1 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme suisse (1963)
1 e nationale » bien caractérisée ; ni même d’avoir été la mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée, marquan
2 ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait été globalement inférieur à celui de toute autre région de dimensions à p
3 contraire me paraît probable.) Mais cet apport ne fut jamais typique et spécifique d’une unité bien évidente, à la fois cul
4 ente, à la fois culturelle et politique, comme le furent la Sérénissime, les états généraux de Hollande, l’Angleterre de la pr
5 de Weimar. C’est que l’ensemble suisse n’a jamais été défini par autre chose que par un système d’alliances, embrassant de
6 ins, sans doctrine trop clairement formulée. Ce n’ est guère qu’au xixe siècle qu’on se mit à parler de fédéralisme. Encore
7 n se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose était -elle entendue de manière assez différente par les Alémaniques et les
8 é centrale. Rien d’étonnant si une telle pratique est mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notamment chez nos voisi
9 teurs. Un Français cultivé et qui se demande quel est le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt à son Littré, où il trou
10 ine du gouvernement fédératif. — « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
11 révolution, chap. I. Pour un Français, la cause est entendue : fédéraliste égale sauvage, ou traître. Pour un Suisse, c’e
12 perd la face. Essayons d’expliquer ce qui peut l’ être , en cette affaire où le sens concret du bien public a beaucoup plus à
13 ntes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même d
14 positions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres sy
15 esse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles sont . Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les te
16 me vivant, n’allons pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel ou d’opportunisme lâche, qui tolère
17 ’un parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire absolu de tout régime totalitaire, de tout ordre gé
18 pliste, et par-là même tyrannique. (« La tyrannie est le souverain désordre », disait Vinet.) Le fédéralisme veut la divers
19 diversités régionales, aime aussi leur santé, qui est celle de l’ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide
20 re ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’ est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de
21 léra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’ est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se n
22 t un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’ est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clo
23 à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’un
24 sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule. Il représente la seule attitude rigoureusemen
25 veut une maîtrise du divers, comme tout art. Elle est un art de la composition, qui requiert à la fois et en même temps la
26 ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
27 oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est la libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centr
28 ification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Ces image
29 rme, — dans tous les sens du mot. Ces images, qui sont autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de compos
30 aisser englober dans un plus grand corps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organe
31 e jeu d’organes bien différenciés ; et les autres sont tentés d’oublier qu’un organe bien différencié ne saurait vivre isolé
32 fférencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle serait alors la solution fédéraliste ? J’en propose ici le principe : que l’
33 la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’ être . Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation polit
34 e trahira sa raison d’être. Mais le fédéralisme n’ est pas seulement un mode d’organisation politique, le seul « régime de c
35 détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses, l’unité de base, d’origine et de but,
36 le tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité cultur
37  ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laqu
38 andes cultures nationales voisines. Pour que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale 
39 nt l’addition constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme
40 la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’ est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nati
41 oire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l
42 ulture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de t
43 ais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles
44 xistence : il faut bien admettre que la culture s’ était constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour illust
45 ’est simplement l’école locale dans laquelle il s’ est formé. D’où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais, cet
46 e guère qu’à la langue française. Mais celle-ci n’ est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de la
47 nçaise actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore d
48 mand ne saurait définir une « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nati
49 saurait à elle seule définir une culture : elle n’ est guère qu’un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-
50 s éléments de la culture en général, si essentiel soit -il. Tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale
51 re, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même totalement indépendants des langues modernes, et ne
52 talement indépendants des langues modernes, et ne sont , de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-t
53 otre continent. ⁂ Or il se trouve que les Suisses sont , ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des
54 r il se trouve que les Suisses sont, ou devraient être , préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures national
55 autres de l’illusion des « cultures nationales », fût -ce du seul fait de la composition linguistique si variée de leur État
56 osition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos
57 directement à l’ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos
58 ibres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là
59 tre les États-nations. La véritable unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment
60 t de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent al
61 trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’ est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État.
62 os cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de
63 timents naturels ou historiques, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des
64 iés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiqu
65 e ce fut le cas des provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiques — même Neuchâtel, en dépit de ses princes — f
66 arge autonomie des communes. 4° le protestantisme est majoritaire en Suisse romande ; il a déterminé en grande partie nos m
67 articulier, mais cela revient au même. 5° nous ne sommes pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose ave
68 pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont
69 ieuse, à la Réforme ou à l’Église catholique, qui sont mondiales ; par sa langue, au domaine français, et par sa culture, au
70 nombre de combinaisons originales. On ne saurait être moins conforme aux devises des États totalitaires (« Une Foi, une Loi
71 n Reich, ein Führer » sous Hitler). On ne saurait être plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, e
72 des nations voisines. Qu’on m’entende bien : ce n’ est pas un éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites d
73 me les implique et permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité dorée, po
74 ans doute, la sécurité avant tout. Ce phénomène n’ est pas particulier à la Suisse, mais peut-être les Suisses moyens trouve
75 endre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’
76 pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le pa
77 eurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’ est -ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît l
78 ractère de Suisses romands, si profondes qu’aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certa
79 Ramuz, à titre d’argument massue contre ma thèse. Est -il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de P
80 Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’ est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des r
81 , en tant qu’artiste, comme il arrive ; elle n’en fut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. Mais la
82 limitations de son œuvre. Mais la littérature n’ est plus, de nos jours, cette espèce de critère privilégié du niveau de c
83 vilégié du niveau de culture d’un peuple, qu’elle fut au temps de l’Europe classique puis romantique. Les sciences ont pris
84 s sa place, à cet égard. Or quel rang la Suisse y tient -elle ? « L’indice Nobel » peut nous l’apprendre : il donne le nombre
2 1963, Articles divers (1963-1969). Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)
85 le cadre du Centre européen de la culture, il ne sera sans doute pas inutile de situer notre projet, d’en préciser les coor
86 u bien autre chose que des intérêts matériels. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’être de cet Instit
87 onc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’ être de cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture pré
88 d’être de cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture présente, aux circonstances de notre temps. Ce fait
89 gt-cinq autres instituts d’études européennes qui sont à l’œuvre, depuis plusieurs années, dans d’autres villes du continent
90 éfinit et se modifie sous nos yeux, ces instituts tiennent cependant à garder, par rapport au déroulement des faits et à l’actio
91 erche objective. Certes, la question européenne n’ est pas une question académique ! Elle n’appartient pas à un passé qu’il
92 re et d’interpréter, mais à un avenir auquel nous sommes tous vitalement intéressés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moi
93 ent intéressés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dir
94 n acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est -ce à dire qu’il faille en laisser le soin au seul réalisme des hommes
95 bien reconnaître que beaucoup attendent encore d’ être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’être envisagés dans l’ense
96 d’être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’ être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections et par rapport à
97 résente autre chose et un peu plus que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à peine 4 % des terres émergées de
98 que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à peine 4 % des terres émergées de la planète. Cette question europée
99 es groupes de nations récentes et plus instables, sont à la recherche de quelque union encore mal définie, mais qui a déjà f
100 0 millions d’hommes. Dans un tel monde, quel peut être l’avenir des États de l’Europe, petits et moyens désormais — c’est-à-
101 lassique de ces expressions ? Aucun de nos pays n’ est en mesure, non plus, de parler au nom de l’Europe. Qui pourrait assum
102 u congrès de La Haye, en 1948, qu’une Europe unie serait en mesure de doubler sa production et son niveau de vie. Jean Monnet
103 peut-être le vent de l’histoire en poupe. Ils ne sont pas nombreux d’abord, ils ne sont pas suivis par la majorité de leurs
104 n poupe. Ils ne sont pas nombreux d’abord, ils ne sont pas suivis par la majorité de leurs collègues. Mais ce sont, notons-l
105 uivis par la majorité de leurs collègues. Mais ce sont , notons-le, les plus illustres de l’époque : Churchill, De Gasperi, L
106 croire, mais en fait dans le même sens final qui est celui d’une Europe autonome rendue forte par son union, de Gaulle lui
107 mation économique de quelque envergure ne saurait être limitée au domaine purement économique, comme on disait naguère. D’un
108 e, comme on disait naguère. D’une part, le social est inséparable de l’économique, d’autre part, l’économie commande les ar
109 ie commande les armements, surtout au prix où ils sont . La politique en dépend donc aussi étroitement qu’elle dépend par ail
110 e donc posé, inéluctablement, à tous nos pays, ne fût -ce que par la seule existence du Marché commun. Telle est donc la que
111 ue par la seule existence du Marché commun. Telle est donc la question européenne. Formulée tout d’abord par des intellectu
112 lle débouche enfin sur le plan politique. Mais il serait excessif de dire qu’elle y débouche en pleine clarté. Au contraire, c
113 encore d’États-Unis d’Europe, comme si ces termes étaient , à toutes fins utiles et grosso modo, synonymes. Cet état de confusio
114 États-nations centralisés, dont l’exemple typique est la France. Dans une telle Europe, nos États actuels ne joueraient plu
115 e solution unitaire, jacobine ou napoléonienne, n’ est en fait et comme telle défendue par personne, et n’offre pas un champ
116 que l’unification de l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne serait conforme ni aux données historiques, ni aux don
117 l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne serait conforme ni aux données historiques, ni aux données actuelles et conc
118 soudre. Il importe toutefois de la mentionner, ne fût -ce qu’à titre de limite, de conséquence extrême, inaccessible, qui ma
119 éenne, cette utopie joue un rôle non négligeable, fût -ce au seul titre de repoussoir, disons même d’épouvantail. À l’autre
120 utre extrême, on peut concevoir une Europe qui ne serait organisée que par un système d’alliances entre États souverains. C’es
121 n hélas impropre en l’occurrence, car, ainsi qu’a tenu à le préciser le général de Gaulle lui-même (conférence de presse de
122 dans la mesure toutefois où cette souveraineté ne serait pas limitée, en fait, et même en droit, par leurs alliances mêmes. Ce
123 les choses autant que possible en l’état où elles sont . Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour r
124 autant que possible en l’état où elles sont. Mais est -il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour répondre à
125 ’état où elles sont. Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour répondre à cette question, il convie
126 voir, d’une part, dans quelle mesure cette notion est compatible avec le droit, et d’autre part, si elle correspond encore
127 ctivement si, et dans quelle mesure, « les choses étant ce qu’elles sont », la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas
128 ans quelle mesure, « les choses étant ce qu’elles sont  », la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas, en fait plus en
129 ce. Mais l’objet de pareilles études risquerait d’ être par trop transitoire, trop lié à une actualité mouvante, susceptible
130 édéraliste. Dans une Europe fédérée, les États ne seraient pas effacés ou dissouts, ils ne seraient pas non plus maintenus dans
131 États ne seraient pas effacés ou dissouts, ils ne seraient pas non plus maintenus dans une fiction de souveraineté absolue, mais
132 s Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est vrai, de « donner forme à la volonté d’union politique déjà implicite
133 politique dont l’intégration économique pourrait être la préfigure, ou l’amorce. Ce régime serait-il interétatique, super é
134 ourrait être la préfigure, ou l’amorce. Ce régime serait -il interétatique, super étatique, ou extraétatique, pour reprendre le
135 rocessus de décision des Communautés économiques, serait celle des trois solutions qui aurait le moins de chances dans cette c
136 s, au cours de ce premier semestre tout au moins, sont de nature assez diverse. Raisons générales, d’abord. La solution fédé
137 s, besoins qui semblent contradictoires, mais qui sont là, incontestablement. Elle paraît aussi la plus propre à rallier ou
138 ns particulières ensuite. La solution fédéraliste est évidemment la plus conforme à l’expérience de la vie politique et civ
139 ce de la vie politique et civique du pays où nous sommes , et dont je suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison,
140 que et civique du pays où nous sommes, et dont je suis , pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de
141 mes collaborateurs et moi-même, si différents que soient nos tempéraments, nos origines et nos champs d’intérêts particuliers,
142 mps d’intérêts particuliers, avons tous les trois été amenés par nos précédents travaux à étudier certains aspects du probl
143 linaire qui s’impose à nous. Car le fédéralisme n’ est pas une doctrine toute faite, un dogme auquel il s’agirait de plier l
144 r le fédéralisme avant d’en étudier les exemples, soit dans l’expression, soit dans l’application. Toutefois, ce procédé cla
145 ’en étudier les exemples, soit dans l’expression, soit dans l’application. Toutefois, ce procédé classique serait trompeur d
146 ns l’application. Toutefois, ce procédé classique serait trompeur dans le cas particulier, car il se trouve que le fédéralisme
147 articulier, car il se trouve que le fédéralisme n’ est précisément pas un système logique que l’on puisse déduire dans l’abs
148 éométriques. Tenter de le définir d’entrée de jeu serait donc s’exposer à trahir méthodiquement sa nature même. Voilà sans dou
149 ment sa nature même. Voilà sans doute pourquoi ce sont ses adversaires qui éprouvent le moins de scrupules à en donner des c
150 n indifféremment, sans qu’aucun contenu ne puisse être saisi au passage ; certains d’entre eux ridiculisent carrément le ter
151 trine du gouvernement fédératif. « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
152 e l’esprit français, qui passe pour cartésien. Ce sont pourtant deux juristes britanniques, Sir Ivor Jennings et C. M. Young
153 eulement où une forme plus stricte d’organisation est pratiquement impraticable (practically impracticable)11 ». Quant aux
154 consacrés au fédéralisme, quelques titres doivent être cités d’emblée. Les 85 articles écrits par Jay, Hamilton et Madison p
155 d à toutes les structures intersociales, qu’elles soient ou non étatiques ; l’équipe de l’Ordre nouveau, de 1932 à 1939, avec
156 le Congrès de l’Europe, à La Haye, en 1948, d’où sont issues les premières réalisations européennes, le Conseil de l’Europe
157 auteurs écrit ceci : Tout démontre que, quel que soit son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’une simple recette ju
158 e que, quel que soit son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
159 qu’une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique, et peut-être
160 et de civilisation, vous voyez que la discussion est très ouverte… J’ai donc estimé qu’au lieu de partir d’une définition
161 rètement partisane, ou entachée d’abstraction, il était plus honnête et enseignant d’aller rechercher dans les écrits des pré
162 f des utopies politiques. La plupart de ces plans sont restés peu connus, voire inconnus de leurs contemporains. Aucun d’ent
163 te, et moins encore de résultats. Cependant, ce n’ est pas une histoire des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de l
164 conceptions et croyances régnantes en leur temps, soit qu’ils les reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décr
165 mps, soit qu’ils les reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à
166 ement — et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à « ce qui allait de soi » du vivant d
167 é au moment où le Saint-Empire, principe d’unité, est en crise, en décadence. Pierre Dubois, avocat de Philippe le Bel, pro
168 de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement contemporains de la naissance de notre confédération, qu
169 i les suivront au cours des siècles jusqu’à nous, est certes significatif, et j’en examinerai les causes. Dans ce contexte,
170 , de la sorte, pourquoi certains de ces obstacles sont en train de céder aujourd’hui. Mais il n’est pas moins important de r
171 les sont en train de céder aujourd’hui. Mais il n’ est pas moins important de rechercher dans ces plans avortés les étymolog
172 récédé de plusieurs siècles sa théorie (ceci peut être vérifié le plus exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’a été co
173 us exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’a été connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant parti, les
174 e). Le mot n’a été connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant parti, les jacobins, tandis qu’elle se réalisait
175 ussite Podiebrad, et ensuite du ministre déchu qu’ était le duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’était William Penn
176 e duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’ était William Penn, puis d’un économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d
177 des auteurs de plans que nous allons parcourir n’ est pas seulement pittoresque : elle nous conduit au cœur des débats idéo
178 s de Genève, Genève, 1963, p. 61-72. k. L’auteur est présenté par cette note : « Denis de Rougemont : né en 1906 à Neuchât
179 erté de la culture. Auteur de 24 ouvrages qui ont été traduits en 12 langues. »
3 1963, Articles divers (1963-1969). Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)
180 sation occidentale (janvier 1963)b Les Suisses sont tard venus dans le développement de la culture occidentale ; ils n’y
181 e sur la grande scène européenne : ses capitaines sont le réformateur Zwingli, le peintre-poète Manuel, le médecin-philosoph
182 ts États qui constituent l’actuelle Confédération est sans doute supérieure à celle de toute autre région prise au hasard d
183 ion prise au hasard dans les pays voisins, et qui serait comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On excepte, b
184 du xiiie jusqu’au milieu du xixe siècle, elle n’ était guère qu’une confédération plus ou moins lâche de petits États souver
185 grands esprits et les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’un canton déterminé (qui n’est parfois qu’une ville, Bâle o
186 suisses sont d’abord d’un canton déterminé (qui n’ est parfois qu’une ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réali
187 se — à une échelle européenne. Toutes nos gloires sont européennes, non seulement par leur rayonnement (comme le furent cell
188 nes, non seulement par leur rayonnement (comme le furent celle d’un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkeg
189 n canton — ou l’Europe. Ainsi, le stade national est sauté. J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un des grands pri
190 nds privilèges culturels des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent, c’est pour rejoindre i
191 . Il en va de même dans le domaine culturel. Nous sommes , nous Suisses, immédiats à l’Europe, condamnés à l’Europe, dirais-je,
192 commune originelle. Cette situation particulière est très conforme au génie de la culture occidentale, car celle-ci a touj
193 e la culture occidentale, car celle-ci a toujours été faite par des foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles
194 âle, avec Érasme et Holbein, Zurich avec Zwingli, sont les trois premiers foyers de rayonnement européen des ligues. Aussitô
195 toire, dont son fervent disciple, Nietzsche — qui est aussi son plus jeune collègue de faculté — nourrira son génie bouleve
196 la pédagogie et de la psychologie occidentales en seront transformés sans retour. Enfin, n’oublions pas l’influence mondiale d
197 otestante. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’ est pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’u
198 se n’est pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale, et moin
199 dt, leur Baudelaire ou leur Descartes. Mais force est bien de reconnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique
200 ise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’elle s’ est conformée par anticipation à cette règle devenue évidente à partir du
201 résente, mélancolique, maternelle ou menaçante, y tient la place de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka
202 sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais le goût de la mesure, de l’intériorité,
203 sent du travail humain, bien concerté : la Suisse est née de coopératives forestières exploitant le passage du Gothard, « U
204 elois. Voilà pourquoi les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hommes utiles, au sens le plus nob
205 ficacité transformatrice. Et c’est en cela qu’ils sont typiquement suisses. ⁂ Cependant, une série de grands noms ne représe
206 istance qui l’appuie dans la population. Ce qu’il est important de savoir sur l’armée suisse, c’est que chacun de ses solda
207 son équipement militaire dans son armoire. Qu’en est -il de notre équipement culturel ? Il me paraît que la structure fédér
208 urs théâtres. Les collections privées de peinture sont parmi les plus belles du monde, Reinhart à Winterthour et Hahnloser à
209 nt la science pure bénéficie. Deux de ces bureaux sont dirigés par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que la Suisse, a
210 l’Europe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir une place plus qu’honorable dans une compétition continentale où l’ar
211 ns une compétition continentale où l’arme secrète sera la matière grise. Elle le doit sans nul doute à ses structures très c
212 misation et d’oblitération des traditions locales est bien plus grave pour elle que pour ses grands voisins. Ce n’est pas d
213 grave pour elle que pour ses grands voisins. Ce n’ est pas du projet d’union européenne que provient cette menace de nivelle
214 rs et les forces culturelles dont elle dispose. N’ est -elle pas le pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les pl
215 lus concrètes de savoir que le terme de culture n’ est pas un synonyme de superflu ? b. Rougemont Denis de, « Apport à la
4 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)
216 ntes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même d
217 positions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres sy
218 esse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles sont . Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les te
219 sme vivant, n’allez pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel, ou d’opportunisme lâche qui tolère
220 un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il est donc le contraire absolu de tout régime totalitaire de tout ordre géo
221 pliste, et par là même tyrannique. Or la tyrannie est le souverain désordre, comme le disait Vinet. Le fédéralisme veut la
222 re ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’ est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de
223 éra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’ est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se n
224 t un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’ est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clo
225 à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’un
226 sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule. Oui, le fédéralisme représente la seule attit
227 ut une maîtrise du divers — comme tout art ! Elle est un art de la composition qui requiert à la fois et en même temps la v
228 ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
229 oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, qui est
230 s la diversité, et l’unification totalitaire, qui est réduction forcée à l’uniforme. Ces images, qui sont autant d’évidence
231 st réduction forcée à l’uniforme. Ces images, qui sont autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de compos
232 fférencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle serait alors la solution fédéraliste ? Je vous en propose le principe : que
233 la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’ être . Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation polit
234 e trahira sa raison d’être. Mais le fédéralisme n’ est pas seulement un mode d’organisation politique, le seul régime de coe
235 rmes d’expérience politique très concrète —, tout est dit en principe de ce que nous aurions à dire sur les rapports entre
236 détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses romands, l’unité de base, d’origine et
237 le tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité cultur
238  ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laqu
239 andes cultures nationales voisines. Pour que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale 
240 nt l’ensemble constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme
241 la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’ est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nati
242 oire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l
243 ulture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de t
244 ais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles
245 xistence : il faut bien admettre que la culture s’ était constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour illust
246 ’est simplement l’école locale dans laquelle il s’ est formé. D’où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais, cet
247 e guère qu’à la langue française. Mais celle-ci n’ est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de la
248 nçaise actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore d
249 mand ne saurait définir une « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nati
250 saurait à elle seule définir une culture : elle n’ est guère qu’un des éléments de la culture en général. Or tous les autres
251 re, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même totalement indépendants des langues modernes, et ne
252 talement indépendants des langues modernes, et ne sont , de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-t
253 tinent. III Or il se trouve que les Suisses sont , ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des
254 r il se trouve que les Suisses sont, ou devraient être , préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures national
255 osition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos
256 directement à l’ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos
257 ibres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là
258 d’hui : contre les États-nations. L’unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment
259 t de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent à
260 trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’ est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ;
261 os cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de
262 timents naturels ou historiques, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des
263 iés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiq
264 ce fut le cas des provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiques — même Neuchâtel, en dépit de ses princes — f
265 rge autonomie des communes ; 4° le protestantisme est dominant en Suisse romande ; il détermine en grande partie nos mœurs,
266 rticulier, mais cela revient au même ; 5° nous ne sommes pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose ave
267 pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont
268 ont conscience ou ne voudraient l’admettre. Tels étant nos principaux caractères spécifiques, que devons-nous faire maintena
269 r illustrer, au plan de la culture, nos raisons d’ être , pour légitimer notre accent particulier, pour nous exprimer d’une ma
270 nse contre « Paris » d’autre part. La défensive n’ est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, av
271 ’est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, avant d’être héritage, ou enseignement. Si nous vou
272 eurs, et la culture est d’abord création, avant d’ être héritage, ou enseignement. Si nous voulons rester nous-mêmes, continu
273 endre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’
274 pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le pa
275 eurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’ est -ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît l
276 ractère de Suisses romands, si profondes qu’aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certa
277 Ramuz, à titre d’argument massue contre ma thèse. Est -il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de P
278 Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’ est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des r
279 l’a peut-être soutenu, comme il arrive, mais n’en fut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. IV
280 re ont propagés. L’apport spécifique de la Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’avons vu, au gén
281 a Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’avons vu, au génie de la culture en Europe, la question q
282 ure en Europe, la question qui se pose maintenant est de savoir comment nous saurons illustrer notre vocation décisive dans
283 ons, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’ est pas possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des solutions mé
284 on rationnelle d’activités qui par essence, ne le sont pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, d
285 inguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé et ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, v
286 n restant libre et dispersé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un labor
287 sé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un laboratoire de recherches nuclé
288 que cet exemple. Mais qu’on ne dise pas qu’elles sont trop petites pour que s’y développent à foison des écoles de peintres
289 naissance en Italie, en Flandres ou en Bourgogne, étaient alors plus petites que nos villes romandes actuelles. Elles sont tout
290 petites que nos villes romandes actuelles. Elles sont tout de même devenues des foyers rayonnants de créations du premier o
291 de princes et de grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du
292 eux, que des choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions individuelles et par de petits groupes qui ne
293 asser pour extravagants ou excessifs. Les comités sont par définition prudents et économes : leur rôle est normalement de ra
294 t par définition prudents et économes : leur rôle est normalement de rationaliser les activités dont ils s’occupent, pour l
295 et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes . Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes d
296 lage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat d’excitation in
297 vanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répart
298 de répartition géographique équitable — ce qui n’ est , soit dit en passant, qu’une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout
299 épartition géographique équitable — ce qui n’est, soit dit en passant, qu’une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela
300 enterait pour notre Suisse fédéraliste. Mais ce n’ est pas le fait de supprimer nos douanes qui mettrait en danger nos « rai
301 os douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’ être  » ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au niveau de
302 ospérité économique sans précédent. Nos raisons d’ être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédérali
303 édent. Nos raisons d’être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le mo
5 1963, Articles divers (1963-1969). À propos de la culture européenne (avril 1963)
304 re européen de la culture et ses publications qui sont « l’exemple typique » de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à
305 e européenne unitaire » ; il nierait que l’Europe soit « la patrie des contradictions » ; et il pratiquerait le « nationalis
306 prit critique » qui « vicie » ses travaux. Quelle est donc sa méthode à lui ? Elle consiste à lire « unitaire » là où nous
307 s ne cessons d’écrire qu’avec Rome et Athènes ils sont les éléments fondamentaux de notre culture, à nous opposer ma propre
308 tant qu’ailleurs. La seule question qu’on se pose est de savoir quelles sont les traditions qui doivent collaborer à notre
309 eule question qu’on se pose est de savoir quelles sont les traditions qui doivent collaborer à notre « Europe en formation »
6 1963, Articles divers (1963-1969). Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)
310 rra se faire qu’en vertu d’une volonté, mais il n’ est pas de volonté sans but, sans quelque utopie directrice, imaginée, vu
311 ondamentales les mieux partagées en Europe, il en est deux qui me paraissent les plus propres à motiver chez l’homme soucie
312 ision d’un avenir politique au sens large : et ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier porte à vo
313 ’imprévu de l’existence ; régimes dont l’anarchie serait la limite, en prenant le mot dans son sens littéral. Ces limites idéa
314 s littéral. Ces limites idéales, bien entendu, ne furent jamais atteintes dans l’histoire de l’Europe. Mais en chemin vers la
315 rimitive des soviets (conçue par Lénine lorsqu’il était en Suisse), l’anarchisme à la Bakounine et les brèves flambées du com
316 Ni l’une ni l’autre des deux tendances n’a jamais été isolée à l’état pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa pe
317 quelque part entre les deux extrémités, et ainsi tient de toutes les deux. Mais on remarque, chez les initiateurs des mouvem
318 ement partagé de subir la puissance d’un autre, d’ être commandé, d’obéir, donc d’être libéré de sa propre liberté. Et de mêm
319 ance d’un autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’ être libéré de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’un animateur
320 iative d’un animateur sans pouvoir contraignant n’ est féconde que dans la mesure où elle éveille et libère chez beaucoup la
321 t assimilée à celle d’atteinte aux droits acquis, fussent -ils les souverainetés traditionnelles des États, de plus en plus inco
322 L’attitude fédéraliste L’attitude fédéraliste est celle qui conduit à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui s
323 à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui serait unie par des liens proprement fédéraux. Cette Europe fédérale ne sera
324 ens proprement fédéraux. Cette Europe fédérale ne serait donc : — ni totalement unifiée autour d’un centre, — ni simplement l
325 le. Mais en fait, le projet d’une Europe fédérale est antérieur à ces deux stades récents de notre aventure intellectuelle,
326 r, que le second à le fonder en principe.) Car il est véritablement la projection au plan continental d’une notion de l’hom
327 tinental d’une notion de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et sans laquelle nos sciences et nos logiqu
328 et sans laquelle nos sciences et nos logiques ne seraient pas ce qu’elles sont, ou n’auraient pas eu lieu. Lors du premier cong
329 ences et nos logiques ne seraient pas ce qu’elles sont , ou n’auraient pas eu lieu. Lors du premier congrès de l’Union europé
330 ès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se tint à Montreux en 1947, j’avais tenté de situer à grands traits cette idé
331 amené, inévitablement, à son point de départ, qui est l’homme de notre Europe, redéfini dans les catégories concrètes du pr
332 le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laquelle nous pouvons tomber d’acco
333 r d’accord, ou pour mieux dire, sur laquelle nous sommes d’accord, tacitement, puisqu’en fait nous voici réunis pour parler du
334 voici réunis pour parler du fédéralisme ? Nous ne serions pas ici si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est
335 pensions que le type d’homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de toute responsabilité vis-à-vis de la comm
336 is-à-vis de la communauté. Car, dans ce cas, nous serions restés chez nous. Mais nous ne serions pas ici non plus si nous pensi
337 cas, nous serions restés chez nous. Mais nous ne serions pas ici non plus si nous pensions avec Hitler et les staliniens que l
338 sions avec Hitler et les staliniens que l’homme n’ est qu’un soldat politique, totalement absorbé par le service de la commu
339 é par le service de la communauté. Car alors nous serions de l’autre côté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous so
340 u rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous sommes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement respons
341 ous sommes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et u
342 mes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et unique d’
343 tes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à rendre chaque individu plus libre
344 lus libre dans l’exercice de sa vocation. L’homme est donc à la fois libre et engagé, à la fois autonome et solidaire. Il v
345 trois types différents de régimes politiques, et sont en retour favorisés par eux. À l’homme considéré comme pur individu,
346 ispensable, il ne faut pas penser que la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu sans responsabilit
347 rsonne, c’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. L
348 démissions de l’humanité complète. La personne n’ est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, elle représente la sant
349 ique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’ est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. E
350 é et de centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait q
351 le lit du collectivisme : ces deux extrêmes, eux, sont dans le même plan, se conditionnent et s’appellent l’un l’autre. C’es
352 ue les résistances que rencontrent les dictateurs sont au contraire le fait de groupes de citoyens responsables, c’est-à-dir
353 llement, et presque irrésistiblement, le second n’ étant que la projection de la première au plan politique, en ce sens précis
354 es qui trouvent leur composition dans la personne sont homologues de ceux qui trouvent leur composition dans le fédéralisme 
355 yrannique au plan politique ; et enfin les vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté et responsabilité composées, qu
356 esponsabilité composées, quand l’équilibre vivant est atteint. Cet équilibre dynamique ne pouvant d’ailleurs être maintenu
357 nt. Cet équilibre dynamique ne pouvant d’ailleurs être maintenu qu’au prix d’une vigilance toujours alertée, de rétablisseme
358 uvellement. C’est assez dire que le fédéralisme n’ est pas une doctrine fixe, ni vraiment un système, et encore moins un pla
359 niques éprouvées, sans secrets du métier, mais il serait vain d’en faire un traité théorique. Plutôt que d’essayer de les dédu
360 États-Unis et la Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’une manière empirique, tout se passe comme si les hommes d’É
361 européens — selon laquelle une fédération ne peut être que l’œuvre d’un tout-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’e
362 out-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’ est confirmée par rien dans notre histoire, et tout la réfute en pratique
363 ent pas à sa défaite. L’hégémonie ni sa menace ne sont principes fédérateurs, même négatifs. Mais qu’un État ou une coalitio
364 a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se sont ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fé
365 leurs tentatives pour faire l’unité de l’Europe, sont des avertissements utiles. Ils nous confirment dans l’idée qu’on ne p
366 ur les minorités, destructeurs des diversités qui sont la condition de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédé
367 anique. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’ est pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’un centre
368 mposer ces réalités concrètes et hétéroclites que sont les nations, les régions économiques, les unités culturelles, religie
369 èguent le même nombre de représentants quelle que soit leur population. Mais le jeu des minorités raciales et religieuses qu
370 hesse de l’Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’unifier le continent, de tout y mélanger, e
371 ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
372 oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centrali
373 ification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Prenons u
374 analogue, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, o
375 nner de concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas une simple question de tolérance, vertu négative et qui naît le p
376 e et qui naît d’une juste ambition. Chaque nation serait mise au défi de donner le meilleur d’elle-même à sa manière et selon
377 rer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’ être un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et, dans cette mesu
378 qu’on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’ être aussi poumon que possible, et, dans cette mesure même, il aidera le c
379 , et, dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Cinquième principe. Le fédéralisme repose sur l’amour d
380 elles, psychologiques, et même économiques, telle est la santé du régime fédéraliste. Et ses pires ennemis sont ceux dont J
381 santé du régime fédéraliste. Et ses pires ennemis sont ceux dont Jacob Burckhardt annonçait la venue dès 1880, dans une lett
382 e de tant de lenteurs et d’excessives prudences — est la condition même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctio
383 bertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder u
384 sont rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les réalités humaines et n
385 éalités humaines et naturelles du pays. La Suisse est formée d’une multitude de groupes et d’organismes politiques, adminis
386 qui se recoupent de cent manières différentes. Il est clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitair
387 sonne même de ceux qui s’y rattachent. Certes, il est plus facile de décréter sur table rase, de simplifier les réalités d’
388 hit, on s’aperçoit que la politique fédéraliste n’ est rien d’autre que la politique par excellence, c’est-à-dire l’art d’or
389 es citoyens. Tandis que les méthodes totalitaires sont antipolitiques par définition, puisqu’elles consistent simplement à s
390 est une parenté culturelle qui s’affirme. Ici, ce sont deux églises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, e
391 voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là ce sont des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes,
392 des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu des rése
393 variés d’échanges européens. Rien de tout cela n’ est inutile. Et tout cela qui paraît si dispersé, si peu efficace souvent
394 des gouvernements, l’Europe des réalités humaines est beaucoup plus près de s’organiser qu’il ne le semble. Elle est déjà b
395 plus près de s’organiser qu’il ne le semble. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’elle ne le croit. C’est sur l
396 is réaliser une union viable. Leurs dirigeants ne sont pas qualifiés pour arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’il ser
397 ur arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’un match les capitaines des
398 nt bien ce qu’avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce qu’a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. L
399 che de vivre. La fédération européenne ne saurait être l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nati
400 e leur nation contre le reste du monde, mais peut être l’œuvre de groupes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fé
401 e d’autre voie possible ou praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée de gouverneurs des cinquante États, ni
402 uisse par les délégués des vingt-deux cantons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leur
403 ons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exéc
404 à deux reprises, ni les Soviets nous pressant à l’ Est et nous minant à l’intérieur par les partis qu’ils commandaient chez
405 rces de défense. Aux yeux de l’histoire, la cause est entendue. Et quant aux entreprises impérialistes des Européens — les
406 périalistes des Européens — les colonies —, elles sont restées le fait des États en concurrence nationaliste : elles n’ont c
407 omme toutes les grandes idées, l’idée fédéraliste est simple, mais non pas simple à définir en quelques mots, en une formul
408 r en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que s
409 alectique, cette bipolarité, comme on voudra, qui est le battement même du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier serai
410 ême du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier serait se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, qu
411 ent. En effet, les mots fédération et fédéralisme sont compris de deux manières très différentes par les Suisses alémaniques
412 ontraire, ceux qui se proclament « fédéralistes » sont en réalité les défenseurs jaloux de l’autonomie des cantons contre la
413 édérer veut dire surtout s’unir. Pour les autres, être fédéraliste veut dire surtout : rester libre chez soi. Or les uns et
414 vue de leur renforcement mutuel. Ce dernier point est parfaitement exprimé par la devise paradoxale ou « dialectique » dans
415 pporter à chaque région et à chaque personne. Il est infiniment probable que, sur le plan européen, nous allons voir se de
416 er aux deux partis que le fédéralisme véritable n’ est ni dans l’une ni dans l’autre de ces tendances, mais bien dans leur c
417 stence, ce dialogue, cette tension ne doivent pas être imaginés sous la forme négative d’une tolérance mutuelle, d’une neutr
418 uelque part à mi-chemin entre les buts visés, qui sont l’établissement de l’union générale et le respect des droits particul
419 dres, à chaque niveau, de cas en cas, ce qui doit être carrément centralisé pour bien fonctionner, et ce qui doit rester ple
420 celui des transports, et celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’
421 aviation4, la fonction même de ces moyens coûteux étant de dépasser les cadres physiques dans lesquels s’exercent les autonom
422 tonomies locales ou régionales. D’autre part il n’ est pas moins évident que l’ensemble fédéral européen bénéficiera de la v
423 se). Les éléments fondamentaux de culture commune étant par ailleurs assez forts pour assurer spontanément la cohésion de l’e
424 interventions fédérales. (Le cas de la recherche est très différent : dès que ses besoins dépassent les moyens dont dispos
425 aines publics, il apparaîtra normal ou nécessaire soit de déléguer aux membres de la fédération l’administration locale d’ac
426 régime fiscal, entretien des routes, par exemple) soit d’admettre l’existence parallèle de services fédéraux et de services
427 s États ou régions, des groupes et des individus. Étant bien entendu que les frontières entre le secteur centralisé et le sec
428 le secteur centralisé et le secteur libre doivent être constamment réajustées en vertu de la formule suivante : lorsque les
429 deviennent des phénomènes d’ampleur publique, il est normal qu’un pouvoir central prenne la charge de les organiser, ratio
430 de la zone conquise, qui, ainsi colonisée, permet soit de se lancer vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d
431 vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d’accroître les possibilités de libération personnelle de l’homme.5
432 r technique, ont popularisé l’idée que la machine était en passe d’asservir l’homme. Étrange démission de l’esprit devant ses
433 e l’esprit devant ses propres inventions ! Car il est clair que la machine a été inventée par les Européens pour les libére
434 es inventions ! Car il est clair que la machine a été inventée par les Européens pour les libérer du travail qui pouvait êt
435 Européens pour les libérer du travail qui pouvait être fait par elle ; et s’ils ne savent mettre à profit les libertés ainsi
436 les et sociales, c’est leur esprit d’abord qui en est le vrai responsable. Le mécanisme quel qu’il soit — de la machine-out
437 est le vrai responsable. Le mécanisme quel qu’il soit — de la machine-outil à l’État, du plan de travail d’un écrivain au p
438 privées aux règlements collectifs et aux lois — n’ est en fin de compte, comme à l’origine, qu’un auxiliaire de la vie créat
439 réatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même, il serait néfaste et faux de considérer la centralisation, l’organisation, les
440 ssi de se dégager de ses « fatalités » natives… N’ est -ce point là ce que l’homme européen, depuis des siècles, appelle sa l
441 rme au diversifié, le collectif au personnel, tel est le secret de cette méthode, de cette « fonction dichotomique », par d
442 monde n’existait pas : j’ai dit plus haut que ce sont , à la racine, les maladies de la personne elle-même. Car la personne
443 aladies de la personne elle-même. Car la personne sera toujours tentée soit de céder à la pesanteur naturelle, aux routines,
444 e elle-même. Car la personne sera toujours tentée soit de céder à la pesanteur naturelle, aux routines, aux machines qu’elle
445 r naturelle, aux routines, aux machines qu’elle s’ est construites mais qu’elle accuse ensuite de l’asservir, cette mauvaise
446 ise foi trahissant à vrai dire un manque de foi ; soit de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle volerait beaucoup mi
447 ue… ⁂ IV. Passage des buts aux moyens Quels sont alors les buts que l’homme européen peut et doit projeter au plan de
448 articulière, à leur degré de réalité et d’action, soit dans la vie privée (qui relève de la métaphysique), soit dans la vie
449 ns la vie privée (qui relève de la métaphysique), soit dans la vie du groupe ou de la cité (qui relève de l’éthique), soit d
450 u groupe ou de la cité (qui relève de l’éthique), soit dans les relations intercollectives (qui relèvent de la politique).
451 r une Voix à l’ensemble historique et culturel qu’ est l’Europe. Tout le problème est d’ordonner, subordonner, articuler ces
452 que et culturel qu’est l’Europe. Tout le problème est d’ordonner, subordonner, articuler ces moyens collectifs à ces buts p
453 ter que les indépendances personnelles et locales soient dissoutes dans un réseau toujours plus serré d’interdépendances mécan
454 utre part, vis-à-vis de l’extérieur, d’éviter que soit reportée aux frontières de l’union la somme des tendances autarciques
455 x passions populaires et aux experts), mais je la tiens pour moins difficile que celles qu’on demande, par exemple, aux const
456 qui trouvait le Marché commun trop technique pour être sérieux. Philosophie des buts et science de leurs moyens doivent déte
457 cidentale. La nécessité d’une union de l’Europe n’ étant pas ici discutée mais admise, il faut chercher à voir maintenant quel
458 aintenant quelles formes d’organisation politique seront capables de satisfaire aux doubles exigences que l’on vient d’énoncer
459 -Unis, la Russie soviétique ou la Chine, l’Europe est tellement plus variée qu’elle est en fait, si on la traverse, infinim
460 Chine, l’Europe est tellement plus variée qu’elle est en fait, si on la traverse, infiniment plus riche en expériences à vi
461 ation européenne circulent du nord au sud et de l’ est à l’ouest sans passeports ni visas, sans visites de douanes, sans emb
462 es milliards d’heures de vie active ou de loisirs sont ainsi gagnées chaque année, par des millions d’Européens en déplaceme
463 en déplacement professionnel ou en vacances. Ils sont chez eux partout, du Cap Nord à Stamboul, comme c’était le cas naguèr
464 r avenir. Leur horizon, leur projet d’existence n’ est plus borné par les frontières rigides de leur nation, moyenne ou peti
465 le veut, sur tout le territoire de la fédération, soit pour y travailler, soit pour y vivre à sa manière. (Les seules restri
466 ritoire de la fédération, soit pour y travailler, soit pour y vivre à sa manière. (Les seules restrictions occasionnelles à
467 e 400 millions de producteurs et de consommateurs est de loin le plus riche et le plus varié du monde. L’Europe a donc cess
468 e sentir écrasée entre les « deux grands » : elle est plus « grande » que chacun d’eux, et presque autant que les deux addi
469 itionnés. Mais cette grande liberté cosmopolite n’ est pas payée au prix d’un déracinement général ; ces ouvertures plus vas
470 ouvertures plus vastes à l’esprit d’aventure, qui sera toujours le fait d’une minorité, n’empêchent nullement ceux qui préfè
471 ses droits civiques. Le droit à une patrie locale est garanti par la Constitution fédérale, et surveillé par la Cour fédéra
472 es droits civiques et sociaux. Il y vote, et il y est éligible après un certain délai, qui varie selon qu’il s’agit d’emplo
473 munautés constituées, régions associées ou États, sont responsables vis-à-vis de leurs citoyens de maintenir et développer l
474 libertés de culte, d’expression et d’association sont expressément garanties ; l’État, ou la majorité dans une région, ne p
475 ifie que les citoyens d’un de nos petits États ne sont plus à la merci de la politique d’un de nos grands États, les entraîn
476 Les institutions européennes ont pour raison d’ être et principe formateur d’exprimer et de garantir les libertés fondamen
477 e l’organisation politique de l’Europe ne saurait être l’État-nation unifié, ni un système d’alliances bi- ou multilatérales
478 atteinte au droit fondamental des communautés qui est , d’une part, d’être déchargées des tâches d’organisation (ou « mécani
479 ondamental des communautés qui est, d’une part, d’ être déchargées des tâches d’organisation (ou « mécaniques ») outrepassant
480 bres, et de quelques États associés (bordure de l’ Est ). La souveraineté des membres est garantie par la Constitution fédéra
481 s (bordure de l’Est). La souveraineté des membres est garantie par la Constitution fédérale, nonobstant la mise en commun d
482 rs de leurs fonctions principales. Elle se trouve être , de la sorte, au moins aussi réelle que dans l’ancien régime, quoiqu’
483 u’expressément limitée. Mais ces États souverains sont en pleine évolution vers des groupements de leurs régions, qui parfoi
484 corps et les organes. Le problème le plus épineux est celui de la souveraineté : faut-il exiger des États qu’ils y renoncen
485 jamais à une fédération ? Ainsi posé, le problème est insoluble. D’une part nos grands États prennent prétexte de leur souv
486 ait attendre une nuit du 4 août des États : ce ne sont pas des personnes libres et responsables, et il est tout à fait incon
487 t pas des personnes libres et responsables, et il est tout à fait inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’un entho
488 ous le coup d’un enthousiasme collectif. « L’État est le plus froid des monstres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’
489 tres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’il est vain de fonder l’espoir d’une construction européenne sur un geste qu
490 ion européenne sur un geste qu’aucun grand État n’ est en mesure de faire, il est sans doute dangereux de s’épuiser à combat
491 qu’aucun grand État n’est en mesure de faire, il est sans doute dangereux de s’épuiser à combattre des souverainetés en gr
492 la Confédération suisse. Article 3. — Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Con
493 s sont souverains en tant que leur souveraineté n’ est pas limitée par la Constitution fédérale, et comme tels, ils exercent
494 t comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération garan
495 ale depuis cent-quinze ans. On peut les qualifier soit d’habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament
496 s. On peut les qualifier soit d’habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinai
497 ragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’ est pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourt
498 embres ! Souveraineté fictive, dira-t-on ? Elle l’ est certes en partie ; pas davantage toutefois que celle de nos États con
499 anime des peuples et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des
500 s et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’ être le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des grands ou petits
501 arés ; ces attributs de la souveraineté classique sont reportés au niveau fédéral, et la fédération, de plus, a renoncé au d
502 de prendre parti dans leurs querelles. Mais qu’en est -il de ces voisins et de leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Su
503 d et quand on le veut. En fait, ces deux États se sont vus brutalement mis en demeure par deux autres puissances de cesser l
504 ont immédiatement obtempéré. Or, ces puissances n’ étaient pas même européennes, et sans l’appui de l’une aucun pays d’Europe ne
505 se défendre contre l’autre. Aucun pays d’Europe n’ est donc vraiment souverain au sens classique ; mais il y a plus : aucun
506 in au sens classique ; mais il y a plus : aucun n’ est autonome et ne pourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le ser
507 a plus : aucun n’est autonome et ne pourra plus l’ être tant que l’Europe entière ne le sera pas. Leur souveraineté relative,
508 ourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le sera pas. Leur souveraineté relative, pour autant qu’elle subsiste, n’est
509 raineté relative, pour autant qu’elle subsiste, n’ est en rien garantie (ni d’ailleurs menacée) par leurs voisins et frères,
510 en inquiètent, aux environs de 1963 : c’est qu’il est plus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même sans préc
511 lus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même sans précédent dans l’ère moderne. Voici comment on peut l’imagi
512 continent et aux îles britanniques le régime qui est en train de s’instaurer entre les Six (effacement des frontières écon
513 libérés. D’autant plus les frontières nationales seront dévalorisées — réduites à d’invisibles limites administratives et d’é
514 é ou de force par une frontière « nationale », se sont trouvées amalgamées à des États de traditions bien différentes8. ⁂ Re
515 de 1980. On y assiste à des regroupements qui ne tiennent plus compte des frontières nationales et modifient profondément le ré
516 onctures historiques dépassées, l’Europe fédérale est en train de devenir une constellation de foyers, ou de « métropoles »
517 tellation de foyers, ou de « métropoles », qui ne sont plus définis par leur contour, mais par leur force de rayonnement. L
518 n des pouvoirs entre la fédération et ses membres sont l’expression directe des principes énoncés plus haut, et s’en déduise
519 nsulats chargés d’entretenir les relations qui ne sont pas du ressort fédéral. (Relations économiques et commerciales, dans
520 ersitaires, voyages, etc.) La défense de l’Europe est assurée par des forces armées aux ordres du pouvoir fédéral, qui ne p
521 ue la communauté politique (État ou région) où il est né ; et enfin le libre jeu dans la fédération d’innombrables tensions
522 ressive. Un tel ensemble de diversités ne saurait être impérialiste. (Rappelons que les anciens empires coloniaux avaient ét
523 ppelons que les anciens empires coloniaux avaient été créés par les États nationalistes en compétition brutale, et que leur
524 à l’extérieur. Quant à savoir si l’Europe fédérée est elle-même neutre, la question se ramène à celle des alliances qu’elle
525 tion se ramène à celle des alliances qu’elle peut être amenée à conclure avec d’autres États ou fédérations. Si elle accepte
526 tution ainsi étendu à l’alliance ; mais elle peut être entraînée dans une guerre qu’un tiers parti ferait à l’allié, comme s
527 e économique, les attributions du pouvoir fédéral sont déterminées en fonction de la méthode dichotomique définie plus haut.
528 s le domaine culturel, les attributions fédérales sont définies, à l’intérieur par l’ampleur des investissements requis, à l
529 arctique (recherches spatiales), dès 1963, en ont été les deux premières illustrations. D’autre part, les problèmes fondame
530 e l’enseignement (voir plus loin) cette politique est représentée dans le monde par des Relations culturelles européennes,
531 ution, dans la mesure où ces droits et devoirs ne sont pas délégués à la fédération. C’est en matière d’éducation et de cult
532 visibles », certaines conditions de développement étant satisfaites, et sous réserve d’une approbation fédérale, régions et m
533 nue. Les affaires de la compétence de l’Assemblée sont toutes celles qui relèvent expressément de la fédération : législatio
534 la Cour de justice. Les lois fédérales ne peuvent être rendues qu’avec l’accord des deux chambres. En cas de différend irréd
535 e différend irréductible, un référendum populaire est requis. Exécutives : Un complexe de traditions, confessions et langu
536 ées que celles qui existent en Europe, ne saurait être gouverné que par un Collège où s’équilibrent les diversités en évolut
537 ollégialement les affaires fédérales. Ses membres sont élus pour trois ans par l’Assemblée européenne et sont rééligibles. O
538 élus pour trois ans par l’Assemblée européenne et sont rééligibles. On ne peut choisir plus d’un membre dans le même pays. S
539 plus d’un membre dans le même pays. Son président est élu par l’Assemblée. Il porte le titre de président de la fédération
540 ent de la fédération d’Europe. Le Conseil fédéral est assisté de commissions exécutives spécialisées. Ainsi, le ministre de
541 êtés élaborés par ces commissions ministérielles, sont présentés par le Conseil fédéral et soumis au vote de l’Assemblée (év
542 s que le Conseil fédéral ou le ministre intéressé soient pour autant renversés. Judiciaires : Une Cour ou Tribunal fédéral ad
543 cernant la fédération, et d’autres causes qui lui sont soumises par accord des parties, quand le litige atteint le degré d’i
544 Les mêmes raisons qui veulent que la fédération soit gouvernée par un Collège, et non par un seul homme, veulent que son c
545 non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capitale, mais un District fédéral. La fédération n’étant pas
546 pitale, mais un District fédéral. La fédération n’ étant pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très long
547 tés que l’on sait, le District fédéral ne saurait être , lui non plus, une création « synthétique » édifiée sur un terrain va
548 , dans l’Europe de 1980. Le District fédéral doit être situé au centre du Continent ; il doit être facile à défendre, en tem
549 doit être situé au centre du Continent ; il doit être facile à défendre, en temps de troubles, mais d’accès facile en temps
550 mais d’accès facile en temps de paix ; il ne peut être qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible de traditi
551 s villes principales, Zurich, Bâle, Genève. Elles sont placées sous la protection de l’armée suisse. Des dispositions spécia
552 n fédéraliste de nos problèmes. 1. Le fédéralisme est une forme de pensée politique spécifiquement européenne qui prend ses
553 s les plus avancées. D’autre part, le fédéralisme est une méthode d’organisation politique qui a fait ses preuves notamment
554 uves notamment en Suisse et aux États-Unis et qui est pratiquée aujourd’hui dans les processus de décision des Communautés
555 solutions fédéralistes. 2. Le régime fédéraliste est au moins théoriquement adopté par les constitutions d’un nombre crois
556 favorables aux solutions fédéralistes. Celles-ci sont d’ailleurs homologues des solutions œcuméniques au plan confessionnel
557 eul un Pouvoir fortement centralisé et très riche serait en mesure d’user et d’abuser), pousse également à concevoir la nécess
558 cette réaction de défense de la personne, on peut tenir pour certain qu’elle jouera, elle aussi — si peu que ce soit — en fav
559 ertain qu’elle jouera, elle aussi — si peu que ce soit — en faveur d’un régime fédéraliste. 5. La résistance des esprits « 
560 sur des solutions praticables, qui se trouveront être fédéralistes par nécessité, sinon par choix délibéré des deux partis.
561 . Le régime des souverainetés nationales absolues est manifestement dépassé, aux yeux des jeunes. La nécessité et les prome
562 écessité et les promesses d’une union de l’Europe sont admises par plus de 80 % des Européens, quoique d’une manière vague e
563 à l’enthousiasme. 8. L’existence du Marché commun est un facteur irréversible dans l’évolution vers l’union. Les polémiques
564 problèmes deviennent chaque année plus concrets, soit qu’ils se posent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent des pas
565 rets, soit qu’ils se posent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent des passions partisanes ou nationales. « Fédérer le
566 . « Fédérer les Européens » cesse pour beaucoup d’ être une expression vague désignant simplement le besoin d’une « union plu
567 talyseur : une vision non utopique de ce que peut être l’Europe fédérée. ⁂ VII. La vraie « relance » de l’Europe Pour
568 par deux séries de déductions inévitables, et qui sont au surplus convergentes. L’une a pour point de départ la définition d
569 our les traditions valables du tiers-monde que ne fut jamais notre colonialisme ; nécessité, à cet égard, d’une politique c
570 sion du But possible et nécessaire. Si l’Europe n’ est pas encore faite, ce n’est pas que ces obstacles soient bien forts —
571 essaire. Si l’Europe n’est pas encore faite, ce n’ est pas que ces obstacles soient bien forts — ils n’ont guère plus de con
572 pas encore faite, ce n’est pas que ces obstacles soient bien forts — ils n’ont guère plus de consistance que les ténèbres — m
573 nous la montre ! » Ces discussions préliminaires sont vaines. On ne réfute pas l’obscurité, et rien ne sert de maudire la n
574 , comme dit le proverbe chinois. Éclairer le But est donc la première tâche de ceux qui veulent se mettre en marche. Inven
575 ettre en marche. Inventer des chemins vers le But est la seconde tâche, indispensable, mais que la claire vision du But ren
576 le coût de l’opération. Ils concluent que rien n’ est possible dans l’état actuel des choses. Et leur déni traduit exacteme
577 oi, dans le domaine qui nous occupe, la prévision est une action. Bien voir le But, se concentrer sur lui, dégage et mobili
578 l, avec un projecteur de fortune. Des reliefs ont été laissés dans l’ombre, des détails ont pris trop d’importance. Mon reg
579 rop souvent n’a vu que ce qu’il cherchait, ce qui était dans mon esprit et non dans la réalité. Cet essai n’a donc d’autre am
580 raît la seule immédiatement réalisable. Elle peut être la plus efficace, à long terme. 2. Extrait de « L’attitude fédéral
581 prises mixtes ou même privées. Les chemins de fer sont fédéraux en Suisse, privés aux USA, où ils sont d’ailleurs en pleine
582 r sont fédéraux en Suisse, privés aux USA, où ils sont d’ailleurs en pleine crise. L’aviation appartient encore au secteur p
7 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
583 e couple ? (25 octobre 1963)g h Jamais on ne s’ est autant marié en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes) et jama
584 ne crise du mariage ? Naturellement. Seulement il serait faux d’y voir un mal du siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, q
585 u siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, que seraient toutes nos littératures ? Elle ne fait pas simplement la fortune du c
586 ant de l’amour hors-la-loi. La crise du mariage n’ est donc pas un phénomène de l’ère atomique. Le nombre des divorces a qua
587 se a des causes nombreuses et complexes. Les unes sont liées au progrès et à l’évolution de la psychologie moderne. L’émanci
588 a vie professionnelle, sa revendication d’égalité sont naturellement un premier facteur important. La vulgarisation des conn
589 vulgarisation des connaissances psychologiques en est un autre : chacun maintenant connaît, au moins sommairement, l’existe
590 lle et séculaire : c’est que tous les adolescents sont élevés dans l’idée du mariage (normal, souhaitable, presque inévitabl
591 aignés dans une atmosphère romantique, la passion étant l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour connaître, et qu’il ap
592 appelle secrètement. Pourquoi mariage et passion sont -ils incompatibles ? Parce que le mariage c’est la coexistence pacifiq
593 sur dix c’est donc l’adultère. Cet amour-passion est sans doute aussi vieux que le monde, au moins aussi vieux que le mari
594 our-passion, cette conception de l’amour qui nous est si familière que nous nous figurons qu’elle a toujours existé a, en f
595 endant des siècles, les relations entre les sexes sont restées du domaine de la nature ou de la moralité sociale ou religieu
596 euse. Toute espèce de romantisme ou de ferveur en était exclue et le mariage était alors très brutal : c’était deux domaines,
597 tisme ou de ferveur en était exclue et le mariage était alors très brutal : c’était deux domaines, ou deux lopins de terre qu
598 qu’on mettait ensemble. C’est au xiie siècle qu’ est né l’amour moderne : c’est la « cortezia », l’amour courtois chanté p
599 , l’amour courtois chanté par les troubadours. Ce sont eux qui ont apporté le langage nécessaire aux aspirations de l’âme mé
600 fois, l’homme devient le servant de la femme qui est élevée au-dessus de lui, de la Dame. Pour la première fois, l’amour m
601 emière fois, l’amour malheureux (mais réciproque) est exalté et aussi la chasteté incompatible avec le mariage (qui n’est a
602 i la chasteté incompatible avec le mariage (qui n’ est alors que l’union des corps et des biens). Pour la première fois, l’a
603 ment dans les cours et les châteaux du Midi (Albi fut la grande capitale du catharisme, dit aussi hérésie albigeoise) où ju
604 dère que l’âme, partie de l’homme créée par Dieu, est emprisonnée dans le corps, partie de l’homme créée par le diable. D’o
605 de toutes relations érotiques, mais de celles qui sont procréatrices et qui auraient pour effet de faire tomber une âme de p
606 me de plus dans un corps vil. La chasteté absolue étant trop difficile, les cathares se bornaient à médire du mariage et à lo
607 ! Les troubadours les imitèrent. L’amour courtois étant né d’une hérésie et d’une rhétorique toutes deux orientales, pourquoi
608 tes deux orientales, pourquoi cette forme d’amour est -elle totalement inconnue dans les pays orientaux, pourquoi n’a-t-elle
609 tan aurait pu garder Iseut aux cheveux d’or qu’il est allé conquérir pour son roi : les mœurs du temps sanctionnaient le dr
610 ême Iseut aux blanches mains. Le roman de Tristan est en somme une longue suite de séparations et de revoirs successifs des
611 ccessifs des amants. Or les causes de séparations sont aussi souvent inventées par Tristan qu’imposées par l’extérieur. Ce r
612 ssible, c’est le mythe européen de l’adultère. Qu’ est -ce qu’un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résu
613 : la société courtoise du xiie siècle. Ce groupe est dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres. P
614 e est dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres. Profanées et reniées par nos codes officiels, elle
615 ofanées et reniées par nos codes officiels, elles sont devenues d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir
616 e ? C’est que finalement notre crise du mariage n’ est rien de moins que le conflit de ce mythe et de la morale chrétienne,
617 odoxie, qui ne s’appuie plus sur une foi vivante, est devenue la « morale bourgeoise », et le mythe issu d’une hérésie spir
618 timental et de la pièce de boulevard (le roi Marc est devenu le cocu, Tristan, le jeune premier, Iseut, l’épouse insatisfai
619 que jour, c’est donc sur les débris d’un mythe qu’ est édifié notre moderne mariage d’amour ? Exactement. Or, si l’amour rom
620 nesque triomphe d’une quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presque toujours : c’est la durée. Et
621 ériodiquement un nouveau type de femme « idéale » est proposé à l’admiration des foules, disqualifiant automatiquement l’ép
622 ncontre cette femme, il reconnaît son Iseut. Elle est mariée, naturellement. Qu’elle divorce, il l’épouse ! Avec elle, ce s
623 ent. Qu’elle divorce, il l’épouse ! Avec elle, ce sera la vraie vie, l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi. Mais
624 ’est toujours l’étrangère, c’est la femme dont on est séparé : on la perd en la possédant. Alors commence une « passion » n
625 non plus chez l’autre seulement — la coquetterie est alors un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit
626 un peu simple — mais on en vient à désirer que l’ être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « re
627 mple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressentir »
628 n qu’on subit mais sur une décision qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un
629 mais sur une décision qu’on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un acte. Mais a
630 on, il existe certaines chances de réussite qu’il serait stupide de ne pas mettre de son côté : buts communs, rythmes de vie,
631 pour toute la vie, finalement c’est parier. Et il serait beaucoup plus conforme à l’essence du mariage d’enseigner aux jeunes
632 es suites heureuses ou non. La fidélité, alors, n’ est plus une espèce de conservatisme, de conformisme, c’est un parti pris
633 exorbitante. Que peut-on en attendre ? Son but n’ est pas le bonheur, c’est la volonté de faire une œuvre. Dans la plus hum
634 oduit une chance de faire œuvre, le couple devant être considéré comme une œuvre qu’on construit à deux et dont on tâche de
635 de faire une œuvre d’art. Cette fidélité-là, ce n’ est pas seulement de ne pas tromper (ce qui serait une preuve d’indigence
636 ce n’est pas seulement de ne pas tromper (ce qui serait une preuve d’indigence et non d’amour). C’est vouloir le bien de l’au
637 tan et d’Iseut, et la passion, c’est l’angoisse d’ être deux. L’amour dans le mariage c’est alors la fin de l’angoisse, c’est
638 e, c’est l’acceptation de l’autre : une vie qui m’ est alliée pour toute la vie, qui veut mon bien autant que le sien parce
639 e mythe de Tristan, origine de tous nos malheurs, soit définitivement balayé des consciences occidentales, et la crise du ma
640 la crise du mariage se dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la passion est l’ennemie jurée du mariage mais c’est elle au
641 dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la passion est l’ennemie jurée du mariage mais c’est elle aussi qui le défie, l’anim
642 sion c’est le secret du mariage vivant. Mon but n’ est pas de condamner la passion, mais de définir certaines options morale
643 re ses risques ! Condamner la passion en principe serait d’abord bien naïf, puisque la passion est une décision fondamentale,
644 cipe serait d’abord bien naïf, puisque la passion est une décision fondamentale, comme le mariage, et non pas une erreur, m
645 comme le mariage, et non pas une erreur, mais ce serait aussi vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. Qu
646 ée, hygiénisée, bref vers l’Ennui collectif. Nous serions en quel­que sorte — nous autres hommes et femmes d’aujourd’hui — les
647 nnui ne recrée alors la soif de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et qu’il n’appelle alors un autre xiie siècle de
648 pelle alors un autre xiie siècle de l’amour… qui sera peut-être le xxie siècle. g. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’
649 t des problèmes, des déceptions, des inquiétudes… Est -ce inévitable ? Non, affirme Denis de Rougemont dans L’Amour et l’Oc
650 t la pomme de terre — au xiie siècle — elle n’en est pas moins elle aussi une “importation”, non une fatalité. D’où vient-
651 Et enfin, comment réussir son mariage, car rien n’ est perdu pour qui veut comprendre ? Nous avons demandé à Denis de Rougem
652 enis de Rougemont de répondre à ces questions qui sont dans le cœur de toutes les femmes. »
8 1963, Articles divers (1963-1969). Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)
653 l nous lui avons posé quelques questions qui nous tenaient particulièrement à cœur. Lors de votre conférence : « La culture occi
654 ste-t-il actuellement de tels centres ? Nous nous sommes réunis à Genève, il y a trois ans pour discuter de ce problème dans l
655 tre européen de la culture. À cette réunion, il a été décidé de former de tels centres, un peu partout dans le monde. Quelq
656 ntres, un peu partout dans le monde. Quelques-uns sont déjà constitués, notamment celui de Hammamet en Tunisie, pour le Magh
657 ent. Comment fonctionnent ces centres ? Notre but est de grouper les centres existants, ainsi que ceux à créer par la suite
658 e pays ou continent. Notre civilisation technique est de plus en plus orientée vers le machinisme intégral. L’automation me
659 ulture ? Cela dépend de la manière dont nous nous serons préparés. Toute la question est là. Pour l’instant, il faut reconnaît
660 dont nous nous serons préparés. Toute la question est là. Pour l’instant, il faut reconnaître que l’automation pose de gran
661 dans le domaine social, notamment. Mais nous n’en sommes qu’au premier pas, hésitant. Mon attitude est franchement positive, o
662 sommes qu’au premier pas, hésitant. Mon attitude est franchement positive, optimiste. J’envisage l’avenir avec confiance.
663 on permettra de supprimer le prolétariat, l’homme sera plus libre. Évidemment cela n’ira pas tout seul. Il y a tout un trava
664 vail d’éducation à effectuer. Sous ce rapport, il est intéressant de mentionner l’essor remarquable de l’édition dite « de
665 ar exemple, 360 millions de ces petits livres ont été vendus en 1960, ce qui représente une moyenne d’un million par jour !
9 1964, Articles divers (1963-1969). L’idée européenne en Suisse (1964)
666 sur les cartes, ni dans les chartes. Le nom même était inconnu. La Suisse s’est formée peu à peu, du xive au xvie siècle,
667 s chartes. Le nom même était inconnu. La Suisse s’ est formée peu à peu, du xive au xvie siècle, dans le Saint-Empire et p
668 Saint-Empire, de cette première Europe dont elles sont nées, c’est parce que l’Empire lui-même se dénature, se dissout en Ét
669 aix, la prospérité et les libertés de l’Europe ne seront rétablies que par cette union-là. C’est comme « citoyen de Genève » q
670 que ». L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux ne serait nullement unifiée par un despote ou par une idéologie, elle devrait ê
671 par un despote ou par une idéologie, elle devrait être en somme une Europe des cités (ou des communes), formée de très petit
672 (élément type) se révèle, en dernière analyse, n’ être rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffhouso
673 urs divisions persistent, l’avenir appartiendra «  soit à la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la
674 sistent, l’avenir appartiendra « soit à la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle o
675 la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle ouvre des perspectives européennes, soi
676 esure où elle ouvre des perspectives européennes, soit par son action personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos
677 sprits de nos diverses nations se lient d’amitié, soit par des livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation
678 acobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’ est pas seulement l’auteur de l’Esprit de conquête, pamphlet classique co
679 ie un message enflammé (Genève, 1864). Proudhon s’ est peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typo
680 ut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typographe) en écrivant son grand livre posthume, Du Princip
681 d livre posthume, Du Principe fédératif ; mais il est bien certain qu’un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, célèbre pr
682 C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelberg, s’ est inspiré directement de l’expérience fédéraliste suisse en rédigeant s
683 mouvements nationaux, et plus de 100 000 membres, tient son premier congrès à Montreux, en septembre 1947. Cette date peut êt
684 ès à Montreux, en septembre 1947. Cette date peut être considérée comme le point de départ de l’action politique européenne.
685 ontinent à former « une sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich un an plus tôt. Cette idée aussitôt adoptée par les
686 t à la convocation du Congrès de l’Europe, qui se tient à La Haye au mois de mai 1948. De La Haye naît le Mouvement européen,
687 s la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion est donnée, l’opinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le re
688 et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne, au mois de décembre 1949. De la conférence de Lausanne et
689 tre-mer, etc. La première « chaire européenne » a été créée en 1957 par l’Université de Lausanne et un centre de recherches
690 sité de Lausanne et un centre de recherches lui a été adjoint tôt après. Genève a suivi en ouvrant un Institut d’études eur
691 re, sur le thème « L’Europe et le monde » doit se tenir à Bâle (fin septembre 1964) sous le haut patronage du Conseil fédéral
692 idéale, réputée « microcosme de l’Europe », et ce sont quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, pendant c
693 reconnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins « réservées » et que notre peuple l’est
694 pour le moins « réservées » et que notre peuple l’ est peut-être plus encore, s’agissant de l’idée européenne. Le scepticism
695 européenne. Le scepticisme dominait, et comme on tient pour « réaliste » en politique les partis pris de la majorité, le pro
696 comme on appelait à l’époque la CECA : 1° qu’il n’ était pas réalisable, 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de se
697 CECA : 1° qu’il n’était pas réalisable, 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de ses incidences sur nos transports,
698 e d’un train de charbon libre de droits de douane était fixé au lendemain matin… Bien d’autres faits, non moins patents, deva
699 yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE fut accueillie avec méfiance par la presse moyenne de la Suisse allemande
700 arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais été « justifiée », — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il de la
701 ifiée », — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est -il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait, par imp
702 je citais : « Si cela se fait, par impossible, ce sera néfaste pour la Suisse » ? ⁂ Quatre groupes d’arguments sont invoqués
703 e pour la Suisse » ? ⁂ Quatre groupes d’arguments sont invoqués par les partisans de l’abstention. Arguments politiques. — 
704 a Confédération »15. Adhérer à l’union européenne serait contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pou
705 evrait des ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en serait fait du « rôle particulier » qu’elle se réserve d’invoquer plus souve
706 offices lors de la guerre d’Algérie, etc.). Il n’ est donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visant à
707 it à une union supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des
708 déral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des cantons. Le droit d’établissement, la lég
709 avail, le régime fiscal — par exemple — devraient être uniformisés selon des directives « européennes ». Ce serait contraire
710 formisés selon des directives « européennes ». Ce serait contraire à notre Constitution. Ce serait même la fin de notre fédéra
711 s ». Ce serait contraire à notre Constitution. Ce serait même la fin de notre fédéralisme et de la démocratie directe, n’hésit
712 à celle d’un groupe de nations européennes. Elle tient à garder libres ses échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’
713 vantages, bancaires notamment, et son agriculture serait gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas pay
714 gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas payante. Arguments traditionalistes. — Des représentants de
715 . Arguments politiques. — La neutralité suisse a été garantie « dans les intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union
716 érêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union qui est aujourd’hui dans l’intérêt de tous les peuples de l’Europe. Si notre
717 s puissances militaires. La neutralité n’a jamais été qu’un moyen au service de notre indépendance ; « elle ne fait pas par
718 t politique » — pour rester neutres à tout prix — serait « illusoire » (F. Wahlen, président de la Confédération, février 1961
719 a réalité de notre neutralité17. » Cette dernière est devenue en partie fictive. La Suisse doit donc tendre à participer « 
720 indre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Roug
721 érie, l’existence d’une Europe unie eût peut-être été capable, elle, de prévenir ces crises, et elle diminuerait très forte
722 en s’absolutisant jusqu’à devenir tabou — traître est celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Isolée
723 é. Isolée de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’ est plus celle que les Puissances garantirent en 1815. Si elle en vient u
724 t rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce serait vouloir rester neutre entre nos ennemis, et nous-mêmes. On ne voit gu
725 uelles considérations philanthropiques pourraient être opposées sincèrement à cette thèse de simple bon sens. Arguments con
726 à une organisation européenne telle que la CEE ne serait pas incompatible avec la Constitution actuelle. Si, dit-il, la Suisse
727 ts précédent. Arguments économiques. — La Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’est évidemment pas avec le rest
728 Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’ est évidemment pas avec le reste du monde (sans cesse invoqué par les abs
729 le plus, mais avec les Six. Les chiffres globaux sont connus. En mai 1963, par exemple, nos importations proviennent pour 6
730 nos exportations, deux tiers vont à l’Europe. Il est vrai que notre balance commerciale reste déficitaire avec l’Europe (d
731 e avec l’Europe (de 447 millions), tandis qu’elle est bénéficiaire (de 51 millions) avec l’outre-mer. Mais il faut avouer q
732 re moins notre participation à l’AELE ! La Suisse est si peu indépendante de l’Europe que l’immigration de main-d’œuvre eur
733 se fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques, de
734 Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’ est pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une rés
735 et malgré nous. Arguments traditionalistes. — Il est clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pou
736 Il est clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise, en réa
737 se. Mais personne ne la préconise, en réalité. Il est clair, en revanche, qu’une Europe fédérée, donc respectueuse de ses d
738 euls, c’est le plus sûr moyen de les perdre. Il n’ est pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos « 
739 pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il est pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suisses accu
740 7 millions en France, 8 en Allemagne.) Mais ce n’ est pas le Marché commun qui les amène. C’est l’expansion de l’industrie
741 aux destinées de laquelle le délégué du Vorort n’ est pas tout à fait étranger. Si M. Homberger croit vraiment que le mélan
742 mberger croit vraiment que le mélange des peuples est un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en conclure au
743 se, cause directe du « mal » en question, si c’en est un. Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec
744 out par l’effet de la technique, laquelle n’a pas été créée que l’on sache par le mouvement d’union européenne. De nos jour
745 En fait, cette « caractéristique nationale » n’en est plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant de l’ag
746 fficile pour les habitants de nos grandes villes, soit définitivement interrompu pour ceux de la Mégalopolis qui menace de c
747 etour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’ est pas la Suisse de Morgarten, de Marignan, ou du xviiie siècle, ni mêm
748 étexte d’une « indépendance » dont notre peuple n’ est pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant
749 us qu’un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant les termes du débat que l’idée européenne suscite chez nous — et l’on
750 ls savent qu’ils n’ont aucune espèce de chances d’ être écoutés s’ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, d
751 ieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent
752 otre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe au nom de
753 e neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressém
754 diversités et nos intérêts bien compris, et qu’il est dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il était possible de d
755 dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il était possible de dissocier durablement notre salut de celui de l’ensemble
756 ses, et comme État qui entend garder une raison d’ être . Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pa
757 , et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et
758 Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en est bénéficiaire, et pas seulement ce que nous attendons et surtout redou
759 e fédéralisme ! Contrairement à la neutralité, il tient à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous
760 atives pacifiques, je dis bien, dans l’esprit qui est devenu celui de la Suisse moderne, laquelle ne saurait croire à la se
761 non seulement parce que cette solution se trouve être la sienne, mais surtout parce que c’est la meilleure pour l’Europe. O
762 e la propose pas, qui le fera ? Notre fédéralisme est peu connu, ou très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y es
763 s mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y est que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette neutralité, vertu
764 mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’ est pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par ceu
765 que l’Europe et le monde attendent de nous, ce n’ est pas l’exposé lassant des raisons de notre « réserve » devant tout ce
766 fense. Et cela, non seulement parce que l’attaque est toujours la meilleure défense, mais parce que nous avons quelque chos
767 me », au cours de laquelle la neutralité suisse s’ est définie comme état d’esprit. 16. « Indépendance de la Suisse et neut
768 lle précise : « Quant à la neutralité, son rôle a été nul dans la création de la Confédération. » Cela pourrait se discuter
10 1964, Articles divers (1963-1969). Les arts dans la vie en Suisse (1964)
769 (1964)n La plus belle œuvre d’art des Suisses est d’avoir fédéré librement leurs vingt-deux États souverains, si jaloux
770 jaloux de leurs différences — et vraiment il n’en est pas deux qui se ressemblent : l’un catholique et l’autre protestant ;
771 l’un catholique et l’autre protestant ; l’un qui est une ville moderne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle un d
772 s bien distincts ! Et chacun veut rester ce qu’il est , mais ils n’en vivent pas moins en harmonie, égaux en droit dans l’in
773 s à leurs institutions, tous deux bien contents d’ être suisses, ils ne se rencontreront sans doute jamais et n’entendront pa
774 is pu s’agencer et n’aurait pas duré longtemps ne sont pas de celles qui excitent au plus haut point l’esprit de risque et d
775 continentaux. Entre le petit compartiment où ils sont nés et la grande unité européenne, pas de relais national pour leur c
776 t comme Wölfflin. Sans oublier le grand clown que fut Grock. Ce palmarès plus qu’honorable ne suffit pas à définir un style
777 sse, l’indice du Danemark, deuxième sur la liste, étant de 1,43, celui des États-Unis de 0,4, et celui de la Russie puis de l
778 cient de grands avantages culturels, et la Suisse est une grappe de pays minuscules… Mais les trop petites dimensions ont a
779 santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui n’est pas l’esprit de clocher, ni
780 cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui n’ est pas l’esprit de clocher, ni l’abandon à l’uniformité imposée par une
11 1964, Articles divers (1963-1969). De la marche / De l’échec (1964)
781 che / De l’échec (1964)o p De la marche J’ étais alors revenu en Suisse, où je subissais l’entraînement intensif d’une
782 certains des incidents de la vie militaire, qui n’ étaient que routine aux yeux de mes instructeurs, m’apparurent tout chargés d
783 là même impopulaire, du commandant de cette école était faite pour favoriser mes dispositions du moment. Le colonel de P. cac
784 ccentuait, par contraste avec le ton bourru qu’on tient pour énergique dans les casernes, une indépendance d’esprit qui chez
785 ui chez un officier plus jeune n’eût pas manqué d’ être taxée d’insolence ou d’humeur subversive. Je l’admirais autant que je
786 e détestais l’ambiance de la place d’armes, où il était de mise de ne pas aimer ce chef. Un jour, à peine entré dans notre sa
787 de cours, il nous posa cette question simple : Qu’ est -ce que l’énergie ? Et après nous avoir laissé patauger quelques momen
788 qu’il s’agit de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’ était pas une définition, c’était plus grave : nous comprîmes tous que quel
789 e campagne. Paquetage complet. La deuxième marche fut de 70 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’était qu’une prépara
790 de 70 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’ était qu’une préparation pour la « grande course » finale : 150 kilomètres
791 e l’école, la perspective de la « grande course » était un sujet permanent d’irritation et de protestations : « Il nous fera
792 bien sentir chez ses subordonnés. Quels pouvaient être ses motifs ? Il concevait l’armée en général, et celle d’un pays neut
793 tant nécessaires à l’homme complet. Quoi qu’il en soit d’ailleurs de sa philosophie, j’ai toutes raisons de croire qu’en imp
794 ximum que nous pensions pouvoir tirer de nous. Il était de la nature d’un tel projet que ses motifs ne fussent point divulgué
795 it de la nature d’un tel projet que ses motifs ne fussent point divulgués, mais en même temps qu’il nous fût présenté de manièr
796 nt point divulgués, mais en même temps qu’il nous fût présenté de manière à frapper nos imaginations. C’est pourquoi le col
797 the comporte d’effrayant et de contraignant. Nous étions préparés pour quelque chose qui nous paraissait à la fois démesuré, i
798 e de Fribourg, nous savions que la première étape serait de 25 kilomètres, et devait nous porter d’un bond jusqu’au lac Noir.
799 rochers ; l’aube se lèverait sur le Valais, et ce serait la dernière étape, une longue dégringolade de deux-mille mètres à tra
800 apin. « Fatigués ? » — « Non, mon colonel. » Pour être à peu près unanime, la réponse n’en était pas moins sincère. Ces cinq
801 . » Pour être à peu près unanime, la réponse n’en était pas moins sincère. Ces cinq heures de marche sur route nous laissaien
802 pieds après la troisième heure, et les dernières sont dures. Mais si le corps s’est disposé à fournir un effort de trente-t
803 , et les dernières sont dures. Mais si le corps s’ est disposé à fournir un effort de trente-trois heures, les cinq première
804 fort de trente-trois heures, les cinq premières n’ étant qu’une mise en train, ne fatiguent pas. L’organisme, tout simplement,
805 e l’inconscient, du corps et de l’imagination, se sont mises en état d’alerte. Elles ont pris leur régime d’exception. La co
806 r celui qui se bornait à de courtes visées. Elles étaient là, ces forces, à portée de la main mais endormies, laissant vaquer a
807 ’entraînement que nous avions subi au préalable n’ était pour rien dans la facilité avec laquelle nous venions de couvrir une
808 mètres. Mais à son tour, cet entraînement n’avait été reçu et surmonté qu’en vue de la grande course, du but lointain… Aujo
809 ertains objectifs qui, peut-être, parce qu’ils ne sont que vaguement entrevus, semblent alors grands et lointains ? Le corps
810 entira maître et dispensateur, tandis que l’autre était plutôt subie… Comme elle l’était avec bonheur, ce matin-là, avec quel
811 ndis que l’autre était plutôt subie… Comme elle l’ était avec bonheur, ce matin-là, avec quelle plénitude animale ! Nous gravi
812 ées, et de l’alacrité de l’air alpestre. La pente était fort raide, et l’avance très lente, mais l’attrait du sommet qu’on di
813 cupaient constamment nos regards. Notre marche en était comme allégée, réduite à si peu de chose tout au bas du spectacle… No
814 sans but immédiat ou visible. Les buts des hommes sont dans leur tête, ou dans leur cœur. Quand les ombres montant de la val
815 lus, puis le talus devint la nuit, et le monde ne fut plus qu’un chemin où des pierres roulaient sous nos pas, jetant parfo
816 des casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’ être un progrès de but en but, devint une sorte de durée suspendue dans l’
817 de durée suspendue dans l’espace obscur, et qui n’ était plus mesurée que par l’alourdissement des membres. Un vent froid desc
818 dait des Alpes, une pluie fine s’établit. Tout ne fut plus, pendant des heures, qu’automatismes à peine surveillés, rêverie
819 e de la rue principale. Tout dormait. La saison d’ été avait pris fin depuis plusieurs semaines et la saison d’hiver ne s’ou
820 nous par des servantes ensommeillées — il devait être plus de minuit — on nous donna la permission inattendue de nous couch
821 glaciales et qui sentaient le camphre, nous nous sommes affalés, tout équipés. Un camarade m’a réveillé : — Le colonel demand
822 l y a déjà un demi-mètre de neige là-haut. Le col sera donc impraticable dans quelques heures. La course est arrêtée. Bonsoi
823 donc impraticable dans quelques heures. La course est arrêtée. Bonsoir, Messieurs. » De l’échec Je vais éternuer, et
824 répare à soulever une caisse très lourde, et elle est vide. Le savant qui poursuit une longue recherche apprend qu’un collè
825 proches du sommet de l’ascension graduelle vers l’ Être , fait l’expérience du Néant… Dans tous les ordres et à tous les degré
826 s, la déception de l’effort, de l’élan, du désir, est une épreuve plus difficile à surmonter, parfois, que l’obstacle lui-m
827 onter, parfois, que l’obstacle lui-même, si grand soit -il. À la Lenk, cette nuit-là, j’eus un accès de fièvre qui me tint év
828 k, cette nuit-là, j’eus un accès de fièvre qui me tint éveillé jusqu’au matin. Les énergies alertées dans mon corps par l’ap
829 ée que pour y renoncer dans le moment où l’élan s’ est déjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’une
830 éjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’ est encore qu’une moitié de l’art de vivre. Mais apprendre à ne pas réuss
831 réel où nous vivons, dans le temps bref qui nous est imparti, dans les limitations de toute nature confrontant l’esprit et
832 urée même de l’Histoire. Et malheur à celui qui n’ est pas prêt à tirer son bien de ce mal ! Malheur à celui qui exigerait d
833 repris qu’en espoir ! Il avouerait que son espoir était trop court. o. Rougemont Denis de, « De la marche ; De l’échec »,
12 1964, Articles divers (1963-1969). Le sentier perdu (1964)
834 ’humanité disparaît de la peinture de Nora Auric. Est -ce qu’il y a trop de gens sur la terre ? On le penserait devant ces t
835 ra Auric a ceci de particulier qu’on ne sait s’il est vu de sous l’eau ou d’un nuage : ce seraient à peu près les mêmes rap
836 sait s’il est vu de sous l’eau ou d’un nuage : ce seraient à peu près les mêmes rapports de lumières diffuses et d’ombres, avec
837 auques, hauteurs baignées de vapeurs denses. Ce n’ est pas un monde inhumain, car il est féminin, sans aucun doute possible.
838 rs denses. Ce n’est pas un monde inhumain, car il est féminin, sans aucun doute possible. Ne fût-ce que par ces roses un pe
839 car il est féminin, sans aucun doute possible. Ne fût -ce que par ces roses un peu gris que je me rappelle, qui s’exagèrent
840 e par un éclair irrégulier. Rien de gratuit, tout est lisible et composé, comme un paysage qu’on reconnaît sans l’avoir jam
13 1965, Articles divers (1963-1969). La technique, facteur de paix (6 mars 1965)
841 hnique, facteur de paix (6 mars 1965)q r Je ne suis pas un technicien, ni au sens étroit du terme, sujet de récentes cont
842 , symboliquement, que l’éclairage à l’électricité étant donné, je m’interroge sur ses avantages et ses défauts par rapport au
843 l’électricité et de la lumière : j’ignore si elle est ondulatoire ou corpusculaire, ou les deux à la fois, mais je sais que
844 e moderne — mettons depuis le xviie siècle — ait été la création de l’Europe seule — et, par la suite, de ses filiales amé
845 ifie l’effort technique des Européens, et quelles sont ses racines profondes dans la psyché occidentale ? J’ai tenté de répo
846 ulé L’Aventure occidentale de l’homme , et je me suis vu amené à établir une chaîne continue sinon de causes et d’effets, d
847 mbe atomique. Voilà qui peut surprendre, mais qui est en somme très simple : la religion prépondérante de l’Europe se fonde
848 ope se fonde sur le dogme de l’Incarnation. Or qu’ est -ce que l’Incarnation, sinon Dieu lui-même, l’Esprit pur, qui choisit
849 bjet des recherches de l’esprit. Corps et matière sont bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une
850 éels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effor
851 ute la création, désormais, paraissent « dignes d’ être contemplés », comme le dira Kepler, bien plus, d’être transformés par
852 contemplés », comme le dira Kepler, bien plus, d’ être transformés par l’homme spirituel et sauvés, ainsi que l’avait déjà d
853 des fils de Dieu, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption… pour avoir part à la lib
854 éracité contrôlée et mesurée. Cette synthèse, qui est l’œuvre du Moyen Âge, dès le xiiie siècle, produit ses effets à part
855 rs approuvé par les ordres monastiques : laborare est orare ; et enfin, la nécessité de survivre dans un petit coin du mond
856 vie spirituelle en Occident ? Et de fait, que ce soit la technique occidentale qui ait favorisé les guerres, ou l’inverse,
857 r des guerres. Le couteau de silex puis le glaive sont les armes du combat singulier entre chefs. L’arquebuse, les machines
858 e point final de la Deuxième Guerre mondiale, qui fut une guerre motorisée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’une
859 me Guerre mondiale, qui fut une guerre motorisée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’une ère de fantastique accélér
860 nt résulté du progrès de la technique, ou si ce n’ est pas plutôt la technique qui a bénéficié des commandes militaires. Ent
861 oyens de s’armer, mais non pas de désarmer. Et il est vrai que les armes nouvelles inventées par les techniciens n’ont guèr
862 e utilité de la bombe H, c’est en somme qu’elle n’ est pas utilisable. Elle se trouve interdire de la sorte, ou limiter rigo
863 ès fortement ni en moi, ni autour de moi, tant il est vrai que l’idée d’un malheur universel et définitif agit peu sur l’im
864 des bâtons, des couteaux. Les bombes atomiques ne seraient guère utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop pr
865 utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop près les uns des autres, et celui qui en lancerait une risquerai
866 l’on constate d’autre part que la menace atomique tient en respect les deux empires occidentaux de l’Est et de l’Ouest, malgr
867 ient en respect les deux empires occidentaux de l’ Est et de l’Ouest, malgré les conflits idéologiques qui semblaient devoir
868 nt devoir les opposer irréductiblement, quels ont été les effets de l’expansion technique dans le reste du monde ? Ici, le
869 u en tout cas inévitable, dans l’ignorance où ils étaient de la simple possibilité d’une vie meilleure ou différente, plus affr
870 ressources dans le même temps : or ces dernières étaient déjà beaucoup trop faibles… Voilà le drame, et la menace plus grave q
871 de guerres planétaires ; non pas demain, car ils sont encore faibles et démunis, mais après-demain, si une grande nation ay
872 eut faire l’Occident, pour éviter ce désastre qui serait bien pire que tout ce que nous faisait redouter la guerre froide au t
873 r de notre superflu pour apaiser la faim du monde sont hélas en pleine utopie. Ils entretiennent notre mauvaise conscience s
874 rrir des dizaines de milliards d’humains, ceux-ci seront obligés de manger debout — selon les prévisions de nos démographes. O
875 ulturel peut seule permettre de la surmonter. (Ce sont là d’énormes problèmes, qu’une conférence prochaine, à Bâle, sur le t
876 aiera de poser clairement, sinon de résoudre.) Je suis donc amené à formuler la thèse suivante : la technique, en principe,
877 la thèse suivante : la technique, en principe, n’ est pas plus un facteur de paix qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux
878 x armées des moyens de faire la guerre, mais ce n’ est pas elle qui cause les guerres, ce sont au contraire les passions, qu
879 mais ce n’est pas elle qui cause les guerres, ce sont au contraire les passions, qui utilisent la technique comme instrumen
880 en 1915.) Mais de cette Première Guerre mondiale sont issus très rapidement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’est p
881 idement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’ est pas la maîtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes et les bre
882 rgie nucléaire, dont les principes et les brevets étaient déposés dès 1939 par l’équipe Joliot-Curie, mais restaient ignorés pa
883 manière la plus précise, du reproche populaire d’ être fauteuse de guerre. Par rapport à la guerre et à la paix, la techniqu
884 rapport à la guerre et à la paix, la technique n’ est pas un facteur indifférent, mais bien ambivalent : pas de guerre poss
885 ci dit, reconnaissons que la guerre bloquée, ce n’ est pas encore la vraie paix. Celle-ci ne peut naître qu’à la faveur d’un
886 peut naître qu’à la faveur d’un équilibre qui ne soit pas celui de la terreur, mais des diverses facultés humaines développ
887 tendance à le croire dans nos élites humanistes, serait -elle un facteur de déshumanisation, qui ne substituerait aux explosio
888 ’équilibre entre l’homme et la Nature, ma réponse est également double. Certes, et je l’ai dit en débutant, le progrès tech
889 ge urbain d’une grande complexité, où la Nature n’ était plus représentée que par des pans de ciel abstrait entre les parois d
890 et même des saisons, les citadins du xxe siècle seraient -ils des monstres, pâles victimes d’une technique qui les enferme dans
891 révoltant ? C’était vrai au xixe siècle et ce l’ est encore en partie pour le prolétariat des villes industrielles. C’est
892 ’avion, se vide à moitié sur les plages pendant l’ été . Et je mets en fait que la jeunesse qui ne parle, dit-on, que de marq
893 chnique enchaîne l’individu ou le libère, si nous sommes en réalité les esclaves de nos machines ou si elles nous servent, et
894 l’Élysée, la bombe nous anéantira… Ces questions sont très populaires, non seulement dans notre presse et chez les publicis
895 le qui consiste à battre la table à laquelle on s’ est heurté. La technique n’est pas une puissance indépendante de l’homme
896 table à laquelle on s’est heurté. La technique n’ est pas une puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner
897 se tourner subitement contre lui. La technique n’ est pas matérialiste, seul l’homme peut l’être, quand il se laisse aller
898 nique n’est pas matérialiste, seul l’homme peut l’ être , quand il se laisse aller à ses instincts abâtardis ou quand il se la
899 propres mécanismes psychologiques. La technique n’ est pas davantage utilitariste, et je dirai plus : dans ses intentions pr
900 ses intentions primitives, dans sa genèse, elle n’ est même pas utilitaire ! L’histoire des grandes inventions, de celle du
901 , de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’ est pas l’histoire de « besoins » qui auraient existé avant elles, c’est
902 ue de la technique, aux premiers âges de l’homme, est aujourd’hui abandonnée au profit d’explications par la magie ou les r
903 ié nos vies — je ne parle pas de nos gadgets — ne sont pas nées pour satisfaire des besoins matériels que personne n’éprouva
904 nt elles, mais c’est généralement l’inverse qui s’ est produit. Personne n’avait besoin d’autos quand il n’y en avait pas en
905 êveurs un peu bizarres. C’est du rêve de voler qu’ est né l’avion, et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née
906 et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’ est née l’auto : vous en trouverez le récit détaillé dans l’autobiographi
907 êveur incurable, bricoleur sans culture ni génie, était obsédé par l’idée de construire une « locomotive routière », comme il
908 ’appelait, c’est-à-dire un véhicule rapide qui ne fût pas astreint à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et ses hora
909 l’on entend les belles âmes soupirer que l’homme est devenu l’esclave de sa voiture, et c’est vrai dans ce sens que l’homm
910 ait plus se passer de cet objet, mais le fautif n’ est pas la voiture, c’est la publicité, la mode, la vie sociale — c’est d
911 chnique. Je voudrais observer au surplus que s’il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors
912 que s’il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, h
913 voque la liberté de l’individu, cette invention n’ était certes pas la mieux adaptée à ses fins, ni la mieux calculée pour rép
914 et quand il faut payer les autoroutes. Si je veux être libre de rêver, c’est justement un train que je vais prendre. Dans mo
915 nt, rien de pareil : tout ce que je peux lire, ce sont des chiffres, des ordres de police routière ; si je mange, ce n’est g
916 des ordres de police routière ; si je mange, ce n’ est guère qu’un sandwich, si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement
917 opositions d’une extrême simplicité. La technique est un instrument qui ne saurait être, en soi, mauvais ou bon. Tantôt rév
918 té. La technique est un instrument qui ne saurait être , en soi, mauvais ou bon. Tantôt révérée comme instance et compétence
919 ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Elle n’ est que le moyen de nos passions et de nos rêves, le moyen de nos vraies
920 chons, et nous nous persuadons que la technique n’ est après tout qu’un ensemble de procédés ingénieux et utilitaires, desti
921 une inexplicable malice des choses, dont nous ne serions pas du tout responsables, elle menace au contraire d’anéantir toute e
922 toute espèce de vie sur la terre. La technique n’ est qu’un instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la pa
923 la terre. La technique n’est qu’un instrument, n’ est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie
924 hnique n’est qu’un instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit d
925 instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de not
926 qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais s
927 soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais surtout, par ses progrès mêmes, p
928 nos options réelles devant la vie. Telle qu’elle est devenue de nos jours, obsédée d’efficacité immédiate et rentable à co
929 l’économie, l’hygiène ou le simple confort, il n’ est peut-être pas d’activité humaine qui paraisse moins métaphysique en s
930 soi que la technique. Mais en même temps, il n’en est pas qui nous contraigne davantage, et avec une urgence plus dramatiqu
931 ger sur le meilleur usage des pouvoirs inouïs qui sont devenus les nôtres. Ainsi, qu’on le veuille ou non, c’est la techniqu
932 de notre vie et de la vraie nature de l’homme. Ne serait -ce pas là, peut-être, son plus grand miracle ? q. Rougemont Denis
14 1965, Articles divers (1963-1969). La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)
933 e image très sincère du pays où l’art du tourisme fut inventé par les Anglais. Un pays que tout le monde croit connaître mê
934 le monde croit connaître même sans y avoir jamais été , car tout le monde sait qu’il est beau mais sérieux, très cossu mais
935 y avoir jamais été, car tout le monde sait qu’il est beau mais sérieux, très cossu mais égalitaire, petit mais tellement é
936 ouvait le repasser et l’aplanir, on verrait qu’il est bien aussi grand que la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs, d
937 es, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que certaines appare
938 uffisent à remplir les hôtels. Pourtant la Suisse est autre chose, qu’on ne voit pas sur les cartes postales. On croit que
939 e c’est le pays le plus évident du monde, où tout est concerté, bien net et bien honnête, et pourvu de son mode d’emploi ;
940 de même — il faut en croire ses yeux — ce ne peut être qu’en vertu de certains secrets d’usage plusieurs fois séculaires. Ca
941 e l’eau des glaciers pour en tirer de l’énergie —  est l’un des plus industrialisés de la planète : 10 % de paysans seulemen
942 iste encore que dans l’espoir. Entre les deux, où est la vraie Suisse ? Deux sondages d’opinion, dans plusieurs pays de l’E
943 ope et aux États-Unis, ont révélé que les Suisses sont tout simplement les gens les plus heureux de la Terre. À la question 
944  : « D’une manière générale, diriez-vous que vous êtes très heureux, — plutôt heureux, — pas très heureux ? » 42 % répondent
945 nheur ? Et ses recettes, si l’on peut les donner, seraient -elles applicables ailleurs ? Le premier secret des Suisses, c’est la
946 en compris. Et cela se voit dès l’origine. Loin d’ être née comme chacun le croit de la révolte de paysans démocrates contre
947 première alliance — un traité en due forme qui ne fut certes pas rédigé par des pâtres, puisqu’il était en beau latin — s’a
948 e fut certes pas rédigé par des pâtres, puisqu’il était en beau latin — s’agrégèrent au cours des siècles quantité de petites
949 aient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et ce fut la période patricienne et guerrière des « ligues suisses ». Elle abou
950 ants. L’année suivante, une constitution fédérale fut rédigée, votée, et mise en vigueur en neuf mois, sans aucune mesure t
951 rès l’autre. Ainsi, le vrai secret de la Suisse n’ est pas du tout celui des banques mais celui du fédéralisme, celui d’une
952 e vie, sa langue, son credo ou son parti. Il n’en fut pas toujours ainsi, et les Suisses ont connu pendant des siècles de f
953 eligion, et autres manifestations d’impérialismes soit politiques soit culturels. Mais à partir de l’instauration d’une fédé
954 es manifestations d’impérialismes soit politiques soit culturels. Mais à partir de l’instauration d’une fédération véritable
955 ation véritable en 1848, les frontières des États sont devenues invisibles, et dès lors les communautés réelles ne sont plus
956 nvisibles, et dès lors les communautés réelles ne sont plus définies par leurs cordons douaniers, mais par le libre choix et
957 e degré d’attachement réel de leurs membres. On n’ est plus obligatoirement protestant parce qu’on est né à Genève ou dans l
958 n’est plus obligatoirement protestant parce qu’on est né à Genève ou dans le canton de Berne, ni catholique parce que lucer
959 et la tradition familiale, fils de la Réforme qui est un phénomène occidental au sens le plus large du terme, Suisse par le
960 is sans se confondre, n’allez pas croire qu’elles soient unies par je ne sais quelle ferveur sentimentale — oh ! non. Personne
961 a façon. Cela suffit, c’est l’essentiel, le reste est idéologie. Avec tout cela, je crois avoir plus qu’à moitié répondu à
962 celle de savoir si les recettes du bonheur suisse sont applicables à l’échelle de l’Europe. En effet, si le problème europée
963 le de l’Europe. En effet, si le problème européen est d’accorder quelque vingt-deux pays parlant des langues différentes, p
964 es, professant des credos religieux et politiques tenus pendant des siècles pour incompatibles, très inégalement industrialis
965 à l’échelle continentale. On me dira : la Suisse est petite, l’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations sont grand
966 tale. On me dira : la Suisse est petite, l’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations sont grandes. Comment oseriez-v
967 ’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations sont grandes. Comment oseriez-vous les comparer à l’un de vos aimables can
968 r exemple et la Belgique ou l’Irlande, le rapport est analogue à celui qui existe entre les cantons de Zurich et de Zoug ou
969 ans le cas de nations dont l’inégalité relative n’ est pas moindre. Le fédéralisme est précisément l’art de composer en un e
970 galité relative n’est pas moindre. Le fédéralisme est précisément l’art de composer en un ensemble vivant des organes bien
971 n colosse. Notez d’ailleurs que l’Europe actuelle est pratiquement plus petite que ne l’était la Suisse quand elle s’est fé
972 pe actuelle est pratiquement plus petite que ne l’ était la Suisse quand elle s’est fédérée. En 1848, il fallait deux ou trois
973 plus petite que ne l’était la Suisse quand elle s’ est fédérée. En 1848, il fallait deux ou trois jours à un député de Genèv
974 ent. En 1965, un député de Stockholm ou d’Athènes est à quelques heures de Bruxelles ou de Strasbourg, et à portée de voix
975 à portée de voix de ses ministres. Oui, la Suisse est la seule maquette vivante de cette Europe fédérée dont rêvent tous le
976 correspond à quelque chose qui pourrait très bien être l’avenir commun de nos nations. Et quand vous en serez convaincu, ess
977 l’avenir commun de nos nations. Et quand vous en serez convaincu, essayez d’en convaincre les Suisses… s. Rougemont Denis
15 1966, Articles divers (1963-1969). Un libéral engagé (1966)
978 tel. Une dame survint : « — Excellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce doit être beau de pouvoir ainsi faire le Bien !
979 ellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce doit être beau de pouvoir ainsi faire le Bien ! — Non Madame, faire le bien, c’
980 ort de Valencia. L’accès de l’instruction devrait être réservé à ceux-là seuls qui prouveraient qu’ils ne peuvent pas vivre
981 t le point de vue qu’il a voulu défendre quand il était ministre de l’Éducation. Le Cabinet n’a pas tardé à démissionner pour
982 dez tout de même pas défendre les instituteurs, n’ est -ce pas ? Car ils sont… indéfendables ! » Une jeune fille lui demande
983 défendre les instituteurs, n’est-ce pas ? Car ils sont … indéfendables ! » Une jeune fille lui demande de définir le bonheur.
984 téressante sur la féminité de Dieu. Si Dieu avait été conçu comme féminin, disiez-vous, la grande vertu eût été la fécondit
985 u comme féminin, disiez-vous, la grande vertu eût été la fécondité. — Oh ! cela, c’est de vous, chère amie. Tout ce que j’a
986 ère amie. Tout ce que j’ai dit, c’est que si Dieu était conçu comme féminin, nous refuserions tous le pouvoir qu’ont pris les
987 ris les femmes dans notre société. — Mais si Dieu était féminin… — Mais Dieu est féminin, il n’y a pas de question ! — Commen
988 ociété. — Mais si Dieu était féminin… — Mais Dieu est féminin, il n’y a pas de question ! — Comment le savez-vous ? — D’abo
989 préparation du Congrès de l’Europe (qui allait se tenir à La Haye dès le 8 mai), comme on cherchait à qui offrir la présidenc
990 rir la présidence de la section culturelle dont j’ étais le rapporteur, je suggérai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit
991 érai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit se soit opéré à ce moment-là une complexe synthèse instantanée des souvenirs
992 e doublé d’un militant, un historien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un idéaliste non exempt de cynisme pour avoi
993 rai dire, me manque. » Le congrès de La Haye, qui est l’origine de tout — comme chacun sait ou va le savoir — on prépare pl
994 voir — on prépare plusieurs thèses sur ce sujet — fut l’occasion pour notre ami de voler au temps qui se dérobait (ou si l’
995 âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où nous étions si peu d’intellectuels (écrivains, artistes et savants) à militer par
996 d des pédants et autres fanatiques de la routine, fût -elle d’étiquette « progressiste ». Il a le sens du trait qui porte et
997 « Oui, Messieurs, si l’Europe doit périr, que ce soit au moins une injustice ! » Mais les grandes heures captées par la rad
998 nné à la cause de l’Europe, cause commune s’il en fût , un temps qui du même coup devait manquer à ce qu’on nomme leur œuvre
999 du Centre européen de la culture. ⁂ Mais avant d’ être Européen, et après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Es
1000 après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’est plus. Je l’ai entendu, à Bombay, prétendr
1001 oujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’ est plus. Je l’ai entendu, à Bombay, prétendre que l’Espagne, c’est l’Ind
1002 ’Espagne, c’est l’Inde de l’Europe, ou que l’Inde est l’Espagne de l’Asie. C’était à se demander si l’on pouvait encore dis
1003 ifficultés du dialogue avec les staliniens : « Je suis un libéral, toujours prêt à discuter avec n’importe qui, je peux disc
1004 liberté de la culture, dont Salvador de Madariaga est l’un des présidents d’honneur. Il a fait ce jour-là l’un de ses plus
1005 s donnait autorité à la pensée de Madariaga, ce n’ était pas le rang, le brillant, le brio, c’était l’engagement de toute une
1006 longue carrière d’opposant exilé, un sort inverse est échu à notre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les périls et surmonté
1007 igueur. Démontrer qu’en plein xxe siècle on peut être vraiment engagé et vraiment libéral à la fois, n’est-ce pas là son pl
1008 vraiment engagé et vraiment libéral à la fois, n’ est -ce pas là son plus beau paradoxe ? t. Rougemont Denis de, « Un lib
16 1967, Articles divers (1963-1969). Au-delà des nations (1967)
1009 u-delà des nations (1967)u La fin du douanier est aussi la fin de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat sera f
1010 ouanier est aussi la fin de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat sera fait au même compte. Lorsqu’il ouvrit à Vi
1011 de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat sera fait au même compte. Lorsqu’il ouvrit à Vienne en 1927 le premier c
1012 ité historique, et il inaugurait la stratégie qui serait vingt ans plus tard celle de Jean Monnet. En septembre 1930, la Franc
1013 ché commun » figure là pour la première fois : il est donc dû non pas à un politicien et encore moins à un économiste, mais
1014 te, mais à un grand poète, Saint-John Perse — qui sera prix Nobel — pseudonyme d’Alexis Léger.) Pour la première fois dans l
1015 is dans l’histoire, les gouvernements de l’Europe sont requis de se prononcer publiquement sur une proposition d’union. La m
1016 « Europe » partiellement sectorielle (tarifaire) sera « faite » dès le 1er juillet de l’an prochain. Ce sera le moment pour
1017 « faite » dès le 1er juillet de l’an prochain. Ce sera le moment pour l’opinion publique de découvrir que le problème de l’u
1018 e le problème de l’union ou de la fédération, qui est essentiellement politique, n’est pas encore abordé par les Six, et n’
1019 fédération, qui est essentiellement politique, n’ est pas encore abordé par les Six, et n’est même pas posé par les autres.
1020 itique, n’est pas encore abordé par les Six, et n’ est même pas posé par les autres. En l’absence — à peine croyable — de to
1021 ou bien celle d’équilibre des « Puissances ») qui était la seule sérieuse pour leurs grands-pères. C’est tout ce qu’on peut p
1022 n nos analystes, professeurs et commentateurs qui tiennent encore la politique pour l’art du possible — quand elle est l’art de
1023 la politique pour l’art du possible — quand elle est l’art de créer le possible au service de grands buts qu’il faut proph
1024 passé. La jeunesse se demande pourquoi l’Europe n’ est pas encore unie, depuis vingt ans que nos gouvernements proclament ce
1025 ellement simple que c’est elle qui va choquer. Je suis parvenu à la conviction que les hommes d’État les mieux intentionnés,
1026 nir, et ils constatent, évidemment, « qu’elles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clai
1027 lles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États souverains les na
1028 prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais p
1029 r — qu’en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais prêtes à s’unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leu
1030 ont jamais prêtes à s’unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leur définition même de nations souveraines de refuser
1031 en soi-même. L’union, pour deux États-nations, n’ est jamais qu’une mesure de fortune, voire qu’un expédient désespéré (com
1032 par Churchill en juin 1940) autrement dit : ce n’ est jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent
1033 euse à la nécessité, quand on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si do
1034 on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si donc on veut unir l’Europe,
1035 se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
1036 us l’a léguée le siècle dernier : la région. Il n’ est rien dont les sociologues d’aujourd’hui s’occupent avec plus de passi
1037 les régions, réalités absolument modernes. Ce ne sont pas les provinces de l’Ancien Régime, effacées, encore moins les dépa
1038 ’hui, ni les « States » de l’Amérique du Nord. Ce sont vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naî
1039 de forces les plus diverses, dont les principales sont  : l’explosion démographique, l’urbanisation galopante, la mobilité de
1040 s et enfin l’unité géographique, cette dernière n’ étant d’ailleurs plus définie par une frontière marquée sur le terrain par
1041 voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thè
1042 années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’une « métropole r
1043 et une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implanter les plus importantes usines atomiques françaises.
1044 rouvais le seul non-Français : j’en conclus que j’ étais censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler
1045 coupait en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui est d’un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les
1046 ssiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles
1047 ussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, sel
1048 à la curiosité d’un grand public. Certes, on n’en est encore qu’au stade de la prise de conscience du phénomène région et d
1049 nelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une période
1050 u ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une période d’expériences, et celle-ci connaî
1051 régions et les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’une génération, vingt à trente ans, en admettant
1052 toire. Je ne cite pas la Grèce par hasard. Car je tiens la région pour une forme de communauté aussi nouvelle dans notre civi
1053 uté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut au vie siècle avant notre ère, l’apparition de la polis, dans la soc
1054 appelait naguère des « Puissances ») se rêve ou s’ est rêvé un jour Empire. Certains le sont parfois devenus pour le dur mal
1055 se rêve ou s’est rêvé un jour Empire. Certains le sont parfois devenus pour le dur malheur de l’Europe, sous Napoléon, sous
1056 a vraie nature et les vraies ambitions. Nous n’en sommes encore qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les élémen
1057 core qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les éléments de l’Europe à venir, mais déjà nous touchons au crépuscu
1058 forme nationale en général. Croyance réfutée, il est vrai, par un simple coup d’œil sur l’Histoire, lequel fait voir premi
1059 re, lequel fait voir premièrement que les nations sont de formation récente, deuxièmement qu’elles ont dépassé le sommet de
1060 scours célèbre, à la Sorbonne20 : Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La c
1061 continue pas moins à nous répéter que les nations sont « encore » les seules réalités. Et c’est vrai, elles existent « encor
1062 société scientifico-technique, leur souveraineté est devenue tout illusoire dès qu’elle n’est plus purement négative — en
1063 eraineté est devenue tout illusoire dès qu’elle n’ est plus purement négative — en bien ou en mal. Ainsi, elle leur permet d
1064 s capitales anciennes, la révolution régionaliste sera faite et du même coup, la fédération de l’Europe se révélera immédiat
1065 l’Europe » — comme les communes libres médiévales étaient « immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-e
1066 s à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t -elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles car
1067 tin… vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le départemen
1068 e que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnair
1069 olution régionaliste, condition de l’Europe unie, est bien plus avancée que nous n’osions l’espérer et que ne peuvent encor
1070 liticiens qui se croient réalistes — parce qu’ils sont en retard d’une génération sur les réalités du temps. 19. Robert La
1071 tion « Idées », Paris, Gallimard, 1967. 20. « Qu’ est -ce qu’une nation ? », Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-delà
17 1967, Articles divers (1963-1969). Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)
1072 e européen : notes pour un « Petit Livre rouge » ( été 1967)v Les dictatures totalitaires modernes comme les théocraties
1073 ugle. Mais la démocratie exige pour fonctionner d’ être prise en charge et comprise par la très grande majorité des citoyens.
1074 s citoyens. C’est pourquoi l’instruction publique est apparue vers le milieu du siècle passé, rendant possible la lecture d
1075 mocratie ne mérite son nom que dans la mesure où, soit par l’enseignement, soit par la famille, soit par d’autres moyens soc
1076 m que dans la mesure où, soit par l’enseignement, soit par la famille, soit par d’autres moyens sociaux, partis, presse, mas
1077 où, soit par l’enseignement, soit par la famille, soit par d’autres moyens sociaux, partis, presse, mass médias, elle réussi
1078 ux-là seuls qui ne demandent qu’à croire qu’ils y sont enfermés. Au-delà des impasses logiques, le désir bâtit la cité. Le d
1079 s et de participer à son gouvernement, le désir d’ être citoyen pousse à construire la ville, qui à son tour formera des trad
1080 ns de l’Histoire » comme certains disent. Elle ne sera pas non plus l’œuvre d’un dictateur : Napoléon, Hitler ont échoué pou
1081 Ni spontanée, ni fatale, ni imposée, elle ne peut être que choisie et voulue — exactement comme la démocratie — par une majo
1082 par une majorité de la population. Cette majorité sera suscitée et conduite par une minorité qui ne voudra pas forcer mais c
1083 , elle ne fait en tout cas pas cela, et l’on peut être heureux si elle ne fait pas le contraire. L’éducation du citoyen qui
1084 toyen qui se pratique dans les écoles de nos pays est , aux dires de ses responsables21 généralement insuffisante (parfois i
1085 euse des leçons La leçon d’instruction civique est généralement considérée comme la plus ennuyeuse de toutes. En un sens
1086 ’est heureux, car si elle passionnait, les choses étant ce qu’elles sont, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme
1087 si elle passionnait, les choses étant ce qu’elles sont , ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un rem
1088 assionnait, les choses étant ce qu’elles sont, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un remède pire qu
1089 u chauvinisme national. Un remède pire que le mal serait de substituer à l’heure d’ennui civique national une heure d’ennui ci
1090 d’institutions européennes au sujet desquelles il serait bon de savoir quelque chose, ne compte pas au regard des problèmes ré
1091 à la vie de la cité, et dans l’éveil du désir d’y tenir son rôle de citoyen. (« Cité » signifiant ici toute communauté social
1092 lèmes vivants et réels de l’Europe, telle qu’elle est aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait être unie demain, n’app
1093 est aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait être unie demain, n’apparaissent pas souvent dans les discours des militan
1094 siècle. Quand on a vu de quoi la vie de l’Europe est faite, on voit aussi sans discussion possible, sans adjurations pathé
1095 naître nos problèmes communs, l’un des plus réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes
1096 lèmes communs, l’un des plus réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes économiques, en
1097 nt que nous sommes tous différents, et que nous y tenons  ; b) Problèmes économiques, en tant qu’ils relèvent de l’initiative p
1098 e) dans l’enseignement secondaire. Les programmes sont déjà trop chargés. L’ennui qui s’attache à l’instruction civique nati
1099 rès vite sa version européenne. Et d’ailleurs, il serait absurde d’essayer de substituer l’une à l’autre : car l’Europe se fer
1100 ais pas contre elles, ni sans elles. (La Suisse s’ est faite au-delà de ses cantons, mais pour sauver ce qu’on pouvait de le
1101 de la Campagne d’éducation civique européenne23 n’ est donc pas d’instaurer une branche de plus dans l’enseignement déjà plé
1102 le meilleur parti, il faut que le professeur ait été lui-même sensibilisé aux réalités de l’Europe encore désunie, aux pro
1103 les n’aboutira, ou ne prendra vraiment le départ. Est -ce dire que l’Europe attend son « petit livre rouge » à distribuer au
1104 de millions d’écoliers de nos pays ? Oui, mais ce sera le livre des questions réelles éveillant le sens critique et le besoi
1105 on, tandis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’ est qu’un recueil de réponses toutes faites, unifor­mément optimistes et
1106 eux points d’interrogation sur 340 pages ; encore sont -ils de pure rhétorique et destinés à supprimer plutôt qu’à poser la q
1107 ent de l’examen objectif de la situation, et nous sommes bien certains qu’il révélera de la sorte la nécessité de l’union, et
1108 ng, our Europe ! » mais il fera voir que l’Europe serait détruite par ce qui tue l’esprit critique, déprime le goût de la libe
1109 3 de cette revue. 24. « Tout ce que nous faisons est au service du peuple, de quel défaut ne pourrions-nous donc nous déba
1110 Livre rouge” », Éducation et Culture, Strasbourg, été 1967, p. 10-12.
18 1968, Articles divers (1963-1969). L’Exode des cerveaux [débat] (1968)
1111 e qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’il était le seul chercheur autour de cette table. Je me considère moi aussi co
1112 e considère moi aussi comme un chercheur et je le serai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas un chercheur
1113 ai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas un chercheur scientifique. Je voudrais m’élever contre la hiérarc
1114 s m’élever contre la hiérarchie des valeurs qu’on est en train d’instaurer. M. Mach se plaignait qu’on n’accorde pas un res
1115 respect presque exclusif. Pourquoi ? Parce qu’ils sont très utiles à l’économie, au commerce, à l’industrie, au PNB, produit
1116 ement scientifiques. C’est en tant que tel que je suis désireux d’élargir ce débat. Au risque de vous scandaliser, je vais m
1117 e par là. J’ai eu la curiosité de regarder quelle était la composition du groupe des 14 Suisses — de passeport ou de naissanc
1118 i ont reçu le prix Nobel, depuis 1901, date où il fut créé. Il y a 6 chercheurs nés Suisses et qui le sont restés, et 5 non
1119 t créé. Il y a 6 chercheurs nés Suisses et qui le sont restés, et 5 non Suisses de naissance, mais naturalisés et qui ont re
1120 prix Nobel, deux chercheurs, peut-être trois, qui étaient nés suisses. Je ne suis pas tout à fait sûr de Charles Édouard Guilla
1121 , peut-être trois, qui étaient nés suisses. Je ne suis pas tout à fait sûr de Charles Édouard Guillaume, mentionné dans beau
1122 coup de dictionnaires comme français, peut-être l’ est -il devenu ? Les deux autres sont Félix Bloch et Daniel Bovet, l’un de
1123 çais, peut-être l’est-il devenu ? Les deux autres sont Félix Bloch et Daniel Bovet, l’un devenu américain et l’autre italien
1124 aine balance des échanges intellectuels peut nous être parfaitement favorable. (D’ailleurs, si elle ne l’était pas, ce serai
1125 parfaitement favorable. (D’ailleurs, si elle ne l’ était pas, ce serait le même prix !) Quand je vous dis que les échanges, c’
1126 avorable. (D’ailleurs, si elle ne l’était pas, ce serait le même prix !) Quand je vous dis que les échanges, c’est la santé de
1127 français. Les grands maîtres d’alors — ce devait être dans les années 1250 à 1260, je ne me rappelle plus exactement — s’ap
1128 lus exactement — s’appelaient Thomas d’Aquin, qui était napolitain, Bonaventure, qui venait de Pise, Roger Bacon, qui était a
1129 Bonaventure, qui venait de Pise, Roger Bacon, qui était anglais, Siger de Brabant, qui était brabançon, et Albert le Grand, q
1130 r Bacon, qui était anglais, Siger de Brabant, qui était brabançon, et Albert le Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nou
1131 ant, qui était brabançon, et Albert le Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nous en tenir aux exemples suisses, qu’y a-t
1132 Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nous en tenir aux exemples suisses, qu’y a-t-il eu comme importation et exportation
1133 des cerveaux en Suisse ? Comment notre culture s’ est -elle faite ? D’abord par la conquête romaine, qui nous a apporté une
1134 plus près de nous, on peut citer Nietzsche, qui a été professeur à Bâle lui aussi et qui a beaucoup vécu en Suisse, en Enga
1135 prix Nobel que je vous disais tout à l’heure, qui sont venus de l’étranger. On pourrait allonger facilement cette liste. Du
1136 sse ? Il y a d’abord eu le service étranger. Ce n’ était pas exactement une exportation de cerveaux, mais sur la masse, sur le
1137 ers, les centaines de milliers de Suisses qui ont été dans les armées étrangères, il y eut des centaines de généraux qui av
1138 ur de la flotte russe et son premier grand amiral était un Genevois, Lefort, et le chef de la flotte de guerre américaine, en
1139 tte de guerre américaine, entre les deux guerres, était l’amiral Eberlé, qui venait tout droit de Suisse allemande. Dans le d
1140 des mathématiques, vous savez que les Suisses ont été de grands exportateurs. Les Bernoulli de Bâle, Leonhard Euler, les pl
1141 Russie, dans les Pays-Bas. Ensuite, Agassiz, qui était un savant neuchâtelois, a fondé les sciences naturelles aux États-Uni
1142 es de la Renaissance qui ont fait la Rome baroque étaient tessinois. Les Borromini, Maderno, Fontana, ont fondé une grande trad
1143 ui, ne pouvant pas faire de voitures en Suisse, a été les faire en Amérique avec le succès que vous savez. L’ingénieur Amma
1144 ec le succès que vous savez. L’ingénieur Ammann a été faire des ponts, aux États-Unis, qui sont les plus grands du monde. E
1145 Ammann a été faire des ponts, aux États-Unis, qui sont les plus grands du monde. Et on pourrait multiplier ces exemples : en
1146 uel moment ce que j’appelle des échanges — et qui est la santé même — devient un exode qu’il faudrait déplorer ou arrêter s
1147 es communautés qui peuvent les prendre en charge. Étant donné la nature, les conditions et les finalités propres d’une certai
1148 s finalités propres d’une certaine activité, quel est le type de communauté qui lui correspond le mieux par ses moyens et p
1149 d’ailleurs : je veux tout pour ma nation, qu’elle soit grande ou petite, et que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut
1150 ation, qu’elle soit grande ou petite, et que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut une industrie automobile, une indu
1151 sité. Mais prenez maintenant cette université qui est bien à la taille du canton (l’activité et la communauté étant de tail
1152 la taille du canton (l’activité et la communauté étant de tailles correspondantes) : si à ce moment-là, une grande puissance
1153 ribles contre les « voleurs d’universités » : ils étaient punis de mort — alors là, il s’agira bel et bien d’un « exode des cer
1154 Celui de Blaise Cendrars d’abord. Blaise Cendrars est né à La Chaux-de-Fonds, mais il était originaire d’un petit village d
1155 aise Cendrars est né à La Chaux-de-Fonds, mais il était originaire d’un petit village de l’Oberland bernois qui s’appelle Sig
1156 ’était pas parti à 17 ans pour le vaste monde, qu’ est -ce qui se serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait
1157 ti à 17 ans pour le vaste monde, qu’est-ce qui se serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir p
1158 rait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La
1159 ainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La Chaux-de-Fonds et nous n’en aurions rien su ; il aurait co
1160 aste monde qui en a fait Blaise Cendrars, puis il est allé à Paris qui en a fait un grand écrivain et c’est seulement quand
1161 it Blaise Cendrars que nous avons découvert qu’il était suisse ! De même l’ingénieur Ammann, qui a fait ces immenses ponts, l
1162 res de long : qu’eût-il fait, ce malheureux, s’il était resté en Suisse ? Il n’aurait pas trouvé assez de place pour ses pont
1163 ace pour ses ponts, simplement. Nos dimensions ne sont pas suffisantes. On aurait pu lui offrir, me direz-vous, de construir
1164 rade de Genève, mais les crédits n’ont pas encore été votés, depuis quarante ans. Et puis, il y a un cas particulier, qui a
1165 s. Et puis, il y a un cas particulier, qui a déjà été évoqué tout à l’heure par M. Renold. C’est celui du CERN. Un chercheu
1166 -là. Pourquoi ? Parce que la recherche atomique n’ est pas aux dimensions d’un pays comme la Suisse, ni d’ailleurs d’aucun d
1167 ni d’ailleurs d’aucun de nos pays d’Europe : elle est de dimensions continentales. C’est pourquoi, lors de la Conférence eu
1168 enir en Europe un certain nombre de savants qu’il était important de garder pour la communauté continentale, vu les finalités
1169 communauté continentale, vu les finalités (qui n’ étaient pas toutes de recherche pure) qu’il y avait dans la science atomique
1170 rmettra de multiplier les organismes dont le CERN est le prototype. Quant aux Suisses qui vont à l’Unesco ou dans d’autres
1171  : J’aimerais faire remarquer que, entre ce qui a été dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’être dit sur une po
1172 dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’ être dit sur une politique de dimension, il est facile de retrouver des él
1173 ent d’être dit sur une politique de dimension, il est facile de retrouver des éléments d’unité. Ce sont là des notions qui
1174 est facile de retrouver des éléments d’unité. Ce sont là des notions qui se recouvrent. Avant de passer à la discussion gén
1175 ugemont. Vous avez parlé de l’exode dont une part est un échange, mais aussi une part est dommageable. La question est cell
1176 dont une part est un échange, mais aussi une part est dommageable. La question est celle-ci : quelles mesures prendre pour
1177 mais aussi une part est dommageable. La question est celle-ci : quelles mesures prendre pour empêcher l’exode quand il n’a
1178 conjoncture. Il y a un premier choix à faire : je suis personnellement contre toute mesure négative, contre tout barrage qui
1179 certain échange devient un exode dommageable, je suis d’avis qu’on essaie d’y remédier en renversant le flux, c’est-à-dire
1180 s et des climats intellectuels qui attirent. Ce n’ est pas uniquement une question financière. Naturellement, la question fi
1181 s plutôt que de crever de faim. Mais ce préalable étant acquis, comment renverser le flux, c’est-à-dire comment créer des pôl
1182 — ces ressources et les subventions qui doivent y être attachées sur tout le territoire de la Confédération. S’il ne s’agit
1183 e et à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’est
1184 d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’ est pas le tout de la décrire. Tout ce que je puis proposer ici, ce sont
1185 la décrire. Tout ce que je puis proposer ici, ce sont quelques conditions qui me paraissent requises pour qu’il y ait une v
1186 r qu’un physicien, ou un médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il
1187 ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il n’est pas uniquement physicien, i
1188 s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il n’ est pas uniquement physicien, il n’est pas uniquement médecin, et s’il tr
1189 parce qu’il n’est pas uniquement physicien, il n’ est pas uniquement médecin, et s’il trouve un bon orchestre, un bon quatu
1190 is ans, d’aller à contre-courant. Je crois que ce serait payant assez vite. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, mais je ne
1191 limat intellectuel. Il me semble que l’Université est mieux placée que n’importe quel autre corps ou profession ou ensemble
1192 n intellectuelle. À condition que l’Université ne soit pas uniquement la juxtaposition de quelques écoles de formation profe
1193 es écoles de formation professionnelle. Elle doit être aussi cela ; bien entendu, il ne s’agit pas de la transformer de fond
1194 du jour au lendemain, mais il ne faut pas qu’elle soit uniquement cela : quelques écoles de formation professionnelle juxtap
1195 de contestation. Mais attention : contestation n’ est pas un mot inventé par Cohn-Bendit, ni même par Sartre. Contestation,
1196 même par Sartre. Contestation, c’est un terme qui est lié à l’Université depuis sa création, au xiie siècle. Voilà une cho
1197 on. On a même défini la méthode scolastique comme étant essentiellement une discussion libre et ouverte où s’opposaient le po
1198 ts abordés. Et je vous prierai de croire que ce n’ était pas toujours des sujets purement techniques ou de grammaire. La grand
1199 a opposé Siger de Brabant et saint Thomas d’Aquin était une lutte concernant vraiment les fondements de la société de l’époqu
1200 e si vous voulez, pour prendre un autre mot qui a été à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris une vie très intense d
1201 merveilleux ! Jamais depuis le Moyen Âge, on ne s’ était autant occupé des universités que depuis qu’on a découvert qu’il fall
1202 isse vite, mais surtout je souhaite qu’on ne s’en tienne pas là. Car l’Université, à mon sens, a été, doit redevenir et doit r
1203 en tienne pas là. Car l’Université, à mon sens, a été , doit redevenir et doit rester le lieu par excellence de la contestat
1204 ptions. Une contestation qui ne se fasse pas — ce sera mon dernier mot — en dehors de l’Université et contre elle, mais dans
1205 lle — mais dans certains cours. Il faudrait qu’il soit admis que la substance même de ces cours soit la remise en question p
1206 ’il soit admis que la substance même de ces cours soit la remise en question permanente des buts, des hiérarchies, des final
1207 e notre société, dont je refuse absolument que ce soit simplement l’industrie qui les fixe. […] M. de Rougemont : Je voudr
1208 is répondre quelques mots très brefs à ce qui m’a été dit autour de cette table. Tout d’abord, M. Renold. Je crois que nous
1209 table. Tout d’abord, M. Renold. Je crois que nous sommes presque entièrement d’accord. J’ai peut-être un peu forcé parce qu’il
1210 ie, une certaine saveur, ce qui fait que, moi, je suis rentré en Europe, par exemple. Ce n’est pas du tout que j’aie été rac
1211 moi, je suis rentré en Europe, par exemple. Ce n’ est pas du tout que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’est-ce pas
1212 rope, par exemple. Ce n’est pas du tout que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas é
1213 out que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’ est -ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas été rapatrié. M. Lalive : Ah ! vous
1214 de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas été rapatrié. M. Lalive : Ah ! vous me rassurez ! M. de Rougemont : Je s
1215 ve : Ah ! vous me rassurez ! M. de Rougemont : Je suis venu ici parce que j’y trouvais quelque chose que je ne trouvais pas
1216 e trouvais pas en Amérique, quelque chose qu’il m’ est difficile de vous décrire, et si vous voulez en avoir une bonne descr
1217 : Vous n’en avez pas cité. M. de Rougemont : Ce n’ est pas tellement étonnant, vu que l’effort culturel des Américains n’est
1218 onnant, vu que l’effort culturel des Américains n’ est pas porté vers la création de génies individuels. C’est un effort bea
1219 oup plus collectif, par team, c’est un effort qui est porté sur la préparation du terrain. D’ailleurs, nous ne pouvons pas
1220 eurs, nous ne pouvons pas dire en Suisse que nous soyons complètement indemnes de toute influence américaine. Il y en a tout d
1221 influence américaine. Il y en a tout de même, ne fût -ce que le jazz. Nous avons pris aux États-Unis beaucoup de choses trè
1222 un exode, quand — je me répète — les échanges qui sont normaux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte,
1223 aux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il
1224 tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il s’agit surtout de
1225 ne perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il s’agit surtout de l’appliquer, mais je refuse absolumen
1226 rien du tout. Mais je vous signale le danger, qui serait un danger un peu américain, qu’il y aurait à isoler complètement votr
1227 que temps, quelques années, mais à la longue ce n’ est pas payant, même pour la recherche scientifique. Je défends ici une c
1228 n tout, c’est un ensemble dont toutes les parties sont en interaction. On peut citer mille cas. Toutes les créations culture
1229 s. Toutes les créations culturelles d’aujourd’hui sont nées au carrefour de plusieurs disciplines très différentes, souvent
19 1968, Articles divers (1963-1969). De l’État-nation aux régions fédérées (1968)
1230 les États-Unis d’Europe, sous quelque nom que ce soit , il faut commencer maintenant… Debout l’Europe ! » Il y a vingt-et-un
1231 pe ! » Il y a vingt-et-un ans de cela. L’Europe n’ est toujours pas debout. Sans corps constitué, sans tête, comment pourrai
1232 e mois dernier à un journal suisse : Les nations sont redevenues le phénomène fondamental du siècle. L’évolution a joué et
1233 contestablement dans le sens de la nation.25 Il est vrai que le même André Malraux quelques jours plus tard, interrogé pa
1234 jeunes gens à la radio, répond : Faire l’Europe est la seule chose véritablement importante de notre temps.26 Mais qui
1235  que cette « réalité fondamentale du siècle » que serait la nation, est précisément celle qui fait obstacle à cette « seule ch
1236 té fondamentale du siècle » que serait la nation, est précisément celle qui fait obstacle à cette « seule chose véritableme
1237 t que si l’Europe qu’appelait Winston Churchill n’ est pas faite, c’est parce que les nations qu’exalte le ministre d’État d
1238 ’y opposent encore irréductiblement, de tout leur être de nations « souveraines » ? Quand on nous affirme que le xxe siècle
1239 s » ? Quand on nous affirme que le xxe siècle ne sera pas celui du triomphe de l’internationale, comme Marx l’avait dit, ni
1240 n l’avait prévu, mais bien le siècle des nations, est -ce qu’on s’en félicite, ou bien est-ce qu’on dit cela comme on dirait
1241 des nations, est-ce qu’on s’en félicite, ou bien est -ce qu’on dit cela comme on dirait de telle année : — C’était l’année
1242 : — C’était l’année de ma pneumonie ? Autre chose est de constater que la réalité politique de notre temps est encore la na
1243 constater que la réalité politique de notre temps est encore la nation, autre chose est de s’en féliciter, d’affirmer qu’on
1244 de notre temps est encore la nation, autre chose est de s’en féliciter, d’affirmer qu’on ne peut rien y changer, que c’est
1245 a du réalisme. Le cancer et les maladies mentales sont aussi des réalités importantes de notre temps, mais je ne pense pas q
1246 er, mais bien à faire en sorte qu’elles cessent d’ être réelles. Que les nations soient encore bien réelles et très fortes à
1247 qu’elles cessent d’être réelles. Que les nations soient encore bien réelles et très fortes à quelques égards, l’impossibilité
1248 c une évidence presque écrasante. Que les nations soient en même temps mal adaptées (pour dire le moins) à l’évolution de notr
1249 tion de notre société, la preuve incontestable en est fournie par les deux guerres mondiales, résultant du nationalisme et
1250 urrait que tuer l’Europe du xxe siècle si elle n’ est pas surmontée et remplacée à temps. La grande force de l’État-nation,
1251 qu’il y a toujours eu des États, que les nations sont immortelles (en tout cas la leur !), que rien d’autre n’est donc poss
1252 elles (en tout cas la leur !), que rien d’autre n’ est donc possible, et que d’ailleurs l’État, ou la nation, c’est l’abouti
1253 viennent la nation, l’État, et l’État-nation qui est né de leur collusion moderne. Il faudrait rappeler qu’après la préhis
1254 naissance de la première nation, la France, peut être datée de cette déclaration des légistes du Philippe de Bel : « Le Roy
1255 légistes du Philippe de Bel : « Le Roy de France est empereur en son royaume », ce qui veut dire que le chef de l’État d’u
1256 verselles, — sauf celle que l’on peut contrôler — sera vite suivi par les rois d’Angleterre et d’Espagne, puis par les princ
1257 lon la formule du xive siècle. Ce spectacle, qui est celui de la naissance des nations, remplit d’effroi les sages de l’ép
1258 ffroi les sages de l’époque. « Ô genre humain, tu es devenu un monstre aux multiples têtes ! » s’écrie Dante dans son trai
1259 idée fatale de la souveraineté absolue — idée qui est à peine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’est pas un géni
1260 ine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’ est pas un génie ou un saint, mais qui devient proprement révoltante — et
1261 parti qui s’en empare au nom du peuple, comme ce fut le cas des jacobins et des « démocraties » plébiscitaires et totalita
1262 de l’idéal national par l’appareil étatique, qui est l’œuvre de Napoléon, la nationalisation de l’État royal et l’étatisat
1263 ne, et au xxe siècle, dans le reste du monde. Qu’ est -ce en somme que l’État-nation de modèle napoléonien ? C’est le résult
1264 ce que l’on ne fait pas, parce que l’État-nation est devenu sacré, intangible dans nos esprits, qui résistent à l’idée qu’
1265 esprits, qui résistent à l’idée qu’il pourrait n’ être après tout qu’une forme transitoire, comme tant d’autres. On enseigne
1266 igion pour le peuple » assure-t-on, et comme ce n’ est plus guère le christianisme, ce sera donc le nationalisme, le culte d
1267 et comme ce n’est plus guère le christianisme, ce sera donc le nationalisme, le culte de la patrie étatisée, seul Absolu auq
1268 tout. L’État-nation moderne, unitaire et absolu n’ est enfin qu’un empire manqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècl
1269 ’est que, si tous les États-nations unitaires ont été et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les s
1270 e, si tous les États-nations unitaires ont été et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seuls emp
1271 seuls empires réussis de notre temps se trouvent être des fédérations : les USA et l’URSS. Regardons maintenant ces États-n
1272 aintenant ces États-nations unitaires tels qu’ils sont dans leur être et leur agir concret, non plus dans leurs prétentions.
1273 tats-nations unitaires tels qu’ils sont dans leur être et leur agir concret, non plus dans leurs prétentions. Nous verrons a
1274 . Nous verrons aussitôt que tous, sans exception, sont à la fois trop petits et trop grands. Ils sont trop petits si on les
1275 n, sont à la fois trop petits et trop grands. Ils sont trop petits si on les regarde à l’échelle mondiale. Ils sont trop gra
1276 etits si on les regarde à l’échelle mondiale. Ils sont trop grands si l’on en juge par leur incapacité d’animer leurs région
1277 tats confrontés aux trois seuls vrais grands. Ils sont trop petits « à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure
1278 ean Monnet. (Lettre de démission de la CECA.) Ils sont trop petits pour se défendre seuls, même avec l’aide d’une petite ou
1279 ar les barrages antimissiles des deux grands. Ils sont trop petits dans le domaine économique pour répondre au « défi améric
1280 répondre au « défi américain » — cela n’a plus à être démontré28 — mais aussi pour répondre au défi du tiers-monde, c’est-à
1281 ait des puissances naguère coloniales. Enfin, ils sont trop petits pour agir politiquement au niveau des empires véritables
1282 . Mais en même temps, les États-nations unitaires sont tous trop grands, trop grands pour pouvoir assurer le développement d
1283 ement à la vie de la cité ; donc trop grands pour être encore de vraies communautés humaines, et cela, c’est la plus grave m
1284 aladie qui puisse miner un corps politique. Telle étant la crise présente de l’État-nation, le régime à prescrire paraît faci
1285 prescrire paraît facile à formuler : Parce qu’ils sont trop petits, les États-nations devraient se fédérer à l’échelle conti
1286 édérer à l’échelle continentale ; et parce qu’ils sont trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intérieur. Facile à for
1287 dirait-on. En effet, l’existence des empires de l’ Est et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’inexorable : — ou
1288 e autorité supranationale, fédérale, et alors ils seront fatalement satellisés un à un ; — ou bien ils font ce qu’il faut pour
1289 n direction de leur fédération politique. Force m’ est donc de penser qu’il y a quelque chose d’essentiel dans leur nature m
1290 donc d’indépendance totale, donc d’autarcie, qui est son ambition proprement impériale. C’est donc par définition et par s
1291 on par méchanceté ou bêtise que les États-nations sont impropres à l’union. Leurs relations normales sont de rivalité non de
1292 ont impropres à l’union. Leurs relations normales sont de rivalité non de coopération. Leur mode de contact normal n’est pas
1293 non de coopération. Leur mode de contact normal n’ est pas l’échange, mais le choc. Bakounine l’avait déjà dit, il y a cent
1294 lication majeure : Développons en commun ce qui est neuf. Laissons de côté les héritages du passé dont l’unification pren
1295 e mon côté : L’union, pour deux États-nations, n’ est jamais qu’une mesure de fortune, voire un expédient désespéré (comme
1296 par Churchill en juin 1940), autrement dit : ce n’ est jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent
1297 euse à la nécessité, quand on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si l’
1298 on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si l’on veut unir l’Europe, il
1299 se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
1300 léguée le siècle dernier : — la région.31 Il n’ est rien dont les jeunes sociologues s’occupent avec plus de passion en E
1301 les régions, réalités absolument modernes. Ce ne sont pas les provinces de l’Ancien Régime, effacées, encore moins les dépa
1302 ’hui, ni les « States » de l’Amérique du Nord. Ce sont vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naî
1303 t de capter et d’harmoniser, dont les principales sont  : l’explosion démographique, l’urbanisation galopante, la mobilité de
1304 , et enfin l’unité géographique, cette dernière n’ étant d’ailleurs plus définie primairement par une frontière marquée sur le
1305 voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thè
1306 années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’une « métropole r
1307 et une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implanter les plus importantes usines atomiques françaises.
1308 rouvais le seul non-Français : j’en conclus que j’ étais censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler
1309 coupait en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui est d’un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les
1310 ssiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles
1311 ussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, sel
1312 e et les régions, Paris et le désert français (ce fut le début), et enfin la Révolution régionaliste. Au-delà de ce considé
1313 d’exécutifs régionaux, — toutes propositions qui étaient proprement impensables pour un esprit français il y a dix ou vingt an
1314 a lutte pour notre indépendance nationale ne peut être menée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste o
1315 enée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste ou ne sera pas. Dans cette Europe unie la représentation
1316 de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste ou ne sera pas. Dans cette Europe unie la représentation du peuple français sera
1317 Europe unie la représentation du peuple français sera assurée par l’État fédéral français. Parmi les plus graves méfaits de
1318 nation doit réparation du tort ainsi causé. On n’ est pas loin de l’agitation populaire et de l’action directe. Dans un heb
1319 unes et des cadres… » Le dépérissement régional n’ est pas particulier à la Bretagne. Mais la crise y est si aiguë, la consc
1320 st pas particulier à la Bretagne. Mais la crise y est si aiguë, la conscience de la crise si vive et l’oppression quasi col
1321 loniale de la région si ancienne que Saint-Brieuc était l’endroit tout indiqué pour tenir le premier colloque socialiste régi
1322 ue Saint-Brieuc était l’endroit tout indiqué pour tenir le premier colloque socialiste régional sur le thème : « Décolonisez
1323 thème : « Décolonisez la province ! » Tout cela est intéressant, me disent certains augures, mais n’allez pas y attacher
1324 y attacher trop d’importance. L’État français ne sera pas si aisément ébranlé. Son chef le tient très bien en main, et quel
1325 çais ne sera pas si aisément ébranlé. Son chef le tient très bien en main, et quelques excités de la région ne l’impressionne
1326 ndrai deux choses : 1° De Gaulle lui-même ne peut tenir en main… que son État. Or la souveraineté de l’État est devenue tout
1327 main… que son État. Or la souveraineté de l’État est devenue tout illusoire, quand elle n’est pas toute négative, ne consi
1328 e l’État est devenue tout illusoire, quand elle n’ est pas toute négative, ne consiste pas à dire non, ou à consentir un aba
1329 qui, de proche en proche, mèneront très loin… Ce sont ces nécessités qui expliquent que le Marché commun ait cru devoir con
1330 roblème de la régionalisation du territoire. On s’ est aperçu que ce sous-développement provenait directement de la structur
1331 exploitation des régions par l’État central. On s’ est intéressé très spécialement aux régions périphériques, les plus négli
1332 oise, qui touche la Belgique. Vue de Paris, Lille est une gare terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de
1333 u surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’ est qu’un exemple entre bien d’autres : nous avons, tout près d’ici, celu
1334 les capitales anciennes, la révolution régionale sera faite, et du même coup la fédération de l’Europe se révélera immédiat
1335 l’Europe » — comme les communes libres médiévales étaient « immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-e
1336 s à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t -elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles car
1337 tin… vers 1985. La région dans le cadre européen, est une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le départemen
1338 e que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnair
1339 olution régionaliste, condition de l’Europe unie, est bien plus avancée que nous n’osions l’espérer. Toutefois, ne nous y t
1340 Toutefois, ne nous y trompons pas : le processus sera très long, et il nous paraîtra nécessairement très lent, au jour le j
1341 essairement très lent, au jour le jour. Nous n’en sommes encore, aujourd’hui, qu’au stade de la prise de conscience du phénomè
1342 nelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une longue
1343 u ne sauraient être décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une longue période de mise en place silencieu
1344 finalement les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’une génération, vingt à trente ans, en admettant
1345 toire. Je ne cite pas la Grèce par hasard. Car je tiens la région pour une forme de communauté aussi nouvelle dans notre civi
1346 uté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut au vie siècle avant notre ère l’apparition de la polis, dans la soci
1347 ndent aujourd’hui se partager le monde. Nous n’en sommes encore qu’à la petite aube de la formation des régions en tant qu’élé
1348 sûr, dès la fin du siècle dernier, Ernest Renan s’ était écrié dans un discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont p
1349 discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. Et
1350 te religion civique dont je vous disais qu’elle s’ était substituée à la foi chrétienne dans l’esprit des masses. Je voudrais
1351 e taille donnée, en sorte que ces limites doivent être tracées avec une certaine liberté de jugement.35 Ainsi : — là où, d
1352 us faire sortir de l’ère néolithique, celle qui a été marquée par la fixation des tribus nomades sur des territoires cultiv
1353 es sur des territoires cultivés, celle qui a donc été dominée pendant douze à quinze millénaires par les notions de terre s
1354 endance. D’ailleurs, le terme même d’indépendance est en train de perdre son sens ancien, stato-national, majestueux et vol
1355 diraient les scientifiques : “il faut chercher à être aussi indispensables aux autres que les autres nous sont indispensabl
1356 ssi indispensables aux autres que les autres nous sont indispensables.36” » Je proposerais, pour ma part, que l’on substitue
1357 ires de la souveraineté sans limites. L’autonomie est une notion relative et très précise, quand on parle par exemple de l’
1358 re dont se vantaient les États-nations. Enfin, il est une grande notion que les régions nous amèneront à mettre en lumière,
1359 ière, c’est celle de la pluralité des allégeances soit d’une personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-
1360 la pluralité des allégeances soit d’une personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-nation voulait tout f
1361 a liberté de chacun et l’efficacité de son action seront garanties par la possibilité de se rattacher et de donner son allégea
1362 ons et clubs lointains ou proches. Mais ceci, qui est très nouveau et presque révolutionnaire pour les citoyens des États u
1363 des États unitaires et surtout totalitaires, nous est très familier en Suisse… Et à ce propos, je voudrais terminer par que
1364 le triomphe du fédéralisme intégral. Depuis qu’il est question d’une entrée éventuelle de la Suisse dans le Marché commun,
1365 ration basée sur les régions, on me répond que ce serait pire encore, et que la Confédération dans ce cas serait « dissociée »
1366 pire encore, et que la Confédération dans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’il est grand temps que
1367 ans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer un refus qua
1368 « dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer un refus quasi automatique à
1369 un peu hardies, sous le double prétexte « qu’on n’ est pas sûr qu’elles réussiront », ou bien « qu’on n’est pas sûr que cela
1370 pas sûr qu’elles réussiront », ou bien « qu’on n’ est pas sûr que cela servirait nos intérêts ». Assez de cette politique f
1371 mort et il leur dit : « Le secret de ma réussite tient à ce que j’ai fondé ma vie sur deux principes : Méfiance ! Méfiance !
1372 os traditions fédéralistes. Les régions de demain seront les petits États que nous avons toujours voulu défendre, et à raison.
1373 ujours voulu défendre, et à raison. Tout ce qui s’ est fait de grand dans notre monde, s’est fait par les petits ; de sublim
1374 ut ce qui s’est fait de grand dans notre monde, s’ est fait par les petits ; de sublime, par les infimes ; et de divin par u
1375 vait trop comment déclarer… Les régions de demain seront en même temps les éléments de la grandeur requise dans beaucoup de do
1376 nis : car les régions, à la différence des États, sont faites pour s’unir et pour coopérer, comme l’ont fait nos cantons, qu
1377 os cantons, quand ils ont vu que l’union fédérale était la condition de leur survie individuelle. Les régions combinent ainsi
1378 s’intégrer dans des régions polynationales, ce ne serait pas encore « la fin de la Confédération », la perte de son identité e
1379 utre niveau, du moins je l’espère. Belle raison d’ être nationale que celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait
1380 e celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait à la merci d’un accord tarifaire ! Si Genève, par exemple, supprimait
1381 n, s’intégrait au complexe nommé Rhône-Alpes, qui est sa région naturelle, croit-on vraiment que cela lui ferait perdre son
1382 ngère et les institutions internationales qu’elle est fière d’accueillir ? Non, même « dissociée » économiquement, rien n’e
1383 Suisse de cultiver sa vocation particulière, qui est d’ordre politique et culturel, rien ne pourrait empêcher les Suisses
1384 her politiquement à l’idéal fédéraliste — s’ils y tiennent vraiment — et de maintenir leur association. Nous sommes le seul pays
1385 vraiment — et de maintenir leur association. Nous sommes le seul pays européen qui n’ait jamais été tenté de devenir un État-n
1386 ous sommes le seul pays européen qui n’ait jamais été tenté de devenir un État-nation unitaire, d’uniformiser tous ses élém
1387 ux, linguistiques, sociaux ; le seul en somme qui soit une vraie fédération et qui ait une expérience séculaire de l’existen
1388 rance, une fois de plus, va fournir le modèle ! —  sont en train d’élaborer une théorie qui me paraît mieux adaptée à notre s
1389 ciété industrielle et mobile. Mais le fédéralisme est aussi un esprit, une forme de pensée et de sentiment, un style de vie
1390 i se fait : non pas seulement une grande idée qui est capable d’ouvrir les voies de l’avenir politique pour l’Europe et le
1391 […] qui pourrait admettre de bonne foi, à moins d’ être un imbécile, qu’une seule d’entre elles consentira jamais à remettre
1392 l’ouverture de l’autoroute Paris-Lille. 34. « Qu’ est -ce qu’une nation ? », Paris, 1882. 35. Commission de la CEE, Documen
20 1968, Articles divers (1963-1969). Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)
1393 Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)y 1. Il y a vingt ans, se tenait à La Haye le
1394 l’Europe ? (mai 1968)y 1. Il y a vingt ans, se tenait à La Haye le « Congrès de l’Europe ». Quel est le souvenir le plus ma
1395 tenait à La Haye le « Congrès de l’Europe ». Quel est le souvenir le plus marquant que vous conservez de cette grande manif
1396 uverture solennelle, que désormais un mécanisme a été mis en marche et nous porte, mais pas nécessairement où nous voulions
1397 nt de couloir dont personne n’a parlé, et dont je fus alors le seul à ressentir, non sans colère ni douleur, la vraie porté
1398 can Sandys et Retinger, organisateurs du congrès, étaient venus à Ferney demander mon concours, j’avais posé clairement mes con
1399 rendrais en charge la section culturelle que s’il était bien entendu qu’il lui reviendrait de dire le sens de toute l’entrepr
1400 et formerait la conclusion du congrès. Ce succès était dû en grande partie aux efforts de Joseph Retinger, qui m’écrivait le
1401 Joseph Retinger, qui m’écrivait le 29 mars : Je suis d’avis que cette déclaration doit fournir le point de départ de notre
1402 s à la veille même du congrès, le Message avait été imprimé au haut d’un long rouleau de fort papier parcheminé, et il ét
1403 ’un long rouleau de fort papier parcheminé, et il était entendu qu’au terme du congrès, tous les participants, Churchill en t
1404 aal la séance plénière sur l’économie, qui devait être suivie, après une brève suspension, de la séance de clôture du congrè
1405 uspension, de la séance de clôture du congrès, je fus appelé d’urgence par Duncan Sandys, que je trouvai flanqué de son bea
1406 anqué de son beau-frère Randolph Churchill (qui n’ était là qu’à titre de journaliste). Ils m’apprirent que le Message aux Eu
1407 rirent que le Message aux Européens ne pourrait être présenté à la séance finale, parce qu’il contenait cette petite phras
1408 e sur la défense. Par chance, un journaliste, qui était en train de m’interviewer lorsque Sandys m’avait fait appeler, et qui
1409 essage , mais en omettant la petite phrase. Ainsi fut fait une demi-heure plus tard. L’acclamation fut unanime, mais la cam
1410 fut fait une demi-heure plus tard. L’acclamation fut unanime, mais la campagne populaire du même coup se trouvait annulée 
1411 hrase aussi voyante, et qui d’ailleurs semblait s’ être volatilisé au secrétariat de la presse38. C’est à ce moment précis qu
1412 ich) parlait de son urgence dramatique. La preuve est faite de la foncière hostilité des États-nations à toute forme d’unio
1413 ope et du monde, que négatifs. Ils peuvent encore soit refuser les mesures d’union qui s’imposent, soit abaisser les barrièr
1414 soit refuser les mesures d’union qui s’imposent, soit abaisser les barrières douanières et supprimer les chicanes de visas,
1415 aussi au lendemain du congrès de La Haye — a-t-il tenu ses promesses ? Quelles furent son action et son influence en près de
1416 de La Haye — a-t-il tenu ses promesses ? Quelles furent son action et son influence en près de vingt années d’existence ? Com
1417 it même plus son présent ? Son impuissance avérée tient au fait qu’il a opté, dès le lendemain de La Haye, pour les notables
1418 pied dans le domaine culturel, par exemple, peut être attribué d’une manière très précise aux projets de quelques non confo
1419 de répéter, bien avant de Gaulle, que les choses étant ce qu’elles sont, il convenait d’adapter les exigences de l’union aux
1420 avant de Gaulle, que les choses étant ce qu’elles sont , il convenait d’adapter les exigences de l’union aux intérêts nationa
1421 u « mouvement de l’Histoire », alors oui, nous en sommes pour nos frais. Mais j’appelle espérance l’intuition qu’il existe des
1422 l’éprouve aujourd’hui plus vive que jamais ; s’il est vrai qu’on ne peut bâtir sur de l’ancien (les États-nations), mais se
1423 hnoéconomiques. Et bâtir l’Europe des régions, ce sera tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il est remarquable que
1424 onomiques. Et bâtir l’Europe des régions, ce sera tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il est remarquable que Reting
1425 tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il est remarquable que Retinger, qui ne passait pas pour fédéraliste, ait ét
1426 etinger, qui ne passait pas pour fédéraliste, ait été le premier à préconiser cette tactique d’appel direct au « peuple eur
1427 on régionaliste parue ou printemps de 1967. Je ne serais pas étonné que d’autres fédéralistes l’aient inventée pour leur part
1428 emont Denis de, « Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? », L’Europe en formation, Nice, mai 1968, p. 14-16.
21 1969, Articles divers (1963-1969). De l’Aar à l’Europe (1969)
1429 i florit à Éphèse au vie siècle avant notre ère, sont nées de la considération d’un fleuve. Il s’agissait sans nul doute du
1430 dans les mêmes fleuves, autres et toujours autres sont les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir des liquides s’en vont
1431 uides s’en vont en vapeurs… La mort pour les âmes est de devenir eau, pour l’eau de devenir terre. De la terre naît l’eau e
1432 t l’âme… Nous entrons et nous n’entrons pas, nous sommes et nous ne sommes pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner d
1433 ons et nous n’entrons pas, nous sommes et nous ne sommes pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner deux fois dans le m
1434 igner deux fois dans le même fleuve. II Il est permis de lire bien des choses dans ces phrases. Elles décrivent la m
1435 e discours méandrique nous dit aussi qu’un fleuve est à la fois mouvement perpétuel et dessin permanent, flot sans fin dans
1436 dure en résistant précisément à la durée ; ce qui est posé et sa métamorphose ; le Même et l’Autre vus ensemble, génialemen
1437 plus de ports. L’Asie, l’Afrique, les Amériques, sont fendues, blessées par des fleuves trop larges et trop longs pour l’us
1438 riguent. Mais les fleuves et rivières de l’Europe sont pareils aux artères ou aux nerfs dans un corps, aux racines des grand
1439 Rien de plus fluvial que la Suisse. Si l’Europe est la terre des ports, où les fleuves ont formé plus de baies favorables
1440 nt ensemble les plus grands continents, la Suisse est la terre des sources. Cinq bassins fluviaux s’originent au massif du
1441 u d’eau de l’Europe. Par eux la terre des Suisses est liée sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin, et à trois mers d
1442 ds fleuves nous bordent et nous quittent. Mais il est une rivière qui d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est,
1443 i d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’ est , ramasse toutes les autres rivières du Plateau suisse et les déverse
1444 la Reuss, tout près de son terme rhénan. L’Aar n’ est pas seulement la plus longue des rivières qui coulent en Suisse d’un
1445 hâtel, Morat et Bienne, au lac de Wallenstadt à l’ est , à travers le lac de Zurich, tandis que la Reuss lui amène les eaux d
1446 suédoise ses grands hommes blonds. Comme Uri, il fut terre d’Empire et longtemps défendit contre Berne ses libertés tradit
1447 nquête tournée principalement vers l’ouest. Berne est la seule cité de la communauté suisse qui ait été carrément impériali
1448 est la seule cité de la communauté suisse qui ait été carrément impérialiste, étendant ses pouvoirs par la force ou l’astuc
1449 mêmes pouvoirs souverains de rassemblement, Berne est une expression de l’Aar. Et puis, quand la rivière une première fois
1450 son régime radical. Ce cours de l’Aar d’ouest en est qui fut jadis route commerciale des Romains, d’Aventicum à Vindonissa
1451 ime radical. Ce cours de l’Aar d’ouest en est qui fut jadis route commerciale des Romains, d’Aventicum à Vindonissa, puis r
1452 grès social et de la conquête industrielle. Olten est le symbole du mouvement ouvrier, comme Brugg du syndicalisme paysan,
1453 t le temps du continent de notre destin. L’Europe est partout dans l’histoire comme dans le cours physique de l’Aar. À caus
1454 cours physique de l’Aar. À cause des fleuves, qui sont un phénomène tellement typique de cette « péninsule occidentale de l’
1455 le plus européen du continent. Et nos libertés en sont nées, comme en naissent les fleuves coulant vers quatre mers. Et parc
1456 ers quatre mers. Et parce qu’enfin la rivière Aar est la plus suisse de toutes, et seulement suisse : à cause de cela, mieu
1457 enticité européenne. VII Car l’Europe, ce n’ est pas un produit synthétique, ni une substance philosophique, ni une na
1458 l’accord des tons purs de nos diversités. Ce qui est européen n’est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le mê
1459 ns purs de nos diversités. Ce qui est européen n’ est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le même partout, dan
1460 és. Ce qui est européen n’est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le même partout, dans chacun de nos pays, i
1461 ’est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le même partout, dans chacun de nos pays, indifférent au lieu et sans
1462 sans accent ; mais bien, et au contraire, ce qui est différent, s’affirme singulier et manifeste une vocation incomparable
1463 le. Il n’y a pas d’accent européen, mais l’Europe est partout où une langue est parlée, écrite et chantée librement par une
1464 européen, mais l’Europe est partout où une langue est parlée, écrite et chantée librement par une communauté d’hommes libre
1465 rement par une communauté d’hommes libres. Rien n’ est authentiquement européen qui ne soit d’abord d’un pays. D’un pays à n
1466 ibres. Rien n’est authentiquement européen qui ne soit d’abord d’un pays. D’un pays à nul autre pareil et pourtant fraternel
1467 les quatre points cardinaux. Et rien en Suisse n’ est suisse avec plus de robustesse que cette rivière germano-celte romani
1468 charriées par les torrents alpestres. Ainsi l’Aar est européenne. ah. Rougemont Denis de, « De l’Aar à l’Europe », L’Aa
22 1969, Articles divers (1963-1969). À la fontaine Castalie (1969)
1469 fontaine Castalie (1969)ag juillet 1962. Ce n’ est pas pour aller quelque part mais pour être-en-voyage, absolument, que
1470 on lieu. Un certain état d’âme, d’alerte au monde est le vrai but du dé-placement : il renouvelle la syntaxe émotive de mon
1471 ec la nature et l’histoire. Mais voyager en Grèce est une autre aventure. Qu’on le veuille et le sache ou non, c’est un iti
1472 ge en vérité son invention sur place ; ses étapes sont des prises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’être parcouru.
1473 rises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’ être parcouru. Le voilier — un schooner de vingt-deux-mètres — cherche la
1474 dans le bleu, deux milans planent. Soudain l’un n’ est plus là. Puis ils sont trois qui virent, s’évanouissent dans la lumiè
1475 ans planent. Soudain l’un n’est plus là. Puis ils sont trois qui virent, s’évanouissent dans la lumière et reparaissent, tom
1476 mense et tranchée en plein roc. À mi-hauteur elle est creusée de larges niches irrégulières et peu profondes, aux voûtes su
1477 ofondes, aux voûtes surbaissées ; l’une abrite un fût de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte noir
1478 sées ; l’une abrite un fût de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte noire semble s’ouvrir vers l’in
1479 t, avec piété, malgré l’angoisse grandissante, je suis entré dans le rocher, je me suis avancé à tâtons jusqu’au fond de la
1480 grandissante, je suis entré dans le rocher, je me suis avancé à tâtons jusqu’au fond de la fente étroite et haute, doucement
1481 pur. ⁂ Toutes choses qui naissent et croissent sont de la terre et de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre et d’e
1482 issent sont de la terre et de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre et d’eau. Et l’eau dégoutte dans certaines cave
1483 ’eau verte et les parois monumentales. Cet espace est pourtant ce que l’on voudrait « prendre », mais aucun objectif ne pou
1484 il y faudrait un œil de l’âme, œil intérieur : on est ici dans l’événement à voir, et non devant… Une autre résistance obsc
1485 que sourd interdit règne ici. Quelque chose ici s’ est passé et peut-être se passe encore — mais toujours vient d’être accom
1486 peut-être se passe encore — mais toujours vient d’ être accompli. Il en reste un silence énorme, ces pierres nues, et la paix
1487 La Grande Bouche de la Nuit, l’oracle primordial était ici, près de la source et de la pierre sacrée, l’omphalos lourd et no
1488 iniscence. Le mot crime… Deux crimes obscurément sont liés à l’attrait de ces lieux. Là sur la gauche, à une centaine de p
1489 du Ciel a vaincu, imposant la loi du soleil, qui est celle du Père, à ce lieu dont le nom reste l’Ombre. Mais ici même, pr
1490 ’Ombre. Mais ici même, près de la fontaine, où je suis , où l’oracle était, Œdipe s’est tenu devant lui, attendant la parole
1491 ême, près de la fontaine, où je suis, où l’oracle était , Œdipe s’est tenu devant lui, attendant la parole de son destin, et l
1492 fontaine, où je suis, où l’oracle était, Œdipe s’ est tenu devant lui, attendant la parole de son destin, et l’ombre du des
1493 taine, où je suis, où l’oracle était, Œdipe s’est tenu devant lui, attendant la parole de son destin, et l’ombre du destin l
1494 taine Castalie, c’est le combat fondamental qui s’ est livré. Le drame originel s’accomplit, à jamais suspendu dans l’instan
1495 es filles en cortège, conduites par un pope noir, sont venues se désaltérer au grand bassin. Le prêtre a béni l’eau païenne.
1496 parfois une arrière-pensée se meut dans l’ombre : est -ce bien ainsi ? n’est-ce que cela ? n’y a-t-il Personne ? Ces grands
1497 nsée se meut dans l’ombre : est-ce bien ainsi ? n’ est -ce que cela ? n’y a-t-il Personne ? Ces grands buissons, ces murets d
1498 ateaux du Jura familier de mon enfance… Delphes s’ est tue. Le sombre esprit ne parle plus qu’au silence monumental de la fo
1499 talie. (Plus tard, j’ai repris Hölderlin : Il s’ est tu, sol de Delphes, ton Dieu !… Mais là-haut la lumière encore aujo
23 1969, Articles divers (1963-1969). Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)
1500 ra un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie sommes -nous engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie
1501 Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’ est pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire
1502 dictoire, c’est en effet l’État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation
1503 nt laissé, à la fois trop petit et trop grand. Il est trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendance e
1504 eraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’ est plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, d
1505 États centralisés — et dans la mesure même où ils sont centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économique,
1506 u sa capitale et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens
1507 indépendante, au plein sens du terme, ne saurait être soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’
1508 acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation parano
1509 enne, voici donc une première réponse : oui, nous sommes bel et bien au seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on d
1510 regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États et
1511 rope de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’ Est et au-delà l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché
1512 ique de la convergence et de la diversification n’ est pas tellement mieux satisfaite dans ces trois États officiellement fé
1513 tifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce sont les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques
1514 s et les diversités religieuses et politiques qui sont opprimées par l’État central dont un parti unique s’est emparé ; au N
1515 primées par l’État central dont un parti unique s’ est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui
1516 exemple de la fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est
1517 s ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage ma
1518 alisme, mais d’un défaut de fédéralisme ! Et l’on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéralis
1519 plus locales et vers des unions plus vastes, qui est le battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre
1520 nationalisme, il faudrait, avant de le prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne vois pas de terme du langage politiq
1521 ine du gouvernement fédératif. » Cette définition est assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent :
1522 citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
1523 nd il veut savoir ce qu’un mot signifie, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages et qui se
1524 e, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir été préconisé que par des
1525 i est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon L
1526 réconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore quali
1527 i que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore qualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de
1528 ut : le malheur congénital du fédéralisme reste d’ être un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout c
1529 té directeur d’un congrès européen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil
1530 déralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe tint à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbo
1531 t à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on
1532 Je compris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unification intégrale, sans respect
1533 t-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il est . À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude
1534 aire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir
1535 e, et grand Européen, écrivait récemment : « Ce n’ est pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même qu
1536 emment : « Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’ est pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut. 
1537 bvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéralistes » ! Pareils malentendus, s’ils sont le fait d’Européens
1538 ommes fédéralistes » ! Pareils malentendus, s’ils sont le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditio
1539 u de gardiens jaloux des traditions helvètes, que sera -ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexis
1540 helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’ étant ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela,
1541 ions partielles, donc ruineuses dans son cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe
1542 cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle e
1543 génital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle et s’il est vraisemblable que cett
1544 pe est l’entreprise capitale de ce siècle et s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent t
1545 siècle et s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fa
1546 vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus q
1547 vitales, de telle sorte que la solution ne puisse être cherchée ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordin
1548 e telle manière que la résultante de leur tension soit positive (on dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Ne
1549 e de relations bipolaires dont le « modèle » nous est connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie o
1550 lule de base des ligues et fédérations. Voilà qui est proprement occidental : devant ce même problème de l’un et du divers,
1551 nte. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but est d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans di
1552 ue. De même que le modèle trinitaire des conciles sera utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs appli
1553 rence des natures sauvegarde leurs propriétés »ab sera repris par tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et des c
1554 pectueux du réel et des conditions de la vie, qui sont  : antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où procède la plu
1555 éfinis comme exclusifs l’un et l’autre, a cessé d’ être un scandale, est même devenue principe fondamental d’interprétation d
1556 sifs l’un et l’autre, a cessé d’être un scandale, est même devenue principe fondamental d’interprétation du réel (je pense
1557 utres hommes, ses semblables. Ces groupes devront être à leur tour à la fois autonomes et solidaires : pour eux aussi, l’un
1558 sans l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité — sera la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1° Le probl
1559 i veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homologue de la situation de la région qui veut à la fois son autonom
1560 . 4° Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’ est -il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu
1561 analyse, des vocations particulières au sein de l’ Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces
1562 unauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels seront les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect d
1563 ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’aille
1564 ndu possible par la technique moderne. Ce débat n’ est pas d’aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France
1565 ar cette grande phrase : « Le but de la société n’ est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et écla
1566 but de la société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfi
1567 as que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfin, que nos critères d’éval
1568 cipation, l’efficacité et l’économie des moyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’habitat : le giga
1569 rop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvai
1570 unication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’ étaient pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communau
1571 aménagements. Les dimensions, d’ailleurs, peuvent être numériques aussi bien qu’architecturales : prenez les conflits actuel
1572 rofessionnel souvent d’autant plus rentable qu’il est plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudiants,
1573 étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement, est un contrecoup mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par
1574 du fameux colloque de Caen, en 1966. L’université fut une commune libre au Moyen Âge. Toute vie civique, depuis la cité gre
1575 n Âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque, est communale d’abord, municipale. C’est au niveau de la vie civique ou p
1576 unités de base ? Comment devenir assez grand pour être fort, tout en restant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le v
1577 pour être fort, tout en restant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moin
1578 out en restant assez petit pour être libre ? Ce n’ est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral, qui pe
1579 ivisme, c’est dans cette dialectique concrète que sont en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine d
1580 is en considération par les auteurs classiques, n’ était en réalité qu’un cas particulier d’une conception beaucoup plus large
1581 re à épuiser » … Et il ajoutait : Le fédéralisme est autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
1582 qu’une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être p
1583 i tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’ est pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de p
1584 Fourastié, demandant d’abord si le modèle suisse est si facilement transposable aux régions françaises ; ensuite, de reven
1585 ue toute l’histoire prouve que les confédérations sont des formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapid
1586 confédérations sont des formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapidement si elles ne passent pas à la
1587 es pays qui aujourd’hui s’appellent confédération sont des fédérations qui, pour certaines raisons, n’ont pas voulu dire leu
1588 pas du tout des confédérations. La confédération est une mesure d’opportunisme pour des gens qui voient que l’on ne peut p
1589 un citoyen peut se manifester. Si les dimensions sont celles d’un peuple de 50 millions, qu’est-ce qu’il se produit ? On vo
1590 nsions sont celles d’un peuple de 50 millions, qu’ est -ce qu’il se produit ? On vote, de temps en temps, sur de grandes opti
1591 érales, ou sur un homme ou sur un député ; cela n’ est pas réellement l’activité du civisme, c’est-à-dire l’intervention dan
1592 u’à demander, comme Aristote, que les communes ne soient pas plus vastes que la portée de la voix d’un homme criant sur l’agor
1593 t très bien concevoir des régions comme celle qui est en train de s’organiser autour de Bâle, la Regio Basiliensis, qui che
1594 e Bade jusqu’à Fribourg en Allemagne. Cette regio est une unité essentiellement économique. Si une région se constitue vrai
1595 Suisse, plusieurs langues, bien que l’allemand y soit majoritaire. Il faut s’orienter vers une vision de l’Europe de demain
1596 de demain correspondant aux réalités diverses qui sont des réalités techniques, culturelles, économiques, linguistiques, uni
1597 ses régions correspondant à ces divers niveaux ne seront pas nécessairement les mêmes, elles ne se recouvriront pas toutes com
1598 mple à la division de la région Ruhr-Moselle, qui est d’un seul tenant au point de vue du sous-sol, d’après la langue qu’on
1599 ge à chercher autre chose du côté des régions. Il est certain que le système stato-national actuel n’est plus tolérable, ne
1600 st certain que le système stato-national actuel n’ est plus tolérable, ne fonctionne plus. Le mouvement de régionalisation s
1601 fonctionne plus. Le mouvement de régionalisation sera-t -il assez puissant pour aboutir, pour former la base d’une fédération 
1602 iter un exemple tiré de l’expérience suisse. Il s’ est agi, il y a cinq ou six ans, de décider de la priorité pour la constr
1603 r la construction des autoroutes. Le plan général est fait à Berne, mais chaque tracé doit être discuté avec les cantons, q
1604 général est fait à Berne, mais chaque tracé doit être discuté avec les cantons, qui sont maîtres d’œuvre, et avec les commu
1605 que tracé doit être discuté avec les cantons, qui sont maîtres d’œuvre, et avec les communes qui peuvent refuser qu’on ruine
1606 en la coupant en deux, par exemple. La question s’ est posée de la priorité à établir dans le tracé de ces routes : il y ava
1607 s, Le Fédéralisme contemporain : « Le fédéralisme est présence au pouvoir global des éléments particuliers — demeurant dist
1608 connaissables — dont se compose la fédération. Il est une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités ».
24 1969, Articles divers (1963-1969). « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)
1609 m’a fait jouer du violon comme jamais, mais ce n’ était pas assez, je suis sorti, sur mon vélo j’ai foncé vers le lac. « Part
1610 iolon comme jamais, mais ce n’était pas assez, je suis sorti, sur mon vélo j’ai foncé vers le lac. « Partir ! » et toute la
1611 ac. « Partir ! » et toute la vie qui change, tout était libre devant moi ! J’ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie — et suis
1612 oi ! J’ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie — et suis rentré à la maison pour le dîner. Si j’avais rencontré Gide, en ce te
1613 Si j’avais rencontré Gide, en ce temps-là, je me serais sans doute évanoui d’émotion. Dix ans plus tard, le voici qui entre d
1614 gulier, mais vous l’intimidez. » C’est qu’il ne m’ était plus un dieu, et que j’étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire
1615 . » C’est qu’il ne m’était plus un dieu, et que j’ étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, et trouvait Kierkegaar
1616 nes avec ma femme, rue Vaneau, et nos rapports se sont stabilisés autour de la moyenne barométrique « variable à beau » (aff
1617 oute qu’il en aille autrement pour mes cadets. Je serais tenté de dire : tant pis pour nous. Mais non : « le temps ne fait rie
1618 pour qui sait la comprendre. (Pour les autres, il est vrai, cela change tout : Marcuse, ni lu ni connu mais « actuel » selo
1619 uché. La plupart des « actuels » écrivent mal, ou sont plats. Mais la question de son « actualité » reste intéressante en ce
1620 lui ferait « gagner son procès en appel ». Or peu furent moins méconnus de leur vivant, plus influents, mieux célébrés — et mi
1621 sée de Gide vous ont-elles influencé, b) et quels sont les aspects de sa pensée qui vous paraissent les plus actuels ? 2. Gi
1622 ée qui vous paraissent les plus actuels ? 2. Gide fut de son temps un grand contestateur ; vous semble-t-il garder aujourd’
25 1969, Articles divers (1963-1969). Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)
1623 et les recettes éprouvées de l’immobilisme, qui s’ est toujours paré du nom de réalisme. Aristide Briand avait coutume de pr
1624 cours, sauf la loi qu’il a fait voter. Quelle que soit la valeur littéraire que nous accordons aujourd’hui au bref ouvrage i
1625 implicité) Un Souvenir de Solférino, son résultat fut la Croix-Rouge. Ce très curieux récit s’ouvre sur un rappel de l’ordr
1626 trictement conventionnelles : les officiers cités sont tous, sans exception, « intrépides », « valeureux », « vaillants », «
1627 des deux empereurs, et l’énergie de leurs troupes est bien sûr « indomptable ». Tout cela fait une « mémorable journée » où
1628 lférino, par l’horrible tuerie dont ces localités furent les glorieux témoins et le sanglant théâtre… » L’on ne trouve dans ce
1629 t à la chronique de faits d’armes dont il n’a pas été le témoin, et qui auraient tous été, s’il faut l’en croire, de hauts
1630 nt il n’a pas été le témoin, et qui auraient tous été , s’il faut l’en croire, de hauts exemples de bravoure ou de cette gra
1631 vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’elle est , telle que je l’ai vue… Car voici que le récit quittant le style nobl
1632 horrible et indéfinissable mélange où les vers se sont mis ; plusieurs frémissent à la pensée d’être rongés par ces vers, qu
1633 se sont mis ; plusieurs frémissent à la pensée d’ être rongés par ces vers, qu’ils croient voir sortir de leur corps, et qui
1634 ui proviennent des myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici est un soldat, entièrement défiguré, dont la langue sort
1635 s myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici est un soldat, entièrement défiguré, dont la langue sort démesurément de
1636 us ces hommes d’origines si diverses, et qui leur sont tous également étrangers. Tutti fratelli, répétaient-elles avec émoti
1637 ui ébranle les fibres les plus sensibles de notre être . Hanté par les visions de l’enfer de Castiglione, il se décide à ras
1638 tat de choses où de nouveaux progrès ne sauraient être de trop, même dans les armées les mieux organisées, j’aurais pleineme
1639 pleinement atteint mon but. Toute sa proposition tient en une phrase, au surplus interrogative : N’y aurait-il pas moyen de
1640 de constituer des sociétés de secours dont le but serait de faire donner des soins aux blessés, en temps de guerre, par des vo
1641 et bien qualifiés pour une pareille œuvre ? Tel est l’homme que l’on a traité d’utopiste et d’illuminé, et auquel on a ta
1642 r du sens élémentaire des réalités. On ne saurait être plus respectueux des conventions et des vertus de la Société de son t
1643 eproche à quiconque dans ce livre ! On ne saurait être plus prudent, plus modéré : il n’est question que « de quelques pas »
1644 ne saurait être plus prudent, plus modéré : il n’ est question que « de quelques pas » et non pas de révolutionner mais sim
1645 er avec une émotion si contagieuse. On ne saurait être , enfin, plus efficace : quatre ans après Solférino, un an après la pa
1646 arution hors commerce du Souvenir, la Croix-Rouge est fondée à Genève. Et certes, il n’eût pas pu la fonder seul, sans Gust
1647 , homme de méthode et d’organisation dont l’appui fut décisif, ou sans le général Dufour, qui accepta de présider le premie
1648 présider le premier Comité. Reste que rien n’eût été fait sans le Souvenir, ni sans l’impulsion créatrice de son auteur. ⁂
1649 mpulsion créatrice de son auteur. ⁂ Le personnage est peu croyable, qui parcourt par hasard, dans son cabriolet, les arrièr
1650 Waterloo : il n’a qu’une seule idée en tête, qui est d’approcher l’empereur et d’obtenir de lui la permission (refusée par
1651 ivre, il se borne à écrire cette seule phrase qui est sans doute l’une des plus saugrenues de l’histoire : Simple touriste
1652 pouvoir assister aux scènes émouvantes que je me suis décidé à retracer. Ce n’est pas du tout Fabrice à Waterloo dans la C
1653 mouvantes que je me suis décidé à retracer. Ce n’ est pas du tout Fabrice à Waterloo dans la Chartreuse de Parme, mais plut
1654 par la faute des circonstances », dit-on, et l’on est pris par quelque chose qu’on ne cherchait pas, qui passionne bientôt
1655 ecrète. En 1864, la Première Convention de Genève est signée par douze États qui, à leur tour, fondent des sociétés nationa
1656  : il ne peut arriver au bout de son discours, il est trop affaibli par la faim. Quand ses chaussettes sont trouées, il tei
1657 trop affaibli par la faim. Quand ses chaussettes sont trouées, il teint à l’encre ses talons. En 1887, une espèce de vagabo
1658 onneurs dans sa retraite morose, comme il l’avait été d’opprobres au temps de sa vie la plus entreprenante, portant sur la
1659 avait vue venir. Il écrivait : « Ah ! la guerre n’ est pas morte ! Tout ce qui fait la gloire de votre prétendue civilisatio
1660 ui fait la gloire de votre prétendue civilisation sera employé à son service… Les combattants sont prêts pour de nouveaux co
1661 ation sera employé à son service… Les combattants sont prêts pour de nouveaux combats, résolus à y engager le reste de l’Eur
1662 e monde entier… Dans ce conflit, bon gré mal gré, seront entraînés la plupart des peuples civilisés, oubliant leur brillante m
1663 nir, la moindre note d’antimilitarisme, et rien n’ est dit non plus contre la guerre en soi (sinon par la violence des image
1664 se phénomène de la guerre, un succès indéniable a été remporté par la fondation de la Croix-Rouge. Mais vouloir « diminuer
1665 ouloir « diminuer les horreurs de la guerre » qui est son intention déclarée à toutes fins d’efficacité, c’est encore une m
1666 bien-pensants de tous les temps, que ces horreurs sont fatales et voulues par les dieux ; c’est encore admettre la guerre. (
1667 les dieux ; c’est encore admettre la guerre. (Que serait une guerre sans « horreurs » ?) J’avoue qu’à ma première lecture du S
1668 « modestie du but » auquel Dunant veut se limiter est réitérée, mais déjà la possibilité que la guerre ne soit ni légitime
1669 itérée, mais déjà la possibilité que la guerre ne soit ni légitime ni fatale est nettement impliquée dans ce même passage :
1670 ilité que la guerre ne soit ni légitime ni fatale est nettement impliquée dans ce même passage : Certains, comme J. de Mai
1671 tre, ont nommé la guerre « divine » ; d’autres la tiennent pour une « loi de la nature » ; lui, sans vouloir « toucher au redout
1672 imité de la guerre », dit seulement que « si elle est inévitable, elle doit être faite avec le moins de barbarie possible »
1673 seulement que « si elle est inévitable, elle doit être faite avec le moins de barbarie possible ». Autre étape décisive dan
1674 ireurs : Héros ou bandits ? Un code de la guerre serait une chose odieuse à l’époque de civilisation où nous vivons, parce qu
1675 ire d’autres conclusions que la nécessité de s’en tenir à « quelques conventions diplomatiques spéciales, traitant chacune un
1676 peut manquer de sentir ici qu’un doute profond s’ est éveillé en lui quant à la nature finale des relations entre la Croix-
1677 es causes permanentes : L’essence de la guerre n’ est -elle pas de tuer ? Pourquoi donc ne pas stigmatiser la guerre elle-mê
1678 e pas stigmatiser la guerre elle-même ? Ses excès sont inévitables… Assez de raisonnements captieux tendant à démontrer le
1679 ’il tuait ». Et qu’on ne répète pas que la guerre est la suprême éducatrice du genre humain ! À cet antique adage de la sag
1680 dégrade. Et ailleurs : Les vertus guerrières ne sont , le plus souvent, que des utopies traditionnelles intéressées… Ce qu’
1681 chés d’Un Souvenir et de ses prudences tactiques. Serait -ce que Dunant, écarté de l’action, n’ayant plus rien à espérer ni à m
1682 ns des termes d’utopie et de réalisme. L’utopiste est celui qui voit la fin sans imaginer ses moyens. Mais c’est aussi celu
1683 nsacre à les préparer. Mais il y a plus. Réaliste est celui qui, non content d’avoir dénoncé le mal qui est dans le monde,
1684 celui qui, non content d’avoir dénoncé le mal qui est dans le monde, s’en prend à ses principes qui sont dans l’homme, et s
1685 est dans le monde, s’en prend à ses principes qui sont dans l’homme, et sur lesquels nous pouvons exercer les pouvoirs de l’
1686 ne, qu’il écrit vers la fin du siècle dernier. Il est difficile aujourd’hui de ne pas voir les liens nécessaires et l’inter
1687 facteurs principaux de la guerre qui se préparait étaient les mêmes que ceux qui, justement, achevaient de former l’État-nation
1688 co-technique mis au service du nationalisme. Tels sont les procédés nés de la Révolution, qui ont permis à l’État (de droite
1689 avec une sorte d’étonnement reconnaissant, qu’il est celui que j’utilisais depuis quelques années pour mes cours : L’Écol
1690 cours : L’École : « L’enseignement de l’histoire est , dans les universités, les lycées, les pensionnats, les séminaires et
1691 ice militaire dû aux seigneurs. « Les révolutions sont venues, mais le lendemain de leur avènement, au lieu de supprimer les
1692 œuvre pour blâmer sévèrement la guerre, au lieu d’ être l’influence la plus oppressive que le monde ait jamais connue, elle d
1693 décorent du nom de politique coloniale ». Or ce n’ est pas la vraie civilisation qu’on apporte aux peuples asservis : c’est
1694 ens si prodigieux de faire le mal qu’il ne pourra être sauvé de lui-même, au milieu d’épouvantables désastres, que par une i
1695 inévitables désormais, les peuples dits civilisés seront entrainés bon gré mal gré (d’où guerres mondiales) et jetés à une for
1696  ». En effet, « de toutes les inventions, il n’en est pas que le genre humain se soit plus appliqué à perfectionner que cel
1697 nventions, il n’en est pas que le genre humain se soit plus appliqué à perfectionner que celle dont le but est le meurtre en
1698 us appliqué à perfectionner que celle dont le but est le meurtre en grand de nos semblables ». Car désormais « le progrès c
1699 tème si vis pacem tout en exaltant le Progrès, ce sont eux qui nageaient dans l’utopie : au moment où Dunant disparaît, ils
1700 sparaît, ils courent vers le réveil tragique de l’ été 1914, aboutissement normal, sinon fatal, de tout le système stato-nat
1701 omme de son siècle ou du nôtre. 41. « La guerre est agréable pour ceux qui ne l’ont pas faite » ou mieux : « Pour les civ
1702 s faite » ou mieux : « Pour les civils, la guerre est belle ! » 42. Sur la biographie de Dunant, consultez l’excellente no
1703 . BPU Ms fr. 4556. 44. Fragment intitulé L’armée est une école, dit-on ! 45. Dunant avait publié, en 1859, un volume inti
1704 our la civilisation arabe. Cette attitude n’a pas été étrangère aux difficultés, insolites elles aussi, que lui ont faites
26 1969, Articles divers (1963-1969). Toujours disponible (1969)
1705 up plus tard), quoiqu’également résistant. Ce qui est certain, c’est que les premiers efforts d’union de l’Europe, au lende
1706 ains suisses — car chacun sait que Hans Oprecht a été l’un des premiers à utiliser cette forme moderne du cabinet de travai
1707 règle d’or de toute construction fédérale devrait être la suivante : « Développons en commun ce qui est neuf ». Laissons de
1708 être la suivante : « Développons en commun ce qui est neuf ». Laissons de côté les héritages du passé dont l’unification pr
1709 premières interventions nous portèrent en effet, soit qu’il s’agît de sciences, d’arts ou d’éditions, vers les formes les p
1710 émontré le mouvement en marchant : Hans Oprecht n’ était pas pour nous le président du Parti socialiste, mais avant tout le di
1711 né naissance à la Guilde du Livre, à Lausanne. Ce fut autour de ce noyau que se constitua rapidement la Communauté européen
1712 des grands éditeurs d’Europe qui, dès le début, s’ étaient montrés les plus intolérants à l’égard de la formule guildienne… Et s
1713 s les plus remarquables et les plus originaux qui soient  : l’un des rares qui ait trouvé le secret d’être à la fois efficace e
1714 oient : l’un des rares qui ait trouvé le secret d’ être à la fois efficace et d’humeur enjouée, redoutablement organisé et to
27 1969, Articles divers (1963-1969). « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)
1715 écrit : « N’habitez pas les villes » et peut-être est -ce pour cela que vous êtes venu vous installer dans le pays de Gex. Q
1716 s villes » et peut-être est-ce pour cela que vous êtes venu vous installer dans le pays de Gex. Que pensez-vous de la transf
1717 village… mais toutes les belles régions de France sont dilapidées. Le problème n’est pas particulier à Ferney-Voltaire. Ce q
1718 régions de France sont dilapidées. Le problème n’ est pas particulier à Ferney-Voltaire. Ce qui me frappe, c’est l’extrême
1719 ande, dans le Sud du Portugal, toutes les maisons sont belles, sans être plus luxueuses. C’est une fête de voir ça. Denis de
1720 du Portugal, toutes les maisons sont belles, sans être plus luxueuses. C’est une fête de voir ça. Denis de Rougemont illustr
1721 ces pays, créer une atmosphère, un style. Mais n’ était -il pas urgent de construire des logements ? On aurait pu faire, plus
1722 une place, une église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause de cette place où les gens
1723 cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause de cette place où les gens se voient, se rencontrent.
1724 ys. On a l’impression que le seul souci qu’on ait soit la spéculation. Il faut construire vite parce que cela coûte moins ch
1725 dans le pays de Gex, plus de deux-mille logements seront construits dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’une enquê
1726 ront construits dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’une enquête telle que la vôtre le révèle, car autour de to
1727 ’objet d’un débat public. La vraie démocratie, ce serait que les gens puissent discuter des projets car c’est leur vie qui va
1728 nt discuter des projets car c’est leur vie qui va être modifiée. Il faut rendre les gens attentifs à l’importance du cadre d
1729 ’importance du cadre dans lequel ils vivent. Cela est plus important que de savoir si l’on est de droite ou de gauche. Une
1730 nt. Cela est plus important que de savoir si l’on est de droite ou de gauche. Une telle discussion ne risque-t-elle pas de
1731 pas de faire obstacle à tous les projets ? Je ne suis pas partisan d’une stagnation complète. Il faut éduquer les gens, les
1732 truction à Ferney, plus de deux-mille-cinq-cents, soit en projet, soit en cours de réalisation, dans l’ensemble du pays de G
1733 y, plus de deux-mille-cinq-cents, soit en projet, soit en cours de réalisation, dans l’ensemble du pays de Gex, voilà quelqu
1734 er un avenir brillant… Comment, cependant, ne pas être saisi d’un certain effroi devant une telle expansion ? Le pays de Gex
28 1969, Articles divers (1963-1969). Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)
1735 les régions et non sur les États-nations47, j’ai été amené à relever et à classer les objections les plus fréquentes à l’e
1736 ation. Je note d’abord que le terme de difficulté est souvent plus exact que celui d’objection. Dans la plupart des cas, la
1737 e mouvement de l’Histoire, selon lequel la nation est le Progrès. La région est une nostalgie réactionnaire. Le progrès et
1738 selon lequel la nation est le Progrès. La région est une nostalgie réactionnaire. Le progrès et l’efficacité, au xxe sièc
1739 formées par extrapolation du passé ou du présent, sont toutes à la merci d’une équation nouvelle, d’une action aujourd’hui e
1740 oyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’on veut, il n’ est pas très intéressant de chercher à deviner ce qui sera : « l’objectiv
1741 pas très intéressant de chercher à deviner ce qui sera  : « l’objectivité scientifique » dissimulant une démission civique re
1742 us sûr.) Objections tactiques Comme s’il n’ était déjà pas assez difficile de faire l’Europe avec les Six, et d’ajouter
1743 ions fédérées. Cela prendra des décennies. Ce qui est urgent, c’est le prix du lait et le taux d’accroissement de la produc
1744 té industrielle. (Principes d’une réponse : a) N’ est -il pas justement trop difficile de faire l’Europe politique sur la ba
1745 fédération qui ait réussi en Europe, la Suisse, a été conçu, formé et accouché en neuf mois exactement, du 17 février au 16
1746 ctement, du 17 février au 16 novembre 1848, et il est entré en vigueur à cette dernière date sans la moindre mesure de tran
1747 ar l’éducation stato-nationaliste Les nations sont immortelles (François Mauriac), tandis que les régions sont encore à
1748 telles (François Mauriac), tandis que les régions sont encore à naître. Les gens n’en veulent pas, de vos régions autonomes.
1749 votent gaulliste. Les conflits entre les régions seront forcément plus nombreux et plus mesquins que les conflits entre nos n
1750 niser l’Europe ? (Ces étourderies et boutades ne sont guère passibles d’une réfutation.) Résistances conditionnées par n
1751 Comment allez-vous découper vos régions ? Quelles seront leurs frontières exactes ? Faut-il qu’elles aient des superficies ou
1752 de Paris, avec ses 9 ou 10 millions d’habitants, est plus petite que le Limousin, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça
1753 in, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’est pas une entité économique viable. Et qui parl
1754 n d’habitants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’ est pas une entité économique viable. Et qui parle breton à Rennes ? Les
1755 ce dernier groupe d’objections ou difficultés qui est la cause principale de l’ajournement des solutions régionalistes, c’e
1756 er d’analyser.) II. Que la région ne doit pas être conçue comme un État-notion en réduction Presque tous les difficul
1757 ositions axiomatiques de ce genre : — L’État doit être unique et indivisible. — De son siège dans la capitale, il régit souv
1758 ). Au cours des siècles de l’histoire moderne, ce sont les guerres qui ont servi de prétexte à ces concentrations forcées, c
1759 qui ont notamment accrédité l’idée que l’économie est au service des desseins politiques d’un État et non de la prospérité
1760 -là. Aux yeux de cet homme gutenbergien, que nous sommes tous, peu ou prou, et dans son système de représentation, la région n
1761 centrés dans une métropole régionale au lieu de l’ être dans une capitale. Les possibilités pratiques de participation du cit
1762 on du citoyen à la vie d’une région de ce type ne seraient pas d’un ordre essentiellement différent de ce qu’elles sont aujourd’
1763 un ordre essentiellement différent de ce qu’elles sont aujourd’hui. La vie communale — seule école efficace du civisme — ne
1764 communale — seule école efficace du civisme — ne serait pas nécessairement restaurée par la simple division d’un pays en ving
1765 ve que d’accroître les libertés civiques. Elle ne serait à aucun titre un modèle neuf de relations humaines et de structure du
1766 série de raisons (pas seulement militaires) qu’il serait trop long de développer ici : qu’il suffise d’évoquer la sécurité sui
1767 o-nationalistes dont, je le répète, nul de nous n’ est indemne. III. De la pluralité des allégeances Comment échapper
1768 el, pour aller vite et rester dans le concret. Je suis neuchâtelois de naissance et de tradition : à ce canton va donc mon a
1769 uisse ; mon passeport et mon allégeance nationale sont donc suisses. Je suis aussi écrivain français : la francophonie europ
1770 et mon allégeance nationale sont donc suisses. Je suis aussi écrivain français : la francophonie européenne, c’est-à-dire le
1771 constitue donc mon allégeance culturelle. Mais je suis aussi protestant, ce qui représente une allégeance mondiale (ce serai
1772 nt, ce qui représente une allégeance mondiale (ce serait pareil si j’étais communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais
1773 te une allégeance mondiale (ce serait pareil si j’ étais communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais partie d’un très g
1774 rontières du tout. Si l’on exigeait que tout cela soit unifié et uniformisé dans les limites géographiques d’un territoire d
1775 on à tout État-nation contemporain, la continuité est indéniable… Ce n’est pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel
1776 contemporain, la continuité est indéniable… Ce n’ est pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel d’une société, avec s
1777 eul lieu, accaparés par l’État national et qui le seront , demain, par l’État régional. IV. Vers une formule fédéraliste de
1778 x dire : séparer dans le pouvoir tout ce qui peut être séparé, définir tout ce qui peut être défini, distribuer entre organe
1779 ce qui peut être séparé, définir tout ce qui peut être défini, distribuer entre organes ou fonctionnaires différents tout ce
1780 nes ou fonctionnaires différents tout ce qui aura été séparé et défini ; ne rien laisser dans l’indivision.49 Proudhon en
1781 ion des pouvoirs aux membres d’un cabinet : Ce n’ est pas seulement entre sept ou huit élus […] que doit être partagé le go
1782 as seulement entre sept ou huit élus […] que doit être partagé le gouvernement d’un pays, c’est entre les provinces et les c
1783 Proudhon, ni de décentraliser ni de déconcentrer ( est -ce différent ?), ni de déléguer les pouvoirs de l’autorité centrale.
1784 de diviser, de partager. Seulement, Proudhon s’en tient à un partage ou répartition du pouvoir entre les échelons géographiqu
1785 bien adopter la structure proudhonienne, sans que soit pour autant décidée la structure des réseaux d’échange et groupes de
1786 unités de base politiques et leurs structures ne sont pas, en principe, superposables aux modules ou unités de base économi
1787 autres se chevauchent, se recoupent différemment, sont parfois englobés l’un par l’autre. Il se peut que les régions politiq
1788 ar l’autre. Il se peut que les régions politiques soient définies demain comme les intersections de « classes » de faits écono
1789 ifiques. « Faut-il vous faire un dessin ? » Ce ne serait pas facile. Essayez de figurer, par exemple, ma définition personnell
1790 , ma définition personnelle, donnée plus haut. Il est assez facile de visualiser l’appartenance d’un élément à deux ensembl
1791 tiquement à l’une des trois nations dont la Regio est le carrefour ou l’intersection50. La résistance qu’opposent certains
1792 u un retard d’éducation démocratique. (« Ce qui n’ est pas prescrit à tous, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’e
1793 s, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’ est pas sérieux », pensent tous les jacobins, et les sous-offs dont le sa
1794 s jacobins, et les sous-offs dont le saint patron fut « le Petit Caporal ».) V. Un programme d’études Le champ d’étud
1795 onaliste, que ces quelques remarques définissent, est à peine exploré, inutile de le dire. a) Il faudrait commencer par op
1796 bien définis. Le Marché commun, par exemple, qui est un pouvoir économique, doit-il entretenir des visées politiques, ou l
1797 rentes ?51 Savoir quelles relations existent, ou sont souhaitables, entre l’économie et l’Université, ou entre les formules
1798 ules de participation civique et l’urbanisme : il serait facile de multiplier ce type de problèmes à résoudre au niveau commun
1799 es sociétés il cotise, où il paie ses impôts, qui est de sa paroisse et quels sont les paysages de son cœur, et aucun de no
1800 paie ses impôts, qui est de sa paroisse et quels sont les paysages de son cœur, et aucun de nous n’exige que tout cela soit
1801 son cœur, et aucun de nous n’exige que tout cela soit inscrit dans les limites peintes en couleurs plates, sans déborder, d
1802 note 1. 48. Mais quand Malraux dit que la nation est le phénomène dominant du xxe siècle, on doute qu’il pense à autre ch
1803 opose le terme de « régions carrefours ». 51. Il est certain que le Marché commun ne cessera d’être menacé par les États-n
1804 Il est certain que le Marché commun ne cessera d’ être menacé par les États-nations tant que ceux-ci n’auront pas renoncé au
1805 é au « totalitarisme » de leurs pouvoirs et ne se seront pas dessaisis, en tant qu’entités politiques, des « droits » économiq
29 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
1806 Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)al am Le remariage, ce n’est pas seule
1807 venter (14 avril 1969)al am Le remariage, ce n’ est pas seulement « le triomphe de l’espérance sur l’expérience », c’est
1808 raison », de consolation. Le second mariage, ce n’ est pas la session de repêchage, c’est la saison des amours vraies, solid
1809 n espère bien arriver à Philémon et Baucis. On en est encore très loin : pour beaucoup de femmes, le second mari c’est auss
1810 vous le tour de ce problème de notre époque qui a été aussi son problème à lui ; Denis de Rougemont n’est pas seulement l’é
1811 é aussi son problème à lui ; Denis de Rougemont n’ est pas seulement l’écrivain qui a le mieux analysé et expliqué l’amour e
1812 ieux analysé et expliqué l’amour et le couple, il est aussi depuis seize ans le (deuxième) mari de Nanik et il forme avec s
1813 plement : « C’est un vrai couple. » Le remariage est non seulement un problème d’actualité mais un problème d’avenir. C’es
1814 sérieusement. La crise du mariage et la cellulite sont même devenues les deux mamelles de la presse féminine mais curieuseme
1815 Pourquoi ? L’une des grandes difficultés du sujet tient à ce qu’il n’existe pas de littérature romanesque sur le second maria
1816 ants, etc. Il faut aussi savoir distinguer ce qui tient aux acteurs — les conjoints — et ce qui tient à la situation en soi,
1817 qui tient aux acteurs — les conjoints — et ce qui tient à la situation en soi, qu’est le deuxième mariage. Faute de matériel,
1818 oints — et ce qui tient à la situation en soi, qu’ est le deuxième mariage. Faute de matériel, je me vois réduit à ma propre
1819 de question : pensez-vous que le deuxième mariage soit plus heureux que le premier ? Ce qu’on peut dire avec certitude, c’es
1820 tude, c’est qu’il a beaucoup plus de chances de l’ être  : il y a des écueils inhérents à un premier mariage qui ne le sont pl
1821 écueils inhérents à un premier mariage qui ne le sont plus à un second. Comme dit mon beau-père, le Dr Répond, qui est psyc
1822 econd. Comme dit mon beau-père, le Dr Répond, qui est psychanalyste, lors du premier mariage, on épouse ses complexes. Or,
1823 e le langage courant, avec des phrases comme « Je suis pleine de complexes » ou « Il me donne un complexe d’infériorité », l
1824 donne un complexe d’infériorité », les complexes sont des ensembles de réactions et d’associations affectives formés dans l
1825 nsu, à notre corps défendant et c’est en quoi ils sont gênants, voire dangereux. Les motivations du premier mariage sont la
1826 ire dangereux. Les motivations du premier mariage sont la plupart du temps inconscientes. Complexe d’Œdipe, recherche d’un t
1827 lexe d’Œdipe, recherche d’un type de conjoint qui est (sans qu’on le sache) celui de la mère, ou du père. Ou au contraire,
1828 bien des chances de correspondre à la réalité des êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une image sans le savoir.
1829 ’homme qui lui fait faire les mêmes erreurs. « Je suis tombée amoureuse de lui avant même qu’il ait dit un mot… » Y a-t-il d
1830 ait dit un mot… » Y a-t-il des causes d’échec qui soient plus spécifiquement attachées à telle classe d’âge ? Oui, l’immaturit
1831 celles des parents, en premier lieu ; leur couple est -il si bien réussi ? On pense que le seul moyen de réussir ce qu’ils o
1832 on veut et qu’on n’a besoin de personne. Moins on est sûr de la durée de ses sentiments, plus on s’entête et plus on se dép
1833 s on s’entête et plus on se dépêche. À 20 ans, il est classique de se marier en claquant la porte. Mais la cause d’échec la
1834 st de vouloir « épouser Iseut ». Car la passion n’ est pas comme on l’imagine volontiers un super-amour mais une certaine fo
1835 nemi n° 1 du mariage, c’est la passion Mais où est le roi Marc entre le garçon et la fille qui se marient « avec passion
1836 n’y a plus d’obstacle objectif : si l’un des deux est marié, il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-ce pas la
1837 , il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’ est -ce pas la morale sociale qui détruit la passion, mais le manque d’obs
1838 alité. Ne peut-on pas imaginer une passion qui ne serait pas fatale, qui pourrait flamber au grand jour et même au jour le jou
1839 Oui, j’aime une telle, son caractère et ses goûts seront peut-être incompatibles avec les miens mais c’est plus fort que moi,
1840 fort que moi, il arrivera ce qu’il arrivera, ce n’ est pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en
1841 pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en avoir un, de pouvoir accuser le sort, puisque la pass
1842 n, de pouvoir accuser le sort, puisque la passion sera forcément malheureuse. Le défi sentimental du passionné Vous av
1843 que l’amour tel qu’on le rêve — l’amour-passion — est né avec « Tristan et Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons
1844 ans, opéras, puis films, chansonnettes, etc. Ce n’ est donc pas une invention récente. Or la crise du mariage n’a pas six si
1845 illeurs. Vouloir fonder le mariage sur la passion est une exigence récente, ou plutôt une aberration récente : c’est vouloi
1846 ranche du monde comme la fièvre ; quand la fièvre est retombée, la réalité est là : les problèmes inéluctables que posent l
1847 fièvre ; quand la fièvre est retombée, la réalité est là : les problèmes inéluctables que posent les caractères et les temp
1848 ères et les tempéraments. On pense toujours qu’on sera l’exception, qu’on réussira où les autres ont raté. C’est le défi sen
1849 téméraire et dérisoire du passionné. Tout ça, ce sont les défauts possibles et même courants d’un premier mariage. Ces caus
1850 courants d’un premier mariage. Ces causes d’échec sont -elles automatiquement éliminées quand on se remarie ? Pas automatique
1851 tomatiquement du tout. Quand l’expérience n’a pas été comprise, on se remarie trois fois, quatre fois, cinq fois, ce sont l
1852 se remarie trois fois, quatre fois, cinq fois, ce sont les cas désespérés. Mais le cas intéressant, et heureusement le plus
1853 uctives. Normalement, tout ira mieux. Parce qu’on est « vacciné » : on dépend moins des autres — parents, entourage — on es
1854 dépend moins des autres — parents, entourage — on est donc moins poussé à braver leur opinion, à faire un mariage « d’attit
1855 ur opinion, à faire un mariage « d’attitude ». On est plus conscient et on ne se joue plus la comédie — ni aux parents. On
1856 — ni aux parents. On a compris que l’essentiel ce sont les caractères, qui ne changent jamais (« on ne peut pas changer de p
1857 à un deuxième mariage ? Oui, il y en a deux, qui tiennent , elles aussi, à ses motivations. La peur de la solitude, la peur de r
1858 ier les parents). Le divorce, quoi qu’on en dise, est toujours ressenti comme un échec. Mais autant il est bon de vouloir e
1859 toujours ressenti comme un échec. Mais autant il est bon de vouloir en tirer une leçon, de vouloir faire mieux la deuxième
1860 e vouloir faire mieux la deuxième fois, autant il est mauvais de vouloir se venger de cet échec, de se remarier très vite p
1861 rguer l’ex-conjoint : « Tu vas voir comme je vais être heureuse sans toi. » C’est une réaction infantile. Et des difficultés
1862 . Et des difficultés particulières une fois qu’on est remarié ? C’est ici qu’il s’agit de distinguer ce qui tient aux « act
1863 rié ? C’est ici qu’il s’agit de distinguer ce qui tient aux « acteurs » et ce qui tient à la situation. Ce qui tient aux acte
1864 distinguer ce qui tient aux « acteurs » et ce qui tient à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce sont les difficultés inév
1865  acteurs » et ce qui tient à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce sont les difficultés inévitables de la vie en commun,
1866 tient à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce sont les difficultés inévitables de la vie en commun, les heurts, les déce
1867 , etc. Quant à la difficulté de la situation elle tient en une phrase ou un fait évident et qui sera ressenti plus ou moins d
1868 lle tient en une phrase ou un fait évident et qui sera ressenti plus ou moins douloureusement : ce n’est plus la première fo
1869 era ressenti plus ou moins douloureusement : ce n’ est plus la première fois. Cette deuxième fois n’a davantage de chances d
1870 is faire au contraire un mariage de tout repos », est un autre piège. Notre mentalité, influencée par l’héritage littéraire
1871 faut donc « quelque chose de plus » et ça ne peut être la passion. Quel est ce « quelque chose » sans lequel les caractères,
1872 ose de plus » et ça ne peut être la passion. Quel est ce « quelque chose » sans lequel les caractères, les goûts, les aspir
1873 itable moi de l’autre. C’est l’acceptation de cet être tel qu’il est, limité et réel mais secrètement en marche vers lui-mêm
1874 ’autre. C’est l’acceptation de cet être tel qu’il est , limité et réel mais secrètement en marche vers lui-même que l’on cho
1875 u’il s’en doute, ou alors une certaine beauté qui est l’idéal standard de sa génération. Sa passion n’est que la projection
1876 t l’idéal standard de sa génération. Sa passion n’ est que la projection sur l’autre d’un idéal qui n’existe pas — et l’on s
1877 s’en aperçoit très vite — alors que le vrai amour est agent de personnalisation par excellence : ce qu’il a su voir c’est l
1878 ir c’est l’irremplaçable, l’unique, ce que chaque être peut devenir s’il y est appelé. C’est son mystère, qui n’a rien de li
1879 l’unique, ce que chaque être peut devenir s’il y est appelé. C’est son mystère, qui n’a rien de littéraire, de romantique,
1880 ment ? Je pense que des solutions « préventives » sont infiniment préférables. Il faudrait tout d’abord dédramatiser tout ce
1881 ristan, et de toute la littérature romanesque, se sont ajoutés tous les tabous sexuels du xixe siècle. L’effet de révélatio
1882 le divorce : si l’on veut en tirer une leçon, il est essentiel de ne pas le refouler comme un acte dont on a honte ou peur
1883 uler comme un acte dont on a honte ou peur. Je suis pour le « mariage-maquette » Ceci appelle donc une réforme de la m
1884 le « mariage à l’essai ». Qu’en pensez-vous ? Je suis pour tout ce qui peut aider les gens à prendre conscience du sérieux,
1885 ue « l’essai » peut aider. Bien sûr, l’expérience est limitée : on sait que ça pourrait ne pas durer et l’on décide qu’on n
1886 , on organise son budget ensemble. Les parents ne sont pas toujours très favorables au « mariage-maquette » ? Ils ont tort.
1887 ion plusieurs années de noviciat. D’ailleurs il n’ est pas question d’essais multiples. Pour avoir une valeur expérimentale
1888 ue les enfants et il manque tout le côté social — être reconnu par les autres comme un vrai couple, ce qui est un ciment — e
1889 connu par les autres comme un vrai couple, ce qui est un ciment — et surtout l’idée que ça doit durer toujours. « Après tou
1890 e que ça doit durer toujours. « Après tout, je ne suis pas mariée avec lui », se dit-on au premier accrochage sérieux et ça
1891 aurions 20 à 30 km à couvrir, nous commencions à être fatigués au bout de 10 à 12 kilomètres. Mais quand nous avons su que
1892 ue pendant les 20 premiers kilomètres. Le corps s’ était disposé pour le long effort, la longue durée. Il ne se permettait pas
1893 140 km ? C’est pourquoi le mariage-maquette peut être considéré comme une marche d’entraînement. Le seuil de fatigue et de
1894 entraînement. Le seuil de fatigue et de lassitude sera infiniment plus élevé ou plus éloigné dans la « longue marche » qu’es
1895 levé ou plus éloigné dans la « longue marche » qu’ est le vrai mariage. Pour avoir toute sa valeur il faut aussi que le pact
1896 avoir toute sa valeur il faut aussi que le pacte soit sans arrière-pensée. J’ai assisté, en Amérique, au mariage d’une jeun
1897 Donc le mariage-maquette donne une idée de ce qu’ est le mariage, mais ne peut guère, faute de pacte, remplacer le premier
1898 mme le préconise Margaret Mead, dans l’idée qu’il est normal et inévitable de divorcer ? Il vaudrait beaucoup mieux leur ap
1899 e n’a rien de terne et d’ennuyeux (si les gens ne sont pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’est-ce qu’un premier
1900 t pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’ est -ce qu’un premier mariage ? La confrontation de la passion ou plutôt,
1901 riage ? La confrontation de la passion ou plutôt, soyons réalistes, du désir de ressentir une passion, qui fait croire que « ç
1902 ressentir une passion, qui fait croire que « ça y est  », avec la réalité. Quand les gens cesseront de croire que la passion
1903 Quand les gens cesseront de croire que la passion est l’épreuve privilégiée qui seule donne un sens à la vie, quand ils com
1904 à la vie, quand ils comprendront que la passion n’ est jamais une raison de se marier mais au contraire une raison de ne pas
1905 u contraire une raison de ne pas se marier, et qu’ être heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’être intensément déses
1906 re heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’ être intensément désespéré à cause de lui pendant huit jours, la crise du
1907 se de lui pendant huit jours, la crise du mariage sera résolue en principe et la majorité des divorces évités. Mais l’empris
1908 rité des divorces évités. Mais l’emprise du mythe est tellement forte que notre vocabulaire le plus courant en est atteint 
1909 nt forte que notre vocabulaire le plus courant en est atteint : « passionnant » c’est bien mieux qu’intéressant. Il ne s’ag
1910  ! Et le mariage lui-même, pensez-vous qu’il doit être « modernisé » ? Le mariage ne peut renoncer ni à la durée ni à la fid
1911 se risquer, découvrir et inventer. La fidélité n’ est pas un luxe, une coquetterie morale et encore moins une « convenance 
1912  convenance » ou un « agent de répression », elle est la base indispensable d’une création. Quand un peintre commence une t
1913 toile il doit sans cesse lutter contre le doute ( est -ce que ça vaut vraiment la peine ?), la paresse (c’est bon, je vais t
1914 ais bien que depuis des siècles, la fidélité nous est présentée comme une sorte de devoir sinistre, une mutilation volontai
1915 tre, une mutilation volontaire : nous n’avons pas été élevés pour être heureux ! Le contraire de la folie, du déséquilibre,
1916 ion volontaire : nous n’avons pas été élevés pour être heureux ! Le contraire de la folie, du déséquilibre, de la passion, d
1917 e, lorsqu’un homme pourra dire à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage sera sauvé ! Qui l’osera ? al. Rougemon
1918 à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage sera sauvé ! Qui l’osera ? al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le ma
1919 al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le mariage est à réinventer », Elle, Paris, 14 avril 1969, p. 29, 32, 34, 37, 39, 43
1920 e, l’auteur de L’Amour et l’Occident — ce livre est un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu sont mieux armés pou
1921 un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu sont mieux armés pour réussir leur vie à deux —, vous explique comment les
30 1969, Articles divers (1963-1969). Le personnalisme, la contestation, les hippies et… le fédéralisme (27 septembre 1969)
1922 de la passion, connaîtra plusieurs rééditions et sera traduit en plusieurs langues. Aujourd’hui, on le trouve en livre de p
1923 monde devait avoir de nombreux prolongements. Ce sera , au fil des ans, Doctrine fabuleuse, Personne du drame [sic] et Les M
1924 our-passion qu’un public nombreux et enthousiaste était venu entendre jeudi soir à l’Université McGill. Le sujet de cette con
1925 versité McGill. Le sujet de cette conférence, qui était placée sous les auspices du Département de français de l’Université M
1926 se de l’unification de l’Europe. Ce prix, qui lui sera décerné officiellement à Bonn en février prochain, nous rappelle util
1927 u Canada, je veux parler du prix Paul Tillich qui est , en quelque sorte, un prix de théologie, on aura, je crois, défini le
1928 M de Rougemont. Le personnalisme « Mais qui est donc M Denis de Rougemont ? », se demandait-on au lendemain de l’attr
1929 s, ce personnage énigmatique. D’entrée de jeu, il tient à nous mettre en garde. Ce que je voudrais bien marquer, nous dit-il,
1930 re L’Amour et l’Occident et les ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ai déjà écrit sur le fédéralisme. Il n’y a
1931 fédéralistes. À quoi je lui ai répondu que rien n’ était plus facile. Car pour moi, le couple est une espèce de banc d’essai d
1932 rien n’était plus facile. Car pour moi, le couple est une espèce de banc d’essai du fédéralisme, c’est-à-dire du système d’
1933 les deux natures, l’homme et Dieu, dans le Christ sont simultanément présentes, complètes chacune d’entre elles, sans sépara
1934 fois qu’il y a deux réalités contraires, mais qui sont bonnes l’une et l’autre, il ne faut pas s’empresser de s’en sortir en
1935 ’appellerai ma philosophie. Une philosophie qui s’ est lentement élaborée, en réaction surtout contre « cette ignorance sati
1936 sonnalistes. Pour moi, nous dit-il, la personne n’ est ni un individu refermé sur lui-même, ni la minuscule partie d’une mas
1937 et en relation avec autrui, parce que la vocation est avant tout acte. Ainsi, la vocation est à la fois ce qui distingue l’
1938 vocation est avant tout acte. Ainsi, la vocation est à la fois ce qui distingue l’homme et le relie à la communauté où il
1939 l’écrivain. Car ce qu’il appelle engagement ce n’ est rien moins que de tirer les conclusions pour la cité de ce qu’il appe
1940 de ce qu’il appelle la personne, puisque celle-ci est définie par son acte. Ainsi se trouve fondée une certaine notion de l
1941 l’engagement de l’individu. Mais cet engagement, tient -il à nous faire remarquer, n’implique pas qu’on s’inscrive dans un pa
1942 iser ce que l’on croit le plus intimement, que ce soit d’un point de vue religieux, politique ou philosophique. La contes
1943 hique. La contestation On ne peut manquer d’ être frappé par la vigueur, par la modernité surtout de ses prises de posi
1944 a modernité surtout de ses prises de position qui étaient formulées, rappelons-le, avant la guerre. Mais justement la contestat
1945 tudiante qui sévit aujourd’hui de Paris à Tokyo n’ est -elle pas une contestation personnaliste ? M. de Rougemont n’hésite pa
1946 motivations, on retrouve plusieurs de celles qui furent à la base du mouvement personnaliste. Ce que nous appelions en 1932 l
1947 peu plus de mérite, car la situation extérieure n’ était visiblement pas aussi grave que celle qui prévaut aujourd’hui. Ce qui
1948 nt-là. Cette crise existentielle dont nous avions été les témoins stupéfaits lorsqu’elle éclata pour la première fois parmi
1949 ’ai souvent pu déceler dans la contestation qui s’ est développée à Paris, à Berlin, et ailleurs quelque chose que je crois
1950 va se passer : c’est la police qui arrive. Je ne suis donc pas du tout d’accord avec Sartre quand celui-ci prêche la destru
1951 t la seule contestation efficace, c’est celle qui est faite précisément au nom d’autre chose. Je n’ai pas du tout varié en
1952 établi au nom d’un ordre plus réel. Ce qui paraît être , pour beaucoup de jeunes contestataires, une conception inacceptable.
1953 testataires, une conception inacceptable. Mais je suis malheureusement certain qu’ils se trompent. Et cela il le regrette pr
1954 pour notre interlocuteur, la réaction des jeunes est fondamentalement saine. C’est une réaction contre le monde de la tech
1955 cité, par la mode, par les feuilles d’impôt. Nous sommes pris, de plus en plus, par des réseaux de règles dont le fondement n’
1956 us, par des réseaux de règles dont le fondement n’ est absolument pas la dialectique de la personne, mais uniquement les que
1957 réaction vitale de leur part contre ce monde qui est en train de ruiner les bases mêmes de la passion. Car, finalement, si
1958 i a eu lieu récemment à Bethel, près de New York, sont la démonstration éclatante de ce besoin qui existe d’une nouvelle com
1959 velle communauté, d’un principe de communauté qui soit l’amour : un amour pas seulement sexuel, mais également spirituel. Ce
1960 que personne n’ose construire, M. de Rougemont s’ est employé à la définir et à en propager l’idée de par le monde. Car 194
1961 te l’absurdité puisque, de par sa nationalité, il était neutre. Nous sommes ici à patauger, pouvons-nous lire dans son Jour
1962 ue, de par sa nationalité, il était neutre. Nous sommes ici à patauger, pouvons-nous lire dans son Journal des deux mondes ,
1963 s antisuisse de l’histoire. Maintenant, la preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est s
1964 e par le sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre.
1965 uerre. Le fédéralisme L’idée fédéraliste s’ était donc imposée comme la seule solution valable pour la survie de l’Euro
1966 paraissait nécessaire de lui demander comment il était passé de sa définition de la « personne » au fédéralisme. Je vous ava
1967 u fédéralisme. Je vous avais dit que l’homme doit être à la fois libre et responsable, il en est de même pour chaque nation
1968 e doit être à la fois libre et responsable, il en est de même pour chaque nation dans l’Europe fédérée que je préconise et
1969 n dans l’Europe fédérée que je préconise et qui n’ est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvéti
1970 ’un Québec autonome. Or le fédéralisme, pour moi, est tout autre chose. Il consiste précisément à maintenir ces deux élémen
1971 ontradictoires : l’union et l’autonomie ; l’union étant toujours au service de l’autonomie, et pas le contraire. Un Québec sé
1972 ré signifierait donc, pour M. de Rougemont, qu’on est retombé dans la vieille formule de l’État-nation du xixe siècle ; un
1973 plus aux exigences de notre époque, car cet État serait à la fois trop grand et trop petit. Trop petit pour jouer un rôle int
1974 eau mondial. Mais revenons à l’Europe. Là-bas, il est bien certain qu’on n’arrivera jamais à unir ces États-nations. Il fau
1975 États se dissolvent en régions, et alors, et ce n’ est seulement qu’alors, qu’on arrivera à fédérer l’Europe, car ces région
1976 ruire une Europe unie, faite de régions, mais qui seraient découpées différemment suivant qu’il s’agirait de régions économiques
1977 ougemont, il vous faudra séparer tout ce qui peut être séparé, ou comme disait Proudhon, « ne rien laisser dans l’indivision
1978 ntellectuels. Que cette idée fédéraliste du monde soit utopique, M de Rougemont serait le premier à l’admettre. Mais « contr
1979 édéraliste du monde soit utopique, M de Rougemont serait le premier à l’admettre. Mais « contre les risques qui se lèvent, l’e
1980 tre les risques qui se lèvent, l’esprit de risque est la seule assurance », lit-on dans Journal d’une époque . Et ailleurs
1981 s Journal d’une époque . Et ailleurs : « il faut être absolument moderne. L’immobilisme, l’attentisme ne représentent-ils p
31 1969, Articles divers (1963-1969). La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)
1982 aq Comment faire une communauté humaine ? Serait -ce vous insulter ou simplifier par trop que de dire que vous vous pla
1983 acez résolument du côté de la révolution ? Je m’y suis toujours placé depuis ma jeunesse à Paris quand nous fondions les rev
1984 e nouveau — tout le mouvement personnaliste, qui est devenu ensuite le mouvement fédéraliste européen — et nous définissio
1985 au fond, ont eu comme résultat que la communauté est en train de se défaire, n’est-ce pas : la grande crise du xxe siècle
1986 t que la communauté est en train de se défaire, n’ est -ce pas : la grande crise du xxe siècle, c’est la dissolution du sens
1987 s deviennent inhabitables, impraticables, et nous sommes obligés de nous poser cette question pour la première fois dans l’évo
1988 volution humaine : Comment faire une communauté ? Est -ce dans ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous ête
1989 une communauté ? Est-ce dans ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous êtes passé — du personnalisme au féd
1990 là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous êtes passé — du personnalisme au fédéralisme ? Par un cheminement absolume
1991 libre et responsable. Libre dans la mesure où il est responsable, et responsable dans la mesure où il est libre […] Les de
1992 responsable, et responsable dans la mesure où il est libre […] Les deux choses sont absolument liées. C’est une formule, d
1993 ans la mesure où il est libre […] Les deux choses sont absolument liées. C’est une formule, d’ailleurs, que Sartre m’a prise
1994 miers livres. C’est la formule de l’engagement, n’ est -ce pas, que j’ai lancée en France en 1933, et qui forme les deux prem
1995 res de mon premier livre, publié à Paris en 1934… Est -ce que le mot et la chose « engagement » ont encore aujourd’hui une s
1996 chez beaucoup de jeunes Français, notamment — qui était de s’engager dans un parti, c’est-à-dire de démissionner complètement
1997 eds et poings liés, à un parti, à condition qu’il soit de gauche d’étiquette. Pour moi — enfin, pour nous : Mounier, Dandieu
1998 qu’on croyait le plus intimement, c’est-à-dire l’ être même de la personne — qui est actualité, agir. Alors je trouve dans m
1999 nt, c’est-à-dire l’être même de la personne — qui est actualité, agir. Alors je trouve dans ma définition de la personne co
2000 je trouve dans ma définition de la personne comme être libre et responsable à la fois le fondement de la liberté personnelle
2001 de l’action communautaire. Le mot fédéralisme est toujours mal compris Vous savez sans doute que le Canada a un régi
2002 ute que le Canada a un régime politique fédéral ? Est -ce que vous avez étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je sui
2003 étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je suis devenu, presque, le théoricien, en Europe, du fédéralisme — je prépar
2004 édéralisme, où je constate que le mot fédéralisme est toujours mal compris. Et c’est presque fatal, parce que c’est un mot
2005 s, et la réalité de l’union qui, dans mon esprit, est destinée à garantir ces autonomies. Si vous voulez : il y a deux mani
2006 ibération maximales des hommes, des personnes. Je suis contre l’État-nation dans sa formule xixe siècle, qui ne visait qu’à
2007 ée à toutes espèces de réalités humaines — que ce soit des réalités religieuses, politiques, monétaires, économiques, d’état
2008 — on met tout ça dans une même frontière, ce qui est démentiel, n’est-ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’on a voulu n
2009 dans une même frontière, ce qui est démentiel, n’ est -ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’on a voulu nous faire avaler
2010 ore, comme une forme possible de gouvernement. Qu’ est -ce que le Centre européen de la culture, que vous avez fondé, je pens
2011 ification européenne, des efforts économiques qui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui éta
2012 rg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui étaient faits par le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Il nous semblait à tou
2013 d’ailleurs, qu’il fallait un troisième volet, qui était la culture… Alors, j’ai créé ce centre à Genève, très petit, avec trè
2014 i à créer ce Centre et à le maintenir. Qui devait être un lieu de rencontre pour les hommes de culture qui voulaient l’union
2015 e garder en Europe nos physiciens qui, autrement, seraient tous partis en Amérique — exode des cerveaux ! Nous avons créé aussi
2016 , nous avons créé un Institut universitaire — qui est lié à une université — qui se consacre à des études d’intérêt largeme
2017 culturelles. Depuis la fondation de ces centres, est -ce que l’idée de culture, la notion de culture a évolué ? Oui, je cro
2018 tion de culture a évolué ? Oui, je crois que nous sommes arrivés tout de même à combattre avec pas mal de succès cette idée fo
2019 uels de notre jeunesse — des manuels scolaires, n’ est -ce pas ? — qui présentaient l’Europe comme une addition de cultures n
2020 ible, en dehors d’une unité de civilisation — qui est l’unité européenne. Ma passion fondamentale : trouver un sens à la
2021 n fondamentale : trouver un sens à la vie Vous êtes probablement dans le monde l’un des grands exégètes de l’amour ; quel
2022 mour me conduit au fédéralisme. J’ai dit : rien n’ est plus facile. Le mariage, c’est le banc d’essai du fédéralisme. Qu’est
2023 mariage, c’est le banc d’essai du fédéralisme. Qu’ est -ce que le fédéralisme ? C’est faire coexister ensemble des natures di
2024 et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse en ceci que vous dites que l’amour ou les modes d’expressi
2025 que l’amour ou les modes d’expression de l’amour sont basés sur des choix essentiellement de nature religieuse. Avec la déb
2026 et de la chose religion, comment cette vue-là se tient -elle aujourd’hui ? Moi, je ne suis pas du tout d’accord : il n’y a pa
2027 tte vue-là se tient-elle aujourd’hui ? Moi, je ne suis pas du tout d’accord : il n’y a pas du tout de débandade de l’idée re
2028 e débandade des institutions religieuses — ce qui est tout à fait autre chose, n’est-ce pas ? Les cadres étatiques de la re
2029 ligieuses — ce qui est tout à fait autre chose, n’ est -ce pas ? Les cadres étatiques de la religion sont en crise, comme l’É
2030 ’est-ce pas ? Les cadres étatiques de la religion sont en crise, comme l’État est en crise — l’État-nation est en crise part
2031 tiques de la religion sont en crise, comme l’État est en crise — l’État-nation est en crise partout. Les formes ecclésiasti
2032 crise, comme l’État est en crise — l’État-nation est en crise partout. Les formes ecclésiastiques, et tout ça, sont en ple
2033 partout. Les formes ecclésiastiques, et tout ça, sont en pleine crise — je n’irai pas jusqu’à dire débandade, mais on n’en
2034 e n’irai pas jusqu’à dire débandade, mais on n’en est pas loin. […] Comme je le disais d’ailleurs dans un livre écrit penda
2035 nnui mécanique et technique, dont la contrepartie sera immanquablement une espèce d’immense surgissement, une lame de fond r
2036 ites notamment une sortie contre la psychanalyse. Est -ce que… Non, pas du tout. Je suis très intéressé par la psychanalyse
2037 la psychanalyse. Est-ce que… Non, pas du tout. Je suis très intéressé par la psychanalyse et il y a très longtemps que je m’
2038 pelais le pouvoir de « décréation » du diable. Je suis en train de préparer une cinquième réédition de ce livre en Amérique,
2039 y a une certaine correspondance, une analogie. Il est certain que pour moi, le diable, c’est une espèce de symbole de tout
2040 t ce qui tend à détendre les énergies humaines, n’ est -ce pas ?, à unifier, à uniformiser, à égaliser, et toujours au profit
2041 e. Contre ça, il faut des révoltes qui ne peuvent être que personnelles, individuelles, qui recréent des petits foyers de ra
2042 nautés. Et grâce à ça, on maintient l’humanité, n’ est -ce pas ? L’humanité ne progresse que par les meilleurs, et ne dure qu
2043 e faut pas donner tout l’avantage aux moyens : ça serait donner l’avantage au diable. ap. Rougemont Denis de, « [Entretien
2044 t introduits par la note suivante : « Parce qu’il est né à Neuchâtel (Suisse) en 1906, Denis de Rougemont a maintenant pass
2045 à-dire qu’il a deux fois l’âge où l’on commence à être suspect pour les jeunes. Et pourtant !… À l’entendre parler de person
2046 ndre parler de personnalisme, mouvement auquel il est associé avec Emmanuel Mounier dans la fondation d’Esprit, et dans la
2047 renouvellement de l’ordre des choses actuelles n’ est pas qu’un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’il ne se gêne