1 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme suisse (1963)
1 Le fédéralisme suisse (1963) a La Suisse ne saurait se targuer d’avoir donné à l’Europe et au mon
2 isse (1963)a La Suisse ne saurait se targuer d’ avoir donné à l’Europe et au monde une « culture nationale » bien caractéri
3 culture nationale » bien caractérisée ; ni même d’ avoir été la mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée, mar
4 t un style doté du nom de sa terre natale. Il n’y eut jamais de peinture suisse, au sens où l’on a pu parler d’une peinture
5 ’y eut jamais de peinture suisse, au sens où l’on a pu parler d’une peinture vénitienne ou hollandaise ; ni de musique su
6 s en ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait été globalement inférieur à celui de toute autre région de dimensions
7 nd-duché de Weimar. C’est que l’ensemble suisse n’ a jamais été défini par autre chose que par un système d’alliances, emb
8 n cette affaire où le sens concret du bien public a beaucoup plus à voir que l’idéologie. ⁂ Comme toutes les choses vivan
9 r les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles s
10 oureusement contraire à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volon
11 re à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation t
12 Prenons l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible dans un tableau sans contrastes de couleurs,
13 de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple j
14 it pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en o
15 on se cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns sont te
16 us pouvons nous rattacher directement, nous qui n’ avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant « culture nat
17 nous rattacher directement, nous qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant « culture nationale 
18 us qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’ avoir une soi-disant « culture nationale », intermédiaire entre l’Europe et
19 de l’Histoire. La culture européenne n’est pas, n’ a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ».
20 les ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment des nations qui divis
21 visent aujourd’hui l’Europe, et dont la plupart n’ ont même pas cent ans d’existence : il faut bien admettre que la culture
22 nce, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’ as -tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chac
23 ibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’ aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chacun des 24 États-n
24 ture européenne à chacun des 24 États-nations qui ont découpé et longtemps déchiré le corps de notre continent. ⁂ Or il se
25 e, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État et n’ a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez no
26 tits compartiments naturels ou historiques, qui n’ ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut
27 estantisme est majoritaire en Suisse romande ; il a déterminé en grande partie nos mœurs, notre exigeant souci moral et n
28 e pour les cérémonies, à moins que son adoption n’ ait résulté de notre tempérament particulier, mais cela revient au même.
29 ui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont conscience ou ne voudraient l’admettre. D’où résulte qu’un Suisse rom
30 et moderne. Autant de réalités ou d’entités qui n’ ont pas les mêmes frontières, qui ne se couvrent que très partiellement,
31 explorent, ils s’y sentiront vite chez eux, sans avoir à renier leur clocher. Définition de la liberté fédéraliste. Nos meil
32 èmes pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans l
33 onzague de Reynold. Européens en ce sens qu’ils n’ ont pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture europé
34 mun caractère de Suisses romands, si profondes qu’ aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? C
35 e sens de son fédéralisme étroit). Cette erreur l’ a peut-être soutenu, en tant qu’artiste, comme il arrive ; elle n’en fu
36 l’Europe classique puis romantique. Les sciences ont pris sa place, à cet égard. Or quel rang la Suisse y tient-elle ? « L
37 direct, leur expérience du fédéralisme vécu. Nous avons produit peu de génies du premier ordre, tels que Rousseau ou C. G. Ju
38 aucoup d’excellents ou même de grands esprits qui avaient ce sens, trop rare chez nos voisins. Cet apport très typiquement suis
39 ture du dernier siècle et notre crise totalitaire ont propagés. L’apport suisse, aujourd’hui, se confond donc avec l’apport
40 hiers internationaux de sociologie, Paris, 1961. a . Rougemont Denis de, « Le fédéralisme suisse », La Suisse face à l’a
2 1963, Articles divers (1963-1969). Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)
41 tions et par rapport à ces notions de l’homme qui ont fait que l’Europe, malgré tout, représente autre chose et un peu plus
42 s traits dans quels termes elle se pose, et qui l’ a posée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a vu surgir, en li
43 osée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a vu surgir, en lieu et place de la prépondérance des États de l’Europe
44 che de quelque union encore mal définie, mais qui a déjà force de mythe, en Afrique noire et dans le monde arabe. La tend
45 congrès et des associations de militants qui leur ont préparé la voie dans les esprits. Puis des hommes politiques se propo
46 proposent pour diriger ce mouvement naissant, qui a peut-être le vent de l’histoire en poupe. Ils ne sont pas nombreux d’
47 tuels et des utopistes mal écoutés et peu suivis, ayant reçu ses premières solutions expérimentales et concrètes au plan écon
48 s expérimentales et concrètes au plan économique, ayant par là même alerté les intérêts et l’opinion, elle débouche enfin sur
49 ion hélas impropre en l’occurrence, car, ainsi qu’ a tenu à le préciser le général de Gaulle lui-même (conférence de press
50 veaux besoins d’union apparus depuis 1945, et qui ont posé, précisément, la question européenne. Elle supposerait en tout c
51 nt ce qu’elles sont », la notion d’indépendance n’ a pas déjà cédé le pas, en fait plus encore qu’en droit, à la notion d’
52 ion politique déjà implicite dans les traités qui ont institué les Communautés européennes », mais elle ne suggère pas les
53 économiques, serait celle des trois solutions qui aurait le moins de chances dans cette compétition. ⁂ Les raisons qui nous on
54 es dans cette compétition. ⁂ Les raisons qui nous ont fait retenir la solution fédéraliste comme thème central de nos étude
55 ys où nous sommes, et dont je suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de l’Europe unie. E
56 s origines et nos champs d’intérêts particuliers, avons tous les trois été amenés par nos précédents travaux à étudier certai
57 ement aux cours et aux travaux de séminaire, nous avons convoqué un groupe d’une vingtaine de juristes, philosophes, historie
58 dans quelques semaines. Les étudiants avancés qui auront présenté en conférence des travaux intéressants, auront la possibilit
59 présenté en conférence des travaux intéressants, auront la possibilité d’y participer. Voilà donc le programme initial de not
60 particulier de mon cours, mais je souhaite qu’ils aient permis déjà d’en pressentir les intentions. Il pourrait sembler logiq
61 imple et de quelques principes axiomatiques. On l’ a même décrit comme l’antisystème10. Aux yeux de la plupart des auteurs
62 c’est-à-dire une association des départements qui eussent formé autant de républiques distinctes, comme les cantons suisses… Ce
63 ulé The Federalist (dont une traduction française a paru en 1957). En France, c’est l’œuvre posthume de Proudhon, Du Prin
64 ans qui s’inspire de ses travaux, rénove ce que j’ ai nommé « l’attitude fédéraliste ». Plusieurs des membres de ce groupe,
65 vous voyez que la discussion est très ouverte… J’ ai donc estimé qu’au lieu de partir d’une définition pseudo-scientifique
66 nt celui de Coudenhove-Kalergi, publié en 1923, n’ a entraîné d’action politique concrète, et moins encore de résultats. C
67 que également cette paternité. À cet égard, nous aurons l’occasion d’illustrer fréquemment un phénomène curieux : la pratique
68 un phénomène curieux : la pratique du fédéralisme a précédé de plusieurs siècles sa théorie (ceci peut être vérifié le pl
69 plus exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’ a été connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant parti,
70 généalogie des grands desseins européens que nous aurons à établir, au moins autant qu’un constat déprimant d’échecs pratiques
71 erre Duclos, Sijthoff, Leyden, 1963. 12. Comme l’ ont montré en premier lieu des historiens suisses tels que Karl Meyer pui
72 liberté de la culture. Auteur de 24 ouvrages qui ont été traduits en 12 langues. »
3 1963, Articles divers (1963-1969). Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)
73 d’un Kant, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ ont vécu que dans leur seule nation, et d’elle seule ont nourri leur carr
74 vécu que dans leur seule nation, et d’elle seule ont nourri leur carrière) mais par leur biographie, leurs horizons, leurs
75 au génie de la culture occidentale, car celle-ci a toujours été faite par des foyers locaux, et non par des nations ; pa
76 a Suisse n’est pas une nation comme les autres, n’ ayant été pendant des siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale, et
77 turelle ? Une énumération complète de nos gloires ayant atteint le niveau européen, ou même mondial, dessinerait un profil ca
78 e mouvementée ? Certes, tous les pays européens n’ ont pas leur Mozart, leur Rembrandt, leur Baudelaire ou leur Descartes. M
79 ais force est bien de reconnaître que la Suisse n’ a rien de comparable à la musique flamande de la Renaissance, à la pein
80 rité dans nos productions versifiées. La peinture avait pris un beau départ au xvie siècle, mais l’école turbulente de Conra
81 une aux créateurs issus de nos divers cantons, on aura plus de chances de les trouver dans le domaine du roman : La Nouvelle
82 de créer quelque chose, tout se passe comme s’il avait à se faire pardonner son ambition ou son génie individuel en démontra
83 ays. L’architecte suisse par exemple — et nous en avons d’excellents — doit voir plutôt petit, fonctionnel et très sobre, s’i
84 el et très sobre, s’il reste en Suisse. Mais s’il a le goût de la grandeur, c’est à Rome qu’il ira terminer l’énorme dôme
85 Jura neuchâtelois. Voilà pourquoi les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hommes utiles, au s
86 t sa fanfare ; chaque ville de quelque importance a ses sociétés de concerts, de théâtre et de conférences hebdomadaires,
87 elle dispose. N’est-elle pas le pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les plus concrètes de savoir que le te
4 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)
88 r les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles s
89 oureusement contraire à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volon
90 re à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation t
91 . Prenez l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible sans contrastes de couleurs, et sans nuances
92 de l’artiste, hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple j
93 it pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en o
94 on se cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns oublien
95 je parle après tout à des citoyens suisses, qui n’ auront éprouvé aucune peine à me traduire en termes d’expérience politique t
96 ncrète —, tout est dit en principe de ce que nous aurions à dire sur les rapports entre le fédéralisme et la culture, et sur le
97 us pouvons nous rattacher directement, nous qui n’ avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant culture natio
98 nous rattacher directement, nous qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant culture nationale, i
99 us qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’ avoir une soi-disant culture nationale, intermédiaire entre l’Europe et nos
100 de l’Histoire. La culture européenne n’est pas, n’ a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ».
101 les ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment des nations qui divis
102 visent aujourd’hui l’Europe, et dont la plupart n’ ont même pas cent ans d’existence : il faut bien admettre que la culture
103 nce, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’ as -tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chac
104 ibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’ aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chacune des vingt-qua
105 européenne à chacune des vingt-quatre nations qui ont découpé leur État dans le corps de ce continent. III Or il se t
106 e, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État et n’ a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez n
107 tits compartiments naturels ou historiques, qui n’ ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut
108 pour les cérémonies — à moins que son adoption n’ ait résulté de notre tempérament particulier, mais cela revient au même ;
109 ui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont conscience ou ne voudraient l’admettre. Tels étant nos principaux car
110 èmes pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans l
111 onzague de Reynold. Européens en ce sens qu’ils n’ ont pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture europé
112 mun caractère de Suisses romands, si profondes qu’ aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempérament ? C
113 s de son fédéralisme mal compris). Cette erreur l’ a peut-être soutenu, comme il arrive, mais n’en fut pas moins responsab
114 rect, leur expérience du fédéralisme vécu. Nous n’ avons pas produit de génies du premier ordre, à part Rousseau, mais beaucou
115 aucoup d’excellents ou même de grands esprits qui avaient ce sens, trop rare chez nos voisins. Cet apport très typiquement suis
116 ture du dernier siècle et notre crise totalitaire ont propagés. L’apport spécifique de la Suisse étant le sens du fédéralis
117 sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’ avons vu, au génie de la culture en Europe, la question qui se pose mainten
118 erve avec d’autres cantons ou pays. Votre congrès ayant pour premier objectif de surmonter cette tendance défensive, fausseme
119 ance nécessaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait la Renaissance en Italie, en Flandres ou en Bourgogne, étaient a
120 en revanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de ré
121 nt pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j’ ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit des mêmes réalités spi
5 1963, Articles divers (1963-1969). À propos de la culture européenne (avril 1963)
122 pos de la culture européenne (avril 1963)d e J’ ai lu avec un étonnement croissant le petit article de M. Chiti-Batelli
123 , même pas philosophique mais « géographique ». N’ ayant jamais connu d’« Européens » à ce point illettrés et fanatiques, j’at
124 la note suivante : « À la suite de l’article : “Y a-t -il une culture européenne ?” publié dans notre numéro de décembre, no
125 nne ?” publié dans notre numéro de décembre, nous avons reçu la lettre suivante de Denis de Rougemont, directeur du Centre eu
6 1963, Articles divers (1963-1969). Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)
126 calisme. Ni l’une ni l’autre des deux tendances n’ a jamais été isolée à l’état pur et portée dans la réalité à son comble
127 des. Mais la volonté ou l’initiative d’un seul n’ aurait aucune chance de succès si elle ne rencontrait dans les masses des pr
128 ment celui du manager et celui du professeur. Ils ont en commun une volonté déclarée d’objectivité (technique ou scientifiq
129 s logiques ne seraient pas ce qu’elles sont, ou n’ auraient pas eu lieu. Lors du premier congrès de l’Union européenne des fédéra
130 s fédéralistes, qui se tint à Montreux en 1947, j’ avais tenté de situer à grands traits cette idée de l’homo europaeus dans l
131 bles que les dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir, pendant la dernière guerre, que les résistances que rencontr
132 hommes d’État et les groupes qui les instituaient avaient constamment obéi à certains principes directeurs ou réflexes quasi in
133 eurs intérêts particuliers, ou de leur idéologie, a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se sont ligués contre lui
134 primauté, les autres se sont ligués contre lui, l’ ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrè
135 bligé à rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrès. Lors de la dernière crise grave, la guerre civile
136 s États sudistes de l’Amérique), les vainqueurs n’ ont eu rien de plus pressé que de rendre aux vaincus leur pleine égalité
137 ats sudistes de l’Amérique), les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que de rendre aux vaincus leur pleine égalité de
138 e cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, a résulté la Constitution de 1848, base de notre État fédératif moderne
139 ustice ou une erreur dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux la minorité ne
140 tres carrés. Quatrième principe. La fédération n’ a pas pour but d’effacer les diversités et de fondre toutes les nations
141 Prenons l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible, dans un tableau, sans contrastes de couleurs
142 l’artiste) et hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple j
143 it pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en o
144 prendraient aussi que dans une fédération elles n’ auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacun
145 nière et selon son génie. Après tout, le poumon n’ a pas à « tolérer » le cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être un
146 atifs, culturels, linguistiques, religieux, qui n’ ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent de cent manières différ
147 es équipes en présence. C’est pourtant bien ce qu’ avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce qu’a tenté à nouveau l
148 tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce qu’ a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération europ
149 peut être l’œuvre de groupes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fédérer en dehors des gouvernements nationaux
150 r par les partis qu’ils commandaient chez nous, n’ ont réussi à provoquer la fédération de nos craintes et de nos forces de
151 t des États en concurrence nationaliste : elles n’ ont contribué qu’à notre division, et presque à notre ruine à deux repris
152 1783, et les vingt-deux cantons suisses en 1848, ont compris qu’isolés ils tombaient, mais qu’unis ils pouvaient à la fois
153 paniques générales, ni les délires de conquête n’ ont jamais rien construit en Europe. Seules, les prises de conscience dra
154 es et culturelles ménagées par l’union virtuelle, ont réussi à provoquer la formation d’institutions fédératives durables.
155 . Les conséquences de la dernière guerre mondiale ont placé les nations européennes dans une situation comparable à bien de
156 : rester libre chez soi. Or les uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’à moitié raison. Le véritable fédéralisme
157 Or les uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ ont qu’à moitié raison. Le véritable fédéralisme ne consiste ni dans la s
158 les que je viens de signaler pour la Suisse. Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et à la renforce
159 ont qu’à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout de sauvegarder les droits de c
160 opéens, pris d’angoisse devant l’essor technique, ont popularisé l’idée que la machine était en passe d’asservir l’homme. É
161 pres inventions ! Car il est clair que la machine a été inventée par les Européens pour les libérer du travail qui pouvai
162 libertés locales ou personnelles. Ces mécanismes ont pour fonction normale de décharger les communautés fédérées de tâches
163 pparaît maintenant comme la traduction politique. Ayant défini de la sorte la santé de l’Europe à construire, je ne perdrai p
164 ns, comme si le reste du monde n’existait pas : j’ ai dit plus haut que ce sont, à la racine, les maladies de la personne e
165 cennies à venir ? Et de quels mécanismes l’Europe a-t -elle besoin pour atteindre ces buts, ou pour s’en rapprocher ? Buts
166 s des individus, groupes, régions, capable donc : a ) d’organiser à l’intérieur du continent les services libérant personn
167 érialistes dont une union forcée (uniformisation) aurait frustré chacun de ses membres, au lieu de lui permettre de les transm
168 paresse d’esprit d’une classe politicienne qui n’ a pas su prévoir Hitler, et qui trouvait le Marché commun trop techniqu
169 ion européenne déclare que l’union de ses peuples a pour fins, d’une part, d’assurer les libertés et les responsabilités
170 ges à Menton, sans contrôles aux aérodromes, sans avoir à changer de monnaies en y perdant à chaque guichet, sans rien déclar
171 le plus riche et le plus varié du monde. L’Europe a donc cessé de se sentir écrasée entre les « deux grands » : elle est
172 un pays d’origine, d’une communauté définie où il a (ou prend) ses racines ; et il peut y exercer ses droits civiques. Le
173 l’Europe à La Haye6). Le fait que leur fédération ait désormais, en tant que telle, une politique étrangère commune, signif
174 sponsables de leur État. La fédération européenne a solennellement déclaré qu’elle renonçait à la guerre comme moyen poli
175 , ou institutions Les institutions européennes ont pour raison d’être et principe formateur d’exprimer et de garantir le
176 înerait une fédération. Parenthèse 1963 a ) Rapports entre les souverainetés nationales et la fédération Entr
177 enoncent ? Si c’est une condition sine qua non, y a-t -il une chance quelconque qu’on l’obtienne jamais, donc qu’on arrive j
178 est le plus froid des monstres froids », comme l’ a dit Nietzsche. Mais s’il est vain de fonder l’espoir d’une constructi
179 Constitution fédérale de la Suisse (1848) semble avoir résolu la quadrature du cercle. Loin d’exiger des cantons une renonci
180 a majorité du peuple et des cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction générale depuis cent-quinze ans.
181 abile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est
182 ns cela d’un peu plus près. Les cantons suisses n’ ont plus le droit de faire la guerre, ni d’entretenir leur propre armée,
183 tés au niveau fédéral, et la fédération, de plus, a renoncé au droit d’attaquer ses voisins ou de prendre parti dans leur
184 e leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Suez a permis d’en juger. Deux grands États de l’Europe avaient tenté de fai
185 permis d’en juger. Deux grands États de l’Europe avaient tenté de faire valoir les droits fondamentaux que la doctrine classiq
186 s, qu’ils venaient d’engager contre l’Égypte. Ils ont immédiatement obtempéré. Or, ces puissances n’étaient pas même europé
187 eulement par l’une des puissances extérieures qui ont la souveraineté atomique. Cette situation aussi dangereuse qu’humilia
188 entralisés de l’Europe, hérités du dernier siècle ont poursuivi le dessein systématique d’effacer leurs diversités, tant pr
189 e et de régulateur entre le monde et les régions, a pour double effet de diminuer l’importance des anciens États et d’aug
190 ste. (Rappelons que les anciens empires coloniaux avaient été créés par les États nationalistes en compétition brutale, et que
191 s en compétition brutale, et que leur liquidation a seule permis le rapprochement des peuples de l’Europe.) C’est pourquo
192 ’Europe.) C’est pourquoi la fédération européenne a solennellement proclamé qu’elle renonçait à la guerre comme moyen d’i
193 ration, se trouve ainsi résolu, leur neutralité n’ ayant plus lieu de s’affirmer ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Quant à s
194 cle arctique (recherches spatiales), dès 1963, en ont été les deux premières illustrations. D’autre part, les problèmes fon
195 is rapidement adoptée par tous les pays du monde, ont montré la nécessité d’une politique commune des Européens dans le dom
196 étique » édifiée sur un terrain vague — il n’y en a d’ailleurs plus d’assez vaste, dans l’Europe de 1980. Le District féd
197 . De même qu’au xiie siècle les premiers cantons avaient reçu « l’immédiateté impériale » pour défendre le col du Gothard au n
198 District européen. Les autorités de la fédération ont leur siège dans ses villes principales, Zurich, Bâle, Genève. Elles s
199 que les citoyens du district fédéral américain n’ avaient pas le droit de vote lors de l’élection du président)9 préviennent to
200 son statut traditionnel de neutralité, dont nous avons vu par ailleurs qu’il a perdu ses anciennes justifications. VI.
201 neutralité, dont nous avons vu par ailleurs qu’il a perdu ses anciennes justifications. VI. Chances de réalisation
202 isme est une méthode d’organisation politique qui a fait ses preuves notamment en Suisse et aux États-Unis et qui est pra
203 enser que les réussites suisse et nord-américaine ont une valeur probante pour les « réalistes », sinon pour les « idéologu
204 ions réitérées du Vatican, et les protestants qui ont gardé vivante la tradition calvinienne, ne peuvent, en bonne doctrine
205 égime fédéraliste la garantie à des droits qu’ils ont longtemps revendiqués contre les cléricalismes unitaires, voire total
206 ndre un sens précis et spécifique, tel que nous l’ avons défini plus haut. Cet ensemble de facteurs positifs, négatifs, et amb
207 racer cette esquisse d’une union fédérale, nous n’ avons eu qu’à nous laisser guider par deux séries de déductions inévitables
208 cette esquisse d’une union fédérale, nous n’avons eu qu’à nous laisser guider par deux séries de déductions inévitables, e
209 ables, et qui sont au surplus convergentes. L’une a pour point de départ la définition de l’homo europaeus comme personne
210 t pas que ces obstacles soient bien forts — ils n’ ont guère plus de consistance que les ténèbres — mais c’est que les parti
211 un chemin tant qu’on ne sait pas au juste où l’on a décidé d’aller : on se contente de charger des experts d’étudier les
212 s ce sens, voir l’avenir, c’est aussi le créer. J’ ai tenté d’éclairer notre avenir fédéral, avec un projecteur de fortune.
213 déral, avec un projecteur de fortune. Des reliefs ont été laissés dans l’ombre, des détails ont pris trop d’importance. Mon
214 reliefs ont été laissés dans l’ombre, des détails ont pris trop d’importance. Mon regard trop souvent n’a vu que ce qu’il c
215 pris trop d’importance. Mon regard trop souvent n’ a vu que ce qu’il cherchait, ce qui était dans mon esprit et non dans l
216 ns mon esprit et non dans la réalité. Cet essai n’ a donc d’autre ambition que d’appeler des mises au point optiques. Il y
217 t this congress, is… to raise the voice of Europe as a united home… » (Cf., mon Europe en jeu , p. 126). 7. Une seule ex
218 his congress, is… to raise the voice of Europe as a united home… » (Cf., mon Europe en jeu , p. 126). 7. Une seule exce
219 , date à laquelle un amendement à la Constitution a autorisé les citoyens du District of Columbia à prendre part à l’élec
7 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
220 % des hommes et 91,5 % des femmes) et jamais on n’ a autant divorcé (10 % des couples) : le mariage se porte donc beaucoup
221 porte donc beaucoup… mais se porte plutôt mal. Y a-t -il vraiment une crise du mariage ? Naturellement. Seulement il serait
222 énomène de l’ère atomique. Le nombre des divorces a quand même doublé depuis cinquante ans ? C’est que cette crise a des
223 ublé depuis cinquante ans ? C’est que cette crise a des causes nombreuses et complexes. Les unes sont liées au progrès et
224 ements, des névroses. Ces nouvelles connaissances ont créé de nouvelles exigences que nos grands-parents n’avaient pas. La
225 é de nouvelles exigences que nos grands-parents n’ avaient pas. La recherche du bonheur individuel prime aussi à l’heure actuell
226 s est si familière que nous nous figurons qu’elle a toujours existé a, en fait, une date et des origines bien précises. P
227 que nous nous figurons qu’elle a toujours existé a , en fait, une date et des origines bien précises. Pendant des siècles
228 rtois chanté par les troubadours. Ce sont eux qui ont apporté le langage nécessaire aux aspirations de l’âme médiévale, qui
229 aire aux aspirations de l’âme médiévale, qui leur ont permis de s’exprimer et de s’avouer au grand jour. Pour la première f
230 ur et l’un des plus grands, Guillaume de Poitiers avait séjourné dans le Proche-Orient au cours d’une croisade et en Espagne
231 rient au cours d’une croisade et en Espagne où il avait épousé la veuve d’un roi d’Aragon. Aux poètes arabes de l’école de Co
232 nne d’origine orientale, l’hérésie cathare, qui l’ a fourni ; cette hérésie qui s’installe solidement dans les cours et le
233 ues, mais de celles qui sont procréatrices et qui auraient pour effet de faire tomber une âme de plus dans un corps vil. La chas
234 ment inconnue dans les pays orientaux, pourquoi n’ a-t -elle fait fortune qu’en Occident ? C’est que la passion ne s’approfon
235 n lui oppose, qui les invente au besoin : Tristan aurait pu garder Iseut aux cheveux d’or qu’il est allé conquérir pour son ro
236 devenues d’autant plus contraignantes qu’elles n’ ont plus de pouvoir que sur nos rêves. Quel rapport a donc au juste le ro
237 t plus de pouvoir que sur nos rêves. Quel rapport a donc au juste le roman de Tristan et la crise du mariage ? C’est que
238 résie spiritualiste (l’hérésie cathare) dont nous avons perdu la clef, le mythe dégradé, profané, ne se traduit plus que par
239 jour ou l’autre dans l’infidélité. Alors, il n’y a pas de solution ? Si. Il faut complètement reconsidérer le mariage. N
240 , caractères, tempéraments compatibles. Mais vous aurez beau mettre toutes les chances de votre côté, jamais vous ne pourrez
241 h. Introduit par cette note : « Tous les couples ont des histoires, même les couples heureux. Ils ont des problèmes, des d
242 ont des histoires, même les couples heureux. Ils ont des problèmes, des déceptions, des inquiétudes… Est-ce inévitable ? N
243 et qui explique pourquoi les hommes et les femmes ont tant de difficultés, actuellement, à réussir leur vie conjugale. En e
244 la passion, son ennemie intime. Or, si la passion a fait son apparition en Europe bien avant le café et la pomme de terre
245 ation”, non une fatalité. D’où vient-elle ? Qui l’ a introduite en France ? Comment l’affronter ? Et enfin, comment réussi
246 rien n’est perdu pour qui veut comprendre ? Nous avons demandé à Denis de Rougemont de répondre à ces questions qui sont dan
8 1963, Articles divers (1963-1969). Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)
247 À la suite de la remarquable conférence qu’il a faite jeudi soir au Club 44, M. Denis de Rougemont a bien voulu nous
248 aite jeudi soir au Club 44, M. Denis de Rougemont a bien voulu nous accorder un entretien au cours duquel nous lui avons
249 us accorder un entretien au cours duquel nous lui avons posé quelques questions qui nous tenaient particulièrement à cœur. Lo
250 ale et les civilisations extraeuropéennes », vous avez mentionné l’urgence de créer des centres internationaux culturels, au
251 entre européen de la culture. À cette réunion, il a été décidé de former de tels centres, un peu partout dans le monde. Q
252 que ceux à créer par la suite, en une fédération ayant pour siège Genève. Nous encourageons les centres à publier des ouvrag
253 s, par exemple, 360 millions de ces petits livres ont été vendus en 1960, ce qui représente une moyenne d’un million par jo
254 e une moyenne d’un million par jour ! L’entretien a pris fin. Denis de Rougemont s’apprête à dédicacer quelques-uns de se
9 1964, Articles divers (1963-1969). L’idée européenne en Suisse (1964)
255 ten et le Pacte public de Brunnen en 1315, il n’y avait pas de Suisse, ni sur les cartes, ni dans les chartes. Le nom même ét
256 nauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n’ aura pas vécu en vain ni sans gloire14. » Pratiquement ignoré de nos jours
257 continent à former « une sorte de lien fédéral » a été prononcé à Zurich un an plus tôt. Cette idée aussitôt adoptée par
258 rôle qu’y joue notre pays. Le congrès de La Haye ayant préconisé la création d’un Centre européen de la culture, celui-ci s’
259 outre-mer, etc. La première « chaire européenne » a été créée en 1957 par l’Université de Lausanne et un centre de recher
260 ersité de Lausanne et un centre de recherches lui a été adjoint tôt après. Genève a suivi en ouvrant un Institut d’études
261 de recherches lui a été adjoint tôt après. Genève a suivi en ouvrant un Institut d’études européennes en 1963. Une nouvel
262 u Conseil fédéral. Ainsi l’idée européenne semble avoir trouvé parmi nous un climat favorable et un terrain fertile. Rousseau
263 enève prennent pour thème l’Esprit européen. Et j’ ai marqué la filiation — trop mal connue — qui va de Hertenstein au cong
264 , et ce sont quelques Suisses entreprenants qui l’ ont permis. Qu’a fait, pendant ce même temps, la Suisse légale ? Et que p
265 elques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’ a fait, pendant ce même temps, la Suisse légale ? Et que pensaient les
266 aut reconnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins « réservées » et que notre peuple l
267 Et notre arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’ a jamais été « justifiée », — comme disaient mes instituteurs. Qu’en es
268 journalistes. Arguments économiques. — La Suisse a très bien réussi jusqu’ici sans subordonner son économie à celle d’un
269 ée. Arguments politiques. — La neutralité suisse a été garantie « dans les intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’un
270 réviser les termes, comme d’ailleurs la Suisse l’ a fait maintes fois, depuis qu’au xvie siècle ses circonstances politi
271 siècle ses circonstances politiques intérieures l’ ont contrainte à se retirer du jeu des puissances militaires. La neutrali
272 du jeu des puissances militaires. La neutralité n’ a jamais été qu’un moyen au service de notre indépendance ; « elle ne f
273 nale actuelle, économique, politique et militaire a , en fait, complètement transformé le sens, la portée et la réalité de
274 à-dire contre son essence fédéraliste ; mais nous aurons perdu le droit de nous en plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1°
275 outer : 1° que s’il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Rouge lors des conflits européen
276 a guerre d’Algérie, l’existence d’une Europe unie eût peut-être été capable, elle, de prévenir ces crises, et elle diminuer
277 r tabou — traître est celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Isolée de l’Histoire, en quelque sor
278 érêts de l’Europe entière, on s’apercevra qu’elle a perdu ses bases contractuelles. Déclarer par exemple que la Suisse se
279 ents constitutionnels. — Le prof. Paul Guggenheim a démontré d’une manière magistrale que l’adhésion de la Suisse à une o
280 péenne nécessaire à l’expansion de notre économie a dû passer de 90 000 personnes en 1950 a plus de 800 000 en 1963. Que
281 économie a dû passer de 90 000 personnes en 1950 a plus de 800 000 en 1963. Que peuvent bien signifier, dans une telle c
282 ationales ». L’union de la Suisse, depuis 1848, n’ a pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il est pour le moins b
283 peuples est un danger majeur pour son pays, il n’ a pas le droit d’en conclure au refus du Marché commun, mais il a le de
284 d’en conclure au refus du Marché commun, mais il a le devoir de freiner l’expansion de l’industrie suisse, cause directe
285 Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec les époques, et surtout par l’effet de la technique, laqu
286 t surtout par l’effet de la technique, laquelle n’ a pas été créée que l’on sache par le mouvement d’union européenne. De
287 horn, avant la fin du siècle, quand la population aura doublé. Mais que la Suisse entre ou non dans le Marché commun n’y cha
288 suscite chez nous — et l’on sait dans quel camp j’ ai toujours milité — il faut bien reconnaître que des deux côtés, une so
289 ux enthousiastes de l’Europe, ils savent qu’ils n’ ont aucune espèce de chances d’être écoutés s’ils proposent de renoncer à
290 dans la neutralité d’une fédération. Mais il n’y a aucune chance qu’on nous offre cela, si nous fédéralistes ne l’exigeo
291 lut de celui de l’ensemble européen. Mais quand j’ aurais tort sur ce point, un autre aspect non moins important du problème re
292 ’être. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droi
293 aphique et historique du continent européen, nous avons réussi beaucoup mieux que cette fameuse neutralité, — nécessité subie
294 s peu à peu vertu à partir du xixe siècle ; nous avons réussi notre fédéralisme ! Contrairement à la neutralité, il tient à
295 vertu qui ennuie et pratique négative, quand nous avons à proposer une expérience passionnante, remarquablement positive et t
296 lanthropisme en fin de compte intéressé dont elle a fait la « ligne Maginot » de sa défense. Et cela, non seulement parce
297 oujours la meilleure défense, mais parce que nous avons quelque chose à donner. Je veux le croire avec Victor Hugo : La Suis
298 ire avec Victor Hugo : La Suisse dans l’histoire aura le dernier mot. Mais encore faut-il qu’elle le dise ! 13. Il s’agi
299 ville précise : « Quant à la neutralité, son rôle a été nul dans la création de la Confédération. » Cela pourrait se disc
300 intérêts de l’Empire entier, que les Waldstätten ont reçu leurs franchises de l’empereur. N’y avait-il pas là un premier g
301 tten ont reçu leurs franchises de l’empereur. N’y avait -il pas là un premier germe de la neutralité « charismatique » de notr
10 1964, Articles divers (1963-1969). Les arts dans la vie en Suisse (1964)
302 )n La plus belle œuvre d’art des Suisses est d’ avoir fédéré librement leurs vingt-deux États souverains, si jaloux de leur
303 lle. Le petit Appenzellois et le petit Genevois n’ ont pas lu les mêmes livres sur les bancs de l’école ; et si plus tard il
304 civiques sans lesquelles une solide fédération n’ aurait jamais pu s’agencer et n’aurait pas duré longtemps ne sont pas de cel
305 lide fédération n’aurait jamais pu s’agencer et n’ aurait pas duré longtemps ne sont pas de celles qui excitent au plus haut po
306 de relais national pour leur culture. C’est ce qu’ a très bien vu Lucien Febvre, excellent historien français contemporain
307 nton — ou l’Europe. » C’est ainsi que les Suisses ont donné à l’Europe plusieurs des plus grands noms du xxe siècle : Ferd
308 pays minuscules… Mais les trop petites dimensions ont aussi leurs inconvénients ; chacun dans son coin veut tout faire et n
11 1964, Articles divers (1963-1969). De la marche / De l’échec (1964)
309 ndance d’esprit qui chez un officier plus jeune n’ eût pas manqué d’être taxée d’insolence ou d’humeur subversive. Je l’admi
310 simple : Qu’est-ce que l’énergie ? Et après nous avoir laissé patauger quelques moments dans nos essais de formulation scola
311 uoi qu’il en soit d’ailleurs de sa philosophie, j’ ai toutes raisons de croire qu’en imposant cette épreuve « inutile » à n
312 but précis. Il voulait nous laisser le souvenir d’ avoir une fois au moins dans notre vie accompli quelque chose d’excessif, e
313 finalement à l’abandon de la course, si l’on n’y a pas pris garde au premier signe, si l’on n’a pas prévu la durée de l’
314 n’y a pas pris garde au premier signe, si l’on n’ a pas prévu la durée de l’effort. La route montait maintenant vers le l
315 magination, se sont mises en état d’alerte. Elles ont pris leur régime d’exception. La connaissance anticipée du but leur a
316 ’exception. La connaissance anticipée du but leur a permis de mesurer l’effort, de le doser, et de réveiller la quantité
317 passait donc ce matin-là comme si l’appel du but avait suffi à nous donner les moyens d’y répondre. Et je ne dis pas que l’e
318 dre. Et je ne dis pas que l’entraînement que nous avions subi au préalable n’était pour rien dans la facilité avec laquelle no
319 5 kilomètres. Mais à son tour, cet entraînement n’ avait été reçu et surmonté qu’en vue de la grande course, du but lointain…
320 Mais vers la quarantaine poindra l’angoisse de n’ avoir plus un temps illimité pour rejoindre ses rêves ou sa vision. Beaucou
321 ions depuis une dizaine d’heures, mais la fatigue a la propriété de s’évaporer dans la joie d’une cime conquise. Il y eut
322 bleu sombre. Ce premier tiers de l’aventure nous avait simplement assurés de la maîtrise de nos forces ; le second tiers en
323 tilants. À notre vue, ou peut-être à nos cris, on eût dit qu’une vague électrique parcourait le troupeau de bout en bout :
324 ur et la faim le guidaient dans ces détours qu’on eût dit capricieux. Notre colonne, cependant, elle aussi précédée par son
325 pas hors de la file, se redressait… Si l’on nous avait dit : « Plus qu’une heure à marcher », je pense que la plupart auraie
326 qu’une heure à marcher », je pense que la plupart auraient flanché pendant cette étape nocturne. De fait, nous approchions du vi
327 la rue principale. Tout dormait. La saison d’été avait pris fin depuis plusieurs semaines et la saison d’hiver ne s’ouvrait
328 nous sommes affalés, tout équipés. Un camarade m’ a réveillé : — Le colonel demande des volontaires pour une patrouille.
329 aut aller reconnaître le sentier du col. Un guide a dit qu’il neige au-dessus de deux-mille. Cinq ou six d’entre nous all
330 rsuit une longue recherche apprend qu’un collègue a trouvé. Une nation qui a tendu ses forces vives vers la victoire, et
331 e apprend qu’un collègue a trouvé. Une nation qui a tendu ses forces vives vers la victoire, et qui l’atteint, voit s’ouv
332 me, si grand soit-il. À la Lenk, cette nuit-là, j’ eus un accès de fièvre qui me tint éveillé jusqu’au matin. Les énergies a
333 à vous, sur le quai de la gare — je ne sais si j’ eusse évité cette débâcle nerveuse que les Américains, qui en ont fait une
334 cette débâcle nerveuse que les Américains, qui en ont fait une catégorie courante, nomment un break-down. Si la première ét
335 -down. Si la première étape de la grande course m’ avait donné une recette de succès, au sens le moins vulgaire du terme, l’éc
336 qui exigerait de réussir pour persévérer, après n’ avoir entrepris qu’en espoir ! Il avouerait que son espoir était trop court
12 1964, Articles divers (1963-1969). Le sentier perdu (1964)
337 portraits d’enfants aux très grands yeux : ils n’ ont pas fini de s’étonner que déjà commence l’angoisse. Mais tout d’un co
338 nt faire sans nous. Le monde que peint Nora Auric a ceci de particulier qu’on ne sait s’il est vu de sous l’eau ou d’un n
339 composé, comme un paysage qu’on reconnaît sans l’ avoir jamais vu nulle part, mais qui ressemble absolument. L’informel a rej
340 e part, mais qui ressemble absolument. L’informel a rejoint le style du rêve. Au-delà des querelles d’école, l’éternel fé
13 1965, Articles divers (1963-1969). La technique, facteur de paix (6 mars 1965)
341 nique moderne — mettons depuis le xviie siècle — ait été la création de l’Europe seule — et, par la suite, de ses filiales
342 ages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’ avaient pu ou voulu produire de machines, de turbines ou même de canons, jusq
343 s, jusqu’à ces toutes dernières décennies, et n’y auraient pas songé d’elles-mêmes, sans l’exemple et le défi occidental ? Que s
344 racines profondes dans la psyché occidentale ? J’ ai tenté de répondre à ces questions dans un livre intitulé L’Aventure
345 rmés par l’homme spirituel et sauvés, ainsi que l’ avait déjà dit saint Paul, dont je rappelle ici une déclaration réellement
346 affranchie de la servitude de la corruption… pour avoir part à la liberté de l’Esprit. » Il y a là un programme grandiose d’a
347 ds notre péninsule occidentale de l’Asie, et vous aurez les conditions enfin réunies de l’apparition de la technique en Europ
348 la technique ainsi définie dans ses motivations n’ ont -elles pas coïncidé historiquement avec les guerres, c’est-à-dire avec
349 de fait, que ce soit la technique occidentale qui ait favorisé les guerres, ou l’inverse, ce que l’on observe à coup sûr, c
350 peut se demander si l’élargissement de la guerre a vraiment résulté du progrès de la technique, ou si ce n’est pas plutô
351 nique, ou si ce n’est pas plutôt la technique qui a bénéficié des commandes militaires. Entre les deux guerres mondiales,
352 léry notait cette remarque désabusée : la science a su donner aux hommes des moyens de s’armer, mais non pas de désarmer.
353 s armes nouvelles inventées par les techniciens n’ ont guère fait que s’ajouter aux anciennes, curieusement appelées « conve
354 rt de la science, mobilisée au service des États, a dû se borner en fait à chercher des ripostes à l’emploi de ces armes,
355 la puissance des armes inventées par nos sciences ait tout d’un coup bloqué ce processus d’interaction conduisant à des des
356 des destructions toujours plus étendues. La bombe A , puis la bombe H, n’ont certes pas amené le désarmement, ni même rale
357 urs plus étendues. La bombe A, puis la bombe H, n’ ont certes pas amené le désarmement, ni même ralenti la production des ar
358 production des armes conventionnelles, mais elles ont rendu leur emploi pratiquement impossible à grande échelle, depuis pr
359 dans une guerre atomique qu’il semble bien qu’on ait décidé de ne pas faire. On a donc atteint une limite, une sorte de po
360 semble bien qu’on ait décidé de ne pas faire. On a donc atteint une limite, une sorte de point mort de la guerre, qui pe
361 de durer tant bien que mal, et c’est ce que l’on a baptisé l’équilibre de la terreur. La prodigieuse réussite technique
362 eprésente la bombe H sert la paix en ceci qu’elle a suscité un sentiment encore plus violent que les passions nationalist
363 de tous, malheur de personne en particulier. Je n’ ai pu observer la peur de la menace atomique qu’aux États-Unis, il y a t
364 d’abris antiatomiques familiaux : si quelques-uns avaient des chances d’échapper, alors la menace devenait beaucoup plus sensib
365 grand Occident. Sur notre continent, la technique a créé des réseaux si serrés d’interdépendance économique et industriel
366 vent. Mais si l’on peut admettre que la technique a réussi à pacifier l’Europe en désarmant et jugulant pratiquement ses
367 laient devoir les opposer irréductiblement, quels ont été les effets de l’expansion technique dans le reste du monde ? Ici,
368 el et culturel que j’évoquais tout à l’heure, qui a mis en relation les divers continents et qui a révélé à leurs peuples
369 ui a mis en relation les divers continents et qui a révélé à leurs peuples l’existence d’autres civilisations, à certains
370 n tout cas plus prospères. C’est la technique qui a fait voir l’Occident aux peuples de l’Afrique, du monde arabe, de l’I
371 rares exemplaires de colons et de soldats, qui n’ avaient rien de bien attirant. Mais aujourd’hui, le cinéma leur fait voir de
372 chines, mais ils ne voient pas, hélas, ce qui les a rendues possibles. Ils croient qu’ils pourraient acheter ces beaux ob
373 , et d’une sorte d’ascèse disciplinée, dont ils n’ ont guère la notion, et encore moins le goût. Mais la technique occidenta
374 ne mesure sans cesse croissante, elle la crée. Il a suffi de leur communiquer les rudiments de notre hygiène pour provoqu
375 démunis, mais après-demain, si une grande nation ayant la bombe les regroupe et se met à leur tête. Que peut faire l’Occiden
376 demande actuelle du tiers-monde, et cette demande aura au moins doublé d’ici vingt ans. À supposer même que notre science dé
377 r la terre. Il faut donc que notre technique, qui a créé sans le vouloir ce problème gigantesque, branché sur des passion
378 il possède matériellement. Si un peu de technique a créé la famine, beaucoup plus de technique assimilée par un effort éd
379 . C’est l’explosion des nationalismes en 1914 qui a déclenché la Première Guerre mondiale, et non pas la mitrailleuse, ou
380 erre mondiale, et non pas la mitrailleuse, ou ces avions biplans qui volaient tout juste assez vite pour ne pas tomber. (« Vol
381 mais restaient ignorés par les gouvernements, qui a déclenché la Deuxième Guerre mondiale, mais au contraire, c’est sa ré
382 c’est sa réalisation par Fermi et Oppenheimer qui a mis fin à cette guerre le 5 août 1945, à Hiroshima. Voilà donc la tec
383 nrichir cet équilibre ? Ou au contraire, comme on a tendance à le croire dans nos élites humanistes, serait-elle un facte
384 ner une réponse ambiguë : d’une part la technique a révélé et accentué des disparités intolérables, d’autre part elle pou
385 ma réponse est également double. Certes, et je l’ ai dit en débutant, le progrès technique a consisté dès les origines les
386 et je l’ai dit en débutant, le progrès technique a consisté dès les origines les plus reculées non pas à inventer des ga
387 u feu, l’invention de la roue, et la métallurgie, a subitement abouti, en Occident, au machinisme, aux produits synthétiq
388 vons dans un cadre plus qu’à moitié artificiel. J’ ai habité quelques années à New York dans un paysage urbain d’une grande
389 n peu de technique industrielle rudimentaire nous avait écartés de la nature, beaucoup de technique bien habituée et maîtrisé
390 ouvelle avec une nature mieux protégée que nous n’ avons su le faire dans cette génération. Enfin, il y a la grande question d
391 rivains et philosophes les plus sérieux. Bernanos a écrit un livre plein de verve et d’indignation patriotique et prophét
392 spatiale, n’est pas l’histoire de « besoins » qui auraient existé avant elles, c’est plutôt l’histoire de nos rêves. L’hypothèse
393 et plus près de nous, les grandes inventions qui ont modifié nos vies — je ne parle pas de nos gadgets — ne sont pas nées
394 éralement l’inverse qui s’est produit. Personne n’ avait besoin d’autos quand il n’y en avait pas encore — à part quelques rêv
395 . Personne n’avait besoin d’autos quand il n’y en avait pas encore — à part quelques rêveurs un peu bizarres. C’est du rêve d
396 n 1893, quelques années après que l’Allemand Otto eut inventé le moteur à explosion interne. On n’ignore pas d’ailleurs que
397 e des dizaines d’ingénieurs — en France surtout — avaient construit des prototypes variés d’automobiles avant Ford. Son inventi
398 fets sur l’homme et sur la société. Tout ce que j’ avais à vous dire aujourd’hui se résume en propositions d’une extrême simpl
399 morales, tantôt mise en accusation parce qu’elle aurait produit le danger atomique ou voudrait nous réduire à l’état de robot
400 fins, que nous voulions ignorer, ou bien que nous avions perdu de vue ; et alors nous trichons, et nous nous persuadons que la
14 1965, Articles divers (1963-1969). La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)
401 ays que tout le monde croit connaître même sans y avoir jamais été, car tout le monde sait qu’il est beau mais sérieux, très
402 laires. Car enfin voici un pays que la Providence a privé d’absolument tous les facteurs classiques garantissant l’unité
403 tions de vie plus ou moins uniformes. La Suisse n’ a rien de tout cela, mais elle a le régime le plus stable de l’Europe.
404 ormes. La Suisse n’a rien de tout cela, mais elle a le régime le plus stable de l’Europe. Ce pays le plus pauvre en matiè
405 pays le plus pauvre en matières premières — il n’ a guère que l’eau des glaciers pour en tirer de l’énergie — est l’un de
406 seulement. Orson Welles prétend que les Suisses n’ ont rien inventé à part la pendule à coucou mais c’est chez eux que l’on
407 ent disait Victor Hugo, il y a cent ans. Mais il a dit aussi, une autre fois : La Suisse, dans l’histoire, aura le dern
408 si, une autre fois : La Suisse, dans l’histoire, aura le dernier mot. Passer du premier vers au second, c’est passer du cl
409 ans plusieurs pays de l’Europe et aux États-Unis, ont révélé que les Suisses sont tout simplement les gens les plus heureux
410 émocrates contre un despote autrichien, la Suisse a commencé par une alliance conclue entre les chefs de trois « communes
411 s libres ou épiscopales et des campagnes qu’elles avaient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et ce fut la période patricienn
412 dans la diversité ». C’est mieux que cela : elle a fait son union précisément pour sauver ses diversités. Et ses vingt-d
413 ses diversités. Et ses vingt-deux petits États n’ ont délégué à un pouvoir central une certaine part de leur indépendance q
414 rer la part qu’ils en gardaient. Autrement, ils l’ eussent toute perdue, car les empires voisins eussent eu vite fait de les gob
415 s l’eussent toute perdue, car les empires voisins eussent eu vite fait de les gober l’un après l’autre. Ainsi, le vrai secret d
416 ent toute perdue, car les empires voisins eussent eu vite fait de les gober l’un après l’autre. Ainsi, le vrai secret de l
417 i. Il n’en fut pas toujours ainsi, et les Suisses ont connu pendant des siècles de furieuses guerres civiles dites de relig
418 les aires géographiques ne se recouvrent pas et n’ ont rien de comparable. Prenez mon cas : Français de langue, Européen par
419 ich, ein Führer, devises de ces nationalismes qui ont risqué de faire de l’Europe au xx e siècle un fouillis d’autarcies ba
420 uelle ferveur sentimentale — oh ! non. Personne n’ a jamais exigé que les Thurgoviens et les Vaudois ou les Grisons romanc
421 ic anglais, ses principes et ses complexes, ils n’ auraient guère à se dire et pas de langage commun. Mais ils savent bien qu’ils
422 le reste est idéologie. Avec tout cela, je crois avoir plus qu’à moitié répondu à la seconde question, celle de savoir si le
423 er à l’un de vos aimables cantons ? Eh bien, je n’ ai pas ce courage, ou cette témérité. Je n’essaie pas d’égaler le médioc
15 1966, Articles divers (1963-1969). Un libéral engagé (1966)
424 d’Espagne à Paris », me dit Robert de Traz, qui m’ avait amené sur la scène où une centaine de « personnalités » avaient pris
425 sur la scène où une centaine de « personnalités » avaient pris place sur de petites chaises dorées. (Drieu, la tête penchée, er
426 on hôtel. Une dame survint : « — Excellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce doit être beau de pouvoir ainsi faire le Bi
427 es infranchissables ! C’est le point de vue qu’il a voulu défendre quand il était ministre de l’Éducation. Le Cabinet n’a
428 nd il était ministre de l’Éducation. Le Cabinet n’ a pas tardé à démissionner pour se reformer deux jours plus tard avec l
429 deux jours plus tard avec les mêmes sauf lui : il a compris. — Sur quoi, un intendant général des écoles de l’État de New
430 pens. » Notre hôtesse : — « Dr de Madariaga, vous avez fait un jour une théorie si intéressante sur la féminité de Dieu. Si
431 si intéressante sur la féminité de Dieu. Si Dieu avait été conçu comme féminin, disiez-vous, la grande vertu eût été la féco
432 conçu comme féminin, disiez-vous, la grande vertu eût été la fécondité. — Oh ! cela, c’est de vous, chère amie. Tout ce que
433  ! cela, c’est de vous, chère amie. Tout ce que j’ ai dit, c’est que si Dieu était conçu comme féminin, nous refuserions to
434 omme féminin, nous refuserions tous le pouvoir qu’ ont pris les femmes dans notre société. — Mais si Dieu était féminin… — M
435 eu était féminin… — Mais Dieu est féminin, il n’y a pas de question ! — Comment le savez-vous ? — D’abord parce que je l’
436 la finale gratuité de toute action humaine. Nous avons aussi parlé de l’Europe, de ce qu’il faut faire pour son union. ⁂ À R
437 e, et la psychologie d’une vingtaine de peuples n’ ayant guère en commun que leur conviction d’occuper chacun une position abs
438 omate doublé d’un militant, un historien mais qui ait été mêlé à la vie politique, un idéaliste non exempt de cynisme pour
439 olitique, un idéaliste non exempt de cynisme pour avoir fréquenté les organismes internationaux, un réaliste amateur de nonse
440 chez lui mais toujours exilé, bref quelqu’un qui eût un peu le sens du paradoxe… Je me bornai à faire état de ses titres d
441 outine, fût-elle d’étiquette « progressiste ». Il a le sens du trait qui porte et qui assure le succès durable d’un disco
442 stance). À propos de je ne sais plus quoi, Gilson ayant dit : — Mais que vont en penser nos amis anglais ?, Madariaga répliqu
443 rs mains, mais jamais avec leur cerveau. Et s’ils ont une tête, eh bien, c’est pour porter un chapeau ! » Bien peu d’hommes
444 ’est pour porter un chapeau ! » Bien peu d’hommes ont donné à la cause de l’Europe, cause commune s’il en fût, un temps qui
445 e leur œuvre personnelle, et de ceux-là, nul ne l’ a fait avec un désintéressement aussi total que notre premier président
446 lvador est Espagnol, comme on ne l’est plus. Je l’ ai entendu, à Bombay, prétendre que l’Espagne, c’est l’Inde de l’Europe,
447 e Madariaga est l’un des présidents d’honneur. Il a fait ce jour-là l’un de ses plus beaux discours, sur le thème de la l
448 t du courage pour lui dire : « Vous vous vantez d’ avoir fait une glorieuse Révolution, mais aurait-on l’idée de se vanter d’a
449 antez d’avoir fait une glorieuse Révolution, mais aurait -on l’idée de se vanter d’avoir ‟fait” une superbe pneumonie ? » Cette
450 Révolution, mais aurait-on l’idée de se vanter d’ avoir ‟fait” une superbe pneumonie ? » Cette boutade va loin, elle symbolis
451 toute une philosophie politique et sociale. Et j’ ai aimé qu’après vingt ans ce meeting de la salle Pleyel fasse écho à me
452 t inverse est échu à notre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les périls et surmonté l’amertume par la création et l’actio
16 1967, Articles divers (1963-1969). Au-delà des nations (1967)
453 est Aristide Briand convaincu par Coudenhove, qui a lancé le projet dans son discours du 5 septembre de l’année précédent
454 rateur du président du Conseil, Alexis Léger, qui a rédigé ce document historique, préfiguration parfois fort précise non
455 la rapide dégradation de l’idéal fédéraliste qui avait animé la Résistance et la période des congrès. Un petit signe le fera
456 s. Un petit signe le fera voir : la grande presse a pris l’habitude d’appeler « Europe » le Plan prudemment mis au point
457 des politologues et des économistes à leur suite ont pris le problème à l’envers : soucieux de s’appuyer sur le réel, ils
458 l’envers : soucieux de s’appuyer sur le réel, ils ont voulu partir des États-nations tels que les a formés le xixe siècle
459 s ont voulu partir des États-nations tels que les a formés le xixe siècle et achevés le totalitarisme (plus ou moins déc
460 oins déclaré selon les pays) au xxe siècle ; ils ont voulu partir de ces nations comme des « seules réalités politiques ex
461 e le répète volontiers le général de Gaulle), ils ont essayé de les unir, et ils constatent, évidemment, « qu’elles ne sont
462 ticipation civique que la nation telle que nous l’ a léguée le siècle dernier : la région. Il n’est rien dont les sociolog
463 fond chaotique de la société que le xixe siècle a laissé se faire au petit bonheur, la société stato-nationaliste et in
464 faire sentir le concret du problème tel que je l’ ai découvert, voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invi
465 ançais de l’autre. La CECA, puis le Marché commun ont permis de surmonter cette absurdité manifeste, et plusieurs autres. D
466 r voisinage, selon les réalités nouvelles qui les auront formées, par-dessus les anciennes frontières nationales désormais réd
467 s l’espérer. Au cours de ces dernières années, on a vu se multiplier les recherches scientifiques, les articles de journa
468 égionalisation de nos États. Le concept de région a pris une place considérable non seulement dans les préoccupations des
469 une et indivisible. Une bonne douzaine d’ouvrages ont paru en France depuis le début de l’année sur la région ; le dernier
470 l’évolution de notre société occidentale. À peine a-t -on pris la mesure des perspectives qu’il nous invite à explorer, nota
471 », pour reprendre les termes de Jacob Burckhardt, ont tenté d’unifier l’Europe par la seule force militaire et policière de
472 sont de formation récente, deuxièmement qu’elles ont dépassé le sommet de leur évolution, et descendent vers leur crépuscu
473 ations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement,
474 ces centres régionaux de décision, ou métropoles, auront pris en réalité plus d’importance économique et culturelle que les ca
475 et même que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément devant le corps des fonc
17 1967, Articles divers (1963-1969). Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)
476 s citoyens et un civisme européens tant qu’il n’y a pas de Cité européenne ? Inversement, comment fonder une Cité europée
477 ne Cité européenne, l’Europe unie, tant qu’il n’y a pas de civisme européen ? Cercle vicieux pour ceux-là seuls qui ne de
478 on plus l’œuvre d’un dictateur : Napoléon, Hitler ont échoué pour longtemps. Ni spontanée, ni fatale, ni imposée, elle ne p
479 national une heure d’ennui civique européen, qui aurait le défaut supplémentaire de parler d’une communauté encore inexistant
480 ope de la seconde moitié du xxe siècle. Quand on a vu de quoi la vie de l’Europe est faite, on voit aussi sans discussio
481 lités à enseigner (décrire, définir, illustrer) : a ) Les éléments de communauté et les facteurs de différenciation qui fo
482 tire le meilleur parti, il faut que le professeur ait été lui-même sensibilisé aux réalités de l’Europe encore désunie, aux
483 que la Campagne (ou quelque chose d’équivalent) n’ aura pas fait sentir ses effets dans l’enseignement secondaire de nos pays
484 le besoin d’invention, tandis que l’autre, que j’ ai sous les yeux, n’est qu’un recueil de réponses toutes faites, unifor­
18 1968, Articles divers (1963-1969). L’Exode des cerveaux [débat] (1968)
485 e voudrais apporter une légère correction à ce qu’ a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’il était le seul chercheur au
486 rais qu’on fasse aussi une petite place — comme l’ a demandé M. Lalive tout à l’heure — aux chercheurs non purement scient
487 es cerveaux ! Je crois que la santé de la culture a toujours consisté dans ses échanges, dans son régime de circulation,
488 te un exemple de ce qu’on peut entendre par là. J’ ai eu la curiosité de regarder quelle était la composition du groupe des
489 un exemple de ce qu’on peut entendre par là. J’ai eu la curiosité de regarder quelle était la composition du groupe des 14
490 s 14 Suisses — de passeport ou de naissance — qui ont reçu le prix Nobel, depuis 1901, date où il fut créé. Il y a 6 cherch
491 non Suisses de naissance, mais naturalisés et qui ont reçu le prix une fois devenus suisses et après des travaux poursuivis
492 ittérature, Hermann Hesse. En revanche, la Suisse a envoyé à l’étranger, où ils ont reçu le prix Nobel, deux chercheurs,
493 revanche, la Suisse a envoyé à l’étranger, où ils ont reçu le prix Nobel, deux chercheurs, peut-être trois, qui étaient nés
494 certaine année, au milieu du xiie siècle, il n’y avait à la Sorbonne pas un seul professeur français. Les grands maîtres d’a
495 nt, pour nous en tenir aux exemples suisses, qu’y a-t -il eu comme importation et exportation des cerveaux en Suisse ? Comme
496 r nous en tenir aux exemples suisses, qu’y a-t-il eu comme importation et exportation des cerveaux en Suisse ? Comment not
497 faite ? D’abord par la conquête romaine, qui nous a apporté une civilisation dont nous n’avions pas la moindre idée par n
498 , qui nous a apporté une civilisation dont nous n’ avions pas la moindre idée par nous-mêmes. Ensuite, par un exode de cerveaux
499 e cerveaux irlandais : c’est Colomban et Gall qui ont apporté le christianisme en Suisse. Ensuite, il y a eu un exode de ce
500 de cerveaux picards, sous la forme de Calvin qui a apporté la Réforme et qui a fait Genève. À peu près en même temps, il
501 a forme de Calvin qui a apporté la Réforme et qui a fait Genève. À peu près en même temps, il y eut Érasme, Hollandais ex
502 ps, il y eut Érasme, Hollandais exilé à Bâle, qui a fait l’humanisme et qui a fait Bâle. Beaucoup plus près de nous, on p
503 ndais exilé à Bâle, qui a fait l’humanisme et qui a fait Bâle. Beaucoup plus près de nous, on peut citer Nietzsche, qui a
504 p plus près de nous, on peut citer Nietzsche, qui a été professeur à Bâle lui aussi et qui a beaucoup vécu en Suisse, en
505 che, qui a été professeur à Bâle lui aussi et qui a beaucoup vécu en Suisse, en Engadine. On peut citer Stravinsky, qui a
506 uisse, en Engadine. On peut citer Stravinsky, qui a créé en Suisse la meilleure œuvre musicale « de chez nous », L’Histoi
507 r facilement cette liste. Du côté exportation, qu’ avons -nous fait en Suisse ? Il y a d’abord eu le service étranger. Ce n’éta
508 on, qu’avons-nous fait en Suisse ? Il y a d’abord eu le service étranger. Ce n’était pas exactement une exportation de cer
509 illiers, les centaines de milliers de Suisses qui ont été dans les armées étrangères, il y eut des centaines de généraux qu
510 trangères, il y eut des centaines de généraux qui avaient un peu de cervelle, quelquefois ; et il y avait même des amiraux. Je
511 ine des mathématiques, vous savez que les Suisses ont été de grands exportateurs. Les Bernoulli de Bâle, Leonhard Euler, le
512 les plus grands mathématiciens du xviiie siècle, ont fondé les mathématiques en Russie, dans les Pays-Bas. Ensuite, Agassi
513 suite, Agassiz, qui était un savant neuchâtelois, a fondé les sciences naturelles aux États-Unis. Les architectes suisses
514 Tous les grands architectes de la Renaissance qui ont fait la Rome baroque étaient tessinois. Les Borromini, Maderno, Fonta
515 aient tessinois. Les Borromini, Maderno, Fontana, ont fondé une grande tradition d’architectes suisses exportés qui a about
516 ande tradition d’architectes suisses exportés qui a abouti à Le Corbusier, plus près de nous. Parmi les ingénieurs, vous
517 er, plus près de nous. Parmi les ingénieurs, vous avez des hommes comme Chevrolet par exemple, qui, ne pouvant pas faire de
518 qui, ne pouvant pas faire de voitures en Suisse, a été les faire en Amérique avec le succès que vous savez. L’ingénieur
519 avec le succès que vous savez. L’ingénieur Ammann a été faire des ponts, aux États-Unis, qui sont les plus grands du mond
520 rrait multiplier ces exemples : en théologie nous avons exporté Karl Barth pendant longtemps ; en composition musicale, nous
521 pendant longtemps ; en composition musicale, nous avons exporté Honegger ; en littérature, nous avons exporté Blaise Cendrars
522 ous avons exporté Honegger ; en littérature, nous avons exporté Blaise Cendrars ; et dans le cinéma, nous avons exporté Jean-
523 exporté Blaise Cendrars ; et dans le cinéma, nous avons exporté Jean-Luc Godard. M. Nordmann : Il y a tout de même un moment
524 n moment où cette exportation devient ce que nous avons appelé l’exode des cerveaux. M. de Rougemont : Oui, et il faudrait do
525 ndera à partir de quelle dimension une communauté a le droit de se plaindre d’un exode de ses fils qui vont exercer leur
526 e c’est un exode de cerveau, puisque le village n’ a pas les dimensions nécessaires à l’université. Mais prenez maintenant
527 aux ». Je reviens à deux des exemples que je vous ai cités tout à l’heure. Celui de Blaise Cendrars d’abord. Blaise Cendra
528 ez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’ avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait resté à La Chaux-de-Fonds
529 Il serait resté à La Chaux-de-Fonds et nous n’en aurions rien su ; il aurait continué à s’appeler Fritz Sauser. Mais il est pa
530 Chaux-de-Fonds et nous n’en aurions rien su ; il aurait continué à s’appeler Fritz Sauser. Mais il est parti dans le vaste mo
531 ser. Mais il est parti dans le vaste monde qui en a fait Blaise Cendrars, puis il est allé à Paris qui en a fait un grand
532 Blaise Cendrars, puis il est allé à Paris qui en a fait un grand écrivain et c’est seulement quand nous avons su qu’il y
533 t un grand écrivain et c’est seulement quand nous avons su qu’il y avait un grand écrivain qui s’appelait Blaise Cendrars que
534 écrivain qui s’appelait Blaise Cendrars que nous avons découvert qu’il était suisse ! De même l’ingénieur Ammann, qui a fait
535 il était suisse ! De même l’ingénieur Ammann, qui a fait ces immenses ponts, le Washington Bridge à New York, qui a plus
536 enses ponts, le Washington Bridge à New York, qui a plus d’un kilomètre, et le Golden Gate à San Francisco qui a 2750 mèt
537 kilomètre, et le Golden Gate à San Francisco qui a 2750 mètres de long : qu’eût-il fait, ce malheureux, s’il était resté
538 te à San Francisco qui a 2750 mètres de long : qu’ eût -il fait, ce malheureux, s’il était resté en Suisse ? Il n’aurait pas
539 ce malheureux, s’il était resté en Suisse ? Il n’ aurait pas trouvé assez de place pour ses ponts, simplement. Nos dimensions
540 ement. Nos dimensions ne sont pas suffisantes. On aurait pu lui offrir, me direz-vous, de construire un pont enjambant la rade
541 t enjambant la rade de Genève, mais les crédits n’ ont pas encore été votés, depuis quarante ans. Et puis, il y a un cas par
542 ante ans. Et puis, il y a un cas particulier, qui a déjà été évoqué tout à l’heure par M. Renold. C’est celui du CERN. Un
543 européenne de la culture à Lausanne en 1949, nous avons proposé la création d’un grand laboratoire européen de recherche nucl
544 . C’est un message du Prince Louis de Broglie qui a formulé cette idée, que nous avons fait aboutir ensuite, via l’Unesco
545 uis de Broglie qui a formulé cette idée, que nous avons fait aboutir ensuite, via l’Unesco, de manière à pouvoir retenir en E
546 i, de la communauté internationale. Je crois vous avoir donné ainsi le moyen méthodique d’organisation, comme disait M. Renol
547 nn : J’aimerais faire remarquer que, entre ce qui a été dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’être dit sur un
548 ser une dernière question à M. de Rougemont. Vous avez parlé de l’exode dont une part est un échange, mais aussi une part es
549 mesures prendre pour empêcher l’exode quand il n’ a pas le caractère d’échange mais qu’il sanctionne un manque d’organisa
550 essources intellectuelles sur certains points. On a parlé tout à l’heure de Schwerpunkte. Par exemple, à Genève, nous dis
551 nt dans ce sens. Elles font déjà beaucoup ; elles ont fait ces dernières années un effort considérable pour intéresser l’en
552 quêtes rapides relatives à l’intérêt que les gens ont ou n’ont pas pour certaines émissions, et l’on transforme la qualité
553 pides relatives à l’intérêt que les gens ont ou n’ ont pas pour certaines émissions, et l’on transforme la qualité de ces ém
554 t faux. Il faudrait que la télévision et la radio aient l’héroïsme, pendant deux ou trois ans, d’aller à contre-courant. Je c
555 pait sur le même plan — simplement le professeur, ayant plus d’expérience, dirigeait la discussion — c’était essentiellement
556 on — c’était essentiellement une contestation. On a même défini la méthode scolastique comme étant essentiellement une di
557 t techniques ou de grammaire. La grande lutte qui a opposé Siger de Brabant et saint Thomas d’Aquin était une lutte conce
558 gée si vous voulez, pour prendre un autre mot qui a été à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris une vie très inten
559 mot qui a été à la mode lui aussi. Ces notions-là ont repris une vie très intense depuis quelques années, comme vous l’avez
560 très intense depuis quelques années, comme vous l’ avez vu. D’abord aux États-Unis à Berkeley, ensuite ça a fait une traînée
561 vu. D’abord aux États-Unis à Berkeley, ensuite ça a fait une traînée dans toute l’Europe, de Varsovie à Madrid, de Berlin
562 bien entendu, et même un tout petit peu à Genève, ai -je entendu dire. Moi, je trouve cela admirable et merveilleux ! Jamai
563 it autant occupé des universités que depuis qu’on a découvert qu’il fallait les réformer. Je souhaite que la réforme univ
564 s’en tienne pas là. Car l’Université, à mon sens, a été, doit redevenir et doit rester le lieu par excellence de la conte
565 rais répondre quelques mots très brefs à ce qui m’ a été dit autour de cette table. Tout d’abord, M. Renold. Je crois que
566 s que nous sommes presque entièrement d’accord. J’ ai peut-être un peu forcé parce qu’il faut simplifier quand on aborde un
567 c’est une manière de simplifier les choses. Vous avez peut-être aussi un peu trop simplifié dans votre sens, en disant que,
568 n Europe, par exemple. Ce n’est pas du tout que j’ aie été racheté par l’État de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je n’ai p
569 l’État de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je n’ ai pas été rapatrié. M. Lalive : Ah ! vous me rassurez ! M. de Rougemon
570 t difficile de vous décrire, et si vous voulez en avoir une bonne description, adressez-vous aux Américains qui disent qu’ils
571 tats-Unis, M. Lalive disait tout à l’heure : Je n’ ai pas vu de génies américains qui viennent en Europe en échange de nos
572 ssiz, Ammann et tout cela. M. Lalive : Vous n’en avez pas cité. M. de Rougemont : Ce n’est pas tellement étonnant, vu que l
573 t indemnes de toute influence américaine. Il y en a tout de même, ne fût-ce que le jazz. Nous avons pris aux États-Unis b
574 y en a tout de même, ne fût-ce que le jazz. Nous avons pris aux États-Unis beaucoup de choses très importantes pour la Suiss
575 p de choses très importantes pour la Suisse. Nous avons pris une partie de notre Constitution, le bicaméralisme, importé des
576 , le bicaméralisme, importé des États-Unis. Ce qu’ a dit M. Mach m’a paru un peu curieux. Il a parlé de mon optimisme béat
577 me, importé des États-Unis. Ce qu’a dit M. Mach m’ a paru un peu curieux. Il a parlé de mon optimisme béat. Je ne vois pas
578 . Ce qu’a dit M. Mach m’a paru un peu curieux. Il a parlé de mon optimisme béat. Je ne vois pas du tout à quel moment j’a
579 isme béat. Je ne vois pas du tout à quel moment j’ ai pu tomber dans ce penchant vicieux. J’ai proposé une méthode d’analys
580 moment j’ai pu tomber dans ce penchant vicieux. J’ ai proposé une méthode d’analyse des situations pour savoir quand il y a
581 ste — ou pessimiste d’ailleurs. Je crois que vous avez parfaitement raison dans tout ce que vous avez dit sur votre domaine
582 us avez parfaitement raison dans tout ce que vous avez dit sur votre domaine de recherche scientifique. J’avais pris soin de
583 it sur votre domaine de recherche scientifique. J’ avais pris soin de le dire en commençant. Dans ce domaine, je ne conteste r
19 1968, Articles divers (1963-1969). De l’État-nation aux régions fédérées (1968)
584 s le phénomène fondamental du siècle. L’évolution a joué et joue incontestablement dans le sens de la nation.25 Il est
585 lui du triomphe de l’internationale, comme Marx l’ avait dit, ni le siècle des fédérations, comme Proudhon l’avait prévu, mais
586 t, ni le siècle des fédérations, comme Proudhon l’ avait prévu, mais bien le siècle des nations, est-ce qu’on s’en félicite, o
587 des nations, partout ressenti et déclaré, et qui a donné naissance au Marché commun notamment, enfin par l’existence d’u
588 ade de crise finale d’une forme d’association qui a dominé et animé l’Europe du xixe siècle, mais qui ne pourrait que tu
589 st que les hommes et les femmes d’aujourd’hui qui ont passé par l’école et croient savoir l’histoire s’imaginent qu’il y a
590 savoir l’histoire s’imaginent qu’il y a toujours eu des États, que les nations sont immortelles (en tout cas la leur !),
591 nde, traite donc l’Empire de haut en bas (faute d’ avoir pu se faire élire empereur !), fait gifler le pape, puis confisque la
592 s jusqu’au Saint-Empire médiéval, bien qu’il n’en ait ni la pluralité ethnique et linguistique, ni le caractère d’universal
593  : c’est que, si tous les États-nations unitaires ont été et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, l
594 ique pour répondre au « défi américain » — cela n’ a plus à être démontré28 — mais aussi pour répondre au défi du tiers-mo
595 ération qui les protège. C’est ce second parti qu’ ont adopté en 1848 nos vingt-cinq petits États suisses et bien leur en a
596 s vingt-cinq petits États suisses et bien leur en a pris. Mais comme je le rappelais au début de cet exposé, nos États-na
597 os États-nations européens en plus de vingt ans n’ ont pas fait un seul pas effectif en direction de leur fédération politiq
598 us voyons mieux ce que c’est, maintenant que nous avons défini l’ambition profonde et constitutive de l’État-nation, sa volon
599 al n’est pas l’échange, mais le choc. Bakounine l’ avait déjà dit, il y a cent ans exactement, lorsqu’au congrès de la premièr
600 la première Internationale à Genève, en 1867, il avait dénoncé l’impossibilité de constituer les États-Unis d’Europe sur les
601 alloir ou bien renoncer à l’union et alors il n’y aura plus de problème, ou bien modifier les données mêmes du problème, c’e
602 soulèverait trop d’oppositions.30 Bien avant d’ avoir lu ces lignes, j’écrivais de mon côté : L’union, pour deux États-nat
603 ticipation civique que la nation telle que nous l’ a léguée le siècle dernier : — la région.31 Il n’est rien dont les je
604 fond chaotique de la société que le xixe siècle a laissé se faire au petit bonheur, la société stato-nationaliste et in
605 faire sentir le concret du problème tel que je l’ ai découvert, voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je fus invi
606 n côté, français de l’autre. La CECA, puis la CEE ont permis de surmonter cette absurdité manifeste, et plusieurs autres. D
607 r voisinage, selon les réalités nouvelles qui les auront formées, par-dessus les anciennes frontières nationales désormais réd
608 s l’espérer. Au cours de ces dernières années, on a vu se multiplier les recherches scientifiques, les articles de journa
609 isation des États européens. Le concept de région a pris une place considérable non seulement dans les préoccupations des
610 union. Mais elle ne peut rien faire de plus. On l’ a bien vu lors de la Première Guerre de Suez… 2° Derrière l’agitation r
611 es nécessités qui expliquent que le Marché commun ait cru devoir convoquer le très important colloque de Bruxelles sur les
612 égionales, et que ses six États-nations membres y aient pris part. C’est l’arriération, le sous-développement de nombreuses r
613 a France, de l’Italie, ou même de l’Allemagne qui a obligé les gouvernements de ces pays à étudier très sérieusement le p
614 ques, les plus négligées par la capitale, et cela a conduit à envisager la possibilité révolutionnaire de régions chevauc
615 le n’est qu’un exemple entre bien d’autres : nous avons , tout près d’ici, celui de la Regio Basiliensis rayonnant sur trois p
616 le, et qu’ils acquièrent de la force : lorsqu’ils auront pris en fait (sinon en droit) plus d’importance économique et culture
617 et même que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément devant le corps des fonc
618 l’évolution de notre société occidentale. À peine avons -nous pris la mesure des perspectives qu’il nous invite à explorer, no
619 ations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. Et il ajoutait : La confédération europée
620 blement, les remplacera.34 Mais tout le monde n’ a pas lu Renan, de nos jours… Et cette succession qu’il annonce, ce rem
621 r, celle des catégories de pensée dans lesquelles ont vécu tous nos ancêtres depuis des siècles, et que nous ont inculquées
622 tous nos ancêtres depuis des siècles, et que nous ont inculquées tous les classiques de la philosophie politique. Catégorie
623 vue intellectuel et culturel. Ces agglomérations ont dès lors une importance essentielle pour l’identification d’une unité
624 nous faire sortir de l’ère néolithique, celle qui a été marquée par la fixation des tribus nomades sur des territoires cu
625 s nomades sur des territoires cultivés, celle qui a donc été dominée pendant douze à quinze millénaires par les notions d
626 emarque que « la notion d’indépendance économique a changé complètement de contenu. Le mot “indépendance” a perdu son sen
627 gé complètement de contenu. Le mot “indépendance” a perdu son sens simpliste d’autrefois. C’est maintenant une question d
628 ue au terme d’indépendance celui d’autonomie, qui a l’avantage de rappeler le gouvernement des cités par elles-mêmes, et
629 dit : « Le secret de ma réussite tient à ce que j’ ai fondé ma vie sur deux principes : Méfiance ! Méfiance ! » Politique b
630 bien typique de la paysannerie, et qui d’ailleurs a contribué à la réduire un peu partout au sort d’assistée de l’État. F
631 égions de demain seront les petits États que nous avons toujours voulu défendre, et à raison. Tout ce qui s’est fait de grand
632 sont faites pour s’unir et pour coopérer, comme l’ ont fait nos cantons, quand ils ont vu que l’union fédérale était la cond
633 coopérer, comme l’ont fait nos cantons, quand ils ont vu que l’union fédérale était la condition de leur survie individuell
634 (culturels, ethniques, économiques, civiques) qu’ avaient effacés nos nations écrasant toute diversité, et les avantages des gr
635 verra bien ce qu’elle donne pour nous, quand nous aurons aidé au succès de l’entreprise. Si, au pire, certaines de nos villes
636 ociation. Nous sommes le seul pays européen qui n’ ait jamais été tenté de devenir un État-nation unitaire, d’uniformiser to
637 eul en somme qui soit une vraie fédération et qui ait une expérience séculaire de l’existence fédérale. Cela nous indique,
638 e vis-à-vis de l’Europe. Je ne crois pas que nous ayons mission de préconiser urbi et orbi la transposition pure et simple de
639 urd’hui, le fédéralisme doit se détacher, comme j’ ai tenté de vous le montrer, des États, des territoires, des cadres fixe
20 1968, Articles divers (1963-1969). Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)
640 ’ouverture solennelle, que désormais un mécanisme a été mis en marche et nous porte, mais pas nécessairement où nous voul
641 nt où nous voulions aller. Depuis trois mois nous avions travaillé, chacun dans son secteur et très souvent en groupes, à Pari
642 uer ici qu’un incident de couloir dont personne n’ a parlé, et dont je fus alors le seul à ressentir, non sans colère ni d
643 , étaient venus à Ferney demander mon concours, j’ avais posé clairement mes conditions : je ne prendrais en charge la section
644 re fois à la veille même du congrès, le Message avait été imprimé au haut d’un long rouleau de fort papier parcheminé, et i
645 s voulons une défense commune », que le congrès n’ avait pas discutée et qui ne figurait pas dans les résolutions finales. Au
646 était en train de m’interviewer lorsque Sandys m’ avait fait appeler, et qui avait assisté au début de l’incident, revint me
647 iewer lorsque Sandys m’avait fait appeler, et qui avait assisté au début de l’incident, revint me dire que tous les syndicali
648 nnulée : plus moyen de signer un document où l’on aurait barré une phrase aussi voyante, et qui d’ailleurs semblait s’être vol
649 européen, pour la donner à des ministres, qui en ont fait l’usage que l’on sait. 2. Ne vous semble-t-il pas paradoxal qu’e
650 ons. Pour réussir l’Europe du peuple européen, il eût fallu : 1) lancer une campagne populaire de très grande envergure (or
651 tions inutilisables et irréformables (mais nous n’ avions pas encore élaboré la doctrine adaptée aux temps nouveaux — celle des
652 ertains « européens » (mais non les fédéralistes) ont nourri l’espoir que le Conseil de l’Europe — créé à la suite du congr
653 fication politique de l’Europe. Cet espoir, ils l’ ont reporté ensuite sur les Communautés européennes. Après l’expérience d
654 aire l’Europe » ? L’union politique de l’Europe n’ a pas progressé d’un centimètre depuis que Churchill (en 1946 à Zurich)
655 sent plus parler d’autarcie), nos États-nations n’ ont plus d’autres pouvoirs réels, à l’échelle de l’Europe et du monde, qu
656 éé lui aussi au lendemain du congrès de La Haye — a-t -il tenu ses promesses ? Quelles furent son action et son influence en
657 sent ? Son impuissance avérée tient au fait qu’il a opté, dès le lendemain de La Haye, pour les notables contre les milit
658 pour les notables contre les militants. Ce qu’il a initié dans le domaine économique et mis sur pied dans le domaine cul
659 ns les conseils directeurs du Mouvement. Ce qu’il a proclamé avec une si louable mesure, et, il faut bien le reconnaître,
660 alistes » et pragmatistes à l’anglo-saxonne qui n’ ont cessé de répéter, bien avant de Gaulle, que les choses étant ce qu’el
661 lement sur des réalités neuves, eh bien, nous les avons enfin, ces réalités ! Ou plutôt nous les voyons naître et nous allons
662 ue Retinger, qui ne passait pas pour fédéraliste, ait été le premier à préconiser cette tactique d’appel direct au « peuple
663 comme dira plus tard Altiero Spinelli. 38. J’en ai récupéré plus tard deux exemplaires que je conserve dans les archives
664 ne serais pas étonné que d’autres fédéralistes l’ aient inventée pour leur part à la même époque ; la diachronie impose parfo
21 1969, Articles divers (1963-1969). De l’Aar à l’Europe (1969)
665 aysages : par le regard ou par le bain, Héraclite a déduit du fleuve ces sentences : Pour ceux qui entrent dans les même
666 fin dans une forme arrêtée, celle des rives qu’il a formées, événement toujours fuyant et qui fascine, figure originelle
667 r de quelques champs… Deux prodigieux spectacles ont fixé son regard (écrit Nietzsche parlant d’Héraclite) : le mouvement
668 me proposent une idée de l’Europe, telle qu’on l’ a quelquefois définie par ses vertus paradoxales d’innovation au sein d
669 e ! — que ce réseau de fleuves et de rivières qui a si profondément découpé, dentelé, raviné, compartimenté jusqu’en son
670 ntinent promis aux enfants de Japhet. Les fleuves ont dessiné le visage de l’Europe, ses vallées, ses verdures et ses estua
671 i l’Europe est la terre des ports, où les fleuves ont formé plus de baies favorables que n’en comptent ensemble les plus gr
672 cœur granitique de la Suisse nous quittent après avoir formé deux grandes nappes de tous les bleus du monde, le Bodan, le Lé
673 rne est la seule cité de la communauté suisse qui ait été carrément impérialiste, étendant ses pouvoirs par la force ou l’a
674 n nommée « la République de l’Aar » parce qu’elle a montré les mêmes pouvoirs souverains de rassemblement, Berne est une
675 er et manifeste une vocation incomparable. Il n’y a pas d’accent européen, mais l’Europe est partout où une langue est pa
22 1969, Articles divers (1963-1969). À la fontaine Castalie (1969)
676 es étapes sont des prises de conscience ; et il n’ a d’autre fin que d’être parcouru. Le voilier — un schooner de vingt-de
677 t, Castalie… Hölderlin, L’Archipel Le chauffeur a orné son tableau de bord, le pourtour du parebrise et le feutre du pl
678 a mare scintillante du petit port, par instants j’ ai cru voir le bateau, comme un trait. Passons le village, laissons à ga
679 te dans certaines cavernes…46 ⁂ Plus tard, nous avons essayé de mieux voir l’ensemble du site et d’en prendre quelques phot
680 tre du Monde. Au retrait de l’ombre des chênes, j’ ai trompé le sommeil pour tenter de surprendre l’éveil du mythe dans l’e
681 s hauteurs vers le fond du ravin, le dieu solaire a tué Python, le grand serpent, défenseur de la nuit maternelle. Il a f
682 rand serpent, défenseur de la nuit maternelle. Il a forcé le sanctuaire de la Terre. Sa prêtresse, il la garde, elle serv
683 rde, elle servira son culte. Apollon fils du Ciel a vaincu, imposant la loi du soleil, qui est celle du Père, à ce lieu d
684 t la parole de son destin, et l’ombre du destin l’ a revêtu. Selon la volonté de la Nuit, de la Terre, du sol profond et d
685 t venues se désaltérer au grand bassin. Le prêtre a béni l’eau païenne. Elles sont parties. Noté sur une des pages de ga
686 bre : est-ce bien ainsi ? n’est-ce que cela ? n’y a-t -il Personne ? Ces grands buissons, ces murets de pierre sèche, ces se
687 onumental de la fontaine Castalie. (Plus tard, j’ ai repris Hölderlin : Il s’est tu, sol de Delphes, ton Dieu !… Mais l
688 ur qui s’émeut et connaît leur présence…) ⁂ Nous avons déjeuné sur une terrasse d’auberge accrochée juste au-dessous du tour
23 1969, Articles divers (1963-1969). Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)
689 araît, tel que les accidents de l’Histoire nous l’ ont laissé, à la fois trop petit et trop grand. Il est trop petit pour as
690 tes communautés ou cités libres, comme Rousseau l’ avait si bien vu ; ni aux conditions de développement de rentabilité et de
691 e petits États. » Pour le Français cultivé et qui a coutume de se reporter à son Littré quand il veut savoir ce qu’un mot
692 ème qui est bon pour les sauvages et qui semble n’ avoir été préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que m
693 es d’études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme que le problème europée
694 ngers qu’entraînent en fait les malentendus que j’ ai dits et par suite l’importance pratique de tout effort de clarificati
695 ont le « modèle » nous est connu : c’est celui qu’ ont élaboré les fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialogue
696 fédéralisme, du moins tel que je l’entends, après avoir valu pour la Grèce des grands siècles avec sa dialectique de l’indivi
697 atures, sans confusion [ni] séparation. L’union n’ a pas supprimé la différence des natures, mais plutôt elle a sauvegardé
698 primé la différence des natures, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans u
699 nomènes, définis comme exclusifs l’un et l’autre, a cessé d’être un scandale, est même devenue principe fondamental d’int
700 ’une tâche ou d’une fonction particulière dont on aura reconnu la nécessité ou l’agrément. Deuxième étape : elle évalue les
701 les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’ailleurs plusieurs niveaux de décisions, hiérarchisés. Séparer les
702 mbinaisons auxquelles peut conduire cette méthode a de quoi donner le vertige aux fonctionnaires de tradition unitaire. M
703 conçus pour rapporter, non pour servir ou plaire, ont produit une situation de crise dont l’acuité se mesure notamment par
704 s pays et tous régimes politico-économiques : ils ont pour motif profond l’antinomie entre la culture générale au sens trad
705 anent. Il y faut une méthode vivante, celle que j’ ai dite : sans cesse évaluer à nouveau les dimensions des tâches à entre
706 , des relations publiques en général. C’est ce qu’ avait bien vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que « le fédéra
707 mages de comportement » dont Bertrand de Jouvenel a si justement mis en vedette l’importance historique40. Nous voici lo
708 des relations humaines, le fédéralisme tel que j’ ai tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière histo
709 ’est pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de passé.   [Suivent deux brèves interventions de
710 nt des fédérations qui, pour certaines raisons, n’ ont pas voulu dire leur nom. C’est le cas de la Suisse, qui présente tout
711 n, mais qui n’osent pas aller jusqu’au bout. Vous avez dit que le sens civique, en Suisse, pouvait seul permettre le fédéral
712 s de la commune, de la région. Tandis que si vous avez de petites unités, données par la constitution, non seulement par les
713 institution et du civisme. Si on trouve qu’il n’y a pas assez de civisme quelque part, le premier remède c’est d’applique
714 ais je crois que la plupart des craintes que l’on a , en parlant de régions, viennent de ce qu’on s’imagine une région com
715 imposer les mêmes frontières à des réalités qui n’ ont rien en commun, totalement hétérogènes, comme les réalités culturelle
716 raînés, d’une vieille fédération. Les ordinateurs ont trouvé par quoi il fallait commencer. Le fédéralisme, c’est-à-dire le
24 1969, Articles divers (1963-1969). « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)
717 La lecture des Nourritures terrestres à 16 ans m’ a fait jouer du violon comme jamais, mais ce n’était pas assez, je suis
718 n’était pas assez, je suis sorti, sur mon vélo j’ ai foncé vers le lac. « Partir ! » et toute la vie qui change, tout étai
719 a vie qui change, tout était libre devant moi ! J’ ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie — et suis rentré à la maison pour
720 — et suis rentré à la maison pour le dîner. Si j’ avais rencontré Gide, en ce temps-là, je me serais sans doute évanoui d’émo
721 gaard « trop long ». Fin d’un prestige. Puis il m’ a , très généreusement, hébergé quelques semaines avec ma femme, rue Van
722 » (affection et réserve réciproques). Sa pensée n’ a pour moi rien d’actuel et je doute qu’il en aille autrement pour mes
723 éraires.) C’est son style et son personnage qui m’ ont touché. La plupart des « actuels » écrivent mal, ou sont plats. Mais
724 eux célébrés — et mieux oubliés tôt après… Gide n’ a contesté sérieusement, des fondements de notre société, que son ortho
725 nt plus exemplaire que les contestataires de 1968 ont la faiblesse insigne d’en faire fi. Mais il n’a pas créé l’image d’un
726 ont la faiblesse insigne d’en faire fi. Mais il n’ a pas créé l’image d’un ordre neuf — seule valable contestation, à mes
727 naire suivant sur l’influence d’André Gide : « 1. a ) Dans quelle mesure l’œuvre et la pensée de Gide vous ont-elles influ
728 s quelle mesure l’œuvre et la pensée de Gide vous ont -elles influencé, b) et quels sont les aspects de sa pensée qui vous p
25 1969, Articles divers (1963-1969). Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)
729 après plus d’un siècle d’Un Souvenir de Solférino a quelque chose de bien déconcertant pour nos habitudes critiques : cet
730 phraséologie d’époque prête à sourire, mais elle a fait pleurer, elle nous émeut encore, et surtout elle a fait agir ; c
731 pleurer, elle nous émeut encore, et surtout elle a fait agir ; cette approche soigneusement conventionnelle du phénomène
732 toujours paré du nom de réalisme. Aristide Briand avait coutume de prononcer à la Chambre française des discours qui défiaien
733 rien rester d’un bon discours, sauf la loi qu’il a fait voter. Quelle que soit la valeur littéraire que nous accordons a
734 s », « l’inébranlable constance » des maréchaux n’ a d’égale que « le sang-froid admirable » des deux empereurs, et l’éner
735 n écrit à la chronique de faits d’armes dont il n’ a pas été le témoin, et qui auraient tous été, s’il faut l’en croire, d
736 its d’armes dont il n’a pas été le témoin, et qui auraient tous été, s’il faut l’en croire, de hauts exemples de bravoure ou de
737 e telle qu’on l’exalte aussi longtemps qu’on ne l’ a pas vue. Dulce bellum inexpertis 41, fameux titre d’Érasme, pourrait
738 enir ici. Mais alors, au-delà de la captatio, n’y a-t -il une secrète et profonde ironie, une intention de souligner le cont
739 je vais vous dire ce qu’elle est, telle que je l’ ai vue… Car voici que le récit quittant le style noble et convenu, tourn
740 situé, chiffré, détaillé d’heure en heure. Il n’y a presque plus d’adjectifs. Mais seul ce changement de ton trahit l’ent
741 un coup de sabre au travers du visage. Un général a eu l’épaule fracassée par un boulet qui reste enclavé dans les muscle
742 coup de sabre au travers du visage. Un général a eu l’épaule fracassée par un boulet qui reste enclavé dans les muscles d
743 se ; la capote, la chemise, les chairs et le sang ont formé chez ceux-là un horrible et indéfinissable mélange où les vers
744 de compassion signale la présence de Dunant, qui avait écrit peu de pages auparavant, de la manière la plus impersonnelle, à
745 i seul (mais rien ne l’indique dans le texte) qui a pris l’initiative de secourir les blessés et d’organiser ces secours,
746 rop, même dans les armées les mieux organisées, j’ aurais pleinement atteint mon but. Toute sa proposition tient en une phrase
747 nt en une phrase, au surplus interrogative : N’y aurait -il pas moyen de constituer des sociétés de secours dont le but serait
748 ur une pareille œuvre ? Tel est l’homme que l’on a traité d’utopiste et d’illuminé, et auquel on a tant reproché de manq
749 n a traité d’utopiste et d’illuminé, et auquel on a tant reproché de manquer du sens élémentaire des réalités. On ne saur
750 Croix-Rouge est fondée à Genève. Et certes, il n’ eût pas pu la fonder seul, sans Gustave Moynier notamment, homme de métho
751 a de présider le premier Comité. Reste que rien n’ eût été fait sans le Souvenir, ni sans l’impulsion créatrice de son auteu
752 e plus meurtrier du siècle depuis Waterloo : il n’ a qu’une seule idée en tête, qui est d’approcher l’empereur et d’obteni
753 iété anonyme des Moulins de Mons Djemila », qu’il a fondée. Mais d’autres soucis, ce jour-là, retiennent l’empereur. Notr
754 ste, entièrement étranger à cette grande lutte, j’ eus le rare privilège par un concours de circonstances particulières, de
755 . Il cherchait un empereur et il trouve une idée, aurait pu dire Victor Hugo. Je vois ici la situation classique qui définit u
756 d’exil, d’obscurité et de famine. Un jour, on lui a demandé de parler à Plymouth : il ne peut arriver au bout de son disc
757 gé d’honneurs dans sa retraite morose, comme il l’ avait été d’opprobres au temps de sa vie la plus entreprenante, portant sur
758 tout près de la vraie fin de ce xixe siècle qui a commencé au soir de Waterloo et qui va se terminer au seuil sanglant
759 sanglant de la Première Guerre « mondiale ». Il l’ avait vue venir. Il écrivait : « Ah ! la guerre n’est pas morte ! Tout ce q
760 , du sang, encore du sang, du sang partout. » ⁂ J’ ai dit qu’on chercherait en vain, dans un Souvenir, la moindre note d’an
761 ense phénomène de la guerre, un succès indéniable a été remporté par la fondation de la Croix-Rouge. Mais vouloir « dimin
762 ) J’avoue qu’à ma première lecture du Souvenir, j’ avais achoppé sur ce point. Mais la mise au jour des cahiers de Heiden, don
763 ce même passage : Certains, comme J. de Maistre, ont nommé la guerre « divine » ; d’autres la tiennent pour une « loi de l
764 des bataillons partant pour la tuerie après leur avoir enseigné dans leur enfance ce commandement péremptoire : — Tu ne tuer
765 péennes, adoratrices de la force à quoi le Christ a opposé l’amour, Dunant répond encore dans le même fragment intitulé U
766 ques. Serait-ce que Dunant, écarté de l’action, n’ ayant plus rien à espérer ni à ménager, s’abandonnerait au zèle amer du cen
767 l y a plus. Réaliste est celui qui, non content d’ avoir dénoncé le mal qui est dans le monde, s’en prend à ses principes qui
768 Tels sont les procédés nés de la Révolution, qui ont permis à l’État (de droite, à gauche) d’aboutir à l’alignement des ré
769 ». La Conscription universelle : les philosophes avaient prédit que les peuples, en se libérant, aboliraient le service milita
770 u lieu de supprimer les armées permanentes, elles ont décidé que tous les citoyens valides en feraient partie. » La Presse
771 publique… le plus puissant des potentats… » Elle a changé en trois générations l’esprit de bien des peuples. « Si, en s’
772 ’être l’influence la plus oppressive que le monde ait jamais connue, elle deviendrait un véritable bienfait… » Le National
773 le de leur vieille et respectable moralité ». (Il a fallu plus de soixante ans pour que l’Europe commence à le soupçonner
774 és nationales… Encore un peu de temps, et l’homme aura , grâce à la science, des moyens si prodigieux de faire le mal qu’il n
775 Jakob Burckhardt, Nietzsche, ou Georges Sorel, n’ a rien pu contre le désastre où devaient s’abîmer tant de millions de j
776 ec les défenseurs de la justice. Mais cet enfer n’ aura pas prévalu contre la vision juste d’un vieillard en colère, et qui a
777 la vision juste d’un vieillard en colère, et qui avait fait en outre plus de bien qu’aucun homme de son siècle ou du nôtre.
778 41. « La guerre est agréable pour ceux qui ne l’ ont pas faite » ou mieux : « Pour les civils, la guerre est belle ! » 42
779 itulé L’armée est une école, dit-on ! 45. Dunant avait publié, en 1859, un volume intitulé la Régence de Tunis dans lequel i
780 » et pour la civilisation arabe. Cette attitude n’ a pas été étrangère aux difficultés, insolites elles aussi, que lui ont
781 e aux difficultés, insolites elles aussi, que lui ont faites les administrations métropolitaines en partie responsables de
26 1969, Articles divers (1963-1969). Toujours disponible (1969)
782 me il m’arrive pour la plupart de ceux avec qui j’ ai longtemps collaboré et dans des circonstances très diverses, je n’arr
783 ses, je n’arrive plus du tout à retrouver quand j’ ai rencontré pour la première fois Hans Oprecht. Avant la guerre à Zuric
784 trains suisses — car chacun sait que Hans Oprecht a été l’un des premiers à utiliser cette forme moderne du cabinet de tr
785 e et soulèverait trop d’oppositions. Bien avant d’ avoir lu ces lignes, qui datent de 1968, nous avions adopté cette règle d’o
786 t d’avoir lu ces lignes, qui datent de 1968, nous avions adopté cette règle d’or, dès les débuts de l’activité du Centre europ
787 initiative de celui des membres de son comité qui avait le mieux démontré le mouvement en marchant : Hans Oprecht n’était pas
788 e directeur de la Büchergilde Gutenberg, laquelle avait donné naissance à la Guilde du Livre, à Lausanne. Ce fut autour de ce
789 s. Si bien que l’on peut affirmer que les guildes ont au moins triplé le nombre des Européens contaminés par le goût de la
790 es plus originaux qui soient : l’un des rares qui ait trouvé le secret d’être à la fois efficace et d’humeur enjouée, redou
27 1969, Articles divers (1963-1969). « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)
791 gens le goût des belles choses » (15 février 1969) ai aj Vous avez écrit : « N’habitez pas les villes » et peut-être est
792 es belles choses » (15 février 1969)ai aj Vous avez écrit : « N’habitez pas les villes » et peut-être est-ce pour cela qu
793 propos de quelques photographies : Voyez-vous, on a su, dans ces pays, créer une atmosphère, un style. Mais n’était-il pa
794 it-il pas urgent de construire des logements ? On aurait pu faire, plus loin, dans ces immenses champs, un joli village avec u
795 ec une place, une église, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause de cette place où les
796 an d’ensemble n’existe, on pare au plus pressé. J’ ai pu le constater à propos d’un petit village du Midi où je possède une
797 it village du Midi où je possède une maison. On y a tué la poule aux œufs d’or car on n’a pas pensé que l’on détruisait c
798 aison. On y a tué la poule aux œufs d’or car on n’ a pas pensé que l’on détruisait ce qui faisait l’attrait du pays. On a
799 n détruisait ce qui faisait l’attrait du pays. On a l’impression que le seul souci qu’on ait soit la spéculation. Il faut
800 u pays. On a l’impression que le seul souci qu’on ait soit la spéculation. Il faut construire vite parce que cela coûte moi
801 tites, plus homogènes, à créer un style. Mais n’y aurait -il pas un grand bouleversement, dans tous les domaines ? Il faudra « 
802 C’est ma conclusion du Journal d’une époque . ai . Rougemont Denis de, « [Entretien] Il faut donner aux gens le goût d
803 ant une telle expansion ? Le pays de Gex, où l’on a eu, de tout temps, le goût de la mesure, de la solidité, de la simpli
804 t une telle expansion ? Le pays de Gex, où l’on a eu , de tout temps, le goût de la mesure, de la solidité, de la simplicit
805 ira-t-il pas d’une mutation aussi profonde ? Nous avons posé cette troublante question au grand écrivain Denis de Rougemont.
806 Denis de Rougemont. Depuis plus de vingt ans, il a choisi de vivre dans la “Maison des Bois“, demeure simple et belle da
28 1969, Articles divers (1963-1969). Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)
807 sur les régions et non sur les États-nations47, j’ ai été amené à relever et à classer les objections les plus fréquentes à
808 ctivité industrielle. (Principes d’une réponse : a ) N’est-il pas justement trop difficile de faire l’Europe politique su
809 ase des États-nations ? Pour quelles raisons ne l’ a-t -on pas encore faite ? b) Le seul projet de fédération qui ait réussi
810 core faite ? b) Le seul projet de fédération qui ait réussi en Europe, la Suisse, a été conçu, formé et accouché en neuf m
811 e fédération qui ait réussi en Europe, la Suisse, a été conçu, formé et accouché en neuf mois exactement, du 17 février a
812 d’un cordon douanier commun, par exemple.) Il n’y a qu’une transition du projet au succès : c’est l’acte créateur, ou rév
813 eront leurs frontières exactes ? Faut-il qu’elles aient des superficies ou des populations à peu près égales ? La région de P
814 habitants, est plus petite que le Limousin, qui n’ a que 0,7 million d’habitants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’est p
815 nent du « modèle » que l’École (aux trois degrés) a imposé depuis un siècle au moins. L’homme d’aujourd’hui, formé par le
816 lu de toute histoire d’un peuple digne de ce nom. Ayant « fait son unité » (comme on fait sa puberté), il devient une « natio
817 régimes, mais toujours contribuables. L’Église n’ a plus le droit de brûler ses hérétiques, mais l’État a le devoir de sé
818 us le droit de brûler ses hérétiques, mais l’État a le devoir de sévir contre ceux qui contestent l’un de ses dogmes (obj
819 es de l’histoire moderne, ce sont les guerres qui ont servi de prétexte à ces concentrations forcées, c’est leur préparatio
820 ur préparation, leur conduite et leurs suites qui ont notamment accrédité l’idée que l’économie est au service des desseins
821 litique, l’économique, le social et le culturel — aurait sans doute plus de chances de favoriser l’inquisition administrative
822 ne représenterait aucune révolution, au sens où j’ ai toujours entendu le terme, qui ne signifie pas « tout casser » mais,
823 loppement. Le pouvoir de sécuriser une population a de tout temps constitué la force principale d’un chef, roi, dictateur
824 ntellectuelles, spirituelles ou affectives, qui n’ ont pas de frontières communes, et souvent pas de frontières du tout. Si
825 ster et au fou ! Voyez Hitler. Mais personne ne m’ a démontré qu’entre les ambitions de Napoléon et celles d’un dictateur
826 organes ou fonctionnaires différents tout ce qui aura été séparé et défini ; ne rien laisser dans l’indivision.49 Proudho
827 issent, est à peine exploré, inutile de le dire. a ) Il faudrait commencer par opérer les dissociations nécessaires des p
828 e menacé par les États-nations tant que ceux-ci n’ auront pas renoncé au « totalitarisme » de leurs pouvoirs et ne se seront pa
829 s’arrogent en barons pillards ; et tant qu’il n’y aura pas, au niveau continental, une autorité politique fédérale. ak. Ro
29 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
830 es à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à 38 ans, on a généralement quelques souvenirs, quelques cheveux blancs et des enfan
831 aison des amours vraies, solides, bien bâties. On a passé l’âge de Roméo et Juliette, mais on espère bien arriver à Philé
832 remariage c’est souvent l’heureux mariage qu’on n’ a pas su réussir du premier coup. Mais faut-il vraiment se marier deux
833 vraiment se marier deux fois ? Denis de Rougemont a accepté de faire pour vous le tour de ce problème de notre époque qui
834 r vous le tour de ce problème de notre époque qui a été aussi son problème à lui ; Denis de Rougemont n’est pas seulement
835 s de Rougemont n’est pas seulement l’écrivain qui a le mieux analysé et expliqué l’amour et le couple, il est aussi depui
836 ès médical. Ce qu’on nomme « l’espérance de vie » ayant doublé, cela double aussi les « chances » arithmétiques et psychologi
837 e milieu avec une facilité croissante et on admet avoir d’autres aspirations à 40 ans qu’à 20 ans. D’où la multiplication des
838 ns un couple — le cas classique de la femme qui n’ a pas su « suivre » son mari ou l’inverse. Il y a enfin la remise en qu
839  ? Ce qu’on peut dire avec certitude, c’est qu’il a beaucoup plus de chances de l’être : il y a des écueils inhérents à u
840 xations amoureuses dues à des motifs inconscients ont bien des chances de correspondre à la réalité des êtres et de leur vi
841 emme réelle, bien différente. Elle, eh bien, elle a aussi son image de l’homme qui lui fait faire les mêmes erreurs. « Je
842  Je suis tombée amoureuse de lui avant même qu’il ait dit un mot… » Y a-t-il des causes d’échec qui soient plus spécifiquem
843 reuse de lui avant même qu’il ait dit un mot… » Y a-t -il des causes d’échec qui soient plus spécifiquement attachées à tell
844 ? On pense que le seul moyen de réussir ce qu’ils ont raté c’est de prendre le contre-pied de leurs conseils. Ce qui condui
845 et à soi-même qu’on sait ce qu’on veut et qu’on n’ a besoin de personne. Moins on est sûr de la durée de ses sentiments, p
846 fille qui se marient « avec passion » ? Il n’y en a plus, aujourd’hui. Il n’y a plus d’obstacle objectif : si l’un des de
847 passion » ? Il n’y en a plus, aujourd’hui. Il n’y a plus d’obstacle objectif : si l’un des deux est marié, il n’a qu’à di
848 tacle objectif : si l’un des deux est marié, il n’ a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-ce pas la morale sociale
849 atalité, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en avoir un, de pouvoir accuser le sort, puisque la passion sera forcément mal
850 euse. Le défi sentimental du passionné Vous avez démontré dans L’Amour et l’Occident que l’amour tel qu’on le rêve —
851 s une invention récente. Or la crise du mariage n’ a pas six siècles. Quel rapport y a-t-il entre l’un et l’autre ? C’est
852 se du mariage n’a pas six siècles. Quel rapport y a-t -il entre l’un et l’autre ? C’est qu’autrefois on se mariait pour des
853 on sera l’exception, qu’on réussira où les autres ont raté. C’est le défi sentimental, le défi téméraire et dérisoire du pa
854 Pas automatiquement du tout. Quand l’expérience n’ a pas été comprise, on se remarie trois fois, quatre fois, cinq fois, c
855 n ne se joue plus la comédie — ni aux parents. On a compris que l’essentiel ce sont les caractères, qui ne changent jamai
856 u zèbre », dit un proverbe oriental) et, comme on a pris conscience de la nécessité de la durée, on accorde une plus gran
857 ion, ne vous remariez pas pour vous venger N’y a-t -il pas des causes d’échec spéciales à un deuxième mariage ? Oui, il y
858 ec spéciales à un deuxième mariage ? Oui, il y en a deux, qui tiennent, elles aussi, à ses motivations. La peur de la sol
859 ’est plus la première fois. Cette deuxième fois n’ a davantage de chances de réussir que s’il n’y a pas nostalgie de la pa
860 n’a davantage de chances de réussir que s’il n’y a pas nostalgie de la passion chez l’un ou chez l’autre. Se dire : « La
861 n ou chez l’autre. Se dire : « La première fois j’ ai souffert, cette fois-ci je vais faire au contraire un mariage de tout
862 es goûts et les antécédents. Un mariage où il n’y aurait que des « convenances » a plus de chances de durer mais guère plus de
863 mariage où il n’y aurait que des « convenances » a plus de chances de durer mais guère plus de chances de bonheur qu’un
864 lus de chances de bonheur qu’un mariage où il n’y aurait que de l’amour. Le vrai amour c’est le contraire de la passion
865 ent de personnalisation par excellence : ce qu’il a su voir c’est l’irremplaçable, l’unique, ce que chaque être peut deve
866 venir s’il y est appelé. C’est son mystère, qui n’ a rien de littéraire, de romantique, le mystère de sa réalité différent
867 ère de sa réalité différente. Le deuxième mariage ayant en général de meilleures chances, faut-il en arriver à le prôner syst
868 ntiel de ne pas le refouler comme un acte dont on a honte ou peur. Je suis pour le « mariage-maquette » Ceci appell
869 e ça pourrait ne pas durer et l’on décide qu’on n’ aura pas d’enfants ; il n’y aura donc pas de victimes. Appelons cette expé
870 t l’on décide qu’on n’aura pas d’enfants ; il n’y aura donc pas de victimes. Appelons cette expérience un « mariage-maquette
871 urs très favorables au « mariage-maquette » ? Ils ont tort. L’Église leur donne l’exemple en exigeant avant l’entrée en rel
872 rs il n’est pas question d’essais multiples. Pour avoir une valeur expérimentale il faut qu’un mariage-maquette se prolonge p
873 on nous imposait des marches d’entraînement et j’ ai fait à cette occasion une découverte qui a joué un rôle important dan
874 et j’ai fait à cette occasion une découverte qui a joué un rôle important dans ma vie : si l’on part pour une promenade
875 rois quarts d’heure. Quand nous pensions que nous aurions 20 à 30 km à couvrir, nous commencions à être fatigués au bout de 10
876 és au bout de 10 à 12 kilomètres. Mais quand nous avons su que cette fois-ci c’était sérieux, que nous partions pour la march
877 partions pour la marche finale de 140 km, nous n’ avons ressenti aucune fatigue pendant les 20 premiers kilomètres. Le corps
878 . La valeur du « oui » solennel Mais vous n’ avez pas fait lors du premier coup une marche de 140 km ? C’est pourquoi l
879 la « longue marche » qu’est le vrai mariage. Pour avoir toute sa valeur il faut aussi que le pacte soit sans arrière-pensée.
880 ut aussi que le pacte soit sans arrière-pensée. J’ ai assisté, en Amérique, au mariage d’une jeune héritière qui répétait a
881 oir autre chose que les quatre ou cinq échecs qui ont suivi. Donc le mariage-maquette donne une idée de ce qu’est le mariag
882 vraie vie, c’est la vie quotidienne et qu’elle n’ a rien de terne et d’ennuyeux (si les gens ne sont pas eux-mêmes ternes
883 adours, les romanciers de la Table ronde, Tristan ont affiné et « compliqué » les sentiments, donc ont fait faire d’énormes
884 ont affiné et « compliqué » les sentiments, donc ont fait faire d’énormes progrès à la conscience collective. Mais ne pren
885 ne construction à deux et comme toute création il a ses difficultés. Il faut sans cesse comprendre à nouveau, risquer et
886 voir sinistre, une mutilation volontaire : nous n’ avons pas été élevés pour être heureux ! Le contraire de la folie, du déséq
887 vre est un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ ont lu sont mieux armés pour réussir leur vie à deux —, vous explique com
30 1969, Articles divers (1963-1969). Le personnalisme, la contestation, les hippies et… le fédéralisme (27 septembre 1969)
888 e poche. Ce livre, célèbre de par le monde devait avoir de nombreux prolongements. Ce sera, au fil des ans, Doctrine fabuleus
889 ème de l’amour-passion. La célébrité d’un ouvrage a malencontreusement relégué dans l’ombre l’action non moins importante
890 fédéraliste en Europe, en faveur de laquelle il n’ a cessé de militer depuis la fin de la guerre, c’est-à-dire depuis 1946
891 6. On s’étonnera alors moins d’apprendre qu’après avoir reçu, en 1963, le Grand Prix littéraire de Monaco, qui couronnait de
892 ère à M de Rougemont : celle du fédéralisme. Il l’ a non seulement défendue par ses écrits, mais également par son action
893 directeur du Centre européen de la culture, qu’il a fondé et qu’il dirige depuis 1949. Si à ses nombreux titres on ajouta
894 i est, en quelque sorte, un prix de théologie, on aura , je crois, défini les différents pôles autour desquels se meut la pen
895 tion, on le voit reste toujours d’actualité. Nous avons donc profité de cette première visite de M. de Rougemont à Montréal p
896 n marquer, nous dit-il, c’est que pour moi il n’y a aucune séparation entre L’Amour et l’Occident et les ouvrages que j
897 s ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ ai déjà écrit sur le fédéralisme. Il n’y a jamais eu en moi deux activit
898 ou que j’ai déjà écrit sur le fédéralisme. Il n’y a jamais eu en moi deux activités distinctes, mais au contraire osmose
899 ai déjà écrit sur le fédéralisme. Il n’y a jamais eu en moi deux activités distinctes, mais au contraire osmose complète e
900 de Rougemont. Mon ami Jacques de Bourbon-Busset m’ a dit, un jour, qu’il se considérait comme mon disciple en érotique per
901 ouple et mes théories fédéralistes. À quoi je lui ai répondu que rien n’était plus facile. Car pour moi, le couple est une
902 finitions des conciles du ive au vie siècle qui ont défini la personne à propos des personnes de la Trinité. Le concile d
903 a première nous ramène à 1932. Denis de Rougemont a , alors, 26 ans. Il habite Paris. C’est là qu’il participera à la nais
904 rsonne . On peut y lire, en effet, un article qui avait déjà paru dans la revue Esprit et qui constitue, nous fait remarque
905 ugemont, « la seule définition de la personne qui ait jamais paru dans ces revues personnalistes ». Cet article, « Définiti
906 i se posait dans les termes d’aujourd’hui. Nous y avions peut-être un peu plus de mérite, car la situation extérieure n’était
907 ve que celle qui prévaut aujourd’hui. Ce qui nous avait alors alerté et réveillé c’était l’exemple du nazisme et du communism
908 ce moment-là. Cette crise existentielle dont nous avions été les témoins stupéfaits lorsqu’elle éclata pour la première fois p
909 parmi les étudiants à Berkeley, M. de Rougemont l’ avait déjà vécue. Il désire néanmoins apporter une légère correction : Je d
910 porter une légère correction : Je dois dire que j’ ai souvent pu déceler dans la contestation qui s’est développée à Paris,
911 il faut tout casser et après on verra bien, moi j’ ai déjà vu ce qui va se passer : c’est la police qui arrive. Je ne suis
912 est faite précisément au nom d’autre chose. Je n’ ai pas du tout varié en ce qui concerne la définition de la révolution q
913 concerne la définition de la révolution que nous avions en 1932. Il s’agissait alors de substituer un nouvel ordre à ce que n
914 monde où la passion, la tentation de la passion n’ aura plus aucun sens. Alors qu’avec le mouvement anarchisant des hippies q
915 néanmoins, que des rassemblements comme celui qui a eu lieu récemment à Bethel, près de New York, sont la démonstration é
916 guerre qui vient de se terminer, M. de Rougemont a pu en mesurer toute l’absurdité puisque, de par sa nationalité, il ét
917 la guerre, et s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ ont pas su se fédérer progressivement, au lieu de s’unifier brutalement.
918 nition de la « personne » au fédéralisme. Je vous avais dit que l’homme doit être à la fois libre et responsable, il en est d
919 tout. Cette théorie fédéraliste nous amène, on l’ aura remarqué, loin du fédéralisme canadien. M. de Rougemont nous confiera
920 emont nous confiera d’ailleurs ses impressions. J’ ai constaté qu’ici au Québec, on appelait fédéraliste la tendance unitai
921 on arrivera à fédérer l’Europe, car ces régions n’ auront aucune peine à s’entendre. On arriverait ainsi à construire une Europ
922 ra les grandes options politiques. Si vous voulez avoir une vision fédéraliste du monde, nous dit M. de Rougemont, il vous fa
31 1969, Articles divers (1963-1969). La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)
923 ue cela, pour créer une communauté. Qui, au fond, ont eu comme résultat que la communauté est en train de se défaire, n’est
924 ela, pour créer une communauté. Qui, au fond, ont eu comme résultat que la communauté est en train de se défaire, n’est-ce
925 iées. C’est une formule, d’ailleurs, que Sartre m’ a prise sachant très bien, me disant qu’il la prenait de moi, mais que
926 ais que tous les journalistes après la guerre lui ont attribuée, en oubliant complètement que c’était dans tous mes premier
927 t la formule de l’engagement, n’est-ce pas, que j’ ai lancée en France en 1933, et qui forme les deux premiers chapitres de
928 934… Est-ce que le mot et la chose « engagement » ont encore aujourd’hui une signification quelconque ? Ça a pris une signi
929 ore aujourd’hui une signification quelconque ? Ça a pris une signification idiote, chez beaucoup de jeunes Français, nota
930 al compris Vous savez sans doute que le Canada a un régime politique fédéral ? Est-ce que vous avez étudié le fédérali
931 a a un régime politique fédéral ? Est-ce que vous avez étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je suis devenu, presque
932 n’est-ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’on a voulu nous faire avaler pendant tout le xixe siècle, et dans nos man
933 ce que le Centre européen de la culture, que vous avez fondé, je pense, et que vous présidez, à Genève ? J’ai créé ce Centre
934 ndé, je pense, et que vous présidez, à Genève ? J’ ai créé ce Centre en 1949-1950 comme la contrepartie, sur le plan de l’u
935 n troisième volet, qui était la culture… Alors, j’ ai créé ce centre à Genève, très petit, avec très peu de moyens parce qu
936 moyens parce que les gouvernements, évidemment, n’ ont jamais d’argent. Enfin, j’ai, par des tours de force, réussi à créer
937 ents, évidemment, n’ont jamais d’argent. Enfin, j’ ai , par des tours de force, réussi à créer ce Centre et à le maintenir.
938 oyer de création d’institutions européennes. Nous avons créé toutes sortes de choses absolument hétéroclites, d’après les bes
939 directeurs d’agences nucléaires de six pays, qui a donné lieu à la création du CERN — le Centre européen de recherche nu
940 ucléaire, le plus grand laboratoire européen, qui a permis de garder en Europe nos physiciens qui, autrement, seraient to
941 us partis en Amérique — exode des cerveaux ! Nous avons créé aussi des fédérations de guildes du livre, d’historiens, pour la
942 té d’y répondre, et un certain nombre de gens qui ont envie qu’on le fasse, nous les réunissons. Ceci avec un tout petit st
943 i avec un tout petit staff, à Genève, auquel nous avons finalement ajouté, après de nombreuses années, un centre universitair
944 ions européennes, d’expériences européennes, nous avons créé un Institut universitaire — qui est lié à une université — qui s
945 st-ce que l’idée de culture, la notion de culture a évolué ? Oui, je crois que nous sommes arrivés tout de même à combatt
946 e comme une addition de cultures nationales. Nous avons à peu près renversé cela, en montrant, comme Toynbee le faisait de so
947 , comme Toynbee le faisait de son côté, qu’il n’y a pas d’histoire de la culture concevable, intelligible, en dehors d’un
948 ; quelle expérience de votre vie personnelle vous a voué à accorder autant d’attention à l’amour ? Je vous dirais qu’au f
949 nce entre les différentes activités d’un homme. J’ ai un ami français qui se dit mon disciple en érotique personnaliste, et
950 mon disciple en érotique personnaliste, et qui m’ a défié, il y a deux ans, de prouver que mon idée du mariage et de l’am
951 ariage et de l’amour me conduit au fédéralisme. J’ ai dit : rien n’est plus facile. Le mariage, c’est le banc d’essai du fé
952 même chose entre un homme et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse en ceci que vous dites que l’amou
953 i ? Moi, je ne suis pas du tout d’accord : il n’y a pas du tout de débandade de l’idée religieuse, du phénomène religieux
954 t justement la traduction anglaise de ce livre, j’ ai vu que vous insistez beaucoup sur l’opposition Dieu et diable, sur l’
955 ition de ce livre en Amérique, pour laquelle on m’ a demandé une postface que j’ai presque terminée, et dans laquelle je d
956 , pour laquelle on m’a demandé une postface que j’ ai presque terminée, et dans laquelle je décris le diable comme, au fond
957 à Neuchâtel (Suisse) en 1906, Denis de Rougemont a maintenant passé la soixantaine, c’est-à-dire qu’il a deux fois l’âge
958 intenant passé la soixantaine, c’est-à-dire qu’il a deux fois l’âge où l’on commence à être suspect pour les jeunes. Et p
959 r — dans le Metro Bar de l’hôtel Mont-Royal où il avait insisté pour m’attirer. »