488 ns rigides, à l’intérieur de l’Europe, mais aussi à la rendre incapable d’exercer une politique agressive. Un tel ensembl
489 éenne a solennellement proclamé qu’elle renonçait à la guerre comme moyen d’imposer sa politique commune. Le problème des
490 commune. Le problème des États neutres, adhérant à la fédération, se trouve ainsi résolu, leur neutralité n’ayant plus l
491 eur neutralité n’ayant plus lieu de s’affirmer ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Quant à savoir si l’Europe fédérée est
492 yant plus lieu de s’affirmer ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Quant à savoir si l’Europe fédérée est elle-même neutre,
493 ffirmer ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Quant à savoir si l’Europe fédérée est elle-même neutre, la question se ramèn
494 dérée est elle-même neutre, la question se ramène à celle des alliances qu’elle peut être amenée à conclure avec d’autres
495 ne à celle des alliances qu’elle peut être amenée à conclure avec d’autres États ou fédérations. Si elle accepte de lier
496 ou fédérations. Si elle accepte de lier son sort à un État ou à un groupe d’États qui s’interdit comme elle tout recours
497 ns. Si elle accepte de lier son sort à un État ou à un groupe d’États qui s’interdit comme elle tout recours à la guerre,
498 pe d’États qui s’interdit comme elle tout recours à la guerre, elle reste neutre en théorie, et fidèle à l’esprit de sa C
499 a guerre, elle reste neutre en théorie, et fidèle à l’esprit de sa Constitution ainsi étendu à l’alliance ; mais elle peu
500 fidèle à l’esprit de sa Constitution ainsi étendu à l’alliance ; mais elle peut être entraînée dans une guerre qu’un tier
501 ntraînée dans une guerre qu’un tiers parti ferait à l’allié, comme s’il la faisait à l’un de ses membres. Une disposition
502 ers parti ferait à l’allié, comme s’il la faisait à l’un de ses membres. Une disposition de ce genre présente le double a
503 sance qui maintiendrait son « droit » de recourir à la guerre. Dans le domaine économique, les attributions du pouvoir fé
504 duction, de répartition intérieure, et d’échanges à l’échelle mondiale. Elle soutient et harmonise les plans d’aménageme
505 ur les transports, les postes, les grands travaux à l’échelle continentale (autoroutes, canaux, centrales d’énergie atomi
506 lturel, les attributions fédérales sont définies, à l’intérieur par l’ampleur des investissements requis, à l’extérieur p
507 térieur par l’ampleur des investissements requis, à l’extérieur par la nécessité de représenter l’ensemble européen. À la
508 la nécessité de représenter l’ensemble européen. À la politique des grands travaux continentaux correspond une politique
509 ne politique des « grandes recherches » : le CERN à Genève, dès 1959, « l’Opération Perdrix blanche » dans le cercle arct
510 des États membres, chaque fois que les problèmes à traiter ou les conflits à résoudre dépassent les capacités nationales
511 fois que les problèmes à traiter ou les conflits à résoudre dépassent les capacités nationales, concernent l’ensemble eu
512 et dans le monde communiste. « Voix de l’Europe » à la RTV, etc.) Enfin, le pouvoir fédéral garantit l’ordre intérieur, l
513 ure où ces droits et devoirs ne sont pas délégués à la fédération. C’est en matière d’éducation et de culture, notamment,
514 vant d’un État voisin. L’Europe tend de la sorte à se transformer de fédération des États « anciens » (nés d’ailleurs, p
515 ats et des autonomies régionales, mesures propres à faire respecter la Constitution fédérale, révision de celle-ci, garan
516 par une Charte ou Statut de la personne, annexée à la Constitution ; des cas de trahison ou de révolte concernant la féd
517 itué au centre du Continent ; il doit être facile à défendre, en temps de troubles, mais d’accès facile en temps de paix 
518 ., il doit accepter de demeurer, en tant qu’État, à l’écart des luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent.
519 at, à l’écart des luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent. Ces conditions idéales se trouvent réunies pa
520 mée suisse. Des dispositions spéciales (analogues à celles en vigueur à Washington, D.C. : on sait que les citoyens du di
521 ositions spéciales (analogues à celles en vigueur à Washington, D.C. : on sait que les citoyens du district fédéral améri
522 ues d’avant-garde, crée une conjoncture favorable à la prise au sérieux des solutions fédéralistes. 2. Le régime fédérali
523 de fond en comble au xxe siècle ; ce qui incline à penser que les réussites suisse et nord-américaine ont une valeur pro
524 nt trouver dans un régime fédéraliste la garantie à des droits qu’ils ont longtemps revendiqués contre les cléricalismes
525 es de la physique et de la biologie non seulement à des armes encore plus puissantes et beaucoup plus maniables que la bo
526 eaucoup plus maniables que la bombe H, mais aussi à des procédés de manipulation du psychisme collectif et de conditionne
527 t en mesure d’user et d’abuser), pousse également à concevoir la nécessité vitale d’une tendance à déconcentrer et à dist
528 nt à concevoir la nécessité vitale d’une tendance à déconcentrer et à distribuer le pouvoir, afin de l’empêcher par tout
529 nécessité vitale d’une tendance à déconcentrer et à distribuer le pouvoir, afin de l’empêcher par tout un jeu de contrôle
530 , contraindra les partisans d’une Europe unitaire à se replier sur des solutions praticables, qui se trouveront être fédé
531 ité, sinon par choix délibéré des deux partis. 6. À « gauche », les traditions proudhoniennes et anarcho-syndicalistes jo
532 assive, faute de modèles ou de maquettes proposés à la critique ou à l’enthousiasme. 8. L’existence du Marché commun est
533 modèles ou de maquettes proposés à la critique ou à l’enthousiasme. 8. L’existence du Marché commun est un facteur irréve
534 l’évolution vers l’union. Les polémiques engagées à son sujet obligent un grand nombre d’esprits, dans nos divers pays, p
535 its, dans nos divers pays, professions et partis, à supputer les conséquences des principales méthodes d’union possibles 
536 t le besoin d’une « union plus étroite », et tend à prendre un sens précis et spécifique, tel que nous l’avons défini plu
537 énage des possibilités plus favorables que jamais à une action fédéraliste. Mais il faut, pour les réaliser, un élément c
538 esquisse d’une union fédérale, nous n’avons eu qu’ à nous laisser guider par deux séries de déductions inévitables, et qui
539 exige l’aide de l’Europe et n’en oppose pas moins à son passé mal vu les promesses incertaines d’un communisme ouvertemen
540 partis extrêmes de l’Occident, armés de la Bombe. À ces motifs d’union, spirituels d’une part, historiques ou conjoncture
541 onalistes survivants, certains calculs d’intérêts à courts termes, mais surtout l’ignorance ou mieux : la non-vision du B
542 des jeux de von Neumann et Morgenstern, appliquée à la stratégie, à l’économie, à la politique. 4. Cette organisation un
543 Neumann et Morgenstern, appliquée à la stratégie, à l’économie, à la politique. 4. Cette organisation uniforme et centra
544 genstern, appliquée à la stratégie, à l’économie, à la politique. 4. Cette organisation uniforme et centralisée pouvant
545 on de la revue L’Ordre nouveau (publiée de 1932 à 1937) qui s’inspirait de ces idées. 6. « The task before us, at this
546 holique et historiquement autonome, mais rattaché à la masse protestante et alémanique du canton de Berne. Un mouvement s
547 ine, par exemple. 9. Jusqu’au 3 avril 1961, date à laquelle un amendement à la Constitution a autorisé les citoyens du D
548 qu’au 3 avril 1961, date à laquelle un amendement à la Constitution a autorisé les citoyens du District of Columbia à pre
549 n a autorisé les citoyens du District of Columbia à prendre part à l’élection présidentielle. f. Rougemont Denis de, « 
550 s citoyens du District of Columbia à prendre part à l’élection présidentielle. f. Rougemont Denis de, « Orientations ve
7 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
551 s et complexes. Les unes sont liées au progrès et à l’évolution de la psychologie moderne. L’émancipation de la femme, so
552 s. La recherche du bonheur individuel prime aussi à l’heure actuelle et très nettement, la stabilité sociale : les rois d
553 ses-là, causes aggravantes mais secondaires liées à une évolution irréversible de l’Occident, il y a une cause essentiell
554 nscient. Le mariage, en formant un obstacle idéal à l’amour (avec un autre naturellement), favorise cet amour-passion qui
555 . Pour la première fois, l’amour profane emprunte à l’amour sacré son vocabulaire. L’amour devient lui aussi une sorte de
556 e étant trop difficile, les cathares se bornaient à médire du mariage et à louer des formes d’amour plus ou moins platoni
557 les cathares se bornaient à médire du mariage et à louer des formes d’amour plus ou moins platoniques ! Les troubadours
558 ion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’ à la mesure des résistances qu’elle rencontre. Et c’est l’Europe cathol
559 i devait offrir les résistances les plus durables à l’épanouissement de l’amour courtois né sur les bords de la Méditerra
560 ées, la retenue imposée aux instincts, qui permet à l’attrait naturel de s’exalter, de devenir une passion. Et c’est le r
561 t un nouveau type de femme « idéale » est proposé à l’admiration des foules, disqualifiant automatiquement l’épouse, si e
562 utomatiquement l’épouse, si elle ne ressemble pas à la star. Ne peut-on quand même supposer que l’homme parvienne à se fi
563 peut-on quand même supposer que l’homme parvienne à se fixer sur un type, rencontre un jour son Iseut ? Admettons ! Il re
564 s commence une « passion » nouvelle. On s’ingénie à renouveler l’obstacle et le combat et voici les « ruses » d’une passi
565 ci les « ruses » d’une passion débile qui cherche à s’entretenir : jalousie désirée, provoquée, favorisée, non plus chez
566 tterie est alors un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le
567 core moins celle de votre couple. On arrive alors à cette conclusion : choisir un mari (ou une femme) pour toute la vie,
568 c’est parier. Et il serait beaucoup plus conforme à l’essence du mariage d’enseigner aux jeunes gens que leur choix — mêm
569 ours d’une sorte d’arbitraire dont ils s’engagent à assumer les suites heureuses ou non. La fidélité, alors, n’est plus u
570 nt être considéré comme une œuvre qu’on construit à deux et dont on tâche de faire une œuvre d’art. Cette fidélité-là, ce
571 ndu avec le sien. Cette fidélité résistera-t-elle à la passion, si elle la rencontre ? Un homme ne peut à la fois croire
572  ? Un homme ne peut à la fois croire au mariage — à la volonté — et à la passion — à la fatalité. On aime croire à une « 
573 t à la fois croire au mariage — à la volonté — et à la passion — à la fatalité. On aime croire à une « fatalité » — l’ali
574 ire au mariage — à la volonté — et à la passion — à la fatalité. On aime croire à une « fatalité » — l’alibi de la culpab
575 — et à la passion — à la fatalité. On aime croire à une « fatalité » — l’alibi de la culpabilité — mais de combien de com
576 c’est elle aussi qui le défie, l’anime, l’oblige à redevenir un choix vital et non pas une routine subie : la passion c’
577 essentielles bien que contradictoires. Ceci fait, à chacun de choisir et de prendre ses risques ! Condamner la passion en
578 intes qu’elle semble condamnée faute d’adversaire à sa taille) et nous irons tout droit vers une société sans surprise ni
579 d’aujourd’hui — les Derniers Mohicans de l’amour. À moins que cet ennui ne recrée alors la soif de quelque chose qui soit
580 les femmes ont tant de difficultés, actuellement, à réussir leur vie conjugale. En effet, tout le mal vient d’un monstrue
581 mal vient d’un monstrueux contresens qui consiste à fonder le mariage sur la passion, son ennemie intime. Or, si la passi
582 rdu pour qui veut comprendre ? Nous avons demandé à Denis de Rougemont de répondre à ces questions qui sont dans le cœur
583 us avons demandé à Denis de Rougemont de répondre à ces questions qui sont dans le cœur de toutes les femmes. »
8 1963, Articles divers (1963-1969). Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)
584 ques questions qui nous tenaient particulièrement à cœur. Lors de votre conférence : « La culture occidentale et les civi
585 llement de tels centres ? Nous nous sommes réunis à Genève, il y a trois ans pour discuter de ce problème dans le cadre d
586 e dans le cadre du Centre européen de la culture. À cette réunion, il a été décidé de former de tels centres, un peu part
587 unisie, pour le Maghreb arabe. Un autre se trouve à Madras, au sud de l’Inde, présidé par le Maharajah de Mysore. Un Cent
588 Maharajah de Mysore. Un Centre vient de se créer à Lagos, capitale du Nigéria, et l’on projette d’en créer deux autres,
589 ia, et l’on projette d’en créer deux autres, l’un à Dakar, pour les populations francophones, l’autre à Beyrouth, pour le
590 Dakar, pour les populations francophones, l’autre à Beyrouth, pour le Proche-Orient. Comment fonctionnent ces centres ? N
591 de grouper les centres existants, ainsi que ceux à créer par la suite, en une fédération ayant pour siège Genève. Nous e
592 pour siège Genève. Nous encourageons les centres à publier des ouvrages de base, traduits en plusieurs langues. Ces ouvr
593 vent constituer une synthèse de la culture propre à chaque pays ou continent. Notre civilisation technique est de plus en
594 pas tout seul. Il y a tout un travail d’éducation à effectuer. Sous ce rapport, il est intéressant de mentionner l’essor
595 ntretien a pris fin. Denis de Rougemont s’apprête à dédicacer quelques-uns de ses livres, parmi lesquels un ouvrage publi
9 1964, Articles divers (1963-1969). L’idée européenne en Suisse (1964)
596 Rousseau que « tous les États de l’Europe courent à leur ruine » faute d’un principe d’union, et que si leurs divisions p
597 ivisions persistent, l’avenir appartiendra « soit à la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la m
598 nt, l’avenir appartiendra « soit à la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle ouv
599 ives européennes, soit par son action personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos diverses nations se lient d’a
600 péen préfigure le régime qui triomphera, en 1848, à l’échelle suisse : « La variété, c’est de l’organisation : l’uniformi
601 une base et une finalité expressément européenne à la neutralité de la Suisse indépendante. Et tandis que se forment dan
602 ionalistes et coloniales, seule la Suisse réussit à unir ses cantons selon la maxime impériale, fédéraliste, européenne,
603 . Proudhon s’est peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typographe) en écrivant son grand livre
604 ntemporains, J. C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelberg, s’est inspiré directement de l’expérience fédéraliste sui
605 nismes de notre vie confédérale : il n’hésite pas à les proposer en modèle pour l’édification de l’Europe. Selon lui, la
606 thentiquement fédéraliste, qui lui paraît destiné à assurer un jour la paix en Europe. « Si cet idéal de l’avenir se réal
607 en 1875, la nationalité suisse devra s’incorporer à la communauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n’aura pas vé
608 s plus fécondes dont les constituants de l’Europe à venir puissent tenir compte. Au xxe siècle, c’est encore en Suisse,
609 ncontre internationale au lendemain de la guerre. À Hertenstein, en septembre 1946, des militants issus de la Résistance
610 n, rédigent une déclaration qui va servir de base à la création de l’Union européenne des fédéralistes. Celle-ci, qui gro
611 lus de 100 000 membres, tient son premier congrès à Montreux, en septembre 1947. Cette date peut être considérée comme le
612 ont le discours appelant les peuples du continent à former « une sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich un an pl
613 rmer « une sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich un an plus tôt. Cette idée aussitôt adoptée par les leaders de
614 aussitôt adoptée par les leaders de l’UEF conduit à la convocation du Congrès de l’Europe, qui se tient à La Haye au mois
615 convocation du Congrès de l’Europe, qui se tient à La Haye au mois de mai 1948. De La Haye naît le Mouvement européen, q
616 entre européen de la culture, celui-ci s’organise à Genève et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Laus
617 voque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne, au mois de décembre 1949. De la conférence de Lausanne et d
618 a conférence de Lausanne et de l’action du Centre à Genève, jusqu’à ce jour, vont naître successivement le Laboratoire eu
619 Lausanne et de l’action du Centre à Genève, jusqu’ à ce jour, vont naître successivement le Laboratoire européen de recher
620 r le thème « L’Europe et le monde » doit se tenir à Bâle (fin septembre 1964) sous le haut patronage du Conseil fédéral.
621 in au congrès de Montreux, du congrès de Montreux à celui de La Haye, puis à Strasbourg, d’où l’on débouche sur l’ensembl
622 , du congrès de Montreux à celui de La Haye, puis à Strasbourg, d’où l’on débouche sur l’ensemble complexe, en plein mouv
623 ujet du « pool charbon-acier », comme on appelait à l’époque la CECA : 1° qu’il n’était pas réalisable, 2° qu’il serait n
624 un peu gênante de rappeler que le premier passage à la frontière franco-allemande d’un train de charbon libre de droits d
625 téré (ou faut-il dire traditionnel ?) qui tendait à paralyser non seulement toute initiative de la Suisse, mais aussi l’i
626 rdive aux yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE fut accueillie avec méfiance par la presse moyenne de la Suiss
627 itique étrangère de la Confédération »15. Adhérer à l’union européenne serait contraire à cette neutralité. La Suisse rec
628 15. Adhérer à l’union européenne serait contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pouvoir extérie
629 que la Suisse prenne la moindre initiative visant à l’union européenne au plan politique. Elle ne pourrait qu’y perdre so
630 guments constitutionnels. — Si la Suisse adhérait à une union supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulgue
631 n supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des cantons
632 s directives « européennes ». Ce serait contraire à notre Constitution. Ce serait même la fin de notre fédéralisme et de
633 lisme et de la démocratie directe, n’hésitent pas à déclarer de nombreux politiciens et journalistes. Arguments économiq
634 en réussi jusqu’ici sans subordonner son économie à celle d’un groupe de nations européennes. Elle tient à garder libres
635 le d’un groupe de nations européennes. Elle tient à garder libres ses échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’as
636 urope unie « une politique d’unification qui vise à mêler les peuples d’Europe pour éliminer peu à peu les caractéristiqu
637 peuples de l’Europe. Si notre neutralité s’oppose à l’union, il faut en réviser les termes, comme d’ailleurs la Suisse l’
638 onstances politiques intérieures l’ont contrainte à se retirer du jeu des puissances militaires. La neutralité n’a jamais
639 « prolongement politique » — pour rester neutres à tout prix — serait « illusoire » (F. Wahlen, président de la Confédér
640 nue en partie fictive. La Suisse doit donc tendre à participer « sans réserve et de plein droit » à l’édification de l’Eu
641 e à participer « sans réserve et de plein droit » à l’édification de l’Europe unie. Sinon, l’Europe qui se fera sans elle
642 s nous aurons perdu le droit de nous en plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’il est vrai que notre neutralit
643 nuerait très fortement les chances de leur retour à l’avenir ; 2° que la neutralité suisse, en s’absolutisant jusqu’à dev
644 que la neutralité suisse, en s’absolutisant jusqu’ à devenir tabou — traître est celui qui ose la discuter — a changé de n
645 ces garantirent en 1815. Si elle en vient un jour à s’opposer aux intérêts de l’Europe entière, on s’apercevra qu’elle a
646 anthropiques pourraient être opposées sincèrement à cette thèse de simple bon sens. Arguments constitutionnels. — Le pro
647 ne manière magistrale que l’adhésion de la Suisse à une organisation européenne telle que la CEE ne serait pas incompatib
648 itution actuelle. Si, dit-il, la Suisse se refuse à entrer sans réserve dans le Marché commun, elle ne saurait justifier
649 te du monde. De nos exportations, deux tiers vont à l’Europe. Il est vrai que notre balance commerciale reste déficitaire
650 il faut avouer que ces chiffres ne suffisent pas à justifier notre refus de participer au Marché commun, et encore moins
651 arché commun, et encore moins notre participation à l’AELE ! La Suisse est si peu indépendante de l’Europe que l’immigrat
652 immigration de main-d’œuvre européenne nécessaire à l’expansion de notre économie a dû passer de 90 000 personnes en 1950
653 résolution farouche, que nous pourrons faire face à une Europe unie, — j’entends unie sans nous et malgré nous. Argument
654 ra-t-elle ? Voilà qui dépend de nous aussi. C’est à nous de faire valoir dans les conseils qui élaborent l’Europe future
655 « mêler les peuples d’Europe ». Je rappelais tout à l’heure qu’il y a aujourd’hui plus de 800 000 travailleurs étrangers
656 s de laquelle le délégué du Vorort n’est pas tout à fait étranger. Si M. Homberger croit vraiment que le mélange des peup
657 ouvement d’union européenne. De nos jours encore, à l’étranger, le nom de la Suisse évoque des vaches et des vachers, des
658 polis qui menace de couvrir le Plateau, de Genève à Romanshorn, avant la fin du siècle, quand la population aura doublé.
659 ou non dans le Marché commun n’y changera rien. ( À moins que notre isolement n’entraîne un retour à la misère naturelle
660 (À moins que notre isolement n’entraîne un retour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’est pas la Suisse de Morgar
661 econde moitié du xxe siècle. Refuser de coopérer à l’édification de l’Europe unie, sous prétexte de sauvegarder des « ca
662 moyen de sauver la Suisse réelle. Ou c’est courir à l’aventure certaine, au nom d’une prudence aveugle, et sous le prétex
663 t notre peuple n’est pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant les termes du débat que l’idée
664 voire peu suisse. Mais je sens deux autres motifs à cette espèce d’embarras. Ceux qui se réclament très haut de nos tradi
665 hances d’être écoutés s’ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, dans la Suisse moderne, un crime de lès
666 i voudraient que la Suisse renonce sans condition à toute idée de neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie — est que
667 r — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressément fédéraliste, qui renoncerai
668 de type expressément fédéraliste, qui renoncerait à la guerre comme moyen politique. Une telle Europe reprendrait à son c
669 mme moyen politique. Une telle Europe reprendrait à son compte ce qui demeure valable et même indispensable dans la neutr
670 Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit
671 ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre d’une Suisse qui fai
672 que cette fameuse neutralité, — nécessité subie, à l’origine et dont nous fîmes peu à peu vertu à partir du xixe siècle
673 e, à l’origine et dont nous fîmes peu à peu vertu à partir du xixe siècle ; nous avons réussi notre fédéralisme ! Contra
674 ralisme ! Contrairement à la neutralité, il tient à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous o
675 de la Suisse moderne, laquelle ne saurait croire à la seule force comme accoucheuse des sociétés, et gardera toujours un
676 gardera toujours un œil sur la neutralité étendue à l’Europe. Aux deux solutions en présence, à l’échelle du continent :
677 endue à l’Europe. Aux deux solutions en présence, à l’échelle du continent : sacrifier les patries à l’union, ou sacrifie
678 à l’échelle du continent : sacrifier les patries à l’union, ou sacrifier l’union aux égoïsmes qu’on déguise en patriotis
679 qui ennuie et pratique négative, quand nous avons à proposer une expérience passionnante, remarquablement positive et tel
680 , remarquablement positive et tellement opportune à l’échelle mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’est pas f
681 défense, mais parce que nous avons quelque chose à donner. Je veux le croire avec Victor Hugo : La Suisse dans l’histoi
682 ralité suisse, 1946, p. 9 : L’auteur n’hésite pas à parler « d’introversion politique » (p. 7) à propos de l’attitude de
683 e 25 novembre 1962. M. Miéville précise : « Quant à la neutralité, son rôle a été nul dans la création de la Confédératio
10 1964, Articles divers (1963-1969). Les arts dans la vie en Suisse (1964)
684 sent mutuellement. L’un voudra se faire connaître à Zurich, puis à Munich, Vienne et Berlin, et l’autre d’abord à Paris.
685 nt. L’un voudra se faire connaître à Zurich, puis à Munich, Vienne et Berlin, et l’autre d’abord à Paris. Tous deux fort
686 is à Munich, Vienne et Berlin, et l’autre d’abord à Paris. Tous deux fort attachés à leurs institutions, tous deux bien c
687 l’autre d’abord à Paris. Tous deux fort attachés à leurs institutions, tous deux bien contents d’être suisses, ils ne se
688 jamais et n’entendront parler l’un de l’autre qu’ à l’occasion de leurs éventuels succès… à l’étranger ! D’autre part, le
689 ’autre qu’à l’occasion de leurs éventuels succès… à l’étranger ! D’autre part, les vertus civiques sans lesquelles une so
690 ts, cette turbulence intellectuelle indispensable à l’essor d’une carrière prestigieuse ou d’une école qui impose un styl
691 leur personnalité, la Suisse se verrait condamnée à ne produire que des œuvres moyennes ou d’intérêt purement local et fo
692 chacun de ses petits États prétendait se suffire à soi-même. Mais fédérés politiquement pour leur bonheur et leur sécuri
693 gardent le privilège de participer de plein droit à des ensembles bien plus vastes que la Suisse : culture germanique ou
694 dit-il de la Suisse. « Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors, pas de milieu, ils atteignent à l’
695 eur canton — alors, pas de milieu, ils atteignent à l’universel. Au fond de son trou, l’homme de Disentis, de Goeschenen,
696 l’Europe. » C’est ainsi que les Suisses ont donné à l’Europe plusieurs des plus grands noms du xxe siècle : Ferdinand de
697 rock. Ce palmarès plus qu’honorable ne suffit pas à définir un style ni une école particulière, mais il suppose un climat
698 ulture d’une densité probablement très supérieure à celle qu’on pourrait mesurer dans n’importe quelle tranche de cinq à
699 ait mesurer dans n’importe quelle tranche de cinq à six millions d’habitants d’un très grand pays. Or, dans le domaine de
700 sité pour 750 000 habitants, contre une pour deux à trois millions dans les autres pays d’Europe. Faut-il mettre ces chif
701 iences par million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1961 — et qui atteint le maximum de 2,62 pour la Suisse, l’indice du
702 ’en nourrir, au lieu de s’y laisser dissoudre une à une. La santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc lié
703 , qui n’est pas l’esprit de clocher, ni l’abandon à l’uniformité imposée par une mode étrangère. Cette condition de la cu
704 Ils y verront peut-être une préfigure de l’Europe à venir, cherchant l’union de ses peuples au bénéfice de leurs fécondes
11 1964, Articles divers (1963-1969). De la marche / De l’échec (1964)
705 amer m’occupait entièrement le cœur, je trouvais à l’armée ce que d’autres vont demander à une retraite conventuelle. Ce
706 trouvais à l’armée ce que d’autres vont demander à une retraite conventuelle. Cette circonstance peut expliquer pourquoi
707 ous fera tous crever avec ses manies », disait-on à mi-voix quand passait le colonel, toujours suivi d’un grand chien bla
708 amion ou en train et que ces marches ne servaient à rien… Pour ma part, j’observais que le colonel prenait grand soin de
709 s déprimées par l’époque, et pourtant nécessaires à l’homme complet. Quoi qu’il en soit d’ailleurs de sa philosophie, j’a
710 e croire qu’en imposant cette épreuve « inutile » à notre école, il poursuivait un but précis. Il voulait nous laisser le
711 ons que devait illustrer l’entreprise. Au départ, à cinq heures du matin, dans la cour froide de la caserne de Fribourg,
712 ous marchions sur une route asphaltée, — une file à gauche, une file à droite — notre vieux colonel en tête, maigre silho
713 ne route asphaltée, — une file à gauche, une file à droite — notre vieux colonel en tête, maigre silhouette aux jambes de
714 infimes et insensibles au départ, qui se révèlent à longueur de marche, causant d’abord une légère irritation, puis une b
715 itation, puis une blessure, et forçant finalement à l’abandon de la course, si l’on n’y a pas pris garde au premier signe
716 maintenant vers le lac Noir. Une auberge blanche à toit rouge, dans un jardin au bord de l’eau, marquait la fin de la pr
717 on part pour une marche de cinq heures, on se met à traîner les pieds après la troisième heure, et les dernières sont dur
718 nières sont dures. Mais si le corps s’est disposé à fournir un effort de trente-trois heures, les cinq premières n’étant
719 inairement insoupçonnées par celui qui se bornait à de courtes visées. Elles étaient là, ces forces, à portée de la main
720 de courtes visées. Elles étaient là, ces forces, à portée de la main mais endormies, laissant vaquer aux petits travaux
721 c ce matin-là comme si l’appel du but avait suffi à nous donner les moyens d’y répondre. Et je ne dis pas que l’entraînem
722 nions de couvrir une étape de 25 kilomètres. Mais à son tour, cet entraînement n’avait été reçu et surmonté qu’en vue de
723 ’hui, repassant ces souvenirs, je me laisse aller à comparer notre première étape à la Jeunesse. Car la vraie force d’un
724 e me laisse aller à comparer notre première étape à la Jeunesse. Car la vraie force d’un homme jeune ne vient-elle pas de
725 vision. Beaucoup choisissent alors de se réduire à des objectifs accessibles. Et aussitôt, les forces en réserve — à l’a
726 accessibles. Et aussitôt, les forces en réserve — à l’arrière, mais pour l’avenir — marquent un temps d’hésitation : c’es
727 les, et c’est vieillir. Il faudrait au contraire, à ce point, oser voir plus grand et plus loin ; d’où peut naître une se
728 animale ! Nous gravissions maintenant les flancs à l’herbe rase d’une montagne en forme de lion couché. Je me souviens d
729 e mètres plus bas, pour la remonter ensuite jusqu’ à son origine, se dressait la paroi des Alpes. La descente paraît au no
730 ait largement les croupes des alpages, et donnait à ce haut désert sa réalité la plus dure, ses dimensions les moins trom
731 riété de ses plans lumineux virant très lentement à mesure que nous descendions, occupaient constamment nos regards. Notr
732 rds. Notre marche en était comme allégée, réduite à si peu de chose tout au bas du spectacle… Nous découvrîmes dans la di
733 s couronnant un grand cirque d’éboulis rutilants. À notre vue, ou peut-être à nos cris, on eût dit qu’une vague électriqu
734 ue d’éboulis rutilants. À notre vue, ou peut-être à nos cris, on eût dit qu’une vague électrique parcourait le troupeau d
735 ur place comme une houle, puis se mit tout entier à courir, par grands bonds et zigzags nerveux entre les blocs ; soudain
736 s ; soudain s’arrêta pour brouter ; puis repartit à angle droit, au petit trot, et coula derrière une crête. La peur et l
737 ait… Si l’on nous avait dit : « Plus qu’une heure à marcher », je pense que la plupart auraient flanché pendant cette éta
738 par quatre, puis de se mettre au pas de manœuvre à l’entrée de la rue principale. Tout dormait. La saison d’été avait pr
739 e vais éternuer, et je ne puis pas. Je me prépare à soulever une caisse très lourde, et elle est vide. Le savant qui pour
740 it l’expérience du Néant… Dans tous les ordres et à tous les degrés, la déception de l’effort, de l’élan, du désir, est u
741 l’élan, du désir, est une épreuve plus difficile à surmonter, parfois, que l’obstacle lui-même, si grand soit-il. À la L
742 rfois, que l’obstacle lui-même, si grand soit-il. À la Lenk, cette nuit-là, j’eus un accès de fièvre qui me tint éveillé
743 ur de commander la classe et je dus faire l’appel à sept heures du matin, au garde à vous, sur le quai de la gare — je ne
744 us faire l’appel à sept heures du matin, au garde à vous, sur le quai de la gare — je ne sais si j’eusse évité cette débâ
745 le moment où l’élan s’est déjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’une moitié de l’art de vivre.
746 ’élan s’est déjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’une moitié de l’art de vivre. Mais apprendre
747 e qu’une moitié de l’art de vivre. Mais apprendre à ne pas réussir jusqu’au bout, à s’arrêter ou à subir l’arrêt, voilà l
748 e. Mais apprendre à ne pas réussir jusqu’au bout, à s’arrêter ou à subir l’arrêt, voilà l’autre moitié, non moins féconde
749 re à ne pas réussir jusqu’au bout, à s’arrêter ou à subir l’arrêt, voilà l’autre moitié, non moins féconde. Car dans le m
750 en somme la durée même de l’Histoire. Et malheur à celui qui n’est pas prêt à tirer son bien de ce mal ! Malheur à celui
751 est pas prêt à tirer son bien de ce mal ! Malheur à celui qui exigerait de réussir pour persévérer, après n’avoir entrepr
752 précision suivante : « Extrait de l’introduction à un essai philosophique inédit : La Morale du But . »
12 1964, Articles divers (1963-1969). Le sentier perdu (1964)
753 r la terre ? On le penserait devant ces tableaux, à cause du sentiment de libération que procurent leurs déserts à ravir,
754 ntiment de libération que procurent leurs déserts à ravir, comme si l’étonnement et l’angoisse, en fin de compte, pouvaie
755 rent sans doute dans mon souvenir visuel, ajoutés à des verts bien drus, des jaunes blonds et certains noirs assez féroce
756 es jaunes blonds et certains noirs assez féroces, à la Braque. Et cette curieuse bipartition de mainte toile par un éclai
13 1965, Articles divers (1963-1969). La technique, facteur de paix (6 mars 1965)
757 éonique. Une prudence élémentaire m’incitera donc à ne point vous parler de la technique elle-même mais seulement de son
758 lisation. Disons, symboliquement, que l’éclairage à l’électricité étant donné, je m’interroge sur ses avantages et ses dé
759 veaux ou justes. Faute de quoi, je me vois réduit à poser quelques grandes questions des plus naïves, et qui ne portent p
760 de machines, de turbines ou même de canons, jusqu’ à ces toutes dernières décennies, et n’y auraient pas songé d’elles-mêm
761 ns la psyché occidentale ? J’ai tenté de répondre à ces questions dans un livre intitulé L’Aventure occidentale de l’hom
762 e occidentale de l’homme , et je me suis vu amené à établir une chaîne continue sinon de causes et d’effets, du moins d’a
763 es recherches plutôt que d’autres, recherches qui à leur tour devaient conduire à certaines découvertes plutôt qu’à d’aut
764 res, recherches qui à leur tour devaient conduire à certaines découvertes plutôt qu’à d’autres, — chaîne continue qui va
765 vaient conduire à certaines découvertes plutôt qu’ à d’autres, — chaîne continue qui va des grands conciles des ive et ve
766 les, comme ceux de Nicée et de Chalcédoine, jusqu’ à la bombe atomique. Voilà qui peut surprendre, mais qui est en somme t
767 e de Maya que tout l’effort spirituel doit tendre à dissiper, comme le veulent les religions brahmanique et bouddhiste. L
768 de la servitude de la corruption… pour avoir part à la liberté de l’Esprit. » Il y a là un programme grandiose d’action s
769 mme grandiose d’action sur le cosmos, qui s’offre à l’homme en tant que spirituel, précisément. Programme grandiose, prat
770 cience possible et qui va donner bonne conscience à la recherche appliquée non plus à l’esprit seul, absolu et impersonne
771 onne conscience à la recherche appliquée non plus à l’esprit seul, absolu et impersonnel, comme en Inde, ou aux esprits s
772 comme dans la magie africaine, mais aux corps et à la matière et à toute la Nature naturée — Nature à laquelle il ne s’a
773 agie africaine, mais aux corps et à la matière et à toute la Nature naturée — Nature à laquelle il ne s’agit plus de se c
774 la matière et à toute la Nature naturée — Nature à laquelle il ne s’agit plus de se conformer, mais qu’il faut au contra
775 chrétienne d’un Dieu incarné, qui appelle l’homme à la liberté dans sa condition concrète et non dans l’évasion mystique,
776 c’est-à-dire avec des explosions de passions tout à fait naturelles et païennes, plutôt qu’avec les développements de la
777 des menuisiers. Cet artisanat primitif correspond à la guerre entre communes et fiefs. Avec le canon puis le fusil appara
778 puis le fusil apparaissent les guerres de peuple à peuple, puis de nation à nation. Ce type d’armement s’accroît quantit
779 nt les guerres de peuple à peuple, puis de nation à nation. Ce type d’armement s’accroît quantitativement avec la premièr
780 la première révolution industrielle, qui aboutit à la Materialschlacht de Verdun. La fin de la guerre de 14-18 voit inte
781 isée au service des États, a dû se borner en fait à chercher des ripostes à l’emploi de ces armes, et non pas les moyens
782 s, a dû se borner en fait à chercher des ripostes à l’emploi de ces armes, et non pas les moyens de les éliminer ou de le
783 coup bloqué ce processus d’interaction conduisant à des destructions toujours plus étendues. La bombe A, puis la bombe H,
784 les ont rendu leur emploi pratiquement impossible à grande échelle, depuis près d’une vingtaine d’années. L’immense utili
785 une sorte de point mort de la guerre, qui permet à la paix de durer tant bien que mal, et c’est ce que l’on a baptisé l’
786 dre sur ce terme de peur. Je pense bien moins ici à la peur des masses et des individus dont on parle tant, peur d’une es
787 ace atomique qu’aux États-Unis, il y a trois ans, à une époque où toute la presse parlait de la construction d’abris anti
788 s peuples qui s’opposerait — on ne sait comment — à un conflit atomique, que sur une crainte bien raisonnée, basée sur de
789 mystifie les passions politiques. C’est donc bien à la technique, en dernière analyse, que nous devons ce blocage de la g
790 atomiques ne seraient guère utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop près les uns des autres, et celu
791 armes d’une puissance folle nous laissent en fait à la merci d’une saute de vent. Mais si l’on peut admettre que la techn
792 s si l’on peut admettre que la technique a réussi à pacifier l’Europe en désarmant et jugulant pratiquement ses passions
793 e dans le reste du monde ? Ici, le tableau change à vue. C’est la technique née en Europe, dans le contexte spirituel et
794 ontexte spirituel et culturel que j’évoquais tout à l’heure, qui a mis en relation les divers continents et qui a révélé
795 en relation les divers continents et qui a révélé à leurs peuples l’existence d’autres civilisations, à certains égards p
796 leurs peuples l’existence d’autres civilisations, à certains égards plus développées, en tout cas plus prospères. C’est l
797 eur sort précaire et notre sort prospère s’impose à eux et suscite leur envie, leur jalousie. Ils prennent conscience d’u
798 ande nation ayant la bombe les regroupe et se met à leur tête. Que peut faire l’Occident, pour éviter ce désastre qui ser
799 ifs de nos capitaux réunis arriveraient peut-être à couvrir au maximum un sixième de la demande actuelle du tiers-monde,
800 tte demande aura au moins doublé d’ici vingt ans. À supposer même que notre science découvre les moyens de créer des alim
801 tirés de l’air et de l’eau, et qu’elle réussisse à nourrir des dizaines de milliards d’humains, ceux-ci seront obligés d
802 d’énormes problèmes, qu’une conférence prochaine, à Bâle, sur le thème « L’Europe et le monde », essaiera de poser claire
803 lairement, sinon de résoudre.) Je suis donc amené à formuler la thèse suivante : la technique, en principe, n’est pas plu
804 tout pas trop vite », écrivait une mère angoissée à son fils aviateur en 1915.) Mais de cette Première Guerre mondiale so
805 éalisation par Fermi et Oppenheimer qui a mis fin à cette guerre le 5 août 1945, à Hiroshima. Voilà donc la technique exo
806 imer qui a mis fin à cette guerre le 5 août 1945, à Hiroshima. Voilà donc la technique exonérée historiquement, et de la
807 re fauteuse de guerre. Par rapport à la guerre et à la paix, la technique n’est pas un facteur indifférent, mais bien amb
808 encore la vraie paix. Celle-ci ne peut naître qu’ à la faveur d’un équilibre qui ne soit pas celui de la terreur, mais de
809 es différentes. La technique peut-elle contribuer à établir et enrichir cet équilibre ? Ou au contraire, comme on a tenda
810 équilibre ? Ou au contraire, comme on a tendance à le croire dans nos élites humanistes, serait-elle un facteur de déshu
811 , domestiquées, mécanisées, canalisées du berceau à la tombe, et soumises aux seules lois de la production de série, cond
812 estion de savoir si la technique favorise ou tend à détruire l’équilibre entre l’homme et la Nature, ma réponse est égale
813 nsisté dès les origines les plus reculées non pas à inventer des gadgets, mais à transformer la Nature pour la mettre au
814 lus reculées non pas à inventer des gadgets, mais à transformer la Nature pour la mettre au service de l’homme et de ses
815 tuplant la force de nos bras, et reculant presque à l’infini cosmique et microscopique les limites de perception de nos s
816 synthétiques, aux anesthésiques et antibiotiques, à la victoire sur la distance géographique et à la vision instantanée d
817 es, à la victoire sur la distance géographique et à la vision instantanée de tout ce qui arrive d’important sur la terre.
818 la terre. Déjà nous vivons dans un cadre plus qu’ à moitié artificiel. J’ai habité quelques années à New York dans un pay
819 ’à moitié artificiel. J’ai habité quelques années à New York dans un paysage urbain d’une grande complexité, où la Nature
820 vrai dans une époque où Paris, grâce aux trains, à l’auto, à l’avion, se vide à moitié sur les plages pendant l’été. Et
821 une époque où Paris, grâce aux trains, à l’auto, à l’avion, se vide à moitié sur les plages pendant l’été. Et je mets en
822 s, grâce aux trains, à l’auto, à l’avion, se vide à moitié sur les plages pendant l’été. Et je mets en fait que la jeunes
823 cle signifiait fumée noire, murs noircis, travail à la chaîne et ouvriers esclaves de la machine ; elle peut et doit sign
824 ombe atomique, ou si un jour, prochain peut-être, à la suite d’une erreur fatale commise au Pentagone ou au Kremlin, voir
825 fatale commise au Pentagone ou au Kremlin, voire à l’Élysée, la bombe nous anéantira… Ces questions sont très populaires
826 ulement dans notre presse et chez les publicistes à grand tirage, mais chez les écrivains et philosophes les plus sérieux
827 e sur une illusion enfantine : celle qui consiste à battre la table à laquelle on s’est heurté. La technique n’est pas un
828 enfantine : celle qui consiste à battre la table à laquelle on s’est heurté. La technique n’est pas une puissance indépe
829 eul l’homme peut l’être, quand il se laisse aller à ses instincts abâtardis ou quand il se laisse dominer par ses propres
830 ’histoire des grandes inventions, de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’est pas l’histoire de « besoins » qui a
831 à-dire un véhicule rapide qui ne fût pas astreint à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et ses horaires, mais pût
832 « voies ferrées » et ses horaires, mais pût aller à l’aventure : phantasme typique de l’adolescence. Le jeune Ford le réa
833 s après que l’Allemand Otto eut inventé le moteur à explosion interne. On n’ignore pas d’ailleurs que des dizaines d’ingé
834 tte invention n’était certes pas la mieux adaptée à ses fins, ni la mieux calculée pour répondre à des besoins pratiques,
835 ée à ses fins, ni la mieux calculée pour répondre à des besoins pratiques, utilitaires : on le voit bien aujourd’hui, dan
836 gon, je lis, je dors, je mange et je puis méditer à loisir. À mon volant, rien de pareil : tout ce que je peux lire, ce s
837 s, je dors, je mange et je puis méditer à loisir. À mon volant, rien de pareil : tout ce que je peux lire, ce sont des ch
838 ur l’homme et sur la société. Tout ce que j’avais à vous dire aujourd’hui se résume en propositions d’une extrême simplic
839 oduit le danger atomique ou voudrait nous réduire à l’état de robots, elle ne mérite en vérité ni cet excès d’honneur ni
840 le de procédés ingénieux et utilitaires, destinés à nous faciliter la vie, mais voilà que tout d’un coup, par une inexpli
841 jours, obsédée d’efficacité immédiate et rentable à court terme, pour la défense militaire, l’économie, l’hygiène ou le s
842 is aussi des techniques chimiques et biologiques) à nous interroger sur le meilleur usage des pouvoirs inouïs qui sont de
843 non, c’est la technique elle-même qui nous oblige à reconsidérer d’une manière tout à fait concrète la question des vraie
844 qui nous oblige à reconsidérer d’une manière tout à fait concrète la question des vraies fins de notre vie et de la vraie
14 1965, Articles divers (1963-1969). La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)
845 ient que certaines apparences, mais qui suffisent à remplir les hôtels. Pourtant la Suisse est autre chose, qu’on ne voit
846 les Suisses n’ont rien inventé à part la pendule à coucou mais c’est chez eux que l’on trouve la plus forte densité de p
847 re de cette galaxie de génies qui va de Paracelse à C. G. Jung, en passant par Euler, les Bernouilli, Rousseau, Burckhard
848 ut dire mieux, sur ce continent ? Il n’empêche qu’ à Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses et on le
849 ieux, sur ce continent ? Il n’empêche qu’à Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses et on les jalouse
850 continent ? Il n’empêche qu’à Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses et on les jalouse un peu, comm
851 du premier vers au second, c’est passer du cliché à l’utopie, et de la patrie d’un Guillaume Tell qui n’exista jamais que
852 llaume Tell qui n’exista jamais que dans le mythe à une Europe fédérée qui par malheur n’existe encore que dans l’espoir.
853 simplement les gens les plus heureux de la Terre. À la question : « D’une manière générale, diriez-vous que vous êtes trè
854 très heureux, ce qui ne laisse guère de place qu’ à 1 % de révoltés ou de désespérés. Ce phénomène mérite la plus grande
855 lieu du xx e siècle, un peuple à peu près unanime à s’estimer et à se dire heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ?
856 ècle, un peuple à peu près unanime à s’estimer et à se dire heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ? Et ses recette
857 té impériale, qui signifiait le droit de se régir à leur manière, sans dépendre des comtes voisins. À cette première alli
858 à leur manière, sans dépendre des comtes voisins. À cette première alliance — un traité en due forme qui ne fut certes pa
859 ière des « ligues suisses ». Elle aboutit en 1815 à une espèce de confédération insuffisante. Privée de tout pouvoir supr
860 tés. Et ses vingt-deux petits États n’ont délégué à un pouvoir central une certaine part de leur indépendance que pour mi
861 lus obligatoirement protestant parce qu’on est né à Genève ou dans le canton de Berne, ni catholique parce que lucernois
862 surplus près de Genève, où je dirige un institut à vocation internationale, ma liberté résulte et se nourrit de ces appa
863 Un jodleur d’Appenzell avec son disque de laiton à l’oreille, sa piété catholique, son patois médiéval, s’il rencontrait
864 principes et ses complexes, ils n’auraient guère à se dire et pas de langage commun. Mais ils savent bien qu’ils font pa
865 e vivre chacun selon son style et de se gouverner à sa façon. Cela suffit, c’est l’essentiel, le reste est idéologie. Ave
866 idéologie. Avec tout cela, je crois avoir plus qu’ à moitié répondu à la seconde question, celle de savoir si les recettes
867 out cela, je crois avoir plus qu’à moitié répondu à la seconde question, celle de savoir si les recettes du bonheur suiss
868 i les recettes du bonheur suisse sont applicables à l’échelle de l’Europe. En effet, si le problème européen est d’accord
869 , pauvres ou riches, petits ou grands, bref, tout à fait semblables par leur variété même aux vingt-deux petits États sui
870 raison sérieuse qui empêcherait qu’on l’applique à l’échelle continentale. On me dira : la Suisse est petite, l’Europe e
871 s sont grandes. Comment oseriez-vous les comparer à l’un de vos aimables cantons ? Eh bien, je n’ai pas ce courage, ou ce
872 te témérité. Je n’essaie pas d’égaler le médiocre à l’auguste. Je ne compare que des rapports et constate qu’entre la Fra
873 la Belgique ou l’Irlande, le rapport est analogue à celui qui existe entre les cantons de Zurich et de Zoug ou de Glaris.
874 armoniser les relations entre des cantons inégaux à tant d’égards, pourrait rendre les mêmes services dans le cas de nati
875 fédérée. En 1848, il fallait deux ou trois jours à un député de Genève ou des Grisons pour se rendre à la Diète fédérale
876 un député de Genève ou des Grisons pour se rendre à la Diète fédérale de Berne, et autant pour obtenir des instructions d
877 En 1965, un député de Stockholm ou d’Athènes est à quelques heures de Bruxelles ou de Strasbourg, et à portée de voix de
878 quelques heures de Bruxelles ou de Strasbourg, et à portée de voix de ses ministres. Oui, la Suisse est la seule maquette
879 et prospectif : vous verrez que tout y correspond à quelque chose qui pourrait très bien être l’avenir commun de nos nati
15 1966, Articles divers (1963-1969). Un libéral engagé (1966)
880 6)t Palais du Trocadéro (vers 1934 ?). — Face à une salle en plein tumulte où les Croix-de-Feu se bagarraient et hurl
881 de calme, et soudain un homme assez petit bondir à la tribune, tournant à droite et à gauche un profil agressif et spiri
882 n homme assez petit bondir à la tribune, tournant à droite et à gauche un profil agressif et spirituel, cravate rouge en
883 z petit bondir à la tribune, tournant à droite et à gauche un profil agressif et spirituel, cravate rouge en bataille, in
884 amusait beaucoup. « C’est l’ambassadeur d’Espagne à Paris », me dit Robert de Traz, qui m’avait amené sur la scène où une
885 enchée, errait entre les rangs, cherchant un sens à tout cela.) De Traz me présenta à l’orateur quand nous sortîmes, tand
886 erchant un sens à tout cela.) De Traz me présenta à l’orateur quand nous sortîmes, tandis qu’on se battait encore du part
887 is la liberté de ton du représentant de l’Espagne à Paris. — Eh bien, fit-il, je trouve qu’un ambassadeur, ça doit savoir
888 euler le monde ! Et nous allâmes prendre un verre à son hôtel. Une dame survint : « — Excellence, vous avez été superbe !
889 ia. L’accès de l’instruction devrait être réservé à ceux-là seuls qui prouveraient qu’ils ne peuvent pas vivre sans elle.
890 ministre de l’Éducation. Le Cabinet n’a pas tardé à démissionner pour se reformer deux jours plus tard avec les mêmes sau
891 ’Europe, de ce qu’il faut faire pour son union. ⁂ À Royaumont, le 4 avril 1948, au terme d’une des dernières réunions con
892 au terme d’une des dernières réunions consacrées à la préparation du Congrès de l’Europe (qui allait se tenir à La Haye
893 ation du Congrès de l’Europe (qui allait se tenir à La Haye dès le 8 mai), comme on cherchait à qui offrir la présidence
894 tenir à La Haye dès le 8 mai), comme on cherchait à qui offrir la présidence de la section culturelle dont j’étais le rap
895 aga. Il se peut que dans mon esprit se soit opéré à ce moment-là une complexe synthèse instantanée des souvenirs de mes d
896 nols et aussi de la Sacred Giraffe. Pour présider à une affaire qui mettait en jeu des composantes aussi désespérément hé
897 ticulière et qui leur méritait un traitement tout à fait exceptionnel, il ne fallait ni un doctrinaire ni un journaliste,
898 d’un militant, un historien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un idéaliste non exempt de cynisme pour avoir fréqu
899 qui eût un peu le sens du paradoxe… Je me bornai à faire état de ses titres d’ancien ministre et de professeur à Oxford,
900 de ses titres d’ancien ministre et de professeur à Oxford, et l’on me chargea de prendre contact. À ma lettre, il répond
901 à Oxford, et l’on me chargea de prendre contact. À ma lettre, il répondit vite : « Je vous consacrerai volontiers un tem
902 d’intellectuels (écrivains, artistes et savants) à militer par un peu plus qu’une signature au bas d’un manifeste, Don S
903 imer, sinon l’action la mieux conçue va somnoler. À Paris, dans ce rez-de-chaussée de l’avenue d’Iéna, où siégera souvent
904 tre européen de la culture et le Collège d’Europe à Bruges), on ne s’ennuie pas, parce que le président nous donne l’impr
905 porter un chapeau ! » Bien peu d’hommes ont donné à la cause de l’Europe, cause commune s’il en fût, un temps qui du même
906 en fût, un temps qui du même coup devait manquer à ce qu’on nomme leur œuvre personnelle, et de ceux-là, nul ne l’a fait
907 spagnol, comme on ne l’est plus. Je l’ai entendu, à Bombay, prétendre que l’Espagne, c’est l’Inde de l’Europe, ou que l’I
908 e, ou que l’Inde est l’Espagne de l’Asie. C’était à se demander si l’on pouvait encore distinguer un Maharati ou un Gujer
909 mophone ! » Quelques années plus tard, nous voici à Paris, salle Pleyel, avec William Faulkner, Wystan Auden et André Mal
910 c William Faulkner, Wystan Auden et André Malraux à la table des orateurs, que je préside, tandis qu’une quarantaine d’éc
911 , c’est-à-dire de gauche, n’aime pas qu’on touche à sa Révolution, qu’on lui rappelle qu’une révolution violente, après t
912 ingt ans ce meeting de la salle Pleyel fasse écho à mes souvenirs de celui du Trocadéro, mais dans un registre plus grave
913 ave : le combatif ambassadeur et l’orateur habile à syncoper le pathétique et l’espièglerie polémique ne se laissaient pa
914 s oublier, mais ce qui désormais donnait autorité à la pensée de Madariaga, ce n’était pas le rang, le brillant, le brio,
915 rrière d’opposant exilé, un sort inverse est échu à notre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les périls et surmonté l’amer
16 1967, Articles divers (1963-1969). Au-delà des nations (1967)
916 chat sera fait au même compte. Lorsqu’il ouvrit à Vienne en 1927 le premier congrès du mouvement paneuropéen, le comte
917 unauté des intérêts devait paver le chemin menant à la Communauté politique ». Il marquait ainsi le passage de l’Idée à l
918 litique ». Il marquait ainsi le passage de l’Idée à l’Action européennes, en continuité historique, et il inaugurait la s
919 ean Monnet. En septembre 1930, la France présente à la SDN un Memorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale
920 là pour la première fois : il est donc dû non pas à un politicien et encore moins à un économiste, mais à un grand poète,
921 t donc dû non pas à un politicien et encore moins à un économiste, mais à un grand poète, Saint-John Perse — qui sera pri
922 politicien et encore moins à un économiste, mais à un grand poète, Saint-John Perse — qui sera prix Nobel — pseudonyme d
923 , Rome, Westminster, Lausanne, Bruxelles, de 1947 à 1950, proclamant la nécessité d’une union que les uns veulent sérieus
924 érale, mais que les autres entendent bien limiter à des accords opportunistes, donc révocables, entre États jalousement s
925 nom, que va-t-il se passer ? Des mesures propres à « favoriser » (faute de vouloir la créer) une « union plus étroite »
926 ériodiques par des chefs de gouvernements décidés à poursuivre coûte que coûte la politique d’hégémonie de leur pays (ou
927 roclament cette union nécessaire et même urgente. À ce mystère, ou plutôt ce scandale, je propose une explication telleme
928 le que c’est elle qui va choquer. Je suis parvenu à la conviction que les hommes d’État les mieux intentionnés, les minis
929 ande majorité des politologues et des économistes à leur suite ont pris le problème à l’envers : soucieux de s’appuyer su
930 des économistes à leur suite ont pris le problème à l’envers : soucieux de s’appuyer sur le réel, ils ont voulu partir de
931 évidemment, « qu’elles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’Ét
932 ts souverains les nations ne seront jamais prêtes à s’unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leur définition mêm
933 ne seront jamais prêtes à s’unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leur définition même de nations souveraines
934 à s’unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leur définition même de nations souveraines de refuser l’union, de se
935 t : ce n’est jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faible soit pour subsister seul,
936 faut bâtir sur autre chose que sur les obstacles à l’union ; il faut opérer sur un autre plan que celui-là, précisément,
937 soluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vais désigner
938 e 6 millions. Ce qui donnerait, par exemple, huit à neuf régions pour la France, une dizaine pour l’Italie, deux ou trois
939 l’Italie, deux ou trois pour la Hollande, quinze à vingt pour l’Allemagne fédérale. Pour essayer de faire sentir le conc
940 emple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivan
941 , je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’une « métropole rég
942 senter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler tout au début, j’improvisai donc sur le thème que voici : Il
943 e voici : Il peut sembler curieux, Messieurs, qu’ à l’âge des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord d
944 de nos États-nations, les régions vont se mettre à vivre et respirer de plus en plus librement. Les États-nations les ma
945 n seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’ à la surface les gens parlaient allemand d’un côté, français de l’autre
946 et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, selon les réa
947 es désormais réduites au rôle mineur et invisible à l’œil nu que jouent les délimitations entre les cantons suisses : sim
948 oi, des plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la rencontre non seulement des souhaits des organisateurs du colloque
949 logues et chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un important groupe de travail sur ce problème, mais encore
950 t le plus allergique, semblait-il, au fédéralisme à base régionale : j’entends la République française une et indivisible
951 est dire que l’éditeur estime qu’il peut répondre à la curiosité d’un grand public. Certes, on n’en est encore qu’au stad
952 pris la mesure des perspectives qu’il nous invite à explorer, notamment politiques et institutionnelles. Des réalisations
953 politiques et institutionnelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal
954 ce sera la tâche au moins d’une génération, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien plus vite de nos jour
955 que tout se passe bien plus vite de nos jours qu’ à l’aube grecque de notre histoire. Je ne cite pas la Grèce par hasard.
956 ale et publique en Grèce. Elle donna même son nom à cette forme d’activité : la politique ! De même que la polis — avec s
957 torités collégiales — s’opposa durant des siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse — créant ainsi la première ci
958 ophiques, ne doivent pas nous apprendre seulement à nous méfier de toute espèce d’hégémonie, ou impérialisme quand il s’a
959 quand il s’agit d’unir l’Europe, mais plus encore à nous méfier de la formule nationale elle-même dont, après tout, l’imp
960 les vraies ambitions. Nous n’en sommes encore qu’ à l’aube de la formation des régions, qui seront les éléments de l’Euro
961 des régions, qui seront les éléments de l’Europe à venir, mais déjà nous touchons au crépuscule de la période des États-
962 Renan pouvait s’écrier dans un discours célèbre, à la Sorbonne20 : Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Ell
963 ment, les remplacera. On n’en continue pas moins à nous répéter que les nations sont « encore » les seules réalités. Et
964 aire, ou au contraire, elle leur sert de prétexte à refuser encore, ici ou là, les mesures nécessaires d’union. Pourtant
965 u moins, cette fédération de régions « immédiates à l’Europe » — comme les communes libres médiévales étaient « immédiate
966 s communes libres médiévales étaient « immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur
967 r des autonomies régionales, voilà qui nous donne à penser que la révolution régionaliste, condition de l’Europe unie, es
17 1967, Articles divers (1963-1969). Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)
968 ociaux, partis, presse, mass médias, elle réussit à former des citoyens puis à les informer. Comment former des citoyens
969 s médias, elle réussit à former des citoyens puis à les informer. Comment former des citoyens et un civisme européens tan
970 le vicieux pour ceux-là seuls qui ne demandent qu’ à croire qu’ils y sont enfermés. Au-delà des impasses logiques, le dési
971 cité. Le désir d’habiter une ville, d’y circuler à l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos et des produits et de
972 anger des propos et des produits et de participer à son gouvernement, le désir d’être citoyen pousse à construire la vill
973 son gouvernement, le désir d’être citoyen pousse à construire la ville, qui à son tour formera des traditions civiques,
974 d’être citoyen pousse à construire la ville, qui à son tour formera des traditions civiques, et le besoin d’en changer.
975 1 généralement insuffisante (parfois inexistante) à l’échelon national, et souvent négative par rapport à l’Europe. Dans
976 ue tous nos pays, l’enseignement civique se borne à décrire les institutions politiques prévues par la constitution. C’es
977 rien des problèmes vivants et réels qui se posent à la cité et à l’État, et que le citoyen devra trancher quand il votera
978 lèmes vivants et réels qui se posent à la cité et à l’État, et que le citoyen devra trancher quand il votera. La plus
979 l. Un remède pire que le mal serait de substituer à l’heure d’ennui civique national une heure d’ennui civique européen,
980 stante, et d’institutions fragmentaires, limitées à une partie seulement du seul domaine économique, dans un tiers ou un
981 s pays. Dans l’un des derniers ouvrages consacrés à la question européenne, Europa zwischen Idéologie und Verwirklichung,
982 amer que la seule préparation valable au civisme ( à tous les degrés) consiste dans la connaissance des problèmes réels de
983 té, dans l’apprentissage des moyens de participer à la vie de la cité, et dans l’éveil du désir d’y tenir son rôle de cit
984 n d’insister sur la nécessité de faire l’Europe — à l’étude des réalités déterminantes de la vie de nos pays et de l’exis
985 n : c’est aussi la plus efficace. Les réalités à enseigner Liste abrégée des réalités à enseigner (décrire, définir
986 éalités à enseigner Liste abrégée des réalités à enseigner (décrire, définir, illustrer) : a) Les éléments de communau
987 de régions supranationaux, de conventions passées à l’échelle mondiale ; c) Problèmes sociaux, démographiques et culturel
988 ns le monde décolonisé, et conditions nécessaires à son exercice ; e) Idéaux directeurs (religieux, humanistes, sociaux,
989 les âges, antérieurs, postérieurs, ou supérieurs à nos diversités nationales. Il convient d’écarter résolument la soluti
990 solument la solution de facilité qui consisterait à préconiser l’utilisation d’une heure hebdomadaire de « réalités europ
991 mes sont déjà trop chargés. L’ennui qui s’attache à l’instruction civique nationale contaminerait très vite sa version eu
992 , il serait absurde d’essayer de substituer l’une à l’autre : car l’Europe se fera au-delà des nations mais pas contre el
993 es civiques de la communauté européenne, et cela, à la faveur d’exemples qui ne peuvent manquer de se présenter dans chaq
994 oupes forcément restreints d’éducateurs, capables à leur tour d’agir sur leurs collègues. C’est l’objectif précis et immé
995 ire que l’Europe attend son « petit livre rouge » à distribuer aux dizaines de millions d’écoliers de nos pays ? Oui, mai
996 outes faites, unifor­mément optimistes et propres à stériliser toute tentative de réflexion ou de création personnelle. J
997  ; encore sont-ils de pure rhétorique et destinés à supprimer plutôt qu’à poser la question24. Voici en revanche notre pa
998 pure rhétorique et destinés à supprimer plutôt qu’ à poser la question24. Voici en revanche notre pari d’européistes : not
18 1968, Articles divers (1963-1969). L’Exode des cerveaux [débat] (1968)
999 mont : Je voudrais apporter une légère correction à ce qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’il était le seul cher
1000 une légère correction à ce qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’il était le seul chercheur autour de cette table
1001 correction à ce qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’il était le seul chercheur autour de cette table. Je me con
1002 moi aussi comme un chercheur et je le serai jusqu’ à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas un chercheur scientif
1003 xclusif. Pourquoi ? Parce qu’ils sont très utiles à l’économie, au commerce, à l’industrie, au PNB, produit national brut
1004 u’ils sont très utiles à l’économie, au commerce, à l’industrie, au PNB, produit national brut. Je voudrais qu’on fasse a
1005 e petite place — comme l’a demandé M. Lalive tout à l’heure — aux chercheurs non purement scientifiques. C’est en tant qu
1006 ions et d’exportations, entre lesquels on cherche à établir une certaine balance, balance des paiements, balance commerci
1007 e, Hermann Hesse. En revanche, la Suisse a envoyé à l’étranger, où ils ont reçu le prix Nobel, deux chercheurs, peut-être
1008 ois, qui étaient nés suisses. Je ne suis pas tout à fait sûr de Charles Édouard Guillaume, mentionné dans beaucoup de dic
1009 ne Gilson nous expliquant, au Congrès de l’Europe à La Haye, qu’une certaine année, au milieu du xiie siècle, il n’y ava
1010 ne année, au milieu du xiie siècle, il n’y avait à la Sorbonne pas un seul professeur français. Les grands maîtres d’alo
1011 res d’alors — ce devait être dans les années 1250 à 1260, je ne me rappelle plus exactement — s’appelaient Thomas d’Aquin
1012 en même temps, il y eut Érasme, Hollandais exilé à Bâle, qui a fait l’humanisme et qui a fait Bâle. Beaucoup plus près d
1013 us, on peut citer Nietzsche, qui a été professeur à Bâle lui aussi et qui a beaucoup vécu en Suisse, en Engadine. On peut
1014 peut citer les prix Nobel que je vous disais tout à l’heure, qui sont venus de l’étranger. On pourrait allonger facilemen
1015 ition d’architectes suisses exportés qui a abouti à Le Corbusier, plus près de nous. Parmi les ingénieurs, vous avez des
1016 c essayer de trouver des critères pour déterminer à quel moment ce que j’appelle des échanges — et qui est la santé même
1017 je propose. Une analyse nationaliste consisterait à dire — à dire sans analyse d’ailleurs : je veux tout pour ma nation,
1018 e. Une analyse nationaliste consisterait à dire — à dire sans analyse d’ailleurs : je veux tout pour ma nation, qu’elle s
1019 est celui que j’appelle fédéraliste, qui consiste à répartir les tâches d’après leur nature et d’après les grandeurs, les
1020 que le village n’a pas les dimensions nécessaires à l’université. Mais prenez maintenant cette université qui est bien à
1021 s prenez maintenant cette université qui est bien à la taille du canton (l’activité et la communauté étant de tailles cor
1022 communauté étant de tailles correspondantes) : si à ce moment-là, une grande puissance quelconque vient acheter tout le c
1023 un studium — professeurs et étudiants ensemble — à tel point que, à Bologne, on dût faire des lois terribles contre les
1024 fesseurs et étudiants ensemble — à tel point que, à Bologne, on dût faire des lois terribles contre les « voleurs d’unive
1025 l et bien d’un « exode des cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que je vous ai cités tout à l’heure. Celui de Blais
1026 ens à deux des exemples que je vous ai cités tout à l’heure. Celui de Blaise Cendrars d’abord. Blaise Cendrars est né à L
1027 e Blaise Cendrars d’abord. Blaise Cendrars est né à La Chaux-de-Fonds, mais il était originaire d’un petit village de l’O
1028 e Sigriswil. Si Blaise Cendrars n’était pas parti à 17 ans pour le vaste monde, qu’est-ce qui se serait passé ? Croyez-vo
1029 perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La Chaux-de-Fonds et nous n’en aurions rien su ; il aurait continué à
1030 et nous n’en aurions rien su ; il aurait continué à s’appeler Fritz Sauser. Mais il est parti dans le vaste monde qui en
1031 e qui en a fait Blaise Cendrars, puis il est allé à Paris qui en a fait un grand écrivain et c’est seulement quand nous a
1032 i a fait ces immenses ponts, le Washington Bridge à New York, qui a plus d’un kilomètre, et le Golden Gate à San Francisc
1033 ork, qui a plus d’un kilomètre, et le Golden Gate à San Francisco qui a 2750 mètres de long : qu’eût-il fait, ce malheure
1034 a un cas particulier, qui a déjà été évoqué tout à l’heure par M. Renold. C’est celui du CERN. Un chercheur suisse va tr
1035 i, lors de la Conférence européenne de la culture à Lausanne en 1949, nous avons proposé la création d’un grand laboratoi
1036 rche pure) qu’il y avait dans la science atomique à ce moment-là. Vous voyez de quoi je veux parler… De sorte que l’on pe
1037 quoi je veux parler… De sorte que l’on peut dire à un pays comme la Suisse par exemple, mais aussi à un pays comme la Fr
1038 à un pays comme la Suisse par exemple, mais aussi à un pays comme la France : si vous voulez garder, en partie tout au mo
1039 CERN est le prototype. Quant aux Suisses qui vont à l’Unesco ou dans d’autres organismes de l’ONU, on ne peut pas dire no
1040 là des notions qui se recouvrent. Avant de passer à la discussion générale, je voudrais poser une dernière question à M.
1041 générale, je voudrais poser une dernière question à M. de Rougemont. Vous avez parlé de l’exode dont une part est un écha
1042 isation ou de structure qui incite les chercheurs à aller ailleurs ? M. de Rougemont : Votre question revient à savoir qu
1043 lleurs ? M. de Rougemont : Votre question revient à savoir que faire pour empêcher cet échange à sens unique que l’on app
1044 ient à savoir que faire pour empêcher cet échange à sens unique que l’on appelle exode par rapport à une certaine communa
1045 une certaine conjoncture. Il y a un premier choix à faire : je suis personnellement contre toute mesure négative, contre
1046 re négative, contre tout barrage qui consisterait à empêcher les gens de s’en aller, ou bien qui consisterait à les rache
1047 les gens de s’en aller, ou bien qui consisterait à les racheter un peu plus cher que ce que le concurrent offre. C’est u
1048 ux, c’est-à-dire en créant des pôles d’attraction à l’endroit d’où les gens s’en vont. Donc, pas par des barrages, pas d’
1049 ellectuelles sur certains points. On a parlé tout à l’heure de Schwerpunkte. Par exemple, à Genève, nous disposons d’un c
1050 arlé tout à l’heure de Schwerpunkte. Par exemple, à Genève, nous disposons d’un certain nombre de points forts : les étud
1051 éer un climat intellectuel, c’est aussi difficile à faire et à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œ
1052 at intellectuel, c’est aussi difficile à faire et à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’art,
1053 hercheurs scientifiques dont parlait M. Mach tout à l’heure. Je peux très bien imaginer qu’un physicien, ou un médecin, o
1054 icien, ou un médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il n’est pas
1055 rable pour intéresser l’ensemble de la population à certains problèmes assez difficiles — comme ceux dont nous parlons ce
1056 faire encore plus en faisant davantage confiance à la partie la plus éveillée, la plus curieuse du public. On se base so
1057 , la plus curieuse du public. On se base souvent, à la radio et à la télévision, sur des enquêtes rapides relatives à l’i
1058 euse du public. On se base souvent, à la radio et à la télévision, sur des enquêtes rapides relatives à l’intérêt que les
1059 la télévision, sur des enquêtes rapides relatives à l’intérêt que les gens ont ou n’ont pas pour certaines émissions, et
1060 nt l’héroïsme, pendant deux ou trois ans, d’aller à contre-courant. Je crois que ce serait payant assez vite. Il y aurait
1061 ce serait payant assez vite. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, mais je ne vais pas allonger trop. Je voudrais dire e
1062 ons, comme l’édition par exemple, pour contribuer à cette création intellectuelle. À condition que l’Université ne soit p
1063 pour contribuer à cette création intellectuelle. À condition que l’Université ne soit pas uniquement la juxtaposition de
1064 lle juxtaposées, sans lien organique et sans rien à se dire entre elles. Il faudrait que l’Université devienne ou redevie
1065 Sartre. Contestation, c’est un terme qui est lié à l’Université depuis sa création, au xiie siècle. Voilà une chose qu’
1066 hode d’enseignement, de recherche, de discussion, à la Sorbonne par exemple, c’était la méthode introduite par Abélard qu
1067 un « studium » — la discussion, souvent violente, à laquelle tout le monde participait sur le même plan — simplement le p
1068 vous voulez, pour prendre un autre mot qui a été à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris une vie très intense dep
1069 ées, comme vous l’avez vu. D’abord aux États-Unis à Berkeley, ensuite ça a fait une traînée dans toute l’Europe, de Varso
1070 fait une traînée dans toute l’Europe, de Varsovie à Madrid, de Berlin à Belgrade ces jours-ci, à Paris bien entendu, et m
1071 s toute l’Europe, de Varsovie à Madrid, de Berlin à Belgrade ces jours-ci, à Paris bien entendu, et même un tout petit pe
1072 ovie à Madrid, de Berlin à Belgrade ces jours-ci, à Paris bien entendu, et même un tout petit peu à Genève, ai-je entendu
1073 , à Paris bien entendu, et même un tout petit peu à Genève, ai-je entendu dire. Moi, je trouve cela admirable et merveill
1074 te qu’on ne s’en tienne pas là. Car l’Université, à mon sens, a été, doit redevenir et doit rester le lieu par excellence
1075 t : Je voudrais répondre quelques mots très brefs à ce qui m’a été dit autour de cette table. Tout d’abord, M. Renold. Je
1076 it revenir une autre année. L’Europe doit ajouter à tout le reste un certain sens de la vie, une certaine saveur, ce qui
1077 même sujet des États-Unis, M. Lalive disait tout à l’heure : Je n’ai pas vu de génies américains qui viennent en Europe
1078 rlé de mon optimisme béat. Je ne vois pas du tout à quel moment j’ai pu tomber dans ce penchant vicieux. J’ai proposé une
1079 échanges qui sont normaux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est défavorable. Cette méthod
1080 serait un danger un peu américain, qu’il y aurait à isoler complètement votre recherche scientifique de tout l’ensemble d
1081 ment européenne, si vous voulez, mais je persiste à penser que c’est cela que nous devons au monde, et notamment aux Amér
19 1968, Articles divers (1963-1969). De l’État-nation aux régions fédérées (1968)
1082 é, sans tête, comment pourrait-elle donc répondre à l’appel pathétique du célèbre homme d’État ? Un appel ne pouvait suff
1083 élèbre homme d’État ? Un appel ne pouvait suffire à la créer… Au lieu d’une Europe qui se fait, nous entendons aujourd’hu
1084 ntes, comme celle d’André Malraux le mois dernier à un journal suisse : Les nations sont redevenues le phénomène fondame
1085 es jours plus tard, interrogé par des jeunes gens à la radio, répond : Faire l’Europe est la seule chose véritablement i
1086 tre temps.26 Mais qui ne voit que ceci s’oppose à cela, dramatiquement, — que cette « réalité fondamentale du siècle »
1087 a nation, est précisément celle qui fait obstacle à cette « seule chose véritablement importante de notre temps » ? Qui n
1088 ps, mais je ne pense pas que le réalisme consiste à le proclamer avec fierté. Il ne consiste pas non plus à les nier, mai
1089 roclamer avec fierté. Il ne consiste pas non plus à les nier, mais bien à faire en sorte qu’elles cessent d’être réelles.
1090 Il ne consiste pas non plus à les nier, mais bien à faire en sorte qu’elles cessent d’être réelles. Que les nations soien
1091 nations soient encore bien réelles et très fortes à quelques égards, l’impossibilité d’unir l’Europe le démontre avec une
1092 t en même temps mal adaptées (pour dire le moins) à l’évolution de notre société, la preuve incontestable en est fournie
1093 siècle si elle n’est pas surmontée et remplacée à temps. La grande force de l’État-nation, c’est que les hommes et les
1094 Monarchie, appel désespéré, et qui restera vain, à l’Empire condamné et bafoué. Les cinq siècles suivants verront se ren
1095 aite, peut-être folle, qui entend faire coïncider à tout prix dans les mêmes limites imposées du territoire hérité ou con
1096 s scolaires, politique et industrie, et les régir à partir d’un centre unique de décision, par le moyen de bureaux où se
1097 sacré, intangible dans nos esprits, qui résistent à l’idée qu’il pourrait n’être après tout qu’une forme transitoire, com
1098 u nom duquel les maîtres de l’État peuvent mettre à mort leurs hérétiques, ce que ne peuvent plus faire les Églises, Dieu
1099 du xxe siècle des nations. Et il faut souligner à ce propos une constatation des plus paradoxales : c’est que, si tous
1100 ns unitaires ont été et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seuls empires réussis de notre t
1101 op grands. Ils sont trop petits si on les regarde à l’échelle mondiale. Ils sont trop grands si l’on en juge par leur inc
1102 ur incapacité d’animer leurs régions, et d’offrir à leurs citoyens une participation réelle à la vie politique. Le problè
1103 ’offrir à leurs citoyens une participation réelle à la vie politique. Le problème du petit État dans le monde des grands
1104 trois seuls vrais grands. Ils sont trop petits «  à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure de l’Amérique e
1105 its « à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure de l’Amérique et de la Russie aujourd’hui, de la Chine dema
1106 ur répondre au « défi américain » — cela n’a plus à être démontré28 — mais aussi pour répondre au défi du tiers-monde, c’
1107 ui dominent notre monde, et surtout pour résister à la satellisation politique ou économique. Mais en même temps, les Éta
1108 urs devoirs civiques, et participer effectivement à la vie de la cité ; donc trop grands pour être encore de vraies commu
1109 ant la crise présente de l’État-nation, le régime à prescrire paraît facile à formuler : Parce qu’ils sont trop petits, l
1110 ’État-nation, le régime à prescrire paraît facile à formuler : Parce qu’ils sont trop petits, les États-nations devraient
1111 op petits, les États-nations devraient se fédérer à l’échelle continentale ; et parce qu’ils sont trop grands, ils devrai
1112 ls sont trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intérieur. Facile à formuler, mais presque impossible à appliquer p
1113 ls devraient se fédéraliser à l’intérieur. Facile à formuler, mais presque impossible à appliquer par nos États-nations,
1114 rieur. Facile à formuler, mais presque impossible à appliquer par nos États-nations, dirait-on. En effet, l’existence des
1115 ineté absolue, dont ils refusent de rien déléguer à une autorité supranationale, fédérale, et alors ils seront fatalement
1116 ale, et alors ils seront fatalement satellisés un à un ; — ou bien ils font ce qu’il faut pour pouvoir résister, c’est-à-
1117 de résister tous ensemble, et alors ils renoncent à leur souveraineté absolue au profit d’une fédération qui les protège.
1118 té ou bêtise que les États-nations sont impropres à l’union. Leurs relations normales sont de rivalité non de coopération
1119 , lorsqu’au congrès de la première Internationale à Genève, en 1867, il avait dénoncé l’impossibilité de constituer les É
1120 ons étatistes. Le problème de l’union de l’Europe à partir des États-nations paraissant insoluble en théorie autant qu’il
1121 de ses données29, il va falloir ou bien renoncer à l’union et alors il n’y aura plus de problème, ou bien modifier les d
1122 données mêmes du problème, c’est-à-dire chercher à fonder l’union sur autre chose que les États-nations. Renoncer à réso
1123 n sur autre chose que les États-nations. Renoncer à résoudre le problème de l’union, c’est faire, en somme, ce que l’on f
1124 llement, c’est-à-dire laisser nos États continuer à prétendre à une indépendance de moins en moins croyable, et qui se bo
1125 st-à-dire laisser nos États continuer à prétendre à une indépendance de moins en moins croyable, et qui se borne en fait
1126 moins en moins croyable, et qui se borne en fait à la liberté (souvent illusoire) de choisir les dépendances les plus pr
1127 ation, accepter l’idée de renoncer éventuellement à cette formule périmée, en faire autant avec la notion sacro-sainte de
1128 t : ce n’est jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faible soit pour subsister seul,
1129 faut bâtir sur autre chose que sur les obstacles à l’union ; opérer sur un autre plan que celui-là, précisément, où le p
1130 soluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vais désigner
1131 dynamique d’un pays d’une population minimum d’un à deux millions et maximum de six millions. Ce qui donnerait, par exemp
1132 l’Italie, deux ou trois pour la Hollande, quinze à vingt pour l’Allemagne fédérale. Pour tenter de faire sentir le concr
1133 emple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivan
1134 , je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’une « métropole rég
1135 senter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler tout au début, j’improvisais donc sur le thème que voici : Il
1136 e voici : Il peut sembler curieux, Messieurs, qu’ à l’âge de l’union des nations et des intégrations continentales, vous
1137 de nos États-nations, les régions vont se mettre à vivre et respirer de plus en plus librement. Les États-nations les ma
1138 n seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’ à la surface les gens parlaient allemand d’un côté, français de l’autre
1139 et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, selon les réa
1140 es désormais réduites au rôle mineur et invisible à l’œil nu que jouent les délimitations entre les cantons suisses : sim
1141 moi des plus inattendus : c’est qu’elles venaient à la rencontre non seulement des souhaits des organisateurs du colloque
1142 ogues, et chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un important colloque sur ce problème32, mais encore dans l
1143 t le plus allergique, semblait-il, au fédéralisme à base régionale : j’entends la République française une et indivisible
1144 t une bonne centaine d’études substantielles dues à des professeurs de sociologie, à des politologues, à des économistes,
1145 stantielles dues à des professeurs de sociologie, à des politologues, à des économistes, à des juristes, mais aussi à des
1146 es professeurs de sociologie, à des politologues, à des économistes, à des juristes, mais aussi à des responsables du Pla
1147 ociologie, à des politologues, à des économistes, à des juristes, mais aussi à des responsables du Plan, à des hommes pol
1148 es, à des économistes, à des juristes, mais aussi à des responsables du Plan, à des hommes politiques comme Mendès-France
1149 juristes, mais aussi à des responsables du Plan, à des hommes politiques comme Mendès-France, Pleven, Debré. Parmi les t
1150 exécutifs, législatifs et judiciaires comparables à ceux qui existent, par exemple, pour les États-Unis d’Amérique. Les
1151 français délégueront partie de leur souveraineté à l’État fédéral français. La lutte pour notre indépendance nationale n
1152 » Le dépérissement régional n’est pas particulier à la Bretagne. Mais la crise y est si aiguë, la conscience de la crise
1153 ues excités de la région ne l’impressionnent pas. À quoi je répondrai deux choses : 1° De Gaulle lui-même ne peut tenir e
1154 nd elle n’est pas toute négative, ne consiste pas à dire non, ou à consentir un abandon. Ainsi, elle permet aux États de
1155 as toute négative, ne consiste pas à dire non, ou à consentir un abandon. Ainsi, elle permet aux États de procéder à leur
1156 abandon. Ainsi, elle permet aux États de procéder à leur désarmement tarifaire, de renoncer aux droits de douane, ou au c
1157 uane, ou au contraire elle leur sert de prétextes à refuser, ici ou là, les mesures nécessaires à l’union. Mais elle ne p
1158 tes à refuser, ici ou là, les mesures nécessaires à l’union. Mais elle ne peut rien faire de plus. On l’a bien vu lors de
1159 emagne qui a obligé les gouvernements de ces pays à étudier très sérieusement le problème de la régionalisation du territ
1160 plus négligées par la capitale, et cela a conduit à envisager la possibilité révolutionnaire de régions chevauchant des f
1161 u moins, cette fédération de régions « immédiates à l’Europe » — comme les communes libres médiévales étaient « immédiate
1162 s communes libres médiévales étaient « immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur
1163 r des autonomies régionales, voilà qui nous donne à penser que la révolution régionaliste, condition de l’Europe unie, es
1164 pris la mesure des perspectives qu’il nous invite à explorer, notamment institutionnelles. Des réalisations à ce niveau n
1165 er, notamment institutionnelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal
1166 ce sera la tâche au moins d’une génération, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien plus vite de nos jour
1167 que tout se passe bien plus vite de nos jours qu’ à l’aube grecque de notre Histoire. Je ne cite pas la Grèce par hasard.
1168 ale et publique en Grèce. Elle donna même son nom à cette forme d’activité : la politique ! De même que la polis — avec s
1169 ion civique intense — s’opposa durant des siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse — créant ainsi la première ci
1170 se partager le monde. Nous n’en sommes encore qu’ à la petite aube de la formation des régions en tant qu’éléments de bas
1171 en tant qu’éléments de base de l’Europe fédérale à venir, mais en revanche nous touchons déjà au crépuscule de la périod
1172 al. Bien sûr, un coup d’œil sur l’histoire suffit à réfuter cette croyance. Bien sûr, dès la fin du siècle dernier, Ernes
1173 nest Renan s’était écrié dans un discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles
1174 rits d’abord, par la révolution la plus difficile à accomplir, celle des catégories de pensée dans lesquelles ont vécu to
1175 tégories de pensée non seulement invétérées jusqu’ à se confondre avec une sorte d’instinct, non seulement chargées d’hist
1176 ue dont je vous disais qu’elle s’était substituée à la foi chrétienne dans l’esprit des masses. Je voudrais vous donner q
1177 première approximation, les limites correspondent à celles des aires d’influence de son ou de ses agglomérations principa
1178 exagère leur taille, les régions tendent ou bien à se confondre avec les unités nationales ou bien à perdre leur signifi
1179 à se confondre avec les unités nationales ou bien à perdre leur signification comme unités fonctionnelles. Si on les pren
1180 rritoriale considérée, de sorte que celle-ci tend à se confondre avec la simple unité locale. Mais entre ces limites supé
1181 tivés, celle qui a donc été dominée pendant douze à quinze millénaires par les notions de terre sacrée, de bornes sacrées
1182 x” diraient les scientifiques : “il faut chercher à être aussi indispensables aux autres que les autres nous sont indispe
1183 une grande notion que les régions nous amèneront à mettre en lumière, c’est celle de la pluralité des allégeances soit d
1184 ilité de se rattacher et de donner son allégeance à des ensembles différents par la nature et par les dimensions, cité lo
1185 otalitaires, nous est très familier en Suisse… Et à ce propos, je voudrais terminer par quelques remarques sur le rôle sp
1186 ous cessions d’opposer un refus quasi automatique à toutes les propositions d’union un peu hardies, sous le double prétex
1187 z de cette politique fondée en fait sur la morale à courte vue qu’illustre l’anecdote du patriarche vaudois : il réunit s
1188 et il leur dit : « Le secret de ma réussite tient à ce que j’ai fondé ma vie sur deux principes : Méfiance ! Méfiance ! »
1189 de la paysannerie, et qui d’ailleurs a contribué à la réduire un peu partout au sort d’assistée de l’État. Face au proje
1190 États que nous avons toujours voulu défendre, et à raison. Tout ce qui s’est fait de grand dans notre monde, s’est fait
1191 ucoup de domaines bien définis : car les régions, à la différence des États, sont faites pour s’unir et pour coopérer, co
1192 ines de nos villes et leur hinterland en venaient à nouer des liens économiques et sociaux avec les pays voisins, à s’int
1193 ens économiques et sociaux avec les pays voisins, à s’intégrer dans des régions polynationales, ce ne serait pas encore «
1194 é et de sa vocation, car ces deux choses existent à un autre niveau, du moins je l’espère. Belle raison d’être nationale
1195 qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait à la merci d’un accord tarifaire ! Si Genève, par exemple, supprimait s
1196 er les Suisses de toutes les régions de continuer à se rattacher politiquement à l’idéal fédéraliste — s’ils y tiennent v
1197 régions de continuer à se rattacher politiquement à l’idéal fédéraliste — s’ils y tiennent vraiment — et de maintenir leu
1198 ransposition pure et simple de notre fédéralisme, à l’échelle du continent. Car ce fédéralisme date un peu : c’est un féd
1199 lution de chaque problème selon ses dimensions et à son niveau. Et à cet égard, les sociologues français — la France, une
1200 ’élaborer une théorie qui me paraît mieux adaptée à notre société industrielle et mobile. Mais le fédéralisme est aussi u
1201 ute ce que les Suisses peuvent donner de meilleur à l’Europe qui se fait : non pas seulement une grande idée qui est capa
1202 le Europe […] qui pourrait admettre de bonne foi, à moins d’être un imbécile, qu’une seule d’entre elles consentira jamai
1203 ile, qu’une seule d’entre elles consentira jamais à remettre une part de ses pouvoirs à une autorité supranationale ? »,
1204 entira jamais à remettre une part de ses pouvoirs à une autorité supranationale ? », écrivait François Mauriac, dans le F
1205 onde, 30 novembre 1967, sur la métropole du Nord, à l’occasion de l’ouverture de l’autoroute Paris-Lille. 34. « Qu’est-c
20 1968, Articles divers (1963-1969). Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)
1206 e ? (mai 1968)y 1. Il y a vingt ans, se tenait à La Haye le « Congrès de l’Europe ». Quel est le souvenir le plus marq
1207 acun dans son secteur et très souvent en groupes, à Paris et à Londres surtout, puis, pendant la semaine précédant le con
1208 on secteur et très souvent en groupes, à Paris et à Londres surtout, puis, pendant la semaine précédant le congrès à La H
1209 ut, puis, pendant la semaine précédant le congrès à La Haye même, où les séances du Comité de coordination des six mouvem
1210 ue ovation, mais je me revois sur une photo prise à ce moment, entre Retinger et Dautry, encadrant le grand homme qui ess
1211 omme qui essuie une larme : ma déception commence à ce triomphe verbal. D’autres diront les apports politiques, sociaux,
1212 personne n’a parlé, et dont je fus alors le seul à ressentir, non sans colère ni douleur, la vraie portée. Lorsque Dunca
1213 Retinger, organisateurs du congrès, étaient venus à Ferney demander mon concours, j’avais posé clairement mes conditions 
1214 réambule constituerait un Message aux Européens à faire approuver par acclamations » et formerait la conclusion du cong
1215 pendant deux mois, mis au point une dernière fois à la veille même du congrès, le Message avait été imprimé au haut d’u
1216 Message aux Européens ne pourrait être présenté à la séance finale, parce qu’il contenait cette petite phrase : « Nous
1217 dont ils affirmaient savoir qu’ils s’opposeraient à mon Message à cause de la phrase sur la défense. Par chance, un jou
1218 listes, Français en tête, quitteraient le congrès à grand bruit si on m’empêchait de lire le Message . Paul van Zeeland,
1219 e volatilisé au secrétariat de la presse38. C’est à ce moment précis que les maîtres du congrès retirèrent la parole au p
1220 rent la parole au peuple européen, pour la donner à des ministres, qui en ont fait l’usage que l’on sait. 2. Ne vous semb
1221 nourri l’espoir que le Conseil de l’Europe — créé à la suite du congrès de La Haye — conduirait progressivement à l’unifi
1222 u congrès de La Haye — conduirait progressivement à l’unification politique de l’Europe. Cet espoir, ils l’ont reporté en
1223 ssé d’un centimètre depuis que Churchill (en 1946 à Zurich) parlait de son urgence dramatique. La preuve est faite de la
1224 faite de la foncière hostilité des États-nations à toute forme d’union réelle (fédérale) et de leur radicale incapacité
1225 ale) et de leur radicale incapacité non seulement à la vouloir mais à l’accepter. Cramponnés aux mythes de la souverainet
1226 dicale incapacité non seulement à la vouloir mais à l’accepter. Cramponnés aux mythes de la souveraineté absolue et de l’
1227 États-nations n’ont plus d’autres pouvoirs réels, à l’échelle de l’Europe et du monde, que négatifs. Ils peuvent encore s
1228 leur prospérité économique, et pour jouer un rôle à l’échelle mondiale ; trop grands pour animer toutes les parties de le
1229 rties de leur territoire, et surtout pour ménager à chaque individu la possibilité d’une participation réelle à la vie ci
1230 ndividu la possibilité d’une participation réelle à la vie civique, — les États-nations ne feront rien pour nous unir. Il
1231 union sur le respect inconditionnel des obstacles à toute union. 4. Le Mouvement européen — créé lui aussi au lendemain d
1232 ques non conformistes libéraux ou socialistes, et à l’action de quelques militants fédéralistes, fortement minoritaires d
1233 ce, des politiciens « réalistes » et pragmatistes à l’anglo-saxonne qui n’ont cessé de répéter, bien avant de Gaulle, que
1234 us les voyons naître et nous allons nous employer à ménager, favoriser, puis imposer leur existence. Bâtir sur autre chos
1235 passait pas pour fédéraliste, ait été le premier à préconiser cette tactique d’appel direct au « peuple européen » comme
1236 re. 39. J’employais cette formule dans mes cours à Genève et Zurich au début de 1967, c’est-à-dire au moment où devaient
1237 tres fédéralistes l’aient inventée pour leur part à la même époque ; la diachronie impose parfois des prises de conscienc
21 1969, Articles divers (1963-1969). De l’Aar à l’Europe (1969)
1238 De l’Aar à l’Europe (1969)ah I Les plus anciennes pensées philosophiques
1239 identale, celles d’Héraclite l’Obscur, qui florit à Éphèse au vie siècle avant notre ère, sont nées de la considération
1240 autres sont les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir des liquides s’en vont en vapeurs… La mort pour les âmes est d
1241 indéfini et ce qui dure en résistant précisément à la durée ; ce qui est posé et sa métamorphose ; le Même et l’Autre vu
1242 es des grands arbres enserrant la terre lourde et à leurs branches divergeant librement dans le ciel. Ils embrassent les
1243 ar eux la terre des Suisses est liée sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin, et à trois mers du sud, où vont le Rh
1244 sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin, et à trois mers du sud, où vont le Rhône, l’Inn danubienne et les deux moi
1245 rs répondent aux graines, le système scientifique à l’éclair de voyance d’un génie, et l’œuvre d’art à l’émotion. Les fl
1246 l’éclair de voyance d’un génie, et l’œuvre d’art à l’émotion. Les fleuves nés du cœur granitique de la Suisse nous quit
1247 l est une rivière qui d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est, ramasse toutes les autres rivières du Plateau
1248 e qui d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est, ramasse toutes les autres rivières du Plateau suisse et les dé
1249 ngue des rivières qui coulent en Suisse d’un bout à l’autre (280 kilomètres, c’est la longueur exacte du Méandre !), mais
1250 tous les lacs entièrement suisses, du lac de Joux à l’ouest, à travers ceux de Neuchâtel, Morat et Bienne, au lac de Wall
1251 Neuchâtel, Morat et Bienne, au lac de Wallenstadt à l’est, à travers le lac de Zurich, tandis que la Reuss lui amène les
1252 isolés ou par paires. V Ainsi de sa source, à quelques kilomètres de celle du Rhône, jusqu’à son confluent avec le
1253 e, à quelques kilomètres de celle du Rhône, jusqu’ à son confluent avec le Rhin, l’Aar draine tous nos lacs dans l’espace
1254 ologique ! Le Hasli doit peut-être, comme Schwyz, à quelque fort ancienne immigration suédoise ses grands hommes blonds.
1255 lutôt vers le monde rhodanien, et du Pays de Vaud à l’Argovie, contrées assujetties pendant des siècles. Berne si bien no
1256 la Révolution, c’est elle qui va donner naissance à plusieurs des mentors de la Suisse nouvelle et de son régime radical.
1257 jadis route commerciale des Romains, d’Aventicum à Vindonissa, puis route des vins du Pays de Vaud et route du sel de la
1258 g du syndicalisme paysan, cependant que de Sienne à Baden les grandes usines blanches et transparentes dans la verdure cr
1259 jadis prirent leur élan vers d’autres continents à découvrir et les futurs marchés mondiaux. VI Et maintenant, com
1260 l’histoire comme dans le cours physique de l’Aar. À cause des fleuves, qui sont un phénomène tellement typique de cette «
1261 européen qui ne soit d’abord d’un pays. D’un pays à nul autre pareil et pourtant fraternel au voisin, accueillant à ce qu
1262 reil et pourtant fraternel au voisin, accueillant à ce qui diffère. Ouvert et fermé à la fois. Fidèle à soi mais dans le
1263 ce qui diffère. Ouvert et fermé à la fois. Fidèle à soi mais dans le mouvement — comme un fleuve. Aucun pays ne m’apparaî
1264 ns des eaux, des routes, autant de voies ouvertes à l’imagination vers les plaines du continent et les quatre points card
1265 uropéenne. ah. Rougemont Denis de, « De l’Aar à l’Europe », L’Aar, Genève, Éditions générales, 1969, p. 93-97.
22 1969, Articles divers (1963-1969). À la fontaine Castalie (1969)
1266 À la fontaine Castalie (1969)ag juillet 1962. Ce n’est pas pour alle
1267 Pas question de s’y préparer ni de rien combiner à l’avance : la découverte de l’itinéraire exige en vérité son inventio
1268 eau, comme un trait. Passons le village, laissons à gauche l’enceinte sacrée et les temples, allons jusqu’au pied des roc
1269 aedriades — la Rousse devant nous, la Flamboyante à droite. Tout en haut, dans le bleu, deux milans planent. Soudain l’un
1270 et dorées sur un ciel mat griffé de pins légers. À leur pied, dans l’obscure fraîcheur, voici « les eaux saintes et sobr
1271 lie. Une façade immense et tranchée en plein roc. À mi-hauteur elle est creusée de larges niches irrégulières et peu prof
1272 e creusée dans la pierre calcaire ; elle débouche à gauche dans une vaste pièce d’eau rectangulaire. (Au-delà, un escalie
1273 , je suis entré dans le rocher, je me suis avancé à tâtons jusqu’au fond de la fente étroite et haute, doucement modelée
1274 devant… Une autre résistance obscurément s’oppose à l’idée même d’une « prise de vue ». Quelque sourd interdit règne ici.
1275 Le mot crime… Deux crimes obscurément sont liés à l’attrait de ces lieux. Là sur la gauche, à une centaine de pas, dan
1276 liés à l’attrait de ces lieux. Là sur la gauche, à une centaine de pas, dans la gorge où conduit ce très lourd escalier,
1277 imposant la loi du soleil, qui est celle du Père, à ce lieu dont le nom reste l’Ombre. Mais ici même, près de la fontaine
1278 va prendre la route de Thèbes — celle que rejoint à droite ce bref sentier — vers le carrefour fatal où il tuera le Père.
1279 r — vers le carrefour fatal où il tuera le Père. À la fontaine Castalie, c’est le combat fondamental qui s’est livré. Le
1280 l qui s’est livré. Le drame originel s’accomplit, à jamais suspendu dans l’instant de stupeur qui vient après l’acte trag
1281 hauteurs, dans la proximité aimable des colonnes à demi rénovées — en blanc les parties neuves reliant les blocs d’ancie
1282 is touristes silencieux… Tout paraît naturel mais à tel point que parfois une arrière-pensée se meut dans l’ombre : est-c
1283 crochée juste au-dessous du tournant de la route, à deux-cents pas de la fontaine. Pain gris, fromage de chèvre, énormes
1284 vie siècle av. J.-C. ag. Rougemont Denis de, «  À la fontaine Castalie », Écriture, Lausanne, 1969, p. 7-12.
23 1969, Articles divers (1963-1969). Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)
1285 moins ouverte contre le contrat étatique (inégal à leurs yeux) que jadis ou naguère leur imposa l’élément formateur ou h
1286 Il est trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendance et sa souveraineté absolue : car nul pays de
1287 de colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens du terme, ne saurait être s
1288 au plein sens du terme, ne saurait être soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils accepta
1289 rdépendance universelle dans tous les ordres tend à réduire l’indépendance d’un État à une certaine liberté dans le choix
1290 es ordres tend à réduire l’indépendance d’un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain j
1291 ertaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de relations plus ou
1292 en crise permanente. 855 votes en quelques années à la Chambre italienne sur le règlement du statut des régions autonomes
1293 de projets officiels ou révolutionnaires tendant à régionaliser l’Hexagone. Succès spectaculaires, aux dernières électio
1294 ue et catalane sourde, mais profonde. Plasticages à Saint-Brieuc, dans le Tyrol du Sud, à Louvain et dans le Jura bernois
1295 Plasticages à Saint-Brieuc, dans le Tyrol du Sud, à Louvain et dans le Jura bernois. Mais en même temps, multiplication d
1296 mesures professionnelles et industrielles tendant à dévaloriser les frontières… À tous les coups, c’est donc l’État-natio
1297 dustrielles tendant à dévaloriser les frontières… À tous les coups, c’est donc l’État-nation qui perd. Il ne correspond p
1298 ndre que de grands espaces économiques constitués à la mesure des possibilités et des besoins de l’ère scientifico-techni
1299 e xixe siècle, nous renvoient l’un comme l’autre à des formules de type fédéraliste. À la question que je me posais sur
1300 comme l’autre à des formules de type fédéraliste. À la question que je me posais sur la prophétie proudhonienne, voici do
1301 vois pas de terme du langage politique qui prête à pires malentendus ! Un Français cultivé qui demande à son Littré le s
1302 res malentendus ! Un Français cultivé qui demande à son Littré le sens du mot fédéralisme trouve ceci : « Fédéralisme : s
1303 Français cultivé et qui a coutume de se reporter à son Littré quand il veut savoir ce qu’un mot signifie, la cause est j
1304 semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralism
1305 us sur le sujet auraient dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme que le problème européen et nos situations nationa
1306 uropéen et nos situations nationales nous amènent à utiliser quotidiennement. Mais pas du tout : le malheur congénital du
1307 d’un congrès européen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil de l’Europ
1308 isme. Le représentant du Conseil de l’Europe tint à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbour
1309 aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on adoptai
1310 ire très exactement le contraire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de
1311 inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir central et à la défense
1312 itude de suspicion envers tout pouvoir central et à la défense ombrageuse des autonomies locales ou régionales. C’est ain
1313 nt proposer quelques définitions, puis les relier à des situations contemporaines choisies dans les domaines les plus var
1314 l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’autre, mais seulement dans une création qui englobe, satisfasse et
1315 au sens le plus large du terme. Avant de chercher à quel type d’homme correspond une telle politique, et quel type d’homm
1316 ion. Mais l’Occident, dès l’aube grecque, cherche à maintenir les deux termes non pas en équilibre neutre, mais bien en t
1317 ouvons dans le christianisme des grands conciles. À Nicée, puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’évêques et de docteu
1318 christianisme des grands conciles. À Nicée, puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’évêques et de docteurs se mettent
1319 straction faite de la foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leurs formes et structure
1320 spéculations sur le cercle et leurs applications à l’astronomie, ou par Hegel dans sa dialectique ternaire et ses applic
1321 ense d’abord, bien sûr, aux esprits dialectiques, à Pascal, Kierkegaard ou Nietzsche, et aux doctrinaires politiques comm
1322 . ⁂ Notre modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la clé de l’histoire européenne, il reste à repérer les principaux do
1323 posé à la clé de l’histoire européenne, il reste à repérer les principaux domaines de la réalité moderne où l’on retrouv
1324 es structures typiques d’un problème fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une conception de l’homme analogue
1325 relatifs aux trois Personnes divines, et surtout à la deuxième, va nous servir de module. La personne humaine, c’est l’h
1326 par cette vocation même dont l’exercice le relie à la communauté, cet homme se constitue dans la dialectique des contrai
1327 des contraires. Et ce caractère va se transmettre à tous les groupes qu’il formera avec d’autres hommes, ses semblables.
1328 hommes, ses semblables. Ces groupes devront être à leur tour à la fois autonomes et solidaires : pour eux aussi, l’un n’
1329 ves l’une de l’autre quoique indispensables l’une à l’autre : la spécialisation et la culture générale. 2° Les problèmes
1330 ie civique et politique, tout le problème revient à concilier les besoins contraires, mais vitaux d’autonomie locale et d
1331 grands espaces communs, de participation efficace à la vie d’un groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des co
1332 groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des communautés plus vastes et de cadres qui rassurent, d’enracinemen
1333 veut à la fois son autonomie et sa participation à un plus grand ensemble, en association. 4° Enfin, le problème général
1334 eux que nous venons d’évoquer, puisqu’il consiste à concilier des confessions distinctes dans l’unité de l’Église, c’est-
1335 ntale ou mondiale, selon les cas), il ne reste qu’ à désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions relat
1336 mpétence où seront prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’ailleurs plusieurs niveaux de décision
1337 chiffre élevé des suicides. L’homme des ensembles à bon marché, trop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait être e
1338 et qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence
1339 s’ils n’étaient pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communauté, et tout d’abord certaines dimen
1340 architecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement d’espaces verts, mais de rues
1341 a possibilité physique et morale de participation à la vie communale dépend de tels aménagements. Les dimensions, d’aille
1342 ransforme en acrobatie toute participation réelle à la recherche et compromet toute l’efficacité de l’enseignement. Remèd
1343 travaux interdisciplinaires, l’analyse conduisant à souhaiter, comme module, de petits groupes ou unités de base de douze
1344 ule, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient les dimensions d’u
1345 cesse évaluer à nouveau les dimensions des tâches à entreprendre, répartir en conséquence les pouvoirs de décision, opére
1346 pérer les concentrations de forces proportionnées à la puissance que l’on veut obtenir et en même temps multiplier les pe
1347 ce double dynamisme créateur d’unions plus vastes à proportion de tâches nouvelles, mais aussi de communautés plus petite
1348 s yeux, en Europe, plus d’une centaine de régions à métropole destinées à devenir, à plus ou moins long terme, les unités
1349 s d’une centaine de régions à métropole destinées à devenir, à plus ou moins long terme, les unités de base de la future
1350 taine de régions à métropole destinées à devenir, à plus ou moins long terme, les unités de base de la future fédération
1351 orme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à qualifier et moins encore à épuiser » … Et il ajoutait : Le fédérali
1352 ée État ne suffit pas à qualifier et moins encore à épuiser » … Et il ajoutait : Le fédéralisme est autre chose qu’une s
1353 les ordinateurs ».] Je voudrais d’abord répondre à la question sur confédération ou fédération. Je crois que toute l’his
1354 sont des formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapidement si elles ne passent pas à la fédération e
1355 défaire assez rapidement si elles ne passent pas à la fédération et qu’en général les pays qui aujourd’hui s’appellent c
1356 ibilité d’intervenir souvent. Je n’irai pas jusqu’ à demander, comme Aristote, que les communes ne soient pas plus vastes
1357 ans l’esprit, si l’on veut donner un contenu réel à la notion de civisme. Il y a interaction de l’institution et du civis
1358 ales — de l’unité de base de participation. Quant à savoir si le mouvement vers les régions aboutirait à une dissociation
1359 avoir si le mouvement vers les régions aboutirait à une dissociation de la Suisse, on me pose souvent la question. Il fau
1360 Rhin et Mulhouse en France, le pays de Bade jusqu’ à Fribourg en Allemagne. Cette regio est une unité essentiellement écon
1361 région linguistique. On peut très bien continuer à y parler, comme en Suisse, plusieurs langues, bien que l’allemand y s
1362 Les dimensions des diverses régions correspondant à ces divers niveaux ne seront pas nécessairement les mêmes, elles ne s
1363 omme l’exige la tradition unitaire laquelle veut, à tout prix, imposer les mêmes frontières à des réalités qui n’ont rien
1364 e veut, à tout prix, imposer les mêmes frontières à des réalités qui n’ont rien en commun, totalement hétérogènes, comme
1365 la langue qu’on parle, et qui aboutit par exemple à la division de la région Ruhr-Moselle, qui est d’un seul tenant au po
1366 it d’un côté ou de l’autre d’une frontière tracée à la surface. Ce genre d’absurdité se révèle intenable et nous oblige à
1367 re d’absurdité se révèle intenable et nous oblige à chercher autre chose du côté des régions. Il est certain que le systè
1368 truction des autoroutes. Le plan général est fait à Berne, mais chaque tracé doit être discuté avec les cantons, qui sont
1369 r exemple. La question s’est posée de la priorité à établir dans le tracé de ces routes : il y avait 48 paramètres, dont
24 1969, Articles divers (1963-1969). « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)
1370 La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)ac ad
1371 69)ac ad La lecture des Nourritures terrestres à 16 ans m’a fait jouer du violon comme jamais, mais ce n’était pas ass
1372 ré jusqu’au soir dans l’euphorie — et suis rentré à la maison pour le dîner. Si j’avais rencontré Gide, en ce temps-là, j
1373 isés autour de la moyenne barométrique « variable à beau » (affection et réserve réciproques). Sa pensée n’a pour moi rie
1374 pis pour nous. Mais non : « le temps ne fait rien à l’affaire », l’actualité pas davantage, et son absence n’ôte ou n’ajo
1375 davantage, et son absence n’ôte ou n’ajoute rien à la valeur d’une œuvre pour qui sait la comprendre. (Pour les autres,
1376 age d’un ordre neuf — seule valable contestation, à mes yeux, du désordre établi. ac. Rougemont Denis de, « La lecture
25 1969, Articles divers (1963-1969). Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)
1377 des critiques : cette phraséologie d’époque prête à sourire, mais elle a fait pleurer, elle nous émeut encore, et surtout
1378 onnelle du phénomène de la guerre devait conduire à une innovation proprement révolutionnaire, envers et contre tous les
1379 lisme. Aristide Briand avait coutume de prononcer à la Chambre française des discours qui défiaient la syntaxe et qu’il f
1380 Journal officiel. C’est qu’il pensait — et disait à ses proches — qu’il ne doit rien rester d’un bon discours, sauf la lo
1381 sein il consacre à peu près un tiers de son écrit à la chronique de faits d’armes dont il n’a pas été le témoin, et qui a
1382 ement » blessés ou tués, il se range sans réserve à leurs catégories. C’est le style qu’elles attendent, et après tout c’
1383 lle du narrateur : le cliché vient de faire place à la chose vue. Et du coup cela devient effroyable. On croirait lire un
1384 lent. La figure noire de mouches qui s’attachent à leurs plaies, ceux-ci portent de tous côtés des regards éperdus qui n
1385 ge où les vers se sont mis ; plusieurs frémissent à la pensée d’être rongés par ces vers, qu’ils croient voir sortir de l
1386 qui écrit pour les mourants des lettres d’adieux à leurs familles. Peu à peu, les femmes du lieu « voyant que je ne fais
1387 t mon exemple en témoignant la même bienveillance à tous ces hommes d’origines si diverses, et qui leur sont tous égaleme
1388  de cette formidable et auguste tragédie » laisse à Dunant le sentiment de sa grande insuffisance devant le désastre de l
1389 appé soudain d’une amère et invincible tristesse, à la vue d’un simple incident, d’un détail inattendu, qui va plus direc
1390 t, d’un détail inattendu, qui va plus directement à l’âme, et qui ébranle les fibres les plus sensibles de notre être. H
1391 s visions de l’enfer de Castiglione, il se décide à rassembler ses souvenirs, trois ans plus tard, et il se borne à suggé
1392 es souvenirs, trois ans plus tard, et il se borne à suggérer, dans une note, que si ces pages pouvaient faire naître, ou
1393 ou développer et presser la question des secours à donner aux militaires blessés en temps de guerre… et si elles pouvaie
1394 vengeur esprit critique : pas un mot de reproche à quiconque dans ce livre ! On ne saurait être plus prudent, plus modér
1395 s commerce du Souvenir, la Croix-Rouge est fondée à Genève. Et certes, il n’eût pas pu la fonder seul, sans Gustave Moyni
1396 jeune bourgeois suisse, 31 ans, se résignera donc à l’attendre à Castiglione. On sait la suite, mais dans son livre, il s
1397 is suisse, 31 ans, se résignera donc à l’attendre à Castiglione. On sait la suite, mais dans son livre, il se borne à écr
1398 n sait la suite, mais dans son livre, il se borne à écrire cette seule phrase qui est sans doute l’une des plus saugrenue
1399 histoire : Simple touriste, entièrement étranger à cette grande lutte, j’eus le rare privilège par un concours de circon
1400 ister aux scènes émouvantes que je me suis décidé à retracer. Ce n’est pas du tout Fabrice à Waterloo dans la Chartreuse
1401 décidé à retracer. Ce n’est pas du tout Fabrice à Waterloo dans la Chartreuse de Parme, mais plutôt un parfait gentlema
1402 vention de Genève est signée par douze États qui, à leur tour, fondent des sociétés nationales de secours en cas de guerr
1403 et de famine. Un jour, on lui a demandé de parler à Plymouth : il ne peut arriver au bout de son discours, il est trop af
1404 aim. Quand ses chaussettes sont trouées, il teint à l’encre ses talons. En 1887, une espèce de vagabond sans bagage échou
1405 ur de la Croix-Rouge vit encore ! » Il va le voir à l’hôpital de Heiden, chambre 12, réussit à le faire parler, et publie
1406 e voir à l’hôpital de Heiden, chambre 12, réussit à le faire parler, et publie sur lui un article qui, bientôt reproduit
1407 cernent le prix de Moscou, « pour services rendus à l’humanité souffrante ». Le pape lui écrit de sa main. Et c’est enfin
1408 oire de votre prétendue civilisation sera employé à son service… Les combattants sont prêts pour de nouveaux combats, rés
1409 ants sont prêts pour de nouveaux combats, résolus à y engager le reste de l’Europe avec eux — peut-être le monde entier…
1410 llante mais trompeuse civilisation pour retourner à la barbarie — la barbarie scientifique !… Le résumé reste ceci : du s
1411 ique que je ne saurais croire toute inconsciente, à « attirer l’attention » sur un sujet précis, à partir duquel on pourr
1412 e, à « attirer l’attention » sur un sujet précis, à partir duquel on pourrait « avancer de quelques pas » : l’organisatio
1413 urs de la guerre » qui est son intention déclarée à toutes fins d’efficacité, c’est encore une manière d’admettre, avec l
1414 serait une guerre sans « horreurs » ?) J’avoue qu’ à ma première lecture du Souvenir, j’avais achoppé sur ce point. Mais l
1415 pouvait pas encore avouer, ni peut-être s’avouer à lui-même, alors qu’il écrivait le début d’Un Souvenir. Son vrai disco
1416  ? Un code de la guerre serait une chose odieuse à l’époque de civilisation où nous vivons, parce qu’il semblerait légit
1417 autres conclusions que la nécessité de s’en tenir à « quelques conventions diplomatiques spéciales, traitant chacune une
1418 itables… Assez de raisonnements captieux tendant à démontrer le contraire des évidences, afin de justifier à tout prix d
1419 rer le contraire des évidences, afin de justifier à tout prix des instincts que la raison et la religion répriment : Pou
1420 uerre est la suprême éducatrice du genre humain ! À cet antique adage de la sagesse commune à toutes les civilisations in
1421 umain ! À cet antique adage de la sagesse commune à toutes les civilisations indo-européennes, adoratrices de la force à
1422 sations indo-européennes, adoratrices de la force à quoi le Christ a opposé l’amour, Dunant répond encore dans le même fr
1423 que Dunant, écarté de l’action, n’ayant plus rien à espérer ni à ménager, s’abandonnerait au zèle amer du censeur des tem
1424 carté de l’action, n’ayant plus rien à espérer ni à ménager, s’abandonnerait au zèle amer du censeur des temps nouveaux e
1425 s croissent en étendue comme en puissance de mort à proportion des sacrifices financiers et des efforts de développement
1426 efforts de développement technique qu’on consacre à les préparer. Mais il y a plus. Réaliste est celui qui, non content d
1427 dénoncé le mal qui est dans le monde, s’en prend à ses principes qui sont dans l’homme, et sur lesquels nous pouvons exe
1428 les procédés nés de la Révolution, qui ont permis à l’État (de droite, à gauche) d’aboutir à l’alignement des réflexes me
1429 a Révolution, qui ont permis à l’État (de droite, à gauche) d’aboutir à l’alignement des réflexes mentaux et physiques, d
1430 t permis à l’État (de droite, à gauche) d’aboutir à l’alignement des réflexes mentaux et physiques, des espoirs et des pe
1431 es espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exactement : encaserner l’esprit humain. Que
1432 able école d’immoralité politique. » On y apprend à ne voir « rien de plus beau, rien de plus grand, rien de plus noble q
1433 . « Si, en s’unissant, elle se mettait résolument à l’œuvre pour blâmer sévèrement la guerre, au lieu d’être l’influence
1434 colonialisme : il pousse les nations de l’Europe à envahir des pays inoffensifs (Afrique, Asie) pour les asservir, pour
1435 u plus de soixante ans pour que l’Europe commence à le soupçonner…)45 Enfin la science et la technique nationalisées :
1436 bon gré mal gré (d’où guerres mondiales) et jetés à une forme de barbarie nouvelle : « la barbarie scientifique ». En eff
1437 est pas que le genre humain se soit plus appliqué à perfectionner que celle dont le but est le meurtre en grand de nos se
1438 r, directeur de l’Institut Henry-Dunant, destinée à un ouvrage collectif consacré aux lauréats du prix Nobel de la paix (
1439 quel il témoigne d’un respect, des plus insolites à l’époque, pour les « indigènes » et pour la civilisation arabe. Cette
26 1969, Articles divers (1963-1969). Toujours disponible (1969)
1440 onstances très diverses, je n’arrive plus du tout à retrouver quand j’ai rencontré pour la première fois Hans Oprecht. Av
1441 ur la première fois Hans Oprecht. Avant la guerre à Zurich, avec Silone ? Peut-être bien, puisque la Büchergilde Gutenber
1442 intellectuel en chômage . Aux débuts de la guerre à Berne ? Mais je fondais la Ligue du Gothard avec Theo Spoerri en mai
1443 cht fondait l’automne suivant un mouvement rival ( à ce qu’il m’apprit beaucoup plus tard), quoiqu’également résistant. Ce
1444 cun sait que Hans Oprecht a été l’un des premiers à utiliser cette forme moderne du cabinet de travail étiré sur plusieur
1445 e CEC ne pouvait mieux faire que de s’en remettre à l’expérience et à l’initiative de celui des membres de son comité qui
1446 ieux faire que de s’en remettre à l’expérience et à l’initiative de celui des membres de son comité qui avait le mieux dé
1447 ergilde Gutenberg, laquelle avait donné naissance à la Guilde du Livre, à Lausanne. Ce fut autour de ce noyau que se cons
1448 uelle avait donné naissance à la Guilde du Livre, à Lausanne. Ce fut autour de ce noyau que se constitua rapidement la Co
1449 evait grouper au cours des années suivantes jusqu’ à neuf guildes totalisant plusieurs centaines de milliers de lecteurs,
1450 en sept pays. Elle créa un Prix européen destiné à lancer de jeunes auteurs sur le plan international — idée reprise plu
1451 la formule guildienne… Et surtout, elle contribua à régulariser les relations des dirigeants des guildes entre eux d’abor
1452 ux d’abord, puis entre eux et les éditeurs. Quant à leurs relations avec le vrai public, les chiffres que je viens de cit
1453 de ces malheureux ne savent pas ce qu’ils doivent à l’initiateur de la Büchergilde Gutenberg ! Mais nous, au Centre europ
1454 e cette occasion d’avouer tout ce que nous devons à l’un des Suisses les plus remarquables et les plus originaux qui soie
1455 pour une aventure éducative ou culturelle, ouvert à toute l’Europe et parfait citoyen. ae. Rougemont Denis de, « Toujo
27 1969, Articles divers (1963-1969). « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)
1456 ont dilapidées. Le problème n’est pas particulier à Ferney-Voltaire. Ce qui me frappe, c’est l’extrême laideur de tout ce
1457 e, une église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause de cette place où les gens se voi
1458 logements seront construits dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’une enquête telle que la vôtre le révèle, c
1459 être modifiée. Il faut rendre les gens attentifs à l’importance du cadre dans lequel ils vivent. Cela est plus important
1460 discussion ne risque-t-elle pas de faire obstacle à tous les projets ? Je ne suis pas partisan d’une stagnation complète.
1461 e. Il faut éduquer les gens, les rendre sensibles à la beauté. C’est un immense problème d’éducation qui doit se traiter
1462 mmunauté, et non pas dans des casernes accrochées à de vieux villages que cela détruit. Un grand espoir : « la régiona
1463 ra, sur des régions plus petites, plus homogènes, à créer un style. Mais n’y aurait-il pas un grand bouleversement, dans
1464 nq-cent-soixante-quinze logements en construction à Ferney, plus de deux-mille-cinq-cents, soit en projet, soit en cours
28 1969, Articles divers (1963-1969). Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)
1465 Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)ak I. Les objections courantes
1466 ns et non sur les États-nations47, j’ai été amené à relever et à classer les objections les plus fréquentes à l’entrepris
1467 les États-nations47, j’ai été amené à relever et à classer les objections les plus fréquentes à l’entreprise qui fait l’
1468 r et à classer les objections les plus fréquentes à l’entreprise qui fait l’objet de la présente publication. Je note d’a
1469 s manuels scolaires, des curiosités par la presse à grand tirage et ses agences officieuses, des émotions par l’éloquence
1470 extrapolation du passé ou du présent, sont toutes à la merci d’une équation nouvelle, d’une action aujourd’hui encore imp
1471 n veut, il n’est pas très intéressant de chercher à deviner ce qui sera : « l’objectivité scientifique » dissimulant une
1472 r au 16 novembre 1848, et il est entré en vigueur à cette dernière date sans la moindre mesure de transition. (Suppressio
1473 çois Mauriac), tandis que les régions sont encore à naître. Les gens n’en veulent pas, de vos régions autonomes. Ils préf
1474 autonomes. Ils préfèrent mendier des subventions à Paris. Voyez les Bretons, qui votent gaulliste. Les conflits entre le
1475 une entité économique viable. Et qui parle breton à Rennes ? Les ethnies et les économies ne coïncident presque jamais.
1476 e un homme de cette seconde moitié du xxe siècle à concevoir une Europe des régions, proviennent du « modèle » que l’Éco
1477 ion, c’est-à-dire de l’ensemble des hommes vivant à l’intérieur d’un territoire délimité par les hasards des guerres et l
1478 tuelles et physiques, culturelles et économiques) à une seule et unique surface géographique déclarée « sol sacré de la p
1479 itoire » d’un chien fournit le modèle) correspond à quelque chose de fondamental chez l’homme néolithique (nomade fixé au
1480 ntal chez l’homme néolithique (nomade fixé au sol à partir du Xe millénaire avant notre ère). Au cours des siècles de l’h
1481 ne, ce sont les guerres qui ont servi de prétexte à ces concentrations forcées, c’est leur préparation, leur conduite et
1482 ens. Aujourd’hui, cette même réduction correspond à la seconde nature de l’homme alphabétisé, caractérisé par l’hypertrop
1483 évoque le modèle même de toute explication propre à convaincre le pire des imbéciles dans ce monde-là. Aux yeux de cet ho
1484 ossibilités pratiques de participation du citoyen à la vie d’une région de ce type ne seraient pas d’un ordre essentielle
1485 d’accroître les libertés civiques. Elle ne serait à aucun titre un modèle neuf de relations humaines et de structure du p
1486 fédéraliste, mais de la dissociation inévitable, à plus ou moins brève échéance, des grands États-nations européens. (C’
1487 t, qui cherche en tout et avant tout la réduction à la rassurante unité, ou au moins à l’uniformité ? C’est un problème d
1488 t la réduction à la rassurante unité, ou au moins à l’uniformité ? C’est un problème d’éducation ou de recyclage qui va n
1489 commençons tout de suite. Il nous faut apprendre à penser par problèmes et non par nations. Devant un problème donné (ur
1490 ersité, par exemple), il nous faut apprendre : 1° à déterminer les éléments de base ou modules praticables en ce domaine
1491 es) et les moyens requis pour les constituer ; 2° à chercher le niveau de décision correspondant aux dimensions de la tâc
1492 régional, national, continental ou mondial) ; 3° à admettre une pluralité d’appartenance ou d’allégeances, conforme à la
1493 uralité d’appartenance ou d’allégeances, conforme à la pluralité des activités humaines, aux dimensions variées des tâche
1494 suis neuchâtelois de naissance et de tradition : à ce canton va donc mon allégeance patriotique. Neuchâtel fait partie d
1495 e près par les hasards de l’histoire, je crierais à la dictature totalitaire, c’est-à-dire que je crierais à l’assassin,
1496 ctature totalitaire, c’est-à-dire que je crierais à l’assassin, au gangster et au fou ! Voyez Hitler. Mais personne ne m’
1497 iques de mise au pas d’une nation. Et de Napoléon à tout État-nation contemporain, la continuité est indéniable… Ce n’est
1498 humaines et qu’il les serve, au lieu de prétendre à les régir en souverain. Je demande la division du phénomène État en a
1499 omène État en autant de foyers, et sa répartition à autant de niveaux, qu’il y a de fonctions diverses dans l’humanité et
1500 les attributions de l’État (autorité centrale) «  à un simple rôle d’initiative générale, de garantie mutuelle et de surv
1501 iser, de partager. Seulement, Proudhon s’en tient à un partage ou répartition du pouvoir entre les échelons géographiques
1502 ou unités de base économiques (ou culturelles) et à leurs structures propres : les uns et les autres se chevauchent, se r
1503 facile de visualiser l’appartenance d’un élément à deux ensembles (dans mon cas : « Suisse » et « francophonie »), mais
1504 Suisse » et « francophonie »), mais si l’on passe à trois ou quatre ensembles, c’est difficile ; au-delà, irréalisable. E
1505 icile ; au-delà, irréalisable. Et pourtant facile à comprendre, dans le concret de l’existence. Prenons l’exemple le plus
1506 s, habitant cette région économique, de continuer à se rattacher politiquement à l’une des trois nations dont la Regio es
1507 omique, de continuer à se rattacher politiquement à l’une des trois nations dont la Regio est le carrefour ou l’intersect
1508 ion50. La résistance qu’opposent certains esprits à concevoir cette liberté (ou variété) d’appartenance démontre une défi
1509 cation démocratique. (« Ce qui n’est pas prescrit à tous, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’est pas sérieux 
1510 entretenir des visées politiques, ou laisser cela à des organes diversifiés fédérant des régions politiques, ou ethniques
1511 serait facile de multiplier ce type de problèmes à résoudre au niveau communal, régional, national-fédéral et continenta
1512 difficilement superposables, presque impossibles à dessiner… Mais après tout chacun de nous sait très bien à quelles soc
1513 er… Mais après tout chacun de nous sait très bien à quelles sociétés il cotise, où il paie ses impôts, qui est de sa paro
1514 ène dominant du xxe siècle, on doute qu’il pense à autre chose qu’à la France… 49. P.-J. Proudhon, Du principe fédérati
1515 xe siècle, on doute qu’il pense à autre chose qu’ à la France… 49. P.-J. Proudhon, Du principe fédératif, Paris, 1863, p
1516 . Rougemont Denis de, « Les résistances mentales à l’Europe des régions », L’Europe en formation, Nice, avril 1969, p. 3
29 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
1517 Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)al am Le remariage, ce n’est pas seuleme
1518 Elle n° 1215) : les hommes se marient en moyenne à 25 ans la première fois et à 41 ans la deuxième, les femmes à 22 ans
1519 e marient en moyenne à 25 ans la première fois et à 41 ans la deuxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à 38
1520 première fois et à 41 ans la deuxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à 38 ans, on a généralement quelques
1521 s et à 41 ans la deuxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à 38 ans, on a généralement quelques souvenirs, q
1522 ans la deuxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à 38 ans, on a généralement quelques souvenirs, quelques ch
1523 ème, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à 38 ans, on a généralement quelques souvenirs, quelques cheveux blancs
1524 de Roméo et Juliette, mais on espère bien arriver à Philémon et Baucis. On en est encore très loin : pour beaucoup de fem
1525 mour physique tels qu’on ne les soupçonnait guère à 20 ans, tels qu’on espère les connaître longtemps. Amours, délices et
1526 lème de notre époque qui a été aussi son problème à lui ; Denis de Rougemont n’est pas seulement l’écrivain qui a le mieu
1527 conjoints. Il y a la mobilité actuelle succédant à la stabilité d’autrefois. Mobilité non seulement géographique mais so
1528 croissante et on admet avoir d’autres aspirations à 40 ans qu’à 20 ans. D’où la multiplication des déséquilibres dans un
1529 t on admet avoir d’autres aspirations à 40 ans qu’ à 20 ans. D’où la multiplication des déséquilibres dans un couple — le
1530 oi ? L’une des grandes difficultés du sujet tient à ce qu’il n’existe pas de littérature romanesque sur le second mariage
1531 ent aux acteurs — les conjoints — et ce qui tient à la situation en soi, qu’est le deuxième mariage. Faute de matériel, j
1532 ème mariage. Faute de matériel, je me vois réduit à ma propre expérience et à celle des couples remariés que je connais.
1533 riel, je me vois réduit à ma propre expérience et à celle des couples remariés que je connais. La première fois, on épo
1534 chances de l’être : il y a des écueils inhérents à un premier mariage qui ne le sont plus à un second. Comme dit mon bea
1535 nhérents à un premier mariage qui ne le sont plus à un second. Comme dit mon beau-père, le Dr Répond, qui est psychanalys
1536 n ne connaît pas ses complexes, ils nous dirigent à notre insu, à notre corps défendant et c’est en quoi ils sont gênants
1537 as ses complexes, ils nous dirigent à notre insu, à notre corps défendant et c’est en quoi ils sont gênants, voire danger
1538 e femme aimée, parce que l’inconscient l’assimile à la mère interdite… Ces fixations amoureuses dues à des motifs inconsc
1539 la mère interdite… Ces fixations amoureuses dues à des motifs inconscients ont bien des chances de correspondre à la réa
1540 inconscients ont bien des chances de correspondre à la réalité des êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une
1541 orrespondre à la réalité des êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une image sans le savoir. Et l’on se trouv
1542 d’échec qui soient plus spécifiquement attachées à telle classe d’âge ? Oui, l’immaturité des conjoints, souvent accompa
1543 re-pied de leurs conseils. Ce qui conduit souvent à un mariage « d’attitude » : on veut prouver aux autres — et à soi-mêm
1544 « d’attitude » : on veut prouver aux autres — et à soi-même qu’on sait ce qu’on veut et qu’on n’a besoin de personne. Mo
1545 ntiments, plus on s’entête et plus on se dépêche. À 20 ans, il est classique de se marier en claquant la porte. Mais la c
1546 objectif : si l’un des deux est marié, il n’a qu’ à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-ce pas la morale sociale qui
1547 s — parents, entourage — on est donc moins poussé à braver leur opinion, à faire un mariage « d’attitude ». On est plus c
1548 — on est donc moins poussé à braver leur opinion, à faire un mariage « d’attitude ». On est plus conscient et on ne se jo
1549 de la durée, on accorde une plus grande attention à la compatibilité des caractères, aux éléments durables et indispensab
1550 ractères, aux éléments durables et indispensables à la durée du mariage. Attention, ne vous remariez pas pour vous ven
1551 er N’y a-t-il pas des causes d’échec spéciales à un deuxième mariage ? Oui, il y en a deux, qui tiennent, elles aussi,
1552 ? Oui, il y en a deux, qui tiennent, elles aussi, à ses motivations. La peur de la solitude, la peur de rester « en caraf
1553 ude, la peur de rester « en carafe » peut pousser à un remariage précipité. Et aussi le désir de prendre une revanche, de
1554 guer ce qui tient aux « acteurs » et ce qui tient à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce sont les difficultés inévit
1555 raintes matérielles, professionnelles, etc. Quant à la difficulté de la situation elle tient en une phrase ou un fait évi
1556 lui-même que l’on choisit, non pas comme prétexte à s’exalter ou comme objet de contemplation, mais comme une existence i
1557 mais comme une existence incomparable et autonome à laquelle on voudrait participer : voilà la plus profonde tendresse. L
1558 général de meilleures chances, faut-il en arriver à le prôner systématiquement ? Je pense que des solutions « préventives
1559 rait tout d’abord dédramatiser tout ce qui touche à l’amour, au mariage, au divorce. À la surestimation de la passion, is
1560 ce qui touche à l’amour, au mariage, au divorce. À la surestimation de la passion, issue du mythe de Tristan, et de tout
1561 e que pour la première fois, grâce à ce savant et à ses recherches « scientifiques », on osait parler du sexe ! Aujourd’h
1562 qui concerne l’amour, beaucoup de gens continuent à croire que l’analyser l’amoindrit. Une passion « inexplicable » paraî
1563 une réforme de la mentalité. On va souvent jusqu’ à la réforme des mœurs lorsqu’on envisage le « mariage à l’essai ». Qu’
1564 réforme des mœurs lorsqu’on envisage le « mariage à l’essai ». Qu’en pensez-vous ? Je suis pour tout ce qui peut aider le
1565 us ? Je suis pour tout ce qui peut aider les gens à prendre conscience du sérieux, de la beauté, mais aussi de la difficu
1566 au premier accrochage sérieux et ça n’incite pas à l’effort, à la tolérance, l’amour difficile. Il manque le pacte. L’en
1567 accrochage sérieux et ça n’incite pas à l’effort, à la tolérance, l’amour difficile. Il manque le pacte. L’engagement tot
1568 que le pacte. L’engagement total. Je ne crois pas à la valeur magique du « oui » solennel mais bien à la valeur psycholog
1569 à la valeur magique du « oui » solennel mais bien à la valeur psychologique de protection qu’il y a dans la décision « po
1570 imposait des marches d’entraînement et j’ai fait à cette occasion une découverte qui a joué un rôle important dans ma vi
1571 d’heure. Quand nous pensions que nous aurions 20 à 30 km à couvrir, nous commencions à être fatigués au bout de 10 à 12
1572 . Quand nous pensions que nous aurions 20 à 30 km à couvrir, nous commencions à être fatigués au bout de 10 à 12 kilomètr
1573 us aurions 20 à 30 km à couvrir, nous commencions à être fatigués au bout de 10 à 12 kilomètres. Mais quand nous avons su
1574 r, nous commencions à être fatigués au bout de 10 à 12 kilomètres. Mais quand nous avons su que cette fois-ci c’était sér
1575 est l’épreuve privilégiée qui seule donne un sens à la vie, quand ils comprendront que la passion n’est jamais une raison
1576 sentiments, donc ont fait faire d’énormes progrès à la conscience collective. Mais ne prenez pas le virus comme base de l
1577 re « modernisé » ? Le mariage ne peut renoncer ni à la durée ni à la fidélité. Un mariage c’est une œuvre d’art, une cons
1578  » ? Le mariage ne peut renoncer ni à la durée ni à la fidélité. Un mariage c’est une œuvre d’art, une construction à deu
1579 n mariage c’est une œuvre d’art, une construction à deux et comme toute création il a ses difficultés. Il faut sans cesse
1580 re. De même le mariage exige que l’on se consacre à l’autre avec continuité ! C’est le contraire du « coup de foudre » av
1581 fidélité c’est bien autre chose que de se borner à ne pas tromper sa femme : c’est une œuvre d’art exigeante et qui tent
1582 st l’ennui. En somme, lorsqu’un homme pourra dire à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage sera sauvé ! Qui l’os
1583 Rougemont Denis de, « [Entretien] Le mariage est à réinventer », Elle, Paris, 14 avril 1969, p. 29, 32, 34, 37, 39, 43-4
1584 i l’ont lu sont mieux armés pour réussir leur vie à deux —, vous explique comment les problèmes du deuxième mariage éclai
30 1969, Articles divers (1963-1969). Le personnalisme, la contestation, les hippies et… le fédéralisme (27 septembre 1969)
1585 ux et enthousiaste était venu entendre jeudi soir à l’Université McGill. Le sujet de cette conférence, qui était placée s
1586 Mais l’œuvre de M. de Rougemont ne se réduit pas à un seul titre : elle ne gravite pas uniquement autour de ce seul thèm
1587 l’ensemble de son œuvre, on décerne aujourd’hui, à M. de Rougemont le Prix Schumann pour ses services rendus à la cause
1588 ugemont le Prix Schumann pour ses services rendus à la cause de l’unification de l’Europe. Ce prix, qui lui sera décerné
1589 ope. Ce prix, qui lui sera décerné officiellement à Bonn en février prochain, nous rappelle utilement cette autre thèse c
1590 , nous rappelle utilement cette autre thèse chère à M de Rougemont : celle du fédéralisme. Il l’a non seulement défendue
1591 re, qu’il a fondé et qu’il dirige depuis 1949. Si à ses nombreux titres on ajoutait celui qu’il s’apprête à recevoir aux
1592 nombreux titres on ajoutait celui qu’il s’apprête à recevoir aux États-Unis, après son séjour au Canada, je veux parler d
1593 ofité de cette première visite de M. de Rougemont à Montréal pour essayer de cerner un peu mieux, d’un peu plus près, ce
1594 personnage énigmatique. D’entrée de jeu, il tient à nous mettre en garde. Ce que je voudrais bien marquer, nous dit-il, c
1595 mariage, du couple et mes théories fédéralistes. À quoi je lui ai répondu que rien n’était plus facile. Car pour moi, le
1596 c’est-à-dire du système d’aménagement qui permet à des natures diverses de vivre ensemble, de coexister en tension, sans
1597 e coexister en tension, sans se subordonner l’une à l’autre, sans se mélanger, en restant donc parfaitement distincte. Il
1598 ais sans confusion et sans subordination de l’une à l’autre, et que de plus, leur union, loin d’évacuer les différences,
1599 s mélangeant, ou encore en les subordonnant l’une à l’autre. Il faut, au contraire, œuvrer avec ces deux réalités. C’est
1600 aphie de M. de Rougemont. La première nous ramène à 1932. Denis de Rougemont a, alors, 26 ans. Il habite Paris. C’est là
1601 ans. Il habite Paris. C’est là qu’il participera à la naissance de trois revues : L’Ordre nouveau , au côté d’Arnaud Da
1602 , 1932 marque aussi la naissance du personnalisme à laquelle il devait participer. C’était la réponse à « la spoliation d
1603 laquelle il devait participer. C’était la réponse à « la spoliation de l’identité profonde de l’homme ». Il publiera d’ai
1604 st à la fois ce qui distingue l’homme et le relie à la communauté où il exerce. Ce qui l’amena — avant Sartre, ce qu’on i
1605 na — avant Sartre, ce qu’on ignore généralement — à parler de l’« engagement » de l’écrivain. Car ce qu’il appelle engage
1606 ment de l’individu. Mais cet engagement, tient-il à nous faire remarquer, n’implique pas qu’on s’inscrive dans un parti o
1607 estation étudiante qui sévit aujourd’hui de Paris à Tokyo n’est-elle pas une contestation personnaliste ? M. de Rougemont
1608 tion personnaliste ? M. de Rougemont n’hésite pas à répondre par l’affirmative : C’est, en effet, nous dit-il une contest
1609 tions, on retrouve plusieurs de celles qui furent à la base du mouvement personnaliste. Ce que nous appelions en 1932 la
1610 nous faire croire qu’il y avait de grandes causes à défendre et nous ne voyions pas du tout lesquelles à ce moment-là. Ce
1611 éfendre et nous ne voyions pas du tout lesquelles à ce moment-là. Cette crise existentielle dont nous avions été les témo
1612 éclata pour la première fois parmi les étudiants à Berkeley, M. de Rougemont l’avait déjà vécue. Il désire néanmoins app
1613 déceler dans la contestation qui s’est développée à Paris, à Berlin, et ailleurs quelque chose que je crois extrêmement d
1614 ans la contestation qui s’est développée à Paris, à Berlin, et ailleurs quelque chose que je crois extrêmement dangereux,
1615 mement dangereux, et qui ne ressemble pas du tout à notre réaction personnaliste et communautaire. Elle ressemble plus so
1616 ste et communautaire. Elle ressemble plus souvent à la réaction des jeunes fascistes italiens et nazis qui ne respectaien
1617 l’Université et refuse de dire ce qu’il y mettra à la place. C’est de la démagogie facile et extrêmement dangereuse. Car
1618 Il s’agissait alors de substituer un nouvel ordre à ce que nous appelions le désordre établi. La contestation véritable,
1619 parfois trop loin, même s’il y a trop de drogues à l’appui. C’est une réaction vitale de leur part contre ce monde qui e
1620 êmes de la passion. Car, finalement, si on arrive à supprimer tous les problèmes individuels on aboutira à un monde où la
1621 primer tous les problèmes individuels on aboutira à un monde où la passion, la tentation de la passion n’aura plus aucun
1622 assemblements comme celui qui a eu lieu récemment à Bethel, près de New York, sont la démonstration éclatante de ce besoi
1623 e n’ose construire, M. de Rougemont s’est employé à la définir et à en propager l’idée de par le monde. Car 1946 marque c
1624 re, M. de Rougemont s’est employé à la définir et à en propager l’idée de par le monde. Car 1946 marque cet autre tournan
1625 sa nationalité, il était neutre. Nous sommes ici à patauger, pouvons-nous lire dans son Journal des deux mondes , parce
1626 apable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Le fédéralisme L’idée fédéraliste s’était donc impo
1627 de l’Europe. Et depuis, il travaille sans relâche à la cause du fédéralisme. Il ne nous cache d’ailleurs pas qu’il désira
1628 ue je préconise et qui n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvétique. Je ne souhaite ni
1629 e ne souhaite ni une agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une as
1630 oi, est tout autre chose. Il consiste précisément à maintenir ces deux éléments en apparence contradictoires : l’union et
1631 arce que la vraie cité où l’homme peut participer à la vie publique, c’est quelque chose de beaucoup plus petit. En d’aut
1632 la commune, par la recréation de communauté de 5 à 20 mille habitants qu’on appelle, en urbanisme moderne, des unités d’
1633 faut aller jusqu’au niveau mondial. Mais revenons à l’Europe. Là-bas, il est bien certain qu’on n’arrivera jamais à unir
1634 -bas, il est bien certain qu’on n’arrivera jamais à unir ces États-nations. Il faut donc, nous répète M. de Rougemont, qu
1635 s, et ce n’est seulement qu’alors, qu’on arrivera à fédérer l’Europe, car ces régions n’auront aucune peine à s’entendre.
1636 r l’Europe, car ces régions n’auront aucune peine à s’entendre. On arriverait ainsi à construire une Europe unie, faite d
1637 nt aucune peine à s’entendre. On arriverait ainsi à construire une Europe unie, faite de régions, mais qui seraient décou
1638 e soit utopique, M de Rougemont serait le premier à l’admettre. Mais « contre les risques qui se lèvent, l’esprit de risq
31 1969, Articles divers (1963-1969). La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)
1639 n ? Je m’y suis toujours placé depuis ma jeunesse à Paris quand nous fondions les revues personnalistes Esprit et L’Or
1640 ça, mais comme la substitution d’un ordre nouveau à ce que nous appelions le « désordre établi ». Désordre par rapport à
1641 x premiers chapitres de mon premier livre, publié à Paris en 1934… Est-ce que le mot et la chose « engagement » ont encor
1642 n jugement, pour se livrer, pieds et poings liés, à un parti, à condition qu’il soit de gauche d’étiquette. Pour moi — en
1643 pour se livrer, pieds et poings liés, à un parti, à condition qu’il soit de gauche d’étiquette. Pour moi — enfin, pour no
1644 ité de l’union qui, dans mon esprit, est destinée à garantir ces autonomies. Si vous voulez : il y a deux manières de con
1645 oir la vie politique et la vie publique. Une vise à la puissance collective ou d’un homme, l’autre vise à la liberté et à
1646 puissance collective ou d’un homme, l’autre vise à la liberté et à la libération maximales des hommes, des personnes. Je
1647 ctive ou d’un homme, l’autre vise à la liberté et à la libération maximales des hommes, des personnes. Je suis contre l’É
1648 on dans sa formule xixe siècle, qui ne visait qu’ à la puissance collective, et qui aboutit aux guerres que l’on sait. […
1649 ue l’on sait. […] Souveraineté nationale groupant à l’intérieur d’une frontière unique imposée à toutes espèces de réalit
1650 pant à l’intérieur d’une frontière unique imposée à toutes espèces de réalités humaines — que ce soit des réalités religi
1651 vous avez fondé, je pense, et que vous présidez, à Genève ? J’ai créé ce Centre en 1949-1950 comme la contrepartie, sur
1652 péenne, des efforts économiques qui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui étaient fai
1653 ques qui étaient faits par le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Il nous semblait à tous, d’ailleurs, qu’il fallait un tro
1654 onseil de l’Europe à Strasbourg. Il nous semblait à tous, d’ailleurs, qu’il fallait un troisième volet, qui était la cult
1655 qui était la culture… Alors, j’ai créé ce centre à Genève, très petit, avec très peu de moyens parce que les gouvernemen
1656 gent. Enfin, j’ai, par des tours de force, réussi à créer ce Centre et à le maintenir. Qui devait être un lieu de rencont
1657 r des tours de force, réussi à créer ce Centre et à le maintenir. Qui devait être un lieu de rencontre pour les hommes de
1658 ’agences nucléaires de six pays, qui a donné lieu à la création du CERN — le Centre européen de recherche nucléaire, le p
1659 us les réunissons. Ceci avec un tout petit staff, à Genève, auquel nous avons finalement ajouté, après de nombreuses anné
1660 vons créé un Institut universitaire — qui est lié à une université — qui se consacre à des études d’intérêt largement eur
1661 — qui est lié à une université — qui se consacre à des études d’intérêt largement européen : économiques, politiques, cu
1662 ui, je crois que nous sommes arrivés tout de même à combattre avec pas mal de succès cette idée folle des manuels de notr
1663 nne. Ma passion fondamentale : trouver un sens à la vie Vous êtes probablement dans le monde l’un des grands exégèt
1664 e expérience de votre vie personnelle vous a voué à accorder autant d’attention à l’amour ? Je vous dirais qu’au fond, ma
1665 onnelle vous a voué à accorder autant d’attention à l’amour ? Je vous dirais qu’au fond, ma passion fondamentale, c’est d
1666 ma passion fondamentale, c’est de trouver un sens à la vie. Trouver un sens, c’est aussi trouver un principe de cohérence
1667 ntes — l’autonomie et l’union — et chacune portée à son maximum, chacune aidant l’autre à exister. Eh bien, le mariage, c
1668 cune portée à son maximum, chacune aidant l’autre à exister. Eh bien, le mariage, c’est exactement la même chose entre un
1669 de des institutions religieuses — ce qui est tout à fait autre chose, n’est-ce pas ? Les cadres étatiques de la religion
1670 ut ça, sont en pleine crise — je n’irai pas jusqu’ à dire débandade, mais on n’en est pas loin. […] Comme je le disais d’a
1671 d’ailleurs dans un livre écrit pendant la guerre à New York, La Part du diable , nous allons vers le règne de l’ennui m
1672 réativité humaine, la responsabilité personnelle, à ce que j’appelais le pouvoir de « décréation » du diable. Je suis en
1673 ynamique qui dit que tout ensemble de forces tend à une certaine dégradation de l’énergie, par exemple, l’énergie lumineu
1674 une forme d’organisation de l’énergie inférieure à la précédente. Alors contre ça, il faut lutter par ce qu’on appelle e
1675 , c’est une espèce de symbole de tout ce qui tend à détendre les énergies humaines, n’est-ce pas ?, à unifier, à uniformi
1676 à détendre les énergies humaines, n’est-ce pas ?, à unifier, à uniformiser, à égaliser, et toujours au profit du degré le
1677 les énergies humaines, n’est-ce pas ?, à unifier, à uniformiser, à égaliser, et toujours au profit du degré le plus bas d
1678 maines, n’est-ce pas ?, à unifier, à uniformiser, à égaliser, et toujours au profit du degré le plus bas d’organisation,
1679 duits par la note suivante : « Parce qu’il est né à Neuchâtel (Suisse) en 1906, Denis de Rougemont a maintenant passé la
1680 t-à-dire qu’il a deux fois l’âge où l’on commence à être suspect pour les jeunes. Et pourtant !… À l’entendre parler de p
1681 ce à être suspect pour les jeunes. Et pourtant !… À l’entendre parler de personnalisme, mouvement auquel il est associé a
1682 vingtaine qui se lance, avec toute sa génération, à la recherche d’un humanisme socialiste de type marxiste ou chrétien.
1683 umanisme socialiste de type marxiste ou chrétien. À l’entendre approfondir la conclusion de sa conférence du 25 septembre
1684 ir la conclusion de sa conférence du 25 septembre à l’Université McGill, on sent que la place qu’il accorde, par exemple,
1685 elles n’est pas qu’un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’il ne se gêne cependant pas de critiquer quand il en