1
e nationale » bien caractérisée ; ni même d’avoir
été
la mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée, marquan
2
ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait
été
globalement inférieur à celui de toute autre région de dimensions à p
3
contraire me paraît probable.) Mais cet apport ne
fut
jamais typique et spécifique d’une unité bien évidente, à la fois cul
4
ente, à la fois culturelle et politique, comme le
furent
la Sérénissime, les états généraux de Hollande, l’Angleterre de la pr
5
de Weimar. C’est que l’ensemble suisse n’a jamais
été
défini par autre chose que par un système d’alliances, embrassant de
6
ins, sans doctrine trop clairement formulée. Ce n’
est
guère qu’au xixe siècle qu’on se mit à parler de fédéralisme. Encore
7
n se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose
était
-elle entendue de manière assez différente par les Alémaniques et les
8
é centrale. Rien d’étonnant si une telle pratique
est
mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notamment chez nos voisi
9
teurs. Un Français cultivé et qui se demande quel
est
le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt à son Littré, où il trou
10
ine du gouvernement fédératif. — « Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
11
révolution, chap. I. Pour un Français, la cause
est
entendue : fédéraliste égale sauvage, ou traître. Pour un Suisse, c’e
12
perd la face. Essayons d’expliquer ce qui peut l’
être
, en cette affaire où le sens concret du bien public a beaucoup plus à
13
ntes, organiques et intéressantes, le fédéralisme
est
plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même d
14
positions et de tensions. On peut même dire qu’il
est
fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres sy
15
esse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles
sont
. Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les te
16
me vivant, n’allons pas croire que le fédéralisme
soit
une espèce d’éclectisme universel ou d’opportunisme lâche, qui tolère
17
’un parti, d’un pouvoir clérical ou politique. Il
est
donc le contraire absolu de tout régime totalitaire, de tout ordre gé
18
pliste, et par-là même tyrannique. (« La tyrannie
est
le souverain désordre », disait Vinet.) Le fédéralisme veut la divers
19
diversités régionales, aime aussi leur santé, qui
est
celle de l’ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide
20
re ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’
est
pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de
21
léra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’
est
pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se n
22
t un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’
est
pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clo
23
à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il
est
sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’un
24
sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en
sont
peut-être qu’une seule. Il représente la seule attitude rigoureusemen
25
veut une maîtrise du divers, comme tout art. Elle
est
un art de la composition, qui requiert à la fois et en même temps la
26
ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge
soit
contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
27
oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui
est
la libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centr
28
ification totalitaire, centraliste, jacobine, qui
est
réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Ces image
29
rme, — dans tous les sens du mot. Ces images, qui
sont
autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de compos
30
aisser englober dans un plus grand corps. Les uns
sont
tentés d’oublier que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organe
31
e jeu d’organes bien différenciés ; et les autres
sont
tentés d’oublier qu’un organe bien différencié ne saurait vivre isolé
32
fférencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle
serait
alors la solution fédéraliste ? J’en propose ici le principe : que l’
33
la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’
être
. Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation polit
34
e trahira sa raison d’être. Mais le fédéralisme n’
est
pas seulement un mode d’organisation politique, le seul « régime de c
35
détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle
est
donc, pour nous autres Suisses, l’unité de base, d’origine et de but,
36
le tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut
être
que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité cultur
37
? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe
est
la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laqu
38
andes cultures nationales voisines. Pour que cela
soit
vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale
39
nt l’addition constituerait la culture européenne
est
une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme
40
la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’
est
pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nati
41
oire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais
été
et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l
42
ulture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne
sera
jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de t
43
ais une addition de « cultures nationales ». Elle
est
l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles
44
xistence : il faut bien admettre que la culture s’
était
constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour illust
45
’est simplement l’école locale dans laquelle il s’
est
formé. D’où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais, cet
46
e guère qu’à la langue française. Mais celle-ci n’
est
pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de la
47
nçaise actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne
fut
imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore d
48
mand ne saurait définir une « culture nationale »
étant
la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nati
49
saurait à elle seule définir une culture : elle n’
est
guère qu’un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-
50
s éléments de la culture en général, si essentiel
soit
-il. Tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale
51
re, les sciences, la technique et l’architecture,
sont
largement ou même totalement indépendants des langues modernes, et ne
52
talement indépendants des langues modernes, et ne
sont
, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-t
53
otre continent. ⁂ Or il se trouve que les Suisses
sont
, ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des
54
r il se trouve que les Suisses sont, ou devraient
être
, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures national
55
autres de l’illusion des « cultures nationales »,
fût
-ce du seul fait de la composition linguistique si variée de leur État
56
osition linguistique si variée de leur État. Nous
sommes
en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos
57
directement à l’ensemble culturel européen : elle
est
« immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos
58
ibres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs
furent
déclarés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là
59
tre les États-nations. La véritable unité de base
étant
de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment
60
t de la sorte identifiée, la question qui se pose
est
de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent al
61
trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’
est
pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État.
62
os cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais
été
un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de
63
timents naturels ou historiques, qui n’ont jamais
été
unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des
64
iés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce
fut
le cas des provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiqu
65
e ce fut le cas des provinces françaises. 3° nous
sommes
de vieilles républiques — même Neuchâtel, en dépit de ses princes — f
66
arge autonomie des communes. 4° le protestantisme
est
majoritaire en Suisse romande ; il a déterminé en grande partie nos m
67
articulier, mais cela revient au même. 5° nous ne
sommes
pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose ave
68
pas seulement voisins du monde germanique : nous
sommes
en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont
69
ieuse, à la Réforme ou à l’Église catholique, qui
sont
mondiales ; par sa langue, au domaine français, et par sa culture, au
70
nombre de combinaisons originales. On ne saurait
être
moins conforme aux devises des États totalitaires (« Une Foi, une Loi
71
n Reich, ein Führer » sous Hitler). On ne saurait
être
plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, e
72
des nations voisines. Qu’on m’entende bien : ce n’
est
pas un éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites d
73
me les implique et permet de les composer. Et il
est
vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité dorée, po
74
ans doute, la sécurité avant tout. Ce phénomène n’
est
pas particulier à la Suisse, mais peut-être les Suisses moyens trouve
75
endre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il
est
lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’
76
pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont
été
nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le pa
77
eurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’
est
-ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît l
78
ractère de Suisses romands, si profondes qu’aient
été
leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certa
79
Ramuz, à titre d’argument massue contre ma thèse.
Est
-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de P
80
Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’
est
formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des r
81
, en tant qu’artiste, comme il arrive ; elle n’en
fut
pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. Mais la
82
limitations de son œuvre. Mais la littérature n’
est
plus, de nos jours, cette espèce de critère privilégié du niveau de c
83
vilégié du niveau de culture d’un peuple, qu’elle
fut
au temps de l’Europe classique puis romantique. Les sciences ont pris
84
s sa place, à cet égard. Or quel rang la Suisse y
tient
-elle ? « L’indice Nobel » peut nous l’apprendre : il donne le nombre
85
le cadre du Centre européen de la culture, il ne
sera
sans doute pas inutile de situer notre projet, d’en préciser les coor
86
u bien autre chose que des intérêts matériels. Il
serait
donc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’être de cet Instit
87
onc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’
être
de cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture pré
88
d’être de cet Institut, sans doute la principale,
tient
à la conjoncture présente, aux circonstances de notre temps. Ce fait
89
gt-cinq autres instituts d’études européennes qui
sont
à l’œuvre, depuis plusieurs années, dans d’autres villes du continent
90
éfinit et se modifie sous nos yeux, ces instituts
tiennent
cependant à garder, par rapport au déroulement des faits et à l’actio
91
erche objective. Certes, la question européenne n’
est
pas une question académique ! Elle n’appartient pas à un passé qu’il
92
re et d’interpréter, mais à un avenir auquel nous
sommes
tous vitalement intéressés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moi
93
ent intéressés, et qu’il s’agit de préparer. Elle
est
moins un acquis à transmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dir
94
n acquis à transmettre qu’un problème à résoudre.
Est
-ce à dire qu’il faille en laisser le soin au seul réalisme des hommes
95
bien reconnaître que beaucoup attendent encore d’
être
étudiés objectivement, un à un, et aussi d’être envisagés dans l’ense
96
d’être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’
être
envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections et par rapport à
97
résente autre chose et un peu plus que ce qu’elle
est
dans sa réalité physique, qui est à peine 4 % des terres émergées de
98
que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui
est
à peine 4 % des terres émergées de la planète. Cette question europée
99
es groupes de nations récentes et plus instables,
sont
à la recherche de quelque union encore mal définie, mais qui a déjà f
100
0 millions d’hommes. Dans un tel monde, quel peut
être
l’avenir des États de l’Europe, petits et moyens désormais — c’est-à-
101
lassique de ces expressions ? Aucun de nos pays n’
est
en mesure, non plus, de parler au nom de l’Europe. Qui pourrait assum
102
u congrès de La Haye, en 1948, qu’une Europe unie
serait
en mesure de doubler sa production et son niveau de vie. Jean Monnet
103
peut-être le vent de l’histoire en poupe. Ils ne
sont
pas nombreux d’abord, ils ne sont pas suivis par la majorité de leurs
104
n poupe. Ils ne sont pas nombreux d’abord, ils ne
sont
pas suivis par la majorité de leurs collègues. Mais ce sont, notons-l
105
uivis par la majorité de leurs collègues. Mais ce
sont
, notons-le, les plus illustres de l’époque : Churchill, De Gasperi, L
106
croire, mais en fait dans le même sens final qui
est
celui d’une Europe autonome rendue forte par son union, de Gaulle lui
107
mation économique de quelque envergure ne saurait
être
limitée au domaine purement économique, comme on disait naguère. D’un
108
e, comme on disait naguère. D’une part, le social
est
inséparable de l’économique, d’autre part, l’économie commande les ar
109
ie commande les armements, surtout au prix où ils
sont
. La politique en dépend donc aussi étroitement qu’elle dépend par ail
110
e donc posé, inéluctablement, à tous nos pays, ne
fût
-ce que par la seule existence du Marché commun. Telle est donc la que
111
ue par la seule existence du Marché commun. Telle
est
donc la question européenne. Formulée tout d’abord par des intellectu
112
lle débouche enfin sur le plan politique. Mais il
serait
excessif de dire qu’elle y débouche en pleine clarté. Au contraire, c
113
encore d’États-Unis d’Europe, comme si ces termes
étaient
, à toutes fins utiles et grosso modo, synonymes. Cet état de confusio
114
États-nations centralisés, dont l’exemple typique
est
la France. Dans une telle Europe, nos États actuels ne joueraient plu
115
e solution unitaire, jacobine ou napoléonienne, n’
est
en fait et comme telle défendue par personne, et n’offre pas un champ
116
que l’unification de l’Europe, à supposer qu’elle
soit
praticable, ne serait conforme ni aux données historiques, ni aux don
117
l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne
serait
conforme ni aux données historiques, ni aux données actuelles et conc
118
soudre. Il importe toutefois de la mentionner, ne
fût
-ce qu’à titre de limite, de conséquence extrême, inaccessible, qui ma
119
éenne, cette utopie joue un rôle non négligeable,
fût
-ce au seul titre de repoussoir, disons même d’épouvantail. À l’autre
120
utre extrême, on peut concevoir une Europe qui ne
serait
organisée que par un système d’alliances entre États souverains. C’es
121
n hélas impropre en l’occurrence, car, ainsi qu’a
tenu
à le préciser le général de Gaulle lui-même (conférence de presse de
122
dans la mesure toutefois où cette souveraineté ne
serait
pas limitée, en fait, et même en droit, par leurs alliances mêmes. Ce
123
les choses autant que possible en l’état où elles
sont
. Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour r
124
autant que possible en l’état où elles sont. Mais
est
-il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour répondre à
125
’état où elles sont. Mais est-il sûr que cet état
soit
bien celui que l’on croit ? Pour répondre à cette question, il convie
126
voir, d’une part, dans quelle mesure cette notion
est
compatible avec le droit, et d’autre part, si elle correspond encore
127
ctivement si, et dans quelle mesure, « les choses
étant
ce qu’elles sont », la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas
128
ans quelle mesure, « les choses étant ce qu’elles
sont
», la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas, en fait plus en
129
ce. Mais l’objet de pareilles études risquerait d’
être
par trop transitoire, trop lié à une actualité mouvante, susceptible
130
édéraliste. Dans une Europe fédérée, les États ne
seraient
pas effacés ou dissouts, ils ne seraient pas non plus maintenus dans
131
États ne seraient pas effacés ou dissouts, ils ne
seraient
pas non plus maintenus dans une fiction de souveraineté absolue, mais
132
s Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il
est
vrai, de « donner forme à la volonté d’union politique déjà implicite
133
politique dont l’intégration économique pourrait
être
la préfigure, ou l’amorce. Ce régime serait-il interétatique, super é
134
ourrait être la préfigure, ou l’amorce. Ce régime
serait
-il interétatique, super étatique, ou extraétatique, pour reprendre le
135
rocessus de décision des Communautés économiques,
serait
celle des trois solutions qui aurait le moins de chances dans cette c
136
s, au cours de ce premier semestre tout au moins,
sont
de nature assez diverse. Raisons générales, d’abord. La solution fédé
137
s, besoins qui semblent contradictoires, mais qui
sont
là, incontestablement. Elle paraît aussi la plus propre à rallier ou
138
ns particulières ensuite. La solution fédéraliste
est
évidemment la plus conforme à l’expérience de la vie politique et civ
139
ce de la vie politique et civique du pays où nous
sommes
, et dont je suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison,
140
que et civique du pays où nous sommes, et dont je
suis
, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de
141
mes collaborateurs et moi-même, si différents que
soient
nos tempéraments, nos origines et nos champs d’intérêts particuliers,
142
mps d’intérêts particuliers, avons tous les trois
été
amenés par nos précédents travaux à étudier certains aspects du probl
143
linaire qui s’impose à nous. Car le fédéralisme n’
est
pas une doctrine toute faite, un dogme auquel il s’agirait de plier l
144
r le fédéralisme avant d’en étudier les exemples,
soit
dans l’expression, soit dans l’application. Toutefois, ce procédé cla
145
’en étudier les exemples, soit dans l’expression,
soit
dans l’application. Toutefois, ce procédé classique serait trompeur d
146
ns l’application. Toutefois, ce procédé classique
serait
trompeur dans le cas particulier, car il se trouve que le fédéralisme
147
articulier, car il se trouve que le fédéralisme n’
est
précisément pas un système logique que l’on puisse déduire dans l’abs
148
éométriques. Tenter de le définir d’entrée de jeu
serait
donc s’exposer à trahir méthodiquement sa nature même. Voilà sans dou
149
ment sa nature même. Voilà sans doute pourquoi ce
sont
ses adversaires qui éprouvent le moins de scrupules à en donner des c
150
n indifféremment, sans qu’aucun contenu ne puisse
être
saisi au passage ; certains d’entre eux ridiculisent carrément le ter
151
trine du gouvernement fédératif. « Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
152
e l’esprit français, qui passe pour cartésien. Ce
sont
pourtant deux juristes britanniques, Sir Ivor Jennings et C. M. Young
153
eulement où une forme plus stricte d’organisation
est
pratiquement impraticable (practically impracticable)11 ». Quant aux
154
consacrés au fédéralisme, quelques titres doivent
être
cités d’emblée. Les 85 articles écrits par Jay, Hamilton et Madison p
155
d à toutes les structures intersociales, qu’elles
soient
ou non étatiques ; l’équipe de l’Ordre nouveau, de 1932 à 1939, avec
156
le Congrès de l’Europe, à La Haye, en 1948, d’où
sont
issues les premières réalisations européennes, le Conseil de l’Europe
157
auteurs écrit ceci : Tout démontre que, quel que
soit
son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’une simple recette ju
158
e que, quel que soit son avenir, [le fédéralisme]
est
autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
159
qu’une simple recette juridique ou politique : il
est
un des grands types d’aménagement du rapport politique, et peut-être
160
et de civilisation, vous voyez que la discussion
est
très ouverte… J’ai donc estimé qu’au lieu de partir d’une définition
161
rètement partisane, ou entachée d’abstraction, il
était
plus honnête et enseignant d’aller rechercher dans les écrits des pré
162
f des utopies politiques. La plupart de ces plans
sont
restés peu connus, voire inconnus de leurs contemporains. Aucun d’ent
163
te, et moins encore de résultats. Cependant, ce n’
est
pas une histoire des échecs de l’idée européenne, ni des déchets de l
164
conceptions et croyances régnantes en leur temps,
soit
qu’ils les reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décr
165
mps, soit qu’ils les reflètent fidèlement — et ce
sera
une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à
166
ement — et ce sera une occasion de les décrire —,
soit
qu’ils s’opposent expressément à « ce qui allait de soi » du vivant d
167
é au moment où le Saint-Empire, principe d’unité,
est
en crise, en décadence. Pierre Dubois, avocat de Philippe le Bel, pro
168
de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages
sont
pratiquement contemporains de la naissance de notre confédération, qu
169
i les suivront au cours des siècles jusqu’à nous,
est
certes significatif, et j’en examinerai les causes. Dans ce contexte,
170
, de la sorte, pourquoi certains de ces obstacles
sont
en train de céder aujourd’hui. Mais il n’est pas moins important de r
171
les sont en train de céder aujourd’hui. Mais il n’
est
pas moins important de rechercher dans ces plans avortés les étymolog
172
récédé de plusieurs siècles sa théorie (ceci peut
être
vérifié le plus exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’a été co
173
us exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’a
été
connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant parti, les
174
e). Le mot n’a été connu qu’au moment où la chose
était
niée par un puissant parti, les jacobins, tandis qu’elle se réalisait
175
ussite Podiebrad, et ensuite du ministre déchu qu’
était
le duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’était William Penn
176
e duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’
était
William Penn, puis d’un économiste visionnaire comme Saint-Simon ou d
177
des auteurs de plans que nous allons parcourir n’
est
pas seulement pittoresque : elle nous conduit au cœur des débats idéo
178
s de Genève, Genève, 1963, p. 61-72. k. L’auteur
est
présenté par cette note : « Denis de Rougemont : né en 1906 à Neuchât
179
erté de la culture. Auteur de 24 ouvrages qui ont
été
traduits en 12 langues. »
180
sation occidentale (janvier 1963)b Les Suisses
sont
tard venus dans le développement de la culture occidentale ; ils n’y
181
e sur la grande scène européenne : ses capitaines
sont
le réformateur Zwingli, le peintre-poète Manuel, le médecin-philosoph
182
ts États qui constituent l’actuelle Confédération
est
sans doute supérieure à celle de toute autre région prise au hasard d
183
ion prise au hasard dans les pays voisins, et qui
serait
comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On excepte, b
184
du xiiie jusqu’au milieu du xixe siècle, elle n’
était
guère qu’une confédération plus ou moins lâche de petits États souver
185
grands esprits et les meilleurs artistes suisses
sont
d’abord d’un canton déterminé (qui n’est parfois qu’une ville, Bâle o
186
suisses sont d’abord d’un canton déterminé (qui n’
est
parfois qu’une ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réali
187
se — à une échelle européenne. Toutes nos gloires
sont
européennes, non seulement par leur rayonnement (comme le furent cell
188
nes, non seulement par leur rayonnement (comme le
furent
celle d’un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkeg
189
n canton — ou l’Europe. Ainsi, le stade national
est
sauté. J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un des grands pri
190
nds privilèges culturels des Suisses : quelle que
soit
leur petite patrie locale, s’ils la dépassent, c’est pour rejoindre i
191
. Il en va de même dans le domaine culturel. Nous
sommes
, nous Suisses, immédiats à l’Europe, condamnés à l’Europe, dirais-je,
192
commune originelle. Cette situation particulière
est
très conforme au génie de la culture occidentale, car celle-ci a touj
193
e la culture occidentale, car celle-ci a toujours
été
faite par des foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles
194
âle, avec Érasme et Holbein, Zurich avec Zwingli,
sont
les trois premiers foyers de rayonnement européen des ligues. Aussitô
195
toire, dont son fervent disciple, Nietzsche — qui
est
aussi son plus jeune collègue de faculté — nourrira son génie bouleve
196
la pédagogie et de la psychologie occidentales en
seront
transformés sans retour. Enfin, n’oublions pas l’influence mondiale d
197
otestante. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’
est
pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’u
198
se n’est pas une nation comme les autres, n’ayant
été
pendant des siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale, et moin
199
dt, leur Baudelaire ou leur Descartes. Mais force
est
bien de reconnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique
200
ise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’elle s’
est
conformée par anticipation à cette règle devenue évidente à partir du
201
résente, mélancolique, maternelle ou menaçante, y
tient
la place de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka
202
sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces traits
sont
protestants, peut-être. Mais le goût de la mesure, de l’intériorité,
203
sent du travail humain, bien concerté : la Suisse
est
née de coopératives forestières exploitant le passage du Gothard, « U
204
elois. Voilà pourquoi les Suisses qui ont excellé
furent
presque tous, à des titres divers, hommes utiles, au sens le plus nob
205
ficacité transformatrice. Et c’est en cela qu’ils
sont
typiquement suisses. ⁂ Cependant, une série de grands noms ne représe
206
istance qui l’appuie dans la population. Ce qu’il
est
important de savoir sur l’armée suisse, c’est que chacun de ses solda
207
son équipement militaire dans son armoire. Qu’en
est
-il de notre équipement culturel ? Il me paraît que la structure fédér
208
urs théâtres. Les collections privées de peinture
sont
parmi les plus belles du monde, Reinhart à Winterthour et Hahnloser à
209
nt la science pure bénéficie. Deux de ces bureaux
sont
dirigés par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que la Suisse, a
210
l’Europe unie, la Suisse semble donc en mesure de
tenir
une place plus qu’honorable dans une compétition continentale où l’ar
211
ns une compétition continentale où l’arme secrète
sera
la matière grise. Elle le doit sans nul doute à ses structures très c
212
misation et d’oblitération des traditions locales
est
bien plus grave pour elle que pour ses grands voisins. Ce n’est pas d
213
grave pour elle que pour ses grands voisins. Ce n’
est
pas du projet d’union européenne que provient cette menace de nivelle
214
rs et les forces culturelles dont elle dispose. N’
est
-elle pas le pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les pl
215
lus concrètes de savoir que le terme de culture n’
est
pas un synonyme de superflu ? b. Rougemont Denis de, « Apport à la
216
ntes, organiques et intéressantes, le fédéralisme
est
plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même d
217
positions et de tensions. On peut même dire qu’il
est
fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres sy
218
esse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles
sont
. Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les te
219
sme vivant, n’allez pas croire que le fédéralisme
soit
une espèce d’éclectisme universel, ou d’opportunisme lâche qui tolère
220
un pouvoir clérical, politique, ou économique. Il
est
donc le contraire absolu de tout régime totalitaire de tout ordre géo
221
pliste, et par là même tyrannique. Or la tyrannie
est
le souverain désordre, comme le disait Vinet. Le fédéralisme veut la
222
re ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’
est
pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de
223
éra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’
est
pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se n
224
t un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’
est
pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clo
225
à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il
est
sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’un
226
sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en
sont
peut-être qu’une seule. Oui, le fédéralisme représente la seule attit
227
ut une maîtrise du divers — comme tout art ! Elle
est
un art de la composition qui requiert à la fois et en même temps la v
228
ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge
soit
contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
229
oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui
est
libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, qui est
230
s la diversité, et l’unification totalitaire, qui
est
réduction forcée à l’uniforme. Ces images, qui sont autant d’évidence
231
st réduction forcée à l’uniforme. Ces images, qui
sont
autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de compos
232
fférencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle
serait
alors la solution fédéraliste ? Je vous en propose le principe : que
233
la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’
être
. Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation polit
234
e trahira sa raison d’être. Mais le fédéralisme n’
est
pas seulement un mode d’organisation politique, le seul régime de coe
235
rmes d’expérience politique très concrète —, tout
est
dit en principe de ce que nous aurions à dire sur les rapports entre
236
détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle
est
donc, pour nous autres Suisses romands, l’unité de base, d’origine et
237
le tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut
être
que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité cultur
238
? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe
est
la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laqu
239
andes cultures nationales voisines. Pour que cela
soit
vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale
240
nt l’ensemble constituerait la culture européenne
est
une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme
241
la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’
est
pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nati
242
oire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais
été
et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l
243
ulture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne
sera
jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de t
244
ais une addition de « cultures nationales ». Elle
est
l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles
245
xistence : il faut bien admettre que la culture s’
était
constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour illust
246
’est simplement l’école locale dans laquelle il s’
est
formé. D’où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais, cet
247
e guère qu’à la langue française. Mais celle-ci n’
est
pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de la
248
nçaise actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne
fut
imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore d
249
mand ne saurait définir une « culture nationale »
étant
la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nati
250
saurait à elle seule définir une culture : elle n’
est
guère qu’un des éléments de la culture en général. Or tous les autres
251
re, les sciences, la technique et l’architecture,
sont
largement ou même totalement indépendants des langues modernes, et ne
252
talement indépendants des langues modernes, et ne
sont
, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-t
253
tinent. III Or il se trouve que les Suisses
sont
, ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des
254
r il se trouve que les Suisses sont, ou devraient
être
, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures national
255
osition linguistique si variée de leur État. Nous
sommes
en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos
256
directement à l’ensemble culturel européen : elle
est
« immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos
257
ibres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs
furent
déclarés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là
258
d’hui : contre les États-nations. L’unité de base
étant
de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment
259
t de la sorte identifiée, la question qui se pose
est
de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent à
260
trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’
est
pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ;
261
os cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais
été
un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de
262
timents naturels ou historiques, qui n’ont jamais
été
unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des
263
iés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce
fut
le cas des provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiq
264
ce fut le cas des provinces françaises ; 3° nous
sommes
de vieilles républiques — même Neuchâtel, en dépit de ses princes — f
265
rge autonomie des communes ; 4° le protestantisme
est
dominant en Suisse romande ; il détermine en grande partie nos mœurs,
266
rticulier, mais cela revient au même ; 5° nous ne
sommes
pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose ave
267
pas seulement voisins du monde germanique : nous
sommes
en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont
268
ont conscience ou ne voudraient l’admettre. Tels
étant
nos principaux caractères spécifiques, que devons-nous faire maintena
269
r illustrer, au plan de la culture, nos raisons d’
être
, pour légitimer notre accent particulier, pour nous exprimer d’une ma
270
nse contre « Paris » d’autre part. La défensive n’
est
pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, av
271
’est pas une attitude de créateurs, et la culture
est
d’abord création, avant d’être héritage, ou enseignement. Si nous vou
272
eurs, et la culture est d’abord création, avant d’
être
héritage, ou enseignement. Si nous voulons rester nous-mêmes, continu
273
endre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il
est
lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’
274
pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont
été
nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le pa
275
eurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’
est
-ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît l
276
ractère de Suisses romands, si profondes qu’aient
été
leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? Certa
277
Ramuz, à titre d’argument massue contre ma thèse.
Est
-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de P
278
Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’
est
formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des r
279
l’a peut-être soutenu, comme il arrive, mais n’en
fut
pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. IV
280
re ont propagés. L’apport spécifique de la Suisse
étant
le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’avons vu, au gén
281
a Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens
étant
lié, nous l’avons vu, au génie de la culture en Europe, la question q
282
ure en Europe, la question qui se pose maintenant
est
de savoir comment nous saurons illustrer notre vocation décisive dans
283
ons, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’
est
pas possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des solutions mé
284
on rationnelle d’activités qui par essence, ne le
sont
pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, d
285
inguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en
étant
centralisé et ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, v
286
n restant libre et dispersé, voire anarchique. Il
est
clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un labor
287
sé, voire anarchique. Il est clair que nos villes
sont
trop petites pour se payer chacune un laboratoire de recherches nuclé
288
que cet exemple. Mais qu’on ne dise pas qu’elles
sont
trop petites pour que s’y développent à foison des écoles de peintres
289
naissance en Italie, en Flandres ou en Bourgogne,
étaient
alors plus petites que nos villes romandes actuelles. Elles sont tout
290
petites que nos villes romandes actuelles. Elles
sont
tout de même devenues des foyers rayonnants de créations du premier o
291
de princes et de grands marchands de l’époque. Il
est
trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du
292
eux, que des choses raisonnables, mais la culture
est
faite par des passions individuelles et par de petits groupes qui ne
293
asser pour extravagants ou excessifs. Les comités
sont
par définition prudents et économes : leur rôle est normalement de ra
294
t par définition prudents et économes : leur rôle
est
normalement de rationaliser les activités dont ils s’occupent, pour l
295
et prospère dans le gaspillage des forces et des
sommes
. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes d
296
lage des forces et des sommes. Je crains que nous
soyons
encore, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat d’excitation in
297
vanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient
été
un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répart
298
de répartition géographique équitable — ce qui n’
est
, soit dit en passant, qu’une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout
299
épartition géographique équitable — ce qui n’est,
soit
dit en passant, qu’une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela
300
enterait pour notre Suisse fédéraliste. Mais ce n’
est
pas le fait de supprimer nos douanes qui mettrait en danger nos « rai
301
os douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’
être
» ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au niveau de
302
ospérité économique sans précédent. Nos raisons d’
être
et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédérali
303
édent. Nos raisons d’être et de rester Suisses ne
sont
pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le mo
304
re européen de la culture et ses publications qui
sont
« l’exemple typique » de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à
305
e européenne unitaire » ; il nierait que l’Europe
soit
« la patrie des contradictions » ; et il pratiquerait le « nationalis
306
prit critique » qui « vicie » ses travaux. Quelle
est
donc sa méthode à lui ? Elle consiste à lire « unitaire » là où nous
307
s ne cessons d’écrire qu’avec Rome et Athènes ils
sont
les éléments fondamentaux de notre culture, à nous opposer ma propre
308
tant qu’ailleurs. La seule question qu’on se pose
est
de savoir quelles sont les traditions qui doivent collaborer à notre
309
eule question qu’on se pose est de savoir quelles
sont
les traditions qui doivent collaborer à notre « Europe en formation »
310
rra se faire qu’en vertu d’une volonté, mais il n’
est
pas de volonté sans but, sans quelque utopie directrice, imaginée, vu
311
ondamentales les mieux partagées en Europe, il en
est
deux qui me paraissent les plus propres à motiver chez l’homme soucie
312
ision d’un avenir politique au sens large : et ce
sont
le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier porte à vo
313
’imprévu de l’existence ; régimes dont l’anarchie
serait
la limite, en prenant le mot dans son sens littéral. Ces limites idéa
314
s littéral. Ces limites idéales, bien entendu, ne
furent
jamais atteintes dans l’histoire de l’Europe. Mais en chemin vers la
315
rimitive des soviets (conçue par Lénine lorsqu’il
était
en Suisse), l’anarchisme à la Bakounine et les brèves flambées du com
316
Ni l’une ni l’autre des deux tendances n’a jamais
été
isolée à l’état pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa pe
317
quelque part entre les deux extrémités, et ainsi
tient
de toutes les deux. Mais on remarque, chez les initiateurs des mouvem
318
ement partagé de subir la puissance d’un autre, d’
être
commandé, d’obéir, donc d’être libéré de sa propre liberté. Et de mêm
319
ance d’un autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’
être
libéré de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’un animateur
320
iative d’un animateur sans pouvoir contraignant n’
est
féconde que dans la mesure où elle éveille et libère chez beaucoup la
321
t assimilée à celle d’atteinte aux droits acquis,
fussent
-ils les souverainetés traditionnelles des États, de plus en plus inco
322
L’attitude fédéraliste L’attitude fédéraliste
est
celle qui conduit à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui s
323
à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui
serait
unie par des liens proprement fédéraux. Cette Europe fédérale ne sera
324
ens proprement fédéraux. Cette Europe fédérale ne
serait
donc : — ni totalement unifiée autour d’un centre, — ni simplement l
325
le. Mais en fait, le projet d’une Europe fédérale
est
antérieur à ces deux stades récents de notre aventure intellectuelle,
326
r, que le second à le fonder en principe.) Car il
est
véritablement la projection au plan continental d’une notion de l’hom
327
tinental d’une notion de l’homme dans la cité qui
est
constitutive de l’Europe, et sans laquelle nos sciences et nos logiqu
328
et sans laquelle nos sciences et nos logiques ne
seraient
pas ce qu’elles sont, ou n’auraient pas eu lieu. Lors du premier cong
329
ences et nos logiques ne seraient pas ce qu’elles
sont
, ou n’auraient pas eu lieu. Lors du premier congrès de l’Union europé
330
ès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se
tint
à Montreux en 1947, j’avais tenté de situer à grands traits cette idé
331
amené, inévitablement, à son point de départ, qui
est
l’homme de notre Europe, redéfini dans les catégories concrètes du pr
332
le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle
est
donc la définition de l’homme sur laquelle nous pouvons tomber d’acco
333
r d’accord, ou pour mieux dire, sur laquelle nous
sommes
d’accord, tacitement, puisqu’en fait nous voici réunis pour parler du
334
voici réunis pour parler du fédéralisme ? Nous ne
serions
pas ici si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est
335
pensions que le type d’homme le plus souhaitable
est
l’individu isolé, dégagé de toute responsabilité vis-à-vis de la comm
336
is-à-vis de la communauté. Car, dans ce cas, nous
serions
restés chez nous. Mais nous ne serions pas ici non plus si nous pensi
337
cas, nous serions restés chez nous. Mais nous ne
serions
pas ici non plus si nous pensions avec Hitler et les staliniens que l
338
sions avec Hitler et les staliniens que l’homme n’
est
qu’un soldat politique, totalement absorbé par le service de la commu
339
é par le service de la communauté. Car alors nous
serions
de l’autre côté du rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous so
340
u rideau de fer, en esprit tout au moins. Si nous
sommes
ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement respons
341
ous sommes ici, c’est que nous savons que l’homme
est
un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et u
342
mes ici, c’est que nous savons que l’homme est un
être
doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et unique d’
343
tes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne
sont
rien, si elles n’aboutissent pas à rendre chaque individu plus libre
344
lus libre dans l’exercice de sa vocation. L’homme
est
donc à la fois libre et engagé, à la fois autonome et solidaire. Il v
345
trois types différents de régimes politiques, et
sont
en retour favorisés par eux. À l’homme considéré comme pur individu,
346
ispensable, il ne faut pas penser que la personne
soit
un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu sans responsabilit
347
rsonne, c’est l’homme réel, et les deux autres ne
sont
que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. L
348
démissions de l’humanité complète. La personne n’
est
pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, elle représente la sant
349
ique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’
est
pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. E
350
é et de centralisation oppressive. Le fédéralisme
est
sur un autre plan que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait q
351
le lit du collectivisme : ces deux extrêmes, eux,
sont
dans le même plan, se conditionnent et s’appellent l’un l’autre. C’es
352
ue les résistances que rencontrent les dictateurs
sont
au contraire le fait de groupes de citoyens responsables, c’est-à-dir
353
llement, et presque irrésistiblement, le second n’
étant
que la projection de la première au plan politique, en ce sens précis
354
es qui trouvent leur composition dans la personne
sont
homologues de ceux qui trouvent leur composition dans le fédéralisme
355
yrannique au plan politique ; et enfin les vertus
sont
les mêmes dans les deux cas : liberté et responsabilité composées, qu
356
esponsabilité composées, quand l’équilibre vivant
est
atteint. Cet équilibre dynamique ne pouvant d’ailleurs être maintenu
357
nt. Cet équilibre dynamique ne pouvant d’ailleurs
être
maintenu qu’au prix d’une vigilance toujours alertée, de rétablisseme
358
uvellement. C’est assez dire que le fédéralisme n’
est
pas une doctrine fixe, ni vraiment un système, et encore moins un pla
359
niques éprouvées, sans secrets du métier, mais il
serait
vain d’en faire un traité théorique. Plutôt que d’essayer de les dédu
360
États-Unis et la Suisse. Bien que ces régimes se
soient
formés d’une manière empirique, tout se passe comme si les hommes d’É
361
européens — selon laquelle une fédération ne peut
être
que l’œuvre d’un tout-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’e
362
out-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’
est
confirmée par rien dans notre histoire, et tout la réfute en pratique
363
ent pas à sa défaite. L’hégémonie ni sa menace ne
sont
principes fédérateurs, même négatifs. Mais qu’un État ou une coalitio
364
a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se
sont
ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fé
365
leurs tentatives pour faire l’unité de l’Europe,
sont
des avertissements utiles. Ils nous confirment dans l’idée qu’on ne p
366
ur les minorités, destructeurs des diversités qui
sont
la condition de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédé
367
anique. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’
est
pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à partir d’un centre
368
mposer ces réalités concrètes et hétéroclites que
sont
les nations, les régions économiques, les unités culturelles, religie
369
èguent le même nombre de représentants quelle que
soit
leur population. Mais le jeu des minorités raciales et religieuses qu
370
hesse de l’Europe et l’essence même de sa culture
seraient
perdues si l’on tentait d’unifier le continent, de tout y mélanger, e
371
ifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge
soit
contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité global
372
oute la différence entre l’harmonie fédérale, qui
est
libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centrali
373
ification totalitaire, centraliste, jacobine, qui
est
réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Prenons u
374
analogue, elles comprendraient que leur harmonie
est
une nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, o
375
nner de concert, chacune selon sa vocation. Ce ne
serait
pas une simple question de tolérance, vertu négative et qui naît le p
376
e et qui naît d’une juste ambition. Chaque nation
serait
mise au défi de donner le meilleur d’elle-même à sa manière et selon
377
rer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’
être
un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et, dans cette mesu
378
qu’on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’
être
aussi poumon que possible, et, dans cette mesure même, il aidera le c
379
, et, dans cette mesure même, il aidera le cœur à
être
un bon cœur. Cinquième principe. Le fédéralisme repose sur l’amour d
380
elles, psychologiques, et même économiques, telle
est
la santé du régime fédéraliste. Et ses pires ennemis sont ceux dont J
381
santé du régime fédéraliste. Et ses pires ennemis
sont
ceux dont Jacob Burckhardt annonçait la venue dès 1880, dans une lett
382
e de tant de lenteurs et d’excessives prudences —
est
la condition même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctio
383
bertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires
sont
rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder u
384
sont rappelés au concret, et que nos législateurs
sont
obligés de garder un contact attentif avec les réalités humaines et n
385
éalités humaines et naturelles du pays. La Suisse
est
formée d’une multitude de groupes et d’organismes politiques, adminis
386
qui se recoupent de cent manières différentes. Il
est
clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitair
387
sonne même de ceux qui s’y rattachent. Certes, il
est
plus facile de décréter sur table rase, de simplifier les réalités d’
388
hit, on s’aperçoit que la politique fédéraliste n’
est
rien d’autre que la politique par excellence, c’est-à-dire l’art d’or
389
es citoyens. Tandis que les méthodes totalitaires
sont
antipolitiques par définition, puisqu’elles consistent simplement à s
390
est une parenté culturelle qui s’affirme. Ici, ce
sont
deux églises de confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, e
391
voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là ce
sont
des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes,
392
des professions qui s’organisent. Et surtout, ce
sont
des personnes, des groupes, des écoles, qui créent peu à peu des rése
393
variés d’échanges européens. Rien de tout cela n’
est
inutile. Et tout cela qui paraît si dispersé, si peu efficace souvent
394
des gouvernements, l’Europe des réalités humaines
est
beaucoup plus près de s’organiser qu’il ne le semble. Elle est déjà b
395
plus près de s’organiser qu’il ne le semble. Elle
est
déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’elle ne le croit. C’est sur l
396
is réaliser une union viable. Leurs dirigeants ne
sont
pas qualifiés pour arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’il ser
397
ur arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’il
serait
déraisonnable de choisir comme arbitres d’un match les capitaines des
398
nt bien ce qu’avait tenté de faire la SDN, qui en
est
morte, et ce qu’a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. L
399
che de vivre. La fédération européenne ne saurait
être
l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nati
400
e leur nation contre le reste du monde, mais peut
être
l’œuvre de groupes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fé
401
e d’autre voie possible ou praticable. Les USA ne
sont
pas dirigés par une assemblée de gouverneurs des cinquante États, ni
402
uisse par les délégués des vingt-deux cantons. Ce
serait
impraticable. Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leur
403
ons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations
sont
gouvernées, au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exéc
404
à deux reprises, ni les Soviets nous pressant à l’
Est
et nous minant à l’intérieur par les partis qu’ils commandaient chez
405
rces de défense. Aux yeux de l’histoire, la cause
est
entendue. Et quant aux entreprises impérialistes des Européens — les
406
périalistes des Européens — les colonies —, elles
sont
restées le fait des États en concurrence nationaliste : elles n’ont c
407
omme toutes les grandes idées, l’idée fédéraliste
est
simple, mais non pas simple à définir en quelques mots, en une formul
408
r en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle
est
d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que s
409
alectique, cette bipolarité, comme on voudra, qui
est
le battement même du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier serai
410
ême du cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier
serait
se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, qu
411
ent. En effet, les mots fédération et fédéralisme
sont
compris de deux manières très différentes par les Suisses alémaniques
412
ontraire, ceux qui se proclament « fédéralistes »
sont
en réalité les défenseurs jaloux de l’autonomie des cantons contre la
413
édérer veut dire surtout s’unir. Pour les autres,
être
fédéraliste veut dire surtout : rester libre chez soi. Or les uns et
414
vue de leur renforcement mutuel. Ce dernier point
est
parfaitement exprimé par la devise paradoxale ou « dialectique » dans
415
pporter à chaque région et à chaque personne. Il
est
infiniment probable que, sur le plan européen, nous allons voir se de
416
er aux deux partis que le fédéralisme véritable n’
est
ni dans l’une ni dans l’autre de ces tendances, mais bien dans leur c
417
stence, ce dialogue, cette tension ne doivent pas
être
imaginés sous la forme négative d’une tolérance mutuelle, d’une neutr
418
uelque part à mi-chemin entre les buts visés, qui
sont
l’établissement de l’union générale et le respect des droits particul
419
dres, à chaque niveau, de cas en cas, ce qui doit
être
carrément centralisé pour bien fonctionner, et ce qui doit rester ple
420
celui des transports, et celui de l’éducation. Il
est
facile de voir que chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’
421
aviation4, la fonction même de ces moyens coûteux
étant
de dépasser les cadres physiques dans lesquels s’exercent les autonom
422
tonomies locales ou régionales. D’autre part il n’
est
pas moins évident que l’ensemble fédéral européen bénéficiera de la v
423
se). Les éléments fondamentaux de culture commune
étant
par ailleurs assez forts pour assurer spontanément la cohésion de l’e
424
interventions fédérales. (Le cas de la recherche
est
très différent : dès que ses besoins dépassent les moyens dont dispos
425
aines publics, il apparaîtra normal ou nécessaire
soit
de déléguer aux membres de la fédération l’administration locale d’ac
426
régime fiscal, entretien des routes, par exemple)
soit
d’admettre l’existence parallèle de services fédéraux et de services
427
s États ou régions, des groupes et des individus.
Étant
bien entendu que les frontières entre le secteur centralisé et le sec
428
le secteur centralisé et le secteur libre doivent
être
constamment réajustées en vertu de la formule suivante : lorsque les
429
deviennent des phénomènes d’ampleur publique, il
est
normal qu’un pouvoir central prenne la charge de les organiser, ratio
430
de la zone conquise, qui, ainsi colonisée, permet
soit
de se lancer vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d
431
vers des aventures ou des explorations nouvelles,
soit
d’accroître les possibilités de libération personnelle de l’homme.5
432
r technique, ont popularisé l’idée que la machine
était
en passe d’asservir l’homme. Étrange démission de l’esprit devant ses
433
e l’esprit devant ses propres inventions ! Car il
est
clair que la machine a été inventée par les Européens pour les libére
434
es inventions ! Car il est clair que la machine a
été
inventée par les Européens pour les libérer du travail qui pouvait êt
435
Européens pour les libérer du travail qui pouvait
être
fait par elle ; et s’ils ne savent mettre à profit les libertés ainsi
436
les et sociales, c’est leur esprit d’abord qui en
est
le vrai responsable. Le mécanisme quel qu’il soit — de la machine-out
437
est le vrai responsable. Le mécanisme quel qu’il
soit
— de la machine-outil à l’État, du plan de travail d’un écrivain au p
438
privées aux règlements collectifs et aux lois — n’
est
en fin de compte, comme à l’origine, qu’un auxiliaire de la vie créat
439
réatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même, il
serait
néfaste et faux de considérer la centralisation, l’organisation, les
440
ssi de se dégager de ses « fatalités » natives… N’
est
-ce point là ce que l’homme européen, depuis des siècles, appelle sa l
441
rme au diversifié, le collectif au personnel, tel
est
le secret de cette méthode, de cette « fonction dichotomique », par d
442
monde n’existait pas : j’ai dit plus haut que ce
sont
, à la racine, les maladies de la personne elle-même. Car la personne
443
aladies de la personne elle-même. Car la personne
sera
toujours tentée soit de céder à la pesanteur naturelle, aux routines,
444
e elle-même. Car la personne sera toujours tentée
soit
de céder à la pesanteur naturelle, aux routines, aux machines qu’elle
445
r naturelle, aux routines, aux machines qu’elle s’
est
construites mais qu’elle accuse ensuite de l’asservir, cette mauvaise
446
ise foi trahissant à vrai dire un manque de foi ;
soit
de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle volerait beaucoup mi
447
ue… ⁂ IV. Passage des buts aux moyens Quels
sont
alors les buts que l’homme européen peut et doit projeter au plan de
448
articulière, à leur degré de réalité et d’action,
soit
dans la vie privée (qui relève de la métaphysique), soit dans la vie
449
ns la vie privée (qui relève de la métaphysique),
soit
dans la vie du groupe ou de la cité (qui relève de l’éthique), soit d
450
u groupe ou de la cité (qui relève de l’éthique),
soit
dans les relations intercollectives (qui relèvent de la politique).
451
r une Voix à l’ensemble historique et culturel qu’
est
l’Europe. Tout le problème est d’ordonner, subordonner, articuler ces
452
que et culturel qu’est l’Europe. Tout le problème
est
d’ordonner, subordonner, articuler ces moyens collectifs à ces buts p
453
ter que les indépendances personnelles et locales
soient
dissoutes dans un réseau toujours plus serré d’interdépendances mécan
454
utre part, vis-à-vis de l’extérieur, d’éviter que
soit
reportée aux frontières de l’union la somme des tendances autarciques
455
x passions populaires et aux experts), mais je la
tiens
pour moins difficile que celles qu’on demande, par exemple, aux const
456
qui trouvait le Marché commun trop technique pour
être
sérieux. Philosophie des buts et science de leurs moyens doivent déte
457
cidentale. La nécessité d’une union de l’Europe n’
étant
pas ici discutée mais admise, il faut chercher à voir maintenant quel
458
aintenant quelles formes d’organisation politique
seront
capables de satisfaire aux doubles exigences que l’on vient d’énoncer
459
-Unis, la Russie soviétique ou la Chine, l’Europe
est
tellement plus variée qu’elle est en fait, si on la traverse, infinim
460
Chine, l’Europe est tellement plus variée qu’elle
est
en fait, si on la traverse, infiniment plus riche en expériences à vi
461
ation européenne circulent du nord au sud et de l’
est
à l’ouest sans passeports ni visas, sans visites de douanes, sans emb
462
es milliards d’heures de vie active ou de loisirs
sont
ainsi gagnées chaque année, par des millions d’Européens en déplaceme
463
en déplacement professionnel ou en vacances. Ils
sont
chez eux partout, du Cap Nord à Stamboul, comme c’était le cas naguèr
464
r avenir. Leur horizon, leur projet d’existence n’
est
plus borné par les frontières rigides de leur nation, moyenne ou peti
465
le veut, sur tout le territoire de la fédération,
soit
pour y travailler, soit pour y vivre à sa manière. (Les seules restri
466
ritoire de la fédération, soit pour y travailler,
soit
pour y vivre à sa manière. (Les seules restrictions occasionnelles à
467
e 400 millions de producteurs et de consommateurs
est
de loin le plus riche et le plus varié du monde. L’Europe a donc cess
468
e sentir écrasée entre les « deux grands » : elle
est
plus « grande » que chacun d’eux, et presque autant que les deux addi
469
itionnés. Mais cette grande liberté cosmopolite n’
est
pas payée au prix d’un déracinement général ; ces ouvertures plus vas
470
ouvertures plus vastes à l’esprit d’aventure, qui
sera
toujours le fait d’une minorité, n’empêchent nullement ceux qui préfè
471
ses droits civiques. Le droit à une patrie locale
est
garanti par la Constitution fédérale, et surveillé par la Cour fédéra
472
es droits civiques et sociaux. Il y vote, et il y
est
éligible après un certain délai, qui varie selon qu’il s’agit d’emplo
473
munautés constituées, régions associées ou États,
sont
responsables vis-à-vis de leurs citoyens de maintenir et développer l
474
libertés de culte, d’expression et d’association
sont
expressément garanties ; l’État, ou la majorité dans une région, ne p
475
ifie que les citoyens d’un de nos petits États ne
sont
plus à la merci de la politique d’un de nos grands États, les entraîn
476
Les institutions européennes ont pour raison d’
être
et principe formateur d’exprimer et de garantir les libertés fondamen
477
e l’organisation politique de l’Europe ne saurait
être
l’État-nation unifié, ni un système d’alliances bi- ou multilatérales
478
atteinte au droit fondamental des communautés qui
est
, d’une part, d’être déchargées des tâches d’organisation (ou « mécani
479
ondamental des communautés qui est, d’une part, d’
être
déchargées des tâches d’organisation (ou « mécaniques ») outrepassant
480
bres, et de quelques États associés (bordure de l’
Est
). La souveraineté des membres est garantie par la Constitution fédéra
481
s (bordure de l’Est). La souveraineté des membres
est
garantie par la Constitution fédérale, nonobstant la mise en commun d
482
rs de leurs fonctions principales. Elle se trouve
être
, de la sorte, au moins aussi réelle que dans l’ancien régime, quoiqu’
483
u’expressément limitée. Mais ces États souverains
sont
en pleine évolution vers des groupements de leurs régions, qui parfoi
484
corps et les organes. Le problème le plus épineux
est
celui de la souveraineté : faut-il exiger des États qu’ils y renoncen
485
jamais à une fédération ? Ainsi posé, le problème
est
insoluble. D’une part nos grands États prennent prétexte de leur souv
486
ait attendre une nuit du 4 août des États : ce ne
sont
pas des personnes libres et responsables, et il est tout à fait incon
487
t pas des personnes libres et responsables, et il
est
tout à fait inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’un entho
488
ous le coup d’un enthousiasme collectif. « L’État
est
le plus froid des monstres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’
489
tres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’il
est
vain de fonder l’espoir d’une construction européenne sur un geste qu
490
ion européenne sur un geste qu’aucun grand État n’
est
en mesure de faire, il est sans doute dangereux de s’épuiser à combat
491
qu’aucun grand État n’est en mesure de faire, il
est
sans doute dangereux de s’épuiser à combattre des souverainetés en gr
492
la Confédération suisse. Article 3. — Les cantons
sont
souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Con
493
s sont souverains en tant que leur souveraineté n’
est
pas limitée par la Constitution fédérale, et comme tels, ils exercent
494
t comme tels, ils exercent tous les droits qui ne
sont
pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération garan
495
ale depuis cent-quinze ans. On peut les qualifier
soit
d’habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament
496
s. On peut les qualifier soit d’habile compromis,
soit
d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinai
497
ragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’
est
pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourt
498
embres ! Souveraineté fictive, dira-t-on ? Elle l’
est
certes en partie ; pas davantage toutefois que celle de nos États con
499
anime des peuples et des États confédérés. Ce qui
est
bien loin d’être le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des
500
s et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’
être
le cas des souverainetés soi-disant « absolues » des grands ou petits
501
arés ; ces attributs de la souveraineté classique
sont
reportés au niveau fédéral, et la fédération, de plus, a renoncé au d
502
de prendre parti dans leurs querelles. Mais qu’en
est
-il de ces voisins et de leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Su
503
d et quand on le veut. En fait, ces deux États se
sont
vus brutalement mis en demeure par deux autres puissances de cesser l
504
ont immédiatement obtempéré. Or, ces puissances n’
étaient
pas même européennes, et sans l’appui de l’une aucun pays d’Europe ne
505
se défendre contre l’autre. Aucun pays d’Europe n’
est
donc vraiment souverain au sens classique ; mais il y a plus : aucun
506
in au sens classique ; mais il y a plus : aucun n’
est
autonome et ne pourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le ser
507
a plus : aucun n’est autonome et ne pourra plus l’
être
tant que l’Europe entière ne le sera pas. Leur souveraineté relative,
508
ourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le
sera
pas. Leur souveraineté relative, pour autant qu’elle subsiste, n’est
509
raineté relative, pour autant qu’elle subsiste, n’
est
en rien garantie (ni d’ailleurs menacée) par leurs voisins et frères,
510
en inquiètent, aux environs de 1963 : c’est qu’il
est
plus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même sans préc
511
lus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il
est
même sans précédent dans l’ère moderne. Voici comment on peut l’imagi
512
continent et aux îles britanniques le régime qui
est
en train de s’instaurer entre les Six (effacement des frontières écon
513
libérés. D’autant plus les frontières nationales
seront
dévalorisées — réduites à d’invisibles limites administratives et d’é
514
é ou de force par une frontière « nationale », se
sont
trouvées amalgamées à des États de traditions bien différentes8. ⁂ Re
515
de 1980. On y assiste à des regroupements qui ne
tiennent
plus compte des frontières nationales et modifient profondément le ré
516
onctures historiques dépassées, l’Europe fédérale
est
en train de devenir une constellation de foyers, ou de « métropoles »
517
tellation de foyers, ou de « métropoles », qui ne
sont
plus définis par leur contour, mais par leur force de rayonnement. L
518
n des pouvoirs entre la fédération et ses membres
sont
l’expression directe des principes énoncés plus haut, et s’en déduise
519
nsulats chargés d’entretenir les relations qui ne
sont
pas du ressort fédéral. (Relations économiques et commerciales, dans
520
ersitaires, voyages, etc.) La défense de l’Europe
est
assurée par des forces armées aux ordres du pouvoir fédéral, qui ne p
521
ue la communauté politique (État ou région) où il
est
né ; et enfin le libre jeu dans la fédération d’innombrables tensions
522
ressive. Un tel ensemble de diversités ne saurait
être
impérialiste. (Rappelons que les anciens empires coloniaux avaient ét
523
ppelons que les anciens empires coloniaux avaient
été
créés par les États nationalistes en compétition brutale, et que leur
524
à l’extérieur. Quant à savoir si l’Europe fédérée
est
elle-même neutre, la question se ramène à celle des alliances qu’elle
525
tion se ramène à celle des alliances qu’elle peut
être
amenée à conclure avec d’autres États ou fédérations. Si elle accepte
526
tution ainsi étendu à l’alliance ; mais elle peut
être
entraînée dans une guerre qu’un tiers parti ferait à l’allié, comme s
527
e économique, les attributions du pouvoir fédéral
sont
déterminées en fonction de la méthode dichotomique définie plus haut.
528
s le domaine culturel, les attributions fédérales
sont
définies, à l’intérieur par l’ampleur des investissements requis, à l
529
arctique (recherches spatiales), dès 1963, en ont
été
les deux premières illustrations. D’autre part, les problèmes fondame
530
e l’enseignement (voir plus loin) cette politique
est
représentée dans le monde par des Relations culturelles européennes,
531
ution, dans la mesure où ces droits et devoirs ne
sont
pas délégués à la fédération. C’est en matière d’éducation et de cult
532
visibles », certaines conditions de développement
étant
satisfaites, et sous réserve d’une approbation fédérale, régions et m
533
nue. Les affaires de la compétence de l’Assemblée
sont
toutes celles qui relèvent expressément de la fédération : législatio
534
la Cour de justice. Les lois fédérales ne peuvent
être
rendues qu’avec l’accord des deux chambres. En cas de différend irréd
535
e différend irréductible, un référendum populaire
est
requis. Exécutives : Un complexe de traditions, confessions et langu
536
ées que celles qui existent en Europe, ne saurait
être
gouverné que par un Collège où s’équilibrent les diversités en évolut
537
ollégialement les affaires fédérales. Ses membres
sont
élus pour trois ans par l’Assemblée européenne et sont rééligibles. O
538
élus pour trois ans par l’Assemblée européenne et
sont
rééligibles. On ne peut choisir plus d’un membre dans le même pays. S
539
plus d’un membre dans le même pays. Son président
est
élu par l’Assemblée. Il porte le titre de président de la fédération
540
ent de la fédération d’Europe. Le Conseil fédéral
est
assisté de commissions exécutives spécialisées. Ainsi, le ministre de
541
êtés élaborés par ces commissions ministérielles,
sont
présentés par le Conseil fédéral et soumis au vote de l’Assemblée (év
542
s que le Conseil fédéral ou le ministre intéressé
soient
pour autant renversés. Judiciaires : Une Cour ou Tribunal fédéral ad
543
cernant la fédération, et d’autres causes qui lui
sont
soumises par accord des parties, quand le litige atteint le degré d’i
544
Les mêmes raisons qui veulent que la fédération
soit
gouvernée par un Collège, et non par un seul homme, veulent que son c
545
non par un seul homme, veulent que son centre ne
soit
pas une capitale, mais un District fédéral. La fédération n’étant pas
546
pitale, mais un District fédéral. La fédération n’
étant
pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très long
547
tés que l’on sait, le District fédéral ne saurait
être
, lui non plus, une création « synthétique » édifiée sur un terrain va
548
, dans l’Europe de 1980. Le District fédéral doit
être
situé au centre du Continent ; il doit être facile à défendre, en tem
549
doit être situé au centre du Continent ; il doit
être
facile à défendre, en temps de troubles, mais d’accès facile en temps
550
mais d’accès facile en temps de paix ; il ne peut
être
qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible de traditi
551
s villes principales, Zurich, Bâle, Genève. Elles
sont
placées sous la protection de l’armée suisse. Des dispositions spécia
552
n fédéraliste de nos problèmes. 1. Le fédéralisme
est
une forme de pensée politique spécifiquement européenne qui prend ses
553
s les plus avancées. D’autre part, le fédéralisme
est
une méthode d’organisation politique qui a fait ses preuves notamment
554
uves notamment en Suisse et aux États-Unis et qui
est
pratiquée aujourd’hui dans les processus de décision des Communautés
555
solutions fédéralistes. 2. Le régime fédéraliste
est
au moins théoriquement adopté par les constitutions d’un nombre crois
556
favorables aux solutions fédéralistes. Celles-ci
sont
d’ailleurs homologues des solutions œcuméniques au plan confessionnel
557
eul un Pouvoir fortement centralisé et très riche
serait
en mesure d’user et d’abuser), pousse également à concevoir la nécess
558
cette réaction de défense de la personne, on peut
tenir
pour certain qu’elle jouera, elle aussi — si peu que ce soit — en fav
559
ertain qu’elle jouera, elle aussi — si peu que ce
soit
— en faveur d’un régime fédéraliste. 5. La résistance des esprits «
560
sur des solutions praticables, qui se trouveront
être
fédéralistes par nécessité, sinon par choix délibéré des deux partis.
561
. Le régime des souverainetés nationales absolues
est
manifestement dépassé, aux yeux des jeunes. La nécessité et les prome
562
écessité et les promesses d’une union de l’Europe
sont
admises par plus de 80 % des Européens, quoique d’une manière vague e
563
à l’enthousiasme. 8. L’existence du Marché commun
est
un facteur irréversible dans l’évolution vers l’union. Les polémiques
564
problèmes deviennent chaque année plus concrets,
soit
qu’ils se posent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent des pas
565
rets, soit qu’ils se posent en termes d’intérêts,
soit
qu’ils réveillent des passions partisanes ou nationales. « Fédérer le
566
. « Fédérer les Européens » cesse pour beaucoup d’
être
une expression vague désignant simplement le besoin d’une « union plu
567
talyseur : une vision non utopique de ce que peut
être
l’Europe fédérée. ⁂ VII. La vraie « relance » de l’Europe Pour
568
par deux séries de déductions inévitables, et qui
sont
au surplus convergentes. L’une a pour point de départ la définition d
569
our les traditions valables du tiers-monde que ne
fut
jamais notre colonialisme ; nécessité, à cet égard, d’une politique c
570
sion du But possible et nécessaire. Si l’Europe n’
est
pas encore faite, ce n’est pas que ces obstacles soient bien forts —
571
essaire. Si l’Europe n’est pas encore faite, ce n’
est
pas que ces obstacles soient bien forts — ils n’ont guère plus de con
572
pas encore faite, ce n’est pas que ces obstacles
soient
bien forts — ils n’ont guère plus de consistance que les ténèbres — m
573
nous la montre ! » Ces discussions préliminaires
sont
vaines. On ne réfute pas l’obscurité, et rien ne sert de maudire la n
574
, comme dit le proverbe chinois. Éclairer le But
est
donc la première tâche de ceux qui veulent se mettre en marche. Inven
575
ettre en marche. Inventer des chemins vers le But
est
la seconde tâche, indispensable, mais que la claire vision du But ren
576
le coût de l’opération. Ils concluent que rien n’
est
possible dans l’état actuel des choses. Et leur déni traduit exacteme
577
oi, dans le domaine qui nous occupe, la prévision
est
une action. Bien voir le But, se concentrer sur lui, dégage et mobili
578
l, avec un projecteur de fortune. Des reliefs ont
été
laissés dans l’ombre, des détails ont pris trop d’importance. Mon reg
579
rop souvent n’a vu que ce qu’il cherchait, ce qui
était
dans mon esprit et non dans la réalité. Cet essai n’a donc d’autre am
580
raît la seule immédiatement réalisable. Elle peut
être
la plus efficace, à long terme. 2. Extrait de « L’attitude fédéral
581
prises mixtes ou même privées. Les chemins de fer
sont
fédéraux en Suisse, privés aux USA, où ils sont d’ailleurs en pleine
582
r sont fédéraux en Suisse, privés aux USA, où ils
sont
d’ailleurs en pleine crise. L’aviation appartient encore au secteur p
583
e couple ? (25 octobre 1963)g h Jamais on ne s’
est
autant marié en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes) et jama
584
ne crise du mariage ? Naturellement. Seulement il
serait
faux d’y voir un mal du siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, q
585
u siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, que
seraient
toutes nos littératures ? Elle ne fait pas simplement la fortune du c
586
ant de l’amour hors-la-loi. La crise du mariage n’
est
donc pas un phénomène de l’ère atomique. Le nombre des divorces a qua
587
se a des causes nombreuses et complexes. Les unes
sont
liées au progrès et à l’évolution de la psychologie moderne. L’émanci
588
a vie professionnelle, sa revendication d’égalité
sont
naturellement un premier facteur important. La vulgarisation des conn
589
vulgarisation des connaissances psychologiques en
est
un autre : chacun maintenant connaît, au moins sommairement, l’existe
590
lle et séculaire : c’est que tous les adolescents
sont
élevés dans l’idée du mariage (normal, souhaitable, presque inévitabl
591
aignés dans une atmosphère romantique, la passion
étant
l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour connaître, et qu’il ap
592
appelle secrètement. Pourquoi mariage et passion
sont
-ils incompatibles ? Parce que le mariage c’est la coexistence pacifiq
593
sur dix c’est donc l’adultère. Cet amour-passion
est
sans doute aussi vieux que le monde, au moins aussi vieux que le mari
594
our-passion, cette conception de l’amour qui nous
est
si familière que nous nous figurons qu’elle a toujours existé a, en f
595
endant des siècles, les relations entre les sexes
sont
restées du domaine de la nature ou de la moralité sociale ou religieu
596
euse. Toute espèce de romantisme ou de ferveur en
était
exclue et le mariage était alors très brutal : c’était deux domaines,
597
tisme ou de ferveur en était exclue et le mariage
était
alors très brutal : c’était deux domaines, ou deux lopins de terre qu
598
qu’on mettait ensemble. C’est au xiie siècle qu’
est
né l’amour moderne : c’est la « cortezia », l’amour courtois chanté p
599
, l’amour courtois chanté par les troubadours. Ce
sont
eux qui ont apporté le langage nécessaire aux aspirations de l’âme mé
600
fois, l’homme devient le servant de la femme qui
est
élevée au-dessus de lui, de la Dame. Pour la première fois, l’amour m
601
emière fois, l’amour malheureux (mais réciproque)
est
exalté et aussi la chasteté incompatible avec le mariage (qui n’est a
602
i la chasteté incompatible avec le mariage (qui n’
est
alors que l’union des corps et des biens). Pour la première fois, l’a
603
ment dans les cours et les châteaux du Midi (Albi
fut
la grande capitale du catharisme, dit aussi hérésie albigeoise) où ju
604
dère que l’âme, partie de l’homme créée par Dieu,
est
emprisonnée dans le corps, partie de l’homme créée par le diable. D’o
605
de toutes relations érotiques, mais de celles qui
sont
procréatrices et qui auraient pour effet de faire tomber une âme de p
606
me de plus dans un corps vil. La chasteté absolue
étant
trop difficile, les cathares se bornaient à médire du mariage et à lo
607
! Les troubadours les imitèrent. L’amour courtois
étant
né d’une hérésie et d’une rhétorique toutes deux orientales, pourquoi
608
tes deux orientales, pourquoi cette forme d’amour
est
-elle totalement inconnue dans les pays orientaux, pourquoi n’a-t-elle
609
tan aurait pu garder Iseut aux cheveux d’or qu’il
est
allé conquérir pour son roi : les mœurs du temps sanctionnaient le dr
610
ême Iseut aux blanches mains. Le roman de Tristan
est
en somme une longue suite de séparations et de revoirs successifs des
611
ccessifs des amants. Or les causes de séparations
sont
aussi souvent inventées par Tristan qu’imposées par l’extérieur. Ce r
612
ssible, c’est le mythe européen de l’adultère. Qu’
est
-ce qu’un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résu
613
: la société courtoise du xiie siècle. Ce groupe
est
dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres. P
614
e est dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois
sont
encore les nôtres. Profanées et reniées par nos codes officiels, elle
615
ofanées et reniées par nos codes officiels, elles
sont
devenues d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir
616
e ? C’est que finalement notre crise du mariage n’
est
rien de moins que le conflit de ce mythe et de la morale chrétienne,
617
odoxie, qui ne s’appuie plus sur une foi vivante,
est
devenue la « morale bourgeoise », et le mythe issu d’une hérésie spir
618
timental et de la pièce de boulevard (le roi Marc
est
devenu le cocu, Tristan, le jeune premier, Iseut, l’épouse insatisfai
619
que jour, c’est donc sur les débris d’un mythe qu’
est
édifié notre moderne mariage d’amour ? Exactement. Or, si l’amour rom
620
nesque triomphe d’une quantité d’obstacles, il en
est
un contre lequel il se brisera presque toujours : c’est la durée. Et
621
ériodiquement un nouveau type de femme « idéale »
est
proposé à l’admiration des foules, disqualifiant automatiquement l’ép
622
ncontre cette femme, il reconnaît son Iseut. Elle
est
mariée, naturellement. Qu’elle divorce, il l’épouse ! Avec elle, ce s
623
ent. Qu’elle divorce, il l’épouse ! Avec elle, ce
sera
la vraie vie, l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi. Mais
624
’est toujours l’étrangère, c’est la femme dont on
est
séparé : on la perd en la possédant. Alors commence une « passion » n
625
non plus chez l’autre seulement — la coquetterie
est
alors un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit
626
un peu simple — mais on en vient à désirer que l’
être
aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « re
627
mple — mais on en vient à désirer que l’être aimé
soit
infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressentir »
628
n qu’on subit mais sur une décision qu’on assume.
Être
amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un
629
mais sur une décision qu’on assume. Être amoureux
est
un état, aimer, un acte. On subit un état. On décide un acte. Mais a
630
on, il existe certaines chances de réussite qu’il
serait
stupide de ne pas mettre de son côté : buts communs, rythmes de vie,
631
pour toute la vie, finalement c’est parier. Et il
serait
beaucoup plus conforme à l’essence du mariage d’enseigner aux jeunes
632
es suites heureuses ou non. La fidélité, alors, n’
est
plus une espèce de conservatisme, de conformisme, c’est un parti pris
633
exorbitante. Que peut-on en attendre ? Son but n’
est
pas le bonheur, c’est la volonté de faire une œuvre. Dans la plus hum
634
oduit une chance de faire œuvre, le couple devant
être
considéré comme une œuvre qu’on construit à deux et dont on tâche de
635
de faire une œuvre d’art. Cette fidélité-là, ce n’
est
pas seulement de ne pas tromper (ce qui serait une preuve d’indigence
636
ce n’est pas seulement de ne pas tromper (ce qui
serait
une preuve d’indigence et non d’amour). C’est vouloir le bien de l’au
637
tan et d’Iseut, et la passion, c’est l’angoisse d’
être
deux. L’amour dans le mariage c’est alors la fin de l’angoisse, c’est
638
e, c’est l’acceptation de l’autre : une vie qui m’
est
alliée pour toute la vie, qui veut mon bien autant que le sien parce
639
e mythe de Tristan, origine de tous nos malheurs,
soit
définitivement balayé des consciences occidentales, et la crise du ma
640
la crise du mariage se dénouera d’elle-même ? Il
est
vrai que la passion est l’ennemie jurée du mariage mais c’est elle au
641
dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la passion
est
l’ennemie jurée du mariage mais c’est elle aussi qui le défie, l’anim
642
sion c’est le secret du mariage vivant. Mon but n’
est
pas de condamner la passion, mais de définir certaines options morale
643
re ses risques ! Condamner la passion en principe
serait
d’abord bien naïf, puisque la passion est une décision fondamentale,
644
cipe serait d’abord bien naïf, puisque la passion
est
une décision fondamentale, comme le mariage, et non pas une erreur, m
645
comme le mariage, et non pas une erreur, mais ce
serait
aussi vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. Qu
646
ée, hygiénisée, bref vers l’Ennui collectif. Nous
serions
en quelque sorte — nous autres hommes et femmes d’aujourd’hui — les
647
nnui ne recrée alors la soif de quelque chose qui
soit
au-delà de l’ordre et qu’il n’appelle alors un autre xiie siècle de
648
pelle alors un autre xiie siècle de l’amour… qui
sera
peut-être le xxie siècle. g. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’
649
t des problèmes, des déceptions, des inquiétudes…
Est
-ce inévitable ? Non, affirme Denis de Rougemont dans L’Amour et l’Oc
650
t la pomme de terre — au xiie siècle — elle n’en
est
pas moins elle aussi une “importation”, non une fatalité. D’où vient-
651
Et enfin, comment réussir son mariage, car rien n’
est
perdu pour qui veut comprendre ? Nous avons demandé à Denis de Rougem
652
enis de Rougemont de répondre à ces questions qui
sont
dans le cœur de toutes les femmes. »
653
l nous lui avons posé quelques questions qui nous
tenaient
particulièrement à cœur. Lors de votre conférence : « La culture occi
654
ste-t-il actuellement de tels centres ? Nous nous
sommes
réunis à Genève, il y a trois ans pour discuter de ce problème dans l
655
tre européen de la culture. À cette réunion, il a
été
décidé de former de tels centres, un peu partout dans le monde. Quelq
656
ntres, un peu partout dans le monde. Quelques-uns
sont
déjà constitués, notamment celui de Hammamet en Tunisie, pour le Magh
657
ent. Comment fonctionnent ces centres ? Notre but
est
de grouper les centres existants, ainsi que ceux à créer par la suite
658
e pays ou continent. Notre civilisation technique
est
de plus en plus orientée vers le machinisme intégral. L’automation me
659
ulture ? Cela dépend de la manière dont nous nous
serons
préparés. Toute la question est là. Pour l’instant, il faut reconnaît
660
dont nous nous serons préparés. Toute la question
est
là. Pour l’instant, il faut reconnaître que l’automation pose de gran
661
dans le domaine social, notamment. Mais nous n’en
sommes
qu’au premier pas, hésitant. Mon attitude est franchement positive, o
662
sommes qu’au premier pas, hésitant. Mon attitude
est
franchement positive, optimiste. J’envisage l’avenir avec confiance.
663
on permettra de supprimer le prolétariat, l’homme
sera
plus libre. Évidemment cela n’ira pas tout seul. Il y a tout un trava
664
vail d’éducation à effectuer. Sous ce rapport, il
est
intéressant de mentionner l’essor remarquable de l’édition dite « de
665
ar exemple, 360 millions de ces petits livres ont
été
vendus en 1960, ce qui représente une moyenne d’un million par jour !
666
sur les cartes, ni dans les chartes. Le nom même
était
inconnu. La Suisse s’est formée peu à peu, du xive au xvie siècle,
667
s chartes. Le nom même était inconnu. La Suisse s’
est
formée peu à peu, du xive au xvie siècle, dans le Saint-Empire et p
668
Saint-Empire, de cette première Europe dont elles
sont
nées, c’est parce que l’Empire lui-même se dénature, se dissout en Ét
669
aix, la prospérité et les libertés de l’Europe ne
seront
rétablies que par cette union-là. C’est comme « citoyen de Genève » q
670
que ». L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux ne
serait
nullement unifiée par un despote ou par une idéologie, elle devrait ê
671
par un despote ou par une idéologie, elle devrait
être
en somme une Europe des cités (ou des communes), formée de très petit
672
(élément type) se révèle, en dernière analyse, n’
être
rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffhouso
673
urs divisions persistent, l’avenir appartiendra «
soit
à la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la
674
sistent, l’avenir appartiendra « soit à la Russie
soit
à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle o
675
la Russie soit à l’Amérique ». Germaine de Staël
est
suisse dans la mesure où elle ouvre des perspectives européennes, soi
676
esure où elle ouvre des perspectives européennes,
soit
par son action personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos
677
sprits de nos diverses nations se lient d’amitié,
soit
par des livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation
678
acobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’
est
pas seulement l’auteur de l’Esprit de conquête, pamphlet classique co
679
ie un message enflammé (Genève, 1864). Proudhon s’
est
peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typo
680
ut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il
fut
un temps typographe) en écrivant son grand livre posthume, Du Princip
681
d livre posthume, Du Principe fédératif ; mais il
est
bien certain qu’un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, célèbre pr
682
C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelberg, s’
est
inspiré directement de l’expérience fédéraliste suisse en rédigeant s
683
mouvements nationaux, et plus de 100 000 membres,
tient
son premier congrès à Montreux, en septembre 1947. Cette date peut êt
684
ès à Montreux, en septembre 1947. Cette date peut
être
considérée comme le point de départ de l’action politique européenne.
685
ontinent à former « une sorte de lien fédéral » a
été
prononcé à Zurich un an plus tôt. Cette idée aussitôt adoptée par les
686
t à la convocation du Congrès de l’Europe, qui se
tient
à La Haye au mois de mai 1948. De La Haye naît le Mouvement européen,
687
s la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion
est
donnée, l’opinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le re
688
et convoque aussitôt une grande conférence qui se
tient
à Lausanne, au mois de décembre 1949. De la conférence de Lausanne et
689
tre-mer, etc. La première « chaire européenne » a
été
créée en 1957 par l’Université de Lausanne et un centre de recherches
690
sité de Lausanne et un centre de recherches lui a
été
adjoint tôt après. Genève a suivi en ouvrant un Institut d’études eur
691
re, sur le thème « L’Europe et le monde » doit se
tenir
à Bâle (fin septembre 1964) sous le haut patronage du Conseil fédéral
692
idéale, réputée « microcosme de l’Europe », et ce
sont
quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, pendant c
693
reconnaître que nos autorités et notre presse ont
été
dans l’ensemble pour le moins « réservées » et que notre peuple l’est
694
pour le moins « réservées » et que notre peuple l’
est
peut-être plus encore, s’agissant de l’idée européenne. Le scepticism
695
européenne. Le scepticisme dominait, et comme on
tient
pour « réaliste » en politique les partis pris de la majorité, le pro
696
comme on appelait à l’époque la CECA : 1° qu’il n’
était
pas réalisable, 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de se
697
CECA : 1° qu’il n’était pas réalisable, 2° qu’il
serait
néfaste pour la Suisse, à cause de ses incidences sur nos transports,
698
e d’un train de charbon libre de droits de douane
était
fixé au lendemain matin… Bien d’autres faits, non moins patents, deva
699
yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE
fut
accueillie avec méfiance par la presse moyenne de la Suisse allemande
700
arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais
été
« justifiée », — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il de la
701
ifiée », — comme disaient mes instituteurs. Qu’en
est
-il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait, par imp
702
je citais : « Si cela se fait, par impossible, ce
sera
néfaste pour la Suisse » ? ⁂ Quatre groupes d’arguments sont invoqués
703
e pour la Suisse » ? ⁂ Quatre groupes d’arguments
sont
invoqués par les partisans de l’abstention. Arguments politiques. —
704
a Confédération »15. Adhérer à l’union européenne
serait
contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pou
705
evrait des ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en
serait
fait du « rôle particulier » qu’elle se réserve d’invoquer plus souve
706
offices lors de la guerre d’Algérie, etc.). Il n’
est
donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visant à
707
it à une union supranationale, le pouvoir fédéral
serait
amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des
708
déral serait amené à promulguer des décisions qui
sont
actuellement du ressort des cantons. Le droit d’établissement, la lég
709
avail, le régime fiscal — par exemple — devraient
être
uniformisés selon des directives « européennes ». Ce serait contraire
710
formisés selon des directives « européennes ». Ce
serait
contraire à notre Constitution. Ce serait même la fin de notre fédéra
711
s ». Ce serait contraire à notre Constitution. Ce
serait
même la fin de notre fédéralisme et de la démocratie directe, n’hésit
712
à celle d’un groupe de nations européennes. Elle
tient
à garder libres ses échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’
713
vantages, bancaires notamment, et son agriculture
serait
gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas pay
714
gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne
serait
donc pas payante. Arguments traditionalistes. — Des représentants de
715
. Arguments politiques. — La neutralité suisse a
été
garantie « dans les intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union
716
érêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union qui
est
aujourd’hui dans l’intérêt de tous les peuples de l’Europe. Si notre
717
s puissances militaires. La neutralité n’a jamais
été
qu’un moyen au service de notre indépendance ; « elle ne fait pas par
718
t politique » — pour rester neutres à tout prix —
serait
« illusoire » (F. Wahlen, président de la Confédération, février 1961
719
a réalité de notre neutralité17. » Cette dernière
est
devenue en partie fictive. La Suisse doit donc tendre à participer «
720
indre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’il
est
vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Roug
721
érie, l’existence d’une Europe unie eût peut-être
été
capable, elle, de prévenir ces crises, et elle diminuerait très forte
722
en s’absolutisant jusqu’à devenir tabou — traître
est
celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Isolée
723
é. Isolée de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’
est
plus celle que les Puissances garantirent en 1815. Si elle en vient u
724
t rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce
serait
vouloir rester neutre entre nos ennemis, et nous-mêmes. On ne voit gu
725
uelles considérations philanthropiques pourraient
être
opposées sincèrement à cette thèse de simple bon sens. Arguments con
726
à une organisation européenne telle que la CEE ne
serait
pas incompatible avec la Constitution actuelle. Si, dit-il, la Suisse
727
ts précédent. Arguments économiques. — La Suisse
est
située au cœur du Marché commun. Ce n’est évidemment pas avec le rest
728
Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’
est
évidemment pas avec le reste du monde (sans cesse invoqué par les abs
729
le plus, mais avec les Six. Les chiffres globaux
sont
connus. En mai 1963, par exemple, nos importations proviennent pour 6
730
nos exportations, deux tiers vont à l’Europe. Il
est
vrai que notre balance commerciale reste déficitaire avec l’Europe (d
731
e avec l’Europe (de 447 millions), tandis qu’elle
est
bénéficiaire (de 51 millions) avec l’outre-mer. Mais il faut avouer q
732
re moins notre participation à l’AELE ! La Suisse
est
si peu indépendante de l’Europe que l’immigration de main-d’œuvre eur
733
se fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne
sommes
plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques, de
734
Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’
est
pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une rés
735
et malgré nous. Arguments traditionalistes. — Il
est
clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pou
736
Il est clair qu’une Europe « une et indivisible »
serait
une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise, en réa
737
se. Mais personne ne la préconise, en réalité. Il
est
clair, en revanche, qu’une Europe fédérée, donc respectueuse de ses d
738
euls, c’est le plus sûr moyen de les perdre. Il n’
est
pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos «
739
pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il
est
pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suisses accu
740
7 millions en France, 8 en Allemagne.) Mais ce n’
est
pas le Marché commun qui les amène. C’est l’expansion de l’industrie
741
aux destinées de laquelle le délégué du Vorort n’
est
pas tout à fait étranger. Si M. Homberger croit vraiment que le mélan
742
mberger croit vraiment que le mélange des peuples
est
un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en conclure au
743
se, cause directe du « mal » en question, si c’en
est
un. Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec
744
out par l’effet de la technique, laquelle n’a pas
été
créée que l’on sache par le mouvement d’union européenne. De nos jour
745
En fait, cette « caractéristique nationale » n’en
est
plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant de l’ag
746
fficile pour les habitants de nos grandes villes,
soit
définitivement interrompu pour ceux de la Mégalopolis qui menace de c
747
etour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’
est
pas la Suisse de Morgarten, de Marignan, ou du xviiie siècle, ni mêm
748
étexte d’une « indépendance » dont notre peuple n’
est
pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant
749
us qu’un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels
étant
les termes du débat que l’idée européenne suscite chez nous — et l’on
750
ls savent qu’ils n’ont aucune espèce de chances d’
être
écoutés s’ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, d
751
ieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui
est
en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent
752
otre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne
suis
d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe au nom de
753
e neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie —
est
que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressém
754
diversités et nos intérêts bien compris, et qu’il
est
dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il était possible de d
755
dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il
était
possible de dissocier durablement notre salut de celui de l’ensemble
756
ses, et comme État qui entend garder une raison d’
être
. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pa
757
, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe
est
en droit d’attendre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et
758
Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en
est
bénéficiaire, et pas seulement ce que nous attendons et surtout redou
759
e fédéralisme ! Contrairement à la neutralité, il
tient
à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous
760
atives pacifiques, je dis bien, dans l’esprit qui
est
devenu celui de la Suisse moderne, laquelle ne saurait croire à la se
761
non seulement parce que cette solution se trouve
être
la sienne, mais surtout parce que c’est la meilleure pour l’Europe. O
762
e la propose pas, qui le fera ? Notre fédéralisme
est
peu connu, ou très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y es
763
s mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y
est
que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette neutralité, vertu
764
mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’
est
pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par ceu
765
que l’Europe et le monde attendent de nous, ce n’
est
pas l’exposé lassant des raisons de notre « réserve » devant tout ce
766
fense. Et cela, non seulement parce que l’attaque
est
toujours la meilleure défense, mais parce que nous avons quelque chos
767
me », au cours de laquelle la neutralité suisse s’
est
définie comme état d’esprit. 16. « Indépendance de la Suisse et neut
768
lle précise : « Quant à la neutralité, son rôle a
été
nul dans la création de la Confédération. » Cela pourrait se discuter
769
(1964)n La plus belle œuvre d’art des Suisses
est
d’avoir fédéré librement leurs vingt-deux États souverains, si jaloux
770
jaloux de leurs différences — et vraiment il n’en
est
pas deux qui se ressemblent : l’un catholique et l’autre protestant ;
771
l’un catholique et l’autre protestant ; l’un qui
est
une ville moderne, l’autre une vallée des Alpes ; ici l’on parle un d
772
s bien distincts ! Et chacun veut rester ce qu’il
est
, mais ils n’en vivent pas moins en harmonie, égaux en droit dans l’in
773
s à leurs institutions, tous deux bien contents d’
être
suisses, ils ne se rencontreront sans doute jamais et n’entendront pa
774
is pu s’agencer et n’aurait pas duré longtemps ne
sont
pas de celles qui excitent au plus haut point l’esprit de risque et d
775
continentaux. Entre le petit compartiment où ils
sont
nés et la grande unité européenne, pas de relais national pour leur c
776
t comme Wölfflin. Sans oublier le grand clown que
fut
Grock. Ce palmarès plus qu’honorable ne suffit pas à définir un style
777
sse, l’indice du Danemark, deuxième sur la liste,
étant
de 1,43, celui des États-Unis de 0,4, et celui de la Russie puis de l
778
cient de grands avantages culturels, et la Suisse
est
une grappe de pays minuscules… Mais les trop petites dimensions ont a
779
santé des arts et des lettres, dans nos cantons,
est
donc liée au vrai fédéralisme, qui n’est pas l’esprit de clocher, ni
780
cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui n’
est
pas l’esprit de clocher, ni l’abandon à l’uniformité imposée par une
781
che / De l’échec (1964)o p De la marche J’
étais
alors revenu en Suisse, où je subissais l’entraînement intensif d’une
782
certains des incidents de la vie militaire, qui n’
étaient
que routine aux yeux de mes instructeurs, m’apparurent tout chargés d
783
là même impopulaire, du commandant de cette école
était
faite pour favoriser mes dispositions du moment. Le colonel de P. cac
784
ccentuait, par contraste avec le ton bourru qu’on
tient
pour énergique dans les casernes, une indépendance d’esprit qui chez
785
ui chez un officier plus jeune n’eût pas manqué d’
être
taxée d’insolence ou d’humeur subversive. Je l’admirais autant que je
786
e détestais l’ambiance de la place d’armes, où il
était
de mise de ne pas aimer ce chef. Un jour, à peine entré dans notre sa
787
de cours, il nous posa cette question simple : Qu’
est
-ce que l’énergie ? Et après nous avoir laissé patauger quelques momen
788
qu’il s’agit de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’
était
pas une définition, c’était plus grave : nous comprîmes tous que quel
789
e campagne. Paquetage complet. La deuxième marche
fut
de 70 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’était qu’une prépara
790
de 70 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’
était
qu’une préparation pour la « grande course » finale : 150 kilomètres
791
e l’école, la perspective de la « grande course »
était
un sujet permanent d’irritation et de protestations : « Il nous fera
792
bien sentir chez ses subordonnés. Quels pouvaient
être
ses motifs ? Il concevait l’armée en général, et celle d’un pays neut
793
tant nécessaires à l’homme complet. Quoi qu’il en
soit
d’ailleurs de sa philosophie, j’ai toutes raisons de croire qu’en imp
794
ximum que nous pensions pouvoir tirer de nous. Il
était
de la nature d’un tel projet que ses motifs ne fussent point divulgué
795
it de la nature d’un tel projet que ses motifs ne
fussent
point divulgués, mais en même temps qu’il nous fût présenté de manièr
796
nt point divulgués, mais en même temps qu’il nous
fût
présenté de manière à frapper nos imaginations. C’est pourquoi le col
797
the comporte d’effrayant et de contraignant. Nous
étions
préparés pour quelque chose qui nous paraissait à la fois démesuré, i
798
e de Fribourg, nous savions que la première étape
serait
de 25 kilomètres, et devait nous porter d’un bond jusqu’au lac Noir.
799
rochers ; l’aube se lèverait sur le Valais, et ce
serait
la dernière étape, une longue dégringolade de deux-mille mètres à tra
800
apin. « Fatigués ? » — « Non, mon colonel. » Pour
être
à peu près unanime, la réponse n’en était pas moins sincère. Ces cinq
801
. » Pour être à peu près unanime, la réponse n’en
était
pas moins sincère. Ces cinq heures de marche sur route nous laissaien
802
pieds après la troisième heure, et les dernières
sont
dures. Mais si le corps s’est disposé à fournir un effort de trente-t
803
, et les dernières sont dures. Mais si le corps s’
est
disposé à fournir un effort de trente-trois heures, les cinq première
804
fort de trente-trois heures, les cinq premières n’
étant
qu’une mise en train, ne fatiguent pas. L’organisme, tout simplement,
805
e l’inconscient, du corps et de l’imagination, se
sont
mises en état d’alerte. Elles ont pris leur régime d’exception. La co
806
r celui qui se bornait à de courtes visées. Elles
étaient
là, ces forces, à portée de la main mais endormies, laissant vaquer a
807
’entraînement que nous avions subi au préalable n’
était
pour rien dans la facilité avec laquelle nous venions de couvrir une
808
mètres. Mais à son tour, cet entraînement n’avait
été
reçu et surmonté qu’en vue de la grande course, du but lointain… Aujo
809
ertains objectifs qui, peut-être, parce qu’ils ne
sont
que vaguement entrevus, semblent alors grands et lointains ? Le corps
810
entira maître et dispensateur, tandis que l’autre
était
plutôt subie… Comme elle l’était avec bonheur, ce matin-là, avec quel
811
ndis que l’autre était plutôt subie… Comme elle l’
était
avec bonheur, ce matin-là, avec quelle plénitude animale ! Nous gravi
812
ées, et de l’alacrité de l’air alpestre. La pente
était
fort raide, et l’avance très lente, mais l’attrait du sommet qu’on di
813
cupaient constamment nos regards. Notre marche en
était
comme allégée, réduite à si peu de chose tout au bas du spectacle… No
814
sans but immédiat ou visible. Les buts des hommes
sont
dans leur tête, ou dans leur cœur. Quand les ombres montant de la val
815
lus, puis le talus devint la nuit, et le monde ne
fut
plus qu’un chemin où des pierres roulaient sous nos pas, jetant parfo
816
des casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’
être
un progrès de but en but, devint une sorte de durée suspendue dans l’
817
de durée suspendue dans l’espace obscur, et qui n’
était
plus mesurée que par l’alourdissement des membres. Un vent froid desc
818
dait des Alpes, une pluie fine s’établit. Tout ne
fut
plus, pendant des heures, qu’automatismes à peine surveillés, rêverie
819
e de la rue principale. Tout dormait. La saison d’
été
avait pris fin depuis plusieurs semaines et la saison d’hiver ne s’ou
820
nous par des servantes ensommeillées — il devait
être
plus de minuit — on nous donna la permission inattendue de nous couch
821
glaciales et qui sentaient le camphre, nous nous
sommes
affalés, tout équipés. Un camarade m’a réveillé : — Le colonel demand
822
l y a déjà un demi-mètre de neige là-haut. Le col
sera
donc impraticable dans quelques heures. La course est arrêtée. Bonsoi
823
donc impraticable dans quelques heures. La course
est
arrêtée. Bonsoir, Messieurs. » De l’échec Je vais éternuer, et
824
répare à soulever une caisse très lourde, et elle
est
vide. Le savant qui poursuit une longue recherche apprend qu’un collè
825
proches du sommet de l’ascension graduelle vers l’
Être
, fait l’expérience du Néant… Dans tous les ordres et à tous les degré
826
s, la déception de l’effort, de l’élan, du désir,
est
une épreuve plus difficile à surmonter, parfois, que l’obstacle lui-m
827
onter, parfois, que l’obstacle lui-même, si grand
soit
-il. À la Lenk, cette nuit-là, j’eus un accès de fièvre qui me tint év
828
k, cette nuit-là, j’eus un accès de fièvre qui me
tint
éveillé jusqu’au matin. Les énergies alertées dans mon corps par l’ap
829
ée que pour y renoncer dans le moment où l’élan s’
est
déjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’une
830
éjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’
est
encore qu’une moitié de l’art de vivre. Mais apprendre à ne pas réuss
831
réel où nous vivons, dans le temps bref qui nous
est
imparti, dans les limitations de toute nature confrontant l’esprit et
832
urée même de l’Histoire. Et malheur à celui qui n’
est
pas prêt à tirer son bien de ce mal ! Malheur à celui qui exigerait d
833
repris qu’en espoir ! Il avouerait que son espoir
était
trop court. o. Rougemont Denis de, « De la marche ; De l’échec »,
834
’humanité disparaît de la peinture de Nora Auric.
Est
-ce qu’il y a trop de gens sur la terre ? On le penserait devant ces t
835
ra Auric a ceci de particulier qu’on ne sait s’il
est
vu de sous l’eau ou d’un nuage : ce seraient à peu près les mêmes rap
836
sait s’il est vu de sous l’eau ou d’un nuage : ce
seraient
à peu près les mêmes rapports de lumières diffuses et d’ombres, avec
837
auques, hauteurs baignées de vapeurs denses. Ce n’
est
pas un monde inhumain, car il est féminin, sans aucun doute possible.
838
rs denses. Ce n’est pas un monde inhumain, car il
est
féminin, sans aucun doute possible. Ne fût-ce que par ces roses un pe
839
car il est féminin, sans aucun doute possible. Ne
fût
-ce que par ces roses un peu gris que je me rappelle, qui s’exagèrent
840
e par un éclair irrégulier. Rien de gratuit, tout
est
lisible et composé, comme un paysage qu’on reconnaît sans l’avoir jam
841
hnique, facteur de paix (6 mars 1965)q r Je ne
suis
pas un technicien, ni au sens étroit du terme, sujet de récentes cont
842
, symboliquement, que l’éclairage à l’électricité
étant
donné, je m’interroge sur ses avantages et ses défauts par rapport au
843
l’électricité et de la lumière : j’ignore si elle
est
ondulatoire ou corpusculaire, ou les deux à la fois, mais je sais que
844
e moderne — mettons depuis le xviie siècle — ait
été
la création de l’Europe seule — et, par la suite, de ses filiales amé
845
ifie l’effort technique des Européens, et quelles
sont
ses racines profondes dans la psyché occidentale ? J’ai tenté de répo
846
ulé L’Aventure occidentale de l’homme , et je me
suis
vu amené à établir une chaîne continue sinon de causes et d’effets, d
847
mbe atomique. Voilà qui peut surprendre, mais qui
est
en somme très simple : la religion prépondérante de l’Europe se fonde
848
ope se fonde sur le dogme de l’Incarnation. Or qu’
est
-ce que l’Incarnation, sinon Dieu lui-même, l’Esprit pur, qui choisit
849
bjet des recherches de l’esprit. Corps et matière
sont
bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une
850
éels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne
sont
pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effor
851
ute la création, désormais, paraissent « dignes d’
être
contemplés », comme le dira Kepler, bien plus, d’être transformés par
852
contemplés », comme le dira Kepler, bien plus, d’
être
transformés par l’homme spirituel et sauvés, ainsi que l’avait déjà d
853
des fils de Dieu, avec l’espérance qu’elle aussi
sera
affranchie de la servitude de la corruption… pour avoir part à la lib
854
éracité contrôlée et mesurée. Cette synthèse, qui
est
l’œuvre du Moyen Âge, dès le xiiie siècle, produit ses effets à part
855
rs approuvé par les ordres monastiques : laborare
est
orare ; et enfin, la nécessité de survivre dans un petit coin du mond
856
vie spirituelle en Occident ? Et de fait, que ce
soit
la technique occidentale qui ait favorisé les guerres, ou l’inverse,
857
r des guerres. Le couteau de silex puis le glaive
sont
les armes du combat singulier entre chefs. L’arquebuse, les machines
858
e point final de la Deuxième Guerre mondiale, qui
fut
une guerre motorisée, est posé par la bombe d’Hiroshima, début d’une
859
me Guerre mondiale, qui fut une guerre motorisée,
est
posé par la bombe d’Hiroshima, début d’une ère de fantastique accélér
860
nt résulté du progrès de la technique, ou si ce n’
est
pas plutôt la technique qui a bénéficié des commandes militaires. Ent
861
oyens de s’armer, mais non pas de désarmer. Et il
est
vrai que les armes nouvelles inventées par les techniciens n’ont guèr
862
e utilité de la bombe H, c’est en somme qu’elle n’
est
pas utilisable. Elle se trouve interdire de la sorte, ou limiter rigo
863
ès fortement ni en moi, ni autour de moi, tant il
est
vrai que l’idée d’un malheur universel et définitif agit peu sur l’im
864
des bâtons, des couteaux. Les bombes atomiques ne
seraient
guère utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop pr
865
utilisables de nation à nation, en Europe : nous
sommes
trop près les uns des autres, et celui qui en lancerait une risquerai
866
l’on constate d’autre part que la menace atomique
tient
en respect les deux empires occidentaux de l’Est et de l’Ouest, malgr
867
ient en respect les deux empires occidentaux de l’
Est
et de l’Ouest, malgré les conflits idéologiques qui semblaient devoir
868
nt devoir les opposer irréductiblement, quels ont
été
les effets de l’expansion technique dans le reste du monde ? Ici, le
869
u en tout cas inévitable, dans l’ignorance où ils
étaient
de la simple possibilité d’une vie meilleure ou différente, plus affr
870
ressources dans le même temps : or ces dernières
étaient
déjà beaucoup trop faibles… Voilà le drame, et la menace plus grave q
871
de guerres planétaires ; non pas demain, car ils
sont
encore faibles et démunis, mais après-demain, si une grande nation ay
872
eut faire l’Occident, pour éviter ce désastre qui
serait
bien pire que tout ce que nous faisait redouter la guerre froide au t
873
r de notre superflu pour apaiser la faim du monde
sont
hélas en pleine utopie. Ils entretiennent notre mauvaise conscience s
874
rrir des dizaines de milliards d’humains, ceux-ci
seront
obligés de manger debout — selon les prévisions de nos démographes. O
875
ulturel peut seule permettre de la surmonter. (Ce
sont
là d’énormes problèmes, qu’une conférence prochaine, à Bâle, sur le t
876
aiera de poser clairement, sinon de résoudre.) Je
suis
donc amené à formuler la thèse suivante : la technique, en principe,
877
la thèse suivante : la technique, en principe, n’
est
pas plus un facteur de paix qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux
878
x armées des moyens de faire la guerre, mais ce n’
est
pas elle qui cause les guerres, ce sont au contraire les passions, qu
879
mais ce n’est pas elle qui cause les guerres, ce
sont
au contraire les passions, qui utilisent la technique comme instrumen
880
en 1915.) Mais de cette Première Guerre mondiale
sont
issus très rapidement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’est p
881
idement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’
est
pas la maîtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes et les bre
882
rgie nucléaire, dont les principes et les brevets
étaient
déposés dès 1939 par l’équipe Joliot-Curie, mais restaient ignorés pa
883
manière la plus précise, du reproche populaire d’
être
fauteuse de guerre. Par rapport à la guerre et à la paix, la techniqu
884
rapport à la guerre et à la paix, la technique n’
est
pas un facteur indifférent, mais bien ambivalent : pas de guerre poss
885
ci dit, reconnaissons que la guerre bloquée, ce n’
est
pas encore la vraie paix. Celle-ci ne peut naître qu’à la faveur d’un
886
peut naître qu’à la faveur d’un équilibre qui ne
soit
pas celui de la terreur, mais des diverses facultés humaines développ
887
tendance à le croire dans nos élites humanistes,
serait
-elle un facteur de déshumanisation, qui ne substituerait aux explosio
888
’équilibre entre l’homme et la Nature, ma réponse
est
également double. Certes, et je l’ai dit en débutant, le progrès tech
889
ge urbain d’une grande complexité, où la Nature n’
était
plus représentée que par des pans de ciel abstrait entre les parois d
890
et même des saisons, les citadins du xxe siècle
seraient
-ils des monstres, pâles victimes d’une technique qui les enferme dans
891
révoltant ? C’était vrai au xixe siècle et ce l’
est
encore en partie pour le prolétariat des villes industrielles. C’est
892
’avion, se vide à moitié sur les plages pendant l’
été
. Et je mets en fait que la jeunesse qui ne parle, dit-on, que de marq
893
chnique enchaîne l’individu ou le libère, si nous
sommes
en réalité les esclaves de nos machines ou si elles nous servent, et
894
l’Élysée, la bombe nous anéantira… Ces questions
sont
très populaires, non seulement dans notre presse et chez les publicis
895
le qui consiste à battre la table à laquelle on s’
est
heurté. La technique n’est pas une puissance indépendante de l’homme
896
table à laquelle on s’est heurté. La technique n’
est
pas une puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner
897
se tourner subitement contre lui. La technique n’
est
pas matérialiste, seul l’homme peut l’être, quand il se laisse aller
898
nique n’est pas matérialiste, seul l’homme peut l’
être
, quand il se laisse aller à ses instincts abâtardis ou quand il se la
899
propres mécanismes psychologiques. La technique n’
est
pas davantage utilitariste, et je dirai plus : dans ses intentions pr
900
ses intentions primitives, dans sa genèse, elle n’
est
même pas utilitaire ! L’histoire des grandes inventions, de celle du
901
, de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’
est
pas l’histoire de « besoins » qui auraient existé avant elles, c’est
902
ue de la technique, aux premiers âges de l’homme,
est
aujourd’hui abandonnée au profit d’explications par la magie ou les r
903
ié nos vies — je ne parle pas de nos gadgets — ne
sont
pas nées pour satisfaire des besoins matériels que personne n’éprouva
904
nt elles, mais c’est généralement l’inverse qui s’
est
produit. Personne n’avait besoin d’autos quand il n’y en avait pas en
905
êveurs un peu bizarres. C’est du rêve de voler qu’
est
né l’avion, et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née
906
et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’
est
née l’auto : vous en trouverez le récit détaillé dans l’autobiographi
907
êveur incurable, bricoleur sans culture ni génie,
était
obsédé par l’idée de construire une « locomotive routière », comme il
908
’appelait, c’est-à-dire un véhicule rapide qui ne
fût
pas astreint à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et ses hora
909
l’on entend les belles âmes soupirer que l’homme
est
devenu l’esclave de sa voiture, et c’est vrai dans ce sens que l’homm
910
ait plus se passer de cet objet, mais le fautif n’
est
pas la voiture, c’est la publicité, la mode, la vie sociale — c’est d
911
chnique. Je voudrais observer au surplus que s’il
est
bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors
912
que s’il est bien certain que l’invention de Ford
est
née d’un rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, h
913
voque la liberté de l’individu, cette invention n’
était
certes pas la mieux adaptée à ses fins, ni la mieux calculée pour rép
914
et quand il faut payer les autoroutes. Si je veux
être
libre de rêver, c’est justement un train que je vais prendre. Dans mo
915
nt, rien de pareil : tout ce que je peux lire, ce
sont
des chiffres, des ordres de police routière ; si je mange, ce n’est g
916
des ordres de police routière ; si je mange, ce n’
est
guère qu’un sandwich, si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement
917
opositions d’une extrême simplicité. La technique
est
un instrument qui ne saurait être, en soi, mauvais ou bon. Tantôt rév
918
té. La technique est un instrument qui ne saurait
être
, en soi, mauvais ou bon. Tantôt révérée comme instance et compétence
919
ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Elle n’
est
que le moyen de nos passions et de nos rêves, le moyen de nos vraies
920
chons, et nous nous persuadons que la technique n’
est
après tout qu’un ensemble de procédés ingénieux et utilitaires, desti
921
une inexplicable malice des choses, dont nous ne
serions
pas du tout responsables, elle menace au contraire d’anéantir toute e
922
toute espèce de vie sur la terre. La technique n’
est
qu’un instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la pa
923
la terre. La technique n’est qu’un instrument, n’
est
qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie
924
hnique n’est qu’un instrument, n’est qu’un moyen,
soit
de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit d
925
instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre,
soit
de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de not
926
qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix,
soit
de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais s
927
soit de la paix, soit de la tyrannie des choses,
soit
de la liberté de notre action. Mais surtout, par ses progrès mêmes, p
928
nos options réelles devant la vie. Telle qu’elle
est
devenue de nos jours, obsédée d’efficacité immédiate et rentable à co
929
l’économie, l’hygiène ou le simple confort, il n’
est
peut-être pas d’activité humaine qui paraisse moins métaphysique en s
930
soi que la technique. Mais en même temps, il n’en
est
pas qui nous contraigne davantage, et avec une urgence plus dramatiqu
931
ger sur le meilleur usage des pouvoirs inouïs qui
sont
devenus les nôtres. Ainsi, qu’on le veuille ou non, c’est la techniqu
932
de notre vie et de la vraie nature de l’homme. Ne
serait
-ce pas là, peut-être, son plus grand miracle ? q. Rougemont Denis
933
e image très sincère du pays où l’art du tourisme
fut
inventé par les Anglais. Un pays que tout le monde croit connaître mê
934
le monde croit connaître même sans y avoir jamais
été
, car tout le monde sait qu’il est beau mais sérieux, très cossu mais
935
y avoir jamais été, car tout le monde sait qu’il
est
beau mais sérieux, très cossu mais égalitaire, petit mais tellement é
936
ouvait le repasser et l’aplanir, on verrait qu’il
est
bien aussi grand que la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs, d
937
es, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs
est
un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que certaines appare
938
uffisent à remplir les hôtels. Pourtant la Suisse
est
autre chose, qu’on ne voit pas sur les cartes postales. On croit que
939
e c’est le pays le plus évident du monde, où tout
est
concerté, bien net et bien honnête, et pourvu de son mode d’emploi ;
940
de même — il faut en croire ses yeux — ce ne peut
être
qu’en vertu de certains secrets d’usage plusieurs fois séculaires. Ca
941
e l’eau des glaciers pour en tirer de l’énergie —
est
l’un des plus industrialisés de la planète : 10 % de paysans seulemen
942
iste encore que dans l’espoir. Entre les deux, où
est
la vraie Suisse ? Deux sondages d’opinion, dans plusieurs pays de l’E
943
ope et aux États-Unis, ont révélé que les Suisses
sont
tout simplement les gens les plus heureux de la Terre. À la question
944
: « D’une manière générale, diriez-vous que vous
êtes
très heureux, — plutôt heureux, — pas très heureux ? » 42 % répondent
945
nheur ? Et ses recettes, si l’on peut les donner,
seraient
-elles applicables ailleurs ? Le premier secret des Suisses, c’est la
946
en compris. Et cela se voit dès l’origine. Loin d’
être
née comme chacun le croit de la révolte de paysans démocrates contre
947
première alliance — un traité en due forme qui ne
fut
certes pas rédigé par des pâtres, puisqu’il était en beau latin — s’a
948
e fut certes pas rédigé par des pâtres, puisqu’il
était
en beau latin — s’agrégèrent au cours des siècles quantité de petites
949
aient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et ce
fut
la période patricienne et guerrière des « ligues suisses ». Elle abou
950
ants. L’année suivante, une constitution fédérale
fut
rédigée, votée, et mise en vigueur en neuf mois, sans aucune mesure t
951
rès l’autre. Ainsi, le vrai secret de la Suisse n’
est
pas du tout celui des banques mais celui du fédéralisme, celui d’une
952
e vie, sa langue, son credo ou son parti. Il n’en
fut
pas toujours ainsi, et les Suisses ont connu pendant des siècles de f
953
eligion, et autres manifestations d’impérialismes
soit
politiques soit culturels. Mais à partir de l’instauration d’une fédé
954
es manifestations d’impérialismes soit politiques
soit
culturels. Mais à partir de l’instauration d’une fédération véritable
955
ation véritable en 1848, les frontières des États
sont
devenues invisibles, et dès lors les communautés réelles ne sont plus
956
nvisibles, et dès lors les communautés réelles ne
sont
plus définies par leurs cordons douaniers, mais par le libre choix et
957
e degré d’attachement réel de leurs membres. On n’
est
plus obligatoirement protestant parce qu’on est né à Genève ou dans l
958
n’est plus obligatoirement protestant parce qu’on
est
né à Genève ou dans le canton de Berne, ni catholique parce que lucer
959
et la tradition familiale, fils de la Réforme qui
est
un phénomène occidental au sens le plus large du terme, Suisse par le
960
is sans se confondre, n’allez pas croire qu’elles
soient
unies par je ne sais quelle ferveur sentimentale — oh ! non. Personne
961
a façon. Cela suffit, c’est l’essentiel, le reste
est
idéologie. Avec tout cela, je crois avoir plus qu’à moitié répondu à
962
celle de savoir si les recettes du bonheur suisse
sont
applicables à l’échelle de l’Europe. En effet, si le problème europée
963
le de l’Europe. En effet, si le problème européen
est
d’accorder quelque vingt-deux pays parlant des langues différentes, p
964
es, professant des credos religieux et politiques
tenus
pendant des siècles pour incompatibles, très inégalement industrialis
965
à l’échelle continentale. On me dira : la Suisse
est
petite, l’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations sont grand
966
tale. On me dira : la Suisse est petite, l’Europe
est
vaste et quelques-unes de ses nations sont grandes. Comment oseriez-v
967
’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations
sont
grandes. Comment oseriez-vous les comparer à l’un de vos aimables can
968
r exemple et la Belgique ou l’Irlande, le rapport
est
analogue à celui qui existe entre les cantons de Zurich et de Zoug ou
969
ans le cas de nations dont l’inégalité relative n’
est
pas moindre. Le fédéralisme est précisément l’art de composer en un e
970
galité relative n’est pas moindre. Le fédéralisme
est
précisément l’art de composer en un ensemble vivant des organes bien
971
n colosse. Notez d’ailleurs que l’Europe actuelle
est
pratiquement plus petite que ne l’était la Suisse quand elle s’est fé
972
pe actuelle est pratiquement plus petite que ne l’
était
la Suisse quand elle s’est fédérée. En 1848, il fallait deux ou trois
973
plus petite que ne l’était la Suisse quand elle s’
est
fédérée. En 1848, il fallait deux ou trois jours à un député de Genèv
974
ent. En 1965, un député de Stockholm ou d’Athènes
est
à quelques heures de Bruxelles ou de Strasbourg, et à portée de voix
975
à portée de voix de ses ministres. Oui, la Suisse
est
la seule maquette vivante de cette Europe fédérée dont rêvent tous le
976
correspond à quelque chose qui pourrait très bien
être
l’avenir commun de nos nations. Et quand vous en serez convaincu, ess
977
l’avenir commun de nos nations. Et quand vous en
serez
convaincu, essayez d’en convaincre les Suisses… s. Rougemont Denis
978
tel. Une dame survint : « — Excellence, vous avez
été
superbe ! Ah ! que ce doit être beau de pouvoir ainsi faire le Bien !
979
ellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce doit
être
beau de pouvoir ainsi faire le Bien ! — Non Madame, faire le bien, c’
980
ort de Valencia. L’accès de l’instruction devrait
être
réservé à ceux-là seuls qui prouveraient qu’ils ne peuvent pas vivre
981
t le point de vue qu’il a voulu défendre quand il
était
ministre de l’Éducation. Le Cabinet n’a pas tardé à démissionner pour
982
dez tout de même pas défendre les instituteurs, n’
est
-ce pas ? Car ils sont… indéfendables ! » Une jeune fille lui demande
983
défendre les instituteurs, n’est-ce pas ? Car ils
sont
… indéfendables ! » Une jeune fille lui demande de définir le bonheur.
984
téressante sur la féminité de Dieu. Si Dieu avait
été
conçu comme féminin, disiez-vous, la grande vertu eût été la fécondit
985
u comme féminin, disiez-vous, la grande vertu eût
été
la fécondité. — Oh ! cela, c’est de vous, chère amie. Tout ce que j’a
986
ère amie. Tout ce que j’ai dit, c’est que si Dieu
était
conçu comme féminin, nous refuserions tous le pouvoir qu’ont pris les
987
ris les femmes dans notre société. — Mais si Dieu
était
féminin… — Mais Dieu est féminin, il n’y a pas de question ! — Commen
988
ociété. — Mais si Dieu était féminin… — Mais Dieu
est
féminin, il n’y a pas de question ! — Comment le savez-vous ? — D’abo
989
préparation du Congrès de l’Europe (qui allait se
tenir
à La Haye dès le 8 mai), comme on cherchait à qui offrir la présidenc
990
rir la présidence de la section culturelle dont j’
étais
le rapporteur, je suggérai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit
991
érai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit se
soit
opéré à ce moment-là une complexe synthèse instantanée des souvenirs
992
e doublé d’un militant, un historien mais qui ait
été
mêlé à la vie politique, un idéaliste non exempt de cynisme pour avoi
993
rai dire, me manque. » Le congrès de La Haye, qui
est
l’origine de tout — comme chacun sait ou va le savoir — on prépare pl
994
voir — on prépare plusieurs thèses sur ce sujet —
fut
l’occasion pour notre ami de voler au temps qui se dérobait (ou si l’
995
âmes. ⁂ Engagé désormais dans l’aventure où nous
étions
si peu d’intellectuels (écrivains, artistes et savants) à militer par
996
d des pédants et autres fanatiques de la routine,
fût
-elle d’étiquette « progressiste ». Il a le sens du trait qui porte et
997
« Oui, Messieurs, si l’Europe doit périr, que ce
soit
au moins une injustice ! » Mais les grandes heures captées par la rad
998
nné à la cause de l’Europe, cause commune s’il en
fût
, un temps qui du même coup devait manquer à ce qu’on nomme leur œuvre
999
du Centre européen de la culture. ⁂ Mais avant d’
être
Européen, et après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Es
1000
après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador
est
Espagnol, comme on ne l’est plus. Je l’ai entendu, à Bombay, prétendr
1001
oujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’
est
plus. Je l’ai entendu, à Bombay, prétendre que l’Espagne, c’est l’Ind
1002
’Espagne, c’est l’Inde de l’Europe, ou que l’Inde
est
l’Espagne de l’Asie. C’était à se demander si l’on pouvait encore dis
1003
ifficultés du dialogue avec les staliniens : « Je
suis
un libéral, toujours prêt à discuter avec n’importe qui, je peux disc
1004
liberté de la culture, dont Salvador de Madariaga
est
l’un des présidents d’honneur. Il a fait ce jour-là l’un de ses plus
1005
s donnait autorité à la pensée de Madariaga, ce n’
était
pas le rang, le brillant, le brio, c’était l’engagement de toute une
1006
longue carrière d’opposant exilé, un sort inverse
est
échu à notre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les périls et surmonté
1007
igueur. Démontrer qu’en plein xxe siècle on peut
être
vraiment engagé et vraiment libéral à la fois, n’est-ce pas là son pl
1008
vraiment engagé et vraiment libéral à la fois, n’
est
-ce pas là son plus beau paradoxe ? t. Rougemont Denis de, « Un lib
1009
u-delà des nations (1967)u La fin du douanier
est
aussi la fin de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat sera f
1010
ouanier est aussi la fin de la fraude. Quelle que
soit
la monnaie, l’achat sera fait au même compte. Lorsqu’il ouvrit à Vi
1011
de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat
sera
fait au même compte. Lorsqu’il ouvrit à Vienne en 1927 le premier c
1012
ité historique, et il inaugurait la stratégie qui
serait
vingt ans plus tard celle de Jean Monnet. En septembre 1930, la Franc
1013
ché commun » figure là pour la première fois : il
est
donc dû non pas à un politicien et encore moins à un économiste, mais
1014
te, mais à un grand poète, Saint-John Perse — qui
sera
prix Nobel — pseudonyme d’Alexis Léger.) Pour la première fois dans l
1015
is dans l’histoire, les gouvernements de l’Europe
sont
requis de se prononcer publiquement sur une proposition d’union. La m
1016
« Europe » partiellement sectorielle (tarifaire)
sera
« faite » dès le 1er juillet de l’an prochain. Ce sera le moment pour
1017
« faite » dès le 1er juillet de l’an prochain. Ce
sera
le moment pour l’opinion publique de découvrir que le problème de l’u
1018
e le problème de l’union ou de la fédération, qui
est
essentiellement politique, n’est pas encore abordé par les Six, et n’
1019
fédération, qui est essentiellement politique, n’
est
pas encore abordé par les Six, et n’est même pas posé par les autres.
1020
itique, n’est pas encore abordé par les Six, et n’
est
même pas posé par les autres. En l’absence — à peine croyable — de to
1021
ou bien celle d’équilibre des « Puissances ») qui
était
la seule sérieuse pour leurs grands-pères. C’est tout ce qu’on peut p
1022
n nos analystes, professeurs et commentateurs qui
tiennent
encore la politique pour l’art du possible — quand elle est l’art de
1023
la politique pour l’art du possible — quand elle
est
l’art de créer le possible au service de grands buts qu’il faut proph
1024
passé. La jeunesse se demande pourquoi l’Europe n’
est
pas encore unie, depuis vingt ans que nos gouvernements proclament ce
1025
ellement simple que c’est elle qui va choquer. Je
suis
parvenu à la conviction que les hommes d’État les mieux intentionnés,
1026
nir, et ils constatent, évidemment, « qu’elles ne
sont
pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clai
1027
lles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il
est
clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États souverains les na
1028
prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait
être
clair — qu’en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais p
1029
r — qu’en tant qu’États souverains les nations ne
seront
jamais prêtes à s’unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leu
1030
ont jamais prêtes à s’unir ! Il appartient à leur
être
même d’État, à leur définition même de nations souveraines de refuser
1031
en soi-même. L’union, pour deux États-nations, n’
est
jamais qu’une mesure de fortune, voire qu’un expédient désespéré (com
1032
par Churchill en juin 1940) autrement dit : ce n’
est
jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent
1033
euse à la nécessité, quand on se sent trop faible
soit
pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si do
1034
on se sent trop faible soit pour subsister seul,
soit
pour dominer et absorber les voisins. Si donc on veut unir l’Europe,
1035
se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui
est
destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
1036
us l’a léguée le siècle dernier : la région. Il n’
est
rien dont les sociologues d’aujourd’hui s’occupent avec plus de passi
1037
les régions, réalités absolument modernes. Ce ne
sont
pas les provinces de l’Ancien Régime, effacées, encore moins les dépa
1038
’hui, ni les « States » de l’Amérique du Nord. Ce
sont
vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naî
1039
de forces les plus diverses, dont les principales
sont
: l’explosion démographique, l’urbanisation galopante, la mobilité de
1040
s et enfin l’unité géographique, cette dernière n’
étant
d’ailleurs plus définie par une frontière marquée sur le terrain par
1041
voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je
fus
invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thè
1042
années, je fus invité à un colloque qui allait se
tenir
à Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’une « métropole r
1043
et une zone d’intense production industrielle, où
sont
venues s’implanter les plus importantes usines atomiques françaises.
1044
rouvais le seul non-Français : j’en conclus que j’
étais
censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler
1045
coupait en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui
est
d’un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les
1046
ssiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles
seront
jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles
1047
ussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles
seront
amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, sel
1048
à la curiosité d’un grand public. Certes, on n’en
est
encore qu’au stade de la prise de conscience du phénomène région et d
1049
nelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient
être
décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une période
1050
u ne sauraient être décrétées sans transition. Il
est
normal qu’elles exigent une période d’expériences, et celle-ci connaî
1051
régions et les doter d’institutions autonomes, ce
sera
la tâche au moins d’une génération, vingt à trente ans, en admettant
1052
toire. Je ne cite pas la Grèce par hasard. Car je
tiens
la région pour une forme de communauté aussi nouvelle dans notre civi
1053
uté aussi nouvelle dans notre civilisation que le
fut
au vie siècle avant notre ère, l’apparition de la polis, dans la soc
1054
appelait naguère des « Puissances ») se rêve ou s’
est
rêvé un jour Empire. Certains le sont parfois devenus pour le dur mal
1055
se rêve ou s’est rêvé un jour Empire. Certains le
sont
parfois devenus pour le dur malheur de l’Europe, sous Napoléon, sous
1056
a vraie nature et les vraies ambitions. Nous n’en
sommes
encore qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les élémen
1057
core qu’à l’aube de la formation des régions, qui
seront
les éléments de l’Europe à venir, mais déjà nous touchons au crépuscu
1058
forme nationale en général. Croyance réfutée, il
est
vrai, par un simple coup d’œil sur l’Histoire, lequel fait voir premi
1059
re, lequel fait voir premièrement que les nations
sont
de formation récente, deuxièmement qu’elles ont dépassé le sommet de
1060
scours célèbre, à la Sorbonne20 : Les nations ne
sont
pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La c
1061
continue pas moins à nous répéter que les nations
sont
« encore » les seules réalités. Et c’est vrai, elles existent « encor
1062
société scientifico-technique, leur souveraineté
est
devenue tout illusoire dès qu’elle n’est plus purement négative — en
1063
eraineté est devenue tout illusoire dès qu’elle n’
est
plus purement négative — en bien ou en mal. Ainsi, elle leur permet d
1064
s capitales anciennes, la révolution régionaliste
sera
faite et du même coup, la fédération de l’Europe se révélera immédiat
1065
l’Europe » — comme les communes libres médiévales
étaient
« immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-e
1066
s à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés —
sera-t
-elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles car
1067
tin… vers 1985. La région dans le cadre européen,
est
une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le départemen
1068
e que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu
être
faite en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnair
1069
olution régionaliste, condition de l’Europe unie,
est
bien plus avancée que nous n’osions l’espérer et que ne peuvent encor
1070
liticiens qui se croient réalistes — parce qu’ils
sont
en retard d’une génération sur les réalités du temps. 19. Robert La
1071
tion « Idées », Paris, Gallimard, 1967. 20. « Qu’
est
-ce qu’une nation ? », Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-delà
1072
e européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (
été
1967)v Les dictatures totalitaires modernes comme les théocraties
1073
ugle. Mais la démocratie exige pour fonctionner d’
être
prise en charge et comprise par la très grande majorité des citoyens.
1074
s citoyens. C’est pourquoi l’instruction publique
est
apparue vers le milieu du siècle passé, rendant possible la lecture d
1075
mocratie ne mérite son nom que dans la mesure où,
soit
par l’enseignement, soit par la famille, soit par d’autres moyens soc
1076
m que dans la mesure où, soit par l’enseignement,
soit
par la famille, soit par d’autres moyens sociaux, partis, presse, mas
1077
où, soit par l’enseignement, soit par la famille,
soit
par d’autres moyens sociaux, partis, presse, mass médias, elle réussi
1078
ux-là seuls qui ne demandent qu’à croire qu’ils y
sont
enfermés. Au-delà des impasses logiques, le désir bâtit la cité. Le d
1079
s et de participer à son gouvernement, le désir d’
être
citoyen pousse à construire la ville, qui à son tour formera des trad
1080
ns de l’Histoire » comme certains disent. Elle ne
sera
pas non plus l’œuvre d’un dictateur : Napoléon, Hitler ont échoué pou
1081
Ni spontanée, ni fatale, ni imposée, elle ne peut
être
que choisie et voulue — exactement comme la démocratie — par une majo
1082
par une majorité de la population. Cette majorité
sera
suscitée et conduite par une minorité qui ne voudra pas forcer mais c
1083
, elle ne fait en tout cas pas cela, et l’on peut
être
heureux si elle ne fait pas le contraire. L’éducation du citoyen qui
1084
toyen qui se pratique dans les écoles de nos pays
est
, aux dires de ses responsables21 généralement insuffisante (parfois i
1085
euse des leçons La leçon d’instruction civique
est
généralement considérée comme la plus ennuyeuse de toutes. En un sens
1086
’est heureux, car si elle passionnait, les choses
étant
ce qu’elles sont, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme
1087
si elle passionnait, les choses étant ce qu’elles
sont
, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un rem
1088
assionnait, les choses étant ce qu’elles sont, ce
serait
inévitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un remède pire qu
1089
u chauvinisme national. Un remède pire que le mal
serait
de substituer à l’heure d’ennui civique national une heure d’ennui ci
1090
d’institutions européennes au sujet desquelles il
serait
bon de savoir quelque chose, ne compte pas au regard des problèmes ré
1091
à la vie de la cité, et dans l’éveil du désir d’y
tenir
son rôle de citoyen. (« Cité » signifiant ici toute communauté social
1092
lèmes vivants et réels de l’Europe, telle qu’elle
est
aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait être unie demain, n’app
1093
est aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait
être
unie demain, n’apparaissent pas souvent dans les discours des militan
1094
siècle. Quand on a vu de quoi la vie de l’Europe
est
faite, on voit aussi sans discussion possible, sans adjurations pathé
1095
naître nos problèmes communs, l’un des plus réels
étant
que nous sommes tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes
1096
lèmes communs, l’un des plus réels étant que nous
sommes
tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes économiques, en
1097
nt que nous sommes tous différents, et que nous y
tenons
; b) Problèmes économiques, en tant qu’ils relèvent de l’initiative p
1098
e) dans l’enseignement secondaire. Les programmes
sont
déjà trop chargés. L’ennui qui s’attache à l’instruction civique nati
1099
rès vite sa version européenne. Et d’ailleurs, il
serait
absurde d’essayer de substituer l’une à l’autre : car l’Europe se fer
1100
ais pas contre elles, ni sans elles. (La Suisse s’
est
faite au-delà de ses cantons, mais pour sauver ce qu’on pouvait de le
1101
de la Campagne d’éducation civique européenne23 n’
est
donc pas d’instaurer une branche de plus dans l’enseignement déjà plé
1102
le meilleur parti, il faut que le professeur ait
été
lui-même sensibilisé aux réalités de l’Europe encore désunie, aux pro
1103
les n’aboutira, ou ne prendra vraiment le départ.
Est
-ce dire que l’Europe attend son « petit livre rouge » à distribuer au
1104
de millions d’écoliers de nos pays ? Oui, mais ce
sera
le livre des questions réelles éveillant le sens critique et le besoi
1105
on, tandis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’
est
qu’un recueil de réponses toutes faites, uniformément optimistes et
1106
eux points d’interrogation sur 340 pages ; encore
sont
-ils de pure rhétorique et destinés à supprimer plutôt qu’à poser la q
1107
ent de l’examen objectif de la situation, et nous
sommes
bien certains qu’il révélera de la sorte la nécessité de l’union, et
1108
ng, our Europe ! » mais il fera voir que l’Europe
serait
détruite par ce qui tue l’esprit critique, déprime le goût de la libe
1109
3 de cette revue. 24. « Tout ce que nous faisons
est
au service du peuple, de quel défaut ne pourrions-nous donc nous déba
1110
Livre rouge” », Éducation et Culture, Strasbourg,
été
1967, p. 10-12.
1111
e qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’il
était
le seul chercheur autour de cette table. Je me considère moi aussi co
1112
e considère moi aussi comme un chercheur et je le
serai
jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas un chercheur
1113
ai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je ne
suis
pas un chercheur scientifique. Je voudrais m’élever contre la hiérarc
1114
s m’élever contre la hiérarchie des valeurs qu’on
est
en train d’instaurer. M. Mach se plaignait qu’on n’accorde pas un res
1115
respect presque exclusif. Pourquoi ? Parce qu’ils
sont
très utiles à l’économie, au commerce, à l’industrie, au PNB, produit
1116
ement scientifiques. C’est en tant que tel que je
suis
désireux d’élargir ce débat. Au risque de vous scandaliser, je vais m
1117
e par là. J’ai eu la curiosité de regarder quelle
était
la composition du groupe des 14 Suisses — de passeport ou de naissanc
1118
i ont reçu le prix Nobel, depuis 1901, date où il
fut
créé. Il y a 6 chercheurs nés Suisses et qui le sont restés, et 5 non
1119
t créé. Il y a 6 chercheurs nés Suisses et qui le
sont
restés, et 5 non Suisses de naissance, mais naturalisés et qui ont re
1120
prix Nobel, deux chercheurs, peut-être trois, qui
étaient
nés suisses. Je ne suis pas tout à fait sûr de Charles Édouard Guilla
1121
, peut-être trois, qui étaient nés suisses. Je ne
suis
pas tout à fait sûr de Charles Édouard Guillaume, mentionné dans beau
1122
coup de dictionnaires comme français, peut-être l’
est
-il devenu ? Les deux autres sont Félix Bloch et Daniel Bovet, l’un de
1123
çais, peut-être l’est-il devenu ? Les deux autres
sont
Félix Bloch et Daniel Bovet, l’un devenu américain et l’autre italien
1124
aine balance des échanges intellectuels peut nous
être
parfaitement favorable. (D’ailleurs, si elle ne l’était pas, ce serai
1125
parfaitement favorable. (D’ailleurs, si elle ne l’
était
pas, ce serait le même prix !) Quand je vous dis que les échanges, c’
1126
avorable. (D’ailleurs, si elle ne l’était pas, ce
serait
le même prix !) Quand je vous dis que les échanges, c’est la santé de
1127
français. Les grands maîtres d’alors — ce devait
être
dans les années 1250 à 1260, je ne me rappelle plus exactement — s’ap
1128
lus exactement — s’appelaient Thomas d’Aquin, qui
était
napolitain, Bonaventure, qui venait de Pise, Roger Bacon, qui était a
1129
Bonaventure, qui venait de Pise, Roger Bacon, qui
était
anglais, Siger de Brabant, qui était brabançon, et Albert le Grand, q
1130
r Bacon, qui était anglais, Siger de Brabant, qui
était
brabançon, et Albert le Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nou
1131
ant, qui était brabançon, et Albert le Grand, qui
était
souabe. Maintenant, pour nous en tenir aux exemples suisses, qu’y a-t
1132
Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nous en
tenir
aux exemples suisses, qu’y a-t-il eu comme importation et exportation
1133
des cerveaux en Suisse ? Comment notre culture s’
est
-elle faite ? D’abord par la conquête romaine, qui nous a apporté une
1134
plus près de nous, on peut citer Nietzsche, qui a
été
professeur à Bâle lui aussi et qui a beaucoup vécu en Suisse, en Enga
1135
prix Nobel que je vous disais tout à l’heure, qui
sont
venus de l’étranger. On pourrait allonger facilement cette liste. Du
1136
sse ? Il y a d’abord eu le service étranger. Ce n’
était
pas exactement une exportation de cerveaux, mais sur la masse, sur le
1137
ers, les centaines de milliers de Suisses qui ont
été
dans les armées étrangères, il y eut des centaines de généraux qui av
1138
ur de la flotte russe et son premier grand amiral
était
un Genevois, Lefort, et le chef de la flotte de guerre américaine, en
1139
tte de guerre américaine, entre les deux guerres,
était
l’amiral Eberlé, qui venait tout droit de Suisse allemande. Dans le d
1140
des mathématiques, vous savez que les Suisses ont
été
de grands exportateurs. Les Bernoulli de Bâle, Leonhard Euler, les pl
1141
Russie, dans les Pays-Bas. Ensuite, Agassiz, qui
était
un savant neuchâtelois, a fondé les sciences naturelles aux États-Uni
1142
es de la Renaissance qui ont fait la Rome baroque
étaient
tessinois. Les Borromini, Maderno, Fontana, ont fondé une grande trad
1143
ui, ne pouvant pas faire de voitures en Suisse, a
été
les faire en Amérique avec le succès que vous savez. L’ingénieur Amma
1144
ec le succès que vous savez. L’ingénieur Ammann a
été
faire des ponts, aux États-Unis, qui sont les plus grands du monde. E
1145
Ammann a été faire des ponts, aux États-Unis, qui
sont
les plus grands du monde. Et on pourrait multiplier ces exemples : en
1146
uel moment ce que j’appelle des échanges — et qui
est
la santé même — devient un exode qu’il faudrait déplorer ou arrêter s
1147
es communautés qui peuvent les prendre en charge.
Étant
donné la nature, les conditions et les finalités propres d’une certai
1148
s finalités propres d’une certaine activité, quel
est
le type de communauté qui lui correspond le mieux par ses moyens et p
1149
d’ailleurs : je veux tout pour ma nation, qu’elle
soit
grande ou petite, et que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut
1150
ation, qu’elle soit grande ou petite, et que tout
soit
fait dans ses limites. Il lui faut une industrie automobile, une indu
1151
sité. Mais prenez maintenant cette université qui
est
bien à la taille du canton (l’activité et la communauté étant de tail
1152
la taille du canton (l’activité et la communauté
étant
de tailles correspondantes) : si à ce moment-là, une grande puissance
1153
ribles contre les « voleurs d’universités » : ils
étaient
punis de mort — alors là, il s’agira bel et bien d’un « exode des cer
1154
Celui de Blaise Cendrars d’abord. Blaise Cendrars
est
né à La Chaux-de-Fonds, mais il était originaire d’un petit village d
1155
aise Cendrars est né à La Chaux-de-Fonds, mais il
était
originaire d’un petit village de l’Oberland bernois qui s’appelle Sig
1156
’était pas parti à 17 ans pour le vaste monde, qu’
est
-ce qui se serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait
1157
ti à 17 ans pour le vaste monde, qu’est-ce qui se
serait
passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir p
1158
rait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se
serait
plainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La
1159
ainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il
serait
resté à La Chaux-de-Fonds et nous n’en aurions rien su ; il aurait co
1160
aste monde qui en a fait Blaise Cendrars, puis il
est
allé à Paris qui en a fait un grand écrivain et c’est seulement quand
1161
it Blaise Cendrars que nous avons découvert qu’il
était
suisse ! De même l’ingénieur Ammann, qui a fait ces immenses ponts, l
1162
res de long : qu’eût-il fait, ce malheureux, s’il
était
resté en Suisse ? Il n’aurait pas trouvé assez de place pour ses pont
1163
ace pour ses ponts, simplement. Nos dimensions ne
sont
pas suffisantes. On aurait pu lui offrir, me direz-vous, de construir
1164
rade de Genève, mais les crédits n’ont pas encore
été
votés, depuis quarante ans. Et puis, il y a un cas particulier, qui a
1165
s. Et puis, il y a un cas particulier, qui a déjà
été
évoqué tout à l’heure par M. Renold. C’est celui du CERN. Un chercheu
1166
-là. Pourquoi ? Parce que la recherche atomique n’
est
pas aux dimensions d’un pays comme la Suisse, ni d’ailleurs d’aucun d
1167
ni d’ailleurs d’aucun de nos pays d’Europe : elle
est
de dimensions continentales. C’est pourquoi, lors de la Conférence eu
1168
enir en Europe un certain nombre de savants qu’il
était
important de garder pour la communauté continentale, vu les finalités
1169
communauté continentale, vu les finalités (qui n’
étaient
pas toutes de recherche pure) qu’il y avait dans la science atomique
1170
rmettra de multiplier les organismes dont le CERN
est
le prototype. Quant aux Suisses qui vont à l’Unesco ou dans d’autres
1171
: J’aimerais faire remarquer que, entre ce qui a
été
dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’être dit sur une po
1172
dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’
être
dit sur une politique de dimension, il est facile de retrouver des él
1173
ent d’être dit sur une politique de dimension, il
est
facile de retrouver des éléments d’unité. Ce sont là des notions qui
1174
est facile de retrouver des éléments d’unité. Ce
sont
là des notions qui se recouvrent. Avant de passer à la discussion gén
1175
ugemont. Vous avez parlé de l’exode dont une part
est
un échange, mais aussi une part est dommageable. La question est cell
1176
dont une part est un échange, mais aussi une part
est
dommageable. La question est celle-ci : quelles mesures prendre pour
1177
mais aussi une part est dommageable. La question
est
celle-ci : quelles mesures prendre pour empêcher l’exode quand il n’a
1178
conjoncture. Il y a un premier choix à faire : je
suis
personnellement contre toute mesure négative, contre tout barrage qui
1179
certain échange devient un exode dommageable, je
suis
d’avis qu’on essaie d’y remédier en renversant le flux, c’est-à-dire
1180
s et des climats intellectuels qui attirent. Ce n’
est
pas uniquement une question financière. Naturellement, la question fi
1181
s plutôt que de crever de faim. Mais ce préalable
étant
acquis, comment renverser le flux, c’est-à-dire comment créer des pôl
1182
— ces ressources et les subventions qui doivent y
être
attachées sur tout le territoire de la Confédération. S’il ne s’agit
1183
e et à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en
est
une ! Une œuvre d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’est
1184
d’art, il faut la faire, comme dit l’autre, ce n’
est
pas le tout de la décrire. Tout ce que je puis proposer ici, ce sont
1185
la décrire. Tout ce que je puis proposer ici, ce
sont
quelques conditions qui me paraissent requises pour qu’il y ait une v
1186
r qu’un physicien, ou un médecin, ou un dentiste,
soit
retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il
1187
ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’il y
est
moins payé qu’ailleurs, parce qu’il n’est pas uniquement physicien, i
1188
s’il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il n’
est
pas uniquement physicien, il n’est pas uniquement médecin, et s’il tr
1189
parce qu’il n’est pas uniquement physicien, il n’
est
pas uniquement médecin, et s’il trouve un bon orchestre, un bon quatu
1190
is ans, d’aller à contre-courant. Je crois que ce
serait
payant assez vite. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, mais je ne
1191
limat intellectuel. Il me semble que l’Université
est
mieux placée que n’importe quel autre corps ou profession ou ensemble
1192
n intellectuelle. À condition que l’Université ne
soit
pas uniquement la juxtaposition de quelques écoles de formation profe
1193
es écoles de formation professionnelle. Elle doit
être
aussi cela ; bien entendu, il ne s’agit pas de la transformer de fond
1194
du jour au lendemain, mais il ne faut pas qu’elle
soit
uniquement cela : quelques écoles de formation professionnelle juxtap
1195
de contestation. Mais attention : contestation n’
est
pas un mot inventé par Cohn-Bendit, ni même par Sartre. Contestation,
1196
même par Sartre. Contestation, c’est un terme qui
est
lié à l’Université depuis sa création, au xiie siècle. Voilà une cho
1197
on. On a même défini la méthode scolastique comme
étant
essentiellement une discussion libre et ouverte où s’opposaient le po
1198
ts abordés. Et je vous prierai de croire que ce n’
était
pas toujours des sujets purement techniques ou de grammaire. La grand
1199
a opposé Siger de Brabant et saint Thomas d’Aquin
était
une lutte concernant vraiment les fondements de la société de l’époqu
1200
e si vous voulez, pour prendre un autre mot qui a
été
à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris une vie très intense d
1201
merveilleux ! Jamais depuis le Moyen Âge, on ne s’
était
autant occupé des universités que depuis qu’on a découvert qu’il fall
1202
isse vite, mais surtout je souhaite qu’on ne s’en
tienne
pas là. Car l’Université, à mon sens, a été, doit redevenir et doit r
1203
en tienne pas là. Car l’Université, à mon sens, a
été
, doit redevenir et doit rester le lieu par excellence de la contestat
1204
ptions. Une contestation qui ne se fasse pas — ce
sera
mon dernier mot — en dehors de l’Université et contre elle, mais dans
1205
lle — mais dans certains cours. Il faudrait qu’il
soit
admis que la substance même de ces cours soit la remise en question p
1206
’il soit admis que la substance même de ces cours
soit
la remise en question permanente des buts, des hiérarchies, des final
1207
e notre société, dont je refuse absolument que ce
soit
simplement l’industrie qui les fixe. […] M. de Rougemont : Je voudr
1208
is répondre quelques mots très brefs à ce qui m’a
été
dit autour de cette table. Tout d’abord, M. Renold. Je crois que nous
1209
table. Tout d’abord, M. Renold. Je crois que nous
sommes
presque entièrement d’accord. J’ai peut-être un peu forcé parce qu’il
1210
ie, une certaine saveur, ce qui fait que, moi, je
suis
rentré en Europe, par exemple. Ce n’est pas du tout que j’aie été rac
1211
moi, je suis rentré en Europe, par exemple. Ce n’
est
pas du tout que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’est-ce pas
1212
rope, par exemple. Ce n’est pas du tout que j’aie
été
racheté par l’État de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas é
1213
out que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’
est
-ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas été rapatrié. M. Lalive : Ah ! vous
1214
de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je n’ai pas
été
rapatrié. M. Lalive : Ah ! vous me rassurez ! M. de Rougemont : Je s
1215
ve : Ah ! vous me rassurez ! M. de Rougemont : Je
suis
venu ici parce que j’y trouvais quelque chose que je ne trouvais pas
1216
e trouvais pas en Amérique, quelque chose qu’il m’
est
difficile de vous décrire, et si vous voulez en avoir une bonne descr
1217
: Vous n’en avez pas cité. M. de Rougemont : Ce n’
est
pas tellement étonnant, vu que l’effort culturel des Américains n’est
1218
onnant, vu que l’effort culturel des Américains n’
est
pas porté vers la création de génies individuels. C’est un effort bea
1219
oup plus collectif, par team, c’est un effort qui
est
porté sur la préparation du terrain. D’ailleurs, nous ne pouvons pas
1220
eurs, nous ne pouvons pas dire en Suisse que nous
soyons
complètement indemnes de toute influence américaine. Il y en a tout d
1221
influence américaine. Il y en a tout de même, ne
fût
-ce que le jazz. Nous avons pris aux États-Unis beaucoup de choses trè
1222
un exode, quand — je me répète — les échanges qui
sont
normaux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte,
1223
aux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui
est
une perte, qui est défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il
1224
tendent à devenir un exode qui est une perte, qui
est
défavorable. Cette méthode peut être discutée ; il s’agit surtout de
1225
ne perte, qui est défavorable. Cette méthode peut
être
discutée ; il s’agit surtout de l’appliquer, mais je refuse absolumen
1226
rien du tout. Mais je vous signale le danger, qui
serait
un danger un peu américain, qu’il y aurait à isoler complètement votr
1227
que temps, quelques années, mais à la longue ce n’
est
pas payant, même pour la recherche scientifique. Je défends ici une c
1228
n tout, c’est un ensemble dont toutes les parties
sont
en interaction. On peut citer mille cas. Toutes les créations culture
1229
s. Toutes les créations culturelles d’aujourd’hui
sont
nées au carrefour de plusieurs disciplines très différentes, souvent
1230
les États-Unis d’Europe, sous quelque nom que ce
soit
, il faut commencer maintenant… Debout l’Europe ! » Il y a vingt-et-un
1231
pe ! » Il y a vingt-et-un ans de cela. L’Europe n’
est
toujours pas debout. Sans corps constitué, sans tête, comment pourrai
1232
e mois dernier à un journal suisse : Les nations
sont
redevenues le phénomène fondamental du siècle. L’évolution a joué et
1233
contestablement dans le sens de la nation.25 Il
est
vrai que le même André Malraux quelques jours plus tard, interrogé pa
1234
jeunes gens à la radio, répond : Faire l’Europe
est
la seule chose véritablement importante de notre temps.26 Mais qui
1235
que cette « réalité fondamentale du siècle » que
serait
la nation, est précisément celle qui fait obstacle à cette « seule ch
1236
té fondamentale du siècle » que serait la nation,
est
précisément celle qui fait obstacle à cette « seule chose véritableme
1237
t que si l’Europe qu’appelait Winston Churchill n’
est
pas faite, c’est parce que les nations qu’exalte le ministre d’État d
1238
’y opposent encore irréductiblement, de tout leur
être
de nations « souveraines » ? Quand on nous affirme que le xxe siècle
1239
s » ? Quand on nous affirme que le xxe siècle ne
sera
pas celui du triomphe de l’internationale, comme Marx l’avait dit, ni
1240
n l’avait prévu, mais bien le siècle des nations,
est
-ce qu’on s’en félicite, ou bien est-ce qu’on dit cela comme on dirait
1241
des nations, est-ce qu’on s’en félicite, ou bien
est
-ce qu’on dit cela comme on dirait de telle année : — C’était l’année
1242
: — C’était l’année de ma pneumonie ? Autre chose
est
de constater que la réalité politique de notre temps est encore la na
1243
constater que la réalité politique de notre temps
est
encore la nation, autre chose est de s’en féliciter, d’affirmer qu’on
1244
de notre temps est encore la nation, autre chose
est
de s’en féliciter, d’affirmer qu’on ne peut rien y changer, que c’est
1245
a du réalisme. Le cancer et les maladies mentales
sont
aussi des réalités importantes de notre temps, mais je ne pense pas q
1246
er, mais bien à faire en sorte qu’elles cessent d’
être
réelles. Que les nations soient encore bien réelles et très fortes à
1247
qu’elles cessent d’être réelles. Que les nations
soient
encore bien réelles et très fortes à quelques égards, l’impossibilité
1248
c une évidence presque écrasante. Que les nations
soient
en même temps mal adaptées (pour dire le moins) à l’évolution de notr
1249
tion de notre société, la preuve incontestable en
est
fournie par les deux guerres mondiales, résultant du nationalisme et
1250
urrait que tuer l’Europe du xxe siècle si elle n’
est
pas surmontée et remplacée à temps. La grande force de l’État-nation,
1251
qu’il y a toujours eu des États, que les nations
sont
immortelles (en tout cas la leur !), que rien d’autre n’est donc poss
1252
elles (en tout cas la leur !), que rien d’autre n’
est
donc possible, et que d’ailleurs l’État, ou la nation, c’est l’abouti
1253
viennent la nation, l’État, et l’État-nation qui
est
né de leur collusion moderne. Il faudrait rappeler qu’après la préhis
1254
naissance de la première nation, la France, peut
être
datée de cette déclaration des légistes du Philippe de Bel : « Le Roy
1255
légistes du Philippe de Bel : « Le Roy de France
est
empereur en son royaume », ce qui veut dire que le chef de l’État d’u
1256
verselles, — sauf celle que l’on peut contrôler —
sera
vite suivi par les rois d’Angleterre et d’Espagne, puis par les princ
1257
lon la formule du xive siècle. Ce spectacle, qui
est
celui de la naissance des nations, remplit d’effroi les sages de l’ép
1258
ffroi les sages de l’époque. « Ô genre humain, tu
es
devenu un monstre aux multiples têtes ! » s’écrie Dante dans son trai
1259
idée fatale de la souveraineté absolue — idée qui
est
à peine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’est pas un géni
1260
ine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’
est
pas un génie ou un saint, mais qui devient proprement révoltante — et
1261
parti qui s’en empare au nom du peuple, comme ce
fut
le cas des jacobins et des « démocraties » plébiscitaires et totalita
1262
de l’idéal national par l’appareil étatique, qui
est
l’œuvre de Napoléon, la nationalisation de l’État royal et l’étatisat
1263
ne, et au xxe siècle, dans le reste du monde. Qu’
est
-ce en somme que l’État-nation de modèle napoléonien ? C’est le résult
1264
ce que l’on ne fait pas, parce que l’État-nation
est
devenu sacré, intangible dans nos esprits, qui résistent à l’idée qu’
1265
esprits, qui résistent à l’idée qu’il pourrait n’
être
après tout qu’une forme transitoire, comme tant d’autres. On enseigne
1266
igion pour le peuple » assure-t-on, et comme ce n’
est
plus guère le christianisme, ce sera donc le nationalisme, le culte d
1267
et comme ce n’est plus guère le christianisme, ce
sera
donc le nationalisme, le culte de la patrie étatisée, seul Absolu auq
1268
tout. L’État-nation moderne, unitaire et absolu n’
est
enfin qu’un empire manqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècl
1269
’est que, si tous les États-nations unitaires ont
été
et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les s
1270
e, si tous les États-nations unitaires ont été et
sont
des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seuls emp
1271
seuls empires réussis de notre temps se trouvent
être
des fédérations : les USA et l’URSS. Regardons maintenant ces États-n
1272
aintenant ces États-nations unitaires tels qu’ils
sont
dans leur être et leur agir concret, non plus dans leurs prétentions.
1273
tats-nations unitaires tels qu’ils sont dans leur
être
et leur agir concret, non plus dans leurs prétentions. Nous verrons a
1274
. Nous verrons aussitôt que tous, sans exception,
sont
à la fois trop petits et trop grands. Ils sont trop petits si on les
1275
n, sont à la fois trop petits et trop grands. Ils
sont
trop petits si on les regarde à l’échelle mondiale. Ils sont trop gra
1276
etits si on les regarde à l’échelle mondiale. Ils
sont
trop grands si l’on en juge par leur incapacité d’animer leurs région
1277
tats confrontés aux trois seuls vrais grands. Ils
sont
trop petits « à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure
1278
ean Monnet. (Lettre de démission de la CECA.) Ils
sont
trop petits pour se défendre seuls, même avec l’aide d’une petite ou
1279
ar les barrages antimissiles des deux grands. Ils
sont
trop petits dans le domaine économique pour répondre au « défi améric
1280
répondre au « défi américain » — cela n’a plus à
être
démontré28 — mais aussi pour répondre au défi du tiers-monde, c’est-à
1281
ait des puissances naguère coloniales. Enfin, ils
sont
trop petits pour agir politiquement au niveau des empires véritables
1282
. Mais en même temps, les États-nations unitaires
sont
tous trop grands, trop grands pour pouvoir assurer le développement d
1283
ement à la vie de la cité ; donc trop grands pour
être
encore de vraies communautés humaines, et cela, c’est la plus grave m
1284
aladie qui puisse miner un corps politique. Telle
étant
la crise présente de l’État-nation, le régime à prescrire paraît faci
1285
prescrire paraît facile à formuler : Parce qu’ils
sont
trop petits, les États-nations devraient se fédérer à l’échelle conti
1286
édérer à l’échelle continentale ; et parce qu’ils
sont
trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intérieur. Facile à for
1287
dirait-on. En effet, l’existence des empires de l’
Est
et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’inexorable : — ou
1288
e autorité supranationale, fédérale, et alors ils
seront
fatalement satellisés un à un ; — ou bien ils font ce qu’il faut pour
1289
n direction de leur fédération politique. Force m’
est
donc de penser qu’il y a quelque chose d’essentiel dans leur nature m
1290
donc d’indépendance totale, donc d’autarcie, qui
est
son ambition proprement impériale. C’est donc par définition et par s
1291
on par méchanceté ou bêtise que les États-nations
sont
impropres à l’union. Leurs relations normales sont de rivalité non de
1292
ont impropres à l’union. Leurs relations normales
sont
de rivalité non de coopération. Leur mode de contact normal n’est pas
1293
non de coopération. Leur mode de contact normal n’
est
pas l’échange, mais le choc. Bakounine l’avait déjà dit, il y a cent
1294
lication majeure : Développons en commun ce qui
est
neuf. Laissons de côté les héritages du passé dont l’unification pren
1295
e mon côté : L’union, pour deux États-nations, n’
est
jamais qu’une mesure de fortune, voire un expédient désespéré (comme
1296
par Churchill en juin 1940), autrement dit : ce n’
est
jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent
1297
euse à la nécessité, quand on se sent trop faible
soit
pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si l’
1298
on se sent trop faible soit pour subsister seul,
soit
pour dominer et absorber les voisins. Si l’on veut unir l’Europe, il
1299
se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui
est
destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
1300
léguée le siècle dernier : — la région.31 Il n’
est
rien dont les jeunes sociologues s’occupent avec plus de passion en E
1301
les régions, réalités absolument modernes. Ce ne
sont
pas les provinces de l’Ancien Régime, effacées, encore moins les dépa
1302
’hui, ni les « States » de l’Amérique du Nord. Ce
sont
vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naî
1303
t de capter et d’harmoniser, dont les principales
sont
: l’explosion démographique, l’urbanisation galopante, la mobilité de
1304
, et enfin l’unité géographique, cette dernière n’
étant
d’ailleurs plus définie primairement par une frontière marquée sur le
1305
voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je
fus
invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thè
1306
années, je fus invité à un colloque qui allait se
tenir
à Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’une « métropole r
1307
et une zone d’intense production industrielle, où
sont
venues s’implanter les plus importantes usines atomiques françaises.
1308
rouvais le seul non-Français : j’en conclus que j’
étais
censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler
1309
coupait en deux le bassin de la Ruhr-Moselle qui
est
d’un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’à la surface les
1310
ssiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles
seront
jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles
1311
ussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles
seront
amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, sel
1312
e et les régions, Paris et le désert français (ce
fut
le début), et enfin la Révolution régionaliste. Au-delà de ce considé
1313
d’exécutifs régionaux, — toutes propositions qui
étaient
proprement impensables pour un esprit français il y a dix ou vingt an
1314
a lutte pour notre indépendance nationale ne peut
être
menée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste o
1315
enée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle
sera
fédéraliste ou ne sera pas. Dans cette Europe unie la représentation
1316
de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste ou ne
sera
pas. Dans cette Europe unie la représentation du peuple français sera
1317
Europe unie la représentation du peuple français
sera
assurée par l’État fédéral français. Parmi les plus graves méfaits de
1318
nation doit réparation du tort ainsi causé. On n’
est
pas loin de l’agitation populaire et de l’action directe. Dans un heb
1319
unes et des cadres… » Le dépérissement régional n’
est
pas particulier à la Bretagne. Mais la crise y est si aiguë, la consc
1320
st pas particulier à la Bretagne. Mais la crise y
est
si aiguë, la conscience de la crise si vive et l’oppression quasi col
1321
loniale de la région si ancienne que Saint-Brieuc
était
l’endroit tout indiqué pour tenir le premier colloque socialiste régi
1322
ue Saint-Brieuc était l’endroit tout indiqué pour
tenir
le premier colloque socialiste régional sur le thème : « Décolonisez
1323
thème : « Décolonisez la province ! » Tout cela
est
intéressant, me disent certains augures, mais n’allez pas y attacher
1324
y attacher trop d’importance. L’État français ne
sera
pas si aisément ébranlé. Son chef le tient très bien en main, et quel
1325
çais ne sera pas si aisément ébranlé. Son chef le
tient
très bien en main, et quelques excités de la région ne l’impressionne
1326
ndrai deux choses : 1° De Gaulle lui-même ne peut
tenir
en main… que son État. Or la souveraineté de l’État est devenue tout
1327
main… que son État. Or la souveraineté de l’État
est
devenue tout illusoire, quand elle n’est pas toute négative, ne consi
1328
e l’État est devenue tout illusoire, quand elle n’
est
pas toute négative, ne consiste pas à dire non, ou à consentir un aba
1329
qui, de proche en proche, mèneront très loin… Ce
sont
ces nécessités qui expliquent que le Marché commun ait cru devoir con
1330
roblème de la régionalisation du territoire. On s’
est
aperçu que ce sous-développement provenait directement de la structur
1331
exploitation des régions par l’État central. On s’
est
intéressé très spécialement aux régions périphériques, les plus négli
1332
oise, qui touche la Belgique. Vue de Paris, Lille
est
une gare terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de
1333
u surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’
est
qu’un exemple entre bien d’autres : nous avons, tout près d’ici, celu
1334
les capitales anciennes, la révolution régionale
sera
faite, et du même coup la fédération de l’Europe se révélera immédiat
1335
l’Europe » — comme les communes libres médiévales
étaient
« immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-e
1336
s à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés —
sera-t
-elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles car
1337
tin… vers 1985. La région dans le cadre européen,
est
une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le départemen
1338
e que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu
être
faite en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnair
1339
olution régionaliste, condition de l’Europe unie,
est
bien plus avancée que nous n’osions l’espérer. Toutefois, ne nous y t
1340
Toutefois, ne nous y trompons pas : le processus
sera
très long, et il nous paraîtra nécessairement très lent, au jour le j
1341
essairement très lent, au jour le jour. Nous n’en
sommes
encore, aujourd’hui, qu’au stade de la prise de conscience du phénomè
1342
nelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient
être
décrétées sans transition. Il est normal qu’elles exigent une longue
1343
u ne sauraient être décrétées sans transition. Il
est
normal qu’elles exigent une longue période de mise en place silencieu
1344
finalement les doter d’institutions autonomes, ce
sera
la tâche au moins d’une génération, vingt à trente ans, en admettant
1345
toire. Je ne cite pas la Grèce par hasard. Car je
tiens
la région pour une forme de communauté aussi nouvelle dans notre civi
1346
uté aussi nouvelle dans notre civilisation que le
fut
au vie siècle avant notre ère l’apparition de la polis, dans la soci
1347
ndent aujourd’hui se partager le monde. Nous n’en
sommes
encore qu’à la petite aube de la formation des régions en tant qu’élé
1348
sûr, dès la fin du siècle dernier, Ernest Renan s’
était
écrié dans un discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont p
1349
discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne
sont
pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. Et
1350
te religion civique dont je vous disais qu’elle s’
était
substituée à la foi chrétienne dans l’esprit des masses. Je voudrais
1351
e taille donnée, en sorte que ces limites doivent
être
tracées avec une certaine liberté de jugement.35 Ainsi : — là où, d
1352
us faire sortir de l’ère néolithique, celle qui a
été
marquée par la fixation des tribus nomades sur des territoires cultiv
1353
es sur des territoires cultivés, celle qui a donc
été
dominée pendant douze à quinze millénaires par les notions de terre s
1354
endance. D’ailleurs, le terme même d’indépendance
est
en train de perdre son sens ancien, stato-national, majestueux et vol
1355
diraient les scientifiques : “il faut chercher à
être
aussi indispensables aux autres que les autres nous sont indispensabl
1356
ssi indispensables aux autres que les autres nous
sont
indispensables.36” » Je proposerais, pour ma part, que l’on substitue
1357
ires de la souveraineté sans limites. L’autonomie
est
une notion relative et très précise, quand on parle par exemple de l’
1358
re dont se vantaient les États-nations. Enfin, il
est
une grande notion que les régions nous amèneront à mettre en lumière,
1359
ière, c’est celle de la pluralité des allégeances
soit
d’une personne, soit d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-
1360
la pluralité des allégeances soit d’une personne,
soit
d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-nation voulait tout f
1361
a liberté de chacun et l’efficacité de son action
seront
garanties par la possibilité de se rattacher et de donner son allégea
1362
ons et clubs lointains ou proches. Mais ceci, qui
est
très nouveau et presque révolutionnaire pour les citoyens des États u
1363
des États unitaires et surtout totalitaires, nous
est
très familier en Suisse… Et à ce propos, je voudrais terminer par que
1364
le triomphe du fédéralisme intégral. Depuis qu’il
est
question d’une entrée éventuelle de la Suisse dans le Marché commun,
1365
ration basée sur les régions, on me répond que ce
serait
pire encore, et que la Confédération dans ce cas serait « dissociée »
1366
pire encore, et que la Confédération dans ce cas
serait
« dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’il est grand temps que
1367
ans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’il
est
temps, qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer un refus qua
1368
« dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’il
est
grand temps que nous cessions d’opposer un refus quasi automatique à
1369
un peu hardies, sous le double prétexte « qu’on n’
est
pas sûr qu’elles réussiront », ou bien « qu’on n’est pas sûr que cela
1370
pas sûr qu’elles réussiront », ou bien « qu’on n’
est
pas sûr que cela servirait nos intérêts ». Assez de cette politique f
1371
mort et il leur dit : « Le secret de ma réussite
tient
à ce que j’ai fondé ma vie sur deux principes : Méfiance ! Méfiance !
1372
os traditions fédéralistes. Les régions de demain
seront
les petits États que nous avons toujours voulu défendre, et à raison.
1373
ujours voulu défendre, et à raison. Tout ce qui s’
est
fait de grand dans notre monde, s’est fait par les petits ; de sublim
1374
ut ce qui s’est fait de grand dans notre monde, s’
est
fait par les petits ; de sublime, par les infimes ; et de divin par u
1375
vait trop comment déclarer… Les régions de demain
seront
en même temps les éléments de la grandeur requise dans beaucoup de do
1376
nis : car les régions, à la différence des États,
sont
faites pour s’unir et pour coopérer, comme l’ont fait nos cantons, qu
1377
os cantons, quand ils ont vu que l’union fédérale
était
la condition de leur survie individuelle. Les régions combinent ainsi
1378
s’intégrer dans des régions polynationales, ce ne
serait
pas encore « la fin de la Confédération », la perte de son identité e
1379
utre niveau, du moins je l’espère. Belle raison d’
être
nationale que celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait
1380
e celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui
serait
à la merci d’un accord tarifaire ! Si Genève, par exemple, supprimait
1381
n, s’intégrait au complexe nommé Rhône-Alpes, qui
est
sa région naturelle, croit-on vraiment que cela lui ferait perdre son
1382
ngère et les institutions internationales qu’elle
est
fière d’accueillir ? Non, même « dissociée » économiquement, rien n’e
1383
Suisse de cultiver sa vocation particulière, qui
est
d’ordre politique et culturel, rien ne pourrait empêcher les Suisses
1384
her politiquement à l’idéal fédéraliste — s’ils y
tiennent
vraiment — et de maintenir leur association. Nous sommes le seul pays
1385
vraiment — et de maintenir leur association. Nous
sommes
le seul pays européen qui n’ait jamais été tenté de devenir un État-n
1386
ous sommes le seul pays européen qui n’ait jamais
été
tenté de devenir un État-nation unitaire, d’uniformiser tous ses élém
1387
ux, linguistiques, sociaux ; le seul en somme qui
soit
une vraie fédération et qui ait une expérience séculaire de l’existen
1388
rance, une fois de plus, va fournir le modèle ! —
sont
en train d’élaborer une théorie qui me paraît mieux adaptée à notre s
1389
ciété industrielle et mobile. Mais le fédéralisme
est
aussi un esprit, une forme de pensée et de sentiment, un style de vie
1390
i se fait : non pas seulement une grande idée qui
est
capable d’ouvrir les voies de l’avenir politique pour l’Europe et le
1391
[…] qui pourrait admettre de bonne foi, à moins d’
être
un imbécile, qu’une seule d’entre elles consentira jamais à remettre
1392
l’ouverture de l’autoroute Paris-Lille. 34. « Qu’
est
-ce qu’une nation ? », Paris, 1882. 35. Commission de la CEE, Documen
1393
Vingt ans après La Haye : où en
est
l’Europe ? (mai 1968)y 1. Il y a vingt ans, se tenait à La Haye le
1394
l’Europe ? (mai 1968)y 1. Il y a vingt ans, se
tenait
à La Haye le « Congrès de l’Europe ». Quel est le souvenir le plus ma
1395
tenait à La Haye le « Congrès de l’Europe ». Quel
est
le souvenir le plus marquant que vous conservez de cette grande manif
1396
uverture solennelle, que désormais un mécanisme a
été
mis en marche et nous porte, mais pas nécessairement où nous voulions
1397
nt de couloir dont personne n’a parlé, et dont je
fus
alors le seul à ressentir, non sans colère ni douleur, la vraie porté
1398
can Sandys et Retinger, organisateurs du congrès,
étaient
venus à Ferney demander mon concours, j’avais posé clairement mes con
1399
rendrais en charge la section culturelle que s’il
était
bien entendu qu’il lui reviendrait de dire le sens de toute l’entrepr
1400
et formerait la conclusion du congrès. Ce succès
était
dû en grande partie aux efforts de Joseph Retinger, qui m’écrivait le
1401
Joseph Retinger, qui m’écrivait le 29 mars : Je
suis
d’avis que cette déclaration doit fournir le point de départ de notre
1402
s à la veille même du congrès, le Message avait
été
imprimé au haut d’un long rouleau de fort papier parcheminé, et il ét
1403
’un long rouleau de fort papier parcheminé, et il
était
entendu qu’au terme du congrès, tous les participants, Churchill en t
1404
aal la séance plénière sur l’économie, qui devait
être
suivie, après une brève suspension, de la séance de clôture du congrè
1405
uspension, de la séance de clôture du congrès, je
fus
appelé d’urgence par Duncan Sandys, que je trouvai flanqué de son bea
1406
anqué de son beau-frère Randolph Churchill (qui n’
était
là qu’à titre de journaliste). Ils m’apprirent que le Message aux Eu
1407
rirent que le Message aux Européens ne pourrait
être
présenté à la séance finale, parce qu’il contenait cette petite phras
1408
e sur la défense. Par chance, un journaliste, qui
était
en train de m’interviewer lorsque Sandys m’avait fait appeler, et qui
1409
essage , mais en omettant la petite phrase. Ainsi
fut
fait une demi-heure plus tard. L’acclamation fut unanime, mais la cam
1410
fut fait une demi-heure plus tard. L’acclamation
fut
unanime, mais la campagne populaire du même coup se trouvait annulée
1411
hrase aussi voyante, et qui d’ailleurs semblait s’
être
volatilisé au secrétariat de la presse38. C’est à ce moment précis qu
1412
ich) parlait de son urgence dramatique. La preuve
est
faite de la foncière hostilité des États-nations à toute forme d’unio
1413
ope et du monde, que négatifs. Ils peuvent encore
soit
refuser les mesures d’union qui s’imposent, soit abaisser les barrièr
1414
soit refuser les mesures d’union qui s’imposent,
soit
abaisser les barrières douanières et supprimer les chicanes de visas,
1415
aussi au lendemain du congrès de La Haye — a-t-il
tenu
ses promesses ? Quelles furent son action et son influence en près de
1416
de La Haye — a-t-il tenu ses promesses ? Quelles
furent
son action et son influence en près de vingt années d’existence ? Com
1417
it même plus son présent ? Son impuissance avérée
tient
au fait qu’il a opté, dès le lendemain de La Haye, pour les notables
1418
pied dans le domaine culturel, par exemple, peut
être
attribué d’une manière très précise aux projets de quelques non confo
1419
de répéter, bien avant de Gaulle, que les choses
étant
ce qu’elles sont, il convenait d’adapter les exigences de l’union aux
1420
avant de Gaulle, que les choses étant ce qu’elles
sont
, il convenait d’adapter les exigences de l’union aux intérêts nationa
1421
u « mouvement de l’Histoire », alors oui, nous en
sommes
pour nos frais. Mais j’appelle espérance l’intuition qu’il existe des
1422
l’éprouve aujourd’hui plus vive que jamais ; s’il
est
vrai qu’on ne peut bâtir sur de l’ancien (les États-nations), mais se
1423
hnoéconomiques. Et bâtir l’Europe des régions, ce
sera
tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il est remarquable que
1424
onomiques. Et bâtir l’Europe des régions, ce sera
tenir
enfin les engagements de La Haye. 37. Il est remarquable que Reting
1425
tenir enfin les engagements de La Haye. 37. Il
est
remarquable que Retinger, qui ne passait pas pour fédéraliste, ait ét
1426
etinger, qui ne passait pas pour fédéraliste, ait
été
le premier à préconiser cette tactique d’appel direct au « peuple eur
1427
on régionaliste parue ou printemps de 1967. Je ne
serais
pas étonné que d’autres fédéralistes l’aient inventée pour leur part
1428
emont Denis de, « Vingt ans après La Haye : où en
est
l’Europe ? », L’Europe en formation, Nice, mai 1968, p. 14-16.
1429
i florit à Éphèse au vie siècle avant notre ère,
sont
nées de la considération d’un fleuve. Il s’agissait sans nul doute du
1430
dans les mêmes fleuves, autres et toujours autres
sont
les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir des liquides s’en vont
1431
uides s’en vont en vapeurs… La mort pour les âmes
est
de devenir eau, pour l’eau de devenir terre. De la terre naît l’eau e
1432
t l’âme… Nous entrons et nous n’entrons pas, nous
sommes
et nous ne sommes pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner d
1433
ons et nous n’entrons pas, nous sommes et nous ne
sommes
pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner deux fois dans le m
1434
igner deux fois dans le même fleuve. II Il
est
permis de lire bien des choses dans ces phrases. Elles décrivent la m
1435
e discours méandrique nous dit aussi qu’un fleuve
est
à la fois mouvement perpétuel et dessin permanent, flot sans fin dans
1436
dure en résistant précisément à la durée ; ce qui
est
posé et sa métamorphose ; le Même et l’Autre vus ensemble, génialemen
1437
plus de ports. L’Asie, l’Afrique, les Amériques,
sont
fendues, blessées par des fleuves trop larges et trop longs pour l’us
1438
riguent. Mais les fleuves et rivières de l’Europe
sont
pareils aux artères ou aux nerfs dans un corps, aux racines des grand
1439
Rien de plus fluvial que la Suisse. Si l’Europe
est
la terre des ports, où les fleuves ont formé plus de baies favorables
1440
nt ensemble les plus grands continents, la Suisse
est
la terre des sources. Cinq bassins fluviaux s’originent au massif du
1441
u d’eau de l’Europe. Par eux la terre des Suisses
est
liée sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin, et à trois mers d
1442
ds fleuves nous bordent et nous quittent. Mais il
est
une rivière qui d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’est,
1443
i d’un large mouvement du sud à l’ouest, puis à l’
est
, ramasse toutes les autres rivières du Plateau suisse et les déverse
1444
la Reuss, tout près de son terme rhénan. L’Aar n’
est
pas seulement la plus longue des rivières qui coulent en Suisse d’un
1445
hâtel, Morat et Bienne, au lac de Wallenstadt à l’
est
, à travers le lac de Zurich, tandis que la Reuss lui amène les eaux d
1446
suédoise ses grands hommes blonds. Comme Uri, il
fut
terre d’Empire et longtemps défendit contre Berne ses libertés tradit
1447
nquête tournée principalement vers l’ouest. Berne
est
la seule cité de la communauté suisse qui ait été carrément impériali
1448
est la seule cité de la communauté suisse qui ait
été
carrément impérialiste, étendant ses pouvoirs par la force ou l’astuc
1449
mêmes pouvoirs souverains de rassemblement, Berne
est
une expression de l’Aar. Et puis, quand la rivière une première fois
1450
son régime radical. Ce cours de l’Aar d’ouest en
est
qui fut jadis route commerciale des Romains, d’Aventicum à Vindonissa
1451
ime radical. Ce cours de l’Aar d’ouest en est qui
fut
jadis route commerciale des Romains, d’Aventicum à Vindonissa, puis r
1452
grès social et de la conquête industrielle. Olten
est
le symbole du mouvement ouvrier, comme Brugg du syndicalisme paysan,
1453
t le temps du continent de notre destin. L’Europe
est
partout dans l’histoire comme dans le cours physique de l’Aar. À caus
1454
cours physique de l’Aar. À cause des fleuves, qui
sont
un phénomène tellement typique de cette « péninsule occidentale de l’
1455
le plus européen du continent. Et nos libertés en
sont
nées, comme en naissent les fleuves coulant vers quatre mers. Et parc
1456
ers quatre mers. Et parce qu’enfin la rivière Aar
est
la plus suisse de toutes, et seulement suisse : à cause de cela, mieu
1457
enticité européenne. VII Car l’Europe, ce n’
est
pas un produit synthétique, ni une substance philosophique, ni une na
1458
l’accord des tons purs de nos diversités. Ce qui
est
européen n’est pas d’abord ce qui est international, ce qui est le mê
1459
ns purs de nos diversités. Ce qui est européen n’
est
pas d’abord ce qui est international, ce qui est le même partout, dan
1460
és. Ce qui est européen n’est pas d’abord ce qui
est
international, ce qui est le même partout, dans chacun de nos pays, i
1461
’est pas d’abord ce qui est international, ce qui
est
le même partout, dans chacun de nos pays, indifférent au lieu et sans
1462
sans accent ; mais bien, et au contraire, ce qui
est
différent, s’affirme singulier et manifeste une vocation incomparable
1463
le. Il n’y a pas d’accent européen, mais l’Europe
est
partout où une langue est parlée, écrite et chantée librement par une
1464
européen, mais l’Europe est partout où une langue
est
parlée, écrite et chantée librement par une communauté d’hommes libre
1465
rement par une communauté d’hommes libres. Rien n’
est
authentiquement européen qui ne soit d’abord d’un pays. D’un pays à n
1466
ibres. Rien n’est authentiquement européen qui ne
soit
d’abord d’un pays. D’un pays à nul autre pareil et pourtant fraternel
1467
les quatre points cardinaux. Et rien en Suisse n’
est
suisse avec plus de robustesse que cette rivière germano-celte romani
1468
charriées par les torrents alpestres. Ainsi l’Aar
est
européenne. ah. Rougemont Denis de, « De l’Aar à l’Europe », L’Aa
1469
fontaine Castalie (1969)ag juillet 1962. Ce n’
est
pas pour aller quelque part mais pour être-en-voyage, absolument, que
1470
on lieu. Un certain état d’âme, d’alerte au monde
est
le vrai but du dé-placement : il renouvelle la syntaxe émotive de mon
1471
ec la nature et l’histoire. Mais voyager en Grèce
est
une autre aventure. Qu’on le veuille et le sache ou non, c’est un iti
1472
ge en vérité son invention sur place ; ses étapes
sont
des prises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’être parcouru.
1473
rises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’
être
parcouru. Le voilier — un schooner de vingt-deux-mètres — cherche la
1474
dans le bleu, deux milans planent. Soudain l’un n’
est
plus là. Puis ils sont trois qui virent, s’évanouissent dans la lumiè
1475
ans planent. Soudain l’un n’est plus là. Puis ils
sont
trois qui virent, s’évanouissent dans la lumière et reparaissent, tom
1476
mense et tranchée en plein roc. À mi-hauteur elle
est
creusée de larges niches irrégulières et peu profondes, aux voûtes su
1477
ofondes, aux voûtes surbaissées ; l’une abrite un
fût
de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte noir
1478
sées ; l’une abrite un fût de colonne ; une autre
est
vide ; et la dernière comme une porte noire semble s’ouvrir vers l’in
1479
t, avec piété, malgré l’angoisse grandissante, je
suis
entré dans le rocher, je me suis avancé à tâtons jusqu’au fond de la
1480
grandissante, je suis entré dans le rocher, je me
suis
avancé à tâtons jusqu’au fond de la fente étroite et haute, doucement
1481
pur. ⁂ Toutes choses qui naissent et croissent
sont
de la terre et de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre et d’e
1482
issent sont de la terre et de l’eau. Car nous
sommes
tous nés de terre et d’eau. Et l’eau dégoutte dans certaines cave
1483
’eau verte et les parois monumentales. Cet espace
est
pourtant ce que l’on voudrait « prendre », mais aucun objectif ne pou
1484
il y faudrait un œil de l’âme, œil intérieur : on
est
ici dans l’événement à voir, et non devant… Une autre résistance obsc
1485
que sourd interdit règne ici. Quelque chose ici s’
est
passé et peut-être se passe encore — mais toujours vient d’être accom
1486
peut-être se passe encore — mais toujours vient d’
être
accompli. Il en reste un silence énorme, ces pierres nues, et la paix
1487
La Grande Bouche de la Nuit, l’oracle primordial
était
ici, près de la source et de la pierre sacrée, l’omphalos lourd et no
1488
iniscence. Le mot crime… Deux crimes obscurément
sont
liés à l’attrait de ces lieux. Là sur la gauche, à une centaine de p
1489
du Ciel a vaincu, imposant la loi du soleil, qui
est
celle du Père, à ce lieu dont le nom reste l’Ombre. Mais ici même, pr
1490
’Ombre. Mais ici même, près de la fontaine, où je
suis
, où l’oracle était, Œdipe s’est tenu devant lui, attendant la parole
1491
ême, près de la fontaine, où je suis, où l’oracle
était
, Œdipe s’est tenu devant lui, attendant la parole de son destin, et l
1492
fontaine, où je suis, où l’oracle était, Œdipe s’
est
tenu devant lui, attendant la parole de son destin, et l’ombre du des
1493
taine, où je suis, où l’oracle était, Œdipe s’est
tenu
devant lui, attendant la parole de son destin, et l’ombre du destin l
1494
taine Castalie, c’est le combat fondamental qui s’
est
livré. Le drame originel s’accomplit, à jamais suspendu dans l’instan
1495
es filles en cortège, conduites par un pope noir,
sont
venues se désaltérer au grand bassin. Le prêtre a béni l’eau païenne.
1496
parfois une arrière-pensée se meut dans l’ombre :
est
-ce bien ainsi ? n’est-ce que cela ? n’y a-t-il Personne ? Ces grands
1497
nsée se meut dans l’ombre : est-ce bien ainsi ? n’
est
-ce que cela ? n’y a-t-il Personne ? Ces grands buissons, ces murets d
1498
ateaux du Jura familier de mon enfance… Delphes s’
est
tue. Le sombre esprit ne parle plus qu’au silence monumental de la fo
1499
talie. (Plus tard, j’ai repris Hölderlin : Il s’
est
tu, sol de Delphes, ton Dieu !… Mais là-haut la lumière encore aujo
1500
ra un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie
sommes
-nous engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie
1501
Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’
est
pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire
1502
dictoire, c’est en effet l’État-nation, tel qu’il
est
né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation
1503
nt laissé, à la fois trop petit et trop grand. Il
est
trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer son indépendance e
1504
eraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’
est
plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, d
1505
États centralisés — et dans la mesure même où ils
sont
centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économique,
1506
u sa capitale et les accusent de colonialisme. Il
est
certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens
1507
indépendante, au plein sens du terme, ne saurait
être
soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’
1508
acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel
serait
celui d’une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation parano
1509
enne, voici donc une première réponse : oui, nous
sommes
bel et bien au seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on d
1510
regroupent 40 % de la population du globe, et il
est
frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États et
1511
rope de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’
Est
et au-delà l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché
1512
ique de la convergence et de la diversification n’
est
pas tellement mieux satisfaite dans ces trois États officiellement fé
1513
tifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce
sont
les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques
1514
s et les diversités religieuses et politiques qui
sont
opprimées par l’État central dont un parti unique s’est emparé ; au N
1515
primées par l’État central dont un parti unique s’
est
emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui
1516
exemple de la fédération des cantons suisses ! Il
est
certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est
1517
s ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on
est
en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage ma
1518
alisme, mais d’un défaut de fédéralisme ! Et l’on
est
en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéralis
1519
plus locales et vers des unions plus vastes, qui
est
le battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre
1520
nationalisme, il faudrait, avant de le prescrire,
être
très sûr de sa formule. Or je ne vois pas de terme du langage politiq
1521
ine du gouvernement fédératif. » Cette définition
est
assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent :
1522
citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
1523
nd il veut savoir ce qu’un mot signifie, la cause
est
jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages et qui se
1524
e, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui
est
bon pour les sauvages et qui semble n’avoir été préconisé que par des
1525
i est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir
été
préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon L
1526
réconisé que par des traîtres à la République… Il
est
vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore quali
1527
i que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y
est
encore qualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de
1528
ut : le malheur congénital du fédéralisme reste d’
être
un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout c
1529
té directeur d’un congrès européen qu’une journée
fût
réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil
1530
déralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe
tint
à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbo
1531
t à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme
étant
tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on
1532
Je compris par la suite que ce haut fonctionnaire
tenait
le fédéralisme pour un système d’unification intégrale, sans respect
1533
t-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il
est
. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude
1534
aire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme
est
assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir
1535
e, et grand Européen, écrivait récemment : « Ce n’
est
pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même qu
1536
emment : « Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’
est
pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut.
1537
bvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous
sommes
fédéralistes » ! Pareils malentendus, s’ils sont le fait d’Européens
1538
ommes fédéralistes » ! Pareils malentendus, s’ils
sont
le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditio
1539
u de gardiens jaloux des traditions helvètes, que
sera
-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexis
1540
helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’
étant
ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela,
1541
ions partielles, donc ruineuses dans son cas, lui
soit
pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe
1542
cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’il
est
vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle e
1543
génital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe
est
l’entreprise capitale de ce siècle et s’il est vraisemblable que cett
1544
pe est l’entreprise capitale de ce siècle et s’il
est
vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent t
1545
siècle et s’il est vraisemblable que cette union
sera
fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fa
1546
vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne
sera
pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus q
1547
vitales, de telle sorte que la solution ne puisse
être
cherchée ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordin
1548
e telle manière que la résultante de leur tension
soit
positive (on dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Ne
1549
e de relations bipolaires dont le « modèle » nous
est
connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie o
1550
lule de base des ligues et fédérations. Voilà qui
est
proprement occidental : devant ce même problème de l’un et du divers,
1551
nte. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but
est
d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans di
1552
ue. De même que le modèle trinitaire des conciles
sera
utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs appli
1553
rence des natures sauvegarde leurs propriétés »ab
sera
repris par tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et des c
1554
pectueux du réel et des conditions de la vie, qui
sont
: antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où procède la plu
1555
éfinis comme exclusifs l’un et l’autre, a cessé d’
être
un scandale, est même devenue principe fondamental d’interprétation d
1556
sifs l’un et l’autre, a cessé d’être un scandale,
est
même devenue principe fondamental d’interprétation du réel (je pense
1557
utres hommes, ses semblables. Ces groupes devront
être
à leur tour à la fois autonomes et solidaires : pour eux aussi, l’un
1558
sans l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité —
sera
la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1° Le probl
1559
i veut à la fois sa vie privée et une vie sociale
est
homologue de la situation de la région qui veut à la fois son autonom
1560
. 4° Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’
est
-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu
1561
analyse, des vocations particulières au sein de l’
Être
même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces
1562
unauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels
seront
les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect d
1563
ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où
seront
prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’aille
1564
ndu possible par la technique moderne. Ce débat n’
est
pas d’aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France
1565
ar cette grande phrase : « Le but de la société n’
est
pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et écla
1566
but de la société n’est pas que l’administration
soit
facile, mais qu’elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfi
1567
as que l’administration soit facile, mais qu’elle
soit
juste et éclairée. » Nous allons voir, enfin, que nos critères d’éval
1568
cipation, l’efficacité et l’économie des moyens —
sont
en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’habitat : le giga
1569
rop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait
être
enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvai
1570
unication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’
étaient
pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communau
1571
aménagements. Les dimensions, d’ailleurs, peuvent
être
numériques aussi bien qu’architecturales : prenez les conflits actuel
1572
rofessionnel souvent d’autant plus rentable qu’il
est
plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étudiants,
1573
étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement,
est
un contrecoup mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par
1574
du fameux colloque de Caen, en 1966. L’université
fut
une commune libre au Moyen Âge. Toute vie civique, depuis la cité gre
1575
n Âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque,
est
communale d’abord, municipale. C’est au niveau de la vie civique ou p
1576
unités de base ? Comment devenir assez grand pour
être
fort, tout en restant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le v
1577
pour être fort, tout en restant assez petit pour
être
libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moin
1578
out en restant assez petit pour être libre ? Ce n’
est
pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral, qui pe
1579
ivisme, c’est dans cette dialectique concrète que
sont
en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine d
1580
is en considération par les auteurs classiques, n’
était
en réalité qu’un cas particulier d’une conception beaucoup plus large
1581
re à épuiser » … Et il ajoutait : Le fédéralisme
est
autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
1582
qu’une simple recette juridique ou politique : il
est
un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être p
1583
i tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’
est
pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de p
1584
Fourastié, demandant d’abord si le modèle suisse
est
si facilement transposable aux régions françaises ; ensuite, de reven
1585
ue toute l’histoire prouve que les confédérations
sont
des formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapid
1586
confédérations sont des formules transitoires qui
sont
destinées à se défaire assez rapidement si elles ne passent pas à la
1587
es pays qui aujourd’hui s’appellent confédération
sont
des fédérations qui, pour certaines raisons, n’ont pas voulu dire leu
1588
pas du tout des confédérations. La confédération
est
une mesure d’opportunisme pour des gens qui voient que l’on ne peut p
1589
un citoyen peut se manifester. Si les dimensions
sont
celles d’un peuple de 50 millions, qu’est-ce qu’il se produit ? On vo
1590
nsions sont celles d’un peuple de 50 millions, qu’
est
-ce qu’il se produit ? On vote, de temps en temps, sur de grandes opti
1591
érales, ou sur un homme ou sur un député ; cela n’
est
pas réellement l’activité du civisme, c’est-à-dire l’intervention dan
1592
u’à demander, comme Aristote, que les communes ne
soient
pas plus vastes que la portée de la voix d’un homme criant sur l’agor
1593
t très bien concevoir des régions comme celle qui
est
en train de s’organiser autour de Bâle, la Regio Basiliensis, qui che
1594
e Bade jusqu’à Fribourg en Allemagne. Cette regio
est
une unité essentiellement économique. Si une région se constitue vrai
1595
Suisse, plusieurs langues, bien que l’allemand y
soit
majoritaire. Il faut s’orienter vers une vision de l’Europe de demain
1596
de demain correspondant aux réalités diverses qui
sont
des réalités techniques, culturelles, économiques, linguistiques, uni
1597
ses régions correspondant à ces divers niveaux ne
seront
pas nécessairement les mêmes, elles ne se recouvriront pas toutes com
1598
mple à la division de la région Ruhr-Moselle, qui
est
d’un seul tenant au point de vue du sous-sol, d’après la langue qu’on
1599
ge à chercher autre chose du côté des régions. Il
est
certain que le système stato-national actuel n’est plus tolérable, ne
1600
st certain que le système stato-national actuel n’
est
plus tolérable, ne fonctionne plus. Le mouvement de régionalisation s
1601
fonctionne plus. Le mouvement de régionalisation
sera-t
-il assez puissant pour aboutir, pour former la base d’une fédération
1602
iter un exemple tiré de l’expérience suisse. Il s’
est
agi, il y a cinq ou six ans, de décider de la priorité pour la constr
1603
r la construction des autoroutes. Le plan général
est
fait à Berne, mais chaque tracé doit être discuté avec les cantons, q
1604
général est fait à Berne, mais chaque tracé doit
être
discuté avec les cantons, qui sont maîtres d’œuvre, et avec les commu
1605
que tracé doit être discuté avec les cantons, qui
sont
maîtres d’œuvre, et avec les communes qui peuvent refuser qu’on ruine
1606
en la coupant en deux, par exemple. La question s’
est
posée de la priorité à établir dans le tracé de ces routes : il y ava
1607
s, Le Fédéralisme contemporain : « Le fédéralisme
est
présence au pouvoir global des éléments particuliers — demeurant dist
1608
connaissables — dont se compose la fédération. Il
est
une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités ».
1609
m’a fait jouer du violon comme jamais, mais ce n’
était
pas assez, je suis sorti, sur mon vélo j’ai foncé vers le lac. « Part
1610
iolon comme jamais, mais ce n’était pas assez, je
suis
sorti, sur mon vélo j’ai foncé vers le lac. « Partir ! » et toute la
1611
ac. « Partir ! » et toute la vie qui change, tout
était
libre devant moi ! J’ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie — et suis
1612
oi ! J’ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie — et
suis
rentré à la maison pour le dîner. Si j’avais rencontré Gide, en ce te
1613
Si j’avais rencontré Gide, en ce temps-là, je me
serais
sans doute évanoui d’émotion. Dix ans plus tard, le voici qui entre d
1614
gulier, mais vous l’intimidez. » C’est qu’il ne m’
était
plus un dieu, et que j’étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire
1615
. » C’est qu’il ne m’était plus un dieu, et que j’
étais
jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, et trouvait Kierkegaar
1616
nes avec ma femme, rue Vaneau, et nos rapports se
sont
stabilisés autour de la moyenne barométrique « variable à beau » (aff
1617
oute qu’il en aille autrement pour mes cadets. Je
serais
tenté de dire : tant pis pour nous. Mais non : « le temps ne fait rie
1618
pour qui sait la comprendre. (Pour les autres, il
est
vrai, cela change tout : Marcuse, ni lu ni connu mais « actuel » selo
1619
uché. La plupart des « actuels » écrivent mal, ou
sont
plats. Mais la question de son « actualité » reste intéressante en ce
1620
lui ferait « gagner son procès en appel ». Or peu
furent
moins méconnus de leur vivant, plus influents, mieux célébrés — et mi
1621
sée de Gide vous ont-elles influencé, b) et quels
sont
les aspects de sa pensée qui vous paraissent les plus actuels ? 2. Gi
1622
ée qui vous paraissent les plus actuels ? 2. Gide
fut
de son temps un grand contestateur ; vous semble-t-il garder aujourd’
1623
et les recettes éprouvées de l’immobilisme, qui s’
est
toujours paré du nom de réalisme. Aristide Briand avait coutume de pr
1624
cours, sauf la loi qu’il a fait voter. Quelle que
soit
la valeur littéraire que nous accordons aujourd’hui au bref ouvrage i
1625
implicité) Un Souvenir de Solférino, son résultat
fut
la Croix-Rouge. Ce très curieux récit s’ouvre sur un rappel de l’ordr
1626
trictement conventionnelles : les officiers cités
sont
tous, sans exception, « intrépides », « valeureux », « vaillants », «
1627
des deux empereurs, et l’énergie de leurs troupes
est
bien sûr « indomptable ». Tout cela fait une « mémorable journée » où
1628
lférino, par l’horrible tuerie dont ces localités
furent
les glorieux témoins et le sanglant théâtre… » L’on ne trouve dans ce
1629
t à la chronique de faits d’armes dont il n’a pas
été
le témoin, et qui auraient tous été, s’il faut l’en croire, de hauts
1630
nt il n’a pas été le témoin, et qui auraient tous
été
, s’il faut l’en croire, de hauts exemples de bravoure ou de cette gra
1631
vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’elle
est
, telle que je l’ai vue… Car voici que le récit quittant le style nobl
1632
horrible et indéfinissable mélange où les vers se
sont
mis ; plusieurs frémissent à la pensée d’être rongés par ces vers, qu
1633
se sont mis ; plusieurs frémissent à la pensée d’
être
rongés par ces vers, qu’ils croient voir sortir de leur corps, et qui
1634
ui proviennent des myriades de mouches dont l’air
est
infesté. Ici est un soldat, entièrement défiguré, dont la langue sort
1635
s myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici
est
un soldat, entièrement défiguré, dont la langue sort démesurément de
1636
us ces hommes d’origines si diverses, et qui leur
sont
tous également étrangers. Tutti fratelli, répétaient-elles avec émoti
1637
ui ébranle les fibres les plus sensibles de notre
être
. Hanté par les visions de l’enfer de Castiglione, il se décide à ras
1638
tat de choses où de nouveaux progrès ne sauraient
être
de trop, même dans les armées les mieux organisées, j’aurais pleineme
1639
pleinement atteint mon but. Toute sa proposition
tient
en une phrase, au surplus interrogative : N’y aurait-il pas moyen de
1640
de constituer des sociétés de secours dont le but
serait
de faire donner des soins aux blessés, en temps de guerre, par des vo
1641
et bien qualifiés pour une pareille œuvre ? Tel
est
l’homme que l’on a traité d’utopiste et d’illuminé, et auquel on a ta
1642
r du sens élémentaire des réalités. On ne saurait
être
plus respectueux des conventions et des vertus de la Société de son t
1643
eproche à quiconque dans ce livre ! On ne saurait
être
plus prudent, plus modéré : il n’est question que « de quelques pas »
1644
ne saurait être plus prudent, plus modéré : il n’
est
question que « de quelques pas » et non pas de révolutionner mais sim
1645
er avec une émotion si contagieuse. On ne saurait
être
, enfin, plus efficace : quatre ans après Solférino, un an après la pa
1646
arution hors commerce du Souvenir, la Croix-Rouge
est
fondée à Genève. Et certes, il n’eût pas pu la fonder seul, sans Gust
1647
, homme de méthode et d’organisation dont l’appui
fut
décisif, ou sans le général Dufour, qui accepta de présider le premie
1648
présider le premier Comité. Reste que rien n’eût
été
fait sans le Souvenir, ni sans l’impulsion créatrice de son auteur. ⁂
1649
mpulsion créatrice de son auteur. ⁂ Le personnage
est
peu croyable, qui parcourt par hasard, dans son cabriolet, les arrièr
1650
Waterloo : il n’a qu’une seule idée en tête, qui
est
d’approcher l’empereur et d’obtenir de lui la permission (refusée par
1651
ivre, il se borne à écrire cette seule phrase qui
est
sans doute l’une des plus saugrenues de l’histoire : Simple touriste
1652
pouvoir assister aux scènes émouvantes que je me
suis
décidé à retracer. Ce n’est pas du tout Fabrice à Waterloo dans la C
1653
mouvantes que je me suis décidé à retracer. Ce n’
est
pas du tout Fabrice à Waterloo dans la Chartreuse de Parme, mais plut
1654
par la faute des circonstances », dit-on, et l’on
est
pris par quelque chose qu’on ne cherchait pas, qui passionne bientôt
1655
ecrète. En 1864, la Première Convention de Genève
est
signée par douze États qui, à leur tour, fondent des sociétés nationa
1656
: il ne peut arriver au bout de son discours, il
est
trop affaibli par la faim. Quand ses chaussettes sont trouées, il tei
1657
trop affaibli par la faim. Quand ses chaussettes
sont
trouées, il teint à l’encre ses talons. En 1887, une espèce de vagabo
1658
onneurs dans sa retraite morose, comme il l’avait
été
d’opprobres au temps de sa vie la plus entreprenante, portant sur la
1659
avait vue venir. Il écrivait : « Ah ! la guerre n’
est
pas morte ! Tout ce qui fait la gloire de votre prétendue civilisatio
1660
ui fait la gloire de votre prétendue civilisation
sera
employé à son service… Les combattants sont prêts pour de nouveaux co
1661
ation sera employé à son service… Les combattants
sont
prêts pour de nouveaux combats, résolus à y engager le reste de l’Eur
1662
e monde entier… Dans ce conflit, bon gré mal gré,
seront
entraînés la plupart des peuples civilisés, oubliant leur brillante m
1663
nir, la moindre note d’antimilitarisme, et rien n’
est
dit non plus contre la guerre en soi (sinon par la violence des image
1664
se phénomène de la guerre, un succès indéniable a
été
remporté par la fondation de la Croix-Rouge. Mais vouloir « diminuer
1665
ouloir « diminuer les horreurs de la guerre » qui
est
son intention déclarée à toutes fins d’efficacité, c’est encore une m
1666
bien-pensants de tous les temps, que ces horreurs
sont
fatales et voulues par les dieux ; c’est encore admettre la guerre. (
1667
les dieux ; c’est encore admettre la guerre. (Que
serait
une guerre sans « horreurs » ?) J’avoue qu’à ma première lecture du S
1668
« modestie du but » auquel Dunant veut se limiter
est
réitérée, mais déjà la possibilité que la guerre ne soit ni légitime
1669
itérée, mais déjà la possibilité que la guerre ne
soit
ni légitime ni fatale est nettement impliquée dans ce même passage :
1670
ilité que la guerre ne soit ni légitime ni fatale
est
nettement impliquée dans ce même passage : Certains, comme J. de Mai
1671
tre, ont nommé la guerre « divine » ; d’autres la
tiennent
pour une « loi de la nature » ; lui, sans vouloir « toucher au redout
1672
imité de la guerre », dit seulement que « si elle
est
inévitable, elle doit être faite avec le moins de barbarie possible »
1673
seulement que « si elle est inévitable, elle doit
être
faite avec le moins de barbarie possible ». Autre étape décisive dan
1674
ireurs : Héros ou bandits ? Un code de la guerre
serait
une chose odieuse à l’époque de civilisation où nous vivons, parce qu
1675
ire d’autres conclusions que la nécessité de s’en
tenir
à « quelques conventions diplomatiques spéciales, traitant chacune un
1676
peut manquer de sentir ici qu’un doute profond s’
est
éveillé en lui quant à la nature finale des relations entre la Croix-
1677
es causes permanentes : L’essence de la guerre n’
est
-elle pas de tuer ? Pourquoi donc ne pas stigmatiser la guerre elle-mê
1678
e pas stigmatiser la guerre elle-même ? Ses excès
sont
inévitables… Assez de raisonnements captieux tendant à démontrer le
1679
’il tuait ». Et qu’on ne répète pas que la guerre
est
la suprême éducatrice du genre humain ! À cet antique adage de la sag
1680
dégrade. Et ailleurs : Les vertus guerrières ne
sont
, le plus souvent, que des utopies traditionnelles intéressées… Ce qu’
1681
chés d’Un Souvenir et de ses prudences tactiques.
Serait
-ce que Dunant, écarté de l’action, n’ayant plus rien à espérer ni à m
1682
ns des termes d’utopie et de réalisme. L’utopiste
est
celui qui voit la fin sans imaginer ses moyens. Mais c’est aussi celu
1683
nsacre à les préparer. Mais il y a plus. Réaliste
est
celui qui, non content d’avoir dénoncé le mal qui est dans le monde,
1684
celui qui, non content d’avoir dénoncé le mal qui
est
dans le monde, s’en prend à ses principes qui sont dans l’homme, et s
1685
est dans le monde, s’en prend à ses principes qui
sont
dans l’homme, et sur lesquels nous pouvons exercer les pouvoirs de l’
1686
ne, qu’il écrit vers la fin du siècle dernier. Il
est
difficile aujourd’hui de ne pas voir les liens nécessaires et l’inter
1687
facteurs principaux de la guerre qui se préparait
étaient
les mêmes que ceux qui, justement, achevaient de former l’État-nation
1688
co-technique mis au service du nationalisme. Tels
sont
les procédés nés de la Révolution, qui ont permis à l’État (de droite
1689
avec une sorte d’étonnement reconnaissant, qu’il
est
celui que j’utilisais depuis quelques années pour mes cours : L’Écol
1690
cours : L’École : « L’enseignement de l’histoire
est
, dans les universités, les lycées, les pensionnats, les séminaires et
1691
ice militaire dû aux seigneurs. « Les révolutions
sont
venues, mais le lendemain de leur avènement, au lieu de supprimer les
1692
œuvre pour blâmer sévèrement la guerre, au lieu d’
être
l’influence la plus oppressive que le monde ait jamais connue, elle d
1693
décorent du nom de politique coloniale ». Or ce n’
est
pas la vraie civilisation qu’on apporte aux peuples asservis : c’est
1694
ens si prodigieux de faire le mal qu’il ne pourra
être
sauvé de lui-même, au milieu d’épouvantables désastres, que par une i
1695
inévitables désormais, les peuples dits civilisés
seront
entrainés bon gré mal gré (d’où guerres mondiales) et jetés à une for
1696
». En effet, « de toutes les inventions, il n’en
est
pas que le genre humain se soit plus appliqué à perfectionner que cel
1697
nventions, il n’en est pas que le genre humain se
soit
plus appliqué à perfectionner que celle dont le but est le meurtre en
1698
us appliqué à perfectionner que celle dont le but
est
le meurtre en grand de nos semblables ». Car désormais « le progrès c
1699
tème si vis pacem tout en exaltant le Progrès, ce
sont
eux qui nageaient dans l’utopie : au moment où Dunant disparaît, ils
1700
sparaît, ils courent vers le réveil tragique de l’
été
1914, aboutissement normal, sinon fatal, de tout le système stato-nat
1701
omme de son siècle ou du nôtre. 41. « La guerre
est
agréable pour ceux qui ne l’ont pas faite » ou mieux : « Pour les civ
1702
s faite » ou mieux : « Pour les civils, la guerre
est
belle ! » 42. Sur la biographie de Dunant, consultez l’excellente no
1703
. BPU Ms fr. 4556. 44. Fragment intitulé L’armée
est
une école, dit-on ! 45. Dunant avait publié, en 1859, un volume inti
1704
our la civilisation arabe. Cette attitude n’a pas
été
étrangère aux difficultés, insolites elles aussi, que lui ont faites
1705
up plus tard), quoiqu’également résistant. Ce qui
est
certain, c’est que les premiers efforts d’union de l’Europe, au lende
1706
ains suisses — car chacun sait que Hans Oprecht a
été
l’un des premiers à utiliser cette forme moderne du cabinet de travai
1707
règle d’or de toute construction fédérale devrait
être
la suivante : « Développons en commun ce qui est neuf ». Laissons de
1708
être la suivante : « Développons en commun ce qui
est
neuf ». Laissons de côté les héritages du passé dont l’unification pr
1709
premières interventions nous portèrent en effet,
soit
qu’il s’agît de sciences, d’arts ou d’éditions, vers les formes les p
1710
émontré le mouvement en marchant : Hans Oprecht n’
était
pas pour nous le président du Parti socialiste, mais avant tout le di
1711
né naissance à la Guilde du Livre, à Lausanne. Ce
fut
autour de ce noyau que se constitua rapidement la Communauté européen
1712
des grands éditeurs d’Europe qui, dès le début, s’
étaient
montrés les plus intolérants à l’égard de la formule guildienne… Et s
1713
s les plus remarquables et les plus originaux qui
soient
: l’un des rares qui ait trouvé le secret d’être à la fois efficace e
1714
oient : l’un des rares qui ait trouvé le secret d’
être
à la fois efficace et d’humeur enjouée, redoutablement organisé et to
1715
écrit : « N’habitez pas les villes » et peut-être
est
-ce pour cela que vous êtes venu vous installer dans le pays de Gex. Q
1716
s villes » et peut-être est-ce pour cela que vous
êtes
venu vous installer dans le pays de Gex. Que pensez-vous de la transf
1717
village… mais toutes les belles régions de France
sont
dilapidées. Le problème n’est pas particulier à Ferney-Voltaire. Ce q
1718
régions de France sont dilapidées. Le problème n’
est
pas particulier à Ferney-Voltaire. Ce qui me frappe, c’est l’extrême
1719
ande, dans le Sud du Portugal, toutes les maisons
sont
belles, sans être plus luxueuses. C’est une fête de voir ça. Denis de
1720
du Portugal, toutes les maisons sont belles, sans
être
plus luxueuses. C’est une fête de voir ça. Denis de Rougemont illustr
1721
ces pays, créer une atmosphère, un style. Mais n’
était
-il pas urgent de construire des logements ? On aurait pu faire, plus
1722
une place, une église, des cafés… C’est ce qui a
été
fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause de cette place où les gens
1723
cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin
est
vivant à cause de cette place où les gens se voient, se rencontrent.
1724
ys. On a l’impression que le seul souci qu’on ait
soit
la spéculation. Il faut construire vite parce que cela coûte moins ch
1725
dans le pays de Gex, plus de deux-mille logements
seront
construits dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’une enquê
1726
ront construits dans les cinq années à venir ? Il
est
heureux qu’une enquête telle que la vôtre le révèle, car autour de to
1727
’objet d’un débat public. La vraie démocratie, ce
serait
que les gens puissent discuter des projets car c’est leur vie qui va
1728
nt discuter des projets car c’est leur vie qui va
être
modifiée. Il faut rendre les gens attentifs à l’importance du cadre d
1729
’importance du cadre dans lequel ils vivent. Cela
est
plus important que de savoir si l’on est de droite ou de gauche. Une
1730
nt. Cela est plus important que de savoir si l’on
est
de droite ou de gauche. Une telle discussion ne risque-t-elle pas de
1731
pas de faire obstacle à tous les projets ? Je ne
suis
pas partisan d’une stagnation complète. Il faut éduquer les gens, les
1732
truction à Ferney, plus de deux-mille-cinq-cents,
soit
en projet, soit en cours de réalisation, dans l’ensemble du pays de G
1733
y, plus de deux-mille-cinq-cents, soit en projet,
soit
en cours de réalisation, dans l’ensemble du pays de Gex, voilà quelqu
1734
er un avenir brillant… Comment, cependant, ne pas
être
saisi d’un certain effroi devant une telle expansion ? Le pays de Gex
1735
les régions et non sur les États-nations47, j’ai
été
amené à relever et à classer les objections les plus fréquentes à l’e
1736
ation. Je note d’abord que le terme de difficulté
est
souvent plus exact que celui d’objection. Dans la plupart des cas, la
1737
e mouvement de l’Histoire, selon lequel la nation
est
le Progrès. La région est une nostalgie réactionnaire. Le progrès et
1738
selon lequel la nation est le Progrès. La région
est
une nostalgie réactionnaire. Le progrès et l’efficacité, au xxe sièc
1739
formées par extrapolation du passé ou du présent,
sont
toutes à la merci d’une équation nouvelle, d’une action aujourd’hui e
1740
oyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’on veut, il n’
est
pas très intéressant de chercher à deviner ce qui sera : « l’objectiv
1741
pas très intéressant de chercher à deviner ce qui
sera
: « l’objectivité scientifique » dissimulant une démission civique re
1742
us sûr.) Objections tactiques Comme s’il n’
était
déjà pas assez difficile de faire l’Europe avec les Six, et d’ajouter
1743
ions fédérées. Cela prendra des décennies. Ce qui
est
urgent, c’est le prix du lait et le taux d’accroissement de la produc
1744
té industrielle. (Principes d’une réponse : a) N’
est
-il pas justement trop difficile de faire l’Europe politique sur la ba
1745
fédération qui ait réussi en Europe, la Suisse, a
été
conçu, formé et accouché en neuf mois exactement, du 17 février au 16
1746
ctement, du 17 février au 16 novembre 1848, et il
est
entré en vigueur à cette dernière date sans la moindre mesure de tran
1747
ar l’éducation stato-nationaliste Les nations
sont
immortelles (François Mauriac), tandis que les régions sont encore à
1748
telles (François Mauriac), tandis que les régions
sont
encore à naître. Les gens n’en veulent pas, de vos régions autonomes.
1749
votent gaulliste. Les conflits entre les régions
seront
forcément plus nombreux et plus mesquins que les conflits entre nos n
1750
niser l’Europe ? (Ces étourderies et boutades ne
sont
guère passibles d’une réfutation.) Résistances conditionnées par n
1751
Comment allez-vous découper vos régions ? Quelles
seront
leurs frontières exactes ? Faut-il qu’elles aient des superficies ou
1752
de Paris, avec ses 9 ou 10 millions d’habitants,
est
plus petite que le Limousin, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça
1753
in, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça ne se
tient
pas ! La Bretagne n’est pas une entité économique viable. Et qui parl
1754
n d’habitants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’
est
pas une entité économique viable. Et qui parle breton à Rennes ? Les
1755
ce dernier groupe d’objections ou difficultés qui
est
la cause principale de l’ajournement des solutions régionalistes, c’e
1756
er d’analyser.) II. Que la région ne doit pas
être
conçue comme un État-notion en réduction Presque tous les difficul
1757
ositions axiomatiques de ce genre : — L’État doit
être
unique et indivisible. — De son siège dans la capitale, il régit souv
1758
). Au cours des siècles de l’histoire moderne, ce
sont
les guerres qui ont servi de prétexte à ces concentrations forcées, c
1759
qui ont notamment accrédité l’idée que l’économie
est
au service des desseins politiques d’un État et non de la prospérité
1760
-là. Aux yeux de cet homme gutenbergien, que nous
sommes
tous, peu ou prou, et dans son système de représentation, la région n
1761
centrés dans une métropole régionale au lieu de l’
être
dans une capitale. Les possibilités pratiques de participation du cit
1762
on du citoyen à la vie d’une région de ce type ne
seraient
pas d’un ordre essentiellement différent de ce qu’elles sont aujourd’
1763
un ordre essentiellement différent de ce qu’elles
sont
aujourd’hui. La vie communale — seule école efficace du civisme — ne
1764
communale — seule école efficace du civisme — ne
serait
pas nécessairement restaurée par la simple division d’un pays en ving
1765
ve que d’accroître les libertés civiques. Elle ne
serait
à aucun titre un modèle neuf de relations humaines et de structure du
1766
série de raisons (pas seulement militaires) qu’il
serait
trop long de développer ici : qu’il suffise d’évoquer la sécurité sui
1767
o-nationalistes dont, je le répète, nul de nous n’
est
indemne. III. De la pluralité des allégeances Comment échapper
1768
el, pour aller vite et rester dans le concret. Je
suis
neuchâtelois de naissance et de tradition : à ce canton va donc mon a
1769
uisse ; mon passeport et mon allégeance nationale
sont
donc suisses. Je suis aussi écrivain français : la francophonie europ
1770
et mon allégeance nationale sont donc suisses. Je
suis
aussi écrivain français : la francophonie européenne, c’est-à-dire le
1771
constitue donc mon allégeance culturelle. Mais je
suis
aussi protestant, ce qui représente une allégeance mondiale (ce serai
1772
nt, ce qui représente une allégeance mondiale (ce
serait
pareil si j’étais communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais
1773
te une allégeance mondiale (ce serait pareil si j’
étais
communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais partie d’un très g
1774
rontières du tout. Si l’on exigeait que tout cela
soit
unifié et uniformisé dans les limites géographiques d’un territoire d
1775
on à tout État-nation contemporain, la continuité
est
indéniable… Ce n’est pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel
1776
contemporain, la continuité est indéniable… Ce n’
est
pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel d’une société, avec s
1777
eul lieu, accaparés par l’État national et qui le
seront
, demain, par l’État régional. IV. Vers une formule fédéraliste de
1778
x dire : séparer dans le pouvoir tout ce qui peut
être
séparé, définir tout ce qui peut être défini, distribuer entre organe
1779
ce qui peut être séparé, définir tout ce qui peut
être
défini, distribuer entre organes ou fonctionnaires différents tout ce
1780
nes ou fonctionnaires différents tout ce qui aura
été
séparé et défini ; ne rien laisser dans l’indivision.49 Proudhon en
1781
ion des pouvoirs aux membres d’un cabinet : Ce n’
est
pas seulement entre sept ou huit élus […] que doit être partagé le go
1782
as seulement entre sept ou huit élus […] que doit
être
partagé le gouvernement d’un pays, c’est entre les provinces et les c
1783
Proudhon, ni de décentraliser ni de déconcentrer (
est
-ce différent ?), ni de déléguer les pouvoirs de l’autorité centrale.
1784
de diviser, de partager. Seulement, Proudhon s’en
tient
à un partage ou répartition du pouvoir entre les échelons géographiqu
1785
bien adopter la structure proudhonienne, sans que
soit
pour autant décidée la structure des réseaux d’échange et groupes de
1786
unités de base politiques et leurs structures ne
sont
pas, en principe, superposables aux modules ou unités de base économi
1787
autres se chevauchent, se recoupent différemment,
sont
parfois englobés l’un par l’autre. Il se peut que les régions politiq
1788
ar l’autre. Il se peut que les régions politiques
soient
définies demain comme les intersections de « classes » de faits écono
1789
ifiques. « Faut-il vous faire un dessin ? » Ce ne
serait
pas facile. Essayez de figurer, par exemple, ma définition personnell
1790
, ma définition personnelle, donnée plus haut. Il
est
assez facile de visualiser l’appartenance d’un élément à deux ensembl
1791
tiquement à l’une des trois nations dont la Regio
est
le carrefour ou l’intersection50. La résistance qu’opposent certains
1792
u un retard d’éducation démocratique. (« Ce qui n’
est
pas prescrit à tous, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’e
1793
s, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’
est
pas sérieux », pensent tous les jacobins, et les sous-offs dont le sa
1794
s jacobins, et les sous-offs dont le saint patron
fut
« le Petit Caporal ».) V. Un programme d’études Le champ d’étud
1795
onaliste, que ces quelques remarques définissent,
est
à peine exploré, inutile de le dire. a) Il faudrait commencer par op
1796
bien définis. Le Marché commun, par exemple, qui
est
un pouvoir économique, doit-il entretenir des visées politiques, ou l
1797
rentes ?51 Savoir quelles relations existent, ou
sont
souhaitables, entre l’économie et l’Université, ou entre les formules
1798
ules de participation civique et l’urbanisme : il
serait
facile de multiplier ce type de problèmes à résoudre au niveau commun
1799
es sociétés il cotise, où il paie ses impôts, qui
est
de sa paroisse et quels sont les paysages de son cœur, et aucun de no
1800
paie ses impôts, qui est de sa paroisse et quels
sont
les paysages de son cœur, et aucun de nous n’exige que tout cela soit
1801
son cœur, et aucun de nous n’exige que tout cela
soit
inscrit dans les limites peintes en couleurs plates, sans déborder, d
1802
note 1. 48. Mais quand Malraux dit que la nation
est
le phénomène dominant du xxe siècle, on doute qu’il pense à autre ch
1803
opose le terme de « régions carrefours ». 51. Il
est
certain que le Marché commun ne cessera d’être menacé par les États-n
1804
Il est certain que le Marché commun ne cessera d’
être
menacé par les États-nations tant que ceux-ci n’auront pas renoncé au
1805
é au « totalitarisme » de leurs pouvoirs et ne se
seront
pas dessaisis, en tant qu’entités politiques, des « droits » économiq
1806
Le mariage
est
à réinventer (14 avril 1969)al am Le remariage, ce n’est pas seule
1807
venter (14 avril 1969)al am Le remariage, ce n’
est
pas seulement « le triomphe de l’espérance sur l’expérience », c’est
1808
raison », de consolation. Le second mariage, ce n’
est
pas la session de repêchage, c’est la saison des amours vraies, solid
1809
n espère bien arriver à Philémon et Baucis. On en
est
encore très loin : pour beaucoup de femmes, le second mari c’est auss
1810
vous le tour de ce problème de notre époque qui a
été
aussi son problème à lui ; Denis de Rougemont n’est pas seulement l’é
1811
é aussi son problème à lui ; Denis de Rougemont n’
est
pas seulement l’écrivain qui a le mieux analysé et expliqué l’amour e
1812
ieux analysé et expliqué l’amour et le couple, il
est
aussi depuis seize ans le (deuxième) mari de Nanik et il forme avec s
1813
plement : « C’est un vrai couple. » Le remariage
est
non seulement un problème d’actualité mais un problème d’avenir. C’es
1814
sérieusement. La crise du mariage et la cellulite
sont
même devenues les deux mamelles de la presse féminine mais curieuseme
1815
Pourquoi ? L’une des grandes difficultés du sujet
tient
à ce qu’il n’existe pas de littérature romanesque sur le second maria
1816
ants, etc. Il faut aussi savoir distinguer ce qui
tient
aux acteurs — les conjoints — et ce qui tient à la situation en soi,
1817
qui tient aux acteurs — les conjoints — et ce qui
tient
à la situation en soi, qu’est le deuxième mariage. Faute de matériel,
1818
oints — et ce qui tient à la situation en soi, qu’
est
le deuxième mariage. Faute de matériel, je me vois réduit à ma propre
1819
de question : pensez-vous que le deuxième mariage
soit
plus heureux que le premier ? Ce qu’on peut dire avec certitude, c’es
1820
tude, c’est qu’il a beaucoup plus de chances de l’
être
: il y a des écueils inhérents à un premier mariage qui ne le sont pl
1821
écueils inhérents à un premier mariage qui ne le
sont
plus à un second. Comme dit mon beau-père, le Dr Répond, qui est psyc
1822
econd. Comme dit mon beau-père, le Dr Répond, qui
est
psychanalyste, lors du premier mariage, on épouse ses complexes. Or,
1823
e le langage courant, avec des phrases comme « Je
suis
pleine de complexes » ou « Il me donne un complexe d’infériorité », l
1824
donne un complexe d’infériorité », les complexes
sont
des ensembles de réactions et d’associations affectives formés dans l
1825
nsu, à notre corps défendant et c’est en quoi ils
sont
gênants, voire dangereux. Les motivations du premier mariage sont la
1826
ire dangereux. Les motivations du premier mariage
sont
la plupart du temps inconscientes. Complexe d’Œdipe, recherche d’un t
1827
lexe d’Œdipe, recherche d’un type de conjoint qui
est
(sans qu’on le sache) celui de la mère, ou du père. Ou au contraire,
1828
bien des chances de correspondre à la réalité des
êtres
et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une image sans le savoir.
1829
’homme qui lui fait faire les mêmes erreurs. « Je
suis
tombée amoureuse de lui avant même qu’il ait dit un mot… » Y a-t-il d
1830
ait dit un mot… » Y a-t-il des causes d’échec qui
soient
plus spécifiquement attachées à telle classe d’âge ? Oui, l’immaturit
1831
celles des parents, en premier lieu ; leur couple
est
-il si bien réussi ? On pense que le seul moyen de réussir ce qu’ils o
1832
on veut et qu’on n’a besoin de personne. Moins on
est
sûr de la durée de ses sentiments, plus on s’entête et plus on se dép
1833
s on s’entête et plus on se dépêche. À 20 ans, il
est
classique de se marier en claquant la porte. Mais la cause d’échec la
1834
st de vouloir « épouser Iseut ». Car la passion n’
est
pas comme on l’imagine volontiers un super-amour mais une certaine fo
1835
nemi n° 1 du mariage, c’est la passion Mais où
est
le roi Marc entre le garçon et la fille qui se marient « avec passion
1836
n’y a plus d’obstacle objectif : si l’un des deux
est
marié, il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-ce pas la
1837
, il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’
est
-ce pas la morale sociale qui détruit la passion, mais le manque d’obs
1838
alité. Ne peut-on pas imaginer une passion qui ne
serait
pas fatale, qui pourrait flamber au grand jour et même au jour le jou
1839
Oui, j’aime une telle, son caractère et ses goûts
seront
peut-être incompatibles avec les miens mais c’est plus fort que moi,
1840
fort que moi, il arrivera ce qu’il arrivera, ce n’
est
pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en
1841
pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi. Et il
est
nécessaire d’en avoir un, de pouvoir accuser le sort, puisque la pass
1842
n, de pouvoir accuser le sort, puisque la passion
sera
forcément malheureuse. Le défi sentimental du passionné Vous av
1843
que l’amour tel qu’on le rêve — l’amour-passion —
est
né avec « Tristan et Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons
1844
ans, opéras, puis films, chansonnettes, etc. Ce n’
est
donc pas une invention récente. Or la crise du mariage n’a pas six si
1845
illeurs. Vouloir fonder le mariage sur la passion
est
une exigence récente, ou plutôt une aberration récente : c’est vouloi
1846
ranche du monde comme la fièvre ; quand la fièvre
est
retombée, la réalité est là : les problèmes inéluctables que posent l
1847
fièvre ; quand la fièvre est retombée, la réalité
est
là : les problèmes inéluctables que posent les caractères et les temp
1848
ères et les tempéraments. On pense toujours qu’on
sera
l’exception, qu’on réussira où les autres ont raté. C’est le défi sen
1849
téméraire et dérisoire du passionné. Tout ça, ce
sont
les défauts possibles et même courants d’un premier mariage. Ces caus
1850
courants d’un premier mariage. Ces causes d’échec
sont
-elles automatiquement éliminées quand on se remarie ? Pas automatique
1851
tomatiquement du tout. Quand l’expérience n’a pas
été
comprise, on se remarie trois fois, quatre fois, cinq fois, ce sont l
1852
se remarie trois fois, quatre fois, cinq fois, ce
sont
les cas désespérés. Mais le cas intéressant, et heureusement le plus
1853
uctives. Normalement, tout ira mieux. Parce qu’on
est
« vacciné » : on dépend moins des autres — parents, entourage — on es
1854
dépend moins des autres — parents, entourage — on
est
donc moins poussé à braver leur opinion, à faire un mariage « d’attit
1855
ur opinion, à faire un mariage « d’attitude ». On
est
plus conscient et on ne se joue plus la comédie — ni aux parents. On
1856
— ni aux parents. On a compris que l’essentiel ce
sont
les caractères, qui ne changent jamais (« on ne peut pas changer de p
1857
à un deuxième mariage ? Oui, il y en a deux, qui
tiennent
, elles aussi, à ses motivations. La peur de la solitude, la peur de r
1858
ier les parents). Le divorce, quoi qu’on en dise,
est
toujours ressenti comme un échec. Mais autant il est bon de vouloir e
1859
toujours ressenti comme un échec. Mais autant il
est
bon de vouloir en tirer une leçon, de vouloir faire mieux la deuxième
1860
e vouloir faire mieux la deuxième fois, autant il
est
mauvais de vouloir se venger de cet échec, de se remarier très vite p
1861
rguer l’ex-conjoint : « Tu vas voir comme je vais
être
heureuse sans toi. » C’est une réaction infantile. Et des difficultés
1862
. Et des difficultés particulières une fois qu’on
est
remarié ? C’est ici qu’il s’agit de distinguer ce qui tient aux « act
1863
rié ? C’est ici qu’il s’agit de distinguer ce qui
tient
aux « acteurs » et ce qui tient à la situation. Ce qui tient aux acte
1864
distinguer ce qui tient aux « acteurs » et ce qui
tient
à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce sont les difficultés inév
1865
acteurs » et ce qui tient à la situation. Ce qui
tient
aux acteurs ce sont les difficultés inévitables de la vie en commun,
1866
tient à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce
sont
les difficultés inévitables de la vie en commun, les heurts, les déce
1867
, etc. Quant à la difficulté de la situation elle
tient
en une phrase ou un fait évident et qui sera ressenti plus ou moins d
1868
lle tient en une phrase ou un fait évident et qui
sera
ressenti plus ou moins douloureusement : ce n’est plus la première fo
1869
era ressenti plus ou moins douloureusement : ce n’
est
plus la première fois. Cette deuxième fois n’a davantage de chances d
1870
is faire au contraire un mariage de tout repos »,
est
un autre piège. Notre mentalité, influencée par l’héritage littéraire
1871
faut donc « quelque chose de plus » et ça ne peut
être
la passion. Quel est ce « quelque chose » sans lequel les caractères,
1872
ose de plus » et ça ne peut être la passion. Quel
est
ce « quelque chose » sans lequel les caractères, les goûts, les aspir
1873
itable moi de l’autre. C’est l’acceptation de cet
être
tel qu’il est, limité et réel mais secrètement en marche vers lui-mêm
1874
’autre. C’est l’acceptation de cet être tel qu’il
est
, limité et réel mais secrètement en marche vers lui-même que l’on cho
1875
u’il s’en doute, ou alors une certaine beauté qui
est
l’idéal standard de sa génération. Sa passion n’est que la projection
1876
t l’idéal standard de sa génération. Sa passion n’
est
que la projection sur l’autre d’un idéal qui n’existe pas — et l’on s
1877
s’en aperçoit très vite — alors que le vrai amour
est
agent de personnalisation par excellence : ce qu’il a su voir c’est l
1878
ir c’est l’irremplaçable, l’unique, ce que chaque
être
peut devenir s’il y est appelé. C’est son mystère, qui n’a rien de li
1879
l’unique, ce que chaque être peut devenir s’il y
est
appelé. C’est son mystère, qui n’a rien de littéraire, de romantique,
1880
ment ? Je pense que des solutions « préventives »
sont
infiniment préférables. Il faudrait tout d’abord dédramatiser tout ce
1881
ristan, et de toute la littérature romanesque, se
sont
ajoutés tous les tabous sexuels du xixe siècle. L’effet de révélatio
1882
le divorce : si l’on veut en tirer une leçon, il
est
essentiel de ne pas le refouler comme un acte dont on a honte ou peur
1883
uler comme un acte dont on a honte ou peur. Je
suis
pour le « mariage-maquette » Ceci appelle donc une réforme de la m
1884
le « mariage à l’essai ». Qu’en pensez-vous ? Je
suis
pour tout ce qui peut aider les gens à prendre conscience du sérieux,
1885
ue « l’essai » peut aider. Bien sûr, l’expérience
est
limitée : on sait que ça pourrait ne pas durer et l’on décide qu’on n
1886
, on organise son budget ensemble. Les parents ne
sont
pas toujours très favorables au « mariage-maquette » ? Ils ont tort.
1887
ion plusieurs années de noviciat. D’ailleurs il n’
est
pas question d’essais multiples. Pour avoir une valeur expérimentale
1888
ue les enfants et il manque tout le côté social —
être
reconnu par les autres comme un vrai couple, ce qui est un ciment — e
1889
connu par les autres comme un vrai couple, ce qui
est
un ciment — et surtout l’idée que ça doit durer toujours. « Après tou
1890
e que ça doit durer toujours. « Après tout, je ne
suis
pas mariée avec lui », se dit-on au premier accrochage sérieux et ça
1891
aurions 20 à 30 km à couvrir, nous commencions à
être
fatigués au bout de 10 à 12 kilomètres. Mais quand nous avons su que
1892
ue pendant les 20 premiers kilomètres. Le corps s’
était
disposé pour le long effort, la longue durée. Il ne se permettait pas
1893
140 km ? C’est pourquoi le mariage-maquette peut
être
considéré comme une marche d’entraînement. Le seuil de fatigue et de
1894
entraînement. Le seuil de fatigue et de lassitude
sera
infiniment plus élevé ou plus éloigné dans la « longue marche » qu’es
1895
levé ou plus éloigné dans la « longue marche » qu’
est
le vrai mariage. Pour avoir toute sa valeur il faut aussi que le pact
1896
avoir toute sa valeur il faut aussi que le pacte
soit
sans arrière-pensée. J’ai assisté, en Amérique, au mariage d’une jeun
1897
Donc le mariage-maquette donne une idée de ce qu’
est
le mariage, mais ne peut guère, faute de pacte, remplacer le premier
1898
mme le préconise Margaret Mead, dans l’idée qu’il
est
normal et inévitable de divorcer ? Il vaudrait beaucoup mieux leur ap
1899
e n’a rien de terne et d’ennuyeux (si les gens ne
sont
pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’est-ce qu’un premier
1900
t pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’
est
-ce qu’un premier mariage ? La confrontation de la passion ou plutôt,
1901
riage ? La confrontation de la passion ou plutôt,
soyons
réalistes, du désir de ressentir une passion, qui fait croire que « ç
1902
ressentir une passion, qui fait croire que « ça y
est
», avec la réalité. Quand les gens cesseront de croire que la passion
1903
Quand les gens cesseront de croire que la passion
est
l’épreuve privilégiée qui seule donne un sens à la vie, quand ils com
1904
à la vie, quand ils comprendront que la passion n’
est
jamais une raison de se marier mais au contraire une raison de ne pas
1905
u contraire une raison de ne pas se marier, et qu’
être
heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’être intensément déses
1906
re heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’
être
intensément désespéré à cause de lui pendant huit jours, la crise du
1907
se de lui pendant huit jours, la crise du mariage
sera
résolue en principe et la majorité des divorces évités. Mais l’empris
1908
rité des divorces évités. Mais l’emprise du mythe
est
tellement forte que notre vocabulaire le plus courant en est atteint
1909
nt forte que notre vocabulaire le plus courant en
est
atteint : « passionnant » c’est bien mieux qu’intéressant. Il ne s’ag
1910
! Et le mariage lui-même, pensez-vous qu’il doit
être
« modernisé » ? Le mariage ne peut renoncer ni à la durée ni à la fid
1911
se risquer, découvrir et inventer. La fidélité n’
est
pas un luxe, une coquetterie morale et encore moins une « convenance
1912
convenance » ou un « agent de répression », elle
est
la base indispensable d’une création. Quand un peintre commence une t
1913
toile il doit sans cesse lutter contre le doute (
est
-ce que ça vaut vraiment la peine ?), la paresse (c’est bon, je vais t
1914
ais bien que depuis des siècles, la fidélité nous
est
présentée comme une sorte de devoir sinistre, une mutilation volontai
1915
tre, une mutilation volontaire : nous n’avons pas
été
élevés pour être heureux ! Le contraire de la folie, du déséquilibre,
1916
ion volontaire : nous n’avons pas été élevés pour
être
heureux ! Le contraire de la folie, du déséquilibre, de la passion, d
1917
e, lorsqu’un homme pourra dire à une femme : « Je
suis
sage de toi », le mariage sera sauvé ! Qui l’osera ? al. Rougemon
1918
à une femme : « Je suis sage de toi », le mariage
sera
sauvé ! Qui l’osera ? al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le ma
1919
al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le mariage
est
à réinventer », Elle, Paris, 14 avril 1969, p. 29, 32, 34, 37, 39, 43
1920
e, l’auteur de L’Amour et l’Occident — ce livre
est
un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu sont mieux armés pou
1921
un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu
sont
mieux armés pour réussir leur vie à deux —, vous explique comment les
1922
de la passion, connaîtra plusieurs rééditions et
sera
traduit en plusieurs langues. Aujourd’hui, on le trouve en livre de p
1923
monde devait avoir de nombreux prolongements. Ce
sera
, au fil des ans, Doctrine fabuleuse, Personne du drame [sic] et Les M
1924
our-passion qu’un public nombreux et enthousiaste
était
venu entendre jeudi soir à l’Université McGill. Le sujet de cette con
1925
versité McGill. Le sujet de cette conférence, qui
était
placée sous les auspices du Département de français de l’Université M
1926
se de l’unification de l’Europe. Ce prix, qui lui
sera
décerné officiellement à Bonn en février prochain, nous rappelle util
1927
u Canada, je veux parler du prix Paul Tillich qui
est
, en quelque sorte, un prix de théologie, on aura, je crois, défini le
1928
M de Rougemont. Le personnalisme « Mais qui
est
donc M Denis de Rougemont ? », se demandait-on au lendemain de l’attr
1929
s, ce personnage énigmatique. D’entrée de jeu, il
tient
à nous mettre en garde. Ce que je voudrais bien marquer, nous dit-il,
1930
re L’Amour et l’Occident et les ouvrages que je
suis
en train d’écrire ou que j’ai déjà écrit sur le fédéralisme. Il n’y a
1931
fédéralistes. À quoi je lui ai répondu que rien n’
était
plus facile. Car pour moi, le couple est une espèce de banc d’essai d
1932
rien n’était plus facile. Car pour moi, le couple
est
une espèce de banc d’essai du fédéralisme, c’est-à-dire du système d’
1933
les deux natures, l’homme et Dieu, dans le Christ
sont
simultanément présentes, complètes chacune d’entre elles, sans sépara
1934
fois qu’il y a deux réalités contraires, mais qui
sont
bonnes l’une et l’autre, il ne faut pas s’empresser de s’en sortir en
1935
’appellerai ma philosophie. Une philosophie qui s’
est
lentement élaborée, en réaction surtout contre « cette ignorance sati
1936
sonnalistes. Pour moi, nous dit-il, la personne n’
est
ni un individu refermé sur lui-même, ni la minuscule partie d’une mas
1937
et en relation avec autrui, parce que la vocation
est
avant tout acte. Ainsi, la vocation est à la fois ce qui distingue l’
1938
vocation est avant tout acte. Ainsi, la vocation
est
à la fois ce qui distingue l’homme et le relie à la communauté où il
1939
l’écrivain. Car ce qu’il appelle engagement ce n’
est
rien moins que de tirer les conclusions pour la cité de ce qu’il appe
1940
de ce qu’il appelle la personne, puisque celle-ci
est
définie par son acte. Ainsi se trouve fondée une certaine notion de l
1941
l’engagement de l’individu. Mais cet engagement,
tient
-il à nous faire remarquer, n’implique pas qu’on s’inscrive dans un pa
1942
iser ce que l’on croit le plus intimement, que ce
soit
d’un point de vue religieux, politique ou philosophique. La contes
1943
hique. La contestation On ne peut manquer d’
être
frappé par la vigueur, par la modernité surtout de ses prises de posi
1944
a modernité surtout de ses prises de position qui
étaient
formulées, rappelons-le, avant la guerre. Mais justement la contestat
1945
tudiante qui sévit aujourd’hui de Paris à Tokyo n’
est
-elle pas une contestation personnaliste ? M. de Rougemont n’hésite pa
1946
motivations, on retrouve plusieurs de celles qui
furent
à la base du mouvement personnaliste. Ce que nous appelions en 1932 l
1947
peu plus de mérite, car la situation extérieure n’
était
visiblement pas aussi grave que celle qui prévaut aujourd’hui. Ce qui
1948
nt-là. Cette crise existentielle dont nous avions
été
les témoins stupéfaits lorsqu’elle éclata pour la première fois parmi
1949
’ai souvent pu déceler dans la contestation qui s’
est
développée à Paris, à Berlin, et ailleurs quelque chose que je crois
1950
va se passer : c’est la police qui arrive. Je ne
suis
donc pas du tout d’accord avec Sartre quand celui-ci prêche la destru
1951
t la seule contestation efficace, c’est celle qui
est
faite précisément au nom d’autre chose. Je n’ai pas du tout varié en
1952
établi au nom d’un ordre plus réel. Ce qui paraît
être
, pour beaucoup de jeunes contestataires, une conception inacceptable.
1953
testataires, une conception inacceptable. Mais je
suis
malheureusement certain qu’ils se trompent. Et cela il le regrette pr
1954
pour notre interlocuteur, la réaction des jeunes
est
fondamentalement saine. C’est une réaction contre le monde de la tech
1955
cité, par la mode, par les feuilles d’impôt. Nous
sommes
pris, de plus en plus, par des réseaux de règles dont le fondement n’
1956
us, par des réseaux de règles dont le fondement n’
est
absolument pas la dialectique de la personne, mais uniquement les que
1957
réaction vitale de leur part contre ce monde qui
est
en train de ruiner les bases mêmes de la passion. Car, finalement, si
1958
i a eu lieu récemment à Bethel, près de New York,
sont
la démonstration éclatante de ce besoin qui existe d’une nouvelle com
1959
velle communauté, d’un principe de communauté qui
soit
l’amour : un amour pas seulement sexuel, mais également spirituel. Ce
1960
que personne n’ose construire, M. de Rougemont s’
est
employé à la définir et à en propager l’idée de par le monde. Car 194
1961
te l’absurdité puisque, de par sa nationalité, il
était
neutre. Nous sommes ici à patauger, pouvons-nous lire dans son Jour
1962
ue, de par sa nationalité, il était neutre. Nous
sommes
ici à patauger, pouvons-nous lire dans son Journal des deux mondes ,
1963
s antisuisse de l’histoire. Maintenant, la preuve
est
faite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est s
1964
e par le sang, que la solution suisse et fédérale
est
seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre.
1965
uerre. Le fédéralisme L’idée fédéraliste s’
était
donc imposée comme la seule solution valable pour la survie de l’Euro
1966
paraissait nécessaire de lui demander comment il
était
passé de sa définition de la « personne » au fédéralisme. Je vous ava
1967
u fédéralisme. Je vous avais dit que l’homme doit
être
à la fois libre et responsable, il en est de même pour chaque nation
1968
e doit être à la fois libre et responsable, il en
est
de même pour chaque nation dans l’Europe fédérée que je préconise et
1969
n dans l’Europe fédérée que je préconise et qui n’
est
que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvéti
1970
’un Québec autonome. Or le fédéralisme, pour moi,
est
tout autre chose. Il consiste précisément à maintenir ces deux élémen
1971
ontradictoires : l’union et l’autonomie ; l’union
étant
toujours au service de l’autonomie, et pas le contraire. Un Québec sé
1972
ré signifierait donc, pour M. de Rougemont, qu’on
est
retombé dans la vieille formule de l’État-nation du xixe siècle ; un
1973
plus aux exigences de notre époque, car cet État
serait
à la fois trop grand et trop petit. Trop petit pour jouer un rôle int
1974
eau mondial. Mais revenons à l’Europe. Là-bas, il
est
bien certain qu’on n’arrivera jamais à unir ces États-nations. Il fau
1975
États se dissolvent en régions, et alors, et ce n’
est
seulement qu’alors, qu’on arrivera à fédérer l’Europe, car ces région
1976
ruire une Europe unie, faite de régions, mais qui
seraient
découpées différemment suivant qu’il s’agirait de régions économiques
1977
ougemont, il vous faudra séparer tout ce qui peut
être
séparé, ou comme disait Proudhon, « ne rien laisser dans l’indivision
1978
ntellectuels. Que cette idée fédéraliste du monde
soit
utopique, M de Rougemont serait le premier à l’admettre. Mais « contr
1979
édéraliste du monde soit utopique, M de Rougemont
serait
le premier à l’admettre. Mais « contre les risques qui se lèvent, l’e
1980
tre les risques qui se lèvent, l’esprit de risque
est
la seule assurance », lit-on dans Journal d’une époque . Et ailleurs
1981
s Journal d’une époque . Et ailleurs : « il faut
être
absolument moderne. L’immobilisme, l’attentisme ne représentent-ils p
1982
aq Comment faire une communauté humaine ?
Serait
-ce vous insulter ou simplifier par trop que de dire que vous vous pla
1983
acez résolument du côté de la révolution ? Je m’y
suis
toujours placé depuis ma jeunesse à Paris quand nous fondions les rev
1984
e nouveau — tout le mouvement personnaliste, qui
est
devenu ensuite le mouvement fédéraliste européen — et nous définissio
1985
au fond, ont eu comme résultat que la communauté
est
en train de se défaire, n’est-ce pas : la grande crise du xxe siècle
1986
t que la communauté est en train de se défaire, n’
est
-ce pas : la grande crise du xxe siècle, c’est la dissolution du sens
1987
s deviennent inhabitables, impraticables, et nous
sommes
obligés de nous poser cette question pour la première fois dans l’évo
1988
volution humaine : Comment faire une communauté ?
Est
-ce dans ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous ête
1989
une communauté ? Est-ce dans ce sens-là que vous
êtes
passé — ou peut-on dire que vous êtes passé — du personnalisme au féd
1990
là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous
êtes
passé — du personnalisme au fédéralisme ? Par un cheminement absolume
1991
libre et responsable. Libre dans la mesure où il
est
responsable, et responsable dans la mesure où il est libre […] Les de
1992
responsable, et responsable dans la mesure où il
est
libre […] Les deux choses sont absolument liées. C’est une formule, d
1993
ans la mesure où il est libre […] Les deux choses
sont
absolument liées. C’est une formule, d’ailleurs, que Sartre m’a prise
1994
miers livres. C’est la formule de l’engagement, n’
est
-ce pas, que j’ai lancée en France en 1933, et qui forme les deux prem
1995
res de mon premier livre, publié à Paris en 1934…
Est
-ce que le mot et la chose « engagement » ont encore aujourd’hui une s
1996
chez beaucoup de jeunes Français, notamment — qui
était
de s’engager dans un parti, c’est-à-dire de démissionner complètement
1997
eds et poings liés, à un parti, à condition qu’il
soit
de gauche d’étiquette. Pour moi — enfin, pour nous : Mounier, Dandieu
1998
qu’on croyait le plus intimement, c’est-à-dire l’
être
même de la personne — qui est actualité, agir. Alors je trouve dans m
1999
nt, c’est-à-dire l’être même de la personne — qui
est
actualité, agir. Alors je trouve dans ma définition de la personne co
2000
je trouve dans ma définition de la personne comme
être
libre et responsable à la fois le fondement de la liberté personnelle
2001
de l’action communautaire. Le mot fédéralisme
est
toujours mal compris Vous savez sans doute que le Canada a un régi
2002
ute que le Canada a un régime politique fédéral ?
Est
-ce que vous avez étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je sui
2003
étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je
suis
devenu, presque, le théoricien, en Europe, du fédéralisme — je prépar
2004
édéralisme, où je constate que le mot fédéralisme
est
toujours mal compris. Et c’est presque fatal, parce que c’est un mot
2005
s, et la réalité de l’union qui, dans mon esprit,
est
destinée à garantir ces autonomies. Si vous voulez : il y a deux mani
2006
ibération maximales des hommes, des personnes. Je
suis
contre l’État-nation dans sa formule xixe siècle, qui ne visait qu’à
2007
ée à toutes espèces de réalités humaines — que ce
soit
des réalités religieuses, politiques, monétaires, économiques, d’état
2008
— on met tout ça dans une même frontière, ce qui
est
démentiel, n’est-ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’on a voulu n
2009
dans une même frontière, ce qui est démentiel, n’
est
-ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’on a voulu nous faire avaler
2010
ore, comme une forme possible de gouvernement. Qu’
est
-ce que le Centre européen de la culture, que vous avez fondé, je pens
2011
ification européenne, des efforts économiques qui
étaient
faits à Luxembourg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui éta
2012
rg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui
étaient
faits par le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Il nous semblait à tou
2013
d’ailleurs, qu’il fallait un troisième volet, qui
était
la culture… Alors, j’ai créé ce centre à Genève, très petit, avec trè
2014
i à créer ce Centre et à le maintenir. Qui devait
être
un lieu de rencontre pour les hommes de culture qui voulaient l’union
2015
e garder en Europe nos physiciens qui, autrement,
seraient
tous partis en Amérique — exode des cerveaux ! Nous avons créé aussi
2016
, nous avons créé un Institut universitaire — qui
est
lié à une université — qui se consacre à des études d’intérêt largeme
2017
culturelles. Depuis la fondation de ces centres,
est
-ce que l’idée de culture, la notion de culture a évolué ? Oui, je cro
2018
tion de culture a évolué ? Oui, je crois que nous
sommes
arrivés tout de même à combattre avec pas mal de succès cette idée fo
2019
uels de notre jeunesse — des manuels scolaires, n’
est
-ce pas ? — qui présentaient l’Europe comme une addition de cultures n
2020
ible, en dehors d’une unité de civilisation — qui
est
l’unité européenne. Ma passion fondamentale : trouver un sens à la
2021
n fondamentale : trouver un sens à la vie Vous
êtes
probablement dans le monde l’un des grands exégètes de l’amour ; quel
2022
mour me conduit au fédéralisme. J’ai dit : rien n’
est
plus facile. Le mariage, c’est le banc d’essai du fédéralisme. Qu’est
2023
mariage, c’est le banc d’essai du fédéralisme. Qu’
est
-ce que le fédéralisme ? C’est faire coexister ensemble des natures di
2024
et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui
est
religieuse en ceci que vous dites que l’amour ou les modes d’expressi
2025
que l’amour ou les modes d’expression de l’amour
sont
basés sur des choix essentiellement de nature religieuse. Avec la déb
2026
et de la chose religion, comment cette vue-là se
tient
-elle aujourd’hui ? Moi, je ne suis pas du tout d’accord : il n’y a pa
2027
tte vue-là se tient-elle aujourd’hui ? Moi, je ne
suis
pas du tout d’accord : il n’y a pas du tout de débandade de l’idée re
2028
e débandade des institutions religieuses — ce qui
est
tout à fait autre chose, n’est-ce pas ? Les cadres étatiques de la re
2029
ligieuses — ce qui est tout à fait autre chose, n’
est
-ce pas ? Les cadres étatiques de la religion sont en crise, comme l’É
2030
’est-ce pas ? Les cadres étatiques de la religion
sont
en crise, comme l’État est en crise — l’État-nation est en crise part
2031
tiques de la religion sont en crise, comme l’État
est
en crise — l’État-nation est en crise partout. Les formes ecclésiasti
2032
crise, comme l’État est en crise — l’État-nation
est
en crise partout. Les formes ecclésiastiques, et tout ça, sont en ple
2033
partout. Les formes ecclésiastiques, et tout ça,
sont
en pleine crise — je n’irai pas jusqu’à dire débandade, mais on n’en
2034
e n’irai pas jusqu’à dire débandade, mais on n’en
est
pas loin. […] Comme je le disais d’ailleurs dans un livre écrit penda
2035
nnui mécanique et technique, dont la contrepartie
sera
immanquablement une espèce d’immense surgissement, une lame de fond r
2036
ites notamment une sortie contre la psychanalyse.
Est
-ce que… Non, pas du tout. Je suis très intéressé par la psychanalyse
2037
la psychanalyse. Est-ce que… Non, pas du tout. Je
suis
très intéressé par la psychanalyse et il y a très longtemps que je m’
2038
pelais le pouvoir de « décréation » du diable. Je
suis
en train de préparer une cinquième réédition de ce livre en Amérique,
2039
y a une certaine correspondance, une analogie. Il
est
certain que pour moi, le diable, c’est une espèce de symbole de tout
2040
t ce qui tend à détendre les énergies humaines, n’
est
-ce pas ?, à unifier, à uniformiser, à égaliser, et toujours au profit
2041
e. Contre ça, il faut des révoltes qui ne peuvent
être
que personnelles, individuelles, qui recréent des petits foyers de ra
2042
nautés. Et grâce à ça, on maintient l’humanité, n’
est
-ce pas ? L’humanité ne progresse que par les meilleurs, et ne dure qu
2043
e faut pas donner tout l’avantage aux moyens : ça
serait
donner l’avantage au diable. ap. Rougemont Denis de, « [Entretien
2044
t introduits par la note suivante : « Parce qu’il
est
né à Neuchâtel (Suisse) en 1906, Denis de Rougemont a maintenant pass
2045
à-dire qu’il a deux fois l’âge où l’on commence à
être
suspect pour les jeunes. Et pourtant !… À l’entendre parler de person
2046
ndre parler de personnalisme, mouvement auquel il
est
associé avec Emmanuel Mounier dans la fondation d’Esprit, et dans la
2047
renouvellement de l’ordre des choses actuelles n’
est
pas qu’un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’il ne se gêne