1 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme suisse (1963)
1 se ne saurait se targuer d’avoir donné à l’Europe et au monde une « culture nationale » bien caractérisée ; ni même d’avoi
2 probable.) Mais cet apport ne fut jamais typique et spécifique d’une unité bien évidente, à la fois culturelle et politiq
3 e d’une unité bien évidente, à la fois culturelle et politique, comme le furent la Sérénissime, les états généraux de Holl
4 les unités locales — vallées, cités, principautés et républiques — dont on sait la diversité non seulement de langue, de c
5 diversité non seulement de langue, de confession et de coutumes, mais de régime politique, pendant des siècles. C’est ce
6 le à l’Europe. Pratique restée longtemps sans nom et sans doctrine — ou du moins, sans doctrine trop clairement formulée.
7 e de manière assez différente par les Alémaniques et les Romands. Pour les premiers, fédération veut dire « communauté du
8 rtout volonté de maintenir les autonomies locales et cantonales, contre les empiètements de l’autorité centrale. Rien d’ét
9 que est mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notamment chez nos voisins français, épris de logique, disent-ils, et
10 s voisins français, épris de logique, disent-ils, et centralisateurs. Un Français cultivé et qui se demande quel est le « 
11 sent-ils, et centralisateurs. Un Français cultivé et qui se demande quel est le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt
12 ttribué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. « Aux jac
13 s, on agita gravement la question du fédéralisme, et on souleva mille fureurs contre les girondins. » Thiers, Histoire de
14 e. ⁂ Comme toutes les choses vivantes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositi
15 alisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais
16 es contradictions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’allons pas cr
17 niversel ou d’opportunisme lâche, qui tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances
18 occidental moderne : le centralisme uniformisant, et le particularisme refermé sur lui-même. Le fédéralisme refuse par pri
19 sur lui-même. Le fédéralisme refuse par principe et par définition l’uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’u
20 totalitaire, de tout ordre géométrique simpliste, et par-là même tyrannique. (« La tyrannie est le souverain désordre », d
21 iversité, la pluralité des forces en compétition, et loin de fuir devant la complexité du réel, il la respecte, il croit à
22 C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide, et même, dans certains cas bien définis, la mise en commun de leurs ress
23 La santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-
24 a peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et
25 pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin e
26 as à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il
27 esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en s
28 la volonté de centralisation totale d’une nation, et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement c
29 traitent tout le reste d’étranger, donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs vo
30 té, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconn
31 es autonomies locales. Elle exige à la fois l’une et l’autre, en dépit de leur caractère logiquement antinomique et pratiq
32 n dépit de leur caractère logiquement antinomique et pratiquement antagoniste. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du
33 un art de la composition, qui requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Preno
34 fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y
35 ible dans un tableau sans contrastes de couleurs, et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble, cell
36 e la qualité particulière d’un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé ave
37 e sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre
38 éraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui abo
39 chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est la libre
40 dérale, qui est la libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction f
41 ser en un ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa manière. La plupart des impasses dans lesqu
42 squent d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun. D’une part
43 eté globale, qui ne laisserait jouer qu’à regret, et à titre de concession, la diversité des fonctions nationales ; d’autr
44 exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; et les autres sont tentés d’oublier qu’un organe bien différencié ne sau
45 nt, sinon elle trahira sa mission dans le monde ; et qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’une
46 égime de coexistence » digne du nom. C’est aussi, et c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversi
47 éthode de composition des valeurs diversifiées, —  et voilà, me semble-t-il, du même coup, une assez bonne définition de la
48 ’il y ait culture en général — au sens occidental et moderne du terme —, il faut une variété aussi riche que possible de c
49 ques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. —  et il faut quelque chose qui lie toutes ces œuvres variées, et qui leur
50 quelque chose qui lie toutes ces œuvres variées, et qui leur offre une commune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parle
51 nous ne saurions parler d’une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une
52 vante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité
53 r nous autres Suisses, l’unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans toutes nos œ
54 commun sur lequel se détache notre individualité, et dont elle tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’E
55 être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laquelle nous po
56 la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laquelle nous pouvons nous rattacher directement, nous qu
57 culture nationale », intermédiaire entre l’Europe et nos cités. Je bute ici sur un concept aussi néfaste qu’invétéré, et q
58 ute ici sur un concept aussi néfaste qu’invétéré, et qui me paraît exemplairement incompatible avec la réalité fédéraliste
59 nombre de « cultures nationales » bien distinctes et autonomes dont l’addition constituerait la culture européenne est une
60 constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme brume au so
61 . La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œu
62 e est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment des nations qui divisent aujou
63 nt des nations qui divisent aujourd’hui l’Europe, et dont la plupart n’ont même pas cent ans d’existence : il faut bien ad
64 tre que la culture s’était constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’un seul ex
65 exemple : celui de la musique, élément important et typiquement européen de notre culture. Dans ses grandes lignes, voici
66 i l’évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue entre les xiie et xive siècles dans un certain nombre
67 urope : elle naît et se constitue entre les xiie et xive siècles dans un certain nombre de cités du Nord et du Centre de
68 siècles dans un certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienne, en Provence, puis en Île-de-Fran
69 es Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’Italie qu’elle enrichit de ses nombreuses découverte
70 allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennent leur métier. Au début du xxe siècle,
71 t des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissanc
72 n, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et — hier — l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nation
73 lan, le provençal, l’italien et — hier — l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nations. De même, l’alleman
74 aux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même totalement indépendants des la
75 ême totalement indépendants des langues modernes, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. «
76 nne à chacun des 24 États-nations qui ont découpé et longtemps déchiré le corps de notre continent. ⁂ Or il se trouve que
77 e les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, mais se rattache d
78 l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire »,
79 rés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque, — 
80 r cet arrière-fond commun. Si je cherche pourquoi et en quoi les Suisses romands, par exemple, se différencient des França
81 ulture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit che
82 ande partie nos mœurs, notre exigeant souci moral et notre méfiance pour les cérémonies, à moins que son adoption n’ait ré
83 nt l’admettre. D’où résulte qu’un Suisse romand — et tout ce que je viens d’en dire vaut aussi, mutatis mutandis, pour le
84 magne — dépend de plusieurs entités indépendantes et d’ordres divers, les unes plus petites que la Suisse et les autres be
85 rdres divers, les unes plus petites que la Suisse et les autres beaucoup plus vastes. Par ses allégeances civiques, économ
86 vastes. Par ses allégeances civiques, économiques et sociales, il se rattache à sa commune, à son canton, à la Confédérati
87 t mondiales ; par sa langue, au domaine français, et par sa culture, aux sources variées de l’Europe antique, médiévale et
88 ux sources variées de l’Europe antique, médiévale et moderne. Autant de réalités ou d’entités qui n’ont pas les mêmes fron
89 ières, qui ne se couvrent que très partiellement, et qui permettent un grand nombre de combinaisons originales. On ne saur
90 hoisir, j’entends de se faire homme à sa manière, et non point à celle de l’État. D’où la densité culturelle de ce petit c
91 le de ce petit coin de pays, — éducation, lettres et arts, sciences et techniques. Densité sans nul doute supérieure à cel
92 n de pays, — éducation, lettres et arts, sciences et techniques. Densité sans nul doute supérieure à celle d’une tranche q
93 ure à celle d’une tranche quelconque d’un million et demi d’habitants, prise au hasard dans l’une des grandes nations vois
94 mais au contraire de la pluralité des dimensions et de la variété des allégeances possibles, les unes locales ou régional
95 eances possibles, les unes locales ou régionales, et les autres universelles, — telles que le fédéralisme les implique et
96 rselles, — telles que le fédéralisme les implique et permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peut conduire m
97 éralisme les implique et permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité do
98 orée, politiquement au neutralisme de l’autruche, et dans le domaine culturel, à préférer les moyennes rassurantes aux œuv
99 ntes aux œuvres fortes. Offrant un jeu de petites et de grandes dimensions à composer diversement, il satisfait trop facil
100 les petites. Mais la plupart des hommes veulent, et méritent sans doute, la sécurité avant tout. Ce phénomène n’est pas p
101 e protection plus efficace de leur vie culturelle et civique, comme de leur paix. On voit mal ce qu’ils gagneraient à écha
102 contre les régimes prestigieux, épris de grandeur et d’idéologies, et qui aboutissent périodiquement à faire tuer quelques
103 s prestigieux, épris de grandeur et d’idéologies, et qui aboutissent périodiquement à faire tuer quelques millions d’homme
104 nsions, il faut admettre qu’un régime fédéraliste et pluraliste leur ouvre de belles perspectives : qu’ils y entrent et qu
105 r ouvre de belles perspectives : qu’ils y entrent et qu’ils les explorent, ils s’y sentiront vite chez eux, sans avoir à r
106 : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le passé, et de nos jours, Robert de Traz, Charles-Albert Cingria, Gonzague de Rey
107 plus variées de la culture européenne, germanique et anglo-saxonne autant que française, sans s’arrêter à ces barrages ou
108 ailleurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’est-ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on recon
109 5. Suède 1,13 6. Allemagne 0,71 19. Russie et URSS 0,03 À la question de savoir ce que les Suisses peuvent appor
110 ette deuxième moitié du xxe siècle. Il symbolise et préfigure l’apport de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les
111 us nationalistes que la culture du dernier siècle et notre crise totalitaire ont propagés. L’apport suisse, aujourd’hui, s
112 pe rajeunie, découvrant le fédéralisme, sa morale et sa philosophie, et surtout ses recettes pratiques, — celles de la pai
113 rant le fédéralisme, sa morale et sa philosophie, et surtout ses recettes pratiques, — celles de la paix. 1. Léo Moulin,
2 1963, Articles divers (1963-1969). Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)
114 Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)j k Au s
115 ue période de recherches, d’expériences pratiques et de publications dans le cadre du Centre européen de la culture, il ne
116 tuer notre projet, d’en préciser les coordonnées, et d’exposer ensuite le thème général de nos travaux pendant le semestre
117 entreprendre aujourd’hui, ou plutôt de poursuivre et d’élargir partout où cela se peut, et donc aussi à Genève, des études
118 poursuivre et d’élargir partout où cela se peut, et donc aussi à Genève, des études européennes, c’est parce que la quest
119 n de l’Europe se trouve posée à cette génération, et parce qu’elle met en jeu bien autre chose que des intérêts matériels.
120 on même de leur objet, qui se compose, se définit et se modifie sous nos yeux, ces instituts tiennent cependant à garder,
121 nt à garder, par rapport au déroulement des faits et à l’action politique militante, la distance nécessaire à la réflexion
122 e, la distance nécessaire à la réflexion critique et à la recherche objective. Certes, la question européenne n’est pas un
123 artient pas à un passé qu’il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à un avenir auquel nous sommes tous vitalement in
124 ir auquel nous sommes tous vitalement intéressés, et qu’il s’agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’u
125 d’État, aux seuls calculs des experts officiels, et au seul enthousiasme des militants ? Question globale, économique et
126 asme des militants ? Question globale, économique et politique au premier chef, elle implique en réalité, quantité de prob
127 ent encore d’être étudiés objectivement, un à un, et aussi d’être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections et p
128 visagés dans l’ensemble de leurs interconnections et par rapport à ces notions de l’homme qui ont fait que l’Europe, malgr
129 que l’Europe, malgré tout, représente autre chose et un peu plus que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à pe
130 constituant l’objet central de notre enseignement et de nos recherches, il importe de rappeler tout d’abord à grands trait
131 d à grands traits dans quels termes elle se pose, et qui l’a posée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a vu surgi
132 e la prépondérance des États de l’Europe, désunis et rivaux, une constellation toute nouvelle de grands ensembles fortemen
133 ortement unifiés, comme les États-Unis, la Russie et la Chine, ou comme l’Inde et l’Insulinde, tandis que d’autres groupes
134 tats-Unis, la Russie et la Chine, ou comme l’Inde et l’Insulinde, tandis que d’autres groupes de nations récentes et plus
135 , tandis que d’autres groupes de nations récentes et plus instables, sont à la recherche de quelque union encore mal défin
136 mais qui a déjà force de mythe, en Afrique noire et dans le monde arabe. La tendance générale qui se dessine dans les ann
137 peut être l’avenir des États de l’Europe, petits et moyens désormais — c’est-à-dire comptant de 3 à 50 millions d’habitan
138 e extérieure ; ni d’assurer à lui seul sa défense et sa prospérité économique ; ni de poursuivre une politique étrangère a
139 t, dans ces conditions de fait, leur souveraineté et même leur indépendance, au sens classique de ces expressions ? Aucun
140 rrait assumer, dans ces conditions, les fonctions et les devoirs qui vont bientôt incomber à l’Occident au plan mondial, t
141 dit alors P.-H. Spaak, « dans la peur des Russes et de la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît, ou renaî
142 aît en Europe le vieux rêve d’union du Continent. Et cela commence, comme toujours, par des manifestes d’intellectuels, de
143 e la résistance à l’hitlérisme, même en Allemagne et en Italie — et qui bientôt formeront l’Union européenne des fédéralis
144 à l’hitlérisme, même en Allemagne et en Italie — et qui bientôt formeront l’Union européenne des fédéralistes et le Mouve
145 tôt formeront l’Union européenne des fédéralistes et le Mouvement européen. Les économistes, de leur côté, supputent et ca
146 uropéen. Les économistes, de leur côté, supputent et calculent l’avenir immédiat. Le professeur Maurice Allais déclare au
147 pe unie serait en mesure de doubler sa production et son niveau de vie. Jean Monnet et son équipe du Plan français se mett
148 r sa production et son niveau de vie. Jean Monnet et son équipe du Plan français se mettent à l’œuvre en silence, loin des
149 se mettent à l’œuvre en silence, loin des congrès et des associations de militants qui leur ont préparé la voie dans les e
150 man, Adenauer, Paul-Henri Spaak, enfin, plus tard et contre eux à l’en croire, mais en fait dans le même sens final qui es
151 domaine économique, CECA dès 1953, Marché commun et Euratom dès 1959. Les États, les services ministériels et les parleme
152 om dès 1959. Les États, les services ministériels et les parlements ne se croient pas encore en mesure « d’aller plus loin
153 ailleurs de l’opinion, des idéologies nationales et des doctrines. Créer une union économique, même restreinte à quelques
154 enne. Formulée tout d’abord par des intellectuels et des utopistes mal écoutés et peu suivis, ayant reçu ses premières sol
155 ar des intellectuels et des utopistes mal écoutés et peu suivis, ayant reçu ses premières solutions expérimentales et conc
156 ayant reçu ses premières solutions expérimentales et concrètes au plan économique, ayant par là même alerté les intérêts e
157 économique, ayant par là même alerté les intérêts et l’opinion, elle débouche enfin sur le plan politique. Mais il serait
158 a presse, les partis, les parlements, les congrès et les déclarations des hommes d’État témoigne de la plus grande confusi
159 se à peu près au petit bonheur les termes d’union et d’unification, d’intégration et de fédération, d’union « plus étroite
160 es termes d’union et d’unification, d’intégration et de fédération, d’union « plus étroite » (plus étroite que quoi, on ne
161 roite » (plus étroite que quoi, on ne le dit pas) et de communauté, de supranationalité et de super-État, ou encore d’État
162 le dit pas) et de communauté, de supranationalité et de super-État, ou encore d’États-Unis d’Europe, comme si ces termes é
163 comme si ces termes étaient, à toutes fins utiles et grosso modo, synonymes. Cet état de confusion générale et d’aimable a
164 o modo, synonymes. Cet état de confusion générale et d’aimable anarchie sémantique, traduit non seulement l’ignorance cour
165 information de l’opinion, mais peut-être surtout, et c’est plus grave, l’absence d’une vision claire et convaincante des s
166 t c’est plus grave, l’absence d’une vision claire et convaincante des solutions proprement politiques, qu’il faudra bien d
167 ochain à la question européenne. En vue de cerner et de choisir au mieux l’objet de nos études dans un champ aussi vaste,
168 à celui des dépar­tements dans une République une et indivisible, ce qui amènerait à les redécouper en circonscriptions ad
169 nitaire, jacobine ou napoléonienne, n’est en fait et comme telle défendue par personne, et n’offre pas un champ d’études u
170 est en fait et comme telle défendue par personne, et n’offre pas un champ d’études utiles, car chacun voit que l’unificati
171 aux données historiques, ni aux données actuelles et concrètes du problème à résoudre. Il importe toutefois de la mentionn
172 ette souveraineté ne serait pas limitée, en fait, et même en droit, par leurs alliances mêmes. Cette solution pose un cert
173 ose un certain nombre de problèmes qui pourraient et devraient faire l’objet de recherches, dont je suggère seulement quel
174 aux nouveaux besoins d’union apparus depuis 1945, et qui ont posé, précisément, la question européenne. Elle supposerait e
175 er, après Léon Duguit, Preuss, Lapradelle, Chabod et tant d’autres, la notion de souveraineté sans limites, constituée pen
176 mites, constituée pendant la période absolutiste, et reprise par le xixe siècle des nationalismes. Il faudrait voir, d’un
177 mesure cette notion est compatible avec le droit, et d’autre part, si elle correspond encore à des réalités tangibles, à d
178 ond encore à des réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puissent réellement exercer, comme faire
179 viduelles. Il faudrait examiner objectivement si, et dans quelle mesure, « les choses étant ce qu’elles sont », la notion
180 moins rapidement sur une problématique plus vaste et plus permanente, en quelque sorte. La troisième solution concevable,
181 entiellement différente de celle de l’unification et de celle des alliances entre souverains, c’est la solution fédéralist
182 eur souveraineté — dans les domaines où elle peut et doit rester entière — tout en l’exerçant collectivement dans d’autres
183 nsisterait à étendre au plan politique les règles et méthodes de l’intégration déjà réalisée au plan économique par le Mar
184 européennes », mais elle ne suggère pas les voies et moyens qui pourraient permettre d’opérer un jour ou l’autre ce passag
185 ctions proposées par Georges Scelle ? On ne sait. Et cela dépendra de la prédominance finale d’un des trois types de solut
186 répondre à la fois aux besoins nouveaux d’union, et aux besoins traditionnels d’autonomie de nos peuples, besoins qui sem
187 ur ou l’autre les partisans de l’Europe des États et ceux des États-Unis d’Europe, ceux qui insistent avant tout sur l’aut
188 nsistent avant tout sur l’autonomie de leur pays, et ceux qui insistent avant tout sur l’unité du continent. Raisons parti
189 plus conforme à l’expérience de la vie politique et civique du pays où nous sommes, et dont je suis, pays que l’on a souv
190 vie politique et civique du pays où nous sommes, et dont je suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une
191 igure de l’Europe unie. Enfin, raisons immédiates et personnelles. Il se trouve que mes collaborateurs et moi-même, si dif
192 personnelles. Il se trouve que mes collaborateurs et moi-même, si différents que soient nos tempéraments, nos origines et
193 férents que soient nos tempéraments, nos origines et nos champs d’intérêts particuliers, avons tous les trois été amenés p
194 établie entre le fédéralisme comme objet d’études et la méthode interdisciplinaire qui s’impose à nous. Car le fédéralisme
195 , méthode d’allure pragmatique qui ne se comprend et ne s’explique bien que par son fonctionnement dans les domaines les p
196 , en économiste qui suit de très près l’évolution et les répercussions de l’intégration, abordera le problème de la manièr
197 us concrète par une comparaison des marchés avant et après l’entrée en action des premières institutions supra- ou plurina
198 parler rigoureusement, mais préalable nécessaire, et d’ailleurs d’intérêt suffisant en soi. M. Dusan Sidjanski de son côté
199 les structures institutionnelles dans lesquelles et grâce auxquelles se développe ce contenu économique, et il montrera d
200 ce auxquelles se développe ce contenu économique, et il montrera dans quelle mesure ces structures tendent ou non à se rap
201 s. Il rejoindra de la sorte les études de méthode et d’évaluation des tendances politiques vers l’intégration, réunies dan
202 raitant des aspects fédéralistes dans les projets et plans d’union européenne, du Moyen Âge à nos jours. Parallèlement au
203 u Moyen Âge à nos jours. Parallèlement aux cours et aux travaux de séminaire, nous avons convoqué un groupe d’une vingtai
204 philosophes, historiens, économistes, théoriciens et praticiens de l’intégration, pour étudier les perspectives d’une solu
205 dans l’abstrait à partir d’une définition simple et de quelques principes axiomatiques. On l’a même décrit comme l’antisy
206 clarent les adeptes, c’est une attitude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’une doctrine ou une notion juridique
207 une notion juridique ; une expérience multiforme et non pas une construction dogmatique aux lignes simples et aux structu
208 as une construction dogmatique aux lignes simples et aux structures géométriques. Tenter de le définir d’entrée de jeu ser
209 scrupules à en donner des caractérisations brèves et simples. Et voilà pourquoi les dictionnaires échouent à le définir en
210 en donner des caractérisations brèves et simples. Et voilà pourquoi les dictionnaires échouent à le définir en tant que mé
211 naires échouent à le définir en tant que méthode, et pas seulement comme un système politique. La plupart nous renvoient d
212 plupart nous renvoient de fédéralisme à fédératif et à fédération, voire à confédération indifféremment, sans qu’aucun con
213 ttribué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. Vingt-et
214 le dictionnaire historique de Grégoire récidive, et je cite : Fédéralisme. En 1792 et 1793, on accusa les girondins de
215 ire récidive, et je cite : Fédéralisme. En 1792 et 1793, on accusa les girondins de vouloir substituer à l’unité nationa
216 Le tempérament britannique passe pour pragmatique et donc plus favorable au fédéralisme que l’esprit français, qui passe p
217 ant deux juristes britanniques, Sir Ivor Jennings et C. M. Young, qui définissent ainsi la structure fédérale : « Une form
218 dérale : « Une forme de gouvernement extravagante et inefficace, justifiable là seulement où une forme plus stricte d’orga
219 rtisans du fédéralisme comme méthode ou attitude, et des régimes qui s’en inspirent, nous constatons qu’il leur faut des l
220 entiers pour l’exposer ou, mieux, pour en décrire et communiquer l’habitus. Parmi les ouvrages capitaux consacrés au fédér
221 ’emblée. Les 85 articles écrits par Jay, Hamilton et Madison pour défendre la Constitution fédérale américaine rédigée en
222 révolte fédéraliste contre l’orthodoxie jacobine et l’étatisme triomphant. En Prusse, c’est Constantin Franz, conservateu
223 ublie en 1896 son ouvrage intitulé État fédératif et Confédération d’États (distinction classique, mais que les dictionnai
224 classique, mais que les dictionnaires déjà cités et contemporains continuent d’ignorer sereinement) ; Georges Scelle, dan
225 , paru en 1932, généralise la méthode fédéraliste et l’étend à toutes les structures intersociales, qu’elles soient ou non
226 avec Arnaud Dandieu, Robert Aron, Alexandre Marc et moi-même, puis Henri Brugmans qui s’inspire de ses travaux, rénove ce
227 eurs américains sous la direction de Robert Bowie et de Carl Friedrich, et récemment traduits en français. Dans le dernier
228 a direction de Robert Bowie et de Carl Friedrich, et récemment traduits en français. Dans le dernier en date des très nomb
229 t le Fédéralisme contemporain, par Henri Brugmans et Pierre Duclos — le second de ces auteurs écrit ceci : Tout démontre
230 grands types d’aménagement du rapport politique, et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation
231 eut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le social
232 é simplement comme système d’association d’États, et le fédéralisme considéré par la nouvelle école que décrit Pierre Ducl
233 t Pierre Duclos comme un des grands styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discussion est très ouverte… J’ai
234 ou entachée d’abstraction, il était plus honnête et enseignant d’aller rechercher dans les écrits des précurseurs de l’Eu
235 seurs de l’Europe unie, à partir du xive siècle, et en remontant peu à peu vers notre époque, les éléments d’une traditio
236 s, voire même, si possible, quelques définitions, et en passant, quelques lumières sur le rôle effectif des utopies politi
237 n 1923, n’a entraîné d’action politique concrète, et moins encore de résultats. Cependant, ce n’est pas une histoire des é
238 l’esprit occidental que je me propose de retracer et qui mérite de retenir l’attention des étudiants. Ces plans et projets
239 e de retenir l’attention des étudiants. Ces plans et projets constituent autant de prises sur leur époque, autant de docum
240 de documents paléontologiques sur les conceptions et croyances régnantes en leur temps, soit qu’ils les reflètent fidèleme
241 eur temps, soit qu’ils les reflètent fidèlement —  et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent express
242 e qui allait de soi » du vivant de leurs auteurs, et dont ils annoncent la modification ou anticipent le dépassement. Ains
243 aité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308) et d’un plan confédéral de Pierre Dubois (le De Recuperatione Terre Sanc
244 antinomiques de la question européenne, l’empire et les nations. Dante écrit son traité au moment où le Saint-Empire, pri
245 e constitue, menaçant la double unité de l’empire et de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement c
246 ant la double unité de l’empire et de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement contemporains de la
247 eaucoup à dire. L’échec historique de ces projets et de ceux qui les suivront au cours des siècles jusqu’à nous, est certe
248 es siècles jusqu’à nous, est certes significatif, et j’en examinerai les causes. Dans ce contexte, il s’agira de repérer l
249 la nature des obstacles traditionnels de l’union, et d’essayer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains de ces obstac
250 nation, souveraineté nationale (au xviie siècle) et , plus tard, au xixe siècle, nationalité, nationalisme, puis, avec Ni
251 upranationalité, enfin fédération, confédération, et , plus tard, fédéralisme, terme inventé par Rousseau, prétend-il, à l’
252 nt elles se développent dans les plans de Bentham et de Saint-Simon ; enfin comment elles aboutissent aux réalisations que
253 autant qu’un constat déprimant d’échecs pratiques et de déchets idéologiques. Qu’il s’agisse au début du plus grand poète
254 du Moyen Âge, Dante, ou du roi hussite Podiebrad, et ensuite du ministre déchu qu’était le duc de Sully, ou du créateur d’
255 n ou d’un solide juriste suisse comme Bluntschli, et finalement d’un autre grand poète, Saint-John Perse, de son vrai nom
256 elle nous conduit au cœur des débats idéologiques et politiques de l’Europe actuelle. J’inscris donc sur son seuil : nostr
257 dans Le Fédéralisme contemporain, par H. Brugmans et Pierre Duclos, Sijthoff, Leyden, 1963. 12. Comme l’ont montré en pre
258 t Denis de, « Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours », Bastions de Ge
259 emont : né en 1906 à Neuchâtel. Études de lettres et de philosophie. Éditeur à Paris dès 1931. Lecteur à l’Université de F
3 1963, Articles divers (1963-1969). Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)
260 la culture occidentale ; ils n’y entrent en fait et d’une manière distincte qu’au troisième quart de l’ère chrétienne : a
261 rteurs de longues piques, de hallebardes, d’épées et d’arquebuses — qui fait son entrée résolue sur la grande scène europé
262 re-poète Manuel, le médecin-philosophe Paracelse, et l’architecte Fontana. Mais de cette époque à nos jours, la densité de
263 nos jours, la densité de création intellectuelle et artistique dans l’ensemble des petits États qui constituent l’actuell
264 tre région prise au hasard dans les pays voisins, et qui serait comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On
265 t qui serait comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On excepte, bien entendu, Londres et Paris.) Pourquoi
266 la population. (On excepte, bien entendu, Londres et Paris.) Pourquoi cette densité si remarquable ? Et dans quelle mesure
267 t Paris.) Pourquoi cette densité si remarquable ? Et dans quelle mesure peut-on dire que cet apport des Suisses à la cultu
268 s cent-quinze ans sous la forme d’un État fédéral et solidement constitué. Auparavant, de la fin du xiiie jusqu’au milieu
269 mmait les ligues suisses. Les plus grands esprits et les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’un canton déterminé (qu
270 gaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation, et d’elle seule ont nourri leur carrière) mais par leur biographie, leur
271 les, par les lieux où ils agirent de leur vivant, et par les influences subies ou exercées. Pays de gens moyens, oui, dis
272 lors pas de milieu, ils atteignent à l’universel… Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. I
273 le-ci a toujours été faite par des foyers locaux, et non par des nations ; par des écoles fermées puis internationales ; p
274 onnaissaient ni péages ni frontières politiques ; et par des traditions communes à tous nos peuples, la grecque, la romain
275 teurs fournit à la Suisse ses meilleures chances, et c’est elle qui, dans le cas de la Suisse — compartimentée à l’extrême
276 je constatais tout à l’heure. Genève, avec Calvin et Théodore de Bèze, Bâle, avec Érasme et Holbein, Zurich avec Zwingli,
277 vec Calvin et Théodore de Bèze, Bâle, avec Érasme et Holbein, Zurich avec Zwingli, sont les trois premiers foyers de rayon
278 erne, vagabonde en de nombreux pays où il invente et exerce son art, puis revient enseigner en Suisse dans les dernières a
279 ns les dernières années de sa vie. Les Bernouilli et Léonard Euler, héritiers de la tradition humaniste et piétiste de Bâl
280 éonard Euler, héritiers de la tradition humaniste et piétiste de Bâle et rivalisant de génie dans les mathématiques et la
281 ers de la tradition humaniste et piétiste de Bâle et rivalisant de génie dans les mathématiques et la physique, vivent aux
282 âle et rivalisant de génie dans les mathématiques et la physique, vivent aux cours de Russie et de Prusse, ou professent à
283 tiques et la physique, vivent aux cours de Russie et de Prusse, ou professent à Groningue et à Londres. Jean de Müller, « 
284 de Russie et de Prusse, ou professent à Groningue et à Londres. Jean de Müller, « historien des Suisses », mais également
285 c éloquence un plan d’union fédérale de l’Europe, et modifie plus que nul autre la sensibilité occidentale. De Zurich au d
286 doyen Bodmer puis des Idylles de Salomon Gessner et des spéculations mystiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’
287 essner et des spéculations mystiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’une renaissance de la littérature dans les
288 et rayonne sur la France le génie de Mme de Staël et de sa cour cosmopolite, où brillent Sismondi et Benjamin Constant, in
289 l et de sa cour cosmopolite, où brillent Sismondi et Benjamin Constant, initiateurs l’un de l’économie et l’autre de la po
290 Benjamin Constant, initiateurs l’un de l’économie et l’autre de la politique libérales qui allaient marquer tout le xixe
291 ob Burckhardt par ses ouvrages sur la Renaissance et ses Weltgeschichtliche Betrachtungen renouvelle une vision synthétiqu
292 . Puis c’est le tour de Genève, une fois de plus, et de Zurich tôt après, d’où rayonnent sur l’Europe entière et l’Amériqu
293 ch tôt après, d’où rayonnent sur l’Europe entière et l’Amérique l’Institut Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget, e
294 Amérique l’Institut Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget, et l’école du grand C. G. Jung : les fondements de la pé
295 tut Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget, et l’école du grand C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la
296 grand C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la psychologie occidentales en seront transformés sans retour. Enf
297 siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale, et moins en relations les uns avec les autres qu’avec les grands ensembl
298 européens, peut-on déceler des caractères communs et spécifiquement suisses dans cette succession chronologique très serré
299 ses sommets. Dépressions : la musique, la poésie et la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture et le roman. Sommets :
300 et la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture et le roman. Sommets : la philosophie politique et historique, la théolo
301 e et le roman. Sommets : la philosophie politique et historique, la théologie, la psychologie et la pédagogie, la littérat
302 tique et historique, la théologie, la psychologie et la pédagogie, la littérature d’idées, les sciences et la technique. C
303 a pédagogie, la littérature d’idées, les sciences et la technique. Comment interpréter cette courbe mouvementée ? Certes,
304 ture hollandaise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’elle s’est conformée par anticipation à cette règle devenue éviden
305 Ludwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger et un Frank Martin de nos jours, mais rien qui vraiment compte dans l’en
306 e-deux, cela ne fait pas une tradition musicale ; et les épopées symboliques démesurées d’un Carl Spitteler ne suffisent p
307 de Conrad Witz, de Nicolas Manuel, de Hans Friess et d’Urs Graf ne trouve un répondant, par ailleurs discutable, qu’au xxe
308 petits maîtres isolés, délicieux ou extravagants, et leurs succès se font à Paris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul K
309 vagants, et leurs succès se font à Paris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul Klee, une sculpture d’Alberto Giacometti,
310 , Adolphe, le Grüne Heinrich de Gottfried Keller, et les Uli de Jeremias Gotthelf, le Léonard et Gertrude du fameux pédago
311 ller, et les Uli de Jeremias Gotthelf, le Léonard et Gertrude du fameux pédagogue Pestalozzi, voire à certains égards les
312 ion romanesque ou les situations exceptionnelles, et l’intérêt presque exclusif porté au drame moral dans la vie quotidien
313 de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou de l’arrière-plan de compétition sociale chez un Balzac e
314 rrière-plan de compétition sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais le goût de
315 goût de la mesure, de l’intériorité, du réalisme et de la psychologie moyenne expriment surtout les conditions dictées pa
316 ns dictées par les dimensions restreintes du pays et des communautés diverses qui s’y côtoient. Pays pauvre, au surplus, e
317 verses qui s’y côtoient. Pays pauvre, au surplus, et dont les seules richesses naissent du travail humain, bien concerté :
318 in de son pays. L’architecte suisse par exemple — et nous en avons d’excellents — doit voir plutôt petit, fonctionnel et t
319 ’excellents — doit voir plutôt petit, fonctionnel et très sobre, s’il reste en Suisse. Mais s’il a le goût de la grandeur,
320 miner l’énorme dôme de Saint-Pierre comme Maderno et les deux Fontana, c’est aux États-Unis qu’il ira construire les plus
321 r bâtir une église de Ronchamps ou une capitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de l’architecture moderne, puritai
322 res divers, hommes utiles, au sens le plus noble, et penseurs engagés dans leur communauté, plutôt que créateurs d’art ou
323 iateurs de grande affaires publiques, théologiens et pédagogues, savants du premier rang, mais qui restent soucieux d’appl
324 souci primordial de l’efficacité transformatrice. Et c’est en cela qu’ils sont typiquement suisses. ⁂ Cependant, une série
325 renseigner sur la valeur d’un combat d’une armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans la population. Ce qu’i
326 , c’est que chacun de ses soldats garde son fusil et son équipement militaire dans son armoire. Qu’en est-il de notre équi
327 Il me paraît que la structure fédéraliste du pays et l’autonomie dans son sein non seulement des cantons, mais des commune
328 sein non seulement des cantons, mais des communes et des multiples groupes professionnels favorise une implantation relati
329 La souveraineté des cantons en matière de culture et d’éducation explique et justifie l’existence de sept universités, de
330 ons en matière de culture et d’éducation explique et justifie l’existence de sept universités, de deux écoles polytechniqu
331 sept universités, de deux écoles polytechniques, et de plusieurs dizaines d’instituts spécialisés de niveau universitaire
332 millions. Chaque gros village possède son chœur, et souvent sa fanfare ; chaque ville de quelque importance a ses société
333 importance a ses sociétés de concerts, de théâtre et de conférences hebdomadaires, son musée, ses expositions, ses bibliot
334 es, son musée, ses expositions, ses bibliothèques et ses associations d’éducation, d’amis des arts ou de la nature. Les pl
335 les plus belles du monde, Reinhart à Winterthour et Hahnloser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’étude des grandes fir
336 r les sciences, se place au premier rang mondial, et de très loin, relativement à sa population (Hollande : 9 prix Nobel p
337 ècles. Il s’ensuit que la menace d’uniformisation et d’oblitération des traditions locales est bien plus grave pour elle q
338 hilistin favorisé par les succès de la technique. Et le doublement prévu de la population, dans les trente ans qui viennen
339 plus « matériellement » que jusqu’ici les valeurs et les forces culturelles dont elle dispose. N’est-elle pas le pays d’Eu
340 e pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les plus concrètes de savoir que le terme de culture n’est pas un syn
4 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)
341 Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)c Comme toutes les choses vivantes, organiq
342 c Comme toutes les choses vivantes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositi
343 alisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais
344 es contradictions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’allez pas cro
345 niversel, ou d’opportunisme lâche qui tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances
346 occidental moderne : le centralisme uniformisant, et le particularisme refermé sur lui-même. Le fédéralisme refuse par pri
347 sur lui-même. Le fédéralisme refuse par principe et par définition l’uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’u
348 totalitaire de tout ordre géométrique, simpliste, et par là même tyrannique. Or la tyrannie est le souverain désordre, com
349 iversité, la pluralité des forces en compétition, et loin de fuir devant la complexité du réel, il la respecte, il croit à
350 les diversités régionales, aime aussi leur santé et celle de l’ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide
351 C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide, et même, dans certains cas bien définis, la mise en commun de leurs ress
352 La santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi
353 a peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif e
354 pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin e
355 as à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il
356 esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en s
357 la volonté de centralisation totale d’une nation et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement c
358 traitent tout le reste d’étranger, donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs vo
359 té, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconn
360 es autonomies locales. Elle exige à la fois l’une et l’autre, en dépit de leur caractère logiquement antinomique et pratiq
361 n dépit de leur caractère logiquement antinomique et pratiquement antagoniste. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du
362 t un art de la composition qui requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prene
363 fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenez l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y a
364 d’harmonie possible sans contrastes de couleurs, et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble, cell
365 e la qualité particulière d’un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé ave
366 e sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre
367 éraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui abo
368 chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre un
369 fédérale, qui est libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, qui est réduction forcée à l’uniforme. Ces
370 ser en un ensemble animé des diversités vivantes, et fonctionnant chacune à sa manière. La plupart des impasses dans lesqu
371 t bien d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun. D’une part
372 nt, sinon elle trahira sa mission dans le monde ; et qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’une E
373 régime de coexistence digne du nom. C’est aussi, et c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversi
374 éthode de composition des valeurs diversifiées, —  et voilà, me semble-t-il, une assez bonne définition de la culture ! I
375 ns de doctrine — qui paraîtraient bien théoriques et bien abstraites à un public français, mais je parle après tout à des
376 ions à dire sur les rapports entre le fédéralisme et la culture, et sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de l
377 les rapports entre le fédéralisme et la culture, et sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de la Suisse romand
378 ques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. —  et il faut quelque chose qui lie toutes ces œuvres variées et qui leur o
379 t quelque chose qui lie toutes ces œuvres variées et qui leur offre une commune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parle
380 nous ne saurions parler d’une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une
381 vante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité
382 utres Suisses romands, l’unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans toutes nos œ
383 commun sur lequel se détache notre individualité, et dont elle tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’E
384 être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laquelle nous po
385 la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laquelle nous pouvons nous rattacher directement, nous qu
386 t culture nationale, intermédiaire entre l’Europe et nos cités. Ici, je me permettrai de rompre une lance contre le concep
387 nombre de « cultures nationales » bien distinctes et autonomes dont l’ensemble constituerait la culture européenne est une
388 constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme brume au so
389 . La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œu
390 e est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment des nations qui divisent aujou
391 nt des nations qui divisent aujourd’hui l’Europe, et dont la plupart n’ont même pas cent ans d’existence : il faut bien ad
392 tre que la culture s’était constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’un seul ex
393 exemple : celui de la musique, élément important et typiquement européen de notre culture. Dans ses grandes lignes, voici
394 i l’évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue au xiiie siècle dans un certain nombre de cités du Nord
395 e siècle dans un certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienne, en Provence, puis en Île-de-Fran
396 es Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’Italie qu’elle enrichit de ses nombreuses découverte
397 nombreuses découvertes. Plus tard, les Allemands et les Autrichiens viennent s’initier auprès des maîtres italiens. Bach
398 allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennent leur métier. Au début du xxe siècle,
399 t des cités, des foyers de création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissanc
400 n, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nations. De mêm
401 , le catalan, le provençal, l’italien et l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nations. De même, l’alleman
402 aux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même totalement indépendants des la
403 ême totalement indépendants des langues modernes, et ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. «
404 e les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, donc politiques, m
405 l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire »,
406 rés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque — n
407 cet arrière-fond commun. Si je cherche pourquoi et en quoi les Suisses romands se différencient des Français, ou en tout
408 ulture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit ch
409 ande partie nos mœurs, notre exigeant souci moral et notre méfiance pour les cérémonies — à moins que son adoption n’ait r
410 ier, pour nous exprimer d’une manière authentique et non pas empruntée, imitée ? Je ne crois guère aux mesures de « défens
411 La défensive n’est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, avant d’être héritage, ou enseigneme
412 -mêmes, continuons en toute confiance, curiosité, et ouverture d’esprit, à vivre en symbiose permanente avec l’ensemble de
413 : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le passé, et de nos jours, parmi nos aînés, Robert de Traz, Charles-Albert Cingria
414 plus variées de la culture européenne, germanique et anglo-saxonne autant que française, sans s’arrêter à ces barrages ou
415 ailleurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’est-ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on recon
416 ette deuxième moitié du xxe siècle. Il symbolise et préfigure l’apport de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les
417 us nationalistes que la culture du dernier siècle et notre crise totalitaire ont propagés. L’apport spécifique de la Suiss
418 ifique de la Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’avons vu, au génie de la culture en Europe,
419 culturel en Suisse romande : l’esprit de clocher et l’esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amo
420 ste de la diversité avec la sauvegarde organisée, et si possible officielle, de nos particularismes les plus désuets. Il v
421 domaines : université, radio, publications, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un c
422 tte tendance défensive, faussement traditionnelle et autarcique, inutile d’insister sur ce point. Mais c’est une autre err
423 cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé et ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, voire anarchiqu
424 alisé et ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop pet
425 foyers rayonnants de créations du premier ordre. Et cela, je crois, pour les deux raisons suivantes : premièrement, la pa
426 de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui caractérisent tant de princes et de grands marchand
427 t du somptueux, qui caractérisent tant de princes et de grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de
428 p clair qu’à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul comité de coordination ne pourra jamais re
429 culture est faite par des passions individuelles et par de petits groupes qui ne craignent pas de passer pour extravagant
430 cessifs. Les comités sont par définition prudents et économes : leur rôle est normalement de rationaliser les activités do
431 tables. Mais la culture vivante vit d’imprudence, et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que n
432 udence, et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux
433 ntipodes de ce climat d’excitation intellectuelle et artistique. Nos habitudes utilitaires, notre notion du sérieux confon
434 ires, décourageant toutes les initiatives hardies et protégeant en revanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été
435 nt été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répartition géographique équitable — ce qui n’est, s
436 e aujourd’hui d’inquiéter les amis de la culture, et c’est aussi tout cela qui menace dans ses sources notre vitalité fédé
437 ité économique sans précédent. Nos raisons d’être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme
438 fois de plus, vit des mêmes réalités spirituelles et morales, et prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que
439 , vit des mêmes réalités spirituelles et morales, et prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture c
440 utre. c. Rougemont Denis de, « Le fédéralisme et notre temps », Cahiers de l’Alliance culturelle romande, Genève, mars
5 1963, Articles divers (1963-1969). À propos de la culture européenne (avril 1963)
441 ent de reconnaître les apports judaïque, chrétien et arabe, à la formation de la culture européenne, d’autre part réduirai
442 jamais connu d’« Européens » à ce point illettrés et fanatiques, j’attendais avec curiosité des précisions, des noms. On n
443 colonne : c’est le Centre européen de la culture et ses publications qui sont « l’exemple typique » de l’altitude visée.
444 visée. Le CEC se livrerait donc à « l’effort vain et absurde de présenter une culture européenne unitaire » ; il nierait q
445 l’Europe soit « la patrie des contradictions » ; et il pratiquerait le « nationalisme culturel » au nom d’un « anticommun
446 isme, quand nous ne cessons d’écrire qu’avec Rome et Athènes ils sont les éléments fondamentaux de notre culture, à nous o
447 auteur consiste à lire à rebours tous nos écrits, et non pas à les interpréter d’une manière qui pourrait prêter à discuss
448 il y ait une tradition « européenne » du fascisme et de ses procédés, comme le rappelle votre auteur — non sans une éviden
449 ivent collaborer à notre « Europe en formation », et à la vôtre. d. Rougemont Denis de, « À propos de la culture europé
6 1963, Articles divers (1963-1969). Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)
450 ue utopie directrice, imaginée, vue par l’esprit, et comme saisie d’avance par sa passion maîtresse. Or, parmi les passion
451 , la vision d’un avenir politique au sens large : et ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier po
452 au sens large : et ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier porte à vouloir des régimes unitaire
453 unitaires, centralisés, soumis à des lois simples et mécaniques, réglant tout le détail de l’existence : régimes totalitai
454 gés comme ils viennent, ménageant les complexités et l’imprévu de l’existence ; régimes dont l’anarchie serait la limite,
455 -socialisme, le marxisme-léninisme, le stalinisme et les devises de ces régimes : « Une foi, une loi, un roi », « Ein Volk
456 , ein Reich, ein Führer », « Mon Parti au pouvoir et les autres en prison ». En proclamant que « le coup électrique de la
457 vons le régime féodal mais aussi les corporations et les communes, le fédéralisme helvétique mais aussi l’idée primitive d
458 ’il était en Suisse), l’anarchisme à la Bakounine et les brèves flambées du communisme anabaptiste ou de l’anarcho-syndica
459 deux tendances n’a jamais été isolée à l’état pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa perfection (nulle société
460 perfection (nulle société ne saurait y survivre) et elles coexistent en nous. L’Européen normal vit quelque part entre le
461 ormal vit quelque part entre les deux extrémités, et ainsi tient de toutes les deux. Mais on remarque, chez les initiateur
462 ue, chez les initiateurs des mouvements de pensée et d’action politique, des dispositions dominantes qui déterminent nette
463 la fluidité ; l’un fait confiance aux règlements et aux décrets, l’autre aux règles d’action commune et aux méthodes. Ma
464 aux décrets, l’autre aux règles d’action commune et aux méthodes. Mais la volonté ou l’initiative d’un seul n’aurait auc
465 r réussit dans la mesure exacte où elle rencontre et satisfait un besoin largement partagé de subir la puissance d’un autr
466 d’obéir, donc d’être libéré de sa propre liberté. Et de même, l’initiative d’un animateur sans pouvoir contraignant n’est
467 n’est féconde que dans la mesure où elle éveille et libère chez beaucoup la possibilité de s’affirmer, de se charger de s
468 er, de se charger de ses propres responsabilités, et donc d’actualiser à son échelle sa volonté de puissance personnelle.
469 : je les nommerai symboliquement celui du manager et celui du professeur. Ils ont en commun une volonté déclarée d’objecti
470 clarée d’objectivité (technique ou scientifique), et une méfiance affichée à l’endroit des motifs passionnels qui prédéter
471 abstraite, en termes d’organisation sans défaut, et par le souci d’éliminer l’imprévu, l’improvisation, l’excès de « jeu 
472 esquisse caractérologique des faiseurs d’utopies et de plans, et de leurs critiques : elle reste à écrire, on le voit. Il
473 actérologique des faiseurs d’utopies et de plans, et de leurs critiques : elle reste à écrire, on le voit. Il m’importait
474 orme à la logique déduite des sciences physiques, et biologiques dans cette seconde moitié du xxe siècle. Mais en fait, l
475 stades récents de notre aventure intellectuelle, et il en demeure indépendant. (Le premier ne suffit pas mieux à le réfut
476 me dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et sans laquelle nos sciences et nos logiques ne seraient pas ce qu’elle
477 tutive de l’Europe, et sans laquelle nos sciences et nos logiques ne seraient pas ce qu’elles sont, ou n’auraient pas eu l
478 politique implique une certaine idée de l’homme, et contribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on le veuille o
479 ons pas ici non plus si nous pensions avec Hitler et les staliniens que l’homme n’est qu’un soldat politique, totalement a
480 ent responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et unique d’une part, et, d’autre part, vis-à-vis de la communauté au se
481 à-vis de sa vocation propre et unique d’une part, et , d’autre part, vis-à-vis de la communauté au sein de laquelle sa voca
482 uver engagé du même coup dans le complexe social. Et aux collectivistes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne sont
483 de sa vocation. L’homme est donc à la fois libre et engagé, à la fois autonome et solidaire. Il vit dans la tension entre
484 onc à la fois libre et engagé, à la fois autonome et solidaire. Il vit dans la tension entre ces deux pôles : le particuli
485 la tension entre ces deux pôles : le particulier et le général ; entre ces deux responsabilités : sa vocation et la cité 
486 al ; entre ces deux responsabilités : sa vocation et la cité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et c
487 ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit d
488 ent trois types différents de régimes politiques, et sont en retour favorisés par eux. À l’homme considéré comme pur indiv
489 d un régime démocratique tendant vers l’anarchie, et débouchant dans le désordre, lequel prépare toujours la tyrannie. À l
490 l’homme considéré comme personne, à la fois libre et engagé, et vivant dans la tension entre l’autonomie et la solidarité,
491 sidéré comme personne, à la fois libre et engagé, et vivant dans la tension entre l’autonomie et la solidarité, correspond
492 gagé, et vivant dans la tension entre l’autonomie et la solidarité, correspond le régime fédéraliste. J’ajouterai une rema
493 juste milieu entre l’individu sans responsabilité et le soldat politique sans liberté. Car la personne, c’est l’homme réel
494 ans liberté. Car la personne, c’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions d
495 La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, elle représente la santé civique. Un homme qui boit de l’
496 ente la santé civique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et ce
497 est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et, de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’un
498 tre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et , de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’un habile dosage d’anarch
499 me ne naîtra jamais d’un habile dosage d’anarchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive
500 anarchie et de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan qu
501 es, eux, sont dans le même plan, se conditionnent et s’appellent l’un l’autre. C’est avec la poussière des individus civiq
502 responsables que les dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir, pendant la dernière guerre, que les résistances q
503 rsonne au fédéralisme s’opère tout naturellement, et presque irrésistiblement, le second n’étant que la projection de la p
504 composition dans le fédéralisme : ici l’individu et la collectivité, là l’autonomie locale et la vaste unité centralisée 
505 ndividu et la collectivité, là l’autonomie locale et la vaste unité centralisée ; les déviations ou maladies se répondent
506 hie ou mise au pas tyrannique au plan politique ; et enfin les vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté et respon
507 vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté et responsabilité composées, quand l’équilibre vivant est atteint. Cet é
508 ssements, ajustements, réarrangements, inventions et créations en perpétuel renouvellement. C’est assez dire que le fédéra
509 st pas une doctrine fixe, ni vraiment un système, et encore moins un plan qu’il faudrait appliquer aux réalités humaines e
510 an qu’il faudrait appliquer aux réalités humaines et politiques, toujours « mal compassées » comme dit Descartes. C’est un
511 oser, quand il s’agit d’élaborer une constitution et des lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner ent
512 l s’agit d’élaborer une constitution et des lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner entre le Charybd
513 tre le Charybde de l’anarchie des particularismes et le Scylla de la centralisation totalitaire. Cet art et cette méthode
514 Scylla de la centralisation totalitaire. Cet art et cette méthode ne vont pas sans principes, sans techniques éprouvées,
515 éussis de fédérations politiques — les États-Unis et la Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’une manière empiri
516 pirique, tout se passe comme si les hommes d’État et les groupes qui les instituaient avaient constamment obéi à certains
517 n ne peut naître qu’au prix du renoncement formel et vigilant à toute idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’une de
518 des nations composantes. La croyance populaire — et d’ailleurs partagée par certains hommes d’États européens — selon laq
519 t), n’est confirmée par rien dans notre histoire, et tout la réfute en pratique. Si un despote ou un État impérialiste dét
520 fédère pas, il annexe ; il n’unit pas, il unifie. Et les coalitions qui se forment contre lui ne survivent pas à sa défait
521 à-dire déposent leur surplus de moyens techniques et de richesses dans une caisse commune, ils agissent alors en fondateur
522 aux besoins réels d’une communauté en puissance, et à des solutions qui figurent l’optimum entre les maxima contradictoir
523 maxima contradictoires de la liberté individuelle et de la solidarité sociale. L’histoire suisse illustre à l’envi ce proc
524 contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrès. Lors de la dernière crise grave
525 ve, la guerre civile de 1847 opposant catholiques et protestants (le Sonderbund ou « Alliance séparée » des catholiques, a
526 rendre aux vaincus leur pleine égalité de droits. Et de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, a résulté la Const
527 ir l’attitude fédéraliste comme un refus constant et instinctif de recourir aux solutions systématiques, aux plans simples
528 ystématiques, aux plans simples de lignes, clairs et satisfaisants pour la logique, mais par là même infidèles au réel, ve
529 rranger ensemble, composer ces réalités concrètes et hétéroclites que sont les nations, les régions économiques, les unité
530 euses, linguistiques, les traditions politiques ; et c’est les arranger selon leurs caractères particuliers, qu’il s’agit
531 articuliers, qu’il s’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisième principe. Le fédéralisme ne conn
532 ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une minorité puis
533 ur population. Mais le jeu des minorités raciales et religieuses qui composent l’ensemble ne se manifeste guère au plan mu
534 es États (deux députés par canton), mais surtout, et d’une manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie pol
535 s efficace, dans les coutumes de la vie politique et culturelle, où l’on voit la Suisse romande et la Suisse italienne jou
536 que et culturelle, où l’on voit la Suisse romande et la Suisse italienne jouer un rôle sans proportion avec le chiffre de
537 ération n’a pas pour but d’effacer les diversités et de fondre toutes les nations en un seul bloc, mais, au contraire, de
538 r leurs qualités propres. La richesse de l’Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’unifi
539 ntait d’unifier le continent, de tout y mélanger, et d’obtenir une sorte de nation européenne où Latins et Germains, Slave
540 ’obtenir une sorte de nation européenne où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs, se verraient
541 e nation européenne où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs, se verraient soumis aux mêmes loi
542 et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs, se verraient soumis aux mêmes lois et coutumes, qui ne pourrai
543 aves et Grecs, se verraient soumis aux mêmes lois et coutumes, qui ne pourrait satisfaire aucun de ces groupes ; et qui le
544 qui ne pourrait satisfaire aucun de ces groupes ; et qui les brimerait tous. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du d
545 t. Art de la composition, elle requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Preno
546 fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y
547 ble, dans un tableau, sans contrastes de couleurs et sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble (cell
548 e sans une vision d’ensemble (celle de l’artiste) et hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels ent
549 e la qualité particulière d’un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé ave
550 e sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre
551 mplexité. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui abo
552 chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre un
553 fédérale, qui est libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction f
554 aient que leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, ou une diminution de leur
555 une simple question de tolérance, vertu négative et qui naît le plus souvent du scepticisme, mais plutôt de participation
556 sme, mais plutôt de participation, vertu positive et qui naît d’une juste ambition. Chaque nation serait mise au défi de d
557 fi de donner le meilleur d’elle-même à sa manière et selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur.
558 un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et , dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Cinqu
559 térise l’esprit totalitaire. Je dis bien l’amour, et non pas le respect théorique ou la tolérance complaisante. L’amour de
560 mour des complexités culturelles, psychologiques, et même économiques, telle est la santé du régime fédéraliste. Et ses pi
561 miques, telle est la santé du régime fédéraliste. Et ses pires ennemis sont ceux dont Jacob Burckhardt annonçait la venue
562 que cette complexité — cause de tant de lenteurs et d’excessives prudences — est la condition même de nos libertés. C’est
563 que nos fonctionnaires sont rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec
564 er un contact attentif avec les réalités humaines et naturelles du pays. La Suisse est formée d’une multitude de groupes e
565 . La Suisse est formée d’une multitude de groupes et d’organismes politiques, administratifs, culturels, linguistiques, re
566 s, religieux, qui n’ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent de cent manières différentes. Il est clair que des l
567 e ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dimensions la personne même
568 e, de tirer des plans à la règle, dans un bureau, et de forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qui résiste, ou
569 nfiniment plus de soins, d’ingéniosité technique, et de compréhension des peuples qu’elle administre. Elle exige beaucoup
570 r incapacité de les composer en un tout organique et vivant. Sixième principe. Une fédération se forme de proche en proch
571 e de proche en proche, par le moyen des personnes et des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le moyen des go
572 roche, par le moyen des personnes et des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le moyen des gouvernements. Nou
573 européenne se composer lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente économique, là c
574 nfessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là ce sont des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des
575 , et là ce sont des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des personnes, des groupes, des écoles, qui créent p
576 anges européens. Rien de tout cela n’est inutile. Et tout cela qui paraît si dispersé, si peu efficace souvent, forme peu
577 complexes, dessine les linéaments d’une ossature et le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un jour le corp
578 dra un jour le corps de l’Europe unie. Au-dessous et au-dessus des gouvernements, l’Europe des réalités humaines est beauc
579 n de l’action gouvernementale que les oppositions et les rivalités éclatent, et là seulement elles semblent ou deviennent
580 le que les oppositions et les rivalités éclatent, et là seulement elles semblent ou deviennent irréductibles. Il paraît d
581 qu’avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce qu’a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédérati
582 reste du monde, mais peut être l’œuvre de groupes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fédérer en dehors des go
583 nationaux (Congrès de l’Europe à La Haye en 1948, et ses suites) et qui, par le détour de l’opinion publique et de groupes
584 rès de l’Europe à La Haye en 1948, et ses suites) et qui, par le détour de l’opinion publique et de groupes de pression éc
585 ites) et qui, par le détour de l’opinion publique et de groupes de pression économiques ou idéologiques, amèneront quelque
586 ations sont gouvernées, au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples e
587 leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples et des groupes de tout ordre qui anim
588 ar un exécutif et un législatif issus des peuples et des groupes de tout ordre qui animent la vie publique. Septième prin
589 mpérialistes, mais au contraire : pour l’avantage et la survivance de chacune des communautés constituantes et pour qu’ell
590 rvivance de chacune des communautés constituantes et pour qu’elles puissent exercer ensemble des fonctions qui dépassent l
591 ux reprises, ni les Soviets nous pressant à l’Est et nous minant à l’intérieur par les partis qu’ils commandaient chez nou
592 réussi à provoquer la fédération de nos craintes et de nos forces de défense. Aux yeux de l’histoire, la cause est entend
593 e. Aux yeux de l’histoire, la cause est entendue. Et quant aux entreprises impérialistes des Européens — les colonies —, e
594 iste : elles n’ont contribué qu’à notre division, et presque à notre ruine à deux reprises. En revanche, les treize États
595 En revanche, les treize États américains en 1783, et les vingt-deux cantons suisses en 1848, ont compris qu’isolés ils tom
596 pouvaient à la fois sauver leurs libertés locales et agir comme une seule nation au niveau des réalités de leur époque. Ni
597 amatiques de l’incapacité de subsister isolément, et en même temps, la reconnaissance des capacités politiques, économique
598 onnaissance des capacités politiques, économiques et culturelles ménagées par l’union virtuelle, ont réussi à provoquer la
599 suisses au lendemain de la guerre du Sonderbund, et notamment devant le double défi de sauvegarder leurs libertés civique
600 ouble défi de sauvegarder leurs libertés civiques et leurs coutumes nationales, mais d’assumer aussi leurs tâches mondiale
601 lle est d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que seulement logique. Elle échappe aux catégories
602 nt logique. Elle échappe aux catégories statiques et géométriques du rationalisme vulgaire ; mais correspond assez bien au
603 ar la réduction impitoyable des réalités vivantes et gênantes. Elle cherche au contraire le secret d’un équilibre souple e
604 rche au contraire le secret d’un équilibre souple et constamment mouvant entre des groupes qu’il s’agit de composer en sau
605 oser en sauvegardant à la fois leur individualité et leurs relations créatrices. On ne saurait trop insister sur ce double
606 re très clairement. En effet, les mots fédération et fédéralisme sont compris de deux manières très différentes par les Su
607 ères très différentes par les Suisses alémaniques et par les Suisses romands. En allemand, confédération se dit Bund, qui
608 d, confédération se dit Bund, qui signifie union, et qui évoque avant tout l’idée de centralisation. En Suisse romande, au
609 dire surtout : rester libre chez soi. Or les uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’à moitié raison. Le vérita
610 t, « un pour tous » signifie l’élan des personnes et des régions vers l’union, tandis que « tous pour un » signifie l’aide
611 l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est infiniment probable que, sur le plan europ
612 fédéralistes qui ne penseront qu’à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout
613 e penseront qu’à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout de sauvegarder les
614 iètements du pouvoir central. Une nouvelle gauche et une nouvelle droite, en somme. Et il faudra sans cesse rappeler aux d
615 nouvelle gauche et une nouvelle droite, en somme. Et il faudra sans cesse rappeler aux deux partis que le fédéralisme véri
616 dialogue, dans leur tension féconde. Toutefois — et il m’importe au plus haut point de le préciser ici et de le souligner
617 l m’importe au plus haut point de le préciser ici et de le souligner —, cette coexistence, ce dialogue, cette tension ne d
618 sés, qui sont l’établissement de l’union générale et le respect des droits particuliers. Car cela ne conduirait en pratiqu
619 ais bientôt accusée d’oppression par ses membres, et à des droits trop limités mais taxés d’abusifs par le centre. La sain
620 être carrément centralisé pour bien fonctionner, et ce qui doit rester pleinement autonome pour bien vivre. Deux cas extr
621 mes illustreront ce point : celui des transports, et celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun des membres d’
622 édération bénéficiera d’une organisation uniforme et centralisée des chemins de fer, des postes et télécommunications, voi
623 rme et centralisée des chemins de fer, des postes et télécommunications, voire de l’aviation4, la fonction même de ces moy
624 s traditions religieuses, des conditions sociales et des psychologies dont chacun sait que la variété même conditionne la
625 d’enseignement (comme c’est le cas aux États-Unis et en Suisse). Les éléments fondamentaux de culture commune étant par ai
626 dépassent les moyens dont disposent les individus et les régions, se manifeste la nécessité d’un Centre inspirant, équilib
627 e inspirant, équilibrant, coordonnant les efforts et veillant au surplus à leur financement fédéral.) Ceci posé, il va sa
628 mettre l’existence parallèle de services fédéraux et de services nationaux ou régionaux (police, tribunaux, par exemple) a
629 unaux, par exemple) aux compétences bien définies et distinctes. Mais ceci ne change rien au principe de la méthode indiqu
630 ien au principe de la méthode indiquée ci-dessus, et qui consiste à distinguer dans tous les domaines de la vie publique,
631 ibre initiative des États ou régions, des groupes et des individus. Étant bien entendu que les frontières entre le secteur
632 du que les frontières entre le secteur centralisé et le secteur libre doivent être constamment réajustées en vertu de la f
633 l prenne la charge de les organiser, rationaliser et simplifier, élargissant ainsi ses compétences administratives — mais
634 chose publique d’une méthode générale de travail et de création, qui rend compte du dynamisme particulier de notre civili
635 roissante des activités inventées par la personne et assimilées par la communauté. À chaque conquête nouvelle effectuée,
636 bérer du travail qui pouvait être fait par elle ; et s’ils ne savent mettre à profit les libertés ainsi conquises, à la fo
637 les libertés ainsi conquises, à la fois physiques et psychiques, personnelles et sociales, c’est leur esprit d’abord qui e
638 , à la fois physiques et psychiques, personnelles et sociales, c’est leur esprit d’abord qui en est le vrai responsable. L
639 production d’un pool international, des habitudes et routines privées aux règlements collectifs et aux lois — n’est en fin
640 des et routines privées aux règlements collectifs et aux lois — n’est en fin de compte, comme à l’origine, qu’un auxiliair
641 yen ordonné à sa fin. De même, il serait néfaste et faux de considérer la centralisation, l’organisation, les lois fédéra
642 citoyens des moyens de mieux vivre sa vie propre, et de plus librement se choisir : sécurité physique mieux assurée ; dive
643 mieux assurée ; diversités personnelles, locales et régionales mieux affirmées, parce qu’allégées des tâches indifférenci
644 ées, parce qu’allégées des tâches indifférenciées et niveleuses ; possibilités de déplacement, donc de contacts ou d’éloig
645 ent, donc de contacts ou d’éloignement à volonté, et par suite d’élargissement de la conscience ; faculté accrue de s’enga
646 éfinition progressiste, libératrice, aventureuse, et dont le fédéralisme nous apparaît maintenant comme la traduction poli
647 la menacent en permanence. La tyrannie de l’État et de ses mécanismes, l’anarchie individualiste (ou impérialisme local)
648 nocratie, pédantisme agressif des administrations et dictature du plan, d’une part ; condition prolétarienne, travail huma
649 à la chaîne, aliénation des libertés essentielles et disciplines totalitaires imposées à la révolte individuelle, d’autre
650 individuelle, d’autre part, résultent d’une seule et même démission de la personne devant sa liberté et devant sa responsa
651 t même démission de la personne devant sa liberté et devant sa responsabilité. Mais la personne démissionnaire accuse les
652 démissionnaire accuse les mécanismes, ces objets, et les doue des pouvoirs de sujets qu’elle abdique… ⁂ IV. Passage des
653 els sont alors les buts que l’homme européen peut et doit projeter au plan de la politique et de l’organisation du contine
654 éen peut et doit projeter au plan de la politique et de l’organisation du continent, pour les décennies à venir ? Et de qu
655 sation du continent, pour les décennies à venir ? Et de quels mécanismes l’Europe a-t-elle besoin pour atteindre ces buts,
656 pour s’en rapprocher ? Buts. Autonomie (liberté et responsabilité) croissante des personnes, des groupes, des communes,
657 ersonnes, des groupes, des communes, des régions, et finalement de l’Europe entière, pour exercer de mieux en mieux leur v
658 ur vocation particulière, à leur degré de réalité et d’action, soit dans la vie privée (qui relève de la métaphysique), so
659 ieur du continent les services libérant personnes et groupes des tâches mécanisables ; b) de manifester à l’échelle mondia
660 à-dire de donner une Voix à l’ensemble historique et culturel qu’est l’Europe. Tout le problème est d’ordonner, subordonne
661 ieur, d’éviter que les indépendances personnelles et locales soient dissoutes dans un réseau toujours plus serré d’interdé
662 ans contrôle ni orientation, par suite niveleuses et accroissant l’entropie de l’ensemble ; — d’autre part, vis-à-vis de l
663 oires (en vérité, complémentaires) de l’autonomie et de l’union. Sa solution peut apparaître d’une complexité sans espoir
664 e la vie politique qui se contentent des routines et recettes « réalistes » héritées du siècle dernier (jeux des réflexes
665 es du siècle dernier (jeux des réflexes partisans et nationalistes, usage des slogans démagogiques, appels alternés aux pa
666 gogiques, appels alternés aux passions populaires et aux experts), mais je la tiens pour moins difficile que celles qu’on
667 fusée balistique ou d’un vaisseau astronautique. Et l’on ne voit pas comment « l’art du possible » pourrait encore servir
668 lasse politicienne qui n’a pas su prévoir Hitler, et qui trouvait le Marché commun trop technique pour être sérieux. Philo
669 technique pour être sérieux. Philosophie des buts et science de leurs moyens doivent déterminer conjointement toute vision
670 es exigences que l’on vient d’énoncer : Autonomie et Union, Buts et Moyens, philosophie de la personne et technique d’orga
671 e l’on vient d’énoncer : Autonomie et Union, Buts et Moyens, philosophie de la personne et technique d’organisation qui la
672 Union, Buts et Moyens, philosophie de la personne et technique d’organisation qui la traduise. En bonne méthode personnali
673 s a pour fins, d’une part, d’assurer les libertés et les responsabilités civiques à l’intérieur de la fédération ; d’autre
674 re part, de représenter dans le monde la vocation et les intérêts propres de l’ensemble européen. Comment ces grands princ
675 à vivre, en aventures, en découvertes de soi-même et des autres hommes. Du rocher de Gibraltar à la steppe monotone, des l
676 la fédération européenne circulent du nord au sud et de l’est à l’ouest sans passeports ni visas, sans visites de douanes,
677 e peuple. Ils apprennent à considérer les gloires et les hontes du passé de chaque pays européen comme les leurs, et l’ave
678 du passé de chaque pays européen comme les leurs, et l’avenir de l’ensemble européen comme leur avenir. Leur horizon, leur
679 etite, mais s’ouvre aux dimensions continentales, et donc mondiales. S’ils veulent sortir de l’Europe, vers l’Afrique ou l
680 al. On cherchera à éviter les congestions locales et les goulots d’étranglement, dans les régions les plus favorisées par
681 cun peut vendre ses produits partout, sans taxes, et acheter ce qui se fait partout, au même prix et en francs européens.
682 , et acheter ce qui se fait partout, au même prix et en francs européens. Ce marché commun de 400 millions de producteurs
683 . Ce marché commun de 400 millions de producteurs et de consommateurs est de loin le plus riche et le plus varié du monde.
684 urs et de consommateurs est de loin le plus riche et le plus varié du monde. L’Europe a donc cessé de se sentir écrasée en
685 ds » : elle est plus « grande » que chacun d’eux, et presque autant que les deux additionnés. Mais cette grande liberté co
686 llement ceux qui préfèrent la sécurité maternelle et la protection d’une partie limitée, d’en jouir et même mieux qu’avant
687 et la protection d’une partie limitée, d’en jouir et même mieux qu’avant. Car chaque citoyen de l’Europe relève d’un pays
688 mmunauté définie où il a (ou prend) ses racines ; et il peut y exercer ses droits civiques. Le droit à une patrie locale e
689 locale est garanti par la Constitution fédérale, et surveillé par la Cour fédérale de justice, dépositaire du Statut de l
690 rsonne. Pour devenir citoyen de l’Europe, il faut et il suffit que l’on devienne d’abord citoyen de l’un des pays membres,
691 at membre y bénéficie de tous les droits civiques et sociaux. Il y vote, et il y est éligible après un certain délai, qui
692 e tous les droits civiques et sociaux. Il y vote, et il y est éligible après un certain délai, qui varie selon qu’il s’agi
693 onsables vis-à-vis de leurs citoyens de maintenir et développer leur autonomie, leur physionomie particulière, leurs propr
694 leur physionomie particulière, leurs propres lois et coutumes, pour autant que celles-ci ne conservent ou n’introduisent r
695 sent rien au contraire à la Constitution fédérale et à la Charte des droits de la personne. (Les libertés de culte, d’expr
696 la personne. (Les libertés de culte, d’expression et d’association sont expressément garanties ; l’État, ou la majorité da
697 minorités.) D’autre part, face au reste du monde et dans le monde, nos peuples peuvent enfin faire entendre la Voix de l’
698 it de déterminer leur destin, sur ce plan aussi. ( Et l’on verra que ce droit joue en faveur de la paix.) La vocation cultu
699 aix.) La vocation culturelle, sociale, économique et politique de l’ensemble européen s’exprime désormais par des décision
700 décisions fédérales, qui traduisent la conscience et la volonté de la majorité des États et des Européens responsables de
701 conscience et la volonté de la majorité des États et des Européens responsables de leur État. La fédération européenne a s
702 rre comme moyen politique. Pour sa police interne et pour garantir ses membres contre l’extérieur, elle entretient des for
703 s institutions européennes ont pour raison d’être et principe formateur d’exprimer et de garantir les libertés fondamental
704 ur raison d’être et principe formateur d’exprimer et de garantir les libertés fondamentales de l’homme européen. Il en rés
705 d espace composé d’une vingtaine d’États membres, et de quelques États associés (bordure de l’Est). La souveraineté des me
706 s discussions politiques, juridiques, économiques et culturelles les plus vivantes et les plus difficiles, à l’intérieur d
707 ues, économiques et culturelles les plus vivantes et les plus difficiles, à l’intérieur de la fédération vers 1980. Elle n
708 ’Europe. Ouvrons donc en ce point une parenthèse, et , faisant retour en arrière, examinons la situation telle qu’elle se p
709 les divers modes possibles d’une union politique, et à supputer les conséquences probables qu’entraînerait une fédération.
710 a) Rapports entre les souverainetés nationales et la fédération Entre un unitarisme jacobin opprimant les autonomies
711 e un unitarisme jacobin opprimant les autonomies, et une nouvelle Sainte-Alliance, interdisant toute union efficace, il s’
712 quilibre en mouvement entre les pouvoirs fédéraux et les États, entre le corps et les organes. Le problème le plus épineux
713 es pouvoirs fédéraux et les États, entre le corps et les organes. Le problème le plus épineux est celui de la souveraineté
714 t des États : ce ne sont pas des personnes libres et responsables, et il est tout à fait inconcevable qu’ils puissent agir
715 ne sont pas des personnes libres et responsables, et il est tout à fait inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’u
716 des souverainetés en grande partie inexistantes, et qu’on ne pourrait que renforcer temporairement en les obligeant à se
717 é n’est pas limitée par la Constitution fédérale, et comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au
718 par l’article 3, leurs constitutions, la liberté et les droits du peuple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et de
719 peuple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et des cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction gé
720 titution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres ! Souveraineté
721 la mesure où elle subsiste, elle se voit garantie et défendue par une constitution, par une armée, et par la volonté unani
722 et défendue par une constitution, par une armée, et par la volonté unanime des peuples et des États confédérés. Ce qui es
723 une armée, et par la volonté unanime des peuples et des États confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas des souverai
724 aineté classique sont reportés au niveau fédéral, et la fédération, de plus, a renoncé au droit d’attaquer ses voisins ou
725 leurs querelles. Mais qu’en est-il de ces voisins et de leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Suez a permis d’en juge
726 aux « souverains » : celui de déclarer la guerre et celui de conclure la paix comme on l’entend et quand on le veut. En f
727 re et celui de conclure la paix comme on l’entend et quand on le veut. En fait, ces deux États se sont vus brutalement mis
728 r, ces puissances n’étaient pas même européennes, et sans l’appui de l’une aucun pays d’Europe ne peut se défendre contre
729 assique ; mais il y a plus : aucun n’est autonome et ne pourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le sera pas. Leur
730 arantie (ni d’ailleurs menacée) par leurs voisins et frères, mais seulement par l’une des puissances extérieures qui ont l
731 ’il est plus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même sans précédent dans l’ère moderne. Voici comment on pe
732 l’union fédérale étende à l’ensemble du continent et aux îles britanniques le régime qui est en train de s’instaurer entre
733 — réduites à d’invisibles limites administratives et d’état civil, comme c’est le cas entre les cantons suisses depuis 184
734 régionales. La notion de « métropole » économique et culturelle prendra forme. Des reliefs nouveaux, comparables à des sou
735 emboîtées quoique très arbitrairement délimitées. Et l’on verra des États unitaires, comme la France, ou l’Espagne, ou la
736 ce, ou l’Espagne, ou la Belgique, se différencier et se réorganiser en autant de régions nouvelles (ou réanimées), qu’il y
737 ent à peu près à des régions à la fois naturelles et culturelles — linguistiques, religieuses, et de mœurs et coutumes7 ;
738 lles et culturelles — linguistiques, religieuses, et de mœurs et coutumes7 ; tandis que les États centralisés de l’Europe,
739 urelles — linguistiques, religieuses, et de mœurs et coutumes7 ; tandis que les États centralisés de l’Europe, hérités du
740 ne tiennent plus compte des frontières nationales et modifient profondément le régime des États naguère centralisés. Au li
741 yonnement. La mobilité des industries nouvelles, et leur indépendance par rapport au sous-sol, provoquent la naissance de
742 t la naissance de complexes à la fois économiques et culturels qui ne recouvrent pas nécessairement les anciennes province
743 écessairement les anciennes provinces ou régions, et qui chevauchent souvent les frontières « nationales » dessinées au xv
744 es frontières « nationales » dessinées au xviiie et au xixe siècle. Les régions de climat salubre, ou amène, se voient à
745 e du charbon, des corons, des banlieues ouvrières et des mines se vide, au profit des régions méridionales, fluviales, ou
746 sociologues, hygiénistes, urbanistes, éducateurs, et spécialistes du droit fédéral : ces derniers devant faire preuve, plu
747 e constitue. Une politique fédérale de production et de distribution tend à prévoir et régulariser les mouvements démograp
748 e de production et de distribution tend à prévoir et régulariser les mouvements démographiques, et les incidences industri
749 oir et régulariser les mouvements démographiques, et les incidences industrielles et commerciales des associations ou unio
750 s démographiques, et les incidences industrielles et commerciales des associations ou unions régionales. Elle s’efforce d’
751 veaux centres, les besoins généraux du continent, et les échanges toujours plus intenses à l’échelle mondiale. Ce processu
752 lequel la fédération joue un rôle d’intermédiaire et de régulateur entre le monde et les régions, a pour double effet de d
753 e d’intermédiaire et de régulateur entre le monde et les régions, a pour double effet de diminuer l’importance des anciens
754 effet de diminuer l’importance des anciens États et d’augmenter celle des foyers locaux. La renaissance des communes s’af
755 réciable » (Tocqueville) dans le cadre trop vaste et trop rigide de l’État-nation, retrouve au niveau communal le concret
756 rouve au niveau communal le concret de ses droits et de ses responsabilités. Groupées en syndicats de production, en coopé
757 on, en coopératives techniques ou de distribution et de consommation, les communes redeviennent les cellules de base de ch
758 ent les cellules de base de chaque région réelle, et le milieu par excellence de l’action civique. c) Attributs de la f
759 tributs de la fédération La structure fédérale et la répartition des pouvoirs entre la fédération et ses membres sont l
760 t la répartition des pouvoirs entre la fédération et ses membres sont l’expression directe des principes énoncés plus haut
761 pression directe des principes énoncés plus haut, et s’en déduisent sans autres difficultés que celles qui naissent d’une
762 cter autant que possible les situations spéciales et locales. Les compétences du pouvoir fédéral s’exercent donc d’abord d
763 ’abord dans le domaine de la politique étrangère, et de la défense. Aucun État membre ne pouvant plus conclure d’alliances
764 usieurs États conservent cependant, à l’intérieur et à l’extérieur de la fédération, des ambassades et consulats chargés d
765 et à l’extérieur de la fédération, des ambassades et consulats chargés d’entretenir les relations qui ne sont pas du resso
766 nt pas du ressort fédéral. (Relations économiques et commerciales, dans la mesure compatible avec les plans fédéraux ; rel
767 résultant de l’ouverture d’un grand espace libre et de la mise en commun des ressources de base ; la possibilité pour l’i
768 tir ses allégeances entre des ensembles culturels et spirituels plus restreints ou plus vastes que la communauté politique
769 munauté politique (État ou région) où il est né ; et enfin le libre jeu dans la fédération d’innombrables tensions de tous
770 r les États nationalistes en compétition brutale, et que leur liquidation a seule permis le rapprochement des peuples de l
771 ecours à la guerre, elle reste neutre en théorie, et fidèle à l’esprit de sa Constitution ainsi étendu à l’alliance ; mais
772 ge de rassurer le tiers parti quant à sa sécurité et de décourager ses propres tendances agressives. En revanche, l’Europe
773 libertés d’établissement, de travail, de commerce et de circulation des biens sur tout son territoire, elle se charge d’or
774 r tout son territoire, elle se charge d’organiser et de subventionner les activités qui dépassent la capacité des États me
775 litique de production, de répartition intérieure, et d’échanges à l’échelle mondiale. Elle soutient et harmonise les plan
776 t d’échanges à l’échelle mondiale. Elle soutient et harmonise les plans d’aménagement du territoire entrepris par les Éta
777 Européens dans le domaine de la culture. Débattue et décidée par le Conseil des recherches et de l’enseignement (voir plus
778 Débattue et décidée par le Conseil des recherches et de l’enseignement (voir plus loin) cette politique est représentée da
779 acités nationales, concernent l’ensemble européen et ses intérêts généraux. (Exemples : création d’Instituts européens dan
780 ubliques de l’Europe dans le « monde de Bandung » et dans le monde communiste. « Voix de l’Europe » à la RTV, etc.) Enfin,
781 e intérieur, les constitutions des États membres, et toutes les libertés personnelles et publiques reconnues par la Consti
782 tats membres, et toutes les libertés personnelles et publiques reconnues par la Constitution fédérale. d) Attributions
783 ière générale, les États exercent tous les droits et devoirs législatifs, exécutifs et judiciaires prévus par leur constit
784 tous les droits et devoirs législatifs, exécutifs et judiciaires prévus par leur constitution, dans la mesure où ces droit
785 r leur constitution, dans la mesure où ces droits et devoirs ne sont pas délégués à la fédération. C’est en matière d’éduc
786 ués à la fédération. C’est en matière d’éducation et de culture, notamment, que les États conservent les plus larges compé
787 des États provient de la renaissance des régions et de la formation de « métropoles » nouvelles. En vertu de dispositions
788 es conditions de développement étant satisfaites, et sous réserve d’une approbation fédérale, régions et métropoles peuven
789 sous réserve d’une approbation fédérale, régions et métropoles peuvent se donner des structures et des pouvoirs autonomes
790 ns et métropoles peuvent se donner des structures et des pouvoirs autonomes, et elles peuvent aussi s’associer avec d’autr
791 donner des structures et des pouvoirs autonomes, et elles peuvent aussi s’associer avec d’autres entités comparables rele
792 ens » (nés d’ailleurs, pour la plupart, aux xixe et xxe siècles) en fédération des régions réelles. e) Autorités fédé
793 La double nécessité d’assurer l’union européenne et l’autonomie des communautés fédérées implique une dualité corresponda
794 compose donc d’une Chambre des députés européens et d’un Sénat européen, la première représentant les peuples, le second,
795 re représentant les peuples, le second, les États et les communautés dotées d’une autonomie reconnue. Les affaires de la c
796 on fédérale, garantie des constitutions des États et des autonomies régionales, mesures propres à faire respecter la Const
797 de celle-ci, garantie des libertés, organisation et droit de disposer de l’armée fédérale, ratification des traités, budg
798 ’armée fédérale, ratification des traités, budget et approbation des comptes de la fédération, élection de l’exécutif et d
799 comptes de la fédération, élection de l’exécutif et de la Cour de justice. Les lois fédérales ne peuvent être rendues qu’
800 écutives : Un complexe de traditions, confessions et langues, de conditions naturelles et de possibilités de développement
801 confessions et langues, de conditions naturelles et de possibilités de développement aussi différenciées que celles qui e
802 nt élus pour trois ans par l’Assemblée européenne et sont rééligibles. On ne peut choisir plus d’un membre dans le même pa
803 ché commun. Le ministre des Relations culturelles et le ministre de la Recherche scientifique co-président un Conseil des
804 ientifique co-président un Conseil des recherches et de l’enseignement, composé de représentants des sciences naturelles,
805 ales, psychologiques, religieuses, de la médecine et de l’hygiène, des arts et lettres, de l’histoire, de l’éducation, de
806 gieuses, de la médecine et de l’hygiène, des arts et lettres, de l’histoire, de l’éducation, de l’architecture et de l’urb
807 de l’histoire, de l’éducation, de l’architecture et de l’urbanisme. Le ministre de la Justice préside une Commission des
808 , celui de l’Intérieur une Commission des régions et des États, etc. Les projets des lois et arrêtés élaborés par ces comm
809 s régions et des États, etc. Les projets des lois et arrêtés élaborés par ces commissions ministérielles, sont présentés p
810 stérielles, sont présentés par le Conseil fédéral et soumis au vote de l’Assemblée (éventuellement au référendum) qui peut
811 édéral administre la justice en matière fédérale, et connaît notamment des conflits de compétence entre la fédération et l
812 nt des conflits de compétence entre la fédération et les États membres ; des différends entre les États ; des réclamations
813 trahison ou de révolte concernant la fédération, et d’autres causes qui lui sont soumises par accord des parties, quand l
814 que la fédération soit gouvernée par un Collège, et non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capital
815 storique englobant des siècles d’histoire commune et toutes les diversités que l’on sait, le District fédéral ne saurait ê
816 être qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible de tradition fédéraliste ; enfin, comme Washington, D.C.,
817 , d’ailleurs gardienne traditionnelle des valeurs et réalités d’intérêt commun pour l’Europe. De même qu’au xiie siècle l
818 ui prend ses sources dans la théologie chrétienne et dans la philosophie grecque, et peut se réclamer du thomisme puis du
819 ologie chrétienne et dans la philosophie grecque, et peut se réclamer du thomisme puis du calvinisme, plus tard du sociali
820 itique qui a fait ses preuves notamment en Suisse et aux États-Unis et qui est pratiquée aujourd’hui dans les processus de
821 ses preuves notamment en Suisse et aux États-Unis et qui est pratiquée aujourd’hui dans les processus de décision des Comm
822 nomie moderne, de la nouvelle vision scientifique et des moyens fournis par les techniques d’avant-garde, crée une conjonc
823 ce qui incline à penser que les réussites suisse et nord-américaine ont une valeur probante pour les « réalistes », sinon
824 au sérieux les déclarations réitérées du Vatican, et les protestants qui ont gardé vivante la tradition calvinienne, ne pe
825 lan confessionnel, dont on connaît l’essor récent et très puissant. Quant aux libéraux agnostiques, ils peuvent trouver da
826 taires. 4. L’application des découvertes récentes et imminentes de la physique et de la biologie non seulement à des armes
827 découvertes récentes et imminentes de la physique et de la biologie non seulement à des armes encore plus puissantes et be
828 non seulement à des armes encore plus puissantes et beaucoup plus maniables que la bombe H, mais aussi à des procédés de
829 s procédés de manipulation du psychisme collectif et de conditionnement physiologique de certaines classes favorisées ou f
830 sses favorisées ou fabriquées par un parti (armes et procédés dont seul un Pouvoir fortement centralisé et très riche sera
831 rocédés dont seul un Pouvoir fortement centralisé et très riche serait en mesure d’user et d’abuser), pousse également à c
832 centralisé et très riche serait en mesure d’user et d’abuser), pousse également à concevoir la nécessité vitale d’une ten
833 la nécessité vitale d’une tendance à déconcentrer et à distribuer le pouvoir, afin de l’empêcher par tout un jeu de contrô
834 , afin de l’empêcher par tout un jeu de contrôles et de dispositifs de sécurité, de prendre une initiative éventuellement
835 ilatélistes, des sociétés culturelles municipales et provinciales, et de tous ceux qui disent redouter « l’américanisation
836 sociétés culturelles municipales et provinciales, et de tous ceux qui disent redouter « l’américanisation » de l’Europe ou
837 s. 6. À « gauche », les traditions proudhoniennes et anarcho-syndicalistes jouent dans le sens de l’autonomie des groupes,
838 pes, tandis que les traditions internationalistes et autoritaires du socialisme marxiste jouent dans le sens d’une opposit
839 tés de tout ordre (assimilées aux « privilèges ») et en faveur d’une unification européenne. Là encore, la résultante des
840 tement dépassé, aux yeux des jeunes. La nécessité et les promesses d’une union de l’Europe sont admises par plus de 80 % d
841 e 80 % des Européens, quoique d’une manière vague et généralement passive, faute de modèles ou de maquettes proposés à la
842 mbre d’esprits, dans nos divers pays, professions et partis, à supputer les conséquences des principales méthodes d’union
843 implement le besoin d’une « union plus étroite », et tend à prendre un sens précis et spécifique, tel que nous l’avons déf
844 plus étroite », et tend à prendre un sens précis et spécifique, tel que nous l’avons défini plus haut. Cet ensemble de fa
845 aut. Cet ensemble de facteurs positifs, négatifs, et ambivalents, ménage des possibilités plus favorables que jamais à une
846 guider par deux séries de déductions inévitables, et qui sont au surplus convergentes. L’une a pour point de départ la déf
847 e l’homo europaeus comme personne à la fois libre et responsable. L’autre découle de la conjoncture présente : nécessité d
848 sion du tiers-monde, qui exige l’aide de l’Europe et n’en oppose pas moins à son passé mal vu les promesses incertaines d’
849 ertaines d’un communisme ouvertement impérialiste et plus néfaste pour les traditions valables du tiers-monde que ne fut j
850 gnorance ou mieux : la non-vision du But possible et nécessaire. Si l’Europe n’est pas encore faite, ce n’est pas que ces
851 naires sont vaines. On ne réfute pas l’obscurité, et rien ne sert de maudire la nuit : mieux vaut allumer une chandelle, c
852 te de charger des experts d’étudier les modalités et le coût de l’opération. Ils concluent que rien n’est possible dans l’
853 ien n’est possible dans l’état actuel des choses. Et leur déni traduit exactement l’incertitude des hommes d’État qui les
854 e ne saurait vouloir une fin qu’il distingue mal. Et c’est pourquoi, dans le domaine qui nous occupe, la prévision est une
855 . Bien voir le But, se concentrer sur lui, dégage et mobilise les énergies nécessaires pour qu’on le rejoigne. Dans ce sen
856 ce qu’il cherchait, ce qui était dans mon esprit et non dans la réalité. Cet essai n’a donc d’autre ambition que d’appele
857 corrigeant, complétant, cadrant mieux le sujet ; et qui dira, au terme de l’étude : voilà le But. Cette « relance europée
858 complémentarité ; théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, appliquée à la stratégie, à l’économie, à la politique.
859 , à la politique. 4. Cette organisation uniforme et centralisée pouvant d’ailleurs relever de l’État fédéral ou d’entrepr
860 n. Voir aussi La Révolution nécessaire par Aron et Dandieu (Paris, 1933) et la collection de la revue L’Ordre nouveau
861 ion nécessaire par Aron et Dandieu (Paris, 1933) et la collection de la revue L’Ordre nouveau (publiée de 1932 à 1937)
862 is, de langue française, de confession catholique et historiquement autonome, mais rattaché à la masse protestante et além
863 nt autonome, mais rattaché à la masse protestante et alémanique du canton de Berne. Un mouvement séparatiste s’y manifeste
7 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
864 ne s’est autant marié en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 % des couples)
865 en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 % des couples) : le mariage se porte
866 e inépuisable de situations comiques ou cyniques. Et tout cela ne fait que trahir le tourment innombrable et obsédant de l
867 t cela ne fait que trahir le tourment innombrable et obsédant de l’amour hors-la-loi. La crise du mariage n’est donc pas u
868 s ? C’est que cette crise a des causes nombreuses et complexes. Les unes sont liées au progrès et à l’évolution de la psyc
869 uses et complexes. Les unes sont liées au progrès et à l’évolution de la psychologie moderne. L’émancipation de la femme,
870 bonheur individuel prime aussi à l’heure actuelle et très nettement, la stabilité sociale : les rois donnent l’exemple en
871 sible de l’Occident, il y a une cause essentielle et séculaire : c’est que tous les adolescents sont élevés dans l’idée du
872 mariage (normal, souhaitable, presque inévitable) et en même temps baignés dans une atmosphère romantique, la passion étan
873 e suprême, que tout homme doit un jour connaître, et qu’il appelle secrètement. Pourquoi mariage et passion sont-ils incom
874 e, et qu’il appelle secrètement. Pourquoi mariage et passion sont-ils incompatibles ? Parce que le mariage c’est la coexis
875 ifique, la proximité quotidienne, l’accoutumance, et que la passion, elle, veut des obstacles qui rendent l’amour plus int
876 ut des obstacles qui rendent l’amour plus intense et plus conscient. Le mariage, en formant un obstacle idéal à l’amour (a
877 ns qu’elle a toujours existé a, en fait, une date et des origines bien précises. Pendant des siècles, les relations entre
878 spèce de romantisme ou de ferveur en était exclue et le mariage était alors très brutal : c’était deux domaines, ou deux l
879 ’âme médiévale, qui leur ont permis de s’exprimer et de s’avouer au grand jour. Pour la première fois, l’homme devient le
880 , l’amour malheureux (mais réciproque) est exalté et aussi la chasteté incompatible avec le mariage (qui n’est alors que l
881 le mariage (qui n’est alors que l’union des corps et des biens). Pour la première fois, l’amour profane emprunte à l’amour
882 qui contredisait si fort la conception du mariage et la condition de la femme d’alors, d’où venait-il ? D’« ailleurs » nat
883 « ailleurs » naturellement. Le premier troubadour et l’un des plus grands, Guillaume de Poitiers avait séjourné dans le Pr
884 rné dans le Proche-Orient au cours d’une croisade et en Espagne où il avait épousé la veuve d’un roi d’Aragon. Aux poètes
885 hérésie qui s’installe solidement dans les cours et les châteaux du Midi (Albi fut la grande capitale du catharisme, dit
886 érotiques, mais de celles qui sont procréatrices et qui auraient pour effet de faire tomber une âme de plus dans un corps
887 le, les cathares se bornaient à médire du mariage et à louer des formes d’amour plus ou moins platoniques ! Les troubadour
888 mitèrent. L’amour courtois étant né d’une hérésie et d’une rhétorique toutes deux orientales, pourquoi cette forme d’amour
889 Occident ? C’est que la passion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’elle rencont
890 qu’à la mesure des résistances qu’elle rencontre. Et c’est l’Europe catholique et nordique qui devait offrir les résistanc
891 s qu’elle rencontre. Et c’est l’Europe catholique et nordique qui devait offrir les résistances les plus durables à l’épan
892 ourtois né sur les bords de la Méditerranée arabe et latine. Dans la poésie des troubadours, c’est l’éloge de la chasteté,
893 ait naturel de s’exalter, de devenir une passion. Et c’est le roman de Tristan et Iseut qui restera le prototype éternel d
894 devenir une passion. Et c’est le roman de Tristan et Iseut qui restera le prototype éternel de l’amour-passion qui se nour
895 urs du temps sanctionnaient le droit du plus fort et Tristan apparaît tout au long du roman comme supérieur aux autres. Or
896 supérieur aux autres. Or il n’use pas de ce droit et livre Iseut au roi Marc. Quand Tristan et Iseut, chassés de la cour d
897 e droit et livre Iseut au roi Marc. Quand Tristan et Iseut, chassés de la cour de Marc vivent seuls dans la forêt, ils dor
898 accepte pour la deuxième fois de la rendre au roi et décide d’épouser lui-même Iseut aux blanches mains. Le roman de Trist
899 stan est en somme une longue suite de séparations et de revoirs successifs des amants. Or les causes de séparations sont a
900 qu’un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résumant un nombre infini de situations plus ou moins analo
901 coup d’œil certains types de relations constantes et de les dégager du fouillis des apparences quotidiennes. Tristan, c’es
902 ristan, c’est un « type » de relations de l’homme et de la femme dans un groupe historique donné : la société courtoise du
903 urtant ses lois sont encore les nôtres. Profanées et reniées par nos codes officiels, elles sont devenues d’autant plus co
904 Quel rapport a donc au juste le roman de Tristan et la crise du mariage ? C’est que finalement notre crise du mariage n’e
905 ge n’est rien de moins que le conflit de ce mythe et de la morale chrétienne, donc de deux traditions religieuses, c’est-à
906 oi vivante, est devenue la « morale bourgeoise », et le mythe issu d’une hérésie spiritualiste (l’hérésie cathare) dont no
907 vahissement du roman d’amour, du film sentimental et de la pièce de boulevard (le roi Marc est devenu le cocu, Tristan, le
908 n, le jeune premier, Iseut, l’épouse insatisfaite et oisive) ; l’adultère devient un sujet de délicates analyses psycholog
909 aisanteries vaudevillesques. La morale bourgeoise et ses contraintes religieuses, sociales et familiales, perdant du terra
910 urgeoise et ses contraintes religieuses, sociales et familiales, perdant du terrain chaque jour, c’est donc sur les débris
911 il se brisera presque toujours : c’est la durée. Et notre culte de la beauté-standard imposé par le cinéma et la publicit
912 culte de la beauté-standard imposé par le cinéma et la publicité n’arrange pas les choses. Périodiquement un nouveau type
913  » nouvelle. On s’ingénie à renouveler l’obstacle et le combat et voici les « ruses » d’une passion débile qui cherche à s
914 On s’ingénie à renouveler l’obstacle et le combat et voici les « ruses » d’une passion débile qui cherche à s’entretenir :
915 fidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressentir » l’amour en soi… Et voici le rêve sournois du mari qui n
916 au le poursuivre et « ressentir » l’amour en soi… Et voici le rêve sournois du mari qui ne peut plus désirer sa femme qu’e
917 es bras d’un autre). Cet amour-passion de Tristan et Iseut qui se dénouait dans la mort, se dénouera alors un jour ou l’au
918 un acte. Mais alors, on peut « décider » d’aimer et d’épouser n’importe qui ? Non, il existe certaines chances de réussit
919 s vous ne pourrez prévoir votre future évolution, et encore moins celle de votre époux, et encore moins celle de votre cou
920 évolution, et encore moins celle de votre époux, et encore moins celle de votre couple. On arrive alors à cette conclusio
921 emme) pour toute la vie, finalement c’est parier. Et il serait beaucoup plus conforme à l’essence du mariage d’enseigner a
922 considéré comme une œuvre qu’on construit à deux et dont on tâche de faire une œuvre d’art. Cette fidélité-là, ce n’est p
923 pas tromper (ce qui serait une preuve d’indigence et non d’amour). C’est vouloir le bien de l’autre et agir pour ce bien.
924 et non d’amour). C’est vouloir le bien de l’autre et agir pour ce bien. L’amour de Tristan et d’Iseut, et la passion, c’es
925 l’autre et agir pour ce bien. L’amour de Tristan et d’Iseut, et la passion, c’est l’angoisse d’être deux. L’amour dans le
926 agir pour ce bien. L’amour de Tristan et d’Iseut, et la passion, c’est l’angoisse d’être deux. L’amour dans le mariage c’e
927 peut à la fois croire au mariage — à la volonté — et à la passion — à la fatalité. On aime croire à une « fatalité » — l’a
928 finitivement balayé des consciences occidentales, et la crise du mariage se dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la pass
929 fie, l’anime, l’oblige à redevenir un choix vital et non pas une routine subie : la passion c’est le secret du mariage viv
930 e contradictoires. Ceci fait, à chacun de choisir et de prendre ses risques ! Condamner la passion en principe serait d’ab
931 est une décision fondamentale, comme le mariage, et non pas une erreur, mais ce serait aussi vouloir supprimer l’un des p
932 re tension créatrice. Que la passion disparaisse ( et le mariage lui oppose maintenant si peu d’obstacles et de contraintes
933 mariage lui oppose maintenant si peu d’obstacles et de contraintes qu’elle semble condamnée faute d’adversaire à sa taill
934 semble condamnée faute d’adversaire à sa taille) et nous irons tout droit vers une société sans surprise ni drames, disci
935 us serions en quel­que sorte — nous autres hommes et femmes d’aujourd’hui — les Derniers Mohicans de l’amour. À moins que
936 soif de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et qu’il n’appelle alors un autre xiie siècle de l’amour… qui sera peut
937 e ? Non, affirme Denis de Rougemont dans L’Amour et l’Occident (Collection 10/18), un livre passionnant qui étudie et qu
938 ollection 10/18), un livre passionnant qui étudie et qui explique pourquoi les hommes et les femmes ont tant de difficulté
939 nt qui étudie et qui explique pourquoi les hommes et les femmes ont tant de difficultés, actuellement, à réussir leur vie
940 fait son apparition en Europe bien avant le café et la pomme de terre — au xiie siècle — elle n’en est pas moins elle au
941 l’a introduite en France ? Comment l’affronter ? Et enfin, comment réussir son mariage, car rien n’est perdu pour qui veu
8 1963, Articles divers (1963-1969). Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)
942 rs de votre conférence : « La culture occidentale et les civilisations extraeuropéennes », vous avez mentionné l’urgence d
943 e vient de se créer à Lagos, capitale du Nigéria, et l’on projette d’en créer deux autres, l’un à Dakar, pour les populati
9 1964, Articles divers (1963-1969). L’idée européenne en Suisse (1964)
944 le Pacte secret de 1291, la bataille de Morgarten et le Pacte public de Brunnen en 1315, il n’y avait pas de Suisse, ni su
945 u, du xive au xvie siècle, dans le Saint-Empire et par lui. En effet, si les Waldstätten reçoivent les lettres d’immédia
946 d’immédiateté qui garantissent leurs « libertés » et les dégagent de la tutelle des grands dynastes voisins, c’est à cause
947 n particulière de grand-garde du col du Gothard ; et c’est l’empereur qui leur accorde ces franchises, dans les intérêts d
948 n recevra en 1815 la garantie de son indépendance et même de sa neutralité « dans les intérêts de l’Europe entière ». Si l
949 -même se dénature, se dissout en États souverains et devient finalement un État comme les autres. Du moins les Ligues cons
950 ste. Lorsque plus tard les nations s’absolutisent et que leurs guerres font rage sur tout le continent, des voix suisses v
951 rincipe, pour rappeler que la paix, la prospérité et les libertés de l’Europe ne seront rétablies que par cette union-là.
952 e ses fameux exposés critiques (l’Extrait de 1761 et le Jugement, posthume) du projet de paix perpétuelle de l’abbé de Sai
953 ou Saint-Empire, des états généraux de Hollande, et de la « Ligue helvétique ». L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux n
954 u’unissent les liens d’une « commune législation… et subordination au corps de la république ». C’est une Europe intégrale
955 Europe intégralement fédéraliste qu’il préconise, et son module (élément type) se révèle, en dernière analyse, n’être rien
956 urent à leur ruine » faute d’un principe d’union, et que si leurs divisions persistent, l’avenir appartiendra « soit à la
957 ion internationale des idées, malgré les jacobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’est pas seulement l’auteur de
958 e, pamphlet classique contre l’esprit d’hégémonie et de centralisme national, mais c’est lui qui rédige, pendant les Cent-
959 enne13 que va signer Napoléon, — hélas trop tard. Et son fédéralisme européen préfigure le régime qui triomphera, en 1848,
960 oment, la Sainte-Alliance des rois donne une base et une finalité expressément européenne à la neutralité de la Suisse ind
961 péenne à la neutralité de la Suisse indépendante. Et tandis que se forment dans le reste de l’Europe des nations unitaires
962 dèle français, promises aux guerres nationalistes et coloniales, seule la Suisse réussit à unir ses cantons selon la maxim
963 en Suisse que Mazzini publie en 1836 le manifeste et les journaux de la « Jeune Europe », et que le général Garibaldi prés
964 manifeste et les journaux de la « Jeune Europe », et que le général Garibaldi préside un Congrès de la paix par l’unité eu
965 lus haut degré un caractère très international », et c’est ce type d’union pluraliste, antiunitaire, authentiquement fédér
966 alistes européens voit le jour : l’Europa-Union ; et c’est lui qui convoque la première rencontre internationale au lendem
967 rapidement une vingtaine de mouvements nationaux, et plus de 100 000 membres, tient son premier congrès à Montreux, en sep
968 e La Haye naît le Mouvement européen, qui propose et obtient en neuf mois la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion
969 pinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le reste va s’en suivre : plan Schuman, Communauté du charbon et de l
970 s’en suivre : plan Schuman, Communauté du charbon et de l’acier, tentative avortée d’une communauté de défense, puis réuss
971 e défense, puis réussite du Marché commun des Six et réplique des Sept de l’AELE, essor de l’économie européenne, discussi
972 ef historique, les aspects culturels du mouvement et le rôle qu’y joue notre pays. Le congrès de La Haye ayant préconisé l
973 opéen de la culture, celui-ci s’organise à Genève et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne, au m
974 is de décembre 1949. De la conférence de Lausanne et de l’action du Centre à Genève, jusqu’à ce jour, vont naître successi
975 s ou CERN, la Fondation européenne de la culture, et une série d’initiatives groupant des instituts universitaires, des fe
976 a été créée en 1957 par l’Université de Lausanne et un centre de recherches lui a été adjoint tôt après. Genève a suivi e
977 européenne de la culture, sur le thème « L’Europe et le monde » doit se tenir à Bâle (fin septembre 1964) sous le haut pat
978 emble avoir trouvé parmi nous un climat favorable et un terrain fertile. Rousseau, Benjamin Constant, Jean de Müller, déjà
979 e Müller, déjà cités, mais aussi Jakob Burckhardt et son petit-neveu Carl J. Burckhardt, Robert de Traz auteur de l’Esprit
980 rdt, Robert de Traz auteur de l’Esprit de Genève, et Gonzague de Reynold auteur de Formation de l’Europe, méritent une pla
981 isse que Churchill choisit de parler de l’Europe, et que la même année 1946, les premières Rencontres internationales de G
982 de Genève prennent pour thème l’Esprit européen. Et j’ai marqué la filiation — trop mal connue — qui va de Hertenstein au
983 uisse idéale, réputée « microcosme de l’Europe », et ce sont quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, p
984 a fait, pendant ce même temps, la Suisse légale ? Et que pensaient les Suisses moyens ? ⁂ Des lendemains de la Seconde Gue
985 ns de 1960, il faut reconnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins « réservées » et q
986 t été dans l’ensemble pour le moins « réservées » et que notre peuple l’est peut-être plus encore, s’agissant de l’idée eu
987 nt de l’idée européenne. Le scepticisme dominait, et comme on tient pour « réaliste » en politique les partis pris de la m
988 initiative de la Suisse, mais aussi l’imagination et la faculté de prévision de ceux qui faisaient notre opinion. L’union
989 notre opinion. L’union de l’Europe s’avérait bel et bien réalisable, puisqu’elle devenait réalité, mais elle nous prenait
990 ait réalité, mais elle nous prenait par surprise, et chaque démarche de nos gouvernants pour rejoindre l’histoire en train
991 faire, semblait prématurée aux yeux de nos sages et de nos experts, quoique trop tardive aux yeux du reste de l’Europe. N
992 de Canossa sans agenouillement, donc sans pardon. Et notre arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais été « justifi
993 ité intégrale reste la base de notre indépendance et « l’étoile fixe sur laquelle se règle la politique étrangère de la Co
994 isse recevrait des ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en serait fait du « rôle particulier » qu’elle se réserve d’invoque
995 ution. Ce serait même la fin de notre fédéralisme et de la démocratie directe, n’hésitent pas à déclarer de nombreux polit
996 n’hésitent pas à déclarer de nombreux politiciens et journalistes. Arguments économiques. — La Suisse a très bien réussi
997 drait de nombreux avantages, bancaires notamment, et son agriculture serait gravement menacée. L’adhésion au Marché commun
998 itionalistes. — Des représentants de l’industrie, et quelquefois de la culture, croient distinguer dans les projets d’Euro
999 liminer peu à peu les caractéristiques nationales et les remplacer par un sentiment européen », ainsi que le déclarait le
1000 égué du Vorort de l’Union suisse pour l’industrie et le commerce. ⁂ Résumons maintenant les arguments inverses qu’invoquen
1001 on internationale actuelle, économique, politique et militaire a, en fait, complètement transformé le sens, la portée et l
1002 fait, complètement transformé le sens, la portée et la réalité de notre neutralité17. » Cette dernière est devenue en par
1003 isse doit donc tendre à participer « sans réserve et de plein droit » à l’édification de l’Europe unie. Sinon, l’Europe qu
1004 ons de la Croix-Rouge lors des conflits européens et celles de la diplomatie suisse lors de la guerre d’Algérie, l’existen
1005 t-être été capable, elle, de prévenir ces crises, et elle diminuerait très fortement les chances de leur retour à l’avenir
1006 st celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Isolée de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’est plus
1007 même en cas de conflit entre l’Europe d’une part, et l’URSS ou la Chine de l’autre, c’est d’abord opérer un coup d’État co
1008 d’État contre notre statut présent de neutralité, et c’est absurde : car la Suisse fait partie de l’Europe, qu’elle le veu
1009 it partie de l’Europe, qu’elle le veuille ou non, et rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce serait vouloir rester
1010 e veuille ou non, et rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce serait vouloir rester neutre entre nos ennemis, et no
1011 e serait vouloir rester neutre entre nos ennemis, et nous-mêmes. On ne voit guère quelles considérations philanthropiques
1012 rait justifier ce refus par des motifs juridiques et des prétextes tirés de la « démocratie directe », mais uniquement par
1013 tifs politiques, qu’elle reste libre d’avancer18. Et ceci nous renvoie au groupe d’arguments précédent. Arguments économi
1014 ifier notre refus de participer au Marché commun, et encore moins notre participation à l’AELE ! La Suisse est si peu indé
1015 ns que s’il le faut un jour, la Suisse fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten.
1016 des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une résolution farouche, que nous pourrons faire face à une Europe un
1017 ace à une Europe unie, — j’entends unie sans nous et malgré nous. Arguments traditionalistes. — Il est clair qu’une Europ
1018 ditionalistes. — Il est clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne
1019 , n’a pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il est pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suiss
1020 étrangers en Suisse : Italiens, Espagnols, Grecs et Turcs. (Cela ferait 7 millions en France, 8 en Allemagne.) Mais ce n’
1021 typiques de ce pays ont changé avec les époques, et surtout par l’effet de la technique, laquelle n’a pas été créée que l
1022 l’étranger, le nom de la Suisse évoque des vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait
1023 vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait, cette « caractéristique nationale » n’en
1024 itions de l’ancienne Suisse, déjà rendu bien rare et difficile pour les habitants de nos grandes villes, soit définitiveme
1025 aventure certaine, au nom d’une prudence aveugle, et sous le prétexte d’une « indépendance » dont notre peuple n’est pas d
1026 u débat que l’idée européenne suscite chez nous — et l’on sait dans quel camp j’ai toujours milité — il faut bien reconnaî
1027 r nos coutumes fédéralistes de tolérance calculée et d’empirisme, qui supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu
1028 ui supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique q
1029 nt bien que chacun sait qu’il s’agit d’intérêts ; et quant aux enthousiastes de l’Europe, ils savent qu’ils n’ont aucune e
1030 èse-majesté. Personne n’ose donc crier trop fort, et c’est peut-être mieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui es
1031 e reprendrait à son compte ce qui demeure valable et même indispensable dans la neutralité d’une fédération. Mais il n’y a
1032 auverait seule à long terme nos chères diversités et nos intérêts bien compris, et qu’il est dangereusement irréaliste de
1033 s chères diversités et nos intérêts bien compris, et qu’il est dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il était pos
1034 t nunc : celui de notre responsabilité européenne et même mondiale en tant que Suisses, et comme État qui entend garder un
1035 européenne et même mondiale en tant que Suisses, et comme État qui entend garder une raison d’être. Il s’agit de savoir e
1036 end garder une raison d’être. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; c
1037 de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre
1038 dre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en est bénéficiaire, et pas seulement ce que nous attendons et su
1039 rtie de sa communauté et qui en est bénéficiaire, et pas seulement ce que nous attendons et surtout redoutons de l’action
1040 éficiaire, et pas seulement ce que nous attendons et surtout redoutons de l’action des autres. Situés au cœur géographique
1041 l’action des autres. Situés au cœur géographique et historique du continent européen, nous avons réussi beaucoup mieux qu
1042 ameuse neutralité, — nécessité subie, à l’origine et dont nous fîmes peu à peu vertu à partir du xixe siècle ; nous avons
1043 at. C’est notre création majeure. Il nous oblige. Et en son nom, nous nous devons dorénavant de prendre des initiatives. I
1044 à la seule force comme accoucheuse des sociétés, et gardera toujours un œil sur la neutralité étendue à l’Europe. Aux deu
1045 mes qu’on déguise en patriotismes, la Suisse peut et doit opposer la solution fédéraliste, qui maintient les patries et l’
1046 a solution fédéraliste, qui maintient les patries et l’union. Et cela non seulement parce que cette solution se trouve êtr
1047 édéraliste, qui maintient les patries et l’union. Et cela non seulement parce que cette solution se trouve être la sienne,
1048 er toujours de cette neutralité, vertu qui ennuie et pratique négative, quand nous avons à proposer une expérience passion
1049 expérience passionnante, remarquablement positive et tellement opportune à l’échelle mondiale ? Pourquoi cette timidité ?
1050 i créent des positions nouvelles. Ce que l’Europe et le monde attendent de nous, ce n’est pas l’exposé lassant des raisons
1051 nt, mais c’est un plan d’union qui nous convienne et auquel nous puissions adhérer « sans réserve et de plein droit ». Dev
1052 e et auquel nous puissions adhérer « sans réserve et de plein droit ». Devant l’évolution inéluctable vers les plus grands
1053 s plus grandes unions, l’interdépendance des pays et les échanges intensifiés, la Suisse doit enfin déclarer une attitude
1054 t elle a fait la « ligne Maginot » de sa défense. Et cela, non seulement parce que l’attaque est toujours la meilleure déf
1055 e état d’esprit. 16. « Indépendance de la Suisse et neutralité », conférence au congrès de l’Union européenne des fédéral
1056 sations économiques supranationales, indépendance et neutralité de la Suisse, Bâle, Société suisse des juristes, 1963. l.
10 1964, Articles divers (1963-1969). Les arts dans la vie en Suisse (1964)
1057 tats souverains, si jaloux de leurs différences — et vraiment il n’en est pas deux qui se ressemblent : l’un catholique et
1058 est pas deux qui se ressemblent : l’un catholique et l’autre protestant ; l’un qui est une ville moderne, l’autre une vall
1059 bien que ces trois entités : le canton, la langue et la tradition religieuse, très diversement combinées, forment en fait,
1060 , cinquante-deux types culturels bien distincts ! Et chacun veut rester ce qu’il est, mais ils n’en vivent pas moins en ha
1061 du nombre d’habitants, des ressources matérielles et du mode de vie traditionnel. Mais cette réussite exemplaire suppose d
1062 éfinition, la possibilité d’une culture nationale et uniforme, d’un marché national des lettres et des arts, et d’une gran
1063 ale et uniforme, d’un marché national des lettres et des arts, et d’une grande capitale intellectuelle. Le petit Appenzell
1064 me, d’un marché national des lettres et des arts, et d’une grande capitale intellectuelle. Le petit Appenzellois et le pet
1065 de capitale intellectuelle. Le petit Appenzellois et le petit Genevois n’ont pas lu les mêmes livres sur les bancs de l’éc
1066 as lu les mêmes livres sur les bancs de l’école ; et si plus tard ils écrivent et publient, il y aura peu de chances qu’il
1067 s bancs de l’école ; et si plus tard ils écrivent et publient, il y aura peu de chances qu’ils se lisent mutuellement. L’u
1068 e faire connaître à Zurich, puis à Munich, Vienne et Berlin, et l’autre d’abord à Paris. Tous deux fort attachés à leurs i
1069 naître à Zurich, puis à Munich, Vienne et Berlin, et l’autre d’abord à Paris. Tous deux fort attachés à leurs institutions
1070 uisses, ils ne se rencontreront sans doute jamais et n’entendront parler l’un de l’autre qu’à l’occasion de leurs éventuel
1071 ne solide fédération n’aurait jamais pu s’agencer et n’aurait pas duré longtemps ne sont pas de celles qui excitent au plu
1072 ui excitent au plus haut point l’esprit de risque et d’aventure créatrice, ni qui entretiennent le mieux ce climat passion
1073 ennent le mieux ce climat passionné de polémiques et d’engouements, cette turbulence intellectuelle indispensable à l’esso
1074 mais la faiblesse des mouvements novateurs en art et en littérature. Mosaïque de compartiments jaloux de leur personnalité
1075 e des œuvres moyennes ou d’intérêt purement local et folklorique si chacun de ses petits États prétendait se suffire à soi
1076 ême. Mais fédérés politiquement pour leur bonheur et leur sécurité, les citoyens de chacun de nos cantons gardent le privi
1077 taux. Entre le petit compartiment où ils sont nés et la grande unité européenne, pas de relais national pour leur culture.
1078 ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur. Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. I
1079 our la psychologie, Karl Barth pour la théologie, et pour l’architecture, Le Corbusier. Mais les arts et les lettres, dans
1080 pour l’architecture, Le Corbusier. Mais les arts et les lettres, dans tout cela ? Eh bien, ils peuvent se prévaloir en Su
1081 n Arthur Honegger pour la musique, d’un Spitteler et d’un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’un Paul Klee pour la
1082 er et d’un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’un Paul Klee pour la peinture, d’un Alberto Giacometti pour la scul
1083 rto Giacometti pour la sculpture, d’un Dürrenmatt et d’un Max Frisch pour le théâtre, d’un chef d’orchestre comme Ernest A
1084 r million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1961 — et qui atteint le maximum de 2,62 pour la Suisse, l’indice du Danemark,
1085 iste, étant de 1,43, celui des États-Unis de 0,4, et celui de la Russie puis de l’URSS de 0,03 ? Il semble donc que les pe
1086 s pays bénéficient de grands avantages culturels, et la Suisse est une grappe de pays minuscules… Mais les trop petites di
1087 onvénients ; chacun dans son coin veut tout faire et ne dispose ni des moyens ni d’un public suffisant. Nos facultés des s
1088 pes de théâtre, nos revues comme nos écoles d’art et nos radio-télévisions, ne pourront affronter les grandes compétitions
1089 our mieux participer aux grands courants du monde et s’en nourrir, au lieu de s’y laisser dissoudre une à une. La santé de
1090 ’y laisser dissoudre une à une. La santé des arts et des lettres, dans nos cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui
11 1964, Articles divers (1963-1969). De la marche / De l’échec (1964)
1091 l’entraînement intensif d’une école d’officiers ; et comme un chagrin très amer m’occupait entièrement le cœur, je trouvai
1092 s qui dépassait de beaucoup leur portée immédiate et l’intention du règlement. J’accueillais toute épreuve comme une leçon
1093 ent. J’accueillais toute épreuve comme une leçon, et toute leçon comme un symbole. La personnalité exceptionnelle, et par
1094 comme un symbole. La personnalité exceptionnelle, et par là même impopulaire, du commandant de cette école était faite pou
1095 r un original, une véritable originalité d’allure et d’âme. Il parlait peu, mais l’élégance précise de ses sentences intim
1096 cette question simple : Qu’est-ce que l’énergie ? Et après nous avoir laissé patauger quelques moments dans nos essais de
1097 e, c’est quelque chose qui dort en chacun de vous et qu’il s’agit de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’était pas une défin
1098 us comprîmes tous que quelque chose se préparait. Et en effet, l’ordre du jour pour le lendemain, que nous lûmes en sortan
1099 rche fut de 70 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’était qu’une préparation pour la « grande course » finale : 150
1100 » finale : 150 kilomètres par-dessus les Préalpes et les Alpes, en trente-trois heures. Pour la plupart des officiers et d
1101 rente-trois heures. Pour la plupart des officiers et des élèves de l’école, la perspective de la « grande course » était u
1102 de course » était un sujet permanent d’irritation et de protestations : « Il nous fera tous crever avec ses manies », disa
1103 e troupe moderne se déplace en camion ou en train et que ces marches ne servaient à rien… Pour ma part, j’observais que le
1104 tre ses motifs ? Il concevait l’armée en général, et celle d’un pays neutre plus qu’une autre, comme l’instrument d’éducat
1105 ion de certaines énergies déprimées par l’époque, et pourtant nécessaires à l’homme complet. Quoi qu’il en soit d’ailleurs
1106 dans notre vie accompli quelque chose d’excessif, et fourni un effort qui dépassât de beaucoup le maximum que nous pension
1107 e, avec tout ce que le mythe comporte d’effrayant et de contraignant. Nous étions préparés pour quelque chose qui nous par
1108 ui nous paraissait à la fois démesuré, inévitable et sans raison. Tout cela faisait partie, comme on le verra, des conditi
1109 n le verra, des conditions nécessaires au succès, et aux leçons que devait illustrer l’entreprise. Au départ, à cinq heure
1110 ns que la première étape serait de 25 kilomètres, et devait nous porter d’un bond jusqu’au lac Noir. De là, nous gravirion
1111 s les rochers ; l’aube se lèverait sur le Valais, et ce serait la dernière étape, une longue dégringolade de deux-mille mè
1112 alpages dénudés, puis les forêts de châtaigniers, et finalement dans la poussière des chemins de vigne, jusqu’aux pavés de
1113 ube automnale nous grisait, mal réveillés encore, et parlant peu. Les heures passaient, ramenant la courte halte sur le ta
1114 ulier perçant un peu la semelle — détails infimes et insensibles au départ, qui se révèlent à longueur de marche, causant
1115 d’abord une légère irritation, puis une blessure, et forçant finalement à l’abandon de la course, si l’on n’y a pas pris g
1116 es devant une collation — pain, beurre, confiture et café — servie sur de longues tables de sapin. « Fatigués ? » — « Non,
1117 ute nous laissaient aussi frais qu’une promenade. Et tout d’un coup je découvris ceci : Quand on part pour une marche de d
1118 met à traîner les pieds après la troisième heure, et les dernières sont dures. Mais si le corps s’est disposé à fournir un
1119 situde. Les puissances de l’inconscient, du corps et de l’imagination, se sont mises en état d’alerte. Elles ont pris leur
1120 t leur a permis de mesurer l’effort, de le doser, et de réveiller la quantité exacte d’énergie nécessaire au succès de l’e
1121 vait suffi à nous donner les moyens d’y répondre. Et je ne dis pas que l’entraînement que nous avions subi au préalable n’
1122 ais à son tour, cet entraînement n’avait été reçu et surmonté qu’en vue de la grande course, du but lointain… Aujourd’hui,
1123 imagine un très long temps de marche devant lui, et certains objectifs qui, peut-être, parce qu’ils ne sont que vaguement
1124 ont que vaguement entrevus, semblent alors grands et lointains ? Le corps et l’âme en alerte constante se préparent pour u
1125 us, semblent alors grands et lointains ? Le corps et l’âme en alerte constante se préparent pour une course de fond et, c’
1126 te constante se préparent pour une course de fond et , c’est ce qui définit, biologiquement et moralement, l’état de jeunes
1127 de fond et, c’est ce qui définit, biologiquement et moralement, l’état de jeunesse. Resteront longtemps jeunes ceux qui g
1128 qui gardent longtemps devant eux des buts grands et lointains. Et c’est pourquoi le créateur vieillit moins que l’homme d
1129 ongtemps devant eux des buts grands et lointains. Et c’est pourquoi le créateur vieillit moins que l’homme de la routine.
1130 alors de se réduire à des objectifs accessibles. Et aussitôt, les forces en réserve — à l’arrière, mais pour l’avenir — m
1131 tation : c’est qu’on n’exige plus autant d’elles, et c’est vieillir. Il faudrait au contraire, à ce point, oser voir plus
1132 it au contraire, à ce point, oser voir plus grand et plus loin ; d’où peut naître une seconde jeunesse dont on se sentira
1133 re une seconde jeunesse dont on se sentira maître et dispensateur, tandis que l’autre était plutôt subie… Comme elle l’éta
1134 u sol un peu glissant sous nos semelles cloutées, et de l’alacrité de l’air alpestre. La pente était fort raide, et l’avan
1135 ité de l’air alpestre. La pente était fort raide, et l’avance très lente, mais l’attrait du sommet qu’on distinguait derri
1136 ans cesse renaissants produisait dans nos muscles et notre volonté des énergies nouvelles pour cet effort nouveau. Nous ma
1137 forces ; le second tiers en donnerait la mesure, et le dernier nous mettrait au défi d’en tirer plus que la mesure. Devan
1138 ure pour le corps, constamment tenté de se livrer et de laisser ainsi se disloquer les rythmes d’un effort de longue halei
1139 nous, modelait largement les croupes des alpages, et donnait à ce haut désert sa réalité la plus dure, ses dimensions les
1140 uis se mit tout entier à courir, par grands bonds et zigzags nerveux entre les blocs ; soudain s’arrêta pour brouter ; pui
1141 ter ; puis repartit à angle droit, au petit trot, et coula derrière une crête. La peur et la faim le guidaient dans ces dé
1142 petit trot, et coula derrière une crête. La peur et la faim le guidaient dans ces détours qu’on eût dit capricieux. Notre
1143 suivait à travers le paysage une avance opiniâtre et rectiligne, sans but immédiat ou visible. Les buts des hommes sont da
1144 derrière un talus, puis le talus devint la nuit, et le monde ne fut plus qu’un chemin où des pierres roulaient sous nos p
1145 ace égale, puis aux genoux de la remontée douce — et la marche plus silencieuse, rythmée par le sourd cliquetis des gamell
1146 euse, rythmée par le sourd cliquetis des gamelles et des casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’être un progrès de b
1147 ne sorte de durée suspendue dans l’espace obscur, et qui n’était plus mesurée que par l’alourdissement des membres. Un ven
1148 on d’été avait pris fin depuis plusieurs semaines et la saison d’hiver ne s’ouvrait qu’en décembre. Un hôtel vide nous acc
1149 e nous coucher pendant une heure. Sur des matelas et des paillasses, sur les housses des canapés, dans des chambres glacia
1150 housses des canapés, dans des chambres glaciales et qui sentaient le camphre, nous nous sommes affalés, tout équipés. Un
1151 , Messieurs. » De l’échec Je vais éternuer, et je ne puis pas. Je me prépare à soulever une caisse très lourde, et e
1152 Je me prépare à soulever une caisse très lourde, et elle est vide. Le savant qui poursuit une longue recherche apprend qu
1153 on qui a tendu ses forces vives vers la victoire, et qui l’atteint, voit s’ouvrir une paix marécageuse. Le mystique, aux a
1154 fait l’expérience du Néant… Dans tous les ordres et à tous les degrés, la déception de l’effort, de l’élan, du désir, est
1155 e jour, — c’était mon tour de commander la classe et je dus faire l’appel à sept heures du matin, au garde à vous, sur le
1156 limitations de toute nature confrontant l’esprit et ses œuvres non moins que le corps et ses gestes, la frustration de no
1157 ant l’esprit et ses œuvres non moins que le corps et ses gestes, la frustration de nos élans les plus hardis comme de nos
1158 iel produit en somme la durée même de l’Histoire. Et malheur à celui qui n’est pas prêt à tirer son bien de ce mal ! Malhe
12 1964, Articles divers (1963-1969). Le sentier perdu (1964)
1159 s ans je crois, on dirait une plongée sous-marine et l’humanité disparaît de la peinture de Nora Auric. Est-ce qu’il y a t
1160 rent leurs déserts à ravir, comme si l’étonnement et l’angoisse, en fin de compte, pouvaient faire sans nous. Le monde que
1161 peu près les mêmes rapports de lumières diffuses et d’ombres, avec certains reliefs tactiles rassurant le nageur aventure
1162 ajoutés à des verts bien drus, des jaunes blonds et certains noirs assez féroces, à la Braque. Et cette curieuse bipartit
1163 nds et certains noirs assez féroces, à la Braque. Et cette curieuse bipartition de mainte toile par un éclair irrégulier.
1164 air irrégulier. Rien de gratuit, tout est lisible et composé, comme un paysage qu’on reconnaît sans l’avoir jamais vu null
13 1965, Articles divers (1963-1969). La technique, facteur de paix (6 mars 1965)
1165 s étroit du terme, sujet de récentes controverses et d’une votation fédérale, ni au sens noble d’un ingénieur diplômé, ou
1166 me mais seulement de son rôle dans notre société, et non pas de ce que j’en sais, mais plutôt de ce que j’en puis faire co
1167 utôt de ce que j’en puis faire comme usager moyen et homme qui réfléchit sur cet usage dans notre civilisation. Disons, sy
1168 ité étant donné, je m’interroge sur ses avantages et ses défauts par rapport au confort quotidien, sans prétendre connaîtr
1169 endre connaître la nature intime de l’électricité et de la lumière : j’ignore si elle est ondulatoire ou corpusculaire, ou
1170 ur tous les continents, la technique me passionne et m’amuse, j’en voudrais tout savoir, et je voudrais pouvoir jouer de s
1171 passionne et m’amuse, j’en voudrais tout savoir, et je voudrais pouvoir jouer de ses procédés et possibilités comme je pe
1172 oir, et je voudrais pouvoir jouer de ses procédés et possibilités comme je peux jouer avec des mots ou des concepts, et en
1173 omme je peux jouer avec des mots ou des concepts, et en tirer quelques effets nouveaux ou justes. Faute de quoi, je me voi
1174 poser quelques grandes questions des plus naïves, et qui ne portent pas sur tel ou tel problème précis que se posent les t
1175 siècle — ait été la création de l’Europe seule — et , par la suite, de ses filiales américaine et russe — alors que ni l’A
1176 le — et, par la suite, de ses filiales américaine et russe — alors que ni l’Afrique des tribus et des sorciers, ni l’Inde
1177 aine et russe — alors que ni l’Afrique des tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine des mand
1178 des tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avaient pu ou
1179 es castes et des sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avaient pu ou voulu produire de machines, de turbines
1180 e canons, jusqu’à ces toutes dernières décennies, et n’y auraient pas songé d’elles-mêmes, sans l’exemple et le défi occid
1181 auraient pas songé d’elles-mêmes, sans l’exemple et le défi occidental ? Que signifie l’effort technique des Européens, e
1182  ? Que signifie l’effort technique des Européens, et quelles sont ses racines profondes dans la psyché occidentale ? J’ai
1183 vre intitulé L’Aventure occidentale de l’homme , et je me suis vu amené à établir une chaîne continue sinon de causes et
1184 ené à établir une chaîne continue sinon de causes et d’effets, du moins d’attitudes spirituelles permettant et favorisant
1185 ets, du moins d’attitudes spirituelles permettant et favorisant certaines recherches plutôt que d’autres, recherches qui à
1186 aîne continue qui va des grands conciles des ive et ve siècles, comme ceux de Nicée et de Chalcédoine, jusqu’à la bombe
1187 iles des ive et ve siècles, comme ceux de Nicée et de Chalcédoine, jusqu’à la bombe atomique. Voilà qui peut surprendre,
1188 rps d’homme. Il en résulte que le corps physique, et la matière du même coup, se trouvent fortement valorisés comme objet
1189 sés comme objet des recherches de l’esprit. Corps et matière sont bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne
1190 bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout
1191 siper, comme le veulent les religions brahmanique et bouddhiste. Le corps et la matière et toute la création, désormais, p
1192 les religions brahmanique et bouddhiste. Le corps et la matière et toute la création, désormais, paraissent « dignes d’êtr
1193 brahmanique et bouddhiste. Le corps et la matière et toute la création, désormais, paraissent « dignes d’être contemplés »
1194 en plus, d’être transformés par l’homme spirituel et sauvés, ainsi que l’avait déjà dit saint Paul, dont je rappelle ici u
1195 n des temps. Mais la croyance en un Dieu créateur et régulateur du cosmos le rend cependant concevable pour la foi. Il fau
1196 ’option de base qui va rendre la science possible et qui va donner bonne conscience à la recherche appliquée non plus à l’
1197 herche appliquée non plus à l’esprit seul, absolu et impersonnel, comme en Inde, ou aux esprits surnaturels, comme dans la
1198 ls, comme dans la magie africaine, mais aux corps et à la matière et à toute la Nature naturée — Nature à laquelle il ne s
1199 a magie africaine, mais aux corps et à la matière et à toute la Nature naturée — Nature à laquelle il ne s’agit plus de se
1200 ure attend de l’homme, une action qui la maîtrise et la libère, et non pas une révérence dévotieuse et craintive. D’autre
1201 l’homme, une action qui la maîtrise et la libère, et non pas une révérence dévotieuse et craintive. D’autre part, la relig
1202 et la libère, et non pas une révérence dévotieuse et craintive. D’autre part, la religion judéo-chrétienne d’un Dieu incar
1203 e l’homme à la liberté dans sa condition concrète et non dans l’évasion mystique, se combine, peu à peu, non sans peine, a
1204 peine, avec le rationalisme critique de la Grèce et son exigence de vérité, voire de véracité contrôlée et mesurée. Cette
1205 n exigence de vérité, voire de véracité contrôlée et mesurée. Cette synthèse, qui est l’œuvre du Moyen Âge, dès le xiiie
1206 aissance, dans la création de la science moderne, et j’entends bien d’une science des corps et de la matière qui ne se veu
1207 oderne, et j’entends bien d’une science des corps et de la matière qui ne se veut pas seulement spéculative, mais transfor
1208 par les ordres monastiques : laborare est orare ; et enfin, la nécessité de survivre dans un petit coin du monde peu favor
1209  j’entends notre péninsule occidentale de l’Asie, et vous aurez les conditions enfin réunies de l’apparition de la techniq
1210 ue en Europe : effort plus ascétique que magique, et plus rigoureux qu’hédoniste, de maîtrise et de transformation de la m
1211 ique, et plus rigoureux qu’hédoniste, de maîtrise et de transformation de la matière et de la Nature, effort de création d
1212 e, de maîtrise et de transformation de la matière et de la Nature, effort de création d’un milieu artificiel, au service d
1213 des explosions de passions tout à fait naturelles et païennes, plutôt qu’avec les développements de la vie spirituelle en
1214 éveloppements de la vie spirituelle en Occident ? Et de fait, que ce soit la technique occidentale qui ait favorisé les gu
1215 tion constante entre le progrès de nos techniques et l’aggravation du pouvoir destructeur des guerres. Le couteau de silex
1216 s. L’arquebuse, les machines de siège, les lances et les cuirasses permettent d’armer de petits corps de troupe qui ne dép
1217 our leurs fournitures de guerre que des forgerons et des menuisiers. Cet artisanat primitif correspond à la guerre entre c
1218 at primitif correspond à la guerre entre communes et fiefs. Avec le canon puis le fusil apparaissent les guerres de peuple
1219 e fantastique accélération des sciences physiques et de la technique. Désormais, les dimensions de la guerre débordent lar
1220 nsions de la guerre débordent largement la nation et deviennent continentales, voire mondiales. Dans cette évolution, on p
1221 des moyens de s’armer, mais non pas de désarmer. Et il est vrai que les armes nouvelles inventées par les techniciens n’o
1222 nnes, curieusement appelées « conventionnelles », et que l’effort de la science, mobilisée au service des États, a dû se b
1223 à chercher des ripostes à l’emploi de ces armes, et non pas les moyens de les éliminer ou de les rendre inutiles. Pourtan
1224 qui permet à la paix de durer tant bien que mal, et c’est ce que l’on a baptisé l’équilibre de la terreur. La prodigieuse
1225 t que les passions nationalistes ou idéologiques, et qui neutralise ou refoule ces passions — la peur, commencement de la
1226 eur. Je pense bien moins ici à la peur des masses et des individus dont on parle tant, peur d’une espèce de fin du monde q
1227 fin du monde qu’entraînerait la guerre atomique, et que j’avoue ne pas ressentir très fortement ni en moi, ni autour de m
1228 ant il est vrai que l’idée d’un malheur universel et définitif agit peu sur l’imagination : malheur de tous, malheur de pe
1229 que toute autre passion, conviction ou ambition, et qui de la sorte dévalorise les enjeux idéologiques et démystifie les
1230 ui de la sorte dévalorise les enjeux idéologiques et démystifie les passions politiques. C’est donc bien à la technique, e
1231 que nous devons ce blocage de la guerre en Europe et au sein du plus grand Occident. Sur notre continent, la technique a c
1232 es réseaux si serrés d’interdépendance économique et industrielle, qu’un conflit armé entre deux de nos nations paraît dev
1233 os nations paraît devenu impraticable. Le charbon et l’acier, l’énergie électrique, les oléoducs, les matières fissiles un
1234 urope : nous sommes trop près les uns des autres, et celui qui en lancerait une risquerait d’en recevoir dans l’heure suiv
1235 question, l’autre jour, aux Rencontres de Genève, et je songeais que ces armes d’une puissance folle nous laissent en fait
1236 chnique a réussi à pacifier l’Europe en désarmant et jugulant pratiquement ses passions nationalistes, sources des guerres
1237 urces des guerres les plus atroces de l’Histoire, et , si l’on constate d’autre part que la menace atomique tient en respec
1238 en respect les deux empires occidentaux de l’Est et de l’Ouest, malgré les conflits idéologiques qui semblaient devoir le
1239 chnique née en Europe, dans le contexte spirituel et culturel que j’évoquais tout à l’heure, qui a mis en relation les div
1240 eure, qui a mis en relation les divers continents et qui a révélé à leurs peuples l’existence d’autres civilisations, à ce
1241 x peuples de l’Afrique, du monde arabe, de l’Inde et de l’Extrême-Orient. Au temps de la colonisation, les peuples du tier
1242 t de nous que d’assez rares exemplaires de colons et de soldats, qui n’avaient rien de bien attirant. Mais aujourd’hui, le
1243 jourd’hui, le cinéma leur fait voir de leurs yeux et comme à bout portant nos villes, nos mœurs, le cadre de nos vies et n
1244 rtant nos villes, nos mœurs, le cadre de nos vies et notre luxe matériel quelque peu idéalisé. Désormais la comparaison en
1245 Désormais la comparaison entre leur sort précaire et notre sort prospère s’impose à eux et suscite leur envie, leur jalous
1246 rt précaire et notre sort prospère s’impose à eux et suscite leur envie, leur jalousie. Ils prennent conscience d’une misè
1247 différente, plus affranchie des dures nécessités et limitations naturelles. Ils voient cela, et ils exigent nos machines,
1248 sités et limitations naturelles. Ils voient cela, et ils exigent nos machines, mais ils ne voient pas, hélas, ce qui les a
1249 ces beaux objets (ou plutôt se les faire donner) et en user mais sans payer leurs frais d’investissement humains et cultu
1250 s sans payer leurs frais d’investissement humains et culturels : le travail de nos masses ouvrières et leurs sacrifices, l
1251 et culturels : le travail de nos masses ouvrières et leurs sacrifices, le sens de l’exactitude rigoureuse, de la véracité,
1252 sens de l’exactitude rigoureuse, de la véracité, et d’une sorte d’ascèse disciplinée, dont ils n’ont guère la notion, et
1253 cèse disciplinée, dont ils n’ont guère la notion, et encore moins le goût. Mais la technique occidentale fait bien plus qu
1254 z eux un accroissement démographique vertigineux, et qui dépasse de très loin l’accroissement de leurs ressources dans le
1255 aient déjà beaucoup trop faibles… Voilà le drame, et la menace plus grave que celle de la bombe H. Ainsi le contact avec l
1256 suade le tiers-monde de sa misère, mais l’aggrave et augmente le déséquilibre entre eux et nous. Tout le monde sent bien q
1257 s l’aggrave et augmente le déséquilibre entre eux et nous. Tout le monde sent bien qu’un tel déséquilibre peut devenir un
1258 res ; non pas demain, car ils sont encore faibles et démunis, mais après-demain, si une grande nation ayant la bombe les r
1259 si une grande nation ayant la bombe les regroupe et se met à leur tête. Que peut faire l’Occident, pour éviter ce désastr
1260 ncrète, réalisable. Tous nos surplus alimentaires et les investissements les plus massifs de nos capitaux réunis arriverai
1261 un sixième de la demande actuelle du tiers-monde, et cette demande aura au moins doublé d’ici vingt ans. À supposer même q
1262 e créer des aliments synthétiques, tirés de l’air et de l’eau, et qu’elle réussisse à nourrir des dizaines de milliards d’
1263 liments synthétiques, tirés de l’air et de l’eau, et qu’elle réussisse à nourrir des dizaines de milliards d’humains, ceux
1264 passions fondamentales comme la faim, le racisme et le sentiment d’infériorité, crée maintenant les moyens de le résoudre
1265 rité, crée maintenant les moyens de le résoudre : et cela suppose un effort immédiat d’éducation qui permettra seul au tie
1266 monde de freiner l’accroissement de sa population et en même temps de développer lui-même les ressources nécessaires, que
1267 lus de technique assimilée par un effort éducatif et culturel peut seule permettre de la surmonter. (Ce sont là d’énormes
1268 érence prochaine, à Bâle, sur le thème « L’Europe et le monde », essaiera de poser clairement, sinon de résoudre.) Je suis
1269 1914 qui a déclenché la Première Guerre mondiale, et non pas la mitrailleuse, ou ces avions biplans qui volaient tout just
1270 our ne pas tomber. (« Vole aussi bas que possible et surtout pas trop vite », écrivait une mère angoissée à son fils aviat
1271 mondiale sont issus très rapidement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’est pas la maîtrise de l’énergie nucléaire,
1272 très rapidement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’est pas la maîtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes e
1273 îtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes et les brevets étaient déposés dès 1939 par l’équipe Joliot-Curie, mais
1274 mais au contraire, c’est sa réalisation par Fermi et Oppenheimer qui a mis fin à cette guerre le 5 août 1945, à Hiroshima.
1275 Voilà donc la technique exonérée historiquement, et de la manière la plus précise, du reproche populaire d’être fauteuse
1276 ’être fauteuse de guerre. Par rapport à la guerre et à la paix, la technique n’est pas un facteur indifférent, mais bien a
1277 e des guerres, c’est elle aussi qui leur met fin, et aujourd’hui les freine ou même les bloque. III Ceci dit, reconn
1278 ses facultés humaines développées dans la liberté et une certaine mesure d’harmonie : harmonie entre l’homme et la Nature,
1279 rtaine mesure d’harmonie : harmonie entre l’homme et la Nature, entre la personne et la communauté, entre les communautés
1280 nie entre l’homme et la Nature, entre la personne et la communauté, entre les communautés nationales, et enfin, entre les
1281 la communauté, entre les communautés nationales, et enfin, entre les cultures différentes. La technique peut-elle contrib
1282 ntes. La technique peut-elle contribuer à établir et enrichir cet équilibre ? Ou au contraire, comme on a tendance à le cr
1283 es, mécanisées, canalisées du berceau à la tombe, et soumises aux seules lois de la production de série, conditionnant un
1284 tion de série, conditionnant un bonheur tout fait et uniforme, une sorte de bonheur objectif ? (horribile dictu !) C’est l
1285 éponse ambiguë : d’une part la technique a révélé et accentué des disparités intolérables, d’autre part elle pourrait les
1286 n de concerter ses plans avec ceux des éducateurs et des élites culturelles du tiers-monde autant que de l’Europe, et j’en
1287 ulturelles du tiers-monde autant que de l’Europe, et j’entends d’une Europe agissant comme un tout et non plus comme un co
1288 et j’entends d’une Europe agissant comme un tout et non plus comme un concert discordant de nationalismes séniles. Sur la
1289 rise ou tend à détruire l’équilibre entre l’homme et la Nature, ma réponse est également double. Certes, et je l’ai dit en
1290 Nature, ma réponse est également double. Certes, et je l’ai dit en débutant, le progrès technique a consisté dès les orig
1291 er la Nature pour la mettre au service de l’homme et de ses fins propres, pour surmonter la peur, la faim, le froid, la fa
1292 la peur, la faim, le froid, la faiblesse physique et la fatigue, au moyen d’outils puis de machines centuplant la force de
1293 puis de machines centuplant la force de nos bras, et reculant presque à l’infini cosmique et microscopique les limites de
1294 nos bras, et reculant presque à l’infini cosmique et microscopique les limites de perception de nos sens. Cet effort, aprè
1295 s par la maîtrise du feu, l’invention de la roue, et la métallurgie, a subitement abouti, en Occident, au machinisme, aux
1296 sme, aux produits synthétiques, aux anesthésiques et antibiotiques, à la victoire sur la distance géographique et à la vis
1297 iques, à la victoire sur la distance géographique et à la vision instantanée de tout ce qui arrive d’important sur la terr
1298 coin de l’East River canalisée, entre deux ponts, et quelques mouettes sur un îlot rocheux. Coupés du contact quotidien av
1299 ocheux. Coupés du contact quotidien avec la terre et la végétation, en partie libérés des rythmes de la vie animale et mêm
1300 , en partie libérés des rythmes de la vie animale et même des saisons, les citadins du xxe siècle seraient-ils des monstr
1301 echnique qui les enferme dans un milieu de brique et de ciment, d’air pollué et de vacarme révoltant ? C’était vrai au xix
1302 ns un milieu de brique et de ciment, d’air pollué et de vacarme révoltant ? C’était vrai au xixe siècle et ce l’est encor
1303 vacarme révoltant ? C’était vrai au xixe siècle et ce l’est encore en partie pour le prolétariat des villes industrielle
1304 n, se vide à moitié sur les plages pendant l’été. Et je mets en fait que la jeunesse qui ne parle, dit-on, que de marques
1305 d’autos, connaît mieux les forêts, les montagnes et les plages de plusieurs régions de l’Europe que ses ancêtres en redin
1306 de la nature, beaucoup de technique bien habituée et maîtrisée y ramène. La technique au xixe siècle signifiait fumée noi
1307 it fumée noire, murs noircis, travail à la chaîne et ouvriers esclaves de la machine ; elle peut et doit signifier dès dem
1308 ne et ouvriers esclaves de la machine ; elle peut et doit signifier dès demain usines de verre entourées d’arbres, automat
1309 sclaves de nos machines ou si elles nous servent, et surtout — cette question résumant toutes les autres — si l’humanité s
1310 très populaires, non seulement dans notre presse et chez les publicistes à grand tirage, mais chez les écrivains et philo
1311 blicistes à grand tirage, mais chez les écrivains et philosophes les plus sérieux. Bernanos a écrit un livre plein de verv
1312 sérieux. Bernanos a écrit un livre plein de verve et d’indignation patriotique et prophétique intitulé : La France contre
1313 livre plein de verve et d’indignation patriotique et prophétique intitulé : La France contre les robots. Et une littératur
1314 ophétique intitulé : La France contre les robots. Et une littérature considérable produit depuis une cinquantaine d’années
1315 e n’est pas une puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner subitement contre lui. La technique n’est pas
1316 s. La technique n’est pas davantage utilitariste, et je dirai plus : dans ses intentions primitives, dans sa genèse, elle
1317 e ou les rites religieux. D’une manière générale, et plus près de nous, les grandes inventions qui ont modifié nos vies —
1318 zarres. C’est du rêve de voler qu’est né l’avion, et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née l’auto : vous e
1319 eint à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et ses horaires, mais pût aller à l’aventure : phantasme typique de l’ad
1320 r que l’homme est devenu l’esclave de sa voiture, et c’est vrai dans ce sens que l’homme moyen croit qu’il ne pourrait plu
1321 ité, la mode, la vie sociale — c’est donc l’homme et non pas la technique. Je voudrais observer au surplus que s’il est bi
1322 bien aujourd’hui, dans nos villes embouteillées, et quand il faut payer les autoroutes. Si je veux être libre de rêver, c
1323 rendre. Dans mon wagon, je lis, je dors, je mange et je puis méditer à loisir. À mon volant, rien de pareil : tout ce que
1324 si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement, et si je m’endors, c’est pour toujours… Cet exemple, entre mille, nous f
1325 ambivalence fondamentale non seulement des motifs et des buts de l’invention technique, mais de ses effets sur l’homme et
1326 vention technique, mais de ses effets sur l’homme et sur la société. Tout ce que j’avais à vous dire aujourd’hui se résume
1327 oi, mauvais ou bon. Tantôt révérée comme instance et compétence suprêmes, quand on invoque par exemple « les exigences tec
1328 ndignité. Elle n’est que le moyen de nos passions et de nos rêves, le moyen de nos vraies fins, que nous voulions ignorer,
1329 s ignorer, ou bien que nous avions perdu de vue ; et alors nous trichons, et nous nous persuadons que la technique n’est a
1330 ous avions perdu de vue ; et alors nous trichons, et nous nous persuadons que la technique n’est après tout qu’un ensemble
1331 t après tout qu’un ensemble de procédés ingénieux et utilitaires, destinés à nous faciliter la vie, mais voilà que tout d’
1332 les moyens de puissance toujours plus formidables et , en même temps, toujours plus facilement maniables qu’elle met entre
1333 enue de nos jours, obsédée d’efficacité immédiate et rentable à court terme, pour la défense militaire, l’économie, l’hygi
1334 s, il n’en est pas qui nous contraigne davantage, et avec une urgence plus dramatique, dans le cas de la Bombe par exemple
1335 par exemple (mais aussi des techniques chimiques et biologiques) à nous interroger sur le meilleur usage des pouvoirs ino
1336 concrète la question des vraies fins de notre vie et de la vraie nature de l’homme. Ne serait-ce pas là, peut-être, son pl
14 1965, Articles divers (1963-1969). La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)
1337 Robustes, bien glacées, aux couleurs franches et gaies, les cartes postales par millions déferlent de la Suisse sur le
1338 cossu mais égalitaire, petit mais tellement élevé et de sol si richement plissé que si l’on pouvait le repasser et l’aplan
1339 richement plissé que si l’on pouvait le repasser et l’aplanir, on verrait qu’il est bien aussi grand que la France… Cette
1340 aussi grand que la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jo
1341 des quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que
1342 dagogues et des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que certaines apparences, mais qui suffisent
1343 évident du monde, où tout est concerté, bien net et bien honnête, et pourvu de son mode d’emploi ; et puis on s’aperçoit
1344 , où tout est concerté, bien net et bien honnête, et pourvu de son mode d’emploi ; et puis on s’aperçoit en vivant cela de
1345 et bien honnête, et pourvu de son mode d’emploi ; et puis on s’aperçoit en vivant cela de près que tout repose en réalité
1346 ue, religion dominante, dynastie unifiante, mœurs et conditions de vie plus ou moins uniformes. La Suisse n’a rien de tout
1347 Bernouilli, Rousseau, Burckhardt, F. de Saussure et Karl Barth, sans oublier Le Corbusier, Paul Klee, Honegger ou Giacome
1348 negger ou Giacometti. Quelle région de superficie et de population égales peut dire mieux, sur ce continent ? Il n’empêche
1349 ndres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses et on les jalouse un peu, comme si chaque Suisse bénéficiait du secret d
1350 t les vertus agricoles… Le Suisse trait sa vache et vit paisiblement disait Victor Hugo, il y a cent ans. Mais il a dit
1351 ers au second, c’est passer du cliché à l’utopie, et de la patrie d’un Guillaume Tell qui n’exista jamais que dans le myth
1352 ndages d’opinion, dans plusieurs pays de l’Europe et aux États-Unis, ont révélé que les Suisses sont tout simplement les g
1353 42 % répondent très heureux, 51 % plutôt heureux, et 6 % pas très heureux, ce qui ne laisse guère de place qu’à 1 % de rév
1354 grande attention. Voici, au cœur même de l’Europe et en plein milieu du xx e siècle, un peuple à peu près unanime à s’esti
1355 siècle, un peuple à peu près unanime à s’estimer et à se dire heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ? Et ses recet
1356 re heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ? Et ses recettes, si l’on peut les donner, seraient-elles applicables ail
1357 par philanthropie, mais par intérêt bien compris. Et cela se voit dès l’origine. Loin d’être née comme chacun le croit de
1358 antir leurs privilèges. Les gens d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald possédaient en franchise et collectivement les vallées tr
1359 de Schwyz et d’Unterwald possédaient en franchise et collectivement les vallées traversées par la route du Gothard, que l’
1360 était le seul col reliant d’un seul trait le nord et le sud du Saint-Empire. Il fallait le garder libre pour l’Europe, con
1361 bsbourg, qui essayaient d’en prendre le contrôle. Et c’est pourquoi le grand empereur Frédéric II conféra aux communes du
1362 ommunautés formées de cités libres ou épiscopales et des campagnes qu’elles avaient soumises, entre les Alpes et le Jura.
1363 pagnes qu’elles avaient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et ce fut la période patricienne et guerrière des « ligues s
1364 les avaient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et ce fut la période patricienne et guerrière des « ligues suisses ». El
1365 lpes et le Jura. Et ce fut la période patricienne et guerrière des « ligues suisses ». Elle aboutit en 1815 à une espèce d
1366 te, une constitution fédérale fut rédigée, votée, et mise en vigueur en neuf mois, sans aucune mesure transitoire. Vingt-d
1367 sure transitoire. Vingt-deux États « souverains » et qui le demeurent aux termes de la constitution, mettaient en commun c
1368 son union précisément pour sauver ses diversités. Et ses vingt-deux petits États n’ont délégué à un pouvoir central une ce
1369 u premier : dans la liberté fédérale, les groupes et les communautés de toute nature se côtoient journellement, se mêlent
1370 toute nature se côtoient journellement, se mêlent et se combinent de toutes sortes de manières, sans pourtant perdre leur
1371 ns pourtant perdre leur identité ni se confondre, et sans qu’aucun d’entre eux éprouve le besoin d’imposer aux voisins son
1372 edo ou son parti. Il n’en fut pas toujours ainsi, et les Suisses ont connu pendant des siècles de furieuses guerres civile
1373 s de furieuses guerres civiles dites de religion, et autres manifestations d’impérialismes soit politiques soit culturels.
1374 es frontières des États sont devenues invisibles, et dès lors les communautés réelles ne sont plus définies par leurs cord
1375 leurs cordons douaniers, mais par le libre choix et le degré d’attachement réel de leurs membres. On n’est plus obligatoi
1376 ou fribourgeois. On peut choisir ses allégeances et faire partie de dix communautés diverses, dont les aires géographique
1377 dont les aires géographiques ne se recouvrent pas et n’ont rien de comparable. Prenez mon cas : Français de langue, Europé
1378 ture mais du canton de Neuchâtel par la naissance et la tradition familiale, fils de la Réforme qui est un phénomène occid
1379 s le plus large du terme, Suisse par le passeport et les obligations militaires, habitant au surplus près de Genève, où je
1380 tut à vocation internationale, ma liberté résulte et se nourrit de ces appartenances multiples ; elle réfute les devises t
1381 ne foi, une loi, un roi (sur un même territoire), et plus tard : ein Volk, ein Reich, ein Führer, devises de ces nationali
1382 au xx e siècle un fouillis d’autarcies barbelées et de camps de concentration. Troisième secret du régime suisse : toutes
1383 on. Personne n’a jamais exigé que les Thurgoviens et les Vaudois ou les Grisons romanches et les Bâlois s’aiment d’amour t
1384 urgoviens et les Vaudois ou les Grisons romanches et les Bâlois s’aiment d’amour tendre. On ne leur demande même pas de se
1385 r de Genève, avec son chic anglais, ses principes et ses complexes, ils n’auraient guère à se dire et pas de langage commu
1386 et ses complexes, ils n’auraient guère à se dire et pas de langage commun. Mais ils savent bien qu’ils font partie de cet
1387 ndamental : celui de vivre chacun selon son style et de se gouverner à sa façon. Cela suffit, c’est l’essentiel, le reste
1388 gues différentes, professant des credos religieux et politiques tenus pendant des siècles pour incompatibles, très inégale
1389 e aux vingt-deux petits États suisses, je ne vois et ne puis imaginer une autre solution que l’helvétique. Et je ne vois p
1390 uis imaginer une autre solution que l’helvétique. Et je ne vois pas de raison sérieuse qui empêcherait qu’on l’applique à
1391 e dira : la Suisse est petite, l’Europe est vaste et quelques-unes de ses nations sont grandes. Comment oseriez-vous les c
1392 iocre à l’auguste. Je ne compare que des rapports et constate qu’entre la France par exemple et la Belgique ou l’Irlande,
1393 pports et constate qu’entre la France par exemple et la Belgique ou l’Irlande, le rapport est analogue à celui qui existe
1394 ue à celui qui existe entre les cantons de Zurich et de Zoug ou de Glaris. Et je me dis qu’un système qui peut harmoniser
1395 re les cantons de Zurich et de Zoug ou de Glaris. Et je me dis qu’un système qui peut harmoniser les relations entre des c
1396 un ensemble vivant des organes bien différenciés et dont chacun exerce une fonction unique, incomparable. Or cette foncti
1397 sons pour se rendre à la Diète fédérale de Berne, et autant pour obtenir des instructions de son gouvernement. En 1965, un
1398 à quelques heures de Bruxelles ou de Strasbourg, et à portée de voix de ses ministres. Oui, la Suisse est la seule maquet
1399 rope fédérée dont rêvent tous les amis de la paix et tous les ennemis de l’uniformité. Pensez-y, quand vous traversez ce p
1400 ainetés bien unies, regardez-le d’un œil européen et prospectif : vous verrez que tout y correspond à quelque chose qui po
1401 it très bien être l’avenir commun de nos nations. Et quand vous en serez convaincu, essayez d’en convaincre les Suisses…
15 1966, Articles divers (1963-1969). Un libéral engagé (1966)
1402 plein tumulte où les Croix-de-Feu se bagarraient et hurlaient, couvrant la voix des orateurs, je voyais Lord Cecil lire q
1403 ches, dans l’espoir d’imposer une image de calme, et soudain un homme assez petit bondir à la tribune, tournant à droite e
1404 ssez petit bondir à la tribune, tournant à droite et à gauche un profil agressif et spirituel, cravate rouge en bataille,
1405 tournant à droite et à gauche un profil agressif et spirituel, cravate rouge en bataille, index pointé vers les groupes d
1406 de sarcasmes acérés, lancés comme des fléchettes, et s’amusait beaucoup. « C’est l’ambassadeur d’Espagne à Paris », me dit
1407 ambassadeur, ça doit savoir engueuler le monde ! Et nous allâmes prendre un verre à son hôtel. Une dame survint : « — Exc
1408 dame, faire le bien, c’est l’affaire du Bon Dieu. Et de lui seul ! Tout ce que l’on peut demander d’un homme, c’est qu’il
1409 thmétique sur l’impossibilité du bonheur durable, et un argument du type Pyrrhus et Cinéas sur l’inutilité finale ou la fi
1410 u bonheur durable, et un argument du type Pyrrhus et Cinéas sur l’inutilité finale ou la finale gratuité de toute action h
1411 tres avec l’auteur d’Anglais, français, Espagnols et aussi de la Sacred Giraffe. Pour présider à une affaire qui mettait e
1412 aussi désespérément hétérogènes que la politique et la morale, l’histoire, et la psychologie d’une vingtaine de peuples n
1413 ogènes que la politique et la morale, l’histoire, et la psychologie d’une vingtaine de peuples n’ayant guère en commun que
1414 cuper chacun une position absolument particulière et qui leur méritait un traitement tout à fait exceptionnel, il ne falla
1415 rnai à faire état de ses titres d’ancien ministre et de professeur à Oxford, et l’on me chargea de prendre contact. À ma l
1416 tres d’ancien ministre et de professeur à Oxford, et l’on me chargea de prendre contact. À ma lettre, il répondit vite : «
1417 tions si peu d’intellectuels (écrivains, artistes et savants) à militer par un peu plus qu’une signature au bas d’un manif
1418 r ce temps qui lui manquait pour présider congrès et comités en chaîne. Ce qu’il fit, avec autant de soins formels et de f
1419 haîne. Ce qu’il fit, avec autant de soins formels et de fermeté dans l’approche des puissants que de désinvolture à l’égar
1420 issants que de désinvolture à l’égard des pédants et autres fanatiques de la routine, fût-elle d’étiquette « progressiste 
1421 « progressiste ». Il a le sens du trait qui porte et qui assure le succès durable d’un discours même de pure circonstance.
1422  ! » Mais les grandes heures captées par la radio et plus tard la TV compteront moins, finalement, aux yeux du « dieu qui
1423 able succession des comités hélas indispensables, et qu’il ne suffit pas de présider mais qu’il faut surtout animer, sinon
1424 aye, la section culturelle du Mouvement européen ( et de là sortiront le Centre européen de la culture et le Collège d’Euro
1425 de là sortiront le Centre européen de la culture et le Collège d’Europe à Bruges), on ne s’ennuie pas, parce que le prési
1426 dsay, ancien ministre britannique de l’Éducation, et son homologue belge Julius Hoste, Joseph Retinger, l’éminence grise d
1427 Retinger, l’éminence grise de tout le mouvement, et Georges Rebattet (le Colonel Cheval de la Résistance). À propos de je
1428 Écoutez donc notre ami Lindsay : il dit “I feel » et non “I think”. Si les Anglais pensent, c’est autrement que nous, c’es
1429 bras, leurs mains, mais jamais avec leur cerveau. Et s’ils ont une tête, eh bien, c’est pour porter un chapeau ! » Bien pe
1430 manquer à ce qu’on nomme leur œuvre personnelle, et de ceux-là, nul ne l’a fait avec un désintéressement aussi total que
1431 péen de la culture. ⁂ Mais avant d’être Européen, et après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Espagnol, comme
1432 culture. ⁂ Mais avant d’être Européen, et après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’e
1433 Mais avant d’être Européen, et après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’est plus. Je
1434 salle Pleyel, avec William Faulkner, Wystan Auden et André Malraux à la table des orateurs, que je préside, tandis qu’une
1435 n, elle symbolise toute une philosophie politique et sociale. Et j’ai aimé qu’après vingt ans ce meeting de la salle Pleye
1436 olise toute une philosophie politique et sociale. Et j’ai aimé qu’après vingt ans ce meeting de la salle Pleyel fasse écho
1437 un registre plus grave : le combatif ambassadeur et l’orateur habile à syncoper le pathétique et l’espièglerie polémique
1438 deur et l’orateur habile à syncoper le pathétique et l’espièglerie polémique ne se laissaient pas oublier, mais ce qui dés
1439 rio, c’était l’engagement de toute une vie, œuvre et action, pour la défense et pour l’illustration de la liberté, au prix
1440 e toute une vie, œuvre et action, pour la défense et pour l’illustration de la liberté, au prix incalculable de l’exil. Ai
1441 in de la dernière guerre, accédaient aux honneurs et au pouvoir après une longue carrière d’opposant exilé, un sort invers
1442 sant exilé, un sort inverse est échu à notre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les périls et surmonté l’amertume par la cr
1443 otre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les périls et surmonté l’amertume par la création et l’action, il nous donne aujour
1444 les périls et surmonté l’amertume par la création et l’action, il nous donne aujourd’hui le rare et haut exemple d’un comb
1445 on et l’action, il nous donne aujourd’hui le rare et haut exemple d’un combattant de la liberté demeuré libéral avec rigue
1446 en plein xxe siècle on peut être vraiment engagé et vraiment libéral à la fois, n’est-ce pas là son plus beau paradoxe ?
16 1967, Articles divers (1963-1969). Au-delà des nations (1967)
1447 comte Coudenhove-Kalergi se plaçait sous l’égide et dans la tradition des Sully, Comenius, Saint-Pierre, Kant, Mazzini, H
1448 ully, Comenius, Saint-Pierre, Kant, Mazzini, Hugo et Nietzsche, dont les portraits décoraient la tribune. En même temps, i
1449 à l’Action européennes, en continuité historique, et il inaugurait la stratégie qui serait vingt ans plus tard celle de Je
1450 on discours du 5 septembre de l’année précédente, et c’est le plus proche collaborateur du président du Conseil, Alexis Lé
1451 seulement du Conseil de l’Europe, mais de la CECA et du Marché commun. (Le terme même de « Marché commun » figure là pour
1452 ère fois : il est donc dû non pas à un politicien et encore moins à un économiste, mais à un grand poète, Saint-John Perse
1453 eurs prises de position pour la plupart négatives et le nationalisme plus ou moins avoué qui les inspire : les nazis vont
1454 nde ce que veut dire le mot nation, au sens total et absolu. C’est dans la Résistance que se constitueront les nombreux gr
1455 guerre finie vont se réunir avec des politiciens et des économistes de tendances plus modérées, en une série de congrès s
1456 l’idéal fédéraliste qui avait animé la Résistance et la période des congrès. Un petit signe le fera voir : la grande press
1457 t politique, n’est pas encore abordé par les Six, et n’est même pas posé par les autres. En l’absence — à peine croyable —
1458 ’on peut prévoir selon nos analystes, professeurs et commentateurs qui tiennent encore la politique pour l’art du possible
1459 s gouvernements proclament cette union nécessaire et même urgente. À ce mystère, ou plutôt ce scandale, je propose une exp
1460 x intentionnés, les ministres, les parlementaires et la grande majorité des politologues et des économistes à leur suite o
1461 ementaires et la grande majorité des politologues et des économistes à leur suite ont pris le problème à l’envers : soucie
1462 ats-nations tels que les a formés le xixe siècle et achevés le totalitarisme (plus ou moins déclaré selon les pays) au xx
1463 e général de Gaulle), ils ont essayé de les unir, et ils constatent, évidemment, « qu’elles ne sont pas encore prêtes à s’
1464 er l’union, de se vouloir chacune unique, absolue et totale en soi-même. L’union, pour deux États-nations, n’est jamais qu
1465 (comme par exemple l’union de la Grande-Bretagne et de la France proposée par Churchill en juin 1940) autrement dit : ce
1466 aible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si donc on veut unir l’Europe, il faut partir d
1467 devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vais désigner par là une unité d’un type nouveau, à la fois plus g
1468 ne unité d’un type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que la cité antique, mais plus dense, mieux structurée
1469 a cité antique, mais plus dense, mieux structurée et offrant un meilleur milieu de participation civique que la nation tel
1470 qu’en effet il s’agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme au seuil de ce dernier
1471 cle, comme un visage dont les traits se composent et s’illuminent peu à peu sur le fond chaotique de la société que le xix
1472 e au petit bonheur, la société stato-nationaliste et industrielle. Sur ce continuum sans ordre ni structure d’anarchie arb
1473 ie arbitrairement quadrillée par l’administration et la police, se détachent maintenant les régions, réalités absolument m
1474 banisation galopante, la mobilité des industries, et par suite les nouvelles concentrations de ressources intellectuelles,
1475 rations de ressources intellectuelles, techniques et bancaires autant que matérielles ou naturelles, la densité des réseau
1476 urelles, la densité des réseaux de communications et de transports et enfin l’unité géographique, cette dernière n’étant d
1477 té des réseaux de communications et de transports et enfin l’unité géographique, cette dernière n’étant d’ailleurs plus dé
1478 e frontière marquée sur le terrain par des bornes et sur les cartes par des pointillés méticuleux, mais au contraire par l
1479 d’un pays d’une population minimum de 2 millions et maximum de 6 millions. Ce qui donnerait, par exemple, huit à neuf rég
1480 de Berre, c’est-à-dire une grande ville portuaire et commerçante, une vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un
1481 re et commerçante, une vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un célèbre festival de musique, et une zone d’int
1482 lturelle, dotée d’un célèbre festival de musique, et une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implante
1483 oixante personnalités participantes : professeurs et industriels, présidents de chambres de commerce et directeurs de fest
1484 t industriels, présidents de chambres de commerce et directeurs de festivals, députés et préfets, éditeurs et animateurs s
1485 s de commerce et directeurs de festivals, députés et préfets, éditeurs et animateurs sociaux, je me trouvais le seul non-F
1486 cteurs de festivals, députés et préfets, éditeurs et animateurs sociaux, je me trouvais le seul non-Français : j’en conclu
1487 oins autonome. L’effort général en vue de l’union et votre tentative régionaliste, qu’on soupçonnera de vouloir la divisio
1488 États-nations, les régions vont se mettre à vivre et respirer de plus en plus librement. Les États-nations les maintenaien
1489 e par exemple la langue, l’économie, l’état civil et les richesses minières. Ainsi l’on coupait en deux le bassin de la Ru
1490 nt permis de surmonter cette absurdité manifeste, et plusieurs autres. Dans l’Europe fédérée de demain, libérée de la tyra
1491 ons vont très rapidement se dessiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vital
1492 apidement se dessiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes s
1493 niser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles noueront e
1494 e elles des relations d’échanges aussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leur
1495 ères nationales désormais réduites au rôle mineur et invisible à l’œil nu que jouent les délimitations entre les cantons s
1496 simples commodités pour le cadastre, l’état civil et la gendarmerie. Et c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtiron
1497 pour le cadastre, l’état civil et la gendarmerie. Et c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtirons l’Europe, non sur
1498 ent de pensée politique, déjà beaucoup plus large et solidement fondé que je n’osais l’espérer. Au cours de ces dernières
1499 entifiques, les articles de journaux, les volumes et les congrès sur la régionalisation de nos États. Le concept de région
1500 seulement dans les préoccupations des sociologues et chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un important grou
1501 irigeants du pays le plus centralisé du continent et le plus allergique, semblait-il, au fédéralisme à base régionale : j’
1502 régionale : j’entends la République française une et indivisible. Une bonne douzaine d’ouvrages ont paru en France depuis
1503 tule tranquillement La Révolution régionaliste 19 et il figure dans une collection de livres de poche : c’est dire que l’é
1504 ade de la prise de conscience du phénomène région et des motifs de son apparition en ce moment précis de notre histoire et
1505 apparition en ce moment précis de notre histoire et de l’évolution de notre société occidentale. À peine a-t-on pris la m
1506 u’il nous invite à explorer, notamment politiques et institutionnelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être déc
1507 ormal qu’elles exigent une période d’expériences, et celle-ci connaîtra forcément des échecs. Organiser, structurer, anime
1508 échecs. Organiser, structurer, animer des régions et les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’une g
1509 n de la polis, dans la société grecque archaïque. Et l’on sait que la polis devint en moins d’un siècle l’unité de base de
1510 d’un siècle l’unité de base de toute vie sociale et publique en Grèce. Elle donna même son nom à cette forme d’activité :
1511 osa durant des siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse — créant ainsi la première civilisation européenne — de m
1512 e la région va s’opposer aux empires centralistes et monopolisateurs qui prétendent aujourd’hui se partager le monde. Chac
1513 é d’unifier l’Europe par la seule force militaire et policière de leur nation ou de leur parti. Leurs échecs désastreux, c
1514 fait que révéler en les exagérant la vraie nature et les vraies ambitions. Nous n’en sommes encore qu’à l’aube de la forma
1515 r les soins de l’école, de la presse, de l’armée, et de l’éloquence politique, le dogme de la sacro-sainteté et de l’immor
1516 loquence politique, le dogme de la sacro-sainteté et de l’immortalité de ma nation, et de la forme nationale en général. C
1517 sacro-sainteté et de l’immortalité de ma nation, et de la forme nationale en général. Croyance réfutée, il est vrai, par
1518 qu’elles ont dépassé le sommet de leur évolution, et descendent vers leur crépuscule. Dès la fin du siècle dernier, Ernest
1519 les nations sont « encore » les seules réalités. Et c’est vrai, elles existent « encore » — mais si mal ! Trop petites po
1520 ant l’Europe se fait par mille réseaux d’ententes et de fusions industrielles, d’associations culturelles, professionnelle
1521 les, d’associations culturelles, professionnelles et régionales, qui nouent leurs liens concrets en dépit des nations. Pre
1522 es initiatives de l’État, par-dessus, par-dessous et à travers les frontières nationales, chaque jour un peu moins efficac
1523 ront pris en réalité plus d’importance économique et culturelle que les capitales anciennes, la révolution régionaliste se
1524 anciennes, la révolution régionaliste sera faite et du même coup, la fédération de l’Europe se révélera immédiatement pos
1525 ue les pionniers de l’Europe unie ne l’exigeaient et ne l’annonçaient dans l’enthousiasme des premiers congrès fédéraliste
1526 bres médiévales étaient « immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur des réalités e
1527 essor, non sur des vieilles carcasses historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues frança
1528 e beaucoup plus opérationnelle que le département et même que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en Fr
1529 ne telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnaires institués par Nap
1530 est bien plus avancée que nous n’osions l’espérer et que ne peuvent encore l’imaginer les politiciens qui se croient réali
17 1967, Articles divers (1963-1969). Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)
1531 tie exige pour fonctionner d’être prise en charge et comprise par la très grande majorité des citoyens. C’est pourquoi l’i
1532 e passé, rendant possible la lecture des affiches et des journaux, donc le suffrage universel. Une démocratie ne mérite so
1533 puis à les informer. Comment former des citoyens et un civisme européens tant qu’il n’y a pas de Cité européenne ? Invers
1534 désir d’habiter une ville, d’y circuler à l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos et des produits et de participer
1535 à l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos et des produits et de participer à son gouvernement, le désir d’être cit
1536 sécurité, d’y échanger des propos et des produits et de participer à son gouvernement, le désir d’être citoyen pousse à co
1537 , qui à son tour formera des traditions civiques, et le besoin d’en changer. Il s’agit donc pour nous, ici et maintenant,
1538 esoin d’en changer. Il s’agit donc pour nous, ici et maintenant, d’éveiller chez les jeunes de nos pays le désir d’habiter
1539 fatale, ni imposée, elle ne peut être que choisie et voulue — exactement comme la démocratie — par une majorité de la popu
1540 té de la population. Cette majorité sera suscitée et conduite par une minorité qui ne voudra pas forcer mais convaincre. C
1541 qu’ici, l’éducation (enseignement, école primaire et secondaire, hautes écoles et télévision) dans la mesure où elle façon
1542 ment, école primaire et secondaire, hautes écoles et télévision) dans la mesure où elle façonne les caractères et les espr
1543 on) dans la mesure où elle façonne les caractères et les esprits, ne fait pas des Européens. Quand elle fait quelque chose
1544 au du civisme, elle ne fait en tout cas pas cela, et l’on peut être heureux si elle ne fait pas le contraire. L’éducation
1545 sante (parfois inexistante) à l’échelon national, et souvent négative par rapport à l’Europe. Dans presque tous nos pays,
1546 ais surtout, on ne dit rien des problèmes vivants et réels qui se posent à la cité et à l’État, et que le citoyen devra tr
1547 roblèmes vivants et réels qui se posent à la cité et à l’État, et que le citoyen devra trancher quand il votera. La plu
1548 nts et réels qui se posent à la cité et à l’État, et que le citoyen devra trancher quand il votera. La plus ennuyeuse d
1549 re de parler d’une communauté encore inexistante, et d’institutions fragmentaires, limitées à une partie seulement du seul
1550 que signifie connaissance scolaire d’institutions et de constitutions dont on ignore le fonctionnement concret. Il faut co
1551 ore le fonctionnement concret. Il faut comprendre et proclamer que la seule préparation valable au civisme (à tous les deg
1552 age des moyens de participer à la vie de la cité, et dans l’éveil du désir d’y tenir son rôle de citoyen. (« Cité » signif
1553 e, région, nation, Europe…) Les problèmes vivants et réels de l’Europe, telle qu’elle est aujourd’hui désunie et telle qu’
1554 e l’Europe, telle qu’elle est aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait être unie demain, n’apparaissent pas souvent d
1555 s taux préférentiels, des philanthropes, managers et trustees qui suggèrent des échanges de cartes postales, de sourires o
1556 es postales, de sourires officiels, de vœux pieux et jumelés. Ces problèmes se révèlent au contraire dans leurs vraies di
1557 évèlent au contraire dans leurs vraies dimensions et leur urgence — et alors nul besoin d’insister sur la nécessité de fai
1558 re dans leurs vraies dimensions et leur urgence — et alors nul besoin d’insister sur la nécessité de faire l’Europe — à l’
1559 des réalités déterminantes de la vie de nos pays et de l’existence sociale dans l’Europe de la seconde moitié du xxe siè
1560 finir, illustrer) : a) Les éléments de communauté et les facteurs de différenciation qui font de l’Europe dans l’histoire
1561 plus réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes économiques, en tant qu’ils relèvent
1562 e mondiale ; c) Problèmes sociaux, démographiques et culturels, en tant qu’ils relèvent de la patrie locale, de la région,
1563 d) Fonction de l’Europe dans le monde décolonisé, et conditions nécessaires à son exercice ; e) Idéaux directeurs (religie
1564 le contaminerait très vite sa version européenne. Et d’ailleurs, il serait absurde d’essayer de substituer l’une à l’autre
1565 de sensibiliser l’esprit des jeunes aux réalités et aux problèmes civiques de la communauté européenne, et cela, à la fav
1566 x problèmes civiques de la communauté européenne, et cela, à la faveur d’exemples qui ne peuvent manquer de se présenter d
1567 enter dans chaque leçon d’histoire, de géographie et d’économie, de langues et de littérature prévue par le programme. Mai
1568 histoire, de géographie et d’économie, de langues et de littérature prévue par le programme. Mais pour qu’il saisisse ces
1569 programme. Mais pour qu’il saisisse ces occasions et en tire le meilleur parti, il faut que le professeur ait été lui-même
1570 éalités de l’Europe encore désunie, aux problèmes et aux possibilités de son union prochaine. Dire que tout dépend de l’éd
1571 cation, c’est dire que tout dépend des éducateurs et de leur formation. L’avenir de l’Europe unie va se jouer dans les éco
1572 conscience de leurs responsabilités européennes, et pour les y pousser, il importe d’agir sans délai sur des groupes forc
1573 agir sur leurs collègues. C’est l’objectif précis et immédiat de la Campagne d’éducation civique européenne : de multiplie
1574 se déroberont sous les pas des hommes politiques et des économistes. Car avant de « faire l’Europe », il faut « faire de
1575  faire l’Europe », il faut « faire de l’Europe ». Et cela se passera d’abord dans les esprits : sans « révolution culturel
1576 des questions réelles éveillant le sens critique et le besoin d’invention, tandis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’
1577 réponses toutes faites, unifor­mément optimistes et propres à stériliser toute tentative de réflexion ou de création pers
1578 ur 340 pages ; encore sont-ils de pure rhétorique et destinés à supprimer plutôt qu’à poser la question24. Voici en revanc
1579 i résultent de l’examen objectif de la situation, et nous sommes bien certains qu’il révélera de la sorte la nécessité de
1580 ’il révélera de la sorte la nécessité de l’union, et même les formes spécifiques que celle-ci devra prendre, et pourra pre
1581 es formes spécifiques que celle-ci devra prendre, et pourra prendre. Il fourmillera de points d’interrogation ! Il ne dira
1582 du Centre européen de la culture, 1964 (épuisé), et Civisme et éducation européenne, collection « L’Éducation en Europe »
1583 européen de la culture, 1964 (épuisé), et Civisme et éducation européenne, collection « L’Éducation en Europe » II. 2. 22
1584  : Notes pour un “Petit Livre rouge” », Éducation et Culture, Strasbourg, été 1967, p. 10-12.
18 1968, Articles divers (1963-1969). L’Exode des cerveaux [débat] (1968)
1585 ble. Je me considère moi aussi comme un chercheur et je le serai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas u
1586 bolisme. Les échanges se composent d’importations et d’exportations, entre lesquels on cherche à établir une certaine bala
1587 e où il fut créé. Il y a 6 chercheurs nés Suisses et qui le sont restés, et 5 non Suisses de naissance, mais naturalisés e
1588 a 6 chercheurs nés Suisses et qui le sont restés, et 5 non Suisses de naissance, mais naturalisés et qui ont reçu le prix
1589 , et 5 non Suisses de naissance, mais naturalisés et qui ont reçu le prix une fois devenus suisses et après des travaux po
1590 et qui ont reçu le prix une fois devenus suisses et après des travaux poursuivis en Suisse. Parmi eux, Einstein et Pauli,
1591 travaux poursuivis en Suisse. Parmi eux, Einstein et Pauli, ou en littérature, Hermann Hesse. En revanche, la Suisse a env
1592 ’est-il devenu ? Les deux autres sont Félix Bloch et Daniel Bovet, l’un devenu américain et l’autre italien. Vous voyez p
1593 élix Bloch et Daniel Bovet, l’un devenu américain et l’autre italien. Vous voyez par ce petit exemple qu’une certaine bal
1594 t anglais, Siger de Brabant, qui était brabançon, et Albert le Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nous en tenir aux
1595 xemples suisses, qu’y a-t-il eu comme importation et exportation des cerveaux en Suisse ? Comment notre culture s’est-elle
1596 r un exode de cerveaux irlandais : c’est Colomban et Gall qui ont apporté le christianisme en Suisse. Ensuite, il y a eu u
1597 sous la forme de Calvin qui a apporté la Réforme et qui a fait Genève. À peu près en même temps, il y eut Érasme, Holland
1598 , Hollandais exilé à Bâle, qui a fait l’humanisme et qui a fait Bâle. Beaucoup plus près de nous, on peut citer Nietzsche,
1599 Nietzsche, qui a été professeur à Bâle lui aussi et qui a beaucoup vécu en Suisse, en Engadine. On peut citer Stravinsky,
1600 aux qui avaient un peu de cervelle, quelquefois ; et il y avait même des amiraux. Je ne vous dis pas cela pour vous faire
1601 ses, c’était vrai. Le créateur de la flotte russe et son premier grand amiral était un Genevois, Lefort, et le chef de la
1602 n premier grand amiral était un Genevois, Lefort, et le chef de la flotte de guerre américaine, entre les deux guerres, ét
1603 ux États-Unis, qui sont les plus grands du monde. Et on pourrait multiplier ces exemples : en théologie nous avons exporté
1604 littérature, nous avons exporté Blaise Cendrars ; et dans le cinéma, nous avons exporté Jean-Luc Godard. M. Nordmann : Il
1605 pelé l’exode des cerveaux. M. de Rougemont : Oui, et il faudrait donc essayer de trouver des critères pour déterminer à qu
1606 ner à quel moment ce que j’appelle des échanges — et qui est la santé même — devient un exode qu’il faudrait déplorer ou a
1607 er là-dedans les dimensions des activités en jeu, et les dimensions des communautés qui peuvent les prendre en charge. Éta
1608 en charge. Étant donné la nature, les conditions et les finalités propres d’une certaine activité, quel est le type de co
1609 unauté qui lui correspond le mieux par ses moyens et par ses dimensions ? Voilà à peu près la formule d’analyse que je pro
1610 ut pour ma nation, qu’elle soit grande ou petite, et que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut une industrie automo
1611 des ordinateurs, il lui faut un synchrocyclotron et tout. Ça, c’est le point de vue nationaliste. Le point de vue que je
1612 onsiste à répartir les tâches d’après leur nature et d’après les grandeurs, les dimensions, les moyens des communautés qui
1613 té qui est bien à la taille du canton (l’activité et la communauté étant de tailles correspondantes) : si à ce moment-là,
1614 ou toute une faculté, ou un studium — professeurs et étudiants ensemble — à tel point que, à Bologne, on dût faire des loi
1615 étaient punis de mort — alors là, il s’agira bel et bien d’un « exode des cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que
1616 Pas du tout ! Il serait resté à La Chaux-de-Fonds et nous n’en aurions rien su ; il aurait continué à s’appeler Fritz Saus
1617 est allé à Paris qui en a fait un grand écrivain et c’est seulement quand nous avons su qu’il y avait un grand écrivain q
1618 ton Bridge à New York, qui a plus d’un kilomètre, et le Golden Gate à San Francisco qui a 2750 mètres de long : qu’eût-il
1619 n’ont pas encore été votés, depuis quarante ans. Et puis, il y a un cas particulier, qui a déjà été évoqué tout à l’heure
1620 ntre ce qui a été dit sur une politique d’option, et ce qui vient d’être dit sur une politique de dimension, il est facile
1621 pelle exode par rapport à une certaine communauté et dans une certaine conjoncture. Il y a un premier choix à faire : je s
1622 rcitive, mais uniquement en développant des pôles et des climats intellectuels qui attirent. Ce n’est pas uniquement une q
1623 oximité du CERN — ça, c’est presque un accident — et les recherches psychologiques. Il y a là de quoi constituer un point
1624 tion, au lieu de répartir de manière égalitaire — et donc partout inadéquate — ces ressources et les subventions qui doive
1625 ire — et donc partout inadéquate — ces ressources et les subventions qui doivent y être attachées sur tout le territoire d
1626 limat intellectuel, c’est aussi difficile à faire et à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’ar
1627 y ait une vie intellectuelle, un climat attirant, et pas seulement pour des musiciens ou des artistes, mais aussi pour les
1628 ement physicien, il n’est pas uniquement médecin, et s’il trouve un bon orchestre, un bon quatuor qui joue de la musique m
1629 rra peut-être le retenir ici. La presse, la radio et la télévision pourraient faire énormément dans ce sens. Elles font dé
1630 urieuse du public. On se base souvent, à la radio et à la télévision, sur des enquêtes rapides relatives à l’intérêt que l
1631 s gens ont ou n’ont pas pour certaines émissions, et l’on transforme la qualité de ces émissions selon la quantité des rép
1632 ois que c’est faux. Il faudrait que la télévision et la radio aient l’héroïsme, pendant deux ou trois ans, d’aller à contr
1633 professionnelle juxtaposées, sans lien organique et sans rien à se dire entre elles. Il faudrait que l’Université devienn
1634 evienne le lieu vivant de création intellectuelle et de débats sur le fond. Je vais lâcher le mot : il faut que l’Universi
1635 de introduite par Abélard qui s’appelait le « sic et non », le oui et le non. La discussion dans les groupes d’étudiants e
1636 Abélard qui s’appelait le « sic et non », le oui et le non. La discussion dans les groupes d’étudiants et de professeurs
1637 e non. La discussion dans les groupes d’étudiants et de professeurs — un tel groupe s’appelait un « studium » — la discuss
1638 comme étant essentiellement une discussion libre et ouverte où s’opposaient le pour et le contre, systématiquement, sur t
1639 scussion libre et ouverte où s’opposaient le pour et le contre, systématiquement, sur tous les sujets abordés. Et je vous
1640 e, systématiquement, sur tous les sujets abordés. Et je vous prierai de croire que ce n’était pas toujours des sujets pure
1641 re. La grande lutte qui a opposé Siger de Brabant et saint Thomas d’Aquin était une lutte concernant vraiment les fondemen
1642 in à Belgrade ces jours-ci, à Paris bien entendu, et même un tout petit peu à Genève, ai-je entendu dire. Moi, je trouve c
1643 ai-je entendu dire. Moi, je trouve cela admirable et merveilleux ! Jamais depuis le Moyen Âge, on ne s’était autant occupé
1644 r l’Université, à mon sens, a été, doit redevenir et doit rester le lieu par excellence de la contestation fondamentale, v
1645 sera mon dernier mot — en dehors de l’Université et contre elle, mais dans les cours — je ne dis pas dans tous les cours,
1646 lque chose qu’il m’est difficile de vous décrire, et si vous voulez en avoir une bonne description, adressez-vous aux Amér
1647 pe en échange de nos Félix Bloch, Agassiz, Ammann et tout cela. M. Lalive : Vous n’en avez pas cité. M. de Rougemont : Ce
1648 nd — je me répète — les échanges qui sont normaux et bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est déf
1649 à penser que c’est cela que nous devons au monde, et notamment aux Américains qui nous le demandent. La culture, c’est un
19 1968, Articles divers (1963-1969). De l’État-nation aux régions fédérées (1968)
1650 pellerait — peut-être — les États-Unis d’Europe » et il s’écriait : « Je dois vous donner un avertissement. Le temps press
1651 énomène fondamental du siècle. L’évolution a joué et joue incontestablement dans le sens de la nation.25 Il est vrai que
1652 y changer, que c’est là-dessus qu’il faut bâtir, et d’appeler ça du réalisme. Le cancer et les maladies mentales sont aus
1653 aut bâtir, et d’appeler ça du réalisme. Le cancer et les maladies mentales sont aussi des réalités importantes de notre te
1654 elles. Que les nations soient encore bien réelles et très fortes à quelques égards, l’impossibilité d’unir l’Europe le dém
1655 deux guerres mondiales, résultant du nationalisme et de l’État totalitaire, — par le besoin d’union au-delà des nations, p
1656 oin d’union au-delà des nations, partout ressenti et déclaré, et qui a donné naissance au Marché commun notamment, enfin p
1657 au-delà des nations, partout ressenti et déclaré, et qui a donné naissance au Marché commun notamment, enfin par l’existen
1658 aux réalités politiques, économiques, techniques et démographiques de notre temps. Ils ne me semblent pas confirmer que «
1659 ise finale d’une forme d’association qui a dominé et animé l’Europe du xixe siècle, mais qui ne pourrait que tuer l’Europ
1660 Europe du xxe siècle si elle n’est pas surmontée et remplacée à temps. La grande force de l’État-nation, c’est que les ho
1661 ande force de l’État-nation, c’est que les hommes et les femmes d’aujourd’hui qui ont passé par l’école et croient savoir
1662 es femmes d’aujourd’hui qui ont passé par l’école et croient savoir l’histoire s’imaginent qu’il y a toujours eu des États
1663 la leur !), que rien d’autre n’est donc possible, et que d’ailleurs l’État, ou la nation, c’est l’aboutissement final, log
1664 ion, c’est l’aboutissement final, logique, normal et inévitable du Progrès. Pour dissiper cette illusion, il faudrait ense
1665 oles un minimum d’histoire générale de l’humanité et des formes politiques, assez pour rappeler d’où viennent la nation, l
1666 ez pour rappeler d’où viennent la nation, l’État, et l’État-nation qui est né de leur collusion moderne. Il faudrait rappe
1667 la préhistoire qui ne connaissait que les tribus et leurs clans, l’histoire commence avec les grands empires réunissant e
1668 toire commence avec les grands empires réunissant et fixant d’innombrables tribus : empires d’Égypte, de Sumer et d’Akkad,
1669 ’innombrables tribus : empires d’Égypte, de Sumer et d’Akkad, plus tard de la Chine et de l’Inde, puis d’Alexandre, puis d
1670 gypte, de Sumer et d’Akkad, plus tard de la Chine et de l’Inde, puis d’Alexandre, puis de Rome et de Byzance, et enfin, en
1671 hine et de l’Inde, puis d’Alexandre, puis de Rome et de Byzance, et enfin, en Europe, empire de Charlemagne, puis Saint-Em
1672 de, puis d’Alexandre, puis de Rome et de Byzance, et enfin, en Europe, empire de Charlemagne, puis Saint-Empire. Il faudra
1673 aissent qu’après tout cela, au cœur du Moyen Âge, et se forment aux dépens de l’Empire et de la papauté, voire même contre
1674 u Moyen Âge, et se forment aux dépens de l’Empire et de la papauté, voire même contre ces grands symboles de l’unité du gl
1675 nité du globe, de l’universalité du genre humain. Et que la naissance de la première nation, la France, peut être datée de
1676 e-même, l’installe sous sa protection en Avignon, et puis réalise aux dépens des Juifs qu’il fait dépouiller et des cheval
1677 éalise aux dépens des Juifs qu’il fait dépouiller et des chevaliers du Temple qu’il fait exécuter, une merveilleuse opérat
1678 rôler — sera vite suivi par les rois d’Angleterre et d’Espagne, puis par les princes de l’Italie, de l’Europe de l’Est et
1679 par les princes de l’Italie, de l’Europe de l’Est et du Nord, qui dès lors se déclarent eux aussi « souverains absolus »,
1680 dans son traité de La Monarchie, appel désespéré, et qui restera vain, à l’Empire condamné et bafoué. Les cinq siècles sui
1681 sespéré, et qui restera vain, à l’Empire condamné et bafoué. Les cinq siècles suivants verront se renforcer et se sacralis
1682 é. Les cinq siècles suivants verront se renforcer et se sacraliser de plus en plus l’idée fatale de la souveraineté absolu
1683 n saint, mais qui devient proprement révoltante — et par ailleurs massivement meurtrière — quand c’est un parti qui s’en e
1684 u nom du peuple, comme ce fut le cas des jacobins et des « démocraties » plébiscitaires et totalitaires du xxe siècle. La
1685 es jacobins et des « démocraties » plébiscitaires et totalitaires du xxe siècle. La confiscation de l’idéal national par
1686 e de Napoléon, la nationalisation de l’État royal et l’étatisation de la nation révolutionnaire, c’est cela qui va créer d
1687 ute l’Europe monarchique autant que républicaine, et au xxe siècle, dans le reste du monde. Qu’est-ce en somme que l’État
1688 plus hétérogènes, langues parlées dans les villes et richesses du sous-sol, monnaie et programmes scolaires, politique et
1689 dans les villes et richesses du sous-sol, monnaie et programmes scolaires, politique et industrie, et les régir à partir d
1690 s-sol, monnaie et programmes scolaires, politique et industrie, et les régir à partir d’un centre unique de décision, par
1691 et programmes scolaires, politique et industrie, et les régir à partir d’un centre unique de décision, par le moyen de bu
1692 centrent tous les pouvoirs administratifs, civils et militaires, fiscaux et policiers, mais aussi ecclésiastiques, scolair
1693 irs administratifs, civils et militaires, fiscaux et policiers, mais aussi ecclésiastiques, scolaires, universitaires, et
1694 aussi ecclésiastiques, scolaires, universitaires, et plus tard économiques, sous l’hégémonie d’une seule ethnie. Modèle mo
1695 l faut une religion pour le peuple » assure-t-on, et comme ce n’est plus guère le christianisme, ce sera donc le nationali
1696 trie étatisée, seul Absolu auquel tout s’ordonne, et au nom duquel les maîtres de l’État peuvent mettre à mort leurs hérét
1697 les Églises, Dieu merci. L’État-nation centralisé et unifié s’arroge ainsi tous les pouvoirs des grands empires traditionn
1698 val, bien qu’il n’en ait ni la pluralité ethnique et linguistique, ni le caractère d’universalité. Il se rêve et se veut f
1699 tique, ni le caractère d’universalité. Il se rêve et se veut fermé, complet, suffisant en lui-même tant pour sa culture qu
1700 -même tant pour sa culture que pour son économie, et seul juge non seulement de ses intérêts mais de ceux des autres27. C’
1701 ande que le tout. L’État-nation moderne, unitaire et absolu n’est enfin qu’un empire manqué. Voilà la vérité fondamentale
1702 a vérité fondamentale du xxe siècle des nations. Et il faut souligner à ce propos une constatation des plus paradoxales :
1703 que, si tous les États-nations unitaires ont été et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seul
1704 temps se trouvent être des fédérations : les USA et l’URSS. Regardons maintenant ces États-nations unitaires tels qu’ils
1705 nations unitaires tels qu’ils sont dans leur être et leur agir concret, non plus dans leurs prétentions. Nous verrons auss
1706 tous, sans exception, sont à la fois trop petits et trop grands. Ils sont trop petits si on les regarde à l’échelle mondi
1707 juge par leur incapacité d’animer leurs régions, et d’offrir à leurs citoyens une participation réelle à la vie politique
1708 ns techniques modernes, à la mesure de l’Amérique et de la Russie aujourd’hui, de la Chine demain », écrivait dès 1954 Jea
1709 des empires véritables qui dominent notre monde, et surtout pour résister à la satellisation politique ou économique. Mai
1710 assurer le développement de toutes leurs régions et communes, — trop grands pour que leurs citoyens puissent y exercer no
1711 ent y exercer normalement leurs devoirs civiques, et participer effectivement à la vie de la cité ; donc trop grands pour
1712 pour être encore de vraies communautés humaines, et cela, c’est la plus grave maladie qui puisse miner un corps politique
1713 s devraient se fédérer à l’échelle continentale ; et parce qu’ils sont trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intér
1714 it-on. En effet, l’existence des empires de l’Est et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’inexorable : — ou bie
1715 de proclamer leur volonté farouche d’indépendance et leur souveraineté absolue, dont ils refusent de rien déléguer à une a
1716 déléguer à une autorité supranationale, fédérale, et alors ils seront fatalement satellisés un à un ; — ou bien ils font c
1717 à-dire qu’ils décident de résister tous ensemble, et alors ils renoncent à leur souveraineté absolue au profit d’une fédér
1718 dopté en 1848 nos vingt-cinq petits États suisses et bien leur en a pris. Mais comme je le rappelais au début de cet expos
1719 e chose de constitutif qui les retient de s’unir. Et nous voyons mieux ce que c’est, maintenant que nous avons défini l’am
1720 ntenant que nous avons défini l’ambition profonde et constitutive de l’État-nation, sa volonté de souveraineté absolue, do
1721 n proprement impériale. C’est donc par définition et par structure, non par méchanceté ou bêtise que les États-nations son
1722 nnées29, il va falloir ou bien renoncer à l’union et alors il n’y aura plus de problème, ou bien modifier les données même
1723 re à une indépendance de moins en moins croyable, et qui se borne en fait à la liberté (souvent illusoire) de choisir les
1724 ant avec la notion sacro-sainte de souveraineté ; et c’est ensuite trouver les éléments nouveaux qui rendraient l’union pr
1725 ndrait trop de temps, demanderait trop d’énergie, et soulèverait trop d’oppositions.30 Bien avant d’avoir lu ces lignes,
1726 (comme par exemple l’union de la Grande-Bretagne et de la France proposée par Churchill en juin 1940), autrement dit : ce
1727 aible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si l’on veut unir l’Europe, il faut partir d’au
1728 devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vais désigner par là une unité d’un type nouveau, à la fois plus g
1729 ne unité d’un type nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que la cnté antique, mais plus dense, mieux structurée
1730 a cnté antique, mais plus dense, mieux structurée et offrant un meilleur milieu de participation civique que la nation tel
1731 qu’en effet, il s’agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme au seuil de ce dernier
1732 cle, comme un visage dont les traits se composent et s’illuminent peu à peu sur le fond chaotique de la société que le xix
1733 e au petit bonheur, la société stato-nationaliste et industrielle. Sur ce continuum, sans ordre ni structure, d’anarchie a
1734 ie arbitrairement quadrillée par l’administration et la police, se détachent maintenant les régions, réalités absolument m
1735 forces les plus diverses, qu’il s’agit de capter et d’harmoniser, dont les principales sont : l’explosion démographique,
1736 banisation galopante, la mobilité des industries, et par suite les nouvelles concentrations de ressources intellectuelles,
1737 rations de ressources intellectuelles, techniques et bancaires autour des ressources matérielles et naturelles, la densité
1738 es et bancaires autour des ressources matérielles et naturelles, la densité des réseaux de communications et de transports
1739 urelles, la densité des réseaux de communications et de transports, et enfin l’unité géographique, cette dernière n’étant
1740 é des réseaux de communications et de transports, et enfin l’unité géographique, cette dernière n’étant d’ailleurs plus dé
1741 rain à l’aide de bornes ou de réseaux de barbelés et sur les cartes en pointillés méticuleux, mais au contraire par la for
1742 ays d’une population minimum d’un à deux millions et maximum de six millions. Ce qui donnerait, par exemple, neuf régions
1743 de Berre, c’est-à-dire une grande ville portuaire et commerçante, une vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un
1744 re et commerçante, une vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un célèbre festival de musique, et une zone d’int
1745 lturelle, dotée d’un célèbre festival de musique, et une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implante
1746 oixante personnalités participantes : professeurs et industriels, présidents de chambres de commerce, députés et préfets,
1747 iels, présidents de chambres de commerce, députés et préfets, éditeurs et animateurs sociaux, je me trouvais le seul non-F
1748 hambres de commerce, députés et préfets, éditeurs et animateurs sociaux, je me trouvais le seul non-Français : j’en conclu
1749 eux, Messieurs, qu’à l’âge de l’union des nations et des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord de crée
1750 e région plus ou moins autonome. L’effort d’union et votre effort, qu’on soupçonnera de vouloir la division, peuvent sembl
1751 États-nations, les régions vont se mettre à vivre et respirer de plus en plus librement. Les États-nations les maintenaien
1752 e par exemple la langue, l’économie, l’état civil et les richesses minières. Ainsi l’on coupait en deux le bassin de la Ru
1753 nt permis de surmonter cette absurdité manifeste, et plusieurs autres. Dans l’Europe de demain, libérée de la tyrannie des
1754 ons vont très rapidement se dessiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vital
1755 apidement se dessiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes s
1756 niser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles noueront e
1757 e elles des relations d’échanges aussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leur
1758 ères nationales désormais réduites au rôle mineur et invisible à l’œil nu que jouent les délimitations entre les cantons s
1759 simples commodités pour le cadastre, l’état civil et la gendarmerie. Et c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtiron
1760 pour le cadastre, l’état civil et la gendarmerie. Et c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtirons l’Europe, non sur
1761 ent de pensée politique, déjà beaucoup plus large et solidement fondé que je n’osais l’espérer. Au cours de ces dernières
1762 entifiques, les articles de journaux, les volumes et les congrès sur la régionalisation des États européens. Le concept de
1763 eulement dans les préoccupations des sociologues, et chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un important coll
1764 irigeants du pays le plus centralisé du continent et le plus allergique, semblait-il, au fédéralisme à base régionale : j’
1765 régionale : j’entends la République française une et indivisible. La bibliographie des ouvrages consacrés en France aux pr
1766 moderne comporte déjà une quarantaine de volumes, et une bonne centaine d’études substantielles dues à des professeurs de
1767 r la province, La France des minorités, La Gauche et les régions, Paris et le désert français (ce fut le début), et enfin
1768 ce des minorités, La Gauche et les régions, Paris et le désert français (ce fut le début), et enfin la Révolution régional
1769 s, Paris et le désert français (ce fut le début), et enfin la Révolution régionaliste. Au-delà de ce considérable effort d
1770 ce considérable effort de recherche scientifique et de renouvellement des conceptions de base se développe un véritable m
1771 cations politiques. Les candidats de l’opposition et un parti au moins, le PSU, demandent déjà des assemblées régionales é
1772 nouveau mouvement politique « pour le fédéralisme et le progrès social », où je lis ces quelques phrases : Nous proclamon
1773 clamons la nécessité de la Révolution fédéraliste et progressiste française pour la construction d’une VIe République. Nou
1774 ux disposeront de pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires comparables à ceux qui existent, par exemple, pour les Ét
1775 s. Parmi les plus graves méfaits des bureaucrates et technocrates parisiens et parmi les plus lourdes conséquences de l’ex
1776 éfaits des bureaucrates et technocrates parisiens et parmi les plus lourdes conséquences de l’exploitation abusive de la p
1777 ausé. On n’est pas loin de l’agitation populaire et de l’action directe. Dans un hebdomadaire de gauche, je lis ceci : S
1778 uveaux, fermeture d’usines, émigration des jeunes et des cadres… » Le dépérissement régional n’est pas particulier à la Br
1779 y est si aiguë, la conscience de la crise si vive et l’oppression quasi coloniale de la région si ancienne que Saint-Brieu
1780 ent ébranlé. Son chef le tient très bien en main, et quelques excités de la région ne l’impressionnent pas. À quoi je répo
1781 lloque de Bruxelles sur les économies régionales, et que ses six États-nations membres y aient pris part. C’est l’arriérat
1782 ériphériques, les plus négligées par la capitale, et cela a conduit à envisager la possibilité révolutionnaire de régions
1783 gique. Vue de Paris, Lille est une gare terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de l’Hexagone33. Mais da
1784 d’habitants d’une région s’étendant sur la France et la Belgique, et au surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’es
1785 e région s’étendant sur la France et la Belgique, et au surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’est qu’un exemple
1786 s de décision régionaux dont tout le monde parle, et qu’ils acquièrent de la force : lorsqu’ils auront pris en fait (sinon
1787 ait (sinon en droit) plus d’importance économique et culturelle que les capitales anciennes, la révolution régionale sera
1788 es anciennes, la révolution régionale sera faite, et du même coup la fédération de l’Europe se révélera immédiatement poss
1789 ue les pionniers de l’Europe unie ne l’exigeaient et ne l’annonçaient dans l’enthousiasme des premiers congrès fédéraliste
1790 bres médiévales étaient « immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur des réalités e
1791 essor, non sur des vieilles carcasses historiques et des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues frança
1792 e beaucoup plus opérationnelle que le département et même que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en Fr
1793 ne telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément devant le corps des fonctionnaires institués par Nap
1794 ous y trompons pas : le processus sera très long, et il nous paraîtra nécessairement très lent, au jour le jour. Nous n’en
1795 ade de la prise de conscience du phénomène région et des motifs de son apparition en ce moment précis de notre histoire et
1796 apparition en ce moment précis de notre histoire et de l’évolution de notre société occidentale. À peine avons-nous pris
1797 ités de la région, puis d’expériences concertées, et celles-ci connaîtront forcément des échecs. Organiser, structurer, an
1798 checs. Organiser, structurer, animer des régions, et finalement les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au mo
1799 n de la polis, dans la société grecque archaïque. Et l’on sait que la polis devint en moins d’un siècle l’unité de base de
1800 d’un siècle l’unité de base de toute vie sociale et publique en Grèce. Elle donna même son nom à cette forme d’activité :
1801 ême que la polis — avec ses autorités collégiales et son régime de participation civique intense — s’opposa durant des siè
1802 osa durant des siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse — créant ainsi la première civilisation européenne — de m
1803 ser aux faux comme aux vrais empires centralistes et monopolisateurs qui prétendent aujourd’hui se partager le monde. Nous
1804 nérations par les soins de l’école, de la presse, et de l’éloquence politique, le dogme de l’immortalité non seulement de
1805 e d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. Et il ajoutait : La confédération européenne, probablement, les remplac
1806 ais tout le monde n’a pas lu Renan, de nos jours… Et cette succession qu’il annonce, ce remplacement des États-nations par
1807 es ont vécu tous nos ancêtres depuis des siècles, et que nous ont inculquées tous les classiques de la philosophie politiq
1808 tes, de cent ans de propagande des nationalismes, et de cette religion civique dont je vous disais qu’elle s’était substit
1809 er quelques exemples de ces mutations de concepts et de catégories politiques qu’exige la prise de conscience du phénomène
1810 e du phénomène régional opposé au stato-national. Et d’abord, un changement dans le vocabulaire — tout commence toujours p
1811 ation qui naissent de relations d’interdépendance et de complémentarité géographique, économique et sociale […] un certain
1812 ce et de complémentarité géographique, économique et sociale […] un certain nombre d’unités territoriales réunissant des a
1813 nissant des activités économiques complémentaires et fortement liées, gravitant autour de centres urbains où se localisent
1814 rôle très important du point de vue intellectuel et culturel. Ces agglomérations ont dès lors une importance essentielle
1815 onnelles. Si on les prend trop petites, le nombre et l’importance des fonctions économiques et sociales diminuent dans l’u
1816 nombre et l’importance des fonctions économiques et sociales diminuent dans l’unité territoriale considérée, de sorte que
1817 e unité locale. Mais entre ces limites supérieure et inférieure la possibilité peut exister de plusieurs solutions intermé
1818 hoix peut dépendre de considérations contingentes et même comporter une part de subjectivité dans l’appréciation. En ce qu
1819 stato-national, on parlait d’abord de territoires et de superficies, on parle ici d’abord de pôles, de polarisations ; là
1820 ; là où l’on insistait sur la taille des domaines et sur des chiffres absolus de la population, on se préoccupe de fonctio
1821 tion, on se préoccupe de fonctions, de potentiels et de densités. Tout se passe comme si l’évolution moderne venait subite
1822 rées, d’attachement au sol, bref par les réalités et les valeurs de la paysannerie, — qui brusquement font place aux réali
1823 nnerie, — qui brusquement font place aux réalités et aux valeurs de la société industrielle, scientifico-technique, essent
1824 e, scientifico-technique, essentiellement urbaine et mobile. Le terme même d’État indique très bien ses origines agricoles
1825 assises, délimitation par des cadres invariables, et c’est aussi un symbole de durée. La région au contraire se définit pa
1826 ésultantes variables, par la densité des échanges et des transports, toutes choses mobiles, indépendantes du sol. Pour la
1827 non plus par son indépendance mais par la nature et la structure de ses relations d’interdépendance. D’ailleurs, le terme
1828 erdre son sens ancien, stato-national, majestueux et volontiers ombrageux. Louis Armand remarque que « la notion d’indépen
1829 ppeler le gouvernement des cités par elles-mêmes, et aussi, par sa sobriété, de ne pas réveiller les illusions de l’absolu
1830 sans limites. L’autonomie est une notion relative et très précise, quand on parle par exemple de l’autonomie de vol d’un a
1831 nomique, loyauté envers le Prince maître de tout, et d’autant plus qu’il devenait anonyme et sans visage — dans le monde r
1832 de tout, et d’autant plus qu’il devenait anonyme et sans visage — dans le monde régional, la liberté de chacun et l’effic
1833 ge — dans le monde régional, la liberté de chacun et l’efficacité de son action seront garanties par la possibilité de se
1834 ront garanties par la possibilité de se rattacher et de donner son allégeance à des ensembles différents par la nature et
1835 légeance à des ensembles différents par la nature et par les dimensions, cité locale, idéologie nationale, culture contine
1836 on universelle, domiciles multiples, associations et clubs lointains ou proches. Mais ceci, qui est très nouveau et presqu
1837 tains ou proches. Mais ceci, qui est très nouveau et presque révolutionnaire pour les citoyens des États unitaires et surt
1838 lutionnaire pour les citoyens des États unitaires et surtout totalitaires, nous est très familier en Suisse… Et à ce propo
1839 t totalitaires, nous est très familier en Suisse… Et à ce propos, je voudrais terminer par quelques remarques sur le rôle
1840 Suisse dans la révolution régionaliste qui vient, et qui verra, en cas de succès, le triomphe du fédéralisme intégral. Dep
1841 y perdrait sa souveraineté, qu’elle s’y perdrait. Et si je parle d’une fédération basée sur les régions, on me répond que
1842 régions, on me répond que ce serait pire encore, et que la Confédération dans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’
1843 is : il réunit ses fils autour de son lit de mort et il leur dit : « Le secret de ma réussite tient à ce que j’ai fondé ma
1844 nce ! » Politique bien typique de la paysannerie, et qui d’ailleurs a contribué à la réduire un peu partout au sort d’assi
1845 its États que nous avons toujours voulu défendre, et à raison. Tout ce qui s’est fait de grand dans notre monde, s’est fai
1846 it par les petits ; de sublime, par les infimes ; et de divin par un bébé qu’on ne savait trop comment déclarer… Les régio
1847 la différence des États, sont faites pour s’unir et pour coopérer, comme l’ont fait nos cantons, quand ils ont vu que l’u
1848 ent effacés nos nations écrasant toute diversité, et les avantages des grandes dimensions procurés par cette fédération do
1849 ’entreprise. Si, au pire, certaines de nos villes et leur hinterland en venaient à nouer des liens économiques et sociaux
1850 terland en venaient à nouer des liens économiques et sociaux avec les pays voisins, à s’intégrer dans des régions polynati
1851 n de la Confédération », la perte de son identité et de sa vocation, car ces deux choses existent à un autre niveau, du mo
1852 nale que celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait à la merci d’un accord tarifaire ! Si Genève, par exemple,
1853 exemple, supprimait ses frontières avec la Savoie et l’Ain, s’intégrait au complexe nommé Rhône-Alpes, qui est sa région n
1854 uisse plus que ne le font sa population étrangère et les institutions internationales qu’elle est fière d’accueillir ? Non
1855 vocation particulière, qui est d’ordre politique et culturel, rien ne pourrait empêcher les Suisses de toutes les régions
1856 l’idéal fédéraliste — s’ils y tiennent vraiment — et de maintenir leur association. Nous sommes le seul pays européen qui
1857  ; le seul en somme qui soit une vraie fédération et qui ait une expérience séculaire de l’existence fédérale. Cela nous i
1858 de préconiser urbi et orbi la transposition pure et simple de notre fédéralisme, à l’échelle du continent. Car ce fédéral
1859 ésolution de chaque problème selon ses dimensions et à son niveau. Et à cet égard, les sociologues français — la France, u
1860 ue problème selon ses dimensions et à son niveau. Et à cet égard, les sociologues français — la France, une fois de plus,
1861 paraît mieux adaptée à notre société industrielle et mobile. Mais le fédéralisme est aussi un esprit, une forme de pensée
1862 éralisme est aussi un esprit, une forme de pensée et de sentiment, un style de vie, une expérience et une morale. Or j’obs
1863 et de sentiment, un style de vie, une expérience et une morale. Or j’observe chez beaucoup de nos concitoyens une sorte d
1864 rir les voies de l’avenir politique pour l’Europe et le monde, mais mieux que cela : un exemple vécu. 25. Gazette litt
20 1968, Articles divers (1963-1969). Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)
1865 anifestation européenne ? Alternances d’euphorie et de frustration, dans une longue insomnie, et le sentiment, dès l’ouve
1866 orie et de frustration, dans une longue insomnie, et le sentiment, dès l’ouverture solennelle, que désormais un mécanisme
1867 e, que désormais un mécanisme a été mis en marche et nous porte, mais pas nécessairement où nous voulions aller. Depuis tr
1868 is nous avions travaillé, chacun dans son secteur et très souvent en groupes, à Paris et à Londres surtout, puis, pendant
1869 s son secteur et très souvent en groupes, à Paris et à Londres surtout, puis, pendant la semaine précédant le congrès à La
1870 s sur une photo prise à ce moment, entre Retinger et Dautry, encadrant le grand homme qui essuie une larme : ma déception
1871 ront les apports politiques, sociaux, économiques et culturels de ce congrès sans précédent : je ne voudrais évoquer ici q
1872 u’un incident de couloir dont personne n’a parlé, et dont je fus alors le seul à ressentir, non sans colère ni douleur, la
1873 i douleur, la vraie portée. Lorsque Duncan Sandys et Retinger, organisateurs du congrès, étaient venus à Ferney demander m
1874 de dire le sens de toute l’entreprise, d’inspirer et d’harmoniser le vocabulaire des rapports et résolutions, et de rédige
1875 pirer et d’harmoniser le vocabulaire des rapports et résolutions, et de rédiger un préambule définissant les buts communs
1876 niser le vocabulaire des rapports et résolutions, et de rédiger un préambule définissant les buts communs des mouvements p
1877 aine de grands noms d’intellectuels, d’éducateurs et d’organisateurs de la vie culturelle, je discutai avec eux les termes
1878 x Européens à faire approuver par acclamations » et formerait la conclusion du congrès. Ce succès était dû en grande part
1879 e départ de notre action commune après le congrès et doit devenir le manifeste de tout le Mouvement européen. […] Nous dev
1880 de réunir des millions de signatures d’Européens, et de créer de la sorte un puissant mouvement populaire… Cela ne manquer
1881 sion supplémentaire sur les gouvernements timides et récalcitrants. Le lancement d’un tel manifeste doit constituer l’un d
1882 ste doit constituer l’un des objectifs principaux et immédiats du congrès et de notre mouvement. Le fait de recueillir des
1883 des objectifs principaux et immédiats du congrès et de notre mouvement. Le fait de recueillir des signatures doit mainten
1884 devra se terminer par une collecte de signatures ( et peut-être de quelques sous donnés par chaque signataire, pour faire m
1885 haut d’un long rouleau de fort papier parcheminé, et il était entendu qu’au terme du congrès, tous les participants, Churc
1886 r les millions de signatures prévues par Retinger et devenir l’instrument d’une puissante campagne européenne. Or, le 11 m
1887 se commune », que le congrès n’avait pas discutée et qui ne figurait pas dans les résolutions finales. Au cours de l’expli
1888 de l’explication orageuse qui s’ensuivit, Sandys et Churchill Jr invoquèrent l’unanimité nécessaire et firent état de tre
1889 t Churchill Jr invoquèrent l’unanimité nécessaire et firent état de trente délégués, sans doute anglais, dont ils affirmai
1890 ’interviewer lorsque Sandys m’avait fait appeler, et qui avait assisté au début de l’incident, revint me dire que tous les
1891 nt où l’on aurait barré une phrase aussi voyante, et qui d’ailleurs semblait s’être volatilisé au secrétariat de la presse
1892 constitutifs que les États-nations inutilisables et irréformables (mais nous n’avions pas encore élaboré la doctrine adap
1893 s-nations à toute forme d’union réelle (fédérale) et de leur radicale incapacité non seulement à la vouloir mais à l’accep
1894 Cramponnés aux mythes de la souveraineté absolue et de l’indépendance (ils n’osent plus parler d’autarcie), nos États-nat
1895 d’autres pouvoirs réels, à l’échelle de l’Europe et du monde, que négatifs. Ils peuvent encore soit refuser les mesures d
1896 ’imposent, soit abaisser les barrières douanières et supprimer les chicanes de visas, de convertibilité monétaire, d’établ
1897 ils trouveront d’autres prétextes.) Trop petits et trop grands à la fois 39 — trop petits pour assurer seuls leur défens
1898 r seuls leur défense, leur prospérité économique, et pour jouer un rôle à l’échelle mondiale ; trop grands pour animer tou
1899 our animer toutes les parties de leur territoire, et surtout pour ménager à chaque individu la possibilité d’une participa
1900 Ils ne le veulent pas, ils ne le pourraient pas. Et il faut redouter que les Communautés, bridées par les nations qui les
1901 il tenu ses promesses ? Quelles furent son action et son influence en près de vingt années d’existence ? Comment voyez-vou
1902 nts. Ce qu’il a initié dans le domaine économique et mis sur pied dans le domaine culturel, par exemple, peut être attribu
1903 uelques non conformistes libéraux ou socialistes, et à l’action de quelques militants fédéralistes, fortement minoritaires
1904 . Ce qu’il a proclamé avec une si louable mesure, et , il faut bien le reconnaître, dans l’indifférence générale, c’est l’o
1905 e générale, c’est l’opinion prudente, rassurante, et par là même inefficace, des politiciens « réalistes » et pragmatistes
1906 là même inefficace, des politiciens « réalistes » et pragmatistes à l’anglo-saxonne qui n’ont cessé de répéter, bien avant
1907 yens de rejoindre le but que l’on veut atteindre. Et cette espérance-là, je l’éprouve aujourd’hui plus vive que jamais ; s
1908 , ces réalités ! Ou plutôt nous les voyons naître et nous allons nous employer à ménager, favoriser, puis imposer leur exi
1909 vider des États-nations, cela signifie dorénavant et concrètement, bâtir sur les régions ethnoéconomiques. Et bâtir l’Euro
1910 rètement, bâtir sur les régions ethnoéconomiques. Et bâtir l’Europe des régions, ce sera tenir enfin les engagements de La
1911 J’employais cette formule dans mes cours à Genève et Zurich au début de 1967, c’est-à-dire au moment où devaient l’écrire
1912 publie dans L’Europe en formation d’octobre 1967, et Robert Lafont, qui l’utilise dans Révolution régionaliste parue ou pr
21 1969, Articles divers (1963-1969). De l’Aar à l’Europe (1969)
1913 au sinueux s’incurvait près d’Éphèse, vers Priène et Milet, où il trouvait son embouchure dans l’Égée. En ce temps-là, tem
1914 hure dans l’Égée. En ce temps-là, temps des cités et de l’Ionie, patrie de nos idées, les réflexions sur l’homme et sa pla
1915 , patrie de nos idées, les réflexions sur l’homme et sa place dans le cosmos, entre les choses et les dieux, ne partaient
1916 omme et sa place dans le cosmos, entre les choses et les dieux, ne partaient pas encore du seul langage, ni de l’histoire,
1917 ngage, ni de l’histoire, ni des sciences exactes, et encore moins de l’économie, mais de la contemplation de ce qui coule,
1918 de la nature primordiale, saisie par notre esprit et l’informant. Méditation sereine, lyrique ou ombrageuse, sur le flot e
1919 ation sereine, lyrique ou ombrageuse, sur le flot et le rythme éternel de toutes choses, ou participation sensuelle aux pa
1920 r ceux qui entrent dans les mêmes fleuves, autres et toujours autres sont les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir de
1921 et toujours autres sont les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir des liquides s’en vont en vapeurs… La mort pour les
1922 ur l’eau de devenir terre. De la terre naît l’eau et de l’eau naît l’âme… Nous entrons et nous n’entrons pas, nous sommes
1923 e naît l’eau et de l’eau naît l’âme… Nous entrons et nous n’entrons pas, nous sommes et nous ne sommes pas dans les mêmes
1924 … Nous entrons et nous n’entrons pas, nous sommes et nous ne sommes pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner deux
1925 herbue aux cavernes profondes. Le rythme naturel et saisonnier devient, dans l’esprit d’Héraclite, succession ou présence
1926 si qu’un fleuve est à la fois mouvement perpétuel et dessin permanent, flot sans fin dans une forme arrêtée, celle des riv
1927 rives qu’il a formées, événement toujours fuyant et qui fascine, figure originelle de ce qui change sans relâche dans un
1928 ite) : le mouvement éternel, négation de la durée et de l’immobilité, et la loi unique qui règle ce mouvement. Et s’illus
1929 éternel, négation de la durée et de l’immobilité, et la loi unique qui règle ce mouvement. Et s’illustrent ici les deux s
1930 bilité, et la loi unique qui règle ce mouvement. Et s’illustrent ici les deux sens et la profonde ambiguïté du mot durée 
1931 ce mouvement. Et s’illustrent ici les deux sens et la profonde ambiguïté du mot durée : il désigne à la fois « ce qui ne
1932 e : il désigne à la fois « ce qui ne change pas » et l’écoulement du temps irréversible ; le devenir indéfini et ce qui du
1933 ement du temps irréversible ; le devenir indéfini et ce qui dure en résistant précisément à la durée ; ce qui est posé et
1934 ésistant précisément à la durée ; ce qui est posé et sa métamorphose ; le Même et l’Autre vus ensemble, génialement assumé
1935 ée ; ce qui est posé et sa métamorphose ; le Même et l’Autre vus ensemble, génialement assumés par la pensée des visionnai
1936 paradoxales d’innovation au sein de la tradition, et de révolution dans l’ordre créateur. III Rien de plus spécifiqu
1937 , bien avant l’homme ! — que ce réseau de fleuves et de rivières qui a si profondément découpé, dentelé, raviné, compartim
1938 le visage de l’Europe, ses vallées, ses verdures et ses estuaires. Nulle part ailleurs on ne trouvera plus grande longueu
1939 rface des terres, ni plus dense réseau de fleuves et de rivières, plus complexe entrelacs d’affluents et de lignes de part
1940 de rivières, plus complexe entrelacs d’affluents et de lignes de partage des eaux ; ni plus de ports. L’Asie, l’Afrique,
1941 ont fendues, blessées par des fleuves trop larges et trop longs pour l’usage de l’homme. Ils divisent et isolent plus qu’i
1942 trop longs pour l’usage de l’homme. Ils divisent et isolent plus qu’ils ne mettent en relations civilisantes. Ils inonden
1943 nondent plus qu’ils n’irriguent. Mais les fleuves et rivières de l’Europe sont pareils aux artères ou aux nerfs dans un co
1944 cines des grands arbres enserrant la terre lourde et à leurs branches divergeant librement dans le ciel. Ils embrassent le
1945 ibrement dans le ciel. Ils embrassent les peuples et ils les organisent, eux et leurs paysages, en très nombreux bassins l
1946 embrassent les peuples et ils les organisent, eux et leurs paysages, en très nombreux bassins largement définis non point
1947 ières mais bien par des courants venus d’ailleurs et allant ailleurs : c’est la circulation continuelle qui crée le visage
1948 qui crée le visage d’un pays. Europe sans déserts et sans steppes, jardin du monde, fille des fleuves ! IV Rien de p
1949 ée sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin, et à trois mers du sud, où vont le Rhône, l’Inn danubienne et les deux m
1950 s mers du sud, où vont le Rhône, l’Inn danubienne et les deux moindres fleuves adriatiques, Adige et Pô, par le Tessin. Ce
1951 e et les deux moindres fleuves adriatiques, Adige et Pô, par le Tessin. Ces bassins prolongent la Suisse dans toute l’Euro
1952 olongent la Suisse dans toute l’Europe germanique et latine : du sommet du Gothard, écrivait le chevalier de Boufflers, « 
1953 er de Boufflers, « l’on peut cracher dans l’Océan et dans la Méditerranée ». Et les ports répondent aux sources comme les
1954 t cracher dans l’Océan et dans la Méditerranée ». Et les ports répondent aux sources comme les fleurs répondent aux graine
1955 me scientifique à l’éclair de voyance d’un génie, et l’œuvre d’art à l’émotion. Les fleuves nés du cœur granitique de la
1956 abrupts de l’Alpe proche, invitation au voisinage et ouverture vers le nord et le sud, après l’affirmation farouche, le nœ
1957 invitation au voisinage et ouverture vers le nord et le sud, après l’affirmation farouche, le nœud serré des gorges du Got
1958 orges du Gothard. Les grands fleuves nous bordent et nous quittent. Mais il est une rivière qui d’un large mouvement du su
1959 asse toutes les autres rivières du Plateau suisse et les déverse d’un seul geste dans le Rhin, vers l’Atlantique. Elle rel
1960 massif aux flancs duquel elle prend ses sources, et ce district de forteresses médiévales édifiées sur un camp romain aut
1961 a Habsbourg, où confluent dans ses eaux la Limmat et la Reuss, tout près de son terme rhénan. L’Aar n’est pas seulement la
1962 oux à l’ouest, à travers ceux de Neuchâtel, Morat et Bienne, au lac de Wallenstadt à l’est, à travers le lac de Zurich, ta
1963 e les eaux des Quatre-Cantons, de Sarnen, de Zoug et d’Aegeri. — Sempach, Baldegg, Hallwil et d’autres plus petits la rejo
1964 de Zoug et d’Aegeri. — Sempach, Baldegg, Hallwil et d’autres plus petits la rejoignant isolés ou par paires. V Ains
1965 s hommes blonds. Comme Uri, il fut terre d’Empire et longtemps défendit contre Berne ses libertés traditionnelles. Il illu
1966 , source des libertés confédérales. Berne ensuite et le cours plus large et plein d’un fleuve, c’est le moment de la conqu
1967 onfédérales. Berne ensuite et le cours plus large et plein d’un fleuve, c’est le moment de la conquête tournée principalem
1968 me ses eaux, tend plutôt vers le monde rhodanien, et du Pays de Vaud à l’Argovie, contrées assujetties pendant des siècles
1969 rassemblement, Berne est une expression de l’Aar. Et puis, quand la rivière une première fois s’émancipe de Leurs Excellen
1970 is s’émancipe de Leurs Excellences, voilà Soleure et sa noblesse aux noms français, son ambassade du Roy de France, le sou
1971 bassade du Roy de France, le souvenir de Besenval et celui de Casanova, Soleure qu’un pasteur indigné décrit comme « un ce
1972 nce à plusieurs des mentors de la Suisse nouvelle et de son régime radical. Ce cours de l’Aar d’ouest en est qui fut jadis
1973 à Vindonissa, puis route des vins du Pays de Vaud et route du sel de la Bourgogne — produits sur lesquels les gens d’Aarbu
1974 devenir au xxe siècle le cours du progrès social et de la conquête industrielle. Olten est le symbole du mouvement ouvrie
1975 que de Sienne à Baden les grandes usines blanches et transparentes dans la verdure crue des forêts et des prés enserrent l
1976 et transparentes dans la verdure crue des forêts et des prés enserrent les ruines et le mutisme désolé des forteresses fé
1977 crue des forêts et des prés enserrent les ruines et le mutisme désolé des forteresses féodales. Les seigneurs de la produ
1978 nt leur élan vers d’autres continents à découvrir et les futurs marchés mondiaux. VI Et maintenant, comme l’Aar nous
1979 écouvrir et les futurs marchés mondiaux. VI Et maintenant, comme l’Aar nous l’enseigne avec force, qui rassemble vin
1980 s l’enseigne avec force, qui rassemble vingt lacs et vingt rivières en un courant puissant qu’elle jette au large Rhin, ra
1981 en un seul faisceau nos arguments sur les fleuves et la Suisse pour les faire déboucher sur l’espace et le temps du contin
1982 t la Suisse pour les faire déboucher sur l’espace et le temps du continent de notre destin. L’Europe est partout dans l’hi
1983 ’histoire impériale, j’entends romano-germanique, et généralement gibeline, qui fait du massif du Gothard le lieu le plus
1984 du Gothard le lieu le plus européen du continent. Et nos libertés en sont nées, comme en naissent les fleuves coulant vers
1985 en naissent les fleuves coulant vers quatre mers. Et parce qu’enfin la rivière Aar est la plus suisse de toutes, et seulem
1986 nfin la rivière Aar est la plus suisse de toutes, et seulement suisse : à cause de cela, mieux que toute autre — Rhône ou
1987 e, ni une substance philosophique, ni une nation, et encore moins une race. C’est l’accord des tons purs de nos diversités
1988 out, dans chacun de nos pays, indifférent au lieu et sans accent ; mais bien, et au contraire, ce qui est différent, s’aff
1989 , indifférent au lieu et sans accent ; mais bien, et au contraire, ce qui est différent, s’affirme singulier et manifeste
1990 traire, ce qui est différent, s’affirme singulier et manifeste une vocation incomparable. Il n’y a pas d’accent européen,
1991 rope est partout où une langue est parlée, écrite et chantée librement par une communauté d’hommes libres. Rien n’est auth
1992 t d’abord d’un pays. D’un pays à nul autre pareil et pourtant fraternel au voisin, accueillant à ce qui diffère. Ouvert et
1993 l au voisin, accueillant à ce qui diffère. Ouvert et fermé à la fois. Fidèle à soi mais dans le mouvement — comme un fleuv
1994 ue la Suisse : autour de son cœur, quatre langues et autant d’accents que de vallées, mais aussi l’origine de quatre grand
1995 tes à l’imagination vers les plaines du continent et les quatre points cardinaux. Et rien en Suisse n’est suisse avec plus
1996 ines du continent et les quatre points cardinaux. Et rien en Suisse n’est suisse avec plus de robustesse que cette rivière
1997 blement de la première — insistance sur l’origine et sur la force originante —, l’Aar gothique et qu’on retrouve dans tout
1998 gine et sur la force originante —, l’Aar gothique et qu’on retrouve dans toute l’Europe, mais ici tirant après soi un r qu
22 1969, Articles divers (1963-1969). À la fontaine Castalie (1969)
1999 la syntaxe émotive de mon dialogue avec la nature et l’histoire. Mais voyager en Grèce est une autre aventure. Qu’on le ve
2000 en Grèce est une autre aventure. Qu’on le veuille et le sache ou non, c’est un itinéraire spirituel que le hasard propose
2001 est un itinéraire spirituel que le hasard propose et dont les mythes disposent, si peu que l’on y prête de sensibilité. Pa
2002 lace ; ses étapes sont des prises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’être parcouru. Le voilier — un schooner de v
2003  : Delphes. ⁂ Jusqu’au pied du Parnasse j’irai, et dès que dans l’ombre des chênes Aux yeux de l’errant brillera ton flo
2004 rné son tableau de bord, le pourtour du parebrise et le feutre du plafond de photos miniatures encadrées, fleurs séchées,
2005 ’assombrit, s’agrandit en même temps devant nous, et ce changement de dimensions s’éprouve comme l’approche d’un vertige,
2006 s le village, laissons à gauche l’enceinte sacrée et les temples, allons jusqu’au pied des rochers qui dominent et referme
2007 es, allons jusqu’au pied des rochers qui dominent et referment le cirque, là où la route s’infléchit vers la droite, longe
2008 trois qui virent, s’évanouissent dans la lumière et reparaissent, tombent sur quelque proie dans l’ombre. Les roches bril
2009 roie dans l’ombre. Les roches brillent, argentées et dorées sur un ciel mat griffé de pins légers. À leur pied, dans l’obs
2010 ans l’obscure fraîcheur, voici « les eaux saintes et sobres » de la fontaine Castalie. Une façade immense et tranchée en p
2011 res » de la fontaine Castalie. Une façade immense et tranchée en plein roc. À mi-hauteur elle est creusée de larges niches
2012 ur elle est creusée de larges niches irrégulières et peu profondes, aux voûtes surbaissées ; l’une abrite un fût de colonn
2013 e abrite un fût de colonne ; une autre est vide ; et la dernière comme une porte noire semble s’ouvrir vers l’intérieur du
2014 le flanc du rocher. Pieds nus dans l’eau lustrale et remontant le flot, avec piété, malgré l’angoisse grandissante, je sui
2015 avancé à tâtons jusqu’au fond de la fente étroite et haute, doucement modelée par la source qui sourd des entrailles de la
2016 illes de la Terre, par mille veines de la pierre, et suinte de la nuit des Temps. Jamais plus près du Néant primordial, da
2017 , dans le noir pur. ⁂ Toutes choses qui naissent et croissent sont de la terre et de l’eau. Car nous sommes tous nés
2018 oses qui naissent et croissent sont de la terre et de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre et d’eau. Et l’eau
2019 t de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre et d’eau. Et l’eau dégoutte dans certaines cavernes…46 ⁂ Plus tard,
2020 Car nous sommes tous nés de terre et d’eau. Et l’eau dégoutte dans certaines cavernes…46 ⁂ Plus tard, nous avons e
2021 ous avons essayé de mieux voir l’ensemble du site et d’en prendre quelques photos. Mais il y a peu de recul, peu d’espace
2022 re les chênes denses, le grand bassin d’eau verte et les parois monumentales. Cet espace est pourtant ce que l’on voudrait
2023 l intérieur : on est ici dans l’événement à voir, et non devant… Une autre résistance obscurément s’oppose à l’idée même d
2024 interdit règne ici. Quelque chose ici s’est passé et peut-être se passe encore — mais toujours vient d’être accompli. Il e
2025 Il en reste un silence énorme, ces pierres nues, et la paix solennelle. Le silence qui suit le crime et la naissance, stu
2026 la paix solennelle. Le silence qui suit le crime et la naissance, stupéfiant le monde et notre cœur. Là-haut le feu d’un
2027 uit le crime et la naissance, stupéfiant le monde et notre cœur. Là-haut le feu d’un ciel très clair baigne la crête des B
2028 clair baigne la crête des Brillantes. Ici l’ombre et le creux, la chênaie, l’antre humide. La Grande Bouche de la Nuit, l’
2029 l’oracle primordial était ici, près de la source et de la pierre sacrée, l’omphalos lourd et noir, centre du Monde. Au re
2030 a source et de la pierre sacrée, l’omphalos lourd et noir, centre du Monde. Au retrait de l’ombre des chênes, j’ai trompé
2031 urprendre l’éveil du mythe dans l’espace du rêve, et pour entendre ce qu’on voit ici. Épiant le lent progrès de la réminis
2032 nu devant lui, attendant la parole de son destin, et l’ombre du destin l’a revêtu. Selon la volonté de la Nuit, de la Terr
2033 a volonté de la Nuit, de la Terre, du sol profond et de la caverne où suinte l’eau sacrée du sanctuaire maternel, selon la
2034 héros criminel dans son triomphe, l’Ordonnateur ! Et piété pour les mânes de l’aveuglé, mon frère. (Faute d’un pardon pas
2035 de garde de mon guide. Paix du bassin, eau verte et noire, le silence et l’ombre dorée devant l’immense paroi nue. Splend
2036 e. Paix du bassin, eau verte et noire, le silence et l’ombre dorée devant l’immense paroi nue. Splendeur archaïque, eaux,
2037 que, eaux, rochers, gorge, dragon, dieux, brûlure et fraîcheur. ⁂ Nous errons maintenant parmi les champs de ruines, vers
2038 es champs de ruines, vers la palestre, la tholos, et le temple deux fois frappé par des roches tombées du Parnasse : dans
2039 reliant les blocs d’ancien, d’un gris fauve rongé et poreux — parmi les oliviers géants, incultes, les chèvres, et trois t
2040 parmi les oliviers géants, incultes, les chèvres, et trois touristes silencieux… Tout paraît naturel mais à tel point que
2041 la lumière encore aujourd’hui parle aux hommes et laisse Deviner des propos pleins de sens merveilleux… Car il plaît
2042 s du ciel de descendre Dans un cœur qui s’émeut et connaît leur présence…) ⁂ Nous avons déjeuné sur une terrasse d’aube
2043 in gris, fromage de chèvre, énormes olives noires et une cruche bien fraîche de vin rouge du pays. Bonheur pur. 46. Xéno
23 1969, Articles divers (1963-1969). Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)
2044 s engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance des particulari
2045 tionaux ? Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’est pas contradictoire. Un phénomène très général de convergen
2046 on continentale qui créent le Conseil de l’Europe et le Marché commun, puis leurs contreparties plus ou moins réussies dan
2047 uniste (Comecon), dans le monde arabe, en Afrique et en Amérique latine, cependant qu’une volonté d’union mondiale anime l
2048 volonté d’union mondiale anime les Nations unies et l’Unesco, le Conseil œcuménique des Églises et Vatican II. Simultaném
2049 es et l’Unesco, le Conseil œcuménique des Églises et Vatican II. Simultanément, mais en sens inverse, un phénomène tout au
2050 éral d’affirmation des diversités, des autonomies et des volontés d’indépendance, inspire les mouvements de résurgences co
2051 ments de résurgences communalistes, régionalistes et nationalistes, qu’on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de n
2052 outumes, ou des nécessités économiques nouvelles, et qui enfièvrent tour à tour la Bretagne, les Flandres ou le Pays basqu
2053 gne, les Flandres ou le Pays basque. Convergences et diversification, exigence simultanée de plus grandes unions supranati
2054 simultanée de plus grandes unions supranationales et de plus petites communautés infranationales, solidarités et autonomie
2055 petites communautés infranationales, solidarités et autonomies : ces deux mouvements contraires se prononcent en même tem
2056 même temps, résultent en partie des mêmes causes, et entraînent des effets complémentaires, j’entends le dépassement de l’
2057 épassement de l’État-nation à la fois par en haut et par en bas, d’une part vers des fédérations continentales et d’autre
2058 as, d’une part vers des fédérations continentales et d’autre part vers un fédéralisme régional. La victime de ce double mo
2059 l’État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation d’une mystique — la nat
2060 tique — la nation — par un appareil administratif et policier — l’État. Un État plus ou moins nationalisé ou une nation ét
2061 ance, bientôt imitée par presque toute l’Europe — et au xxe siècle, par une centaine de nations nouvelles. Centralisé, at
2062 entaine de nations nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par les dynamismes contraires du xxe siècle, l’État-nation e
2063 ’Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit et trop grand. Il est trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer
2064 surer ce qu’on persiste à nommer son indépendance et sa souveraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’est plus en
2065 se nourrir seul, au spirituel comme au physique. Et en même temps, presque tous nos États centralisés — et dans la mesure
2066 même temps, presque tous nos États centralisés — et dans la mesure même où ils sont centralisés — se révèlent trop grands
2067 grands pour animer la vie économique, culturelle et surtout civique de leurs régions : celles-ci se sentent exploitées pa
2068 exploitées par l’État, ses bureaux ou sa capitale et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une
2069 re soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequ
2070 e que ce double mouvement de convergence mondiale et de diversification locale ne mette en crise permanente. 855 votes en
2071 aux dernières élections, des autonomistes gallois et écossais. Agitation basque et catalane sourde, mais profonde. Plastic
2072 utonomistes gallois et écossais. Agitation basque et catalane sourde, mais profonde. Plasticages à Saint-Brieuc, dans le T
2073 s à Saint-Brieuc, dans le Tyrol du Sud, à Louvain et dans le Jura bernois. Mais en même temps, multiplication des jumelage
2074 de la Regio Basiliensis, mesures professionnelles et industrielles tendant à dévaloriser les frontières… À tous les coups,
2075 l ne correspond plus ni aux conditions de liberté et de participation civique, apanage des petites communautés ou cités li
2076 ni aux conditions de développement de rentabilité et de sécurité auxquelles ne peuvent répondre que de grands espaces écon
2077 onomiques constitués à la mesure des possibilités et des besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique
2078 hnique. Cet échec de la politique centralisatrice et unitaire, secrètement obsédée par un rêve d’autarcie, et cette mise e
2079 aire, secrètement obsédée par un rêve d’autarcie, et cette mise en question, voire en accusation, de la formule stato-nati
2080 donc une première réponse : oui, nous sommes bel et bien au seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on dire plu
2081 is ils regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands É
2082 ater qu’on trouve parmi eux les plus grands États et les plus modernes des cinq continents — ainsi les États-Unis, le Mexi
2083 inq continents — ainsi les États-Unis, le Mexique et le Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagn
2084 en Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’Est et au-delà l’URSS, l’Inde et l’Aus
2085 de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’Est et au-delà l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du
2086 vie pour celle de l’Est et au-delà l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme « désuet ». Ma
2087 la double exigence antinomique de la convergence et de la diversification n’est pas tellement mieux satisfaite dans ces t
2088 ires : en URSS, ce sont les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques qui sont opprimées par l’Éta
2089 tonomies régionales et les diversités religieuses et politiques qui sont opprimées par l’État central dont un parti unique
2090 îner par des mouvements de convergence européenne et mondiale, même s’ils disent s’inspirer du propre exemple de la fédéra
2091 on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage mal compris, ou son blocage délibéré aux limites
2092 du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme ! Et l’on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode
2093 tablirait bientôt ce double mouvement de diastole et de systole, vers des autonomies plus locales et vers des unions plus
2094 e et de systole, vers des autonomies plus locales et vers des unions plus vastes, qui est le battement même du cœur d’un r
2095 ttribué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. » Pour le
2096 ation de petits États. » Pour le Français cultivé et qui a coutume de se reporter à son Littré quand il veut savoir ce qu’
2097 s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République
2098 de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, semble-t-il,
2099 il, à clarifier un terme que le problème européen et nos situations nationales nous amènent à utiliser quotidiennement. Ma
2100 isme reste d’être un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout cas — aux plus invraisemblables pata
2101 ation intégrale, sans respect pour les diversités et les autonomies des pays membres, c’est-à-dire très exactement le cont
2102 attitude de suspicion envers tout pouvoir central et à la défense ombrageuse des autonomies locales ou régionales. C’est a
2103 s. C’est ainsi qu’un illustre homme d’État belge, et grand Européen, écrivait récemment : « Ce n’est pas dans le fédéralis
2104 , ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles, donc r
2105 e l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle et s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas,
2106 ’entraînent en fait les malentendus que j’ai dits et par suite l’importance pratique de tout effort de clarification des c
2107 ffort de clarification des concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma part, je voudrais maintenant proposer quelque
2108 raines choisies dans les domaines les plus variés et les moins politiques au sens étroit du mot. ⁂ Tout d’abord, trois déf
2109 és humaines antinomiques, mais également valables et vitales, de telle sorte que la solution ne puisse être cherchée ni da
2110 ulement dans une création qui englobe, satisfasse et transcende les exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc sol
2111 e, satisfasse et transcende les exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc solution fédéraliste toute solution qui
2112 le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concil
2113 ient deux maxima contradictoires, — comme l’offre et la demande dans un prix). L’ensemble des problèmes et des solutions a
2114 a demande dans un prix). L’ensemble des problèmes et des solutions ainsi définies constitue ce que je nommerai la politiqu
2115 quel type d’homme correspond une telle politique, et quel type d’homme elle entend préparer ou éduquer, constatons qu’elle
2116 ates au sujet de l’antinomie fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de la permanence et du changement. Parallèlement
2117 de l’Un et du Divers, ou encore de la permanence et du changement. Parallèlement se constituaient les premières définitio
2118 es définitions de l’homme comme individu distinct et de la cité ou auto-nomie (littéralement auto-réglage) comme cellule d
2119 nt auto-réglage) comme cellule de base des ligues et fédérations. Voilà qui est proprement occidental : devant ce même pro
2120 ment occidental : devant ce même problème de l’un et du divers, les métaphysiques orientales prennent le parti de supprime
2121 équilibre neutre, mais bien en tension créatrice, et c’est le succès de cet effort, toujours renouvelé et toujours menacé,
2122 c’est le succès de cet effort, toujours renouvelé et toujours menacé, qui dénote la santé de la pensée européenne, sa just
2123 hétiques ou politiques. « Ce qui s’oppose coopère et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie », dit un f
2124 nie », dit un fragment célèbre d’Héraclite. L’art et la science de cette mise en tension, de cette composition de réalités
2125 , voilà je crois ce qui définit l’apport original et spécifique de la pensée occidentale ; or cette définition vaut égalem
2126 occidentale ; or cette définition vaut également et intégralement pour le fédéralisme, du moins tel que je l’entends, apr
2127 grands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment cruc
2128 écifiquement occidentale vers l’approfondissement et l’expansion du modèle des contraires en tension créatrice, nous le tr
2129 puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’évêques et de docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la nature à la f
2130 d pour définir en grec la nature à la fois triple et une du Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une
2131 ature à la fois triple et une du Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une et double de Jésus-Christ.
2132 riple et une du Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent 
2133 ils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seul e
2134 personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seul et même Seigneur Jésus-Chris
2135 rist. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seul et même Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme… fils unique en d
2136 un seul et même Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme… fils unique en deux natures, sans confusion [ni] séparati
2137 tance de ces énoncés, je retiens que leurs formes et structures posent un certain type de relations, posent donc une socié
2138 ertain type de relations, posent donc une société et une politique. De même que le modèle trinitaire des conciles sera uti
2139 sé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs applications à l’astronomie, ou par Hegel dans sa dialectique t
2140 onomie, ou par Hegel dans sa dialectique ternaire et ses applications au devenir historico-politique — source principale d
2141 des deux natures « sans confusion ni séparation » et de l’union qui « loin de supprimer la différence des natures sauvegar
2142 tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et des conditions de la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte d
2143 dialectiques, à Pascal, Kierkegaard ou Nietzsche, et aux doctrinaires politiques comme Rousseau, Tocqueville et Proudhon,
2144 ctrinaires politiques comme Rousseau, Tocqueville et Proudhon, mais aussi aux écoles récentes de physiciens et de logicien
2145 hon, mais aussi aux écoles récentes de physiciens et de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénomènes, définis
2146 arité de phénomènes, définis comme exclusifs l’un et l’autre, a cessé d’être un scandale, est même devenue principe fondam
2147 des dogmes relatifs aux trois Personnes divines, et surtout à la deuxième, va nous servir de module. La personne humaine,
2148 sidéré dans sa double réalité d’individu distinct et de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libertés, mais de respon
2149 u de libertés, mais de responsabilités, solitaire et solidaire (selon le mot de Victor Hugo repris par Camus), distingué d
2150 se constitue dans la dialectique des contraires. Et ce caractère va se transmettre à tous les groupes qu’il formera avec
2151 upes devront être à leur tour à la fois autonomes et solidaires : pour eux aussi, l’un n’ira pas sans l’autre, bien mieux 
2152 ndispensables l’une à l’autre : la spécialisation et la culture générale. 2° Les problèmes actuels de l’habitat et de l’ur
2153 e générale. 2° Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire le
2154 frustrées dans les grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres.
2155 , de solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres. 3° Au niveau de la vie civique et p
2156 n avec les autres. 3° Au niveau de la vie civique et politique, tout le problème revient à concilier les besoins contraire
2157 esoins contraires, mais vitaux d’autonomie locale et de grands espaces communs, de participation efficace à la vie d’un gr
2158 rticipation efficace à la vie d’un groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des communautés plus vastes et de ca
2159 ouverts, d’adhésion à des communautés plus vastes et de cadres qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation
2160 vastes et de cadres qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée
2161 ation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homologue de la situation de la région qui veut à
2162 ion de la région qui veut à la fois son autonomie et sa participation à un plus grand ensemble, en association. 4° Enfin,
2163 res au sein de l’Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels se
2164 ctoires de la vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une situation par
2165 mensions optimales de l’aire d’exécution requise, et elle le fait en fonction des trois facteurs suivants : possibilités d
2166 isième étape, une fois déterminée cette dimension et l’unité correspondante (communale, régionale, nationale, continentale
2167 talitaire. De plus, les aires d’opération peuvent et doivent différer selon les tâches, j’entends selon qu’elles intéresse
2168 les ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de ses infinies complexités enfin rendu possible par la technique mod
2169 ministration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfin, que nos critères d’évaluation de
2170 fin, que nos critères d’évaluation des dimensions et d’attribution des niveaux décisionnels — la participation, l’efficaci
2171 aux décisionnels — la participation, l’efficacité et l’économie des moyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’e
2172 à bon marché, trop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mai
2173 s chez soi, et qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de
2174 sisterait à recréer les conditions de communauté, et tout d’abord certaines dimensions et structures architecturales : des
2175 communauté, et tout d’abord certaines dimensions et structures architecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25 000
2176 s verts, mais de rues réservées aux seuls piétons et d’une place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la ci
2177 es, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité physique et morale de participation
2178 aux et de manifestations. La possibilité physique et morale de participation à la vie communale dépend de tels aménagement
2179 conflits actuels dans l’université, en tous pays et tous régimes politico-économiques : ils ont pour motif profond l’anti
2180 ie entre la culture générale au sens traditionnel et l’acquisition d’un savoir professionnel souvent d’autant plus rentabl
2181 robatie toute participation réelle à la recherche et compromet toute l’efficacité de l’enseignement. Remède fédéraliste :
2182 des possibilités de recherches très spécialisées et de travaux interdisciplinaires, l’analyse conduisant à souhaiter, com
2183 une fédération de petites unités en départements, et je retrouve ici la solution préconisée lors du fameux colloque de Cae
2184 s (telles que la défense, les affaires étrangères et la politique économique ou certaines recherches scientifiques) sans l
2185 s scientifiques) sans léser les droits essentiels et l’autonomie des unités de base ? Comment devenir assez grand pour êtr
2186 oportionnées à la puissance que l’on veut obtenir et en même temps multiplier les petites unités de base de manière à main
2187 ilités de participation civiques, intellectuelles et affectives. C’est dans ce double dynamisme créateur d’unions plus vas
2188 igences de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cette dialectique concrète que s
2189 ase de la future fédération continentale, en lieu et place des États-nations constitués au xixe siècle. On s’aperçoit alo
2190 tionnelle dénommée État ne suffit pas à qualifier et moins encore à épuiser » … Et il ajoutait : Le fédéralisme est autre
2191 fit pas à qualifier et moins encore à épuiser » … Et il ajoutait : Le fédéralisme est autre chose qu’une simple recette j
2192 s grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation
2193 eut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le social
2194 la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux hommes ces « images de comportement » dont Bertrand de
2195 is loin aussi des définitions étroitement légales et constitutionnelles du xixe siècle. Nous voici sur le seuil de l’ère
2196 ous voici sur le seuil de l’ère de grandes unions et des petites unités fonctionnelles, et l’on va peut-être trouver, dans
2197 ndes unions et des petites unités fonctionnelles, et l’on va peut-être trouver, dans les techniques les plus avancées, le
2198 uivent deux brèves interventions de MM. Léon Noël et Jean Fourastié, demandant d’abord si le modèle suisse est si facileme
2199 apidement si elles ne passent pas à la fédération et qu’en général les pays qui aujourd’hui s’appellent confédération sont
2200 s les notes de la fédération absolument classique et pas du tout des confédérations. La confédération est une mesure d’opp
2201 tre le fédéralisme. Je retournerai la proposition et dirai que, s’il y a un sens civique en Suisse, c’est dû précisément a
2202 n de civisme. Il y a interaction de l’institution et du civisme. Si on trouve qu’il n’y a pas assez de civisme quelque par
2203 egio Basiliensis, qui chevauche trois pays : Bâle et son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin et Mulhouse en France, le pays
2204  : Bâle et son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin et Mulhouse en France, le pays de Bade jusqu’à Fribourg en Allemagne. Ce
2205 t économique. Si une région se constitue vraiment et solidement, comme le veulent ses promoteurs, on croit souvent qu’elle
2206 es réalités culturelles, économiques, du sous-sol et de l’état civil ou de la langue qu’on parle, et qui aboutit par exemp
2207 l et de l’état civil ou de la langue qu’on parle, et qui aboutit par exemple à la division de la région Ruhr-Moselle, qui
2208 surface. Ce genre d’absurdité se révèle intenable et nous oblige à chercher autre chose du côté des régions. Il est certai
2209 scuté avec les cantons, qui sont maîtres d’œuvre, et avec les communes qui peuvent refuser qu’on ruine la vie d’une petite
2210 hniques comme les ordinateurs. 40. H. Brugmans et P. Duclos, Le Fédéralisme contemporain, Paris, 1963, p. 151. z. Rou
2211 ue des travaux de l’Académie des sciences morales et politiques et comptes rendus de ses séances, Paris, 1969, p. 141-153.
2212 de l’Académie des sciences morales et politiques et comptes rendus de ses séances, Paris, 1969, p. 141-153. aa. Discours
2213 l des éléments particuliers — demeurant distincts et reconnaissables — dont se compose la fédération. Il est une symbiose
24 1969, Articles divers (1963-1969). « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)
2214 sur mon vélo j’ai foncé vers le lac. « Partir ! » et toute la vie qui change, tout était libre devant moi ! J’ai erré jusq
2215 t moi ! J’ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie — et suis rentré à la maison pour le dîner. Si j’avais rencontré Gide, en
2216 intimidez. » C’est qu’il ne m’était plus un dieu, et que j’étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, et trouvai
2217 is jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, et trouvait Kierkegaard « trop long ». Fin d’un prestige. Puis il m’a, t
2218 ergé quelques semaines avec ma femme, rue Vaneau, et nos rapports se sont stabilisés autour de la moyenne barométrique « v
2219 yenne barométrique « variable à beau » (affection et réserve réciproques). Sa pensée n’a pour moi rien d’actuel et je dout
2220 éciproques). Sa pensée n’a pour moi rien d’actuel et je doute qu’il en aille autrement pour mes cadets. Je serais tenté de
2221 it rien à l’affaire », l’actualité pas davantage, et son absence n’ôte ou n’ajoute rien à la valeur d’une œuvre pour qui s
2222 n les courriéristes littéraires.) C’est son style et son personnage qui m’ont touché. La plupart des « actuels » écrivent
2223 de leur vivant, plus influents, mieux célébrés — et mieux oubliés tôt après… Gide n’a contesté sérieusement, des fondemen
2224 . Sur tout le reste, il ne cesse d’alterner éloge et doute, avec un sens critique d’autant plus exemplaire que les contest
2225 d’André Gide : « 1. a) Dans quelle mesure l’œuvre et la pensée de Gide vous ont-elles influencé, b) et quels sont les aspe
2226 et la pensée de Gide vous ont-elles influencé, b) et quels sont les aspects de sa pensée qui vous paraissent les plus actu
25 1969, Articles divers (1963-1969). Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)
2227 mais elle a fait pleurer, elle nous émeut encore, et surtout elle a fait agir ; cette approche soigneusement conventionnel
2228 une innovation proprement révolutionnaire, envers et contre tous les préjugés et les recettes éprouvées de l’immobilisme,
2229 volutionnaire, envers et contre tous les préjugés et les recettes éprouvées de l’immobilisme, qui s’est toujours paré du n
2230 e française des discours qui défiaient la syntaxe et qu’il fallait recomposer pour l’impression au Journal officiel. C’est
2231 ession au Journal officiel. C’est qu’il pensait — et disait à ses proches — qu’il ne doit rien rester d’un bon discours, s
2232 pel de l’ordre de bataille des armées en présence et des étapes de la journée, suivi d’une énumération vraiment très longu
2233 ux noms de la noblesse des trois pays aux prises, et d’épithètes strictement conventionnelles : les officiers cités sont t
2234 e « le sang-froid admirable » des deux empereurs, et l’énergie de leurs troupes est bien sûr « indomptable ». Tout cela fa
2235 journée » où de « vaillantes colonnes » prennent et reprennent « des crêtes et des collines qui aboutissent au gracieux m
2236 es colonnes » prennent et reprennent « des crêtes et des collines qui aboutissent au gracieux mamelon des Cyprès, rendu po
2237 es Cyprès, rendu pour jamais célèbre avec la Tour et le cimetière de Solférino, par l’horrible tuerie dont ces localités f
2238 ie dont ces localités furent les glorieux témoins et le sanglant théâtre… » L’on ne trouve dans ces pages pas même une inf
2239 re doute de l’auteur quant à la valeur des armées et de la chose militaire en général. Et quand il sacrifie si libéralemen
2240 r des armées et de la chose militaire en général. Et quand il sacrifie si libéralement aux clichés obligés du récit milita
2241 e de faits d’armes dont il n’a pas été le témoin, et qui auraient tous été, s’il faut l’en croire, de hauts exemples de br
2242 cette grandeur d’âme qui fait la gloire des armes et justifie la guerre aux yeux de beaucoup. Faut-il voir là une captatio
2243 , des salons de la haute bourgeoisie victorienne, et des grandes dames de toute l’Europe qui croient aux mâles vertus des
2244 rs catégories. C’est le style qu’elles attendent, et après tout c’est bien ainsi qu’il faut parler de la guerre telle qu’o
2245 s, au-delà de la captatio, n’y a-t-il une secrète et profonde ironie, une intention de souligner le contraste avec ce que
2246 ns le dire : voilà la guerre telle qu’on la conte et qu’on la vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’elle est, telle
2247 la guerre telle qu’on la conte et qu’on la vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’elle est, telle que je l’ai vue… C
2248 e… Car voici que le récit quittant le style noble et convenu, tourne au plus sobre reportage de scènes vécues durant les j
2249 sobre reportage de scènes vécues durant les jours et nuits qui suivent la bataille. Vers la petite ville de Castiglione —
2250 entasse par milliers dans les églises, le cloître et la caserne, les maisons et les places, et finalement sur la paille, d
2251 es églises, le cloître et la caserne, les maisons et les places, et finalement sur la paille, dans les rues. Tout devient
2252 cloître et la caserne, les maisons et les places, et finalement sur la paille, dans les rues. Tout devient dans le récit p
2253 les rues. Tout devient dans le récit plus concret et précis, exactement situé, chiffré, détaillé d’heure en heure. Il n’y
2254  : le cliché vient de faire place à la chose vue. Et du coup cela devient effroyable. On croirait lire une description d’H
2255 ucune réponse ; la capote, la chemise, les chairs et le sang ont formé chez ceux-là un horrible et indéfinissable mélange
2256 irs et le sang ont formé chez ceux-là un horrible et indéfinissable mélange où les vers se sont mis ; plusieurs frémissent
2257 s vers, qu’ils croient voir sortir de leur corps, et qui proviennent des myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici e
2258 langue sort démesurément de sa mâchoire déchirée et brisée ; il s’agite et veut se lever, j’arrose d’eau fraîche ses lèvr
2259 nt de sa mâchoire déchirée et brisée ; il s’agite et veut se lever, j’arrose d’eau fraîche ses lèvres desséchées et sa lan
2260 ver, j’arrose d’eau fraîche ses lèvres desséchées et sa langue durcie ; saisissant une poignée de charpie, je la trempe da
2261 trempe dans le seau que l’on porte derrière moi, et je presse l’eau de cette éponge dans l’ouverture informe qui remplace
2262 ) qui a pris l’initiative de secourir les blessés et d’organiser ces secours, bientôt suivi par un petit groupe formé de d
2263 ien, d’un journaliste de Paris, d’un Belge exalté et d’un négociant de Neuchâtel qui écrit pour les mourants des lettres d
2264 illance à tous ces hommes d’origines si diverses, et qui leur sont tous également étrangers. Tutti fratelli, répétaient-el
2265 vec émotion ». Le spectacle « de cette formidable et auguste tragédie » laisse à Dunant le sentiment de sa grande insuffis
2266 sance devant le désastre de la guerre vue de près et dans sa nue réalité : Il arrive que le cœur se brise parfois tout d’
2267 rive que le cœur se brise parfois tout d’un coup, et comme frappé soudain d’une amère et invincible tristesse, à la vue d’
2268 ut d’un coup, et comme frappé soudain d’une amère et invincible tristesse, à la vue d’un simple incident, d’un détail inat
2269 étail inattendu, qui va plus directement à l’âme, et qui ébranle les fibres les plus sensibles de notre être. Hanté par l
2270 à rassembler ses souvenirs, trois ans plus tard, et il se borne à suggérer, dans une note, que si ces pages pouvaient fa
2271 ces pages pouvaient faire naître, ou développer et presser la question des secours à donner aux militaires blessés en te
2272 donner aux militaires blessés en temps de guerre… et si elles pouvaient attirer l’attention des personnes douées d’humanit
2273 tirer l’attention des personnes douées d’humanité et de philanthropie, en un mot, si la préoccupation et l’étude de ce suj
2274 de philanthropie, en un mot, si la préoccupation et l’étude de ce sujet si important devaient, en le faisant avancer de q
2275 ps de guerre, par des volontaires zélés, dévoués, et bien qualifiés pour une pareille œuvre ? Tel est l’homme que l’on a
2276 e ? Tel est l’homme que l’on a traité d’utopiste et d’illuminé, et auquel on a tant reproché de manquer du sens élémentai
2277 homme que l’on a traité d’utopiste et d’illuminé, et auquel on a tant reproché de manquer du sens élémentaire des réalités
2278 ne saurait être plus respectueux des conventions et des vertus de la Société de son temps ; ni plus dénué d’amer et de ve
2279 de la Société de son temps ; ni plus dénué d’amer et de vengeur esprit critique : pas un mot de reproche à quiconque dans
2280 odéré : il n’est question que « de quelques pas » et non pas de révolutionner mais simplement « d’améliorer l’état de chos
2281 du Souvenir, la Croix-Rouge est fondée à Genève. Et certes, il n’eût pas pu la fonder seul, sans Gustave Moynier notammen
2282 sans Gustave Moynier notamment, homme de méthode et d’organisation dont l’appui fut décisif, ou sans le général Dufour, q
2283 eule idée en tête, qui est d’approcher l’empereur et d’obtenir de lui la permission (refusée par les ministères) d’acheter
2284 arrive d’invraisemblable, sa dignité en redingote et son désir de se rendre utile. Il cherchait un empereur et il trouve u
2285 ésir de se rendre utile. Il cherchait un empereur et il trouve une idée, aurait pu dire Victor Hugo. Je vois ici la situat
2286 init une vocation. On court après un but habituel et quelconque, le succès d’une affaire, la richesse… On le manque, « par
2287 nque, « par la faute des circonstances », dit-on, et l’on est pris par quelque chose qu’on ne cherchait pas, qui passionne
2288 c raideur mais non sans soulagement sa démission. Et commence pour lui une période de vingt ans de réprobation sociale, d’
2289 t ans de réprobation sociale, d’exil, d’obscurité et de famine. Un jour, on lui a demandé de parler à Plymouth : il ne peu
2290 de Heiden, chambre 12, réussit à le faire parler, et publie sur lui un article qui, bientôt reproduit partout, rend Dunant
2291 anité souffrante ». Le pape lui écrit de sa main. Et c’est enfin le premier prix Nobel de la paix qui vient le couronner e
2292 e par lui un regard dénué de complaisance, lucide et sans espoir quant à l’avenir prochain du monde, le reclus de la chamb
2293 e xixe siècle qui a commencé au soir de Waterloo et qui va se terminer au seuil sanglant de la Première Guerre « mondiale
2294 s un Souvenir, la moindre note d’antimilitarisme, et rien n’est dit non plus contre la guerre en soi (sinon par la violenc
2295 de tous les temps, que ces horreurs sont fatales et voulues par les dieux ; c’est encore admettre la guerre. (Que serait
2296 d’Un Souvenir. Son vrai discours contre la guerre et le militarisme qui la prépare, c’est dans ses inédits qu’il faut le c
2297 e chercher, dans ces textes écrits pour lui seul, et dans le seul respect de la vérité, sans idée d’action immédiate. Le b
2298 ransition entre l’attitude initiale d’Un Souvenir et finale des cahiers de Heiden. La « modestie du but » auquel Dunant ve
2299 nature finale des relations entre la Croix-Rouge et la guerre. Vingt ans plus tard, dans sa retraite, loin de l’action qu
2300 traite, loin de l’action que d’autres poursuivent et de ses contingences « réalistes », Dunant attaque de front. Il note d
2301 d’autres plus habiles que nous, prennent la plume et fassent mieux, nous entassons ici tant bien que mal, toutes sortes d’
2302 n que mal, toutes sortes d’armes contre la guerre et le militarisme, afin d’en faire un petit arsenal où l’on pourra puise
2303 justifier à tout prix des instincts que la raison et la religion répriment : Pourquoi bénir des bataillons partant pour l
2304 ent… Au moins Caïn tua sans savoir qu’il tuait ». Et qu’on ne répète pas que la guerre est la suprême éducatrice du genre
2305 isse, elle corrompt, elle flétrit, elle dégrade. Et ailleurs : Les vertus guerrières ne sont, le plus souvent, que des u
2306 en quelquefois avec l’absence totale de principes et ressemble beaucoup au banditisme, mais en grand.44 Il faut donc con
2307 itisme, mais en grand.44 Il faut donc condamner et supprimer la guerre, ou cesser de parler de la chrétienté. Nous voilà
2308 tienté. Nous voilà loin des clichés d’Un Souvenir et de ses prudences tactiques. Serait-ce que Dunant, écarté de l’action,
2309 nerait au zèle amer du censeur des temps nouveaux et aux compensations fictives d’utopies qui, comme celle de la paix perp
2310 ent de s’entendre sur le sens des termes d’utopie et de réalisme. L’utopiste est celui qui voit la fin sans imaginer ses m
2311 ce de mort à proportion des sacrifices financiers et des efforts de développement technique qu’on consacre à les préparer.
2312 s’en prend à ses principes qui sont dans l’homme, et sur lesquels nous pouvons exercer les pouvoirs de l’esprit humain. C’
2313 aujourd’hui de ne pas voir les liens nécessaires et l’interaction génétique qui unissent la guerre et les États-nations.
2314 et l’interaction génétique qui unissent la guerre et les États-nations. Mais il fallait beaucoup de lucidité et beaucoup d
2315 ats-nations. Mais il fallait beaucoup de lucidité et beaucoup de liberté d’esprit pour distinguer, aux alentours de 1900,
2316 e former l’État-nation : l’École étatisée, laïque et obligatoire, la Conscription universelle et obligatoire, la Presse no
2317 aïque et obligatoire, la Conscription universelle et obligatoire, la Presse nourrie par les agences d’État, le développeme
2318 he) d’aboutir à l’alignement des réflexes mentaux et physiques, des espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce qu
2319 nt des réflexes mentaux et physiques, des espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exacte
2320 s mentaux et physiques, des espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exactement : encaser
2321 ités, les lycées, les pensionnats, les séminaires et autres institutions en plusieurs pays d’Europe, une indéniable école
2322 grand, rien de plus noble que les empire rapaces et sanguinaires d’Alexandre et des Césars, de Charlemagne et de Bonapart
2323 ue les empire rapaces et sanguinaires d’Alexandre et des Césars, de Charlemagne et de Bonaparte ». La Conscription univer
2324 inaires d’Alexandre et des Césars, de Charlemagne et de Bonaparte ». La Conscription universelle : les philosophes avaien
2325 endrait un véritable bienfait… » Le Nationalisme et le colonialisme : il pousse les nations de l’Europe à envahir des pay
2326 te aux peuples asservis : c’est l’opium, le rhum, et les armes, « ce qui ruine et ce qui détruit, au moral comme au physiq
2327 st l’opium, le rhum, et les armes, « ce qui ruine et ce qui détruit, au moral comme au physique… Cette civilisation, en fo
2328 umes barbares, elle les dépouille de leur vieille et respectable moralité ». (Il a fallu plus de soixante ans pour que l’E
2329 e commence à le soupçonner…)45 Enfin la science et la technique nationalisées : Le « caporalisme stupide, cette variété
2330 dans l’espèce césarienne » va vous broyer, « vous et vos libertés nationales… Encore un peu de temps, et l’homme aura, grâ
2331 vos libertés nationales… Encore un peu de temps, et l’homme aura, grâce à la science, des moyens si prodigieux de faire l
2332 ntrainés bon gré mal gré (d’où guerres mondiales) et jetés à une forme de barbarie nouvelle : « la barbarie scientifique »
2333 qui croyaient diriger le « concert des nations » et contrôler le système si vis pacem tout en exaltant le Progrès, ce son
2334 t de millions de jeunes hommes, tant de richesses et la puissance européenne, et les adorateurs de la force pêle-mêle avec
2335 es, tant de richesses et la puissance européenne, et les adorateurs de la force pêle-mêle avec les défenseurs de la justic
2336 contre la vision juste d’un vieillard en colère, et qui avait fait en outre plus de bien qu’aucun homme de son siècle ou
2337 plus insolites à l’époque, pour les « indigènes » et pour la civilisation arabe. Cette attitude n’a pas été étrangère aux
26 1969, Articles divers (1963-1969). Toujours disponible (1969)
2338 plupart de ceux avec qui j’ai longtemps collaboré et dans des circonstances très diverses, je n’arrive plus du tout à retr
2339 a Ligue du Gothard avec Theo Spoerri en mai 1940, et Hans Oprecht fondait l’automne suivant un mouvement rival (à ce qu’il
2340 s capitales d’Europe ou autres villes de congrès, et surtout dans les groupes de travail organisés par notre Centre europé
2341 endrait trop de temps, demanderait trop d’énergie et soulèverait trop d’oppositions. Bien avant d’avoir lu ces lignes, qui
2342 ts ou d’éditions, vers les formes les plus neuves et les problèmes les plus urgents qui se manifestaient dans chacun de ce
2343 e la culture. En sciences, la recherche nucléaire et les moyens de prévenir l’exode des cerveaux (résultante : le CERN). D
2344 rts, le succès rapide de la formule des festivals et les dangers qu’entraînait leur multiplication en concurrence (résulta
2345 festivals européens). Dans l’édition, la création et l’essor des guildes du livre, alors considérées — mais nous pensions
2346 comme un danger pour les libraires, les éditeurs et les corporations du livre en général. Dans ce dernier champ de ses ac
2347 t mieux faire que de s’en remettre à l’expérience et à l’initiative de celui des membres de son comité qui avait le mieux
2348 d, avec parfois d’assez grands succès commerciaux et même littéraires, par ceux des grands éditeurs d’Europe qui, dès le d
2349 s intolérants à l’égard de la formule guildienne… Et surtout, elle contribua à régulariser les relations des dirigeants de
2350 nts des guildes entre eux d’abord, puis entre eux et les éditeurs. Quant à leurs relations avec le vrai public, les chiffr
2351 es Européens contaminés par le goût de la lecture et victimes de son accoutumance. La plupart de ces malheureux ne savent
2352 s devons à l’un des Suisses les plus remarquables et les plus originaux qui soient : l’un des rares qui ait trouvé le secr
2353 ui ait trouvé le secret d’être à la fois efficace et d’humeur enjouée, redoutablement organisé et toujours disponible pour
2354 cace et d’humeur enjouée, redoutablement organisé et toujours disponible pour une aventure éducative ou culturelle, ouvert
2355 éducative ou culturelle, ouvert à toute l’Europe et parfait citoyen. ae. Rougemont Denis de, « Toujours disponible »,
27 1969, Articles divers (1963-1969). « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)
2356 Vous avez écrit : « N’habitez pas les villes » et peut-être est-ce pour cela que vous êtes venu vous installer dans le
2357 lise, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin et Meyrin est vivant à cause de cette place où les gens se voient, se re
2358 construire ? Il faut les édifier loin des villes et loger le personnel dans des cités nouvelles où puisse naître un espri
2359 uvelles où puisse naître un esprit de communauté, et non pas dans des casernes accrochées à de vieux villages que cela dét
2360 9, p. 5. aj. Propos recueillis par Roger Anselme et introduits par le chapeau suivant : « Cinq-cent-soixante-quinze logem
2361 e vivre dans la “Maison des Bois“, demeure simple et belle dans la tradition voltairienne, où logeait, dit-on, le garde-ch
28 1969, Articles divers (1963-1969). Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)
2362 sation fédérale de l’Europe basée sur les régions et non sur les États-nations47, j’ai été amené à relever et à classer le
2363 sur les États-nations47, j’ai été amené à relever et à classer les objections les plus fréquentes à l’entreprise qui fait
2364 n ensemble de réflexes conditionnés par un siècle et demi d’éducation stato-nationaliste gratuite et obligatoire : uniform
2365 e et demi d’éducation stato-nationaliste gratuite et obligatoire : uniformisation et mise au pas des corps par la discipli
2366 onaliste gratuite et obligatoire : uniformisation et mise au pas des corps par la discipline militaire, des esprits par le
2367 ires, des curiosités par la presse à grand tirage et ses agences officieuses, des émotions par l’éloquence patriotique, en
2368 entiment religieux par le culte du Soldat inconnu et la sacralisation des bornes-frontières. Distinguons quatre groupes pa
2369 ifficultés » que l’on oppose au concept de région et aux projets fondés sur lui. Objections mythologiques ou prospective
2370 égion est une nostalgie réactionnaire. Le progrès et l’efficacité, au xxe siècle, exigent des ensembles plus centralisés
2371 iculièrement pour les peuples récemment émancipés et économiquement arriérés. (Z. Brzezinski)48 (Principes d’une réponse
2372 nté qui peut surgir demain, posant un but nouveau et créant ses moyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’on veut, il n’est pas
2373 s assez difficile de faire l’Europe avec les Six, et d’ajouter les Sept aux Six ! Vous risquez de tout saboter en compliqu
2374 cennies. Ce qui est urgent, c’est le prix du lait et le taux d’accroissement de la productivité industrielle. (Principes
2375 t réussi en Europe, la Suisse, a été conçu, formé et accouché en neuf mois exactement, du 17 février au 16 novembre 1848,
2376 is exactement, du 17 février au 16 novembre 1848, et il est entré en vigueur à cette dernière date sans la moindre mesure
2377 ion instantanée des péages entre vingt-cinq États et installation d’un cordon douanier commun, par exemple.) Il n’y a qu’u
2378 eur, ou révolution, procédant d’une vision claire et d’une volonté sincère de réalisation.) Résistances conditionnées p
2379 entre les régions seront forcément plus nombreux et plus mesquins que les conflits entre nos nations. Voulez-vous donc ba
2380 vous donc balkaniser l’Europe ? (Ces étourderies et boutades ne sont guère passibles d’une réfutation.) Résistances co
2381 stances conditionnées par nos habitudes visuelles et les atlas scolaires (une couleur par pays) Comment allez-vous déc
2382 Bretagne n’est pas une entité économique viable. Et qui parle breton à Rennes ? Les ethnies et les économies ne coïnciden
2383 iable. Et qui parle breton à Rennes ? Les ethnies et les économies ne coïncident presque jamais. (Chose étrange, c’est ce
2384 omatiques de ce genre : — L’État doit être unique et indivisible. — De son siège dans la capitale, il régit souverainement
2385 n territoire délimité par les hasards des guerres et les calculs des arpenteurs. — Tout ce qui relève du domaine public (é
2386 défense, tourisme, etc.) doit dépendre d’un seul et même organisme, l’État, dans les limites d’un seul et même territoire
2387 ême organisme, l’État, dans les limites d’un seul et même territoire sur lequel cet État se déclare souverain. — Cette sup
2388 sa puberté), il devient une « nation immortelle » et l’État qui agit en son nom dispose de la vie et de la mort de ses mem
2389 » et l’État qui agit en son nom dispose de la vie et de la mort de ses membres, plus ou moins citoyens ou sujets, selon le
2390 sée de toutes les réalités humaines (spirituelles et physiques, culturelles et économiques) à une seule et unique surface
2391 humaines (spirituelles et physiques, culturelles et économiques) à une seule et unique surface géographique déclarée « so
2392 hysiques, culturelles et économiques) à une seule et unique surface géographique déclarée « sol sacré de la patrie » (et d
2393 géographique déclarée « sol sacré de la patrie » ( et dont le « territoire » d’un chien fournit le modèle) correspond à que
2394 ns forcées, c’est leur préparation, leur conduite et leurs suites qui ont notamment accrédité l’idée que l’économie est au
2395 est au service des desseins politiques d’un État et non de la prospérité de ses citoyens. Aujourd’hui, cette même réducti
2396 térisé par l’hypertrophie de la fonction visuelle et par l’identification du « voir » et du « comprendre » qui s’en suit.
2397 tion visuelle et par l’identification du « voir » et du « comprendre » qui s’en suit. L’homme de la civilisation visuelle,
2398 lecture des signes alignés, des plans, des cartes et des graphiques, l’homme de la « Galaxie Gutenberg » si génialement dé
2399 gutenbergien, que nous sommes tous, peu ou prou, et dans son système de représentation, la région ne saurait apparaître q
2400 ître que sous la forme d’un mini-État centralisé, et d’une mini-nation régie par des bureaux concentrés dans une métropole
2401 staurée par la simple division d’un pays en vingt et une régions, par exemple, plutôt qu’en quatre-vingt-onze départements
2402 it — c’est-à-dire gouvernée par un pouvoir unique et s’exerçant dans tous les domaines clés : le politique, l’économique,
2403 ines clés : le politique, l’économique, le social et le culturel — aurait sans doute plus de chances de favoriser l’inquis
2404 aucun titre un modèle neuf de relations humaines et de structure du pouvoir. Elle ne représenterait aucune révolution, au
2405  avec l’essai de « régionalisation » de la France et de l’Italie cette année même.) Certaines raisons psychologiques s’ajo
2406 d’ailleurs au refus instinctif du saut qualitatif et révolutionnaire, pour favoriser cette évolution, ou plutôt cette dévo
2407 par les petits États que par les ex-puissances — et cela pour une série de raisons (pas seulement militaires) qu’il serai
2408 ici : qu’il suffise d’évoquer la sécurité suisse et ses motifs. Mais le fédéralisme va plus loin, et conçoit d’autres typ
2409 et ses motifs. Mais le fédéralisme va plus loin, et conçoit d’autres types et modèles. Essayons de les approcher en tenan
2410 déralisme va plus loin, et conçoit d’autres types et modèles. Essayons de les approcher en tenant compte des résistances d
2411 procher en tenant compte des résistances décrites et des réflexes stato-nationalistes dont, je le répète, nul de nous n’es
2412 s, par toute la presse, par tous les garde-à-vous et saluts au drapeau, et par deux guerres mondiales des plus réussies (t
2413 , par tous les garde-à-vous et saluts au drapeau, et par deux guerres mondiales des plus réussies (trente-huit-millions de
2414 se naturelle de notre esprit, qui cherche en tout et avant tout la réduction à la rassurante unité, ou au moins à l’unifor
2415 te. Il nous faut apprendre à penser par problèmes et non par nations. Devant un problème donné (urbanisme, participation c
2416 abitation, commune, région, groupe de recherches) et les moyens requis pour les constituer ; 2° à chercher le niveau de dé
2417 es, aux dimensions variées des tâches entreprises et des cadres sociaux qui leur offrent appui. Qu’on me permette un exemp
2418 me permette un exemple personnel, pour aller vite et rester dans le concret. Je suis neuchâtelois de naissance et de tradi
2419 ans le concret. Je suis neuchâtelois de naissance et de tradition : à ce canton va donc mon allégeance patriotique. Neuchâ
2420 it partie de la fédération suisse ; mon passeport et mon allégeance nationale sont donc suisses. Je suis aussi écrivain fr
2421 e la France actuelle, la Wallonie, le Val d’Aoste et la Suisse romande, constitue donc mon allégeance culturelle. Mais je
2422 i j’étais communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais partie d’un très grand nombre de réseaux de relations parenta
2423 affectives, qui n’ont pas de frontières communes, et souvent pas de frontières du tout. Si l’on exigeait que tout cela soi
2424 tout. Si l’on exigeait que tout cela soit unifié et uniformisé dans les limites géographiques d’un territoire délimité au
2425 -à-dire que je crierais à l’assassin, au gangster et au fou ! Voyez Hitler. Mais personne ne m’a démontré qu’entre les amb
2426 e m’a démontré qu’entre les ambitions de Napoléon et celles d’un dictateur du xxe siècle il y ait d’autres différences qu
2427 ux moyens techniques de mise au pas d’une nation. Et de Napoléon à tout État-nation contemporain, la continuité est indéni
2428 ’ordre contractuel d’une société, avec ses cadres et ses mécanismes. Je demande seulement qu’il corresponde aux réalités h
2429 seulement qu’il corresponde aux réalités humaines et qu’il les serve, au lieu de prétendre à les régir en souverain. Je de
2430 a division du phénomène État en autant de foyers, et sa répartition à autant de niveaux, qu’il y a de fonctions diverses d
2431 , qu’il y a de fonctions diverses dans l’humanité et d’ordres de grandeur dans nos projets. Je demande la dissociation et
2432 deur dans nos projets. Je demande la dissociation et la répartition fédéraliste des pouvoirs aujourd’hui concentrés en un
2433 és en un seul lieu, accaparés par l’État national et qui le seront, demain, par l’État régional. IV. Vers une formule f
2434 tionnaires différents tout ce qui aura été séparé et défini ; ne rien laisser dans l’indivision.49 Proudhon entend rédui
2435 rôle d’initiative générale, de garantie mutuelle et de surveillance ». Et il estime puéril de restreindre la séparation d
2436 érale, de garantie mutuelle et de surveillance ». Et il estime puéril de restreindre la séparation des pouvoirs aux membre
2437 gouvernement d’un pays, c’est entre les provinces et les communes : faute de quoi la vie politique abandonne les extrémité
2438 olitique abandonne les extrémités pour le centre, et le marasme gagne la nation devenue hydrocéphale. « Ne rien laisser d
2439 ui conteste un monde : celui de la République une et indivisible des jacobins, de l’Empire napoléonien qui la continue, et
2440 acobins, de l’Empire napoléonien qui la continue, et des totalitaires du xxe siècle qui l’achèvent. Il ne s’agit donc, po
2441 autant décidée la structure des réseaux d’échange et groupes de production économiques, ni des institutions sociales et cu
2442 duction économiques, ni des institutions sociales et culturelles. 2° Les modules ou unités de base politiques et leurs str
2443 lles. 2° Les modules ou unités de base politiques et leurs structures ne sont pas, en principe, superposables aux modules
2444 es ou unités de base économiques (ou culturelles) et à leurs structures propres : les uns et les autres se chevauchent, se
2445 turelles) et à leurs structures propres : les uns et les autres se chevauchent, se recoupent différemment, sont parfois en
2446 lasses » de faits économiques, ethniques, sociaux et culturels d’aires différentes, définissant des régions spécifiques. «
2447 ément à deux ensembles (dans mon cas : « Suisse » et « francophonie »), mais si l’on passe à trois ou quatre ensembles, c’
2448 sembles, c’est difficile ; au-delà, irréalisable. Et pourtant facile à comprendre, dans le concret de l’existence. Prenons
2449 a Regio basiliensis s’étend sur trois pays : Bâle et son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin en France, et Land badois en R
2450 son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin en France, et Land badois en République fédérale d’Allemagne. Rien au monde ne saur
2451 , n’est pas sérieux », pensent tous les jacobins, et les sous-offs dont le saint patron fut « le Petit Caporal ».) V. U
2452 llent ou non la coordination, sous quelles formes et dans quels domaines bien définis. Le Marché commun, par exemple, qui
2453 existent, ou sont souhaitables, entre l’économie et l’Université, ou entre les formules de participation civique et l’urb
2454 é, ou entre les formules de participation civique et l’urbanisme : il serait facile de multiplier ce type de problèmes à r
2455 re au niveau communal, régional, national-fédéral et continental. c) Le niveau des fédérations « nationales » de régions
2456 se, où il paie ses impôts, qui est de sa paroisse et quels sont les paysages de son cœur, et aucun de nous n’exige que tou
2457 paroisse et quels sont les paysages de son cœur, et aucun de nous n’exige que tout cela soit inscrit dans les limites pei
2458 Voir aussi : « Vers le fédéralisme », n° 34, 1934 et « Précis Ordre nouveau », n° 34, 1936, de la revue L’Ordre nouveau  
2459 u », n° 34, 1936, de la revue L’Ordre nouveau  ; et mon Journal d’une époque , 1968, p. 107, note 1. 48. Mais quand Mal
2460 as renoncé au « totalitarisme » de leurs pouvoirs et ne se seront pas dessaisis, en tant qu’entités politiques, des « droi
2461 conomiques qu’ils s’arrogent en barons pillards ; et tant qu’il n’y aura pas, au niveau continental, une autorité politiqu
29 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
2462 s se marient en moyenne à 25 ans la première fois et à 41 ans la deuxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à
2463 fois et à 41 ans la deuxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à 38 ans, on a généralement quelques souvenirs,
2464 uxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à 38 ans, on a généralement quelques souvenirs, quelques cheveux blan
2465 ement quelques souvenirs, quelques cheveux blancs et des enfants du premier lit : ça pose des problèmes (voir Elle n° 1216
2466 , solides, bien bâties. On a passé l’âge de Roméo et Juliette, mais on espère bien arriver à Philémon et Baucis. On en est
2467 Juliette, mais on espère bien arriver à Philémon et Baucis. On en est encore très loin : pour beaucoup de femmes, le seco
2468 légitime, l’homme qui fait découvrir les délices et les délires de l’amour physique tels qu’on ne les soupçonnait guère à
2469 n espère les connaître longtemps. Amours, délices et mairie (pas d’orgues pour les divorcés), le remariage c’est souvent l
2470 t pas seulement l’écrivain qui a le mieux analysé et expliqué l’amour et le couple, il est aussi depuis seize ans le (deux
2471 rivain qui a le mieux analysé et expliqué l’amour et le couple, il est aussi depuis seize ans le (deuxième) mari de Nanik
2472 ussi depuis seize ans le (deuxième) mari de Nanik et il forme avec sa (seconde) femme l’un de ces couples dont on dit simp
2473 , cela double aussi les « chances » arithmétiques et psychologiques de divorce, donc de remariage. Il y a la facilité de p
2474 Mobilité non seulement géographique mais sociale et professionnelle qui donne aux gens l’occasion de vivre plusieurs vies
2475 d’emploi, de milieu avec une facilité croissante et on admet avoir d’autres aspirations à 40 ans qu’à 20 ans. D’où la mul
2476 ariage : chacun sait désormais qu’il y a problème et qu’on peut en parler, qu’il faut même en parler librement et sérieuse
2477 ut en parler, qu’il faut même en parler librement et sérieusement. La crise du mariage et la cellulite sont même devenues
2478 er librement et sérieusement. La crise du mariage et la cellulite sont même devenues les deux mamelles de la presse fémini
2479 s de littérature romanesque sur le second mariage et peu ou point de témoignages publiés (enquêtes sociologiques, enquêtes
2480 ologiques). Il faudrait pouvoir comparer les âges et les motivations des conjoints lors du premier et du second mariage. A
2481 et les motivations des conjoints lors du premier et du second mariage. Analyser leur évolution, les réactions des enfants
2482 inguer ce qui tient aux acteurs — les conjoints — et ce qui tient à la situation en soi, qu’est le deuxième mariage. Faute
2483 atériel, je me vois réduit à ma propre expérience et à celle des couples remariés que je connais. La première fois, on é
2484  », les complexes sont des ensembles de réactions et d’associations affectives formés dans l’enfance et restés inconscient
2485 t d’associations affectives formés dans l’enfance et restés inconscients. On ne connaît pas ses complexes, ils nous dirige
2486 us dirigent à notre insu, à notre corps défendant et c’est en quoi ils sont gênants, voire dangereux. Les motivations du p
2487 es chances de correspondre à la réalité des êtres et de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une image sans le savoir. Et
2488 x ! On tombe amoureux d’une image sans le savoir. Et l’on se trouve marié avec une femme réelle, bien différente. Elle, eh
2489 age « d’attitude » : on veut prouver aux autres — et à soi-même qu’on sait ce qu’on veut et qu’on n’a besoin de personne.
2490 x autres — et à soi-même qu’on sait ce qu’on veut et qu’on n’a besoin de personne. Moins on est sûr de la durée de ses sen
2491 r de la durée de ses sentiments, plus on s’entête et plus on se dépêche. À 20 ans, il est classique de se marier en claqua
2492 la porte. Mais la cause d’échec la plus fréquente et la plus grave c’est la confusion entre l’amour véritable et la passio
2493 grave c’est la confusion entre l’amour véritable et la passion, puis entre la passion et le mariage. L’erreur fondamental
2494 ur véritable et la passion, puis entre la passion et le mariage. L’erreur fondamentale, c’est de vouloir « épouser Iseut »
2495 is une certaine forme d’amour qui veut l’obstacle et qui l’invente au besoin pour mieux s’exalter. La passion suppose touj
2496 alter. La passion suppose toujours entre le sujet et l’objet — Tristan et Iseut — un roi Marc qui les sépare : la morale,
2497 pose toujours entre le sujet et l’objet — Tristan et Iseut — un roi Marc qui les sépare : la morale, la société, le père,
2498 assion Mais où est le roi Marc entre le garçon et la fille qui se marient « avec passion » ? Il n’y en a plus, aujourd’
2499 si l’un des deux est marié, il n’a qu’à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-ce pas la morale sociale qui détruit la p
2500 it pas fatale, qui pourrait flamber au grand jour et même au jour le jour ? Non, la passion implique la fatalité. La passi
2501 sion dit : « Oui, j’aime une telle, son caractère et ses goûts seront peut-être incompatibles avec les miens mais c’est pl
2502 n’est pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi. Et il est nécessaire d’en avoir un, de pouvoir accuser le sort, puisque
2503 du passionné Vous avez démontré dans L’Amour et l’Occident que l’amour tel qu’on le rêve — l’amour-passion — est né
2504 le rêve — l’amour-passion — est né avec « Tristan et Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons sous l’emprise de ce
2505 ’amour-passion — est né avec « Tristan et Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons sous l’emprise de ce mythe dégén
2506 pas six siècles. Quel rapport y a-t-il entre l’un et l’autre ? C’est qu’autrefois on se mariait pour des raisons : fortune
2507 raisons : fortune, terres, agrément du caractère et du physique, et on restait marié pour des raisons : religieuses, soci
2508 ne, terres, agrément du caractère et du physique, et on restait marié pour des raisons : religieuses, sociales, familiales
2509 problèmes inéluctables que posent les caractères et les tempéraments. On pense toujours qu’on sera l’exception, qu’on réu
2510 até. C’est le défi sentimental, le défi téméraire et dérisoire du passionné. Tout ça, ce sont les défauts possibles et mêm
2511 passionné. Tout ça, ce sont les défauts possibles et même courants d’un premier mariage. Ces causes d’échec sont-elles aut
2512 sont les cas désespérés. Mais le cas intéressant, et heureusement le plus courant, c’est un premier mariage raté suivi d’u
2513 ’une réflexion lucide sur les causes de cet échec et de déductions constructives. Normalement, tout ira mieux. Parce qu’on
2514 un mariage « d’attitude ». On est plus conscient et on ne se joue plus la comédie — ni aux parents. On a compris que l’es
2515 e les raies du zèbre », dit un proverbe oriental) et , comme on a pris conscience de la nécessité de la durée, on accorde u
2516 mpatibilité des caractères, aux éléments durables et indispensables à la durée du mariage. Attention, ne vous remariez
2517 n carafe » peut pousser à un remariage précipité. Et aussi le désir de prendre une revanche, de marquer un point sur son e
2518 eureuse sans toi. » C’est une réaction infantile. Et des difficultés particulières une fois qu’on est remarié ? C’est ici
2519 s’agit de distinguer ce qui tient aux « acteurs » et ce qui tient à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce sont les dif
2520 ation elle tient en une phrase ou un fait évident et qui sera ressenti plus ou moins douloureusement : ce n’est plus la pr
2521 itage littéraire occidental, surestime la passion et sous-estime les caractères, les goûts et les antécédents. Un mariage
2522 passion et sous-estime les caractères, les goûts et les antécédents. Un mariage où il n’y aurait que des « convenances »
2523 passion Il faut donc « quelque chose de plus » et ça ne peut être la passion. Quel est ce « quelque chose » sans lequel
2524 t l’acceptation de cet être tel qu’il est, limité et réel mais secrètement en marche vers lui-même que l’on choisit, non p
2525 templation, mais comme une existence incomparable et autonome à laquelle on voudrait participer : voilà la plus profonde t
2526 jection sur l’autre d’un idéal qui n’existe pas — et l’on s’en aperçoit très vite — alors que le vrai amour est agent de p
2527 imation de la passion, issue du mythe de Tristan, et de toute la littérature romanesque, se sont ajoutés tous les tabous s
2528 e ce que pour la première fois, grâce à ce savant et à ses recherches « scientifiques », on osait parler du sexe ! Aujourd
2529 analyser les motivations de son mariage. De même et plus encore pour le divorce : si l’on veut en tirer une leçon, il est
2530 la beauté, mais aussi de la difficulté du mariage et je pense que « l’essai » peut aider. Bien sûr, l’expérience est limit
2531 st limitée : on sait que ça pourrait ne pas durer et l’on décide qu’on n’aura pas d’enfants ; il n’y aura donc pas de vict
2532 partir ensemble en vacances — l’idée de passion. Et qui négligeaient toutes les difficultés réelles, celles qui naissent
2533 usieurs années. Aucun rapport avec les amourettes et liaisons nouées sans idée de durée. Mais il y a quand même des différ
2534 rmes avec un vrai mariage : il manque les enfants et il manque tout le côté social — être reconnu par les autres comme un
2535 tres comme un vrai couple, ce qui est un ciment — et surtout l’idée que ça doit durer toujours. « Après tout, je ne suis p
2536 ec lui », se dit-on au premier accrochage sérieux et ça n’incite pas à l’effort, à la tolérance, l’amour difficile. Il man
2537 taire on nous imposait des marches d’entraînement et j’ai fait à cette occasion une découverte qui a joué un rôle importan
2538 e flancher, n’acceptait simplement pas la fatigue et cela changeait tout. La valeur du « oui » solennel Mais vous n’
2539 me une marche d’entraînement. Le seuil de fatigue et de lassitude sera infiniment plus élevé ou plus éloigné dans la « lon
2540 onise Margaret Mead, dans l’idée qu’il est normal et inévitable de divorcer ? Il vaudrait beaucoup mieux leur apprendre qu
2541 rendre que la vraie vie, c’est la vie quotidienne et qu’elle n’a rien de terne et d’ennuyeux (si les gens ne sont pas eux-
2542 t la vie quotidienne et qu’elle n’a rien de terne et d’ennuyeux (si les gens ne sont pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Ca
2543 nnuyeux (si les gens ne sont pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’est-ce qu’un premier mariage ? La confrontati
2544 mais au contraire une raison de ne pas se marier, et qu’être heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’être intenséme
2545 urs, la crise du mariage sera résolue en principe et la majorité des divorces évités. Mais l’emprise du mythe est tellemen
2546 romanciers de la Table ronde, Tristan ont affiné et « compliqué » les sentiments, donc ont fait faire d’énormes progrès à
2547 fondez pas le mariage sur ce qui vit de sa crise et l’entretient ! Et le mariage lui-même, pensez-vous qu’il doit être « 
2548 iage sur ce qui vit de sa crise et l’entretient ! Et le mariage lui-même, pensez-vous qu’il doit être « modernisé » ? Le m
2549 ge c’est une œuvre d’art, une construction à deux et comme toute création il a ses difficultés. Il faut sans cesse compren
2550 Il faut sans cesse comprendre à nouveau, risquer et se risquer, découvrir et inventer. La fidélité n’est pas un luxe, une
2551 endre à nouveau, risquer et se risquer, découvrir et inventer. La fidélité n’est pas un luxe, une coquetterie morale et en
2552 idélité n’est pas un luxe, une coquetterie morale et encore moins une « convenance » ou un « agent de répression », elle e
2553 euglant, de la passion « fatale » mais changeante et de l’amour subi, irresponsable. La fidélité c’est bien autre chose qu
2554 romper sa femme : c’est une œuvre d’art exigeante et qui tente le meilleur en chacun de nous. Je sais bien que depuis des
2555 43-44. am. Propos recueillis par Claude Berthod et introduits par le chapeau suivant : « Denis de Rougemont, l’écrivain
2556 mont, l’écrivain philosophe, l’auteur de L’Amour et l’Occident — ce livre est un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’
2557 ident — ce livre est un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’ont lu sont mieux armés pour réussir leur vie à deux —, vo
30 1969, Articles divers (1963-1969). Le personnalisme, la contestation, les hippies et… le fédéralisme (27 septembre 1969)
2558 Le personnalisme, la contestation, les hippies et … le fédéralisme (27 septembre 1969)an ao Denis de Rougemont, aux y
2559 e « unique », d’une thèse retentissante, L’Amour et l’Occident . Cet ouvrage, qui démontrait que l’idée de passion amoure
2560 use trouvait ses origines dans la poésie cathare, et qui nous faisait ensuite descendre les différents cercles de la passi
2561 les de la passion, connaîtra plusieurs rééditions et sera traduit en plusieurs langues. Aujourd’hui, on le trouve en livre
2562 ans, Doctrine fabuleuse, Personne du drame [sic] et Les Mythes de l’amour. C’est donc l’illustre théoricien de l’amour-pa
2563 éoricien de l’amour-passion qu’un public nombreux et enthousiaste était venu entendre jeudi soir à l’Université McGill. Le
2564 du Département de français de l’Université McGill et du Consulat général de Suisse, répondait d’ailleurs on ne peut mieux
2565 r du Centre européen de la culture, qu’il a fondé et qu’il dirige depuis 1949. Si à ses nombreux titres on ajoutait celui
2566 ifférents pôles autour desquels se meut la pensée et l’action de M de Rougemont. Le personnalisme « Mais qui est donc
2567 our moi il n’y a aucune séparation entre L’Amour et l’Occident et les ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ai
2568 a aucune séparation entre L’Amour et l’Occident et les ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ai déjà écrit sur
2569 traire osmose complète entre mon action politique et mes livres. Au-delà, donc, de cette diversité des thèmes, il y a cont
2570 rait comme mon disciple en érotique personnaliste et qu’il exigeait que je lui montre cette cohérence entre mon érotique d
2571 ohérence entre mon érotique du mariage, du couple et mes théories fédéralistes. À quoi je lui ai répondu que rien n’était
2572 essemblance profonde entre le problème de l’homme et de la femme dans le mariage, et celui des autonomies locales et de l’
2573 oblème de l’homme et de la femme dans le mariage, et celui des autonomies locales et de l’union dans une fédération, où il
2574 dans le mariage, et celui des autonomies locales et de l’union dans une fédération, où il s’agit précisément de respecter
2575 précisément de respecter complètement les droits et de l’autonomie locale et de l’union, ceci au bénéfice des deux, natur
2576 complètement les droits et de l’autonomie locale et de l’union, ceci au bénéfice des deux, naturellement. Je me réfère to
2577 dit, en substance, que les deux natures, l’homme et Dieu, dans le Christ sont simultanément présentes, complètes chacune
2578 ’entre elles, sans séparation mais sans confusion et sans subordination de l’une à l’autre, et que de plus, leur union, lo
2579 nfusion et sans subordination de l’une à l’autre, et que de plus, leur union, loin d’évacuer les différences, ne fait que
2580 vacuer les différences, ne fait que les renforcer et les confirmer. Cette définition théologique, on la retrouve naturelle
2581 x réalités contraires, mais qui sont bonnes l’une et l’autre, il ne faut pas s’empresser de s’en sortir en supprimant l’un
2582 e ignorance satisfaite des injustices établies ». Et là, deux dates cruciales marquent la biographie de M. de Rougemont. L
2583 ues : L’Ordre nouveau , au côté d’Arnaud Dandieu et Robert Aron, Esprit avec Emmanuel Mounier et Georges Izard, et enfi
2584 eu et Robert Aron, Esprit avec Emmanuel Mounier et Georges Izard, et enfin sa propre revue Hic et Nunc qui regroupe au
2585 Esprit avec Emmanuel Mounier et Georges Izard, et enfin sa propre revue Hic et Nunc qui regroupe autour de lui des éc
2586 oupe autour de lui des écrivains, des philosophes et des théologiens protestants. Mais, 1932 marque aussi la naissance du
2587 rticle qui avait déjà paru dans la revue Esprit et qui constitue, nous fait remarquer M. de Rougemont, « la seule défini
2588 s auxquelles prirent part, entre autres, Berdiaev et Gabriel Marcel. On ne pouvait donc espérer de meilleur interlocuteur
2589 , mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsable. C’est l’individu distingué de la masse par sa vocation,
2590 a vocation est à la fois ce qui distingue l’homme et le relie à la communauté où il exerce. Ce qui l’amena — avant Sartre,
2591 ous appelions en 1932 la révolution personnaliste et communautaire, c’était quelque chose qui se posait dans les termes d’
2592 évaut aujourd’hui. Ce qui nous avait alors alerté et réveillé c’était l’exemple du nazisme et du communisme stalinien. Et
2593 s alerté et réveillé c’était l’exemple du nazisme et du communisme stalinien. Et puis il y a eu la montée de la guerre. On
2594 l’exemple du nazisme et du communisme stalinien. Et puis il y a eu la montée de la guerre. On voulait nous faire croire q
2595 croire qu’il y avait de grandes causes à défendre et nous ne voyions pas du tout lesquelles à ce moment-là. Cette crise ex
2596 testation qui s’est développée à Paris, à Berlin, et ailleurs quelque chose que je crois extrêmement dangereux, et qui ne
2597 quelque chose que je crois extrêmement dangereux, et qui ne ressemble pas du tout à notre réaction personnaliste et commun
2598 semble pas du tout à notre réaction personnaliste et communautaire. Elle ressemble plus souvent à la réaction des jeunes f
2599 uvent à la réaction des jeunes fascistes italiens et nazis qui ne respectaient plus rien finalement que la force. Quand on
2600 t que la force. Quand on dit, il faut tout casser et après on verra bien, moi j’ai déjà vu ce qui va se passer : c’est la
2601 nd celui-ci prêche la destruction de l’Université et refuse de dire ce qu’il y mettra à la place. C’est de la démagogie fa
2602 y mettra à la place. C’est de la démagogie facile et extrêmement dangereuse. Car, finalement cela ne fait que servir le fa
2603 suis malheureusement certain qu’ils se trompent. Et cela il le regrette profondément. Car, pour notre interlocuteur, la r
2604 analyser toujours exactement, mais ils le sentent et y réagissent instinctivement en anarchistes. Les hippies Je pen
2605 ppies. Je trouve leur réaction absolument normale et saine, même s’ils vont parfois trop loin, même s’il y a trop de drogu
2606 ruire, M. de Rougemont s’est employé à la définir et à en propager l’idée de par le monde. Car 1946 marque cet autre tourn
2607 mondes , parce que nos voisins se font la guerre, et s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su se fédérer progressive
2608 illite retentissante des systèmes centralisateurs et du nationalisme étatisé. C’est la guerre la plus antisuisse de l’hist
2609 ite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit
2610 eule solution valable pour la survie de l’Europe. Et depuis, il travaille sans relâche à la cause du fédéralisme. Il ne no
2611 s avais dit que l’homme doit être à la fois libre et responsable, il en est de même pour chaque nation dans l’Europe fédér
2612 que nation dans l’Europe fédérée que je préconise et qui n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédérati
2613 agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiq
2614 ques autonomes, libres de leur gestion intérieure et responsables les unes des autres devant le danger commun. Personnalis
2615 des autres devant le danger commun. Personnalisme et fédéralisme, c’est un tout. Cette théorie fédéraliste nous amène, on
2616 x éléments en apparence contradictoires : l’union et l’autonomie ; l’union étant toujours au service de l’autonomie, et pa
2617 l’union étant toujours au service de l’autonomie, et pas le contraire. Un Québec séparé signifierait donc, pour M. de Roug
2618 époque, car cet État serait à la fois trop grand et trop petit. Trop petit pour jouer un rôle international ; et trop gra
2619 it. Trop petit pour jouer un rôle international ; et trop grand parce que la vraie cité où l’homme peut participer à la vi
2620 es termes, il s’agirait pour l’auteur de L’Amour et l’Occident de créer des autonomies au niveau de la commune, par la r
2621 ougemont, que ces États se dissolvent en régions, et alors, et ce n’est seulement qu’alors, qu’on arrivera à fédérer l’Eur
2622 que ces États se dissolvent en régions, et alors, et ce n’est seulement qu’alors, qu’on arrivera à fédérer l’Europe, car c
2623 péenne des universités, une autre pour le charbon et l’acier, et ainsi de suite. Alors qu’un Conseil fédéral établira les
2624 niversités, une autre pour le charbon et l’acier, et ainsi de suite. Alors qu’un Conseil fédéral établira les grandes opti
2625 assurance », lit-on dans Journal d’une époque . Et ailleurs : « il faut être absolument moderne. L’immobilisme, l’attent
2626 n] Le personnalisme, la contestation, les hippies et … le fédéralisme », Le Devoir, Montréal, 27 septembre 1969, p. 11. ao
31 1969, Articles divers (1963-1969). La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)
2627 nous fondions les revues personnalistes Esprit et L’Ordre nouveau — tout le mouvement personnaliste, qui est devenu e
2628 evenu ensuite le mouvement fédéraliste européen — et nous définissions la révolution pas du tout comme le grand chambardem
2629 nd chambardement ou la violence ou verser du sang et tout ça, mais comme la substitution d’un ordre nouveau à ce que nous
2630 l’homme. C’est-à-dire un ordre qui ne reposait — et c’est encore bien plus visible aujourd’hui qu’alors — que sur les néc
2631 lle, de la distribution des richesses, du profit, et de choses aussi pauvres que cela, pour créer une communauté. Qui, au
2632 os villes deviennent inhabitables, impraticables, et nous sommes obligés de nous poser cette question pour la première foi
2633 édéralisme ? Par un cheminement absolument normal et logique — inévitable. La personne, c’est l’individu à la fois libre e
2634 le. La personne, c’est l’individu à la fois libre et responsable. Libre dans la mesure où il est responsable, et responsab
2635 able. Libre dans la mesure où il est responsable, et responsable dans la mesure où il est libre […] Les deux choses sont a
2636 n’est-ce pas, que j’ai lancée en France en 1933, et qui forme les deux premiers chapitres de mon premier livre, publié à
2637 livre, publié à Paris en 1934… Est-ce que le mot et la chose « engagement » ont encore aujourd’hui une signification quel
2638 complètement de sa responsabilité intellectuelle et de son jugement, pour se livrer, pieds et poings liés, à un parti, à
2639 ctuelle et de son jugement, pour se livrer, pieds et poings liés, à un parti, à condition qu’il soit de gauche d’étiquette
2640 e. Pour moi — enfin, pour nous : Mounier, Dandieu et tous les autres — c’était essentiellement manifester au niveau de la
2641 ans ma définition de la personne comme être libre et responsable à la fois le fondement de la liberté personnelle et de l’
2642 à la fois le fondement de la liberté personnelle et de l’action communautaire. Le mot fédéralisme est toujours mal com
2643 que le mot fédéralisme est toujours mal compris. Et c’est presque fatal, parce que c’est un mot qui joint deux réalités c
2644 la réalité des autonomies locales, personnelles, et la réalité de l’union qui, dans mon esprit, est destinée à garantir c
2645 l y a deux manières de concevoir la vie politique et la vie publique. Une vise à la puissance collective ou d’un homme, l’
2646 llective ou d’un homme, l’autre vise à la liberté et à la libération maximales des hommes, des personnes. Je suis contre l
2647 ècle, qui ne visait qu’à la puissance collective, et qui aboutit aux guerres que l’on sait. […] Souveraineté nationale gro
2648 u nous faire avaler pendant tout le xixe siècle, et dans nos manuels encore, comme une forme possible de gouvernement. Qu
2649 éen de la culture, que vous avez fondé, je pense, et que vous présidez, à Genève ? J’ai créé ce Centre en 1949-1950 comme
2650 s qui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet, et des efforts politiques qui étaient faits par le Conseil de l’Europe à
2651 par des tours de force, réussi à créer ce Centre et à le maintenir. Qui devait être un lieu de rencontre pour les hommes
2652 oclites, d’après les besoins qui se manifestaient et les possibilités d’y répondre : une Association européenne des festiv
2653 un besoin européen, une possibilité d’y répondre, et un certain nombre de gens qui ont envie qu’on le fasse, nous les réun
2654 ui se dit mon disciple en érotique personnaliste, et qui m’a défié, il y a deux ans, de prouver que mon idée du mariage et
2655 y a deux ans, de prouver que mon idée du mariage et de l’amour me conduit au fédéralisme. J’ai dit : rien n’est plus faci
2656 er ensemble des natures différentes — l’autonomie et l’union — et chacune portée à son maximum, chacune aidant l’autre à e
2657 es natures différentes — l’autonomie et l’union — et chacune portée à son maximum, chacune aidant l’autre à exister. Eh bi
2658 ge, c’est exactement la même chose entre un homme et une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse en ceci
2659 religieuse. Avec la débandade générale de l’idée et de la chose religion, comment cette vue-là se tient-elle aujourd’hui 
2660 est en crise partout. Les formes ecclésiastiques, et tout ça, sont en pleine crise — je n’irai pas jusqu’à dire débandade,
2661 , nous allons vers le règne de l’ennui mécanique et technique, dont la contrepartie sera immanquablement une espèce d’imm
2662 que vous insistez beaucoup sur l’opposition Dieu et diable, sur l’opposition Bien et Mal. Vous faites notamment une sorti
2663 ’opposition Dieu et diable, sur l’opposition Bien et Mal. Vous faites notamment une sortie contre la psychanalyse. Est-ce
2664 tout. Je suis très intéressé par la psychanalyse et il y a très longtemps que je m’en occupe et que je trouve ça très imp
2665 alyse et il y a très longtemps que je m’en occupe et que je trouve ça très important. Non. Dans La Part du diable , j’opp
2666 a demandé une postface que j’ai presque terminée, et dans laquelle je décris le diable comme, au fond, l’augmentation de l
2667 par exemple, l’énergie lumineuse en électricité, et d’électricité en chaleur — toujours une forme d’organisation de l’éne
2668 par ce qu’on appelle en science la néguentropie. Et par la récréation de foyers d’inégalité de création, de dynamisme. Qu
2669 de création, de dynamisme. Quel rapport entre ça et , chez Freud, la dialectique entre pulsion de vie et pulsion de mort ?
2670 , chez Freud, la dialectique entre pulsion de vie et pulsion de mort ? Eh bien, il y a une certaine correspondance, une an
2671 t-ce pas ?, à unifier, à uniformiser, à égaliser, et toujours au profit du degré le plus bas d’organisation, le plus simpl
2672 our desquels se forment de nouvelles communautés. Et grâce à ça, on maintient l’humanité, n’est-ce pas ? L’humanité ne pro
2673  ? L’humanité ne progresse que par les meilleurs, et ne dure que par les moyens. Il faut les deux, mais il ne faut pas don
2674 1. aq. Propos recueillis par Jean-Paul Brousseau et introduits par la note suivante : « Parce qu’il est né à Neuchâtel (S
2675 où l’on commence à être suspect pour les jeunes. Et pourtant !… À l’entendre parler de personnalisme, mouvement auquel il
2676 avec Emmanuel Mounier dans la fondation d’Esprit, et dans la création de l’Ordre nouveau avec Arnaud Dandieu, George Izard
2677 l’Ordre nouveau avec Arnaud Dandieu, George Izard et Daniel-Rops, on retrouve vite en lui le jeune homme dans la vingtaine