1
se ne saurait se targuer d’avoir donné à l’Europe
et
au monde une « culture nationale » bien caractérisée ; ni même d’avoi
2
probable.) Mais cet apport ne fut jamais typique
et
spécifique d’une unité bien évidente, à la fois culturelle et politiq
3
e d’une unité bien évidente, à la fois culturelle
et
politique, comme le furent la Sérénissime, les états généraux de Holl
4
les unités locales — vallées, cités, principautés
et
républiques — dont on sait la diversité non seulement de langue, de c
5
diversité non seulement de langue, de confession
et
de coutumes, mais de régime politique, pendant des siècles. C’est ce
6
le à l’Europe. Pratique restée longtemps sans nom
et
sans doctrine — ou du moins, sans doctrine trop clairement formulée.
7
e de manière assez différente par les Alémaniques
et
les Romands. Pour les premiers, fédération veut dire « communauté du
8
rtout volonté de maintenir les autonomies locales
et
cantonales, contre les empiètements de l’autorité centrale. Rien d’ét
9
que est mal connue ou mal comprise à l’extérieur,
et
notamment chez nos voisins français, épris de logique, disent-ils, et
10
s voisins français, épris de logique, disent-ils,
et
centralisateurs. Un Français cultivé et qui se demande quel est le «
11
sent-ils, et centralisateurs. Un Français cultivé
et
qui se demande quel est le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt
12
ttribué aux girondins de rompre l’unité nationale
et
de transformer la France en une fédération de petits États. « Aux jac
13
s, on agita gravement la question du fédéralisme,
et
on souleva mille fureurs contre les girondins. » Thiers, Histoire de
14
e. ⁂ Comme toutes les choses vivantes, organiques
et
intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositi
15
alisme est plein de contradictions, d’oppositions
et
de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais
16
es contradictions, les oppositions, les tensions,
et
cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’allons pas cr
17
niversel ou d’opportunisme lâche, qui tolère tout
et
ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances
18
occidental moderne : le centralisme uniformisant,
et
le particularisme refermé sur lui-même. Le fédéralisme refuse par pri
19
sur lui-même. Le fédéralisme refuse par principe
et
par définition l’uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’u
20
totalitaire, de tout ordre géométrique simpliste,
et
par-là même tyrannique. (« La tyrannie est le souverain désordre », d
21
iversité, la pluralité des forces en compétition,
et
loin de fuir devant la complexité du réel, il la respecte, il croit à
22
C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide,
et
même, dans certains cas bien définis, la mise en commun de leurs ress
23
La santé n’est pas un moyen terme entre la peste
et
le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-
24
a peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau
et
qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et
25
pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif
et
un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin e
26
as à mi-chemin entre la centralisation oppressive
et
l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il
27
esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature
et
l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en s
28
la volonté de centralisation totale d’une nation,
et
la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement c
29
traitent tout le reste d’étranger, donc d’impur,
et
par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs vo
30
té, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit
et
d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconn
31
es autonomies locales. Elle exige à la fois l’une
et
l’autre, en dépit de leur caractère logiquement antinomique et pratiq
32
n dépit de leur caractère logiquement antinomique
et
pratiquement antagoniste. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du
33
un art de la composition, qui requiert à la fois
et
en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Preno
34
fois et en même temps la vivacité des contrastes
et
leur harmonisation. Prenons l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y
35
ible dans un tableau sans contrastes de couleurs,
et
sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble, cell
36
e la qualité particulière d’un rouge se manifeste
et
chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé ave
37
e sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté
et
composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre
38
éraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple
et
plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui abo
39
chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire.
Et
voilà toute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est la libre
40
dérale, qui est la libre union dans la diversité,
et
l’unification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction f
41
ser en un ensemble animé des diversités vivantes,
et
fonctionnant chacune à sa manière. La plupart des impasses dans lesqu
42
squent d’aboutir les négociations entre la Suisse
et
l’Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun. D’une part
43
eté globale, qui ne laisserait jouer qu’à regret,
et
à titre de concession, la diversité des fonctions nationales ; d’autr
44
exige le souple jeu d’organes bien différenciés ;
et
les autres sont tentés d’oublier qu’un organe bien différencié ne sau
45
nt, sinon elle trahira sa mission dans le monde ;
et
qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’une
46
égime de coexistence » digne du nom. C’est aussi,
et
c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversi
47
éthode de composition des valeurs diversifiées, —
et
voilà, me semble-t-il, du même coup, une assez bonne définition de la
48
’il y ait culture en général — au sens occidental
et
moderne du terme —, il faut une variété aussi riche que possible de c
49
ques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. —
et
il faut quelque chose qui lie toutes ces œuvres variées, et qui leur
50
quelque chose qui lie toutes ces œuvres variées,
et
qui leur offre une commune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parle
51
nous ne saurions parler d’une culture, cohérente
et
vivante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une
52
vante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un
et
le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité
53
r nous autres Suisses, l’unité de base, d’origine
et
de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans toutes nos œ
54
commun sur lequel se détache notre individualité,
et
dont elle tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’E
55
être que l’Europe entière. L’Europe est la seule
et
véritable unité culturelle, organique et complète, à laquelle nous po
56
la seule et véritable unité culturelle, organique
et
complète, à laquelle nous pouvons nous rattacher directement, nous qu
57
culture nationale », intermédiaire entre l’Europe
et
nos cités. Je bute ici sur un concept aussi néfaste qu’invétéré, et q
58
ute ici sur un concept aussi néfaste qu’invétéré,
et
qui me paraît exemplairement incompatible avec la réalité fédéraliste
59
nombre de « cultures nationales » bien distinctes
et
autonomes dont l’addition constituerait la culture européenne est une
60
constituerait la culture européenne est une pure
et
simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme brume au so
61
. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été
et
ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œu
62
e est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé
et
créé depuis 28 siècles, indépendamment des nations qui divisent aujou
63
nt des nations qui divisent aujourd’hui l’Europe,
et
dont la plupart n’ont même pas cent ans d’existence : il faut bien ad
64
tre que la culture s’était constituée avant elles
et
sans elles ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’un seul ex
65
exemple : celui de la musique, élément important
et
typiquement européen de notre culture. Dans ses grandes lignes, voici
66
i l’évolution de la musique en Europe : elle naît
et
se constitue entre les xiie et xive siècles dans un certain nombre
67
urope : elle naît et se constitue entre les xiie
et
xive siècles dans un certain nombre de cités du Nord et du Centre de
68
siècles dans un certain nombre de cités du Nord
et
du Centre de la péninsule italienne, en Provence, puis en Île-de-Fran
69
es Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne,
et
redescend vers l’Italie qu’elle enrichit de ses nombreuses découverte
70
allemands que les premiers compositeurs de Moscou
et
de Saint-Pétersbourg apprennent leur métier. Au début du xxe siècle,
71
t des cités, des foyers de création, des maîtres,
et
non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissanc
72
n, le basque, le catalan, le provençal, l’italien
et
— hier — l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nation
73
lan, le provençal, l’italien et — hier — l’arabe.
Et
l’on parle le français dans quatre autres nations. De même, l’alleman
74
aux-arts, le folklore, les sciences, la technique
et
l’architecture, sont largement ou même totalement indépendants des la
75
ême totalement indépendants des langues modernes,
et
ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. «
76
nne à chacun des 24 États-nations qui ont découpé
et
longtemps déchiré le corps de notre continent. ⁂ Or il se trouve que
77
e les autres que la vie culturelle de nos régions
et
de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, mais se rattache d
78
l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge
et
nos trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire »,
79
rés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar,
et
c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque, —
80
r cet arrière-fond commun. Si je cherche pourquoi
et
en quoi les Suisses romands, par exemple, se différencient des França
81
ulture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État
et
n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit che
82
ande partie nos mœurs, notre exigeant souci moral
et
notre méfiance pour les cérémonies, à moins que son adoption n’ait ré
83
nt l’admettre. D’où résulte qu’un Suisse romand —
et
tout ce que je viens d’en dire vaut aussi, mutatis mutandis, pour le
84
magne — dépend de plusieurs entités indépendantes
et
d’ordres divers, les unes plus petites que la Suisse et les autres be
85
rdres divers, les unes plus petites que la Suisse
et
les autres beaucoup plus vastes. Par ses allégeances civiques, économ
86
vastes. Par ses allégeances civiques, économiques
et
sociales, il se rattache à sa commune, à son canton, à la Confédérati
87
t mondiales ; par sa langue, au domaine français,
et
par sa culture, aux sources variées de l’Europe antique, médiévale et
88
ux sources variées de l’Europe antique, médiévale
et
moderne. Autant de réalités ou d’entités qui n’ont pas les mêmes fron
89
ières, qui ne se couvrent que très partiellement,
et
qui permettent un grand nombre de combinaisons originales. On ne saur
90
hoisir, j’entends de se faire homme à sa manière,
et
non point à celle de l’État. D’où la densité culturelle de ce petit c
91
le de ce petit coin de pays, — éducation, lettres
et
arts, sciences et techniques. Densité sans nul doute supérieure à cel
92
n de pays, — éducation, lettres et arts, sciences
et
techniques. Densité sans nul doute supérieure à celle d’une tranche q
93
ure à celle d’une tranche quelconque d’un million
et
demi d’habitants, prise au hasard dans l’une des grandes nations vois
94
mais au contraire de la pluralité des dimensions
et
de la variété des allégeances possibles, les unes locales ou régional
95
eances possibles, les unes locales ou régionales,
et
les autres universelles, — telles que le fédéralisme les implique et
96
rselles, — telles que le fédéralisme les implique
et
permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peut conduire m
97
éralisme les implique et permet de les composer.
Et
il est vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité do
98
orée, politiquement au neutralisme de l’autruche,
et
dans le domaine culturel, à préférer les moyennes rassurantes aux œuv
99
ntes aux œuvres fortes. Offrant un jeu de petites
et
de grandes dimensions à composer diversement, il satisfait trop facil
100
les petites. Mais la plupart des hommes veulent,
et
méritent sans doute, la sécurité avant tout. Ce phénomène n’est pas p
101
e protection plus efficace de leur vie culturelle
et
civique, comme de leur paix. On voit mal ce qu’ils gagneraient à écha
102
contre les régimes prestigieux, épris de grandeur
et
d’idéologies, et qui aboutissent périodiquement à faire tuer quelques
103
s prestigieux, épris de grandeur et d’idéologies,
et
qui aboutissent périodiquement à faire tuer quelques millions d’homme
104
nsions, il faut admettre qu’un régime fédéraliste
et
pluraliste leur ouvre de belles perspectives : qu’ils y entrent et qu
105
r ouvre de belles perspectives : qu’ils y entrent
et
qu’ils les explorent, ils s’y sentiront vite chez eux, sans avoir à r
106
: Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le passé,
et
de nos jours, Robert de Traz, Charles-Albert Cingria, Gonzague de Rey
107
plus variées de la culture européenne, germanique
et
anglo-saxonne autant que française, sans s’arrêter à ces barrages ou
108
ailleurs les cultures soi-disant « nationales ».
Et
n’est-ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on recon
109
5. Suède 1,13 6. Allemagne 0,71 19. Russie
et
URSS 0,03 À la question de savoir ce que les Suisses peuvent appor
110
ette deuxième moitié du xxe siècle. Il symbolise
et
préfigure l’apport de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les
111
us nationalistes que la culture du dernier siècle
et
notre crise totalitaire ont propagés. L’apport suisse, aujourd’hui, s
112
pe rajeunie, découvrant le fédéralisme, sa morale
et
sa philosophie, et surtout ses recettes pratiques, — celles de la pai
113
rant le fédéralisme, sa morale et sa philosophie,
et
surtout ses recettes pratiques, — celles de la paix. 1. Léo Moulin,
114
Aspects fédéralistes dans les plans
et
projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)j k Au s
115
ue période de recherches, d’expériences pratiques
et
de publications dans le cadre du Centre européen de la culture, il ne
116
tuer notre projet, d’en préciser les coordonnées,
et
d’exposer ensuite le thème général de nos travaux pendant le semestre
117
entreprendre aujourd’hui, ou plutôt de poursuivre
et
d’élargir partout où cela se peut, et donc aussi à Genève, des études
118
poursuivre et d’élargir partout où cela se peut,
et
donc aussi à Genève, des études européennes, c’est parce que la quest
119
n de l’Europe se trouve posée à cette génération,
et
parce qu’elle met en jeu bien autre chose que des intérêts matériels.
120
on même de leur objet, qui se compose, se définit
et
se modifie sous nos yeux, ces instituts tiennent cependant à garder,
121
nt à garder, par rapport au déroulement des faits
et
à l’action politique militante, la distance nécessaire à la réflexion
122
e, la distance nécessaire à la réflexion critique
et
à la recherche objective. Certes, la question européenne n’est pas un
123
artient pas à un passé qu’il suffirait de décrire
et
d’interpréter, mais à un avenir auquel nous sommes tous vitalement in
124
ir auquel nous sommes tous vitalement intéressés,
et
qu’il s’agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’u
125
d’État, aux seuls calculs des experts officiels,
et
au seul enthousiasme des militants ? Question globale, économique et
126
asme des militants ? Question globale, économique
et
politique au premier chef, elle implique en réalité, quantité de prob
127
ent encore d’être étudiés objectivement, un à un,
et
aussi d’être envisagés dans l’ensemble de leurs interconnections et p
128
visagés dans l’ensemble de leurs interconnections
et
par rapport à ces notions de l’homme qui ont fait que l’Europe, malgr
129
que l’Europe, malgré tout, représente autre chose
et
un peu plus que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à pe
130
constituant l’objet central de notre enseignement
et
de nos recherches, il importe de rappeler tout d’abord à grands trait
131
d à grands traits dans quels termes elle se pose,
et
qui l’a posée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a vu surgi
132
e la prépondérance des États de l’Europe, désunis
et
rivaux, une constellation toute nouvelle de grands ensembles fortemen
133
ortement unifiés, comme les États-Unis, la Russie
et
la Chine, ou comme l’Inde et l’Insulinde, tandis que d’autres groupes
134
tats-Unis, la Russie et la Chine, ou comme l’Inde
et
l’Insulinde, tandis que d’autres groupes de nations récentes et plus
135
, tandis que d’autres groupes de nations récentes
et
plus instables, sont à la recherche de quelque union encore mal défin
136
mais qui a déjà force de mythe, en Afrique noire
et
dans le monde arabe. La tendance générale qui se dessine dans les ann
137
peut être l’avenir des États de l’Europe, petits
et
moyens désormais — c’est-à-dire comptant de 3 à 50 millions d’habitan
138
e extérieure ; ni d’assurer à lui seul sa défense
et
sa prospérité économique ; ni de poursuivre une politique étrangère a
139
t, dans ces conditions de fait, leur souveraineté
et
même leur indépendance, au sens classique de ces expressions ? Aucun
140
rrait assumer, dans ces conditions, les fonctions
et
les devoirs qui vont bientôt incomber à l’Occident au plan mondial, t
141
dit alors P.-H. Spaak, « dans la peur des Russes
et
de la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît, ou renaî
142
aît en Europe le vieux rêve d’union du Continent.
Et
cela commence, comme toujours, par des manifestes d’intellectuels, de
143
e la résistance à l’hitlérisme, même en Allemagne
et
en Italie — et qui bientôt formeront l’Union européenne des fédéralis
144
à l’hitlérisme, même en Allemagne et en Italie —
et
qui bientôt formeront l’Union européenne des fédéralistes et le Mouve
145
tôt formeront l’Union européenne des fédéralistes
et
le Mouvement européen. Les économistes, de leur côté, supputent et ca
146
uropéen. Les économistes, de leur côté, supputent
et
calculent l’avenir immédiat. Le professeur Maurice Allais déclare au
147
pe unie serait en mesure de doubler sa production
et
son niveau de vie. Jean Monnet et son équipe du Plan français se mett
148
r sa production et son niveau de vie. Jean Monnet
et
son équipe du Plan français se mettent à l’œuvre en silence, loin des
149
se mettent à l’œuvre en silence, loin des congrès
et
des associations de militants qui leur ont préparé la voie dans les e
150
man, Adenauer, Paul-Henri Spaak, enfin, plus tard
et
contre eux à l’en croire, mais en fait dans le même sens final qui es
151
domaine économique, CECA dès 1953, Marché commun
et
Euratom dès 1959. Les États, les services ministériels et les parleme
152
om dès 1959. Les États, les services ministériels
et
les parlements ne se croient pas encore en mesure « d’aller plus loin
153
ailleurs de l’opinion, des idéologies nationales
et
des doctrines. Créer une union économique, même restreinte à quelques
154
enne. Formulée tout d’abord par des intellectuels
et
des utopistes mal écoutés et peu suivis, ayant reçu ses premières sol
155
ar des intellectuels et des utopistes mal écoutés
et
peu suivis, ayant reçu ses premières solutions expérimentales et conc
156
ayant reçu ses premières solutions expérimentales
et
concrètes au plan économique, ayant par là même alerté les intérêts e
157
économique, ayant par là même alerté les intérêts
et
l’opinion, elle débouche enfin sur le plan politique. Mais il serait
158
a presse, les partis, les parlements, les congrès
et
les déclarations des hommes d’État témoigne de la plus grande confusi
159
se à peu près au petit bonheur les termes d’union
et
d’unification, d’intégration et de fédération, d’union « plus étroite
160
es termes d’union et d’unification, d’intégration
et
de fédération, d’union « plus étroite » (plus étroite que quoi, on ne
161
roite » (plus étroite que quoi, on ne le dit pas)
et
de communauté, de supranationalité et de super-État, ou encore d’État
162
le dit pas) et de communauté, de supranationalité
et
de super-État, ou encore d’États-Unis d’Europe, comme si ces termes é
163
comme si ces termes étaient, à toutes fins utiles
et
grosso modo, synonymes. Cet état de confusion générale et d’aimable a
164
o modo, synonymes. Cet état de confusion générale
et
d’aimable anarchie sémantique, traduit non seulement l’ignorance cour
165
information de l’opinion, mais peut-être surtout,
et
c’est plus grave, l’absence d’une vision claire et convaincante des s
166
t c’est plus grave, l’absence d’une vision claire
et
convaincante des solutions proprement politiques, qu’il faudra bien d
167
ochain à la question européenne. En vue de cerner
et
de choisir au mieux l’objet de nos études dans un champ aussi vaste,
168
à celui des départements dans une République une
et
indivisible, ce qui amènerait à les redécouper en circonscriptions ad
169
nitaire, jacobine ou napoléonienne, n’est en fait
et
comme telle défendue par personne, et n’offre pas un champ d’études u
170
est en fait et comme telle défendue par personne,
et
n’offre pas un champ d’études utiles, car chacun voit que l’unificati
171
aux données historiques, ni aux données actuelles
et
concrètes du problème à résoudre. Il importe toutefois de la mentionn
172
ette souveraineté ne serait pas limitée, en fait,
et
même en droit, par leurs alliances mêmes. Cette solution pose un cert
173
ose un certain nombre de problèmes qui pourraient
et
devraient faire l’objet de recherches, dont je suggère seulement quel
174
aux nouveaux besoins d’union apparus depuis 1945,
et
qui ont posé, précisément, la question européenne. Elle supposerait e
175
er, après Léon Duguit, Preuss, Lapradelle, Chabod
et
tant d’autres, la notion de souveraineté sans limites, constituée pen
176
mites, constituée pendant la période absolutiste,
et
reprise par le xixe siècle des nationalismes. Il faudrait voir, d’un
177
mesure cette notion est compatible avec le droit,
et
d’autre part, si elle correspond encore à des réalités tangibles, à d
178
ond encore à des réalités tangibles, à des droits
et
à des devoirs que les États puissent réellement exercer, comme faire
179
viduelles. Il faudrait examiner objectivement si,
et
dans quelle mesure, « les choses étant ce qu’elles sont », la notion
180
moins rapidement sur une problématique plus vaste
et
plus permanente, en quelque sorte. La troisième solution concevable,
181
entiellement différente de celle de l’unification
et
de celle des alliances entre souverains, c’est la solution fédéralist
182
eur souveraineté — dans les domaines où elle peut
et
doit rester entière — tout en l’exerçant collectivement dans d’autres
183
nsisterait à étendre au plan politique les règles
et
méthodes de l’intégration déjà réalisée au plan économique par le Mar
184
européennes », mais elle ne suggère pas les voies
et
moyens qui pourraient permettre d’opérer un jour ou l’autre ce passag
185
ctions proposées par Georges Scelle ? On ne sait.
Et
cela dépendra de la prédominance finale d’un des trois types de solut
186
répondre à la fois aux besoins nouveaux d’union,
et
aux besoins traditionnels d’autonomie de nos peuples, besoins qui sem
187
ur ou l’autre les partisans de l’Europe des États
et
ceux des États-Unis d’Europe, ceux qui insistent avant tout sur l’aut
188
nsistent avant tout sur l’autonomie de leur pays,
et
ceux qui insistent avant tout sur l’unité du continent. Raisons parti
189
plus conforme à l’expérience de la vie politique
et
civique du pays où nous sommes, et dont je suis, pays que l’on a souv
190
vie politique et civique du pays où nous sommes,
et
dont je suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une
191
igure de l’Europe unie. Enfin, raisons immédiates
et
personnelles. Il se trouve que mes collaborateurs et moi-même, si dif
192
personnelles. Il se trouve que mes collaborateurs
et
moi-même, si différents que soient nos tempéraments, nos origines et
193
férents que soient nos tempéraments, nos origines
et
nos champs d’intérêts particuliers, avons tous les trois été amenés p
194
établie entre le fédéralisme comme objet d’études
et
la méthode interdisciplinaire qui s’impose à nous. Car le fédéralisme
195
, méthode d’allure pragmatique qui ne se comprend
et
ne s’explique bien que par son fonctionnement dans les domaines les p
196
, en économiste qui suit de très près l’évolution
et
les répercussions de l’intégration, abordera le problème de la manièr
197
us concrète par une comparaison des marchés avant
et
après l’entrée en action des premières institutions supra- ou plurina
198
parler rigoureusement, mais préalable nécessaire,
et
d’ailleurs d’intérêt suffisant en soi. M. Dusan Sidjanski de son côté
199
les structures institutionnelles dans lesquelles
et
grâce auxquelles se développe ce contenu économique, et il montrera d
200
ce auxquelles se développe ce contenu économique,
et
il montrera dans quelle mesure ces structures tendent ou non à se rap
201
s. Il rejoindra de la sorte les études de méthode
et
d’évaluation des tendances politiques vers l’intégration, réunies dan
202
raitant des aspects fédéralistes dans les projets
et
plans d’union européenne, du Moyen Âge à nos jours. Parallèlement au
203
u Moyen Âge à nos jours. Parallèlement aux cours
et
aux travaux de séminaire, nous avons convoqué un groupe d’une vingtai
204
philosophes, historiens, économistes, théoriciens
et
praticiens de l’intégration, pour étudier les perspectives d’une solu
205
dans l’abstrait à partir d’une définition simple
et
de quelques principes axiomatiques. On l’a même décrit comme l’antisy
206
clarent les adeptes, c’est une attitude de pensée
et
une méthode de conduite, plus qu’une doctrine ou une notion juridique
207
une notion juridique ; une expérience multiforme
et
non pas une construction dogmatique aux lignes simples et aux structu
208
as une construction dogmatique aux lignes simples
et
aux structures géométriques. Tenter de le définir d’entrée de jeu ser
209
scrupules à en donner des caractérisations brèves
et
simples. Et voilà pourquoi les dictionnaires échouent à le définir en
210
en donner des caractérisations brèves et simples.
Et
voilà pourquoi les dictionnaires échouent à le définir en tant que mé
211
naires échouent à le définir en tant que méthode,
et
pas seulement comme un système politique. La plupart nous renvoient d
212
plupart nous renvoient de fédéralisme à fédératif
et
à fédération, voire à confédération indifféremment, sans qu’aucun con
213
ttribué aux girondins de rompre l’unité nationale
et
de transformer la France en une fédération de petits États. Vingt-et
214
le dictionnaire historique de Grégoire récidive,
et
je cite : Fédéralisme. En 1792 et 1793, on accusa les girondins de
215
ire récidive, et je cite : Fédéralisme. En 1792
et
1793, on accusa les girondins de vouloir substituer à l’unité nationa
216
Le tempérament britannique passe pour pragmatique
et
donc plus favorable au fédéralisme que l’esprit français, qui passe p
217
ant deux juristes britanniques, Sir Ivor Jennings
et
C. M. Young, qui définissent ainsi la structure fédérale : « Une form
218
dérale : « Une forme de gouvernement extravagante
et
inefficace, justifiable là seulement où une forme plus stricte d’orga
219
rtisans du fédéralisme comme méthode ou attitude,
et
des régimes qui s’en inspirent, nous constatons qu’il leur faut des l
220
entiers pour l’exposer ou, mieux, pour en décrire
et
communiquer l’habitus. Parmi les ouvrages capitaux consacrés au fédér
221
’emblée. Les 85 articles écrits par Jay, Hamilton
et
Madison pour défendre la Constitution fédérale américaine rédigée en
222
révolte fédéraliste contre l’orthodoxie jacobine
et
l’étatisme triomphant. En Prusse, c’est Constantin Franz, conservateu
223
ublie en 1896 son ouvrage intitulé État fédératif
et
Confédération d’États (distinction classique, mais que les dictionnai
224
classique, mais que les dictionnaires déjà cités
et
contemporains continuent d’ignorer sereinement) ; Georges Scelle, dan
225
, paru en 1932, généralise la méthode fédéraliste
et
l’étend à toutes les structures intersociales, qu’elles soient ou non
226
avec Arnaud Dandieu, Robert Aron, Alexandre Marc
et
moi-même, puis Henri Brugmans qui s’inspire de ses travaux, rénove ce
227
eurs américains sous la direction de Robert Bowie
et
de Carl Friedrich, et récemment traduits en français. Dans le dernier
228
a direction de Robert Bowie et de Carl Friedrich,
et
récemment traduits en français. Dans le dernier en date des très nomb
229
t le Fédéralisme contemporain, par Henri Brugmans
et
Pierre Duclos — le second de ces auteurs écrit ceci : Tout démontre
230
grands types d’aménagement du rapport politique,
et
peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation
231
eut-être plus encore, un des grands styles de vie
et
de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le social
232
é simplement comme système d’association d’États,
et
le fédéralisme considéré par la nouvelle école que décrit Pierre Ducl
233
t Pierre Duclos comme un des grands styles de vie
et
de civilisation, vous voyez que la discussion est très ouverte… J’ai
234
ou entachée d’abstraction, il était plus honnête
et
enseignant d’aller rechercher dans les écrits des précurseurs de l’Eu
235
seurs de l’Europe unie, à partir du xive siècle,
et
en remontant peu à peu vers notre époque, les éléments d’une traditio
236
s, voire même, si possible, quelques définitions,
et
en passant, quelques lumières sur le rôle effectif des utopies politi
237
n 1923, n’a entraîné d’action politique concrète,
et
moins encore de résultats. Cependant, ce n’est pas une histoire des é
238
l’esprit occidental que je me propose de retracer
et
qui mérite de retenir l’attention des étudiants. Ces plans et projets
239
e de retenir l’attention des étudiants. Ces plans
et
projets constituent autant de prises sur leur époque, autant de docum
240
de documents paléontologiques sur les conceptions
et
croyances régnantes en leur temps, soit qu’ils les reflètent fidèleme
241
eur temps, soit qu’ils les reflètent fidèlement —
et
ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent express
242
e qui allait de soi » du vivant de leurs auteurs,
et
dont ils annoncent la modification ou anticipent le dépassement. Ains
243
aité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308)
et
d’un plan confédéral de Pierre Dubois (le De Recuperatione Terre Sanc
244
antinomiques de la question européenne, l’empire
et
les nations. Dante écrit son traité au moment où le Saint-Empire, pri
245
e constitue, menaçant la double unité de l’empire
et
de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement c
246
ant la double unité de l’empire et de la papauté.
Et
je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement contemporains de la
247
eaucoup à dire. L’échec historique de ces projets
et
de ceux qui les suivront au cours des siècles jusqu’à nous, est certe
248
es siècles jusqu’à nous, est certes significatif,
et
j’en examinerai les causes. Dans ce contexte, il s’agira de repérer l
249
la nature des obstacles traditionnels de l’union,
et
d’essayer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains de ces obstac
250
nation, souveraineté nationale (au xviie siècle)
et
, plus tard, au xixe siècle, nationalité, nationalisme, puis, avec Ni
251
upranationalité, enfin fédération, confédération,
et
, plus tard, fédéralisme, terme inventé par Rousseau, prétend-il, à l’
252
nt elles se développent dans les plans de Bentham
et
de Saint-Simon ; enfin comment elles aboutissent aux réalisations que
253
autant qu’un constat déprimant d’échecs pratiques
et
de déchets idéologiques. Qu’il s’agisse au début du plus grand poète
254
du Moyen Âge, Dante, ou du roi hussite Podiebrad,
et
ensuite du ministre déchu qu’était le duc de Sully, ou du créateur d’
255
n ou d’un solide juriste suisse comme Bluntschli,
et
finalement d’un autre grand poète, Saint-John Perse, de son vrai nom
256
elle nous conduit au cœur des débats idéologiques
et
politiques de l’Europe actuelle. J’inscris donc sur son seuil : nostr
257
dans Le Fédéralisme contemporain, par H. Brugmans
et
Pierre Duclos, Sijthoff, Leyden, 1963. 12. Comme l’ont montré en pre
258
t Denis de, « Aspects fédéralistes dans les plans
et
projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours », Bastions de Ge
259
emont : né en 1906 à Neuchâtel. Études de lettres
et
de philosophie. Éditeur à Paris dès 1931. Lecteur à l’Université de F
260
la culture occidentale ; ils n’y entrent en fait
et
d’une manière distincte qu’au troisième quart de l’ère chrétienne : a
261
rteurs de longues piques, de hallebardes, d’épées
et
d’arquebuses — qui fait son entrée résolue sur la grande scène europé
262
re-poète Manuel, le médecin-philosophe Paracelse,
et
l’architecte Fontana. Mais de cette époque à nos jours, la densité de
263
nos jours, la densité de création intellectuelle
et
artistique dans l’ensemble des petits États qui constituent l’actuell
264
tre région prise au hasard dans les pays voisins,
et
qui serait comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On
265
t qui serait comparable à la Suisse par l’étendue
et
la population. (On excepte, bien entendu, Londres et Paris.) Pourquoi
266
la population. (On excepte, bien entendu, Londres
et
Paris.) Pourquoi cette densité si remarquable ? Et dans quelle mesure
267
t Paris.) Pourquoi cette densité si remarquable ?
Et
dans quelle mesure peut-on dire que cet apport des Suisses à la cultu
268
s cent-quinze ans sous la forme d’un État fédéral
et
solidement constitué. Auparavant, de la fin du xiiie jusqu’au milieu
269
mmait les ligues suisses. Les plus grands esprits
et
les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’un canton déterminé (qu
270
gaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation,
et
d’elle seule ont nourri leur carrière) mais par leur biographie, leur
271
les, par les lieux où ils agirent de leur vivant,
et
par les influences subies ou exercées. Pays de gens moyens, oui, dis
272
lors pas de milieu, ils atteignent à l’universel…
Et
plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. I
273
le-ci a toujours été faite par des foyers locaux,
et
non par des nations ; par des écoles fermées puis internationales ; p
274
onnaissaient ni péages ni frontières politiques ;
et
par des traditions communes à tous nos peuples, la grecque, la romain
275
teurs fournit à la Suisse ses meilleures chances,
et
c’est elle qui, dans le cas de la Suisse — compartimentée à l’extrême
276
je constatais tout à l’heure. Genève, avec Calvin
et
Théodore de Bèze, Bâle, avec Érasme et Holbein, Zurich avec Zwingli,
277
vec Calvin et Théodore de Bèze, Bâle, avec Érasme
et
Holbein, Zurich avec Zwingli, sont les trois premiers foyers de rayon
278
erne, vagabonde en de nombreux pays où il invente
et
exerce son art, puis revient enseigner en Suisse dans les dernières a
279
ns les dernières années de sa vie. Les Bernouilli
et
Léonard Euler, héritiers de la tradition humaniste et piétiste de Bâl
280
éonard Euler, héritiers de la tradition humaniste
et
piétiste de Bâle et rivalisant de génie dans les mathématiques et la
281
ers de la tradition humaniste et piétiste de Bâle
et
rivalisant de génie dans les mathématiques et la physique, vivent aux
282
âle et rivalisant de génie dans les mathématiques
et
la physique, vivent aux cours de Russie et de Prusse, ou professent à
283
tiques et la physique, vivent aux cours de Russie
et
de Prusse, ou professent à Groningue et à Londres. Jean de Müller, «
284
de Russie et de Prusse, ou professent à Groningue
et
à Londres. Jean de Müller, « historien des Suisses », mais également
285
c éloquence un plan d’union fédérale de l’Europe,
et
modifie plus que nul autre la sensibilité occidentale. De Zurich au d
286
doyen Bodmer puis des Idylles de Salomon Gessner
et
des spéculations mystiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’
287
essner et des spéculations mystiques de Lavater ;
et
Zurich devient le foyer d’une renaissance de la littérature dans les
288
et rayonne sur la France le génie de Mme de Staël
et
de sa cour cosmopolite, où brillent Sismondi et Benjamin Constant, in
289
l et de sa cour cosmopolite, où brillent Sismondi
et
Benjamin Constant, initiateurs l’un de l’économie et l’autre de la po
290
Benjamin Constant, initiateurs l’un de l’économie
et
l’autre de la politique libérales qui allaient marquer tout le xixe
291
ob Burckhardt par ses ouvrages sur la Renaissance
et
ses Weltgeschichtliche Betrachtungen renouvelle une vision synthétiqu
292
. Puis c’est le tour de Genève, une fois de plus,
et
de Zurich tôt après, d’où rayonnent sur l’Europe entière et l’Amériqu
293
ch tôt après, d’où rayonnent sur l’Europe entière
et
l’Amérique l’Institut Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget, e
294
Amérique l’Institut Rousseau des Claparède, Bovet
et
Jean Piaget, et l’école du grand C. G. Jung : les fondements de la pé
295
tut Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget,
et
l’école du grand C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la
296
grand C. G. Jung : les fondements de la pédagogie
et
de la psychologie occidentales en seront transformés sans retour. Enf
297
siècles qu’un agglomérat de foyers sans capitale,
et
moins en relations les uns avec les autres qu’avec les grands ensembl
298
européens, peut-on déceler des caractères communs
et
spécifiquement suisses dans cette succession chronologique très serré
299
ses sommets. Dépressions : la musique, la poésie
et
la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture et le roman. Sommets :
300
et la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture
et
le roman. Sommets : la philosophie politique et historique, la théolo
301
e et le roman. Sommets : la philosophie politique
et
historique, la théologie, la psychologie et la pédagogie, la littérat
302
tique et historique, la théologie, la psychologie
et
la pédagogie, la littérature d’idées, les sciences et la technique. C
303
a pédagogie, la littérature d’idées, les sciences
et
la technique. Comment interpréter cette courbe mouvementée ? Certes,
304
ture hollandaise ou vénitienne du xviiie siècle,
et
qu’elle s’est conformée par anticipation à cette règle devenue éviden
305
Ludwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger
et
un Frank Martin de nos jours, mais rien qui vraiment compte dans l’en
306
e-deux, cela ne fait pas une tradition musicale ;
et
les épopées symboliques démesurées d’un Carl Spitteler ne suffisent p
307
de Conrad Witz, de Nicolas Manuel, de Hans Friess
et
d’Urs Graf ne trouve un répondant, par ailleurs discutable, qu’au xxe
308
petits maîtres isolés, délicieux ou extravagants,
et
leurs succès se font à Paris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul K
309
vagants, et leurs succès se font à Paris, Londres
et
Berlin. Un tableau de Paul Klee, une sculpture d’Alberto Giacometti,
310
, Adolphe, le Grüne Heinrich de Gottfried Keller,
et
les Uli de Jeremias Gotthelf, le Léonard et Gertrude du fameux pédago
311
ller, et les Uli de Jeremias Gotthelf, le Léonard
et
Gertrude du fameux pédagogue Pestalozzi, voire à certains égards les
312
ion romanesque ou les situations exceptionnelles,
et
l’intérêt presque exclusif porté au drame moral dans la vie quotidien
313
de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski
et
un Kafka ou de l’arrière-plan de compétition sociale chez un Balzac e
314
rrière-plan de compétition sociale chez un Balzac
et
un Stendhal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais le goût de
315
goût de la mesure, de l’intériorité, du réalisme
et
de la psychologie moyenne expriment surtout les conditions dictées pa
316
ns dictées par les dimensions restreintes du pays
et
des communautés diverses qui s’y côtoient. Pays pauvre, au surplus, e
317
verses qui s’y côtoient. Pays pauvre, au surplus,
et
dont les seules richesses naissent du travail humain, bien concerté :
318
in de son pays. L’architecte suisse par exemple —
et
nous en avons d’excellents — doit voir plutôt petit, fonctionnel et t
319
’excellents — doit voir plutôt petit, fonctionnel
et
très sobre, s’il reste en Suisse. Mais s’il a le goût de la grandeur,
320
miner l’énorme dôme de Saint-Pierre comme Maderno
et
les deux Fontana, c’est aux États-Unis qu’il ira construire les plus
321
r bâtir une église de Ronchamps ou une capitale —
et
c’est le cas de Le Corbusier, père de l’architecture moderne, puritai
322
res divers, hommes utiles, au sens le plus noble,
et
penseurs engagés dans leur communauté, plutôt que créateurs d’art ou
323
iateurs de grande affaires publiques, théologiens
et
pédagogues, savants du premier rang, mais qui restent soucieux d’appl
324
souci primordial de l’efficacité transformatrice.
Et
c’est en cela qu’ils sont typiquement suisses. ⁂ Cependant, une série
325
renseigner sur la valeur d’un combat d’une armée
et
sur la volonté de résistance qui l’appuie dans la population. Ce qu’i
326
, c’est que chacun de ses soldats garde son fusil
et
son équipement militaire dans son armoire. Qu’en est-il de notre équi
327
Il me paraît que la structure fédéraliste du pays
et
l’autonomie dans son sein non seulement des cantons, mais des commune
328
sein non seulement des cantons, mais des communes
et
des multiples groupes professionnels favorise une implantation relati
329
La souveraineté des cantons en matière de culture
et
d’éducation explique et justifie l’existence de sept universités, de
330
ons en matière de culture et d’éducation explique
et
justifie l’existence de sept universités, de deux écoles polytechniqu
331
sept universités, de deux écoles polytechniques,
et
de plusieurs dizaines d’instituts spécialisés de niveau universitaire
332
millions. Chaque gros village possède son chœur,
et
souvent sa fanfare ; chaque ville de quelque importance a ses société
333
importance a ses sociétés de concerts, de théâtre
et
de conférences hebdomadaires, son musée, ses expositions, ses bibliot
334
es, son musée, ses expositions, ses bibliothèques
et
ses associations d’éducation, d’amis des arts ou de la nature. Les pl
335
les plus belles du monde, Reinhart à Winterthour
et
Hahnloser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’étude des grandes fir
336
r les sciences, se place au premier rang mondial,
et
de très loin, relativement à sa population (Hollande : 9 prix Nobel p
337
ècles. Il s’ensuit que la menace d’uniformisation
et
d’oblitération des traditions locales est bien plus grave pour elle q
338
hilistin favorisé par les succès de la technique.
Et
le doublement prévu de la population, dans les trente ans qui viennen
339
plus « matériellement » que jusqu’ici les valeurs
et
les forces culturelles dont elle dispose. N’est-elle pas le pays d’Eu
340
e pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes
et
les plus concrètes de savoir que le terme de culture n’est pas un syn
341
Le fédéralisme
et
notre temps (mars 1963)c Comme toutes les choses vivantes, organiq
342
c Comme toutes les choses vivantes, organiques
et
intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositi
343
alisme est plein de contradictions, d’oppositions
et
de tensions. On peut même dire qu’il est fait de contradictions, mais
344
es contradictions, les oppositions, les tensions,
et
cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’allez pas cro
345
niversel, ou d’opportunisme lâche qui tolère tout
et
ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances
346
occidental moderne : le centralisme uniformisant,
et
le particularisme refermé sur lui-même. Le fédéralisme refuse par pri
347
sur lui-même. Le fédéralisme refuse par principe
et
par définition l’uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’u
348
totalitaire de tout ordre géométrique, simpliste,
et
par là même tyrannique. Or la tyrannie est le souverain désordre, com
349
iversité, la pluralité des forces en compétition,
et
loin de fuir devant la complexité du réel, il la respecte, il croit à
350
les diversités régionales, aime aussi leur santé
et
celle de l’ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide
351
C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide,
et
même, dans certains cas bien définis, la mise en commun de leurs ress
352
La santé n’est pas un moyen terme entre la peste
et
le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi
353
a peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau
et
qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif e
354
pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif
et
un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin e
355
as à mi-chemin entre la centralisation oppressive
et
l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il
356
esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature
et
l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en s
357
la volonté de centralisation totale d’une nation
et
la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement c
358
traitent tout le reste d’étranger, donc d’impur,
et
par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs vo
359
té, de sens des proportions, d’ouverture d’esprit
et
d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconn
360
es autonomies locales. Elle exige à la fois l’une
et
l’autre, en dépit de leur caractère logiquement antinomique et pratiq
361
n dépit de leur caractère logiquement antinomique
et
pratiquement antagoniste. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du
362
t un art de la composition qui requiert à la fois
et
en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prene
363
fois et en même temps la vivacité des contrastes
et
leur harmonisation. Prenez l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y a
364
d’harmonie possible sans contrastes de couleurs,
et
sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble, cell
365
e la qualité particulière d’un rouge se manifeste
et
chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé ave
366
e sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté
et
composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre
367
éraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple
et
plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui abo
368
chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire.
Et
voilà toute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre un
369
fédérale, qui est libre union dans la diversité,
et
l’unification totalitaire, qui est réduction forcée à l’uniforme. Ces
370
ser en un ensemble animé des diversités vivantes,
et
fonctionnant chacune à sa manière. La plupart des impasses dans lesqu
371
t bien d’aboutir les négociations entre la Suisse
et
l’Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun. D’une part
372
nt, sinon elle trahira sa mission dans le monde ;
et
qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’une E
373
régime de coexistence digne du nom. C’est aussi,
et
c’est même avant tout, une méthode de composition des valeurs diversi
374
éthode de composition des valeurs diversifiées, —
et
voilà, me semble-t-il, une assez bonne définition de la culture ! I
375
ns de doctrine — qui paraîtraient bien théoriques
et
bien abstraites à un public français, mais je parle après tout à des
376
ions à dire sur les rapports entre le fédéralisme
et
la culture, et sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de l
377
les rapports entre le fédéralisme et la culture,
et
sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de la Suisse romand
378
ques, de méthodes, de doctrines, d’écoles, etc. —
et
il faut quelque chose qui lie toutes ces œuvres variées et qui leur o
379
t quelque chose qui lie toutes ces œuvres variées
et
qui leur offre une commune mesure ; sans quoi, nous ne saurions parle
380
nous ne saurions parler d’une culture, cohérente
et
vivante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une
381
vante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un
et
le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité
382
utres Suisses romands, l’unité de base, d’origine
et
de but, à laquelle nous nous référons implicitement dans toutes nos œ
383
commun sur lequel se détache notre individualité,
et
dont elle tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’E
384
être que l’Europe entière. L’Europe est la seule
et
véritable unité culturelle, organique et complète, à laquelle nous po
385
la seule et véritable unité culturelle, organique
et
complète, à laquelle nous pouvons nous rattacher directement, nous qu
386
t culture nationale, intermédiaire entre l’Europe
et
nos cités. Ici, je me permettrai de rompre une lance contre le concep
387
nombre de « cultures nationales » bien distinctes
et
autonomes dont l’ensemble constituerait la culture européenne est une
388
constituerait la culture européenne est une pure
et
simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme brume au so
389
. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été
et
ne sera jamais une addition de « cultures nationales ». Elle est l’œu
390
e est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé
et
créé depuis 28 siècles, indépendamment des nations qui divisent aujou
391
nt des nations qui divisent aujourd’hui l’Europe,
et
dont la plupart n’ont même pas cent ans d’existence : il faut bien ad
392
tre que la culture s’était constituée avant elles
et
sans elles ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’un seul ex
393
exemple : celui de la musique, élément important
et
typiquement européen de notre culture. Dans ses grandes lignes, voici
394
i l’évolution de la musique en Europe : elle naît
et
se constitue au xiiie siècle dans un certain nombre de cités du Nord
395
e siècle dans un certain nombre de cités du Nord
et
du Centre de la péninsule italienne, en Provence, puis en Île-de-Fran
396
es Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne,
et
redescend vers l’Italie qu’elle enrichit de ses nombreuses découverte
397
nombreuses découvertes. Plus tard, les Allemands
et
les Autrichiens viennent s’initier auprès des maîtres italiens. Bach
398
allemands que les premiers compositeurs de Moscou
et
de Saint-Pétersbourg apprennent leur métier. Au début du xxe siècle,
399
t des cités, des foyers de création, des maîtres,
et
non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissanc
400
n, le basque, le catalan, le provençal, l’italien
et
l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nations. De mêm
401
, le catalan, le provençal, l’italien et l’arabe.
Et
l’on parle le français dans quatre autres nations. De même, l’alleman
402
aux-arts, le folklore, les sciences, la technique
et
l’architecture, sont largement ou même totalement indépendants des la
403
ême totalement indépendants des langues modernes,
et
ne sont, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. «
404
e les autres que la vie culturelle de nos régions
et
de nos cités ne dépend pas de réalités nationales, donc politiques, m
405
l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge
et
nos trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire »,
406
rés « immédiats à l’Empire », Reichs unmittelbar,
et
c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque — n
407
cet arrière-fond commun. Si je cherche pourquoi
et
en quoi les Suisses romands se différencient des Français, ou en tout
408
ulture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État
et
n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit ch
409
ande partie nos mœurs, notre exigeant souci moral
et
notre méfiance pour les cérémonies — à moins que son adoption n’ait r
410
ier, pour nous exprimer d’une manière authentique
et
non pas empruntée, imitée ? Je ne crois guère aux mesures de « défens
411
La défensive n’est pas une attitude de créateurs,
et
la culture est d’abord création, avant d’être héritage, ou enseigneme
412
-mêmes, continuons en toute confiance, curiosité,
et
ouverture d’esprit, à vivre en symbiose permanente avec l’ensemble de
413
: Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le passé,
et
de nos jours, parmi nos aînés, Robert de Traz, Charles-Albert Cingria
414
plus variées de la culture européenne, germanique
et
anglo-saxonne autant que française, sans s’arrêter à ces barrages ou
415
ailleurs les cultures soi-disant « nationales ».
Et
n’est-ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on recon
416
ette deuxième moitié du xxe siècle. Il symbolise
et
préfigure l’apport de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les
417
us nationalistes que la culture du dernier siècle
et
notre crise totalitaire ont propagés. L’apport spécifique de la Suiss
418
ifique de la Suisse étant le sens du fédéralisme,
et
ce sens étant lié, nous l’avons vu, au génie de la culture en Europe,
419
culturel en Suisse romande : l’esprit de clocher
et
l’esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amo
420
ste de la diversité avec la sauvegarde organisée,
et
si possible officielle, de nos particularismes les plus désuets. Il v
421
domaines : université, radio, publications, etc.
Et
plutôt que de reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un c
422
tte tendance défensive, faussement traditionnelle
et
autarcique, inutile d’insister sur ce point. Mais c’est une autre err
423
cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé
et
ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, voire anarchiqu
424
alisé et ce qui marcherait mieux en restant libre
et
dispersé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop pet
425
foyers rayonnants de créations du premier ordre.
Et
cela, je crois, pour les deux raisons suivantes : premièrement, la pa
426
de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté
et
du somptueux, qui caractérisent tant de princes et de grands marchand
427
t du somptueux, qui caractérisent tant de princes
et
de grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de
428
p clair qu’à l’absence de cette passion créatrice
et
de ce sens du mécénat, nul comité de coordination ne pourra jamais re
429
culture est faite par des passions individuelles
et
par de petits groupes qui ne craignent pas de passer pour extravagant
430
cessifs. Les comités sont par définition prudents
et
économes : leur rôle est normalement de rationaliser les activités do
431
tables. Mais la culture vivante vit d’imprudence,
et
prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que n
432
udence, et prospère dans le gaspillage des forces
et
des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux
433
ntipodes de ce climat d’excitation intellectuelle
et
artistique. Nos habitudes utilitaires, notre notion du sérieux confon
434
ires, décourageant toutes les initiatives hardies
et
protégeant en revanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été
435
nt été un jour inscrites à quelque budget d’État,
et
sous prétexte de répartition géographique équitable — ce qui n’est, s
436
e aujourd’hui d’inquiéter les amis de la culture,
et
c’est aussi tout cela qui menace dans ses sources notre vitalité fédé
437
ité économique sans précédent. Nos raisons d’être
et
de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme
438
fois de plus, vit des mêmes réalités spirituelles
et
morales, et prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que
439
, vit des mêmes réalités spirituelles et morales,
et
prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture c
440
utre. c. Rougemont Denis de, « Le fédéralisme
et
notre temps », Cahiers de l’Alliance culturelle romande, Genève, mars
441
ent de reconnaître les apports judaïque, chrétien
et
arabe, à la formation de la culture européenne, d’autre part réduirai
442
jamais connu d’« Européens » à ce point illettrés
et
fanatiques, j’attendais avec curiosité des précisions, des noms. On n
443
colonne : c’est le Centre européen de la culture
et
ses publications qui sont « l’exemple typique » de l’altitude visée.
444
visée. Le CEC se livrerait donc à « l’effort vain
et
absurde de présenter une culture européenne unitaire » ; il nierait q
445
l’Europe soit « la patrie des contradictions » ;
et
il pratiquerait le « nationalisme culturel » au nom d’un « anticommun
446
isme, quand nous ne cessons d’écrire qu’avec Rome
et
Athènes ils sont les éléments fondamentaux de notre culture, à nous o
447
auteur consiste à lire à rebours tous nos écrits,
et
non pas à les interpréter d’une manière qui pourrait prêter à discuss
448
il y ait une tradition « européenne » du fascisme
et
de ses procédés, comme le rappelle votre auteur — non sans une éviden
449
ivent collaborer à notre « Europe en formation »,
et
à la vôtre. d. Rougemont Denis de, « À propos de la culture europé
450
ue utopie directrice, imaginée, vue par l’esprit,
et
comme saisie d’avance par sa passion maîtresse. Or, parmi les passion
451
, la vision d’un avenir politique au sens large :
et
ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier po
452
au sens large : et ce sont le besoin de puissance
et
le besoin de liberté. Le premier porte à vouloir des régimes unitaire
453
unitaires, centralisés, soumis à des lois simples
et
mécaniques, réglant tout le détail de l’existence : régimes totalitai
454
gés comme ils viennent, ménageant les complexités
et
l’imprévu de l’existence ; régimes dont l’anarchie serait la limite,
455
-socialisme, le marxisme-léninisme, le stalinisme
et
les devises de ces régimes : « Une foi, une loi, un roi », « Ein Volk
456
, ein Reich, ein Führer », « Mon Parti au pouvoir
et
les autres en prison ». En proclamant que « le coup électrique de la
457
vons le régime féodal mais aussi les corporations
et
les communes, le fédéralisme helvétique mais aussi l’idée primitive d
458
’il était en Suisse), l’anarchisme à la Bakounine
et
les brèves flambées du communisme anabaptiste ou de l’anarcho-syndica
459
deux tendances n’a jamais été isolée à l’état pur
et
portée dans la réalité à son comble ou à sa perfection (nulle société
460
perfection (nulle société ne saurait y survivre)
et
elles coexistent en nous. L’Européen normal vit quelque part entre le
461
ormal vit quelque part entre les deux extrémités,
et
ainsi tient de toutes les deux. Mais on remarque, chez les initiateur
462
ue, chez les initiateurs des mouvements de pensée
et
d’action politique, des dispositions dominantes qui déterminent nette
463
la fluidité ; l’un fait confiance aux règlements
et
aux décrets, l’autre aux règles d’action commune et aux méthodes. Ma
464
aux décrets, l’autre aux règles d’action commune
et
aux méthodes. Mais la volonté ou l’initiative d’un seul n’aurait auc
465
r réussit dans la mesure exacte où elle rencontre
et
satisfait un besoin largement partagé de subir la puissance d’un autr
466
d’obéir, donc d’être libéré de sa propre liberté.
Et
de même, l’initiative d’un animateur sans pouvoir contraignant n’est
467
n’est féconde que dans la mesure où elle éveille
et
libère chez beaucoup la possibilité de s’affirmer, de se charger de s
468
er, de se charger de ses propres responsabilités,
et
donc d’actualiser à son échelle sa volonté de puissance personnelle.
469
: je les nommerai symboliquement celui du manager
et
celui du professeur. Ils ont en commun une volonté déclarée d’objecti
470
clarée d’objectivité (technique ou scientifique),
et
une méfiance affichée à l’endroit des motifs passionnels qui prédéter
471
abstraite, en termes d’organisation sans défaut,
et
par le souci d’éliminer l’imprévu, l’improvisation, l’excès de « jeu
472
esquisse caractérologique des faiseurs d’utopies
et
de plans, et de leurs critiques : elle reste à écrire, on le voit. Il
473
actérologique des faiseurs d’utopies et de plans,
et
de leurs critiques : elle reste à écrire, on le voit. Il m’importait
474
orme à la logique déduite des sciences physiques,
et
biologiques dans cette seconde moitié du xxe siècle. Mais en fait, l
475
stades récents de notre aventure intellectuelle,
et
il en demeure indépendant. (Le premier ne suffit pas mieux à le réfut
476
me dans la cité qui est constitutive de l’Europe,
et
sans laquelle nos sciences et nos logiques ne seraient pas ce qu’elle
477
tutive de l’Europe, et sans laquelle nos sciences
et
nos logiques ne seraient pas ce qu’elles sont, ou n’auraient pas eu l
478
politique implique une certaine idée de l’homme,
et
contribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on le veuille o
479
ons pas ici non plus si nous pensions avec Hitler
et
les staliniens que l’homme n’est qu’un soldat politique, totalement a
480
ent responsable : vis-à-vis de sa vocation propre
et
unique d’une part, et, d’autre part, vis-à-vis de la communauté au se
481
à-vis de sa vocation propre et unique d’une part,
et
, d’autre part, vis-à-vis de la communauté au sein de laquelle sa voca
482
uver engagé du même coup dans le complexe social.
Et
aux collectivistes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne sont
483
de sa vocation. L’homme est donc à la fois libre
et
engagé, à la fois autonome et solidaire. Il vit dans la tension entre
484
onc à la fois libre et engagé, à la fois autonome
et
solidaire. Il vit dans la tension entre ces deux pôles : le particuli
485
la tension entre ces deux pôles : le particulier
et
le général ; entre ces deux responsabilités : sa vocation et la cité
486
al ; entre ces deux responsabilités : sa vocation
et
la cité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et c
487
ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même
et
celui qu’il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit d
488
ent trois types différents de régimes politiques,
et
sont en retour favorisés par eux. À l’homme considéré comme pur indiv
489
d un régime démocratique tendant vers l’anarchie,
et
débouchant dans le désordre, lequel prépare toujours la tyrannie. À l
490
l’homme considéré comme personne, à la fois libre
et
engagé, et vivant dans la tension entre l’autonomie et la solidarité,
491
sidéré comme personne, à la fois libre et engagé,
et
vivant dans la tension entre l’autonomie et la solidarité, correspond
492
gagé, et vivant dans la tension entre l’autonomie
et
la solidarité, correspond le régime fédéraliste. J’ajouterai une rema
493
juste milieu entre l’individu sans responsabilité
et
le soldat politique sans liberté. Car la personne, c’est l’homme réel
494
ans liberté. Car la personne, c’est l’homme réel,
et
les deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions d
495
La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste
et
le choléra, elle représente la santé civique. Un homme qui boit de l’
496
ente la santé civique. Un homme qui boit de l’eau
et
qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et ce
497
est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif
et
celui qui se noie. Et, de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’un
498
tre celui qui meurt de soif et celui qui se noie.
Et
, de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’un habile dosage d’anarch
499
me ne naîtra jamais d’un habile dosage d’anarchie
et
de dictature, de particularisme borné et de centralisation oppressive
500
anarchie et de dictature, de particularisme borné
et
de centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan qu
501
es, eux, sont dans le même plan, se conditionnent
et
s’appellent l’un l’autre. C’est avec la poussière des individus civiq
502
responsables que les dictateurs font leur ciment.
Et
nous avons pu voir, pendant la dernière guerre, que les résistances q
503
rsonne au fédéralisme s’opère tout naturellement,
et
presque irrésistiblement, le second n’étant que la projection de la p
504
composition dans le fédéralisme : ici l’individu
et
la collectivité, là l’autonomie locale et la vaste unité centralisée
505
ndividu et la collectivité, là l’autonomie locale
et
la vaste unité centralisée ; les déviations ou maladies se répondent
506
hie ou mise au pas tyrannique au plan politique ;
et
enfin les vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté et respon
507
vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté
et
responsabilité composées, quand l’équilibre vivant est atteint. Cet é
508
ssements, ajustements, réarrangements, inventions
et
créations en perpétuel renouvellement. C’est assez dire que le fédéra
509
st pas une doctrine fixe, ni vraiment un système,
et
encore moins un plan qu’il faudrait appliquer aux réalités humaines e
510
an qu’il faudrait appliquer aux réalités humaines
et
politiques, toujours « mal compassées » comme dit Descartes. C’est un
511
oser, quand il s’agit d’élaborer une constitution
et
des lois, et une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner ent
512
l s’agit d’élaborer une constitution et des lois,
et
une méthode de pilotage quand il s’agit de gouverner entre le Charybd
513
tre le Charybde de l’anarchie des particularismes
et
le Scylla de la centralisation totalitaire. Cet art et cette méthode
514
Scylla de la centralisation totalitaire. Cet art
et
cette méthode ne vont pas sans principes, sans techniques éprouvées,
515
éussis de fédérations politiques — les États-Unis
et
la Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’une manière empiri
516
pirique, tout se passe comme si les hommes d’État
et
les groupes qui les instituaient avaient constamment obéi à certains
517
n ne peut naître qu’au prix du renoncement formel
et
vigilant à toute idée d’hégémonie organisatrice, exercée par l’une de
518
des nations composantes. La croyance populaire —
et
d’ailleurs partagée par certains hommes d’États européens — selon laq
519
t), n’est confirmée par rien dans notre histoire,
et
tout la réfute en pratique. Si un despote ou un État impérialiste dét
520
fédère pas, il annexe ; il n’unit pas, il unifie.
Et
les coalitions qui se forment contre lui ne survivent pas à sa défait
521
à-dire déposent leur surplus de moyens techniques
et
de richesses dans une caisse commune, ils agissent alors en fondateur
522
aux besoins réels d’une communauté en puissance,
et
à des solutions qui figurent l’optimum entre les maxima contradictoir
523
maxima contradictoires de la liberté individuelle
et
de la solidarité sociale. L’histoire suisse illustre à l’envi ce proc
524
contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang,
et
l’union fédérale a marqué un progrès. Lors de la dernière crise grave
525
ve, la guerre civile de 1847 opposant catholiques
et
protestants (le Sonderbund ou « Alliance séparée » des catholiques, a
526
rendre aux vaincus leur pleine égalité de droits.
Et
de cet acte de renoncement à l’hégémonie conquise, a résulté la Const
527
ir l’attitude fédéraliste comme un refus constant
et
instinctif de recourir aux solutions systématiques, aux plans simples
528
ystématiques, aux plans simples de lignes, clairs
et
satisfaisants pour la logique, mais par là même infidèles au réel, ve
529
rranger ensemble, composer ces réalités concrètes
et
hétéroclites que sont les nations, les régions économiques, les unité
530
euses, linguistiques, les traditions politiques ;
et
c’est les arranger selon leurs caractères particuliers, qu’il s’agit
531
articuliers, qu’il s’agit à la fois de respecter,
et
d’articuler dans un tout. Troisième principe. Le fédéralisme ne conn
532
ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre,
et
le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une minorité puis
533
ur population. Mais le jeu des minorités raciales
et
religieuses qui composent l’ensemble ne se manifeste guère au plan mu
534
es États (deux députés par canton), mais surtout,
et
d’une manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie pol
535
s efficace, dans les coutumes de la vie politique
et
culturelle, où l’on voit la Suisse romande et la Suisse italienne jou
536
que et culturelle, où l’on voit la Suisse romande
et
la Suisse italienne jouer un rôle sans proportion avec le chiffre de
537
ération n’a pas pour but d’effacer les diversités
et
de fondre toutes les nations en un seul bloc, mais, au contraire, de
538
r leurs qualités propres. La richesse de l’Europe
et
l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’unifi
539
ntait d’unifier le continent, de tout y mélanger,
et
d’obtenir une sorte de nation européenne où Latins et Germains, Slave
540
’obtenir une sorte de nation européenne où Latins
et
Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs, se verraient
541
e nation européenne où Latins et Germains, Slaves
et
Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs, se verraient soumis aux mêmes loi
542
et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves
et
Grecs, se verraient soumis aux mêmes lois et coutumes, qui ne pourrai
543
aves et Grecs, se verraient soumis aux mêmes lois
et
coutumes, qui ne pourrait satisfaire aucun de ces groupes ; et qui le
544
qui ne pourrait satisfaire aucun de ces groupes ;
et
qui les brimerait tous. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du d
545
t. Art de la composition, elle requiert à la fois
et
en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Preno
546
fois et en même temps la vivacité des contrastes
et
leur harmonisation. Prenons l’exemple d’une œuvre picturale : il n’y
547
ble, dans un tableau, sans contrastes de couleurs
et
sans nuances complexes ; de même que sans une vision d’ensemble (cell
548
e sans une vision d’ensemble (celle de l’artiste)
et
hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels ent
549
e la qualité particulière d’un rouge se manifeste
et
chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé ave
550
e sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté
et
composé avec des verts, par exemple, dans l’unité globale d’une œuvre
551
mplexité. Le totalitaire, lui, trouve plus simple
et
plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui abo
552
chemises brunes par exemple, de sinistre mémoire.
Et
voilà toute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre un
553
fédérale, qui est libre union dans la diversité,
et
l’unification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction f
554
aient que leur harmonie est une nécessité vitale,
et
non pas une concession qu’on leur demande, ou une diminution de leur
555
une simple question de tolérance, vertu négative
et
qui naît le plus souvent du scepticisme, mais plutôt de participation
556
sme, mais plutôt de participation, vertu positive
et
qui naît d’une juste ambition. Chaque nation serait mise au défi de d
557
fi de donner le meilleur d’elle-même à sa manière
et
selon son génie. Après tout, le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur.
558
un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible,
et
, dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Cinqu
559
térise l’esprit totalitaire. Je dis bien l’amour,
et
non pas le respect théorique ou la tolérance complaisante. L’amour de
560
mour des complexités culturelles, psychologiques,
et
même économiques, telle est la santé du régime fédéraliste. Et ses pi
561
miques, telle est la santé du régime fédéraliste.
Et
ses pires ennemis sont ceux dont Jacob Burckhardt annonçait la venue
562
que cette complexité — cause de tant de lenteurs
et
d’excessives prudences — est la condition même de nos libertés. C’est
563
que nos fonctionnaires sont rappelés au concret,
et
que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec
564
er un contact attentif avec les réalités humaines
et
naturelles du pays. La Suisse est formée d’une multitude de groupes e
565
. La Suisse est formée d’une multitude de groupes
et
d’organismes politiques, administratifs, culturels, linguistiques, re
566
s, religieux, qui n’ont pas les mêmes frontières,
et
qui se recoupent de cent manières différentes. Il est clair que des l
567
e ces groupes, tendraient à réduire leur variété,
et
mutileraient ainsi dans plusieurs de ses dimensions la personne même
568
e, de tirer des plans à la règle, dans un bureau,
et
de forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qui résiste, ou
569
nfiniment plus de soins, d’ingéniosité technique,
et
de compréhension des peuples qu’elle administre. Elle exige beaucoup
570
r incapacité de les composer en un tout organique
et
vivant. Sixième principe. Une fédération se forme de proche en proch
571
e de proche en proche, par le moyen des personnes
et
des groupes, et non point à partir d’un centre ou par le moyen des go
572
roche, par le moyen des personnes et des groupes,
et
non point à partir d’un centre ou par le moyen des gouvernements. Nou
573
européenne se composer lentement, un peu partout,
et
de toutes sortes de manières. Ici, c’est une entente économique, là c
574
nfessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre,
et
là ce sont des professions qui s’organisent. Et surtout, ce sont des
575
, et là ce sont des professions qui s’organisent.
Et
surtout, ce sont des personnes, des groupes, des écoles, qui créent p
576
anges européens. Rien de tout cela n’est inutile.
Et
tout cela qui paraît si dispersé, si peu efficace souvent, forme peu
577
complexes, dessine les linéaments d’une ossature
et
le système des vaisseaux sanguins de ce qui deviendra un jour le corp
578
dra un jour le corps de l’Europe unie. Au-dessous
et
au-dessus des gouvernements, l’Europe des réalités humaines est beauc
579
n de l’action gouvernementale que les oppositions
et
les rivalités éclatent, et là seulement elles semblent ou deviennent
580
le que les oppositions et les rivalités éclatent,
et
là seulement elles semblent ou deviennent irréductibles. Il paraît d
581
qu’avait tenté de faire la SDN, qui en est morte,
et
ce qu’a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédérati
582
reste du monde, mais peut être l’œuvre de groupes
et
de personnes qui ont pris l’initiative de se fédérer en dehors des go
583
nationaux (Congrès de l’Europe à La Haye en 1948,
et
ses suites) et qui, par le détour de l’opinion publique et de groupes
584
rès de l’Europe à La Haye en 1948, et ses suites)
et
qui, par le détour de l’opinion publique et de groupes de pression éc
585
ites) et qui, par le détour de l’opinion publique
et
de groupes de pression économiques ou idéologiques, amèneront quelque
586
ations sont gouvernées, au-dessus de leurs États,
et
en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples e
587
leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif
et
un législatif issus des peuples et des groupes de tout ordre qui anim
588
ar un exécutif et un législatif issus des peuples
et
des groupes de tout ordre qui animent la vie publique. Septième prin
589
mpérialistes, mais au contraire : pour l’avantage
et
la survivance de chacune des communautés constituantes et pour qu’ell
590
rvivance de chacune des communautés constituantes
et
pour qu’elles puissent exercer ensemble des fonctions qui dépassent l
591
ux reprises, ni les Soviets nous pressant à l’Est
et
nous minant à l’intérieur par les partis qu’ils commandaient chez nou
592
réussi à provoquer la fédération de nos craintes
et
de nos forces de défense. Aux yeux de l’histoire, la cause est entend
593
e. Aux yeux de l’histoire, la cause est entendue.
Et
quant aux entreprises impérialistes des Européens — les colonies —, e
594
iste : elles n’ont contribué qu’à notre division,
et
presque à notre ruine à deux reprises. En revanche, les treize États
595
En revanche, les treize États américains en 1783,
et
les vingt-deux cantons suisses en 1848, ont compris qu’isolés ils tom
596
pouvaient à la fois sauver leurs libertés locales
et
agir comme une seule nation au niveau des réalités de leur époque. Ni
597
amatiques de l’incapacité de subsister isolément,
et
en même temps, la reconnaissance des capacités politiques, économique
598
onnaissance des capacités politiques, économiques
et
culturelles ménagées par l’union virtuelle, ont réussi à provoquer la
599
suisses au lendemain de la guerre du Sonderbund,
et
notamment devant le double défi de sauvegarder leurs libertés civique
600
ouble défi de sauvegarder leurs libertés civiques
et
leurs coutumes nationales, mais d’assumer aussi leurs tâches mondiale
601
lle est d’un type organique plutôt que rationnel,
et
dialectique plutôt que seulement logique. Elle échappe aux catégories
602
nt logique. Elle échappe aux catégories statiques
et
géométriques du rationalisme vulgaire ; mais correspond assez bien au
603
ar la réduction impitoyable des réalités vivantes
et
gênantes. Elle cherche au contraire le secret d’un équilibre souple e
604
rche au contraire le secret d’un équilibre souple
et
constamment mouvant entre des groupes qu’il s’agit de composer en sau
605
oser en sauvegardant à la fois leur individualité
et
leurs relations créatrices. On ne saurait trop insister sur ce double
606
re très clairement. En effet, les mots fédération
et
fédéralisme sont compris de deux manières très différentes par les Su
607
ères très différentes par les Suisses alémaniques
et
par les Suisses romands. En allemand, confédération se dit Bund, qui
608
d, confédération se dit Bund, qui signifie union,
et
qui évoque avant tout l’idée de centralisation. En Suisse romande, au
609
dire surtout : rester libre chez soi. Or les uns
et
les autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’à moitié raison. Le vérita
610
t, « un pour tous » signifie l’élan des personnes
et
des régions vers l’union, tandis que « tous pour un » signifie l’aide
611
l’aide que l’union doit apporter à chaque région
et
à chaque personne. Il est infiniment probable que, sur le plan europ
612
fédéralistes qui ne penseront qu’à faire l’union
et
à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout
613
e penseront qu’à faire l’union et à la renforcer,
et
nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout de sauvegarder les
614
iètements du pouvoir central. Une nouvelle gauche
et
une nouvelle droite, en somme. Et il faudra sans cesse rappeler aux d
615
nouvelle gauche et une nouvelle droite, en somme.
Et
il faudra sans cesse rappeler aux deux partis que le fédéralisme véri
616
dialogue, dans leur tension féconde. Toutefois —
et
il m’importe au plus haut point de le préciser ici et de le souligner
617
l m’importe au plus haut point de le préciser ici
et
de le souligner —, cette coexistence, ce dialogue, cette tension ne d
618
sés, qui sont l’établissement de l’union générale
et
le respect des droits particuliers. Car cela ne conduirait en pratiqu
619
ais bientôt accusée d’oppression par ses membres,
et
à des droits trop limités mais taxés d’abusifs par le centre. La sain
620
être carrément centralisé pour bien fonctionner,
et
ce qui doit rester pleinement autonome pour bien vivre. Deux cas extr
621
mes illustreront ce point : celui des transports,
et
celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun des membres d’
622
édération bénéficiera d’une organisation uniforme
et
centralisée des chemins de fer, des postes et télécommunications, voi
623
rme et centralisée des chemins de fer, des postes
et
télécommunications, voire de l’aviation4, la fonction même de ces moy
624
s traditions religieuses, des conditions sociales
et
des psychologies dont chacun sait que la variété même conditionne la
625
d’enseignement (comme c’est le cas aux États-Unis
et
en Suisse). Les éléments fondamentaux de culture commune étant par ai
626
dépassent les moyens dont disposent les individus
et
les régions, se manifeste la nécessité d’un Centre inspirant, équilib
627
e inspirant, équilibrant, coordonnant les efforts
et
veillant au surplus à leur financement fédéral.) Ceci posé, il va sa
628
mettre l’existence parallèle de services fédéraux
et
de services nationaux ou régionaux (police, tribunaux, par exemple) a
629
unaux, par exemple) aux compétences bien définies
et
distinctes. Mais ceci ne change rien au principe de la méthode indiqu
630
ien au principe de la méthode indiquée ci-dessus,
et
qui consiste à distinguer dans tous les domaines de la vie publique,
631
ibre initiative des États ou régions, des groupes
et
des individus. Étant bien entendu que les frontières entre le secteur
632
du que les frontières entre le secteur centralisé
et
le secteur libre doivent être constamment réajustées en vertu de la f
633
l prenne la charge de les organiser, rationaliser
et
simplifier, élargissant ainsi ses compétences administratives — mais
634
chose publique d’une méthode générale de travail
et
de création, qui rend compte du dynamisme particulier de notre civili
635
roissante des activités inventées par la personne
et
assimilées par la communauté. À chaque conquête nouvelle effectuée,
636
bérer du travail qui pouvait être fait par elle ;
et
s’ils ne savent mettre à profit les libertés ainsi conquises, à la fo
637
les libertés ainsi conquises, à la fois physiques
et
psychiques, personnelles et sociales, c’est leur esprit d’abord qui e
638
, à la fois physiques et psychiques, personnelles
et
sociales, c’est leur esprit d’abord qui en est le vrai responsable. L
639
production d’un pool international, des habitudes
et
routines privées aux règlements collectifs et aux lois — n’est en fin
640
des et routines privées aux règlements collectifs
et
aux lois — n’est en fin de compte, comme à l’origine, qu’un auxiliair
641
yen ordonné à sa fin. De même, il serait néfaste
et
faux de considérer la centralisation, l’organisation, les lois fédéra
642
citoyens des moyens de mieux vivre sa vie propre,
et
de plus librement se choisir : sécurité physique mieux assurée ; dive
643
mieux assurée ; diversités personnelles, locales
et
régionales mieux affirmées, parce qu’allégées des tâches indifférenci
644
ées, parce qu’allégées des tâches indifférenciées
et
niveleuses ; possibilités de déplacement, donc de contacts ou d’éloig
645
ent, donc de contacts ou d’éloignement à volonté,
et
par suite d’élargissement de la conscience ; faculté accrue de s’enga
646
éfinition progressiste, libératrice, aventureuse,
et
dont le fédéralisme nous apparaît maintenant comme la traduction poli
647
la menacent en permanence. La tyrannie de l’État
et
de ses mécanismes, l’anarchie individualiste (ou impérialisme local)
648
nocratie, pédantisme agressif des administrations
et
dictature du plan, d’une part ; condition prolétarienne, travail huma
649
à la chaîne, aliénation des libertés essentielles
et
disciplines totalitaires imposées à la révolte individuelle, d’autre
650
individuelle, d’autre part, résultent d’une seule
et
même démission de la personne devant sa liberté et devant sa responsa
651
t même démission de la personne devant sa liberté
et
devant sa responsabilité. Mais la personne démissionnaire accuse les
652
démissionnaire accuse les mécanismes, ces objets,
et
les doue des pouvoirs de sujets qu’elle abdique… ⁂ IV. Passage des
653
els sont alors les buts que l’homme européen peut
et
doit projeter au plan de la politique et de l’organisation du contine
654
éen peut et doit projeter au plan de la politique
et
de l’organisation du continent, pour les décennies à venir ? Et de qu
655
sation du continent, pour les décennies à venir ?
Et
de quels mécanismes l’Europe a-t-elle besoin pour atteindre ces buts,
656
pour s’en rapprocher ? Buts. Autonomie (liberté
et
responsabilité) croissante des personnes, des groupes, des communes,
657
ersonnes, des groupes, des communes, des régions,
et
finalement de l’Europe entière, pour exercer de mieux en mieux leur v
658
ur vocation particulière, à leur degré de réalité
et
d’action, soit dans la vie privée (qui relève de la métaphysique), so
659
ieur du continent les services libérant personnes
et
groupes des tâches mécanisables ; b) de manifester à l’échelle mondia
660
à-dire de donner une Voix à l’ensemble historique
et
culturel qu’est l’Europe. Tout le problème est d’ordonner, subordonne
661
ieur, d’éviter que les indépendances personnelles
et
locales soient dissoutes dans un réseau toujours plus serré d’interdé
662
ans contrôle ni orientation, par suite niveleuses
et
accroissant l’entropie de l’ensemble ; — d’autre part, vis-à-vis de l
663
oires (en vérité, complémentaires) de l’autonomie
et
de l’union. Sa solution peut apparaître d’une complexité sans espoir
664
e la vie politique qui se contentent des routines
et
recettes « réalistes » héritées du siècle dernier (jeux des réflexes
665
es du siècle dernier (jeux des réflexes partisans
et
nationalistes, usage des slogans démagogiques, appels alternés aux pa
666
gogiques, appels alternés aux passions populaires
et
aux experts), mais je la tiens pour moins difficile que celles qu’on
667
fusée balistique ou d’un vaisseau astronautique.
Et
l’on ne voit pas comment « l’art du possible » pourrait encore servir
668
lasse politicienne qui n’a pas su prévoir Hitler,
et
qui trouvait le Marché commun trop technique pour être sérieux. Philo
669
technique pour être sérieux. Philosophie des buts
et
science de leurs moyens doivent déterminer conjointement toute vision
670
es exigences que l’on vient d’énoncer : Autonomie
et
Union, Buts et Moyens, philosophie de la personne et technique d’orga
671
e l’on vient d’énoncer : Autonomie et Union, Buts
et
Moyens, philosophie de la personne et technique d’organisation qui la
672
Union, Buts et Moyens, philosophie de la personne
et
technique d’organisation qui la traduise. En bonne méthode personnali
673
s a pour fins, d’une part, d’assurer les libertés
et
les responsabilités civiques à l’intérieur de la fédération ; d’autre
674
re part, de représenter dans le monde la vocation
et
les intérêts propres de l’ensemble européen. Comment ces grands princ
675
à vivre, en aventures, en découvertes de soi-même
et
des autres hommes. Du rocher de Gibraltar à la steppe monotone, des l
676
la fédération européenne circulent du nord au sud
et
de l’est à l’ouest sans passeports ni visas, sans visites de douanes,
677
e peuple. Ils apprennent à considérer les gloires
et
les hontes du passé de chaque pays européen comme les leurs, et l’ave
678
du passé de chaque pays européen comme les leurs,
et
l’avenir de l’ensemble européen comme leur avenir. Leur horizon, leur
679
etite, mais s’ouvre aux dimensions continentales,
et
donc mondiales. S’ils veulent sortir de l’Europe, vers l’Afrique ou l
680
al. On cherchera à éviter les congestions locales
et
les goulots d’étranglement, dans les régions les plus favorisées par
681
cun peut vendre ses produits partout, sans taxes,
et
acheter ce qui se fait partout, au même prix et en francs européens.
682
, et acheter ce qui se fait partout, au même prix
et
en francs européens. Ce marché commun de 400 millions de producteurs
683
. Ce marché commun de 400 millions de producteurs
et
de consommateurs est de loin le plus riche et le plus varié du monde.
684
urs et de consommateurs est de loin le plus riche
et
le plus varié du monde. L’Europe a donc cessé de se sentir écrasée en
685
ds » : elle est plus « grande » que chacun d’eux,
et
presque autant que les deux additionnés. Mais cette grande liberté co
686
llement ceux qui préfèrent la sécurité maternelle
et
la protection d’une partie limitée, d’en jouir et même mieux qu’avant
687
et la protection d’une partie limitée, d’en jouir
et
même mieux qu’avant. Car chaque citoyen de l’Europe relève d’un pays
688
mmunauté définie où il a (ou prend) ses racines ;
et
il peut y exercer ses droits civiques. Le droit à une patrie locale e
689
locale est garanti par la Constitution fédérale,
et
surveillé par la Cour fédérale de justice, dépositaire du Statut de l
690
rsonne. Pour devenir citoyen de l’Europe, il faut
et
il suffit que l’on devienne d’abord citoyen de l’un des pays membres,
691
at membre y bénéficie de tous les droits civiques
et
sociaux. Il y vote, et il y est éligible après un certain délai, qui
692
e tous les droits civiques et sociaux. Il y vote,
et
il y est éligible après un certain délai, qui varie selon qu’il s’agi
693
onsables vis-à-vis de leurs citoyens de maintenir
et
développer leur autonomie, leur physionomie particulière, leurs propr
694
leur physionomie particulière, leurs propres lois
et
coutumes, pour autant que celles-ci ne conservent ou n’introduisent r
695
sent rien au contraire à la Constitution fédérale
et
à la Charte des droits de la personne. (Les libertés de culte, d’expr
696
la personne. (Les libertés de culte, d’expression
et
d’association sont expressément garanties ; l’État, ou la majorité da
697
minorités.) D’autre part, face au reste du monde
et
dans le monde, nos peuples peuvent enfin faire entendre la Voix de l’
698
it de déterminer leur destin, sur ce plan aussi. (
Et
l’on verra que ce droit joue en faveur de la paix.) La vocation cultu
699
aix.) La vocation culturelle, sociale, économique
et
politique de l’ensemble européen s’exprime désormais par des décision
700
décisions fédérales, qui traduisent la conscience
et
la volonté de la majorité des États et des Européens responsables de
701
conscience et la volonté de la majorité des États
et
des Européens responsables de leur État. La fédération européenne a s
702
rre comme moyen politique. Pour sa police interne
et
pour garantir ses membres contre l’extérieur, elle entretient des for
703
s institutions européennes ont pour raison d’être
et
principe formateur d’exprimer et de garantir les libertés fondamental
704
ur raison d’être et principe formateur d’exprimer
et
de garantir les libertés fondamentales de l’homme européen. Il en rés
705
d espace composé d’une vingtaine d’États membres,
et
de quelques États associés (bordure de l’Est). La souveraineté des me
706
s discussions politiques, juridiques, économiques
et
culturelles les plus vivantes et les plus difficiles, à l’intérieur d
707
ues, économiques et culturelles les plus vivantes
et
les plus difficiles, à l’intérieur de la fédération vers 1980. Elle n
708
’Europe. Ouvrons donc en ce point une parenthèse,
et
, faisant retour en arrière, examinons la situation telle qu’elle se p
709
les divers modes possibles d’une union politique,
et
à supputer les conséquences probables qu’entraînerait une fédération.
710
a) Rapports entre les souverainetés nationales
et
la fédération Entre un unitarisme jacobin opprimant les autonomies
711
e un unitarisme jacobin opprimant les autonomies,
et
une nouvelle Sainte-Alliance, interdisant toute union efficace, il s’
712
quilibre en mouvement entre les pouvoirs fédéraux
et
les États, entre le corps et les organes. Le problème le plus épineux
713
es pouvoirs fédéraux et les États, entre le corps
et
les organes. Le problème le plus épineux est celui de la souveraineté
714
t des États : ce ne sont pas des personnes libres
et
responsables, et il est tout à fait inconcevable qu’ils puissent agir
715
ne sont pas des personnes libres et responsables,
et
il est tout à fait inconcevable qu’ils puissent agir sous le coup d’u
716
des souverainetés en grande partie inexistantes,
et
qu’on ne pourrait que renforcer temporairement en les obligeant à se
717
é n’est pas limitée par la Constitution fédérale,
et
comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au
718
par l’article 3, leurs constitutions, la liberté
et
les droits du peuple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple et de
719
peuple… (etc.) Ratifiés par la majorité du peuple
et
des cantons, ces articles ont résolu le problème à la satisfaction gé
720
titution plus fédéraliste que celle de la Suisse,
et
pourtant elle garantit la souveraineté de ses membres ! Souveraineté
721
la mesure où elle subsiste, elle se voit garantie
et
défendue par une constitution, par une armée, et par la volonté unani
722
et défendue par une constitution, par une armée,
et
par la volonté unanime des peuples et des États confédérés. Ce qui es
723
une armée, et par la volonté unanime des peuples
et
des États confédérés. Ce qui est bien loin d’être le cas des souverai
724
aineté classique sont reportés au niveau fédéral,
et
la fédération, de plus, a renoncé au droit d’attaquer ses voisins ou
725
leurs querelles. Mais qu’en est-il de ces voisins
et
de leur souveraineté illimitée ? L’affaire de Suez a permis d’en juge
726
aux « souverains » : celui de déclarer la guerre
et
celui de conclure la paix comme on l’entend et quand on le veut. En f
727
re et celui de conclure la paix comme on l’entend
et
quand on le veut. En fait, ces deux États se sont vus brutalement mis
728
r, ces puissances n’étaient pas même européennes,
et
sans l’appui de l’une aucun pays d’Europe ne peut se défendre contre
729
assique ; mais il y a plus : aucun n’est autonome
et
ne pourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le sera pas. Leur
730
arantie (ni d’ailleurs menacée) par leurs voisins
et
frères, mais seulement par l’une des puissances extérieures qui ont l
731
’il est plus nouveau que celui des souverainetés,
et
qu’il est même sans précédent dans l’ère moderne. Voici comment on pe
732
l’union fédérale étende à l’ensemble du continent
et
aux îles britanniques le régime qui est en train de s’instaurer entre
733
— réduites à d’invisibles limites administratives
et
d’état civil, comme c’est le cas entre les cantons suisses depuis 184
734
régionales. La notion de « métropole » économique
et
culturelle prendra forme. Des reliefs nouveaux, comparables à des sou
735
emboîtées quoique très arbitrairement délimitées.
Et
l’on verra des États unitaires, comme la France, ou l’Espagne, ou la
736
ce, ou l’Espagne, ou la Belgique, se différencier
et
se réorganiser en autant de régions nouvelles (ou réanimées), qu’il y
737
ent à peu près à des régions à la fois naturelles
et
culturelles — linguistiques, religieuses, et de mœurs et coutumes7 ;
738
lles et culturelles — linguistiques, religieuses,
et
de mœurs et coutumes7 ; tandis que les États centralisés de l’Europe,
739
urelles — linguistiques, religieuses, et de mœurs
et
coutumes7 ; tandis que les États centralisés de l’Europe, hérités du
740
ne tiennent plus compte des frontières nationales
et
modifient profondément le régime des États naguère centralisés. Au li
741
yonnement. La mobilité des industries nouvelles,
et
leur indépendance par rapport au sous-sol, provoquent la naissance de
742
t la naissance de complexes à la fois économiques
et
culturels qui ne recouvrent pas nécessairement les anciennes province
743
écessairement les anciennes provinces ou régions,
et
qui chevauchent souvent les frontières « nationales » dessinées au xv
744
es frontières « nationales » dessinées au xviiie
et
au xixe siècle. Les régions de climat salubre, ou amène, se voient à
745
e du charbon, des corons, des banlieues ouvrières
et
des mines se vide, au profit des régions méridionales, fluviales, ou
746
sociologues, hygiénistes, urbanistes, éducateurs,
et
spécialistes du droit fédéral : ces derniers devant faire preuve, plu
747
e constitue. Une politique fédérale de production
et
de distribution tend à prévoir et régulariser les mouvements démograp
748
e de production et de distribution tend à prévoir
et
régulariser les mouvements démographiques, et les incidences industri
749
oir et régulariser les mouvements démographiques,
et
les incidences industrielles et commerciales des associations ou unio
750
s démographiques, et les incidences industrielles
et
commerciales des associations ou unions régionales. Elle s’efforce d’
751
veaux centres, les besoins généraux du continent,
et
les échanges toujours plus intenses à l’échelle mondiale. Ce processu
752
lequel la fédération joue un rôle d’intermédiaire
et
de régulateur entre le monde et les régions, a pour double effet de d
753
e d’intermédiaire et de régulateur entre le monde
et
les régions, a pour double effet de diminuer l’importance des anciens
754
effet de diminuer l’importance des anciens États
et
d’augmenter celle des foyers locaux. La renaissance des communes s’af
755
réciable » (Tocqueville) dans le cadre trop vaste
et
trop rigide de l’État-nation, retrouve au niveau communal le concret
756
rouve au niveau communal le concret de ses droits
et
de ses responsabilités. Groupées en syndicats de production, en coopé
757
on, en coopératives techniques ou de distribution
et
de consommation, les communes redeviennent les cellules de base de ch
758
ent les cellules de base de chaque région réelle,
et
le milieu par excellence de l’action civique. c) Attributs de la f
759
tributs de la fédération La structure fédérale
et
la répartition des pouvoirs entre la fédération et ses membres sont l
760
t la répartition des pouvoirs entre la fédération
et
ses membres sont l’expression directe des principes énoncés plus haut
761
pression directe des principes énoncés plus haut,
et
s’en déduisent sans autres difficultés que celles qui naissent d’une
762
cter autant que possible les situations spéciales
et
locales. Les compétences du pouvoir fédéral s’exercent donc d’abord d
763
’abord dans le domaine de la politique étrangère,
et
de la défense. Aucun État membre ne pouvant plus conclure d’alliances
764
usieurs États conservent cependant, à l’intérieur
et
à l’extérieur de la fédération, des ambassades et consulats chargés d
765
et à l’extérieur de la fédération, des ambassades
et
consulats chargés d’entretenir les relations qui ne sont pas du resso
766
nt pas du ressort fédéral. (Relations économiques
et
commerciales, dans la mesure compatible avec les plans fédéraux ; rel
767
résultant de l’ouverture d’un grand espace libre
et
de la mise en commun des ressources de base ; la possibilité pour l’i
768
tir ses allégeances entre des ensembles culturels
et
spirituels plus restreints ou plus vastes que la communauté politique
769
munauté politique (État ou région) où il est né ;
et
enfin le libre jeu dans la fédération d’innombrables tensions de tous
770
r les États nationalistes en compétition brutale,
et
que leur liquidation a seule permis le rapprochement des peuples de l
771
ecours à la guerre, elle reste neutre en théorie,
et
fidèle à l’esprit de sa Constitution ainsi étendu à l’alliance ; mais
772
ge de rassurer le tiers parti quant à sa sécurité
et
de décourager ses propres tendances agressives. En revanche, l’Europe
773
libertés d’établissement, de travail, de commerce
et
de circulation des biens sur tout son territoire, elle se charge d’or
774
r tout son territoire, elle se charge d’organiser
et
de subventionner les activités qui dépassent la capacité des États me
775
litique de production, de répartition intérieure,
et
d’échanges à l’échelle mondiale. Elle soutient et harmonise les plan
776
t d’échanges à l’échelle mondiale. Elle soutient
et
harmonise les plans d’aménagement du territoire entrepris par les Éta
777
Européens dans le domaine de la culture. Débattue
et
décidée par le Conseil des recherches et de l’enseignement (voir plus
778
Débattue et décidée par le Conseil des recherches
et
de l’enseignement (voir plus loin) cette politique est représentée da
779
acités nationales, concernent l’ensemble européen
et
ses intérêts généraux. (Exemples : création d’Instituts européens dan
780
ubliques de l’Europe dans le « monde de Bandung »
et
dans le monde communiste. « Voix de l’Europe » à la RTV, etc.) Enfin,
781
e intérieur, les constitutions des États membres,
et
toutes les libertés personnelles et publiques reconnues par la Consti
782
tats membres, et toutes les libertés personnelles
et
publiques reconnues par la Constitution fédérale. d) Attributions
783
ière générale, les États exercent tous les droits
et
devoirs législatifs, exécutifs et judiciaires prévus par leur constit
784
tous les droits et devoirs législatifs, exécutifs
et
judiciaires prévus par leur constitution, dans la mesure où ces droit
785
r leur constitution, dans la mesure où ces droits
et
devoirs ne sont pas délégués à la fédération. C’est en matière d’éduc
786
ués à la fédération. C’est en matière d’éducation
et
de culture, notamment, que les États conservent les plus larges compé
787
des États provient de la renaissance des régions
et
de la formation de « métropoles » nouvelles. En vertu de dispositions
788
es conditions de développement étant satisfaites,
et
sous réserve d’une approbation fédérale, régions et métropoles peuven
789
sous réserve d’une approbation fédérale, régions
et
métropoles peuvent se donner des structures et des pouvoirs autonomes
790
ns et métropoles peuvent se donner des structures
et
des pouvoirs autonomes, et elles peuvent aussi s’associer avec d’autr
791
donner des structures et des pouvoirs autonomes,
et
elles peuvent aussi s’associer avec d’autres entités comparables rele
792
ens » (nés d’ailleurs, pour la plupart, aux xixe
et
xxe siècles) en fédération des régions réelles. e) Autorités fédé
793
La double nécessité d’assurer l’union européenne
et
l’autonomie des communautés fédérées implique une dualité corresponda
794
compose donc d’une Chambre des députés européens
et
d’un Sénat européen, la première représentant les peuples, le second,
795
re représentant les peuples, le second, les États
et
les communautés dotées d’une autonomie reconnue. Les affaires de la c
796
on fédérale, garantie des constitutions des États
et
des autonomies régionales, mesures propres à faire respecter la Const
797
de celle-ci, garantie des libertés, organisation
et
droit de disposer de l’armée fédérale, ratification des traités, budg
798
’armée fédérale, ratification des traités, budget
et
approbation des comptes de la fédération, élection de l’exécutif et d
799
comptes de la fédération, élection de l’exécutif
et
de la Cour de justice. Les lois fédérales ne peuvent être rendues qu’
800
écutives : Un complexe de traditions, confessions
et
langues, de conditions naturelles et de possibilités de développement
801
confessions et langues, de conditions naturelles
et
de possibilités de développement aussi différenciées que celles qui e
802
nt élus pour trois ans par l’Assemblée européenne
et
sont rééligibles. On ne peut choisir plus d’un membre dans le même pa
803
ché commun. Le ministre des Relations culturelles
et
le ministre de la Recherche scientifique co-président un Conseil des
804
ientifique co-président un Conseil des recherches
et
de l’enseignement, composé de représentants des sciences naturelles,
805
ales, psychologiques, religieuses, de la médecine
et
de l’hygiène, des arts et lettres, de l’histoire, de l’éducation, de
806
gieuses, de la médecine et de l’hygiène, des arts
et
lettres, de l’histoire, de l’éducation, de l’architecture et de l’urb
807
de l’histoire, de l’éducation, de l’architecture
et
de l’urbanisme. Le ministre de la Justice préside une Commission des
808
, celui de l’Intérieur une Commission des régions
et
des États, etc. Les projets des lois et arrêtés élaborés par ces comm
809
s régions et des États, etc. Les projets des lois
et
arrêtés élaborés par ces commissions ministérielles, sont présentés p
810
stérielles, sont présentés par le Conseil fédéral
et
soumis au vote de l’Assemblée (éventuellement au référendum) qui peut
811
édéral administre la justice en matière fédérale,
et
connaît notamment des conflits de compétence entre la fédération et l
812
nt des conflits de compétence entre la fédération
et
les États membres ; des différends entre les États ; des réclamations
813
trahison ou de révolte concernant la fédération,
et
d’autres causes qui lui sont soumises par accord des parties, quand l
814
que la fédération soit gouvernée par un Collège,
et
non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capital
815
storique englobant des siècles d’histoire commune
et
toutes les diversités que l’on sait, le District fédéral ne saurait ê
816
être qu’un petit pays, cependant très diversifié
et
si possible de tradition fédéraliste ; enfin, comme Washington, D.C.,
817
, d’ailleurs gardienne traditionnelle des valeurs
et
réalités d’intérêt commun pour l’Europe. De même qu’au xiie siècle l
818
ui prend ses sources dans la théologie chrétienne
et
dans la philosophie grecque, et peut se réclamer du thomisme puis du
819
ologie chrétienne et dans la philosophie grecque,
et
peut se réclamer du thomisme puis du calvinisme, plus tard du sociali
820
itique qui a fait ses preuves notamment en Suisse
et
aux États-Unis et qui est pratiquée aujourd’hui dans les processus de
821
ses preuves notamment en Suisse et aux États-Unis
et
qui est pratiquée aujourd’hui dans les processus de décision des Comm
822
nomie moderne, de la nouvelle vision scientifique
et
des moyens fournis par les techniques d’avant-garde, crée une conjonc
823
ce qui incline à penser que les réussites suisse
et
nord-américaine ont une valeur probante pour les « réalistes », sinon
824
au sérieux les déclarations réitérées du Vatican,
et
les protestants qui ont gardé vivante la tradition calvinienne, ne pe
825
lan confessionnel, dont on connaît l’essor récent
et
très puissant. Quant aux libéraux agnostiques, ils peuvent trouver da
826
taires. 4. L’application des découvertes récentes
et
imminentes de la physique et de la biologie non seulement à des armes
827
découvertes récentes et imminentes de la physique
et
de la biologie non seulement à des armes encore plus puissantes et be
828
non seulement à des armes encore plus puissantes
et
beaucoup plus maniables que la bombe H, mais aussi à des procédés de
829
s procédés de manipulation du psychisme collectif
et
de conditionnement physiologique de certaines classes favorisées ou f
830
sses favorisées ou fabriquées par un parti (armes
et
procédés dont seul un Pouvoir fortement centralisé et très riche sera
831
rocédés dont seul un Pouvoir fortement centralisé
et
très riche serait en mesure d’user et d’abuser), pousse également à c
832
centralisé et très riche serait en mesure d’user
et
d’abuser), pousse également à concevoir la nécessité vitale d’une ten
833
la nécessité vitale d’une tendance à déconcentrer
et
à distribuer le pouvoir, afin de l’empêcher par tout un jeu de contrô
834
, afin de l’empêcher par tout un jeu de contrôles
et
de dispositifs de sécurité, de prendre une initiative éventuellement
835
ilatélistes, des sociétés culturelles municipales
et
provinciales, et de tous ceux qui disent redouter « l’américanisation
836
sociétés culturelles municipales et provinciales,
et
de tous ceux qui disent redouter « l’américanisation » de l’Europe ou
837
s. 6. À « gauche », les traditions proudhoniennes
et
anarcho-syndicalistes jouent dans le sens de l’autonomie des groupes,
838
pes, tandis que les traditions internationalistes
et
autoritaires du socialisme marxiste jouent dans le sens d’une opposit
839
tés de tout ordre (assimilées aux « privilèges »)
et
en faveur d’une unification européenne. Là encore, la résultante des
840
tement dépassé, aux yeux des jeunes. La nécessité
et
les promesses d’une union de l’Europe sont admises par plus de 80 % d
841
e 80 % des Européens, quoique d’une manière vague
et
généralement passive, faute de modèles ou de maquettes proposés à la
842
mbre d’esprits, dans nos divers pays, professions
et
partis, à supputer les conséquences des principales méthodes d’union
843
implement le besoin d’une « union plus étroite »,
et
tend à prendre un sens précis et spécifique, tel que nous l’avons déf
844
plus étroite », et tend à prendre un sens précis
et
spécifique, tel que nous l’avons défini plus haut. Cet ensemble de fa
845
aut. Cet ensemble de facteurs positifs, négatifs,
et
ambivalents, ménage des possibilités plus favorables que jamais à une
846
guider par deux séries de déductions inévitables,
et
qui sont au surplus convergentes. L’une a pour point de départ la déf
847
e l’homo europaeus comme personne à la fois libre
et
responsable. L’autre découle de la conjoncture présente : nécessité d
848
sion du tiers-monde, qui exige l’aide de l’Europe
et
n’en oppose pas moins à son passé mal vu les promesses incertaines d’
849
ertaines d’un communisme ouvertement impérialiste
et
plus néfaste pour les traditions valables du tiers-monde que ne fut j
850
gnorance ou mieux : la non-vision du But possible
et
nécessaire. Si l’Europe n’est pas encore faite, ce n’est pas que ces
851
naires sont vaines. On ne réfute pas l’obscurité,
et
rien ne sert de maudire la nuit : mieux vaut allumer une chandelle, c
852
te de charger des experts d’étudier les modalités
et
le coût de l’opération. Ils concluent que rien n’est possible dans l’
853
ien n’est possible dans l’état actuel des choses.
Et
leur déni traduit exactement l’incertitude des hommes d’État qui les
854
e ne saurait vouloir une fin qu’il distingue mal.
Et
c’est pourquoi, dans le domaine qui nous occupe, la prévision est une
855
. Bien voir le But, se concentrer sur lui, dégage
et
mobilise les énergies nécessaires pour qu’on le rejoigne. Dans ce sen
856
ce qu’il cherchait, ce qui était dans mon esprit
et
non dans la réalité. Cet essai n’a donc d’autre ambition que d’appele
857
corrigeant, complétant, cadrant mieux le sujet ;
et
qui dira, au terme de l’étude : voilà le But. Cette « relance europée
858
complémentarité ; théorie des jeux de von Neumann
et
Morgenstern, appliquée à la stratégie, à l’économie, à la politique.
859
, à la politique. 4. Cette organisation uniforme
et
centralisée pouvant d’ailleurs relever de l’État fédéral ou d’entrepr
860
n. Voir aussi La Révolution nécessaire par Aron
et
Dandieu (Paris, 1933) et la collection de la revue L’Ordre nouveau
861
ion nécessaire par Aron et Dandieu (Paris, 1933)
et
la collection de la revue L’Ordre nouveau (publiée de 1932 à 1937)
862
is, de langue française, de confession catholique
et
historiquement autonome, mais rattaché à la masse protestante et além
863
nt autonome, mais rattaché à la masse protestante
et
alémanique du canton de Berne. Un mouvement séparatiste s’y manifeste
864
ne s’est autant marié en France (90 % des hommes
et
91,5 % des femmes) et jamais on n’a autant divorcé (10 % des couples)
865
en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes)
et
jamais on n’a autant divorcé (10 % des couples) : le mariage se porte
866
e inépuisable de situations comiques ou cyniques.
Et
tout cela ne fait que trahir le tourment innombrable et obsédant de l
867
t cela ne fait que trahir le tourment innombrable
et
obsédant de l’amour hors-la-loi. La crise du mariage n’est donc pas u
868
s ? C’est que cette crise a des causes nombreuses
et
complexes. Les unes sont liées au progrès et à l’évolution de la psyc
869
uses et complexes. Les unes sont liées au progrès
et
à l’évolution de la psychologie moderne. L’émancipation de la femme,
870
bonheur individuel prime aussi à l’heure actuelle
et
très nettement, la stabilité sociale : les rois donnent l’exemple en
871
sible de l’Occident, il y a une cause essentielle
et
séculaire : c’est que tous les adolescents sont élevés dans l’idée du
872
mariage (normal, souhaitable, presque inévitable)
et
en même temps baignés dans une atmosphère romantique, la passion étan
873
e suprême, que tout homme doit un jour connaître,
et
qu’il appelle secrètement. Pourquoi mariage et passion sont-ils incom
874
e, et qu’il appelle secrètement. Pourquoi mariage
et
passion sont-ils incompatibles ? Parce que le mariage c’est la coexis
875
ifique, la proximité quotidienne, l’accoutumance,
et
que la passion, elle, veut des obstacles qui rendent l’amour plus int
876
ut des obstacles qui rendent l’amour plus intense
et
plus conscient. Le mariage, en formant un obstacle idéal à l’amour (a
877
ns qu’elle a toujours existé a, en fait, une date
et
des origines bien précises. Pendant des siècles, les relations entre
878
spèce de romantisme ou de ferveur en était exclue
et
le mariage était alors très brutal : c’était deux domaines, ou deux l
879
’âme médiévale, qui leur ont permis de s’exprimer
et
de s’avouer au grand jour. Pour la première fois, l’homme devient le
880
, l’amour malheureux (mais réciproque) est exalté
et
aussi la chasteté incompatible avec le mariage (qui n’est alors que l
881
le mariage (qui n’est alors que l’union des corps
et
des biens). Pour la première fois, l’amour profane emprunte à l’amour
882
qui contredisait si fort la conception du mariage
et
la condition de la femme d’alors, d’où venait-il ? D’« ailleurs » nat
883
« ailleurs » naturellement. Le premier troubadour
et
l’un des plus grands, Guillaume de Poitiers avait séjourné dans le Pr
884
rné dans le Proche-Orient au cours d’une croisade
et
en Espagne où il avait épousé la veuve d’un roi d’Aragon. Aux poètes
885
hérésie qui s’installe solidement dans les cours
et
les châteaux du Midi (Albi fut la grande capitale du catharisme, dit
886
érotiques, mais de celles qui sont procréatrices
et
qui auraient pour effet de faire tomber une âme de plus dans un corps
887
le, les cathares se bornaient à médire du mariage
et
à louer des formes d’amour plus ou moins platoniques ! Les troubadour
888
mitèrent. L’amour courtois étant né d’une hérésie
et
d’une rhétorique toutes deux orientales, pourquoi cette forme d’amour
889
Occident ? C’est que la passion ne s’approfondit
et
ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’elle rencont
890
qu’à la mesure des résistances qu’elle rencontre.
Et
c’est l’Europe catholique et nordique qui devait offrir les résistanc
891
s qu’elle rencontre. Et c’est l’Europe catholique
et
nordique qui devait offrir les résistances les plus durables à l’épan
892
ourtois né sur les bords de la Méditerranée arabe
et
latine. Dans la poésie des troubadours, c’est l’éloge de la chasteté,
893
ait naturel de s’exalter, de devenir une passion.
Et
c’est le roman de Tristan et Iseut qui restera le prototype éternel d
894
devenir une passion. Et c’est le roman de Tristan
et
Iseut qui restera le prototype éternel de l’amour-passion qui se nour
895
urs du temps sanctionnaient le droit du plus fort
et
Tristan apparaît tout au long du roman comme supérieur aux autres. Or
896
supérieur aux autres. Or il n’use pas de ce droit
et
livre Iseut au roi Marc. Quand Tristan et Iseut, chassés de la cour d
897
e droit et livre Iseut au roi Marc. Quand Tristan
et
Iseut, chassés de la cour de Marc vivent seuls dans la forêt, ils dor
898
accepte pour la deuxième fois de la rendre au roi
et
décide d’épouser lui-même Iseut aux blanches mains. Le roman de Trist
899
stan est en somme une longue suite de séparations
et
de revoirs successifs des amants. Or les causes de séparations sont a
900
qu’un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple
et
frappante résumant un nombre infini de situations plus ou moins analo
901
coup d’œil certains types de relations constantes
et
de les dégager du fouillis des apparences quotidiennes. Tristan, c’es
902
ristan, c’est un « type » de relations de l’homme
et
de la femme dans un groupe historique donné : la société courtoise du
903
urtant ses lois sont encore les nôtres. Profanées
et
reniées par nos codes officiels, elles sont devenues d’autant plus co
904
Quel rapport a donc au juste le roman de Tristan
et
la crise du mariage ? C’est que finalement notre crise du mariage n’e
905
ge n’est rien de moins que le conflit de ce mythe
et
de la morale chrétienne, donc de deux traditions religieuses, c’est-à
906
oi vivante, est devenue la « morale bourgeoise »,
et
le mythe issu d’une hérésie spiritualiste (l’hérésie cathare) dont no
907
vahissement du roman d’amour, du film sentimental
et
de la pièce de boulevard (le roi Marc est devenu le cocu, Tristan, le
908
n, le jeune premier, Iseut, l’épouse insatisfaite
et
oisive) ; l’adultère devient un sujet de délicates analyses psycholog
909
aisanteries vaudevillesques. La morale bourgeoise
et
ses contraintes religieuses, sociales et familiales, perdant du terra
910
urgeoise et ses contraintes religieuses, sociales
et
familiales, perdant du terrain chaque jour, c’est donc sur les débris
911
il se brisera presque toujours : c’est la durée.
Et
notre culte de la beauté-standard imposé par le cinéma et la publicit
912
culte de la beauté-standard imposé par le cinéma
et
la publicité n’arrange pas les choses. Périodiquement un nouveau type
913
» nouvelle. On s’ingénie à renouveler l’obstacle
et
le combat et voici les « ruses » d’une passion débile qui cherche à s
914
On s’ingénie à renouveler l’obstacle et le combat
et
voici les « ruses » d’une passion débile qui cherche à s’entretenir :
915
fidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre
et
« ressentir » l’amour en soi… Et voici le rêve sournois du mari qui n
916
au le poursuivre et « ressentir » l’amour en soi…
Et
voici le rêve sournois du mari qui ne peut plus désirer sa femme qu’e
917
es bras d’un autre). Cet amour-passion de Tristan
et
Iseut qui se dénouait dans la mort, se dénouera alors un jour ou l’au
918
un acte. Mais alors, on peut « décider » d’aimer
et
d’épouser n’importe qui ? Non, il existe certaines chances de réussit
919
s vous ne pourrez prévoir votre future évolution,
et
encore moins celle de votre époux, et encore moins celle de votre cou
920
évolution, et encore moins celle de votre époux,
et
encore moins celle de votre couple. On arrive alors à cette conclusio
921
emme) pour toute la vie, finalement c’est parier.
Et
il serait beaucoup plus conforme à l’essence du mariage d’enseigner a
922
considéré comme une œuvre qu’on construit à deux
et
dont on tâche de faire une œuvre d’art. Cette fidélité-là, ce n’est p
923
pas tromper (ce qui serait une preuve d’indigence
et
non d’amour). C’est vouloir le bien de l’autre et agir pour ce bien.
924
et non d’amour). C’est vouloir le bien de l’autre
et
agir pour ce bien. L’amour de Tristan et d’Iseut, et la passion, c’es
925
l’autre et agir pour ce bien. L’amour de Tristan
et
d’Iseut, et la passion, c’est l’angoisse d’être deux. L’amour dans le
926
agir pour ce bien. L’amour de Tristan et d’Iseut,
et
la passion, c’est l’angoisse d’être deux. L’amour dans le mariage c’e
927
peut à la fois croire au mariage — à la volonté —
et
à la passion — à la fatalité. On aime croire à une « fatalité » — l’a
928
finitivement balayé des consciences occidentales,
et
la crise du mariage se dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la pass
929
fie, l’anime, l’oblige à redevenir un choix vital
et
non pas une routine subie : la passion c’est le secret du mariage viv
930
e contradictoires. Ceci fait, à chacun de choisir
et
de prendre ses risques ! Condamner la passion en principe serait d’ab
931
est une décision fondamentale, comme le mariage,
et
non pas une erreur, mais ce serait aussi vouloir supprimer l’un des p
932
re tension créatrice. Que la passion disparaisse (
et
le mariage lui oppose maintenant si peu d’obstacles et de contraintes
933
mariage lui oppose maintenant si peu d’obstacles
et
de contraintes qu’elle semble condamnée faute d’adversaire à sa taill
934
semble condamnée faute d’adversaire à sa taille)
et
nous irons tout droit vers une société sans surprise ni drames, disci
935
us serions en quelque sorte — nous autres hommes
et
femmes d’aujourd’hui — les Derniers Mohicans de l’amour. À moins que
936
soif de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre
et
qu’il n’appelle alors un autre xiie siècle de l’amour… qui sera peut
937
e ? Non, affirme Denis de Rougemont dans L’Amour
et
l’Occident (Collection 10/18), un livre passionnant qui étudie et qu
938
ollection 10/18), un livre passionnant qui étudie
et
qui explique pourquoi les hommes et les femmes ont tant de difficulté
939
nt qui étudie et qui explique pourquoi les hommes
et
les femmes ont tant de difficultés, actuellement, à réussir leur vie
940
fait son apparition en Europe bien avant le café
et
la pomme de terre — au xiie siècle — elle n’en est pas moins elle au
941
l’a introduite en France ? Comment l’affronter ?
Et
enfin, comment réussir son mariage, car rien n’est perdu pour qui veu
942
rs de votre conférence : « La culture occidentale
et
les civilisations extraeuropéennes », vous avez mentionné l’urgence d
943
e vient de se créer à Lagos, capitale du Nigéria,
et
l’on projette d’en créer deux autres, l’un à Dakar, pour les populati
944
le Pacte secret de 1291, la bataille de Morgarten
et
le Pacte public de Brunnen en 1315, il n’y avait pas de Suisse, ni su
945
u, du xive au xvie siècle, dans le Saint-Empire
et
par lui. En effet, si les Waldstätten reçoivent les lettres d’immédia
946
d’immédiateté qui garantissent leurs « libertés »
et
les dégagent de la tutelle des grands dynastes voisins, c’est à cause
947
n particulière de grand-garde du col du Gothard ;
et
c’est l’empereur qui leur accorde ces franchises, dans les intérêts d
948
n recevra en 1815 la garantie de son indépendance
et
même de sa neutralité « dans les intérêts de l’Europe entière ». Si l
949
-même se dénature, se dissout en États souverains
et
devient finalement un État comme les autres. Du moins les Ligues cons
950
ste. Lorsque plus tard les nations s’absolutisent
et
que leurs guerres font rage sur tout le continent, des voix suisses v
951
rincipe, pour rappeler que la paix, la prospérité
et
les libertés de l’Europe ne seront rétablies que par cette union-là.
952
e ses fameux exposés critiques (l’Extrait de 1761
et
le Jugement, posthume) du projet de paix perpétuelle de l’abbé de Sai
953
ou Saint-Empire, des états généraux de Hollande,
et
de la « Ligue helvétique ». L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux n
954
u’unissent les liens d’une « commune législation…
et
subordination au corps de la république ». C’est une Europe intégrale
955
Europe intégralement fédéraliste qu’il préconise,
et
son module (élément type) se révèle, en dernière analyse, n’être rien
956
urent à leur ruine » faute d’un principe d’union,
et
que si leurs divisions persistent, l’avenir appartiendra « soit à la
957
ion internationale des idées, malgré les jacobins
et
le Premier Empire. Benjamin Constant n’est pas seulement l’auteur de
958
e, pamphlet classique contre l’esprit d’hégémonie
et
de centralisme national, mais c’est lui qui rédige, pendant les Cent-
959
enne13 que va signer Napoléon, — hélas trop tard.
Et
son fédéralisme européen préfigure le régime qui triomphera, en 1848,
960
oment, la Sainte-Alliance des rois donne une base
et
une finalité expressément européenne à la neutralité de la Suisse ind
961
péenne à la neutralité de la Suisse indépendante.
Et
tandis que se forment dans le reste de l’Europe des nations unitaires
962
dèle français, promises aux guerres nationalistes
et
coloniales, seule la Suisse réussit à unir ses cantons selon la maxim
963
en Suisse que Mazzini publie en 1836 le manifeste
et
les journaux de la « Jeune Europe », et que le général Garibaldi prés
964
manifeste et les journaux de la « Jeune Europe »,
et
que le général Garibaldi préside un Congrès de la paix par l’unité eu
965
lus haut degré un caractère très international »,
et
c’est ce type d’union pluraliste, antiunitaire, authentiquement fédér
966
alistes européens voit le jour : l’Europa-Union ;
et
c’est lui qui convoque la première rencontre internationale au lendem
967
rapidement une vingtaine de mouvements nationaux,
et
plus de 100 000 membres, tient son premier congrès à Montreux, en sep
968
e La Haye naît le Mouvement européen, qui propose
et
obtient en neuf mois la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion
969
pinion se réveille, les hommes d’État le sentent,
et
le reste va s’en suivre : plan Schuman, Communauté du charbon et de l
970
s’en suivre : plan Schuman, Communauté du charbon
et
de l’acier, tentative avortée d’une communauté de défense, puis réuss
971
e défense, puis réussite du Marché commun des Six
et
réplique des Sept de l’AELE, essor de l’économie européenne, discussi
972
ef historique, les aspects culturels du mouvement
et
le rôle qu’y joue notre pays. Le congrès de La Haye ayant préconisé l
973
opéen de la culture, celui-ci s’organise à Genève
et
convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne, au m
974
is de décembre 1949. De la conférence de Lausanne
et
de l’action du Centre à Genève, jusqu’à ce jour, vont naître successi
975
s ou CERN, la Fondation européenne de la culture,
et
une série d’initiatives groupant des instituts universitaires, des fe
976
a été créée en 1957 par l’Université de Lausanne
et
un centre de recherches lui a été adjoint tôt après. Genève a suivi e
977
européenne de la culture, sur le thème « L’Europe
et
le monde » doit se tenir à Bâle (fin septembre 1964) sous le haut pat
978
emble avoir trouvé parmi nous un climat favorable
et
un terrain fertile. Rousseau, Benjamin Constant, Jean de Müller, déjà
979
e Müller, déjà cités, mais aussi Jakob Burckhardt
et
son petit-neveu Carl J. Burckhardt, Robert de Traz auteur de l’Esprit
980
rdt, Robert de Traz auteur de l’Esprit de Genève,
et
Gonzague de Reynold auteur de Formation de l’Europe, méritent une pla
981
isse que Churchill choisit de parler de l’Europe,
et
que la même année 1946, les premières Rencontres internationales de G
982
de Genève prennent pour thème l’Esprit européen.
Et
j’ai marqué la filiation — trop mal connue — qui va de Hertenstein au
983
uisse idéale, réputée « microcosme de l’Europe »,
et
ce sont quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, p
984
a fait, pendant ce même temps, la Suisse légale ?
Et
que pensaient les Suisses moyens ? ⁂ Des lendemains de la Seconde Gue
985
ns de 1960, il faut reconnaître que nos autorités
et
notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins « réservées » et q
986
t été dans l’ensemble pour le moins « réservées »
et
que notre peuple l’est peut-être plus encore, s’agissant de l’idée eu
987
nt de l’idée européenne. Le scepticisme dominait,
et
comme on tient pour « réaliste » en politique les partis pris de la m
988
initiative de la Suisse, mais aussi l’imagination
et
la faculté de prévision de ceux qui faisaient notre opinion. L’union
989
notre opinion. L’union de l’Europe s’avérait bel
et
bien réalisable, puisqu’elle devenait réalité, mais elle nous prenait
990
ait réalité, mais elle nous prenait par surprise,
et
chaque démarche de nos gouvernants pour rejoindre l’histoire en train
991
faire, semblait prématurée aux yeux de nos sages
et
de nos experts, quoique trop tardive aux yeux du reste de l’Europe. N
992
de Canossa sans agenouillement, donc sans pardon.
Et
notre arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais été « justifi
993
ité intégrale reste la base de notre indépendance
et
« l’étoile fixe sur laquelle se règle la politique étrangère de la Co
994
isse recevrait des ordres d’un pouvoir extérieur,
et
c’en serait fait du « rôle particulier » qu’elle se réserve d’invoque
995
ution. Ce serait même la fin de notre fédéralisme
et
de la démocratie directe, n’hésitent pas à déclarer de nombreux polit
996
n’hésitent pas à déclarer de nombreux politiciens
et
journalistes. Arguments économiques. — La Suisse a très bien réussi
997
drait de nombreux avantages, bancaires notamment,
et
son agriculture serait gravement menacée. L’adhésion au Marché commun
998
itionalistes. — Des représentants de l’industrie,
et
quelquefois de la culture, croient distinguer dans les projets d’Euro
999
liminer peu à peu les caractéristiques nationales
et
les remplacer par un sentiment européen », ainsi que le déclarait le
1000
égué du Vorort de l’Union suisse pour l’industrie
et
le commerce. ⁂ Résumons maintenant les arguments inverses qu’invoquen
1001
on internationale actuelle, économique, politique
et
militaire a, en fait, complètement transformé le sens, la portée et l
1002
fait, complètement transformé le sens, la portée
et
la réalité de notre neutralité17. » Cette dernière est devenue en par
1003
isse doit donc tendre à participer « sans réserve
et
de plein droit » à l’édification de l’Europe unie. Sinon, l’Europe qu
1004
ons de la Croix-Rouge lors des conflits européens
et
celles de la diplomatie suisse lors de la guerre d’Algérie, l’existen
1005
t-être été capable, elle, de prévenir ces crises,
et
elle diminuerait très fortement les chances de leur retour à l’avenir
1006
st celui qui ose la discuter — a changé de nature
et
de finalité. Isolée de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’est plus
1007
même en cas de conflit entre l’Europe d’une part,
et
l’URSS ou la Chine de l’autre, c’est d’abord opérer un coup d’État co
1008
d’État contre notre statut présent de neutralité,
et
c’est absurde : car la Suisse fait partie de l’Europe, qu’elle le veu
1009
it partie de l’Europe, qu’elle le veuille ou non,
et
rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce serait vouloir rester
1010
e veuille ou non, et rester neutre entre l’Europe
et
ses ennemis, ce serait vouloir rester neutre entre nos ennemis, et no
1011
e serait vouloir rester neutre entre nos ennemis,
et
nous-mêmes. On ne voit guère quelles considérations philanthropiques
1012
rait justifier ce refus par des motifs juridiques
et
des prétextes tirés de la « démocratie directe », mais uniquement par
1013
tifs politiques, qu’elle reste libre d’avancer18.
Et
ceci nous renvoie au groupe d’arguments précédent. Arguments économi
1014
ifier notre refus de participer au Marché commun,
et
encore moins notre participation à l’AELE ! La Suisse est si peu indé
1015
ns que s’il le faut un jour, la Suisse fara da se
et
saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten.
1016
des longues piques, des crampons de fer aux pieds
et
une résolution farouche, que nous pourrons faire face à une Europe un
1017
ace à une Europe unie, — j’entends unie sans nous
et
malgré nous. Arguments traditionalistes. — Il est clair qu’une Europ
1018
ditionalistes. — Il est clair qu’une Europe « une
et
indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne
1019
, n’a pas effacé nos caractéristiques cantonales.
Et
il est pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suiss
1020
étrangers en Suisse : Italiens, Espagnols, Grecs
et
Turcs. (Cela ferait 7 millions en France, 8 en Allemagne.) Mais ce n’
1021
typiques de ce pays ont changé avec les époques,
et
surtout par l’effet de la technique, laquelle n’a pas été créée que l
1022
l’étranger, le nom de la Suisse évoque des vaches
et
des vachers, des fromages, des yodleurs et de gras pâturages. En fait
1023
vaches et des vachers, des fromages, des yodleurs
et
de gras pâturages. En fait, cette « caractéristique nationale » n’en
1024
itions de l’ancienne Suisse, déjà rendu bien rare
et
difficile pour les habitants de nos grandes villes, soit définitiveme
1025
aventure certaine, au nom d’une prudence aveugle,
et
sous le prétexte d’une « indépendance » dont notre peuple n’est pas d
1026
u débat que l’idée européenne suscite chez nous —
et
l’on sait dans quel camp j’ai toujours milité — il faut bien reconnaî
1027
r nos coutumes fédéralistes de tolérance calculée
et
d’empirisme, qui supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu
1028
ui supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond
et
qu’on ne se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique q
1029
nt bien que chacun sait qu’il s’agit d’intérêts ;
et
quant aux enthousiastes de l’Europe, ils savent qu’ils n’ont aucune e
1030
èse-majesté. Personne n’ose donc crier trop fort,
et
c’est peut-être mieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui es
1031
e reprendrait à son compte ce qui demeure valable
et
même indispensable dans la neutralité d’une fédération. Mais il n’y a
1032
auverait seule à long terme nos chères diversités
et
nos intérêts bien compris, et qu’il est dangereusement irréaliste de
1033
s chères diversités et nos intérêts bien compris,
et
qu’il est dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il était pos
1034
t nunc : celui de notre responsabilité européenne
et
même mondiale en tant que Suisses, et comme État qui entend garder un
1035
européenne et même mondiale en tant que Suisses,
et
comme État qui entend garder une raison d’être. Il s’agit de savoir e
1036
end garder une raison d’être. Il s’agit de savoir
et
de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; c
1037
de savoir et de dire ce que nous avons à donner,
et
non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre
1038
dre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté
et
qui en est bénéficiaire, et pas seulement ce que nous attendons et su
1039
rtie de sa communauté et qui en est bénéficiaire,
et
pas seulement ce que nous attendons et surtout redoutons de l’action
1040
éficiaire, et pas seulement ce que nous attendons
et
surtout redoutons de l’action des autres. Situés au cœur géographique
1041
l’action des autres. Situés au cœur géographique
et
historique du continent européen, nous avons réussi beaucoup mieux qu
1042
ameuse neutralité, — nécessité subie, à l’origine
et
dont nous fîmes peu à peu vertu à partir du xixe siècle ; nous avons
1043
at. C’est notre création majeure. Il nous oblige.
Et
en son nom, nous nous devons dorénavant de prendre des initiatives. I
1044
à la seule force comme accoucheuse des sociétés,
et
gardera toujours un œil sur la neutralité étendue à l’Europe. Aux deu
1045
mes qu’on déguise en patriotismes, la Suisse peut
et
doit opposer la solution fédéraliste, qui maintient les patries et l’
1046
a solution fédéraliste, qui maintient les patries
et
l’union. Et cela non seulement parce que cette solution se trouve êtr
1047
édéraliste, qui maintient les patries et l’union.
Et
cela non seulement parce que cette solution se trouve être la sienne,
1048
er toujours de cette neutralité, vertu qui ennuie
et
pratique négative, quand nous avons à proposer une expérience passion
1049
expérience passionnante, remarquablement positive
et
tellement opportune à l’échelle mondiale ? Pourquoi cette timidité ?
1050
i créent des positions nouvelles. Ce que l’Europe
et
le monde attendent de nous, ce n’est pas l’exposé lassant des raisons
1051
nt, mais c’est un plan d’union qui nous convienne
et
auquel nous puissions adhérer « sans réserve et de plein droit ». Dev
1052
e et auquel nous puissions adhérer « sans réserve
et
de plein droit ». Devant l’évolution inéluctable vers les plus grands
1053
s plus grandes unions, l’interdépendance des pays
et
les échanges intensifiés, la Suisse doit enfin déclarer une attitude
1054
t elle a fait la « ligne Maginot » de sa défense.
Et
cela, non seulement parce que l’attaque est toujours la meilleure déf
1055
e état d’esprit. 16. « Indépendance de la Suisse
et
neutralité », conférence au congrès de l’Union européenne des fédéral
1056
sations économiques supranationales, indépendance
et
neutralité de la Suisse, Bâle, Société suisse des juristes, 1963. l.
1057
tats souverains, si jaloux de leurs différences —
et
vraiment il n’en est pas deux qui se ressemblent : l’un catholique et
1058
est pas deux qui se ressemblent : l’un catholique
et
l’autre protestant ; l’un qui est une ville moderne, l’autre une vall
1059
bien que ces trois entités : le canton, la langue
et
la tradition religieuse, très diversement combinées, forment en fait,
1060
, cinquante-deux types culturels bien distincts !
Et
chacun veut rester ce qu’il est, mais ils n’en vivent pas moins en ha
1061
du nombre d’habitants, des ressources matérielles
et
du mode de vie traditionnel. Mais cette réussite exemplaire suppose d
1062
éfinition, la possibilité d’une culture nationale
et
uniforme, d’un marché national des lettres et des arts, et d’une gran
1063
ale et uniforme, d’un marché national des lettres
et
des arts, et d’une grande capitale intellectuelle. Le petit Appenzell
1064
me, d’un marché national des lettres et des arts,
et
d’une grande capitale intellectuelle. Le petit Appenzellois et le pet
1065
de capitale intellectuelle. Le petit Appenzellois
et
le petit Genevois n’ont pas lu les mêmes livres sur les bancs de l’éc
1066
as lu les mêmes livres sur les bancs de l’école ;
et
si plus tard ils écrivent et publient, il y aura peu de chances qu’il
1067
s bancs de l’école ; et si plus tard ils écrivent
et
publient, il y aura peu de chances qu’ils se lisent mutuellement. L’u
1068
e faire connaître à Zurich, puis à Munich, Vienne
et
Berlin, et l’autre d’abord à Paris. Tous deux fort attachés à leurs i
1069
naître à Zurich, puis à Munich, Vienne et Berlin,
et
l’autre d’abord à Paris. Tous deux fort attachés à leurs institutions
1070
uisses, ils ne se rencontreront sans doute jamais
et
n’entendront parler l’un de l’autre qu’à l’occasion de leurs éventuel
1071
ne solide fédération n’aurait jamais pu s’agencer
et
n’aurait pas duré longtemps ne sont pas de celles qui excitent au plu
1072
ui excitent au plus haut point l’esprit de risque
et
d’aventure créatrice, ni qui entretiennent le mieux ce climat passion
1073
ennent le mieux ce climat passionné de polémiques
et
d’engouements, cette turbulence intellectuelle indispensable à l’esso
1074
mais la faiblesse des mouvements novateurs en art
et
en littérature. Mosaïque de compartiments jaloux de leur personnalité
1075
e des œuvres moyennes ou d’intérêt purement local
et
folklorique si chacun de ses petits États prétendait se suffire à soi
1076
ême. Mais fédérés politiquement pour leur bonheur
et
leur sécurité, les citoyens de chacun de nos cantons gardent le privi
1077
taux. Entre le petit compartiment où ils sont nés
et
la grande unité européenne, pas de relais national pour leur culture.
1078
ivresse des sommets. L’intuition de la grandeur.
Et
plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. I
1079
our la psychologie, Karl Barth pour la théologie,
et
pour l’architecture, Le Corbusier. Mais les arts et les lettres, dans
1080
pour l’architecture, Le Corbusier. Mais les arts
et
les lettres, dans tout cela ? Eh bien, ils peuvent se prévaloir en Su
1081
n Arthur Honegger pour la musique, d’un Spitteler
et
d’un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler et d’un Paul Klee pour la
1082
er et d’un Ramuz pour la littérature, d’un Hodler
et
d’un Paul Klee pour la peinture, d’un Alberto Giacometti pour la scul
1083
rto Giacometti pour la sculpture, d’un Dürrenmatt
et
d’un Max Frisch pour le théâtre, d’un chef d’orchestre comme Ernest A
1084
r million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1961 —
et
qui atteint le maximum de 2,62 pour la Suisse, l’indice du Danemark,
1085
iste, étant de 1,43, celui des États-Unis de 0,4,
et
celui de la Russie puis de l’URSS de 0,03 ? Il semble donc que les pe
1086
s pays bénéficient de grands avantages culturels,
et
la Suisse est une grappe de pays minuscules… Mais les trop petites di
1087
onvénients ; chacun dans son coin veut tout faire
et
ne dispose ni des moyens ni d’un public suffisant. Nos facultés des s
1088
pes de théâtre, nos revues comme nos écoles d’art
et
nos radio-télévisions, ne pourront affronter les grandes compétitions
1089
our mieux participer aux grands courants du monde
et
s’en nourrir, au lieu de s’y laisser dissoudre une à une. La santé de
1090
’y laisser dissoudre une à une. La santé des arts
et
des lettres, dans nos cantons, est donc liée au vrai fédéralisme, qui
1091
l’entraînement intensif d’une école d’officiers ;
et
comme un chagrin très amer m’occupait entièrement le cœur, je trouvai
1092
s qui dépassait de beaucoup leur portée immédiate
et
l’intention du règlement. J’accueillais toute épreuve comme une leçon
1093
ent. J’accueillais toute épreuve comme une leçon,
et
toute leçon comme un symbole. La personnalité exceptionnelle, et par
1094
comme un symbole. La personnalité exceptionnelle,
et
par là même impopulaire, du commandant de cette école était faite pou
1095
r un original, une véritable originalité d’allure
et
d’âme. Il parlait peu, mais l’élégance précise de ses sentences intim
1096
cette question simple : Qu’est-ce que l’énergie ?
Et
après nous avoir laissé patauger quelques moments dans nos essais de
1097
e, c’est quelque chose qui dort en chacun de vous
et
qu’il s’agit de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’était pas une défin
1098
us comprîmes tous que quelque chose se préparait.
Et
en effet, l’ordre du jour pour le lendemain, que nous lûmes en sortan
1099
rche fut de 70 kilomètres, une semaine plus tard.
Et
ce n’était qu’une préparation pour la « grande course » finale : 150
1100
» finale : 150 kilomètres par-dessus les Préalpes
et
les Alpes, en trente-trois heures. Pour la plupart des officiers et d
1101
rente-trois heures. Pour la plupart des officiers
et
des élèves de l’école, la perspective de la « grande course » était u
1102
de course » était un sujet permanent d’irritation
et
de protestations : « Il nous fera tous crever avec ses manies », disa
1103
e troupe moderne se déplace en camion ou en train
et
que ces marches ne servaient à rien… Pour ma part, j’observais que le
1104
tre ses motifs ? Il concevait l’armée en général,
et
celle d’un pays neutre plus qu’une autre, comme l’instrument d’éducat
1105
ion de certaines énergies déprimées par l’époque,
et
pourtant nécessaires à l’homme complet. Quoi qu’il en soit d’ailleurs
1106
dans notre vie accompli quelque chose d’excessif,
et
fourni un effort qui dépassât de beaucoup le maximum que nous pension
1107
e, avec tout ce que le mythe comporte d’effrayant
et
de contraignant. Nous étions préparés pour quelque chose qui nous par
1108
ui nous paraissait à la fois démesuré, inévitable
et
sans raison. Tout cela faisait partie, comme on le verra, des conditi
1109
n le verra, des conditions nécessaires au succès,
et
aux leçons que devait illustrer l’entreprise. Au départ, à cinq heure
1110
ns que la première étape serait de 25 kilomètres,
et
devait nous porter d’un bond jusqu’au lac Noir. De là, nous gravirion
1111
s les rochers ; l’aube se lèverait sur le Valais,
et
ce serait la dernière étape, une longue dégringolade de deux-mille mè
1112
alpages dénudés, puis les forêts de châtaigniers,
et
finalement dans la poussière des chemins de vigne, jusqu’aux pavés de
1113
ube automnale nous grisait, mal réveillés encore,
et
parlant peu. Les heures passaient, ramenant la courte halte sur le ta
1114
ulier perçant un peu la semelle — détails infimes
et
insensibles au départ, qui se révèlent à longueur de marche, causant
1115
d’abord une légère irritation, puis une blessure,
et
forçant finalement à l’abandon de la course, si l’on n’y a pas pris g
1116
es devant une collation — pain, beurre, confiture
et
café — servie sur de longues tables de sapin. « Fatigués ? » — « Non,
1117
ute nous laissaient aussi frais qu’une promenade.
Et
tout d’un coup je découvris ceci : Quand on part pour une marche de d
1118
met à traîner les pieds après la troisième heure,
et
les dernières sont dures. Mais si le corps s’est disposé à fournir un
1119
situde. Les puissances de l’inconscient, du corps
et
de l’imagination, se sont mises en état d’alerte. Elles ont pris leur
1120
t leur a permis de mesurer l’effort, de le doser,
et
de réveiller la quantité exacte d’énergie nécessaire au succès de l’e
1121
vait suffi à nous donner les moyens d’y répondre.
Et
je ne dis pas que l’entraînement que nous avions subi au préalable n’
1122
ais à son tour, cet entraînement n’avait été reçu
et
surmonté qu’en vue de la grande course, du but lointain… Aujourd’hui,
1123
imagine un très long temps de marche devant lui,
et
certains objectifs qui, peut-être, parce qu’ils ne sont que vaguement
1124
ont que vaguement entrevus, semblent alors grands
et
lointains ? Le corps et l’âme en alerte constante se préparent pour u
1125
us, semblent alors grands et lointains ? Le corps
et
l’âme en alerte constante se préparent pour une course de fond et, c’
1126
te constante se préparent pour une course de fond
et
, c’est ce qui définit, biologiquement et moralement, l’état de jeunes
1127
de fond et, c’est ce qui définit, biologiquement
et
moralement, l’état de jeunesse. Resteront longtemps jeunes ceux qui g
1128
qui gardent longtemps devant eux des buts grands
et
lointains. Et c’est pourquoi le créateur vieillit moins que l’homme d
1129
ongtemps devant eux des buts grands et lointains.
Et
c’est pourquoi le créateur vieillit moins que l’homme de la routine.
1130
alors de se réduire à des objectifs accessibles.
Et
aussitôt, les forces en réserve — à l’arrière, mais pour l’avenir — m
1131
tation : c’est qu’on n’exige plus autant d’elles,
et
c’est vieillir. Il faudrait au contraire, à ce point, oser voir plus
1132
it au contraire, à ce point, oser voir plus grand
et
plus loin ; d’où peut naître une seconde jeunesse dont on se sentira
1133
re une seconde jeunesse dont on se sentira maître
et
dispensateur, tandis que l’autre était plutôt subie… Comme elle l’éta
1134
u sol un peu glissant sous nos semelles cloutées,
et
de l’alacrité de l’air alpestre. La pente était fort raide, et l’avan
1135
ité de l’air alpestre. La pente était fort raide,
et
l’avance très lente, mais l’attrait du sommet qu’on distinguait derri
1136
ans cesse renaissants produisait dans nos muscles
et
notre volonté des énergies nouvelles pour cet effort nouveau. Nous ma
1137
forces ; le second tiers en donnerait la mesure,
et
le dernier nous mettrait au défi d’en tirer plus que la mesure. Devan
1138
ure pour le corps, constamment tenté de se livrer
et
de laisser ainsi se disloquer les rythmes d’un effort de longue halei
1139
nous, modelait largement les croupes des alpages,
et
donnait à ce haut désert sa réalité la plus dure, ses dimensions les
1140
uis se mit tout entier à courir, par grands bonds
et
zigzags nerveux entre les blocs ; soudain s’arrêta pour brouter ; pui
1141
ter ; puis repartit à angle droit, au petit trot,
et
coula derrière une crête. La peur et la faim le guidaient dans ces dé
1142
petit trot, et coula derrière une crête. La peur
et
la faim le guidaient dans ces détours qu’on eût dit capricieux. Notre
1143
suivait à travers le paysage une avance opiniâtre
et
rectiligne, sans but immédiat ou visible. Les buts des hommes sont da
1144
derrière un talus, puis le talus devint la nuit,
et
le monde ne fut plus qu’un chemin où des pierres roulaient sous nos p
1145
ace égale, puis aux genoux de la remontée douce —
et
la marche plus silencieuse, rythmée par le sourd cliquetis des gamell
1146
euse, rythmée par le sourd cliquetis des gamelles
et
des casques fixés aux ceinturons, parut cesser d’être un progrès de b
1147
ne sorte de durée suspendue dans l’espace obscur,
et
qui n’était plus mesurée que par l’alourdissement des membres. Un ven
1148
on d’été avait pris fin depuis plusieurs semaines
et
la saison d’hiver ne s’ouvrait qu’en décembre. Un hôtel vide nous acc
1149
e nous coucher pendant une heure. Sur des matelas
et
des paillasses, sur les housses des canapés, dans des chambres glacia
1150
housses des canapés, dans des chambres glaciales
et
qui sentaient le camphre, nous nous sommes affalés, tout équipés. Un
1151
, Messieurs. » De l’échec Je vais éternuer,
et
je ne puis pas. Je me prépare à soulever une caisse très lourde, et e
1152
Je me prépare à soulever une caisse très lourde,
et
elle est vide. Le savant qui poursuit une longue recherche apprend qu
1153
on qui a tendu ses forces vives vers la victoire,
et
qui l’atteint, voit s’ouvrir une paix marécageuse. Le mystique, aux a
1154
fait l’expérience du Néant… Dans tous les ordres
et
à tous les degrés, la déception de l’effort, de l’élan, du désir, est
1155
e jour, — c’était mon tour de commander la classe
et
je dus faire l’appel à sept heures du matin, au garde à vous, sur le
1156
limitations de toute nature confrontant l’esprit
et
ses œuvres non moins que le corps et ses gestes, la frustration de no
1157
ant l’esprit et ses œuvres non moins que le corps
et
ses gestes, la frustration de nos élans les plus hardis comme de nos
1158
iel produit en somme la durée même de l’Histoire.
Et
malheur à celui qui n’est pas prêt à tirer son bien de ce mal ! Malhe
1159
s ans je crois, on dirait une plongée sous-marine
et
l’humanité disparaît de la peinture de Nora Auric. Est-ce qu’il y a t
1160
rent leurs déserts à ravir, comme si l’étonnement
et
l’angoisse, en fin de compte, pouvaient faire sans nous. Le monde que
1161
peu près les mêmes rapports de lumières diffuses
et
d’ombres, avec certains reliefs tactiles rassurant le nageur aventure
1162
ajoutés à des verts bien drus, des jaunes blonds
et
certains noirs assez féroces, à la Braque. Et cette curieuse bipartit
1163
nds et certains noirs assez féroces, à la Braque.
Et
cette curieuse bipartition de mainte toile par un éclair irrégulier.
1164
air irrégulier. Rien de gratuit, tout est lisible
et
composé, comme un paysage qu’on reconnaît sans l’avoir jamais vu null
1165
s étroit du terme, sujet de récentes controverses
et
d’une votation fédérale, ni au sens noble d’un ingénieur diplômé, ou
1166
me mais seulement de son rôle dans notre société,
et
non pas de ce que j’en sais, mais plutôt de ce que j’en puis faire co
1167
utôt de ce que j’en puis faire comme usager moyen
et
homme qui réfléchit sur cet usage dans notre civilisation. Disons, sy
1168
ité étant donné, je m’interroge sur ses avantages
et
ses défauts par rapport au confort quotidien, sans prétendre connaîtr
1169
endre connaître la nature intime de l’électricité
et
de la lumière : j’ignore si elle est ondulatoire ou corpusculaire, ou
1170
ur tous les continents, la technique me passionne
et
m’amuse, j’en voudrais tout savoir, et je voudrais pouvoir jouer de s
1171
passionne et m’amuse, j’en voudrais tout savoir,
et
je voudrais pouvoir jouer de ses procédés et possibilités comme je pe
1172
oir, et je voudrais pouvoir jouer de ses procédés
et
possibilités comme je peux jouer avec des mots ou des concepts, et en
1173
omme je peux jouer avec des mots ou des concepts,
et
en tirer quelques effets nouveaux ou justes. Faute de quoi, je me voi
1174
poser quelques grandes questions des plus naïves,
et
qui ne portent pas sur tel ou tel problème précis que se posent les t
1175
siècle — ait été la création de l’Europe seule —
et
, par la suite, de ses filiales américaine et russe — alors que ni l’A
1176
le — et, par la suite, de ses filiales américaine
et
russe — alors que ni l’Afrique des tribus et des sorciers, ni l’Inde
1177
aine et russe — alors que ni l’Afrique des tribus
et
des sorciers, ni l’Inde des castes et des sages, ni la Chine des mand
1178
des tribus et des sorciers, ni l’Inde des castes
et
des sages, ni la Chine des mandarins et des paysans, n’avaient pu ou
1179
es castes et des sages, ni la Chine des mandarins
et
des paysans, n’avaient pu ou voulu produire de machines, de turbines
1180
e canons, jusqu’à ces toutes dernières décennies,
et
n’y auraient pas songé d’elles-mêmes, sans l’exemple et le défi occid
1181
auraient pas songé d’elles-mêmes, sans l’exemple
et
le défi occidental ? Que signifie l’effort technique des Européens, e
1182
? Que signifie l’effort technique des Européens,
et
quelles sont ses racines profondes dans la psyché occidentale ? J’ai
1183
vre intitulé L’Aventure occidentale de l’homme ,
et
je me suis vu amené à établir une chaîne continue sinon de causes et
1184
ené à établir une chaîne continue sinon de causes
et
d’effets, du moins d’attitudes spirituelles permettant et favorisant
1185
ets, du moins d’attitudes spirituelles permettant
et
favorisant certaines recherches plutôt que d’autres, recherches qui à
1186
aîne continue qui va des grands conciles des ive
et
ve siècles, comme ceux de Nicée et de Chalcédoine, jusqu’à la bombe
1187
iles des ive et ve siècles, comme ceux de Nicée
et
de Chalcédoine, jusqu’à la bombe atomique. Voilà qui peut surprendre,
1188
rps d’homme. Il en résulte que le corps physique,
et
la matière du même coup, se trouvent fortement valorisés comme objet
1189
sés comme objet des recherches de l’esprit. Corps
et
matière sont bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne
1190
bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé,
et
ne sont pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout
1191
siper, comme le veulent les religions brahmanique
et
bouddhiste. Le corps et la matière et toute la création, désormais, p
1192
les religions brahmanique et bouddhiste. Le corps
et
la matière et toute la création, désormais, paraissent « dignes d’êtr
1193
brahmanique et bouddhiste. Le corps et la matière
et
toute la création, désormais, paraissent « dignes d’être contemplés »
1194
en plus, d’être transformés par l’homme spirituel
et
sauvés, ainsi que l’avait déjà dit saint Paul, dont je rappelle ici u
1195
n des temps. Mais la croyance en un Dieu créateur
et
régulateur du cosmos le rend cependant concevable pour la foi. Il fau
1196
’option de base qui va rendre la science possible
et
qui va donner bonne conscience à la recherche appliquée non plus à l’
1197
herche appliquée non plus à l’esprit seul, absolu
et
impersonnel, comme en Inde, ou aux esprits surnaturels, comme dans la
1198
ls, comme dans la magie africaine, mais aux corps
et
à la matière et à toute la Nature naturée — Nature à laquelle il ne s
1199
a magie africaine, mais aux corps et à la matière
et
à toute la Nature naturée — Nature à laquelle il ne s’agit plus de se
1200
ure attend de l’homme, une action qui la maîtrise
et
la libère, et non pas une révérence dévotieuse et craintive. D’autre
1201
l’homme, une action qui la maîtrise et la libère,
et
non pas une révérence dévotieuse et craintive. D’autre part, la relig
1202
et la libère, et non pas une révérence dévotieuse
et
craintive. D’autre part, la religion judéo-chrétienne d’un Dieu incar
1203
e l’homme à la liberté dans sa condition concrète
et
non dans l’évasion mystique, se combine, peu à peu, non sans peine, a
1204
peine, avec le rationalisme critique de la Grèce
et
son exigence de vérité, voire de véracité contrôlée et mesurée. Cette
1205
n exigence de vérité, voire de véracité contrôlée
et
mesurée. Cette synthèse, qui est l’œuvre du Moyen Âge, dès le xiiie
1206
aissance, dans la création de la science moderne,
et
j’entends bien d’une science des corps et de la matière qui ne se veu
1207
oderne, et j’entends bien d’une science des corps
et
de la matière qui ne se veut pas seulement spéculative, mais transfor
1208
par les ordres monastiques : laborare est orare ;
et
enfin, la nécessité de survivre dans un petit coin du monde peu favor
1209
j’entends notre péninsule occidentale de l’Asie,
et
vous aurez les conditions enfin réunies de l’apparition de la techniq
1210
ue en Europe : effort plus ascétique que magique,
et
plus rigoureux qu’hédoniste, de maîtrise et de transformation de la m
1211
ique, et plus rigoureux qu’hédoniste, de maîtrise
et
de transformation de la matière et de la Nature, effort de création d
1212
e, de maîtrise et de transformation de la matière
et
de la Nature, effort de création d’un milieu artificiel, au service d
1213
des explosions de passions tout à fait naturelles
et
païennes, plutôt qu’avec les développements de la vie spirituelle en
1214
éveloppements de la vie spirituelle en Occident ?
Et
de fait, que ce soit la technique occidentale qui ait favorisé les gu
1215
tion constante entre le progrès de nos techniques
et
l’aggravation du pouvoir destructeur des guerres. Le couteau de silex
1216
s. L’arquebuse, les machines de siège, les lances
et
les cuirasses permettent d’armer de petits corps de troupe qui ne dép
1217
our leurs fournitures de guerre que des forgerons
et
des menuisiers. Cet artisanat primitif correspond à la guerre entre c
1218
at primitif correspond à la guerre entre communes
et
fiefs. Avec le canon puis le fusil apparaissent les guerres de peuple
1219
e fantastique accélération des sciences physiques
et
de la technique. Désormais, les dimensions de la guerre débordent lar
1220
nsions de la guerre débordent largement la nation
et
deviennent continentales, voire mondiales. Dans cette évolution, on p
1221
des moyens de s’armer, mais non pas de désarmer.
Et
il est vrai que les armes nouvelles inventées par les techniciens n’o
1222
nnes, curieusement appelées « conventionnelles »,
et
que l’effort de la science, mobilisée au service des États, a dû se b
1223
à chercher des ripostes à l’emploi de ces armes,
et
non pas les moyens de les éliminer ou de les rendre inutiles. Pourtan
1224
qui permet à la paix de durer tant bien que mal,
et
c’est ce que l’on a baptisé l’équilibre de la terreur. La prodigieuse
1225
t que les passions nationalistes ou idéologiques,
et
qui neutralise ou refoule ces passions — la peur, commencement de la
1226
eur. Je pense bien moins ici à la peur des masses
et
des individus dont on parle tant, peur d’une espèce de fin du monde q
1227
fin du monde qu’entraînerait la guerre atomique,
et
que j’avoue ne pas ressentir très fortement ni en moi, ni autour de m
1228
ant il est vrai que l’idée d’un malheur universel
et
définitif agit peu sur l’imagination : malheur de tous, malheur de pe
1229
que toute autre passion, conviction ou ambition,
et
qui de la sorte dévalorise les enjeux idéologiques et démystifie les
1230
ui de la sorte dévalorise les enjeux idéologiques
et
démystifie les passions politiques. C’est donc bien à la technique, e
1231
que nous devons ce blocage de la guerre en Europe
et
au sein du plus grand Occident. Sur notre continent, la technique a c
1232
es réseaux si serrés d’interdépendance économique
et
industrielle, qu’un conflit armé entre deux de nos nations paraît dev
1233
os nations paraît devenu impraticable. Le charbon
et
l’acier, l’énergie électrique, les oléoducs, les matières fissiles un
1234
urope : nous sommes trop près les uns des autres,
et
celui qui en lancerait une risquerait d’en recevoir dans l’heure suiv
1235
question, l’autre jour, aux Rencontres de Genève,
et
je songeais que ces armes d’une puissance folle nous laissent en fait
1236
chnique a réussi à pacifier l’Europe en désarmant
et
jugulant pratiquement ses passions nationalistes, sources des guerres
1237
urces des guerres les plus atroces de l’Histoire,
et
, si l’on constate d’autre part que la menace atomique tient en respec
1238
en respect les deux empires occidentaux de l’Est
et
de l’Ouest, malgré les conflits idéologiques qui semblaient devoir le
1239
chnique née en Europe, dans le contexte spirituel
et
culturel que j’évoquais tout à l’heure, qui a mis en relation les div
1240
eure, qui a mis en relation les divers continents
et
qui a révélé à leurs peuples l’existence d’autres civilisations, à ce
1241
x peuples de l’Afrique, du monde arabe, de l’Inde
et
de l’Extrême-Orient. Au temps de la colonisation, les peuples du tier
1242
t de nous que d’assez rares exemplaires de colons
et
de soldats, qui n’avaient rien de bien attirant. Mais aujourd’hui, le
1243
jourd’hui, le cinéma leur fait voir de leurs yeux
et
comme à bout portant nos villes, nos mœurs, le cadre de nos vies et n
1244
rtant nos villes, nos mœurs, le cadre de nos vies
et
notre luxe matériel quelque peu idéalisé. Désormais la comparaison en
1245
Désormais la comparaison entre leur sort précaire
et
notre sort prospère s’impose à eux et suscite leur envie, leur jalous
1246
rt précaire et notre sort prospère s’impose à eux
et
suscite leur envie, leur jalousie. Ils prennent conscience d’une misè
1247
différente, plus affranchie des dures nécessités
et
limitations naturelles. Ils voient cela, et ils exigent nos machines,
1248
sités et limitations naturelles. Ils voient cela,
et
ils exigent nos machines, mais ils ne voient pas, hélas, ce qui les a
1249
ces beaux objets (ou plutôt se les faire donner)
et
en user mais sans payer leurs frais d’investissement humains et cultu
1250
s sans payer leurs frais d’investissement humains
et
culturels : le travail de nos masses ouvrières et leurs sacrifices, l
1251
et culturels : le travail de nos masses ouvrières
et
leurs sacrifices, le sens de l’exactitude rigoureuse, de la véracité,
1252
sens de l’exactitude rigoureuse, de la véracité,
et
d’une sorte d’ascèse disciplinée, dont ils n’ont guère la notion, et
1253
cèse disciplinée, dont ils n’ont guère la notion,
et
encore moins le goût. Mais la technique occidentale fait bien plus qu
1254
z eux un accroissement démographique vertigineux,
et
qui dépasse de très loin l’accroissement de leurs ressources dans le
1255
aient déjà beaucoup trop faibles… Voilà le drame,
et
la menace plus grave que celle de la bombe H. Ainsi le contact avec l
1256
suade le tiers-monde de sa misère, mais l’aggrave
et
augmente le déséquilibre entre eux et nous. Tout le monde sent bien q
1257
s l’aggrave et augmente le déséquilibre entre eux
et
nous. Tout le monde sent bien qu’un tel déséquilibre peut devenir un
1258
res ; non pas demain, car ils sont encore faibles
et
démunis, mais après-demain, si une grande nation ayant la bombe les r
1259
si une grande nation ayant la bombe les regroupe
et
se met à leur tête. Que peut faire l’Occident, pour éviter ce désastr
1260
ncrète, réalisable. Tous nos surplus alimentaires
et
les investissements les plus massifs de nos capitaux réunis arriverai
1261
un sixième de la demande actuelle du tiers-monde,
et
cette demande aura au moins doublé d’ici vingt ans. À supposer même q
1262
e créer des aliments synthétiques, tirés de l’air
et
de l’eau, et qu’elle réussisse à nourrir des dizaines de milliards d’
1263
liments synthétiques, tirés de l’air et de l’eau,
et
qu’elle réussisse à nourrir des dizaines de milliards d’humains, ceux
1264
passions fondamentales comme la faim, le racisme
et
le sentiment d’infériorité, crée maintenant les moyens de le résoudre
1265
rité, crée maintenant les moyens de le résoudre :
et
cela suppose un effort immédiat d’éducation qui permettra seul au tie
1266
monde de freiner l’accroissement de sa population
et
en même temps de développer lui-même les ressources nécessaires, que
1267
lus de technique assimilée par un effort éducatif
et
culturel peut seule permettre de la surmonter. (Ce sont là d’énormes
1268
érence prochaine, à Bâle, sur le thème « L’Europe
et
le monde », essaiera de poser clairement, sinon de résoudre.) Je suis
1269
1914 qui a déclenché la Première Guerre mondiale,
et
non pas la mitrailleuse, ou ces avions biplans qui volaient tout just
1270
our ne pas tomber. (« Vole aussi bas que possible
et
surtout pas trop vite », écrivait une mère angoissée à son fils aviat
1271
mondiale sont issus très rapidement le bulldozer
et
l’avion de ligne. Et ce n’est pas la maîtrise de l’énergie nucléaire,
1272
très rapidement le bulldozer et l’avion de ligne.
Et
ce n’est pas la maîtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes e
1273
îtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes
et
les brevets étaient déposés dès 1939 par l’équipe Joliot-Curie, mais
1274
mais au contraire, c’est sa réalisation par Fermi
et
Oppenheimer qui a mis fin à cette guerre le 5 août 1945, à Hiroshima.
1275
Voilà donc la technique exonérée historiquement,
et
de la manière la plus précise, du reproche populaire d’être fauteuse
1276
’être fauteuse de guerre. Par rapport à la guerre
et
à la paix, la technique n’est pas un facteur indifférent, mais bien a
1277
e des guerres, c’est elle aussi qui leur met fin,
et
aujourd’hui les freine ou même les bloque. III Ceci dit, reconn
1278
ses facultés humaines développées dans la liberté
et
une certaine mesure d’harmonie : harmonie entre l’homme et la Nature,
1279
rtaine mesure d’harmonie : harmonie entre l’homme
et
la Nature, entre la personne et la communauté, entre les communautés
1280
nie entre l’homme et la Nature, entre la personne
et
la communauté, entre les communautés nationales, et enfin, entre les
1281
la communauté, entre les communautés nationales,
et
enfin, entre les cultures différentes. La technique peut-elle contrib
1282
ntes. La technique peut-elle contribuer à établir
et
enrichir cet équilibre ? Ou au contraire, comme on a tendance à le cr
1283
es, mécanisées, canalisées du berceau à la tombe,
et
soumises aux seules lois de la production de série, conditionnant un
1284
tion de série, conditionnant un bonheur tout fait
et
uniforme, une sorte de bonheur objectif ? (horribile dictu !) C’est l
1285
éponse ambiguë : d’une part la technique a révélé
et
accentué des disparités intolérables, d’autre part elle pourrait les
1286
n de concerter ses plans avec ceux des éducateurs
et
des élites culturelles du tiers-monde autant que de l’Europe, et j’en
1287
ulturelles du tiers-monde autant que de l’Europe,
et
j’entends d’une Europe agissant comme un tout et non plus comme un co
1288
et j’entends d’une Europe agissant comme un tout
et
non plus comme un concert discordant de nationalismes séniles. Sur la
1289
rise ou tend à détruire l’équilibre entre l’homme
et
la Nature, ma réponse est également double. Certes, et je l’ai dit en
1290
Nature, ma réponse est également double. Certes,
et
je l’ai dit en débutant, le progrès technique a consisté dès les orig
1291
er la Nature pour la mettre au service de l’homme
et
de ses fins propres, pour surmonter la peur, la faim, le froid, la fa
1292
la peur, la faim, le froid, la faiblesse physique
et
la fatigue, au moyen d’outils puis de machines centuplant la force de
1293
puis de machines centuplant la force de nos bras,
et
reculant presque à l’infini cosmique et microscopique les limites de
1294
nos bras, et reculant presque à l’infini cosmique
et
microscopique les limites de perception de nos sens. Cet effort, aprè
1295
s par la maîtrise du feu, l’invention de la roue,
et
la métallurgie, a subitement abouti, en Occident, au machinisme, aux
1296
sme, aux produits synthétiques, aux anesthésiques
et
antibiotiques, à la victoire sur la distance géographique et à la vis
1297
iques, à la victoire sur la distance géographique
et
à la vision instantanée de tout ce qui arrive d’important sur la terr
1298
coin de l’East River canalisée, entre deux ponts,
et
quelques mouettes sur un îlot rocheux. Coupés du contact quotidien av
1299
ocheux. Coupés du contact quotidien avec la terre
et
la végétation, en partie libérés des rythmes de la vie animale et mêm
1300
, en partie libérés des rythmes de la vie animale
et
même des saisons, les citadins du xxe siècle seraient-ils des monstr
1301
echnique qui les enferme dans un milieu de brique
et
de ciment, d’air pollué et de vacarme révoltant ? C’était vrai au xix
1302
ns un milieu de brique et de ciment, d’air pollué
et
de vacarme révoltant ? C’était vrai au xixe siècle et ce l’est encor
1303
vacarme révoltant ? C’était vrai au xixe siècle
et
ce l’est encore en partie pour le prolétariat des villes industrielle
1304
n, se vide à moitié sur les plages pendant l’été.
Et
je mets en fait que la jeunesse qui ne parle, dit-on, que de marques
1305
d’autos, connaît mieux les forêts, les montagnes
et
les plages de plusieurs régions de l’Europe que ses ancêtres en redin
1306
de la nature, beaucoup de technique bien habituée
et
maîtrisée y ramène. La technique au xixe siècle signifiait fumée noi
1307
it fumée noire, murs noircis, travail à la chaîne
et
ouvriers esclaves de la machine ; elle peut et doit signifier dès dem
1308
ne et ouvriers esclaves de la machine ; elle peut
et
doit signifier dès demain usines de verre entourées d’arbres, automat
1309
sclaves de nos machines ou si elles nous servent,
et
surtout — cette question résumant toutes les autres — si l’humanité s
1310
très populaires, non seulement dans notre presse
et
chez les publicistes à grand tirage, mais chez les écrivains et philo
1311
blicistes à grand tirage, mais chez les écrivains
et
philosophes les plus sérieux. Bernanos a écrit un livre plein de verv
1312
sérieux. Bernanos a écrit un livre plein de verve
et
d’indignation patriotique et prophétique intitulé : La France contre
1313
livre plein de verve et d’indignation patriotique
et
prophétique intitulé : La France contre les robots. Et une littératur
1314
ophétique intitulé : La France contre les robots.
Et
une littérature considérable produit depuis une cinquantaine d’années
1315
e n’est pas une puissance indépendante de l’homme
et
qui pourrait se tourner subitement contre lui. La technique n’est pas
1316
s. La technique n’est pas davantage utilitariste,
et
je dirai plus : dans ses intentions primitives, dans sa genèse, elle
1317
e ou les rites religieux. D’une manière générale,
et
plus près de nous, les grandes inventions qui ont modifié nos vies —
1318
zarres. C’est du rêve de voler qu’est né l’avion,
et
du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née l’auto : vous e
1319
eint à suivre la loi rigide des « voies ferrées »
et
ses horaires, mais pût aller à l’aventure : phantasme typique de l’ad
1320
r que l’homme est devenu l’esclave de sa voiture,
et
c’est vrai dans ce sens que l’homme moyen croit qu’il ne pourrait plu
1321
ité, la mode, la vie sociale — c’est donc l’homme
et
non pas la technique. Je voudrais observer au surplus que s’il est bi
1322
bien aujourd’hui, dans nos villes embouteillées,
et
quand il faut payer les autoroutes. Si je veux être libre de rêver, c
1323
rendre. Dans mon wagon, je lis, je dors, je mange
et
je puis méditer à loisir. À mon volant, rien de pareil : tout ce que
1324
si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement,
et
si je m’endors, c’est pour toujours… Cet exemple, entre mille, nous f
1325
ambivalence fondamentale non seulement des motifs
et
des buts de l’invention technique, mais de ses effets sur l’homme et
1326
vention technique, mais de ses effets sur l’homme
et
sur la société. Tout ce que j’avais à vous dire aujourd’hui se résume
1327
oi, mauvais ou bon. Tantôt révérée comme instance
et
compétence suprêmes, quand on invoque par exemple « les exigences tec
1328
ndignité. Elle n’est que le moyen de nos passions
et
de nos rêves, le moyen de nos vraies fins, que nous voulions ignorer,
1329
s ignorer, ou bien que nous avions perdu de vue ;
et
alors nous trichons, et nous nous persuadons que la technique n’est a
1330
ous avions perdu de vue ; et alors nous trichons,
et
nous nous persuadons que la technique n’est après tout qu’un ensemble
1331
t après tout qu’un ensemble de procédés ingénieux
et
utilitaires, destinés à nous faciliter la vie, mais voilà que tout d’
1332
les moyens de puissance toujours plus formidables
et
, en même temps, toujours plus facilement maniables qu’elle met entre
1333
enue de nos jours, obsédée d’efficacité immédiate
et
rentable à court terme, pour la défense militaire, l’économie, l’hygi
1334
s, il n’en est pas qui nous contraigne davantage,
et
avec une urgence plus dramatique, dans le cas de la Bombe par exemple
1335
par exemple (mais aussi des techniques chimiques
et
biologiques) à nous interroger sur le meilleur usage des pouvoirs ino
1336
concrète la question des vraies fins de notre vie
et
de la vraie nature de l’homme. Ne serait-ce pas là, peut-être, son pl
1337
Robustes, bien glacées, aux couleurs franches
et
gaies, les cartes postales par millions déferlent de la Suisse sur le
1338
cossu mais égalitaire, petit mais tellement élevé
et
de sol si richement plissé que si l’on pouvait le repasser et l’aplan
1339
richement plissé que si l’on pouvait le repasser
et
l’aplanir, on verrait qu’il est bien aussi grand que la France… Cette
1340
aussi grand que la France… Cette Suisse des Alpes
et
des lacs, des quatre langues, des horlogers, des pédagogues et des jo
1341
des quatre langues, des horlogers, des pédagogues
et
des jodleurs est un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que
1342
dagogues et des jodleurs est un cliché mais juste
et
bien tiré. Il ne retient que certaines apparences, mais qui suffisent
1343
évident du monde, où tout est concerté, bien net
et
bien honnête, et pourvu de son mode d’emploi ; et puis on s’aperçoit
1344
, où tout est concerté, bien net et bien honnête,
et
pourvu de son mode d’emploi ; et puis on s’aperçoit en vivant cela de
1345
et bien honnête, et pourvu de son mode d’emploi ;
et
puis on s’aperçoit en vivant cela de près que tout repose en réalité
1346
ue, religion dominante, dynastie unifiante, mœurs
et
conditions de vie plus ou moins uniformes. La Suisse n’a rien de tout
1347
Bernouilli, Rousseau, Burckhardt, F. de Saussure
et
Karl Barth, sans oublier Le Corbusier, Paul Klee, Honegger ou Giacome
1348
negger ou Giacometti. Quelle région de superficie
et
de population égales peut dire mieux, sur ce continent ? Il n’empêche
1349
ndres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses
et
on les jalouse un peu, comme si chaque Suisse bénéficiait du secret d
1350
t les vertus agricoles… Le Suisse trait sa vache
et
vit paisiblement disait Victor Hugo, il y a cent ans. Mais il a dit
1351
ers au second, c’est passer du cliché à l’utopie,
et
de la patrie d’un Guillaume Tell qui n’exista jamais que dans le myth
1352
ndages d’opinion, dans plusieurs pays de l’Europe
et
aux États-Unis, ont révélé que les Suisses sont tout simplement les g
1353
42 % répondent très heureux, 51 % plutôt heureux,
et
6 % pas très heureux, ce qui ne laisse guère de place qu’à 1 % de rév
1354
grande attention. Voici, au cœur même de l’Europe
et
en plein milieu du xx e siècle, un peuple à peu près unanime à s’esti
1355
siècle, un peuple à peu près unanime à s’estimer
et
à se dire heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ? Et ses recet
1356
re heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ?
Et
ses recettes, si l’on peut les donner, seraient-elles applicables ail
1357
par philanthropie, mais par intérêt bien compris.
Et
cela se voit dès l’origine. Loin d’être née comme chacun le croit de
1358
antir leurs privilèges. Les gens d’Uri, de Schwyz
et
d’Unterwald possédaient en franchise et collectivement les vallées tr
1359
de Schwyz et d’Unterwald possédaient en franchise
et
collectivement les vallées traversées par la route du Gothard, que l’
1360
était le seul col reliant d’un seul trait le nord
et
le sud du Saint-Empire. Il fallait le garder libre pour l’Europe, con
1361
bsbourg, qui essayaient d’en prendre le contrôle.
Et
c’est pourquoi le grand empereur Frédéric II conféra aux communes du
1362
ommunautés formées de cités libres ou épiscopales
et
des campagnes qu’elles avaient soumises, entre les Alpes et le Jura.
1363
pagnes qu’elles avaient soumises, entre les Alpes
et
le Jura. Et ce fut la période patricienne et guerrière des « ligues s
1364
les avaient soumises, entre les Alpes et le Jura.
Et
ce fut la période patricienne et guerrière des « ligues suisses ». El
1365
lpes et le Jura. Et ce fut la période patricienne
et
guerrière des « ligues suisses ». Elle aboutit en 1815 à une espèce d
1366
te, une constitution fédérale fut rédigée, votée,
et
mise en vigueur en neuf mois, sans aucune mesure transitoire. Vingt-d
1367
sure transitoire. Vingt-deux États « souverains »
et
qui le demeurent aux termes de la constitution, mettaient en commun c
1368
son union précisément pour sauver ses diversités.
Et
ses vingt-deux petits États n’ont délégué à un pouvoir central une ce
1369
u premier : dans la liberté fédérale, les groupes
et
les communautés de toute nature se côtoient journellement, se mêlent
1370
toute nature se côtoient journellement, se mêlent
et
se combinent de toutes sortes de manières, sans pourtant perdre leur
1371
ns pourtant perdre leur identité ni se confondre,
et
sans qu’aucun d’entre eux éprouve le besoin d’imposer aux voisins son
1372
edo ou son parti. Il n’en fut pas toujours ainsi,
et
les Suisses ont connu pendant des siècles de furieuses guerres civile
1373
s de furieuses guerres civiles dites de religion,
et
autres manifestations d’impérialismes soit politiques soit culturels.
1374
es frontières des États sont devenues invisibles,
et
dès lors les communautés réelles ne sont plus définies par leurs cord
1375
leurs cordons douaniers, mais par le libre choix
et
le degré d’attachement réel de leurs membres. On n’est plus obligatoi
1376
ou fribourgeois. On peut choisir ses allégeances
et
faire partie de dix communautés diverses, dont les aires géographique
1377
dont les aires géographiques ne se recouvrent pas
et
n’ont rien de comparable. Prenez mon cas : Français de langue, Europé
1378
ture mais du canton de Neuchâtel par la naissance
et
la tradition familiale, fils de la Réforme qui est un phénomène occid
1379
s le plus large du terme, Suisse par le passeport
et
les obligations militaires, habitant au surplus près de Genève, où je
1380
tut à vocation internationale, ma liberté résulte
et
se nourrit de ces appartenances multiples ; elle réfute les devises t
1381
ne foi, une loi, un roi (sur un même territoire),
et
plus tard : ein Volk, ein Reich, ein Führer, devises de ces nationali
1382
au xx e siècle un fouillis d’autarcies barbelées
et
de camps de concentration. Troisième secret du régime suisse : toutes
1383
on. Personne n’a jamais exigé que les Thurgoviens
et
les Vaudois ou les Grisons romanches et les Bâlois s’aiment d’amour t
1384
urgoviens et les Vaudois ou les Grisons romanches
et
les Bâlois s’aiment d’amour tendre. On ne leur demande même pas de se
1385
r de Genève, avec son chic anglais, ses principes
et
ses complexes, ils n’auraient guère à se dire et pas de langage commu
1386
et ses complexes, ils n’auraient guère à se dire
et
pas de langage commun. Mais ils savent bien qu’ils font partie de cet
1387
ndamental : celui de vivre chacun selon son style
et
de se gouverner à sa façon. Cela suffit, c’est l’essentiel, le reste
1388
gues différentes, professant des credos religieux
et
politiques tenus pendant des siècles pour incompatibles, très inégale
1389
e aux vingt-deux petits États suisses, je ne vois
et
ne puis imaginer une autre solution que l’helvétique. Et je ne vois p
1390
uis imaginer une autre solution que l’helvétique.
Et
je ne vois pas de raison sérieuse qui empêcherait qu’on l’applique à
1391
e dira : la Suisse est petite, l’Europe est vaste
et
quelques-unes de ses nations sont grandes. Comment oseriez-vous les c
1392
iocre à l’auguste. Je ne compare que des rapports
et
constate qu’entre la France par exemple et la Belgique ou l’Irlande,
1393
pports et constate qu’entre la France par exemple
et
la Belgique ou l’Irlande, le rapport est analogue à celui qui existe
1394
ue à celui qui existe entre les cantons de Zurich
et
de Zoug ou de Glaris. Et je me dis qu’un système qui peut harmoniser
1395
re les cantons de Zurich et de Zoug ou de Glaris.
Et
je me dis qu’un système qui peut harmoniser les relations entre des c
1396
un ensemble vivant des organes bien différenciés
et
dont chacun exerce une fonction unique, incomparable. Or cette foncti
1397
sons pour se rendre à la Diète fédérale de Berne,
et
autant pour obtenir des instructions de son gouvernement. En 1965, un
1398
à quelques heures de Bruxelles ou de Strasbourg,
et
à portée de voix de ses ministres. Oui, la Suisse est la seule maquet
1399
rope fédérée dont rêvent tous les amis de la paix
et
tous les ennemis de l’uniformité. Pensez-y, quand vous traversez ce p
1400
ainetés bien unies, regardez-le d’un œil européen
et
prospectif : vous verrez que tout y correspond à quelque chose qui po
1401
it très bien être l’avenir commun de nos nations.
Et
quand vous en serez convaincu, essayez d’en convaincre les Suisses…
1402
plein tumulte où les Croix-de-Feu se bagarraient
et
hurlaient, couvrant la voix des orateurs, je voyais Lord Cecil lire q
1403
ches, dans l’espoir d’imposer une image de calme,
et
soudain un homme assez petit bondir à la tribune, tournant à droite e
1404
ssez petit bondir à la tribune, tournant à droite
et
à gauche un profil agressif et spirituel, cravate rouge en bataille,
1405
tournant à droite et à gauche un profil agressif
et
spirituel, cravate rouge en bataille, index pointé vers les groupes d
1406
de sarcasmes acérés, lancés comme des fléchettes,
et
s’amusait beaucoup. « C’est l’ambassadeur d’Espagne à Paris », me dit
1407
ambassadeur, ça doit savoir engueuler le monde !
Et
nous allâmes prendre un verre à son hôtel. Une dame survint : « — Exc
1408
dame, faire le bien, c’est l’affaire du Bon Dieu.
Et
de lui seul ! Tout ce que l’on peut demander d’un homme, c’est qu’il
1409
thmétique sur l’impossibilité du bonheur durable,
et
un argument du type Pyrrhus et Cinéas sur l’inutilité finale ou la fi
1410
u bonheur durable, et un argument du type Pyrrhus
et
Cinéas sur l’inutilité finale ou la finale gratuité de toute action h
1411
tres avec l’auteur d’Anglais, français, Espagnols
et
aussi de la Sacred Giraffe. Pour présider à une affaire qui mettait e
1412
aussi désespérément hétérogènes que la politique
et
la morale, l’histoire, et la psychologie d’une vingtaine de peuples n
1413
ogènes que la politique et la morale, l’histoire,
et
la psychologie d’une vingtaine de peuples n’ayant guère en commun que
1414
cuper chacun une position absolument particulière
et
qui leur méritait un traitement tout à fait exceptionnel, il ne falla
1415
rnai à faire état de ses titres d’ancien ministre
et
de professeur à Oxford, et l’on me chargea de prendre contact. À ma l
1416
tres d’ancien ministre et de professeur à Oxford,
et
l’on me chargea de prendre contact. À ma lettre, il répondit vite : «
1417
tions si peu d’intellectuels (écrivains, artistes
et
savants) à militer par un peu plus qu’une signature au bas d’un manif
1418
r ce temps qui lui manquait pour présider congrès
et
comités en chaîne. Ce qu’il fit, avec autant de soins formels et de f
1419
haîne. Ce qu’il fit, avec autant de soins formels
et
de fermeté dans l’approche des puissants que de désinvolture à l’égar
1420
issants que de désinvolture à l’égard des pédants
et
autres fanatiques de la routine, fût-elle d’étiquette « progressiste
1421
« progressiste ». Il a le sens du trait qui porte
et
qui assure le succès durable d’un discours même de pure circonstance.
1422
! » Mais les grandes heures captées par la radio
et
plus tard la TV compteront moins, finalement, aux yeux du « dieu qui
1423
able succession des comités hélas indispensables,
et
qu’il ne suffit pas de présider mais qu’il faut surtout animer, sinon
1424
aye, la section culturelle du Mouvement européen (
et
de là sortiront le Centre européen de la culture et le Collège d’Euro
1425
de là sortiront le Centre européen de la culture
et
le Collège d’Europe à Bruges), on ne s’ennuie pas, parce que le prési
1426
dsay, ancien ministre britannique de l’Éducation,
et
son homologue belge Julius Hoste, Joseph Retinger, l’éminence grise d
1427
Retinger, l’éminence grise de tout le mouvement,
et
Georges Rebattet (le Colonel Cheval de la Résistance). À propos de je
1428
Écoutez donc notre ami Lindsay : il dit “I feel »
et
non “I think”. Si les Anglais pensent, c’est autrement que nous, c’es
1429
bras, leurs mains, mais jamais avec leur cerveau.
Et
s’ils ont une tête, eh bien, c’est pour porter un chapeau ! » Bien pe
1430
manquer à ce qu’on nomme leur œuvre personnelle,
et
de ceux-là, nul ne l’a fait avec un désintéressement aussi total que
1431
péen de la culture. ⁂ Mais avant d’être Européen,
et
après, et pendant, et pour toujours, Don Salvador est Espagnol, comme
1432
culture. ⁂ Mais avant d’être Européen, et après,
et
pendant, et pour toujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’e
1433
Mais avant d’être Européen, et après, et pendant,
et
pour toujours, Don Salvador est Espagnol, comme on ne l’est plus. Je
1434
salle Pleyel, avec William Faulkner, Wystan Auden
et
André Malraux à la table des orateurs, que je préside, tandis qu’une
1435
n, elle symbolise toute une philosophie politique
et
sociale. Et j’ai aimé qu’après vingt ans ce meeting de la salle Pleye
1436
olise toute une philosophie politique et sociale.
Et
j’ai aimé qu’après vingt ans ce meeting de la salle Pleyel fasse écho
1437
un registre plus grave : le combatif ambassadeur
et
l’orateur habile à syncoper le pathétique et l’espièglerie polémique
1438
deur et l’orateur habile à syncoper le pathétique
et
l’espièglerie polémique ne se laissaient pas oublier, mais ce qui dés
1439
rio, c’était l’engagement de toute une vie, œuvre
et
action, pour la défense et pour l’illustration de la liberté, au prix
1440
e toute une vie, œuvre et action, pour la défense
et
pour l’illustration de la liberté, au prix incalculable de l’exil. Ai
1441
in de la dernière guerre, accédaient aux honneurs
et
au pouvoir après une longue carrière d’opposant exilé, un sort invers
1442
sant exilé, un sort inverse est échu à notre ami.
Et
parce qu’il en a maîtrisé les périls et surmonté l’amertume par la cr
1443
otre ami. Et parce qu’il en a maîtrisé les périls
et
surmonté l’amertume par la création et l’action, il nous donne aujour
1444
les périls et surmonté l’amertume par la création
et
l’action, il nous donne aujourd’hui le rare et haut exemple d’un comb
1445
on et l’action, il nous donne aujourd’hui le rare
et
haut exemple d’un combattant de la liberté demeuré libéral avec rigue
1446
en plein xxe siècle on peut être vraiment engagé
et
vraiment libéral à la fois, n’est-ce pas là son plus beau paradoxe ?
1447
comte Coudenhove-Kalergi se plaçait sous l’égide
et
dans la tradition des Sully, Comenius, Saint-Pierre, Kant, Mazzini, H
1448
ully, Comenius, Saint-Pierre, Kant, Mazzini, Hugo
et
Nietzsche, dont les portraits décoraient la tribune. En même temps, i
1449
à l’Action européennes, en continuité historique,
et
il inaugurait la stratégie qui serait vingt ans plus tard celle de Je
1450
on discours du 5 septembre de l’année précédente,
et
c’est le plus proche collaborateur du président du Conseil, Alexis Lé
1451
seulement du Conseil de l’Europe, mais de la CECA
et
du Marché commun. (Le terme même de « Marché commun » figure là pour
1452
ère fois : il est donc dû non pas à un politicien
et
encore moins à un économiste, mais à un grand poète, Saint-John Perse
1453
eurs prises de position pour la plupart négatives
et
le nationalisme plus ou moins avoué qui les inspire : les nazis vont
1454
nde ce que veut dire le mot nation, au sens total
et
absolu. C’est dans la Résistance que se constitueront les nombreux gr
1455
guerre finie vont se réunir avec des politiciens
et
des économistes de tendances plus modérées, en une série de congrès s
1456
l’idéal fédéraliste qui avait animé la Résistance
et
la période des congrès. Un petit signe le fera voir : la grande press
1457
t politique, n’est pas encore abordé par les Six,
et
n’est même pas posé par les autres. En l’absence — à peine croyable —
1458
’on peut prévoir selon nos analystes, professeurs
et
commentateurs qui tiennent encore la politique pour l’art du possible
1459
s gouvernements proclament cette union nécessaire
et
même urgente. À ce mystère, ou plutôt ce scandale, je propose une exp
1460
x intentionnés, les ministres, les parlementaires
et
la grande majorité des politologues et des économistes à leur suite o
1461
ementaires et la grande majorité des politologues
et
des économistes à leur suite ont pris le problème à l’envers : soucie
1462
ats-nations tels que les a formés le xixe siècle
et
achevés le totalitarisme (plus ou moins déclaré selon les pays) au xx
1463
e général de Gaulle), ils ont essayé de les unir,
et
ils constatent, évidemment, « qu’elles ne sont pas encore prêtes à s’
1464
er l’union, de se vouloir chacune unique, absolue
et
totale en soi-même. L’union, pour deux États-nations, n’est jamais qu
1465
(comme par exemple l’union de la Grande-Bretagne
et
de la France proposée par Churchill en juin 1940) autrement dit : ce
1466
aible soit pour subsister seul, soit pour dominer
et
absorber les voisins. Si donc on veut unir l’Europe, il faut partir d
1467
devenir demain la vraie réalité de notre société,
et
je vais désigner par là une unité d’un type nouveau, à la fois plus g
1468
ne unité d’un type nouveau, à la fois plus grande
et
plus complexe que la cité antique, mais plus dense, mieux structurée
1469
a cité antique, mais plus dense, mieux structurée
et
offrant un meilleur milieu de participation civique que la nation tel
1470
qu’en effet il s’agit là d’un phénomène complexe
et
neuf, que nous voyons lentement prendre forme au seuil de ce dernier
1471
cle, comme un visage dont les traits se composent
et
s’illuminent peu à peu sur le fond chaotique de la société que le xix
1472
e au petit bonheur, la société stato-nationaliste
et
industrielle. Sur ce continuum sans ordre ni structure d’anarchie arb
1473
ie arbitrairement quadrillée par l’administration
et
la police, se détachent maintenant les régions, réalités absolument m
1474
banisation galopante, la mobilité des industries,
et
par suite les nouvelles concentrations de ressources intellectuelles,
1475
rations de ressources intellectuelles, techniques
et
bancaires autant que matérielles ou naturelles, la densité des réseau
1476
urelles, la densité des réseaux de communications
et
de transports et enfin l’unité géographique, cette dernière n’étant d
1477
té des réseaux de communications et de transports
et
enfin l’unité géographique, cette dernière n’étant d’ailleurs plus dé
1478
e frontière marquée sur le terrain par des bornes
et
sur les cartes par des pointillés méticuleux, mais au contraire par l
1479
d’un pays d’une population minimum de 2 millions
et
maximum de 6 millions. Ce qui donnerait, par exemple, huit à neuf rég
1480
de Berre, c’est-à-dire une grande ville portuaire
et
commerçante, une vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un
1481
re et commerçante, une vieille cité universitaire
et
culturelle, dotée d’un célèbre festival de musique, et une zone d’int
1482
lturelle, dotée d’un célèbre festival de musique,
et
une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implante
1483
oixante personnalités participantes : professeurs
et
industriels, présidents de chambres de commerce et directeurs de fest
1484
t industriels, présidents de chambres de commerce
et
directeurs de festivals, députés et préfets, éditeurs et animateurs s
1485
s de commerce et directeurs de festivals, députés
et
préfets, éditeurs et animateurs sociaux, je me trouvais le seul non-F
1486
cteurs de festivals, députés et préfets, éditeurs
et
animateurs sociaux, je me trouvais le seul non-Français : j’en conclu
1487
oins autonome. L’effort général en vue de l’union
et
votre tentative régionaliste, qu’on soupçonnera de vouloir la divisio
1488
États-nations, les régions vont se mettre à vivre
et
respirer de plus en plus librement. Les États-nations les maintenaien
1489
e par exemple la langue, l’économie, l’état civil
et
les richesses minières. Ainsi l’on coupait en deux le bassin de la Ru
1490
nt permis de surmonter cette absurdité manifeste,
et
plusieurs autres. Dans l’Europe fédérée de demain, libérée de la tyra
1491
ons vont très rapidement se dessiner, s’organiser
et
s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vital
1492
apidement se dessiner, s’organiser et s’affirmer.
Et
comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes s
1493
niser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes
et
souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles noueront e
1494
e elles des relations d’échanges aussi nombreuses
et
fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leur
1495
ères nationales désormais réduites au rôle mineur
et
invisible à l’œil nu que jouent les délimitations entre les cantons s
1496
simples commodités pour le cadastre, l’état civil
et
la gendarmerie. Et c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtiron
1497
pour le cadastre, l’état civil et la gendarmerie.
Et
c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtirons l’Europe, non sur
1498
ent de pensée politique, déjà beaucoup plus large
et
solidement fondé que je n’osais l’espérer. Au cours de ces dernières
1499
entifiques, les articles de journaux, les volumes
et
les congrès sur la régionalisation de nos États. Le concept de région
1500
seulement dans les préoccupations des sociologues
et
chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un important grou
1501
irigeants du pays le plus centralisé du continent
et
le plus allergique, semblait-il, au fédéralisme à base régionale : j’
1502
régionale : j’entends la République française une
et
indivisible. Une bonne douzaine d’ouvrages ont paru en France depuis
1503
tule tranquillement La Révolution régionaliste 19
et
il figure dans une collection de livres de poche : c’est dire que l’é
1504
ade de la prise de conscience du phénomène région
et
des motifs de son apparition en ce moment précis de notre histoire et
1505
apparition en ce moment précis de notre histoire
et
de l’évolution de notre société occidentale. À peine a-t-on pris la m
1506
u’il nous invite à explorer, notamment politiques
et
institutionnelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient être déc
1507
ormal qu’elles exigent une période d’expériences,
et
celle-ci connaîtra forcément des échecs. Organiser, structurer, anime
1508
échecs. Organiser, structurer, animer des régions
et
les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au moins d’une g
1509
n de la polis, dans la société grecque archaïque.
Et
l’on sait que la polis devint en moins d’un siècle l’unité de base de
1510
d’un siècle l’unité de base de toute vie sociale
et
publique en Grèce. Elle donna même son nom à cette forme d’activité :
1511
osa durant des siècles à la monarchie autoritaire
et
belliqueuse — créant ainsi la première civilisation européenne — de m
1512
e la région va s’opposer aux empires centralistes
et
monopolisateurs qui prétendent aujourd’hui se partager le monde. Chac
1513
é d’unifier l’Europe par la seule force militaire
et
policière de leur nation ou de leur parti. Leurs échecs désastreux, c
1514
fait que révéler en les exagérant la vraie nature
et
les vraies ambitions. Nous n’en sommes encore qu’à l’aube de la forma
1515
r les soins de l’école, de la presse, de l’armée,
et
de l’éloquence politique, le dogme de la sacro-sainteté et de l’immor
1516
loquence politique, le dogme de la sacro-sainteté
et
de l’immortalité de ma nation, et de la forme nationale en général. C
1517
sacro-sainteté et de l’immortalité de ma nation,
et
de la forme nationale en général. Croyance réfutée, il est vrai, par
1518
qu’elles ont dépassé le sommet de leur évolution,
et
descendent vers leur crépuscule. Dès la fin du siècle dernier, Ernest
1519
les nations sont « encore » les seules réalités.
Et
c’est vrai, elles existent « encore » — mais si mal ! Trop petites po
1520
ant l’Europe se fait par mille réseaux d’ententes
et
de fusions industrielles, d’associations culturelles, professionnelle
1521
les, d’associations culturelles, professionnelles
et
régionales, qui nouent leurs liens concrets en dépit des nations. Pre
1522
es initiatives de l’État, par-dessus, par-dessous
et
à travers les frontières nationales, chaque jour un peu moins efficac
1523
ront pris en réalité plus d’importance économique
et
culturelle que les capitales anciennes, la révolution régionaliste se
1524
anciennes, la révolution régionaliste sera faite
et
du même coup, la fédération de l’Europe se révélera immédiatement pos
1525
ue les pionniers de l’Europe unie ne l’exigeaient
et
ne l’annonçaient dans l’enthousiasme des premiers congrès fédéraliste
1526
bres médiévales étaient « immédiates à l’Empire »
et
tiraient de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur des réalités e
1527
essor, non sur des vieilles carcasses historiques
et
des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues frança
1528
e beaucoup plus opérationnelle que le département
et
même que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en Fr
1529
ne telle déclaration ait pu être faite en France,
et
cela précisément devant le corps des fonctionnaires institués par Nap
1530
est bien plus avancée que nous n’osions l’espérer
et
que ne peuvent encore l’imaginer les politiciens qui se croient réali
1531
tie exige pour fonctionner d’être prise en charge
et
comprise par la très grande majorité des citoyens. C’est pourquoi l’i
1532
e passé, rendant possible la lecture des affiches
et
des journaux, donc le suffrage universel. Une démocratie ne mérite so
1533
puis à les informer. Comment former des citoyens
et
un civisme européens tant qu’il n’y a pas de Cité européenne ? Invers
1534
désir d’habiter une ville, d’y circuler à l’aise
et
en sécurité, d’y échanger des propos et des produits et de participer
1535
à l’aise et en sécurité, d’y échanger des propos
et
des produits et de participer à son gouvernement, le désir d’être cit
1536
sécurité, d’y échanger des propos et des produits
et
de participer à son gouvernement, le désir d’être citoyen pousse à co
1537
, qui à son tour formera des traditions civiques,
et
le besoin d’en changer. Il s’agit donc pour nous, ici et maintenant,
1538
esoin d’en changer. Il s’agit donc pour nous, ici
et
maintenant, d’éveiller chez les jeunes de nos pays le désir d’habiter
1539
fatale, ni imposée, elle ne peut être que choisie
et
voulue — exactement comme la démocratie — par une majorité de la popu
1540
té de la population. Cette majorité sera suscitée
et
conduite par une minorité qui ne voudra pas forcer mais convaincre. C
1541
qu’ici, l’éducation (enseignement, école primaire
et
secondaire, hautes écoles et télévision) dans la mesure où elle façon
1542
ment, école primaire et secondaire, hautes écoles
et
télévision) dans la mesure où elle façonne les caractères et les espr
1543
on) dans la mesure où elle façonne les caractères
et
les esprits, ne fait pas des Européens. Quand elle fait quelque chose
1544
au du civisme, elle ne fait en tout cas pas cela,
et
l’on peut être heureux si elle ne fait pas le contraire. L’éducation
1545
sante (parfois inexistante) à l’échelon national,
et
souvent négative par rapport à l’Europe. Dans presque tous nos pays,
1546
ais surtout, on ne dit rien des problèmes vivants
et
réels qui se posent à la cité et à l’État, et que le citoyen devra tr
1547
roblèmes vivants et réels qui se posent à la cité
et
à l’État, et que le citoyen devra trancher quand il votera. La plu
1548
nts et réels qui se posent à la cité et à l’État,
et
que le citoyen devra trancher quand il votera. La plus ennuyeuse d
1549
re de parler d’une communauté encore inexistante,
et
d’institutions fragmentaires, limitées à une partie seulement du seul
1550
que signifie connaissance scolaire d’institutions
et
de constitutions dont on ignore le fonctionnement concret. Il faut co
1551
ore le fonctionnement concret. Il faut comprendre
et
proclamer que la seule préparation valable au civisme (à tous les deg
1552
age des moyens de participer à la vie de la cité,
et
dans l’éveil du désir d’y tenir son rôle de citoyen. (« Cité » signif
1553
e, région, nation, Europe…) Les problèmes vivants
et
réels de l’Europe, telle qu’elle est aujourd’hui désunie et telle qu’
1554
e l’Europe, telle qu’elle est aujourd’hui désunie
et
telle qu’elle pourrait être unie demain, n’apparaissent pas souvent d
1555
s taux préférentiels, des philanthropes, managers
et
trustees qui suggèrent des échanges de cartes postales, de sourires o
1556
es postales, de sourires officiels, de vœux pieux
et
jumelés. Ces problèmes se révèlent au contraire dans leurs vraies di
1557
évèlent au contraire dans leurs vraies dimensions
et
leur urgence — et alors nul besoin d’insister sur la nécessité de fai
1558
re dans leurs vraies dimensions et leur urgence —
et
alors nul besoin d’insister sur la nécessité de faire l’Europe — à l’
1559
des réalités déterminantes de la vie de nos pays
et
de l’existence sociale dans l’Europe de la seconde moitié du xxe siè
1560
finir, illustrer) : a) Les éléments de communauté
et
les facteurs de différenciation qui font de l’Europe dans l’histoire
1561
plus réels étant que nous sommes tous différents,
et
que nous y tenons ; b) Problèmes économiques, en tant qu’ils relèvent
1562
e mondiale ; c) Problèmes sociaux, démographiques
et
culturels, en tant qu’ils relèvent de la patrie locale, de la région,
1563
d) Fonction de l’Europe dans le monde décolonisé,
et
conditions nécessaires à son exercice ; e) Idéaux directeurs (religie
1564
le contaminerait très vite sa version européenne.
Et
d’ailleurs, il serait absurde d’essayer de substituer l’une à l’autre
1565
de sensibiliser l’esprit des jeunes aux réalités
et
aux problèmes civiques de la communauté européenne, et cela, à la fav
1566
x problèmes civiques de la communauté européenne,
et
cela, à la faveur d’exemples qui ne peuvent manquer de se présenter d
1567
enter dans chaque leçon d’histoire, de géographie
et
d’économie, de langues et de littérature prévue par le programme. Mai
1568
histoire, de géographie et d’économie, de langues
et
de littérature prévue par le programme. Mais pour qu’il saisisse ces
1569
programme. Mais pour qu’il saisisse ces occasions
et
en tire le meilleur parti, il faut que le professeur ait été lui-même
1570
éalités de l’Europe encore désunie, aux problèmes
et
aux possibilités de son union prochaine. Dire que tout dépend de l’éd
1571
cation, c’est dire que tout dépend des éducateurs
et
de leur formation. L’avenir de l’Europe unie va se jouer dans les éco
1572
conscience de leurs responsabilités européennes,
et
pour les y pousser, il importe d’agir sans délai sur des groupes forc
1573
agir sur leurs collègues. C’est l’objectif précis
et
immédiat de la Campagne d’éducation civique européenne : de multiplie
1574
se déroberont sous les pas des hommes politiques
et
des économistes. Car avant de « faire l’Europe », il faut « faire de
1575
faire l’Europe », il faut « faire de l’Europe ».
Et
cela se passera d’abord dans les esprits : sans « révolution culturel
1576
des questions réelles éveillant le sens critique
et
le besoin d’invention, tandis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’
1577
réponses toutes faites, uniformément optimistes
et
propres à stériliser toute tentative de réflexion ou de création pers
1578
ur 340 pages ; encore sont-ils de pure rhétorique
et
destinés à supprimer plutôt qu’à poser la question24. Voici en revanc
1579
i résultent de l’examen objectif de la situation,
et
nous sommes bien certains qu’il révélera de la sorte la nécessité de
1580
’il révélera de la sorte la nécessité de l’union,
et
même les formes spécifiques que celle-ci devra prendre, et pourra pre
1581
es formes spécifiques que celle-ci devra prendre,
et
pourra prendre. Il fourmillera de points d’interrogation ! Il ne dira
1582
du Centre européen de la culture, 1964 (épuisé),
et
Civisme et éducation européenne, collection « L’Éducation en Europe »
1583
européen de la culture, 1964 (épuisé), et Civisme
et
éducation européenne, collection « L’Éducation en Europe » II. 2. 22
1584
: Notes pour un “Petit Livre rouge” », Éducation
et
Culture, Strasbourg, été 1967, p. 10-12.
1585
ble. Je me considère moi aussi comme un chercheur
et
je le serai jusqu’à la fin de mes jours. Simplement, je ne suis pas u
1586
bolisme. Les échanges se composent d’importations
et
d’exportations, entre lesquels on cherche à établir une certaine bala
1587
e où il fut créé. Il y a 6 chercheurs nés Suisses
et
qui le sont restés, et 5 non Suisses de naissance, mais naturalisés e
1588
a 6 chercheurs nés Suisses et qui le sont restés,
et
5 non Suisses de naissance, mais naturalisés et qui ont reçu le prix
1589
, et 5 non Suisses de naissance, mais naturalisés
et
qui ont reçu le prix une fois devenus suisses et après des travaux po
1590
et qui ont reçu le prix une fois devenus suisses
et
après des travaux poursuivis en Suisse. Parmi eux, Einstein et Pauli,
1591
travaux poursuivis en Suisse. Parmi eux, Einstein
et
Pauli, ou en littérature, Hermann Hesse. En revanche, la Suisse a env
1592
’est-il devenu ? Les deux autres sont Félix Bloch
et
Daniel Bovet, l’un devenu américain et l’autre italien. Vous voyez p
1593
élix Bloch et Daniel Bovet, l’un devenu américain
et
l’autre italien. Vous voyez par ce petit exemple qu’une certaine bal
1594
t anglais, Siger de Brabant, qui était brabançon,
et
Albert le Grand, qui était souabe. Maintenant, pour nous en tenir aux
1595
xemples suisses, qu’y a-t-il eu comme importation
et
exportation des cerveaux en Suisse ? Comment notre culture s’est-elle
1596
r un exode de cerveaux irlandais : c’est Colomban
et
Gall qui ont apporté le christianisme en Suisse. Ensuite, il y a eu u
1597
sous la forme de Calvin qui a apporté la Réforme
et
qui a fait Genève. À peu près en même temps, il y eut Érasme, Holland
1598
, Hollandais exilé à Bâle, qui a fait l’humanisme
et
qui a fait Bâle. Beaucoup plus près de nous, on peut citer Nietzsche,
1599
Nietzsche, qui a été professeur à Bâle lui aussi
et
qui a beaucoup vécu en Suisse, en Engadine. On peut citer Stravinsky,
1600
aux qui avaient un peu de cervelle, quelquefois ;
et
il y avait même des amiraux. Je ne vous dis pas cela pour vous faire
1601
ses, c’était vrai. Le créateur de la flotte russe
et
son premier grand amiral était un Genevois, Lefort, et le chef de la
1602
n premier grand amiral était un Genevois, Lefort,
et
le chef de la flotte de guerre américaine, entre les deux guerres, ét
1603
ux États-Unis, qui sont les plus grands du monde.
Et
on pourrait multiplier ces exemples : en théologie nous avons exporté
1604
littérature, nous avons exporté Blaise Cendrars ;
et
dans le cinéma, nous avons exporté Jean-Luc Godard. M. Nordmann : Il
1605
pelé l’exode des cerveaux. M. de Rougemont : Oui,
et
il faudrait donc essayer de trouver des critères pour déterminer à qu
1606
ner à quel moment ce que j’appelle des échanges —
et
qui est la santé même — devient un exode qu’il faudrait déplorer ou a
1607
er là-dedans les dimensions des activités en jeu,
et
les dimensions des communautés qui peuvent les prendre en charge. Éta
1608
en charge. Étant donné la nature, les conditions
et
les finalités propres d’une certaine activité, quel est le type de co
1609
unauté qui lui correspond le mieux par ses moyens
et
par ses dimensions ? Voilà à peu près la formule d’analyse que je pro
1610
ut pour ma nation, qu’elle soit grande ou petite,
et
que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut une industrie automo
1611
des ordinateurs, il lui faut un synchrocyclotron
et
tout. Ça, c’est le point de vue nationaliste. Le point de vue que je
1612
onsiste à répartir les tâches d’après leur nature
et
d’après les grandeurs, les dimensions, les moyens des communautés qui
1613
té qui est bien à la taille du canton (l’activité
et
la communauté étant de tailles correspondantes) : si à ce moment-là,
1614
ou toute une faculté, ou un studium — professeurs
et
étudiants ensemble — à tel point que, à Bologne, on dût faire des loi
1615
étaient punis de mort — alors là, il s’agira bel
et
bien d’un « exode des cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que
1616
Pas du tout ! Il serait resté à La Chaux-de-Fonds
et
nous n’en aurions rien su ; il aurait continué à s’appeler Fritz Saus
1617
est allé à Paris qui en a fait un grand écrivain
et
c’est seulement quand nous avons su qu’il y avait un grand écrivain q
1618
ton Bridge à New York, qui a plus d’un kilomètre,
et
le Golden Gate à San Francisco qui a 2750 mètres de long : qu’eût-il
1619
n’ont pas encore été votés, depuis quarante ans.
Et
puis, il y a un cas particulier, qui a déjà été évoqué tout à l’heure
1620
ntre ce qui a été dit sur une politique d’option,
et
ce qui vient d’être dit sur une politique de dimension, il est facile
1621
pelle exode par rapport à une certaine communauté
et
dans une certaine conjoncture. Il y a un premier choix à faire : je s
1622
rcitive, mais uniquement en développant des pôles
et
des climats intellectuels qui attirent. Ce n’est pas uniquement une q
1623
oximité du CERN — ça, c’est presque un accident —
et
les recherches psychologiques. Il y a là de quoi constituer un point
1624
tion, au lieu de répartir de manière égalitaire —
et
donc partout inadéquate — ces ressources et les subventions qui doive
1625
ire — et donc partout inadéquate — ces ressources
et
les subventions qui doivent y être attachées sur tout le territoire d
1626
limat intellectuel, c’est aussi difficile à faire
et
à définir qu’une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’ar
1627
y ait une vie intellectuelle, un climat attirant,
et
pas seulement pour des musiciens ou des artistes, mais aussi pour les
1628
ement physicien, il n’est pas uniquement médecin,
et
s’il trouve un bon orchestre, un bon quatuor qui joue de la musique m
1629
rra peut-être le retenir ici. La presse, la radio
et
la télévision pourraient faire énormément dans ce sens. Elles font dé
1630
urieuse du public. On se base souvent, à la radio
et
à la télévision, sur des enquêtes rapides relatives à l’intérêt que l
1631
s gens ont ou n’ont pas pour certaines émissions,
et
l’on transforme la qualité de ces émissions selon la quantité des rép
1632
ois que c’est faux. Il faudrait que la télévision
et
la radio aient l’héroïsme, pendant deux ou trois ans, d’aller à contr
1633
professionnelle juxtaposées, sans lien organique
et
sans rien à se dire entre elles. Il faudrait que l’Université devienn
1634
evienne le lieu vivant de création intellectuelle
et
de débats sur le fond. Je vais lâcher le mot : il faut que l’Universi
1635
de introduite par Abélard qui s’appelait le « sic
et
non », le oui et le non. La discussion dans les groupes d’étudiants e
1636
Abélard qui s’appelait le « sic et non », le oui
et
le non. La discussion dans les groupes d’étudiants et de professeurs
1637
e non. La discussion dans les groupes d’étudiants
et
de professeurs — un tel groupe s’appelait un « studium » — la discuss
1638
comme étant essentiellement une discussion libre
et
ouverte où s’opposaient le pour et le contre, systématiquement, sur t
1639
scussion libre et ouverte où s’opposaient le pour
et
le contre, systématiquement, sur tous les sujets abordés. Et je vous
1640
e, systématiquement, sur tous les sujets abordés.
Et
je vous prierai de croire que ce n’était pas toujours des sujets pure
1641
re. La grande lutte qui a opposé Siger de Brabant
et
saint Thomas d’Aquin était une lutte concernant vraiment les fondemen
1642
in à Belgrade ces jours-ci, à Paris bien entendu,
et
même un tout petit peu à Genève, ai-je entendu dire. Moi, je trouve c
1643
ai-je entendu dire. Moi, je trouve cela admirable
et
merveilleux ! Jamais depuis le Moyen Âge, on ne s’était autant occupé
1644
r l’Université, à mon sens, a été, doit redevenir
et
doit rester le lieu par excellence de la contestation fondamentale, v
1645
sera mon dernier mot — en dehors de l’Université
et
contre elle, mais dans les cours — je ne dis pas dans tous les cours,
1646
lque chose qu’il m’est difficile de vous décrire,
et
si vous voulez en avoir une bonne description, adressez-vous aux Amér
1647
pe en échange de nos Félix Bloch, Agassiz, Ammann
et
tout cela. M. Lalive : Vous n’en avez pas cité. M. de Rougemont : Ce
1648
nd — je me répète — les échanges qui sont normaux
et
bénéfiques, tendent à devenir un exode qui est une perte, qui est déf
1649
à penser que c’est cela que nous devons au monde,
et
notamment aux Américains qui nous le demandent. La culture, c’est un
1650
pellerait — peut-être — les États-Unis d’Europe »
et
il s’écriait : « Je dois vous donner un avertissement. Le temps press
1651
énomène fondamental du siècle. L’évolution a joué
et
joue incontestablement dans le sens de la nation.25 Il est vrai que
1652
y changer, que c’est là-dessus qu’il faut bâtir,
et
d’appeler ça du réalisme. Le cancer et les maladies mentales sont aus
1653
aut bâtir, et d’appeler ça du réalisme. Le cancer
et
les maladies mentales sont aussi des réalités importantes de notre te
1654
elles. Que les nations soient encore bien réelles
et
très fortes à quelques égards, l’impossibilité d’unir l’Europe le dém
1655
deux guerres mondiales, résultant du nationalisme
et
de l’État totalitaire, — par le besoin d’union au-delà des nations, p
1656
oin d’union au-delà des nations, partout ressenti
et
déclaré, et qui a donné naissance au Marché commun notamment, enfin p
1657
au-delà des nations, partout ressenti et déclaré,
et
qui a donné naissance au Marché commun notamment, enfin par l’existen
1658
aux réalités politiques, économiques, techniques
et
démographiques de notre temps. Ils ne me semblent pas confirmer que «
1659
ise finale d’une forme d’association qui a dominé
et
animé l’Europe du xixe siècle, mais qui ne pourrait que tuer l’Europ
1660
Europe du xxe siècle si elle n’est pas surmontée
et
remplacée à temps. La grande force de l’État-nation, c’est que les ho
1661
ande force de l’État-nation, c’est que les hommes
et
les femmes d’aujourd’hui qui ont passé par l’école et croient savoir
1662
es femmes d’aujourd’hui qui ont passé par l’école
et
croient savoir l’histoire s’imaginent qu’il y a toujours eu des États
1663
la leur !), que rien d’autre n’est donc possible,
et
que d’ailleurs l’État, ou la nation, c’est l’aboutissement final, log
1664
ion, c’est l’aboutissement final, logique, normal
et
inévitable du Progrès. Pour dissiper cette illusion, il faudrait ense
1665
oles un minimum d’histoire générale de l’humanité
et
des formes politiques, assez pour rappeler d’où viennent la nation, l
1666
ez pour rappeler d’où viennent la nation, l’État,
et
l’État-nation qui est né de leur collusion moderne. Il faudrait rappe
1667
la préhistoire qui ne connaissait que les tribus
et
leurs clans, l’histoire commence avec les grands empires réunissant e
1668
toire commence avec les grands empires réunissant
et
fixant d’innombrables tribus : empires d’Égypte, de Sumer et d’Akkad,
1669
’innombrables tribus : empires d’Égypte, de Sumer
et
d’Akkad, plus tard de la Chine et de l’Inde, puis d’Alexandre, puis d
1670
gypte, de Sumer et d’Akkad, plus tard de la Chine
et
de l’Inde, puis d’Alexandre, puis de Rome et de Byzance, et enfin, en
1671
hine et de l’Inde, puis d’Alexandre, puis de Rome
et
de Byzance, et enfin, en Europe, empire de Charlemagne, puis Saint-Em
1672
de, puis d’Alexandre, puis de Rome et de Byzance,
et
enfin, en Europe, empire de Charlemagne, puis Saint-Empire. Il faudra
1673
aissent qu’après tout cela, au cœur du Moyen Âge,
et
se forment aux dépens de l’Empire et de la papauté, voire même contre
1674
u Moyen Âge, et se forment aux dépens de l’Empire
et
de la papauté, voire même contre ces grands symboles de l’unité du gl
1675
nité du globe, de l’universalité du genre humain.
Et
que la naissance de la première nation, la France, peut être datée de
1676
e-même, l’installe sous sa protection en Avignon,
et
puis réalise aux dépens des Juifs qu’il fait dépouiller et des cheval
1677
éalise aux dépens des Juifs qu’il fait dépouiller
et
des chevaliers du Temple qu’il fait exécuter, une merveilleuse opérat
1678
rôler — sera vite suivi par les rois d’Angleterre
et
d’Espagne, puis par les princes de l’Italie, de l’Europe de l’Est et
1679
par les princes de l’Italie, de l’Europe de l’Est
et
du Nord, qui dès lors se déclarent eux aussi « souverains absolus »,
1680
dans son traité de La Monarchie, appel désespéré,
et
qui restera vain, à l’Empire condamné et bafoué. Les cinq siècles sui
1681
sespéré, et qui restera vain, à l’Empire condamné
et
bafoué. Les cinq siècles suivants verront se renforcer et se sacralis
1682
é. Les cinq siècles suivants verront se renforcer
et
se sacraliser de plus en plus l’idée fatale de la souveraineté absolu
1683
n saint, mais qui devient proprement révoltante —
et
par ailleurs massivement meurtrière — quand c’est un parti qui s’en e
1684
u nom du peuple, comme ce fut le cas des jacobins
et
des « démocraties » plébiscitaires et totalitaires du xxe siècle. La
1685
es jacobins et des « démocraties » plébiscitaires
et
totalitaires du xxe siècle. La confiscation de l’idéal national par
1686
e de Napoléon, la nationalisation de l’État royal
et
l’étatisation de la nation révolutionnaire, c’est cela qui va créer d
1687
ute l’Europe monarchique autant que républicaine,
et
au xxe siècle, dans le reste du monde. Qu’est-ce en somme que l’État
1688
plus hétérogènes, langues parlées dans les villes
et
richesses du sous-sol, monnaie et programmes scolaires, politique et
1689
dans les villes et richesses du sous-sol, monnaie
et
programmes scolaires, politique et industrie, et les régir à partir d
1690
s-sol, monnaie et programmes scolaires, politique
et
industrie, et les régir à partir d’un centre unique de décision, par
1691
et programmes scolaires, politique et industrie,
et
les régir à partir d’un centre unique de décision, par le moyen de bu
1692
centrent tous les pouvoirs administratifs, civils
et
militaires, fiscaux et policiers, mais aussi ecclésiastiques, scolair
1693
irs administratifs, civils et militaires, fiscaux
et
policiers, mais aussi ecclésiastiques, scolaires, universitaires, et
1694
aussi ecclésiastiques, scolaires, universitaires,
et
plus tard économiques, sous l’hégémonie d’une seule ethnie. Modèle mo
1695
l faut une religion pour le peuple » assure-t-on,
et
comme ce n’est plus guère le christianisme, ce sera donc le nationali
1696
trie étatisée, seul Absolu auquel tout s’ordonne,
et
au nom duquel les maîtres de l’État peuvent mettre à mort leurs hérét
1697
les Églises, Dieu merci. L’État-nation centralisé
et
unifié s’arroge ainsi tous les pouvoirs des grands empires traditionn
1698
val, bien qu’il n’en ait ni la pluralité ethnique
et
linguistique, ni le caractère d’universalité. Il se rêve et se veut f
1699
tique, ni le caractère d’universalité. Il se rêve
et
se veut fermé, complet, suffisant en lui-même tant pour sa culture qu
1700
-même tant pour sa culture que pour son économie,
et
seul juge non seulement de ses intérêts mais de ceux des autres27. C’
1701
ande que le tout. L’État-nation moderne, unitaire
et
absolu n’est enfin qu’un empire manqué. Voilà la vérité fondamentale
1702
a vérité fondamentale du xxe siècle des nations.
Et
il faut souligner à ce propos une constatation des plus paradoxales :
1703
que, si tous les États-nations unitaires ont été
et
sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seul
1704
temps se trouvent être des fédérations : les USA
et
l’URSS. Regardons maintenant ces États-nations unitaires tels qu’ils
1705
nations unitaires tels qu’ils sont dans leur être
et
leur agir concret, non plus dans leurs prétentions. Nous verrons auss
1706
tous, sans exception, sont à la fois trop petits
et
trop grands. Ils sont trop petits si on les regarde à l’échelle mondi
1707
juge par leur incapacité d’animer leurs régions,
et
d’offrir à leurs citoyens une participation réelle à la vie politique
1708
ns techniques modernes, à la mesure de l’Amérique
et
de la Russie aujourd’hui, de la Chine demain », écrivait dès 1954 Jea
1709
des empires véritables qui dominent notre monde,
et
surtout pour résister à la satellisation politique ou économique. Mai
1710
assurer le développement de toutes leurs régions
et
communes, — trop grands pour que leurs citoyens puissent y exercer no
1711
ent y exercer normalement leurs devoirs civiques,
et
participer effectivement à la vie de la cité ; donc trop grands pour
1712
pour être encore de vraies communautés humaines,
et
cela, c’est la plus grave maladie qui puisse miner un corps politique
1713
s devraient se fédérer à l’échelle continentale ;
et
parce qu’ils sont trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intér
1714
it-on. En effet, l’existence des empires de l’Est
et
de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’inexorable : — ou bie
1715
de proclamer leur volonté farouche d’indépendance
et
leur souveraineté absolue, dont ils refusent de rien déléguer à une a
1716
déléguer à une autorité supranationale, fédérale,
et
alors ils seront fatalement satellisés un à un ; — ou bien ils font c
1717
à-dire qu’ils décident de résister tous ensemble,
et
alors ils renoncent à leur souveraineté absolue au profit d’une fédér
1718
dopté en 1848 nos vingt-cinq petits États suisses
et
bien leur en a pris. Mais comme je le rappelais au début de cet expos
1719
e chose de constitutif qui les retient de s’unir.
Et
nous voyons mieux ce que c’est, maintenant que nous avons défini l’am
1720
ntenant que nous avons défini l’ambition profonde
et
constitutive de l’État-nation, sa volonté de souveraineté absolue, do
1721
n proprement impériale. C’est donc par définition
et
par structure, non par méchanceté ou bêtise que les États-nations son
1722
nnées29, il va falloir ou bien renoncer à l’union
et
alors il n’y aura plus de problème, ou bien modifier les données même
1723
re à une indépendance de moins en moins croyable,
et
qui se borne en fait à la liberté (souvent illusoire) de choisir les
1724
ant avec la notion sacro-sainte de souveraineté ;
et
c’est ensuite trouver les éléments nouveaux qui rendraient l’union pr
1725
ndrait trop de temps, demanderait trop d’énergie,
et
soulèverait trop d’oppositions.30 Bien avant d’avoir lu ces lignes,
1726
(comme par exemple l’union de la Grande-Bretagne
et
de la France proposée par Churchill en juin 1940), autrement dit : ce
1727
aible soit pour subsister seul, soit pour dominer
et
absorber les voisins. Si l’on veut unir l’Europe, il faut partir d’au
1728
devenir demain la vraie réalité de notre société,
et
je vais désigner par là une unité d’un type nouveau, à la fois plus g
1729
ne unité d’un type nouveau, à la fois plus grande
et
plus complexe que la cnté antique, mais plus dense, mieux structurée
1730
a cnté antique, mais plus dense, mieux structurée
et
offrant un meilleur milieu de participation civique que la nation tel
1731
qu’en effet, il s’agit là d’un phénomène complexe
et
neuf, que nous voyons lentement prendre forme au seuil de ce dernier
1732
cle, comme un visage dont les traits se composent
et
s’illuminent peu à peu sur le fond chaotique de la société que le xix
1733
e au petit bonheur, la société stato-nationaliste
et
industrielle. Sur ce continuum, sans ordre ni structure, d’anarchie a
1734
ie arbitrairement quadrillée par l’administration
et
la police, se détachent maintenant les régions, réalités absolument m
1735
forces les plus diverses, qu’il s’agit de capter
et
d’harmoniser, dont les principales sont : l’explosion démographique,
1736
banisation galopante, la mobilité des industries,
et
par suite les nouvelles concentrations de ressources intellectuelles,
1737
rations de ressources intellectuelles, techniques
et
bancaires autour des ressources matérielles et naturelles, la densité
1738
es et bancaires autour des ressources matérielles
et
naturelles, la densité des réseaux de communications et de transports
1739
urelles, la densité des réseaux de communications
et
de transports, et enfin l’unité géographique, cette dernière n’étant
1740
é des réseaux de communications et de transports,
et
enfin l’unité géographique, cette dernière n’étant d’ailleurs plus dé
1741
rain à l’aide de bornes ou de réseaux de barbelés
et
sur les cartes en pointillés méticuleux, mais au contraire par la for
1742
ays d’une population minimum d’un à deux millions
et
maximum de six millions. Ce qui donnerait, par exemple, neuf régions
1743
de Berre, c’est-à-dire une grande ville portuaire
et
commerçante, une vieille cité universitaire et culturelle, dotée d’un
1744
re et commerçante, une vieille cité universitaire
et
culturelle, dotée d’un célèbre festival de musique, et une zone d’int
1745
lturelle, dotée d’un célèbre festival de musique,
et
une zone d’intense production industrielle, où sont venues s’implante
1746
oixante personnalités participantes : professeurs
et
industriels, présidents de chambres de commerce, députés et préfets,
1747
iels, présidents de chambres de commerce, députés
et
préfets, éditeurs et animateurs sociaux, je me trouvais le seul non-F
1748
hambres de commerce, députés et préfets, éditeurs
et
animateurs sociaux, je me trouvais le seul non-Français : j’en conclu
1749
eux, Messieurs, qu’à l’âge de l’union des nations
et
des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord de crée
1750
e région plus ou moins autonome. L’effort d’union
et
votre effort, qu’on soupçonnera de vouloir la division, peuvent sembl
1751
États-nations, les régions vont se mettre à vivre
et
respirer de plus en plus librement. Les États-nations les maintenaien
1752
e par exemple la langue, l’économie, l’état civil
et
les richesses minières. Ainsi l’on coupait en deux le bassin de la Ru
1753
nt permis de surmonter cette absurdité manifeste,
et
plusieurs autres. Dans l’Europe de demain, libérée de la tyrannie des
1754
ons vont très rapidement se dessiner, s’organiser
et
s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vital
1755
apidement se dessiner, s’organiser et s’affirmer.
Et
comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes s
1756
niser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes
et
souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles noueront e
1757
e elles des relations d’échanges aussi nombreuses
et
fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leur
1758
ères nationales désormais réduites au rôle mineur
et
invisible à l’œil nu que jouent les délimitations entre les cantons s
1759
simples commodités pour le cadastre, l’état civil
et
la gendarmerie. Et c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtiron
1760
pour le cadastre, l’état civil et la gendarmerie.
Et
c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtirons l’Europe, non sur
1761
ent de pensée politique, déjà beaucoup plus large
et
solidement fondé que je n’osais l’espérer. Au cours de ces dernières
1762
entifiques, les articles de journaux, les volumes
et
les congrès sur la régionalisation des États européens. Le concept de
1763
eulement dans les préoccupations des sociologues,
et
chez les Six, qui dès 1961 réunissaient à Bruxelles un important coll
1764
irigeants du pays le plus centralisé du continent
et
le plus allergique, semblait-il, au fédéralisme à base régionale : j’
1765
régionale : j’entends la République française une
et
indivisible. La bibliographie des ouvrages consacrés en France aux pr
1766
moderne comporte déjà une quarantaine de volumes,
et
une bonne centaine d’études substantielles dues à des professeurs de
1767
r la province, La France des minorités, La Gauche
et
les régions, Paris et le désert français (ce fut le début), et enfin
1768
ce des minorités, La Gauche et les régions, Paris
et
le désert français (ce fut le début), et enfin la Révolution régional
1769
s, Paris et le désert français (ce fut le début),
et
enfin la Révolution régionaliste. Au-delà de ce considérable effort d
1770
ce considérable effort de recherche scientifique
et
de renouvellement des conceptions de base se développe un véritable m
1771
cations politiques. Les candidats de l’opposition
et
un parti au moins, le PSU, demandent déjà des assemblées régionales é
1772
nouveau mouvement politique « pour le fédéralisme
et
le progrès social », où je lis ces quelques phrases : Nous proclamon
1773
clamons la nécessité de la Révolution fédéraliste
et
progressiste française pour la construction d’une VIe République. Nou
1774
ux disposeront de pouvoirs exécutifs, législatifs
et
judiciaires comparables à ceux qui existent, par exemple, pour les Ét
1775
s. Parmi les plus graves méfaits des bureaucrates
et
technocrates parisiens et parmi les plus lourdes conséquences de l’ex
1776
éfaits des bureaucrates et technocrates parisiens
et
parmi les plus lourdes conséquences de l’exploitation abusive de la p
1777
ausé. On n’est pas loin de l’agitation populaire
et
de l’action directe. Dans un hebdomadaire de gauche, je lis ceci : S
1778
uveaux, fermeture d’usines, émigration des jeunes
et
des cadres… » Le dépérissement régional n’est pas particulier à la Br
1779
y est si aiguë, la conscience de la crise si vive
et
l’oppression quasi coloniale de la région si ancienne que Saint-Brieu
1780
ent ébranlé. Son chef le tient très bien en main,
et
quelques excités de la région ne l’impressionnent pas. À quoi je répo
1781
lloque de Bruxelles sur les économies régionales,
et
que ses six États-nations membres y aient pris part. C’est l’arriérat
1782
ériphériques, les plus négligées par la capitale,
et
cela a conduit à envisager la possibilité révolutionnaire de régions
1783
gique. Vue de Paris, Lille est une gare terminus,
et
Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de l’Hexagone33. Mais da
1784
d’habitants d’une région s’étendant sur la France
et
la Belgique, et au surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’es
1785
e région s’étendant sur la France et la Belgique,
et
au surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’est qu’un exemple
1786
s de décision régionaux dont tout le monde parle,
et
qu’ils acquièrent de la force : lorsqu’ils auront pris en fait (sinon
1787
ait (sinon en droit) plus d’importance économique
et
culturelle que les capitales anciennes, la révolution régionale sera
1788
es anciennes, la révolution régionale sera faite,
et
du même coup la fédération de l’Europe se révélera immédiatement poss
1789
ue les pionniers de l’Europe unie ne l’exigeaient
et
ne l’annonçaient dans l’enthousiasme des premiers congrès fédéraliste
1790
bres médiévales étaient « immédiates à l’Empire »
et
tiraient de là leurs libertés — sera-t-elle fondée sur des réalités e
1791
essor, non sur des vieilles carcasses historiques
et
des mythes vidés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues frança
1792
e beaucoup plus opérationnelle que le département
et
même que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en Fr
1793
ne telle déclaration ait pu être faite en France,
et
cela précisément devant le corps des fonctionnaires institués par Nap
1794
ous y trompons pas : le processus sera très long,
et
il nous paraîtra nécessairement très lent, au jour le jour. Nous n’en
1795
ade de la prise de conscience du phénomène région
et
des motifs de son apparition en ce moment précis de notre histoire et
1796
apparition en ce moment précis de notre histoire
et
de l’évolution de notre société occidentale. À peine avons-nous pris
1797
ités de la région, puis d’expériences concertées,
et
celles-ci connaîtront forcément des échecs. Organiser, structurer, an
1798
checs. Organiser, structurer, animer des régions,
et
finalement les doter d’institutions autonomes, ce sera la tâche au mo
1799
n de la polis, dans la société grecque archaïque.
Et
l’on sait que la polis devint en moins d’un siècle l’unité de base de
1800
d’un siècle l’unité de base de toute vie sociale
et
publique en Grèce. Elle donna même son nom à cette forme d’activité :
1801
ême que la polis — avec ses autorités collégiales
et
son régime de participation civique intense — s’opposa durant des siè
1802
osa durant des siècles à la monarchie autoritaire
et
belliqueuse — créant ainsi la première civilisation européenne — de m
1803
ser aux faux comme aux vrais empires centralistes
et
monopolisateurs qui prétendent aujourd’hui se partager le monde. Nous
1804
nérations par les soins de l’école, de la presse,
et
de l’éloquence politique, le dogme de l’immortalité non seulement de
1805
e d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront.
Et
il ajoutait : La confédération européenne, probablement, les remplac
1806
ais tout le monde n’a pas lu Renan, de nos jours…
Et
cette succession qu’il annonce, ce remplacement des États-nations par
1807
es ont vécu tous nos ancêtres depuis des siècles,
et
que nous ont inculquées tous les classiques de la philosophie politiq
1808
tes, de cent ans de propagande des nationalismes,
et
de cette religion civique dont je vous disais qu’elle s’était substit
1809
er quelques exemples de ces mutations de concepts
et
de catégories politiques qu’exige la prise de conscience du phénomène
1810
e du phénomène régional opposé au stato-national.
Et
d’abord, un changement dans le vocabulaire — tout commence toujours p
1811
ation qui naissent de relations d’interdépendance
et
de complémentarité géographique, économique et sociale […] un certain
1812
ce et de complémentarité géographique, économique
et
sociale […] un certain nombre d’unités territoriales réunissant des a
1813
nissant des activités économiques complémentaires
et
fortement liées, gravitant autour de centres urbains où se localisent
1814
rôle très important du point de vue intellectuel
et
culturel. Ces agglomérations ont dès lors une importance essentielle
1815
onnelles. Si on les prend trop petites, le nombre
et
l’importance des fonctions économiques et sociales diminuent dans l’u
1816
nombre et l’importance des fonctions économiques
et
sociales diminuent dans l’unité territoriale considérée, de sorte que
1817
e unité locale. Mais entre ces limites supérieure
et
inférieure la possibilité peut exister de plusieurs solutions intermé
1818
hoix peut dépendre de considérations contingentes
et
même comporter une part de subjectivité dans l’appréciation. En ce qu
1819
stato-national, on parlait d’abord de territoires
et
de superficies, on parle ici d’abord de pôles, de polarisations ; là
1820
; là où l’on insistait sur la taille des domaines
et
sur des chiffres absolus de la population, on se préoccupe de fonctio
1821
tion, on se préoccupe de fonctions, de potentiels
et
de densités. Tout se passe comme si l’évolution moderne venait subite
1822
rées, d’attachement au sol, bref par les réalités
et
les valeurs de la paysannerie, — qui brusquement font place aux réali
1823
nnerie, — qui brusquement font place aux réalités
et
aux valeurs de la société industrielle, scientifico-technique, essent
1824
e, scientifico-technique, essentiellement urbaine
et
mobile. Le terme même d’État indique très bien ses origines agricoles
1825
assises, délimitation par des cadres invariables,
et
c’est aussi un symbole de durée. La région au contraire se définit pa
1826
ésultantes variables, par la densité des échanges
et
des transports, toutes choses mobiles, indépendantes du sol. Pour la
1827
non plus par son indépendance mais par la nature
et
la structure de ses relations d’interdépendance. D’ailleurs, le terme
1828
erdre son sens ancien, stato-national, majestueux
et
volontiers ombrageux. Louis Armand remarque que « la notion d’indépen
1829
ppeler le gouvernement des cités par elles-mêmes,
et
aussi, par sa sobriété, de ne pas réveiller les illusions de l’absolu
1830
sans limites. L’autonomie est une notion relative
et
très précise, quand on parle par exemple de l’autonomie de vol d’un a
1831
nomique, loyauté envers le Prince maître de tout,
et
d’autant plus qu’il devenait anonyme et sans visage — dans le monde r
1832
de tout, et d’autant plus qu’il devenait anonyme
et
sans visage — dans le monde régional, la liberté de chacun et l’effic
1833
ge — dans le monde régional, la liberté de chacun
et
l’efficacité de son action seront garanties par la possibilité de se
1834
ront garanties par la possibilité de se rattacher
et
de donner son allégeance à des ensembles différents par la nature et
1835
légeance à des ensembles différents par la nature
et
par les dimensions, cité locale, idéologie nationale, culture contine
1836
on universelle, domiciles multiples, associations
et
clubs lointains ou proches. Mais ceci, qui est très nouveau et presqu
1837
tains ou proches. Mais ceci, qui est très nouveau
et
presque révolutionnaire pour les citoyens des États unitaires et surt
1838
lutionnaire pour les citoyens des États unitaires
et
surtout totalitaires, nous est très familier en Suisse… Et à ce propo
1839
t totalitaires, nous est très familier en Suisse…
Et
à ce propos, je voudrais terminer par quelques remarques sur le rôle
1840
Suisse dans la révolution régionaliste qui vient,
et
qui verra, en cas de succès, le triomphe du fédéralisme intégral. Dep
1841
y perdrait sa souveraineté, qu’elle s’y perdrait.
Et
si je parle d’une fédération basée sur les régions, on me répond que
1842
régions, on me répond que ce serait pire encore,
et
que la Confédération dans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’
1843
is : il réunit ses fils autour de son lit de mort
et
il leur dit : « Le secret de ma réussite tient à ce que j’ai fondé ma
1844
nce ! » Politique bien typique de la paysannerie,
et
qui d’ailleurs a contribué à la réduire un peu partout au sort d’assi
1845
its États que nous avons toujours voulu défendre,
et
à raison. Tout ce qui s’est fait de grand dans notre monde, s’est fai
1846
it par les petits ; de sublime, par les infimes ;
et
de divin par un bébé qu’on ne savait trop comment déclarer… Les régio
1847
la différence des États, sont faites pour s’unir
et
pour coopérer, comme l’ont fait nos cantons, quand ils ont vu que l’u
1848
ent effacés nos nations écrasant toute diversité,
et
les avantages des grandes dimensions procurés par cette fédération do
1849
’entreprise. Si, au pire, certaines de nos villes
et
leur hinterland en venaient à nouer des liens économiques et sociaux
1850
terland en venaient à nouer des liens économiques
et
sociaux avec les pays voisins, à s’intégrer dans des régions polynati
1851
n de la Confédération », la perte de son identité
et
de sa vocation, car ces deux choses existent à un autre niveau, du mo
1852
nale que celle qui dépendrait des seuls douaniers
et
qui serait à la merci d’un accord tarifaire ! Si Genève, par exemple,
1853
exemple, supprimait ses frontières avec la Savoie
et
l’Ain, s’intégrait au complexe nommé Rhône-Alpes, qui est sa région n
1854
uisse plus que ne le font sa population étrangère
et
les institutions internationales qu’elle est fière d’accueillir ? Non
1855
vocation particulière, qui est d’ordre politique
et
culturel, rien ne pourrait empêcher les Suisses de toutes les régions
1856
l’idéal fédéraliste — s’ils y tiennent vraiment —
et
de maintenir leur association. Nous sommes le seul pays européen qui
1857
; le seul en somme qui soit une vraie fédération
et
qui ait une expérience séculaire de l’existence fédérale. Cela nous i
1858
de préconiser urbi et orbi la transposition pure
et
simple de notre fédéralisme, à l’échelle du continent. Car ce fédéral
1859
ésolution de chaque problème selon ses dimensions
et
à son niveau. Et à cet égard, les sociologues français — la France, u
1860
ue problème selon ses dimensions et à son niveau.
Et
à cet égard, les sociologues français — la France, une fois de plus,
1861
paraît mieux adaptée à notre société industrielle
et
mobile. Mais le fédéralisme est aussi un esprit, une forme de pensée
1862
éralisme est aussi un esprit, une forme de pensée
et
de sentiment, un style de vie, une expérience et une morale. Or j’obs
1863
et de sentiment, un style de vie, une expérience
et
une morale. Or j’observe chez beaucoup de nos concitoyens une sorte d
1864
rir les voies de l’avenir politique pour l’Europe
et
le monde, mais mieux que cela : un exemple vécu. 25. Gazette litt
1865
anifestation européenne ? Alternances d’euphorie
et
de frustration, dans une longue insomnie, et le sentiment, dès l’ouve
1866
orie et de frustration, dans une longue insomnie,
et
le sentiment, dès l’ouverture solennelle, que désormais un mécanisme
1867
e, que désormais un mécanisme a été mis en marche
et
nous porte, mais pas nécessairement où nous voulions aller. Depuis tr
1868
is nous avions travaillé, chacun dans son secteur
et
très souvent en groupes, à Paris et à Londres surtout, puis, pendant
1869
s son secteur et très souvent en groupes, à Paris
et
à Londres surtout, puis, pendant la semaine précédant le congrès à La
1870
s sur une photo prise à ce moment, entre Retinger
et
Dautry, encadrant le grand homme qui essuie une larme : ma déception
1871
ront les apports politiques, sociaux, économiques
et
culturels de ce congrès sans précédent : je ne voudrais évoquer ici q
1872
u’un incident de couloir dont personne n’a parlé,
et
dont je fus alors le seul à ressentir, non sans colère ni douleur, la
1873
i douleur, la vraie portée. Lorsque Duncan Sandys
et
Retinger, organisateurs du congrès, étaient venus à Ferney demander m
1874
de dire le sens de toute l’entreprise, d’inspirer
et
d’harmoniser le vocabulaire des rapports et résolutions, et de rédige
1875
pirer et d’harmoniser le vocabulaire des rapports
et
résolutions, et de rédiger un préambule définissant les buts communs
1876
niser le vocabulaire des rapports et résolutions,
et
de rédiger un préambule définissant les buts communs des mouvements p
1877
aine de grands noms d’intellectuels, d’éducateurs
et
d’organisateurs de la vie culturelle, je discutai avec eux les termes
1878
x Européens à faire approuver par acclamations »
et
formerait la conclusion du congrès. Ce succès était dû en grande part
1879
e départ de notre action commune après le congrès
et
doit devenir le manifeste de tout le Mouvement européen. […] Nous dev
1880
de réunir des millions de signatures d’Européens,
et
de créer de la sorte un puissant mouvement populaire… Cela ne manquer
1881
sion supplémentaire sur les gouvernements timides
et
récalcitrants. Le lancement d’un tel manifeste doit constituer l’un d
1882
ste doit constituer l’un des objectifs principaux
et
immédiats du congrès et de notre mouvement. Le fait de recueillir des
1883
des objectifs principaux et immédiats du congrès
et
de notre mouvement. Le fait de recueillir des signatures doit mainten
1884
devra se terminer par une collecte de signatures (
et
peut-être de quelques sous donnés par chaque signataire, pour faire m
1885
haut d’un long rouleau de fort papier parcheminé,
et
il était entendu qu’au terme du congrès, tous les participants, Churc
1886
r les millions de signatures prévues par Retinger
et
devenir l’instrument d’une puissante campagne européenne. Or, le 11 m
1887
se commune », que le congrès n’avait pas discutée
et
qui ne figurait pas dans les résolutions finales. Au cours de l’expli
1888
de l’explication orageuse qui s’ensuivit, Sandys
et
Churchill Jr invoquèrent l’unanimité nécessaire et firent état de tre
1889
t Churchill Jr invoquèrent l’unanimité nécessaire
et
firent état de trente délégués, sans doute anglais, dont ils affirmai
1890
’interviewer lorsque Sandys m’avait fait appeler,
et
qui avait assisté au début de l’incident, revint me dire que tous les
1891
nt où l’on aurait barré une phrase aussi voyante,
et
qui d’ailleurs semblait s’être volatilisé au secrétariat de la presse
1892
constitutifs que les États-nations inutilisables
et
irréformables (mais nous n’avions pas encore élaboré la doctrine adap
1893
s-nations à toute forme d’union réelle (fédérale)
et
de leur radicale incapacité non seulement à la vouloir mais à l’accep
1894
Cramponnés aux mythes de la souveraineté absolue
et
de l’indépendance (ils n’osent plus parler d’autarcie), nos États-nat
1895
d’autres pouvoirs réels, à l’échelle de l’Europe
et
du monde, que négatifs. Ils peuvent encore soit refuser les mesures d
1896
’imposent, soit abaisser les barrières douanières
et
supprimer les chicanes de visas, de convertibilité monétaire, d’établ
1897
ils trouveront d’autres prétextes.) Trop petits
et
trop grands à la fois 39 — trop petits pour assurer seuls leur défens
1898
r seuls leur défense, leur prospérité économique,
et
pour jouer un rôle à l’échelle mondiale ; trop grands pour animer tou
1899
our animer toutes les parties de leur territoire,
et
surtout pour ménager à chaque individu la possibilité d’une participa
1900
Ils ne le veulent pas, ils ne le pourraient pas.
Et
il faut redouter que les Communautés, bridées par les nations qui les
1901
il tenu ses promesses ? Quelles furent son action
et
son influence en près de vingt années d’existence ? Comment voyez-vou
1902
nts. Ce qu’il a initié dans le domaine économique
et
mis sur pied dans le domaine culturel, par exemple, peut être attribu
1903
uelques non conformistes libéraux ou socialistes,
et
à l’action de quelques militants fédéralistes, fortement minoritaires
1904
. Ce qu’il a proclamé avec une si louable mesure,
et
, il faut bien le reconnaître, dans l’indifférence générale, c’est l’o
1905
e générale, c’est l’opinion prudente, rassurante,
et
par là même inefficace, des politiciens « réalistes » et pragmatistes
1906
là même inefficace, des politiciens « réalistes »
et
pragmatistes à l’anglo-saxonne qui n’ont cessé de répéter, bien avant
1907
yens de rejoindre le but que l’on veut atteindre.
Et
cette espérance-là, je l’éprouve aujourd’hui plus vive que jamais ; s
1908
, ces réalités ! Ou plutôt nous les voyons naître
et
nous allons nous employer à ménager, favoriser, puis imposer leur exi
1909
vider des États-nations, cela signifie dorénavant
et
concrètement, bâtir sur les régions ethnoéconomiques. Et bâtir l’Euro
1910
rètement, bâtir sur les régions ethnoéconomiques.
Et
bâtir l’Europe des régions, ce sera tenir enfin les engagements de La
1911
J’employais cette formule dans mes cours à Genève
et
Zurich au début de 1967, c’est-à-dire au moment où devaient l’écrire
1912
publie dans L’Europe en formation d’octobre 1967,
et
Robert Lafont, qui l’utilise dans Révolution régionaliste parue ou pr
1913
au sinueux s’incurvait près d’Éphèse, vers Priène
et
Milet, où il trouvait son embouchure dans l’Égée. En ce temps-là, tem
1914
hure dans l’Égée. En ce temps-là, temps des cités
et
de l’Ionie, patrie de nos idées, les réflexions sur l’homme et sa pla
1915
, patrie de nos idées, les réflexions sur l’homme
et
sa place dans le cosmos, entre les choses et les dieux, ne partaient
1916
omme et sa place dans le cosmos, entre les choses
et
les dieux, ne partaient pas encore du seul langage, ni de l’histoire,
1917
ngage, ni de l’histoire, ni des sciences exactes,
et
encore moins de l’économie, mais de la contemplation de ce qui coule,
1918
de la nature primordiale, saisie par notre esprit
et
l’informant. Méditation sereine, lyrique ou ombrageuse, sur le flot e
1919
ation sereine, lyrique ou ombrageuse, sur le flot
et
le rythme éternel de toutes choses, ou participation sensuelle aux pa
1920
r ceux qui entrent dans les mêmes fleuves, autres
et
toujours autres sont les eaux qui s’écoulent, et les âmes à partir de
1921
et toujours autres sont les eaux qui s’écoulent,
et
les âmes à partir des liquides s’en vont en vapeurs… La mort pour les
1922
ur l’eau de devenir terre. De la terre naît l’eau
et
de l’eau naît l’âme… Nous entrons et nous n’entrons pas, nous sommes
1923
e naît l’eau et de l’eau naît l’âme… Nous entrons
et
nous n’entrons pas, nous sommes et nous ne sommes pas dans les mêmes
1924
… Nous entrons et nous n’entrons pas, nous sommes
et
nous ne sommes pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner deux
1925
herbue aux cavernes profondes. Le rythme naturel
et
saisonnier devient, dans l’esprit d’Héraclite, succession ou présence
1926
si qu’un fleuve est à la fois mouvement perpétuel
et
dessin permanent, flot sans fin dans une forme arrêtée, celle des riv
1927
rives qu’il a formées, événement toujours fuyant
et
qui fascine, figure originelle de ce qui change sans relâche dans un
1928
ite) : le mouvement éternel, négation de la durée
et
de l’immobilité, et la loi unique qui règle ce mouvement. Et s’illus
1929
éternel, négation de la durée et de l’immobilité,
et
la loi unique qui règle ce mouvement. Et s’illustrent ici les deux s
1930
bilité, et la loi unique qui règle ce mouvement.
Et
s’illustrent ici les deux sens et la profonde ambiguïté du mot durée
1931
ce mouvement. Et s’illustrent ici les deux sens
et
la profonde ambiguïté du mot durée : il désigne à la fois « ce qui ne
1932
e : il désigne à la fois « ce qui ne change pas »
et
l’écoulement du temps irréversible ; le devenir indéfini et ce qui du
1933
ement du temps irréversible ; le devenir indéfini
et
ce qui dure en résistant précisément à la durée ; ce qui est posé et
1934
ésistant précisément à la durée ; ce qui est posé
et
sa métamorphose ; le Même et l’Autre vus ensemble, génialement assumé
1935
ée ; ce qui est posé et sa métamorphose ; le Même
et
l’Autre vus ensemble, génialement assumés par la pensée des visionnai
1936
paradoxales d’innovation au sein de la tradition,
et
de révolution dans l’ordre créateur. III Rien de plus spécifiqu
1937
, bien avant l’homme ! — que ce réseau de fleuves
et
de rivières qui a si profondément découpé, dentelé, raviné, compartim
1938
le visage de l’Europe, ses vallées, ses verdures
et
ses estuaires. Nulle part ailleurs on ne trouvera plus grande longueu
1939
rface des terres, ni plus dense réseau de fleuves
et
de rivières, plus complexe entrelacs d’affluents et de lignes de part
1940
de rivières, plus complexe entrelacs d’affluents
et
de lignes de partage des eaux ; ni plus de ports. L’Asie, l’Afrique,
1941
ont fendues, blessées par des fleuves trop larges
et
trop longs pour l’usage de l’homme. Ils divisent et isolent plus qu’i
1942
trop longs pour l’usage de l’homme. Ils divisent
et
isolent plus qu’ils ne mettent en relations civilisantes. Ils inonden
1943
nondent plus qu’ils n’irriguent. Mais les fleuves
et
rivières de l’Europe sont pareils aux artères ou aux nerfs dans un co
1944
cines des grands arbres enserrant la terre lourde
et
à leurs branches divergeant librement dans le ciel. Ils embrassent le
1945
ibrement dans le ciel. Ils embrassent les peuples
et
ils les organisent, eux et leurs paysages, en très nombreux bassins l
1946
embrassent les peuples et ils les organisent, eux
et
leurs paysages, en très nombreux bassins largement définis non point
1947
ières mais bien par des courants venus d’ailleurs
et
allant ailleurs : c’est la circulation continuelle qui crée le visage
1948
qui crée le visage d’un pays. Europe sans déserts
et
sans steppes, jardin du monde, fille des fleuves ! IV Rien de p
1949
ée sans relâche à l’océan du Nord, où va le Rhin,
et
à trois mers du sud, où vont le Rhône, l’Inn danubienne et les deux m
1950
s mers du sud, où vont le Rhône, l’Inn danubienne
et
les deux moindres fleuves adriatiques, Adige et Pô, par le Tessin. Ce
1951
e et les deux moindres fleuves adriatiques, Adige
et
Pô, par le Tessin. Ces bassins prolongent la Suisse dans toute l’Euro
1952
olongent la Suisse dans toute l’Europe germanique
et
latine : du sommet du Gothard, écrivait le chevalier de Boufflers, «
1953
er de Boufflers, « l’on peut cracher dans l’Océan
et
dans la Méditerranée ». Et les ports répondent aux sources comme les
1954
t cracher dans l’Océan et dans la Méditerranée ».
Et
les ports répondent aux sources comme les fleurs répondent aux graine
1955
me scientifique à l’éclair de voyance d’un génie,
et
l’œuvre d’art à l’émotion. Les fleuves nés du cœur granitique de la
1956
abrupts de l’Alpe proche, invitation au voisinage
et
ouverture vers le nord et le sud, après l’affirmation farouche, le nœ
1957
invitation au voisinage et ouverture vers le nord
et
le sud, après l’affirmation farouche, le nœud serré des gorges du Got
1958
orges du Gothard. Les grands fleuves nous bordent
et
nous quittent. Mais il est une rivière qui d’un large mouvement du su
1959
asse toutes les autres rivières du Plateau suisse
et
les déverse d’un seul geste dans le Rhin, vers l’Atlantique. Elle rel
1960
massif aux flancs duquel elle prend ses sources,
et
ce district de forteresses médiévales édifiées sur un camp romain aut
1961
a Habsbourg, où confluent dans ses eaux la Limmat
et
la Reuss, tout près de son terme rhénan. L’Aar n’est pas seulement la
1962
oux à l’ouest, à travers ceux de Neuchâtel, Morat
et
Bienne, au lac de Wallenstadt à l’est, à travers le lac de Zurich, ta
1963
e les eaux des Quatre-Cantons, de Sarnen, de Zoug
et
d’Aegeri. — Sempach, Baldegg, Hallwil et d’autres plus petits la rejo
1964
de Zoug et d’Aegeri. — Sempach, Baldegg, Hallwil
et
d’autres plus petits la rejoignant isolés ou par paires. V Ains
1965
s hommes blonds. Comme Uri, il fut terre d’Empire
et
longtemps défendit contre Berne ses libertés traditionnelles. Il illu
1966
, source des libertés confédérales. Berne ensuite
et
le cours plus large et plein d’un fleuve, c’est le moment de la conqu
1967
onfédérales. Berne ensuite et le cours plus large
et
plein d’un fleuve, c’est le moment de la conquête tournée principalem
1968
me ses eaux, tend plutôt vers le monde rhodanien,
et
du Pays de Vaud à l’Argovie, contrées assujetties pendant des siècles
1969
rassemblement, Berne est une expression de l’Aar.
Et
puis, quand la rivière une première fois s’émancipe de Leurs Excellen
1970
is s’émancipe de Leurs Excellences, voilà Soleure
et
sa noblesse aux noms français, son ambassade du Roy de France, le sou
1971
bassade du Roy de France, le souvenir de Besenval
et
celui de Casanova, Soleure qu’un pasteur indigné décrit comme « un ce
1972
nce à plusieurs des mentors de la Suisse nouvelle
et
de son régime radical. Ce cours de l’Aar d’ouest en est qui fut jadis
1973
à Vindonissa, puis route des vins du Pays de Vaud
et
route du sel de la Bourgogne — produits sur lesquels les gens d’Aarbu
1974
devenir au xxe siècle le cours du progrès social
et
de la conquête industrielle. Olten est le symbole du mouvement ouvrie
1975
que de Sienne à Baden les grandes usines blanches
et
transparentes dans la verdure crue des forêts et des prés enserrent l
1976
et transparentes dans la verdure crue des forêts
et
des prés enserrent les ruines et le mutisme désolé des forteresses fé
1977
crue des forêts et des prés enserrent les ruines
et
le mutisme désolé des forteresses féodales. Les seigneurs de la produ
1978
nt leur élan vers d’autres continents à découvrir
et
les futurs marchés mondiaux. VI Et maintenant, comme l’Aar nous
1979
écouvrir et les futurs marchés mondiaux. VI
Et
maintenant, comme l’Aar nous l’enseigne avec force, qui rassemble vin
1980
s l’enseigne avec force, qui rassemble vingt lacs
et
vingt rivières en un courant puissant qu’elle jette au large Rhin, ra
1981
en un seul faisceau nos arguments sur les fleuves
et
la Suisse pour les faire déboucher sur l’espace et le temps du contin
1982
t la Suisse pour les faire déboucher sur l’espace
et
le temps du continent de notre destin. L’Europe est partout dans l’hi
1983
’histoire impériale, j’entends romano-germanique,
et
généralement gibeline, qui fait du massif du Gothard le lieu le plus
1984
du Gothard le lieu le plus européen du continent.
Et
nos libertés en sont nées, comme en naissent les fleuves coulant vers
1985
en naissent les fleuves coulant vers quatre mers.
Et
parce qu’enfin la rivière Aar est la plus suisse de toutes, et seulem
1986
nfin la rivière Aar est la plus suisse de toutes,
et
seulement suisse : à cause de cela, mieux que toute autre — Rhône ou
1987
e, ni une substance philosophique, ni une nation,
et
encore moins une race. C’est l’accord des tons purs de nos diversités
1988
out, dans chacun de nos pays, indifférent au lieu
et
sans accent ; mais bien, et au contraire, ce qui est différent, s’aff
1989
, indifférent au lieu et sans accent ; mais bien,
et
au contraire, ce qui est différent, s’affirme singulier et manifeste
1990
traire, ce qui est différent, s’affirme singulier
et
manifeste une vocation incomparable. Il n’y a pas d’accent européen,
1991
rope est partout où une langue est parlée, écrite
et
chantée librement par une communauté d’hommes libres. Rien n’est auth
1992
t d’abord d’un pays. D’un pays à nul autre pareil
et
pourtant fraternel au voisin, accueillant à ce qui diffère. Ouvert et
1993
l au voisin, accueillant à ce qui diffère. Ouvert
et
fermé à la fois. Fidèle à soi mais dans le mouvement — comme un fleuv
1994
ue la Suisse : autour de son cœur, quatre langues
et
autant d’accents que de vallées, mais aussi l’origine de quatre grand
1995
tes à l’imagination vers les plaines du continent
et
les quatre points cardinaux. Et rien en Suisse n’est suisse avec plus
1996
ines du continent et les quatre points cardinaux.
Et
rien en Suisse n’est suisse avec plus de robustesse que cette rivière
1997
blement de la première — insistance sur l’origine
et
sur la force originante —, l’Aar gothique et qu’on retrouve dans tout
1998
gine et sur la force originante —, l’Aar gothique
et
qu’on retrouve dans toute l’Europe, mais ici tirant après soi un r qu
1999
la syntaxe émotive de mon dialogue avec la nature
et
l’histoire. Mais voyager en Grèce est une autre aventure. Qu’on le ve
2000
en Grèce est une autre aventure. Qu’on le veuille
et
le sache ou non, c’est un itinéraire spirituel que le hasard propose
2001
est un itinéraire spirituel que le hasard propose
et
dont les mythes disposent, si peu que l’on y prête de sensibilité. Pa
2002
lace ; ses étapes sont des prises de conscience ;
et
il n’a d’autre fin que d’être parcouru. Le voilier — un schooner de v
2003
: Delphes. ⁂ Jusqu’au pied du Parnasse j’irai,
et
dès que dans l’ombre des chênes Aux yeux de l’errant brillera ton flo
2004
rné son tableau de bord, le pourtour du parebrise
et
le feutre du plafond de photos miniatures encadrées, fleurs séchées,
2005
’assombrit, s’agrandit en même temps devant nous,
et
ce changement de dimensions s’éprouve comme l’approche d’un vertige,
2006
s le village, laissons à gauche l’enceinte sacrée
et
les temples, allons jusqu’au pied des rochers qui dominent et referme
2007
es, allons jusqu’au pied des rochers qui dominent
et
referment le cirque, là où la route s’infléchit vers la droite, longe
2008
trois qui virent, s’évanouissent dans la lumière
et
reparaissent, tombent sur quelque proie dans l’ombre. Les roches bril
2009
roie dans l’ombre. Les roches brillent, argentées
et
dorées sur un ciel mat griffé de pins légers. À leur pied, dans l’obs
2010
ans l’obscure fraîcheur, voici « les eaux saintes
et
sobres » de la fontaine Castalie. Une façade immense et tranchée en p
2011
res » de la fontaine Castalie. Une façade immense
et
tranchée en plein roc. À mi-hauteur elle est creusée de larges niches
2012
ur elle est creusée de larges niches irrégulières
et
peu profondes, aux voûtes surbaissées ; l’une abrite un fût de colonn
2013
e abrite un fût de colonne ; une autre est vide ;
et
la dernière comme une porte noire semble s’ouvrir vers l’intérieur du
2014
le flanc du rocher. Pieds nus dans l’eau lustrale
et
remontant le flot, avec piété, malgré l’angoisse grandissante, je sui
2015
avancé à tâtons jusqu’au fond de la fente étroite
et
haute, doucement modelée par la source qui sourd des entrailles de la
2016
illes de la Terre, par mille veines de la pierre,
et
suinte de la nuit des Temps. Jamais plus près du Néant primordial, da
2017
, dans le noir pur. ⁂ Toutes choses qui naissent
et
croissent sont de la terre et de l’eau. Car nous sommes tous nés
2018
oses qui naissent et croissent sont de la terre
et
de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre et d’eau. Et l’eau
2019
t de l’eau. Car nous sommes tous nés de terre
et
d’eau. Et l’eau dégoutte dans certaines cavernes…46 ⁂ Plus tard,
2020
Car nous sommes tous nés de terre et d’eau.
Et
l’eau dégoutte dans certaines cavernes…46 ⁂ Plus tard, nous avons e
2021
ous avons essayé de mieux voir l’ensemble du site
et
d’en prendre quelques photos. Mais il y a peu de recul, peu d’espace
2022
re les chênes denses, le grand bassin d’eau verte
et
les parois monumentales. Cet espace est pourtant ce que l’on voudrait
2023
l intérieur : on est ici dans l’événement à voir,
et
non devant… Une autre résistance obscurément s’oppose à l’idée même d
2024
interdit règne ici. Quelque chose ici s’est passé
et
peut-être se passe encore — mais toujours vient d’être accompli. Il e
2025
Il en reste un silence énorme, ces pierres nues,
et
la paix solennelle. Le silence qui suit le crime et la naissance, stu
2026
la paix solennelle. Le silence qui suit le crime
et
la naissance, stupéfiant le monde et notre cœur. Là-haut le feu d’un
2027
uit le crime et la naissance, stupéfiant le monde
et
notre cœur. Là-haut le feu d’un ciel très clair baigne la crête des B
2028
clair baigne la crête des Brillantes. Ici l’ombre
et
le creux, la chênaie, l’antre humide. La Grande Bouche de la Nuit, l’
2029
l’oracle primordial était ici, près de la source
et
de la pierre sacrée, l’omphalos lourd et noir, centre du Monde. Au re
2030
a source et de la pierre sacrée, l’omphalos lourd
et
noir, centre du Monde. Au retrait de l’ombre des chênes, j’ai trompé
2031
urprendre l’éveil du mythe dans l’espace du rêve,
et
pour entendre ce qu’on voit ici. Épiant le lent progrès de la réminis
2032
nu devant lui, attendant la parole de son destin,
et
l’ombre du destin l’a revêtu. Selon la volonté de la Nuit, de la Terr
2033
a volonté de la Nuit, de la Terre, du sol profond
et
de la caverne où suinte l’eau sacrée du sanctuaire maternel, selon la
2034
héros criminel dans son triomphe, l’Ordonnateur !
Et
piété pour les mânes de l’aveuglé, mon frère. (Faute d’un pardon pas
2035
de garde de mon guide. Paix du bassin, eau verte
et
noire, le silence et l’ombre dorée devant l’immense paroi nue. Splend
2036
e. Paix du bassin, eau verte et noire, le silence
et
l’ombre dorée devant l’immense paroi nue. Splendeur archaïque, eaux,
2037
que, eaux, rochers, gorge, dragon, dieux, brûlure
et
fraîcheur. ⁂ Nous errons maintenant parmi les champs de ruines, vers
2038
es champs de ruines, vers la palestre, la tholos,
et
le temple deux fois frappé par des roches tombées du Parnasse : dans
2039
reliant les blocs d’ancien, d’un gris fauve rongé
et
poreux — parmi les oliviers géants, incultes, les chèvres, et trois t
2040
parmi les oliviers géants, incultes, les chèvres,
et
trois touristes silencieux… Tout paraît naturel mais à tel point que
2041
la lumière encore aujourd’hui parle aux hommes
et
laisse Deviner des propos pleins de sens merveilleux… Car il plaît
2042
s du ciel de descendre Dans un cœur qui s’émeut
et
connaît leur présence…) ⁂ Nous avons déjeuné sur une terrasse d’aube
2043
in gris, fromage de chèvre, énormes olives noires
et
une cruche bien fraîche de vin rouge du pays. Bonheur pur. 46. Xéno
2044
s engagés après un siècle ? Celle des fédérations
et
de l’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance des particulari
2045
tionaux ? Je répondrai : dans les deux à la fois,
et
cela n’est pas contradictoire. Un phénomène très général de convergen
2046
on continentale qui créent le Conseil de l’Europe
et
le Marché commun, puis leurs contreparties plus ou moins réussies dan
2047
uniste (Comecon), dans le monde arabe, en Afrique
et
en Amérique latine, cependant qu’une volonté d’union mondiale anime l
2048
volonté d’union mondiale anime les Nations unies
et
l’Unesco, le Conseil œcuménique des Églises et Vatican II. Simultaném
2049
es et l’Unesco, le Conseil œcuménique des Églises
et
Vatican II. Simultanément, mais en sens inverse, un phénomène tout au
2050
éral d’affirmation des diversités, des autonomies
et
des volontés d’indépendance, inspire les mouvements de résurgences co
2051
ments de résurgences communalistes, régionalistes
et
nationalistes, qu’on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de n
2052
outumes, ou des nécessités économiques nouvelles,
et
qui enfièvrent tour à tour la Bretagne, les Flandres ou le Pays basqu
2053
gne, les Flandres ou le Pays basque. Convergences
et
diversification, exigence simultanée de plus grandes unions supranati
2054
simultanée de plus grandes unions supranationales
et
de plus petites communautés infranationales, solidarités et autonomie
2055
petites communautés infranationales, solidarités
et
autonomies : ces deux mouvements contraires se prononcent en même tem
2056
même temps, résultent en partie des mêmes causes,
et
entraînent des effets complémentaires, j’entends le dépassement de l’
2057
épassement de l’État-nation à la fois par en haut
et
par en bas, d’une part vers des fédérations continentales et d’autre
2058
as, d’une part vers des fédérations continentales
et
d’autre part vers un fédéralisme régional. La victime de ce double mo
2059
l’État-nation, tel qu’il est né de la Révolution
et
du Premier Empire, produit de la confiscation d’une mystique — la nat
2060
tique — la nation — par un appareil administratif
et
policier — l’État. Un État plus ou moins nationalisé ou une nation ét
2061
ance, bientôt imitée par presque toute l’Europe —
et
au xxe siècle, par une centaine de nations nouvelles. Centralisé, at
2062
entaine de nations nouvelles. Centralisé, atomisé
et
trituré par les dynamismes contraires du xxe siècle, l’État-nation e
2063
’Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit
et
trop grand. Il est trop petit pour assurer ce qu’on persiste à nommer
2064
surer ce qu’on persiste à nommer son indépendance
et
sa souveraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’est plus en
2065
se nourrir seul, au spirituel comme au physique.
Et
en même temps, presque tous nos États centralisés — et dans la mesure
2066
même temps, presque tous nos États centralisés —
et
dans la mesure même où ils sont centralisés — se révèlent trop grands
2067
grands pour animer la vie économique, culturelle
et
surtout civique de leurs régions : celles-ci se sentent exploitées pa
2068
exploitées par l’État, ses bureaux ou sa capitale
et
les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une
2069
re soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS
et
surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequ
2070
e que ce double mouvement de convergence mondiale
et
de diversification locale ne mette en crise permanente. 855 votes en
2071
aux dernières élections, des autonomistes gallois
et
écossais. Agitation basque et catalane sourde, mais profonde. Plastic
2072
utonomistes gallois et écossais. Agitation basque
et
catalane sourde, mais profonde. Plasticages à Saint-Brieuc, dans le T
2073
s à Saint-Brieuc, dans le Tyrol du Sud, à Louvain
et
dans le Jura bernois. Mais en même temps, multiplication des jumelage
2074
de la Regio Basiliensis, mesures professionnelles
et
industrielles tendant à dévaloriser les frontières… À tous les coups,
2075
l ne correspond plus ni aux conditions de liberté
et
de participation civique, apanage des petites communautés ou cités li
2076
ni aux conditions de développement de rentabilité
et
de sécurité auxquelles ne peuvent répondre que de grands espaces écon
2077
onomiques constitués à la mesure des possibilités
et
des besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique
2078
hnique. Cet échec de la politique centralisatrice
et
unitaire, secrètement obsédée par un rêve d’autarcie, et cette mise e
2079
aire, secrètement obsédée par un rêve d’autarcie,
et
cette mise en question, voire en accusation, de la formule stato-nati
2080
donc une première réponse : oui, nous sommes bel
et
bien au seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on dire plu
2081
is ils regroupent 40 % de la population du globe,
et
il est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands É
2082
ater qu’on trouve parmi eux les plus grands États
et
les plus modernes des cinq continents — ainsi les États-Unis, le Mexi
2083
inq continents — ainsi les États-Unis, le Mexique
et
le Brésil pour les trois Amériques, le Nigéria en Afrique, l’Allemagn
2084
en Afrique, l’Allemagne pour l’Europe de l’Ouest
et
la Yougoslavie pour celle de l’Est et au-delà l’URSS, l’Inde et l’Aus
2085
de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’Est
et
au-delà l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du
2086
vie pour celle de l’Est et au-delà l’URSS, l’Inde
et
l’Australie. Voilà qui réfute le cliché du fédéralisme « désuet ». Ma
2087
la double exigence antinomique de la convergence
et
de la diversification n’est pas tellement mieux satisfaite dans ces t
2088
ires : en URSS, ce sont les autonomies régionales
et
les diversités religieuses et politiques qui sont opprimées par l’Éta
2089
tonomies régionales et les diversités religieuses
et
politiques qui sont opprimées par l’État central dont un parti unique
2090
îner par des mouvements de convergence européenne
et
mondiale, même s’ils disent s’inspirer du propre exemple de la fédéra
2091
on est en droit d’incriminer que sa trahison pure
et
simple, ou son usage mal compris, ou son blocage délibéré aux limites
2092
du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme !
Et
l’on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode
2093
tablirait bientôt ce double mouvement de diastole
et
de systole, vers des autonomies plus locales et vers des unions plus
2094
e et de systole, vers des autonomies plus locales
et
vers des unions plus vastes, qui est le battement même du cœur d’un r
2095
ttribué aux girondins de rompre l’unité nationale
et
de transformer la France en une fédération de petits États. » Pour le
2096
ation de petits États. » Pour le Français cultivé
et
qui a coutume de se reporter à son Littré quand il veut savoir ce qu’
2097
s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages
et
qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République
2098
de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études
et
de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, semble-t-il,
2099
il, à clarifier un terme que le problème européen
et
nos situations nationales nous amènent à utiliser quotidiennement. Ma
2100
isme reste d’être un concept dialectique, ambigu,
et
qui autorise — ou incite en tout cas — aux plus invraisemblables pata
2101
ation intégrale, sans respect pour les diversités
et
les autonomies des pays membres, c’est-à-dire très exactement le cont
2102
attitude de suspicion envers tout pouvoir central
et
à la défense ombrageuse des autonomies locales ou régionales. C’est a
2103
s. C’est ainsi qu’un illustre homme d’État belge,
et
grand Européen, écrivait récemment : « Ce n’est pas dans le fédéralis
2104
, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci
et
de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles, donc r
2105
e l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle
et
s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas,
2106
’entraînent en fait les malentendus que j’ai dits
et
par suite l’importance pratique de tout effort de clarification des c
2107
ffort de clarification des concepts de fédération
et
de fédéralisme. Pour ma part, je voudrais maintenant proposer quelque
2108
raines choisies dans les domaines les plus variés
et
les moins politiques au sens étroit du mot. ⁂ Tout d’abord, trois déf
2109
és humaines antinomiques, mais également valables
et
vitales, de telle sorte que la solution ne puisse être cherchée ni da
2110
ulement dans une création qui englobe, satisfasse
et
transcende les exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc sol
2111
e, satisfasse et transcende les exigences de l’un
et
de l’autre. J’appellerai donc solution fédéraliste toute solution qui
2112
le langage de la théorie des jeux de von Neumann
et
Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concil
2113
ient deux maxima contradictoires, — comme l’offre
et
la demande dans un prix). L’ensemble des problèmes et des solutions a
2114
a demande dans un prix). L’ensemble des problèmes
et
des solutions ainsi définies constitue ce que je nommerai la politiqu
2115
quel type d’homme correspond une telle politique,
et
quel type d’homme elle entend préparer ou éduquer, constatons qu’elle
2116
ates au sujet de l’antinomie fondamentale de l’Un
et
du Divers, ou encore de la permanence et du changement. Parallèlement
2117
de l’Un et du Divers, ou encore de la permanence
et
du changement. Parallèlement se constituaient les premières définitio
2118
es définitions de l’homme comme individu distinct
et
de la cité ou auto-nomie (littéralement auto-réglage) comme cellule d
2119
nt auto-réglage) comme cellule de base des ligues
et
fédérations. Voilà qui est proprement occidental : devant ce même pro
2120
ment occidental : devant ce même problème de l’un
et
du divers, les métaphysiques orientales prennent le parti de supprime
2121
équilibre neutre, mais bien en tension créatrice,
et
c’est le succès de cet effort, toujours renouvelé et toujours menacé,
2122
c’est le succès de cet effort, toujours renouvelé
et
toujours menacé, qui dénote la santé de la pensée européenne, sa just
2123
hétiques ou politiques. « Ce qui s’oppose coopère
et
de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie », dit un f
2124
nie », dit un fragment célèbre d’Héraclite. L’art
et
la science de cette mise en tension, de cette composition de réalités
2125
, voilà je crois ce qui définit l’apport original
et
spécifique de la pensée occidentale ; or cette définition vaut égalem
2126
occidentale ; or cette définition vaut également
et
intégralement pour le fédéralisme, du moins tel que je l’entends, apr
2127
grands siècles avec sa dialectique de l’individu
et
de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment cruc
2128
écifiquement occidentale vers l’approfondissement
et
l’expansion du modèle des contraires en tension créatrice, nous le tr
2129
puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’évêques
et
de docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la nature à la f
2130
d pour définir en grec la nature à la fois triple
et
une du Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une
2131
ature à la fois triple et une du Dieu, Père, Fils
et
Saint-Esprit, et la personne à la fois une et double de Jésus-Christ.
2132
riple et une du Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit,
et
la personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent
2133
ils et Saint-Esprit, et la personne à la fois une
et
double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seul e
2134
personne à la fois une et double de Jésus-Christ.
Et
ils écrivent : « Nous enseignons un seul et même Seigneur Jésus-Chris
2135
rist. Et ils écrivent : « Nous enseignons un seul
et
même Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme… fils unique en d
2136
un seul et même Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu
et
vrai homme… fils unique en deux natures, sans confusion [ni] séparati
2137
tance de ces énoncés, je retiens que leurs formes
et
structures posent un certain type de relations, posent donc une socié
2138
ertain type de relations, posent donc une société
et
une politique. De même que le modèle trinitaire des conciles sera uti
2139
sé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle
et
leurs applications à l’astronomie, ou par Hegel dans sa dialectique t
2140
onomie, ou par Hegel dans sa dialectique ternaire
et
ses applications au devenir historico-politique — source principale d
2141
des deux natures « sans confusion ni séparation »
et
de l’union qui « loin de supprimer la différence des natures sauvegar
2142
tous les penseurs occidentaux respectueux du réel
et
des conditions de la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte d
2143
dialectiques, à Pascal, Kierkegaard ou Nietzsche,
et
aux doctrinaires politiques comme Rousseau, Tocqueville et Proudhon,
2144
ctrinaires politiques comme Rousseau, Tocqueville
et
Proudhon, mais aussi aux écoles récentes de physiciens et de logicien
2145
hon, mais aussi aux écoles récentes de physiciens
et
de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénomènes, définis
2146
arité de phénomènes, définis comme exclusifs l’un
et
l’autre, a cessé d’être un scandale, est même devenue principe fondam
2147
des dogmes relatifs aux trois Personnes divines,
et
surtout à la deuxième, va nous servir de module. La personne humaine,
2148
sidéré dans sa double réalité d’individu distinct
et
de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libertés, mais de respon
2149
u de libertés, mais de responsabilités, solitaire
et
solidaire (selon le mot de Victor Hugo repris par Camus), distingué d
2150
se constitue dans la dialectique des contraires.
Et
ce caractère va se transmettre à tous les groupes qu’il formera avec
2151
upes devront être à leur tour à la fois autonomes
et
solidaires : pour eux aussi, l’un n’ira pas sans l’autre, bien mieux
2152
ndispensables l’une à l’autre : la spécialisation
et
la culture générale. 2° Les problèmes actuels de l’habitat et de l’ur
2153
e générale. 2° Les problèmes actuels de l’habitat
et
de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire le
2154
frustrées dans les grands ensembles, de solitude
et
de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres.
2155
, de solitude et de sociabilité, de recueillement
et
de communication avec les autres. 3° Au niveau de la vie civique et p
2156
n avec les autres. 3° Au niveau de la vie civique
et
politique, tout le problème revient à concilier les besoins contraire
2157
esoins contraires, mais vitaux d’autonomie locale
et
de grands espaces communs, de participation efficace à la vie d’un gr
2158
rticipation efficace à la vie d’un groupe concret
et
d’horizons ouverts, d’adhésion à des communautés plus vastes et de ca
2159
ouverts, d’adhésion à des communautés plus vastes
et
de cadres qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation
2160
vastes et de cadres qui rassurent, d’enracinement
et
de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée
2161
ation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée
et
une vie sociale est homologue de la situation de la région qui veut à
2162
ion de la région qui veut à la fois son autonomie
et
sa participation à un plus grand ensemble, en association. 4° Enfin,
2163
res au sein de l’Être même de l’Universel, source
et
fin de toute communauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels se
2164
ctoires de la vie, comme la liberté des personnes
et
la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une situation par
2165
mensions optimales de l’aire d’exécution requise,
et
elle le fait en fonction des trois facteurs suivants : possibilités d
2166
isième étape, une fois déterminée cette dimension
et
l’unité correspondante (communale, régionale, nationale, continentale
2167
talitaire. De plus, les aires d’opération peuvent
et
doivent différer selon les tâches, j’entends selon qu’elles intéresse
2168
les ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel
et
de ses infinies complexités enfin rendu possible par la technique mod
2169
ministration soit facile, mais qu’elle soit juste
et
éclairée. » Nous allons voir, enfin, que nos critères d’évaluation de
2170
fin, que nos critères d’évaluation des dimensions
et
d’attribution des niveaux décisionnels — la participation, l’efficaci
2171
aux décisionnels — la participation, l’efficacité
et
l’économie des moyens — sont en interdépendance générale. Prenons l’e
2172
à bon marché, trop serré avec d’autres chez soi,
et
qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mai
2173
s chez soi, et qui voudrait être enfin seul, sort
et
se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de
2174
sisterait à recréer les conditions de communauté,
et
tout d’abord certaines dimensions et structures architecturales : des
2175
communauté, et tout d’abord certaines dimensions
et
structures architecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25 000
2176
s verts, mais de rues réservées aux seuls piétons
et
d’une place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la ci
2177
es, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux
et
de manifestations. La possibilité physique et morale de participation
2178
aux et de manifestations. La possibilité physique
et
morale de participation à la vie communale dépend de tels aménagement
2179
conflits actuels dans l’université, en tous pays
et
tous régimes politico-économiques : ils ont pour motif profond l’anti
2180
ie entre la culture générale au sens traditionnel
et
l’acquisition d’un savoir professionnel souvent d’autant plus rentabl
2181
robatie toute participation réelle à la recherche
et
compromet toute l’efficacité de l’enseignement. Remède fédéraliste :
2182
des possibilités de recherches très spécialisées
et
de travaux interdisciplinaires, l’analyse conduisant à souhaiter, com
2183
une fédération de petites unités en départements,
et
je retrouve ici la solution préconisée lors du fameux colloque de Cae
2184
s (telles que la défense, les affaires étrangères
et
la politique économique ou certaines recherches scientifiques) sans l
2185
s scientifiques) sans léser les droits essentiels
et
l’autonomie des unités de base ? Comment devenir assez grand pour êtr
2186
oportionnées à la puissance que l’on veut obtenir
et
en même temps multiplier les petites unités de base de manière à main
2187
ilités de participation civiques, intellectuelles
et
affectives. C’est dans ce double dynamisme créateur d’unions plus vas
2188
igences de l’habitat, de la formation des esprits
et
de l’exercice du civisme, c’est dans cette dialectique concrète que s
2189
ase de la future fédération continentale, en lieu
et
place des États-nations constitués au xixe siècle. On s’aperçoit alo
2190
tionnelle dénommée État ne suffit pas à qualifier
et
moins encore à épuiser » … Et il ajoutait : Le fédéralisme est autre
2191
fit pas à qualifier et moins encore à épuiser » …
Et
il ajoutait : Le fédéralisme est autre chose qu’une simple recette j
2192
s grands types d’aménagement du rapport politique
et
peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation
2193
eut-être plus encore, un des grands styles de vie
et
de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le social
2194
la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés
et
de dicter aux hommes ces « images de comportement » dont Bertrand de
2195
is loin aussi des définitions étroitement légales
et
constitutionnelles du xixe siècle. Nous voici sur le seuil de l’ère
2196
ous voici sur le seuil de l’ère de grandes unions
et
des petites unités fonctionnelles, et l’on va peut-être trouver, dans
2197
ndes unions et des petites unités fonctionnelles,
et
l’on va peut-être trouver, dans les techniques les plus avancées, le
2198
uivent deux brèves interventions de MM. Léon Noël
et
Jean Fourastié, demandant d’abord si le modèle suisse est si facileme
2199
apidement si elles ne passent pas à la fédération
et
qu’en général les pays qui aujourd’hui s’appellent confédération sont
2200
s les notes de la fédération absolument classique
et
pas du tout des confédérations. La confédération est une mesure d’opp
2201
tre le fédéralisme. Je retournerai la proposition
et
dirai que, s’il y a un sens civique en Suisse, c’est dû précisément a
2202
n de civisme. Il y a interaction de l’institution
et
du civisme. Si on trouve qu’il n’y a pas assez de civisme quelque par
2203
egio Basiliensis, qui chevauche trois pays : Bâle
et
son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin et Mulhouse en France, le pays
2204
: Bâle et son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin
et
Mulhouse en France, le pays de Bade jusqu’à Fribourg en Allemagne. Ce
2205
t économique. Si une région se constitue vraiment
et
solidement, comme le veulent ses promoteurs, on croit souvent qu’elle
2206
es réalités culturelles, économiques, du sous-sol
et
de l’état civil ou de la langue qu’on parle, et qui aboutit par exemp
2207
l et de l’état civil ou de la langue qu’on parle,
et
qui aboutit par exemple à la division de la région Ruhr-Moselle, qui
2208
surface. Ce genre d’absurdité se révèle intenable
et
nous oblige à chercher autre chose du côté des régions. Il est certai
2209
scuté avec les cantons, qui sont maîtres d’œuvre,
et
avec les communes qui peuvent refuser qu’on ruine la vie d’une petite
2210
hniques comme les ordinateurs. 40. H. Brugmans
et
P. Duclos, Le Fédéralisme contemporain, Paris, 1963, p. 151. z. Rou
2211
ue des travaux de l’Académie des sciences morales
et
politiques et comptes rendus de ses séances, Paris, 1969, p. 141-153.
2212
de l’Académie des sciences morales et politiques
et
comptes rendus de ses séances, Paris, 1969, p. 141-153. aa. Discours
2213
l des éléments particuliers — demeurant distincts
et
reconnaissables — dont se compose la fédération. Il est une symbiose
2214
sur mon vélo j’ai foncé vers le lac. « Partir ! »
et
toute la vie qui change, tout était libre devant moi ! J’ai erré jusq
2215
t moi ! J’ai erré jusqu’au soir dans l’euphorie —
et
suis rentré à la maison pour le dîner. Si j’avais rencontré Gide, en
2216
intimidez. » C’est qu’il ne m’était plus un dieu,
et
que j’étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, et trouvai
2217
is jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx,
et
trouvait Kierkegaard « trop long ». Fin d’un prestige. Puis il m’a, t
2218
ergé quelques semaines avec ma femme, rue Vaneau,
et
nos rapports se sont stabilisés autour de la moyenne barométrique « v
2219
yenne barométrique « variable à beau » (affection
et
réserve réciproques). Sa pensée n’a pour moi rien d’actuel et je dout
2220
éciproques). Sa pensée n’a pour moi rien d’actuel
et
je doute qu’il en aille autrement pour mes cadets. Je serais tenté de
2221
it rien à l’affaire », l’actualité pas davantage,
et
son absence n’ôte ou n’ajoute rien à la valeur d’une œuvre pour qui s
2222
n les courriéristes littéraires.) C’est son style
et
son personnage qui m’ont touché. La plupart des « actuels » écrivent
2223
de leur vivant, plus influents, mieux célébrés —
et
mieux oubliés tôt après… Gide n’a contesté sérieusement, des fondemen
2224
. Sur tout le reste, il ne cesse d’alterner éloge
et
doute, avec un sens critique d’autant plus exemplaire que les contest
2225
d’André Gide : « 1. a) Dans quelle mesure l’œuvre
et
la pensée de Gide vous ont-elles influencé, b) et quels sont les aspe
2226
et la pensée de Gide vous ont-elles influencé, b)
et
quels sont les aspects de sa pensée qui vous paraissent les plus actu
2227
mais elle a fait pleurer, elle nous émeut encore,
et
surtout elle a fait agir ; cette approche soigneusement conventionnel
2228
une innovation proprement révolutionnaire, envers
et
contre tous les préjugés et les recettes éprouvées de l’immobilisme,
2229
volutionnaire, envers et contre tous les préjugés
et
les recettes éprouvées de l’immobilisme, qui s’est toujours paré du n
2230
e française des discours qui défiaient la syntaxe
et
qu’il fallait recomposer pour l’impression au Journal officiel. C’est
2231
ession au Journal officiel. C’est qu’il pensait —
et
disait à ses proches — qu’il ne doit rien rester d’un bon discours, s
2232
pel de l’ordre de bataille des armées en présence
et
des étapes de la journée, suivi d’une énumération vraiment très longu
2233
ux noms de la noblesse des trois pays aux prises,
et
d’épithètes strictement conventionnelles : les officiers cités sont t
2234
e « le sang-froid admirable » des deux empereurs,
et
l’énergie de leurs troupes est bien sûr « indomptable ». Tout cela fa
2235
journée » où de « vaillantes colonnes » prennent
et
reprennent « des crêtes et des collines qui aboutissent au gracieux m
2236
es colonnes » prennent et reprennent « des crêtes
et
des collines qui aboutissent au gracieux mamelon des Cyprès, rendu po
2237
es Cyprès, rendu pour jamais célèbre avec la Tour
et
le cimetière de Solférino, par l’horrible tuerie dont ces localités f
2238
ie dont ces localités furent les glorieux témoins
et
le sanglant théâtre… » L’on ne trouve dans ces pages pas même une inf
2239
re doute de l’auteur quant à la valeur des armées
et
de la chose militaire en général. Et quand il sacrifie si libéralemen
2240
r des armées et de la chose militaire en général.
Et
quand il sacrifie si libéralement aux clichés obligés du récit milita
2241
e de faits d’armes dont il n’a pas été le témoin,
et
qui auraient tous été, s’il faut l’en croire, de hauts exemples de br
2242
cette grandeur d’âme qui fait la gloire des armes
et
justifie la guerre aux yeux de beaucoup. Faut-il voir là une captatio
2243
, des salons de la haute bourgeoisie victorienne,
et
des grandes dames de toute l’Europe qui croient aux mâles vertus des
2244
rs catégories. C’est le style qu’elles attendent,
et
après tout c’est bien ainsi qu’il faut parler de la guerre telle qu’o
2245
s, au-delà de la captatio, n’y a-t-il une secrète
et
profonde ironie, une intention de souligner le contraste avec ce que
2246
ns le dire : voilà la guerre telle qu’on la conte
et
qu’on la vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’elle est, telle
2247
la guerre telle qu’on la conte et qu’on la vante,
et
maintenant je vais vous dire ce qu’elle est, telle que je l’ai vue… C
2248
e… Car voici que le récit quittant le style noble
et
convenu, tourne au plus sobre reportage de scènes vécues durant les j
2249
sobre reportage de scènes vécues durant les jours
et
nuits qui suivent la bataille. Vers la petite ville de Castiglione —
2250
entasse par milliers dans les églises, le cloître
et
la caserne, les maisons et les places, et finalement sur la paille, d
2251
es églises, le cloître et la caserne, les maisons
et
les places, et finalement sur la paille, dans les rues. Tout devient
2252
cloître et la caserne, les maisons et les places,
et
finalement sur la paille, dans les rues. Tout devient dans le récit p
2253
les rues. Tout devient dans le récit plus concret
et
précis, exactement situé, chiffré, détaillé d’heure en heure. Il n’y
2254
: le cliché vient de faire place à la chose vue.
Et
du coup cela devient effroyable. On croirait lire une description d’H
2255
ucune réponse ; la capote, la chemise, les chairs
et
le sang ont formé chez ceux-là un horrible et indéfinissable mélange
2256
irs et le sang ont formé chez ceux-là un horrible
et
indéfinissable mélange où les vers se sont mis ; plusieurs frémissent
2257
s vers, qu’ils croient voir sortir de leur corps,
et
qui proviennent des myriades de mouches dont l’air est infesté. Ici e
2258
langue sort démesurément de sa mâchoire déchirée
et
brisée ; il s’agite et veut se lever, j’arrose d’eau fraîche ses lèvr
2259
nt de sa mâchoire déchirée et brisée ; il s’agite
et
veut se lever, j’arrose d’eau fraîche ses lèvres desséchées et sa lan
2260
ver, j’arrose d’eau fraîche ses lèvres desséchées
et
sa langue durcie ; saisissant une poignée de charpie, je la trempe da
2261
trempe dans le seau que l’on porte derrière moi,
et
je presse l’eau de cette éponge dans l’ouverture informe qui remplace
2262
) qui a pris l’initiative de secourir les blessés
et
d’organiser ces secours, bientôt suivi par un petit groupe formé de d
2263
ien, d’un journaliste de Paris, d’un Belge exalté
et
d’un négociant de Neuchâtel qui écrit pour les mourants des lettres d
2264
illance à tous ces hommes d’origines si diverses,
et
qui leur sont tous également étrangers. Tutti fratelli, répétaient-el
2265
vec émotion ». Le spectacle « de cette formidable
et
auguste tragédie » laisse à Dunant le sentiment de sa grande insuffis
2266
sance devant le désastre de la guerre vue de près
et
dans sa nue réalité : Il arrive que le cœur se brise parfois tout d’
2267
rive que le cœur se brise parfois tout d’un coup,
et
comme frappé soudain d’une amère et invincible tristesse, à la vue d’
2268
ut d’un coup, et comme frappé soudain d’une amère
et
invincible tristesse, à la vue d’un simple incident, d’un détail inat
2269
étail inattendu, qui va plus directement à l’âme,
et
qui ébranle les fibres les plus sensibles de notre être. Hanté par l
2270
à rassembler ses souvenirs, trois ans plus tard,
et
il se borne à suggérer, dans une note, que si ces pages pouvaient fa
2271
ces pages pouvaient faire naître, ou développer
et
presser la question des secours à donner aux militaires blessés en te
2272
donner aux militaires blessés en temps de guerre…
et
si elles pouvaient attirer l’attention des personnes douées d’humanit
2273
tirer l’attention des personnes douées d’humanité
et
de philanthropie, en un mot, si la préoccupation et l’étude de ce suj
2274
de philanthropie, en un mot, si la préoccupation
et
l’étude de ce sujet si important devaient, en le faisant avancer de q
2275
ps de guerre, par des volontaires zélés, dévoués,
et
bien qualifiés pour une pareille œuvre ? Tel est l’homme que l’on a
2276
e ? Tel est l’homme que l’on a traité d’utopiste
et
d’illuminé, et auquel on a tant reproché de manquer du sens élémentai
2277
homme que l’on a traité d’utopiste et d’illuminé,
et
auquel on a tant reproché de manquer du sens élémentaire des réalités
2278
ne saurait être plus respectueux des conventions
et
des vertus de la Société de son temps ; ni plus dénué d’amer et de ve
2279
de la Société de son temps ; ni plus dénué d’amer
et
de vengeur esprit critique : pas un mot de reproche à quiconque dans
2280
odéré : il n’est question que « de quelques pas »
et
non pas de révolutionner mais simplement « d’améliorer l’état de chos
2281
du Souvenir, la Croix-Rouge est fondée à Genève.
Et
certes, il n’eût pas pu la fonder seul, sans Gustave Moynier notammen
2282
sans Gustave Moynier notamment, homme de méthode
et
d’organisation dont l’appui fut décisif, ou sans le général Dufour, q
2283
eule idée en tête, qui est d’approcher l’empereur
et
d’obtenir de lui la permission (refusée par les ministères) d’acheter
2284
arrive d’invraisemblable, sa dignité en redingote
et
son désir de se rendre utile. Il cherchait un empereur et il trouve u
2285
ésir de se rendre utile. Il cherchait un empereur
et
il trouve une idée, aurait pu dire Victor Hugo. Je vois ici la situat
2286
init une vocation. On court après un but habituel
et
quelconque, le succès d’une affaire, la richesse… On le manque, « par
2287
nque, « par la faute des circonstances », dit-on,
et
l’on est pris par quelque chose qu’on ne cherchait pas, qui passionne
2288
c raideur mais non sans soulagement sa démission.
Et
commence pour lui une période de vingt ans de réprobation sociale, d’
2289
t ans de réprobation sociale, d’exil, d’obscurité
et
de famine. Un jour, on lui a demandé de parler à Plymouth : il ne peu
2290
de Heiden, chambre 12, réussit à le faire parler,
et
publie sur lui un article qui, bientôt reproduit partout, rend Dunant
2291
anité souffrante ». Le pape lui écrit de sa main.
Et
c’est enfin le premier prix Nobel de la paix qui vient le couronner e
2292
e par lui un regard dénué de complaisance, lucide
et
sans espoir quant à l’avenir prochain du monde, le reclus de la chamb
2293
e xixe siècle qui a commencé au soir de Waterloo
et
qui va se terminer au seuil sanglant de la Première Guerre « mondiale
2294
s un Souvenir, la moindre note d’antimilitarisme,
et
rien n’est dit non plus contre la guerre en soi (sinon par la violenc
2295
de tous les temps, que ces horreurs sont fatales
et
voulues par les dieux ; c’est encore admettre la guerre. (Que serait
2296
d’Un Souvenir. Son vrai discours contre la guerre
et
le militarisme qui la prépare, c’est dans ses inédits qu’il faut le c
2297
e chercher, dans ces textes écrits pour lui seul,
et
dans le seul respect de la vérité, sans idée d’action immédiate. Le b
2298
ransition entre l’attitude initiale d’Un Souvenir
et
finale des cahiers de Heiden. La « modestie du but » auquel Dunant ve
2299
nature finale des relations entre la Croix-Rouge
et
la guerre. Vingt ans plus tard, dans sa retraite, loin de l’action qu
2300
traite, loin de l’action que d’autres poursuivent
et
de ses contingences « réalistes », Dunant attaque de front. Il note d
2301
d’autres plus habiles que nous, prennent la plume
et
fassent mieux, nous entassons ici tant bien que mal, toutes sortes d’
2302
n que mal, toutes sortes d’armes contre la guerre
et
le militarisme, afin d’en faire un petit arsenal où l’on pourra puise
2303
justifier à tout prix des instincts que la raison
et
la religion répriment : Pourquoi bénir des bataillons partant pour l
2304
ent… Au moins Caïn tua sans savoir qu’il tuait ».
Et
qu’on ne répète pas que la guerre est la suprême éducatrice du genre
2305
isse, elle corrompt, elle flétrit, elle dégrade.
Et
ailleurs : Les vertus guerrières ne sont, le plus souvent, que des u
2306
en quelquefois avec l’absence totale de principes
et
ressemble beaucoup au banditisme, mais en grand.44 Il faut donc con
2307
itisme, mais en grand.44 Il faut donc condamner
et
supprimer la guerre, ou cesser de parler de la chrétienté. Nous voilà
2308
tienté. Nous voilà loin des clichés d’Un Souvenir
et
de ses prudences tactiques. Serait-ce que Dunant, écarté de l’action,
2309
nerait au zèle amer du censeur des temps nouveaux
et
aux compensations fictives d’utopies qui, comme celle de la paix perp
2310
ent de s’entendre sur le sens des termes d’utopie
et
de réalisme. L’utopiste est celui qui voit la fin sans imaginer ses m
2311
ce de mort à proportion des sacrifices financiers
et
des efforts de développement technique qu’on consacre à les préparer.
2312
s’en prend à ses principes qui sont dans l’homme,
et
sur lesquels nous pouvons exercer les pouvoirs de l’esprit humain. C’
2313
aujourd’hui de ne pas voir les liens nécessaires
et
l’interaction génétique qui unissent la guerre et les États-nations.
2314
et l’interaction génétique qui unissent la guerre
et
les États-nations. Mais il fallait beaucoup de lucidité et beaucoup d
2315
ats-nations. Mais il fallait beaucoup de lucidité
et
beaucoup de liberté d’esprit pour distinguer, aux alentours de 1900,
2316
e former l’État-nation : l’École étatisée, laïque
et
obligatoire, la Conscription universelle et obligatoire, la Presse no
2317
aïque et obligatoire, la Conscription universelle
et
obligatoire, la Presse nourrie par les agences d’État, le développeme
2318
he) d’aboutir à l’alignement des réflexes mentaux
et
physiques, des espoirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce qu
2319
nt des réflexes mentaux et physiques, des espoirs
et
des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exacte
2320
s mentaux et physiques, des espoirs et des peurs,
et
des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exactement : encaser
2321
ités, les lycées, les pensionnats, les séminaires
et
autres institutions en plusieurs pays d’Europe, une indéniable école
2322
grand, rien de plus noble que les empire rapaces
et
sanguinaires d’Alexandre et des Césars, de Charlemagne et de Bonapart
2323
ue les empire rapaces et sanguinaires d’Alexandre
et
des Césars, de Charlemagne et de Bonaparte ». La Conscription univer
2324
inaires d’Alexandre et des Césars, de Charlemagne
et
de Bonaparte ». La Conscription universelle : les philosophes avaien
2325
endrait un véritable bienfait… » Le Nationalisme
et
le colonialisme : il pousse les nations de l’Europe à envahir des pay
2326
te aux peuples asservis : c’est l’opium, le rhum,
et
les armes, « ce qui ruine et ce qui détruit, au moral comme au physiq
2327
st l’opium, le rhum, et les armes, « ce qui ruine
et
ce qui détruit, au moral comme au physique… Cette civilisation, en fo
2328
umes barbares, elle les dépouille de leur vieille
et
respectable moralité ». (Il a fallu plus de soixante ans pour que l’E
2329
e commence à le soupçonner…)45 Enfin la science
et
la technique nationalisées : Le « caporalisme stupide, cette variété
2330
dans l’espèce césarienne » va vous broyer, « vous
et
vos libertés nationales… Encore un peu de temps, et l’homme aura, grâ
2331
vos libertés nationales… Encore un peu de temps,
et
l’homme aura, grâce à la science, des moyens si prodigieux de faire l
2332
ntrainés bon gré mal gré (d’où guerres mondiales)
et
jetés à une forme de barbarie nouvelle : « la barbarie scientifique »
2333
qui croyaient diriger le « concert des nations »
et
contrôler le système si vis pacem tout en exaltant le Progrès, ce son
2334
t de millions de jeunes hommes, tant de richesses
et
la puissance européenne, et les adorateurs de la force pêle-mêle avec
2335
es, tant de richesses et la puissance européenne,
et
les adorateurs de la force pêle-mêle avec les défenseurs de la justic
2336
contre la vision juste d’un vieillard en colère,
et
qui avait fait en outre plus de bien qu’aucun homme de son siècle ou
2337
plus insolites à l’époque, pour les « indigènes »
et
pour la civilisation arabe. Cette attitude n’a pas été étrangère aux
2338
plupart de ceux avec qui j’ai longtemps collaboré
et
dans des circonstances très diverses, je n’arrive plus du tout à retr
2339
a Ligue du Gothard avec Theo Spoerri en mai 1940,
et
Hans Oprecht fondait l’automne suivant un mouvement rival (à ce qu’il
2340
s capitales d’Europe ou autres villes de congrès,
et
surtout dans les groupes de travail organisés par notre Centre europé
2341
endrait trop de temps, demanderait trop d’énergie
et
soulèverait trop d’oppositions. Bien avant d’avoir lu ces lignes, qui
2342
ts ou d’éditions, vers les formes les plus neuves
et
les problèmes les plus urgents qui se manifestaient dans chacun de ce
2343
e la culture. En sciences, la recherche nucléaire
et
les moyens de prévenir l’exode des cerveaux (résultante : le CERN). D
2344
rts, le succès rapide de la formule des festivals
et
les dangers qu’entraînait leur multiplication en concurrence (résulta
2345
festivals européens). Dans l’édition, la création
et
l’essor des guildes du livre, alors considérées — mais nous pensions
2346
comme un danger pour les libraires, les éditeurs
et
les corporations du livre en général. Dans ce dernier champ de ses ac
2347
t mieux faire que de s’en remettre à l’expérience
et
à l’initiative de celui des membres de son comité qui avait le mieux
2348
d, avec parfois d’assez grands succès commerciaux
et
même littéraires, par ceux des grands éditeurs d’Europe qui, dès le d
2349
s intolérants à l’égard de la formule guildienne…
Et
surtout, elle contribua à régulariser les relations des dirigeants de
2350
nts des guildes entre eux d’abord, puis entre eux
et
les éditeurs. Quant à leurs relations avec le vrai public, les chiffr
2351
es Européens contaminés par le goût de la lecture
et
victimes de son accoutumance. La plupart de ces malheureux ne savent
2352
s devons à l’un des Suisses les plus remarquables
et
les plus originaux qui soient : l’un des rares qui ait trouvé le secr
2353
ui ait trouvé le secret d’être à la fois efficace
et
d’humeur enjouée, redoutablement organisé et toujours disponible pour
2354
cace et d’humeur enjouée, redoutablement organisé
et
toujours disponible pour une aventure éducative ou culturelle, ouvert
2355
éducative ou culturelle, ouvert à toute l’Europe
et
parfait citoyen. ae. Rougemont Denis de, « Toujours disponible »,
2356
Vous avez écrit : « N’habitez pas les villes »
et
peut-être est-ce pour cela que vous êtes venu vous installer dans le
2357
lise, des cafés… C’est ce qui a été fait à Meyrin
et
Meyrin est vivant à cause de cette place où les gens se voient, se re
2358
construire ? Il faut les édifier loin des villes
et
loger le personnel dans des cités nouvelles où puisse naître un espri
2359
uvelles où puisse naître un esprit de communauté,
et
non pas dans des casernes accrochées à de vieux villages que cela dét
2360
9, p. 5. aj. Propos recueillis par Roger Anselme
et
introduits par le chapeau suivant : « Cinq-cent-soixante-quinze logem
2361
e vivre dans la “Maison des Bois“, demeure simple
et
belle dans la tradition voltairienne, où logeait, dit-on, le garde-ch
2362
sation fédérale de l’Europe basée sur les régions
et
non sur les États-nations47, j’ai été amené à relever et à classer le
2363
sur les États-nations47, j’ai été amené à relever
et
à classer les objections les plus fréquentes à l’entreprise qui fait
2364
n ensemble de réflexes conditionnés par un siècle
et
demi d’éducation stato-nationaliste gratuite et obligatoire : uniform
2365
e et demi d’éducation stato-nationaliste gratuite
et
obligatoire : uniformisation et mise au pas des corps par la discipli
2366
onaliste gratuite et obligatoire : uniformisation
et
mise au pas des corps par la discipline militaire, des esprits par le
2367
ires, des curiosités par la presse à grand tirage
et
ses agences officieuses, des émotions par l’éloquence patriotique, en
2368
entiment religieux par le culte du Soldat inconnu
et
la sacralisation des bornes-frontières. Distinguons quatre groupes pa
2369
ifficultés » que l’on oppose au concept de région
et
aux projets fondés sur lui. Objections mythologiques ou prospective
2370
égion est une nostalgie réactionnaire. Le progrès
et
l’efficacité, au xxe siècle, exigent des ensembles plus centralisés
2371
iculièrement pour les peuples récemment émancipés
et
économiquement arriérés. (Z. Brzezinski)48 (Principes d’une réponse
2372
nté qui peut surgir demain, posant un but nouveau
et
créant ses moyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’on veut, il n’est pas
2373
s assez difficile de faire l’Europe avec les Six,
et
d’ajouter les Sept aux Six ! Vous risquez de tout saboter en compliqu
2374
cennies. Ce qui est urgent, c’est le prix du lait
et
le taux d’accroissement de la productivité industrielle. (Principes
2375
t réussi en Europe, la Suisse, a été conçu, formé
et
accouché en neuf mois exactement, du 17 février au 16 novembre 1848,
2376
is exactement, du 17 février au 16 novembre 1848,
et
il est entré en vigueur à cette dernière date sans la moindre mesure
2377
ion instantanée des péages entre vingt-cinq États
et
installation d’un cordon douanier commun, par exemple.) Il n’y a qu’u
2378
eur, ou révolution, procédant d’une vision claire
et
d’une volonté sincère de réalisation.) Résistances conditionnées p
2379
entre les régions seront forcément plus nombreux
et
plus mesquins que les conflits entre nos nations. Voulez-vous donc ba
2380
vous donc balkaniser l’Europe ? (Ces étourderies
et
boutades ne sont guère passibles d’une réfutation.) Résistances co
2381
stances conditionnées par nos habitudes visuelles
et
les atlas scolaires (une couleur par pays) Comment allez-vous déc
2382
Bretagne n’est pas une entité économique viable.
Et
qui parle breton à Rennes ? Les ethnies et les économies ne coïnciden
2383
iable. Et qui parle breton à Rennes ? Les ethnies
et
les économies ne coïncident presque jamais. (Chose étrange, c’est ce
2384
omatiques de ce genre : — L’État doit être unique
et
indivisible. — De son siège dans la capitale, il régit souverainement
2385
n territoire délimité par les hasards des guerres
et
les calculs des arpenteurs. — Tout ce qui relève du domaine public (é
2386
défense, tourisme, etc.) doit dépendre d’un seul
et
même organisme, l’État, dans les limites d’un seul et même territoire
2387
ême organisme, l’État, dans les limites d’un seul
et
même territoire sur lequel cet État se déclare souverain. — Cette sup
2388
sa puberté), il devient une « nation immortelle »
et
l’État qui agit en son nom dispose de la vie et de la mort de ses mem
2389
» et l’État qui agit en son nom dispose de la vie
et
de la mort de ses membres, plus ou moins citoyens ou sujets, selon le
2390
sée de toutes les réalités humaines (spirituelles
et
physiques, culturelles et économiques) à une seule et unique surface
2391
humaines (spirituelles et physiques, culturelles
et
économiques) à une seule et unique surface géographique déclarée « so
2392
hysiques, culturelles et économiques) à une seule
et
unique surface géographique déclarée « sol sacré de la patrie » (et d
2393
géographique déclarée « sol sacré de la patrie » (
et
dont le « territoire » d’un chien fournit le modèle) correspond à que
2394
ns forcées, c’est leur préparation, leur conduite
et
leurs suites qui ont notamment accrédité l’idée que l’économie est au
2395
est au service des desseins politiques d’un État
et
non de la prospérité de ses citoyens. Aujourd’hui, cette même réducti
2396
térisé par l’hypertrophie de la fonction visuelle
et
par l’identification du « voir » et du « comprendre » qui s’en suit.
2397
tion visuelle et par l’identification du « voir »
et
du « comprendre » qui s’en suit. L’homme de la civilisation visuelle,
2398
lecture des signes alignés, des plans, des cartes
et
des graphiques, l’homme de la « Galaxie Gutenberg » si génialement dé
2399
gutenbergien, que nous sommes tous, peu ou prou,
et
dans son système de représentation, la région ne saurait apparaître q
2400
ître que sous la forme d’un mini-État centralisé,
et
d’une mini-nation régie par des bureaux concentrés dans une métropole
2401
staurée par la simple division d’un pays en vingt
et
une régions, par exemple, plutôt qu’en quatre-vingt-onze départements
2402
it — c’est-à-dire gouvernée par un pouvoir unique
et
s’exerçant dans tous les domaines clés : le politique, l’économique,
2403
ines clés : le politique, l’économique, le social
et
le culturel — aurait sans doute plus de chances de favoriser l’inquis
2404
aucun titre un modèle neuf de relations humaines
et
de structure du pouvoir. Elle ne représenterait aucune révolution, au
2405
avec l’essai de « régionalisation » de la France
et
de l’Italie cette année même.) Certaines raisons psychologiques s’ajo
2406
d’ailleurs au refus instinctif du saut qualitatif
et
révolutionnaire, pour favoriser cette évolution, ou plutôt cette dévo
2407
par les petits États que par les ex-puissances —
et
cela pour une série de raisons (pas seulement militaires) qu’il serai
2408
ici : qu’il suffise d’évoquer la sécurité suisse
et
ses motifs. Mais le fédéralisme va plus loin, et conçoit d’autres typ
2409
et ses motifs. Mais le fédéralisme va plus loin,
et
conçoit d’autres types et modèles. Essayons de les approcher en tenan
2410
déralisme va plus loin, et conçoit d’autres types
et
modèles. Essayons de les approcher en tenant compte des résistances d
2411
procher en tenant compte des résistances décrites
et
des réflexes stato-nationalistes dont, je le répète, nul de nous n’es
2412
s, par toute la presse, par tous les garde-à-vous
et
saluts au drapeau, et par deux guerres mondiales des plus réussies (t
2413
, par tous les garde-à-vous et saluts au drapeau,
et
par deux guerres mondiales des plus réussies (trente-huit-millions de
2414
se naturelle de notre esprit, qui cherche en tout
et
avant tout la réduction à la rassurante unité, ou au moins à l’unifor
2415
te. Il nous faut apprendre à penser par problèmes
et
non par nations. Devant un problème donné (urbanisme, participation c
2416
abitation, commune, région, groupe de recherches)
et
les moyens requis pour les constituer ; 2° à chercher le niveau de dé
2417
es, aux dimensions variées des tâches entreprises
et
des cadres sociaux qui leur offrent appui. Qu’on me permette un exemp
2418
me permette un exemple personnel, pour aller vite
et
rester dans le concret. Je suis neuchâtelois de naissance et de tradi
2419
ans le concret. Je suis neuchâtelois de naissance
et
de tradition : à ce canton va donc mon allégeance patriotique. Neuchâ
2420
it partie de la fédération suisse ; mon passeport
et
mon allégeance nationale sont donc suisses. Je suis aussi écrivain fr
2421
e la France actuelle, la Wallonie, le Val d’Aoste
et
la Suisse romande, constitue donc mon allégeance culturelle. Mais je
2422
i j’étais communiste, ou catholique, évidemment).
Et
je fais partie d’un très grand nombre de réseaux de relations parenta
2423
affectives, qui n’ont pas de frontières communes,
et
souvent pas de frontières du tout. Si l’on exigeait que tout cela soi
2424
tout. Si l’on exigeait que tout cela soit unifié
et
uniformisé dans les limites géographiques d’un territoire délimité au
2425
-à-dire que je crierais à l’assassin, au gangster
et
au fou ! Voyez Hitler. Mais personne ne m’a démontré qu’entre les amb
2426
e m’a démontré qu’entre les ambitions de Napoléon
et
celles d’un dictateur du xxe siècle il y ait d’autres différences qu
2427
ux moyens techniques de mise au pas d’une nation.
Et
de Napoléon à tout État-nation contemporain, la continuité est indéni
2428
’ordre contractuel d’une société, avec ses cadres
et
ses mécanismes. Je demande seulement qu’il corresponde aux réalités h
2429
seulement qu’il corresponde aux réalités humaines
et
qu’il les serve, au lieu de prétendre à les régir en souverain. Je de
2430
a division du phénomène État en autant de foyers,
et
sa répartition à autant de niveaux, qu’il y a de fonctions diverses d
2431
, qu’il y a de fonctions diverses dans l’humanité
et
d’ordres de grandeur dans nos projets. Je demande la dissociation et
2432
deur dans nos projets. Je demande la dissociation
et
la répartition fédéraliste des pouvoirs aujourd’hui concentrés en un
2433
és en un seul lieu, accaparés par l’État national
et
qui le seront, demain, par l’État régional. IV. Vers une formule f
2434
tionnaires différents tout ce qui aura été séparé
et
défini ; ne rien laisser dans l’indivision.49 Proudhon entend rédui
2435
rôle d’initiative générale, de garantie mutuelle
et
de surveillance ». Et il estime puéril de restreindre la séparation d
2436
érale, de garantie mutuelle et de surveillance ».
Et
il estime puéril de restreindre la séparation des pouvoirs aux membre
2437
gouvernement d’un pays, c’est entre les provinces
et
les communes : faute de quoi la vie politique abandonne les extrémité
2438
olitique abandonne les extrémités pour le centre,
et
le marasme gagne la nation devenue hydrocéphale. « Ne rien laisser d
2439
ui conteste un monde : celui de la République une
et
indivisible des jacobins, de l’Empire napoléonien qui la continue, et
2440
acobins, de l’Empire napoléonien qui la continue,
et
des totalitaires du xxe siècle qui l’achèvent. Il ne s’agit donc, po
2441
autant décidée la structure des réseaux d’échange
et
groupes de production économiques, ni des institutions sociales et cu
2442
duction économiques, ni des institutions sociales
et
culturelles. 2° Les modules ou unités de base politiques et leurs str
2443
lles. 2° Les modules ou unités de base politiques
et
leurs structures ne sont pas, en principe, superposables aux modules
2444
es ou unités de base économiques (ou culturelles)
et
à leurs structures propres : les uns et les autres se chevauchent, se
2445
turelles) et à leurs structures propres : les uns
et
les autres se chevauchent, se recoupent différemment, sont parfois en
2446
lasses » de faits économiques, ethniques, sociaux
et
culturels d’aires différentes, définissant des régions spécifiques. «
2447
ément à deux ensembles (dans mon cas : « Suisse »
et
« francophonie »), mais si l’on passe à trois ou quatre ensembles, c’
2448
sembles, c’est difficile ; au-delà, irréalisable.
Et
pourtant facile à comprendre, dans le concret de l’existence. Prenons
2449
a Regio basiliensis s’étend sur trois pays : Bâle
et
son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin en France, et Land badois en R
2450
son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin en France,
et
Land badois en République fédérale d’Allemagne. Rien au monde ne saur
2451
, n’est pas sérieux », pensent tous les jacobins,
et
les sous-offs dont le saint patron fut « le Petit Caporal ».) V. U
2452
llent ou non la coordination, sous quelles formes
et
dans quels domaines bien définis. Le Marché commun, par exemple, qui
2453
existent, ou sont souhaitables, entre l’économie
et
l’Université, ou entre les formules de participation civique et l’urb
2454
é, ou entre les formules de participation civique
et
l’urbanisme : il serait facile de multiplier ce type de problèmes à r
2455
re au niveau communal, régional, national-fédéral
et
continental. c) Le niveau des fédérations « nationales » de régions
2456
se, où il paie ses impôts, qui est de sa paroisse
et
quels sont les paysages de son cœur, et aucun de nous n’exige que tou
2457
paroisse et quels sont les paysages de son cœur,
et
aucun de nous n’exige que tout cela soit inscrit dans les limites pei
2458
Voir aussi : « Vers le fédéralisme », n° 34, 1934
et
« Précis Ordre nouveau », n° 34, 1936, de la revue L’Ordre nouveau
2459
u », n° 34, 1936, de la revue L’Ordre nouveau ;
et
mon Journal d’une époque , 1968, p. 107, note 1. 48. Mais quand Mal
2460
as renoncé au « totalitarisme » de leurs pouvoirs
et
ne se seront pas dessaisis, en tant qu’entités politiques, des « droi
2461
conomiques qu’ils s’arrogent en barons pillards ;
et
tant qu’il n’y aura pas, au niveau continental, une autorité politiqu
2462
s se marient en moyenne à 25 ans la première fois
et
à 41 ans la deuxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans et à
2463
fois et à 41 ans la deuxième, les femmes à 22 ans
et
à 38 ans. À 41 ans et à 38 ans, on a généralement quelques souvenirs,
2464
uxième, les femmes à 22 ans et à 38 ans. À 41 ans
et
à 38 ans, on a généralement quelques souvenirs, quelques cheveux blan
2465
ement quelques souvenirs, quelques cheveux blancs
et
des enfants du premier lit : ça pose des problèmes (voir Elle n° 1216
2466
, solides, bien bâties. On a passé l’âge de Roméo
et
Juliette, mais on espère bien arriver à Philémon et Baucis. On en est
2467
Juliette, mais on espère bien arriver à Philémon
et
Baucis. On en est encore très loin : pour beaucoup de femmes, le seco
2468
légitime, l’homme qui fait découvrir les délices
et
les délires de l’amour physique tels qu’on ne les soupçonnait guère à
2469
n espère les connaître longtemps. Amours, délices
et
mairie (pas d’orgues pour les divorcés), le remariage c’est souvent l
2470
t pas seulement l’écrivain qui a le mieux analysé
et
expliqué l’amour et le couple, il est aussi depuis seize ans le (deux
2471
rivain qui a le mieux analysé et expliqué l’amour
et
le couple, il est aussi depuis seize ans le (deuxième) mari de Nanik
2472
ussi depuis seize ans le (deuxième) mari de Nanik
et
il forme avec sa (seconde) femme l’un de ces couples dont on dit simp
2473
, cela double aussi les « chances » arithmétiques
et
psychologiques de divorce, donc de remariage. Il y a la facilité de p
2474
Mobilité non seulement géographique mais sociale
et
professionnelle qui donne aux gens l’occasion de vivre plusieurs vies
2475
d’emploi, de milieu avec une facilité croissante
et
on admet avoir d’autres aspirations à 40 ans qu’à 20 ans. D’où la mul
2476
ariage : chacun sait désormais qu’il y a problème
et
qu’on peut en parler, qu’il faut même en parler librement et sérieuse
2477
ut en parler, qu’il faut même en parler librement
et
sérieusement. La crise du mariage et la cellulite sont même devenues
2478
er librement et sérieusement. La crise du mariage
et
la cellulite sont même devenues les deux mamelles de la presse fémini
2479
s de littérature romanesque sur le second mariage
et
peu ou point de témoignages publiés (enquêtes sociologiques, enquêtes
2480
ologiques). Il faudrait pouvoir comparer les âges
et
les motivations des conjoints lors du premier et du second mariage. A
2481
et les motivations des conjoints lors du premier
et
du second mariage. Analyser leur évolution, les réactions des enfants
2482
inguer ce qui tient aux acteurs — les conjoints —
et
ce qui tient à la situation en soi, qu’est le deuxième mariage. Faute
2483
atériel, je me vois réduit à ma propre expérience
et
à celle des couples remariés que je connais. La première fois, on é
2484
», les complexes sont des ensembles de réactions
et
d’associations affectives formés dans l’enfance et restés inconscient
2485
t d’associations affectives formés dans l’enfance
et
restés inconscients. On ne connaît pas ses complexes, ils nous dirige
2486
us dirigent à notre insu, à notre corps défendant
et
c’est en quoi ils sont gênants, voire dangereux. Les motivations du p
2487
es chances de correspondre à la réalité des êtres
et
de leur vie à deux ! On tombe amoureux d’une image sans le savoir. Et
2488
x ! On tombe amoureux d’une image sans le savoir.
Et
l’on se trouve marié avec une femme réelle, bien différente. Elle, eh
2489
age « d’attitude » : on veut prouver aux autres —
et
à soi-même qu’on sait ce qu’on veut et qu’on n’a besoin de personne.
2490
x autres — et à soi-même qu’on sait ce qu’on veut
et
qu’on n’a besoin de personne. Moins on est sûr de la durée de ses sen
2491
r de la durée de ses sentiments, plus on s’entête
et
plus on se dépêche. À 20 ans, il est classique de se marier en claqua
2492
la porte. Mais la cause d’échec la plus fréquente
et
la plus grave c’est la confusion entre l’amour véritable et la passio
2493
grave c’est la confusion entre l’amour véritable
et
la passion, puis entre la passion et le mariage. L’erreur fondamental
2494
ur véritable et la passion, puis entre la passion
et
le mariage. L’erreur fondamentale, c’est de vouloir « épouser Iseut »
2495
is une certaine forme d’amour qui veut l’obstacle
et
qui l’invente au besoin pour mieux s’exalter. La passion suppose touj
2496
alter. La passion suppose toujours entre le sujet
et
l’objet — Tristan et Iseut — un roi Marc qui les sépare : la morale,
2497
pose toujours entre le sujet et l’objet — Tristan
et
Iseut — un roi Marc qui les sépare : la morale, la société, le père,
2498
assion Mais où est le roi Marc entre le garçon
et
la fille qui se marient « avec passion » ? Il n’y en a plus, aujourd’
2499
si l’un des deux est marié, il n’a qu’à divorcer
et
tout s’arrange. Aussi n’est-ce pas la morale sociale qui détruit la p
2500
it pas fatale, qui pourrait flamber au grand jour
et
même au jour le jour ? Non, la passion implique la fatalité. La passi
2501
sion dit : « Oui, j’aime une telle, son caractère
et
ses goûts seront peut-être incompatibles avec les miens mais c’est pl
2502
n’est pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi.
Et
il est nécessaire d’en avoir un, de pouvoir accuser le sort, puisque
2503
du passionné Vous avez démontré dans L’Amour
et
l’Occident que l’amour tel qu’on le rêve — l’amour-passion — est né
2504
le rêve — l’amour-passion — est né avec « Tristan
et
Iseut » et que, depuis des siècles, nous vivons sous l’emprise de ce
2505
’amour-passion — est né avec « Tristan et Iseut »
et
que, depuis des siècles, nous vivons sous l’emprise de ce mythe dégén
2506
pas six siècles. Quel rapport y a-t-il entre l’un
et
l’autre ? C’est qu’autrefois on se mariait pour des raisons : fortune
2507
raisons : fortune, terres, agrément du caractère
et
du physique, et on restait marié pour des raisons : religieuses, soci
2508
ne, terres, agrément du caractère et du physique,
et
on restait marié pour des raisons : religieuses, sociales, familiales
2509
problèmes inéluctables que posent les caractères
et
les tempéraments. On pense toujours qu’on sera l’exception, qu’on réu
2510
até. C’est le défi sentimental, le défi téméraire
et
dérisoire du passionné. Tout ça, ce sont les défauts possibles et mêm
2511
passionné. Tout ça, ce sont les défauts possibles
et
même courants d’un premier mariage. Ces causes d’échec sont-elles aut
2512
sont les cas désespérés. Mais le cas intéressant,
et
heureusement le plus courant, c’est un premier mariage raté suivi d’u
2513
’une réflexion lucide sur les causes de cet échec
et
de déductions constructives. Normalement, tout ira mieux. Parce qu’on
2514
un mariage « d’attitude ». On est plus conscient
et
on ne se joue plus la comédie — ni aux parents. On a compris que l’es
2515
e les raies du zèbre », dit un proverbe oriental)
et
, comme on a pris conscience de la nécessité de la durée, on accorde u
2516
mpatibilité des caractères, aux éléments durables
et
indispensables à la durée du mariage. Attention, ne vous remariez
2517
n carafe » peut pousser à un remariage précipité.
Et
aussi le désir de prendre une revanche, de marquer un point sur son e
2518
eureuse sans toi. » C’est une réaction infantile.
Et
des difficultés particulières une fois qu’on est remarié ? C’est ici
2519
s’agit de distinguer ce qui tient aux « acteurs »
et
ce qui tient à la situation. Ce qui tient aux acteurs ce sont les dif
2520
ation elle tient en une phrase ou un fait évident
et
qui sera ressenti plus ou moins douloureusement : ce n’est plus la pr
2521
itage littéraire occidental, surestime la passion
et
sous-estime les caractères, les goûts et les antécédents. Un mariage
2522
passion et sous-estime les caractères, les goûts
et
les antécédents. Un mariage où il n’y aurait que des « convenances »
2523
passion Il faut donc « quelque chose de plus »
et
ça ne peut être la passion. Quel est ce « quelque chose » sans lequel
2524
t l’acceptation de cet être tel qu’il est, limité
et
réel mais secrètement en marche vers lui-même que l’on choisit, non p
2525
templation, mais comme une existence incomparable
et
autonome à laquelle on voudrait participer : voilà la plus profonde t
2526
jection sur l’autre d’un idéal qui n’existe pas —
et
l’on s’en aperçoit très vite — alors que le vrai amour est agent de p
2527
imation de la passion, issue du mythe de Tristan,
et
de toute la littérature romanesque, se sont ajoutés tous les tabous s
2528
e ce que pour la première fois, grâce à ce savant
et
à ses recherches « scientifiques », on osait parler du sexe ! Aujourd
2529
analyser les motivations de son mariage. De même
et
plus encore pour le divorce : si l’on veut en tirer une leçon, il est
2530
la beauté, mais aussi de la difficulté du mariage
et
je pense que « l’essai » peut aider. Bien sûr, l’expérience est limit
2531
st limitée : on sait que ça pourrait ne pas durer
et
l’on décide qu’on n’aura pas d’enfants ; il n’y aura donc pas de vict
2532
partir ensemble en vacances — l’idée de passion.
Et
qui négligeaient toutes les difficultés réelles, celles qui naissent
2533
usieurs années. Aucun rapport avec les amourettes
et
liaisons nouées sans idée de durée. Mais il y a quand même des différ
2534
rmes avec un vrai mariage : il manque les enfants
et
il manque tout le côté social — être reconnu par les autres comme un
2535
tres comme un vrai couple, ce qui est un ciment —
et
surtout l’idée que ça doit durer toujours. « Après tout, je ne suis p
2536
ec lui », se dit-on au premier accrochage sérieux
et
ça n’incite pas à l’effort, à la tolérance, l’amour difficile. Il man
2537
taire on nous imposait des marches d’entraînement
et
j’ai fait à cette occasion une découverte qui a joué un rôle importan
2538
e flancher, n’acceptait simplement pas la fatigue
et
cela changeait tout. La valeur du « oui » solennel Mais vous n’
2539
me une marche d’entraînement. Le seuil de fatigue
et
de lassitude sera infiniment plus élevé ou plus éloigné dans la « lon
2540
onise Margaret Mead, dans l’idée qu’il est normal
et
inévitable de divorcer ? Il vaudrait beaucoup mieux leur apprendre qu
2541
rendre que la vraie vie, c’est la vie quotidienne
et
qu’elle n’a rien de terne et d’ennuyeux (si les gens ne sont pas eux-
2542
t la vie quotidienne et qu’elle n’a rien de terne
et
d’ennuyeux (si les gens ne sont pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Ca
2543
nnuyeux (si les gens ne sont pas eux-mêmes ternes
et
ennuyeux). Car enfin qu’est-ce qu’un premier mariage ? La confrontati
2544
mais au contraire une raison de ne pas se marier,
et
qu’être heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’être intenséme
2545
urs, la crise du mariage sera résolue en principe
et
la majorité des divorces évités. Mais l’emprise du mythe est tellemen
2546
romanciers de la Table ronde, Tristan ont affiné
et
« compliqué » les sentiments, donc ont fait faire d’énormes progrès à
2547
fondez pas le mariage sur ce qui vit de sa crise
et
l’entretient ! Et le mariage lui-même, pensez-vous qu’il doit être «
2548
iage sur ce qui vit de sa crise et l’entretient !
Et
le mariage lui-même, pensez-vous qu’il doit être « modernisé » ? Le m
2549
ge c’est une œuvre d’art, une construction à deux
et
comme toute création il a ses difficultés. Il faut sans cesse compren
2550
Il faut sans cesse comprendre à nouveau, risquer
et
se risquer, découvrir et inventer. La fidélité n’est pas un luxe, une
2551
endre à nouveau, risquer et se risquer, découvrir
et
inventer. La fidélité n’est pas un luxe, une coquetterie morale et en
2552
idélité n’est pas un luxe, une coquetterie morale
et
encore moins une « convenance » ou un « agent de répression », elle e
2553
euglant, de la passion « fatale » mais changeante
et
de l’amour subi, irresponsable. La fidélité c’est bien autre chose qu
2554
romper sa femme : c’est une œuvre d’art exigeante
et
qui tente le meilleur en chacun de nous. Je sais bien que depuis des
2555
43-44. am. Propos recueillis par Claude Berthod
et
introduits par le chapeau suivant : « Denis de Rougemont, l’écrivain
2556
mont, l’écrivain philosophe, l’auteur de L’Amour
et
l’Occident — ce livre est un chef-d’œuvre de lucidité et ceux qui l’
2557
ident — ce livre est un chef-d’œuvre de lucidité
et
ceux qui l’ont lu sont mieux armés pour réussir leur vie à deux —, vo
2558
Le personnalisme, la contestation, les hippies
et
… le fédéralisme (27 septembre 1969)an ao Denis de Rougemont, aux y
2559
e « unique », d’une thèse retentissante, L’Amour
et
l’Occident . Cet ouvrage, qui démontrait que l’idée de passion amoure
2560
use trouvait ses origines dans la poésie cathare,
et
qui nous faisait ensuite descendre les différents cercles de la passi
2561
les de la passion, connaîtra plusieurs rééditions
et
sera traduit en plusieurs langues. Aujourd’hui, on le trouve en livre
2562
ans, Doctrine fabuleuse, Personne du drame [sic]
et
Les Mythes de l’amour. C’est donc l’illustre théoricien de l’amour-pa
2563
éoricien de l’amour-passion qu’un public nombreux
et
enthousiaste était venu entendre jeudi soir à l’Université McGill. Le
2564
du Département de français de l’Université McGill
et
du Consulat général de Suisse, répondait d’ailleurs on ne peut mieux
2565
r du Centre européen de la culture, qu’il a fondé
et
qu’il dirige depuis 1949. Si à ses nombreux titres on ajoutait celui
2566
ifférents pôles autour desquels se meut la pensée
et
l’action de M de Rougemont. Le personnalisme « Mais qui est donc
2567
our moi il n’y a aucune séparation entre L’Amour
et
l’Occident et les ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ai
2568
a aucune séparation entre L’Amour et l’Occident
et
les ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ai déjà écrit sur
2569
traire osmose complète entre mon action politique
et
mes livres. Au-delà, donc, de cette diversité des thèmes, il y a cont
2570
rait comme mon disciple en érotique personnaliste
et
qu’il exigeait que je lui montre cette cohérence entre mon érotique d
2571
ohérence entre mon érotique du mariage, du couple
et
mes théories fédéralistes. À quoi je lui ai répondu que rien n’était
2572
essemblance profonde entre le problème de l’homme
et
de la femme dans le mariage, et celui des autonomies locales et de l’
2573
oblème de l’homme et de la femme dans le mariage,
et
celui des autonomies locales et de l’union dans une fédération, où il
2574
dans le mariage, et celui des autonomies locales
et
de l’union dans une fédération, où il s’agit précisément de respecter
2575
précisément de respecter complètement les droits
et
de l’autonomie locale et de l’union, ceci au bénéfice des deux, natur
2576
complètement les droits et de l’autonomie locale
et
de l’union, ceci au bénéfice des deux, naturellement. Je me réfère to
2577
dit, en substance, que les deux natures, l’homme
et
Dieu, dans le Christ sont simultanément présentes, complètes chacune
2578
’entre elles, sans séparation mais sans confusion
et
sans subordination de l’une à l’autre, et que de plus, leur union, lo
2579
nfusion et sans subordination de l’une à l’autre,
et
que de plus, leur union, loin d’évacuer les différences, ne fait que
2580
vacuer les différences, ne fait que les renforcer
et
les confirmer. Cette définition théologique, on la retrouve naturelle
2581
x réalités contraires, mais qui sont bonnes l’une
et
l’autre, il ne faut pas s’empresser de s’en sortir en supprimant l’un
2582
e ignorance satisfaite des injustices établies ».
Et
là, deux dates cruciales marquent la biographie de M. de Rougemont. L
2583
ues : L’Ordre nouveau , au côté d’Arnaud Dandieu
et
Robert Aron, Esprit avec Emmanuel Mounier et Georges Izard, et enfi
2584
eu et Robert Aron, Esprit avec Emmanuel Mounier
et
Georges Izard, et enfin sa propre revue Hic et Nunc qui regroupe au
2585
Esprit avec Emmanuel Mounier et Georges Izard,
et
enfin sa propre revue Hic et Nunc qui regroupe autour de lui des éc
2586
oupe autour de lui des écrivains, des philosophes
et
des théologiens protestants. Mais, 1932 marque aussi la naissance du
2587
rticle qui avait déjà paru dans la revue Esprit
et
qui constitue, nous fait remarquer M. de Rougemont, « la seule défini
2588
s auxquelles prirent part, entre autres, Berdiaev
et
Gabriel Marcel. On ne pouvait donc espérer de meilleur interlocuteur
2589
, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre
et
responsable. C’est l’individu distingué de la masse par sa vocation,
2590
a vocation est à la fois ce qui distingue l’homme
et
le relie à la communauté où il exerce. Ce qui l’amena — avant Sartre,
2591
ous appelions en 1932 la révolution personnaliste
et
communautaire, c’était quelque chose qui se posait dans les termes d’
2592
évaut aujourd’hui. Ce qui nous avait alors alerté
et
réveillé c’était l’exemple du nazisme et du communisme stalinien. Et
2593
s alerté et réveillé c’était l’exemple du nazisme
et
du communisme stalinien. Et puis il y a eu la montée de la guerre. On
2594
l’exemple du nazisme et du communisme stalinien.
Et
puis il y a eu la montée de la guerre. On voulait nous faire croire q
2595
croire qu’il y avait de grandes causes à défendre
et
nous ne voyions pas du tout lesquelles à ce moment-là. Cette crise ex
2596
testation qui s’est développée à Paris, à Berlin,
et
ailleurs quelque chose que je crois extrêmement dangereux, et qui ne
2597
quelque chose que je crois extrêmement dangereux,
et
qui ne ressemble pas du tout à notre réaction personnaliste et commun
2598
semble pas du tout à notre réaction personnaliste
et
communautaire. Elle ressemble plus souvent à la réaction des jeunes f
2599
uvent à la réaction des jeunes fascistes italiens
et
nazis qui ne respectaient plus rien finalement que la force. Quand on
2600
t que la force. Quand on dit, il faut tout casser
et
après on verra bien, moi j’ai déjà vu ce qui va se passer : c’est la
2601
nd celui-ci prêche la destruction de l’Université
et
refuse de dire ce qu’il y mettra à la place. C’est de la démagogie fa
2602
y mettra à la place. C’est de la démagogie facile
et
extrêmement dangereuse. Car, finalement cela ne fait que servir le fa
2603
suis malheureusement certain qu’ils se trompent.
Et
cela il le regrette profondément. Car, pour notre interlocuteur, la r
2604
analyser toujours exactement, mais ils le sentent
et
y réagissent instinctivement en anarchistes. Les hippies Je pen
2605
ppies. Je trouve leur réaction absolument normale
et
saine, même s’ils vont parfois trop loin, même s’il y a trop de drogu
2606
ruire, M. de Rougemont s’est employé à la définir
et
à en propager l’idée de par le monde. Car 1946 marque cet autre tourn
2607
mondes , parce que nos voisins se font la guerre,
et
s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su se fédérer progressive
2608
illite retentissante des systèmes centralisateurs
et
du nationalisme étatisé. C’est la guerre la plus antisuisse de l’hist
2609
ite, attestée par le sang, que la solution suisse
et
fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit
2610
eule solution valable pour la survie de l’Europe.
Et
depuis, il travaille sans relâche à la cause du fédéralisme. Il ne no
2611
s avais dit que l’homme doit être à la fois libre
et
responsable, il en est de même pour chaque nation dans l’Europe fédér
2612
que nation dans l’Europe fédérée que je préconise
et
qui n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédérati
2613
agglomération d’États soumis à un pouvoir unique
et
dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiq
2614
ques autonomes, libres de leur gestion intérieure
et
responsables les unes des autres devant le danger commun. Personnalis
2615
des autres devant le danger commun. Personnalisme
et
fédéralisme, c’est un tout. Cette théorie fédéraliste nous amène, on
2616
x éléments en apparence contradictoires : l’union
et
l’autonomie ; l’union étant toujours au service de l’autonomie, et pa
2617
l’union étant toujours au service de l’autonomie,
et
pas le contraire. Un Québec séparé signifierait donc, pour M. de Roug
2618
époque, car cet État serait à la fois trop grand
et
trop petit. Trop petit pour jouer un rôle international ; et trop gra
2619
it. Trop petit pour jouer un rôle international ;
et
trop grand parce que la vraie cité où l’homme peut participer à la vi
2620
es termes, il s’agirait pour l’auteur de L’Amour
et
l’Occident de créer des autonomies au niveau de la commune, par la r
2621
ougemont, que ces États se dissolvent en régions,
et
alors, et ce n’est seulement qu’alors, qu’on arrivera à fédérer l’Eur
2622
que ces États se dissolvent en régions, et alors,
et
ce n’est seulement qu’alors, qu’on arrivera à fédérer l’Europe, car c
2623
péenne des universités, une autre pour le charbon
et
l’acier, et ainsi de suite. Alors qu’un Conseil fédéral établira les
2624
niversités, une autre pour le charbon et l’acier,
et
ainsi de suite. Alors qu’un Conseil fédéral établira les grandes opti
2625
assurance », lit-on dans Journal d’une époque .
Et
ailleurs : « il faut être absolument moderne. L’immobilisme, l’attent
2626
n] Le personnalisme, la contestation, les hippies
et
… le fédéralisme », Le Devoir, Montréal, 27 septembre 1969, p. 11. ao
2627
nous fondions les revues personnalistes Esprit
et
L’Ordre nouveau — tout le mouvement personnaliste, qui est devenu e
2628
evenu ensuite le mouvement fédéraliste européen —
et
nous définissions la révolution pas du tout comme le grand chambardem
2629
nd chambardement ou la violence ou verser du sang
et
tout ça, mais comme la substitution d’un ordre nouveau à ce que nous
2630
l’homme. C’est-à-dire un ordre qui ne reposait —
et
c’est encore bien plus visible aujourd’hui qu’alors — que sur les néc
2631
lle, de la distribution des richesses, du profit,
et
de choses aussi pauvres que cela, pour créer une communauté. Qui, au
2632
os villes deviennent inhabitables, impraticables,
et
nous sommes obligés de nous poser cette question pour la première foi
2633
édéralisme ? Par un cheminement absolument normal
et
logique — inévitable. La personne, c’est l’individu à la fois libre e
2634
le. La personne, c’est l’individu à la fois libre
et
responsable. Libre dans la mesure où il est responsable, et responsab
2635
able. Libre dans la mesure où il est responsable,
et
responsable dans la mesure où il est libre […] Les deux choses sont a
2636
n’est-ce pas, que j’ai lancée en France en 1933,
et
qui forme les deux premiers chapitres de mon premier livre, publié à
2637
livre, publié à Paris en 1934… Est-ce que le mot
et
la chose « engagement » ont encore aujourd’hui une signification quel
2638
complètement de sa responsabilité intellectuelle
et
de son jugement, pour se livrer, pieds et poings liés, à un parti, à
2639
ctuelle et de son jugement, pour se livrer, pieds
et
poings liés, à un parti, à condition qu’il soit de gauche d’étiquette
2640
e. Pour moi — enfin, pour nous : Mounier, Dandieu
et
tous les autres — c’était essentiellement manifester au niveau de la
2641
ans ma définition de la personne comme être libre
et
responsable à la fois le fondement de la liberté personnelle et de l’
2642
à la fois le fondement de la liberté personnelle
et
de l’action communautaire. Le mot fédéralisme est toujours mal com
2643
que le mot fédéralisme est toujours mal compris.
Et
c’est presque fatal, parce que c’est un mot qui joint deux réalités c
2644
la réalité des autonomies locales, personnelles,
et
la réalité de l’union qui, dans mon esprit, est destinée à garantir c
2645
l y a deux manières de concevoir la vie politique
et
la vie publique. Une vise à la puissance collective ou d’un homme, l’
2646
llective ou d’un homme, l’autre vise à la liberté
et
à la libération maximales des hommes, des personnes. Je suis contre l
2647
ècle, qui ne visait qu’à la puissance collective,
et
qui aboutit aux guerres que l’on sait. […] Souveraineté nationale gro
2648
u nous faire avaler pendant tout le xixe siècle,
et
dans nos manuels encore, comme une forme possible de gouvernement. Qu
2649
éen de la culture, que vous avez fondé, je pense,
et
que vous présidez, à Genève ? J’ai créé ce Centre en 1949-1950 comme
2650
s qui étaient faits à Luxembourg par Jean Monnet,
et
des efforts politiques qui étaient faits par le Conseil de l’Europe à
2651
par des tours de force, réussi à créer ce Centre
et
à le maintenir. Qui devait être un lieu de rencontre pour les hommes
2652
oclites, d’après les besoins qui se manifestaient
et
les possibilités d’y répondre : une Association européenne des festiv
2653
un besoin européen, une possibilité d’y répondre,
et
un certain nombre de gens qui ont envie qu’on le fasse, nous les réun
2654
ui se dit mon disciple en érotique personnaliste,
et
qui m’a défié, il y a deux ans, de prouver que mon idée du mariage et
2655
y a deux ans, de prouver que mon idée du mariage
et
de l’amour me conduit au fédéralisme. J’ai dit : rien n’est plus faci
2656
er ensemble des natures différentes — l’autonomie
et
l’union — et chacune portée à son maximum, chacune aidant l’autre à e
2657
es natures différentes — l’autonomie et l’union —
et
chacune portée à son maximum, chacune aidant l’autre à exister. Eh bi
2658
ge, c’est exactement la même chose entre un homme
et
une femme. […] Vous avez du monde une vue qui est religieuse en ceci
2659
religieuse. Avec la débandade générale de l’idée
et
de la chose religion, comment cette vue-là se tient-elle aujourd’hui
2660
est en crise partout. Les formes ecclésiastiques,
et
tout ça, sont en pleine crise — je n’irai pas jusqu’à dire débandade,
2661
, nous allons vers le règne de l’ennui mécanique
et
technique, dont la contrepartie sera immanquablement une espèce d’imm
2662
que vous insistez beaucoup sur l’opposition Dieu
et
diable, sur l’opposition Bien et Mal. Vous faites notamment une sorti
2663
’opposition Dieu et diable, sur l’opposition Bien
et
Mal. Vous faites notamment une sortie contre la psychanalyse. Est-ce
2664
tout. Je suis très intéressé par la psychanalyse
et
il y a très longtemps que je m’en occupe et que je trouve ça très imp
2665
alyse et il y a très longtemps que je m’en occupe
et
que je trouve ça très important. Non. Dans La Part du diable , j’opp
2666
a demandé une postface que j’ai presque terminée,
et
dans laquelle je décris le diable comme, au fond, l’augmentation de l
2667
par exemple, l’énergie lumineuse en électricité,
et
d’électricité en chaleur — toujours une forme d’organisation de l’éne
2668
par ce qu’on appelle en science la néguentropie.
Et
par la récréation de foyers d’inégalité de création, de dynamisme. Qu
2669
de création, de dynamisme. Quel rapport entre ça
et
, chez Freud, la dialectique entre pulsion de vie et pulsion de mort ?
2670
, chez Freud, la dialectique entre pulsion de vie
et
pulsion de mort ? Eh bien, il y a une certaine correspondance, une an
2671
t-ce pas ?, à unifier, à uniformiser, à égaliser,
et
toujours au profit du degré le plus bas d’organisation, le plus simpl
2672
our desquels se forment de nouvelles communautés.
Et
grâce à ça, on maintient l’humanité, n’est-ce pas ? L’humanité ne pro
2673
? L’humanité ne progresse que par les meilleurs,
et
ne dure que par les moyens. Il faut les deux, mais il ne faut pas don
2674
1. aq. Propos recueillis par Jean-Paul Brousseau
et
introduits par la note suivante : « Parce qu’il est né à Neuchâtel (S
2675
où l’on commence à être suspect pour les jeunes.
Et
pourtant !… À l’entendre parler de personnalisme, mouvement auquel il
2676
avec Emmanuel Mounier dans la fondation d’Esprit,
et
dans la création de l’Ordre nouveau avec Arnaud Dandieu, George Izard
2677
l’Ordre nouveau avec Arnaud Dandieu, George Izard
et
Daniel-Rops, on retrouve vite en lui le jeune homme dans la vingtaine