1 Le fédéralisme suisse (1963)a La Suisse ne saurait se targuer d’avoir

2 Le fédéralisme suisse (1963)a La Suisse ne saurait se targuer d’avoir donné à l’Europe et au monde une

3 La Suisse ne saurait se targuer d’avoir donné à l’ Europe et au monde une « culture nationale » bien caractérisée ; ni mê

4 tionale » bien caractérisée ; ni même d’avoir été la mère de grandes écoles d’art, de littérature ou de pensée, marquant l

5 Il n’y eut jamais de peinture suisse, au sens où l’ on a pu parler d’une peinture vénitienne ou hollandaise ; ni de musiqu

6 éâtre élisabéthain, un roman russe. Non point que l’ apport des Suisses en ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait

7 oint que l’apport des Suisses en ces domaines, de la Renaissance à nos jours, ait été globalement inférieur à celui de tou

8 autre région de dimensions à peu près analogues. ( Le contraire me paraît probable.) Mais cet apport ne fut jamais typique

9 vidente, à la fois culturelle et politique, comme le furent la Sérénissime, les états généraux de Hollande, l’Angleterre d

10 la fois culturelle et politique, comme le furent la Sérénissime, les états généraux de Hollande, l’Angleterre de la premi

11 lle et politique, comme le furent la Sérénissime, les états généraux de Hollande, l’Angleterre de la première Élisabeth, la

12 t la Sérénissime, les états généraux de Hollande, l’ Angleterre de la première Élisabeth, la France de Louis XIV, le Portug

13 Hollande, l’Angleterre de la première Élisabeth, la France de Louis XIV, le Portugal manuélin, ou le grand-duché de Weima

14 de la première Élisabeth, la France de Louis XIV, le Portugal manuélin, ou le grand-duché de Weimar. C’est que l’ensemble

15 la France de Louis XIV, le Portugal manuélin, ou le grand-duché de Weimar. C’est que l’ensemble suisse n’a jamais été déf

16 manuélin, ou le grand-duché de Weimar. C’est que l’ ensemble suisse n’a jamais été défini par autre chose que par un systè

17 cités, principautés et républiques — dont on sait la diversité non seulement de langue, de confession et de coutumes, mais

18 , ou pour mieux dire, cette pratique séculaire de l’ union dans les diversités jalousement préservées, qui constitue le vér

19 ux dire, cette pratique séculaire de l’union dans les diversités jalousement préservées, qui constitue le véritable apport

20 diversités jalousement préservées, qui constitue le véritable apport de la Suisse comme telle à l’Europe. Pratique restée

21 préservées, qui constitue le véritable apport de la Suisse comme telle à l’Europe. Pratique restée longtemps sans nom et

22 ue le véritable apport de la Suisse comme telle à l’ Europe. Pratique restée longtemps sans nom et sans doctrine — ou du mo

23 ècle qu’on se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose était-elle entendue de manière assez différente par les Alémani

24 ait-elle entendue de manière assez différente par les Alémaniques et les Romands. Pour les premiers, fédération veut dire «

25 e manière assez différente par les Alémaniques et les Romands. Pour les premiers, fédération veut dire « communauté du Serm

26 fédéralisme signifie surtout volonté de maintenir les autonomies locales et cantonales, contre les empiètements de l’autori

27 enir les autonomies locales et cantonales, contre les empiètements de l’autorité centrale. Rien d’étonnant si une telle pra

28 locales et cantonales, contre les empiètements de l’ autorité centrale. Rien d’étonnant si une telle pratique est mal connu

29 e telle pratique est mal connue ou mal comprise à l’ extérieur, et notamment chez nos voisins français, épris de logique, d

30 s. Un Français cultivé et qui se demande quel est le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt à son Littré, où il trouve

31 Système, doctrine du gouvernement fédératif. — «  Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employé

32  « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Chateaubriand, Amérique,

33 formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Chateaubriand, Amérique, Gouvernement. Pendant la révolut

34  » Chateaubriand, Amérique, Gouvernement. Pendant la révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale

35 volution, projet attribué aux girondins de rompre l’ unité nationale et de transformer la France en une fédération de petit

36 ins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. « Aux jacobins, on agita gr

37 petits États. « Aux jacobins, on agita gravement la question du fédéralisme, et on souleva mille fureurs contre les giron

38 u fédéralisme, et on souleva mille fureurs contre les girondins. » Thiers, Histoire de la révolution, chap. I. Pour un Fra

39 reurs contre les girondins. » Thiers, Histoire de la révolution, chap. I. Pour un Français, la cause est entendue : fédér

40 ire de la révolution, chap. I. Pour un Français, la cause est entendue : fédéraliste égale sauvage, ou traître. Pour un S

41 ou traître. Pour un Suisse, c’est Littré qui perd la face. Essayons d’expliquer ce qui peut l’être, en cette affaire où le

42 ui perd la face. Essayons d’expliquer ce qui peut l’ être, en cette affaire où le sens concret du bien public a beaucoup pl

43 expliquer ce qui peut l’être, en cette affaire où le sens concret du bien public a beaucoup plus à voir que l’idéologie. ⁂

44 concret du bien public a beaucoup plus à voir que l’ idéologie. ⁂ Comme toutes les choses vivantes, organiques et intéressa

45 ucoup plus à voir que l’idéologie. ⁂ Comme toutes les choses vivantes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plei

46 les choses vivantes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions

47 dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophiques,

48 e contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophiques, il ne cherche pas à les

49 politiques ou philosophiques, il ne cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la log

50 ilosophiques, il ne cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la fo

51 herche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour pa

52 résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse

53 es neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire

54 à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble, t

55 u de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles sont. Mais parce qu’il accepte

56 e, telles qu’elles sont. Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les tensions, et cherche à les compo

57 ont. Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un org

58 u’il accepte les contradictions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’

59 ions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’allons pas croire que le fé

60 in d’un organisme vivant, n’allons pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel ou d’opportunisme

61 sme lâche, qui tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances très puissantes dans le

62 ose en fait à deux tendances très puissantes dans le monde occidental moderne : le centralisme uniformisant, et le particu

63 rès puissantes dans le monde occidental moderne : le centralisme uniformisant, et le particularisme refermé sur lui-même.

64 idental moderne : le centralisme uniformisant, et le particularisme refermé sur lui-même. Le fédéralisme refuse par princi

65 isant, et le particularisme refermé sur lui-même. Le fédéralisme refuse par principe et par définition l’uniformité imposé

66 fédéralisme refuse par principe et par définition l’ uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale ou d’u

67 , d’un pouvoir clérical ou politique. Il est donc le contraire absolu de tout régime totalitaire, de tout ordre géométriqu

68 métrique simpliste, et par-là même tyrannique. («  La tyrannie est le souverain désordre », disait Vinet.) Le fédéralisme v

69 te, et par-là même tyrannique. (« La tyrannie est le souverain désordre », disait Vinet.) Le fédéralisme veut la diversité

70 annie est le souverain désordre », disait Vinet.) Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forces en compétition

71 in désordre », disait Vinet.) Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forces en compétition, et loin de fuir de

72 disait Vinet.) Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forces en compétition, et loin de fuir devant la comple

73 des forces en compétition, et loin de fuir devant la complexité du réel, il la respecte, il croit à ses vertus, il en épou

74 et loin de fuir devant la complexité du réel, il la respecte, il croit à ses vertus, il en épouse la loi, bref, il l’aime

75 la respecte, il croit à ses vertus, il en épouse la loi, bref, il l’aime. D’autre part, le fédéralisme refuse avec non mo

76 croit à ses vertus, il en épouse la loi, bref, il l’ aime. D’autre part, le fédéralisme refuse avec non moins de fermeté l’

77 en épouse la loi, bref, il l’aime. D’autre part, le fédéralisme refuse avec non moins de fermeté l’esprit de clocher, les

78 , le fédéralisme refuse avec non moins de fermeté l’ esprit de clocher, les particularismes régionaux ou locaux qui prétend

79 se avec non moins de fermeté l’esprit de clocher, les particularismes régionaux ou locaux qui prétendraient vivre en autarc

80 les à toute coopération, voir à tout échange avec le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’il aime les diversités régiona

81 voir à tout échange avec le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’il aime les diversités régionales, aime aussi leur san

82 le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’il aime les diversités régionales, aime aussi leur santé, qui est celle de l’ense

83 gionales, aime aussi leur santé, qui est celle de l’ ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide, et même, d

84 ntraide, et même, dans certains cas bien définis, la mise en commun de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’un

85 mise en commun de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’uniformité imposée par un centre, mais aussi le contra

86 de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’ uniformité imposée par un centre, mais aussi le contraire des particul

87 de l’uniformité imposée par un centre, mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédéralisme représenterait-il

88 mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédéralisme représenterait-il alors une sorte de moyen terme entre ce

89 n terme entre ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme

90 du tout ! La santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est

91 santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-che

92 ntre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’ eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de s

93 i meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive

94 même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre l

95 à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’ esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il es

96 ressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreur

97 rit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’ anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont

98 i n’en sont peut-être qu’une seule. Il représente la seule attitude rigoureusement contraire à celle que les deux autres o

99 ule attitude rigoureusement contraire à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’imagi

100 On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation, et la volonté de la fr

101 volonté de centralisation totale d’une nation, et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement clos

102 tralisation totale d’une nation, et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement closes, manifesten

103 oses, manifestent deux tendances incompatibles de l’ esprit. Car en réalité, ceux qui n’admettent aucune diversité politiqu

104 litique ou culturelle dans une nation manifestent le même état d’esprit que ceux qui n’admettent rien d’autre que leur man

105 tre que leur manière de vivre locale, définie par la majorité locale, traitent tout le reste d’étranger, donc d’impur, et

106 le, définie par la majorité locale, traitent tout le reste d’étranger, donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, d

107 e nationalisme local, ce chauvinisme cantonal (on l’ appelle chez nous Kantönligeist) relève de la même mentalité que le to

108 (on l’appelle chez nous Kantönligeist) relève de la même mentalité que le totalitarisme, à l’échelle nationale. Il tradui

109 us Kantönligeist) relève de la même mentalité que le totalitarisme, à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’ima

110 lève de la même mentalité que le totalitarisme, à l’ échelle nationale. Il traduit le même manque d’imagination, de vitalit

111 totalitarisme, à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ou

112 ns, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’ attitude fédéraliste ne se borne pas à reconnaître d’une part la néces

113 éraliste ne se borne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’union, d’autre part la légitimité des autonomies local

114 orne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’ union, d’autre part la légitimité des autonomies locales. Elle exige à

115 d’une part la nécessité de l’union, d’autre part la légitimité des autonomies locales. Elle exige à la fois l’une et l’au

116 iquement antinomique et pratiquement antagoniste. L’ attitude fédéraliste veut une maîtrise du divers, comme tout art. Elle

117 ise du divers, comme tout art. Elle est un art de la composition, qui requiert à la fois et en même temps la vivacité des

118 position, qui requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’un

119 ité des contrastes et leur harmonisation. Prenons l’ exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible

120 de même que sans une vision d’ensemble, celle de l’ artiste, hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes r

121 ne vision d’ensemble, celle de l’artiste, hors de l’ unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons

122 leau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs

123 ontrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre da

124 ures, bien mis en ordre dans leur boîte. Pour que la qualité particulière d’un rouge se manifeste et chante sa chanson, il

125 asté et composé avec des verts, par exemple, dans l’ unité globale d’une œuvre au sein de laquelle s’opèrent alors mille éc

126 Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus efficace de broyer mécan

127 e et plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises bru

128 par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est la libre union dans la

129 istre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’ harmonie fédérale, qui est la libre union dans la diversité, et l’unif

130 la différence entre l’harmonie fédérale, qui est la libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centrali

131 l’harmonie fédérale, qui est la libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, centraliste, jacobine, qui e

132 ale, qui est la libre union dans la diversité, et l’ unification totalitaire, centraliste, jacobine, qui est réduction forc

133 centraliste, jacobine, qui est réduction forcée à l’ uniforme, — dans tous les sens du mot. Ces images, qui sont autant d’é

134 ui est réduction forcée à l’uniforme, — dans tous les sens du mot. Ces images, qui sont autant d’évidences, suffisent à déf

135 qui sont autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des diversités viva

136 plupart des impasses dans lesquelles se fourvoie l’ organisation politique du monde moderne proviennent du fait que l’on o

137 olitique du monde moderne proviennent du fait que l’ on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’un seul exemple : l’impas

138 évidences. Je n’en donnerai qu’un seul exemple : l’ impasse à laquelle risquent d’aboutir les négociations entre la Suisse

139 exemple : l’impasse à laquelle risquent d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’Europe, représentée pour l’instant

140 aquelle risquent d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun.

141 ent d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’ Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun. D’une part, o

142 ons entre la Suisse et l’Europe, représentée pour l’ instant par le Marché commun. D’une part, on affirme une souveraineté

143 uisse et l’Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun. D’une part, on affirme une souveraineté globale, qui n

144 rait jouer qu’à regret, et à titre de concession, la diversité des fonctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à

145 de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’un corps exige le souple jeu

146 us grand corps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; et

147 nt tentés d’oublier que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; et les autres sont tentés d’

148 ge le souple jeu d’organes bien différenciés ; et les autres sont tentés d’oublier qu’un organe bien différencié ne saurait

149 saurait vivre isolé du corps. Quelle serait alors la solution fédéraliste ? J’en propose ici le principe : que l’Europe un

150 alors la solution fédéraliste ? J’en propose ici le principe : que l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des pe

151 fédéraliste ? J’en propose ici le principe : que l’ Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations qui

152 principe : que l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations qui la composent, sinon elle trahira sa

153 à respecter la diversité des petites nations qui la composent, sinon elle trahira sa mission dans le monde ; et qu’en mêm

154 la composent, sinon elle trahira sa mission dans le monde ; et qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter, dans le c

155 ra sa mission dans le monde ; et qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’une Europe fédérée, les

156 n même temps la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons obse

157 à respecter, dans le cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédér

158 les règles que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’être. Mais

159 ue chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’être. Mais le fédéralis

160 ration, sinon elle trahira sa raison d’être. Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation politique, le

161 t pas seulement un mode d’organisation politique, le seul « régime de coexistence » digne du nom. C’est aussi, et c’est mê

162 t-il, du même coup, une assez bonne définition de la culture ! ⁂ Pour qu’il y ait culture en général — au sens occidental

163 ns parler d’une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche div

164 te, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité ess

165 ielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses, l’ unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons impl

166 us référons implicitement dans toutes nos œuvres, le fond commun sur lequel se détache notre individualité, et dont elle t

167 es nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’ Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, o

168 mentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’ Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complè

169 e ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laquell

170 us rattacher directement, nous qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant « culture nationale »,

171 irectement, nous qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant « culture nationale », intermédiaire

172 disant « culture nationale », intermédiaire entre l’ Europe et nos cités. Je bute ici sur un concept aussi néfaste qu’invét

173 et qui me paraît exemplairement incompatible avec la réalité fédéraliste. On nous répète depuis un siècle que les Suisses,

174 fédéraliste. On nous répète depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l

175 us répète depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois g

176 que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités culturell

177 il ne correspond qu’à des prétentions nationales. L’ idée qu’il y aurait en Europe un certain nombre de « cultures national

178 es nationales » bien distinctes et autonomes dont l’ addition constituerait la culture européenne est une pure et simple il

179 inctes et autonomes dont l’addition constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire

180 se dissipe comme brume au soleil à la lumière de l’ Histoire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera j

181 comme brume au soleil à la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une ad

182 une addition de « cultures nationales ». Elle est l’ œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, i

183 « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment des

184 dépendamment des nations qui divisent aujourd’hui l’ Europe, et dont la plupart n’ont même pas cent ans d’existence : il fa

185 cent ans d’existence : il faut bien admettre que la culture s’était constituée avant elles et sans elles ! Je me contente

186 illustrer ce point, d’un seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquement européen de notre culture.

187 de notre culture. Dans ses grandes lignes, voici l’ évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue entre le

188 re. Dans ses grandes lignes, voici l’évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue entre les xiie et xive

189 sique en Europe : elle naît et se constitue entre les xiie et xive siècles dans un certain nombre de cités du Nord et du

190 n certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienne, en Provence, puis en Île-de-France. Des cités it

191 tés flamandes, le long du grand axe commercial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges. Une nouvelle école s’épanouit d

192 nise à Bruges. Une nouvelle école s’épanouit dans les Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’It

193 panouit dans les Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’Italie qu’elle enrichit de ses nombreu

194 influence bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’ Italie qu’elle enrichit de ses nombreuses découvertes. Plus tard, les

195 nrichit de ses nombreuses découvertes. Plus tard, les Allemands (comme Schütz) viennent s’initier auprès des maîtres italie

196 plication des œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les région

197 Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniques, Hanovre,

198 gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniques, Hanovre, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors

199 se déplace vers les régions germaniques, Hanovre, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors auprès des maîtres allemands que

200 s, tels que Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de

201 ue occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L’ évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or

202 en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies, not

203 volution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies, notons-le, traversent avec une glorieuse i

204 choses près les mêmes voies. Or ces voies, notons- le , traversent avec une glorieuse indifférence des dizaines de nos front

205 tion, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’ on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’un musicien

206 s des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’un peintre, c’est simpl

207 e que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’école lo

208 » d’un musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’ école locale dans laquelle il s’est formé. D’où vient alors cette illu

209 rement mise en doute depuis un siècle environ, en l’ existence de « cultures nationales » ? C’est avant tout le fait de la

210 nce de « cultures nationales » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses roma

211 ltures nationales » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se ratt

212 les » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l’ entretient. Quand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « 

213 t de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne pense

214 nd on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne pense guère qu’à la langue française. Ma

215 la « culture française », on ne pense guère qu’à la langue française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nation

216 ançaise. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut impos

217 une propriété de la nation française actuelle, à l’ ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François

218 et de François Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’aujourd’hui sept ou huit langues différentes : l’allemand, l

219 d’aujourd’hui sept ou huit langues différentes : l’ allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal,

220 ui sept ou huit langues différentes : l’allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et

221 uit langues différentes : l’allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et — hier — l’

222 différentes : l’allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et — hier — l’arabe. Et l

223 s : l’allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et — hier — l’arabe. Et l’on parle l

224 nd, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et — hier — l’arabe. Et l’on parle le français d

225 , le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’ italien et — hier — l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre aut

226 , le catalan, le provençal, l’italien et — hier — l’ arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nations. De même,

227 , le provençal, l’italien et — hier — l’arabe. Et l’ on parle le français dans quatre autres nations. De même, l’allemand n

228 çal, l’italien et — hier — l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nations. De même, l’allemand ne saurait d

229 le français dans quatre autres nations. De même, l’ allemand ne saurait définir une « culture nationale » étant la langue

230 e saurait définir une « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nations

231 ar faire violence aux réalités linguistiques pour les amener à coïncider approximativement avec les frontières d’une de nos

232 our les amener à coïncider approximativement avec les frontières d’une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue

233 d’une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à elle seule définir une culture : elle n’est guère

234 culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-il. Tous les autres éléments :

235 la culture en général, si essentiel soit-il. Tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-a

236 si essentiel soit-il. Tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les

237 soit-il. Tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la

238 es autres éléments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’

239 léments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture

240 igion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture, sont largemen

241 losophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même tota

242 orale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même totalement indépe

243 -arts, le folklore, les sciences, la technique et l’ architecture, sont largement ou même totalement indépendants des langu

244 « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chacun des 24 États-nations qui ont découpé et l

245 tats-nations qui ont découpé et longtemps déchiré le corps de notre continent. ⁂ Or il se trouve que les Suisses sont, ou

246 e corps de notre continent. ⁂ Or il se trouve que les Suisses sont, ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’

247 sses sont, ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures nationales », fût-ce du seul fait

248 devraient être, préservés mieux que les autres de l’ illusion des « cultures nationales », fût-ce du seul fait de la compos

249 s « cultures nationales », fût-ce du seul fait de la composition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en mesur

250 r État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend

251 mmes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalit

252 alités nationales, mais se rattache directement à l’ ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », comme

253 semble culturel européen : elle est « immédiate à l’ Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos trois cantons pr

254 ropéen : elle est « immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs furent décl

255 s cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’ Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté co

256 bar, et c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque, — nous dirions aujourd’hui : contre les États-na

257 là une garantie de liberté contre les princes de l’ époque, — nous dirions aujourd’hui : contre les États-nations. La véri

258 de l’époque, — nous dirions aujourd’hui : contre les États-nations. La véritable unité de base étant de la sorte identifié

259 s dirions aujourd’hui : contre les États-nations. La véritable unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui

260 tats-nations. La véritable unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certa

261 table unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certain

262 re-fond commun. Si je cherche pourquoi et en quoi les Suisses romands, par exemple, se différencient des Français, ou en to

263 se différencient des Français, ou en tout cas de l’ image convenue que l’École nous donne depuis cent ans de la « culture

264 Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’ École nous donne depuis cent ans de la « culture française », bien que

265 onvenue que l’École nous donne depuis cent ans de la « culture française », bien que nous parlions à peu près la même lang

266 re française », bien que nous parlions à peu près la même langue, je trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’est

267 s à peu près la même langue, je trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été

268 1° la culture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’ État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture

269 l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’ État. 2° la culture vit chez nous dans de petits compartiments naturel

270 ’a jamais été un moyen de puissance de l’État. 2° la culture vit chez nous dans de petits compartiments naturels ou histor

271 uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises. 3° nous sommes de vieilles républiques

272 fondées sur une large autonomie des communes. 4° le protestantisme est majoritaire en Suisse romande ; il a déterminé en

273 notre exigeant souci moral et notre méfiance pour les cérémonies, à moins que son adoption n’ait résulté de notre tempérame

274 d’entre nous n’en ont conscience ou ne voudraient l’ admettre. D’où résulte qu’un Suisse romand — et tout ce que je viens d

275 iens d’en dire vaut aussi, mutatis mutandis, pour le Suisse alémanique par rapport à l’Allemagne — dépend de plusieurs ent

276 mutandis, pour le Suisse alémanique par rapport à l’ Allemagne — dépend de plusieurs entités indépendantes et d’ordres dive

277 usieurs entités indépendantes et d’ordres divers, les unes plus petites que la Suisse et les autres beaucoup plus vastes. P

278 tes et d’ordres divers, les unes plus petites que la Suisse et les autres beaucoup plus vastes. Par ses allégeances civiqu

279 es divers, les unes plus petites que la Suisse et les autres beaucoup plus vastes. Par ses allégeances civiques, économique

280 les, il se rattache à sa commune, à son canton, à la Confédération ; par son allégeance religieuse, à la Réforme ou à l’Ég

281 Confédération ; par son allégeance religieuse, à la Réforme ou à l’Église catholique, qui sont mondiales ; par sa langue,

282 par son allégeance religieuse, à la Réforme ou à l’ Église catholique, qui sont mondiales ; par sa langue, au domaine fran

283 ançais, et par sa culture, aux sources variées de l’ Europe antique, médiévale et moderne. Autant de réalités ou d’entités

284 ne. Autant de réalités ou d’entités qui n’ont pas les mêmes frontières, qui ne se couvrent que très partiellement, et qui p

285 faire homme à sa manière, et non point à celle de l’ État. D’où la densité culturelle de ce petit coin de pays, — éducation

286 sa manière, et non point à celle de l’État. D’où la densité culturelle de ce petit coin de pays, — éducation, lettres et

287 . Qu’on m’entende bien : ce n’est pas un éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites dimensions matériell

288 ions matérielles ou morales, mais au contraire de la pluralité des dimensions et de la variété des allégeances possibles,

289 au contraire de la pluralité des dimensions et de la variété des allégeances possibles, les unes locales ou régionales, et

290 sions et de la variété des allégeances possibles, les unes locales ou régionales, et les autres universelles, — telles que

291 ces possibles, les unes locales ou régionales, et les autres universelles, — telles que le fédéralisme les implique et perm

292 ionales, et les autres universelles, — telles que le fédéralisme les implique et permet de les composer. Et il est vrai q

293 autres universelles, — telles que le fédéralisme les implique et permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peu

294 lles que le fédéralisme les implique et permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peut conduire moralement à la

295 est vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité dorée, politiquement au neutralisme de l’autruche, et dans

296 médiocrité dorée, politiquement au neutralisme de l’ autruche, et dans le domaine culturel, à préférer les moyennes rassura

297 litiquement au neutralisme de l’autruche, et dans le domaine culturel, à préférer les moyennes rassurantes aux œuvres fort

298 autruche, et dans le domaine culturel, à préférer les moyennes rassurantes aux œuvres fortes. Offrant un jeu de petites et

299 dit-on, ceux qui choisissent de s’installer dans les petites. Mais la plupart des hommes veulent, et méritent sans doute,

300 upart des hommes veulent, et méritent sans doute, la sécurité avant tout. Ce phénomène n’est pas particulier à la Suisse,

301 avant tout. Ce phénomène n’est pas particulier à la Suisse, mais peut-être les Suisses moyens trouvent-ils dans les struc

302 n’est pas particulier à la Suisse, mais peut-être les Suisses moyens trouvent-ils dans les structures fédérales de leur pay

303 is peut-être les Suisses moyens trouvent-ils dans les structures fédérales de leur pays une protection plus efficace de leu

304 ce qu’ils gagneraient à échanger cette paix — que l’ on jalouse un peu tout en la couvrant de sarcasmes — contre les régime

305 nger cette paix — que l’on jalouse un peu tout en la couvrant de sarcasmes — contre les régimes prestigieux, épris de gran

306 un peu tout en la couvrant de sarcasmes — contre les régimes prestigieux, épris de grandeur et d’idéologies, et qui abouti

307 s au nom de principes réputés immortels, mais que les générations suivantes récusent… Quant à ceux qui assument leurs plus

308 belles perspectives : qu’ils y entrent et qu’ils les explorent, ils s’y sentiront vite chez eux, sans avoir à renier leur

309 , sans avoir à renier leur clocher. Définition de la liberté fédéraliste. Nos meilleurs auteurs (pour ne prendre que cet e

310 illeurs auteurs (pour ne prendre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de

311 cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’architect

312 la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens 

313 laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’ architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau,

314 pas de problèmes pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme d

315 Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le passé, et de nos jours, Robert de Traz, Charles-Albert Cingria, Gonza

316 sens qu’ils n’ont pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture européenne, germanique et anglo-saxonne au

317 s hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture européenne, germanique et anglo-saxonne autant que française,

318 faux relais de paresse que représentent ailleurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’est-ce pas à ce caractère « 

319 pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’ on reconnaît le plus vite leur commun caractère de Suisses romands, si

320 ère « immédiatement européen » que l’on reconnaît le plus vite leur commun caractère de Suisses romands, si profondes qu’a

321 in de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’ école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers r

322 iste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’ école de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se

323 ulait un pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le véritable sens de son fédéralisme étroit). Cette erreur l’a peut-être

324 ble sens de son fédéralisme étroit). Cette erreur l’ a peut-être soutenu, en tant qu’artiste, comme il arrive ; elle n’en f

325 able de certaines limitations de son œuvre. Mais la littérature n’est plus, de nos jours, cette espèce de critère privilé

326 u de culture d’un peuple, qu’elle fut au temps de l’ Europe classique puis romantique. Les sciences ont pris sa place, à ce

327 t au temps de l’Europe classique puis romantique. Les sciences ont pris sa place, à cet égard. Or quel rang la Suisse y tie

328 nces ont pris sa place, à cet égard. Or quel rang la Suisse y tient-elle ? « L’indice Nobel » peut nous l’apprendre : il d

329 et égard. Or quel rang la Suisse y tient-elle ? «  L’ indice Nobel » peut nous l’apprendre : il donne le nombre de prix Nobe

330 uisse y tient-elle ? « L’indice Nobel » peut nous l’ apprendre : il donne le nombre de prix Nobel par million d’habitants d

331 L’indice Nobel » peut nous l’apprendre : il donne le nombre de prix Nobel par million d’habitants d’un pays, de 1901 à 196

332 6. Allemagne 0,71 19. Russie et URSS 0,03 À la question de savoir ce que les Suisses peuvent apporter de meilleur à

333 ie et URSS 0,03 À la question de savoir ce que les Suisses peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds donc sa

334 ce que les Suisses peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds donc sans hésiter que c’est surtout leur sens féd

335 nos voisins. Cet apport très typiquement suisse à la culture européenne revêt une importance particulière dans le monde de

336 européenne revêt une importance particulière dans le monde de cette deuxième moitié du xxe siècle. Il symbolise et préfig

337 moitié du xxe siècle. Il symbolise et préfigure l’ apport de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les virus nationa

338 xe siècle. Il symbolise et préfigure l’apport de l’ Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les virus nationalistes que l

339 ort de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les virus nationalistes que la culture du dernier siècle et notre crise t

340 de, tout enfiévré par les virus nationalistes que la culture du dernier siècle et notre crise totalitaire ont propagés. L’

341 r siècle et notre crise totalitaire ont propagés. L’ apport suisse, aujourd’hui, se confond donc avec l’apport d’une Europe

342 ’apport suisse, aujourd’hui, se confond donc avec l’ apport d’une Europe rajeunie, découvrant le fédéralisme, sa morale et

343 c avec l’apport d’une Europe rajeunie, découvrant le fédéralisme, sa morale et sa philosophie, et surtout ses recettes pra

344 e, et surtout ses recettes pratiques, — celles de la paix. 1. Léo Moulin, La Nationalité des prix Nobel de sciences de 1

345 pratiques, — celles de la paix. 1. Léo Moulin, La Nationalité des prix Nobel de sciences de 1901 à 1960, Cahiers intern

346 ciologie, Paris, 1961. a. Rougemont Denis de, «  Le fédéralisme suisse », La Suisse face à l’avenir : interrogation d’un

347 . Rougemont Denis de, « Le fédéralisme suisse », La Suisse face à l’avenir : interrogation d’un petit pays, Berne, Nouvel

348 s de, « Le fédéralisme suisse », La Suisse face à l’ avenir : interrogation d’un petit pays, Berne, Nouvelle Société helvét

349 Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)j

350 , d’expériences pratiques et de publications dans le cadre du Centre européen de la culture, il ne sera sans doute pas inu

351 pas inutile de situer notre projet, d’en préciser les coordonnées, et d’exposer ensuite le thème général de nos travaux pen

352 en préciser les coordonnées, et d’exposer ensuite le thème général de nos travaux pendant le semestre qui s’ouvre. Permett

353 r ensuite le thème général de nos travaux pendant le semestre qui s’ouvre. Permettez-moi donc, avant d’en venir à l’objet

354 i s’ouvre. Permettez-moi donc, avant d’en venir à l’ objet particulier de mon cours, de consacrer quelques moments à cette

355 à Genève, des études européennes, c’est parce que la question de l’union de l’Europe se trouve posée à cette génération, e

356 tudes européennes, c’est parce que la question de l’ union de l’Europe se trouve posée à cette génération, et parce qu’elle

357 éennes, c’est parce que la question de l’union de l’ Europe se trouve posée à cette génération, et parce qu’elle met en jeu

358 ne des raisons d’être de cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture présente, aux circonstances de not

359 e cet Institut, sans doute la principale, tient à la conjoncture présente, aux circonstances de notre temps. Ce fait déter

360 x circonstances de notre temps. Ce fait détermine le caractère particulier de notre Institut, comme d’ailleurs des quelque

361 autres instituts d’études européennes qui sont à l’ œuvre, depuis plusieurs années, dans d’autres villes du continent. Trè

362 , dans d’autres villes du continent. Très près de l’ actualité, en raison même de leur objet, qui se compose, se définit et

363 garder, par rapport au déroulement des faits et à l’ action politique militante, la distance nécessaire à la réflexion crit

364 ment des faits et à l’action politique militante, la distance nécessaire à la réflexion critique et à la recherche objecti

365 ion politique militante, la distance nécessaire à la réflexion critique et à la recherche objective. Certes, la question e

366 distance nécessaire à la réflexion critique et à la recherche objective. Certes, la question européenne n’est pas une que

367 ion critique et à la recherche objective. Certes, la question européenne n’est pas une question académique ! Elle n’appart

368 à résoudre. Est-ce à dire qu’il faille en laisser le soin au seul réalisme des hommes d’État, aux seuls calculs des expert

369 tivement, un à un, et aussi d’être envisagés dans l’ ensemble de leurs interconnections et par rapport à ces notions de l’h

370 interconnections et par rapport à ces notions de l’ homme qui ont fait que l’Europe, malgré tout, représente autre chose e

371 rapport à ces notions de l’homme qui ont fait que l’ Europe, malgré tout, représente autre chose et un peu plus que ce qu’e

372 sique, qui est à peine 4 % des terres émergées de la planète. Cette question européenne constituant l’objet central de not

373 la planète. Cette question européenne constituant l’ objet central de notre enseignement et de nos recherches, il importe d

374 nds traits dans quels termes elle se pose, et qui l’ a posée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a vu surgir, en l

375 dans quels termes elle se pose, et qui l’a posée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a vu surgir, en lieu et plac

376 elle se pose, et qui l’a posée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a vu surgir, en lieu et place de la prépondér

377 Guerre mondiale a vu surgir, en lieu et place de la prépondérance des États de l’Europe, désunis et rivaux, une constella

378 elle de grands ensembles fortement unifiés, comme les États-Unis, la Russie et la Chine, ou comme l’Inde et l’Insulinde, ta

379 nsembles fortement unifiés, comme les États-Unis, la Russie et la Chine, ou comme l’Inde et l’Insulinde, tandis que d’autr

380 ement unifiés, comme les États-Unis, la Russie et la Chine, ou comme l’Inde et l’Insulinde, tandis que d’autres groupes de

381 e les États-Unis, la Russie et la Chine, ou comme l’ Inde et l’Insulinde, tandis que d’autres groupes de nations récentes e

382 s-Unis, la Russie et la Chine, ou comme l’Inde et l’ Insulinde, tandis que d’autres groupes de nations récentes et plus ins

383 pes de nations récentes et plus instables, sont à la recherche de quelque union encore mal définie, mais qui a déjà force

384 i a déjà force de mythe, en Afrique noire et dans le monde arabe. La tendance générale qui se dessine dans les années 1945

385 e mythe, en Afrique noire et dans le monde arabe. La tendance générale qui se dessine dans les années 1945 à 1950 va donc

386 e arabe. La tendance générale qui se dessine dans les années 1945 à 1950 va donc aux grandes unités politiques, de 200 à 60

387 lions d’hommes. Dans un tel monde, quel peut être l’ avenir des États de l’Europe, petits et moyens désormais — c’est-à-dir

388 ys n’est en mesure, non plus, de parler au nom de l’ Europe. Qui pourrait assumer, dans ces conditions, les fonctions et le

389 urope. Qui pourrait assumer, dans ces conditions, les fonctions et les devoirs qui vont bientôt incomber à l’Occident au pl

390 it assumer, dans ces conditions, les fonctions et les devoirs qui vont bientôt incomber à l’Occident au plan mondial, tels

391 ctions et les devoirs qui vont bientôt incomber à l’ Occident au plan mondial, tels que l’aide aux pays sous-développés, ou

392 t incomber à l’Occident au plan mondial, tels que l’ aide aux pays sous-développés, ou l’intervention effective en cas de c

393 ial, tels que l’aide aux pays sous-développés, ou l’ intervention effective en cas de crise internationale, ou en cas d’agr

394 contre un pays isolé ? Que peut encore signifier l’ expression Europe, sinon un ensemble de pays qui vivent, comme le dit

395 rope, sinon un ensemble de pays qui vivent, comme le dit alors P.-H. Spaak, « dans la peur des Russes et de la charité des

396 ui vivent, comme le dit alors P.-H. Spaak, « dans la peur des Russes et de la charité des Américains » ? C’est à ce moment

397 lors P.-H. Spaak, « dans la peur des Russes et de la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît, ou renaît en E

398 ? C’est à ce moment que naît, ou renaît en Europe le vieux rêve d’union du Continent. Et cela commence, comme toujours, pa

399 upuscules de militants — pour la plupart issus de la résistance à l’hitlérisme, même en Allemagne et en Italie — et qui bi

400 itants — pour la plupart issus de la résistance à l’ hitlérisme, même en Allemagne et en Italie — et qui bientôt formeront

401 Allemagne et en Italie — et qui bientôt formeront l’ Union européenne des fédéralistes et le Mouvement européen. Les économ

402 formeront l’Union européenne des fédéralistes et le Mouvement européen. Les économistes, de leur côté, supputent et calcu

403 péenne des fédéralistes et le Mouvement européen. Les économistes, de leur côté, supputent et calculent l’avenir immédiat.

404 économistes, de leur côté, supputent et calculent l’ avenir immédiat. Le professeur Maurice Allais déclare au congrès de La

405 r côté, supputent et calculent l’avenir immédiat. Le professeur Maurice Allais déclare au congrès de La Haye, en 1948, qu’

406 onnet et son équipe du Plan français se mettent à l’ œuvre en silence, loin des congrès et des associations de militants qu

407 es associations de militants qui leur ont préparé la voie dans les esprits. Puis des hommes politiques se proposent pour d

408 ns de militants qui leur ont préparé la voie dans les esprits. Puis des hommes politiques se proposent pour diriger ce mouv

409 ur diriger ce mouvement naissant, qui a peut-être le vent de l’histoire en poupe. Ils ne sont pas nombreux d’abord, ils ne

410 ce mouvement naissant, qui a peut-être le vent de l’ histoire en poupe. Ils ne sont pas nombreux d’abord, ils ne sont pas s

411 pas nombreux d’abord, ils ne sont pas suivis par la majorité de leurs collègues. Mais ce sont, notons-le, les plus illust

412 majorité de leurs collègues. Mais ce sont, notons- le , les plus illustres de l’époque : Churchill, De Gasperi, Léon Blum, P

413 rité de leurs collègues. Mais ce sont, notons-le, les plus illustres de l’époque : Churchill, De Gasperi, Léon Blum, Paul R

414 s. Mais ce sont, notons-le, les plus illustres de l’ époque : Churchill, De Gasperi, Léon Blum, Paul Reynaud, Robert Schuma

415 aul-Henri Spaak, enfin, plus tard et contre eux à l’ en croire, mais en fait dans le même sens final qui est celui d’une Eu

416 rd et contre eux à l’en croire, mais en fait dans le même sens final qui est celui d’une Europe autonome rendue forte par

417 CECA dès 1953, Marché commun et Euratom dès 1959. Les États, les services ministériels et les parlements ne se croient pas

418 53, Marché commun et Euratom dès 1959. Les États, les services ministériels et les parlements ne se croient pas encore en m

419 dès 1959. Les États, les services ministériels et les parlements ne se croient pas encore en mesure « d’aller plus loin ».

420 économique, comme on disait naguère. D’une part, le social est inséparable de l’économique, d’autre part, l’économie comm

421 naguère. D’une part, le social est inséparable de l’ économique, d’autre part, l’économie commande les armements, surtout a

422 al est inséparable de l’économique, d’autre part, l’ économie commande les armements, surtout au prix où ils sont. La polit

423 e l’économique, d’autre part, l’économie commande les armements, surtout au prix où ils sont. La politique en dépend donc a

424 mande les armements, surtout au prix où ils sont. La politique en dépend donc aussi étroitement qu’elle dépend par ailleur

425 aussi étroitement qu’elle dépend par ailleurs de l’ opinion, des idéologies nationales et des doctrines. Créer une union é

426 pays pour commencer, c’est virtuellement modifier les conditions politiques de toute l’Europe. Le problème de l’union polit

427 ement modifier les conditions politiques de toute l’ Europe. Le problème de l’union politique se trouve donc posé, inélucta

428 fier les conditions politiques de toute l’Europe. Le problème de l’union politique se trouve donc posé, inéluctablement, à

429 ions politiques de toute l’Europe. Le problème de l’ union politique se trouve donc posé, inéluctablement, à tous nos pays,

430 éluctablement, à tous nos pays, ne fût-ce que par la seule existence du Marché commun. Telle est donc la question européen

431 seule existence du Marché commun. Telle est donc la question européenne. Formulée tout d’abord par des intellectuels et d

432 ètes au plan économique, ayant par là même alerté les intérêts et l’opinion, elle débouche enfin sur le plan politique. Mai

433 nomique, ayant par là même alerté les intérêts et l’ opinion, elle débouche enfin sur le plan politique. Mais il serait exc

434 leine clarté. Au contraire, c’est à ce niveau que la discussion générale du problème dans la presse, les partis, les parle

435 iveau que la discussion générale du problème dans la presse, les partis, les parlements, les congrès et les déclarations d

436 a discussion générale du problème dans la presse, les partis, les parlements, les congrès et les déclarations des hommes d’

437 générale du problème dans la presse, les partis, les parlements, les congrès et les déclarations des hommes d’État témoign

438 blème dans la presse, les partis, les parlements, les congrès et les déclarations des hommes d’État témoigne de la plus gra

439 resse, les partis, les parlements, les congrès et les déclarations des hommes d’État témoigne de la plus grande confusion.

440 et les déclarations des hommes d’État témoigne de la plus grande confusion. Si l’on examine son vocabulaire, on s’aperçoit

441 s d’État témoigne de la plus grande confusion. Si l’ on examine son vocabulaire, on s’aperçoit qu’il utilise à peu près au

442 perçoit qu’il utilise à peu près au petit bonheur les termes d’union et d’unification, d’intégration et de fédération, d’un

443 on « plus étroite » (plus étroite que quoi, on ne le dit pas) et de communauté, de supranationalité et de super-État, ou e

444 imable anarchie sémantique, traduit non seulement l’ ignorance courante des problèmes ou l’inévitable manque d’information

445 n seulement l’ignorance courante des problèmes ou l’ inévitable manque d’information de l’opinion, mais peut-être surtout,

446 problèmes ou l’inévitable manque d’information de l’ opinion, mais peut-être surtout, et c’est plus grave, l’absence d’une

447 ion, mais peut-être surtout, et c’est plus grave, l’ absence d’une vision claire et convaincante des solutions proprement p

448 ques, qu’il faudra bien donner un jour prochain à la question européenne. En vue de cerner et de choisir au mieux l’objet

449 ropéenne. En vue de cerner et de choisir au mieux l’ objet de nos études dans un champ aussi vaste, essayons donc de défini

450 ns un champ aussi vaste, essayons donc de définir les quelques types principaux de solutions théoriquement imaginables ou p

451 guère que trois, qui se distinguent nettement par le rôle qu’y joueraient nos États. On peut concevoir idéalement une Euro

452 evoir idéalement une Europe unitaire, unifiée sur le modèle élargi aux dimensions continentales de nos États-nations centr

453 tinentales de nos États-nations centralisés, dont l’ exemple typique est la France. Dans une telle Europe, nos États actuel

454 s-nations centralisés, dont l’exemple typique est la France. Dans une telle Europe, nos États actuels ne joueraient plus q

455 République une et indivisible, ce qui amènerait à les redécouper en circonscriptions administratives moins inégales par l’é

456 rconscriptions administratives moins inégales par l’ étendue. Cette solution unitaire, jacobine ou napoléonienne, n’est en

457 pas un champ d’études utiles, car chacun voit que l’ unification de l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne serait

458 udes utiles, car chacun voit que l’unification de l’ Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne serait conforme ni aux

459 s du problème à résoudre. Il importe toutefois de la mentionner, ne fût-ce qu’à titre de limite, de conséquence extrême, i

460 conséquence extrême, inaccessible, qui marquerait le triomphe exclusif d’une seule des tendances contradictoires qui compo

461 seule des tendances contradictoires qui composent l’ esprit européen, je veux dire la tendance à l’unité abstraite, l’espri

462 res qui composent l’esprit européen, je veux dire la tendance à l’unité abstraite, l’esprit de géométrie d’un planificateu

463 ent l’esprit européen, je veux dire la tendance à l’ unité abstraite, l’esprit de géométrie d’un planificateur supposé capa

464 en, je veux dire la tendance à l’unité abstraite, l’ esprit de géométrie d’un planificateur supposé capable de modeler à so

465 lanificateur supposé capable de modeler à son gré la société. Dans les discussions sur la question européenne, cette utopi

466 osé capable de modeler à son gré la société. Dans les discussions sur la question européenne, cette utopie joue un rôle non

467 er à son gré la société. Dans les discussions sur la question européenne, cette utopie joue un rôle non négligeable, fût-c

468 alliances entre États souverains. C’est, de fait, la solution préconisée par les tenants de « l’Europe des patries », bell

469 rains. C’est, de fait, la solution préconisée par les tenants de « l’Europe des patries », belle expression hélas impropre

470 fait, la solution préconisée par les tenants de «  l’ Europe des patries », belle expression hélas impropre en l’occurrence,

471 des patries », belle expression hélas impropre en l’ occurrence, car, ainsi qu’a tenu à le préciser le général de Gaulle lu

472 impropre en l’occurrence, car, ainsi qu’a tenu à le préciser le général de Gaulle lui-même (conférence de presse de mai 1

473 l’occurrence, car, ainsi qu’a tenu à le préciser le général de Gaulle lui-même (conférence de presse de mai 1962), elle n

474 actuels resteraient pleinement souverains — dans la mesure toutefois où cette souveraineté ne serait pas limitée, en fait

475 re de problèmes qui pourraient et devraient faire l’ objet de recherches, dont je suggère seulement quelques têtes de chapi

476 pparus depuis 1945, et qui ont posé, précisément, la question européenne. Elle supposerait en tout cas un retrait, éventue

477 éventuellement impraticable ou très onéreux, sur les réalités économiques déjà créées ou modifiées par le Marché commun. D

478 réalités économiques déjà créées ou modifiées par le Marché commun. D’autre part, elle se fonde sur une certaine idée de l

479 utre part, elle se fonde sur une certaine idée de la souveraineté des États, considérés comme seule réalité tangible, ou p

480 rait certain pour ceux qui souhaiteraient laisser les choses autant que possible en l’état où elles sont. Mais est-il sûr q

481 eraient laisser les choses autant que possible en l’ état où elles sont. Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l

482 Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l’ on croit ? Pour répondre à cette question, il conviendrait d’examiner,

483 uit, Preuss, Lapradelle, Chabod et tant d’autres, la notion de souveraineté sans limites, constituée pendant la période ab

484 de souveraineté sans limites, constituée pendant la période absolutiste, et reprise par le xixe siècle des nationalismes

485 ée pendant la période absolutiste, et reprise par le xixe siècle des nationalismes. Il faudrait voir, d’une part, dans qu

486 ns quelle mesure cette notion est compatible avec le droit, et d’autre part, si elle correspond encore à des réalités tang

487 ités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puissent réellement exercer, comme faire la guerre ou la paix à

488 es États puissent réellement exercer, comme faire la guerre ou la paix à leur guise, assurer seuls leur défense, leur pros

489 sent réellement exercer, comme faire la guerre ou la paix à leur guise, assurer seuls leur défense, leur prospérité, leurs

490 aminer objectivement si, et dans quelle mesure, «  les choses étant ce qu’elles sont », la notion d’indépendance n’a pas déj

491 le mesure, « les choses étant ce qu’elles sont », la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas, en fait plus encore q

492 ont », la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas, en fait plus encore qu’en droit, à la notion d’interdépendance.

493 à cédé le pas, en fait plus encore qu’en droit, à la notion d’interdépendance. Mais l’objet de pareilles études risquerait

494 qu’en droit, à la notion d’interdépendance. Mais l’ objet de pareilles études risquerait d’être par trop transitoire, trop

495 oncevable, essentiellement différente de celle de l’ unification et de celle des alliances entre souverains, c’est la solut

496 et de celle des alliances entre souverains, c’est la solution fédéraliste. Dans une Europe fédérée, les États ne seraient

497 la solution fédéraliste. Dans une Europe fédérée, les États ne seraient pas effacés ou dissouts, ils ne seraient pas non pl

498 moins analogue à celui des cantons suisses, dont l’ autonomie se voit assurée par la force même de leur union. La fédérati

499 ons suisses, dont l’autonomie se voit assurée par la force même de leur union. La fédération garantirait leur souveraineté

500 se voit assurée par la force même de leur union. La fédération garantirait leur souveraineté — dans les domaines où elle

501 a fédération garantirait leur souveraineté — dans les domaines où elle peut et doit rester entière — tout en l’exerçant col

502 nes où elle peut et doit rester entière — tout en l’ exerçant collectivement dans d’autres domaines où, de toute façon, ell

503 onvient-il de considérer comme un quatrième type, la solution qui consisterait à étendre au plan politique les règles et m

504 tion qui consisterait à étendre au plan politique les règles et méthodes de l’intégration déjà réalisée au plan économique

505 endre au plan politique les règles et méthodes de l’ intégration déjà réalisée au plan économique par le Marché commun ? Vo

506 ’intégration déjà réalisée au plan économique par le Marché commun ? Voilà qui paraît difficile. En effet, le traité de Ro

507 hé commun ? Voilà qui paraît difficile. En effet, le traité de Rome n’évoque aucune solution de cet ordre. La déclaration

508 té de Rome n’évoque aucune solution de cet ordre. La déclaration des chefs d’État des Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961

509 éclaration des chefs d’État des Six, faite à Bonn le 18 juillet 1961, parle, il est vrai, de « donner forme à la volonté d

510 let 1961, parle, il est vrai, de « donner forme à la volonté d’union politique déjà implicite dans les traités qui ont ins

511 la volonté d’union politique déjà implicite dans les traités qui ont institué les Communautés européennes », mais elle ne

512 déjà implicite dans les traités qui ont institué les Communautés européennes », mais elle ne suggère pas les voies et moye

513 mmunautés européennes », mais elle ne suggère pas les voies et moyens qui pourraient permettre d’opérer un jour ou l’autre

514 rmettre d’opérer un jour ou l’autre ce passage de l’ économique au politique. Ni cette déclaration, ni le traité lui-même,

515 économique au politique. Ni cette déclaration, ni le traité lui-même, ne fournissent d’indications sur le type de régime p

516 traité lui-même, ne fournissent d’indications sur le type de régime politique dont l’intégration économique pourrait être

517 ’indications sur le type de régime politique dont l’ intégration économique pourrait être la préfigure, ou l’amorce. Ce rég

518 tique dont l’intégration économique pourrait être la préfigure, ou l’amorce. Ce régime serait-il interétatique, super état

519 gration économique pourrait être la préfigure, ou l’ amorce. Ce régime serait-il interétatique, super étatique, ou extraéta

520 super étatique, ou extraétatique, pour reprendre les distinctions proposées par Georges Scelle ? On ne sait. Et cela dépen

521 Georges Scelle ? On ne sait. Et cela dépendra de la prédominance finale d’un des trois types de solutions que je viens de

522 rièvement. Mais rien ne nous autorise à juger que le fédéralisme, déjà pratiqué quasi journellement dans les processus de

523 déralisme, déjà pratiqué quasi journellement dans les processus de décision des Communautés économiques, serait celle des t

524 ques, serait celle des trois solutions qui aurait le moins de chances dans cette compétition. ⁂ Les raisons qui nous ont f

525 ait le moins de chances dans cette compétition. ⁂ Les raisons qui nous ont fait retenir la solution fédéraliste comme thème

526 pétition. ⁂ Les raisons qui nous ont fait retenir la solution fédéraliste comme thème central de nos études, au cours de c

527 nature assez diverse. Raisons générales, d’abord. La solution fédéraliste paraît la mieux susceptible de répondre à la foi

528 énérales, d’abord. La solution fédéraliste paraît la mieux susceptible de répondre à la fois aux besoins nouveaux d’union,

529 qui sont là, incontestablement. Elle paraît aussi la plus propre à rallier ou à faire converger un jour ou l’autre les par

530 à rallier ou à faire converger un jour ou l’autre les partisans de l’Europe des États et ceux des États-Unis d’Europe, ceux

531 ire converger un jour ou l’autre les partisans de l’ Europe des États et ceux des États-Unis d’Europe, ceux qui insistent a

532 -Unis d’Europe, ceux qui insistent avant tout sur l’ autonomie de leur pays, et ceux qui insistent avant tout sur l’unité d

533 e leur pays, et ceux qui insistent avant tout sur l’ unité du continent. Raisons particulières ensuite. La solution fédéral

534 nité du continent. Raisons particulières ensuite. La solution fédéraliste est évidemment la plus conforme à l’expérience d

535 s ensuite. La solution fédéraliste est évidemment la plus conforme à l’expérience de la vie politique et civique du pays o

536 ion fédéraliste est évidemment la plus conforme à l’ expérience de la vie politique et civique du pays où nous sommes, et d

537 est évidemment la plus conforme à l’expérience de la vie politique et civique du pays où nous sommes, et dont je suis, pay

538 du pays où nous sommes, et dont je suis, pays que l’ on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de l’Europe uni

539 vent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de l’ Europe unie. Enfin, raisons immédiates et personnelles. Il se trouve q

540 et nos champs d’intérêts particuliers, avons tous les trois été amenés par nos précédents travaux à étudier certains aspect

541 iste, aspects complémentaires, qui n’épuisent pas le sujet, bien sûr, mais qui permettent tout au moins de l’approcher de

542 t, bien sûr, mais qui permettent tout au moins de l’ approcher de manières variées, avec les moyens du bord, dans un esprit

543 au moins de l’approcher de manières variées, avec les moyens du bord, dans un esprit commun. Or je pense qu’il existe une h

544 pense qu’il existe une harmonie préétablie entre le fédéralisme comme objet d’études et la méthode interdisciplinaire qui

545 blie entre le fédéralisme comme objet d’études et la méthode interdisciplinaire qui s’impose à nous. Car le fédéralisme n’

546 thode interdisciplinaire qui s’impose à nous. Car le fédéralisme n’est pas une doctrine toute faite, un dogme auquel il s’

547 oute faite, un dogme auquel il s’agirait de plier les réalités, mais une méthode générale d’aménagement des choses humaines

548 e s’explique bien que par son fonctionnement dans les domaines les plus divers. C’est ainsi que M. Henri Schwamm, en économ

549 bien que par son fonctionnement dans les domaines les plus divers. C’est ainsi que M. Henri Schwamm, en économiste qui suit

550 enri Schwamm, en économiste qui suit de très près l’ évolution et les répercussions de l’intégration, abordera le problème

551 n économiste qui suit de très près l’évolution et les répercussions de l’intégration, abordera le problème de la manière la

552 de très près l’évolution et les répercussions de l’ intégration, abordera le problème de la manière la plus concrète par u

553 n et les répercussions de l’intégration, abordera le problème de la manière la plus concrète par une comparaison des march

554 ussions de l’intégration, abordera le problème de la manière la plus concrète par une comparaison des marchés avant et apr

555 l’intégration, abordera le problème de la manière la plus concrète par une comparaison des marchés avant et après l’entrée

556 te par une comparaison des marchés avant et après l’ entrée en action des premières institutions supra- ou plurinationales

557 supra- ou plurinationales fonctionnant en Europe, la CECA, le Marché commun, l’AELE, etc. Il étudiera donc des exemples pr

558 plurinationales fonctionnant en Europe, la CECA, le Marché commun, l’AELE, etc. Il étudiera donc des exemples précis d’év

559 onctionnant en Europe, la CECA, le Marché commun, l’ AELE, etc. Il étudiera donc des exemples précis d’évolution des struct

560 aux divers stades d’une intégration progressive à l’ échelle européenne. Problème préfédéraliste, à parler rigoureusement,

561 t en soi. M. Dusan Sidjanski de son côté, décrira les structures institutionnelles dans lesquelles et grâce auxquelles se d

562 pprocher des formes fédéralistes. Il rejoindra de la sorte les études de méthode et d’évaluation des tendances politiques

563 des formes fédéralistes. Il rejoindra de la sorte les études de méthode et d’évaluation des tendances politiques vers l’int

564 ode et d’évaluation des tendances politiques vers l’ intégration, réunies dans le nouvel ouvrage qu’il publie ces jours-ci 

565 ances politiques vers l’intégration, réunies dans le nouvel ouvrage qu’il publie ces jours-ci : Dimensions européennes de

566 l publie ces jours-ci : Dimensions européennes de la science politique. Enfin, je me propose, pour ma part, d’aborder le p

567 ue. Enfin, je me propose, pour ma part, d’aborder le problème sur le plan de l’histoire des idées, en traitant des aspects

568 our ma part, d’aborder le problème sur le plan de l’ histoire des idées, en traitant des aspects fédéralistes dans les proj

569 idées, en traitant des aspects fédéralistes dans les projets et plans d’union européenne, du Moyen Âge à nos jours. Paral

570 oriens, économistes, théoriciens et praticiens de l’ intégration, pour étudier les perspectives d’une solution fédéraliste

571 iens et praticiens de l’intégration, pour étudier les perspectives d’une solution fédéraliste de la question européenne. Le

572 er les perspectives d’une solution fédéraliste de la question européenne. Le groupe doit se réunir pour la première fois d

573 e solution fédéraliste de la question européenne. Le groupe doit se réunir pour la première fois dans quelques semaines. L

574 nir pour la première fois dans quelques semaines. Les étudiants avancés qui auront présenté en conférence des travaux intér

575 té en conférence des travaux intéressants, auront la possibilité d’y participer. Voilà donc le programme initial de notre

576 auront la possibilité d’y participer. Voilà donc le programme initial de notre petit Institut. Moyens modestes, longues v

577 mais qu’il semble urgent d’entreprendre là où on le peut, dans l’esprit du proverbe chinois qui dit : « Mieux vaut allume

578 mble urgent d’entreprendre là où on le peut, dans l’ esprit du proverbe chinois qui dit : « Mieux vaut allumer une petite c

579 vaut allumer une petite chandelle que de maudire l’ obscurité ! » ⁂ Ces quelques propos d’introduction générale ne me lais

580 me laissent pas beaucoup de temps pour introduire le sujet particulier de mon cours, mais je souhaite qu’ils aient permis

581 souhaite qu’ils aient permis déjà d’en pressentir les intentions. Il pourrait sembler logique de commencer par définir le f

582 pourrait sembler logique de commencer par définir le fédéralisme avant d’en étudier les exemples, soit dans l’expression,

583 cer par définir le fédéralisme avant d’en étudier les exemples, soit dans l’expression, soit dans l’application. Toutefois,

584 alisme avant d’en étudier les exemples, soit dans l’ expression, soit dans l’application. Toutefois, ce procédé classique s

585 r les exemples, soit dans l’expression, soit dans l’ application. Toutefois, ce procédé classique serait trompeur dans le c

586 tefois, ce procédé classique serait trompeur dans le cas particulier, car il se trouve que le fédéralisme n’est précisémen

587 eur dans le cas particulier, car il se trouve que le fédéralisme n’est précisément pas un système logique que l’on puisse

588 isme n’est précisément pas un système logique que l’ on puisse déduire dans l’abstrait à partir d’une définition simple et

589 s un système logique que l’on puisse déduire dans l’ abstrait à partir d’une définition simple et de quelques principes axi

590 simple et de quelques principes axiomatiques. On l’ a même décrit comme l’antisystème10. Aux yeux de la plupart des auteur

591 principes axiomatiques. On l’a même décrit comme l’ antisystème10. Aux yeux de la plupart des auteurs contemporains qui s’

592 part des auteurs contemporains qui s’en déclarent les adeptes, c’est une attitude de pensée et une méthode de conduite, plu

593 simples et aux structures géométriques. Tenter de le définir d’entrée de jeu serait donc s’exposer à trahir méthodiquement

594 te pourquoi ce sont ses adversaires qui éprouvent le moins de scrupules à en donner des caractérisations brèves et simples

595 ctérisations brèves et simples. Et voilà pourquoi les dictionnaires échouent à le définir en tant que méthode, et pas seule

596 s. Et voilà pourquoi les dictionnaires échouent à le définir en tant que méthode, et pas seulement comme un système politi

597 age ; certains d’entre eux ridiculisent carrément le terme. Ainsi, le dictionnaire de Littré, dans sa 1re édition qui date

598 entre eux ridiculisent carrément le terme. Ainsi, le dictionnaire de Littré, dans sa 1re édition qui date de 1863 : Fédé

599 e. Système, doctrine du gouvernement fédératif. «  Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employé

600 « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Chateaubriand, Amérique,

601 formes politiques les plus communes employées par les sauvages. » Chateaubriand, Amérique, Gouvernement. Pendant la révolut

602  » Chateaubriand, Amérique, Gouvernement. Pendant la révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale

603 volution, projet attribué aux girondins de rompre l’ unité nationale et de transformer la France en une fédération de petit

604 ins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. Vingt-et-un ans plus tard,

605 tion de petits États. Vingt-et-un ans plus tard, le dictionnaire historique de Grégoire récidive, et je cite : Fédérali

606 cite : Fédéralisme. En 1792 et 1793, on accusa les girondins de vouloir substituer à l’unité nationale le fédéralisme, c

607 , on accusa les girondins de vouloir substituer à l’ unité nationale le fédéralisme, c’est-à-dire une association des dépar

608 rondins de vouloir substituer à l’unité nationale le fédéralisme, c’est-à-dire une association des départements qui eussen

609 ent formé autant de républiques distinctes, comme les cantons suisses… Cette calomnie propagée par les montagnards excita l

610 les cantons suisses… Cette calomnie propagée par les montagnards excita le peuple de Paris contre les girondins… Les dict

611 ette calomnie propagée par les montagnards excita le peuple de Paris contre les girondins… Les dictionnaires anglais renv

612 les montagnards excita le peuple de Paris contre les girondins… Les dictionnaires anglais renvoient, eux, à l’exemple de

613 excita le peuple de Paris contre les girondins… Les dictionnaires anglais renvoient, eux, à l’exemple de l’Union américai

614 tionnaires anglais renvoient, eux, à l’exemple de l’ Union américaine. Le tempérament britannique passe pour pragmatique et

615 envoient, eux, à l’exemple de l’Union américaine. Le tempérament britannique passe pour pragmatique et donc plus favorable

616 matique et donc plus favorable au fédéralisme que l’ esprit français, qui passe pour cartésien. Ce sont pourtant deux juris

617 or Jennings et C. M. Young, qui définissent ainsi la structure fédérale : « Une forme de gouvernement extravagante et inef

618 onstatons qu’il leur faut des livres entiers pour l’ exposer ou, mieux, pour en décrire et communiquer l’habitus. Parmi les

619 exposer ou, mieux, pour en décrire et communiquer l’ habitus. Parmi les ouvrages capitaux consacrés au fédéralisme, quelque

620 , pour en décrire et communiquer l’habitus. Parmi les ouvrages capitaux consacrés au fédéralisme, quelques titres doivent ê

621 sme, quelques titres doivent être cités d’emblée. Les 85 articles écrits par Jay, Hamilton et Madison pour défendre la Cons

622 écrits par Jay, Hamilton et Madison pour défendre la Constitution fédérale américaine rédigée en 1787, composent l’énorme

623 on fédérale américaine rédigée en 1787, composent l’ énorme volume intitulé The Federalist (dont une traduction française a

624 ction française a paru en 1957). En France, c’est l’ œuvre posthume de Proudhon, Du Principe fédératif, qui, en 1863 (l’ann

625 de Proudhon, Du Principe fédératif, qui, en 1863 ( l’ année même où Littré publie l’article que je viens de citer) inaugure

626 atif, qui, en 1863 (l’année même où Littré publie l’ article que je viens de citer) inaugure la révolte fédéraliste contre

627 publie l’article que je viens de citer) inaugure la révolte fédéraliste contre l’orthodoxie jacobine et l’étatisme triomp

628 de citer) inaugure la révolte fédéraliste contre l’ orthodoxie jacobine et l’étatisme triomphant. En Prusse, c’est Constan

629 volte fédéraliste contre l’orthodoxie jacobine et l’ étatisme triomphant. En Prusse, c’est Constantin Franz, conservateur s

630 nent une série de mises au point systéma­tiques : Le Fur publie en 1896 son ouvrage intitulé État fédératif et Confédérati

631 dération d’États (distinction classique, mais que les dictionnaires déjà cités et contemporains continuent d’ignorer serein

632 droit des gens, tome I, paru en 1932, généralise la méthode fédéraliste et l’étend à toutes les structures intersociales,

633 aru en 1932, généralise la méthode fédéraliste et l’ étend à toutes les structures intersociales, qu’elles soient ou non ét

634 ralise la méthode fédéraliste et l’étend à toutes les structures intersociales, qu’elles soient ou non étatiques ; l’équipe

635 intersociales, qu’elles soient ou non étatiques ; l’ équipe de l’Ordre nouveau, de 1932 à 1939, avec Arnaud Dandieu, Robert

636 nspire de ses travaux, rénove ce que j’ai nommé «  l’ attitude fédéraliste ». Plusieurs des membres de ce groupe, dispersé d

637 sé dès 1939, se retrouvent pour déclencher, après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement qui aboutit au congrès de Montr

638 our déclencher, après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement qui aboutit au congrès de Montreux (1947) suivi par le Cong

639 i aboutit au congrès de Montreux (1947) suivi par le Congrès de l’Europe, à La Haye, en 1948, d’où sont issues les premièr

640 ongrès de Montreux (1947) suivi par le Congrès de l’ Europe, à La Haye, en 1948, d’où sont issues les premières réalisation

641 nt issues les premières réalisations européennes, le Conseil de l’Europe notamment. Citons enfin les deux tomes d’Études s

642 s, le Conseil de l’Europe notamment. Citons enfin les deux tomes d’Études sur le fédéralisme, composés par une trentaine de

643 tamment. Citons enfin les deux tomes d’Études sur le fédéralisme, composés par une trentaine de professeurs américains sou

644 par une trentaine de professeurs américains sous la direction de Robert Bowie et de Carl Friedrich, et récemment traduits

645 ombreux ouvrages consacrés à notre question après la Seconde Guerre mondiale — c’est le Fédéralisme contemporain, par Henr

646 question après la Seconde Guerre mondiale — c’est le Fédéralisme contemporain, par Henri Brugmans et Pierre Duclos — le se

647  : Tout démontre que, quel que soit son avenir, [ le fédéralisme] est autre chose qu’une simple recette juridique ou polit

648 ie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée de

649 ation, capable, au même titre que le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés. Ain

650 u même titre que le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés. Ainsi donc, entre le

651 isme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés. Ainsi donc, entre le fédéralisme considéré par

652 menter la pensée des sociétés. Ainsi donc, entre le fédéralisme considéré par l’esprit jacobin comme trahison de l’unité

653 . Ainsi donc, entre le fédéralisme considéré par l’ esprit jacobin comme trahison de l’unité nationale sacro-sainte, le fé

654 considéré par l’esprit jacobin comme trahison de l’ unité nationale sacro-sainte, le fédéralisme considéré simplement comm

655 comme trahison de l’unité nationale sacro-sainte, le fédéralisme considéré simplement comme système d’association d’États,

656 implement comme système d’association d’États, et le fédéralisme considéré par la nouvelle école que décrit Pierre Duclos

657 ociation d’États, et le fédéralisme considéré par la nouvelle école que décrit Pierre Duclos comme un des grands styles de

658 styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discussion est très ouverte… J’ai donc estimé qu’au lieu de partir d’

659 lus honnête et enseignant d’aller rechercher dans les écrits des précurseurs de l’Europe unie, à partir du xive siècle, et

660 ler rechercher dans les écrits des précurseurs de l’ Europe unie, à partir du xive siècle, et en remontant peu à peu vers

661 cle, et en remontant peu à peu vers notre époque, les éléments d’une tradition fédéraliste de l’Europe ; quitte à déduire,

662 oque, les éléments d’une tradition fédéraliste de l’ Europe ; quitte à déduire, finalement, de cette enquête, quelques crit

663 définitions, et en passant, quelques lumières sur le rôle effectif des utopies politiques. La plupart de ces plans sont re

664 ependant, ce n’est pas une histoire des échecs de l’ idée européenne, ni des déchets de la pensée fédéraliste, ni des curio

665 es échecs de l’idée européenne, ni des déchets de la pensée fédéraliste, ni des curiosa de l’esprit occidental que je me p

666 chets de la pensée fédéraliste, ni des curiosa de l’ esprit occidental que je me propose de retracer et qui mérite de reten

667 e me propose de retracer et qui mérite de retenir l’ attention des étudiants. Ces plans et projets constituent autant de pr

668 époque, autant de documents paléontologiques sur les conceptions et croyances régnantes en leur temps, soit qu’ils les ref

669 et croyances régnantes en leur temps, soit qu’ils les reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décrire —, soit

670 reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’opposent expressément à « ce qui allait de s

671 du vivant de leurs auteurs, et dont ils annoncent la modification ou anticipent le dépassement. Ainsi, la considération d’

672 dont ils annoncent la modification ou anticipent le dépassement. Ainsi, la considération d’un traité de Dante (le De Mona

673 modification ou anticipent le dépassement. Ainsi, la considération d’un traité de Dante (le De Monarchia, qui date de 1308

674 nt. Ainsi, la considération d’un traité de Dante ( le De Monarchia, qui date de 1308) et d’un plan confédéral de Pierre Dub

675 e 1308) et d’un plan confédéral de Pierre Dubois ( le De Recuperatione Terre Sancte, qui date de 1306), nous permettront d’

676 e, qui date de 1306), nous permettront d’analyser les deux grandes origines antinomiques de la question européenne, l’empir

677 nalyser les deux grandes origines antinomiques de la question européenne, l’empire et les nations. Dante écrit son traité

678 origines antinomiques de la question européenne, l’ empire et les nations. Dante écrit son traité au moment où le Saint-Em

679 tinomiques de la question européenne, l’empire et les nations. Dante écrit son traité au moment où le Saint-Empire, princip

680 les nations. Dante écrit son traité au moment où le Saint-Empire, principe d’unité, est en crise, en décadence. Pierre Du

681 ment où la première nation se constitue, menaçant la double unité de l’empire et de la papauté. Et je relève que ces deux

682 nation se constitue, menaçant la double unité de l’ empire et de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont prati

683 titue, menaçant la double unité de l’empire et de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement contemp

684 deux ouvrages sont pratiquement contemporains de la naissance de notre confédération, qui résulte, elle, du mouvement des

685 mouvement des communes12, troisième composante de l’ époque. Vous pressentez qu’il y aura, là-dessus, beaucoup à dire. L’éc

686 ssentez qu’il y aura, là-dessus, beaucoup à dire. L’ échec historique de ces projets et de ceux qui les suivront au cours d

687 L’échec historique de ces projets et de ceux qui les suivront au cours des siècles jusqu’à nous, est certes significatif,

688 nous, est certes significatif, et j’en examinerai les causes. Dans ce contexte, il s’agira de repérer la nature des obstacl

689 s causes. Dans ce contexte, il s’agira de repérer la nature des obstacles traditionnels de l’union, et d’essayer de mieux

690 repérer la nature des obstacles traditionnels de l’ union, et d’essayer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains de c

691 onnels de l’union, et d’essayer de mieux voir, de la sorte, pourquoi certains de ces obstacles sont en train de céder aujo

692 ns important de rechercher dans ces plans avortés les étymologies vivantes du vocabulaire politique européen de la plupart

693 alisme, terme inventé par Rousseau, prétend-il, à l’ occasion de sa critique des utopies de l’abbé de Saint-Pierre, encore

694 nd-il, à l’occasion de sa critique des utopies de l’ abbé de Saint-Pierre, encore que Proudhon, cent ans plus tard, revendi

695 lement cette paternité. À cet égard, nous aurons l’ occasion d’illustrer fréquemment un phénomène curieux : la pratique du

696 on d’illustrer fréquemment un phénomène curieux : la pratique du fédéralisme a précédé de plusieurs siècles sa théorie (ce

697 sieurs siècles sa théorie (ceci peut être vérifié le plus exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’a été connu qu’au m

698 e (ceci peut être vérifié le plus exactement dans l’ histoire suisse). Le mot n’a été connu qu’au moment où la chose était

699 rifié le plus exactement dans l’histoire suisse). Le mot n’a été connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant

700 ire suisse). Le mot n’a été connu qu’au moment où la chose était niée par un puissant parti, les jacobins, tandis qu’elle

701 ent où la chose était niée par un puissant parti, les jacobins, tandis qu’elle se réalisait enfin, mais hors d’Europe, dans

702 elle se réalisait enfin, mais hors d’Europe, dans la Constitution américaine. Nous montrerons aussi dans quelle mesure les

703 ricaine. Nous montrerons aussi dans quelle mesure les préoccupations économiques, totalement absentes des plans du xive si

704 ntes des plans du xive siècle, apparaissent avec les plans du xviie , dont celui du moine parisien Émeric Crucé, qui propo

705 x européens » ; comment elles se développent dans les plans de Bentham et de Saint-Simon ; enfin comment elles aboutissent

706 in comment elles aboutissent aux réalisations que l’ on sait dans notre temps. C’est donc une sorte de généalogie des grand

707 Podiebrad, et ensuite du ministre déchu qu’était le duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’était William Penn, p

708 n Perse, de son vrai nom Alexis Léger, qui rédige le Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne

709 ai nom Alexis Léger, qui rédige le Mémorandum sur l’ organisation d’un régime d’union fédérale européenne adressé par Brian

710 d’union fédérale européenne adressé par Briand à la Société des Nations en 1930, la galerie des auteurs de plans que nous

711 essé par Briand à la Société des Nations en 1930, la galerie des auteurs de plans que nous allons parcourir n’est pas seul

712 au cœur des débats idéologiques et politiques de l’ Europe actuelle. J’inscris donc sur son seuil : nostra res agitur !

713 son seuil : nostra res agitur ! 10. Jean Maze, L’ Anti-Système, Fayard, Paris 1960. Voir aussi mes « Orientations vers u

714 », Fururibles, n° 56, Paris, 1963. 11. Cité dans Le Fédéralisme contemporain, par H. Brugmans et Pierre Duclos, Sijthoff,

715 Pierre Duclos, Sijthoff, Leyden, 1963. 12. Comme l’ ont montré en premier lieu des historiens suisses tels que Karl Meyer

716 Rougemont Denis de, « Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours », Basti

717 , Bastions de Genève, Genève, 1963, p. 61-72. k. L’ auteur est présenté par cette note : « Denis de Rougemont : né en 1906

718 philosophie. Éditeur à Paris dès 1931. Lecteur à l’ Université de Francfort 1935-1936. Cours à l’École libre des hautes ét

719 ur à l’Université de Francfort 1935-1936. Cours à l’ École libre des hautes études de New York de 1941 à 1946. Fonde en 194

720 études de New York de 1941 à 1946. Fonde en 1948 le Centre européen de la culture à Genève, qu’il dirige encore aujourd’h

721 951, président du comité exécutif du Congrès pour la liberté de la culture. Auteur de 24 ouvrages qui ont été traduits en

722 du comité exécutif du Congrès pour la liberté de la culture. Auteur de 24 ouvrages qui ont été traduits en 12 langues. »

723 Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)b Les Suisses sont tard ven

724 à la civilisation occidentale (janvier 1963)b Les Suisses sont tard venus dans le développement de la culture occidenta

725 anvier 1963)b Les Suisses sont tard venus dans le développement de la culture occidentale ; ils n’y entrent en fait et

726 Suisses sont tard venus dans le développement de la culture occidentale ; ils n’y entrent en fait et d’une manière distin

727 d’une manière distincte qu’au troisième quart de l’ ère chrétienne : au xvie siècle. Mais c’est alors un « carré suisse »

728 se » — cette formation guerrière qui dominait sur les champs de bataille de l’époque, rangs pressés de porteurs de longues

729 rrière qui dominait sur les champs de bataille de l’ époque, rangs pressés de porteurs de longues piques, de hallebardes, d

730 et d’arquebuses — qui fait son entrée résolue sur la grande scène européenne : ses capitaines sont le réformateur Zwingli,

731 la grande scène européenne : ses capitaines sont le réformateur Zwingli, le peintre-poète Manuel, le médecin-philosophe P

732 nne : ses capitaines sont le réformateur Zwingli, le peintre-poète Manuel, le médecin-philosophe Paracelse, et l’architect

733 le réformateur Zwingli, le peintre-poète Manuel, le médecin-philosophe Paracelse, et l’architecte Fontana. Mais de cette

734 poète Manuel, le médecin-philosophe Paracelse, et l’ architecte Fontana. Mais de cette époque à nos jours, la densité de cr

735 itecte Fontana. Mais de cette époque à nos jours, la densité de création intellectuelle et artistique dans l’ensemble des

736 ité de création intellectuelle et artistique dans l’ ensemble des petits États qui constituent l’actuelle Confédération est

737 dans l’ensemble des petits États qui constituent l’ actuelle Confédération est sans doute supérieure à celle de toute autr

738 celle de toute autre région prise au hasard dans les pays voisins, et qui serait comparable à la Suisse par l’étendue et l

739 dans les pays voisins, et qui serait comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On excepte, bien entendu, Lon

740 voisins, et qui serait comparable à la Suisse par l’ étendue et la population. (On excepte, bien entendu, Londres et Paris.

741 ui serait comparable à la Suisse par l’étendue et la population. (On excepte, bien entendu, Londres et Paris.) Pourquoi ce

742 mesure peut-on dire que cet apport des Suisses à la culture représente une contribution de la Suisse en tant qu’entité ou

743 isses à la culture représente une contribution de la Suisse en tant qu’entité ou système de valeurs spécifique ? C’est à c

744 deux questions que je vais tenter de répondre. ⁂ La Suisse n’existe que depuis cent-quinze ans sous la forme d’un État fé

745 a Suisse n’existe que depuis cent-quinze ans sous la forme d’un État fédéral et solidement constitué. Auparavant, de la fi

746 t fédéral et solidement constitué. Auparavant, de la fin du xiiie jusqu’au milieu du xixe siècle, elle n’était guère qu’

747 lâche de petits États souverains, très variés par la forme politique, l’économie, la confession, la langue. Elle dépendait

748 s souverains, très variés par la forme politique, l’ économie, la confession, la langue. Elle dépendait ainsi, à des titres

749 , très variés par la forme politique, l’économie, la confession, la langue. Elle dépendait ainsi, à des titres divers, de

750 ar la forme politique, l’économie, la confession, la langue. Elle dépendait ainsi, à des titres divers, de plusieurs grand

751 , linguistiques ou politiques dépassant largement les frontières de ce que l’on nommait les ligues suisses. Les plus grands

752 ques dépassant largement les frontières de ce que l’ on nommait les ligues suisses. Les plus grands esprits et les meilleur

753 t largement les frontières de ce que l’on nommait les ligues suisses. Les plus grands esprits et les meilleurs artistes sui

754 tières de ce que l’on nommait les ligues suisses. Les plus grands esprits et les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’

755 it les ligues suisses. Les plus grands esprits et les meilleurs artistes suisses sont d’abord d’un canton déterminé (qui n’

756 éennes, non seulement par leur rayonnement (comme le furent celle d’un Racine, d’un Newton, d’un Kant, d’un Novalis, d’un

757 urs horizons, leurs allégeances spirituelles, par les lieux où ils agirent de leur vivant, et par les influences subies ou

758 r les lieux où ils agirent de leur vivant, et par les influences subies ou exercées. Pays de gens moyens, oui, disait Luci

759 eur canton, alors pas de milieu, ils atteignent à l’ universel… Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Je

760 teignent à l’universel… Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Burckhardt ou,

761 l’universel… Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un au

762 ans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou l’ Europe. Ainsi, le stade national est sauté. J’oserai dire que je vois

763 ne, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Ainsi, le stade national est sauté. J’oserai dire que je vois là, précisément,

764 quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent, c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants con

765 la dépassent, c’est pour rejoindre immédiatement les grands courants continentaux ; parfois, pour les déterminer. Les prem

766 les grands courants continentaux ; parfois, pour les déterminer. Les premiers cantons suisses reçurent leurs libertés non

767 sses reçurent leurs libertés non des suzerains de la région, mais, par-dessus leur tête, du seul empereur. Leur liberté, c

768 r. Leur liberté, c’était ce qu’on nommait alors «  l’ immédiateté à l’Empire » (Reichsunmittelbarkeit). Il en va de même dan

769 c’était ce qu’on nommait alors « l’immédiateté à l’ Empire » (Reichsunmittelbarkeit). Il en va de même dans le domaine cul

770  » (Reichsunmittelbarkeit). Il en va de même dans le domaine culturel. Nous sommes, nous Suisses, immédiats à l’Europe, co

771 culturel. Nous sommes, nous Suisses, immédiats à l’ Europe, condamnés à l’Europe, dirais-je, quand nous sortons de notre c

772 , nous Suisses, immédiats à l’Europe, condamnés à l’ Europe, dirais-je, quand nous sortons de notre commune originelle. Cet

773 uation particulière est très conforme au génie de la culture occidentale, car celle-ci a toujours été faite par des foyers

774 t par des traditions communes à tous nos peuples, la grecque, la romaine, la chrétienne, bien antérieures aux découpages e

775 aditions communes à tous nos peuples, la grecque, la romaine, la chrétienne, bien antérieures aux découpages en couleurs p

776 munes à tous nos peuples, la grecque, la romaine, la chrétienne, bien antérieures aux découpages en couleurs plates que mo

777 n couleurs plates que montrent nos atlas d’école. La multiplicité des foyers créateurs fournit à la Suisse ses meilleures

778 e. La multiplicité des foyers créateurs fournit à la Suisse ses meilleures chances, et c’est elle qui, dans le cas de la S

779 e ses meilleures chances, et c’est elle qui, dans le cas de la Suisse — compartimentée à l’extrême, mais liée par tout un

780 leures chances, et c’est elle qui, dans le cas de la Suisse — compartimentée à l’extrême, mais liée par tout un réseau d’é

781 qui, dans le cas de la Suisse — compartimentée à l’ extrême, mais liée par tout un réseau d’échanges spirituels avec ses g

782 es spirituels avec ses grands voisins — constitue la raison suffisante du phénomène exceptionnel que je constatais tout à

783 u phénomène exceptionnel que je constatais tout à l’ heure. Genève, avec Calvin et Théodore de Bèze, Bâle, avec Érasme et H

784 avec Érasme et Holbein, Zurich avec Zwingli, sont les trois premiers foyers de rayonnement européen des ligues. Aussitôt pr

785 éen des ligues. Aussitôt prolifèrent autour d’eux les bases de lancement de nos fusées culturelles. Paracelse, natif d’Eins

786 aracelse, natif d’Einsiedeln, grand précurseur de la médecine la plus moderne, vagabonde en de nombreux pays où il invente

787 tif d’Einsiedeln, grand précurseur de la médecine la plus moderne, vagabonde en de nombreux pays où il invente et exerce s

788 ce son art, puis revient enseigner en Suisse dans les dernières années de sa vie. Les Bernouilli et Léonard Euler, héritier

789 er en Suisse dans les dernières années de sa vie. Les Bernouilli et Léonard Euler, héritiers de la tradition humaniste et p

790 ie. Les Bernouilli et Léonard Euler, héritiers de la tradition humaniste et piétiste de Bâle et rivalisant de génie dans l

791 e et piétiste de Bâle et rivalisant de génie dans les mathématiques et la physique, vivent aux cours de Russie et de Prusse

792 et rivalisant de génie dans les mathématiques et la physique, vivent aux cours de Russie et de Prusse, ou professent à Gr

793 historien des Suisses », mais également auteur de la célèbre Vue générale du genre humain, entre au service des empereurs

794 ntre au service des empereurs autrichiens puis de la Prusse. Jean-Jacques Rousseau, « citoyen de Genève », vit en France,

795 défend avec éloquence un plan d’union fédérale de l’ Europe, et modifie plus que nul autre la sensibilité occidentale. De Z

796 dérale de l’Europe, et modifie plus que nul autre la sensibilité occidentale. De Zurich au début du xviiie siècle, rayonn

797 le. De Zurich au début du xviiie siècle, rayonne l’ école suisse du doyen Bodmer puis des Idylles de Salomon Gessner et de

798 ulations mystiques de Lavater ; et Zurich devient le foyer d’une renaissance de la littérature dans les Allemagnes. De Cop

799 ; et Zurich devient le foyer d’une renaissance de la littérature dans les Allemagnes. De Coppet rayonne sur la France le g

800 le foyer d’une renaissance de la littérature dans les Allemagnes. De Coppet rayonne sur la France le génie de Mme de Staël

801 rature dans les Allemagnes. De Coppet rayonne sur la France le génie de Mme de Staël et de sa cour cosmopolite, où brillen

802 s les Allemagnes. De Coppet rayonne sur la France le génie de Mme de Staël et de sa cour cosmopolite, où brillent Sismondi

803 ismondi et Benjamin Constant, initiateurs l’un de l’ économie et l’autre de la politique libérales qui allaient marquer tou

804 ant, initiateurs l’un de l’économie et l’autre de la politique libérales qui allaient marquer tout le xixe siècle. Cinqua

805 la politique libérales qui allaient marquer tout le xixe siècle. Cinquante ans plus tard, c’est à Bâle que s’allume un n

806 par son Matriarcat une conception sociologique de l’ ethnographie, Jacob Burckhardt par ses ouvrages sur la Renaissance et

807 hnographie, Jacob Burckhardt par ses ouvrages sur la Renaissance et ses Weltgeschichtliche Betrachtungen renouvelle une vi

808 etrachtungen renouvelle une vision synthétique de l’ histoire, dont son fervent disciple, Nietzsche — qui est aussi son plu

809 lté — nourrira son génie bouleversant. Puis c’est le tour de Genève, une fois de plus, et de Zurich tôt après, d’où rayonn

810 plus, et de Zurich tôt après, d’où rayonnent sur l’ Europe entière et l’Amérique l’Institut Rousseau des Claparède, Bovet

811 tôt après, d’où rayonnent sur l’Europe entière et l’ Amérique l’Institut Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget, et l

812 Rousseau des Claparède, Bovet et Jean Piaget, et l’ école du grand C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la ps

813 et Jean Piaget, et l’école du grand C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la psychologie occidentales en seron

814 t l’école du grand C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la psychologie occidentales en seront transformés san

815 C. G. Jung : les fondements de la pédagogie et de la psychologie occidentales en seront transformés sans retour. Enfin, n’

816 nt transformés sans retour. Enfin, n’oublions pas l’ influence mondiale de la pensée théologique de Karl Barth : elle dépas

817 ur. Enfin, n’oublions pas l’influence mondiale de la pensée théologique de Karl Barth : elle dépasse largement les limites

818 héologique de Karl Barth : elle dépasse largement les limites de la confession protestante. ⁂ Mais s’il reste vrai que la S

819 arl Barth : elle dépasse largement les limites de la confession protestante. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’est pa

820 onfession protestante. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’est pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant des

821 ste vrai que la Suisse n’est pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’un agglomérat de foyers sa

822 at de foyers sans capitale, et moins en relations les uns avec les autres qu’avec les grands ensembles européens, peut-on d

823 sans capitale, et moins en relations les uns avec les autres qu’avec les grands ensembles européens, peut-on déceler des ca

824 oins en relations les uns avec les autres qu’avec les grands ensembles européens, peut-on déceler des caractères communs et

825 énumération complète de nos gloires ayant atteint le niveau européen, ou même mondial, dessinerait un profil caractéristiq

826 essions autant que par ses sommets. Dépressions : la musique, la poésie et la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture

827 nt que par ses sommets. Dépressions : la musique, la poésie et la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture et le roman.

828 s sommets. Dépressions : la musique, la poésie et la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture et le roman. Sommets : la

829 , la poésie et la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture et le roman. Sommets : la philosophie politique et historiqu

830 la métaphysique. Coteaux modérés : la peinture et le roman. Sommets : la philosophie politique et historique, la théologie

831 eaux modérés : la peinture et le roman. Sommets : la philosophie politique et historique, la théologie, la psychologie et

832 Sommets : la philosophie politique et historique, la théologie, la psychologie et la pédagogie, la littérature d’idées, le

833 hilosophie politique et historique, la théologie, la psychologie et la pédagogie, la littérature d’idées, les sciences et

834 ue et historique, la théologie, la psychologie et la pédagogie, la littérature d’idées, les sciences et la technique. Comm

835 ue, la théologie, la psychologie et la pédagogie, la littérature d’idées, les sciences et la technique. Comment interpréte

836 chologie et la pédagogie, la littérature d’idées, les sciences et la technique. Comment interpréter cette courbe mouvementé

837 édagogie, la littérature d’idées, les sciences et la technique. Comment interpréter cette courbe mouvementée ? Certes, tou

838 terpréter cette courbe mouvementée ? Certes, tous les pays européens n’ont pas leur Mozart, leur Rembrandt, leur Baudelaire

839 Descartes. Mais force est bien de reconnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique flamande de la Renaissance

840 econnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique flamande de la Renaissance, à la peinture hollandaise ou véni

841 e n’a rien de comparable à la musique flamande de la Renaissance, à la peinture hollandaise ou vénitienne du xviiie siècl

842 arable à la musique flamande de la Renaissance, à la peinture hollandaise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’elle s’es

843 partir du xixe siècle : point de grand art dans les petits pays. Un Ludwig Senfl au xvie siècle, un Arthur Honegger et u

844 de nos jours, mais rien qui vraiment compte dans l’ entre-deux, cela ne fait pas une tradition musicale ; et les épopées s

845 eux, cela ne fait pas une tradition musicale ; et les épopées symboliques démesurées d’un Carl Spitteler ne suffisent pas à

846 es de médiocrité dans nos productions versifiées. La peinture avait pris un beau départ au xvie siècle, mais l’école turb

847 e avait pris un beau départ au xvie siècle, mais l’ école turbulente de Conrad Witz, de Nicolas Manuel, de Hans Friess et

848 Alberto Giacometti, un poème de Blaise Cendrars : l’ amateur non prévenu n’y verra pas la Suisse, comme il voit à coup sûr

849 se Cendrars : l’amateur non prévenu n’y verra pas la Suisse, comme il voit à coup sûr l’Espagne dans les œuvres de Picasso

850 n’y verra pas la Suisse, comme il voit à coup sûr l’ Espagne dans les œuvres de Picasso, le ghetto russe dans celles de Cha

851 a Suisse, comme il voit à coup sûr l’Espagne dans les œuvres de Picasso, le ghetto russe dans celles de Chagall, ou les Fla

852 à coup sûr l’Espagne dans les œuvres de Picasso, le ghetto russe dans celles de Chagall, ou les Flandres mystiques dans c

853 casso, le ghetto russe dans celles de Chagall, ou les Flandres mystiques dans celles de Maeterlinck. Si l’on veut distingue

854 Flandres mystiques dans celles de Maeterlinck. Si l’ on veut distinguer les éléments sinon d’une « culture suisse » — qui n

855 ns celles de Maeterlinck. Si l’on veut distinguer les éléments sinon d’une « culture suisse » — qui ne saurait exister — du

856 de nos divers cantons, on aura plus de chances de les trouver dans le domaine du roman : La Nouvelle Héloïse, l’Émile, Adol

857 tons, on aura plus de chances de les trouver dans le domaine du roman : La Nouvelle Héloïse, l’Émile, Adolphe, le Grüne He

858 chances de les trouver dans le domaine du roman : La Nouvelle Héloïse, l’Émile, Adolphe, le Grüne Heinrich de Gottfried Ke

859 r dans le domaine du roman : La Nouvelle Héloïse, l’ Émile, Adolphe, le Grüne Heinrich de Gottfried Keller, et les Uli de J

860 du roman : La Nouvelle Héloïse, l’Émile, Adolphe, le Grüne Heinrich de Gottfried Keller, et les Uli de Jeremias Gotthelf,

861 dolphe, le Grüne Heinrich de Gottfried Keller, et les Uli de Jeremias Gotthelf, le Léonard et Gertrude du fameux pédagogue

862 ottfried Keller, et les Uli de Jeremias Gotthelf, le Léonard et Gertrude du fameux pédagogue Pestalozzi, voire à certains

863 eux pédagogue Pestalozzi, voire à certains égards les récits d’un réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se distinguent des roman

864 français, anglais ou russes des mêmes époques par la gravité du propos, le dédain pour l’invention romanesque ou les situa

865 usses des mêmes époques par la gravité du propos, le dédain pour l’invention romanesque ou les situations exceptionnelles,

866 époques par la gravité du propos, le dédain pour l’ invention romanesque ou les situations exceptionnelles, et l’intérêt p

867 propos, le dédain pour l’invention romanesque ou les situations exceptionnelles, et l’intérêt presque exclusif porté au dr

868 romanesque ou les situations exceptionnelles, et l’ intérêt presque exclusif porté au drame moral dans la vie quotidienne.

869 ntérêt presque exclusif porté au drame moral dans la vie quotidienne. Le sentiment de la nature, toujours présente, mélanc

870 sif porté au drame moral dans la vie quotidienne. Le sentiment de la nature, toujours présente, mélancolique, maternelle o

871 me moral dans la vie quotidienne. Le sentiment de la nature, toujours présente, mélancolique, maternelle ou menaçante, y t

872 e, mélancolique, maternelle ou menaçante, y tient la place de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou

873 que, maternelle ou menaçante, y tient la place de l’ inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou de l’arrièr

874 étaphysique chez un Dostoïevski et un Kafka ou de l’ arrière-plan de compétition sociale chez un Balzac et un Stendhal. Ces

875 hal. Ces traits sont protestants, peut-être. Mais le goût de la mesure, de l’intériorité, du réalisme et de la psychologie

876 aits sont protestants, peut-être. Mais le goût de la mesure, de l’intériorité, du réalisme et de la psychologie moyenne ex

877 estants, peut-être. Mais le goût de la mesure, de l’ intériorité, du réalisme et de la psychologie moyenne expriment surtou

878 de la mesure, de l’intériorité, du réalisme et de la psychologie moyenne expriment surtout les conditions dictées par les

879 me et de la psychologie moyenne expriment surtout les conditions dictées par les dimensions restreintes du pays et des comm

880 enne expriment surtout les conditions dictées par les dimensions restreintes du pays et des communautés diverses qui s’y cô

881 ui s’y côtoient. Pays pauvre, au surplus, et dont les seules richesses naissent du travail humain, bien concerté : la Suiss

882 esses naissent du travail humain, bien concerté : la Suisse est née de coopératives forestières exploitant le passage du G

883 se est née de coopératives forestières exploitant le passage du Gothard, « Un pour tous, tous pour un », c’est moins un id

884 lui faudra courir son aventure loin de son pays. L’ architecte suisse par exemple — et nous en avons d’excellents — doit v

885 et très sobre, s’il reste en Suisse. Mais s’il a le goût de la grandeur, c’est à Rome qu’il ira terminer l’énorme dôme de

886 bre, s’il reste en Suisse. Mais s’il a le goût de la grandeur, c’est à Rome qu’il ira terminer l’énorme dôme de Saint-Pier

887 t de la grandeur, c’est à Rome qu’il ira terminer l’ énorme dôme de Saint-Pierre comme Maderno et les deux Fontana, c’est a

888 er l’énorme dôme de Saint-Pierre comme Maderno et les deux Fontana, c’est aux États-Unis qu’il ira construire les plus gran

889 ontana, c’est aux États-Unis qu’il ira construire les plus grands ponts du monde comme l’ingénieur Ammann, c’est en France

890 a construire les plus grands ponts du monde comme l’ ingénieur Ammann, c’est en France ou en Inde qu’il trouvera des comman

891 ne église de Ronchamps ou une capitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de l’architecture moderne, puritain révolut

892 de Ronchamps ou une capitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de l’architecture moderne, puritain révolutionnaire,

893 pitale — et c’est le cas de Le Corbusier, père de l’ architecture moderne, puritain révolutionnaire, né dans une vallée du

894 s une vallée du Jura neuchâtelois. Voilà pourquoi les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hom

895 tous, à des titres divers, hommes utiles, au sens le plus noble, et penseurs engagés dans leur communauté, plutôt que créa

896 strielles ou humanitaires — comme Euler inventant la turbine entre deux traités en latin sur le calcul infinitésimal —, no

897 entant la turbine entre deux traités en latin sur le calcul infinitésimal —, nous les voyons tous assumer des devoirs soci

898 ités en latin sur le calcul infinitésimal —, nous les voyons tous assumer des devoirs sociaux ou civiques, éducatifs ou spi

899 catifs ou spirituels, avec un souci primordial de l’ efficacité transformatrice. Et c’est en cela qu’ils sont typiquement s

900 e grands noms ne représente pas à elle seule tout l’ apport culturel d’un pays, de même qu’un prestigieux état-major ne suf

901 tigieux état-major ne suffit pas à renseigner sur la valeur d’un combat d’une armée et sur la volonté de résistance qui l’

902 gner sur la valeur d’un combat d’une armée et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans la population. Ce qu’il est i

903 t d’une armée et sur la volonté de résistance qui l’ appuie dans la population. Ce qu’il est important de savoir sur l’armé

904 et sur la volonté de résistance qui l’appuie dans la population. Ce qu’il est important de savoir sur l’armée suisse, c’es

905 population. Ce qu’il est important de savoir sur l’ armée suisse, c’est que chacun de ses soldats garde son fusil et son é

906 l de notre équipement culturel ? Il me paraît que la structure fédéraliste du pays et l’autonomie dans son sein non seulem

907 me paraît que la structure fédéraliste du pays et l’ autonomie dans son sein non seulement des cantons, mais des communes e

908 favorise une implantation relativement serrée de la vie culturelle. J’en citerai quelques exemples. La souveraineté des c

909 a vie culturelle. J’en citerai quelques exemples. La souveraineté des cantons en matière de culture et d’éducation expliqu

910 re de culture et d’éducation explique et justifie l’ existence de sept universités, de deux écoles polytechniques, et de pl

911 s associations d’éducation, d’amis des arts ou de la nature. Les plus grandes cités — de 150 à 500 000 habitants — entreti

912 ons d’éducation, d’amis des arts ou de la nature. Les plus grandes cités — de 150 à 500 000 habitants — entretiennent chacu

913 stres, un opéra, un festival, plusieurs théâtres. Les collections privées de peinture sont parmi les plus belles du monde,

914 s. Les collections privées de peinture sont parmi les plus belles du monde, Reinhart à Winterthour et Hahnloser à Berne ten

915 einhart à Winterthour et Hahnloser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’étude des grandes firmes industrielles financent

916 Winterthour et Hahnloser à Berne tenant la tête. Les bureaux d’étude des grandes firmes industrielles financent des recher

917 strielles financent des recherches orientées vers l’ amélioration technique, mais dont la science pure bénéficie. Deux de c

918 rientées vers l’amélioration technique, mais dont la science pure bénéficie. Deux de ces bureaux sont dirigés par des prix

919 par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que la Suisse, avec 11 prix Nobel pour les sciences, se place au premier ran

920 ce propos, que la Suisse, avec 11 prix Nobel pour les sciences, se place au premier rang mondial, et de très loin, relative

921 l pour une population neuf fois plus grande). ⁂ À l’ heure de l’Europe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir une p

922 population neuf fois plus grande). ⁂ À l’heure de l’ Europe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir une place plus q

923 fois plus grande). ⁂ À l’heure de l’Europe unie, la Suisse semble donc en mesure de tenir une place plus qu’honorable dan

924 qu’honorable dans une compétition continentale où l’ arme secrète sera la matière grise. Elle le doit sans nul doute à ses

925 e compétition continentale où l’arme secrète sera la matière grise. Elle le doit sans nul doute à ses structures très conc

926 ale où l’arme secrète sera la matière grise. Elle le doit sans nul doute à ses structures très concrètement fédéralistes d

927 fédéralistes depuis des siècles. Il s’ensuit que la menace d’uniformisation et d’oblitération des traditions locales est

928 d’un certain matérialisme philistin favorisé par les succès de la technique. Et le doublement prévu de la population, dans

929 matérialisme philistin favorisé par les succès de la technique. Et le doublement prévu de la population, dans les trente a

930 istin favorisé par les succès de la technique. Et le doublement prévu de la population, dans les trente ans qui viennent,

931 succès de la technique. Et le doublement prévu de la population, dans les trente ans qui viennent, sur un très petit terri

932 ue. Et le doublement prévu de la population, dans les trente ans qui viennent, sur un très petit territoire, agira totaleme

933 r un très petit territoire, agira totalement dans le même sens. La Suisse se doit de réagir à temps en soutenant plus « ma

934 t territoire, agira totalement dans le même sens. La Suisse se doit de réagir à temps en soutenant plus « matériellement »

935 n soutenant plus « matériellement » que jusqu’ici les valeurs et les forces culturelles dont elle dispose. N’est-elle pas l

936 s « matériellement » que jusqu’ici les valeurs et les forces culturelles dont elle dispose. N’est-elle pas le pays d’Europe

937 ces culturelles dont elle dispose. N’est-elle pas le pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les plus concrètes

938 le dispose. N’est-elle pas le pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les plus concrètes de savoir que le terme

939 N’est-elle pas le pays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les plus concrètes de savoir que le terme de culture n

940 ays d’Europe qui a les raisons les plus fortes et les plus concrètes de savoir que le terme de culture n’est pas un synonym

941 s plus fortes et les plus concrètes de savoir que le terme de culture n’est pas un synonyme de superflu ? b. Rougemont

942 e superflu ? b. Rougemont Denis de, « Apport à la civilisation occidentale », Associations internationales, Bruxelles,

943 Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)c Comme toutes les choses vi

944 lisme et notre temps (mars 1963)c Comme toutes les choses vivantes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plei

945 les choses vivantes, organiques et intéressantes, le fédéralisme est plein de contradictions, d’oppositions et de tensions

946 dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophiques,

947 e contradictions, mais qu’à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophiques, il ne cherche pas à les

948 politiques ou philosophiques, il ne cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la log

949 ilosophiques, il ne cherche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la fo

950 herche pas à les résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour pa

951 résoudre, à les neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse

952 es neutraliser ou à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire

953 à les effacer par les moyens de la logique ou de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble, t

954 u de la force, car il a pour passion maîtresse de les faire vivre ensemble, telles qu’elles sont. Mais parce qu’il accepte

955 e, telles qu’elles sont. Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les tensions, et cherche à les compo

956 ont. Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un org

957 u’il accepte les contradictions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’

958 ions, les oppositions, les tensions, et cherche à les composer au sein d’un organisme vivant, n’allez pas croire que le féd

959 ein d’un organisme vivant, n’allez pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel, ou d’opportunisme

960 isme lâche qui tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances très puissantes dans le

961 ose en fait à deux tendances très puissantes dans le monde occidental moderne : le centralisme uniformisant, et le particu

962 rès puissantes dans le monde occidental moderne : le centralisme uniformisant, et le particularisme refermé sur lui-même.

963 idental moderne : le centralisme uniformisant, et le particularisme refermé sur lui-même. Le fédéralisme refuse par princi

964 isant, et le particularisme refermé sur lui-même. Le fédéralisme refuse par principe et par définition l’uniformité imposé

965 fédéralisme refuse par principe et par définition l’ uniformité imposée par un centre, qu’il s’agisse d’une capitale, d’un

966 r clérical, politique, ou économique. Il est donc le contraire absolu de tout régime totalitaire de tout ordre géométrique

967 étrique, simpliste, et par là même tyrannique. Or la tyrannie est le souverain désordre, comme le disait Vinet. Le fédéral

968 te, et par là même tyrannique. Or la tyrannie est le souverain désordre, comme le disait Vinet. Le fédéralisme veut la div

969 . Or la tyrannie est le souverain désordre, comme le disait Vinet. Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forc

970 est le souverain désordre, comme le disait Vinet. Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forces en compétition

971 ordre, comme le disait Vinet. Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forces en compétition, et loin de fuir de

972 e disait Vinet. Le fédéralisme veut la diversité, la pluralité des forces en compétition, et loin de fuir devant la comple

973 des forces en compétition, et loin de fuir devant la complexité du réel, il la respecte, il croit à ses vertus, il en épou

974 et loin de fuir devant la complexité du réel, il la respecte, il croit à ses vertus, il en épouse la loi, bref, il l’aime

975 la respecte, il croit à ses vertus, il en épouse la loi, bref, il l’aime. D’autre part, le fédéralisme refuse avec non mo

976 croit à ses vertus, il en épouse la loi, bref, il l’ aime. D’autre part, le fédéralisme refuse avec non moins de fermeté l’

977 en épouse la loi, bref, il l’aime. D’autre part, le fédéralisme refuse avec non moins de fermeté l’esprit de clocher, les

978 , le fédéralisme refuse avec non moins de fermeté l’ esprit de clocher, les particularismes régionaux ou locaux qui prétend

979 se avec non moins de fermeté l’esprit de clocher, les particularismes régionaux ou locaux qui prétendraient vivre en autarc

980 es à toute coopération, voire à tout échange avec le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’il aime les diversités régiona

981 voire à tout échange avec le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’il aime les diversités régionales, aime aussi leur san

982 le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’il aime les diversités régionales, aime aussi leur santé et celle de l’ensemble.

983 tés régionales, aime aussi leur santé et celle de l’ ensemble. C’est pourquoi il veut leur union, leur entraide, et même, d

984 ntraide, et même, dans certains cas bien définis, la mise en commun de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’un

985 mise en commun de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’uniformité imposée par un centre, mais aussi le contra

986 de leurs ressources. Voulant donc le contraire de l’ uniformité imposée par un centre, mais aussi le contraire des particul

987 de l’uniformité imposée par un centre, mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédéralisme représenterait-il

988 mais aussi le contraire des particularismes clos, le fédéralisme représenterait-il alors une sorte de moyen terme entre ce

989 n terme entre ces deux extrêmes ? Point du tout ! La santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme

990 du tout ! La santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est

991 santé n’est pas un moyen terme entre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-ch

992 ntre la peste et le choléra. Un homme qui boit de l’ eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de

993 i meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive

994 même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre l

995 à mi-chemin entre la centralisation oppressive et l’ esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il es

996 ressive et l’esprit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreur

997 rit de clocher, à mi-chemin entre la dictature et l’ anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont

998 reurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule. Oui, le fédéralisme représente la seule attitude rigoureusement contraire à c

999 être qu’une seule. Oui, le fédéralisme représente la seule attitude rigoureusement contraire à celle que les deux autres o

1000 ule attitude rigoureusement contraire à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’imagi

1001 On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation et la volonté de la fra

1002 volonté de centralisation totale d’une nation et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement clos

1003 ntralisation totale d’une nation et la volonté de la fragmenter en petites cellules locales jalousement closes manifestent

1004 loses manifestent deux tendances incompatibles de l’ esprit. Car en réalité, ceux qui n’admettent aucune diversité politiqu

1005 ent aucune diversité politique ou culturelle dans la nation, manifestent le même état d’esprit que ceux qui n’admettent ri

1006 litique ou culturelle dans la nation, manifestent le même état d’esprit que ceux qui n’admettent rien d’autre que leur man

1007 tre que leur manière de vivre locale, définie par la majorité locale, traitent tout le reste d’étranger, donc d’impur, et

1008 le, définie par la majorité locale, traitent tout le reste d’étranger, donc d’impur, et par suite, refusent de coopérer, d

1009 rir aux échanges. Ce nationalisme local relève de la même mentalité que le totalitarisme à l’échelle nationale. Il traduit

1010 ationalisme local relève de la même mentalité que le totalitarisme à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’imag

1011 elève de la même mentalité que le totalitarisme à l’ échelle nationale. Il traduit le même manque d’imagination, de vitalit

1012 e totalitarisme à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’imagination, de vitalité, de sens des proportions, d’ou

1013 ns, d’ouverture d’esprit et d’amour du réel. Mais l’ attitude fédéraliste ne se borne pas à reconnaître d’une part la néces

1014 éraliste ne se borne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’union, d’autre part la légitimité des autonomies local

1015 orne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’ union, d’autre part la légitimité des autonomies locales. Elle exige à

1016 d’une part la nécessité de l’union, d’autre part la légitimité des autonomies locales. Elle exige à la fois l’une et l’au

1017 iquement antinomique et pratiquement antagoniste. L’ attitude fédéraliste veut une maîtrise du divers — comme tout art ! El

1018 e du divers — comme tout art ! Elle est un art de la composition qui requiert à la fois et en même temps la vivacité des c

1019 mposition qui requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenez l’exemple d’une

1020 cité des contrastes et leur harmonisation. Prenez l’ exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible

1021 de même que sans une vision d’ensemble, celle de l’ artiste, hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes r

1022 ne vision d’ensemble, celle de l’artiste, hors de l’ unité du tableau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons

1023 leau, il n’y aurait pas de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs

1024 ontrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre da

1025 ures, bien mis en ordre dans leur boîte. Pour que la qualité particulière d’un rouge se manifeste et chante sa chanson, il

1026 asté et composé avec des verts, par exemple, dans l’ unité globale d’une œuvre au sein de laquelle s’opèrent mille échanges

1027 Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus simple et plus efficace de broyer mécan

1028 e et plus efficace de broyer mécaniquement toutes les couleurs, ce qui aboutit à une espèce de brun, celui des chemises bru

1029 par exemple, de sinistre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’harmonie fédérale, qui est libre union dans la div

1030 istre mémoire. Et voilà toute la différence entre l’ harmonie fédérale, qui est libre union dans la diversité, et l’unifica

1031 tre l’harmonie fédérale, qui est libre union dans la diversité, et l’unification totalitaire, qui est réduction forcée à l

1032 dérale, qui est libre union dans la diversité, et l’ unification totalitaire, qui est réduction forcée à l’uniforme. Ces im

1033 ification totalitaire, qui est réduction forcée à l’ uniforme. Ces images, qui sont autant d’évidences, suffisent à définir

1034 qui sont autant d’évidences, suffisent à définir le fédéralisme, art de composer en un ensemble animé des diversités viva

1035 plupart des impasses dans lesquelles se fourvoie l’ organisation politique du monde moderne proviennent du fait que l’on o

1036 olitique du monde moderne proviennent du fait que l’ on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’un seul exemple : l’impas

1037 évidences. Je n’en donnerai qu’un seul exemple : l’ impasse à laquelle risquent bien d’aboutir les négociations entre la S

1038 le : l’impasse à laquelle risquent bien d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’Europe, représentée pour l’instant

1039 le risquent bien d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun.

1040 ien d’aboutir les négociations entre la Suisse et l’ Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun. D’une part, o

1041 ons entre la Suisse et l’Europe, représentée pour l’ instant par le Marché commun. D’une part, on affirme une souveraineté

1042 uisse et l’Europe, représentée pour l’instant par le Marché commun. D’une part, on affirme une souveraineté globale, qui n

1043 souveraineté globale, qui ne laisserait pas jouer la diversité des fonctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à

1044 de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns oublient que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organes bi

1045 er dans un plus grand corps. Les uns oublient que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; le

1046 s. Les uns oublient que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; les autres oublient qu’un or

1047 exige le souple jeu d’organes bien différenciés ; les autres oublient qu’un organe bien différencié ne saurait vivre isolé

1048 saurait vivre isolé du corps. Quelle serait alors la solution fédéraliste ? Je vous en propose le principe : que l’Europe

1049 lors la solution fédéraliste ? Je vous en propose le principe : que l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des pe

1050 édéraliste ? Je vous en propose le principe : que l’ Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations qui

1051 principe : que l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations qui la composent, sinon elle trahira sa

1052 à respecter la diversité des petites nations qui la composent, sinon elle trahira sa mission dans le monde ; et qu’en mêm

1053 la composent, sinon elle trahira sa mission dans le monde ; et qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter dans le ca

1054 ra sa mission dans le monde ; et qu’en même temps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’une Europe fédérée, les r

1055 en même temps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons obse

1056 e à respecter dans le cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédér

1057 les règles que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’être. Mais

1058 ue chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sinon elle trahira sa raison d’être. Mais le fédéralis

1059 ration, sinon elle trahira sa raison d’être. Mais le fédéralisme n’est pas seulement un mode d’organisation politique, le

1060 t pas seulement un mode d’organisation politique, le seul régime de coexistence digne du nom. C’est aussi, et c’est même a

1061 là, me semble-t-il, une assez bonne définition de la culture ! II Avec ces quelques précisions de doctrine — qui para

1062 dit en principe de ce que nous aurions à dire sur les rapports entre le fédéralisme et la culture, et sur les problèmes que

1063 ce que nous aurions à dire sur les rapports entre le fédéralisme et la culture, et sur les problèmes que nous pose la vie

1064 s à dire sur les rapports entre le fédéralisme et la culture, et sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de la S

1065 pports entre le fédéralisme et la culture, et sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de la Suisse romande en par

1066 et la culture, et sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de la Suisse romande en particulier. Essayons pourtant

1067 les problèmes que nous pose la vie culturelle de la Suisse romande en particulier. Essayons pourtant d’illustrer les prin

1068 nde en particulier. Essayons pourtant d’illustrer les principes du fédéralisme en les appliquant à la culture. Pour qu’il y

1069 rtant d’illustrer les principes du fédéralisme en les appliquant à la culture. Pour qu’il y ait culture en général — au sen

1070 les principes du fédéralisme en les appliquant à la culture. Pour qu’il y ait culture en général — au sens occidental du

1071 — au sens occidental du terme, très différent de l’ asiatique — il faut une variété aussi riche que possible de créations

1072 ns parler d’une culture, cohérente et vivante, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche div

1073 te, de la culture. Il faut donc à la fois l’Un et le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité ess

1074 uelle est donc, pour nous autres Suisses romands, l’ unité de base, d’origine et de but, à laquelle nous nous référons impl

1075 us référons implicitement dans toutes nos œuvres, le fond commun sur lequel se détache notre individualité, et dont elle t

1076 es nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’ Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, o

1077 mentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’ Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complè

1078 e ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle, organique et complète, à laquell

1079 us rattacher directement, nous qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant culture nationale, inte

1080 irectement, nous qui n’avons pas eu la chance, ou le malheur, d’avoir une soi-disant culture nationale, intermédiaire entr

1081 soi-disant culture nationale, intermédiaire entre l’ Europe et nos cités. Ici, je me permettrai de rompre une lance contre

1082 Ici, je me permettrai de rompre une lance contre le concept aussi néfaste qu’invétéré de « culture nationale ». On nous r

1083 nationale ». On nous répète depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l

1084 us répète depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois g

1085 que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités culturell

1086 il ne correspond qu’à des prétentions nationales. L’ idée qu’il y aurait en Europe un certain nombre de « cultures national

1087 es nationales » bien distinctes et autonomes dont l’ ensemble constituerait la culture européenne est une pure et simple il

1088 inctes et autonomes dont l’ensemble constituerait la culture européenne est une pure et simple illusion d’optique scolaire

1089 se dissipe comme brume au soleil à la lumière de l’ Histoire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera j

1090 comme brume au soleil à la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une ad

1091 une addition de « cultures nationales ». Elle est l’ œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, i

1092 « cultures nationales ». Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis 28 siècles, indépendamment des

1093 dépendamment des nations qui divisent aujourd’hui l’ Europe, et dont la plupart n’ont même pas cent ans d’existence : il fa

1094 cent ans d’existence : il faut bien admettre que la culture s’était constituée avant elles et sans elles ! Je me contente

1095 illustrer ce point, d’un seul exemple : celui de la musique, élément important et typiquement européen de notre culture.

1096 de notre culture. Dans ses grandes lignes, voici l’ évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue au xiiie

1097 re. Dans ses grandes lignes, voici l’évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue au xiiie siècle dans u

1098 n certain nombre de cités du Nord et du Centre de la péninsule italienne, en Provence, puis en Île-de-France. Des cités it

1099 tés flamandes, le long du grand axe commercial de la Renaissance, reliant Venise à Bruges. Une école nouvelle s’épanouit a

1100 Bruges. Une école nouvelle s’épanouit alors dans les Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’It

1101 t alors dans les Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’Italie qu’elle enrichit de ses nombreu

1102 influence bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’ Italie qu’elle enrichit de ses nombreuses découvertes. Plus tard, les

1103 nrichit de ses nombreuses découvertes. Plus tard, les Allemands et les Autrichiens viennent s’initier auprès des maîtres it

1104 mbreuses découvertes. Plus tard, les Allemands et les Autrichiens viennent s’initier auprès des maîtres italiens. Bach copi

1105 plication des œuvres de Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les région

1106 Vivaldi. Au xixe siècle, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniques, Hanovre,

1107 gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniques, Hanovre, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors

1108 se déplace vers les régions germaniques, Hanovre, la Saxe, Vienne, Bayreuth. C’est alors auprès des maîtres allemands que

1109 s, tels que Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de

1110 ue occidentale, en imposant leurs œuvres à Paris… L’ évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or

1111 en imposant leurs œuvres à Paris… L’évolution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies, not

1112 volution de la peinture suit à peu de choses près les mêmes voies. Or ces voies, notons-le, traversent avec une glorieuse i

1113 choses près les mêmes voies. Or ces voies, notons- le , traversent avec une glorieuse indifférence des dizaines de nos front

1114 tion, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’ on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’un musicien

1115 s des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’un peintre, c’est simpl

1116 e que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’un musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’école lo

1117 » d’un musicien ou d’un peintre, c’est simplement l’ école locale dans laquelle il s’est formé. D’où vient alors cette illu

1118 rement mise en doute depuis un siècle environ, en l’ existence de « cultures nationales » ? C’est avant tout le fait de la

1119 nce de « cultures nationales » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses roma

1120 ltures nationales » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se ratt

1121 les » ? C’est avant tout le fait de la langue qui l’ entretient. Quand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « 

1122 t de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne pense

1123 nd on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne pense guère qu’à la langue française. Ma

1124 la « culture française », on ne pense guère qu’à la langue française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nation

1125 ançaise. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut impos

1126 une propriété de la nation française actuelle, à l’ ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François

1127 et de François Ier, en 1543. On parle encore dans la France d’aujourd’hui sept ou huit langues différentes : l’allemand, l

1128 d’aujourd’hui sept ou huit langues différentes : l’ allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal,

1129 ui sept ou huit langues différentes : l’allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et

1130 uit langues différentes : l’allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et l’arabe. Et

1131 différentes : l’allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et l’arabe. Et l’on parle

1132 s : l’allemand, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et l’arabe. Et l’on parle le françai

1133 nd, le flamand, le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’italien et l’arabe. Et l’on parle le français dans quatr

1134 , le breton, le basque, le catalan, le provençal, l’ italien et l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres natio

1135 le basque, le catalan, le provençal, l’italien et l’ arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nations. De même,

1136 e catalan, le provençal, l’italien et l’arabe. Et l’ on parle le français dans quatre autres nations. De même, l’allemand n

1137 le provençal, l’italien et l’arabe. Et l’on parle le français dans quatre autres nations. De même, l’allemand ne saurait d

1138 le français dans quatre autres nations. De même, l’ allemand ne saurait définir une « culture nationale » étant la langue

1139 e saurait définir une « culture nationale » étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit nations

1140 ar faire violence aux réalités linguistiques pour les amener à coïncider approximativement avec les frontières d’une de nos

1141 our les amener à coïncider approximativement avec les frontières d’une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue

1142 d’une de nos nations modernes. Mais il y a plus. La langue ne saurait à elle seule définir une culture : elle n’est guère

1143 culture : elle n’est guère qu’un des éléments de la culture en général. Or tous les autres éléments : la religion, la phi

1144 un des éléments de la culture en général. Or tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-a

1145 culture en général. Or tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les

1146 néral. Or tous les autres éléments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la

1147 es autres éléments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’

1148 léments : la religion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture

1149 igion, la philosophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture, sont largemen

1150 losophie, la morale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même tota

1151 orale, les beaux-arts, le folklore, les sciences, la technique et l’architecture, sont largement ou même totalement indépe

1152 -arts, le folklore, les sciences, la technique et l’ architecture, sont largement ou même totalement indépendants des langu

1153 « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chacune des vingt-quatre nations qui ont découpé

1154 ngt-quatre nations qui ont découpé leur État dans le corps de ce continent. III Or il se trouve que les Suisses sont

1155 ps de ce continent. III Or il se trouve que les Suisses sont, ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’

1156 sses sont, ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures nationales », du seul fait de la

1157 devraient être, préservés mieux que les autres de l’ illusion des « cultures nationales », du seul fait de la composition l

1158 sion des « cultures nationales », du seul fait de la composition linguistique si variée de leur État. Nous sommes en mesur

1159 r État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend

1160 mmes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réalit

1161 , donc politiques, mais se rattache directement à l’ ensemble culturel européen : elle est « immédiate à l’Europe », comme

1162 semble culturel européen : elle est « immédiate à l’ Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos trois cantons pr

1163 ropéen : elle est « immédiate à l’Europe », comme les villes libres au Moyen Âge et nos trois cantons primitifs furent décl

1164 s cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’ Empire », Reichs unmittelbar, et c’était là une garantie de liberté co

1165 bar, et c’était là une garantie de liberté contre les princes de l’époque — nous dirions aujourd’hui : contre les États-nat

1166 là une garantie de liberté contre les princes de l’ époque — nous dirions aujourd’hui : contre les États-nations. L’unité

1167 s de l’époque — nous dirions aujourd’hui : contre les États-nations. L’unité de base étant de la sorte identifiée, la quest

1168 s dirions aujourd’hui : contre les États-nations. L’ unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose es

1169 ontre les États-nations. L’unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certa

1170 ns. L’unité de base étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certain

1171 e-fond commun. Si je cherche pourquoi et en quoi les Suisses romands se différencient des Français, ou en tout cas de l’im

1172 se différencient des Français, ou en tout cas de l’ image convenue que l’État français nous donne depuis cent ans de la « 

1173 Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’ État français nous donne depuis cent ans de la « culture française »,

1174 que l’État français nous donne depuis cent ans de la « culture française », bien que nous parlions à peu près la même lang

1175 re française », bien que nous parlions à peu près la même langue, je trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’est

1176 ns à peu près la même langue, je trouve ceci : 1° la culture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’État et n’a jamais été

1177 1° la culture, dans nos cantons, n’est pas liée à l’ État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture

1178 l’État et n’a jamais été un moyen de puissance de l’ État ; 2° la culture vit chez nous dans de petits compartiments nature

1179 a jamais été un moyen de puissance de l’État ; 2° la culture vit chez nous dans de petits compartiments naturels ou histor

1180 uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises ; 3° nous sommes de vieilles républiques

1181 fondées sur une large autonomie des communes ; 4° le protestantisme est dominant en Suisse romande ; il détermine en grand

1182 notre exigeant souci moral et notre méfiance pour les cérémonies — à moins que son adoption n’ait résulté de notre tempéram

1183 d’entre nous n’en ont conscience ou ne voudraient l’ admettre. Tels étant nos principaux caractères spécifiques, que devons

1184 ous-mêmes, j’entends : pour illustrer, au plan de la culture, nos raisons d’être, pour légitimer notre accent particulier,

1185 u’on nous propose périodiquement : défense contre l’ influence germanique d’une part, défense contre « Paris » d’autre part

1186 ’une part, défense contre « Paris » d’autre part. La défensive n’est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’ab

1187 défensive n’est pas une attitude de créateurs, et la culture est d’abord création, avant d’être héritage, ou enseignement.

1188 ure d’esprit, à vivre en symbiose permanente avec l’ ensemble de la culture européenne. Nos meilleurs auteurs (pour ne pren

1189 à vivre en symbiose permanente avec l’ensemble de la culture européenne. Nos meilleurs auteurs (pour ne prendre que cet ex

1190 illeurs auteurs (pour ne prendre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de

1191 cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’architect

1192 la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens 

1193 laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’ architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau,

1194 pas de problèmes pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens : Rousseau, Constant, Mme d

1195 Européens : Rousseau, Constant, Mme de Staël dans le passé, et de nos jours, parmi nos aînés, Robert de Traz, Charles-Albe

1196 sens qu’ils n’ont pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture européenne, germanique et anglo-saxonne au

1197 s hésité à puiser aux sources les plus variées de la culture européenne, germanique et anglo-saxonne autant que française,

1198 faux relais de paresse que représentent ailleurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’est-ce pas à ce caractère « 

1199 pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’ on reconnaît le plus vite leur commun caractère de Suisses romands, si

1200 ère « immédiatement européen » que l’on reconnaît le plus vite leur commun caractère de Suisses romands, si profondes qu’a

1201 in de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’ école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des romanciers r

1202 iste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’ école de Cézanne, puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se

1203 ulait un pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le véritable sens de son fédéralisme mal compris). Cette erreur l’a peut

1204 ens de son fédéralisme mal compris). Cette erreur l’ a peut-être soutenu, comme il arrive, mais n’en fut pas moins responsa

1205 de certaines limitations de son œuvre. IV À la question de savoir ce que les Suisses romands peuvent apporter de mei

1206 on œuvre. IV À la question de savoir ce que les Suisses romands peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds

1207 es Suisses romands peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds donc sans hésiter que c’est surtout leur sens féd

1208 nos voisins. Cet apport très typiquement suisse à la culture européenne revêt une importance particulière dans le monde de

1209 européenne revêt une importance particulière dans le monde de cette deuxième moitié du xxe siècle. Il symbolise et préfig

1210 moitié du xxe siècle. Il symbolise et préfigure l’ apport de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les virus nationa

1211 xe siècle. Il symbolise et préfigure l’apport de l’ Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les virus nationalistes que l

1212 ort de l’Europe au tiers-monde, tout enfiévré par les virus nationalistes que la culture du dernier siècle et notre crise t

1213 de, tout enfiévré par les virus nationalistes que la culture du dernier siècle et notre crise totalitaire ont propagés. L’

1214 r siècle et notre crise totalitaire ont propagés. L’ apport spécifique de la Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sen

1215 totalitaire ont propagés. L’apport spécifique de la Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’avo

1216 propagés. L’apport spécifique de la Suisse étant le sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’avons vu, au génie

1217 e sens du fédéralisme, et ce sens étant lié, nous l’ avons vu, au génie de la culture en Europe, la question qui se pose ma

1218 t ce sens étant lié, nous l’avons vu, au génie de la culture en Europe, la question qui se pose maintenant est de savoir c

1219 ous l’avons vu, au génie de la culture en Europe, la question qui se pose maintenant est de savoir comment nous saurons il

1220 us saurons illustrer notre vocation décisive dans l’ existence concrète de nos vies cantonales. Ici je rejoins le propos de

1221 e concrète de nos vies cantonales. Ici je rejoins le propos de l’entreprise très opportune qui nous réunit. Deux erreurs d

1222 nos vies cantonales. Ici je rejoins le propos de l’ entreprise très opportune qui nous réunit. Deux erreurs de méthode men

1223 tentative de réveil culturel en Suisse romande : l’ esprit de clocher et l’esprit d’administration. L’esprit de clocher te

1224 lturel en Suisse romande : l’esprit de clocher et l’ esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amour

1225 l’esprit de clocher et l’esprit d’administration. L’ esprit de clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité

1226 inistration. L’esprit de clocher tend à confondre l’ amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde organisée, et si

1227 e clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde organisée, et si possible officielle, de

1228 onfondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde organisée, et si possible officielle, de nos particularism

1229 et si possible officielle, de nos particularismes les plus désuets. Il voudrait que chacune de nos cités se suffise à elle-

1230 une de nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines : université, radio, publications, etc. Et plutôt que de rec

1231 remière, qui ne cessera de vous tenter : celle de l’ organisation rationnelle d’activités qui par essence, ne le sont pas.

1232 ation rationnelle d’activités qui par essence, ne le sont pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distingu

1233 d’activités qui par essence, ne le sont pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, de cas en cas,

1234 nt pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’ art de distinguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant cen

1235 des petites revues qui expriment ces groupes avec l’ intransigeance nécessaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait l

1236 c l’intransigeance nécessaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait la Renaissance en Italie, en Flandres ou en Bourgo

1237 ssaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait la Renaissance en Italie, en Flandres ou en Bourgogne, étaient alors plu

1238 éations du premier ordre. Et cela, je crois, pour les deux raisons suivantes : premièrement, la passion créatrice un peu fo

1239 , pour les deux raisons suivantes : premièrement, la passion créatrice un peu folle de jeunes gens qui se groupaient en éc

1240 oles, autour d’un maître du métier ; secondement, le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueu

1241 r d’un maître du métier ; secondement, le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui cara

1242  ; secondement, le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui caractérisent tant de princ

1243 ent, le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui caractérisent tant de princes et de gr

1244 érisent tant de princes et de grands marchands de l’ époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice et

1245 nds marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’ absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul comit

1246 comité de coordination ne pourra jamais remédier. Les comités ne peuvent faire, au mieux, que des choses raisonnables, mais

1247 aire, au mieux, que des choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions individuelles et par de petits gro

1248 ent pas de passer pour extravagants ou excessifs. Les comités sont par définition prudents et économes : leur rôle est norm

1249 nomes : leur rôle est normalement de rationaliser les activités dont ils s’occupent, pour les rendre plus économiques ou pl

1250 ionaliser les activités dont ils s’occupent, pour les rendre plus économiques ou plus rentables. Mais la culture vivante vi

1251 s rendre plus économiques ou plus rentables. Mais la culture vivante vit d’imprudence, et prospère dans le gaspillage des

1252 ulture vivante vit d’imprudence, et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore

1253 tilitaires, notre notion du sérieux confondu avec le rentable, nos réflexes jalousement égalitaires, décourageant toutes l

1254 exes jalousement égalitaires, décourageant toutes les initiatives hardies et protégeant en revanche trop de médiocrité pour

1255 ’est tout cela qui mérite aujourd’hui d’inquiéter les amis de la culture, et c’est aussi tout cela qui menace dans ses sour

1256 la qui mérite aujourd’hui d’inquiéter les amis de la culture, et c’est aussi tout cela qui menace dans ses sources notre v

1257 e. On parle beaucoup, ces jours-ci, du danger que le Marché commun représenterait pour notre Suisse fédéraliste. Mais ce n

1258 pour notre Suisse fédéraliste. Mais ce n’est pas le fait de supprimer nos douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’

1259 danger nos « raisons d’être » ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au niveau de notre vie matérielle, de

1260 qu’au niveau de notre vie matérielle, de traiter la culture en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospér

1261 de traiter la culture en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospérité économique sans précédent. Nos rais

1262 ster Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit des

1263 s économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit des mêmes réalités spirituelles et mora

1264 pirituelles et morales, et prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas

1265 es sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas l’un sans l’autre. c. Rougem

1266 s l’un sans l’autre. c. Rougemont Denis de, «  Le fédéralisme et notre temps », Cahiers de l’Alliance culturelle romand

1267 de, « Le fédéralisme et notre temps », Cahiers de l’ Alliance culturelle romande, Genève, mars 1963, p. 15-19.

1268 À propos de la culture européenne (avril 1963)d e J’ai lu avec un étonnement croi

1269 1963)d e J’ai lu avec un étonnement croissant le petit article de M. Chiti-Batelli dans votre numéro de décembre. Je m

1270 e. Je me demandais au début à quels « Européens » l’ auteur s’en prenait, qui d’une part refuseraient de reconnaître les ap

1271 enait, qui d’une part refuseraient de reconnaître les apports judaïque, chrétien et arabe, à la formation de la culture eur

1272 naître les apports judaïque, chrétien et arabe, à la formation de la culture européenne, d’autre part réduiraient l’Europe

1273 ts judaïque, chrétien et arabe, à la formation de la culture européenne, d’autre part réduiraient l’Europe à l’anticommuni

1274 e la culture européenne, d’autre part réduiraient l’ Europe à l’anticommunisme, même pas philosophique mais « géographique 

1275 e européenne, d’autre part réduiraient l’Europe à l’ anticommunisme, même pas philosophique mais « géographique ». N’ayant

1276 avec curiosité des précisions, des noms. On nous les donne à la deuxième colonne : c’est le Centre européen de la culture

1277 . On nous les donne à la deuxième colonne : c’est le Centre européen de la culture et ses publications qui sont « l’exempl

1278 péen de la culture et ses publications qui sont «  l’ exemple typique » de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à « l’

1279 es publications qui sont « l’exemple typique » de l’ altitude visée. Le CEC se livrerait donc à « l’effort vain et absurde

1280 i sont « l’exemple typique » de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à « l’effort vain et absurde de présenter une c

1281 de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à «  l’ effort vain et absurde de présenter une culture européenne unitaire » 

1282 ne culture européenne unitaire » ; il nierait que l’ Europe soit « la patrie des contradictions » ; et il pratiquerait le «

1283 éenne unitaire » ; il nierait que l’Europe soit «  la patrie des contradictions » ; et il pratiquerait le « nationalisme cu

1284 patrie des contradictions » ; et il pratiquerait le « nationalisme culturel » au nom d’un « anticommunisme de type maccar

1285 ulletins , ou à Vingt-huit siècles d’Europe , ou le Dialogue des cultures ou Les Chances de l’Europe , etc.), ils part

1286 cles d’Europe , ou le Dialogue des cultures ou Les Chances de l’Europe , etc.), ils partageront notre stupeur. M. Chiti-

1287 ou le Dialogue des cultures ou Les Chances de l’ Europe , etc.), ils partageront notre stupeur. M. Chiti-Batelli accuse

1288 artageront notre stupeur. M. Chiti-Batelli accuse le CEC d’un « défaut capital d’esprit critique » qui « vicie » ses trava

1289 rait distinctif », à déplorer que nous éliminions le judaïsme ou le christianisme, quand nous ne cessons d’écrire qu’avec

1290  », à déplorer que nous éliminions le judaïsme ou le christianisme, quand nous ne cessons d’écrire qu’avec Rome et Athènes

1291 cessons d’écrire qu’avec Rome et Athènes ils sont les éléments fondamentaux de notre culture, à nous opposer ma propre défi

1292 e culture, à nous opposer ma propre définition de l’ Europe comme « patrie des contradictions », etc. Bref, la méthode crit

1293 e comme « patrie des contradictions », etc. Bref, la méthode critique de votre auteur consiste à lire à rebours tous nos é

1294 te à lire à rebours tous nos écrits, et non pas à les interpréter d’une manière qui pourrait prêter à discussion, mais à le

1295 manière qui pourrait prêter à discussion, mais à les falsifier radicalement. Qu’il y ait une tradition « européenne » du f

1296 uropéenne » du fascisme et de ses procédés, comme le rappelle votre auteur — non sans une évidente Schadenfreude — c’est i

1297 c’est indéniable. Il y a eu de tout en Europe, de la sottise aussi, autant qu’ailleurs. La seule question qu’on se pose es

1298 Europe, de la sottise aussi, autant qu’ailleurs. La seule question qu’on se pose est de savoir quelles sont les tradition

1299 question qu’on se pose est de savoir quelles sont les traditions qui doivent collaborer à notre « Europe en formation », et

1300 collaborer à notre « Europe en formation », et à la vôtre. d. Rougemont Denis de, « À propos de la culture européenne 

1301 la vôtre. d. Rougemont Denis de, « À propos de la culture européenne », L’Europe en formation, Nice, avril 1963, p. 20.

1302 Denis de, « À propos de la culture européenne », L’ Europe en formation, Nice, avril 1963, p. 20. e. Introduit par la not

1303 ation, Nice, avril 1963, p. 20. e. Introduit par la note suivante : « À la suite de l’article : “Y a-t-il une culture eur

1304 Introduit par la note suivante : « À la suite de l’ article : “Y a-t-il une culture européenne ?” publié dans notre numéro

1305 ié dans notre numéro de décembre, nous avons reçu la lettre suivante de Denis de Rougemont, directeur du Centre européen d

1306 s vers une Europe fédérale (10 mai 1963)f I. La puissance ou la liberté ? L’union de l’Europe ne pourra se faire q

1307 e fédérale (10 mai 1963)f I. La puissance ou la liberté ? L’union de l’Europe ne pourra se faire qu’en vertu d’une

1308 ai 1963)f I. La puissance ou la liberté ? L’ union de l’Europe ne pourra se faire qu’en vertu d’une volonté, mais i

1309 I. La puissance ou la liberté ? L’union de l’ Europe ne pourra se faire qu’en vertu d’une volonté, mais il n’est pas

1310 sans quelque utopie directrice, imaginée, vue par l’ esprit, et comme saisie d’avance par sa passion maîtresse. Or, parmi l

1311 isie d’avance par sa passion maîtresse. Or, parmi les passions fondamentales les mieux partagées en Europe, il en est deux

1312 n maîtresse. Or, parmi les passions fondamentales les mieux partagées en Europe, il en est deux qui me paraissent les plus

1313 agées en Europe, il en est deux qui me paraissent les plus propres à motiver chez l’homme soucieux de la chose publique la

1314 qui me paraissent les plus propres à motiver chez l’ homme soucieux de la chose publique la conception d’un but lointain, l

1315 s plus propres à motiver chez l’homme soucieux de la chose publique la conception d’un but lointain, la vision d’un avenir

1316 otiver chez l’homme soucieux de la chose publique la conception d’un but lointain, la vision d’un avenir politique au sens

1317 a chose publique la conception d’un but lointain, la vision d’un avenir politique au sens large : et ce sont le besoin de

1318 d’un avenir politique au sens large : et ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier porte à voulo

1319 sens large : et ce sont le besoin de puissance et le besoin de liberté. Le premier porte à vouloir des régimes unitaires,

1320 is à des lois simples et mécaniques, réglant tout le détail de l’existence : régimes totalitaires à la limite. Le second p

1321 simples et mécaniques, réglant tout le détail de l’ existence : régimes totalitaires à la limite. Le second porte à désire

1322 le détail de l’existence : régimes totalitaires à la limite. Le second porte à désirer des régimes pluralistes, arrangés c

1323 uralistes, arrangés comme ils viennent, ménageant les complexités et l’imprévu de l’existence ; régimes dont l’anarchie ser

1324 comme ils viennent, ménageant les complexités et l’ imprévu de l’existence ; régimes dont l’anarchie serait la limite, en

1325 ennent, ménageant les complexités et l’imprévu de l’ existence ; régimes dont l’anarchie serait la limite, en prenant le mo

1326 exités et l’imprévu de l’existence ; régimes dont l’ anarchie serait la limite, en prenant le mot dans son sens littéral. C

1327 u de l’existence ; régimes dont l’anarchie serait la limite, en prenant le mot dans son sens littéral. Ces limites idéales

1328 imes dont l’anarchie serait la limite, en prenant le mot dans son sens littéral. Ces limites idéales, bien entendu, ne fur

1329 es, bien entendu, ne furent jamais atteintes dans l’ histoire de l’Europe. Mais en chemin vers la première, nous trouvons l

1330 du, ne furent jamais atteintes dans l’histoire de l’ Europe. Mais en chemin vers la première, nous trouvons le règne de Lou

1331 e. Mais en chemin vers la première, nous trouvons le règne de Louis XIV, la doctrine des jacobins, le national-socialisme,

1332 la première, nous trouvons le règne de Louis XIV, la doctrine des jacobins, le national-socialisme, le marxisme-léninisme,

1333 le règne de Louis XIV, la doctrine des jacobins, le national-socialisme, le marxisme-léninisme, le stalinisme et les devi

1334 la doctrine des jacobins, le national-socialisme, le marxisme-léninisme, le stalinisme et les devises de ces régimes : « U

1335 s, le national-socialisme, le marxisme-léninisme, le stalinisme et les devises de ces régimes : « Une foi, une loi, un roi

1336 cialisme, le marxisme-léninisme, le stalinisme et les devises de ces régimes : « Une foi, une loi, un roi », « Ein Volk, ei

1337 in Reich, ein Führer », « Mon Parti au pouvoir et les autres en prison ». En proclamant que « le coup électrique de la Rais

1338 ir et les autres en prison ». En proclamant que «  le coup électrique de la Raison » doit se transmettre instantanément de

1339 ison ». En proclamant que « le coup électrique de la Raison » doit se transmettre instantanément de Paris jusqu’à toutes l

1340 ransmettre instantanément de Paris jusqu’à toutes les extrémités du territoire national, Anarcharsis Clootz, l’« Ami du gen

1341 mités du territoire national, Anarcharsis Clootz, l’ « Ami du genre humain », définissait très bien l’utopie unitaire, que

1342 l’« Ami du genre humain », définissait très bien l’ utopie unitaire, que la technique met à portée de nos mains. En chemin

1343 n », définissait très bien l’utopie unitaire, que la technique met à portée de nos mains. En chemin vers l’autre limite ou

1344 ie, celle d’un pluralisme intégral, nous trouvons le régime féodal mais aussi les corporations et les communes, le fédéral

1345 tégral, nous trouvons le régime féodal mais aussi les corporations et les communes, le fédéralisme helvétique mais aussi l’

1346 s le régime féodal mais aussi les corporations et les communes, le fédéralisme helvétique mais aussi l’idée primitive des s

1347 odal mais aussi les corporations et les communes, le fédéralisme helvétique mais aussi l’idée primitive des soviets (conçu

1348 es communes, le fédéralisme helvétique mais aussi l’ idée primitive des soviets (conçue par Lénine lorsqu’il était en Suiss

1349 ts (conçue par Lénine lorsqu’il était en Suisse), l’ anarchisme à la Bakounine et les brèves flambées du communisme anabapt

1350 Lénine lorsqu’il était en Suisse), l’anarchisme à la Bakounine et les brèves flambées du communisme anabaptiste ou de l’an

1351 était en Suisse), l’anarchisme à la Bakounine et les brèves flambées du communisme anabaptiste ou de l’anarcho-syndicalism

1352 s brèves flambées du communisme anabaptiste ou de l’ anarcho-syndicalisme. Ni l’une ni l’autre des deux tendances n’a jamai

1353 ’autre des deux tendances n’a jamais été isolée à l’ état pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa perfection (nu

1354 n’a jamais été isolée à l’état pur et portée dans la réalité à son comble ou à sa perfection (nulle société ne saurait y s

1355 saurait y survivre) et elles coexistent en nous. L’ Européen normal vit quelque part entre les deux extrémités, et ainsi t

1356 en nous. L’Européen normal vit quelque part entre les deux extrémités, et ainsi tient de toutes les deux. Mais on remarque,

1357 tre les deux extrémités, et ainsi tient de toutes les deux. Mais on remarque, chez les initiateurs des mouvements de pensée

1358 tient de toutes les deux. Mais on remarque, chez les initiateurs des mouvements de pensée et d’action politique, des dispo

1359 t nettement leur type. Pour étayer ses arguments, l’ unitaire recourt de préférence aux mathématiques, le pluraliste à la b

1360 unitaire recourt de préférence aux mathématiques, le pluraliste à la biologie ; l’un se préoccupe des cadres à imposer, l’

1361 de préférence aux mathématiques, le pluraliste à la biologie ; l’un se préoccupe des cadres à imposer, l’autre des forces

1362 s vives à faire jouer ; l’un se soucie d’abord de la stabilité, l’autre plutôt de la fluidité ; l’un fait confiance aux rè

1363 soucie d’abord de la stabilité, l’autre plutôt de la fluidité ; l’un fait confiance aux règlements et aux décrets, l’autre

1364 ux règles d’action commune et aux méthodes. Mais la volonté ou l’initiative d’un seul n’aurait aucune chance de succès si

1365 tion commune et aux méthodes. Mais la volonté ou l’ initiative d’un seul n’aurait aucune chance de succès si elle ne renco

1366 cune chance de succès si elle ne rencontrait dans les masses des prédispositions de même nature, quoique de signe inverse :

1367 itions de même nature, quoique de signe inverse : la volonté de puissance d’un dictateur réussit dans la mesure exacte où

1368 volonté de puissance d’un dictateur réussit dans la mesure exacte où elle rencontre et satisfait un besoin largement part

1369 et satisfait un besoin largement partagé de subir la puissance d’un autre, d’être commandé, d’obéir, donc d’être libéré de

1370 c d’être libéré de sa propre liberté. Et de même, l’ initiative d’un animateur sans pouvoir contraignant n’est féconde que

1371 sans pouvoir contraignant n’est féconde que dans la mesure où elle éveille et libère chez beaucoup la possibilité de s’af

1372 la mesure où elle éveille et libère chez beaucoup la possibilité de s’affirmer, de se charger de ses propres responsabilit

1373 chelle sa volonté de puissance personnelle. Parmi les hommes que le souci de la chose publique conduit à prendre part à l’é

1374 té de puissance personnelle. Parmi les hommes que le souci de la chose publique conduit à prendre part à l’élaboration des

1375 nce personnelle. Parmi les hommes que le souci de la chose publique conduit à prendre part à l’élaboration des plans d’ave

1376 uci de la chose publique conduit à prendre part à l’ élaboration des plans d’avenir européen, je vois deux types intermédia

1377 je vois deux types intermédiaires, entre ceux que l’ on vient de caractériser : je les nommerai symboliquement celui du man

1378 s, entre ceux que l’on vient de caractériser : je les nommerai symboliquement celui du manager et celui du professeur. Ils

1379 ique ou scientifique), et une méfiance affichée à l’ endroit des motifs passionnels qui prédéterminent visiblement les opin

1380 motifs passionnels qui prédéterminent visiblement les opinions des deux autres types. Mais peut-être s’agit-il d’un double

1381 peut-être s’agit-il d’un double refoulement. Chez le manager, la volonté de puissance ne se traduit que d’une manière abst

1382 agit-il d’un double refoulement. Chez le manager, la volonté de puissance ne se traduit que d’une manière abstraite, en te

1383 ite, en termes d’organisation sans défaut, et par le souci d’éliminer l’imprévu, l’improvisation, l’excès de « jeu » dans

1384 anisation sans défaut, et par le souci d’éliminer l’ imprévu, l’improvisation, l’excès de « jeu » dans les rouages ; l’idée

1385 ans défaut, et par le souci d’éliminer l’imprévu, l’ improvisation, l’excès de « jeu » dans les rouages ; l’idée de liberté

1386 r le souci d’éliminer l’imprévu, l’improvisation, l’ excès de « jeu » dans les rouages ; l’idée de liberté se trouvant obsc

1387 imprévu, l’improvisation, l’excès de « jeu » dans les rouages ; l’idée de liberté se trouvant obscurément assimilée à celle

1388 rovisation, l’excès de « jeu » dans les rouages ; l’ idée de liberté se trouvant obscurément assimilée à celle d’atteinte a

1389 à celle d’atteinte aux droits acquis, fussent-ils les souverainetés traditionnelles des États, de plus en plus incompatible

1390 les des États, de plus en plus incompatibles avec les libertés de la personne… Bornons là cette esquisse caractérologique d

1391 e plus en plus incompatibles avec les libertés de la personne… Bornons là cette esquisse caractérologique des faiseurs d’u

1392 , et de leurs critiques : elle reste à écrire, on le voit. Il m’importait seulement de situer ma position, c’est-à-dire mo

1393 iste, au seuil des considérations qui suivent sur l’ avenir d’une Europe unie. ⁂ II. L’attitude fédéraliste L’attitud

1394 suivent sur l’avenir d’une Europe unie. ⁂ II. L’ attitude fédéraliste L’attitude fédéraliste est celle qui conduit à

1395 e Europe unie. ⁂ II. L’attitude fédéraliste L’ attitude fédéraliste est celle qui conduit à imaginer (pour mieux la v

1396 iste est celle qui conduit à imaginer (pour mieux la vouloir) une Europe qui serait unie par des liens proprement fédéraux

1397 fiée autour d’un centre, — ni simplement liée par l’ alliance temporaire d’une vingtaine d’États absolument souverains, — m

1398 pétuel, librement consenti. Cette ambition évoque la quadrature du cercle aux yeux de la logique rationaliste de nos pères

1399 bition évoque la quadrature du cercle aux yeux de la logique rationaliste de nos pères. En revanche, elle apparaît conform

1400 nos pères. En revanche, elle apparaît conforme à la logique déduite des sciences physiques, et biologiques dans cette sec

1401 ette seconde moitié du xxe siècle. Mais en fait, le projet d’une Europe fédérale est antérieur à ces deux stades récents

1402 re indépendant. (Le premier ne suffit pas mieux à le réfuter, que le second à le fonder en principe.) Car il est véritable

1403 ne suffit pas mieux à le réfuter, que le second à le fonder en principe.) Car il est véritablement la projection au plan c

1404 le fonder en principe.) Car il est véritablement la projection au plan continental d’une notion de l’homme dans la cité q

1405 la projection au plan continental d’une notion de l’ homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et sans laquelle

1406 au plan continental d’une notion de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’Europe, et sans laquelle nos sciences

1407 n de l’homme dans la cité qui est constitutive de l’ Europe, et sans laquelle nos sciences et nos logiques ne seraient pas

1408 ’auraient pas eu lieu. Lors du premier congrès de l’ Union européenne des fédéralistes, qui se tint à Montreux en 1947, j’a

1409 ais tenté de situer à grands traits cette idée de l’ homo europaeus dans la conjoncture politique d’où allait naître le Mou

1410 grands traits cette idée de l’homo europaeus dans la conjoncture politique d’où allait naître le Mouvement européen. S’agi

1411 dans la conjoncture politique d’où allait naître le Mouvement européen. S’agissant de reprendre ici la description de l’e

1412 e Mouvement européen. S’agissant de reprendre ici la description de l’ensemble du projet, je me vois ramené, inévitablemen

1413 en. S’agissant de reprendre ici la description de l’ ensemble du projet, je me vois ramené, inévitablement, à son point de

1414 é, inévitablement, à son point de départ, qui est l’ homme de notre Europe, redéfini dans les catégories concrètes du prése

1415 t, qui est l’homme de notre Europe, redéfini dans les catégories concrètes du présent. Toute politique implique une certai

1416 t. Toute politique implique une certaine idée de l’ homme, et contribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on le

1417 ue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est donc la définition

1418 n type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laquelle n

1419 le ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, ou p

1420 le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’ homme sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, ou pour mieux dire, s

1421 me ? Nous ne serions pas ici si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de tout

1422 ions pas ici si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de toute responsabilité

1423 sions que le type d’homme le plus souhaitable est l’ individu isolé, dégagé de toute responsabilité vis-à-vis de la communa

1424 solé, dégagé de toute responsabilité vis-à-vis de la communauté. Car, dans ce cas, nous serions restés chez nous. Mais nou

1425 pas ici non plus si nous pensions avec Hitler et les staliniens que l’homme n’est qu’un soldat politique, totalement absor

1426 i nous pensions avec Hitler et les staliniens que l’ homme n’est qu’un soldat politique, totalement absorbé par le service

1427 st qu’un soldat politique, totalement absorbé par le service de la communauté. Car alors nous serions de l’autre côté du r

1428 t politique, totalement absorbé par le service de la communauté. Car alors nous serions de l’autre côté du rideau de fer,

1429 ns. Si nous sommes ici, c’est que nous savons que l’ homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation pr

1430 unique d’une part, et, d’autre part, vis-à-vis de la communauté au sein de laquelle sa vocation s’exerce. Aux individualis

1431 erce. Aux individualistes nous rappelons donc que l’ homme ne peut se réaliser intégralement sans se trouver engagé du même

1432 ralement sans se trouver engagé du même coup dans le complexe social. Et aux collectivistes, nous rappelons que les conquê

1433 social. Et aux collectivistes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à rendre

1434 sent pas à rendre chaque individu plus libre dans l’ exercice de sa vocation. L’homme est donc à la fois libre et engagé, à

1435 dividu plus libre dans l’exercice de sa vocation. L’ homme est donc à la fois libre et engagé, à la fois autonome et solida

1436 agé, à la fois autonome et solidaire. Il vit dans la tension entre ces deux pôles : le particulier et le général ; entre c

1437 re. Il vit dans la tension entre ces deux pôles : le particulier et le général ; entre ces deux responsabilités : sa vocat

1438 tension entre ces deux pôles : le particulier et le général ; entre ces deux responsabilités : sa vocation et la cité ; e

1439 ; entre ces deux responsabilités : sa vocation et la cité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et celu

1440 prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le débat créateur, le dialogue permanent, c’est la personne.

1441 ndissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le débat créateur, le dialogue permanent, c’est la personne. Voilà donc

1442 homme qui vit dans la tension, le débat créateur, le dialogue permanent, c’est la personne. Voilà donc définis trois type

1443 , le débat créateur, le dialogue permanent, c’est la personne. Voilà donc définis trois types humains, qui favorisent tro

1444 olitiques, et sont en retour favorisés par eux. À l’ homme considéré comme pur individu, libre mais non engagé, correspond

1445 é, correspond un régime démocratique tendant vers l’ anarchie, et débouchant dans le désordre, lequel prépare toujours la t

1446 tique tendant vers l’anarchie, et débouchant dans le désordre, lequel prépare toujours la tyrannie. À l’homme considéré co

1447 ouchant dans le désordre, lequel prépare toujours la tyrannie. À l’homme considéré comme soldat politique, totalement enga

1448 désordre, lequel prépare toujours la tyrannie. À l’ homme considéré comme soldat politique, totalement engagé mais non lib

1449 que, totalement engagé mais non libre, correspond le régime totalitaire. Enfin, à l’homme considéré comme personne, à la f

1450 libre, correspond le régime totalitaire. Enfin, à l’ homme considéré comme personne, à la fois libre et engagé, et vivant d

1451 rsonne, à la fois libre et engagé, et vivant dans la tension entre l’autonomie et la solidarité, correspond le régime fédé

1452 libre et engagé, et vivant dans la tension entre l’ autonomie et la solidarité, correspond le régime fédéraliste. J’ajoute

1453 é, et vivant dans la tension entre l’autonomie et la solidarité, correspond le régime fédéraliste. J’ajouterai une remarqu

1454 on entre l’autonomie et la solidarité, correspond le régime fédéraliste. J’ajouterai une remarque encore, pour compléter c

1455 e paraît indispensable, il ne faut pas penser que la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu sans

1456 onne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’ individu sans responsabilité et le soldat politique sans liberté. Car

1457 te milieu entre l’individu sans responsabilité et le soldat politique sans liberté. Car la personne, c’est l’homme réel, e

1458 sabilité et le soldat politique sans liberté. Car la personne, c’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que des dévi

1459 at politique sans liberté. Car la personne, c’est l’ homme réel, et les deux autres ne sont que des déviations morbides, de

1460 liberté. Car la personne, c’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions de l’

1461 nt que des déviations morbides, des démissions de l’ humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste et

1462 morbides, des démissions de l’humanité complète. La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, elle rep

1463 complète. La personne n’est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, elle représente la santé civique. Un homme qui b

1464 personne n’est pas à mi-chemin entre la peste et le choléra, elle représente la santé civique. Un homme qui boit de l’eau

1465 min entre la peste et le choléra, elle représente la santé civique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à

1466 représente la santé civique. Un homme qui boit de l’ eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif

1467 meurt de soif et celui qui se noie. Et, de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’un habile dosage d’anarchie et de dict

1468 icularisme borné et de centralisation oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan que ces deux erreurs complémentaire

1469 ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que l’ individualisme outré fait le lit du collectivisme : ces deux extrêmes,

1470 ires. Chacun sait que l’individualisme outré fait le lit du collectivisme : ces deux extrêmes, eux, sont dans le même plan

1471 collectivisme : ces deux extrêmes, eux, sont dans le même plan, se conditionnent et s’appellent l’un l’autre. C’est avec l

1472 itionnent et s’appellent l’un l’autre. C’est avec la poussière des individus civiquement irresponsables que les dictateurs

1473 ière des individus civiquement irresponsables que les dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir, pendant la derniè

1474 us avons pu voir, pendant la dernière guerre, que les résistances que rencontrent les dictateurs sont au contraire le fait

1475 nière guerre, que les résistances que rencontrent les dictateurs sont au contraire le fait de groupes de citoyens responsab

1476 que rencontrent les dictateurs sont au contraire le fait de groupes de citoyens responsables, c’est-à-dire des personnes

1477 est-à-dire des personnes fédérées.2 On voit que le passage de la personne au fédéralisme s’opère tout naturellement, et

1478 personnes fédérées.2 On voit que le passage de la personne au fédéralisme s’opère tout naturellement, et presque irrési

1479 t presque irrésistiblement, le second n’étant que la projection de la première au plan politique, en ce sens précis que le

1480 première au plan politique, en ce sens précis que les éléments antagonistes qui trouvent leur composition dans la personne

1481 s antagonistes qui trouvent leur composition dans la personne sont homologues de ceux qui trouvent leur composition dans l

1482 logues de ceux qui trouvent leur composition dans le fédéralisme : ici l’individu et la collectivité, là l’autonomie local

1483 ouvent leur composition dans le fédéralisme : ici l’ individu et la collectivité, là l’autonomie locale et la vaste unité c

1484 mposition dans le fédéralisme : ici l’individu et la collectivité, là l’autonomie locale et la vaste unité centralisée ; l

1485 déralisme : ici l’individu et la collectivité, là l’ autonomie locale et la vaste unité centralisée ; les déviations ou mal

1486 vidu et la collectivité, là l’autonomie locale et la vaste unité centralisée ; les déviations ou maladies se répondent éga

1487 ’autonomie locale et la vaste unité centralisée ; les déviations ou maladies se répondent également terme à terme : égoïsme

1488 se au pas tyrannique au plan politique ; et enfin les vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté et responsabilité c

1489 ique au plan politique ; et enfin les vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté et responsabilité composées, quand

1490 litique ; et enfin les vertus sont les mêmes dans les deux cas : liberté et responsabilité composées, quand l’équilibre viv

1491 cas : liberté et responsabilité composées, quand l’ équilibre vivant est atteint. Cet équilibre dynamique ne pouvant d’ail

1492 en perpétuel renouvellement. C’est assez dire que le fédéralisme n’est pas une doctrine fixe, ni vraiment un système, et e

1493 de de pilotage quand il s’agit de gouverner entre le Charybde de l’anarchie des particularismes et le Scylla de la central

1494 quand il s’agit de gouverner entre le Charybde de l’ anarchie des particularismes et le Scylla de la centralisation totalit

1495 le Charybde de l’anarchie des particularismes et le Scylla de la centralisation totalitaire. Cet art et cette méthode ne

1496 de l’anarchie des particularismes et le Scylla de la centralisation totalitaire. Cet art et cette méthode ne vont pas sans

1497 aire un traité théorique. Plutôt que d’essayer de les déduire dans l’abstrait, observons des exemples réussis de fédération

1498 éorique. Plutôt que d’essayer de les déduire dans l’ abstrait, observons des exemples réussis de fédérations politiques — l

1499 des exemples réussis de fédérations politiques — les États-Unis et la Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’une

1500 sis de fédérations politiques — les États-Unis et la Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’une manière empirique

1501 s d’une manière empirique, tout se passe comme si les hommes d’État et les groupes qui les instituaient avaient constamment

1502 ique, tout se passe comme si les hommes d’État et les groupes qui les instituaient avaient constamment obéi à certains prin

1503 sse comme si les hommes d’État et les groupes qui les instituaient avaient constamment obéi à certains principes directeurs

1504 pes directeurs ou réflexes quasi instinctifs, que l’ on peut dégager après coup. On retiendra ici ceux qui paraissent les p

1505 après coup. On retiendra ici ceux qui paraissent les plus faciles à transposer dans l’actualité immédiate, à l’échelle des

1506 qui paraissent les plus faciles à transposer dans l’ actualité immédiate, à l’échelle des nations européennes. Premier pri

1507 aciles à transposer dans l’actualité immédiate, à l’ échelle des nations européennes. Premier principe. Une fédération ne

1508 trice, exercée par l’une des nations composantes. La croyance populaire — et d’ailleurs partagée par certains hommes d’Éta

1509 — selon laquelle une fédération ne peut être que l’ œuvre d’un tout-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’est conf

1510 t confirmée par rien dans notre histoire, et tout la réfute en pratique. Si un despote ou un État impérialiste détient la

1511 ue. Si un despote ou un État impérialiste détient la force nécessaire, il ne fédère pas, il annexe ; il n’unit pas, il uni

1512 ère pas, il annexe ; il n’unit pas, il unifie. Et les coalitions qui se forment contre lui ne survivent pas à sa défaite. L

1513 forment contre lui ne survivent pas à sa défaite. L’ hégémonie ni sa menace ne sont principes fédérateurs, même négatifs. M

1514 s. Mais qu’un État ou une coalition, disposant de l’ hégémonie, décident expressément d’y renoncer au profit d’ensemble plu

1515 rs en fondateurs d’une fédération. Ne mérite donc le titre de fédérateur que le groupe, ou l’État, ou la communauté d’État

1516 ration. Ne mérite donc le titre de fédérateur que le groupe, ou l’État, ou la communauté d’États, ou le parti politique, q

1517 ite donc le titre de fédérateur que le groupe, ou l’ État, ou la communauté d’États, ou le parti politique, qui agit comme

1518 titre de fédérateur que le groupe, ou l’État, ou la communauté d’États, ou le parti politique, qui agit comme catalyseur

1519 e groupe, ou l’État, ou la communauté d’États, ou le parti politique, qui agit comme catalyseur de volontés libres, comme

1520 uté en puissance, et à des solutions qui figurent l’ optimum entre les maxima contradictoires de la liberté individuelle et

1521 , et à des solutions qui figurent l’optimum entre les maxima contradictoires de la liberté individuelle et de la solidarité

1522 ent l’optimum entre les maxima contradictoires de la liberté individuelle et de la solidarité sociale. L’histoire suisse i

1523 contradictoires de la liberté individuelle et de la solidarité sociale. L’histoire suisse illustre à l’envi ce processus

1524 liberté individuelle et de la solidarité sociale. L’ histoire suisse illustre à l’envi ce processus de création fédéraliste

1525 s qu’un des cantons plus riche ou plus peuplé que les autres, comme Zurich, ou un groupe de cantons coalisés au nom de leur

1526 eur idéologie, a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se sont ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang

1527 a primauté, les autres se sont ligués contre lui, l’ ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un pro

1528 nt ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’union fédérale a marqué un progrès. Lors de la dernière cr

1529 ntre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’ union fédérale a marqué un progrès. Lors de la dernière crise grave, l

1530 rqué un progrès. Lors de la dernière crise grave, la guerre civile de 1847 opposant catholiques et protestants (le Sonderb

1531 vile de 1847 opposant catholiques et protestants ( le Sonderbund ou « Alliance séparée » des catholiques, assez analogue à

1532 iance séparée » des catholiques, assez analogue à la « Sécession » des États sudistes de l’Amérique), les vainqueurs n’ont

1533 analogue à la « Sécession » des États sudistes de l’ Amérique), les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que de rendre a

1534 « Sécession » des États sudistes de l’Amérique), les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que de rendre aux vaincus leu

1535 galité de droits. Et de cet acte de renoncement à l’ hégémonie conquise, a résulté la Constitution de 1848, base de notre É

1536 de renoncement à l’hégémonie conquise, a résulté la Constitution de 1848, base de notre État fédératif moderne. C’est pou

1537 e de notre État fédératif moderne. C’est pourquoi la Suisse ne verra jamais sans méfiance certains « grands » s’arroger l’

1538 amais sans méfiance certains « grands » s’arroger l’ initiative d’une fédération continentale ou mondiale. L’échec de Napol

1539 iative d’une fédération continentale ou mondiale. L’ échec de Napoléon, puis celui d’Hitler, dans leurs tentatives pour fai

1540 celui d’Hitler, dans leurs tentatives pour faire l’ unité de l’Europe, sont des avertissements utiles. Ils nous confirment

1541 tler, dans leurs tentatives pour faire l’unité de l’ Europe, sont des avertissements utiles. Ils nous confirment dans l’idé

1542 s avertissements utiles. Ils nous confirment dans l’ idée qu’on ne peut pas atteindre une fin fédérative par des moyens imp

1543 s impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’à l’ unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième princip

1544 conduire qu’à l’unification forcée, caricature de l’ union véritable. Deuxième principe. Le fédéralisme ne peut naître que

1545 icature de l’union véritable. Deuxième principe. Le fédéralisme ne peut naître que du renoncement à tout esprit de systèm

1546 chnocratique. Ce que je viens de dire au sujet de l’ impérialisme ou de l’hégémonie d’une nation vaut également pour l’impé

1547 je viens de dire au sujet de l’impérialisme ou de l’ hégémonie d’une nation vaut également pour l’impérialisme d’une idéolo

1548 u de l’hégémonie d’une nation vaut également pour l’ impérialisme d’une idéologie. On pourrait définir l’attitude fédéralis

1549 impérialisme d’une idéologie. On pourrait définir l’ attitude fédéraliste comme un refus constant et instinctif de recourir

1550 s simples de lignes, clairs et satisfaisants pour la logique, mais par là même infidèles au réel, vexants pour les minorit

1551 mais par là même infidèles au réel, vexants pour les minorités, destructeurs des diversités qui sont la condition de toute

1552 s minorités, destructeurs des diversités qui sont la condition de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédérer

1553 r ces réalités concrètes et hétéroclites que sont les nations, les régions économiques, les unités culturelles, religieuses

1554 s concrètes et hétéroclites que sont les nations, les régions économiques, les unités culturelles, religieuses, linguistiqu

1555 es que sont les nations, les régions économiques, les unités culturelles, religieuses, linguistiques, les traditions politi

1556 s unités culturelles, religieuses, linguistiques, les traditions politiques ; et c’est les arranger selon leurs caractères

1557 nguistiques, les traditions politiques ; et c’est les arranger selon leurs caractères particuliers, qu’il s’agit à la fois

1558 et d’articuler dans un tout. Troisième principe. Le fédéralisme ne connaît pas de problème des minorités. On objectera qu

1559 t pas de problème des minorités. On objectera que le totalitarisme, lui aussi, supprime ce problème : mais c’est en suppri

1560 , supprime ce problème : mais c’est en supprimant les minorités qui le posaient. Il y a totalitarisme (au moins en germe) d

1561 lème : mais c’est en supprimant les minorités qui le posaient. Il y a totalitarisme (au moins en germe) dans tout système

1562 quantitatif ; il y a fédéralisme partout où c’est la qualité qui prime. Par exemple : le totalitaire voit une injustice ou

1563 tout où c’est la qualité qui prime. Par exemple : le totalitaire voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’une mino

1564 totalitaire voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à

1565 ce ou une erreur dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux la minorité ne repr

1566 mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit. Pour le fédér

1567 yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une minorité puisse

1568 représente qu’un chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une minorité puisse compter pour autant,

1569 ourrait aussi dire une fonction.) Aux États-Unis, le Sénat garantit l’individualité qualitative des États membres, qui y d

1570 une fonction.) Aux États-Unis, le Sénat garantit l’ individualité qualitative des États membres, qui y délèguent le même n

1571 té qualitative des États membres, qui y délèguent le même nombre de représentants quelle que soit leur population. Mais le

1572 présentants quelle que soit leur population. Mais le jeu des minorités raciales et religieuses qui composent l’ensemble ne

1573 s minorités raciales et religieuses qui composent l’ ensemble ne se manifeste guère au plan municipal. En Suisse, le respe

1574 se manifeste guère au plan municipal. En Suisse, le respect des qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’élect

1575 ect des qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’élection du Conseil des États (deux députés par canton), mais

1576 ut, et d’une manière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politique et culturelle, où l’on voit la Suisse ro

1577 ière beaucoup plus efficace, dans les coutumes de la vie politique et culturelle, où l’on voit la Suisse romande et la Sui

1578 es coutumes de la vie politique et culturelle, où l’ on voit la Suisse romande et la Suisse italienne jouer un rôle sans pr

1579 s de la vie politique et culturelle, où l’on voit la Suisse romande et la Suisse italienne jouer un rôle sans proportion a

1580 et culturelle, où l’on voit la Suisse romande et la Suisse italienne jouer un rôle sans proportion avec le chiffre de leu

1581 isse italienne jouer un rôle sans proportion avec le chiffre de leurs habitants ou de leurs kilomètres carrés. Quatrième

1582 de leurs kilomètres carrés. Quatrième principe. La fédération n’a pas pour but d’effacer les diversités et de fondre tou

1583 rincipe. La fédération n’a pas pour but d’effacer les diversités et de fondre toutes les nations en un seul bloc, mais, au

1584 but d’effacer les diversités et de fondre toutes les nations en un seul bloc, mais, au contraire, de sauvegarder leurs qua

1585 contraire, de sauvegarder leurs qualités propres. La richesse de l’Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues

1586 auvegarder leurs qualités propres. La richesse de l’ Europe et l’essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentai

1587 eurs qualités propres. La richesse de l’Europe et l’ essence même de sa culture seraient perdues si l’on tentait d’unifier

1588 l’essence même de sa culture seraient perdues si l’ on tentait d’unifier le continent, de tout y mélanger, et d’obtenir un

1589 ulture seraient perdues si l’on tentait d’unifier le continent, de tout y mélanger, et d’obtenir une sorte de nation europ

1590 pourrait satisfaire aucun de ces groupes ; et qui les brimerait tous. L’attitude fédéraliste veut une maîtrise du divers, c

1591 aucun de ces groupes ; et qui les brimerait tous. L’ attitude fédéraliste veut une maîtrise du divers, comme tout art. Art

1592 ut une maîtrise du divers, comme tout art. Art de la composition, elle requiert à la fois et en même temps la vivacité des

1593 osition, elle requiert à la fois et en même temps la vivacité des contrastes et leur harmonisation. Prenons l’exemple d’un

1594 ité des contrastes et leur harmonisation. Prenons l’ exemple d’une œuvre picturale : il n’y aurait pas d’harmonie possible,

1595 de même que sans une vision d’ensemble (celle de l’ artiste) et hors de l’unité du tableau, il n’y aurait pas de contraste