1 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme suisse (1963)
1 e nationale » bien caractérisée ; ni même d’avoir été la mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée, marquan
2 ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait été globalement inférieur à celui de toute autre région de dimensions à p
3 contraire me paraît probable.) Mais cet apport ne fut jamais typique et spécifique d’une unité bien évidente, à la fois cul
4 ente, à la fois culturelle et politique, comme le furent la Sérénissime, les états généraux de Hollande, l’Angleterre de la pr
5 de Weimar. C’est que l’ensemble suisse n’a jamais été défini par autre chose que par un système d’alliances, embrassant de
6 ins, sans doctrine trop clairement formulée. Ce n’ est guère qu’au xixe siècle qu’on se mit à parler de fédéralisme. Encore
7 n se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose était -elle entendue de manière assez différente par les Alémaniques et les
8 é centrale. Rien d’étonnant si une telle pratique est mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notamment chez nos voisi
9 teurs. Un Français cultivé et qui se demande quel est le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt à son Littré, où il trou
10 ine du gouvernement fédératif. — « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
11 révolution, chap. I. Pour un Français, la cause est entendue : fédéraliste égale sauvage, ou traître. Pour un Suisse, c’e
12 perd la face. Essayons d’expliquer ce qui peut l’ être , en cette affaire où le sens concret du bien public a beaucoup plus à
13 ntes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même d
14 positions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres sy
15 esse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles sont . Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les te
16 me vivant, n’allons pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel ou d’opportunisme lâche, qui tolère
17 ’un parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire absolu de tout régime totalitaire, de tout ordre gé
18 pliste, et par-là même tyrannique. (« La tyrannie est le souverain désordre », disait Vinet.) Le fédéralisme veut la divers
19 diversités régionales, aime aussi leur santé, qui est celle de l’ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide
20 re ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’ est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de
21 léra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’ est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se n
22 t un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’ est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clo
23 à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’un
24 sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule. Il représente la seule attitude rigoureusemen
25 veut une maîtrise du divers, comme tout art. Elle est un art de la composition, qui requiert à la fois et en même temps la
26 ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
27 oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est la libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centr
28 ification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Ces image
29 rme, — dans tous les sens du mot. Ces images, qui sont autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de compos
30 aisser englober dans un plus grand corps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organe
31 e jeu d’organes bien différenciés ; et les autres sont tentés d’oublier qu’un organe bien différencié ne saurait vivre isolé
32 fférencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle serait alors la solution fédéraliste ? J’en propose ici le principe : que l’
33 la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’ être . Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation polit
34 e trahira sa raison d’être. Mais le fédéralisme n’ est pas seulement un mode d’organisation politique, le seul « régime de c
35 détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses, l’unité de base, d’origine et de but,
36 le tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité cultur
37  ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laqu
38 andes cultures nationales voisines. Pour que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale 
39 nt l’addition constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme
40 la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’ est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nati
41 oire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l
42 ulture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de t
43 ais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles
44 xistence : il faut bien admettre que la culture s’ était constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour illust
45 ’est simplement l’école locale dans laquelle il s’ est formé. D’où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais, cet
46 e guère qu’à la langue française. Mais celle-ci n’ est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de la
47 nçaise actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore d
48 mand ne saurait définir une « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nati
49 saurait à elle seule définir une culture : elle n’ est guère qu’un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-
50 s éléments de la culture en général, si essentiel soit -il. Tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale
51 re, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même totalement indépendants des langues modernes, et ne
52 talement indépendants des langues modernes, et ne sont , de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-t
53 otre continent. ⁂ Or il se trouve que les Suisses sont , ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des
54 r il se trouve que les Suisses sont, ou devraient être , préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures national
55 autres de l’illusion des « cultures nationales », fût -ce du seul fait de la composition linguistique si variée de leur État
56 osition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos
57 directement à l’ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos
58 ibres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là
59 tre les États-nations. La véritable unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment
60 t de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent al
61 trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’ est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État.
62 os cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de
63 timents naturels ou historiques, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des
64 iés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiqu
65 e ce fut le cas des provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiques — même Neuchâtel, en dépit de ses princes — f
66 arge autonomie des communes. 4° le protestantisme est majoritaire en Suisse romande ; il a déterminé en grande partie nos m
67 articulier, mais cela revient au même. 5° nous ne sommes pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose ave
68 pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont
69 ieuse, à la Réforme ou à l’Église catholique, qui sont mondiales ; par sa langue, au domaine français, et par sa culture, au
70 nombre de combinaisons originales. On ne saurait être moins conforme aux devises des États totalitaires (« Une Foi, une Loi
71 n Reich, ein Führer » sous Hitler). On ne saurait être plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, e
72 des nations voisines. Qu’on m’entende bien : ce n’ est pas un éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites d
73 me les implique et permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité dorée, po
74 ans doute, la sécurité avant tout. Ce phénomène n’ est pas particulier à la Suisse, mais peut-être les Suisses moyens trouve
75 endre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’
76 pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le pa
77 eurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’ est -ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît l
78 ractère de Suisses romands, si profondes qu’aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certa
79 Ramuz, à titre d’argument massue contre ma thèse. Est -il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de P
80 Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’ est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des r
81 , en tant qu’artiste, comme il arrive ; elle n’en fut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. Mais la
82 limitations de son œuvre. Mais la littérature n’ est plus, de nos jours, cette espèce de critère privilégié du niveau de c
83 vilégié du niveau de culture d’un peuple, qu’elle fut au temps de l’Europe classique puis romantique. Les sciences ont pris
2 1963, Articles divers (1963-1969). Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)
84 le cadre du Centre européen de la culture, il ne sera sans doute pas inutile de situer notre projet, d’en préciser les coor
85 u bien autre chose que des intérêts matériels. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’être de cet Instit
86 onc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’ être de cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture pré
87 gt-cinq autres instituts d’études européennes qui sont à l’œuvre, depuis plusieurs années, dans d’autres villes du continent
88 erche objective. Certes, la question européenne n’ est pas une question académique ! Elle n’appartient pas à un passé qu’il
89 re et d’interpréter, mais à un avenir auquel nous sommes tous vitalement intéressés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moi
90 ent intéressés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dir
91 n acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est -ce à dire qu’il faille en laisser le soin au seul réalisme des hommes
92 bien reconnaître que beaucoup attendent encore d’ être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’être envisagés dans l’ense
93 d’être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’ être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections et par rapport à
94 résente autre chose et un peu plus que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à peine 4 % des terres émergées de
95 que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à peine 4 % des terres émergées de la planète. Cette question europée
96 es groupes de nations récentes et plus instables, sont à la recherche de quelque union encore mal définie, mais qui a déjà f
97 0 millions d’hommes. Dans un tel monde, quel peut être l’avenir des États de l’Europe, petits et moyens désormais — c’est-à-
98 lassique de ces expressions ? Aucun de nos pays n’ est en mesure, non plus, de parler au nom de l’Europe. Qui pourrait assum
99 u congrès de La Haye, en 1948, qu’une Europe unie serait en mesure de doubler sa production et son niveau de vie. Jean Monnet
100 peut-être le vent de l’histoire en poupe. Ils ne sont pas nombreux d’abord, ils ne sont pas suivis par la majorité de leurs
101 n poupe. Ils ne sont pas nombreux d’abord, ils ne sont pas suivis par la majorité de leurs collègues. Mais ce sont, notons-l
102 uivis par la majorité de leurs collègues. Mais ce sont , notons-le, les plus illustres de l’époque : Churchill, De Gasperi, L
103 croire, mais en fait dans le même sens final qui est celui d’une Europe autonome rendue forte par son union, de Gaulle lui
104 mation économique de quelque envergure ne saurait être limitée au domaine purement économique, comme on disait naguère. D’un
105 e, comme on disait naguère. D’une part, le social est inséparable de l’économique, d’autre part, l’économie commande les ar
106 ie commande les armements, surtout au prix où ils sont . La politique en dépend donc aussi étroitement qu’elle dépend par ail
107 e donc posé, inéluctablement, à tous nos pays, ne fût -ce que par la seule existence du Marché commun. Telle est donc la que
108 ue par la seule existence du Marché commun. Telle est donc la question européenne. Formulée tout d’abord par des intellectu
109 lle débouche enfin sur le plan politique. Mais il serait excessif de dire qu’elle y débouche en pleine clarté. Au contraire, c
110 encore d’États-Unis d’Europe, comme si ces termes étaient , à toutes fins utiles et grosso modo, synonymes. Cet état de confusio
111 États-nations centralisés, dont l’exemple typique est la France. Dans une telle Europe, nos États actuels ne joueraient plu
112 e solution unitaire, jacobine ou napoléonienne, n’ est en fait et comme telle défendue par personne, et n’offre pas un champ
113 que l’unification de l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne serait conforme ni aux données historiques, ni aux don
114 l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne serait conforme ni aux données historiques, ni aux données actuelles et conc
115 soudre. Il importe toutefois de la mentionner, ne fût -ce qu’à titre de limite, de conséquence extrême, inaccessible, qui ma
116 éenne, cette utopie joue un rôle non négligeable, fût -ce au seul titre de repoussoir, disons même d’épouvantail. À l’autre
117 utre extrême, on peut concevoir une Europe qui ne serait organisée que par un système d’alliances entre États souverains. C’es
118 dans la mesure toutefois où cette souveraineté ne serait pas limitée, en fait, et même en droit, par leurs alliances mêmes. Ce
119 les choses autant que possible en l’état où elles sont . Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour r
120 autant que possible en l’état où elles sont. Mais est -il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour répondre à
121 ’état où elles sont. Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour répondre à cette question, il convie
122 voir, d’une part, dans quelle mesure cette notion est compatible avec le droit, et d’autre part, si elle correspond encore
123 ctivement si, et dans quelle mesure, « les choses étant ce qu’elles sont », la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas
124 ans quelle mesure, « les choses étant ce qu’elles sont  », la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas, en fait plus en
125 ce. Mais l’objet de pareilles études risquerait d’ être par trop transitoire, trop lié à une actualité mouvante, susceptible
126 édéraliste. Dans une Europe fédérée, les États ne seraient pas effacés ou dissouts, ils ne seraient pas non plus maintenus dans
127 États ne seraient pas effacés ou dissouts, ils ne seraient pas non plus maintenus dans une fiction de souveraineté absolue, mais
128 s Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est vrai, de « donner forme à la volonté d’union politique déjà implicite
129 politique dont l’intégration économique pourrait être la préfigure, ou l’amorce. Ce régime serait-il interétatique, super é
130 ourrait être la préfigure, ou l’amorce. Ce régime serait -il interétatique, super étatique, ou extraétatique, pour reprendre le
131 rocessus de décision des Communautés économiques, serait celle des trois solutions qui aurait le moins de chances dans cette c
132 s, au cours de ce premier semestre tout au moins, sont de nature assez diverse. Raisons générales, d’abord. La solution fédé
133 s, besoins qui semblent contradictoires, mais qui sont là, incontestablement. Elle paraît aussi la plus propre à rallier ou
134 ns particulières ensuite. La solution fédéraliste est évidemment la plus conforme à l’expérience de la vie politique et civ
135 ce de la vie politique et civique du pays où nous sommes , et dont je suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison,
136 que et civique du pays où nous sommes, et dont je suis , pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de
137 mes collaborateurs et moi-même, si différents que soient nos tempéraments, nos origines et nos champs d’intérêts particuliers,
138 mps d’intérêts particuliers, avons tous les trois été amenés par nos précédents travaux à étudier certains aspects du probl
139 linaire qui s’impose à nous. Car le fédéralisme n’ est pas une doctrine toute faite, un dogme auquel il s’agirait de plier l
140 r le fédéralisme avant d’en étudier les exemples, soit dans l’expression, soit dans l’application. Toutefois, ce procédé cla
141 ’en étudier les exemples, soit dans l’expression, soit dans l’application. Toutefois, ce procédé classique serait trompeur d
142 ns l’application. Toutefois, ce procédé classique serait trompeur dans le cas particulier, car il se trouve que le fédéralisme
143 articulier, car il se trouve que le fédéralisme n’ est précisément pas un système logique que l’on puisse déduire dans l’abs
144 éométriques. Tenter de le définir d’entrée de jeu serait donc s’exposer à trahir méthodiquement sa nature même. Voilà sans dou
145 ment sa nature même. Voilà sans doute pourquoi ce sont ses adversaires qui éprouvent le moins de scrupules à en donner des c
146 n indifféremment, sans qu’aucun contenu ne puisse être saisi au passage ; certains d’entre eux ridiculisent carrément le ter
147 trine du gouvernement fédératif. « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
148 e l’esprit français, qui passe pour cartésien. Ce sont pourtant deux juristes britanniques, Sir Ivor Jennings et C. M. Young
149 eulement où une forme plus stricte d’organisation est pratiquement impraticable (practically impracticable)11 ». Quant aux
150 consacrés au fédéralisme, quelques titres doivent être cités d’emblée. Les 85 articles écrits par Jay, Hamilton et Madison p
151 d à toutes les structures intersociales, qu’elles soient ou non étatiques ; l’équipe de l’Ordre nouveau, de 1932 à 1939, avec
152 le Congrès de l’Europe, à La Haye, en 1948, d’où sont issues les premières réalisations européennes, le Conseil de l’Europe
153 auteurs écrit ceci : Tout démontre que, quel que soit son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’une simple recette ju
154 e que, quel que soit son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
155 qu’une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique, et peut-être
156 et de civilisation, vous voyez que la discussion est très ouverte… J’ai donc estimé qu’au lieu de partir d’une définition
157 rètement partisane, ou entachée d’abstraction, il était plus honnête et enseignant d’aller rechercher dans les écrits des pré
158 f des utopies politiques. La plupart de ces plans sont restés peu connus, voire inconnus de leurs contemporains. Aucun d’ent
159 te, et moins encore de résultats. Cependant, ce n’ est pas une histoire des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de l
160 conceptions et croyances régnantes en leur temps, soit qu’ils les reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décr
161 mps, soit qu’ils les reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à
162 ement — et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à « ce qui allait de soi » du vivant d
163 é au moment où le Saint-Empire, principe d’unité, est en crise, en décadence. Pierre Dubois, avocat de Philippe le Bel, pro
164 de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement contemporains de la naissance de notre confédération, qu
165 i les suivront au cours des siècles jusqu’à nous, est certes significatif, et j’en examinerai les causes. Dans ce contexte,
166 , de la sorte, pourquoi certains de ces obstacles sont en train de céder aujourd’hui. Mais il n’est pas moins important de r
167 les sont en train de céder aujourd’hui. Mais il n’ est pas moins important de rechercher dans ces plans avortés les étymolog
168 récédé de plusieurs siècles sa théorie (ceci peut être vérifié le plus exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’a été co
169 us exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’a été connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant parti, les
170 e). Le mot n’a été connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant parti, les jacobins, tandis qu’elle se réalisait
171 ussite Podiebrad, et ensuite du ministre déchu qu’ était le duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’était William Penn
172 e duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’ était William Penn, puis d’un économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d
173 des auteurs de plans que nous allons parcourir n’ est pas seulement pittoresque : elle nous conduit au cœur des débats idéo
174 s de Genève, Genève, 1963, p. 61-72. k. L’auteur est présenté par cette note : « Denis de Rougemont : né en 1906 à Neuchât
175 erté de la culture. Auteur de 24 ouvrages qui ont été traduits en 12 langues. »
3 1963, Articles divers (1963-1969). Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)
176 sation occidentale (janvier 1963)b Les Suisses sont tard venus dans le développement de la culture occidentale ; ils n’y
177 e sur la grande scène européenne : ses capitaines sont le réformateur Zwingli, le peintre-poète Manuel, le médecin-philosoph
178 ts États qui constituent l’actuelle Confédération est sans doute supérieure à celle de toute autre région prise au hasard d
179 ion prise au hasard dans les pays voisins, et qui serait comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On excepte, b
180 du xiiie jusqu’au milieu du xixe siècle, elle n’ était guère qu’une confédération plus ou moins lâche de petits États souver
181 grands esprits et les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’un canton déterminé (qui n’est parfois qu’une ville, Bâle o
182 suisses sont d’abord d’un canton déterminé (qui n’ est parfois qu’une ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réali
183 se — à une échelle européenne. Toutes nos gloires sont européennes, non seulement par leur rayonnement (comme le furent cell
184 nes, non seulement par leur rayonnement (comme le furent celle d’un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkeg
185 n canton — ou l’Europe. Ainsi, le stade national est sauté. J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un des grands pri
186 nds privilèges culturels des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent, c’est pour rejoindre i
187 . Il en va de même dans le domaine culturel. Nous sommes , nous Suisses, immédiats à l’Europe, condamnés à l’Europe, dirais-je,
188 commune originelle. Cette situation particulière est très conforme au génie de la culture occidentale, car celle-ci a touj
189 e la culture occidentale, car celle-ci a toujours été faite par des foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles
190 âle, avec Érasme et Holbein, Zurich avec Zwingli, sont les trois premiers foyers de rayonnement européen des ligues. Aussitô
191 toire, dont son fervent disciple, Nietzsche — qui est aussi son plus jeune collègue de faculté — nourrira son génie bouleve
192 la pédagogie et de la psychologie occidentales en seront transformés sans retour. Enfin, n’oublions pas l’influence mondiale d
193 otestante. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’ est pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’u
194 se n’est pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale, et moin
195 dt, leur Baudelaire ou leur Descartes. Mais force est bien de reconnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique
196 ise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’elle s’ est conformée par anticipation à cette règle devenue évidente à partir du
197 sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais le goût de la mesure, de l’intériorité,
198 sent du travail humain, bien concerté : la Suisse est née de coopératives forestières exploitant le passage du Gothard, « U
199 elois. Voilà pourquoi les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hommes utiles, au sens le plus nob
200 ficacité transformatrice. Et c’est en cela qu’ils sont typiquement suisses. ⁂ Cependant, une série de grands noms ne représe
201 istance qui l’appuie dans la population. Ce qu’il est important de savoir sur l’armée suisse, c’est que chacun de ses solda
202 son équipement militaire dans son armoire. Qu’en est -il de notre équipement culturel ? Il me paraît que la structure fédér
203 urs théâtres. Les collections privées de peinture sont parmi les plus belles du monde, Reinhart à Winterthour et Hahnloser à
204 nt la science pure bénéficie. Deux de ces bureaux sont dirigés par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que la Suisse, a
205 ns une compétition continentale où l’arme secrète sera la matière grise. Elle le doit sans nul doute à ses structures très c
206 misation et d’oblitération des traditions locales est bien plus grave pour elle que pour ses grands voisins. Ce n’est pas d
207 grave pour elle que pour ses grands voisins. Ce n’ est pas du projet d’union européenne que provient cette menace de nivelle
208 rs et les forces culturelles dont elle dispose. N’ est -elle pas le pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les pl
209 lus concrètes de savoir que le terme de culture n’ est pas un synonyme de superflu ? b. Rougemont Denis de, « Apport à la
4 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)
210 ntes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même d
211 positions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres sy
212 esse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles sont . Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les te
213 sme vivant, n’allez pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel, ou d’opportunisme lâche qui tolère
214 un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il est donc le contraire absolu de tout régime totalitaire de tout ordre géo
215 pliste, et par là même tyrannique. Or la tyrannie est le souverain désordre, comme le disait Vinet. Le fédéralisme veut la
216 re ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’ est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de
217 éra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’ est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se n
218 t un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’ est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clo
219 à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’un
220 sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule. Oui, le fédéralisme représente la seule attit
221 ut une maîtrise du divers — comme tout art ! Elle est un art de la composition qui requiert à la fois et en même temps la v
222 ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
223 oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, qui est
224 s la diversité, et l’unification totalitaire, qui est réduction forcée à l’uniforme. Ces images, qui sont autant d’évidence
225 st réduction forcée à l’uniforme. Ces images, qui sont autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de compos
226 fférencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle serait alors la solution fédéraliste ? Je vous en propose le principe : que
227 la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’ être . Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation polit
228 e trahira sa raison d’être. Mais le fédéralisme n’ est pas seulement un mode d’organisation politique, le seul régime de coe
229 rmes d’expérience politique très concrète —, tout est dit en principe de ce que nous aurions à dire sur les rapports entre
230 détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses romands, l’unité de base, d’origine et
231 le tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité cultur
232  ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laqu
233 andes cultures nationales voisines. Pour que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale 
234 nt l’ensemble constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme
235 la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’ est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nati
236 oire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l
237 ulture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de t
238 ais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles
239 xistence : il faut bien admettre que la culture s’ était constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour illust
240 ’est simplement l’école locale dans laquelle il s’ est formé. D’où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais, cet
241 e guère qu’à la langue française. Mais celle-ci n’ est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de la
242 nçaise actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore d
243 mand ne saurait définir une « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nati
244 saurait à elle seule définir une culture : elle n’ est guère qu’un des éléments de la culture en général. Or tous les autres
245 re, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même totalement indépendants des langues modernes, et ne
246 talement indépendants des langues modernes, et ne sont , de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-t
247 tinent. III Or il se trouve que les Suisses sont , ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des
248 r il se trouve que les Suisses sont, ou devraient être , préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures national
249 osition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos
250 directement à l’ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos
251 ibres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là
252 d’hui : contre les États-nations. L’unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment
253 t de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent à
254 trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’ est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ;
255 os cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de
256 timents naturels ou historiques, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des
257 iés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiq
258 ce fut le cas des provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiques — même Neuchâtel, en dépit de ses princes — f
259 rge autonomie des communes ; 4° le protestantisme est dominant en Suisse romande ; il détermine en grande partie nos mœurs,
260 rticulier, mais cela revient au même ; 5° nous ne sommes pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose ave
261 pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont
262 ont conscience ou ne voudraient l’admettre. Tels étant nos principaux caractères spécifiques, que devons-nous faire maintena
263 r illustrer, au plan de la culture, nos raisons d’ être , pour légitimer notre accent particulier, pour nous exprimer d’une ma
264 nse contre « Paris » d’autre part. La défensive n’ est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, av
265 ’est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, avant d’être héritage, ou enseignement. Si nous vou
266 eurs, et la culture est d’abord création, avant d’ être héritage, ou enseignement. Si nous voulons rester nous-mêmes, continu
267 endre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’
268 pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le pa
269 eurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’ est -ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît l
270 ractère de Suisses romands, si profondes qu’aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certa
271 Ramuz, à titre d’argument massue contre ma thèse. Est -il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de P
272 Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’ est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des r
273 l’a peut-être soutenu, comme il arrive, mais n’en fut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. IV
274 re ont propagés. L’apport spécifique de la Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’avons vu, au gén
275 a Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’avons vu, au génie de la culture en Europe, la question q
276 ure en Europe, la question qui se pose maintenant est de savoir comment nous saurons illustrer notre vocation décisive dans
277 ons, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’ est pas possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des solutions mé
278 on rationnelle d’activités qui par essence, ne le sont pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, d
279 inguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé et ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, v
280 n restant libre et dispersé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un labor
281 sé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un laboratoire de recherches nuclé
282 que cet exemple. Mais qu’on ne dise pas qu’elles sont trop petites pour que s’y développent à foison des écoles de peintres
283 naissance en Italie, en Flandres ou en Bourgogne, étaient alors plus petites que nos villes romandes actuelles. Elles sont tout
284 petites que nos villes romandes actuelles. Elles sont tout de même devenues des foyers rayonnants de créations du premier o
285 de princes et de grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du
286 eux, que des choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions individuelles et par de petits groupes qui ne
287 asser pour extravagants ou excessifs. Les comités sont par définition prudents et économes : leur rôle est normalement de ra
288 t par définition prudents et économes : leur rôle est normalement de rationaliser les activités dont ils s’occupent, pour l
289 et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes . Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes d
290 lage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat d’excitation in
291 vanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répart
292 de répartition géographique équitable — ce qui n’ est , soit dit en passant, qu’une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout
293 épartition géographique équitable — ce qui n’est, soit dit en passant, qu’une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela
294 enterait pour notre Suisse fédéraliste. Mais ce n’ est pas le fait de supprimer nos douanes qui mettrait en danger nos « rai
295 os douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’ être  » ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au niveau de
296 ospérité économique sans précédent. Nos raisons d’ être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédérali
297 édent. Nos raisons d’être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le mo
5 1963, Articles divers (1963-1969). À propos de la culture européenne (avril 1963)
298 re européen de la culture et ses publications qui sont « l’exemple typique » de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à
299 e européenne unitaire » ; il nierait que l’Europe soit « la patrie des contradictions » ; et il pratiquerait le « nationalis
300 prit critique » qui « vicie » ses travaux. Quelle est donc sa méthode à lui ? Elle consiste à lire « unitaire » là où nous
301 s ne cessons d’écrire qu’avec Rome et Athènes ils sont les éléments fondamentaux de notre culture, à nous opposer ma propre
302 tant qu’ailleurs. La seule question qu’on se pose est de savoir quelles sont les traditions qui doivent collaborer à notre
303 eule question qu’on se pose est de savoir quelles sont les traditions qui doivent collaborer à notre « Europe en formation »
6 1963, Articles divers (1963-1969). Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)
304 rra se faire qu’en vertu d’une volonté, mais il n’ est pas de volonté sans but, sans quelque utopie directrice, imaginée, vu
305 ondamentales les mieux partagées en Europe, il en est deux qui me paraissent les plus propres à motiver chez l’homme soucie
306 ision d’un avenir politique au sens large : et ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier porte à vo
307 ’imprévu de l’existence ; régimes dont l’anarchie serait la limite, en prenant le mot dans son sens littéral. Ces limites idéa
308 s littéral. Ces limites idéales, bien entendu, ne furent jamais atteintes dans l’histoire de l’Europe. Mais en chemin vers la
309 rimitive des soviets (conçue par Lénine lorsqu’il était en Suisse), l’anarchisme à la Bakounine et les brèves flambées du com
310 Ni l’une ni l’autre des deux tendances n’a jamais été isolée à l’état pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa pe
311 ement partagé de subir la puissance d’un autre, d’ être commandé, d’obéir, donc d’être libéré de sa propre liberté. Et de mêm
312 ance d’un autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’ être libéré de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’un animateur
313 iative d’un animateur sans pouvoir contraignant n’ est féconde que dans la mesure où elle éveille et libère chez beaucoup la
314 t assimilée à celle d’atteinte aux droits acquis, fussent -ils les souverainetés traditionnelles des États, de plus en plus inco
315 L’attitude fédéraliste L’attitude fédéraliste est celle qui conduit à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui s
316 à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui serait unie par des liens proprement fédéraux. Cette Europe fédérale ne sera
317 ens proprement fédéraux. Cette Europe fédérale ne serait donc : — ni totalement unifiée autour d’un centre, — ni simplement l
318 le. Mais en fait, le projet d’une Europe fédérale est antérieur à ces deux stades récents de notre aventure intellectuelle,
319 r, que le second à le fonder en principe.) Car il est véritablement la projection au plan continental d’une notion de l’hom
320 tinental d’une notion de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et sans laquelle nos sciences et nos logiqu
321 et sans laquelle nos sciences et nos logiques ne seraient pas ce qu’elles sont, ou n’auraient pas eu lieu. Lors du premier cong
322 ences et nos logiques ne seraient pas ce qu’elles sont , ou n’auraient pas eu lieu. Lors du premier congrès de l’Union europé
323 amené, inévitablement, à son point de départ, qui est l’homme de notre Europe, redéfini dans les catégories concrètes du pr
324 le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laquelle nous pouvons tomber d’acco
325 r d’accord, ou pour mieux dire, sur laquelle nous sommes d’accord, tacitement, puisqu’en fait nous voici réunis pour parler du
326 voici réunis pour parler du fédéralisme ? Nous ne serions pas ici si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est
327 pensions que le type d’homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de toute responsabilité vis-à-vis de la comm
328 is-à-vis de la communauté. Car, dans ce cas, nous serions restés chez nous. Mais nous ne serions pas ici non plus si nous pensi
329 cas, nous serions restés chez nous. Mais nous ne serions pas ici non plus si nous pensions avec Hitler et les staliniens que l
330 sions avec Hitler et les staliniens que l’homme n’ est qu’un soldat politique, totalement absorbé par le service de la commu
331 é par le service de la communauté. Car alors nous serions de l’autre côté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous so
332 u rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous sommes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement respons
333 ous sommes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et u
334 mes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et unique d’
335 tes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à rendre chaque individu plus libre
336 lus libre dans l’exercice de sa vocation. L’homme est donc à la fois libre et engagé, à la fois autonome et solidaire. Il v
337 trois types différents de régimes politiques, et sont en retour favorisés par eux. À l’homme considéré comme pur individu,
338 ispensable, il ne faut pas penser que la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu sans responsabilit
339 rsonne, c’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. L
340 démissions de l’humanité complète. La personne n’ est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, elle représente la sant
341 ique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’ est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. E
342 é et de centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait q
343 le lit du collectivisme : ces deux extrêmes, eux, sont dans le même plan, se conditionnent et s’appellent l’un l’autre. C’es
344 ue les résistances que rencontrent les dictateurs sont au contraire le fait de groupes de citoyens responsables, c’est-à-dir
345 llement, et presque irrésistiblement, le second n’ étant que la projection de la première au plan politique, en ce sens précis
346 es qui trouvent leur composition dans la personne sont homologues de ceux qui trouvent leur composition dans le fédéralisme 
347 yrannique au plan politique ; et enfin les vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté et responsabilité composées, qu
348 esponsabilité composées, quand l’équilibre vivant est atteint. Cet équilibre dynamique ne pouvant d’ailleurs être maintenu
349 nt. Cet équilibre dynamique ne pouvant d’ailleurs être maintenu qu’au prix d’une vigilance toujours alertée, de rétablisseme
350 uvellement. C’est assez dire que le fédéralisme n’ est pas une doctrine fixe, ni vraiment un système, et encore moins un pla
351 niques éprouvées, sans secrets du métier, mais il serait vain d’en faire un traité théorique. Plutôt que d’essayer de les dédu
352 États-Unis et la Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’une manière empirique, tout se passe comme si les hommes d’É
353 européens — selon laquelle une fédération ne peut être que l’œuvre d’un tout-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’e
354 out-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’ est confirmée par rien dans notre histoire, et tout la réfute en pratique
355 ent pas à sa défaite. L’hégémonie ni sa menace ne sont principes fédérateurs, même négatifs. Mais qu’un État ou une coalitio
356 a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se sont ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fé
357 leurs tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont des avertissements utiles. Ils nous confirment dans l’idée qu’on ne p
358 ur les minorités, destructeurs des diversités qui sont la condition de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédé
359 anique. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’ est pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’un centre
360 mposer ces réalités concrètes et hétéroclites que sont les nations, les régions économiques, les unités culturelles, religie
361 èguent le même nombre de représentants quelle que soit leur population. Mais le jeu des minorités raciales et religieuses qu
362 hesse de l’Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’unifier le continent, de tout y mélanger, e
363 ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
364 oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centrali
365 ification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Prenons u
366 analogue, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, o
367 nner de concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas une simple question de tolérance, vertu négative et qui naît le p
368 e et qui naît d’une juste ambition. Chaque nation serait mise au défi de donner le meilleur d’elle-même à sa manière et selon
369 rer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’ être un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et, dans cette mesu
370 qu’on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’ être aussi poumon que possible, et, dans cette mesure même, il aidera le c
371 , et, dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Cinquième principe. Le fédéralisme repose sur l’amour d
372 elles, psychologiques, et même économiques, telle est la santé du régime fédéraliste. Et ses pires ennemis sont ceux dont J
373 santé du régime fédéraliste. Et ses pires ennemis sont ceux dont Jacob Burckhardt annonçait la venue dès 1880, dans une lett
374 e de tant de lenteurs et d’excessives prudences — est la condition même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctio
375 bertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder u
376 sont rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les réalités humaines et n
377 éalités humaines et naturelles du pays. La Suisse est formée d’une multitude de groupes et d’organismes politiques, adminis
378 qui se recoupent de cent manières différentes. Il est clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitair
379 sonne même de ceux qui s’y rattachent. Certes, il est plus facile de décréter sur table rase, de simplifier les réalités d’
380 hit, on s’aperçoit que la politique fédéraliste n’ est rien d’autre que la politique par excellence, c’est-à-dire l’art d’or
381 es citoyens. Tandis que les méthodes totalitaires sont antipolitiques par définition, puisqu’elles consistent simplement à s
382 est une parenté culturelle qui s’affirme. Ici, ce sont deux églises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, e
383 voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là ce sont des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes,
384 des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu des rése
385 variés d’échanges européens. Rien de tout cela n’ est inutile. Et tout cela qui paraît si dispersé, si peu efficace souvent
386 des gouvernements, l’Europe des réalités humaines est beaucoup plus près de s’organiser qu’il ne le semble. Elle est déjà b
387 plus près de s’organiser qu’il ne le semble. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’elle ne le croit. C’est sur l
388 is réaliser une union viable. Leurs dirigeants ne sont pas qualifiés pour arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’il ser
389 ur arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’un match les capitaines des
390 nt bien ce qu’avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce qu’a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. L
391 che de vivre. La fédération européenne ne saurait être l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nati
392 e leur nation contre le reste du monde, mais peut être l’œuvre de groupes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fé
393 e d’autre voie possible ou praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée de gouverneurs des cinquante États, ni
394 uisse par les délégués des vingt-deux cantons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leur
395 ons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exéc
396 à deux reprises, ni les Soviets nous pressant à l’ Est et nous minant à l’intérieur par les partis qu’ils commandaient chez
397 rces de défense. Aux yeux de l’histoire, la cause est entendue. Et quant aux entreprises impérialistes des Européens — les
398 périalistes des Européens — les colonies —, elles sont restées le fait des États en concurrence nationaliste : elles n’ont c
399 omme toutes les grandes idées, l’idée fédéraliste est simple, mais non pas simple à définir en quelques mots, en une formul
400 r en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que s
401 alectique, cette bipolarité, comme on voudra, qui est le battement même du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier serai
402 ême du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier serait se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, qu
403 ent. En effet, les mots fédération et fédéralisme sont compris de deux manières très différentes par les Suisses alémaniques
404 ontraire, ceux qui se proclament « fédéralistes » sont en réalité les défenseurs jaloux de l’autonomie des cantons contre la
405 édérer veut dire surtout s’unir. Pour les autres, être fédéraliste veut dire surtout : rester libre chez soi. Or les uns et
406 vue de leur renforcement mutuel. Ce dernier point est parfaitement exprimé par la devise paradoxale ou « dialectique » dans
407 pporter à chaque région et à chaque personne. Il est infiniment probable que, sur le plan européen, nous allons voir se de
408 er aux deux partis que le fédéralisme véritable n’ est ni dans l’une ni dans l’autre de ces tendances, mais bien dans leur c
409 stence, ce dialogue, cette tension ne doivent pas être imaginés sous la forme négative d’une tolérance mutuelle, d’une neutr
410 uelque part à mi-chemin entre les buts visés, qui sont l’établissement de l’union générale et le respect des droits particul
411 dres, à chaque niveau, de cas en cas, ce qui doit être carrément centralisé pour bien fonctionner, et ce qui doit rester ple
412 celui des transports, et celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’
413 aviation4, la fonction même de ces moyens coûteux étant de dépasser les cadres physiques dans lesquels s’exercent les autonom
414 tonomies locales ou régionales. D’autre part il n’ est pas moins évident que l’ensemble fédéral européen bénéficiera de la v
415 se). Les éléments fondamentaux de culture commune étant par ailleurs assez forts pour assurer spontanément la cohésion de l’e
416 interventions fédérales. (Le cas de la recherche est très différent : dès que ses besoins dépassent les moyens dont dispos
417 aines publics, il apparaîtra normal ou nécessaire soit de déléguer aux membres de la fédération l’administration locale d’ac
418 régime fiscal, entretien des routes, par exemple) soit d’admettre l’existence parallèle de services fédéraux et de services
419 s États ou régions, des groupes et des individus. Étant bien entendu que les frontières entre le secteur centralisé et le sec
420 le secteur centralisé et le secteur libre doivent être constamment réajustées en vertu de la formule suivante : lorsque les
421 deviennent des phénomènes d’ampleur publique, il est normal qu’un pouvoir central prenne la charge de les organiser, ratio
422 de la zone conquise, qui, ainsi colonisée, permet soit de se lancer vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d
423 vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d’accroître les possibilités de libération personnelle de l’homme.5
424 r technique, ont popularisé l’idée que la machine était en passe d’asservir l’homme. Étrange démission de l’esprit devant ses
425 e l’esprit devant ses propres inventions ! Car il est clair que la machine a été inventée par les Européens pour les libére
426 es inventions ! Car il est clair que la machine a été inventée par les Européens pour les libérer du travail qui pouvait êt
427 Européens pour les libérer du travail qui pouvait être fait par elle ; et s’ils ne savent mettre à profit les libertés ainsi
428 les et sociales, c’est leur esprit d’abord qui en est le vrai responsable. Le mécanisme quel qu’il soit — de la machine-out
429 est le vrai responsable. Le mécanisme quel qu’il soit — de la machine-outil à l’État, du plan de travail d’un écrivain au p
430 privées aux règlements collectifs et aux lois — n’ est en fin de compte, comme à l’origine, qu’un auxiliaire de la vie créat
431 réatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même, il serait néfaste et faux de considérer la centralisation, l’organisation, les
432 ssi de se dégager de ses « fatalités » natives… N’ est -ce point là ce que l’homme européen, depuis des siècles, appelle sa l
433 rme au diversifié, le collectif au personnel, tel est le secret de cette méthode, de cette « fonction dichotomique », par d
434 monde n’existait pas : j’ai dit plus haut que ce sont , à la racine, les maladies de la personne elle-même. Car la personne
435 aladies de la personne elle-même. Car la personne sera toujours tentée soit de céder à la pesanteur naturelle, aux routines,
436 e elle-même. Car la personne sera toujours tentée soit de céder à la pesanteur naturelle, aux routines, aux machines qu’elle
437 r naturelle, aux routines, aux machines qu’elle s’ est construites mais qu’elle accuse ensuite de l’asservir, cette mauvaise
438 ise foi trahissant à vrai dire un manque de foi ; soit de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle volerait beaucoup mi
439 ue… ⁂ IV. Passage des buts aux moyens Quels sont alors les buts que l’homme européen peut et doit projeter au plan de
440 articulière, à leur degré de réalité et d’action, soit dans la vie privée (qui relève de la métaphysique), soit dans la vie
441 ns la vie privée (qui relève de la métaphysique), soit dans la vie du groupe ou de la cité (qui relève de l’éthique), soit d
442 u groupe ou de la cité (qui relève de l’éthique), soit dans les relations intercollectives (qui relèvent de la politique).
443 r une Voix à l’ensemble historique et culturel qu’ est l’Europe. Tout le problème est d’ordonner, subordonner, articuler ces
444 que et culturel qu’est l’Europe. Tout le problème est d’ordonner, subordonner, articuler ces moyens collectifs à ces buts p
445 ter que les indépendances personnelles et locales soient dissoutes dans un réseau toujours plus serré d’interdépendances mécan
446 utre part, vis-à-vis de l’extérieur, d’éviter que soit reportée aux frontières de l’union la somme des tendances autarciques
447 qui trouvait le Marché commun trop technique pour être sérieux. Philosophie des buts et science de leurs moyens doivent déte
448 cidentale. La nécessité d’une union de l’Europe n’ étant pas ici discutée mais admise, il faut chercher à voir maintenant quel
449 aintenant quelles formes d’organisation politique seront capables de satisfaire aux doubles exigences que l’on vient d’énoncer
450 -Unis, la Russie soviétique ou la Chine, l’Europe est tellement plus variée qu’elle est en fait, si on la traverse, infinim
451 Chine, l’Europe est tellement plus variée qu’elle est en fait, si on la traverse, infiniment plus riche en expériences à vi
452 ation européenne circulent du nord au sud et de l’ est à l’ouest sans passeports ni visas, sans visites de douanes, sans emb
453 es milliards d’heures de vie active ou de loisirs sont ainsi gagnées chaque année, par des millions d’Européens en déplaceme
454 en déplacement professionnel ou en vacances. Ils sont chez eux partout, du Cap Nord à Stamboul, comme c’était le cas naguèr
455 r avenir. Leur horizon, leur projet d’existence n’ est plus borné par les frontières rigides de leur nation, moyenne ou peti
456 le veut, sur tout le territoire de la fédération, soit pour y travailler, soit pour y vivre à sa manière. (Les seules restri
457 ritoire de la fédération, soit pour y travailler, soit pour y vivre à sa manière. (Les seules restrictions occasionnelles à
458 e 400 millions de producteurs et de consommateurs est de loin le plus riche et le plus varié du monde. L’Europe a donc cess
459 e sentir écrasée entre les « deux grands » : elle est plus « grande » que chacun d’eux, et presque autant que les deux addi
460 itionnés. Mais cette grande liberté cosmopolite n’ est pas payée au prix d’un déracinement général ; ces ouvertures plus vas
461 ouvertures plus vastes à l’esprit d’aventure, qui sera toujours le fait d’une minorité, n’empêchent nullement ceux qui préfè
462 ses droits civiques. Le droit à une patrie locale est garanti par la Constitution fédérale, et surveillé par la Cour fédéra
463 es droits civiques et sociaux. Il y vote, et il y est éligible après un certain délai, qui varie selon qu’il s’agit d’emplo
464 munautés constituées, régions associées ou États, sont responsables vis-à-vis de leurs citoyens de maintenir et développer l
465 libertés de culte, d’expression et d’association sont expressément garanties ; l’État, ou la majorité dans une région, ne p
466 ifie que les citoyens d’un de nos petits États ne sont plus à la merci de la politique d’un de nos grands États, les entraîn
467 Les institutions européennes ont pour raison d’ être et principe formateur d’exprimer et de garantir les libertés fondamen
468 e l’organisation politique de l’Europe ne saurait être l’État-nation unifié, ni un système d’alliances bi- ou multilatérales
469 atteinte au droit fondamental des communautés qui est , d’une part, d’être déchargées des tâches d’organisation (ou « mécani
470 ondamental des communautés qui est, d’une part, d’ être déchargées des tâches d’organisation (ou « mécaniques ») outrepassant
471 bres, et de quelques États associés (bordure de l’ Est ). La souveraineté des membres est garantie par la Constitution fédéra
472 s (bordure de l’Est). La souveraineté des membres est garantie par la Constitution fédérale, nonobstant la mise en commun d
473 rs de leurs fonctions principales. Elle se trouve être , de la sorte, au moins aussi réelle que dans l’ancien régime, quoiqu’
474 u’expressément limitée. Mais ces États souverains sont en pleine évolution vers des groupements de leurs régions, qui parfoi
475 corps et les organes. Le problème le plus épineux est celui de la souveraineté : faut-il exiger des États qu’ils y renoncen
476 jamais à une fédération ? Ainsi posé, le problème est insoluble. D’une part nos grands États prennent prétexte de leur souv
477 ait attendre une nuit du 4 août des États : ce ne sont pas des personnes libres et responsables, et il est tout à fait incon
478 t pas des personnes libres et responsables, et il est tout à fait inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’un entho
479 ous le coup d’un enthousiasme collectif. « L’État est le plus froid des monstres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’
480 tres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’il est vain de fonder l’espoir d’une construction européenne sur un geste qu
481 ion européenne sur un geste qu’aucun grand État n’ est en mesure de faire, il est sans doute dangereux de s’épuiser à combat
482 qu’aucun grand État n’est en mesure de faire, il est sans doute dangereux de s’épuiser à combattre des souverainetés en gr
483 la Confédération suisse. Article 3. — Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Con
484 s sont souverains en tant que leur souveraineté n’ est pas limitée par la Constitution fédérale, et comme tels, ils exercent
485 t comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération garan
486 ale depuis cent-quinze ans. On peut les qualifier soit d’habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament
487 s. On peut les qualifier soit d’habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinai
488 ragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’ est pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourt
489 embres ! Souveraineté fictive, dira-t-on ? Elle l’ est certes en partie ; pas davantage toutefois que celle de nos États con
490 anime des peuples et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des
491 s et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’ être le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des grands ou petits
492 arés ; ces attributs de la souveraineté classique sont reportés au niveau fédéral, et la fédération, de plus, a renoncé au d
493 de prendre parti dans leurs querelles. Mais qu’en est -il de ces voisins et de leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Su
494 d et quand on le veut. En fait, ces deux États se sont vus brutalement mis en demeure par deux autres puissances de cesser l
495 ont immédiatement obtempéré. Or, ces puissances n’ étaient pas même européennes, et sans l’appui de l’une aucun pays d’Europe ne
496 se défendre contre l’autre. Aucun pays d’Europe n’ est donc vraiment souverain au sens classique ; mais il y a plus : aucun
497 in au sens classique ; mais il y a plus : aucun n’ est autonome et ne pourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le ser
498 a plus : aucun n’est autonome et ne pourra plus l’ être tant que l’Europe entière ne le sera pas. Leur souveraineté relative,
499 ourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le sera pas. Leur souveraineté relative, pour autant qu’elle subsiste, n’est
500 raineté relative, pour autant qu’elle subsiste, n’ est en rien garantie (ni d’ailleurs menacée) par leurs voisins et frères,
501 en inquiètent, aux environs de 1963 : c’est qu’il est plus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même sans préc
502 lus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même sans précédent dans l’ère moderne. Voici comment on peut l’imagi
503 continent et aux îles britanniques le régime qui est en train de s’instaurer entre les Six (effacement des frontières écon
504 libérés. D’autant plus les frontières nationales seront dévalorisées — réduites à d’invisibles limites administratives et d’é
505 é ou de force par une frontière « nationale », se sont trouvées amalgamées à des États de traditions bien différentes8. ⁂ Re
506 onctures historiques dépassées, l’Europe fédérale est en train de devenir une constellation de foyers, ou de « métropoles »
507 tellation de foyers, ou de « métropoles », qui ne sont plus définis par leur contour, mais par leur force de rayonnement. L
508 n des pouvoirs entre la fédération et ses membres sont l’expression directe des principes énoncés plus haut, et s’en déduise
509 nsulats chargés d’entretenir les relations qui ne sont pas du ressort fédéral. (Relations économiques et commerciales, dans
510 ersitaires, voyages, etc.) La défense de l’Europe est assurée par des forces armées aux ordres du pouvoir fédéral, qui ne p
511 ue la communauté politique (État ou région) où il est né ; et enfin le libre jeu dans la fédération d’innombrables tensions
512 ressive. Un tel ensemble de diversités ne saurait être impérialiste. (Rappelons que les anciens empires coloniaux avaient ét
513 ppelons que les anciens empires coloniaux avaient été créés par les États nationalistes en compétition brutale, et que leur
514 à l’extérieur. Quant à savoir si l’Europe fédérée est elle-même neutre, la question se ramène à celle des alliances qu’elle
515 tion se ramène à celle des alliances qu’elle peut être amenée à conclure avec d’autres États ou fédérations. Si elle accepte
516 tution ainsi étendu à l’alliance ; mais elle peut être entraînée dans une guerre qu’un tiers parti ferait à l’allié, comme s
517 e économique, les attributions du pouvoir fédéral sont déterminées en fonction de la méthode dichotomique définie plus haut.
518 s le domaine culturel, les attributions fédérales sont définies, à l’intérieur par l’ampleur des investissements requis, à l
519 arctique (recherches spatiales), dès 1963, en ont été les deux premières illustrations. D’autre part, les problèmes fondame
520 e l’enseignement (voir plus loin) cette politique est représentée dans le monde par des Relations culturelles européennes,
521 ution, dans la mesure où ces droits et devoirs ne sont pas délégués à la fédération. C’est en matière d’éducation et de cult
522 visibles », certaines conditions de développement étant satisfaites, et sous réserve d’une approbation fédérale, régions et m
523 nue. Les affaires de la compétence de l’Assemblée sont toutes celles qui relèvent expressément de la fédération : législatio
524 la Cour de justice. Les lois fédérales ne peuvent être rendues qu’avec l’accord des deux chambres. En cas de différend irréd
525 e différend irréductible, un référendum populaire est requis. Exécutives : Un complexe de traditions, confessions et langu
526 ées que celles qui existent en Europe, ne saurait être gouverné que par un Collège où s’équilibrent les diversités en évolut
527 ollégialement les affaires fédérales. Ses membres sont élus pour trois ans par l’Assemblée européenne et sont rééligibles. O
528 élus pour trois ans par l’Assemblée européenne et sont rééligibles. On ne peut choisir plus d’un membre dans le même pays. S
529 plus d’un membre dans le même pays. Son président est élu par l’Assemblée. Il porte le titre de président de la fédération
530 ent de la fédération d’Europe. Le Conseil fédéral est assisté de commissions exécutives spécialisées. Ainsi, le ministre de
531 êtés élaborés par ces commissions ministérielles, sont présentés par le Conseil fédéral et soumis au vote de l’Assemblée (év
532 s que le Conseil fédéral ou le ministre intéressé soient pour autant renversés. Judiciaires : Une Cour ou Tribunal fédéral ad
533 cernant la fédération, et d’autres causes qui lui sont soumises par accord des parties, quand le litige atteint le degré d’i
534 Les mêmes raisons qui veulent que la fédération soit gouvernée par un Collège, et non par un seul homme, veulent que son c
535 non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capitale, mais un District fédéral. La fédération n’étant pas
536 pitale, mais un District fédéral. La fédération n’ étant pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très long
537 tés que l’on sait, le District fédéral ne saurait être , lui non plus, une création « synthétique » édifiée sur un terrain va
538 , dans l’Europe de 1980. Le District fédéral doit être situé au centre du Continent ; il doit être facile à défendre, en tem
539 doit être situé au centre du Continent ; il doit être facile à défendre, en temps de troubles, mais d’accès facile en temps
540 mais d’accès facile en temps de paix ; il ne peut être qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible de traditi
541 s villes principales, Zurich, Bâle, Genève. Elles sont placées sous la protection de l’armée suisse. Des dispositions spécia
542 n fédéraliste de nos problèmes. 1. Le fédéralisme est une forme de pensée politique spécifiquement européenne qui prend ses
543 s les plus avancées. D’autre part, le fédéralisme est une méthode d’organisation politique qui a fait ses preuves notamment
544 uves notamment en Suisse et aux États-Unis et qui est pratiquée aujourd’hui dans les processus de décision des Communautés
545 solutions fédéralistes. 2. Le régime fédéraliste est au moins théoriquement adopté par les constitutions d’un nombre crois
546 favorables aux solutions fédéralistes. Celles-ci sont d’ailleurs homologues des solutions œcuméniques au plan confessionnel
547 eul un Pouvoir fortement centralisé et très riche serait en mesure d’user et d’abuser), pousse également à concevoir la nécess
548 ertain qu’elle jouera, elle aussi — si peu que ce soit — en faveur d’un régime fédéraliste. 5. La résistance des esprits « 
549 sur des solutions praticables, qui se trouveront être fédéralistes par nécessité, sinon par choix délibéré des deux partis.
550 . Le régime des souverainetés nationales absolues est manifestement dépassé, aux yeux des jeunes. La nécessité et les prome
551 écessité et les promesses d’une union de l’Europe sont admises par plus de 80 % des Européens, quoique d’une manière vague e
552 à l’enthousiasme. 8. L’existence du Marché commun est un facteur irréversible dans l’évolution vers l’union. Les polémiques
553 problèmes deviennent chaque année plus concrets, soit qu’ils se posent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent des pas
554 rets, soit qu’ils se posent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent des passions partisanes ou nationales. « Fédérer le
555 . « Fédérer les Européens » cesse pour beaucoup d’ être une expression vague désignant simplement le besoin d’une « union plu
556 talyseur : une vision non utopique de ce que peut être l’Europe fédérée. ⁂ VII. La vraie « relance » de l’Europe Pour
557 par deux séries de déductions inévitables, et qui sont au surplus convergentes. L’une a pour point de départ la définition d
558 our les traditions valables du tiers-monde que ne fut jamais notre colonialisme ; nécessité, à cet égard, d’une politique c
559 sion du But possible et nécessaire. Si l’Europe n’ est pas encore faite, ce n’est pas que ces obstacles soient bien forts —
560 essaire. Si l’Europe n’est pas encore faite, ce n’ est pas que ces obstacles soient bien forts — ils n’ont guère plus de con
561 pas encore faite, ce n’est pas que ces obstacles soient bien forts — ils n’ont guère plus de consistance que les ténèbres — m
562 nous la montre ! » Ces discussions préliminaires sont vaines. On ne réfute pas l’obscurité, et rien ne sert de maudire la n
563 , comme dit le proverbe chinois. Éclairer le But est donc la première tâche de ceux qui veulent se mettre en marche. Inven
564 ettre en marche. Inventer des chemins vers le But est la seconde tâche, indispensable, mais que la claire vision du But ren
565 le coût de l’opération. Ils concluent que rien n’ est possible dans l’état actuel des choses. Et leur déni traduit exacteme
566 oi, dans le domaine qui nous occupe, la prévision est une action. Bien voir le But, se concentrer sur lui, dégage et mobili
567 l, avec un projecteur de fortune. Des reliefs ont été laissés dans l’ombre, des détails ont pris trop d’importance. Mon reg
568 rop souvent n’a vu que ce qu’il cherchait, ce qui était dans mon esprit et non dans la réalité. Cet essai n’a donc d’autre am
569 raît la seule immédiatement réalisable. Elle peut être la plus efficace, à long terme. 2. Extrait de « L’attitude fédéral
570 prises mixtes ou même privées. Les chemins de fer sont fédéraux en Suisse, privés aux USA, où ils sont d’ailleurs en pleine
571 r sont fédéraux en Suisse, privés aux USA, où ils sont d’ailleurs en pleine crise. L’aviation appartient encore au secteur p
7 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
572 e couple ? (25 octobre 1963)g h Jamais on ne s’ est autant marié en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes) et jama
573 ne crise du mariage ? Naturellement. Seulement il serait faux d’y voir un mal du siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, q
574 u siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, que seraient toutes nos littératures ? Elle ne fait pas simplement la fortune du c
575 ant de l’amour hors-la-loi. La crise du mariage n’ est donc pas un phénomène de l’ère atomique. Le nombre des divorces a qua
576 se a des causes nombreuses et complexes. Les unes sont liées au progrès et à l’évolution de la psychologie moderne. L’émanci
577 a vie professionnelle, sa revendication d’égalité sont naturellement un premier facteur important. La vulgarisation des conn
578 vulgarisation des connaissances psychologiques en est un autre : chacun maintenant connaît, au moins sommairement, l’existe
579 lle et séculaire : c’est que tous les adolescents sont élevés dans l’idée du mariage (normal, souhaitable, presque inévitabl
580 aignés dans une atmosphère romantique, la passion étant l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour connaître, et qu’il ap
581 appelle secrètement. Pourquoi mariage et passion sont -ils incompatibles ? Parce que le mariage c’est la coexistence pacifiq
582 sur dix c’est donc l’adultère. Cet amour-passion est sans doute aussi vieux que le monde, au moins aussi vieux que le mari
583 our-passion, cette conception de l’amour qui nous est si familière que nous nous figurons qu’elle a toujours existé a, en f
584 endant des siècles, les relations entre les sexes sont restées du domaine de la nature ou de la moralité sociale ou religieu
585 euse. Toute espèce de romantisme ou de ferveur en était exclue et le mariage était alors très brutal : c’était deux domaines,
586 tisme ou de ferveur en était exclue et le mariage était alors très brutal : c’était deux domaines, ou deux lopins de terre qu
587 qu’on mettait ensemble. C’est au xiie siècle qu’ est né l’amour moderne : c’est la « cortezia », l’amour courtois chanté p
588 , l’amour courtois chanté par les troubadours. Ce sont eux qui ont apporté le langage nécessaire aux aspirations de l’âme mé
589 fois, l’homme devient le servant de la femme qui est élevée au-dessus de lui, de la Dame. Pour la première fois, l’amour m
590 emière fois, l’amour malheureux (mais réciproque) est exalté et aussi la chasteté incompatible avec le mariage (qui n’est a
591 i la chasteté incompatible avec le mariage (qui n’ est alors que l’union des corps et des biens). Pour la première fois, l’a
592 ment dans les cours et les châteaux du Midi (Albi fut la grande capitale du catharisme, dit aussi hérésie albigeoise) où ju
593 dère que l’âme, partie de l’homme créée par Dieu, est emprisonnée dans le corps, partie de l’homme créée par le diable. D’o
594 de toutes relations érotiques, mais de celles qui sont procréatrices et qui auraient pour effet de faire tomber une âme de p
595 me de plus dans un corps vil. La chasteté absolue étant trop difficile, les cathares se bornaient à médire du mariage et à lo
596 ! Les troubadours les imitèrent. L’amour courtois étant né d’une hérésie et d’une rhétorique toutes deux orientales, pourquoi
597 tes deux orientales, pourquoi cette forme d’amour est -elle totalement inconnue dans les pays orientaux, pourquoi n’a-t-elle
598 tan aurait pu garder Iseut aux cheveux d’or qu’il est allé conquérir pour son roi : les mœurs du temps sanctionnaient le dr
599 ême Iseut aux blanches mains. Le roman de Tristan est en somme une longue suite de séparations et de revoirs successifs des
600 ccessifs des amants. Or les causes de séparations sont aussi souvent inventées par Tristan qu’imposées par l’extérieur. Ce r
601 ssible, c’est le mythe européen de l’adultère. Qu’ est -ce qu’un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résu
602 : la société courtoise du xiie siècle. Ce groupe est dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres. P
603 e est dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres. Profanées et reniées par nos codes officiels, elle
604 ofanées et reniées par nos codes officiels, elles sont devenues d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir
605 e ? C’est que finalement notre crise du mariage n’ est rien de moins que le conflit de ce mythe et de la morale chrétienne,
606 odoxie, qui ne s’appuie plus sur une foi vivante, est devenue la « morale bourgeoise », et le mythe issu d’une hérésie spir
607 timental et de la pièce de boulevard (le roi Marc est devenu le cocu, Tristan, le jeune premier, Iseut, l’épouse insatisfai
608 que jour, c’est donc sur les débris d’un mythe qu’ est édifié notre moderne mariage d’amour ? Exactement. Or, si l’amour rom
609 nesque triomphe d’une quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presque toujours : c’est la durée. Et
610 ériodiquement un nouveau type de femme « idéale » est proposé à l’admiration des foules, disqualifiant automatiquement l’ép
611 ncontre cette femme, il reconnaît son Iseut. Elle est mariée, naturellement. Qu’elle divorce, il l’épouse ! Avec elle, ce s
612 ent. Qu’elle divorce, il l’épouse ! Avec elle, ce sera la vraie vie, l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi. Mais
613 ’est toujours l’étrangère, c’est la femme dont on est séparé : on la perd en la possédant. Alors commence une « passion » n
614 non plus chez l’autre seulement — la coquetterie est alors un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit
615 un peu simple — mais on en vient à désirer que l’ être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « re
616 mple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressentir »
617 n qu’on subit mais sur une décision qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un
618 mais sur une décision qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un acte. Mais a
619 on, il existe certaines chances de réussite qu’il serait stupide de ne pas mettre de son côté : buts communs, rythmes de vie,
620 pour toute la vie, finalement c’est parier. Et il serait beaucoup plus conforme à l’essence du mariage d’enseigner aux jeunes
621 es suites heureuses ou non. La fidélité, alors, n’ est plus une espèce de conservatisme, de conformisme, c’est un parti pris
622 exorbitante. Que peut-on en attendre ? Son but n’ est pas le bonheur, c’est la volonté de faire une œuvre. Dans la plus hum
623 oduit une chance de faire œuvre, le couple devant être considéré comme une œuvre qu’on construit à deux et dont on tâche de
624 de faire une œuvre d’art. Cette fidélité-là, ce n’ est pas seulement de ne pas tromper (ce qui serait une preuve d’indigence
625 ce n’est pas seulement de ne pas tromper (ce qui serait une preuve d’indigence et non d’amour). C’est vouloir le bien de l’au
626 tan et d’Iseut, et la passion, c’est l’angoisse d’ être deux. L’amour dans le mariage c’est alors la fin de l’angoisse, c’est
627 e, c’est l’acceptation de l’autre : une vie qui m’ est alliée pour toute la vie, qui veut mon bien autant que le sien parce
628 e mythe de Tristan, origine de tous nos malheurs, soit définitivement balayé des consciences occidentales, et la crise du ma
629 la crise du mariage se dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la passion est l’ennemie jurée du mariage mais c’est elle au
630 dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la passion est l’ennemie jurée du mariage mais c’est elle aussi qui le défie, l’anim
631 sion c’est le secret du mariage vivant. Mon but n’ est pas de condamner la passion, mais de définir certaines options morale
632 re ses risques ! Condamner la passion en principe serait d’abord bien naïf, puisque la passion est une décision fondamentale,
633 cipe serait d’abord bien naïf, puisque la passion est une décision fondamentale, comme le mariage, et non pas une erreur, m
634 comme le mariage, et non pas une erreur, mais ce serait aussi vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. Qu
635 ée, hygiénisée, bref vers l’Ennui collectif. Nous serions en quel­que sorte — nous autres hommes et femmes d’aujourd’hui — les
636 nnui ne recrée alors la soif de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et qu’il n’appelle alors un autre xiie siècle de
637 pelle alors un autre xiie siècle de l’amour… qui sera peut-être le xxie siècle. g. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’
638 t des problèmes, des déceptions, des inquiétudes… Est -ce inévitable ? Non, affirme Denis de Rougemont dans L’Amour et l’Oc
639 t la pomme de terre — au xiie siècle — elle n’en est pas moins elle aussi une “importation”, non une fatalité. D’où vient-
640 Et enfin, comment réussir son mariage, car rien n’ est perdu pour qui veut comprendre ? Nous avons demandé à Denis de Rougem
641 enis de Rougemont de répondre à ces questions qui sont dans le cœur de toutes les femmes. »
8 1963, Articles divers (1963-1969). Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)
642 ste-t-il actuellement de tels centres ? Nous nous sommes réunis à Genève, il y a trois ans pour discuter de ce problème dans l
643 tre européen de la culture. À cette réunion, il a été décidé de former de tels centres, un peu partout dans le monde. Quelq
644 ntres, un peu partout dans le monde. Quelques-uns sont déjà constitués, notamment celui de Hammamet en Tunisie, pour le Magh
645 ent. Comment fonctionnent ces centres ? Notre but est de grouper les centres existants, ainsi que ceux à créer par la suite
646 e pays ou continent. Notre civilisation technique est de plus en plus orientée vers le machinisme intégral. L’automation me
647 ulture ? Cela dépend de la manière dont nous nous serons préparés. Toute la question est là. Pour l’instant, il faut reconnaît
648 dont nous nous serons préparés. Toute la question est là. Pour l’instant, il faut reconnaître que l’automation pose de gran
649 dans le domaine social, notamment. Mais nous n’en sommes qu’au premier pas, hésitant. Mon attitude est franchement positive, o
650 sommes qu’au premier pas, hésitant. Mon attitude est franchement positive, optimiste. J’envisage l’avenir avec confiance.
651 on permettra de supprimer le prolétariat, l’homme sera plus libre. Évidemment cela n’ira pas tout seul. Il y a tout un trava
652 vail d’éducation à effectuer. Sous ce rapport, il est intéressant de mentionner l’essor remarquable de l’édition dite « de
653 ar exemple, 360 millions de ces petits livres ont été vendus en 1960, ce qui représente une moyenne d’un million par jour !
9 1964, Articles divers (1963-1969). L’idée européenne en Suisse (1964)
654 sur les cartes, ni dans les chartes. Le nom même était inconnu. La Suisse s’est formée peu à peu, du xive au xvie siècle,
655 s chartes. Le nom même était inconnu. La Suisse s’ est formée peu à peu, du xive au xvie siècle, dans le Saint-Empire et p
656 Saint-Empire, de cette première Europe dont elles sont nées, c’est parce que l’Empire lui-même se dénature, se dissout en Ét
657 aix, la prospérité et les libertés de l’Europe ne seront rétablies que par cette union-là. C’est comme « citoyen de Genève » q
658 que ». L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux ne serait nullement unifiée par un despote ou par une idéologie, elle devrait ê
659 par un despote ou par une idéologie, elle devrait être en somme une Europe des cités (ou des communes), formée de très petit
660 (élément type) se révèle, en dernière analyse, n’ être rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffhouso
661 urs divisions persistent, l’avenir appartiendra «  soit à la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la
662 sistent, l’avenir appartiendra « soit à la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle o
663 la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle ouvre des perspectives européennes, soi
664 esure où elle ouvre des perspectives européennes, soit par son action personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos
665 sprits de nos diverses nations se lient d’amitié, soit par des livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation
666 acobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’ est pas seulement l’auteur de l’Esprit de conquête, pamphlet classique co
667 ie un message enflammé (Genève, 1864). Proudhon s’ est peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typo
668 ut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typographe) en écrivant son grand livre posthume, Du Princip
669 d livre posthume, Du Principe fédératif ; mais il est bien certain qu’un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, célèbre pr
670 C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelberg, s’ est inspiré directement de l’expérience fédéraliste suisse en rédigeant s
671 ès à Montreux, en septembre 1947. Cette date peut être considérée comme le point de départ de l’action politique européenne.
672 ontinent à former « une sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich un an plus tôt. Cette idée aussitôt adoptée par les
673 s la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion est donnée, l’opinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le re
674 tre-mer, etc. La première « chaire européenne » a été créée en 1957 par l’Université de Lausanne et un centre de recherches
675 sité de Lausanne et un centre de recherches lui a été adjoint tôt après. Genève a suivi en ouvrant un Institut d’études eur
676 idéale, réputée « microcosme de l’Europe », et ce sont quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, pendant c
677 reconnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins « réservées » et que notre peuple l’est
678 pour le moins « réservées » et que notre peuple l’ est peut-être plus encore, s’agissant de l’idée européenne. Le scepticism
679 comme on appelait à l’époque la CECA : 1° qu’il n’ était pas réalisable, 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de se
680 CECA : 1° qu’il n’était pas réalisable, 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de ses incidences sur nos transports,
681 e d’un train de charbon libre de droits de douane était fixé au lendemain matin… Bien d’autres faits, non moins patents, deva
682 yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE fut accueillie avec méfiance par la presse moyenne de la Suisse allemande
683 arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais été « justifiée », — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il de la
684 ifiée », — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est -il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait, par imp
685 je citais : « Si cela se fait, par impossible, ce sera néfaste pour la Suisse » ? ⁂ Quatre groupes d’arguments sont invoqués
686 e pour la Suisse » ? ⁂ Quatre groupes d’arguments sont invoqués par les partisans de l’abstention. Arguments politiques. — 
687 a Confédération »15. Adhérer à l’union européenne serait contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pou
688 evrait des ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en serait fait du « rôle particulier » qu’elle se réserve d’invoquer plus souve
689 offices lors de la guerre d’Algérie, etc.). Il n’ est donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visant à
690 it à une union supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des
691 déral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des cantons. Le droit d’établissement, la lég
692 avail, le régime fiscal — par exemple — devraient être uniformisés selon des directives « européennes ». Ce serait contraire
693 formisés selon des directives « européennes ». Ce serait contraire à notre Constitution. Ce serait même la fin de notre fédéra
694 s ». Ce serait contraire à notre Constitution. Ce serait même la fin de notre fédéralisme et de la démocratie directe, n’hésit
695 vantages, bancaires notamment, et son agriculture serait gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas pay
696 gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas payante. Arguments traditionalistes. — Des représentants de
697 . Arguments politiques. — La neutralité suisse a été garantie « dans les intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union
698 érêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union qui est aujourd’hui dans l’intérêt de tous les peuples de l’Europe. Si notre
699 s puissances militaires. La neutralité n’a jamais été qu’un moyen au service de notre indépendance ; « elle ne fait pas par
700 t politique » — pour rester neutres à tout prix — serait « illusoire » (F. Wahlen, président de la Confédération, février 1961
701 a réalité de notre neutralité17. » Cette dernière est devenue en partie fictive. La Suisse doit donc tendre à participer « 
702 indre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Roug
703 érie, l’existence d’une Europe unie eût peut-être été capable, elle, de prévenir ces crises, et elle diminuerait très forte
704 en s’absolutisant jusqu’à devenir tabou — traître est celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Isolée
705 é. Isolée de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’ est plus celle que les Puissances garantirent en 1815. Si elle en vient u
706 t rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce serait vouloir rester neutre entre nos ennemis, et nous-mêmes. On ne voit gu
707 uelles considérations philanthropiques pourraient être opposées sincèrement à cette thèse de simple bon sens. Arguments con
708 à une organisation européenne telle que la CEE ne serait pas incompatible avec la Constitution actuelle. Si, dit-il, la Suisse
709 ts précédent. Arguments économiques. — La Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’est évidemment pas avec le rest
710 Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’ est évidemment pas avec le reste du monde (sans cesse invoqué par les abs
711 le plus, mais avec les Six. Les chiffres globaux sont connus. En mai 1963, par exemple, nos importations proviennent pour 6
712 nos exportations, deux tiers vont à l’Europe. Il est vrai que notre balance commerciale reste déficitaire avec l’Europe (d
713 e avec l’Europe (de 447 millions), tandis qu’elle est bénéficiaire (de 51 millions) avec l’outre-mer. Mais il faut avouer q
714 re moins notre participation à l’AELE ! La Suisse est si peu indépendante de l’Europe que l’immigration de main-d’œuvre eur
715 se fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques, de
716 Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’ est pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une rés
717 et malgré nous. Arguments traditionalistes. — Il est clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pou
718 Il est clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise, en réa
719 se. Mais personne ne la préconise, en réalité. Il est clair, en revanche, qu’une Europe fédérée, donc respectueuse de ses d
720 euls, c’est le plus sûr moyen de les perdre. Il n’ est pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos « 
721 pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il est pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suisses accu
722 7 millions en France, 8 en Allemagne.) Mais ce n’ est pas le Marché commun qui les amène. C’est l’expansion de l’industrie
723 aux destinées de laquelle le délégué du Vorort n’ est pas tout à fait étranger. Si M. Homberger croit vraiment que le mélan
724 mberger croit vraiment que le mélange des peuples est un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en conclure au
725 se, cause directe du « mal » en question, si c’en est un. Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec
726 out par l’effet de la technique, laquelle n’a pas été créée que l’on sache par le mouvement d’union européenne. De nos jour
727 En fait, cette « caractéristique nationale » n’en est plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant de l’ag
728 fficile pour les habitants de nos grandes villes, soit définitivement interrompu pour ceux de la Mégalopolis qui menace de c
729 etour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’ est pas la Suisse de Morgarten, de Marignan, ou du xviiie siècle, ni mêm
730 étexte d’une « indépendance » dont notre peuple n’ est pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant
731 us qu’un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant les termes du débat que l’idée européenne suscite chez nous — et l’on
732 ls savent qu’ils n’ont aucune espèce de chances d’ être écoutés s’ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, d
733 ieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent
734 otre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe au nom de
735 e neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressém
736 diversités et nos intérêts bien compris, et qu’il est dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il était possible de d
737 dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il était possible de dissocier durablement notre salut de celui de l’ensemble
738 ses, et comme État qui entend garder une raison d’ être . Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pa
739 , et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et
740 Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en est bénéficiaire, et pas seulement ce que nous attendons et surtout redou
741 atives pacifiques, je dis bien, dans l’esprit qui est devenu celui de la Suisse moderne, laquelle ne saurait croire à la se
742 non seulement parce que cette solution se trouve être la sienne, mais surtout parce que c’est la meilleure pour l’Europe. O
743 e la propose pas, qui le fera ? Notre fédéralisme est peu connu, ou très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y es
744 s mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y est que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette neutralité, vertu
745 mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’ est pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par ceu
746 que l’Europe et le monde attendent de nous, ce n’ est pas l’exposé lassant des raisons de notre « réserve » devant tout ce
747 fense. Et cela, non seulement parce que l’attaque est toujours la meilleure défense, mais parce que nous avons quelque chos
748 me », au cours de laquelle la neutralité suisse s’ est définie comme état d’esprit. 16. « Indépendance de la Suisse et neut
749 lle précise : « Quant à la neutralité, son rôle a été nul dans la création de la Confédération. » Cela pourrait se discuter
10 1964, Articles divers (1963-1969). Les arts dans la vie en Suisse (1964)
750 (1964)n La plus belle œuvre d’art des Suisses est d’avoir fédéré librement leurs vingt-deux États souverains, si jaloux
751 jaloux de leurs différences — et vraiment il n’en est pas deux qui se ressemblent : l’un catholique et l’autre protestant ;
752 l’un catholique et l’autre protestant ; l’un qui est une ville moderne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle un d
753 s bien distincts ! Et chacun veut rester ce qu’il est , mais ils n’en vivent pas moins en harmonie, égaux en droit dans l’in
754 s à leurs institutions, tous deux bien contents d’ être suisses, ils ne se rencontreront sans doute jamais et n’entendront pa
755 is pu s’agencer et n’aurait pas duré longtemps ne sont pas de celles qui excitent au plus haut point l’esprit de risque et d
756 continentaux. Entre le petit compartiment où ils sont nés et la grande unité européenne, pas de relais national pour leur c
757 t comme Wölfflin. Sans oublier le grand clown que fut Grock. Ce palmarès plus qu’honorable ne suffit pas à définir un style
758 sse, l’indice du Danemark, deuxième sur la liste, étant de 1,43, celui des États-Unis de 0,4, et celui de la Russie puis de l
759 cient de grands avantages culturels, et la Suisse est une grappe de pays minuscules… Mais les trop petites dimensions ont a
760 santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui n’est pas l’esprit de clocher, ni
761 cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui n’ est pas l’esprit de clocher, ni l’abandon à l’uniformité imposée par une
11 1964, Articles divers (1963-1969). De la marche / De l’échec (1964)
762 che / De l’échec (1964)o p De la marche J’ étais alors revenu en Suisse, où je subissais l’entraînement intensif d’une
763 certains des incidents de la vie militaire, qui n’ étaient que routine aux yeux de mes instructeurs, m’apparurent tout chargés d
764 là même impopulaire, du commandant de cette école était faite pour favoriser mes dispositions du moment. Le colonel de P. cac
765 ui chez un officier plus jeune n’eût pas manqué d’ être taxée d’insolence ou d’humeur subversive. Je l’admirais autant que je
766 e détestais l’ambiance de la place d’armes, où il était de mise de ne pas aimer ce chef. Un jour, à peine entré dans notre sa
767 de cours, il nous posa cette question simple : Qu’ est -ce que l’énergie ? Et après nous avoir laissé patauger quelques momen
768 qu’il s’agit de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’ était pas une définition, c’était plus grave : nous comprîmes tous que quel
769 e campagne. Paquetage complet. La deuxième marche fut de 70 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’était qu’une prépara
770 de 70 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’ était qu’une préparation pour la « grande course » finale : 150 kilomètres
771 e l’école, la perspective de la « grande course » était un sujet permanent d’irritation et de protestations : « Il nous fera
772 bien sentir chez ses subordonnés. Quels pouvaient être ses motifs ? Il concevait l’armée en général, et celle d’un pays neut
773 tant nécessaires à l’homme complet. Quoi qu’il en soit d’ailleurs de sa philosophie, j’ai toutes raisons de croire qu’en imp
774 ximum que nous pensions pouvoir tirer de nous. Il était de la nature d’un tel projet que ses motifs ne fussent point divulgué
775 it de la nature d’un tel projet que ses motifs ne fussent point divulgués, mais en même temps qu’il nous fût présenté de manièr
776 nt point divulgués, mais en même temps qu’il nous fût présenté de manière à frapper nos imaginations. C’est pourquoi le col
777 the comporte d’effrayant et de contraignant. Nous étions préparés pour quelque chose qui nous paraissait à la fois démesuré, i
778 e de Fribourg, nous savions que la première étape serait de 25 kilomètres, et devait nous porter d’un bond jusqu’au lac Noir.
779 rochers ; l’aube se lèverait sur le Valais, et ce serait la dernière étape, une longue dégringolade de deux-mille mètres à tra
780 apin. « Fatigués ? » — « Non, mon colonel. » Pour être à peu près unanime, la réponse n’en était pas moins sincère. Ces cinq
781 . » Pour être à peu près unanime, la réponse n’en était pas moins sincère. Ces cinq heures de marche sur route nous laissaien
782 pieds après la troisième heure, et les dernières sont dures. Mais si le corps s’est disposé à fournir un effort de trente-t
783 , et les dernières sont dures. Mais si le corps s’ est disposé à fournir un effort de trente-trois heures, les cinq première
784 fort de trente-trois heures, les cinq premières n’ étant qu’une mise en train, ne fatiguent pas. L’organisme, tout simplement,
785 e l’inconscient, du corps et de l’imagination, se sont mises en état d’alerte. Elles ont pris leur régime d’exception. La co
786 r celui qui se bornait à de courtes visées. Elles étaient là, ces forces, à portée de la main mais endormies, laissant vaquer a
787 ’entraînement que nous avions subi au préalable n’ était pour rien dans la facilité avec laquelle nous venions de couvrir une
788 mètres. Mais à son tour, cet entraînement n’avait été reçu et surmonté qu’en vue de la grande course, du but lointain… Aujo
789 ertains objectifs qui, peut-être, parce qu’ils ne sont que vaguement entrevus, semblent alors grands et lointains ? Le corps
790 entira maître et dispensateur, tandis que l’autre était plutôt subie… Comme elle l’était avec bonheur, ce matin-là, avec quel
791 ndis que l’autre était plutôt subie… Comme elle l’ était avec bonheur, ce matin-là, avec quelle plénitude animale ! Nous gravi
792 ées, et de l’alacrité de l’air alpestre. La pente était fort raide, et l’avance très lente, mais l’attrait du sommet qu’on di
793 cupaient constamment nos regards. Notre marche en était comme allégée, réduite à si peu de chose tout au bas du spectacle… No
794 sans but immédiat ou visible. Les buts des hommes sont dans leur tête, ou dans leur cœur. Quand les ombres montant de la val
795 lus, puis le talus devint la nuit, et le monde ne fut plus qu’un chemin où des pierres roulaient sous nos pas, jetant parfo
796 des casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’ être un progrès de but en but, devint une sorte de durée suspendue dans l’
797 de durée suspendue dans l’espace obscur, et qui n’ était plus mesurée que par l’alourdissement des membres. Un vent froid desc
798 dait des Alpes, une pluie fine s’établit. Tout ne fut plus, pendant des heures, qu’automatismes à peine surveillés, rêverie
799 e de la rue principale. Tout dormait. La saison d’ été avait pris fin depuis plusieurs semaines et la saison d’hiver ne s’ou
800 nous par des servantes ensommeillées — il devait être plus de minuit — on nous donna la permission inattendue de nous couch
801 glaciales et qui sentaient le camphre, nous nous sommes affalés, tout équipés. Un camarade m’a réveillé : — Le colonel demand
802 l y a déjà un demi-mètre de neige là-haut. Le col sera donc impraticable dans quelques heures. La course est arrêtée. Bonsoi
803 donc impraticable dans quelques heures. La course est arrêtée. Bonsoir, Messieurs. » De l’échec Je vais éternuer, et
804 répare à soulever une caisse très lourde, et elle est vide. Le savant qui poursuit une longue recherche apprend qu’un collè
805 proches du sommet de l’ascension graduelle vers l’ Être , fait l’expérience du Néant… Dans tous les ordres et à tous les degré
806 s, la déception de l’effort, de l’élan, du désir, est une épreuve plus difficile à surmonter, parfois, que l’obstacle lui-m
807 onter, parfois, que l’obstacle lui-même, si grand soit -il. À la Lenk, cette nuit-là, j’eus un accès de fièvre qui me tint év
808 ée que pour y renoncer dans le moment où l’élan s’ est déjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’une
809 éjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’ est encore qu’une moitié de l’art de vivre. Mais apprendre à ne pas réuss
810 réel où nous vivons, dans le temps bref qui nous est imparti, dans les limitations de toute nature confrontant l’esprit et
811 urée même de l’Histoire. Et malheur à celui qui n’ est pas prêt à tirer son bien de ce mal ! Malheur à celui qui exigerait d
812 repris qu’en espoir ! Il avouerait que son espoir était trop court. o. Rougemont Denis de, « De la marche ; De l’échec »,
12 1964, Articles divers (1963-1969). Le sentier perdu (1964)
813 ’humanité disparaît de la peinture de Nora Auric. Est -ce qu’il y a trop de gens sur la terre ? On le penserait devant ces t
814 ra Auric a ceci de particulier qu’on ne sait s’il est vu de sous l’eau ou d’un nuage : ce seraient à peu près les mêmes rap
815 sait s’il est vu de sous l’eau ou d’un nuage : ce seraient à peu près les mêmes rapports de lumières diffuses et d’ombres, avec
816 auques, hauteurs baignées de vapeurs denses. Ce n’ est pas un monde inhumain, car il est féminin, sans aucun doute possible.
817 rs denses. Ce n’est pas un monde inhumain, car il est féminin, sans aucun doute possible. Ne fût-ce que par ces roses un pe
818 car il est féminin, sans aucun doute possible. Ne fût -ce que par ces roses un peu gris que je me rappelle, qui s’exagèrent
819 e par un éclair irrégulier. Rien de gratuit, tout est lisible et composé, comme un paysage qu’on reconnaît sans l’avoir jam
13 1965, Articles divers (1963-1969). La technique, facteur de paix (6 mars 1965)
820 hnique, facteur de paix (6 mars 1965)q r Je ne suis pas un technicien, ni au sens étroit du terme, sujet de récentes cont
821 , symboliquement, que l’éclairage à l’électricité étant donné, je m’interroge sur ses avantages et ses défauts par rapport au
822 l’électricité et de la lumière : j’ignore si elle est ondulatoire ou corpusculaire, ou les deux à la fois, mais je sais que
823 e moderne — mettons depuis le xviie siècle — ait été la création de l’Europe seule — et, par la suite, de ses filiales amé
824 ifie l’effort technique des Européens, et quelles sont ses racines profondes dans la psyché occidentale ? J’ai tenté de répo
825 ulé L’Aventure occidentale de l’homme , et je me suis vu amené à établir une chaîne continue sinon de causes et d’effets, d
826 mbe atomique. Voilà qui peut surprendre, mais qui est en somme très simple : la religion prépondérante de l’Europe se fonde
827 ope se fonde sur le dogme de l’Incarnation. Or qu’ est -ce que l’Incarnation, sinon Dieu lui-même, l’Esprit pur, qui choisit
828 bjet des recherches de l’esprit. Corps et matière sont bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une
829 éels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effor
830 ute la création, désormais, paraissent « dignes d’ être contemplés », comme le dira Kepler, bien plus, d’être transformés par
831 contemplés », comme le dira Kepler, bien plus, d’ être transformés par l’homme spirituel et sauvés, ainsi que l’avait déjà d
832 des fils de Dieu, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption… pour avoir part à la lib
833 éracité contrôlée et mesurée. Cette synthèse, qui est l’œuvre du Moyen Âge, dès le xiiie siècle, produit ses effets à part
834 rs approuvé par les ordres monastiques : laborare est orare ; et enfin, la nécessité de survivre dans un petit coin du mond
835 vie spirituelle en Occident ? Et de fait, que ce soit la technique occidentale qui ait favorisé les guerres, ou l’inverse,
836 r des guerres. Le couteau de silex puis le glaive sont les armes du combat singulier entre chefs. L’arquebuse, les machines
837 e point final de la Deuxième Guerre mondiale, qui fut une guerre motorisée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’une
838 me Guerre mondiale, qui fut une guerre motorisée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’une ère de fantastique accélér
839 nt résulté du progrès de la technique, ou si ce n’ est pas plutôt la technique qui a bénéficié des commandes militaires. Ent
840 oyens de s’armer, mais non pas de désarmer. Et il est vrai que les armes nouvelles inventées par les techniciens n’ont guèr
841 e utilité de la bombe H, c’est en somme qu’elle n’ est pas utilisable. Elle se trouve interdire de la sorte, ou limiter rigo
842 ès fortement ni en moi, ni autour de moi, tant il est vrai que l’idée d’un malheur universel et définitif agit peu sur l’im
843 des bâtons, des couteaux. Les bombes atomiques ne seraient guère utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop pr
844 utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop près les uns des autres, et celui qui en lancerait une risquerai
845 ient en respect les deux empires occidentaux de l’ Est et de l’Ouest, malgré les conflits idéologiques qui semblaient devoir
846 nt devoir les opposer irréductiblement, quels ont été les effets de l’expansion technique dans le reste du monde ? Ici, le
847 u en tout cas inévitable, dans l’ignorance où ils étaient de la simple possibilité d’une vie meilleure ou différente, plus affr
848 ressources dans le même temps : or ces dernières étaient déjà beaucoup trop faibles… Voilà le drame, et la menace plus grave q
849 de guerres planétaires ; non pas demain, car ils sont encore faibles et démunis, mais après-demain, si une grande nation ay
850 eut faire l’Occident, pour éviter ce désastre qui serait bien pire que tout ce que nous faisait redouter la guerre froide au t
851 r de notre superflu pour apaiser la faim du monde sont hélas en pleine utopie. Ils entretiennent notre mauvaise conscience s
852 rrir des dizaines de milliards d’humains, ceux-ci seront obligés de manger debout — selon les prévisions de nos démographes. O
853 ulturel peut seule permettre de la surmonter. (Ce sont là d’énormes problèmes, qu’une conférence prochaine, à Bâle, sur le t
854 aiera de poser clairement, sinon de résoudre.) Je suis donc amené à formuler la thèse suivante : la technique, en principe,
855 la thèse suivante : la technique, en principe, n’ est pas plus un facteur de paix qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux
856 x armées des moyens de faire la guerre, mais ce n’ est pas elle qui cause les guerres, ce sont au contraire les passions, qu
857 mais ce n’est pas elle qui cause les guerres, ce sont au contraire les passions, qui utilisent la technique comme instrumen
858 en 1915.) Mais de cette Première Guerre mondiale sont issus très rapidement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’est p
859 idement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’ est pas la maîtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes et les bre
860 rgie nucléaire, dont les principes et les brevets étaient déposés dès 1939 par l’équipe Joliot-Curie, mais restaient ignorés pa
861 manière la plus précise, du reproche populaire d’ être fauteuse de guerre. Par rapport à la guerre et à la paix, la techniqu
862 rapport à la guerre et à la paix, la technique n’ est pas un facteur indifférent, mais bien ambivalent : pas de guerre poss
863 ci dit, reconnaissons que la guerre bloquée, ce n’ est pas encore la vraie paix. Celle-ci ne peut naître qu’à la faveur d’un
864 peut naître qu’à la faveur d’un équilibre qui ne soit pas celui de la terreur, mais des diverses facultés humaines développ
865 tendance à le croire dans nos élites humanistes, serait -elle un facteur de déshumanisation, qui ne substituerait aux explosio
866 ’équilibre entre l’homme et la Nature, ma réponse est également double. Certes, et je l’ai dit en débutant, le progrès tech
867 ge urbain d’une grande complexité, où la Nature n’ était plus représentée que par des pans de ciel abstrait entre les parois d
868 et même des saisons, les citadins du xxe siècle seraient -ils des monstres, pâles victimes d’une technique qui les enferme dans
869 révoltant ? C’était vrai au xixe siècle et ce l’ est encore en partie pour le prolétariat des villes industrielles. C’est
870 ’avion, se vide à moitié sur les plages pendant l’ été . Et je mets en fait que la jeunesse qui ne parle, dit-on, que de marq
871 chnique enchaîne l’individu ou le libère, si nous sommes en réalité les esclaves de nos machines ou si elles nous servent, et
872 l’Élysée, la bombe nous anéantira… Ces questions sont très populaires, non seulement dans notre presse et chez les publicis
873 le qui consiste à battre la table à laquelle on s’ est heurté. La technique n’est pas une puissance indépendante de l’homme
874 table à laquelle on s’est heurté. La technique n’ est pas une puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner
875 se tourner subitement contre lui. La technique n’ est pas matérialiste, seul l’homme peut l’être, quand il se laisse aller
876 nique n’est pas matérialiste, seul l’homme peut l’ être , quand il se laisse aller à ses instincts abâtardis ou quand il se la
877 propres mécanismes psychologiques. La technique n’ est pas davantage utilitariste, et je dirai plus : dans ses intentions pr
878 ses intentions primitives, dans sa genèse, elle n’ est même pas utilitaire ! L’histoire des grandes inventions, de celle du
879 , de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’ est pas l’histoire de « besoins » qui auraient existé avant elles, c’est
880 ue de la technique, aux premiers âges de l’homme, est aujourd’hui abandonnée au profit d’explications par la magie ou les r
881 ié nos vies — je ne parle pas de nos gadgets — ne sont pas nées pour satisfaire des besoins matériels que personne n’éprouva
882 nt elles, mais c’est généralement l’inverse qui s’ est produit. Personne n’avait besoin d’autos quand il n’y en avait pas en
883 êveurs un peu bizarres. C’est du rêve de voler qu’ est né l’avion, et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née
884 et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’ est née l’auto : vous en trouverez le récit détaillé dans l’autobiographi
885 êveur incurable, bricoleur sans culture ni génie, était obsédé par l’idée de construire une « locomotive routière », comme il
886 ’appelait, c’est-à-dire un véhicule rapide qui ne fût pas astreint à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et ses hora
887 l’on entend les belles âmes soupirer que l’homme est devenu l’esclave de sa voiture, et c’est vrai dans ce sens que l’homm
888 ait plus se passer de cet objet, mais le fautif n’ est pas la voiture, c’est la publicité, la mode, la vie sociale — c’est d
889 chnique. Je voudrais observer au surplus que s’il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors
890 que s’il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, h
891 voque la liberté de l’individu, cette invention n’ était certes pas la mieux adaptée à ses fins, ni la mieux calculée pour rép
892 et quand il faut payer les autoroutes. Si je veux être libre de rêver, c’est justement un train que je vais prendre. Dans mo
893 nt, rien de pareil : tout ce que je peux lire, ce sont des chiffres, des ordres de police routière ; si je mange, ce n’est g
894 des ordres de police routière ; si je mange, ce n’ est guère qu’un sandwich, si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement
895 opositions d’une extrême simplicité. La technique est un instrument qui ne saurait être, en soi, mauvais ou bon. Tantôt rév
896 té. La technique est un instrument qui ne saurait être , en soi, mauvais ou bon. Tantôt révérée comme instance et compétence
897 ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Elle n’ est que le moyen de nos passions et de nos rêves, le moyen de nos vraies
898 chons, et nous nous persuadons que la technique n’ est après tout qu’un ensemble de procédés ingénieux et utilitaires, desti
899 une inexplicable malice des choses, dont nous ne serions pas du tout responsables, elle menace au contraire d’anéantir toute e
900 toute espèce de vie sur la terre. La technique n’ est qu’un instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la pa
901 la terre. La technique n’est qu’un instrument, n’ est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie
902 hnique n’est qu’un instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit d
903 instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de not
904 qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais s
905 soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais surtout, par ses progrès mêmes, p
906 nos options réelles devant la vie. Telle qu’elle est devenue de nos jours, obsédée d’efficacité immédiate et rentable à co
907 l’économie, l’hygiène ou le simple confort, il n’ est peut-être pas d’activité humaine qui paraisse moins métaphysique en s
908 soi que la technique. Mais en même temps, il n’en est pas qui nous contraigne davantage, et avec une urgence plus dramatiqu
909 ger sur le meilleur usage des pouvoirs inouïs qui sont devenus les nôtres. Ainsi, qu’on le veuille ou non, c’est la techniqu
910 de notre vie et de la vraie nature de l’homme. Ne serait -ce pas là, peut-être, son plus grand miracle ? q. Rougemont Denis
14 1965, Articles divers (1963-1969). La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)
911 e image très sincère du pays où l’art du tourisme fut inventé par les Anglais. Un pays que tout le monde croit connaître mê
912 le monde croit connaître même sans y avoir jamais été , car tout le monde sait qu’il est beau mais sérieux, très cossu mais
913 y avoir jamais été, car tout le monde sait qu’il est beau mais sérieux, très cossu mais égalitaire, petit mais tellement é
914 ouvait le repasser et l’aplanir, on verrait qu’il est bien aussi grand que la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs, d
915 es, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que certaines appare
916 uffisent à remplir les hôtels. Pourtant la Suisse est autre chose, qu’on ne voit pas sur les cartes postales. On croit que
917 e c’est le pays le plus évident du monde, où tout est concerté, bien net et bien honnête, et pourvu de son mode d’emploi ;
918 de même — il faut en croire ses yeux — ce ne peut être qu’en vertu de certains secrets d’usage plusieurs fois séculaires. Ca
919 e l’eau des glaciers pour en tirer de l’énergie —  est l’un des plus industrialisés de la planète : 10 % de paysans seulemen
920 iste encore que dans l’espoir. Entre les deux, où est la vraie Suisse ? Deux sondages d’opinion, dans plusieurs pays de l’E
921 ope et aux États-Unis, ont révélé que les Suisses sont tout simplement les gens les plus heureux de la Terre. À la question 
922  : « D’une manière générale, diriez-vous que vous êtes très heureux, — plutôt heureux, — pas très heureux ? » 42 % répondent
923 nheur ? Et ses recettes, si l’on peut les donner, seraient -elles applicables ailleurs ? Le premier secret des Suisses, c’est la
924 en compris. Et cela se voit dès l’origine. Loin d’ être née comme chacun le croit de la révolte de paysans démocrates contre
925 première alliance — un traité en due forme qui ne fut certes pas rédigé par des pâtres, puisqu’il était en beau latin — s’a
926 e fut certes pas rédigé par des pâtres, puisqu’il était en beau latin — s’agrégèrent au cours des siècles quantité de petites
927 aient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et ce fut la période patricienne et guerrière des « ligues suisses ». Elle abou
928 ants. L’année suivante, une constitution fédérale fut rédigée, votée, et mise en vigueur en neuf mois, sans aucune mesure t
929 rès l’autre. Ainsi, le vrai secret de la Suisse n’ est pas du tout celui des banques mais celui du fédéralisme, celui d’une
930 e vie, sa langue, son credo ou son parti. Il n’en fut pas toujours ainsi, et les Suisses ont connu pendant des siècles de f
931 eligion, et autres manifestations d’impérialismes soit politiques soit culturels. Mais à partir de l’instauration d’une fédé
932 es manifestations d’impérialismes soit politiques soit culturels. Mais à partir de l’instauration d’une fédération véritable
933 ation véritable en 1848, les frontières des États sont devenues invisibles, et dès lors les communautés réelles ne sont plus
934 nvisibles, et dès lors les communautés réelles ne sont plus définies par leurs cordons douaniers, mais par le libre choix et
935 e degré d’attachement réel de leurs membres. On n’ est plus obligatoirement protestant parce qu’on est né à Genève ou dans l
936 n’est plus obligatoirement protestant parce qu’on est né à Genève ou dans le canton de Berne, ni catholique parce que lucer
937 et la tradition familiale, fils de la Réforme qui est un phénomène occidental au sens le plus large du terme, Suisse par le
938 is sans se confondre, n’allez pas croire qu’elles soient unies par je ne sais quelle ferveur sentimentale — oh ! non. Personne
939 a façon. Cela suffit, c’est l’essentiel, le reste est idéologie. Avec tout cela, je crois avoir plus qu’à moitié répondu à
940 celle de savoir si les recettes du bonheur suisse sont applicables à l’échelle de l’Europe. En effet, si le problème europée
941 le de l’Europe. En effet, si le problème européen est d’accorder quelque vingt-deux pays parlant des langues différentes, p
942 à l’échelle continentale. On me dira : la Suisse est petite, l’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations sont grand
943 tale. On me dira : la Suisse est petite, l’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations sont grandes. Comment oseriez-v
944 ’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations sont grandes. Comment oseriez-vous les comparer à l’un de vos aimables can
945 r exemple et la Belgique ou l’Irlande, le rapport est analogue à celui qui existe entre les cantons de Zurich et de Zoug ou
946 ans le cas de nations dont l’inégalité relative n’ est pas moindre. Le fédéralisme est précisément l’art de composer en un e
947 galité relative n’est pas moindre. Le fédéralisme est précisément l’art de composer en un ensemble vivant des organes bien
948 n colosse. Notez d’ailleurs que l’Europe actuelle est pratiquement plus petite que ne l’était la Suisse quand elle s’est fé
949 pe actuelle est pratiquement plus petite que ne l’ était la Suisse quand elle s’est fédérée. En 1848, il fallait deux ou trois
950 plus petite que ne l’était la Suisse quand elle s’ est fédérée. En 1848, il fallait deux ou trois jours à un député de Genèv
951 ent. En 1965, un député de Stockholm ou d’Athènes est à quelques heures de Bruxelles ou de Strasbourg, et à portée de voix
952 à portée de voix de ses ministres. Oui, la Suisse est la seule maquette vivante de cette Europe fédérée dont rêvent tous le
953 correspond à quelque chose qui pourrait très bien être l’avenir commun de nos nations. Et quand vous en serez convaincu, ess
954 l’avenir commun de nos nations. Et quand vous en serez convaincu, essayez d’en convaincre les Suisses… s. Rougemont Denis
15 1966, Articles divers (1963-1969). Un libéral engagé (1966)
955 tel. Une dame survint : « — Excellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce doit être beau de pouvoir ainsi faire le Bien !
956 ellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce doit être beau de pouvoir ainsi faire le Bien ! — Non Madame, faire le bien, c’
957 ort de Valencia. L’accès de l’instruction devrait être réservé à ceux-là seuls qui prouveraient qu’ils ne peuvent pas vivre
958 t le point de vue qu’il a voulu défendre quand il était ministre de l’Éducation. Le Cabinet n’a pas tardé à démissionner pour
959 dez tout de même pas défendre les instituteurs, n’ est -ce pas ? Car ils sont… indéfendables ! » Une jeune fille lui demande
960 défendre les instituteurs, n’est-ce pas ? Car ils sont … indéfendables ! » Une jeune fille lui demande de définir le bonheur.
961 téressante sur la féminité de Dieu. Si Dieu avait été conçu comme féminin, disiez-vous, la grande vertu eût été la fécondit
962 u comme féminin, disiez-vous, la grande vertu eût été la fécondité. — Oh ! cela, c’est de vous, chère amie. Tout ce que j’a
963 ère amie. Tout ce que j’ai dit, c’est que si Dieu était conçu comme féminin, nous refuserions tous le pouvoir qu’ont pris les
964 ris les femmes dans notre société. — Mais si Dieu était féminin… — Mais Dieu est féminin, il n’y a pas de question ! — Commen
965 ociété. — Mais si Dieu était féminin… — Mais Dieu est féminin, il n’y a pas de question ! — Comment le savez-vous ? — D’abo
966 rir la présidence de la section culturelle dont j’ étais le rapporteur, je suggérai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit
967 érai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit se soit opéré à ce moment-là une complexe synthèse instantanée des souvenirs
968 e doublé d’un militant, un historien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un idéaliste non exempt de cynisme pour avoi
969 rai dire, me manque. » Le congrès de La Haye, qui est l’origine de tout — comme chacun sait ou va le savoir — on prépare pl
970 voir — on prépare plusieurs thèses sur ce sujet — fut l’occasion pour notre ami de voler au temps qui se dérobait (ou si l’
971 âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où nous étions si peu d’intellectuels (écrivains, artistes et savants) à militer par
972 d des pédants et autres fanatiques de la routine, fût -elle d’étiquette « progressiste ». Il a le sens du trait qui porte et
973 « Oui, Messieurs, si l’Europe doit périr, que ce soit au moins une injustice ! » Mais les grandes heures captées par la rad
974 nné à la cause de l’Europe, cause commune s’il en fût , un temps qui du même coup devait manquer à ce qu’on nomme leur œuvre
975 du Centre européen de la culture. ⁂ Mais avant d’ être Européen, et après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Es
976 après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’est plus. Je l’ai entendu, à Bombay, prétendr
977 oujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’ est plus. Je l’ai entendu, à Bombay, prétendre que l’Espagne, c’est l’Ind
978 ’Espagne, c’est l’Inde de l’Europe, ou que l’Inde est l’Espagne de l’Asie. C’était à se demander si l’on pouvait encore dis
979 ifficultés du dialogue avec les staliniens : « Je suis un libéral, toujours prêt à discuter avec n’importe qui, je peux disc
980 liberté de la culture, dont Salvador de Madariaga est l’un des présidents d’honneur. Il a fait ce jour-là l’un de ses plus
981 s donnait autorité à la pensée de Madariaga, ce n’ était pas le rang, le brillant, le brio, c’était l’engagement de toute une
982 longue carrière d’opposant exilé, un sort inverse est échu à notre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les périls et surmonté
983 igueur. Démontrer qu’en plein xxe siècle on peut être vraiment engagé et vraiment libéral à la fois, n’est-ce pas là son pl
984 vraiment engagé et vraiment libéral à la fois, n’ est -ce pas là son plus beau paradoxe ? t. Rougemont Denis de, « Un lib
16 1967, Articles divers (1963-1969). Au-delà des nations (1967)
985 u-delà des nations (1967)u La fin du douanier est aussi la fin de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat sera f
986 ouanier est aussi la fin de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat sera fait au même compte. Lorsqu’il ouvrit à Vi
987 de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat sera fait au même compte. Lorsqu’il ouvrit à Vienne en 1927 le premier c
988 ité historique, et il inaugurait la stratégie qui serait vingt ans plus tard celle de Jean Monnet. En septembre 1930, la Franc
989 ché commun » figure là pour la première fois : il est donc dû non pas à un politicien et encore moins à un économiste, mais
990 te, mais à un grand poète, Saint-John Perse — qui sera prix Nobel — pseudonyme d’Alexis Léger.) Pour la première fois dans l
991 is dans l’histoire, les gouvernements de l’Europe sont requis de se prononcer publiquement sur une proposition d’union. La m
992 « Europe » partiellement sectorielle (tarifaire) sera « faite » dès le 1er juillet de l’an prochain. Ce sera le moment pour
993 « faite » dès le 1er juillet de l’an prochain. Ce sera le moment pour l’opinion publique de découvrir que le problème de l’u
994 e le problème de l’union ou de la fédération, qui est essentiellement politique, n’est pas encore abordé par les Six, et n’
995 fédération, qui est essentiellement politique, n’ est pas encore abordé par les Six, et n’est même pas posé par les autres.
996 itique, n’est pas encore abordé par les Six, et n’ est même pas posé par les autres. En l’absence — à peine croyable — de to
997 ou bien celle d’équilibre des « Puissances ») qui était la seule sérieuse pour leurs grands-pères. C’est tout ce qu’on peut p
998 la politique pour l’art du possible — quand elle est l’art de créer le possible au service de grands buts qu’il faut proph
999 passé. La jeunesse se demande pourquoi l’Europe n’ est pas encore unie, depuis vingt ans que nos gouvernements proclament ce
1000 ellement simple que c’est elle qui va choquer. Je suis parvenu à la conviction que les hommes d’État les mieux intentionnés,
1001 nir, et ils constatent, évidemment, « qu’elles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clai
1002 lles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États souverains les na
1003 prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais p
1004 r — qu’en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais prêtes à s’unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leu
1005 ont jamais prêtes à s’unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leur définition même de nations souveraines de refuser
1006 en soi-même. L’union, pour deux États-nations, n’ est jamais qu’une mesure de fortune, voire qu’un expédient désespéré (com
1007 par Churchill en juin 1940) autrement dit : ce n’ est jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent
1008 euse à la nécessité, quand on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si do
1009 on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si donc on veut unir l’Europe,
1010 se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
1011 us l’a léguée le siècle dernier : la région. Il n’ est rien dont les sociologues d’aujourd’hui s’occupent avec plus de passi
1012 les régions, réalités absolument modernes. Ce ne sont pas les provinces de l’Ancien Régime, effacées, encore moins les dépa
1013 ’hui, ni les « States » de l’Amérique du Nord. Ce sont vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naî
1014 de forces les plus diverses, dont les principales sont  : l’explosion démographique, l’urbanisation galopante, la mobilité de
1015 s et enfin l’unité géographique, cette dernière n’ étant d’ailleurs plus définie par une frontière marquée sur le terrain par
1016 voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thè
1017 et une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implanter les plus importantes usines atomiques françaises.
1018 rouvais le seul non-Français : j’en conclus que j’ étais censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler
1019 coupait en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui est d’un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les
1020 ssiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles
1021 ussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, sel
1022 à la curiosité d’un grand public. Certes, on n’en est encore qu’au stade de la prise de conscience du phénomène région et d
1023 nelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une période
1024 u ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une période d’expériences, et celle-ci connaî
1025 régions et les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’une génération, vingt à trente ans, en admettant
1026 uté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut au vie siècle avant notre ère, l’apparition de la polis, dans la soc
1027 appelait naguère des « Puissances ») se rêve ou s’ est rêvé un jour Empire. Certains le sont parfois devenus pour le dur mal
1028 se rêve ou s’est rêvé un jour Empire. Certains le sont parfois devenus pour le dur malheur de l’Europe, sous Napoléon, sous
1029 a vraie nature et les vraies ambitions. Nous n’en sommes encore qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les élémen
1030 core qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les éléments de l’Europe à venir, mais déjà nous touchons au crépuscu
1031 forme nationale en général. Croyance réfutée, il est vrai, par un simple coup d’œil sur l’Histoire, lequel fait voir premi
1032 re, lequel fait voir premièrement que les nations sont de formation récente, deuxièmement qu’elles ont dépassé le sommet de
1033 scours célèbre, à la Sorbonne20 : Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La c
1034 continue pas moins à nous répéter que les nations sont « encore » les seules réalités. Et c’est vrai, elles existent « encor
1035 société scientifico-technique, leur souveraineté est devenue tout illusoire dès qu’elle n’est plus purement négative — en
1036 eraineté est devenue tout illusoire dès qu’elle n’ est plus purement négative — en bien ou en mal. Ainsi, elle leur permet d
1037 s capitales anciennes, la révolution régionaliste sera faite et du même coup, la fédération de l’Europe se révélera immédiat
1038 l’Europe » — comme les communes libres médiévales étaient « immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-e
1039 s à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t -elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles car
1040 tin… vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le départemen
1041 e que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnair
1042 olution régionaliste, condition de l’Europe unie, est bien plus avancée que nous n’osions l’espérer et que ne peuvent encor
1043 liticiens qui se croient réalistes — parce qu’ils sont en retard d’une génération sur les réalités du temps. 19. Robert La
1044 tion « Idées », Paris, Gallimard, 1967. 20. « Qu’ est -ce qu’une nation ? », Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-delà
17 1967, Articles divers (1963-1969). Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)
1045 e européen : notes pour un « Petit Livre rouge » ( été 1967)v Les dictatures totalitaires modernes comme les théocraties
1046 ugle. Mais la démocratie exige pour fonctionner d’ être prise en charge et comprise par la très grande majorité des citoyens.
1047 s citoyens. C’est pourquoi l’instruction publique est apparue vers le milieu du siècle passé, rendant possible la lecture d
1048 mocratie ne mérite son nom que dans la mesure où, soit par l’enseignement, soit par la famille, soit par d’autres moyens soc
1049 m que dans la mesure où, soit par l’enseignement, soit par la famille, soit par d’autres moyens sociaux, partis, presse, mas
1050 où, soit par l’enseignement, soit par la famille, soit par d’autres moyens sociaux, partis, presse, mass médias, elle réussi
1051 ux-là seuls qui ne demandent qu’à croire qu’ils y sont enfermés. Au-delà des impasses logiques, le désir bâtit la cité. Le d
1052 s et de participer à son gouvernement, le désir d’ être citoyen pousse à construire la ville, qui à son tour formera des trad
1053 ns de l’Histoire » comme certains disent. Elle ne sera pas non plus l’œuvre d’un dictateur : Napoléon, Hitler ont échoué pou
1054 Ni spontanée, ni fatale, ni imposée, elle ne peut être que choisie et voulue — exactement comme la démocratie — par une majo
1055 par une majorité de la population. Cette majorité sera suscitée et conduite par une minorité qui ne voudra pas forcer mais c
1056 , elle ne fait en tout cas pas cela, et l’on peut être heureux si elle ne fait pas le contraire. L’éducation du citoyen qui
1057 toyen qui se pratique dans les écoles de nos pays est , aux dires de ses responsables21 généralement insuffisante (parfois i
1058 euse des leçons La leçon d’instruction civique est généralement considérée comme la plus ennuyeuse de toutes. En un sens
1059 ’est heureux, car si elle passionnait, les choses étant ce qu’elles sont, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme
1060 si elle passionnait, les choses étant ce qu’elles sont , ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un rem
1061 assionnait, les choses étant ce qu’elles sont, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un remède pire qu
1062 u chauvinisme national. Un remède pire que le mal serait de substituer à l’heure d’ennui civique national une heure d’ennui ci
1063 d’institutions européennes au sujet desquelles il serait bon de savoir quelque chose, ne compte pas au regard des problèmes ré
1064 lèmes vivants et réels de l’Europe, telle qu’elle est aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait être unie demain, n’app
1065 est aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait être unie demain, n’apparaissent pas souvent dans les discours des militan
1066 siècle. Quand on a vu de quoi la vie de l’Europe est faite, on voit aussi sans discussion possible, sans adjurations pathé
1067 naître nos problèmes communs, l’un des plus réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes
1068 lèmes communs, l’un des plus réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes économiques, en
1069 e) dans l’enseignement secondaire. Les programmes sont déjà trop chargés. L’ennui qui s’attache à l’instruction civique nati
1070 rès vite sa version européenne. Et d’ailleurs, il serait absurde d’essayer de substituer l’une à l’autre : car l’Europe se fer
1071 ais pas contre elles, ni sans elles. (La Suisse s’ est faite au-delà de ses cantons, mais pour sauver ce qu’on pouvait de le
1072 de la Campagne d’éducation civique européenne23 n’ est donc pas d’instaurer une branche de plus dans l’enseignement déjà plé
1073 le meilleur parti, il faut que le professeur ait été lui-même sensibilisé aux réalités de l’Europe encore désunie, aux pro
1074 les n’aboutira, ou ne prendra vraiment le départ. Est -ce dire que l’Europe attend son « petit livre rouge » à distribuer au
1075 de millions d’écoliers de nos pays ? Oui, mais ce sera le livre des questions réelles éveillant le sens critique et le besoi
1076 on, tandis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’ est qu’un recueil de réponses toutes faites, unifor­mément optimistes et
1077 eux points d’interrogation sur 340 pages ; encore sont -ils de pure rhétorique et destinés à supprimer plutôt qu’à poser la q
1078 ent de l’examen objectif de la situation, et nous sommes bien certains qu’il révélera de la sorte la nécessité de l’union, et
1079 ng, our Europe ! » mais il fera voir que l’Europe serait détruite par ce qui tue l’esprit critique, déprime le goût de la libe
1080 3 de cette revue. 24. « Tout ce que nous faisons est au service du peuple, de quel défaut ne pourrions-nous donc nous déba
1081 Livre rouge” », Éducation et Culture, Strasbourg, été 1967, p. 10-12.
18 1968, Articles divers (1963-1969). L’Exode des cerveaux [débat] (1968)
1082 e qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’il était le seul chercheur autour de cette table. Je me considère moi aussi co
1083 e considère moi aussi comme un chercheur et je le serai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas un chercheur
1084 ai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas un chercheur scientifique. Je voudrais m’élever contre la hiérarc
1085 s m’élever contre la hiérarchie des valeurs qu’on est en train d’instaurer. M. Mach se plaignait qu’on n’accorde pas un res
1086 respect presque exclusif. Pourquoi ? Parce qu’ils sont très utiles à l’économie, au commerce, à l’industrie, au PNB, produit
1087 ement scientifiques. C’est en tant que tel que je suis désireux d’élargir ce débat. Au risque de vous scandaliser, je vais m
1088 e par là. J’ai eu la curiosité de regarder quelle était la composition du groupe des 14 Suisses — de passeport ou de naissanc
1089 i ont reçu le prix Nobel, depuis 1901, date où il fut créé. Il y a 6 chercheurs nés Suisses et qui le sont restés, et 5 non
1090 t créé. Il y a 6 chercheurs nés Suisses et qui le sont restés, et 5 non Suisses de naissance, mais naturalisés et qui ont re
1091 prix Nobel, deux chercheurs, peut-être trois, qui étaient nés suisses. Je ne suis pas tout à fait sûr de Charles Édouard Guilla
1092 , peut-être trois, qui étaient nés suisses. Je ne suis pas tout à fait sûr de Charles Édouard Guillaume, mentionné dans beau
1093 coup de dictionnaires comme français, peut-être l’ est -il devenu ? Les deux autres sont Félix Bloch et Daniel Bovet, l’un de
1094 çais, peut-être l’est-il devenu ? Les deux autres sont Félix Bloch et Daniel Bovet, l’un devenu américain et l’autre italien
1095 aine balance des échanges intellectuels peut nous être parfaitement favorable. (D’ailleurs, si elle ne l’était pas, ce serai
1096 parfaitement favorable. (D’ailleurs, si elle ne l’ était pas, ce serait le même prix !) Quand je vous dis que les échanges, c’
1097 avorable. (D’ailleurs, si elle ne l’était pas, ce serait le même prix !) Quand je vous dis que les échanges, c’est la santé de
1098 français. Les grands maîtres d’alors — ce devait être dans les années 1250 à 1260, je ne me rappelle plus exactement — s’ap
1099 lus exactement — s’appelaient Thomas d’Aquin, qui était napolitain, Bonaventure, qui venait de Pise, Roger Bacon, qui était a
1100 Bonaventure, qui venait de Pise, Roger Bacon, qui était anglais, Siger de Brabant, qui était brabançon, et Albert le Grand, q
1101 r Bacon, qui était anglais, Siger de Brabant, qui était brabançon, et Albert le Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nou
1102 ant, qui était brabançon, et Albert le Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nous en tenir aux exemples suisses, qu’y a-t
1103 des cerveaux en Suisse ? Comment notre culture s’ est -elle faite ? D’abord par la conquête romaine, qui nous a apporté une
1104 plus près de nous, on peut citer Nietzsche, qui a été professeur à Bâle lui aussi et qui a beaucoup vécu en Suisse, en Enga
1105 prix Nobel que je vous disais tout à l’heure, qui sont venus de l’étranger. On pourrait allonger facilement cette liste. Du
1106 sse ? Il y a d’abord eu le service étranger. Ce n’ était pas exactement une exportation de cerveaux, mais sur la masse, sur le
1107 ers, les centaines de milliers de Suisses qui ont été dans les armées étrangères, il y eut des centaines de généraux qui av
1108 ur de la flotte russe et son premier grand amiral était un Genevois, Lefort, et le chef de la flotte de guerre américaine, en
1109 tte de guerre américaine, entre les deux guerres, était l’amiral Eberlé, qui venait tout droit de Suisse allemande. Dans le d
1110 des mathématiques, vous savez que les Suisses ont été de grands exportateurs. Les Bernoulli de Bâle, Leonhard Euler, les pl
1111 Russie, dans les Pays-Bas. Ensuite, Agassiz, qui était un savant neuchâtelois, a fondé les sciences naturelles aux États-Uni
1112 es de la Renaissance qui ont fait la Rome baroque étaient tessinois. Les Borromini, Maderno, Fontana, ont fondé une grande trad
1113 ui, ne pouvant pas faire de voitures en Suisse, a été les faire en Amérique avec le succès que vous savez. L’ingénieur Amma
1114 ec le succès que vous savez. L’ingénieur Ammann a été faire des ponts, aux États-Unis, qui sont les plus grands du monde. E
1115 Ammann a été faire des ponts, aux États-Unis, qui sont les plus grands du monde. Et on pourrait multiplier ces exemples : en
1116 uel moment ce que j’appelle des échanges — et qui est la santé même — devient un exode qu’il faudrait déplorer ou arrêter s
1117 es communautés qui peuvent les prendre en charge. Étant donné la nature, les conditions et les finalités propres d’une certai
1118 s finalités propres d’une certaine activité, quel est le type de communauté qui lui correspond le mieux par ses moyens et p
1119 d’ailleurs : je veux tout pour ma nation, qu’elle soit grande ou petite, et que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut
1120 ation, qu’elle soit grande ou petite, et que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut une industrie automobile, une indu
1121 sité. Mais prenez maintenant cette université qui est bien à la taille du canton (l’activité et la communauté étant de tail
1122 la taille du canton (l’activité et la communauté étant de tailles correspondantes) : si à ce moment-là, une grande puissance
1123 ribles contre les « voleurs d’universités » : ils étaient punis de mort — alors là, il s’agira bel et bien d’un « exode des cer
1124 Celui de Blaise Cendrars d’abord. Blaise Cendrars est né à La Chaux-de-Fonds, mais il était originaire d’un petit village d
1125 aise Cendrars est né à La Chaux-de-Fonds, mais il était originaire d’un petit village de l’Oberland bernois qui s’appelle Sig
1126 ’était pas parti à 17 ans pour le vaste monde, qu’ est -ce qui se serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait
1127 ti à 17 ans pour le vaste monde, qu’est-ce qui se serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir p
1128 rait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La
1129 ainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La Chaux-de-Fonds et nous n’en aurions rien su ; il aurait co
1130 aste monde qui en a fait Blaise Cendrars, puis il est allé à Paris qui en a fait un grand écrivain et c’est seulement quand
1131 it Blaise Cendrars que nous avons découvert qu’il était suisse ! De même l’ingénieur Ammann, qui a fait ces immenses ponts, l
1132 res de long : qu’eût-il fait, ce malheureux, s’il était resté en Suisse ? Il n’aurait pas trouvé assez de place pour ses pont
1133 ace pour ses ponts, simplement. Nos dimensions ne sont pas suffisantes. On aurait pu lui offrir, me direz-vous, de construir
1134 rade de Genève, mais les crédits n’ont pas encore été votés, depuis quarante ans. Et puis, il y a un cas particulier, qui a
1135 s. Et puis, il y a un cas particulier, qui a déjà été évoqué tout à l’heure par M. Renold. C’est celui du CERN. Un chercheu
1136 -là. Pourquoi ? Parce que la recherche atomique n’ est pas aux dimensions d’un pays comme la Suisse, ni d’ailleurs d’aucun d
1137 ni d’ailleurs d’aucun de nos pays d’Europe : elle est de dimensions continentales. C’est pourquoi, lors de la Conférence eu
1138 enir en Europe un certain nombre de savants qu’il était important de garder pour la communauté continentale, vu les finalités
1139 communauté continentale, vu les finalités (qui n’ étaient pas toutes de recherche pure) qu’il y avait dans la science atomique
1140 rmettra de multiplier les organismes dont le CERN est le prototype. Quant aux Suisses qui vont à l’Unesco ou dans d’autres
1141  : J’aimerais faire remarquer que, entre ce qui a été dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’être dit sur une po
1142 dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’ être dit sur une politique de dimension, il est facile de retrouver des él
1143 ent d’être dit sur une politique de dimension, il est facile de retrouver des éléments d’unité. Ce sont là des notions qui
1144 est facile de retrouver des éléments d’unité. Ce sont là des notions qui se recouvrent. Avant de passer à la discussion gén
1145 ugemont. Vous avez parlé de l’exode dont une part est un échange, mais aussi une part est dommageable. La question est cell
1146 dont une part est un échange, mais aussi une part est dommageable. La question est celle-ci : quelles mesures prendre pour
1147 mais aussi une part est dommageable. La question est celle-ci : quelles mesures prendre pour empêcher l’exode quand il n’a
1148 conjoncture. Il y a un premier choix à faire : je suis personnellement contre toute mesure négative, contre tout barrage qui
1149 certain échange devient un exode dommageable, je suis d’avis qu’on essaie d’y remédier en renversant le flux, c’est-à-dire
1150 s et des climats intellectuels qui attirent. Ce n’ est pas uniquement une question financière. Naturellement, la question fi
1151 s plutôt que de crever de faim. Mais ce préalable étant acquis, comment renverser le flux, c’est-à-dire comment créer des pôl
1152 — ces ressources et les subventions qui doivent y être attachées sur tout le territoire de la Confédération. S’il ne s’agit
1153 e et à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’est
1154 d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’ est pas le tout de la décrire. Tout ce que je puis proposer ici, ce sont
1155 la décrire. Tout ce que je puis proposer ici, ce sont quelques conditions qui me paraissent requises pour qu’il y ait une v
1156 r qu’un physicien, ou un médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il
1157 ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il n’est pas uniquement physicien, i
1158 s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il n’ est pas uniquement physicien, il n’est pas uniquement médecin, et s’il tr
1159 parce qu’il n’est pas uniquement physicien, il n’ est pas uniquement médecin, et s’il trouve un bon orchestre, un bon quatu
1160 is ans, d’aller à contre-courant. Je crois que ce serait payant assez vite. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, mais je ne
1161 limat intellectuel. Il me semble que l’Université est mieux placée que n’importe quel autre corps ou profession ou ensemble
1162 n intellectuelle. À condition que l’Université ne soit pas uniquement la juxtaposition de quelques écoles de formation profe
1163 es écoles de formation professionnelle. Elle doit être aussi cela ; bien entendu, il ne s’agit pas de la transformer de fond
1164 du jour au lendemain, mais il ne faut pas qu’elle soit uniquement cela : quelques écoles de formation professionnelle juxtap
1165 de contestation. Mais attention : contestation n’ est pas un mot inventé par Cohn-Bendit, ni même par Sartre. Contestation,
1166 même par Sartre. Contestation, c’est un terme qui est lié à l’Université depuis sa création, au xiie siècle. Voilà une cho
1167 on. On a même défini la méthode scolastique comme étant essentiellement une discussion libre et ouverte où s’opposaient le po
1168 ts abordés. Et je vous prierai de croire que ce n’ était pas toujours des sujets purement techniques ou de grammaire. La grand
1169 a opposé Siger de Brabant et saint Thomas d’Aquin était une lutte concernant vraiment les fondements de la société de l’époqu
1170 e si vous voulez, pour prendre un autre mot qui a été à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris une vie très intense d
1171 merveilleux ! Jamais depuis le Moyen Âge, on ne s’ était autant occupé des universités que depuis qu’on a découvert qu’il fall
1172 en tienne pas là. Car l’Université, à mon sens, a été , doit redevenir et doit rester le lieu par excellence de la contestat
1173 ptions. Une contestation qui ne se fasse pas — ce sera mon dernier mot — en dehors de l’Université et contre elle, mais dans
1174 lle — mais dans certains cours. Il faudrait qu’il soit admis que la substance même de ces cours soit la remise en question p
1175 ’il soit admis que la substance même de ces cours soit la remise en question permanente des buts, des hiérarchies, des final
1176 e notre société, dont je refuse absolument que ce soit simplement l’industrie qui les fixe. […] M. de Rougemont : Je voudr
1177 is répondre quelques mots très brefs à ce qui m’a été dit autour de cette table. Tout d’abord, M. Renold. Je crois que nous
1178 table. Tout d’abord, M. Renold. Je crois que nous sommes presque entièrement d’accord. J’ai peut-être un peu forcé parce qu’il
1179 ie, une certaine saveur, ce qui fait que, moi, je suis rentré en Europe, par exemple. Ce n’est pas du tout que j’aie été rac
1180 moi, je suis rentré en Europe, par exemple. Ce n’ est pas du tout que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’est-ce pas
1181 rope, par exemple. Ce n’est pas du tout que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas é
1182 out que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’ est -ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas été rapatrié. M. Lalive : Ah ! vous
1183 de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas été rapatrié. M. Lalive : Ah ! vous me rassurez ! M. de Rougemont : Je s
1184 ve : Ah ! vous me rassurez ! M. de Rougemont : Je suis venu ici parce que j’y trouvais quelque chose que je ne trouvais pas
1185 e trouvais pas en Amérique, quelque chose qu’il m’ est difficile de vous décrire, et si vous voulez en avoir une bonne descr
1186 : Vous n’en avez pas cité. M. de Rougemont : Ce n’ est pas tellement étonnant, vu que l’effort culturel des Américains n’est
1187 onnant, vu que l’effort culturel des Américains n’ est pas porté vers la création de génies individuels. C’est un effort bea
1188 oup plus collectif, par team, c’est un effort qui est porté sur la préparation du terrain. D’ailleurs, nous ne pouvons pas
1189 eurs, nous ne pouvons pas dire en Suisse que nous soyons complètement indemnes de toute influence américaine. Il y en a tout d
1190 influence américaine. Il y en a tout de même, ne fût -ce que le jazz. Nous avons pris aux États-Unis beaucoup de choses trè
1191 un exode, quand — je me répète — les échanges qui sont normaux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte,
1192 aux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il
1193 tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il s’agit surtout de
1194 ne perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il s’agit surtout de l’appliquer, mais je refuse absolumen
1195 rien du tout. Mais je vous signale le danger, qui serait un danger un peu américain, qu’il y aurait à isoler complètement votr
1196 que temps, quelques années, mais à la longue ce n’ est pas payant, même pour la recherche scientifique. Je défends ici une c
1197 n tout, c’est un ensemble dont toutes les parties sont en interaction. On peut citer mille cas. Toutes les créations culture
1198 s. Toutes les créations culturelles d’aujourd’hui sont nées au carrefour de plusieurs disciplines très différentes, souvent
19 1968, Articles divers (1963-1969). De l’État-nation aux régions fédérées (1968)
1199 les États-Unis d’Europe, sous quelque nom que ce soit , il faut commencer maintenant… Debout l’Europe ! » Il y a vingt-et-un
1200 pe ! » Il y a vingt-et-un ans de cela. L’Europe n’ est toujours pas debout. Sans corps constitué, sans tête, comment pourrai
1201 e mois dernier à un journal suisse : Les nations sont redevenues le phénomène fondamental du siècle. L’évolution a joué et
1202 contestablement dans le sens de la nation.25 Il est vrai que le même André Malraux quelques jours plus tard, interrogé pa
1203 jeunes gens à la radio, répond : Faire l’Europe est la seule chose véritablement importante de notre temps.26 Mais qui
1204  que cette « réalité fondamentale du siècle » que serait la nation, est précisément celle qui fait obstacle à cette « seule ch
1205 té fondamentale du siècle » que serait la nation, est précisément celle qui fait obstacle à cette « seule chose véritableme
1206 t que si l’Europe qu’appelait Winston Churchill n’ est pas faite, c’est parce que les nations qu’exalte le ministre d’État d
1207 ’y opposent encore irréductiblement, de tout leur être de nations « souveraines » ? Quand on nous affirme que le xxe siècle
1208 s » ? Quand on nous affirme que le xxe siècle ne sera pas celui du triomphe de l’internationale, comme Marx l’avait dit, ni
1209 n l’avait prévu, mais bien le siècle des nations, est -ce qu’on s’en félicite, ou bien est-ce qu’on dit cela comme on dirait
1210 des nations, est-ce qu’on s’en félicite, ou bien est -ce qu’on dit cela comme on dirait de telle année : — C’était l’année
1211 : — C’était l’année de ma pneumonie ? Autre chose est de constater que la réalité politique de notre temps est encore la na
1212 constater que la réalité politique de notre temps est encore la nation, autre chose est de s’en féliciter, d’affirmer qu’on
1213 de notre temps est encore la nation, autre chose est de s’en féliciter, d’affirmer qu’on ne peut rien y changer, que c’est
1214 a du réalisme. Le cancer et les maladies mentales sont aussi des réalités importantes de notre temps, mais je ne pense pas q
1215 er, mais bien à faire en sorte qu’elles cessent d’ être réelles. Que les nations soient encore bien réelles et très fortes à
1216 qu’elles cessent d’être réelles. Que les nations soient encore bien réelles et très fortes à quelques égards, l’impossibilité
1217 c une évidence presque écrasante. Que les nations soient en même temps mal adaptées (pour dire le moins) à l’évolution de notr
1218 tion de notre société, la preuve incontestable en est fournie par les deux guerres mondiales, résultant du nationalisme et
1219 urrait que tuer l’Europe du xxe siècle si elle n’ est pas surmontée et remplacée à temps. La grande force de l’État-nation,
1220 qu’il y a toujours eu des États, que les nations sont immortelles (en tout cas la leur !), que rien d’autre n’est donc poss
1221 elles (en tout cas la leur !), que rien d’autre n’ est donc possible, et que d’ailleurs l’État, ou la nation, c’est l’abouti
1222 viennent la nation, l’État, et l’État-nation qui est né de leur collusion moderne. Il faudrait rappeler qu’après la préhis
1223 naissance de la première nation, la France, peut être datée de cette déclaration des légistes du Philippe de Bel : « Le Roy
1224 légistes du Philippe de Bel : « Le Roy de France est empereur en son royaume », ce qui veut dire que le chef de l’État d’u
1225 verselles, — sauf celle que l’on peut contrôler — sera vite suivi par les rois d’Angleterre et d’Espagne, puis par les princ
1226 lon la formule du xive siècle. Ce spectacle, qui est celui de la naissance des nations, remplit d’effroi les sages de l’ép
1227 ffroi les sages de l’époque. « Ô genre humain, tu es devenu un monstre aux multiples têtes ! » s’écrie Dante dans son trai
1228 idée fatale de la souveraineté absolue — idée qui est à peine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’est pas un géni
1229 ine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’ est pas un génie ou un saint, mais qui devient proprement révoltante — et
1230 parti qui s’en empare au nom du peuple, comme ce fut le cas des jacobins et des « démocraties » plébiscitaires et totalita
1231 de l’idéal national par l’appareil étatique, qui est l’œuvre de Napoléon, la nationalisation de l’État royal et l’étatisat
1232 ne, et au xxe siècle, dans le reste du monde. Qu’ est -ce en somme que l’État-nation de modèle napoléonien ? C’est le résult
1233 ce que l’on ne fait pas, parce que l’État-nation est devenu sacré, intangible dans nos esprits, qui résistent à l’idée qu’
1234 esprits, qui résistent à l’idée qu’il pourrait n’ être après tout qu’une forme transitoire, comme tant d’autres. On enseigne
1235 igion pour le peuple » assure-t-on, et comme ce n’ est plus guère le christianisme, ce sera donc le nationalisme, le culte d
1236 et comme ce n’est plus guère le christianisme, ce sera donc le nationalisme, le culte de la patrie étatisée, seul Absolu auq
1237 tout. L’État-nation moderne, unitaire et absolu n’ est enfin qu’un empire manqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècl
1238 ’est que, si tous les États-nations unitaires ont été et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les s
1239 e, si tous les États-nations unitaires ont été et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seuls emp
1240 seuls empires réussis de notre temps se trouvent être des fédérations : les USA et l’URSS. Regardons maintenant ces États-n
1241 aintenant ces États-nations unitaires tels qu’ils sont dans leur être et leur agir concret, non plus dans leurs prétentions.
1242 tats-nations unitaires tels qu’ils sont dans leur être et leur agir concret, non plus dans leurs prétentions. Nous verrons a
1243 . Nous verrons aussitôt que tous, sans exception, sont à la fois trop petits et trop grands. Ils sont trop petits si on les
1244 n, sont à la fois trop petits et trop grands. Ils sont trop petits si on les regarde à l’échelle mondiale. Ils sont trop gra
1245 etits si on les regarde à l’échelle mondiale. Ils sont trop grands si l’on en juge par leur incapacité d’animer leurs région
1246 tats confrontés aux trois seuls vrais grands. Ils sont trop petits « à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure
1247 ean Monnet. (Lettre de démission de la CECA.) Ils sont trop petits pour se défendre seuls, même avec l’aide d’une petite ou
1248 ar les barrages antimissiles des deux grands. Ils sont trop petits dans le domaine économique pour répondre au « défi améric
1249 répondre au « défi américain » — cela n’a plus à être démontré28 — mais aussi pour répondre au défi du tiers-monde, c’est-à
1250 ait des puissances naguère coloniales. Enfin, ils sont trop petits pour agir politiquement au niveau des empires véritables
1251 . Mais en même temps, les États-nations unitaires sont tous trop grands, trop grands pour pouvoir assurer le développement d
1252 ement à la vie de la cité ; donc trop grands pour être encore de vraies communautés humaines, et cela, c’est la plus grave m
1253 aladie qui puisse miner un corps politique. Telle étant la crise présente de l’État-nation, le régime à prescrire paraît faci
1254 prescrire paraît facile à formuler : Parce qu’ils sont trop petits, les États-nations devraient se fédérer à l’échelle conti
1255 édérer à l’échelle continentale ; et parce qu’ils sont trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intérieur. Facile à for
1256 dirait-on. En effet, l’existence des empires de l’ Est et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’inexorable : — ou
1257 e autorité supranationale, fédérale, et alors ils seront fatalement satellisés un à un ; — ou bien ils font ce qu’il faut pour
1258 n direction de leur fédération politique. Force m’ est donc de penser qu’il y a quelque chose d’essentiel dans leur nature m
1259 donc d’indépendance totale, donc d’autarcie, qui est son ambition proprement impériale. C’est donc par définition et par s
1260 on par méchanceté ou bêtise que les États-nations sont impropres à l’union. Leurs relations normales sont de rivalité non de
1261 ont impropres à l’union. Leurs relations normales sont de rivalité non de coopération. Leur mode de contact normal n’est pas
1262 non de coopération. Leur mode de contact normal n’ est pas l’échange, mais le choc. Bakounine l’avait déjà dit, il y a cent
1263 lication majeure : Développons en commun ce qui est neuf. Laissons de côté les héritages du passé dont l’unification pren
1264 e mon côté : L’union, pour deux États-nations, n’ est jamais qu’une mesure de fortune, voire un expédient désespéré (comme
1265 par Churchill en juin 1940), autrement dit : ce n’ est jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent
1266 euse à la nécessité, quand on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si l’
1267 on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si l’on veut unir l’Europe, il
1268 se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
1269 léguée le siècle dernier : — la région.31 Il n’ est rien dont les jeunes sociologues s’occupent avec plus de passion en E
1270 les régions, réalités absolument modernes. Ce ne sont pas les provinces de l’Ancien Régime, effacées, encore moins les dépa
1271 ’hui, ni les « States » de l’Amérique du Nord. Ce sont vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naî
1272 t de capter et d’harmoniser, dont les principales sont  : l’explosion démographique, l’urbanisation galopante, la mobilité de
1273 , et enfin l’unité géographique, cette dernière n’ étant d’ailleurs plus définie primairement par une frontière marquée sur le
1274 voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thè
1275 et une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implanter les plus importantes usines atomiques françaises.
1276 rouvais le seul non-Français : j’en conclus que j’ étais censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler
1277 coupait en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui est d’un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les
1278 ssiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles
1279 ussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, sel
1280 e et les régions, Paris et le désert français (ce fut le début), et enfin la Révolution régionaliste. Au-delà de ce considé
1281 d’exécutifs régionaux, — toutes propositions qui étaient proprement impensables pour un esprit français il y a dix ou vingt an
1282 a lutte pour notre indépendance nationale ne peut être menée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste o
1283 enée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste ou ne sera pas. Dans cette Europe unie la représentation
1284 de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste ou ne sera pas. Dans cette Europe unie la représentation du peuple français sera
1285 Europe unie la représentation du peuple français sera assurée par l’État fédéral français. Parmi les plus graves méfaits de
1286 nation doit réparation du tort ainsi causé. On n’ est pas loin de l’agitation populaire et de l’action directe. Dans un heb
1287 unes et des cadres… » Le dépérissement régional n’ est pas particulier à la Bretagne. Mais la crise y est si aiguë, la consc
1288 st pas particulier à la Bretagne. Mais la crise y est si aiguë, la conscience de la crise si vive et l’oppression quasi col
1289 loniale de la région si ancienne que Saint-Brieuc était l’endroit tout indiqué pour tenir le premier colloque socialiste régi
1290 thème : « Décolonisez la province ! » Tout cela est intéressant, me disent certains augures, mais n’allez pas y attacher
1291 y attacher trop d’importance. L’État français ne sera pas si aisément ébranlé. Son chef le tient très bien en main, et quel
1292 main… que son État. Or la souveraineté de l’État est devenue tout illusoire, quand elle n’est pas toute négative, ne consi
1293 e l’État est devenue tout illusoire, quand elle n’ est pas toute négative, ne consiste pas à dire non, ou à consentir un aba
1294 qui, de proche en proche, mèneront très loin… Ce sont ces nécessités qui expliquent que le Marché commun ait cru devoir con
1295 roblème de la régionalisation du territoire. On s’ est aperçu que ce sous-développement provenait directement de la structur
1296 exploitation des régions par l’État central. On s’ est intéressé très spécialement aux régions périphériques, les plus négli
1297 oise, qui touche la Belgique. Vue de Paris, Lille est une gare terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de
1298 u surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’ est qu’un exemple entre bien d’autres : nous avons, tout près d’ici, celu
1299 les capitales anciennes, la révolution régionale sera faite, et du même coup la fédération de l’Europe se révélera immédiat
1300 l’Europe » — comme les communes libres médiévales étaient « immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-e
1301 s à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t -elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles car
1302 tin… vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le départemen
1303 e que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnair
1304 olution régionaliste, condition de l’Europe unie, est bien plus avancée que nous n’osions l’espérer. Toutefois, ne nous y t
1305 Toutefois, ne nous y trompons pas : le processus sera très long, et il nous paraîtra nécessairement très lent, au jour le j
1306 essairement très lent, au jour le jour. Nous n’en sommes encore, aujourd’hui, qu’au stade de la prise de conscience du phénomè
1307 nelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une longue
1308 u ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une longue période de mise en place silencieu
1309 finalement les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’une génération, vingt à trente ans, en admettant
1310 uté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut au vie siècle avant notre ère l’apparition de la polis, dans la soci
1311 ndent aujourd’hui se partager le monde. Nous n’en sommes encore qu’à la petite aube de la formation des régions en tant qu’élé
1312 sûr, dès la fin du siècle dernier, Ernest Renan s’ était écrié dans un discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont p
1313 discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. Et
1314 te religion civique dont je vous disais qu’elle s’ était substituée à la foi chrétienne dans l’esprit des masses. Je voudrais
1315 e taille donnée, en sorte que ces limites doivent être tracées avec une certaine liberté de jugement.35 Ainsi : — là où, d
1316 us faire sortir de l’ère néolithique, celle qui a été marquée par la fixation des tribus nomades sur des territoires cultiv
1317 es sur des territoires cultivés, celle qui a donc été dominée pendant douze à quinze millénaires par les notions de terre s
1318 endance. D’ailleurs, le terme même d’indépendance est en train de perdre son sens ancien, stato-national, majestueux et vol
1319 diraient les scientifiques : “il faut chercher à être aussi indispensables aux autres que les autres nous sont indispensabl
1320 ssi indispensables aux autres que les autres nous sont indispensables.36” » Je proposerais, pour ma part, que l’on substitue
1321 ires de la souveraineté sans limites. L’autonomie est une notion relative et très précise, quand on parle par exemple de l’
1322 re dont se vantaient les États-nations. Enfin, il est une grande notion que les régions nous amèneront à mettre en lumière,
1323 ière, c’est celle de la pluralité des allégeances soit d’une personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-
1324 la pluralité des allégeances soit d’une personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-nation voulait tout f
1325 a liberté de chacun et l’efficacité de son action seront garanties par la possibilité de se rattacher et de donner son allégea
1326 ons et clubs lointains ou proches. Mais ceci, qui est très nouveau et presque révolutionnaire pour les citoyens des États u
1327 des États unitaires et surtout totalitaires, nous est très familier en Suisse… Et à ce propos, je voudrais terminer par que
1328 le triomphe du fédéralisme intégral. Depuis qu’il est question d’une entrée éventuelle de la Suisse dans le Marché commun,
1329 ration basée sur les régions, on me répond que ce serait pire encore, et que la Confédération dans ce cas serait « dissociée »
1330 pire encore, et que la Confédération dans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’il est grand temps que
1331 ans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer un refus qua
1332 « dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer un refus quasi automatique à
1333 un peu hardies, sous le double prétexte « qu’on n’ est pas sûr qu’elles réussiront », ou bien « qu’on n’est pas sûr que cela
1334 pas sûr qu’elles réussiront », ou bien « qu’on n’ est pas sûr que cela servirait nos intérêts ». Assez de cette politique f
1335 os traditions fédéralistes. Les régions de demain seront les petits États que nous avons toujours voulu défendre, et à raison.
1336 ujours voulu défendre, et à raison. Tout ce qui s’ est fait de grand dans notre monde, s’est fait par les petits ; de sublim
1337 ut ce qui s’est fait de grand dans notre monde, s’ est fait par les petits ; de sublime, par les infimes ; et de divin par u
1338 vait trop comment déclarer… Les régions de demain seront en même temps les éléments de la grandeur requise dans beaucoup de do
1339 nis : car les régions, à la différence des États, sont faites pour s’unir et pour coopérer, comme l’ont fait nos cantons, qu
1340 os cantons, quand ils ont vu que l’union fédérale était la condition de leur survie individuelle. Les régions combinent ainsi
1341 s’intégrer dans des régions polynationales, ce ne serait pas encore « la fin de la Confédération », la perte de son identité e
1342 utre niveau, du moins je l’espère. Belle raison d’ être nationale que celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait
1343 e celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait à la merci d’un accord tarifaire ! Si Genève, par exemple, supprimait
1344 n, s’intégrait au complexe nommé Rhône-Alpes, qui est sa région naturelle, croit-on vraiment que cela lui ferait perdre son
1345 ngère et les institutions internationales qu’elle est fière d’accueillir ? Non, même « dissociée » économiquement, rien n’e
1346 Suisse de cultiver sa vocation particulière, qui est d’ordre politique et culturel, rien ne pourrait empêcher les Suisses
1347 vraiment — et de maintenir leur association. Nous sommes le seul pays européen qui n’ait jamais été tenté de devenir un État-n
1348 ous sommes le seul pays européen qui n’ait jamais été tenté de devenir un État-nation unitaire, d’uniformiser tous ses élém
1349 ux, linguistiques, sociaux ; le seul en somme qui soit une vraie fédération et qui ait une expérience séculaire de l’existen
1350 rance, une fois de plus, va fournir le modèle ! —  sont en train d’élaborer une théorie qui me paraît mieux adaptée à notre s
1351 ciété industrielle et mobile. Mais le fédéralisme est aussi un esprit, une forme de pensée et de sentiment, un style de vie
1352 i se fait : non pas seulement une grande idée qui est capable d’ouvrir les voies de l’avenir politique pour l’Europe et le
1353 […] qui pourrait admettre de bonne foi, à moins d’ être un imbécile, qu’une seule d’entre elles consentira jamais à remettre
1354 l’ouverture de l’autoroute Paris-Lille. 34. « Qu’ est -ce qu’une nation ? », Paris, 1882. 35. Commission de la CEE, Documen
20 1968, Articles divers (1963-1969). Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)
1355 Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)y 1. Il y a vingt ans, se tenait à La Haye le
1356 tenait à La Haye le « Congrès de l’Europe ». Quel est le souvenir le plus marquant que vous conservez de cette grande manif
1357 uverture solennelle, que désormais un mécanisme a été mis en marche et nous porte, mais pas nécessairement où nous voulions
1358 nt de couloir dont personne n’a parlé, et dont je fus alors le seul à ressentir, non sans colère ni douleur, la vraie porté
1359 can Sandys et Retinger, organisateurs du congrès, étaient venus à Ferney demander mon concours, j’avais posé clairement mes con
1360 rendrais en charge la section culturelle que s’il était bien entendu qu’il lui reviendrait de dire le sens de toute l’entrepr
1361 et formerait la conclusion du congrès. Ce succès était dû en grande partie aux efforts de Joseph Retinger, qui m’écrivait le
1362 Joseph Retinger, qui m’écrivait le 29 mars : Je suis d’avis que cette déclaration doit fournir le point de départ de notre
1363 s à la veille même du congrès, le Message avait été imprimé au haut d’un long rouleau de fort papier parcheminé, et il ét
1364 ’un long rouleau de fort papier parcheminé, et il était entendu qu’au terme du congrès, tous les participants, Churchill en t
1365 aal la séance plénière sur l’économie, qui devait être suivie, après une brève suspension, de la séance de clôture du congrè
1366 uspension, de la séance de clôture du congrès, je fus appelé d’urgence par Duncan Sandys, que je trouvai flanqué de son bea
1367 anqué de son beau-frère Randolph Churchill (qui n’ était là qu’à titre de journaliste). Ils m’apprirent que le Message aux Eu
1368 rirent que le Message aux Européens ne pourrait être présenté à la séance finale, parce qu’il contenait cette petite phras
1369 e sur la défense. Par chance, un journaliste, qui était en train de m’interviewer lorsque Sandys m’avait fait appeler, et qui
1370 essage , mais en omettant la petite phrase. Ainsi fut fait une demi-heure plus tard. L’acclamation fut unanime, mais la cam
1371 fut fait une demi-heure plus tard. L’acclamation fut unanime, mais la campagne populaire du même coup se trouvait annulée 
1372 hrase aussi voyante, et qui d’ailleurs semblait s’ être volatilisé au secrétariat de la presse38. C’est à ce moment précis qu
1373 ich) parlait de son urgence dramatique. La preuve est faite de la foncière hostilité des États-nations à toute forme d’unio
1374 ope et du monde, que négatifs. Ils peuvent encore soit refuser les mesures d’union qui s’imposent, soit abaisser les barrièr
1375 soit refuser les mesures d’union qui s’imposent, soit abaisser les barrières douanières et supprimer les chicanes de visas,
1376 de La Haye — a-t-il tenu ses promesses ? Quelles furent son action et son influence en près de vingt années d’existence ? Com
1377 pied dans le domaine culturel, par exemple, peut être attribué d’une manière très précise aux projets de quelques non confo
1378 de répéter, bien avant de Gaulle, que les choses étant ce qu’elles sont, il convenait d’adapter les exigences de l’union aux
1379 avant de Gaulle, que les choses étant ce qu’elles sont , il convenait d’adapter les exigences de l’union aux intérêts nationa
1380 u « mouvement de l’Histoire », alors oui, nous en sommes pour nos frais. Mais j’appelle espérance l’intuition qu’il existe des
1381 l’éprouve aujourd’hui plus vive que jamais ; s’il est vrai qu’on ne peut bâtir sur de l’ancien (les États-nations), mais se
1382 hnoéconomiques. Et bâtir l’Europe des régions, ce sera tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il est remarquable que
1383 tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il est remarquable que Retinger, qui ne passait pas pour fédéraliste, ait ét
1384 etinger, qui ne passait pas pour fédéraliste, ait été le premier à préconiser cette tactique d’appel direct au « peuple eur
1385 on régionaliste parue ou printemps de 1967. Je ne serais pas étonné que d’autres fédéralistes l’aient inventée pour leur part
1386 emont Denis de, « Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? », L’Europe en formation, Nice, mai 1968, p. 14-16.
21 1969, Articles divers (1963-1969). De l’Aar à l’Europe (1969)
1387 i florit à Éphèse au vie siècle avant notre ère, sont nées de la considération d’un fleuve. Il s’agissait sans nul doute du
1388 dans les mêmes fleuves, autres et toujours autres sont les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir des liquides s’en vont
1389 uides s’en vont en vapeurs… La mort pour les âmes est de devenir eau, pour l’eau de devenir terre. De la terre naît l’eau e
1390 t l’âme… Nous entrons et nous n’entrons pas, nous sommes et nous ne sommes pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner d
1391 ons et nous n’entrons pas, nous sommes et nous ne sommes pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner deux fois dans le m
1392 igner deux fois dans le même fleuve. II Il est permis de lire bien des choses dans ces phrases. Elles décrivent la m
1393 e discours méandrique nous dit aussi qu’un fleuve est à la fois mouvement perpétuel et dessin permanent, flot sans fin dans
1394 dure en résistant précisément à la durée ; ce qui est posé et sa métamorphose ; le Même et l’Autre vus ensemble, génialemen
1395 plus de ports. L’Asie, l’Afrique, les Amériques, sont fendues, blessées par des fleuves trop larges et trop longs pour l’us
1396 riguent. Mais les fleuves et rivières de l’Europe sont pareils aux artères ou aux nerfs dans un corps, aux racines des grand
1397 Rien de plus fluvial que la Suisse. Si l’Europe est la terre des ports, où les fleuves ont formé plus de baies favorables
1398 nt ensemble les plus grands continents, la Suisse est la terre des sources. Cinq bassins fluviaux s’originent au massif du
1399 u d’eau de l’Europe. Par eux la terre des Suisses est liée sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin, et à trois mers d
1400 ds fleuves nous bordent et nous quittent. Mais il est une rivière qui d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est,
1401 i d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’ est , ramasse toutes les autres rivières du Plateau suisse et les déverse
1402 la Reuss, tout près de son terme rhénan. L’Aar n’ est pas seulement la plus longue des rivières qui coulent en Suisse d’un
1403 hâtel, Morat et Bienne, au lac de Wallenstadt à l’ est , à travers le lac de Zurich, tandis que la Reuss lui amène les eaux d
1404 suédoise ses grands hommes blonds. Comme Uri, il fut terre d’Empire et longtemps défendit contre Berne ses libertés tradit
1405 nquête tournée principalement vers l’ouest. Berne est la seule cité de la communauté suisse qui ait été carrément impériali
1406 est la seule cité de la communauté suisse qui ait été carrément impérialiste, étendant ses pouvoirs par la force ou l’astuc
1407 mêmes pouvoirs souverains de rassemblement, Berne est une expression de l’Aar. Et puis, quand la rivière une première fois
1408 son régime radical. Ce cours de l’Aar d’ouest en est qui fut jadis route commerciale des Romains, d’Aventicum à Vindonissa
1409 ime radical. Ce cours de l’Aar d’ouest en est qui fut jadis route commerciale des Romains, d’Aventicum à Vindonissa, puis r
1410 grès social et de la conquête industrielle. Olten est le symbole du mouvement ouvrier, comme Brugg du syndicalisme paysan,
1411 t le temps du continent de notre destin. L’Europe est partout dans l’histoire comme dans le cours physique de l’Aar. À caus
1412 cours physique de l’Aar. À cause des fleuves, qui sont un phénomène tellement typique de cette « péninsule occidentale de l’
1413 le plus européen du continent. Et nos libertés en sont nées, comme en naissent les fleuves coulant vers quatre mers. Et parc
1414 ers quatre mers. Et parce qu’enfin la rivière Aar est la plus suisse de toutes, et seulement suisse : à cause de cela, mieu
1415 enticité européenne. VII Car l’Europe, ce n’ est pas un produit synthétique, ni une substance philosophique, ni une na
1416 l’accord des tons purs de nos diversités. Ce qui est européen n’est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le mê
1417 ns purs de nos diversités. Ce qui est européen n’ est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le même partout, dan
1418 és. Ce qui est européen n’est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le même partout, dans chacun de nos pays, i
1419 ’est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le même partout, dans chacun de nos pays, indifférent au lieu et sans
1420 sans accent ; mais bien, et au contraire, ce qui est différent, s’affirme singulier et manifeste une vocation incomparable
1421 le. Il n’y a pas d’accent européen, mais l’Europe est partout où une langue est parlée, écrite et chantée librement par une
1422 européen, mais l’Europe est partout où une langue est parlée, écrite et chantée librement par une communauté d’hommes libre
1423 rement par une communauté d’hommes libres. Rien n’ est authentiquement européen qui ne soit d’abord d’un pays. D’un pays à n
1424 ibres. Rien n’est authentiquement européen qui ne soit d’abord d’un pays. D’un pays à nul autre pareil et pourtant fraternel
1425 les quatre points cardinaux. Et rien en Suisse n’ est suisse avec plus de robustesse que cette rivière germano-celte romani
1426 charriées par les torrents alpestres. Ainsi l’Aar est européenne. ah. Rougemont Denis de, « De l’Aar à l’Europe », L’Aa
22 1969, Articles divers (1963-1969). À la fontaine Castalie (1969)
1427 fontaine Castalie (1969)ag juillet 1962. Ce n’ est pas pour aller quelque part mais pour être-en-voyage, absolument, que
1428 on lieu. Un certain état d’âme, d’alerte au monde est le vrai but du dé-placement : il renouvelle la syntaxe émotive de mon
1429 ec la nature et l’histoire. Mais voyager en Grèce est une autre aventure. Qu’on le veuille et le sache ou non, c’est un iti
1430 ge en vérité son invention sur place ; ses étapes sont des prises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’être parcouru.
1431 rises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’ être parcouru. Le voilier — un schooner de vingt-deux-mètres — cherche la
1432 dans le bleu, deux milans planent. Soudain l’un n’ est plus là. Puis ils sont trois qui virent, s’évanouissent dans la lumiè
1433 ans planent. Soudain l’un n’est plus là. Puis ils sont trois qui virent, s’évanouissent dans la lumière et reparaissent, tom
1434 mense et tranchée en plein roc. À mi-hauteur elle est creusée de larges niches irrégulières et peu profondes, aux voûtes su
1435 ofondes, aux voûtes surbaissées ; l’une abrite un fût de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte noir
1436 sées ; l’une abrite un fût de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte noire semble s’ouvrir vers l’in
1437 t, avec piété, malgré l’angoisse grandissante, je suis entré dans le rocher, je me suis avancé à tâtons jusqu’au fond de la
1438 grandissante, je suis entré dans le rocher, je me suis avancé à tâtons jusqu’au fond de la fente étroite et haute, doucement
1439 pur. ⁂ Toutes choses qui naissent et croissent sont de la terre et de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre et d’e
1440 issent sont de la terre et de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre et d’eau. Et l’eau dégoutte dans certaines cave
1441 ’eau verte et les parois monumentales. Cet espace est pourtant ce que l’on voudrait « prendre », mais aucun objectif ne pou
1442 il y faudrait un œil de l’âme, œil intérieur : on est ici dans l’événement à voir, et non devant… Une autre résistance obsc
1443 que sourd interdit règne ici. Quelque chose ici s’ est passé et peut-être se passe encore — mais toujours vient d’être accom
1444 peut-être se passe encore — mais toujours vient d’ être accompli. Il en reste un silence énorme, ces pierres nues, et la paix
1445 La Grande Bouche de la Nuit, l’oracle primordial était ici, près de la source et de la pierre sacrée, l’omphalos lourd et no
1446 iniscence. Le mot crime… Deux crimes obscurément sont liés à l’attrait de ces lieux. Là sur la gauche, à une centaine de p
1447 du Ciel a vaincu, imposant la loi du soleil, qui est celle du Père, à ce lieu dont le nom reste l’Ombre. Mais ici même, pr
1448 ’Ombre. Mais ici même, près de la fontaine, où je suis , où l’oracle était, Œdipe s’est tenu devant lui, attendant la parole
1449 ême, près de la fontaine, où je suis, où l’oracle était , Œdipe s’est tenu devant lui, attendant la parole de son destin, et l
1450 fontaine, où je suis, où l’oracle était, Œdipe s’ est tenu devant lui, attendant la parole de son destin, et l’ombre du des
1451 taine Castalie, c’est le combat fondamental qui s’ est livré. Le drame originel s’accomplit, à jamais suspendu dans l’instan
1452 es filles en cortège, conduites par un pope noir, sont venues se désaltérer au grand bassin. Le prêtre a béni l’eau païenne.
1453 parfois une arrière-pensée se meut dans l’ombre : est -ce bien ainsi ? n’est-ce que cela ? n’y a-t-il Personne ? Ces grands
1454 nsée se meut dans l’ombre : est-ce bien ainsi ? n’ est -ce que cela ? n’y a-t-il Personne ? Ces grands buissons, ces murets d
1455 ateaux du Jura familier de mon enfance… Delphes s’ est tue. Le sombre esprit ne parle plus qu’au silence monumental de la fo
1456 talie. (Plus tard, j’ai repris Hölderlin : Il s’ est tu, sol de Delphes, ton Dieu !… Mais là-haut la lumière encore aujo
23 1969, Articles divers (1963-1969). Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)
1457 ra un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie sommes -nous engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie
1458 Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’ est pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire
1459 dictoire, c’est en effet l’État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation
1460 nt laissé, à la fois trop petit et trop grand. Il est trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendance e
1461 eraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’ est plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, d
1462 États centralisés — et dans la mesure même où ils sont centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économique,
1463 u sa capitale et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens
1464 indépendante, au plein sens du terme, ne saurait être soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’
1465 acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation parano
1466 enne, voici donc une première réponse : oui, nous sommes bel et bien au seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on d
1467 regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États et
1468 rope de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’ Est et au-delà l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché
1469 ique de la convergence et de la diversification n’ est pas tellement mieux satisfaite dans ces trois États officiellement fé
1470 tifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce sont les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques
1471 s et les diversités religieuses et politiques qui sont opprimées par l’État central dont un parti unique s’est emparé ; au N
1472 primées par l’État central dont un parti unique s’ est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui
1473 exemple de la fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est
1474 s ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage ma
1475 alisme, mais d’un défaut de fédéralisme ! Et l’on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéralis
1476 plus locales et vers des unions plus vastes, qui est le battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre
1477 nationalisme, il faudrait, avant de le prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne vois pas de terme du langage politiq
1478 ine du gouvernement fédératif. » Cette définition est assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent :
1479 citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
1480 nd il veut savoir ce qu’un mot signifie, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages et qui se
1481 e, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir été préconisé que par des
1482 i est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon L
1483 réconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore quali
1484 i que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore qualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de
1485 ut : le malheur congénital du fédéralisme reste d’ être un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout c
1486 té directeur d’un congrès européen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil
1487 t à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on
1488 t-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il est . À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude
1489 aire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir
1490 e, et grand Européen, écrivait récemment : « Ce n’ est pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même qu
1491 emment : « Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’ est pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut. 
1492 bvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéralistes » ! Pareils malentendus, s’ils sont le fait d’Européens
1493 ommes fédéralistes » ! Pareils malentendus, s’ils sont le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditio
1494 u de gardiens jaloux des traditions helvètes, que sera -ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexis
1495 helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’ étant ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela,
1496 ions partielles, donc ruineuses dans son cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe
1497 cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle e
1498 génital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle et s’il est vraisemblable que cett
1499 pe est l’entreprise capitale de ce siècle et s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent t
1500 siècle et s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fa
1501 vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus q
1502 vitales, de telle sorte que la solution ne puisse être cherchée ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordin
1503 e telle manière que la résultante de leur tension soit positive (on dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Ne
1504 e de relations bipolaires dont le « modèle » nous est connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie o
1505 lule de base des ligues et fédérations. Voilà qui est proprement occidental : devant ce même problème de l’un et du divers,
1506 nte. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but est d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans di
1507 ue. De même que le modèle trinitaire des conciles sera utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs appli
1508 rence des natures sauvegarde leurs propriétés »ab sera repris par tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et des c
1509 pectueux du réel et des conditions de la vie, qui sont  : antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où procède la plu
1510 éfinis comme exclusifs l’un et l’autre, a cessé d’ être un scandale, est même devenue principe fondamental d’interprétation d
1511 sifs l’un et l’autre, a cessé d’être un scandale, est même devenue principe fondamental d’interprétation du réel (je pense
1512 utres hommes, ses semblables. Ces groupes devront être à leur tour à la fois autonomes et solidaires : pour eux aussi, l’un
1513 sans l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité — sera la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1° Le probl
1514 i veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homologue de la situation de la région qui veut à la fois son autonom
1515 . 4° Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’ est -il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu
1516 analyse, des vocations particulières au sein de l’ Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces
1517 unauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels seront les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect d
1518 ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’aille
1519 ndu possible par la technique moderne. Ce débat n’ est pas d’aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France
1520 ar cette grande phrase : « Le but de la société n’ est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et écla
1521 but de la société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfi
1522 as que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfin, que nos critères d’éval
1523 cipation, l’efficacité et l’économie des moyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’habitat : le giga
1524 rop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvai
1525 unication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’ étaient pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communau
1526 aménagements. Les dimensions, d’ailleurs, peuvent être numériques aussi bien qu’architecturales : prenez les conflits actuel
1527 rofessionnel souvent d’autant plus rentable qu’il est plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudiants,
1528 étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement, est un contrecoup mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par
1529 du fameux colloque de Caen, en 1966. L’université fut une commune libre au Moyen Âge. Toute vie civique, depuis la cité gre
1530 n Âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque, est communale d’abord, municipale. C’est au niveau de la vie civique ou p
1531 unités de base ? Comment devenir assez grand pour être fort, tout en restant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le v
1532 pour être fort, tout en restant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moin
1533 out en restant assez petit pour être libre ? Ce n’ est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral, qui pe
1534 ivisme, c’est dans cette dialectique concrète que sont en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine d
1535 is en considération par les auteurs classiques, n’ était en réalité qu’un cas particulier d’une conception beaucoup plus large
1536 re à épuiser » … Et il ajoutait : Le fédéralisme est autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
1537 qu’une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être p
1538 i tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’ est pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de p
1539 Fourastié, demandant d’abord si le modèle suisse est si facilement transposable aux régions françaises ; ensuite, de reven
1540 ue toute l’histoire prouve que les confédérations sont des formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapid
1541 confédérations sont des formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapidement si elles ne passent pas à la
1542 es pays qui aujourd’hui s’appellent confédération sont des fédérations qui, pour certaines raisons, n’ont pas voulu dire leu
1543 pas du tout des confédérations. La confédération est une mesure d’opportunisme pour des gens qui voient que l’on ne peut p
1544 un citoyen peut se manifester. Si les dimensions sont celles d’un peuple de 50 millions, qu’est-ce qu’il se produit ? On vo
1545 nsions sont celles d’un peuple de 50 millions, qu’ est -ce qu’il se produit ? On vote, de temps en temps, sur de grandes opti
1546 érales, ou sur un homme ou sur un député ; cela n’ est pas réellement l’activité du civisme, c’est-à-dire l’intervention dan
1547 u’à demander, comme Aristote, que les communes ne soient pas plus vastes que la portée de la voix d’un homme criant sur l’agor
1548 t très bien concevoir des régions comme celle qui est en train de s’organiser autour de Bâle, la Regio Basiliensis, qui che
1549 e Bade jusqu’à Fribourg en Allemagne. Cette regio est une unité essentiellement économique. Si une région se constitue vrai
1550 Suisse, plusieurs langues, bien que l’allemand y soit majoritaire. Il faut s’orienter vers une vision de l’Europe de demain
1551 de demain correspondant aux réalités diverses qui sont des réalités techniques, culturelles, économiques, linguistiques, uni
1552 ses régions correspondant à ces divers niveaux ne seront pas nécessairement les mêmes, elles ne se recouvriront pas toutes com
1553 mple à la division de la région Ruhr-Moselle, qui est d’un seul tenant au point de vue du sous-sol, d’après la langue qu’on
1554 ge à chercher autre chose du côté des régions. Il est certain que le système stato-national actuel n’est plus tolérable, ne
1555 st certain que le système stato-national actuel n’ est plus tolérable, ne fonctionne plus. Le mouvement de régionalisation s
1556 fonctionne plus. Le mouvement de régionalisation sera-t -il assez puissant pour aboutir, pour former la base d’une fédération 
1557 iter un exemple tiré de l’expérience suisse. Il s’ est agi, il y a cinq ou six ans, de décider de la priorité pour la constr
1558 r la construction des autoroutes. Le plan général est fait à Berne, mais chaque tracé doit être discuté avec les cantons, q
1559 général est fait à Berne, mais chaque tracé doit être discuté avec les cantons, qui sont maîtres d’œuvre, et avec les commu
1560 que tracé doit être discuté avec les cantons, qui sont maîtres d’œuvre, et avec les communes qui peuvent refuser qu’on ruine
1561 en la coupant en deux, par exemple. La question s’ est posée de la priorité à établir dans le tracé de ces routes : il y ava
1562 s, Le Fédéralisme contemporain : « Le fédéralisme est présence au pouvoir global des éléments particuliers — demeurant dist
1563 connaissables — dont se compose la fédération. Il est une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités ».
24 1969, Articles divers (1963-1969). « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)
1564 m’a fait jouer du violon comme jamais, mais ce n’ était pas assez, je suis sorti, sur mon vélo j’ai foncé vers le lac. « Part
1565 iolon comme jamais, mais ce n’était pas assez, je suis sorti, sur mon vélo j’ai foncé vers le lac. « Partir ! » et toute la
1566 ac. « Partir ! » et toute la vie qui change, tout était libre devant moi ! J’ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie — et suis
1567 oi ! J’ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie — et suis rentré à la maison pour le dîner. Si j’avais rencontré Gide, en ce te
1568 Si j’avais rencontré Gide, en ce temps-là, je me serais sans doute évanoui d’émotion. Dix ans plus tard, le voici qui entre d
1569 gulier, mais vous l’intimidez. » C’est qu’il ne m’ était plus un dieu, et que j’étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire
1570 . » C’est qu’il ne m’était plus un dieu, et que j’ étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, et trouvait Kierkegaar
1571 nes avec ma femme, rue Vaneau, et nos rapports se sont stabilisés autour de la moyenne barométrique « variable à beau » (aff
1572 oute qu’il en aille autrement pour mes cadets. Je serais tenté de dire : tant pis pour nous. Mais non : « le temps ne fait rie
1573 pour qui sait la comprendre. (Pour les autres, il est vrai, cela change tout : Marcuse, ni lu ni connu mais « actuel » selo
1574 uché. La plupart des « actuels » écrivent mal, ou sont plats. Mais la question de son « actualité » reste intéressante en ce
1575 lui ferait « gagner son procès en appel ». Or peu furent moins méconnus de leur vivant, plus influents, mieux célébrés — et mi
1576 sée de Gide vous ont-elles influencé, b) et quels sont les aspects de sa pensée qui vous paraissent les plus actuels ? 2. Gi
1577 ée qui vous paraissent les plus actuels ? 2. Gide fut de son temps un grand contestateur ; vous semble-t-il garder aujourd’
25 1969, Articles divers (1963-1969). Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)
1578 et les recettes éprouvées de l’immobilisme, qui s’ est toujours paré du nom de réalisme. Aristide Briand avait coutume de pr
1579 cours, sauf la loi qu’il a fait voter. Quelle que soit la valeur littéraire que nous accordons aujourd’hui au bref ouvrage i
1580 implicité) Un Souvenir de Solférino, son résultat fut la Croix-Rouge. Ce très curieux récit s’ouvre sur un rappel de l’ordr
1581 trictement conventionnelles : les officiers cités sont tous, sans exception, « intrépides », « valeureux », « vaillants », «
1582 des deux empereurs, et l’énergie de leurs troupes est bien sûr « indomptable ». Tout cela fait une « mémorable journée » où
1583 lférino, par l’horrible tuerie dont ces localités furent les glorieux témoins et le sanglant théâtre… » L’on ne trouve dans ce
1584 t à la chronique de faits d’armes dont il n’a pas été le témoin, et qui auraient tous été, s’il faut l’en croire, de hauts
1585 nt il n’a pas été le témoin, et qui auraient tous été , s’il faut l’en croire, de hauts exemples de bravoure ou de cette gra
1586 vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’elle est , telle que je l’ai vue… Car voici que le récit quittant le style nobl
1587 horrible et indéfinissable mélange où les vers se sont mis ; plusieurs frémissent à la pensée d’être rongés par ces vers, qu
1588 se sont mis ; plusieurs frémissent à la pensée d’ être rongés par ces vers, qu’ils croient voir sortir de leur corps, et qui
1589 ui proviennent des myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici est un soldat, entièrement défiguré, dont la langue sort
1590 s myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici est un soldat, entièrement défiguré, dont la langue sort démesurément de
1591 us ces hommes d’origines si diverses, et qui leur sont tous également étrangers. Tutti fratelli, répétaient-elles avec émoti
1592 ui ébranle les fibres les plus sensibles de notre être . Hanté par les visions de l’enfer de Castiglione, il se décide à ras
1593 tat de choses où de nouveaux progrès ne sauraient être de trop, même dans les armées les mieux organisées, j’aurais pleineme
1594 de constituer des sociétés de secours dont le but serait de faire donner des soins aux blessés, en temps de guerre, par des vo
1595 et bien qualifiés pour une pareille œuvre ? Tel est l’homme que l’on a traité d’utopiste et d’illuminé, et auquel on a ta
1596 r du sens élémentaire des réalités. On ne saurait être plus respectueux des conventions et des vertus de la Société de son t
1597 eproche à quiconque dans ce livre ! On ne saurait être plus prudent, plus modéré : il n’est question que « de quelques pas »
1598 ne saurait être plus prudent, plus modéré : il n’ est question que « de quelques pas » et non pas de révolutionner mais sim
1599 er avec une émotion si contagieuse. On ne saurait être , enfin, plus efficace : quatre ans après Solférino, un an après la pa
1600 arution hors commerce du Souvenir, la Croix-Rouge est fondée à Genève. Et certes, il n’eût pas pu la fonder seul, sans Gust
1601 , homme de méthode et d’organisation dont l’appui fut décisif, ou sans le général Dufour, qui accepta de présider le premie
1602 présider le premier Comité. Reste que rien n’eût été fait sans le Souvenir, ni sans l’impulsion créatrice de son auteur. ⁂
1603 mpulsion créatrice de son auteur. ⁂ Le personnage est peu croyable, qui parcourt par hasard, dans son cabriolet, les arrièr
1604 Waterloo : il n’a qu’une seule idée en tête, qui est d’approcher l’empereur et d’obtenir de lui la permission (refusée par
1605 ivre, il se borne à écrire cette seule phrase qui est sans doute l’une des plus saugrenues de l’histoire : Simple touriste
1606 pouvoir assister aux scènes émouvantes que je me suis décidé à retracer. Ce n’est pas du tout Fabrice à Waterloo dans la C
1607 mouvantes que je me suis décidé à retracer. Ce n’ est pas du tout Fabrice à Waterloo dans la Chartreuse de Parme, mais plut
1608 par la faute des circonstances », dit-on, et l’on est pris par quelque chose qu’on ne cherchait pas, qui passionne bientôt
1609 ecrète. En 1864, la Première Convention de Genève est signée par douze États qui, à leur tour, fondent des sociétés nationa
1610  : il ne peut arriver au bout de son discours, il est trop affaibli par la faim. Quand ses chaussettes sont trouées, il tei
1611 trop affaibli par la faim. Quand ses chaussettes sont trouées, il teint à l’encre ses talons. En 1887, une espèce de vagabo
1612 onneurs dans sa retraite morose, comme il l’avait été d’opprobres au temps de sa vie la plus entreprenante, portant sur la
1613 avait vue venir. Il écrivait : « Ah ! la guerre n’ est pas morte ! Tout ce qui fait la gloire de votre prétendue civilisatio
1614 ui fait la gloire de votre prétendue civilisation sera employé à son service… Les combattants sont prêts pour de nouveaux co
1615 ation sera employé à son service… Les combattants sont prêts pour de nouveaux combats, résolus à y engager le reste de l’Eur
1616 e monde entier… Dans ce conflit, bon gré mal gré, seront entraînés la plupart des peuples civilisés, oubliant leur brillante m
1617 nir, la moindre note d’antimilitarisme, et rien n’ est dit non plus contre la guerre en soi (sinon par la violence des image
1618 se phénomène de la guerre, un succès indéniable a été remporté par la fondation de la Croix-Rouge. Mais vouloir « diminuer
1619 ouloir « diminuer les horreurs de la guerre » qui est son intention déclarée à toutes fins d’efficacité, c’est encore une m
1620 bien-pensants de tous les temps, que ces horreurs sont fatales et voulues par les dieux ; c’est encore admettre la guerre. (
1621 les dieux ; c’est encore admettre la guerre. (Que serait une guerre sans « horreurs » ?) J’avoue qu’à ma première lecture du S
1622 « modestie du but » auquel Dunant veut se limiter est réitérée, mais déjà la possibilité que la guerre ne soit ni légitime
1623 itérée, mais déjà la possibilité que la guerre ne soit ni légitime ni fatale est nettement impliquée dans ce même passage :
1624 ilité que la guerre ne soit ni légitime ni fatale est nettement impliquée dans ce même passage : Certains, comme J. de Mai
1625 imité de la guerre », dit seulement que « si elle est inévitable, elle doit être faite avec le moins de barbarie possible »
1626 seulement que « si elle est inévitable, elle doit être faite avec le moins de barbarie possible ». Autre étape décisive dan
1627 ireurs : Héros ou bandits ? Un code de la guerre serait une chose odieuse à l’époque de civilisation où nous vivons, parce qu
1628 peut manquer de sentir ici qu’un doute profond s’ est éveillé en lui quant à la nature finale des relations entre la Croix-
1629 es causes permanentes : L’essence de la guerre n’ est -elle pas de tuer ? Pourquoi donc ne pas stigmatiser la guerre elle-mê
1630 e pas stigmatiser la guerre elle-même ? Ses excès sont inévitables… Assez de raisonnements captieux tendant à démontrer le
1631 ’il tuait ». Et qu’on ne répète pas que la guerre est la suprême éducatrice du genre humain ! À cet antique adage de la sag
1632 dégrade. Et ailleurs : Les vertus guerrières ne sont , le plus souvent, que des utopies traditionnelles intéressées… Ce qu’
1633 chés d’Un Souvenir et de ses prudences tactiques. Serait -ce que Dunant, écarté de l’action, n’ayant plus rien à espérer ni à m
1634 ns des termes d’utopie et de réalisme. L’utopiste est celui qui voit la fin sans imaginer ses moyens. Mais c’est aussi celu
1635 nsacre à les préparer. Mais il y a plus. Réaliste est celui qui, non content d’avoir dénoncé le mal qui est dans le monde,
1636 celui qui, non content d’avoir dénoncé le mal qui est dans le monde, s’en prend à ses principes qui sont dans l’homme, et s
1637 est dans le monde, s’en prend à ses principes qui sont dans l’homme, et sur lesquels nous pouvons exercer les pouvoirs de l’
1638 ne, qu’il écrit vers la fin du siècle dernier. Il est difficile aujourd’hui de ne pas voir les liens nécessaires et l’inter
1639 facteurs principaux de la guerre qui se préparait étaient les mêmes que ceux qui, justement, achevaient de former l’État-nation
1640 co-technique mis au service du nationalisme. Tels sont les procédés nés de la Révolution, qui ont permis à l’État (de droite
1641 avec une sorte d’étonnement reconnaissant, qu’il est celui que j’utilisais depuis quelques années pour mes cours : L’Écol
1642 cours : L’École : « L’enseignement de l’histoire est , dans les universités, les lycées, les pensionnats, les séminaires et
1643 ice militaire dû aux seigneurs. « Les révolutions sont venues, mais le lendemain de leur avènement, au lieu de supprimer les
1644 œuvre pour blâmer sévèrement la guerre, au lieu d’ être l’influence la plus oppressive que le monde ait jamais connue, elle d
1645 décorent du nom de politique coloniale ». Or ce n’ est pas la vraie civilisation qu’on apporte aux peuples asservis : c’est
1646 ens si prodigieux de faire le mal qu’il ne pourra être sauvé de lui-même, au milieu d’épouvantables désastres, que par une i
1647 inévitables désormais, les peuples dits civilisés seront entrainés bon gré mal gré (d’où guerres mondiales) et jetés à une for
1648  ». En effet, « de toutes les inventions, il n’en est pas que le genre humain se soit plus appliqué à perfectionner que cel
1649 nventions, il n’en est pas que le genre humain se soit plus appliqué à perfectionner que celle dont le but est le meurtre en
1650 us appliqué à perfectionner que celle dont le but est le meurtre en grand de nos semblables ». Car désormais « le progrès c
1651 tème si vis pacem tout en exaltant le Progrès, ce sont eux qui nageaient dans l’utopie : au moment où Dunant disparaît, ils
1652 sparaît, ils courent vers le réveil tragique de l’ été 1914, aboutissement normal, sinon fatal, de tout le système stato-nat
1653 omme de son siècle ou du nôtre. 41. « La guerre est agréable pour ceux qui ne l’ont pas faite » ou mieux : « Pour les civ
1654 s faite » ou mieux : « Pour les civils, la guerre est belle ! » 42. Sur la biographie de Dunant, consultez l’excellente no
1655 . BPU Ms fr. 4556. 44. Fragment intitulé L’armée est une école, dit-on ! 45. Dunant avait publié, en 1859, un volume inti
1656 our la civilisation arabe. Cette attitude n’a pas été étrangère aux difficultés, insolites elles aussi, que lui ont faites
26 1969, Articles divers (1963-1969). Toujours disponible (1969)
1657 up plus tard), quoiqu’également résistant. Ce qui est certain, c’est que les premiers efforts d’union de l’Europe, au lende
1658 ains suisses — car chacun sait que Hans Oprecht a été l’un des premiers à utiliser cette forme moderne du cabinet de travai
1659 règle d’or de toute construction fédérale devrait être la suivante : « Développons en commun ce qui est neuf ». Laissons de
1660 être la suivante : « Développons en commun ce qui est neuf ». Laissons de côté les héritages du passé dont l’unification pr
1661 premières interventions nous portèrent en effet, soit qu’il s’agît de sciences, d’arts ou d’éditions, vers les formes les p
1662 émontré le mouvement en marchant : Hans Oprecht n’ était pas pour nous le président du Parti socialiste, mais avant tout le di
1663 né naissance à la Guilde du Livre, à Lausanne. Ce fut autour de ce noyau que se constitua rapidement la Communauté européen
1664 des grands éditeurs d’Europe qui, dès le début, s’ étaient montrés les plus intolérants à l’égard de la formule guildienne… Et s
1665 s les plus remarquables et les plus originaux qui soient  : l’un des rares qui ait trouvé le secret d’être à la fois efficace e
1666 oient : l’un des rares qui ait trouvé le secret d’ être à la fois efficace et d’humeur enjouée, redoutablement organisé et to
27 1969, Articles divers (1963-1969). « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)
1667 écrit : « N’habitez pas les villes » et peut-être est -ce pour cela que vous êtes venu vous installer dans le pays de Gex. Q
1668 s villes » et peut-être est-ce pour cela que vous êtes venu vous installer dans le pays de Gex. Que pensez-vous de la transf
1669 village… mais toutes les belles régions de France sont dilapidées. Le problème n’est pas particulier à Ferney-Voltaire. Ce q
1670 régions de France sont dilapidées. Le problème n’ est pas particulier à Ferney-Voltaire. Ce qui me frappe, c’est l’extrême
1671 ande, dans le Sud du Portugal, toutes les maisons sont belles, sans être plus luxueuses. C’est une fête de voir ça. Denis de
1672 du Portugal, toutes les maisons sont belles, sans être plus luxueuses. C’est une fête de voir ça. Denis de Rougemont illustr
1673 ces pays, créer une atmosphère, un style. Mais n’ était -il pas urgent de construire des logements ? On aurait pu faire, plus
1674 une place, une église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause de cette place où les gens
1675 cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause de cette place où les gens se voient, se rencontrent.
1676 ys. On a l’impression que le seul souci qu’on ait soit la spéculation. Il faut construire vite parce que cela coûte moins ch
1677 dans le pays de Gex, plus de deux-mille logements seront construits dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’une enquê
1678 ront construits dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’une enquête telle que la vôtre le révèle, car autour de to
1679 ’objet d’un débat public. La vraie démocratie, ce serait que les gens puissent discuter des projets car c’est leur vie qui va
1680 nt discuter des projets car c’est leur vie qui va être modifiée. Il faut rendre les gens attentifs à l’importance du cadre d
1681 ’importance du cadre dans lequel ils vivent. Cela est plus important que de savoir si l’on est de droite ou de gauche. Une
1682 nt. Cela est plus important que de savoir si l’on est de droite ou de gauche. Une telle discussion ne risque-t-elle pas de
1683 pas de faire obstacle à tous les projets ? Je ne suis pas partisan d’une stagnation complète. Il faut éduquer les gens, les
1684 truction à Ferney, plus de deux-mille-cinq-cents, soit en projet, soit en cours de réalisation, dans l’ensemble du pays de G
1685 y, plus de deux-mille-cinq-cents, soit en projet, soit en cours de réalisation, dans l’ensemble du pays de Gex, voilà quelqu
1686 er un avenir brillant… Comment, cependant, ne pas être saisi d’un certain effroi devant une telle expansion ? Le pays de Gex
28 1969, Articles divers (1963-1969). Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)
1687 les régions et non sur les États-nations47, j’ai été amené à relever et à classer les objections les plus fréquentes à l’e
1688 ation. Je note d’abord que le terme de difficulté est souvent plus exact que celui d’objection. Dans la plupart des cas, la
1689 e mouvement de l’Histoire, selon lequel la nation est le Progrès. La région est une nostalgie réactionnaire. Le progrès et
1690 selon lequel la nation est le Progrès. La région est une nostalgie réactionnaire. Le progrès et l’efficacité, au xxe sièc
1691 formées par extrapolation du passé ou du présent, sont toutes à la merci d’une équation nouvelle, d’une action aujourd’hui e
1692 oyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’on veut, il n’ est pas très intéressant de chercher à deviner ce qui sera : « l’objectiv
1693 pas très intéressant de chercher à deviner ce qui sera  : « l’objectivité scientifique » dissimulant une démission civique re
1694 us sûr.) Objections tactiques Comme s’il n’ était déjà pas assez difficile de faire l’Europe avec les Six, et d’ajouter
1695 ions fédérées. Cela prendra des décennies. Ce qui est urgent, c’est le prix du lait et le taux d’accroissement de la produc
1696 té industrielle. (Principes d’une réponse : a) N’ est -il pas justement trop difficile de faire l’Europe politique sur la ba
1697 fédération qui ait réussi en Europe, la Suisse, a été conçu, formé et accouché en neuf mois exactement, du 17 février au 16
1698 ctement, du 17 février au 16 novembre 1848, et il est entré en vigueur à cette dernière date sans la moindre mesure de tran
1699 ar l’éducation stato-nationaliste Les nations sont immortelles (François Mauriac), tandis que les régions sont encore à
1700 telles (François Mauriac), tandis que les régions sont encore à naître. Les gens n’en veulent pas, de vos régions autonomes.
1701 votent gaulliste. Les conflits entre les régions seront forcément plus nombreux et plus mesquins que les conflits entre nos n
1702 niser l’Europe ? (Ces étourderies et boutades ne sont guère passibles d’une réfutation.) Résistances conditionnées par n
1703 Comment allez-vous découper vos régions ? Quelles seront leurs frontières exactes ? Faut-il qu’elles aient des superficies ou
1704 de Paris, avec ses 9 ou 10 millions d’habitants, est plus petite que le Limousin, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça
1705 n d’habitants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’ est pas une entité économique viable. Et qui parle breton à Rennes ? Les
1706 ce dernier groupe d’objections ou difficultés qui est la cause principale de l’ajournement des solutions régionalistes, c’e
1707 er d’analyser.) II. Que la région ne doit pas être conçue comme un État-notion en réduction Presque tous les difficul
1708 ositions axiomatiques de ce genre : — L’État doit être unique et indivisible. — De son siège dans la capitale, il régit souv
1709 ). Au cours des siècles de l’histoire moderne, ce sont les guerres qui ont servi de prétexte à ces concentrations forcées, c
1710 qui ont notamment accrédité l’idée que l’économie est au service des desseins politiques d’un État et non de la prospérité
1711 -là. Aux yeux de cet homme gutenbergien, que nous sommes tous, peu ou prou, et dans son système de représentation, la région n
1712 centrés dans une métropole régionale au lieu de l’ être dans une capitale. Les possibilités pratiques de participation du cit
1713 on du citoyen à la vie d’une région de ce type ne seraient pas d’un ordre essentiellement différent de ce qu’elles sont aujourd’
1714 un ordre essentiellement différent de ce qu’elles sont aujourd’hui. La vie communale — seule école efficace du civisme — ne
1715 communale — seule école efficace du civisme — ne serait pas nécessairement restaurée par la simple division d’un pays en ving
1716 ve que d’accroître les libertés civiques. Elle ne serait à aucun titre un modèle neuf de relations humaines et de structure du
1717 série de raisons (pas seulement militaires) qu’il serait trop long de développer ici : qu’il suffise d’évoquer la sécurité sui
1718 o-nationalistes dont, je le répète, nul de nous n’ est indemne. III. De la pluralité des allégeances Comment échapper
1719 el, pour aller vite et rester dans le concret. Je suis neuchâtelois de naissance et de tradition : à ce canton va donc mon a
1720 uisse ; mon passeport et mon allégeance nationale sont donc suisses. Je suis aussi écrivain français : la francophonie europ
1721 et mon allégeance nationale sont donc suisses. Je suis aussi écrivain français : la francophonie européenne, c’est-à-dire le
1722 constitue donc mon allégeance culturelle. Mais je suis aussi protestant, ce qui représente une allégeance mondiale (ce serai
1723 nt, ce qui représente une allégeance mondiale (ce serait pareil si j’étais communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais
1724 te une allégeance mondiale (ce serait pareil si j’ étais communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais partie d’un très g
1725 rontières du tout. Si l’on exigeait que tout cela soit unifié et uniformisé dans les limites géographiques d’un territoire d
1726 on à tout État-nation contemporain, la continuité est indéniable… Ce n’est pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel
1727 contemporain, la continuité est indéniable… Ce n’ est pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel d’une société, avec s
1728 eul lieu, accaparés par l’État national et qui le seront , demain, par l’État régional. IV. Vers une formule fédéraliste de
1729 x dire : séparer dans le pouvoir tout ce qui peut être séparé, définir tout ce qui peut être défini, distribuer entre organe
1730 ce qui peut être séparé, définir tout ce qui peut être défini, distribuer entre organes ou fonctionnaires différents tout ce
1731 nes ou fonctionnaires différents tout ce qui aura été séparé et défini ; ne rien laisser dans l’indivision.49 Proudhon en
1732 ion des pouvoirs aux membres d’un cabinet : Ce n’ est pas seulement entre sept ou huit élus […] que doit être partagé le go
1733 as seulement entre sept ou huit élus […] que doit être partagé le gouvernement d’un pays, c’est entre les provinces et les c
1734 Proudhon, ni de décentraliser ni de déconcentrer ( est -ce différent ?), ni de déléguer les pouvoirs de l’autorité centrale.
1735 bien adopter la structure proudhonienne, sans que soit pour autant décidée la structure des réseaux d’échange et groupes de
1736 unités de base politiques et leurs structures ne sont pas, en principe, superposables aux modules ou unités de base économi
1737 autres se chevauchent, se recoupent différemment, sont parfois englobés l’un par l’autre. Il se peut que les régions politiq
1738 ar l’autre. Il se peut que les régions politiques soient définies demain comme les intersections de « classes » de faits écono
1739 ifiques. « Faut-il vous faire un dessin ? » Ce ne serait pas facile. Essayez de figurer, par exemple, ma définition personnell
1740 , ma définition personnelle, donnée plus haut. Il est assez facile de visualiser l’appartenance d’un élément à deux ensembl
1741 tiquement à l’une des trois nations dont la Regio est le carrefour ou l’intersection50. La résistance qu’opposent certains
1742 u un retard d’éducation démocratique. (« Ce qui n’ est pas prescrit à tous, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’e
1743 s, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’ est pas sérieux », pensent tous les jacobins, et les sous-offs dont le sa
1744 s jacobins, et les sous-offs dont le saint patron fut « le Petit Caporal ».) V. Un programme d’études Le champ d’étud
1745 onaliste, que ces quelques remarques définissent, est à peine exploré, inutile de le dire. a) Il faudrait commencer par op
1746 bien définis. Le Marché commun, par exemple, qui est un pouvoir économique, doit-il entretenir des visées politiques, ou l
1747 rentes ?51 Savoir quelles relations existent, ou sont souhaitables, entre l’économie et l’Université, ou entre les formules
1748 ules de participation civique et l’urbanisme : il serait facile de multiplier ce type de problèmes à résoudre au niveau commun
1749 es sociétés il cotise, où il paie ses impôts, qui est de sa paroisse et quels sont les paysages de son cœur, et aucun de no
1750 paie ses impôts, qui est de sa paroisse et quels sont les paysages de son cœur, et aucun de nous n’exige que tout cela soit
1751 son cœur, et aucun de nous n’exige que tout cela soit inscrit dans les limites peintes en couleurs plates, sans déborder, d
1752 note 1. 48. Mais quand Malraux dit que la nation est le phénomène dominant du xxe siècle, on doute qu’il pense à autre ch
1753 opose le terme de « régions carrefours ». 51. Il est certain que le Marché commun ne cessera d’être menacé par les États-n
1754 Il est certain que le Marché commun ne cessera d’ être menacé par les États-nations tant que ceux-ci n’auront pas renoncé au
1755 é au « totalitarisme » de leurs pouvoirs et ne se seront pas dessaisis, en tant qu’entités politiques, des « droits » économiq
29 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
1756 Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)al am Le remariage, ce n’est pas seule
1757 venter (14 avril 1969)al am Le remariage, ce n’ est pas seulement « le triomphe de l’espérance sur l’expérience », c’est
1758 raison », de consolation. Le second mariage, ce n’ est pas la session de repêchage, c’est la saison des amours vraies, solid
1759 n espère bien arriver à Philémon et Baucis. On en est encore très loin : pour beaucoup de femmes, le second mari c’est auss
1760 vous le tour de ce problème de notre époque qui a été aussi son problème à lui ; Denis de Rougemont n’est pas seulement l’é
1761 é aussi son problème à lui ; Denis de Rougemont n’ est pas seulement l’écrivain qui a le mieux analysé et expliqué l’amour e
1762 ieux analysé et expliqué l’amour et le couple, il est aussi depuis seize ans le (deuxième) mari de Nanik et il forme avec s
1763 plement : « C’est un vrai couple. » Le remariage est non seulement un problème d’actualité mais un problème d’avenir. C’es
1764 sérieusement. La crise du mariage et la cellulite sont même devenues les deux mamelles de la presse féminine mais curieuseme
1765 oints — et ce qui tient à la situation en soi, qu’ est le deuxième mariage. Faute de matériel, je me vois réduit à ma propre
1766 de question : pensez-vous que le deuxième mariage soit plus heureux que le premier ? Ce qu’on peut dire avec certitude, c’es
1767 tude, c’est qu’il a beaucoup plus de chances de l’ être  : il y a des écueils inhérents à un premier mariage qui ne le sont pl
1768 écueils inhérents à un premier mariage qui ne le sont plus à un second. Comme dit mon beau-père, le Dr Répond, qui est psyc
1769 econd. Comme dit mon beau-père, le Dr Répond, qui est psychanalyste, lors du premier mariage, on épouse ses complexes. Or,
1770 e le langage courant, avec des phrases comme « Je suis pleine de complexes » ou « Il me donne un complexe d’infériorité », l
1771 donne un complexe d’infériorité », les complexes sont des ensembles de réactions et d’associations affectives formés dans l
1772 nsu, à notre corps défendant et c’est en quoi ils sont gênants, voire dangereux. Les motivations du premier mariage sont la
1773 ire dangereux. Les motivations du premier mariage sont la plupart du temps inconscientes. Complexe d’Œdipe, recherche d’un t
1774 lexe d’Œdipe, recherche d’un type de conjoint qui est (sans qu’on le sache) celui de la mère, ou du père. Ou au contraire,
1775 bien des chances de correspondre à la réalité des êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une image sans le savoir.
1776 ’homme qui lui fait faire les mêmes erreurs. « Je suis tombée amoureuse de lui avant même qu’il ait dit un mot… » Y a-t-il d
1777 ait dit un mot… » Y a-t-il des causes d’échec qui soient plus spécifiquement attachées à telle classe d’âge ? Oui, l’immaturit
1778 celles des parents, en premier lieu ; leur couple est -il si bien réussi ? On pense que le seul moyen de réussir ce qu’ils o
1779 on veut et qu’on n’a besoin de personne. Moins on est sûr de la durée de ses sentiments, plus on s’entête et plus on se dép
1780 s on s’entête et plus on se dépêche. À 20 ans, il est classique de se marier en claquant la porte. Mais la cause d’échec la
1781 st de vouloir « épouser Iseut ». Car la passion n’ est pas comme on l’imagine volontiers un super-amour mais une certaine fo
1782 nemi n° 1 du mariage, c’est la passion Mais où est le roi Marc entre le garçon et la fille qui se marient « avec passion
1783 n’y a plus d’obstacle objectif : si l’un des deux est marié, il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-ce pas la
1784 , il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’ est -ce pas la morale sociale qui détruit la passion, mais le manque d’obs
1785 alité. Ne peut-on pas imaginer une passion qui ne serait pas fatale, qui pourrait flamber au grand jour et même au jour le jou
1786 Oui, j’aime une telle, son caractère et ses goûts seront peut-être incompatibles avec les miens mais c’est plus fort que moi,
1787 fort que moi, il arrivera ce qu’il arrivera, ce n’ est pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en
1788 pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en avoir un, de pouvoir accuser le sort, puisque la pass
1789 n, de pouvoir accuser le sort, puisque la passion sera forcément malheureuse. Le défi sentimental du passionné Vous av
1790 que l’amour tel qu’on le rêve — l’amour-passion — est né avec « Tristan et Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons
1791 ans, opéras, puis films, chansonnettes, etc. Ce n’ est donc pas une invention récente. Or la crise du mariage n’a pas six si
1792 illeurs. Vouloir fonder le mariage sur la passion est une exigence récente, ou plutôt une aberration récente : c’est vouloi
1793 ranche du monde comme la fièvre ; quand la fièvre est retombée, la réalité est là : les problèmes inéluctables que posent l
1794 fièvre ; quand la fièvre est retombée, la réalité est là : les problèmes inéluctables que posent les caractères et les temp
1795 ères et les tempéraments. On pense toujours qu’on sera l’exception, qu’on réussira où les autres ont raté. C’est le défi sen
1796 téméraire et dérisoire du passionné. Tout ça, ce sont les défauts possibles et même courants d’un premier mariage. Ces caus
1797 courants d’un premier mariage. Ces causes d’échec sont -elles automatiquement éliminées quand on se remarie ? Pas automatique
1798 tomatiquement du tout. Quand l’expérience n’a pas été comprise, on se remarie trois fois, quatre fois, cinq fois, ce sont l
1799 se remarie trois fois, quatre fois, cinq fois, ce sont les cas désespérés. Mais le cas intéressant, et heureusement le plus
1800 uctives. Normalement, tout ira mieux. Parce qu’on est « vacciné » : on dépend moins des autres — parents, entourage — on es
1801 dépend moins des autres — parents, entourage — on est donc moins poussé à braver leur opinion, à faire un mariage « d’attit
1802 ur opinion, à faire un mariage « d’attitude ». On est plus conscient et on ne se joue plus la comédie — ni aux parents. On
1803 — ni aux parents. On a compris que l’essentiel ce sont les caractères, qui ne changent jamais (« on ne peut pas changer de p
1804 ier les parents). Le divorce, quoi qu’on en dise, est toujours ressenti comme un échec. Mais autant il est bon de vouloir e
1805 toujours ressenti comme un échec. Mais autant il est bon de vouloir en tirer une leçon, de vouloir faire mieux la deuxième
1806 e vouloir faire mieux la deuxième fois, autant il est mauvais de vouloir se venger de cet échec, de se remarier très vite p
1807 rguer l’ex-conjoint : « Tu vas voir comme je vais être heureuse sans toi. » C’est une réaction infantile. Et des difficultés
1808 . Et des difficultés particulières une fois qu’on est remarié ? C’est ici qu’il s’agit de distinguer ce qui tient aux « act
1809 tient à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce sont les difficultés inévitables de la vie en commun, les heurts, les déce
1810 lle tient en une phrase ou un fait évident et qui sera ressenti plus ou moins douloureusement : ce n’est plus la première fo
1811 era ressenti plus ou moins douloureusement : ce n’ est plus la première fois. Cette deuxième fois n’a davantage de chances d
1812 is faire au contraire un mariage de tout repos », est un autre piège. Notre mentalité, influencée par l’héritage littéraire
1813 faut donc « quelque chose de plus » et ça ne peut être la passion. Quel est ce « quelque chose » sans lequel les caractères,
1814 ose de plus » et ça ne peut être la passion. Quel est ce « quelque chose » sans lequel les caractères, les goûts, les aspir
1815 itable moi de l’autre. C’est l’acceptation de cet être tel qu’il est, limité et réel mais secrètement en marche vers lui-mêm
1816 ’autre. C’est l’acceptation de cet être tel qu’il est , limité et réel mais secrètement en marche vers lui-même que l’on cho
1817 u’il s’en doute, ou alors une certaine beauté qui est l’idéal standard de sa génération. Sa passion n’est que la projection
1818 t l’idéal standard de sa génération. Sa passion n’ est que la projection sur l’autre d’un idéal qui n’existe pas — et l’on s
1819 s’en aperçoit très vite — alors que le vrai amour est agent de personnalisation par excellence : ce qu’il a su voir c’est l
1820 ir c’est l’irremplaçable, l’unique, ce que chaque être peut devenir s’il y est appelé. C’est son mystère, qui n’a rien de li
1821 l’unique, ce que chaque être peut devenir s’il y est appelé. C’est son mystère, qui n’a rien de littéraire, de romantique,
1822 ment ? Je pense que des solutions « préventives » sont infiniment préférables. Il faudrait tout d’abord dédramatiser tout ce
1823 ristan, et de toute la littérature romanesque, se sont ajoutés tous les tabous sexuels du xixe siècle. L’effet de révélatio
1824 le divorce : si l’on veut en tirer une leçon, il est essentiel de ne pas le refouler comme un acte dont on a honte ou peur
1825 uler comme un acte dont on a honte ou peur. Je suis pour le « mariage-maquette » Ceci appelle donc une réforme de la m
1826 le « mariage à l’essai ». Qu’en pensez-vous ? Je suis pour tout ce qui peut aider les gens à prendre conscience du sérieux,
1827 ue « l’essai » peut aider. Bien sûr, l’expérience est limitée : on sait que ça pourrait ne pas durer et l’on décide qu’on n
1828 , on organise son budget ensemble. Les parents ne sont pas toujours très favorables au « mariage-maquette » ? Ils ont tort.
1829 ion plusieurs années de noviciat. D’ailleurs il n’ est pas question d’essais multiples. Pour avoir une valeur expérimentale
1830 ue les enfants et il manque tout le côté social — être reconnu par les autres comme un vrai couple, ce qui est un ciment — e
1831 connu par les autres comme un vrai couple, ce qui est un ciment — et surtout l’idée que ça doit durer toujours. « Après tou
1832 e que ça doit durer toujours. « Après tout, je ne suis pas mariée avec lui », se dit-on au premier accrochage sérieux et ça
1833 aurions 20 à 30 km à couvrir, nous commencions à être fatigués au bout de 10 à 12 kilomètres. Mais quand nous avons su que
1834 ue pendant les 20 premiers kilomètres. Le corps s’ était disposé pour le long effort, la longue durée. Il ne se permettait pas
1835 140 km ? C’est pourquoi le mariage-maquette peut être considéré comme une marche d’entraînement. Le seuil de fatigue et de
1836 entraînement. Le seuil de fatigue et de lassitude sera infiniment plus élevé ou plus éloigné dans la « longue marche » qu’es
1837 levé ou plus éloigné dans la « longue marche » qu’ est le vrai mariage. Pour avoir toute sa valeur il faut aussi que le pact
1838 avoir toute sa valeur il faut aussi que le pacte soit sans arrière-pensée. J’ai assisté, en Amérique, au mariage d’une jeun
1839 Donc le mariage-maquette donne une idée de ce qu’ est le mariage, mais ne peut guère, faute de pacte, remplacer le premier
1840 mme le préconise Margaret Mead, dans l’idée qu’il est normal et inévitable de divorcer ? Il vaudrait beaucoup mieux leur ap
1841 e n’a rien de terne et d’ennuyeux (si les gens ne sont pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’est-ce qu’un premier
1842 t pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’ est -ce qu’un premier mariage ? La confrontation de la passion ou plutôt,
1843 riage ? La confrontation de la passion ou plutôt, soyons réalistes, du désir de ressentir une passion, qui fait croire que « ç
1844 ressentir une passion, qui fait croire que « ça y est  », avec la réalité. Quand les gens cesseront de croire que la passion
1845 Quand les gens cesseront de croire que la passion est l’épreuve privilégiée qui seule donne un sens à la vie, quand ils com
1846 à la vie, quand ils comprendront que la passion n’ est jamais une raison de se marier mais au contraire une raison de ne pas
1847 u contraire une raison de ne pas se marier, et qu’ être heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’être intensément déses
1848 re heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’ être intensément désespéré à cause de lui pendant huit jours, la crise du
1849 se de lui pendant huit jours, la crise du mariage sera résolue en principe et la majorité des divorces évités. Mais l’empris
1850 rité des divorces évités. Mais l’emprise du mythe est tellement forte que notre vocabulaire le plus courant en est atteint 
1851 nt forte que notre vocabulaire le plus courant en est atteint : « passionnant » c’est bien mieux qu’intéressant. Il ne s’ag
1852  ! Et le mariage lui-même, pensez-vous qu’il doit être « modernisé » ? Le mariage ne peut renoncer ni à la durée ni à la fid
1853 se risquer, découvrir et inventer. La fidélité n’ est pas un luxe, une coquetterie morale et encore moins une « convenance 
1854  convenance » ou un « agent de répression », elle est la base indispensable d’une création. Quand un peintre commence une t
1855 toile il doit sans cesse lutter contre le doute ( est -ce que ça vaut vraiment la peine ?), la paresse (c’est bon, je vais t
1856 ais bien que depuis des siècles, la fidélité nous est présentée comme une sorte de devoir sinistre, une mutilation volontai
1857 tre, une mutilation volontaire : nous n’avons pas été élevés pour être heureux ! Le contraire de la folie, du déséquilibre,
1858 ion volontaire : nous n’avons pas été élevés pour être heureux ! Le contraire de la folie, du déséquilibre, de la passion, d
1859 e, lorsqu’un homme pourra dire à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage sera sauvé ! Qui l’osera ? al. Rougemon
1860 à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage sera sauvé ! Qui l’osera ? al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le ma
1861 al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le mariage est à réinventer », Elle, Paris, 14 avril 1969, p. 29, 32, 34, 37, 39, 43
1862 e, l’auteur de L’Amour et l’Occident — ce livre est un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu sont mieux armés pou
1863 un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu sont mieux armés pour réussir leur vie à deux —, vous explique comment les
30 1969, Articles divers (1963-1969). Le personnalisme, la contestation, les hippies et… le fédéralisme (27 septembre 1969)
1864 de la passion, connaîtra plusieurs rééditions et sera traduit en plusieurs langues. Aujourd’hui, on le trouve en livre de p
1865 monde devait avoir de nombreux prolongements. Ce sera , au fil des ans, Doctrine fabuleuse, Personne du drame [sic] et Les M
1866 our-passion qu’un public nombreux et enthousiaste était venu entendre jeudi soir à l’Université McGill. Le sujet de cette con
1867 versité McGill. Le sujet de cette conférence, qui était placée sous les auspices du Département de français de l’Université M
1868 se de l’unification de l’Europe. Ce prix, qui lui sera décerné officiellement à Bonn en février prochain, nous rappelle util
1869 u Canada, je veux parler du prix Paul Tillich qui est , en quelque sorte, un prix de théologie, on aura, je crois, défini le
1870 M de Rougemont. Le personnalisme « Mais qui est donc M Denis de Rougemont ? », se demandait-on au lendemain de l’attr
1871 re L’Amour et l’Occident et les ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ai déjà écrit sur le fédéralisme. Il n’y a
1872 fédéralistes. À quoi je lui ai répondu que rien n’ était plus facile. Car pour moi, le couple est une espèce de banc d’essai d
1873 rien n’était plus facile. Car pour moi, le couple est une espèce de banc d’essai du fédéralisme, c’est-à-dire du système d’
1874 les deux natures, l’homme et Dieu, dans le Christ sont simultanément présentes, complètes chacune d’entre elles, sans sépara
1875 fois qu’il y a deux réalités contraires, mais qui sont bonnes l’une et l’autre, il ne faut pas s’empresser de s’en sortir en
1876 ’appellerai ma philosophie. Une philosophie qui s’ est lentement élaborée, en réaction surtout contre « cette ignorance sati
1877 sonnalistes. Pour moi, nous dit-il, la personne n’ est ni un individu refermé sur lui-même, ni la minuscule partie d’une mas
1878 et en relation avec autrui, parce que la vocation est avant tout acte. Ainsi, la vocation est à la fois ce qui distingue l’
1879 vocation est avant tout acte. Ainsi, la vocation est à la fois ce qui distingue l’homme et le relie à la communauté où il
1880 l’écrivain. Car ce qu’il appelle engagement ce n’ est rien moins que de tirer les conclusions pour la cité de ce qu’il appe
1881 de ce qu’il appelle la personne, puisque celle-ci est définie par son acte. Ainsi se trouve fondée une certaine notion de l
1882 iser ce que l’on croit le plus intimement, que ce soit d’un point de vue religieux, politique ou philosophique. La contes
1883 hique. La contestation On ne peut manquer d’ être frappé par la vigueur, par la modernité surtout de ses prises de posi
1884 a modernité surtout de ses prises de position qui étaient formulées, rappelons-le, avant la guerre. Mais justement la contestat
1885 tudiante qui sévit aujourd’hui de Paris à Tokyo n’ est -elle pas une contestation personnaliste ? M. de Rougemont n’hésite pa
1886 motivations, on retrouve plusieurs de celles qui furent à la base du mouvement personnaliste. Ce que nous appelions en 1932 l
1887 peu plus de mérite, car la situation extérieure n’ était visiblement pas aussi grave que celle qui prévaut aujourd’hui. Ce qui
1888 nt-là. Cette crise existentielle dont nous avions été les témoins stupéfaits lorsqu’elle éclata pour la première fois parmi
1889 ’ai souvent pu déceler dans la contestation qui s’ est développée à Paris, à Berlin, et ailleurs quelque chose que je crois
1890 va se passer : c’est la police qui arrive. Je ne suis donc pas du tout d’accord avec Sartre quand celui-ci prêche la destru
1891 t la seule contestation efficace, c’est celle qui est faite précisément au nom d’autre chose. Je n’ai pas du tout varié en
1892 établi au nom d’un ordre plus réel. Ce qui paraît être , pour beaucoup de jeunes contestataires, une conception inacceptable.
1893 testataires, une conception inacceptable. Mais je suis malheureusement certain qu’ils se trompent. Et cela il le regrette pr
1894 pour notre interlocuteur, la réaction des jeunes est fondamentalement saine. C’est une réaction contre le monde de la tech
1895 cité, par la mode, par les feuilles d’impôt. Nous sommes pris, de plus en plus, par des réseaux de règles dont le fondement n’
1896 us, par des réseaux de règles dont le fondement n’ est absolument pas la dialectique de la personne, mais uniquement les que
1897 réaction vitale de leur part contre ce monde qui est en train de ruiner les bases mêmes de la passion. Car, finalement, si
1898 i a eu lieu récemment à Bethel, près de New York, sont la démonstration éclatante de ce besoin qui existe d’une nouvelle com
1899 velle communauté, d’un principe de communauté qui soit l’amour : un amour pas seulement sexuel, mais également spirituel. Ce
1900 que personne n’ose construire, M. de Rougemont s’ est employé à la définir et à en propager l’idée de par le monde. Car 194
1901 te l’absurdité puisque, de par sa nationalité, il était neutre. Nous sommes ici à patauger, pouvons-nous lire dans son Jour
1902 ue, de par sa nationalité, il était neutre. Nous sommes ici à patauger, pouvons-nous lire dans son Journal des deux mondes ,
1903 s antisuisse de l’histoire. Maintenant, la preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est s
1904 e par le sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre.
1905 uerre. Le fédéralisme L’idée fédéraliste s’ était donc imposée comme la seule solution valable pour la survie de l’Euro
1906 paraissait nécessaire de lui demander comment il était passé de sa définition de la « personne » au fédéralisme. Je vous ava
1907 u fédéralisme. Je vous avais dit que l’homme doit être à la fois libre et responsable, il en est de même pour chaque nation
1908 e doit être à la fois libre et responsable, il en est de même pour chaque nation dans l’Europe fédérée que je préconise et
1909 n dans l’Europe fédérée que je préconise et qui n’ est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvéti
1910 ’un Québec autonome. Or le fédéralisme, pour moi, est tout autre chose. Il consiste précisément à maintenir ces deux élémen
1911 ontradictoires : l’union et l’autonomie ; l’union étant toujours au service de l’autonomie, et pas le contraire. Un Québec sé
1912 ré signifierait donc, pour M. de Rougemont, qu’on est retombé dans la vieille formule de l’État-nation du xixe siècle ; un
1913 plus aux exigences de notre époque, car cet État serait à la fois trop grand et trop petit. Trop petit pour jouer un rôle int
1914 eau mondial. Mais revenons à l’Europe. Là-bas, il est bien certain qu’on n’arrivera jamais à unir ces États-nations. Il fau
1915 États se dissolvent en régions, et alors, et ce n’ est seulement qu’alors, qu’on arrivera à fédérer l’Europe, car ces région
1916 ruire une Europe unie, faite de régions, mais qui seraient découpées différemment suivant qu’il s’agirait de régions économiques
1917 ougemont, il vous faudra séparer tout ce qui peut être séparé, ou comme disait Proudhon, « ne rien laisser dans l’indivision
1918 ntellectuels. Que cette idée fédéraliste du monde soit utopique, M de Rougemont serait le premier à l’admettre. Mais « contr
1919 édéraliste du monde soit utopique, M de Rougemont serait le premier à l’admettre. Mais « contre les risques qui se lèvent, l’e
1920 tre les risques qui se lèvent, l’esprit de risque est la seule assurance », lit-on dans Journal d’une époque . Et ailleurs
1921 s Journal d’une époque . Et ailleurs : « il faut être absolument moderne. L’immobilisme, l’attentisme ne représentent-ils p
31 1969, Articles divers (1963-1969). La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)
1922 aq Comment faire une communauté humaine ? Serait -ce vous insulter ou simplifier par trop que de dire que vous vous pla
1923 acez résolument du côté de la révolution ? Je m’y suis toujours placé depuis ma jeunesse à Paris quand nous fondions les rev
1924 e nouveau — tout le mouvement personnaliste, qui est devenu ensuite le mouvement fédéraliste européen — et nous définissio
1925 au fond, ont eu comme résultat que la communauté est en train de se défaire, n’est-ce pas : la grande crise du xxe siècle
1926 t que la communauté est en train de se défaire, n’ est -ce pas : la grande crise du xxe siècle, c’est la dissolution du sens
1927 s deviennent inhabitables, impraticables, et nous sommes obligés de nous poser cette question pour la première fois dans l’évo
1928 volution humaine : Comment faire une communauté ? Est -ce dans ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous ête
1929 une communauté ? Est-ce dans ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous êtes passé — du personnalisme au féd
1930 là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous êtes passé — du personnalisme au fédéralisme ? Par un cheminement absolume
1931 libre et responsable. Libre dans la mesure où il est responsable, et responsable dans la mesure où il est libre […] Les de
1932 responsable, et responsable dans la mesure où il est libre […] Les deux choses sont absolument liées. C’est une formule, d
1933 ans la mesure où il est libre […] Les deux choses sont absolument liées. C’est une formule, d’ailleurs, que Sartre m’a prise
1934 miers livres. C’est la formule de l’engagement, n’ est -ce pas, que j’ai lancée en France en 1933, et qui forme les deux prem
1935 res de mon premier livre, publié à Paris en 1934… Est -ce que le mot et la chose « engagement » ont encore aujourd’hui une s
1936 chez beaucoup de jeunes Français, notamment — qui était de s’engager dans un parti, c’est-à-dire de démissionner complètement
1937 eds et poings liés, à un parti, à condition qu’il soit de gauche d’étiquette. Pour moi — enfin, pour nous : Mounier, Dandieu
1938 qu’on croyait le plus intimement, c’est-à-dire l’ être même de la personne — qui est actualité, agir. Alors je trouve dans m
1939 nt, c’est-à-dire l’être même de la personne — qui est actualité, agir. Alors je trouve dans ma définition de la personne co
1940 je trouve dans ma définition de la personne comme être libre et responsable à la fois le fondement de la liberté personnelle
1941 de l’action communautaire. Le mot fédéralisme est toujours mal compris Vous savez sans doute que le Canada a un régi
1942 ute que le Canada a un régime politique fédéral ? Est -ce que vous avez étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je sui
1943 étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je suis devenu, presque, le théoricien, en Europe, du fédéralisme — je prépar
1944 édéralisme, où je constate que le mot fédéralisme est toujours mal compris. Et c’est presque fatal, parce que c’est un mot
1945 s, et la réalité de l’union qui, dans mon esprit, est destinée à garantir ces autonomies. Si vous voulez : il y a deux mani
1946 ibération maximales des hommes, des personnes. Je suis contre l’État-nation dans sa formule xixe siècle, qui ne visait qu’à
1947 ée à toutes espèces de réalités humaines — que ce soit des réalités religieuses, politiques, monétaires, économiques, d’état
1948 — on met tout ça dans une même frontière, ce qui est démentiel, n’est-ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’on a voulu n
1949 dans une même frontière, ce qui est démentiel, n’ est -ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’on a voulu nous faire avaler
1950 ore, comme une forme possible de gouvernement. Qu’ est -ce que le Centre européen de la culture, que vous avez fondé, je pens
1951 ification européenne, des efforts économiques qui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui éta
1952 rg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui étaient faits par le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Il nous semblait à tou
1953 d’ailleurs, qu’il fallait un troisième volet, qui était la culture… Alors, j’ai créé ce centre à Genève, très petit, avec trè
1954 i à créer ce Centre et à le maintenir. Qui devait être un lieu de rencontre pour les hommes de culture qui voulaient l’union
1955 e garder en Europe nos physiciens qui, autrement, seraient tous partis en Amérique — exode des cerveaux ! Nous avons créé aussi
1956 , nous avons créé un Institut universitaire — qui est lié à une université — qui se consacre à des études d’intérêt largeme
1957 culturelles. Depuis la fondation de ces centres, est -ce que l’idée de culture, la notion de culture a évolué ? Oui, je cro
1958 tion de culture a évolué ? Oui, je crois que nous sommes arrivés tout de même à combattre avec pas mal de succès cette idée fo
1959 uels de notre jeunesse — des manuels scolaires, n’ est -ce pas ? — qui présentaient l’Europe comme une addition de cultures n
1960 ible, en dehors d’une unité de civilisation — qui est l’unité européenne. Ma passion fondamentale : trouver un sens à la
1961 n fondamentale : trouver un sens à la vie Vous êtes probablement dans le monde l’un des grands exégètes de l’amour ; quel
1962 mour me conduit au fédéralisme. J’ai dit : rien n’ est plus facile. Le mariage, c’est le banc d’essai du fédéralisme. Qu’est
1963 mariage, c’est le banc d’essai du fédéralisme. Qu’ est -ce que le fédéralisme ? C’est faire coexister ensemble des natures di
1964 et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse en ceci que vous dites que l’amour ou les modes d’expressi
1965 que l’amour ou les modes d’expression de l’amour sont basés sur des choix essentiellement de nature religieuse. Avec la déb
1966 tte vue-là se tient-elle aujourd’hui ? Moi, je ne suis pas du tout d’accord : il n’y a pas du tout de débandade de l’idée re
1967 e débandade des institutions religieuses — ce qui est tout à fait autre chose, n’est-ce pas ? Les cadres étatiques de la re
1968 ligieuses — ce qui est tout à fait autre chose, n’ est -ce pas ? Les cadres étatiques de la religion sont en crise, comme l’É
1969 ’est-ce pas ? Les cadres étatiques de la religion sont en crise, comme l’État est en crise — l’État-nation est en crise part
1970 tiques de la religion sont en crise, comme l’État est en crise — l’État-nation est en crise partout. Les formes ecclésiasti
1971 crise, comme l’État est en crise — l’État-nation est en crise partout. Les formes ecclésiastiques, et tout ça, sont en ple
1972 partout. Les formes ecclésiastiques, et tout ça, sont en pleine crise — je n’irai pas jusqu’à dire débandade, mais on n’en
1973 e n’irai pas jusqu’à dire débandade, mais on n’en est pas loin. […] Comme je le disais d’ailleurs dans un livre écrit penda
1974 nnui mécanique et technique, dont la contrepartie sera immanquablement une espèce d’immense surgissement, une lame de fond r
1975 ites notamment une sortie contre la psychanalyse. Est -ce que… Non, pas du tout. Je suis très intéressé par la psychanalyse
1976 la psychanalyse. Est-ce que… Non, pas du tout. Je suis très intéressé par la psychanalyse et il y a très longtemps que je m’
1977 pelais le pouvoir de « décréation » du diable. Je suis en train de préparer une cinquième réédition de ce livre en Amérique,
1978 y a une certaine correspondance, une analogie. Il est certain que pour moi, le diable, c’est une espèce de symbole de tout
1979 t ce qui tend à détendre les énergies humaines, n’ est -ce pas ?, à unifier, à uniformiser, à égaliser, et toujours au profit
1980 e. Contre ça, il faut des révoltes qui ne peuvent être que personnelles, individuelles, qui recréent des petits foyers de ra
1981 nautés. Et grâce à ça, on maintient l’humanité, n’ est -ce pas ? L’humanité ne progresse que par les meilleurs, et ne dure qu
1982 e faut pas donner tout l’avantage aux moyens : ça serait donner l’avantage au diable. ap. Rougemont Denis de, « [Entretien
1983 t introduits par la note suivante : « Parce qu’il est né à Neuchâtel (Suisse) en 1906, Denis de Rougemont a maintenant pass
1984 à-dire qu’il a deux fois l’âge où l’on commence à être suspect pour les jeunes. Et pourtant !… À l’entendre parler de person
1985 ndre parler de personnalisme, mouvement auquel il est associé avec Emmanuel Mounier dans la fondation d’Esprit, et dans la
1986 renouvellement de l’ordre des choses actuelles n’ est pas qu’un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’il ne se gêne