1 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme suisse (1963)
1 n théâtre élisabéthain, un roman russe. Non point que l’apport des Suisses en ces domaines, de la Renaissance à nos jours,
2 ugal manuélin, ou le grand-duché de Weimar. C’est que l’ensemble suisse n’a jamais été défini par autre chose que par un sy
3 mble suisse n’a jamais été défini par autre chose que par un système d’alliances, embrassant de multiples unités locales —
4 doctrine trop clairement formulée. Ce n’est guère qu’ au xixe siècle qu’on se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose
5 ement formulée. Ce n’est guère qu’au xixe siècle qu’ on se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose était-elle entendue
6 ens concret du bien public a beaucoup plus à voir que l’idéologie. ⁂ Comme toutes les choses vivantes, organiques et intére
7 , d’oppositions et de tensions. On peut même dire qu’ il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les aut
8 même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’ à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophiqu
9 ion maîtresse de les faire vivre ensemble, telles qu’ elles sont. Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositio
10 u sein d’un organisme vivant, n’allons pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel ou d’opportunis
11 ar définition l’uniformité imposée par un centre, qu’ il s’agisse d’une capitale ou d’un parti, d’un pouvoir clérical ou pol
12 dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule. Il représente
13 lan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’ une seule. Il représente la seule attitude rigoureusement contraire à
14 a seule attitude rigoureusement contraire à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’i
15 un ! On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation, et la volonté de la
16 dans une nation manifestent le même état d’esprit que ceux qui n’admettent rien d’autre que leur manière de vivre locale, d
17 at d’esprit que ceux qui n’admettent rien d’autre que leur manière de vivre locale, définie par la majorité locale, traiten
18 z nous Kantönligeist) relève de la même mentalité que le totalitarisme, à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’
19 de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre
20 rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans
21 mille échanges d’une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus
22 on politique du monde moderne proviennent du fait que l’on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’un seul exemple : l’im
23 t que l’on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’ un seul exemple : l’impasse à laquelle risquent d’aboutir les négociat
24 une souveraineté globale, qui ne laisserait jouer qu’ à regret, et à titre de concession, la diversité des fonctions nationa
25 n plus grand corps. Les uns sont tentés d’oublier que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ;
26 ifférenciés ; et les autres sont tentés d’oublier qu’ un organe bien différencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle ser
27 tion fédéraliste ? J’en propose ici le principe : que l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations q
28 sinon elle trahira sa mission dans le monde ; et qu’ en même temps la Suisse apprenne à respecter, dans le cadre d’une Euro
29 r, dans le cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sino
30 derne du terme —, il faut une variété aussi riche que possible de créations humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues,
31 re ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle
32 s cités. Je bute ici sur un concept aussi néfaste qu’ invétéré, et qui me paraît exemplairement incompatible avec la réalité
33 lité fédéraliste. On nous répète depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou
34 depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois grandes cult
35 Pour que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités cultur
36 e à des réalités culturelles. Or il ne correspond qu’ à des prétentions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certa
37 orrespond qu’à des prétentions nationales. L’idée qu’ il y aurait en Europe un certain nombre de « cultures nationales » bie
38 pas cent ans d’existence : il faut bien admettre que la culture s’était constituée avant elles et sans elles ! Je me conte
39 bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’Italie qu’ elle enrichit de ses nombreuses découvertes. Plus tard, les Allemands
40 ayreuth. C’est alors auprès des maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennen
41 . Au début du xxe siècle, plusieurs Russes, tels que Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en impo
42 création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’un musici
43 fait de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne p
44 ent à la « culture française », on ne pense guère qu’ à la langue française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nat
45 lle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore dans la Franc
46 elle seule définir une culture : elle n’est guère qu’ un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-il. Tous l
47 idence, pas réductibles à des cadres nationaux. «  Qu’ as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à ch
48 as réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chacun des
49 ré le corps de notre continent. ⁂ Or il se trouve que les Suisses sont, ou devraient être, préservés mieux que les autres d
50 Suisses sont, ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures nationales », fût-ce du seul
51 leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dé
52 s sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réa
53 des Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’École nous donne depuis cent ans de la « culture française », bien
54 al et notre méfiance pour les cérémonies, à moins que son adoption n’ait résulté de notre tempérament particulier, mais cel
55  : nous sommes en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont conscience ou ne voudraient l’admettre
56 science ou ne voudraient l’admettre. D’où résulte qu’ un Suisse romand — et tout ce que je viens d’en dire vaut aussi, mutat
57 re. D’où résulte qu’un Suisse romand — et tout ce que je viens d’en dire vaut aussi, mutatis mutandis, pour le Suisse aléma
58 ndantes et d’ordres divers, les unes plus petites que la Suisse et les autres beaucoup plus vastes. Par ses allégeances civ
59 ’ont pas les mêmes frontières, qui ne se couvrent que très partiellement, et qui permettent un grand nombre de combinaisons
60 u hasard dans l’une des grandes nations voisines. Qu’ on m’entende bien : ce n’est pas un éloge de la petitesse en soi que j
61 en : ce n’est pas un éloge de la petitesse en soi que je fais ici, ni des petites dimensions matérielles ou morales, mais a
62 régionales, et les autres universelles, — telles que le fédéralisme les implique et permet de les composer. Et il est vra
63 plique et permet de les composer. Et il est vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité dorée, politiqueme
64 le et civique, comme de leur paix. On voit mal ce qu’ ils gagneraient à échanger cette paix — que l’on jalouse un peu tout e
65 mal ce qu’ils gagneraient à échanger cette paix — que l’on jalouse un peu tout en la couvrant de sarcasmes — contre les rég
66 ommes au nom de principes réputés immortels, mais que les générations suivantes récusent… Quant à ceux qui assument leurs p
67 t leurs plus grandes dimensions, il faut admettre qu’ un régime fédéraliste et pluraliste leur ouvre de belles perspectives 
68 et pluraliste leur ouvre de belles perspectives : qu’ ils y entrent et qu’ils les explorent, ils s’y sentiront vite chez eux
69 uvre de belles perspectives : qu’ils y entrent et qu’ ils les explorent, ils s’y sentiront vite chez eux, sans avoir à renie
70 déraliste. Nos meilleurs auteurs (pour ne prendre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle
71 ingria, Gonzague de Reynold. Européens en ce sens qu’ ils n’ont pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la cultu
72 re européenne, germanique et anglo-saxonne autant que française, sans s’arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de pare
73 er à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représentent ailleurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’es
74 -ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît le plus vite leur commun caractère de Suisses romands,
75 commun caractère de Suisses romands, si profondes qu’ aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempéramen
76 massue contre ma thèse. Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école
77 tère privilégié du niveau de culture d’un peuple, qu’ elle fut au temps de l’Europe classique puis romantique. Les sciences
78 Russie et URSS 0,03 À la question de savoir ce que les Suisses peuvent apporter de meilleur à la culture, je réponds don
79 illeur à la culture, je réponds donc sans hésiter que c’est surtout leur sens fédéraliste, leur sentiment direct, leur expé
80 vons produit peu de génies du premier ordre, tels que Rousseau ou C. G. Jung, Léonard Euler ou Ferdinand de Saussure, mais
81 -monde, tout enfiévré par les virus nationalistes que la culture du dernier siècle et notre crise totalitaire ont propagés.
2 1963, Articles divers (1963-1969). Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)
82 1963)j k Au seuil des activités d’enseignement que cet Institut commence aujourd’hui, après une longue période de recher
83 ion, et parce qu’elle met en jeu bien autre chose que des intérêts matériels. Il serait donc vain de se dissimuler que l’un
84 s matériels. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’être de cet Institut, sans doute la principale, t
85 ion académique ! Elle n’appartient pas à un passé qu’ il suffirait de décrire et d’interpréter, mais à un avenir auquel nous
86 auquel nous sommes tous vitalement intéressés, et qu’ il s’agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’un pr
87 préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’ un problème à résoudre. Est-ce à dire qu’il faille en laisser le soin
88 nsmettre qu’un problème à résoudre. Est-ce à dire qu’ il faille en laisser le soin au seul réalisme des hommes d’État, aux s
89 es, philosophiques, dont il faut bien reconnaître que beaucoup attendent encore d’être étudiés objectivement, un à un, et a
90 par rapport à ces notions de l’homme qui ont fait que l’Europe, malgré tout, représente autre chose et un peu plus que ce q
91 algré tout, représente autre chose et un peu plus que ce qu’elle est dans sa réalité physique, qui est à peine 4 % des terr
92 out, représente autre chose et un peu plus que ce qu’ elle est dans sa réalité physique, qui est à peine 4 % des terres émer
93 i de poursuivre une politique étrangère autonome. Que deviennent, dans ces conditions de fait, leur souveraineté et même le
94 entôt incomber à l’Occident au plan mondial, tels que l’aide aux pays sous-développés, ou l’intervention effective en cas d
95 ale, ou en cas d’agression contre un pays isolé ? Que peut encore signifier l’expression Europe, sinon un ensemble de pays
96 e la charité des Américains » ? C’est à ce moment que naît, ou renaît en Europe le vieux rêve d’union du Continent. Et cela
97 ce Allais déclare au congrès de La Haye, en 1948, qu’ une Europe unie serait en mesure de doubler sa production et son nivea
98 nt. La politique en dépend donc aussi étroitement qu’ elle dépend par ailleurs de l’opinion, des idéologies nationales et de
99 posé, inéluctablement, à tous nos pays, ne fût-ce que par la seule existence du Marché commun. Telle est donc la question e
100 e plan politique. Mais il serait excessif de dire qu’ elle y débouche en pleine clarté. Au contraire, c’est à ce niveau que
101 en pleine clarté. Au contraire, c’est à ce niveau que la discussion générale du problème dans la presse, les partis, les pa
102 n. Si l’on examine son vocabulaire, on s’aperçoit qu’ il utilise à peu près au petit bonheur les termes d’union et d’unifica
103 édération, d’union « plus étroite » (plus étroite que quoi, on ne le dit pas) et de communauté, de supranationalité et de s
104 convaincante des solutions proprement politiques, qu’ il faudra bien donner un jour prochain à la question européenne. En vu
105 ment en question de nos jours. Je n’en vois guère que trois, qui se distinguent nettement par le rôle qu’y joueraient nos É
106 e trois, qui se distinguent nettement par le rôle qu’ y joueraient nos États. On peut concevoir idéalement une Europe unitai
107 elle Europe, nos États actuels ne joueraient plus qu’ un rôle comparable à celui des dépar­tements dans une République une e
108 fre pas un champ d’études utiles, car chacun voit que l’unification de l’Europe, à supposer qu’elle soit praticable, ne ser
109 un voit que l’unification de l’Europe, à supposer qu’ elle soit praticable, ne serait conforme ni aux données historiques, n
110 Il importe toutefois de la mentionner, ne fût-ce qu’ à titre de limite, de conséquence extrême, inaccessible, qui marquerai
111 peut concevoir une Europe qui ne serait organisée que par un système d’alliances entre États souverains. C’est, de fait, la
112 ession hélas impropre en l’occurrence, car, ainsi qu’ a tenu à le préciser le général de Gaulle lui-même (conférence de pres
113 e presse de mai 1962), elle ne désigne en réalité qu’ une Europe des États. Dans une telle Europe, nos États-nations actuels
114 ceux qui souhaiteraient laisser les choses autant que possible en l’état où elles sont. Mais est-il sûr que cet état soit b
115 possible en l’état où elles sont. Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour répondre à cette quest
116 ont. Mais est-il sûr que cet état soit bien celui que l’on croit ? Pour répondre à cette question, il conviendrait d’examin
117 réalités tangibles, à des droits et à des devoirs que les États puissent réellement exercer, comme faire la guerre ou la pa
118 si, et dans quelle mesure, « les choses étant ce qu’ elles sont », la notion d’indépendance n’a pas déjà cédé le pas, en fa
119 nce n’a pas déjà cédé le pas, en fait plus encore qu’ en droit, à la notion d’interdépendance. Mais l’objet de pareilles étu
120 ominance finale d’un des trois types de solutions que je viens de caractériser très brièvement. Mais rien ne nous autorise
121 ès brièvement. Mais rien ne nous autorise à juger que le fédéralisme, déjà pratiqué quasi journellement dans les processus
122 que du pays où nous sommes, et dont je suis, pays que l’on a souvent appelé, à tort ou à raison, une préfigure de l’Europe
123 raisons immédiates et personnelles. Il se trouve que mes collaborateurs et moi-même, si différents que soient nos tempéram
124 que mes collaborateurs et moi-même, si différents que soient nos tempéraments, nos origines et nos champs d’intérêts partic
125 oyens du bord, dans un esprit commun. Or je pense qu’ il existe une harmonie préétablie entre le fédéralisme comme objet d’é
126 nt dans les domaines les plus divers. C’est ainsi que M. Henri Schwamm, en économiste qui suit de très près l’évolution et
127 ers l’intégration, réunies dans le nouvel ouvrage qu’ il publie ces jours-ci : Dimensions européennes de la science politiqu
128 qui dépasse évidemment nos forces actuelles mais qu’ il semble urgent d’entreprendre là où on le peut, dans l’esprit du pro
129 i dit : « Mieux vaut allumer une petite chandelle que de maudire l’obscurité ! » ⁂ Ces quelques propos d’introduction génér
130 sujet particulier de mon cours, mais je souhaite qu’ ils aient permis déjà d’en pressentir les intentions. Il pourrait semb
131 rompeur dans le cas particulier, car il se trouve que le fédéralisme n’est précisément pas un système logique que l’on puis
132 éralisme n’est précisément pas un système logique que l’on puisse déduire dans l’abstrait à partir d’une définition simple
133 titude de pensée et une méthode de conduite, plus qu’ une doctrine ou une notion juridique ; une expérience multiforme et no
134 pragmatique et donc plus favorable au fédéralisme que l’esprit français, qui passe pour cartésien. Ce sont pourtant deux ju
135 t des régimes qui s’en inspirent, nous constatons qu’ il leur faut des livres entiers pour l’exposer ou, mieux, pour en décr
136 en 1863 (l’année même où Littré publie l’article que je viens de citer) inaugure la révolte fédéraliste contre l’orthodoxi
137 onfédération d’États (distinction classique, mais que les dictionnaires déjà cités et contemporains continuent d’ignorer se
138 et l’étend à toutes les structures intersociales, qu’ elles soient ou non étatiques ; l’équipe de l’Ordre nouveau, de 1932 à
139 Brugmans qui s’inspire de ses travaux, rénove ce que j’ai nommé « l’attitude fédéraliste ». Plusieurs des membres de ce gr
140 second de ces auteurs écrit ceci : Tout démontre que , quel que soit son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’une si
141 ces auteurs écrit ceci : Tout démontre que, quel que soit son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’une simple recet
142 soit son avenir, [le fédéralisme] est autre chose qu’ une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types
143 de vie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée
144 et le fédéralisme considéré par la nouvelle école que décrit Pierre Duclos comme un des grands styles de vie et de civilisa
145 ands styles de vie et de civilisation, vous voyez que la discussion est très ouverte… J’ai donc estimé qu’au lieu de partir
146 la discussion est très ouverte… J’ai donc estimé qu’ au lieu de partir d’une définition pseudo-scientifique, ou secrètement
147 édéraliste, ni des curiosa de l’esprit occidental que je me propose de retracer et qui mérite de retenir l’attention des ét
148 ptions et croyances régnantes en leur temps, soit qu’ ils les reflètent fidèlement — et ce sera une occasion de les décrire
149 — et ce sera une occasion de les décrire —, soit qu’ ils s’opposent expressément à « ce qui allait de soi » du vivant de le
150 unité de l’empire et de la papauté. Et je relève que ces deux ouvrages sont pratiquement contemporains de la naissance de
151 troisième composante de l’époque. Vous pressentez qu’ il y aura, là-dessus, beaucoup à dire. L’échec historique de ces proje
152 uropéen de la plupart de ses termes de base, tels que  : unité, union, unification, ou encore nation, souveraineté nationale
153 que des utopies de l’abbé de Saint-Pierre, encore que Proudhon, cent ans plus tard, revendique également cette paternité.
154 ent dans l’histoire suisse). Le mot n’a été connu qu’ au moment où la chose était niée par un puissant parti, les jacobins,
155 enfin comment elles aboutissent aux réalisations que l’on sait dans notre temps. C’est donc une sorte de généalogie des gr
156 sorte de généalogie des grands desseins européens que nous aurons à établir, au moins autant qu’un constat déprimant d’éche
157 opéens que nous aurons à établir, au moins autant qu’ un constat déprimant d’échecs pratiques et de déchets idéologiques. Qu
158 nt d’échecs pratiques et de déchets idéologiques. Qu’ il s’agisse au début du plus grand poète du Moyen Âge, Dante, ou du ro
159 i hussite Podiebrad, et ensuite du ministre déchu qu’ était le duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’était William
160 t le duc de Sully, ou du créateur d’un grand État qu’ était William Penn, puis d’un économiste visionnaire comme Saint-Simon
161 Nations en 1930, la galerie des auteurs de plans que nous allons parcourir n’est pas seulement pittoresque : elle nous con
162 ontré en premier lieu des historiens suisses tels que Karl Meyer puis E. Gagliardi, notamment. j. Rougemont Denis de, « A
163 n 1948 le Centre européen de la culture à Genève, qu’ il dirige encore aujourd’hui. Dès 1951, président du comité exécutif d
3 1963, Articles divers (1963-1969). Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)
164 ls n’y entrent en fait et d’une manière distincte qu’ au troisième quart de l’ère chrétienne : au xvie siècle. Mais c’est a
165 remarquable ? Et dans quelle mesure peut-on dire que cet apport des Suisses à la culture représente une contribution de la
166 e valeurs spécifique ? C’est à ces deux questions que je vais tenter de répondre. ⁂ La Suisse n’existe que depuis cent-quin
167 je vais tenter de répondre. ⁂ La Suisse n’existe que depuis cent-quinze ans sous la forme d’un État fédéral et solidement
168 squ’au milieu du xixe siècle, elle n’était guère qu’ une confédération plus ou moins lâche de petits États souverains, très
169 litiques dépassant largement les frontières de ce que l’on nommait les ligues suisses. Les plus grands esprits et les meill
170 d’abord d’un canton déterminé (qui n’est parfois qu’ une ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’au se
171 âle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’ au sein d’une entité beaucoup plus vaste, impériale, papale ou réformé
172 t, d’un Novalis, d’un Kierkegaard, qui n’ont vécu que dans leur seule nation, et d’elle seule ont nourri leur carrière) mai
173 Ainsi, le stade national est sauté. J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un des grands privilèges culturels des Sui
174 grands privilèges culturels des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent, c’est pour rejoin
175 tête, du seul empereur. Leur liberté, c’était ce qu’ on nommait alors « l’immédiateté à l’Empire » (Reichsunmittelbarkeit).
176 ien antérieures aux découpages en couleurs plates que montrent nos atlas d’école. La multiplicité des foyers créateurs four
177 ue la raison suffisante du phénomène exceptionnel que je constatais tout à l’heure. Genève, avec Calvin et Théodore de Bèze
178 lan d’union fédérale de l’Europe, et modifie plus que nul autre la sensibilité occidentale. De Zurich au début du xviiie s
179 xe siècle. Cinquante ans plus tard, c’est à Bâle que s’allume un nouveau foyer : Bachofen inaugure par son Matriarcat une
180 la confession protestante. ⁂ Mais s’il reste vrai que la Suisse n’est pas une nation comme les autres, n’ayant été pendant
181 comme les autres, n’ayant été pendant des siècles qu’ un agglomérat de foyers sans capitale, et moins en relations les uns a
182 le, et moins en relations les uns avec les autres qu’ avec les grands ensembles européens, peut-on déceler des caractères co
183 profil caractéristique par ses dépressions autant que par ses sommets. Dépressions : la musique, la poésie et la métaphysiq
184 eur Descartes. Mais force est bien de reconnaître que la Suisse n’a rien de comparable à la musique flamande de la Renaissa
185 e hollandaise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’ elle s’est conformée par anticipation à cette règle devenue évidente à
186 ne trouve un répondant, par ailleurs discutable, qu’ au xxe siècle avec Hodler ; entretemps, un Liotard, un Füssli, un Boe
187 n pour tous, tous pour un », c’est moins un idéal qu’ une vitale obligation de solidarité pratique. Quand un Suisse entrepre
188 on ambition ou son génie individuel en démontrant qu’ il fait une œuvre utile au bien commun ; ou bien, il lui faudra courir
189 Mais s’il a le goût de la grandeur, c’est à Rome qu’ il ira terminer l’énorme dôme de Saint-Pierre comme Maderno et les deu
190 Maderno et les deux Fontana, c’est aux États-Unis qu’ il ira construire les plus grands ponts du monde comme l’ingénieur Amm
191 me l’ingénieur Ammann, c’est en France ou en Inde qu’ il trouvera des commandes pour bâtir une église de Ronchamps ou une ca
192 et penseurs engagés dans leur communauté, plutôt que créateurs d’art ou de grands systèmes. Médecins praticiens, guérisseu
193 de l’efficacité transformatrice. Et c’est en cela qu’ ils sont typiquement suisses. ⁂ Cependant, une série de grands noms ne
194 de résistance qui l’appuie dans la population. Ce qu’ il est important de savoir sur l’armée suisse, c’est que chacun de ses
195 est important de savoir sur l’armée suisse, c’est que chacun de ses soldats garde son fusil et son équipement militaire dan
196 sil et son équipement militaire dans son armoire. Qu’ en est-il de notre équipement culturel ? Il me paraît que la structure
197 st-il de notre équipement culturel ? Il me paraît que la structure fédéraliste du pays et l’autonomie dans son sein non seu
198 igés par des prix Nobel. Soulignons, à ce propos, que la Suisse, avec 11 prix Nobel pour les sciences, se place au premier
199 sse semble donc en mesure de tenir une place plus qu’ honorable dans une compétition continentale où l’arme secrète sera la
200 ment fédéralistes depuis des siècles. Il s’ensuit que la menace d’uniformisation et d’oblitération des traditions locales e
201 traditions locales est bien plus grave pour elle que pour ses grands voisins. Ce n’est pas du projet d’union européenne qu
202 oisins. Ce n’est pas du projet d’union européenne que provient cette menace de nivellement, mais plutôt d’un certain matéri
203 agir à temps en soutenant plus « matériellement » que jusqu’ici les valeurs et les forces culturelles dont elle dispose. N’
204 s les plus fortes et les plus concrètes de savoir que le terme de culture n’est pas un synonyme de superflu ? b. Rougemo
4 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)
205 , d’oppositions et de tensions. On peut même dire qu’ il est fait de contradictions, mais qu’à la différence de tous les aut
206 même dire qu’il est fait de contradictions, mais qu’ à la différence de tous les autres systèmes politiques ou philosophiqu
207 ion maîtresse de les faire vivre ensemble, telles qu’ elles sont. Mais parce qu’il accepte les contradictions, les oppositio
208 au sein d’un organisme vivant, n’allez pas croire que le fédéralisme soit une espèce d’éclectisme universel, ou d’opportuni
209 ar définition l’uniformité imposée par un centre, qu’ il s’agisse d’une capitale, d’un État, d’un parti, d’un pouvoir cléric
210 dictature et l’anarchie. Il est sur un autre plan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’une seule. Oui, le fédér
211 lan que ces deux erreurs, qui n’en sont peut-être qu’ une seule. Oui, le fédéralisme représente la seule attitude rigoureuse
212 a seule attitude rigoureusement contraire à celle que les deux autres ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’i
213 un ! On aurait bien tort, en effet, de s’imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation et la volonté de la
214 dans la nation, manifestent le même état d’esprit que ceux qui n’admettent rien d’autre que leur manière de vivre locale, d
215 at d’esprit que ceux qui n’admettent rien d’autre que leur manière de vivre locale, définie par la majorité locale, traiten
216 Ce nationalisme local relève de la même mentalité que le totalitarisme à l’échelle nationale. Il traduit le même manque d’i
217 de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre
218 rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans
219 mille échanges d’une infinie complexité. Voilà ce que j’appelle une harmonie fédéraliste. Le totalitaire, lui, trouve plus
220 on politique du monde moderne proviennent du fait que l’on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’un seul exemple : l’im
221 t que l’on oublie ces évidences. Je n’en donnerai qu’ un seul exemple : l’impasse à laquelle risquent bien d’aboutir les nég
222 glober dans un plus grand corps. Les uns oublient que la santé d’un corps exige le souple jeu d’organes bien différenciés ;
223 d’organes bien différenciés ; les autres oublient qu’ un organe bien différencié ne saurait vivre isolé du corps. Quelle ser
224 on fédéraliste ? Je vous en propose le principe : que l’Europe unie apprenne à respecter la diversité des petites nations q
225 sinon elle trahira sa mission dans le monde ; et qu’ en même temps la Suisse apprenne à respecter dans le cadre d’une Europ
226 er dans le cadre d’une Europe fédérée, les règles que chacun de ses cantons observe dans le cadre de la Confédération, sino
227 e très concrète —, tout est dit en principe de ce que nous aurions à dire sur les rapports entre le fédéralisme et la cultu
228 e fédéralisme et la culture, et sur les problèmes que nous pose la vie culturelle de la Suisse romande en particulier. Essa
229 de l’asiatique — il faut une variété aussi riche que possible de créations humaines, un foisonnement d’œuvres, de langues,
230 re ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule et véritable unité culturelle
231 rompre une lance contre le concept aussi néfaste qu’ invétéré de « culture nationale ». On nous répète depuis un siècle que
232 ture nationale ». On nous répète depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou
233 depuis un siècle que les Suisses, selon la langue qu’ ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois grandes cult
234 Pour que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale » corresponde à des réalités cultur
235 e à des réalités culturelles. Or il ne correspond qu’ à des prétentions nationales. L’idée qu’il y aurait en Europe un certa
236 orrespond qu’à des prétentions nationales. L’idée qu’ il y aurait en Europe un certain nombre de « cultures nationales » bie
237 pas cent ans d’existence : il faut bien admettre que la culture s’était constituée avant elles et sans elles ! Je me conte
238 bientôt la Bourgogne, et redescend vers l’Italie qu’ elle enrichit de ses nombreuses découvertes. Plus tard, les Allemands
239 ayreuth. C’est alors auprès des maîtres allemands que les premiers compositeurs de Moscou et de Saint-Pétersbourg apprennen
240 . Au début du xxe siècle, plusieurs Russes, tels que Stravinsky, influenceront à leur tour la musique occidentale, en impo
241 création, des maîtres, et non pas des nations. Ce que l’on nomme parfois, pendant la Renaissance, la « nation » d’un musici
242 fait de la langue qui l’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne p
243 ent à la « culture française », on ne pense guère qu’ à la langue française. Mais celle-ci n’est pas une propriété de la nat
244 lle, à l’ensemble de laquelle elle ne fut imposée que par un décret de François Ier, en 1543. On parle encore dans la Franc
245 elle seule définir une culture : elle n’est guère qu’ un des éléments de la culture en général. Or tous les autres éléments 
246 idence, pas réductibles à des cadres nationaux. «  Qu’ as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à ch
247 as réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » peut donc dire la culture européenne à chacune des
248 corps de ce continent. III Or il se trouve que les Suisses sont, ou devraient être, préservés mieux que les autres d
249 Suisses sont, ou devraient être, préservés mieux que les autres de l’illusion des « cultures nationales », du seul fait de
250 leur État. Nous sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dé
251 s sommes en mesure de savoir mieux que les autres que la vie culturelle de nos régions et de nos cités ne dépend pas de réa
252 des Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’État français nous donne depuis cent ans de la « culture française 
253 l et notre méfiance pour les cérémonies — à moins que son adoption n’ait résulté de notre tempérament particulier, mais cel
254  : nous sommes en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont conscience ou ne voudraient l’admettre
255 Tels étant nos principaux caractères spécifiques, que devons-nous faire maintenant pour rester fidèles à nous-mêmes, j’ente
256 ée ? Je ne crois guère aux mesures de « défense » qu’ on nous propose périodiquement : défense contre l’influence germanique
257 uropéenne. Nos meilleurs auteurs (pour ne prendre que cet exemple, le plus délicat, puisqu’il est lié à la langue, laquelle
258 ingria, Gonzague de Reynold. Européens en ce sens qu’ ils n’ont pas hésité à puiser aux sources les plus variées de la cultu
259 re européenne, germanique et anglo-saxonne autant que française, sans s’arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de pare
260 er à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représentent ailleurs les cultures soi-disant « nationales ». Et n’es
261 -ce pas à ce caractère « immédiatement européen » que l’on reconnaît le plus vite leur commun caractère de Suisses romands,
262 commun caractère de Suisses romands, si profondes qu’ aient été leurs différences de doctrine, d’esthétique ou de tempéramen
263 massue contre ma thèse. Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école
264 de son œuvre. IV À la question de savoir ce que les Suisses romands peuvent apporter de meilleur à la culture, je rép
265 illeur à la culture, je réponds donc sans hésiter que c’est surtout leur sens fédéraliste, leur sentiment direct, leur expé
266 -monde, tout enfiévré par les virus nationalistes que la culture du dernier siècle et notre crise totalitaire ont propagés.
267 nos particularismes les plus désuets. Il voudrait que chacune de nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines :
268 : université, radio, publications, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un cas, il pous
269 , publications, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des s
270 iocres, mais « bien de chez nous », aux avantages que pourrait procurer une coopération sans réserve avec d’autres cantons
271 libre et dispersé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un laboratoire de
272 ratoire de recherches nucléaires, pour ne prendre que cet exemple. Mais qu’on ne dise pas qu’elles sont trop petites pour q
273 nucléaires, pour ne prendre que cet exemple. Mais qu’ on ne dise pas qu’elles sont trop petites pour que s’y développent à f
274 e prendre que cet exemple. Mais qu’on ne dise pas qu’ elles sont trop petites pour que s’y développent à foison des écoles d
275 avec l’intransigeance nécessaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait la Renaissance en Italie, en Flandres ou en Bo
276 ndres ou en Bourgogne, étaient alors plus petites que nos villes romandes actuelles. Elles sont tout de même devenues des f
277 e grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’ à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul c
278 remédier. Les comités ne peuvent faire, au mieux, que des choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions i
279 le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat d’e
280 rotégeant en revanche trop de médiocrité pour peu qu’ elles aient été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous pré
281 ue équitable — ce qui n’est, soit dit en passant, qu’ une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela qui mérite aujourd’h
282 liste. On parle beaucoup, ces jours-ci, du danger que le Marché commun représenterait pour notre Suisse fédéraliste. Mais c
283 C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’ au niveau de notre vie matérielle, de traiter la culture en mendiante,
284 nd ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas l’un sans l’autre. c. Rou
5 1963, Articles divers (1963-1969). À propos de la culture européenne (avril 1963)
285 er une culture européenne unitaire » ; il nierait que l’Europe soit « la patrie des contradictions » ; et il pratiquerait l
286 où nous écrivons « trait distinctif », à déplorer que nous éliminions le judaïsme ou le christianisme, quand nous ne cesson
287 le christianisme, quand nous ne cessons d’écrire qu’ avec Rome et Athènes ils sont les éléments fondamentaux de notre cultu
288 à discussion, mais à les falsifier radicalement. Qu’ il y ait une tradition « européenne » du fascisme et de ses procédés,
289 eu de tout en Europe, de la sottise aussi, autant qu’ ailleurs. La seule question qu’on se pose est de savoir quelles sont l
290 tise aussi, autant qu’ailleurs. La seule question qu’ on se pose est de savoir quelles sont les traditions qui doivent colla
6 1963, Articles divers (1963-1969). Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)
291 berté ? L’union de l’Europe ne pourra se faire qu’ en vertu d’une volonté, mais il n’est pas de volonté sans but, sans qu
292 pouvoir et les autres en prison ». En proclamant que « le coup électrique de la Raison » doit se transmettre instantanémen
293 umain », définissait très bien l’utopie unitaire, que la technique met à portée de nos mains. En chemin vers l’autre limite
294 animateur sans pouvoir contraignant n’est féconde que dans la mesure où elle éveille et libère chez beaucoup la possibilité
295 olonté de puissance personnelle. Parmi les hommes que le souci de la chose publique conduit à prendre part à l’élaboration
296 en, je vois deux types intermédiaires, entre ceux que l’on vient de caractériser : je les nommerai symboliquement celui du
297 le manager, la volonté de puissance ne se traduit que d’une manière abstraite, en termes d’organisation sans défaut, et par
298 nt. (Le premier ne suffit pas mieux à le réfuter, que le second à le fonder en principe.) Car il est véritablement la proje
299 e nos sciences et nos logiques ne seraient pas ce qu’ elles sont, ou n’auraient pas eu lieu. Lors du premier congrès de l’Un
300 ontribue à promouvoir un certain type d’humanité, qu’ on le veuille ou non, qu’on le sache ou non. Quelle est donc la défini
301 certain type d’humanité, qu’on le veuille ou non, qu’ on le sache ou non. Quelle est donc la définition de l’homme sur laque
302 alisme ? Nous ne serions pas ici si nous pensions que le type d’homme le plus souhaitable est l’individu isolé, dégagé de t
303 us si nous pensions avec Hitler et les staliniens que l’homme n’est qu’un soldat politique, totalement absorbé par le servi
304 s avec Hitler et les staliniens que l’homme n’est qu’ un soldat politique, totalement absorbé par le service de la communaut
305 n esprit tout au moins. Si nous sommes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vi
306 moins. Si nous sommes ici, c’est que nous savons que l’homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation
307 s’exerce. Aux individualistes nous rappelons donc que l’homme ne peut se réaliser intégralement sans se trouver engagé du m
308 exe social. Et aux collectivistes, nous rappelons que les conquêtes sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à ren
309 cation et la cité ; entre ces deux amours : celui qu’ il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubl
310 amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’ il doit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la ten
311 ui me paraît indispensable, il ne faut pas penser que la personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre l’individu s
312 e, c’est l’homme réel, et les deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions de l’humanité complète. La pe
313 oppressive. Le fédéralisme est sur un autre plan que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que l’individualisme ou
314 que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que l’individualisme outré fait le lit du collectivisme : ces deux extrêm
315 oussière des individus civiquement irresponsables que les dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir, pendant la de
316 t nous avons pu voir, pendant la dernière guerre, que les résistances que rencontrent les dictateurs sont au contraire le f
317 , pendant la dernière guerre, que les résistances que rencontrent les dictateurs sont au contraire le fait de groupes de ci
318 , c’est-à-dire des personnes fédérées.2 On voit que le passage de la personne au fédéralisme s’opère tout naturellement,
319 t, et presque irrésistiblement, le second n’étant que la projection de la première au plan politique, en ce sens précis que
320 la première au plan politique, en ce sens précis que les éléments antagonistes qui trouvent leur composition dans la perso
321 bre dynamique ne pouvant d’ailleurs être maintenu qu’ au prix d’une vigilance toujours alertée, de rétablissements, ajusteme
322 ons en perpétuel renouvellement. C’est assez dire que le fédéralisme n’est pas une doctrine fixe, ni vraiment un système, e
323 , ni vraiment un système, et encore moins un plan qu’ il faudrait appliquer aux réalités humaines et politiques, toujours « 
324 erait vain d’en faire un traité théorique. Plutôt que d’essayer de les déduire dans l’abstrait, observons des exemples réus
325 incipes directeurs ou réflexes quasi instinctifs, que l’on peut dégager après coup. On retiendra ici ceux qui paraissent le
326 Premier principe. Une fédération ne peut naître qu’ au prix du renoncement formel et vigilant à toute idée d’hégémonie org
327 éens — selon laquelle une fédération ne peut être que l’œuvre d’un tout-puissant « fédérateur » (potentat ou État), n’est c
328 e sont principes fédérateurs, même négatifs. Mais qu’ un État ou une coalition, disposant de l’hégémonie, décident expressém
329 fédération. Ne mérite donc le titre de fédérateur que le groupe, ou l’État, ou la communauté d’États, ou le parti politique
330 fois qu’un des cantons plus riche ou plus peuplé que les autres, comme Zurich, ou un groupe de cantons coalisés au nom de
331 que), les vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que de rendre aux vaincus leur pleine égalité de droits. Et de cet acte d
332 issements utiles. Ils nous confirment dans l’idée qu’ on ne peut pas atteindre une fin fédérative par des moyens impérialist
333 moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’ à l’unification forcée, caricature de l’union véritable. Deuxième pri
334 Deuxième principe. Le fédéralisme ne peut naître que du renoncement à tout esprit de système idéologique ou technocratique
335 prit de système idéologique ou technocratique. Ce que je viens de dire au sujet de l’impérialisme ou de l’hégémonie d’une n
336 n de toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’est pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à p
337 , composer ces réalités concrètes et hétéroclites que sont les nations, les régions économiques, les unités culturelles, re
338 les arranger selon leurs caractères particuliers, qu’ il s’agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisi
339 nnaît pas de problème des minorités. On objectera que le totalitarisme, lui aussi, supprime ce problème : mais c’est en sup
340 ire voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’ une minorité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux
341 dans le fait qu’une minorité ait les mêmes droits qu’ une majorité. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’un chif
342 orité ait les mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’ à ses yeux la minorité ne représente qu’un chiffre, et le plus petit.
343 té. C’est qu’à ses yeux la minorité ne représente qu’ un chiffre, et le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’une
344 le plus petit. Pour le fédéraliste, il va de soi qu’ une minorité puisse compter pour autant, voire pour plus qu’une majori
345 orité puisse compter pour autant, voire pour plus qu’ une majorité dans certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente un
346 délèguent le même nombre de représentants quelle que soit leur population. Mais le jeu des minorités raciales et religieus
347 de contrastes réels entre les tons, il n’y aurait que la simple juxtaposition de tubes de couleurs pures, bien mis en ordre
348 rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté et composé avec des verts, par exemple, dans
349 evoir dans un rôle analogue, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’
350 t une nécessité vitale, et non pas une concession qu’ on leur demande, ou une diminution de leur valeur propre. Elles compre
351 de leur valeur propre. Elles comprendraient aussi que dans une fédération elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contr
352 le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur. Tout ce qu’ on lui demande, c’est d’être un vrai poumon, d’être aussi poumon que p
353 c’est d’être un vrai poumon, d’être aussi poumon que possible, et, dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon
354 venue dès 1880, dans une lettre prophétique, ceux qu’ il appelait les « terribles simplificateurs ». Lorsque les étrangers s
355 s, de cette espèce de mouvement d’horlogerie fine que composent nos rouages communaux, cantonaux, fédéraux, si diversement
356 diversement engrenés, il convient de leur montrer que cette complexité — cause de tant de lenteurs et d’excessives prudence
357 ondition même de nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont rappelés au concret, et que nos législateurs
358 e nos fonctionnaires sont rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés de garder un contact attentif avec les
359 oupent de cent manières différentes. Il est clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin
360 siste, ou simplement tout ce qui dépasse. Mais ce qu’ on écrase ainsi, c’est la vitalité d’un peuple. Une politique fédérali
361 iosité technique, et de compréhension des peuples qu’ elle administre. Elle exige beaucoup plus de vrai sens politique. Fina
362 e. Finalement, si l’on y réfléchit, on s’aperçoit que la politique fédéraliste n’est rien d’autre que la politique par exce
363 t que la politique fédéraliste n’est rien d’autre que la politique par excellence, c’est-à-dire l’art d’organiser la cité a
364 és humaines est beaucoup plus près de s’organiser qu’ il ne le semble. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’elle
365 le. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’ elle ne le croit. C’est sur le plan de l’action gouvernementale que le
366 it. C’est sur le plan de l’action gouvernementale que les oppositions et les rivalités éclatent, et là seulement elles semb
367 ent irréductibles. Il paraît difficile d’espérer que les gouvernements puissent jamais réaliser une union viable. Leurs di
368 iés pour arbitrer le jeu des nations. Chacun sait qu’ il serait déraisonnable de choisir comme arbitres d’un match les capit
369 s des équipes en présence. C’est pourtant bien ce qu’ avait tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce qu’a tenté à nouv
370 it tenté de faire la SDN, qui en est morte, et ce qu’ a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération euro
371 i en est morte, et ce qu’a tenté à nouveau l’ONU, que cela empêche de vivre. La fédération européenne ne saurait être l’œuv
372 l’Est et nous minant à l’intérieur par les partis qu’ ils commandaient chez nous, n’ont réussi à provoquer la fédération de
373 concurrence nationaliste : elles n’ont contribué qu’ à notre division, et presque à notre ruine à deux reprises. En revanch
374 s vingt-deux cantons suisses en 1848, ont compris qu’ isolés ils tombaient, mais qu’unis ils pouvaient à la fois sauver leur
375 n 1848, ont compris qu’isolés ils tombaient, mais qu’ unis ils pouvaient à la fois sauver leurs libertés locales et agir com
376 à définir en quelques mots, en une formule. C’est qu’ elle est d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plut
377 ule. C’est qu’elle est d’un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que seulement logique. Elle échappe
378 nique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que seulement logique. Elle échappe aux catégories statiques et géométriq
379 rojette pas devant elle une utopie bien cohérente qu’ il s’agirait d’imposer, ou des plans statiques qu’il faudrait réaliser
380 qu’il s’agirait d’imposer, ou des plans statiques qu’ il faudrait réaliser en quatre ou cinq ans, par la réduction impitoyab
381 e souple et constamment mouvant entre des groupes qu’ il s’agit de composer en sauvegardant à la fois leur individualité et
382 tomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que l’exemple de la vie politique suisse illustre très clairement. En eff
383 es uns et les autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’ à moitié raison. Le véritable fédéralisme ne consiste ni dans la seule
384 nion, tandis que « tous pour un » signifie l’aide que l’union doit apporter à chaque région et à chaque personne. Il est i
385 et à chaque personne. Il est infiniment probable que , sur le plan européen, nous allons voir se dessiner deux tendances to
386 essiner deux tendances toutes semblables à celles que je viens de signaler pour la Suisse. Nous aurons des fédéralistes qui
387 se. Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’ à faire l’union et à la renforcer, et nous aurons des fédéralistes pré
388 Et il faudra sans cesse rappeler aux deux partis que le fédéralisme véritable n’est ni dans l’une ni dans l’autre de ces t
389 particuliers. Car cela ne conduirait en pratique qu’ à une union trop faible mais bientôt accusée d’oppression par ses memb
390 s, et celui de l’éducation. Il est facile de voir que chacun des membres d’une fédération bénéficiera d’une organisation un
391 gionales. D’autre part il n’est pas moins évident que l’ensemble fédéral européen bénéficiera de la vitalité culturelle de
392 ons sociales et des psychologies dont chacun sait que la variété même conditionne la puissance créatrice de l’Europe. Il co
393 financement fédéral.) Ceci posé, il va sans dire que dans certains domaines publics, il apparaîtra normal ou nécessaire so
394 fur et à mesure de leur évolution, d’une part ce qu’ il devient avantageux pour chacun de confier au pouvoir fédéral ; d’au
395 de confier au pouvoir fédéral ; d’autre part, ce qu’ il reste indispensable de laisser à la libre initiative des États ou r
396 des groupes et des individus. Étant bien entendu que les frontières entre le secteur centralisé et le secteur libre doiven
397 des phénomènes d’ampleur publique, il est normal qu’ un pouvoir central prenne la charge de les organiser, rationaliser et
398 e devant l’essor technique, ont popularisé l’idée que la machine était en passe d’asservir l’homme. Étrange démission de l’
399 devant ses propres inventions ! Car il est clair que la machine a été inventée par les Européens pour les libérer du trava
400 qui en est le vrai responsable. Le mécanisme quel qu’ il soit — de la machine-outil à l’État, du plan de travail d’un écriva
401 lois — n’est en fin de compte, comme à l’origine, qu’ un auxiliaire de la vie créatrice, un moyen ordonné à sa fin. De même
402 e ses « fatalités » natives… N’est-ce point là ce que l’homme européen, depuis des siècles, appelle sa liberté ? Subordonne
403 este du monde n’existait pas : j’ai dit plus haut que ce sont, à la racine, les maladies de la personne elle-même. Car la p
404 a pesanteur naturelle, aux routines, aux machines qu’ elle s’est construites mais qu’elle accuse ensuite de l’asservir, cett
405 ines, aux machines qu’elle s’est construites mais qu’ elle accuse ensuite de l’asservir, cette mauvaise foi trahissant à vra
406 i ; soit de s’imaginer, comme la colombe de Kant, qu’ elle volerait beaucoup mieux dans le vide. Bureaucratie, technocratie,
407 s, ces objets, et les doue des pouvoirs de sujets qu’ elle abdique… ⁂ IV. Passage des buts aux moyens Quels sont alors
408 des buts aux moyens Quels sont alors les buts que l’homme européen peut et doit projeter au plan de la politique et de
409 nner une Voix à l’ensemble historique et culturel qu’ est l’Europe. Tout le problème est d’ordonner, subordonner, articuler
410 agit donc : — d’une part, à l’intérieur, d’éviter que les indépendances personnelles et locales soient dissoutes dans un ré
411 d’autre part, vis-à-vis de l’extérieur, d’éviter que soit reportée aux frontières de l’union la somme des tendances autarc
412 x experts), mais je la tiens pour moins difficile que celles qu’on demande, par exemple, aux constructeurs d’une fusée bali
413 mais je la tiens pour moins difficile que celles qu’ on demande, par exemple, aux constructeurs d’une fusée balistique ou d
414 ront capables de satisfaire aux doubles exigences que l’on vient d’énoncer : Autonomie et Union, Buts et Moyens, philosophi
415 éthode personnaliste, c’est d’une vision des Buts qu’ il faut partir : car elle seule permettra d’éclairer les chemins qui p
416 Acte constituant la fédération européenne déclare que l’union de ses peuples a pour fins, d’une part, d’assurer les liberté
417 y veille, leur commune les protège.) Moins grande que les États-Unis, la Russie soviétique ou la Chine, l’Europe est tellem
418 e ou la Chine, l’Europe est tellement plus variée qu’ elle est en fait, si on la traverse, infiniment plus riche en expérien
419 re les « deux grands » : elle est plus « grande » que chacun d’eux, et presque autant que les deux additionnés. Mais cette
420 us « grande » que chacun d’eux, et presque autant que les deux additionnés. Mais cette grande liberté cosmopolite n’est pas
421 on d’une partie limitée, d’en jouir et même mieux qu’ avant. Car chaque citoyen de l’Europe relève d’un pays d’origine, d’un
422 devenir citoyen de l’Europe, il faut et il suffit que l’on devienne d’abord citoyen de l’un des pays membres, voire d’une d
423 éligible après un certain délai, qui varie selon qu’ il s’agit d’emplois publics municipaux, régionaux, ou nationaux. Le dr
424 Le droit fondamental à une patrie locale entraîne que les communautés constituées, régions associées ou États, sont respons
425 1948 au Congrès de l’Europe à La Haye6). Le fait que leur fédération ait désormais, en tant que telle, une politique étran
426 telle, une politique étrangère commune, signifie que les citoyens d’un de nos petits États ne sont plus à la merci de la p
427 er leur destin, sur ce plan aussi. (Et l’on verra que ce droit joue en faveur de la paix.) La vocation culturelle, sociale,
428 La fédération européenne a solennellement déclaré qu’ elle renonçait à la guerre comme moyen politique. Pour sa police inter
429 de l’homme européen. Il en résulte immédiatement que l’organisation politique de l’Europe ne saurait être l’État-nation un
430 e trouve être, de la sorte, au moins aussi réelle que dans l’ancien régime, quoiqu’expressément limitée. Mais ces États sou
431 fédération vers 1980. Elle ne saurait s’expliquer qu’ en fonction des problèmes qui se posaient au départ de la construction
432 t retour en arrière, examinons la situation telle qu’ elle se présentait aux environs de 1963, lorsqu’on se mit à envisager
433 litique, et à supputer les conséquences probables qu’ entraînerait une fédération. Parenthèse 1963 a) Rapports ent
434 lui de la souveraineté : faut-il exiger des États qu’ ils y renoncent ? Si c’est une condition sine qua non, y a-t-il une ch
435 tion sine qua non, y a-t-il une chance quelconque qu’ on l’obtienne jamais, donc qu’on arrive jamais à une fédération ? Ains
436 e chance quelconque qu’on l’obtienne jamais, donc qu’ on arrive jamais à une fédération ? Ainsi posé, le problème est insolu
437 ais dont personne ne semble tenir compte, exigent que les États renoncent expressément à cette souveraineté théorique. Or,
438 responsables, et il est tout à fait inconcevable qu’ ils puissent agir sous le coup d’un enthousiasme collectif. « L’État e
439 espoir d’une construction européenne sur un geste qu’ aucun grand État n’est en mesure de faire, il est sans doute dangereux
440 s souverainetés en grande partie inexistantes, et qu’ on ne pourrait que renforcer temporairement en les obligeant à se défe
441 grande partie inexistantes, et qu’on ne pourrait que renforcer temporairement en les obligeant à se défendre au nom sacré
442 it d’habile compromis, soit d’échappatoire, selon qu’ on a le tempérament pragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n
443 e : il n’est pas de constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourtant elle garantit la souveraineté de ses
444 l’est certes en partie ; pas davantage toutefois que celle de nos États contemporains. Au surplus, dans la mesure où elle
445 ns ou de prendre parti dans leurs querelles. Mais qu’ en est-il de ces voisins et de leur souveraineté illimitée ? L’affaire
446 ent tenté de faire valoir les droits fondamentaux que la doctrine classique attribue aux « souverains » : celui de déclarer
447 deux autres puissances de cesser les hostilités, qu’ ils venaient d’engager contre l’Égypte. Ils ont immédiatement obtempér
448 ucun n’est autonome et ne pourra plus l’être tant que l’Europe entière ne le sera pas. Leur souveraineté relative, pour aut
449 aineté atomique. Cette situation aussi dangereuse qu’ humiliante indique clairement ce qu’il nous reste à faire : — une Cons
450 si dangereuse qu’humiliante indique clairement ce qu’ il nous reste à faire : — une Constitution fédérale, afin que l’Europe
451 ou s’en inquiètent, aux environs de 1963 : c’est qu’ il est plus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même san
452 x environs de 1963 : c’est qu’il est plus nouveau que celui des souverainetés, et qu’il est même sans précédent dans l’ère
453 est plus nouveau que celui des souverainetés, et qu’ il est même sans précédent dans l’ère moderne. Voici comment on peut l
454 . Voici comment on peut l’imaginer. En admettant que l’union fédérale étende à l’ensemble du continent et aux îles britann
455 er en autant de régions nouvelles (ou réanimées), qu’ il y aura de « métropoles » prouvant leur droit à une autonomie de fai
456 ant leur droit à une autonomie de fait. C’est ici que l’exemple de la Suisse cesse de nous servir de modèle, du moins trans
457 que d’effacer leurs diversités, tant provinciales que régionales ; dont certaines au surplus, coupées de gré ou de force pa
458 l : ces derniers devant faire preuve, plus encore que les autres, d’imagination créatrice. Une jurisprudence fédérale des r
459 s haut, et s’en déduisent sans autres difficultés que celles qui naissent d’une volonté fédéraliste de respecter autant que
460 ent d’une volonté fédéraliste de respecter autant que possible les situations spéciales et locales. Les compétences du pouv
461 pouvoir fédéral, qui ne peuvent entrer en action qu’ en cas d’attaque contre la fédération ou l’un de ses membres, ou en ca
462 rels et spirituels plus restreints ou plus vastes que la communauté politique (État ou région) où il est né ; et enfin le l
463 versités ne saurait être impérialiste. (Rappelons que les anciens empires coloniaux avaient été créés par les États nationa
464 es États nationalistes en compétition brutale, et que leur liquidation a seule permis le rapprochement des peuples de l’Eur
465 a fédération européenne a solennellement proclamé qu’ elle renonçait à la guerre comme moyen d’imposer sa politique commune.
466 utre, la question se ramène à celle des alliances qu’ elle peut être amenée à conclure avec d’autres États ou fédérations. S
467 e ; mais elle peut être entraînée dans une guerre qu’ un tiers parti ferait à l’allié, comme s’il la faisait à l’un de ses m
468 la méthode dichotomique définie plus haut. Outre que la fédération assure les libertés d’établissement, de travail, de com
469 en matière d’éducation et de culture, notamment, que les États conservent les plus larges compétences. La principale modif
470 stice. Les lois fédérales ne peuvent être rendues qu’ avec l’accord des deux chambres. En cas de différend irréductible, un
471 possibilités de développement aussi différenciées que celles qui existent en Europe, ne saurait être gouverné que par un Co
472 qui existent en Europe, ne saurait être gouverné que par un Collège où s’équilibrent les diversités en évolution permanent
473 orités fédérales Les mêmes raisons qui veulent que la fédération soit gouvernée par un Collège, et non par un seul homme
474 par un Collège, et non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capitale, mais un District fédéral. La féd
475 ècles d’histoire commune et toutes les diversités que l’on sait, le District fédéral ne saurait être, lui non plus, une cré
476 d’accès facile en temps de paix ; il ne peut être qu’ un petit pays, cependant très diversifié et si possible de tradition f
477 à celles en vigueur à Washington, D.C. : on sait que les citoyens du district fédéral américain n’avaient pas le droit de
478 el de neutralité, dont nous avons vu par ailleurs qu’ il a perdu ses anciennes justifications. VI. Chances de réalisati
479 n comble au xxe siècle ; ce qui incline à penser que les réussites suisse et nord-américaine ont une valeur probante pour
480 ition calvinienne, ne peuvent, en bonne doctrine, que se montrer favorables aux solutions fédéralistes. Celles-ci sont d’ai
481 ns un régime fédéraliste la garantie à des droits qu’ ils ont longtemps revendiqués contre les cléricalismes unitaires, voir
482 encore plus puissantes et beaucoup plus maniables que la bombe H, mais aussi à des procédés de manipulation du psychisme co
483 éfense de la personne, on peut tenir pour certain qu’ elle jouera, elle aussi — si peu que ce soit — en faveur d’un régime f
484 lèmes deviennent chaque année plus concrets, soit qu’ ils se posent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent des passion
485 soit qu’ils se posent en termes d’intérêts, soit qu’ ils réveillent des passions partisanes ou nationales. « Fédérer les Eu
486 tend à prendre un sens précis et spécifique, tel que nous l’avons défini plus haut. Cet ensemble de facteurs positifs, nég
487 ivalents, ménage des possibilités plus favorables que jamais à une action fédéraliste. Mais il faut, pour les réaliser, un
488 lément catalyseur : une vision non utopique de ce que peut être l’Europe fédérée. ⁂ VII. La vraie « relance » de l’Europ
489 te esquisse d’une union fédérale, nous n’avons eu qu’ à nous laisser guider par deux séries de déductions inévitables, et qu
490 faste pour les traditions valables du tiers-monde que ne fut jamais notre colonialisme ; nécessité, à cet égard, d’une poli
491 é urgente d’un troisième partenaire, moins neutre que central, entre les deux partis extrêmes de l’Occident, armés de la Bo
492 Si l’Europe n’est pas encore faite, ce n’est pas que ces obstacles soient bien forts — ils n’ont guère plus de consistance
493 bien forts — ils n’ont guère plus de consistance que les ténèbres — mais c’est que les partisans officiels de l’union para
494 plus de consistance que les ténèbres — mais c’est que les partisans officiels de l’union paraissent encore bien peu hardis.
495 u hardis. Ils donnent l’impression de mal voir ce qu’ ils disent qu’il faudrait vouloir. Ils hésitent, ils discutent, ils pi
496 donnent l’impression de mal voir ce qu’ils disent qu’ il faudrait vouloir. Ils hésitent, ils discutent, ils piétinent dans l
497 eux qui demandent : « Quelle Europe voulez-vous ? Qu’ on nous la montre ! » Ces discussions préliminaires sont vaines. On ne
498 le But est la seconde tâche, indispensable, mais que la claire vision du But rend seule possible. On ne trace pas un chemi
499 nd seule possible. On ne trace pas un chemin tant qu’ on ne sait pas au juste où l’on a décidé d’aller : on se contente de c
500 odalités et le coût de l’opération. Ils concluent que rien n’est possible dans l’état actuel des choses. Et leur déni tradu
501 moyens, mais personne ne saurait vouloir une fin qu’ il distingue mal. Et c’est pourquoi, dans le domaine qui nous occupe,
502 trop d’importance. Mon regard trop souvent n’a vu que ce qu’il cherchait, ce qui était dans mon esprit et non dans la réali
503 importance. Mon regard trop souvent n’a vu que ce qu’ il cherchait, ce qui était dans mon esprit et non dans la réalité. Cet
504 s la réalité. Cet essai n’a donc d’autre ambition que d’appeler des mises au point optiques. Il y faut le travail d’une équ
7 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
505 al du siècle, du nôtre. Sans la crise du mariage, que seraient toutes nos littératures ? Elle ne fait pas simplement la for
506 ations comiques ou cyniques. Et tout cela ne fait que trahir le tourment innombrable et obsédant de l’amour hors-la-loi. La
507 a quand même doublé depuis cinquante ans ? C’est que cette crise a des causes nombreuses et complexes. Les unes sont liées
508 les connaissances ont créé de nouvelles exigences que nos grands-parents n’avaient pas. La recherche du bonheur individuel
509 il y a une cause essentielle et séculaire : c’est que tous les adolescents sont élevés dans l’idée du mariage (normal, souh
510 e romantique, la passion étant l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour connaître, et qu’il appelle secrètement. Pour
511 uprême, que tout homme doit un jour connaître, et qu’ il appelle secrètement. Pourquoi mariage et passion sont-ils incompati
512 que, la proximité quotidienne, l’accoutumance, et que la passion, elle, veut des obstacles qui rendent l’amour plus intense
513 ère. Cet amour-passion est sans doute aussi vieux que le monde, au moins aussi vieux que le mariage ? Absolument pas ! L’am
514 te aussi vieux que le monde, au moins aussi vieux que le mariage ? Absolument pas ! L’amour-passion, cette conception de l’
515 e conception de l’amour qui nous est si familière que nous nous figurons qu’elle a toujours existé a, en fait, une date et
516 qui nous est si familière que nous nous figurons qu’ elle a toujours existé a, en fait, une date et des origines bien préci
517  : c’était deux domaines, ou deux lopins de terre qu’ on mettait ensemble. C’est au xiie siècle qu’est né l’amour moderne :
518 rre qu’on mettait ensemble. C’est au xiie siècle qu’ est né l’amour moderne : c’est la « cortezia », l’amour courtois chant
519 t leurs poèmes (cause ou conséquence ?) considère que l’âme, partie de l’homme créée par Dieu, est emprisonnée dans le corp
520 pays orientaux, pourquoi n’a-t-elle fait fortune qu’ en Occident ? C’est que la passion ne s’approfondit et ne dégage ses é
521 oi n’a-t-elle fait fortune qu’en Occident ? C’est que la passion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure
522 assion ne s’approfondit et ne dégage ses énergies qu’ à la mesure des résistances qu’elle rencontre. Et c’est l’Europe catho
523 égage ses énergies qu’à la mesure des résistances qu’ elle rencontre. Et c’est l’Europe catholique et nordique qui devait of
524 nel de l’amour-passion qui se nourrit d’obstacles qu’ on lui oppose, qui les invente au besoin : Tristan aurait pu garder Is
525 : Tristan aurait pu garder Iseut aux cheveux d’or qu’ il est allé conquérir pour son roi : les mœurs du temps sanctionnaient
526 arations sont aussi souvent inventées par Tristan qu’ imposées par l’extérieur. Ce roman de Tristan dont le succès prodigieu
527 mpossible, c’est le mythe européen de l’adultère. Qu’ est-ce qu’un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante r
528 c’est le mythe européen de l’adultère. Qu’est-ce qu’ un mythe ? Un mythe c’est une histoire simple et frappante résumant un
529 elles sont devenues d’autant plus contraignantes qu’ elles n’ont plus de pouvoir que sur nos rêves. Quel rapport a donc au
530 lus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir que sur nos rêves. Quel rapport a donc au juste le roman de Tristan et la
531 e roman de Tristan et la crise du mariage ? C’est que finalement notre crise du mariage n’est rien de moins que le conflit
532 lement notre crise du mariage n’est rien de moins que le conflit de ce mythe et de la morale chrétienne, donc de deux tradi
533 traditions religieuses, c’est-à-dire une décision que nous prenons presque toujours inconsciemment, en faveur d’une morale
534 inconsciemment, en faveur d’une morale survivante que nous ne savons plus justifier : la morale chrétienne, l’orthodoxie, q
535 ef, le mythe dégradé, profané, ne se traduit plus que par l’envahissement du roman d’amour, du film sentimental et de la pi
536 chaque jour, c’est donc sur les débris d’un mythe qu’ est édifié notre moderne mariage d’amour ? Exactement. Or, si l’amour
537 ble pas à la star. Ne peut-on quand même supposer que l’homme parvienne à se fixer sur un type, rencontre un jour son Iseut
538 onnaît son Iseut. Elle est mariée, naturellement. Qu’ elle divorce, il l’épouse ! Avec elle, ce sera la vraie vie, l’épanoui
539 sera la vraie vie, l’épanouissement de ce Tristan qu’ il porte en soi. Mais aussitôt paraît une anxiété dans l’entourage : l
540 alors un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre
541 ournois du mari qui ne peut plus désirer sa femme qu’ en l’imaginant sa maîtresse (ou dans les bras d’un autre). Cet amour-p
542 ge. Ne pas essayer de le fonder sur une obsession qu’ on subit mais sur une décision qu’on assume. Être amoureux est un état
543 r une obsession qu’on subit mais sur une décision qu’ on assume. Être amoureux est un état, aimer, un acte. On subit un état
544 ui ? Non, il existe certaines chances de réussite qu’ il serait stupide de ne pas mettre de son côté : buts communs, rythmes
545 l’essence du mariage d’enseigner aux jeunes gens que leur choix — même garanti d’apparences très raisonnables, relève touj
546 sentera pour beaucoup une contrainte exorbitante. Que peut-on en attendre ? Son but n’est pas le bonheur, c’est la volonté
547 , le couple devant être considéré comme une œuvre qu’ on construit à deux et dont on tâche de faire une œuvre d’art. Cette f
548 lliée pour toute la vie, qui veut mon bien autant que le sien parce confondu avec le sien. Cette fidélité résistera-t-elle
549 é, la grande menace du mariage, c’est la passion. Que le mythe de Tristan, origine de tous nos malheurs, soit définitivemen
550 du mariage se dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la passion est l’ennemie jurée du mariage mais c’est elle aussi qui l
551 primer l’un des pôles de notre tension créatrice. Que la passion disparaisse (et le mariage lui oppose maintenant si peu d’
552 e maintenant si peu d’obstacles et de contraintes qu’ elle semble condamnée faute d’adversaire à sa taille) et nous irons to
553 d’hui — les Derniers Mohicans de l’amour. À moins que cet ennui ne recrée alors la soif de quelque chose qui soit au-delà d
554 f de quelque chose qui soit au-delà de l’ordre et qu’ il n’appelle alors un autre xiie siècle de l’amour… qui sera peut-êtr
8 1963, Articles divers (1963-1969). Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)
555 1963)i À la suite de la remarquable conférence qu’ il a faite jeudi soir au Club 44, M. Denis de Rougemont a bien voulu n
556 e but est de grouper les centres existants, ainsi que ceux à créer par la suite, en une fédération ayant pour siège Genève.
557 stion est là. Pour l’instant, il faut reconnaître que l’automation pose de grands problèmes, dans le domaine social, notamm
558 domaine social, notamment. Mais nous n’en sommes qu’ au premier pas, hésitant. Mon attitude est franchement positive, optim
9 1964, Articles divers (1963-1969). L’idée européenne en Suisse (1964)
559 . Lorsque plus tard les nations s’absolutisent et que leurs guerres font rage sur tout le continent, des voix suisses vont
560 ont s’élever au nom de ce principe, pour rappeler que la paix, la prospérité et les libertés de l’Europe ne seront rétablie
561 é et les libertés de l’Europe ne seront rétablies que par cette union-là. C’est comme « citoyen de Genève » que Rousseau si
562 cette union-là. C’est comme « citoyen de Genève » que Rousseau signe ses fameux exposés critiques (l’Extrait de 1761 et le
563 nde, et de la « Ligue helvétique ». L’Europe unie qu’ il appelle de ses vœux ne serait nullement unifiée par un despote ou p
564 les citoyens se connaissent mutuellement », mais qu’ unissent les liens d’une « commune législation… et subordination au co
565 que ». C’est une Europe intégralement fédéraliste qu’ il préconise, et son module (élément type) se révèle, en dernière anal
566 révèle, en dernière analyse, n’être rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffhousois Jean de Müller
567 ire du genre humain (1797) annonce comme Rousseau que « tous les États de l’Europe courent à leur ruine » faute d’un princi
568 nt à leur ruine » faute d’un principe d’union, et que si leurs divisions persistent, l’avenir appartiendra « soit à la Russ
569 Cent-Jours, le projet de fédération européenne13 que va signer Napoléon, — hélas trop tard. Et son fédéralisme européen pr
570 ne, de l’union dans la diversité. C’est en Suisse que Mazzini publie en 1836 le manifeste et les journaux de la « Jeune Eur
571 ifeste et les journaux de la « Jeune Europe », et que le général Garibaldi préside un Congrès de la paix par l’unité europé
572 Du Principe fédératif ; mais il est bien certain qu’ un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidel
573 le, c’est encore en Suisse, dans les années 1930, que le premier mouvement de militants fédéralistes européens voit le jour
574 . En effet, c’est au cours du congrès de Montreux que germe l’idée de réunir des états généraux de l’Europe sous la préside
575 européenne, discussion généralisée sur les formes que devra prendre l’union politique de l’Europe… Impossible d’omettre, da
576 ue, les aspects culturels du mouvement et le rôle qu’ y joue notre pays. Le congrès de La Haye ayant préconisé la création d
577 anthologie de l’idée européenne. C’est en Suisse que le fondateur du mouvement paneuropéen, le comte Coudenhove-Kalergi, é
578 gi, établit son quartier général. C’est en Suisse que Churchill choisit de parler de l’Europe, et que la même année 1946, l
579 e que Churchill choisit de parler de l’Europe, et que la même année 1946, les premières Rencontres internationales de Genèv
580 quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’ a fait, pendant ce même temps, la Suisse légale ? Et que pensaient les
581 ait, pendant ce même temps, la Suisse légale ? Et que pensaient les Suisses moyens ? ⁂ Des lendemains de la Seconde Guerre
582 e jusqu’aux environs de 1960, il faut reconnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins «
583 té dans l’ensemble pour le moins « réservées » et que notre peuple l’est peut-être plus encore, s’agissant de l’idée europé
584 cier », comme on appelait à l’époque la CECA : 1° qu’ il n’était pas réalisable, 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à c
585 que la CECA : 1° qu’il n’était pas réalisable, 2° qu’ il serait néfaste pour la Suisse, à cause de ses incidences sur nos tr
586 vis dans l’obligation un peu gênante de rappeler que le premier passage à la frontière franco-allemande d’un train de char
587 « justifiée », — comme disaient mes instituteurs. Qu’ en est-il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait, p
588 nstituteurs. Qu’en est-il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait, par impossible, ce sera néfaste pour l
589 ieur, et c’en serait fait du « rôle particulier » qu’ elle se réserve d’invoquer plus souvent encore que d’autres nations, a
590 qu’elle se réserve d’invoquer plus souvent encore que d’autres nations, au nom de son action philanthropique par exemple (C
591 erre d’Algérie, etc.). Il n’est donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visant à l’union européenne au
592 on européenne au plan politique. Elle ne pourrait qu’ y perdre son prestige international. Arguments constitutionnels. — Si
593 les remplacer par un sentiment européen », ainsi que le déclarait le 3 mai 1962 M. Homberger, délégué du Vorort de l’Union
594 rce. ⁂ Résumons maintenant les arguments inverses qu’ invoquent les partisans de l’entrée de la Suisse dans une Europe unie
595 ’ailleurs la Suisse l’a fait maintes fois, depuis qu’ au xvie siècle ses circonstances politiques intérieures l’ont contrai
596 issances militaires. La neutralité n’a jamais été qu’ un moyen au service de notre indépendance ; « elle ne fait pas partie
597 us en plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la C
598 quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Rouge lors de
599 tement les chances de leur retour à l’avenir ; 2° que la neutralité suisse, en s’absolutisant jusqu’à devenir tabou — traît
600 Histoire, en quelque sorte, elle n’est plus celle que les Puissances garantirent en 1815. Si elle en vient un jour à s’oppo
601 aux intérêts de l’Europe entière, on s’apercevra qu’ elle a perdu ses bases contractuelles. Déclarer par exemple que la Sui
602 du ses bases contractuelles. Déclarer par exemple que la Suisse se devrait de rester neutre, même en cas de conflit entre l
603 absurde : car la Suisse fait partie de l’Europe, qu’ elle le veuille ou non, et rester neutre entre l’Europe et ses ennemis
604 ul Guggenheim a démontré d’une manière magistrale que l’adhésion de la Suisse à une organisation européenne telle que la CE
605 de la Suisse à une organisation européenne telle que la CEE ne serait pas incompatible avec la Constitution actuelle. Si,
606 cte », mais uniquement par des motifs politiques, qu’ elle reste libre d’avancer18. Et ceci nous renvoie au groupe d’argumen
607 nde (sans cesse invoqué par les abstentionnistes) qu’ elle commerce le plus, mais avec les Six. Les chiffres globaux sont co
608 rtations, deux tiers vont à l’Europe. Il est vrai que notre balance commerciale reste déficitaire avec l’Europe (de 447 mil
609 1 millions) avec l’outre-mer. Mais il faut avouer que ces chiffres ne suffisent pas à justifier notre refus de participer a
610 E ! La Suisse est si peu indépendante de l’Europe que l’immigration de main-d’œuvre européenne nécessaire à l’expansion de
611 000 personnes en 1950 a plus de 800 000 en 1963. Que peuvent bien signifier, dans une telle conjoncture, les rêveries des
612 ner une autarcie plus impossible encore chez nous qu’ ailleurs, n’en affirment pas moins que s’il le faut un jour, la Suisse
613 e chez nous qu’ailleurs, n’en affirment pas moins que s’il le faut un jour, la Suisse fara da se et saura bien se défendre 
614 pons de fer aux pieds et une résolution farouche, que nous pourrons faire face à une Europe unie, — j’entends unie sans nou
615 nous. Arguments traditionalistes. — Il est clair qu’ une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suiss
616 préconise, en réalité. Il est clair, en revanche, qu’ une Europe fédérée, donc respectueuse de ses diversités comme nous des
617 yen de les perdre. Il n’est pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos « caractéristiques nationale
618 iques cantonales. Et il est pour le moins bizarre qu’ un porte-parole des industriels suisses accuse la « politique d’unific
619 s peuples d’Europe ». Je rappelais tout à l’heure qu’ il y a aujourd’hui plus de 800 000 travailleurs étrangers en Suisse :
620 t à fait étranger. Si M. Homberger croit vraiment que le mélange des peuples est un danger majeur pour son pays, il n’a pas
621 effet de la technique, laquelle n’a pas été créée que l’on sache par le mouvement d’union européenne. De nos jours encore,
622 es vivant de l’agriculture ne représentaient plus qu’ un tiers de la population totale. En 1963, c’est 10,5 %. On peut le dé
623 n peut le déplorer, non le nier. On peut redouter que le contact vivant avec les traditions de l’ancienne Suisse, déjà rend
624 du siècle, quand la population aura doublé. Mais que la Suisse entre ou non dans le Marché commun n’y changera rien. (À mo
625 dans le Marché commun n’y changera rien. (À moins que notre isolement n’entraîne un retour à la misère naturelle du pays ?)
626 gnan, ou du xviiie siècle, ni même celle de 1848 qu’ il s’agit de sauver aujourd’hui, mais bien la Suisse réelle de la seco
627 ndance » dont notre peuple n’est pas disposé plus qu’ un autre à payer le prix exorbitant. ⁂ Tels étant les termes du débat
628 prix exorbitant. ⁂ Tels étant les termes du débat que l’idée européenne suscite chez nous — et l’on sait dans quel camp j’a
629 p j’ai toujours milité — il faut bien reconnaître que des deux côtés, une sorte de gêne empêche d’aller en toute franchise
630 tolérance calculée et d’empirisme, qui supposent qu’ on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner
631 supposent qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’ on ne se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique qui r
632 réclament très haut de nos traditions savent bien que chacun sait qu’il s’agit d’intérêts ; et quant aux enthousiastes de l
633 aut de nos traditions savent bien que chacun sait qu’ il s’agit d’intérêts ; et quant aux enthousiastes de l’Europe, ils sav
634 t quant aux enthousiastes de l’Europe, ils savent qu’ ils n’ont aucune espèce de chances d’être écoutés s’ils proposent de r
635 x (beaucoup plus rares d’ailleurs) qui voudraient que la Suisse renonce sans condition à toute idée de neutralité. Mon idéa
636 utralité. Mon idéal très clair — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressément
637 ité d’une fédération. Mais il n’y a aucune chance qu’ on nous offre cela, si nous fédéralistes ne l’exigeons pas. Tout le dé
638 dans ce domaine de la majorité. Certes, je crois qu’ une Europe fédérée sauverait seule à long terme nos chères diversités
639 hères diversités et nos intérêts bien compris, et qu’ il est dangereusement irréaliste de raisonner comme s’il était possibl
640 raison d’être. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe
641 vons à donner, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre d’une Suisse qui fait partie de sa c
642 é et qui en est bénéficiaire, et pas seulement ce que nous attendons et surtout redoutons de l’action des autres. Situés au
643 tinent européen, nous avons réussi beaucoup mieux que cette fameuse neutralité, — nécessité subie, à l’origine et dont nous
644 ries à l’union, ou sacrifier l’union aux égoïsmes qu’ on déguise en patriotismes, la Suisse peut et doit opposer la solution
645 l connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y est que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette neutralité, vertu qui
646 n par ceux qui créent des positions nouvelles. Ce que l’Europe et le monde attendent de nous, ce n’est pas l’exposé lassant
647 t des raisons de notre « réserve » devant tout ce que d’autres proposent, mais c’est un plan d’union qui nous convienne et
648 istoire aura le dernier mot. Mais encore faut-il qu’ elle le dise ! 13. Il s’agit de l’Acte additionnel aux Constitutions
649 se discuter. Je rappelais au début de cet article que c’est pour une mission spéciale, la garde du Gothard dans les intérêt
650 du Gothard dans les intérêts de l’Empire entier, que les Waldstätten ont reçu leurs franchises de l’empereur. N’y avait-il
10 1964, Articles divers (1963-1969). Les arts dans la vie en Suisse (1964)
651 lturels bien distincts ! Et chacun veut rester ce qu’ il est, mais ils n’en vivent pas moins en harmonie, égaux en droit dan
652 ls écrivent et publient, il y aura peu de chances qu’ ils se lisent mutuellement. L’un voudra se faire connaître à Zurich, p
653 ute jamais et n’entendront parler l’un de l’autre qu’ à l’occasion de leurs éventuels succès… à l’étranger ! D’autre part, l
654 expression de la pensée s’il s’agit d’autre chose que des grands lieux communs mainteneurs d’une communauté, font la force
655 ité, la Suisse se verrait condamnée à ne produire que des œuvres moyennes ou d’intérêt purement local et folklorique si cha
656 r de plein droit à des ensembles bien plus vastes que la Suisse : culture germanique ou culture latine, tradition réformée
657 as de relais national pour leur culture. C’est ce qu’ a très bien vu Lucien Febvre, excellent historien français contemporai
658 rl Barth. Son canton — ou l’Europe. » C’est ainsi que les Suisses ont donné à l’Europe plusieurs des plus grands noms du xx
659 l’art comme Wölfflin. Sans oublier le grand clown que fut Grock. Ce palmarès plus qu’honorable ne suffit pas à définir un s
660 er le grand clown que fut Grock. Ce palmarès plus qu’ honorable ne suffit pas à définir un style ni une école particulière,
661 ’une densité probablement très supérieure à celle qu’ on pourrait mesurer dans n’importe quelle tranche de cinq à six millio
662 la Russie puis de l’URSS de 0,03 ? Il semble donc que les petits pays bénéficient de grands avantages culturels, et la Suis
663 grandes compétitions de cette fin du xxe siècle que dans la mesure où elles sauront grouper leurs authentiques forces loc
11 1964, Articles divers (1963-1969). De la marche / De l’échec (1964)
664 ait entièrement le cœur, je trouvais à l’armée ce que d’autres vont demander à une retraite conventuelle. Cette circonstanc
665 des incidents de la vie militaire, qui n’étaient que routine aux yeux de mes instructeurs, m’apparurent tout chargés d’un
666 mais accentuait, par contraste avec le ton bourru qu’ on tient pour énergique dans les casernes, une indépendance d’esprit q
667 ence ou d’humeur subversive. Je l’admirais autant que je détestais l’ambiance de la place d’armes, où il était de mise de n
668 le de cours, il nous posa cette question simple : Qu’ est-ce que l’énergie ? Et après nous avoir laissé patauger quelques mo
669 s, il nous posa cette question simple : Qu’est-ce que l’énergie ? Et après nous avoir laissé patauger quelques moments dans
670 c’est quelque chose qui dort en chacun de vous et qu’ il s’agit de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’était pas une définitio
671 inition, c’était plus grave : nous comprîmes tous que quelque chose se préparait. Et en effet, l’ordre du jour pour le lend
672 . Et en effet, l’ordre du jour pour le lendemain, que nous lûmes en sortant de cette classe écourtée, annonçait : 04.00 : d
673 kilomètres, une semaine plus tard. Et ce n’était qu’ une préparation pour la « grande course » finale : 150 kilomètres par-
674 oujours suivi d’un grand chien blanc. On répétait qu’ une troupe moderne se déplace en camion ou en train et que ces marches
675 roupe moderne se déplace en camion ou en train et que ces marches ne servaient à rien… Pour ma part, j’observais que le col
676 es ne servaient à rien… Pour ma part, j’observais que le colonel prenait grand soin de ne pas les justifier, malgré la sour
677 ne pas les justifier, malgré la sourde résistance qu’ il devait bien sentir chez ses subordonnés. Quels pouvaient être ses m
678 ’armée en général, et celle d’un pays neutre plus qu’ une autre, comme l’instrument d’éducation de certaines énergies déprim
679 de sa philosophie, j’ai toutes raisons de croire qu’ en imposant cette épreuve « inutile » à notre école, il poursuivait un
680 rni un effort qui dépassât de beaucoup le maximum que nous pensions pouvoir tirer de nous. Il était de la nature d’un tel p
681 er de nous. Il était de la nature d’un tel projet que ses motifs ne fussent point divulgués, mais en même temps qu’il nous
682 re de sa « Grande course » un mythe, avec tout ce que le mythe comporte d’effrayant et de contraignant. Nous étions préparé
683 s conditions nécessaires au succès, et aux leçons que devait illustrer l’entreprise. Au départ, à cinq heures du matin, dan
684 ur froide de la caserne de Fribourg, nous savions que la première étape serait de 25 kilomètres, et devait nous porter d’un
685 s de marche sur route nous laissaient aussi frais qu’ une promenade. Et tout d’un coup je découvris ceci : Quand on part pou
686 e trente-trois heures, les cinq premières n’étant qu’ une mise en train, ne fatiguent pas. L’organisme, tout simplement, ne
687 donner les moyens d’y répondre. Et je ne dis pas que l’entraînement que nous avions subi au préalable n’était pour rien da
688 d’y répondre. Et je ne dis pas que l’entraînement que nous avions subi au préalable n’était pour rien dans la facilité avec
689 ur, cet entraînement n’avait été reçu et surmonté qu’ en vue de la grande course, du but lointain… Aujourd’hui, repassant ce
690 ie force d’un homme jeune ne vient-elle pas de ce qu’ il imagine un très long temps de marche devant lui, et certains object
691 ns objectifs qui, peut-être, parce qu’ils ne sont que vaguement entrevus, semblent alors grands et lointains ? Le corps et
692 ins. Et c’est pourquoi le créateur vieillit moins que l’homme de la routine. Mais vers la quarantaine poindra l’angoisse de
693 l’avenir — marquent un temps d’hésitation : c’est qu’ on n’exige plus autant d’elles, et c’est vieillir. Il faudrait au cont
694 et l’avance très lente, mais l’attrait du sommet qu’ on distinguait derrière des épaulements sans cesse renaissants produis
695 le dernier nous mettrait au défi d’en tirer plus que la mesure. Devant nous, fermant une vallée qu’il nous fallait d’abord
696 us que la mesure. Devant nous, fermant une vallée qu’ il nous fallait d’abord aller rejoindre, environ mille mètres plus bas
697 s Alpes. La descente paraît au novice plus facile que la montée, mais c’est aussi l’épreuve la plus dure pour le corps, con
698 ses plans lumineux virant très lentement à mesure que nous descendions, occupaient constamment nos regards. Notre marche en
699 À notre vue, ou peut-être à nos cris, on eût dit qu’ une vague électrique parcourait le troupeau de bout en bout : il ondul
700 La peur et la faim le guidaient dans ces détours qu’ on eût dit capricieux. Notre colonne, cependant, elle aussi précédée p
701 le talus devint la nuit, et le monde ne fut plus qu’ un chemin où des pierres roulaient sous nos pas, jetant parfois des ét
702 dans l’espace obscur, et qui n’était plus mesurée que par l’alourdissement des membres. Un vent froid descendait des Alpes,
703 s’établit. Tout ne fut plus, pendant des heures, qu’ automatismes à peine surveillés, rêveries au loin d’une conscience en
704 e, se redressait… Si l’on nous avait dit : « Plus qu’ une heure à marcher », je pense que la plupart auraient flanché pendan
705 t dit : « Plus qu’une heure à marcher », je pense que la plupart auraient flanché pendant cette étape nocturne. De fait, no
706 sieurs semaines et la saison d’hiver ne s’ouvrait qu’ en décembre. Un hôtel vide nous accueillit. Après la collation d’étape
707 ler reconnaître le sentier du col. Un guide a dit qu’ il neige au-dessus de deux-mille. Cinq ou six d’entre nous allèrent s’
708 en nous regardant l’un après l’autre. J’apprends qu’ il y a déjà un demi-mètre de neige là-haut. Le col sera donc impratica
709 savant qui poursuit une longue recherche apprend qu’ un collègue a trouvé. Une nation qui a tendu ses forces vives vers la
710 une épreuve plus difficile à surmonter, parfois, que l’obstacle lui-même, si grand soit-il. À la Lenk, cette nuit-là, j’eu
711 e ne sais si j’eusse évité cette débâcle nerveuse que les Américains, qui en ont fait une catégorie courante, nomment un br
712 ssait la nécessaire contrepartie : il m’apprenait que pour franchir certains obstacles, il faut moins d’énergie maîtrisée q
713 ains obstacles, il faut moins d’énergie maîtrisée que pour y renoncer dans le moment où l’élan s’est déjà ramassé. Apprendr
714 . Apprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’ une moitié de l’art de vivre. Mais apprendre à ne pas réussir jusqu’au
715 ture confrontant l’esprit et ses œuvres non moins que le corps et ses gestes, la frustration de nos élans les plus hardis c
716 réussir pour persévérer, après n’avoir entrepris qu’ en espoir ! Il avouerait que son espoir était trop court. o. Rouge
717 rès n’avoir entrepris qu’en espoir ! Il avouerait que son espoir était trop court. o. Rougemont Denis de, « De la march
12 1964, Articles divers (1963-1969). Le sentier perdu (1964)
718 rès grands yeux : ils n’ont pas fini de s’étonner que déjà commence l’angoisse. Mais tout d’un coup, voici deux ou trois an
719 té disparaît de la peinture de Nora Auric. Est-ce qu’ il y a trop de gens sur la terre ? On le penserait devant ces tableaux
720 ces tableaux, à cause du sentiment de libération que procurent leurs déserts à ravir, comme si l’étonnement et l’angoisse,
721 in de compte, pouvaient faire sans nous. Le monde que peint Nora Auric a ceci de particulier qu’on ne sait s’il est vu de s
722 monde que peint Nora Auric a ceci de particulier qu’ on ne sait s’il est vu de sous l’eau ou d’un nuage : ce seraient à peu
723 est féminin, sans aucun doute possible. Ne fût-ce que par ces roses un peu gris que je me rappelle, qui s’exagèrent sans do
724 possible. Ne fût-ce que par ces roses un peu gris que je me rappelle, qui s’exagèrent sans doute dans mon souvenir visuel,
725 it, tout est lisible et composé, comme un paysage qu’ on reconnaît sans l’avoir jamais vu nulle part, mais qui ressemble abs
13 1965, Articles divers (1963-1969). La technique, facteur de paix (6 mars 1965)
726 de son rôle dans notre société, et non pas de ce que j’en sais, mais plutôt de ce que j’en puis faire comme usager moyen e
727 et non pas de ce que j’en sais, mais plutôt de ce que j’en puis faire comme usager moyen et homme qui réfléchit sur cet usa
728 dans notre civilisation. Disons, symboliquement, que l’éclairage à l’électricité étant donné, je m’interroge sur ses avant
729 orpusculaire, ou les deux à la fois, mais je sais que j’aime bien y voir clair pendant la nuit. I Comme la très grande
730 qui ne portent pas sur tel ou tel problème précis que se posent les techniciens, mais sur le phénomène technique en général
731 ière question : Comment s’explique le fait patent que la technique moderne — mettons depuis le xviie siècle — ait été la c
732 les-mêmes, sans l’exemple et le défi occidental ? Que signifie l’effort technique des Européens, et quelles sont ses racine
733 mettant et favorisant certaines recherches plutôt que d’autres, recherches qui à leur tour devaient conduire à certaines dé
734 devaient conduire à certaines découvertes plutôt qu’ à d’autres, — chaîne continue qui va des grands conciles des ive et v
735 Europe se fonde sur le dogme de l’Incarnation. Or qu’ est-ce que l’Incarnation, sinon Dieu lui-même, l’Esprit pur, qui chois
736 fonde sur le dogme de l’Incarnation. Or qu’est-ce que l’Incarnation, sinon Dieu lui-même, l’Esprit pur, qui choisit de se r
737 connaissable dans un corps d’homme. Il en résulte que le corps physique, et la matière du même coup, se trouvent fortement
738 une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effort spirituel doit tendre à dissiper, comme le veulent les
739 ransformés par l’homme spirituel et sauvés, ainsi que l’avait déjà dit saint Paul, dont je rappelle ici une déclaration rée
740 la révélation des fils de Dieu, avec l’espérance qu’ elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption… pour avoi
741 grandiose, pratiquement infini, ou qui ne finira qu’ avec la fin des temps. Mais la croyance en un Dieu créateur et régulat
742 laquelle il ne s’agit plus de se conformer, mais qu’ il faut au contraire transformer hardiment, illuminer el finalement sa
743 ment, illuminer el finalement sauver : c’est cela que la Nature attend de l’homme, une action qui la maîtrise et la libère,
744 de la technique en Europe : effort plus ascétique que magique, et plus rigoureux qu’hédoniste, de maîtrise et de transforma
745 ort plus ascétique que magique, et plus rigoureux qu’ hédoniste, de maîtrise et de transformation de la matière et de la Nat
746 ssions tout à fait naturelles et païennes, plutôt qu’ avec les développements de la vie spirituelle en Occident ? Et de fait
747 s de la vie spirituelle en Occident ? Et de fait, que ce soit la technique occidentale qui ait favorisé les guerres, ou l’i
748 le qui ait favorisé les guerres, ou l’inverse, ce que l’on observe à coup sûr, c’est un parallélisme ou une interaction con
749 qui ne dépendent pour leurs fournitures de guerre que des forgerons et des menuisiers. Cet artisanat primitif correspond à
750 s’armer, mais non pas de désarmer. Et il est vrai que les armes nouvelles inventées par les techniciens n’ont guère fait qu
751 es inventées par les techniciens n’ont guère fait que s’ajouter aux anciennes, curieusement appelées « conventionnelles »,
752 s, curieusement appelées « conventionnelles », et que l’effort de la science, mobilisée au service des États, a dû se borne
753 . L’immense utilité de la bombe H, c’est en somme qu’ elle n’est pas utilisable. Elle se trouve interdire de la sorte, ou li
754 risquerait de nous jeter dans une guerre atomique qu’ il semble bien qu’on ait décidé de ne pas faire. On a donc atteint une
755 à la paix de durer tant bien que mal, et c’est ce que l’on a baptisé l’équilibre de la terreur. La prodigieuse réussite tec
756 de la terreur. La prodigieuse réussite technique que représente la bombe H sert la paix en ceci qu’elle a suscité un senti
757 ue que représente la bombe H sert la paix en ceci qu’ elle a suscité un sentiment encore plus violent que les passions natio
758 u’elle a suscité un sentiment encore plus violent que les passions nationalistes ou idéologiques, et qui neutralise ou refo
759 on parle tant, peur d’une espèce de fin du monde qu’ entraînerait la guerre atomique, et que j’avoue ne pas ressentir très
760 n du monde qu’entraînerait la guerre atomique, et que j’avoue ne pas ressentir très fortement ni en moi, ni autour de moi,
761 ent ni en moi, ni autour de moi, tant il est vrai que l’idée d’un malheur universel et définitif agit peu sur l’imagination
762 Je n’ai pu observer la peur de la menace atomique qu’ aux États-Unis, il y a trois ans, à une époque où toute la presse parl
763 ait — on ne sait comment — à un conflit atomique, que sur une crainte bien raisonnée, basée sur des informations précises,
764 de peser sur le bouton rouge, crainte plus forte que toute autre passion, conviction ou ambition, et qui de la sorte déval
765 st donc bien à la technique, en dernière analyse, que nous devons ce blocage de la guerre en Europe et au sein du plus gran
766 rés d’interdépendance économique et industrielle, qu’ un conflit armé entre deux de nos nations paraît devenu impraticable.
767 re jour, aux Rencontres de Genève, et je songeais que ces armes d’une puissance folle nous laissent en fait à la merci d’un
768 i d’une saute de vent. Mais si l’on peut admettre que la technique a réussi à pacifier l’Europe en désarmant et jugulant pr
769 de l’Histoire, et, si l’on constate d’autre part que la menace atomique tient en respect les deux empires occidentaux de l
770 en Europe, dans le contexte spirituel et culturel que j’évoquais tout à l’heure, qui a mis en relation les divers continent
771 s peuples du tiers-monde ne connaissaient de nous que d’assez rares exemplaires de colons et de soldats, qui n’avaient rien
772 élas, ce qui les a rendues possibles. Ils croient qu’ ils pourraient acheter ces beaux objets (ou plutôt se les faire donner
773 oût. Mais la technique occidentale fait bien plus que leur révéler cette misère relative : dans une mesure sans cesse crois
774 faibles… Voilà le drame, et la menace plus grave que celle de la bombe H. Ainsi le contact avec l’Occident non seulement p
775 yant la bombe les regroupe et se met à leur tête. Que peut faire l’Occident, pour éviter ce désastre qui serait bien pire q
776 ent, pour éviter ce désastre qui serait bien pire que tout ce que nous faisait redouter la guerre froide au temps de Stalin
777 iter ce désastre qui serait bien pire que tout ce que nous faisait redouter la guerre froide au temps de Staline ? Il sembl
778 au temps de Staline ? Il semble hors de question que l’Occident puisse nourrir les milliards d’affamés qui se multiplient
779 au moins doublé d’ici vingt ans. À supposer même que notre science découvre les moyens de créer des aliments synthétiques,
780 ents synthétiques, tirés de l’air et de l’eau, et qu’ elle réussisse à nourrir des dizaines de milliards d’humains, ceux-ci
781 s. On ne peut pas agrandir la terre. Il faut donc que notre technique, qui a créé sans le vouloir ce problème gigantesque,
782 e développer lui-même les ressources nécessaires, que d’ailleurs il possède matériellement. Si un peu de technique a créé l
783 de la surmonter. (Ce sont là d’énormes problèmes, qu’ une conférence prochaine, à Bâle, sur le thème « L’Europe et le monde 
784 e, en principe, n’est pas plus un facteur de paix qu’ un facteur de guerre. Elle fournit aux armées des moyens de faire la g
785 assez vite pour ne pas tomber. (« Vole aussi bas que possible et surtout pas trop vite », écrivait une mère angoissée à so
786 ême les bloque. III Ceci dit, reconnaissons que la guerre bloquée, ce n’est pas encore la vraie paix. Celle-ci ne peu
787 pas encore la vraie paix. Celle-ci ne peut naître qu’ à la faveur d’un équilibre qui ne soit pas celui de la terreur, mais d
788 qui ne substituerait aux explosions belliqueuses qu’ une sorte d’implosion des énergies humaines, domestiquées, mécanisées,
789  ? (horribile dictu !) C’est la dernière question que je voudrais non pas traiter, le temps me manque, mais évoquer par tro
790 s et des élites culturelles du tiers-monde autant que de l’Europe, et j’entends d’une Europe agissant comme un tout et non
791 sur la terre. Déjà nous vivons dans un cadre plus qu’ à moitié artificiel. J’ai habité quelques années à New York dans un pa
792 complexité, où la Nature n’était plus représentée que par des pans de ciel abstrait entre les parois des gratte-ciel, un co
793 sur les plages pendant l’été. Et je mets en fait que la jeunesse qui ne parle, dit-on, que de marques d’autos, connaît mie
794 ets en fait que la jeunesse qui ne parle, dit-on, que de marques d’autos, connaît mieux les forêts, les montagnes et les pl
795 es et les plages de plusieurs régions de l’Europe que ses ancêtres en redingote, qui ne parlaient que de politique. Un peu
796 e que ses ancêtres en redingote, qui ne parlaient que de politique. Un peu de technique industrielle rudimentaire nous avai
797 intimité nouvelle avec une nature mieux protégée que nous n’avons su le faire dans cette génération. Enfin, il y a la gran
798 nt pas nées pour satisfaire des besoins matériels que personne n’éprouvait avant elles, mais c’est généralement l’inverse q
799 s rêveurs un peu bizarres. C’est du rêve de voler qu’ est né l’avion, et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est n
800 on, et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’ est née l’auto : vous en trouverez le récit détaillé dans l’autobiogra
801 r à explosion interne. On n’ignore pas d’ailleurs que des dizaines d’ingénieurs — en France surtout — avaient construit des
802 tifs réels, d’ordre psychologique, autant ou plus que par ses succès ultérieurs. Aujourd’hui, l’on entend les belles âmes s
803 Aujourd’hui, l’on entend les belles âmes soupirer que l’homme est devenu l’esclave de sa voiture, et c’est vrai dans ce sen
804 esclave de sa voiture, et c’est vrai dans ce sens que l’homme moyen croit qu’il ne pourrait plus se passer de cet objet, ma
805 t c’est vrai dans ce sens que l’homme moyen croit qu’ il ne pourrait plus se passer de cet objet, mais le fautif n’est pas l
806 pas la technique. Je voudrais observer au surplus que s’il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’éva
807 ais observer au surplus que s’il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors des voies imposé
808 eux être libre de rêver, c’est justement un train que je vais prendre. Dans mon wagon, je lis, je dors, je mange et je puis
809 à loisir. À mon volant, rien de pareil : tout ce que je peux lire, ce sont des chiffres, des ordres de police routière ; s
810 de police routière ; si je mange, ce n’est guère qu’ un sandwich, si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement, et si je
811 ses effets sur l’homme et sur la société. Tout ce que j’avais à vous dire aujourd’hui se résume en propositions d’une extrê
812 et excès d’honneur ni cette indignité. Elle n’est que le moyen de nos passions et de nos rêves, le moyen de nos vraies fins
813 ons et de nos rêves, le moyen de nos vraies fins, que nous voulions ignorer, ou bien que nous avions perdu de vue ; et alor
814 s vraies fins, que nous voulions ignorer, ou bien que nous avions perdu de vue ; et alors nous trichons, et nous nous persu
815 ; et alors nous trichons, et nous nous persuadons que la technique n’est après tout qu’un ensemble de procédés ingénieux et
816 nous persuadons que la technique n’est après tout qu’ un ensemble de procédés ingénieux et utilitaires, destinés à nous faci
817 res, destinés à nous faciliter la vie, mais voilà que tout d’un coup, par une inexplicable malice des choses, dont nous ne
818 te espèce de vie sur la terre. La technique n’est qu’ un instrument, n’est qu’un moyen, soit de la guerre, soit de la paix,
819 terre. La technique n’est qu’un instrument, n’est qu’ un moyen, soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des
820 en même temps, toujours plus facilement maniables qu’ elle met entre nos mains — il suffit du plus petit geste, comme de pre
821 ience de nos options réelles devant la vie. Telle qu’ elle est devenue de nos jours, obsédée d’efficacité immédiate et renta
822 té humaine qui paraisse moins métaphysique en soi que la technique. Mais en même temps, il n’en est pas qui nous contraigne
823 uvoirs inouïs qui sont devenus les nôtres. Ainsi, qu’ on le veuille ou non, c’est la technique elle-même qui nous oblige à r
14 1965, Articles divers (1963-1969). La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)
824 du tourisme fut inventé par les Anglais. Un pays que tout le monde croit connaître même sans y avoir jamais été, car tout
825 e sans y avoir jamais été, car tout le monde sait qu’ il est beau mais sérieux, très cossu mais égalitaire, petit mais telle
826 ais tellement élevé et de sol si richement plissé que si l’on pouvait le repasser et l’aplanir, on verrait qu’il est bien a
827 l’on pouvait le repasser et l’aplanir, on verrait qu’ il est bien aussi grand que la France… Cette Suisse des Alpes et des l
828 l’aplanir, on verrait qu’il est bien aussi grand que la France… Cette Suisse des Alpes et des lacs, des quatre langues, de
829 un cliché mais juste et bien tiré. Il ne retient que certaines apparences, mais qui suffisent à remplir les hôtels. Pourta
830 r les hôtels. Pourtant la Suisse est autre chose, qu’ on ne voit pas sur les cartes postales. On croit que c’est le pays le
831 ’on ne voit pas sur les cartes postales. On croit que c’est le pays le plus évident du monde, où tout est concerté, bien ne
832 oi ; et puis on s’aperçoit en vivant cela de près que tout repose en réalité sur un tissu serré de contradictions théorique
833 me — il faut en croire ses yeux — ce ne peut être qu’ en vertu de certains secrets d’usage plusieurs fois séculaires. Car en
834 lusieurs fois séculaires. Car enfin voici un pays que la Providence a privé d’absolument tous les facteurs classiques garan
835 plus pauvre en matières premières — il n’a guère que l’eau des glaciers pour en tirer de l’énergie — est l’un des plus ind
836 : 10 % de paysans seulement. Orson Welles prétend que les Suisses n’ont rien inventé à part la pendule à coucou mais c’est
837 té à part la pendule à coucou mais c’est chez eux que l’on trouve la plus forte densité de prix Nobel des sciences, pour ne
838 peut dire mieux, sur ce continent ? Il n’empêche qu’ à Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses et on l
839 la patrie d’un Guillaume Tell qui n’exista jamais que dans le mythe à une Europe fédérée qui par malheur n’existe encore qu
840 ne Europe fédérée qui par malheur n’existe encore que dans l’espoir. Entre les deux, où est la vraie Suisse ? Deux sondages
841 rs pays de l’Europe et aux États-Unis, ont révélé que les Suisses sont tout simplement les gens les plus heureux de la Terr
842 question : « D’une manière générale, diriez-vous que vous êtes très heureux, — plutôt heureux, — pas très heureux ? » 42 %
843 pas très heureux, ce qui ne laisse guère de place qu’ à 1 % de révoltés ou de désespérés. Ce phénomène mérite la plus grande
844 t les vallées traversées par la route du Gothard, que l’on venait d’ouvrir au xiii e siècle. C’était le seul col reliant d’
845 s de cités libres ou épiscopales et des campagnes qu’ elles avaient soumises, entre les Alpes et le Jura. Et ce fut la pério
846 arder leurs existences distinctes. On dit souvent que la Suisse illustre la formule de « l’union dans la diversité ». C’est
847 ule de « l’union dans la diversité ». C’est mieux que cela : elle a fait son union précisément pour sauver ses diversités.
848 ir central une certaine part de leur indépendance que pour mieux assurer la part qu’ils en gardaient. Autrement, ils l’euss
849 leur indépendance que pour mieux assurer la part qu’ ils en gardaient. Autrement, ils l’eussent toute perdue, car les empir
850 étrant mais sans se confondre, n’allez pas croire qu’ elles soient unies par je ne sais quelle ferveur sentimentale — oh ! n
851 entimentale — oh ! non. Personne n’a jamais exigé que les Thurgoviens et les Vaudois ou les Grisons romanches et les Bâlois
852 re et pas de langage commun. Mais ils savent bien qu’ ils font partie de cette même Suisse dont les institutions communes le
853 st idéologie. Avec tout cela, je crois avoir plus qu’ à moitié répondu à la seconde question, celle de savoir si les recette
854 je ne vois et ne puis imaginer une autre solution que l’helvétique. Et je ne vois pas de raison sérieuse qui empêcherait qu
855 je ne vois pas de raison sérieuse qui empêcherait qu’ on l’applique à l’échelle continentale. On me dira : la Suisse est pet
856 s d’égaler le médiocre à l’auguste. Je ne compare que des rapports et constate qu’entre la France par exemple et la Belgiqu
857 guste. Je ne compare que des rapports et constate qu’ entre la France par exemple et la Belgique ou l’Irlande, le rapport es
858 s de Zurich et de Zoug ou de Glaris. Et je me dis qu’ un système qui peut harmoniser les relations entre des cantons inégaux
859 ue, incomparable. Or cette fonction reste la même qu’ il s’agisse du corps d’un petit enfant ou de celui d’un colosse. Notez
860 enfant ou de celui d’un colosse. Notez d’ailleurs que l’Europe actuelle est pratiquement plus petite que ne l’était la Suis
861 ue l’Europe actuelle est pratiquement plus petite que ne l’était la Suisse quand elle s’est fédérée. En 1848, il fallait de
862 -le d’un œil européen et prospectif : vous verrez que tout y correspond à quelque chose qui pourrait très bien être l’aveni
15 1966, Articles divers (1963-1969). Un libéral engagé (1966)
863 t des secondes galeries sur les premières… Je dis que j’admirais la liberté de ton du représentant de l’Espagne à Paris. — 
864 e l’Espagne à Paris. — Eh bien, fit-il, je trouve qu’ un ambassadeur, ça doit savoir engueuler le monde ! Et nous allâmes pr
865 nt : « — Excellence, vous avez été superbe ! Ah ! que ce doit être beau de pouvoir ainsi faire le Bien ! — Non Madame, fair
866 t l’affaire du Bon Dieu. Et de lui seul ! Tout ce que l’on peut demander d’un homme, c’est qu’il fasse le moins de mal poss
867 Tout ce que l’on peut demander d’un homme, c’est qu’ il fasse le moins de mal possible. » (Ce que je trouvai, par-devers mo
868 c’est qu’il fasse le moins de mal possible. » (Ce que je trouvai, par-devers moi, fort calviniste.) ⁂ New York, mars 1947.
869 ait être réservé à ceux-là seuls qui prouveraient qu’ ils ne peuvent pas vivre sans elle. Pour les autres, qu’on élève des b
870 ne peuvent pas vivre sans elle. Pour les autres, qu’ on élève des barrières infranchissables ! C’est le point de vue qu’il
871 arrières infranchissables ! C’est le point de vue qu’ il a voulu défendre quand il était ministre de l’Éducation. Le Cabinet
872 al des écoles de l’État de New York fait observer que Madariaga « is running against the times ». — « Oh yes ! and the Hera
873 ld Tribune too ! » fait-il, sérieux. « Je suppose que vous n’entendez tout de même pas défendre les instituteurs, n’est-ce
874 . — Oh ! cela, c’est de vous, chère amie. Tout ce que j’ai dit, c’est que si Dieu était conçu comme féminin, nous refuserio
875 de vous, chère amie. Tout ce que j’ai dit, c’est que si Dieu était conçu comme féminin, nous refuserions tous le pouvoir q
876 u comme féminin, nous refuserions tous le pouvoir qu’ ont pris les femmes dans notre société. — Mais si Dieu était féminin…
877 umaine. Nous avons aussi parlé de l’Europe, de ce qu’ il faut faire pour son union. ⁂ À Royaumont, le 4 avril 1948, au terme
878 le rapporteur, je suggérai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit se soit opéré à ce moment-là une complexe synthèse in
879 u des composantes aussi désespérément hétérogènes que la politique et la morale, l’histoire, et la psychologie d’une vingta
880 ’une vingtaine de peuples n’ayant guère en commun que leur conviction d’occuper chacun une position absolument particulière
881 s, artistes et savants) à militer par un peu plus qu’ une signature au bas d’un manifeste, Don Salvador se vit contraint de
882 it pour présider congrès et comités en chaîne. Ce qu’ il fit, avec autant de soins formels et de fermeté dans l’approche des
883 rmels et de fermeté dans l’approche des puissants que de désinvolture à l’égard des pédants et autres fanatiques de la rout
884 rnaux : « Oui, Messieurs, si l’Europe doit périr, que ce soit au moins une injustice ! » Mais les grandes heures captées pa
885 ui voit très loin » (Zeus europos dans l’Odyssée) que l’innombrable succession des comités hélas indispensables, et qu’il n
886 e succession des comités hélas indispensables, et qu’ il ne suffit pas de présider mais qu’il faut surtout animer, sinon l’a
887 ensables, et qu’il ne suffit pas de présider mais qu’ il faut surtout animer, sinon l’action la mieux conçue va somnoler. À
888 s, parce que le président nous donne l’impression qu’ il s’amuse. Il y a là, d’ordinaire, Étienne Gilson, Julien Cain, Kenne
889 e je ne sais plus quoi, Gilson ayant dit : — Mais que vont en penser nos amis anglais ?, Madariaga réplique : « Penser ? Qu
890 s amis anglais ?, Madariaga réplique : « Penser ? Que voulez-vous dire ? Les Anglais ne pensent pas. Écoutez donc notre ami
891 I think”. Si les Anglais pensent, c’est autrement que nous, c’est avec leur corps, avec leurs muscles, avec leurs bras, leu
892 ût, un temps qui du même coup devait manquer à ce qu’ on nomme leur œuvre personnelle, et de ceux-là, nul ne l’a fait avec u
893 ne l’a fait avec un désintéressement aussi total que notre premier président du Centre européen de la culture. ⁂ Mais avan
894 l’est plus. Je l’ai entendu, à Bombay, prétendre que l’Espagne, c’est l’Inde de l’Europe, ou que l’Inde est l’Espagne de l
895 endre que l’Espagne, c’est l’Inde de l’Europe, ou que l’Inde est l’Espagne de l’Asie. C’était à se demander si l’on pouvait
896 n Auden et André Malraux à la table des orateurs, que je préside, tandis qu’une quarantaine d’écrivains du monde entier occ
897 beaux discours, sur le thème de la liberté telle que la conçoit un véritable libéral. Le public français intellectuel, c’e
898 intellectuel, c’est-à-dire de gauche, n’aime pas qu’ on touche à sa Révolution, qu’on lui rappelle qu’une révolution violen
899 gauche, n’aime pas qu’on touche à sa Révolution, qu’ on lui rappelle qu’une révolution violente, après tout, c’est une mala
900 qu’on touche à sa Révolution, qu’on lui rappelle qu’ une révolution violente, après tout, c’est une maladie du corps social
901 ne philosophie politique et sociale. Et j’ai aimé qu’ après vingt ans ce meeting de la salle Pleyel fasse écho à mes souveni
902 a liberté demeuré libéral avec rigueur. Démontrer qu’ en plein xxe siècle on peut être vraiment engagé et vraiment libéral
16 1967, Articles divers (1963-1969). Au-delà des nations (1967)
903 du douanier est aussi la fin de la fraude. Quelle que soit la monnaie, l’achat sera fait au même compte. Lorsqu’il ouvrit
904 es inspire : les nazis vont apprendre au monde ce que veut dire le mot nation, au sens total et absolu. C’est dans la Résis
905 au sens total et absolu. C’est dans la Résistance que se constitueront les nombreux groupes de fédéralistes européens qui d
906 1947 à 1950, proclamant la nécessité d’une union que les uns veulent sérieuse, donc fédérale, mais que les autres entenden
907 que les uns veulent sérieuse, donc fédérale, mais que les autres entendent bien limiter à des accords opportunistes, donc r
908 ra le moment pour l’opinion publique de découvrir que le problème de l’union ou de la fédération, qui est essentiellement p
909 out projet de fédération européenne digne du nom, que va-t-il se passer ? Des mesures propres à « favoriser » (faute de vou
910 de vouloir la créer) une « union plus étroite » ( que quoi ? on se le demande) entre États-nations souverains, feront l’obj
911 chefs de gouvernements décidés à poursuivre coûte que coûte la politique d’hégémonie de leur pays (ou bien celle d’équilibr
912 e sérieuse pour leurs grands-pères. C’est tout ce qu’ on peut prévoir selon nos analystes, professeurs et commentateurs qui
913 rt de créer le possible au service de grands buts qu’ il faut prophétiser, sinon tout s’affaisse en routines, en répétitions
914 l’Europe n’est pas encore unie, depuis vingt ans que nos gouvernements proclament cette union nécessaire et même urgente.
915 dale, je propose une explication tellement simple que c’est elle qui va choquer. Je suis parvenu à la conviction que les ho
916 e qui va choquer. Je suis parvenu à la conviction que les hommes d’État les mieux intentionnés, les ministres, les parlemen
917 réel, ils ont voulu partir des États-nations tels que les a formés le xixe siècle et achevés le totalitarisme (plus ou moi
918 « seules réalités politiques existantes » (ainsi que le répète volontiers le général de Gaulle), ils ont essayé de les uni
919 ayé de les unir, et ils constatent, évidemment, «  qu’ elles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devr
920 nir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’ en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais prêtes à s’un
921 e. L’union, pour deux États-nations, n’est jamais qu’ une mesure de fortune, voire qu’un expédient désespéré (comme par exem
922 ons, n’est jamais qu’une mesure de fortune, voire qu’ un expédient désespéré (comme par exemple l’union de la Grande-Bretagn
923 ill en juin 1940) autrement dit : ce n’est jamais qu’ une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faibl
924 veut unir l’Europe, il faut partir d’autre chose que de ses facteurs de division, il faut bâtir sur autre chose que sur le
925 cteurs de division, il faut bâtir sur autre chose que sur les obstacles à l’union ; il faut opérer sur un autre plan que ce
926 cles à l’union ; il faut opérer sur un autre plan que celui-là, précisément, où le problème se révèle insoluble. Il faut se
927 e nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que la cité antique, mais plus dense, mieux structurée et offrant un meil
928 frant un meilleur milieu de participation civique que la nation telle que nous l’a léguée le siècle dernier : la région. Il
929 lieu de participation civique que la nation telle que nous l’a léguée le siècle dernier : la région. Il n’est rien dont les
930 s’occupent avec plus de passion en Europe. C’est qu’ en effet il s’agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyons
931 fet il s’agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme au seuil de ce dernier tiers de n
932 ent peu à peu sur le fond chaotique de la société que le xixe siècle a laissé se faire au petit bonheur, la société stato-
933 s intellectuelles, techniques et bancaires autant que matérielles ou naturelles, la densité des réseaux de communications e
934 is au contraire par la force de rayonnement de ce qu’ on appelle une « métropole », c’est-à-dire une grande ville ou un comp
935 ssayer de faire sentir le concret du problème tel que je l’ai découvert, voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je
936 e me trouvais le seul non-Français : j’en conclus que j’étais censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité
937 ler tout au début, j’improvisai donc sur le thème que voici : Il peut sembler curieux, Messieurs, qu’à l’âge des intégrati
938 que voici : Il peut sembler curieux, Messieurs, qu’ à l’âge des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord
939 n vue de l’union et votre tentative régionaliste, qu’ on soupçonnera de vouloir la division, peuvent sembler logiquement con
940 les vois complémentaires. Car au fur et à mesure que se dévalorisent les frontières de nos États-nations, les régions vont
941 d’un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’ à la surface les gens parlaient allemand d’un côté, français de l’autr
942 lations d’échanges aussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, se
943 s réduites au rôle mineur et invisible à l’œil nu que jouent les délimitations entre les cantons suisses : simples commodit
944 gendarmerie. Et c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtirons l’Europe, non sur les cadres en bonne partie vidés des
945 ent un écho pour moi, des plus inattendus : c’est qu’ elles venaient à la rencontre non seulement des souhaits des organisat
946 que, déjà beaucoup plus large et solidement fondé que je n’osais l’espérer. Au cours de ces dernières années, on a vu se mu
947 ns une collection de livres de poche : c’est dire que l’éditeur estime qu’il peut répondre à la curiosité d’un grand public
948 livres de poche : c’est dire que l’éditeur estime qu’ il peut répondre à la curiosité d’un grand public. Certes, on n’en est
949 ité d’un grand public. Certes, on n’en est encore qu’ au stade de la prise de conscience du phénomène région et des motifs d
950 e. À peine a-t-on pris la mesure des perspectives qu’ il nous invite à explorer, notamment politiques et institutionnelles.
951 ent être décrétées sans transition. Il est normal qu’ elles exigent une période d’expériences, et celle-ci connaîtra forcéme
952 ’une génération, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien plus vite de nos jours qu’à l’aube grecque de notr
953 ant que tout se passe bien plus vite de nos jours qu’ à l’aube grecque de notre histoire. Je ne cite pas la Grèce par hasard
954 communauté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut au vie siècle avant notre ère, l’apparition de la polis, dans
955 , dans la société grecque archaïque. Et l’on sait que la polis devint en moins d’un siècle l’unité de base de toute vie soc
956 e partager le monde. Chacun de nos États-nations ( qu’ on appelait naguère des « Puissances ») se rêve ou s’est rêvé un jour
957 lle-même dont, après tout, l’impérialisme ne fait que révéler en les exagérant la vraie nature et les vraies ambitions. Nou
958 et les vraies ambitions. Nous n’en sommes encore qu’ à l’aube de la formation des régions, qui seront les éléments de l’Eur
959 œil sur l’Histoire, lequel fait voir premièrement que les nations sont de formation récente, deuxièmement qu’elles ont dépa
960 s nations sont de formation récente, deuxièmement qu’ elles ont dépassé le sommet de leur évolution, et descendent vers leur
961 acera. On n’en continue pas moins à nous répéter que les nations sont « encore » les seules réalités. Et c’est vrai, elles
962 ut ce qui coopère, se fédère ou s’unit en Europe, qu’ il s’agisse de savants, de festivals de musique, d’Églises, de firmes,
963 éalité plus d’importance économique et culturelle que les capitales anciennes, la révolution régionaliste sera faite et du
964 pe se révélera immédiatement possible. Il se peut que cette évolution exige bien plus de temps que les pionniers de l’Europ
965 peut que cette évolution exige bien plus de temps que les pionniers de l’Europe unie ne l’exigeaient et ne l’annonçaient da
966 e unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le département et même que la nation. Qu’une telle déclaration ait p
967 up plus opérationnelle que le département et même que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en France, et
968 nnelle que le département et même que la nation. Qu’ une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément
969 onomies régionales, voilà qui nous donne à penser que la révolution régionaliste, condition de l’Europe unie, est bien plus
970 condition de l’Europe unie, est bien plus avancée que nous n’osions l’espérer et que ne peuvent encore l’imaginer les polit
971 bien plus avancée que nous n’osions l’espérer et que ne peuvent encore l’imaginer les politiciens qui se croient réalistes
972 lection « Idées », Paris, Gallimard, 1967. 20. «  Qu’ est-ce qu’une nation ? », Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-d
973 Idées », Paris, Gallimard, 1967. 20. « Qu’est-ce qu’ une nation ? », Paris, 1882. u. Rougemont Denis de, « Au-delà des na
17 1967, Articles divers (1963-1969). Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)
974 biennes, par exemple, n’attendent de leurs sujets qu’ une obéissance aveugle. Mais la démocratie exige pour fonctionner d’êt
975 frage universel. Une démocratie ne mérite son nom que dans la mesure où, soit par l’enseignement, soit par la famille, soit
976 former des citoyens et un civisme européens tant qu’ il n’y a pas de Cité européenne ? Inversement, comment fonder une Cité
977 t fonder une Cité européenne, l’Europe unie, tant qu’ il n’y a pas de civisme européen ? Cercle vicieux pour ceux-là seuls q
978 ercle vicieux pour ceux-là seuls qui ne demandent qu’ à croire qu’ils y sont enfermés. Au-delà des impasses logiques, le dés
979 x pour ceux-là seuls qui ne demandent qu’à croire qu’ ils y sont enfermés. Au-delà des impasses logiques, le désir bâtit la
980 ontanée, ni fatale, ni imposée, elle ne peut être que choisie et voulue — exactement comme la démocratie — par une majorité
981 ne voudra pas forcer mais convaincre. C’est dire qu’ on ne fera pas l’Europe sans faire des Européens. Mais ceux-ci, qui le
982 fera, sinon l’éducation ? Or il faut bien avouer que jusqu’ici, l’éducation (enseignement, école primaire et secondaire, h
983 et réels qui se posent à la cité et à l’État, et que le citoyen devra trancher quand il votera. La plus ennuyeuse des l
984 eux, car si elle passionnait, les choses étant ce qu’ elles sont, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme nation
985 bénéfice du chauvinisme national. Un remède pire que le mal serait de substituer à l’heure d’ennui civique national une he
986 Schmid22 je lis ceci : Il faut absolument éviter qu’ aux yeux des jeunes Allemands, Italiens ou Français l’intégration de l
987 e compte pas au regard des problèmes réels — ceux qu’ il ne s’agit pas de réciter par cœur mais de comprendre intimement. I
988 comprendre intimement. Il faut cesser de croire qu’ éducation civique signifie connaissance scolaire d’institutions et de
989 onnement concret. Il faut comprendre et proclamer que la seule préparation valable au civisme (à tous les degrés) consiste
990 Les problèmes vivants et réels de l’Europe, telle qu’ elle est aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait être unie demai
991 e, telle qu’elle est aujourd’hui désunie et telle qu’ elle pourrait être unie demain, n’apparaissent pas souvent dans les di
992 e, sans adjurations pathétiques, sans propagande, qu’ il faut unir l’Europe pour la sauver mais aussi pour servir le Monde.
993 nos problèmes communs, l’un des plus réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes écon
994 s réels étant que nous sommes tous différents, et que nous y tenons ; b) Problèmes économiques, en tant qu’ils relèvent de
995 faite au-delà de ses cantons, mais pour sauver ce qu’ on pouvait de leur autonomie, précisément : sans l’union, cette autono
996 s occasions et en tire le meilleur parti, il faut que le professeur ait été lui-même sensibilisé aux réalités de l’Europe e
997 et aux possibilités de son union prochaine. Dire que tout dépend de l’éducation, c’est dire que tout dépend des éducateurs
998 . Dire que tout dépend de l’éducation, c’est dire que tout dépend des éducateurs et de leur formation. L’avenir de l’Europe
999 a se jouer dans les écoles normales. En attendant que celles-ci prennent conscience de leurs responsabilités européennes, e
1000 tout crûment comme je le crois : aussi longtemps que la Campagne (ou quelque chose d’équivalent) n’aura pas fait sentir se
1001 ra, ou ne prendra vraiment le départ. Est-ce dire que l’Europe attend son « petit livre rouge » à distribuer aux dizaines d
1002 que et le besoin d’invention, tandis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’est qu’un recueil de réponses toutes faites, un
1003 tandis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’est qu’ un recueil de réponses toutes faites, unifor­mément optimistes et prop
1004 ou de création personnelle. Je n’y trouve en tout que deux points d’interrogation sur 340 pages ; encore sont-ils de pure r
1005 de pure rhétorique et destinés à supprimer plutôt qu’ à poser la question24. Voici en revanche notre pari d’européistes : no
1006 tif de la situation, et nous sommes bien certains qu’ il révélera de la sorte la nécessité de l’union, et même les formes sp
1007 essité de l’union, et même les formes spécifiques que celle-ci devra prendre, et pourra prendre. Il fourmillera de points d
1008  Right or wrong, our Europe ! » mais il fera voir que l’Europe serait détruite par ce qui tue l’esprit critique, déprime le
1009 erté, étouffe le cri de la justice, plus sûrement que par ceux qui attaquent notre culture démocratique au nom des idéaux q
1010 uent notre culture démocratique au nom des idéaux qu’ elle seule leur enseigna. 21. Cf. Enquête sur l’état de l’instructi
1011 23. Voir numéro 3 de cette revue. 24. « Tout ce que nous faisons est au service du peuple, de quel défaut ne pourrions-no
18 1968, Articles divers (1963-1969). L’Exode des cerveaux [débat] (1968)
1012 : Je voudrais apporter une légère correction à ce qu’ a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’il était le seul chercheur a
1013 on à ce qu’a dit M. Mach tout à l’heure, à savoir qu’ il était le seul chercheur autour de cette table. Je me considère moi
1014 oudrais m’élever contre la hiérarchie des valeurs qu’ on est en train d’instaurer. M. Mach se plaignait qu’on n’accorde pas
1015 on est en train d’instaurer. M. Mach se plaignait qu’ on n’accorde pas un respect suffisant aux chercheurs scientifiques. Il
1016 ercheurs scientifiques. Il me semble au contraire qu’ on leur accorde un respect presque exclusif. Pourquoi ? Parce qu’ils s
1017 strie, au PNB, produit national brut. Je voudrais qu’ on fasse aussi une petite place — comme l’a demandé M. Lalive tout à l
1018 non purement scientifiques. C’est en tant que tel que je suis désireux d’élargir ce débat. Au risque de vous scandaliser, j
1019 eur d’un exode généralisé des cerveaux ! Je crois que la santé de la culture a toujours consisté dans ses échanges, dans so
1020 ? Je vous donnerai tout de suite un exemple de ce qu’ on peut entendre par là. J’ai eu la curiosité de regarder quelle était
1021 l’autre italien. Vous voyez par ce petit exemple qu’ une certaine balance des échanges intellectuels peut nous être parfait
1022 pas, ce serait le même prix !) Quand je vous dis que les échanges, c’est la santé de la culture, je pense aussi aux univer
1023 ous expliquant, au Congrès de l’Europe à La Haye, qu’ une certaine année, au milieu du xiie siècle, il n’y avait à la Sorbo
1024 ntenant, pour nous en tenir aux exemples suisses, qu’ y a-t-il eu comme importation et exportation des cerveaux en Suisse ?
1025 ’Histoire du soldat. On peut citer les prix Nobel que je vous disais tout à l’heure, qui sont venus de l’étranger. On pourr
1026 nger facilement cette liste. Du côté exportation, qu’ avons-nous fait en Suisse ? Il y a d’abord eu le service étranger. Ce
1027 de. Dans le domaine des mathématiques, vous savez que les Suisses ont été de grands exportateurs. Les Bernoulli de Bâle, Le
1028 uisse, a été les faire en Amérique avec le succès que vous savez. L’ingénieur Ammann a été faire des ponts, aux États-Unis,
1029 mples, de positive devient négative, c’est-à-dire qu’ il y a un moment où cette exportation devient ce que nous avons appelé
1030 ’il y a un moment où cette exportation devient ce que nous avons appelé l’exode des cerveaux. M. de Rougemont : Oui, et il
1031 ver des critères pour déterminer à quel moment ce que j’appelle des échanges — et qui est la santé même — devient un exode
1032 ges — et qui est la santé même — devient un exode qu’ il faudrait déplorer ou arrêter si on le peut. Je crois qu’il faut con
1033 drait déplorer ou arrêter si on le peut. Je crois qu’ il faut considérer là-dedans les dimensions des activités en jeu, et l
1034 imensions ? Voilà à peu près la formule d’analyse que je propose. Une analyse nationaliste consisterait à dire — à dire san
1035 analyse d’ailleurs : je veux tout pour ma nation, qu’ elle soit grande ou petite, et que tout soit fait dans ses limites. Il
1036 pour ma nation, qu’elle soit grande ou petite, et que tout soit fait dans ses limites. Il lui faut une industrie automobile
1037 est le point de vue nationaliste. Le point de vue que je viens de vous proposer, c’est celui que j’appelle fédéraliste, qui
1038 de vue que je viens de vous proposer, c’est celui que j’appelle fédéraliste, qui consiste à répartir les tâches d’après leu
1039 evient professeur d’université, on ne va pas dire que c’est un exode de cerveau, puisque le village n’a pas les dimensions
1040 — professeurs et étudiants ensemble — à tel point que , à Bologne, on dût faire des lois terribles contre les « voleurs d’un
1041 de des cerveaux ». Je reviens à deux des exemples que je vous ai cités tout à l’heure. Celui de Blaise Cendrars d’abord. Bl
1042 s n’était pas parti à 17 ans pour le vaste monde, qu’ est-ce qui se serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se sera
1043 onde, qu’est-ce qui se serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du
1044 d écrivain et c’est seulement quand nous avons su qu’ il y avait un grand écrivain qui s’appelait Blaise Cendrars que nous a
1045 un grand écrivain qui s’appelait Blaise Cendrars que nous avons découvert qu’il était suisse ! De même l’ingénieur Ammann,
1046 appelait Blaise Cendrars que nous avons découvert qu’ il était suisse ! De même l’ingénieur Ammann, qui a fait ces immenses
1047 Gate à San Francisco qui a 2750 mètres de long : qu’ eût-il fait, ce malheureux, s’il était resté en Suisse ? Il n’aurait p
1048 Prince Louis de Broglie qui a formulé cette idée, que nous avons fait aboutir ensuite, via l’Unesco, de manière à pouvoir r
1049 ir retenir en Europe un certain nombre de savants qu’ il était important de garder pour la communauté continentale, vu les f
1050 ités (qui n’étaient pas toutes de recherche pure) qu’ il y avait dans la science atomique à ce moment-là. Vous voyez de quoi
1051 tivité. M. Nordmann : J’aimerais faire remarquer que , entre ce qui a été dit sur une politique d’option, et ce qui vient d
1052 xode quand il n’a pas le caractère d’échange mais qu’ il sanctionne un manque d’organisation ou de structure qui incite les
1053 M. de Rougemont : Votre question revient à savoir que faire pour empêcher cet échange à sens unique que l’on appelle exode
1054 que faire pour empêcher cet échange à sens unique que l’on appelle exode par rapport à une certaine communauté et dans une
1055 qui consisterait à les racheter un peu plus cher que ce que le concurrent offre. C’est un moyen d’essayer de pallier les e
1056 nsisterait à les racheter un peu plus cher que ce que le concurrent offre. C’est un moyen d’essayer de pallier les effets s
1057 les effets sans toucher les causes. Si on estime qu’ un certain échange devient un exode dommageable, je suis d’avis qu’on
1058 ange devient un exode dommageable, je suis d’avis qu’ on essaie d’y remédier en renversant le flux, c’est-à-dire en créant d
1059 es gens suffisamment, il ne faut pas vous étonner qu’ ils aillent ailleurs plutôt que de crever de faim. Mais ce préalable é
1060 t pas vous étonner qu’ils aillent ailleurs plutôt que de crever de faim. Mais ce préalable étant acquis, comment renverser
1061 ctuel, c’est aussi difficile à faire et à définir qu’ une œuvre d’art, parce que c’en est une ! Une œuvre d’art, il faut la
1062 utre, ce n’est pas le tout de la décrire. Tout ce que je puis proposer ici, ce sont quelques conditions qui me paraissent r
1063 . Mach tout à l’heure. Je peux très bien imaginer qu’ un physicien, ou un médecin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, mêm
1064 soit retenu à Genève, même s’il y est moins payé qu’ ailleurs, parce qu’il n’est pas uniquement physicien, il n’est pas uni
1065 n, sur des enquêtes rapides relatives à l’intérêt que les gens ont ou n’ont pas pour certaines émissions, et l’on transform
1066 missions selon la quantité des réponses. Je crois que c’est faux. Il faudrait que la télévision et la radio aient l’héroïsm
1067 es réponses. Je crois que c’est faux. Il faudrait que la télévision et la radio aient l’héroïsme, pendant deux ou trois ans
1068 ou trois ans, d’aller à contre-courant. Je crois que ce serait payant assez vite. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, m
1069 traction, de ce climat intellectuel. Il me semble que l’Université est mieux placée que n’importe quel autre corps ou profe
1070 l. Il me semble que l’Université est mieux placée que n’importe quel autre corps ou profession ou ensemble de professions,
1071 buer à cette création intellectuelle. À condition que l’Université ne soit pas uniquement la juxtaposition de quelques écol
1072 comble du jour au lendemain, mais il ne faut pas qu’ elle soit uniquement cela : quelques écoles de formation professionnel
1073 e et sans rien à se dire entre elles. Il faudrait que l’Université devienne ou redevienne le lieu vivant de création intell
1074 bats sur le fond. Je vais lâcher le mot : il faut que l’Université redevienne le lieu de contestation. Mais attention : con
1075 uis sa création, au xiie siècle. Voilà une chose qu’ on oublie complètement aujourd’hui. La méthode d’enseignement, de rech
1076 les sujets abordés. Et je vous prierai de croire que ce n’était pas toujours des sujets purement techniques ou de grammair
1077 Âge, on ne s’était autant occupé des universités que depuis qu’on a découvert qu’il fallait les réformer. Je souhaite que
1078 s’était autant occupé des universités que depuis qu’ on a découvert qu’il fallait les réformer. Je souhaite que la réforme
1079 cupé des universités que depuis qu’on a découvert qu’ il fallait les réformer. Je souhaite que la réforme universitaire dont
1080 découvert qu’il fallait les réformer. Je souhaite que la réforme universitaire dont on parle depuis des années, aboutisse v
1081 années, aboutisse vite, mais surtout je souhaite qu’ on ne s’en tienne pas là. Car l’Université, à mon sens, a été, doit re
1082 sionnelle — mais dans certains cours. Il faudrait qu’ il soit admis que la substance même de ces cours soit la remise en que
1083 dans certains cours. Il faudrait qu’il soit admis que la substance même de ces cours soit la remise en question permanente
1084 lités de notre société, dont je refuse absolument que ce soit simplement l’industrie qui les fixe. […] M. de Rougemont :
1085 de cette table. Tout d’abord, M. Renold. Je crois que nous sommes presque entièrement d’accord. J’ai peut-être un peu forcé
1086 un peu trop simplifié dans votre sens, en disant que , pour vous, le climat, c’est « un financement + une organisation ». J
1087 t rien sans ça. L’organisation aussi. Mais croire qu’ un climat, c’est un financement + une organisation, ça c’est croire ce
1088 inancement + une organisation, ça c’est croire ce que croient les Américains. Eh bien, j’estime que l’Europe se doit d’appo
1089 ce que croient les Américains. Eh bien, j’estime que l’Europe se doit d’apporter quelque chose de plus. Ce plus, c’est ce
1090 apporter quelque chose de plus. Ce plus, c’est ce que j’appelle « œuvre d’art », faute de pouvoir traiter cet immense sujet
1091 sens de la vie, une certaine saveur, ce qui fait que , moi, je suis rentré en Europe, par exemple. Ce n’est pas du tout que
1092 ntré en Europe, par exemple. Ce n’est pas du tout que j’aie été racheté par l’État de Genève (n’est-ce pas M. Lalive ?) je
1093 uis venu ici parce que j’y trouvais quelque chose que je ne trouvais pas en Amérique, quelque chose qu’il m’est difficile d
1094 que je ne trouvais pas en Amérique, quelque chose qu’ il m’est difficile de vous décrire, et si vous voulez en avoir une bon
1095 cription, adressez-vous aux Américains qui disent qu’ ils voudraient vivre en Europe. Ils vous expliqueront cela très bien.
1096 e Rougemont : Ce n’est pas tellement étonnant, vu que l’effort culturel des Américains n’est pas porté vers la création de
1097 n. D’ailleurs, nous ne pouvons pas dire en Suisse que nous soyons complètement indemnes de toute influence américaine. Il y
1098 nce américaine. Il y en a tout de même, ne fût-ce que le jazz. Nous avons pris aux États-Unis beaucoup de choses très impor
1099 ion, le bicaméralisme, importé des États-Unis. Ce qu’ a dit M. Mach m’a paru un peu curieux. Il a parlé de mon optimisme béa
1100 pe optimiste — ou pessimiste d’ailleurs. Je crois que vous avez parfaitement raison dans tout ce que vous avez dit sur votr
1101 is que vous avez parfaitement raison dans tout ce que vous avez dit sur votre domaine de recherche scientifique. J’avais pr
1102 le danger, qui serait un danger un peu américain, qu’ il y aurait à isoler complètement votre recherche scientifique de tout
1103 péenne, si vous voulez, mais je persiste à penser que c’est cela que nous devons au monde, et notamment aux Américains qui
1104 voulez, mais je persiste à penser que c’est cela que nous devons au monde, et notamment aux Américains qui nous le demande
19 1968, Articles divers (1963-1969). De l’État-nation aux régions fédérées (1968)
1105 stituer les États-Unis d’Europe, sous quelque nom que ce soit, il faut commencer maintenant… Debout l’Europe ! » Il y a vin
1106 lement dans le sens de la nation.25 Il est vrai que le même André Malraux quelques jours plus tard, interrogé par des jeu
1107 t importante de notre temps.26 Mais qui ne voit que ceci s’oppose à cela, dramatiquement, — que cette « réalité fondament
1108 voit que ceci s’oppose à cela, dramatiquement, —  que cette « réalité fondamentale du siècle » que serait la nation, est pr
1109 t, — que cette « réalité fondamentale du siècle » que serait la nation, est précisément celle qui fait obstacle à cette « s
1110 blement importante de notre temps » ? Qui ne voit que si l’Europe qu’appelait Winston Churchill n’est pas faite, c’est parc
1111 te de notre temps » ? Qui ne voit que si l’Europe qu’ appelait Winston Churchill n’est pas faite, c’est parce que les nation
1112 hill n’est pas faite, c’est parce que les nations qu’ exalte le ministre d’État du général de Gaulle s’y opposent encore irr
1113 e nations « souveraines » ? Quand on nous affirme que le xxe siècle ne sera pas celui du triomphe de l’internationale, com
1114 it prévu, mais bien le siècle des nations, est-ce qu’ on s’en félicite, ou bien est-ce qu’on dit cela comme on dirait de tel
1115 tions, est-ce qu’on s’en félicite, ou bien est-ce qu’ on dit cela comme on dirait de telle année : — C’était l’année de ma p
1116 ée de ma pneumonie ? Autre chose est de constater que la réalité politique de notre temps est encore la nation, autre chose
1117 on, autre chose est de s’en féliciter, d’affirmer qu’ on ne peut rien y changer, que c’est là-dessus qu’il faut bâtir, et d’
1118 liciter, d’affirmer qu’on ne peut rien y changer, que c’est là-dessus qu’il faut bâtir, et d’appeler ça du réalisme. Le can
1119 qu’on ne peut rien y changer, que c’est là-dessus qu’ il faut bâtir, et d’appeler ça du réalisme. Le cancer et les maladies
1120 importantes de notre temps, mais je ne pense pas que le réalisme consiste à le proclamer avec fierté. Il ne consiste pas n
1121 à faire en sorte qu’elles cessent d’être réelles. Que les nations soient encore bien réelles et très fortes à quelques égar
1122 le démontre avec une évidence presque écrasante. Que les nations soient en même temps mal adaptées (pour dire le moins) à
1123 de notre temps. Ils ne me semblent pas confirmer que « l’évolution joue dans le sens de la nation », mais bien plutôt que
1124 oue dans le sens de la nation », mais bien plutôt que nous atteignons le stade de crise finale d’une forme d’association qu
1125 mé l’Europe du xixe siècle, mais qui ne pourrait que tuer l’Europe du xxe siècle si elle n’est pas surmontée et remplacée
1126 à temps. La grande force de l’État-nation, c’est que les hommes et les femmes d’aujourd’hui qui ont passé par l’école et c
1127 l’école et croient savoir l’histoire s’imaginent qu’ il y a toujours eu des États, que les nations sont immortelles (en tou
1128 oire s’imaginent qu’il y a toujours eu des États, que les nations sont immortelles (en tout cas la leur !), que rien d’autr
1129 nations sont immortelles (en tout cas la leur !), que rien d’autre n’est donc possible, et que d’ailleurs l’État, ou la nat
1130 leur !), que rien d’autre n’est donc possible, et que d’ailleurs l’État, ou la nation, c’est l’aboutissement final, logique
1131 é de leur collusion moderne. Il faudrait rappeler qu’ après la préhistoire qui ne connaissait que les tribus et leurs clans,
1132 ppeler qu’après la préhistoire qui ne connaissait que les tribus et leurs clans, l’histoire commence avec les grands empire
1133 arlemagne, puis Saint-Empire. Il faudrait montrer que les premiers États nationaux n’apparaissent qu’après tout cela, au cœ
1134 r que les premiers États nationaux n’apparaissent qu’ après tout cela, au cœur du Moyen Âge, et se forment aux dépens de l’E
1135 é du globe, de l’universalité du genre humain. Et que la naissance de la première nation, la France, peut être datée de cet
1136 e est empereur en son royaume », ce qui veut dire que le chef de l’État d’un domaine de moyenne grandeur centré sur l’Île-d
1137 en Avignon, et puis réalise aux dépens des Juifs qu’ il fait dépouiller et des chevaliers du Temple qu’il fait exécuter, un
1138 qu’il fait dépouiller et des chevaliers du Temple qu’ il fait exécuter, une merveilleuse opération sur l’or ! (si l’on veut
1139 e toutes les instances universelles, — sauf celle que l’on peut contrôler — sera vite suivi par les rois d’Angleterre et d’
1140 ntôt imité dans toute l’Europe monarchique autant que républicaine, et au xxe siècle, dans le reste du monde. Qu’est-ce en
1141 caine, et au xxe siècle, dans le reste du monde. Qu’ est-ce en somme que l’État-nation de modèle napoléonien ? C’est le rés
1142 iècle, dans le reste du monde. Qu’est-ce en somme que l’État-nation de modèle napoléonien ? C’est le résultat d’une volonté
1143 x, si l’on y réfléchit, mais c’est précisément ce que l’on ne fait pas, parce que l’État-nation est devenu sacré, intangibl
1144 tangible dans nos esprits, qui résistent à l’idée qu’ il pourrait n’être après tout qu’une forme transitoire, comme tant d’a
1145 sistent à l’idée qu’il pourrait n’être après tout qu’ une forme transitoire, comme tant d’autres. On enseigne son catéchisme
1146 l’État peuvent mettre à mort leurs hérétiques, ce que ne peuvent plus faire les Églises, Dieu merci. L’État-nation centrali
1147 mplet, suffisant en lui-même tant pour sa culture que pour son économie, et seul juge non seulement de ses intérêts mais de
1148 7. C’est donc une partie qui se veut aussi grande que le tout. L’État-nation moderne, unitaire et absolu n’est enfin qu’un
1149 at-nation moderne, unitaire et absolu n’est enfin qu’ un empire manqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècle des nati
1150 pos une constatation des plus paradoxales : c’est que , si tous les États-nations unitaires ont été et sont des empires manq
1151 rdons maintenant ces États-nations unitaires tels qu’ ils sont dans leur être et leur agir concret, non plus dans leurs prét
1152 lus dans leurs prétentions. Nous verrons aussitôt que tous, sans exception, sont à la fois trop petits et trop grands. Ils
1153 t et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’ inexorable : — ou bien ils se contentent de proclamer leur volonté far
1154 lement satellisés un à un ; — ou bien ils font ce qu’ il faut pour pouvoir résister, c’est-à-dire qu’ils décident de résiste
1155 ce qu’il faut pour pouvoir résister, c’est-à-dire qu’ ils décident de résister tous ensemble, et alors ils renoncent à leur
1156 fédération qui les protège. C’est ce second parti qu’ ont adopté en 1848 nos vingt-cinq petits États suisses et bien leur en
1157 fédération politique. Force m’est donc de penser qu’ il y a quelque chose d’essentiel dans leur nature même, quelque chose
1158 ui les retient de s’unir. Et nous voyons mieux ce que c’est, maintenant que nous avons défini l’ambition profonde et consti
1159 ir. Et nous voyons mieux ce que c’est, maintenant que nous avons défini l’ambition profonde et constitutive de l’État-natio
1160 on et par structure, non par méchanceté ou bêtise que les États-nations sont impropres à l’union. Leurs relations normales
1161 ts-nations paraissant insoluble en théorie autant qu’ il le reste en pratique dans l’état actuel de ses données29, il va fal
1162 -à-dire chercher à fonder l’union sur autre chose que les États-nations. Renoncer à résoudre le problème de l’union, c’est
1163 le problème de l’union, c’est faire, en somme, ce que l’on fait actuellement, c’est-à-dire laisser nos États continuer à pr
1164 : L’union, pour deux États-nations, n’est jamais qu’ une mesure de fortune, voire un expédient désespéré (comme par exemple
1165 ll en juin 1940), autrement dit : ce n’est jamais qu’ une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faibl
1166 veut unir l’Europe, il faut partir d’autre chose que de ses facteurs de division, il faut bâtir sur autre chose que sur le
1167 cteurs de division, il faut bâtir sur autre chose que sur les obstacles à l’union ; opérer sur un autre plan que celui-là,
1168 es obstacles à l’union ; opérer sur un autre plan que celui-là, précisément, où le problème se révèle insoluble. Il faut se
1169 e nouveau, à la fois plus grande et plus complexe que la cnté antique, mais plus dense, mieux structurée et offrant un meil
1170 frant un meilleur milieu de participation civique que la nation telle que nous l’a léguée le siècle dernier : — la région.3
1171 lieu de participation civique que la nation telle que nous l’a léguée le siècle dernier : — la région.31 Il n’est rien do
1172 s’occupent avec plus de passion en Europe. C’est qu’ en effet, il s’agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyon
1173 et, il s’agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme au seuil de ce dernier tiers de n
1174 ent peu à peu sur le fond chaotique de la société que le xixe siècle a laissé se faire au petit bonheur, la société stato-
1175 re de la combinaison de forces les plus diverses, qu’ il s’agit de capter et d’harmoniser, dont les principales sont : l’exp
1176 is au contraire par la force de rayonnement de ce qu’ on appelle une « métropole », grande ville ou complexe de villes moyen
1177 tenter de faire sentir le concret du problème tel que je l’ai découvert, voici un exemple vécu. Il y a quelques années, je
1178 e me trouvais le seul non-Français : j’en conclus que j’étais censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité
1179 er tout au début, j’improvisais donc sur le thème que voici : Il peut sembler curieux, Messieurs, qu’à l’âge de l’union de
1180 que voici : Il peut sembler curieux, Messieurs, qu’ à l’âge de l’union des nations et des intégrations continentales, vous
1181 moins autonome. L’effort d’union et votre effort, qu’ on soupçonnera de vouloir la division, peuvent sembler logiquement con
1182 les vois complémentaires. Car au fur et à mesure que se dévalorisent les frontières de nos États-nations, les régions vont
1183 d’un seul tenant quant au sous-sol, sous prétexte qu’ à la surface les gens parlaient allemand d’un côté, français de l’autr
1184 lations d’échanges aussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, se
1185 s réduites au rôle mineur et invisible à l’œil nu que jouent les délimitations entre les cantons suisses : simples commodit
1186 gendarmerie. Et c’est sur ces régions, Messieurs, que nous bâtirons l’Europe, non sur les cadres en bonne partie vidés des
1187 rent un écho pour moi des plus inattendus : c’est qu’ elles venaient à la rencontre non seulement des souhaits des organisat
1188 que, déjà beaucoup plus large et solidement fondé que je n’osais l’espérer. Au cours de ces dernières années, on a vu se mu
1189 r notre indépendance nationale ne peut être menée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste ou ne sera
1190 pression quasi coloniale de la région si ancienne que Saint-Brieuc était l’endroit tout indiqué pour tenir le premier collo
1191 es : 1° De Gaulle lui-même ne peut tenir en main… que son État. Or la souveraineté de l’État est devenue tout illusoire, qu
1192 n régionaliste naissante, il y a bien autre chose qu’ un mécontentement accidentel, il y a de sérieuses nécessités, appelant
1193 très loin… Ce sont ces nécessités qui expliquent que le Marché commun ait cru devoir convoquer le très important colloque
1194 que de Bruxelles sur les économies régionales, et que ses six États-nations membres y aient pris part. C’est l’arriération,
1195 la régionalisation du territoire. On s’est aperçu que ce sous-développement provenait directement de la structure de l’État
1196 rplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’est qu’ un exemple entre bien d’autres : nous avons, tout près d’ici, celui de
1197 is rayonnant sur trois pays. Imaginez maintenant que dans ces métropoles, peu à peu, se forment ces centres de décision ré
1198 e décision régionaux dont tout le monde parle, et qu’ ils acquièrent de la force : lorsqu’ils auront pris en fait (sinon en
1199 droit) plus d’importance économique et culturelle que les capitales anciennes, la révolution régionale sera faite, et du mê
1200 pe se révélera immédiatement possible. Il se peut que cette évolution exige bien plus de temps que les pionniers de l’Europ
1201 peut que cette évolution exige bien plus de temps que les pionniers de l’Europe unie ne l’exigeaient et ne l’annonçaient da
1202 e unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le département et même que la nation. Qu’une telle déclaration ait p
1203 up plus opérationnelle que le département et même que la nation. Qu’une telle déclaration ait pu être faite en France, et
1204 nnelle que le département et même que la nation. Qu’ une telle déclaration ait pu être faite en France, et cela précisément
1205 onomies régionales, voilà qui nous donne à penser que la révolution régionaliste, condition de l’Europe unie, est bien plus
1206 condition de l’Europe unie, est bien plus avancée que nous n’osions l’espérer. Toutefois, ne nous y trompons pas : le proce
1207 ur le jour. Nous n’en sommes encore, aujourd’hui, qu’ au stade de la prise de conscience du phénomène région et des motifs d
1208 peine avons-nous pris la mesure des perspectives qu’ il nous invite à explorer, notamment institutionnelles. Des réalisatio
1209 ent être décrétées sans transition. Il est normal qu’ elles exigent une longue période de mise en place silencieuse des réal
1210 ’une génération, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien plus vite de nos jours qu’à l’aube grecque de notr
1211 ant que tout se passe bien plus vite de nos jours qu’ à l’aube grecque de notre Histoire. Je ne cite pas la Grèce par hasard
1212 communauté aussi nouvelle dans notre civilisation que le fut au vie siècle avant notre ère l’apparition de la polis, dans
1213 , dans la société grecque archaïque. Et l’on sait que la polis devint en moins d’un siècle l’unité de base de toute vie soc
1214 hui se partager le monde. Nous n’en sommes encore qu’ à la petite aube de la formation des régions en tant qu’éléments de ba
1215 a pas lu Renan, de nos jours… Et cette succession qu’ il annonce, ce remplacement des États-nations par la fédération, cela
1216 du fameux « mouvement de l’Histoire ». Il faudra que la succession, le remplacement s’opèrent dans les esprits d’abord, pa
1217 ont vécu tous nos ancêtres depuis des siècles, et que nous ont inculquées tous les classiques de la philosophie politique.
1218 et de cette religion civique dont je vous disais qu’ elle s’était substituée à la foi chrétienne dans l’esprit des masses.
1219 mutations de concepts et de catégories politiques qu’ exige la prise de conscience du phénomène régional opposé au stato-nat
1220 suite en entendant cette définition de la région que j’emprunte aux travaux du colloque de Bruxelles : L’activité économi
1221 ux et volontiers ombrageux. Louis Armand remarque que « la notion d’indépendance économique a changé complètement de conten
1222 t chercher à être aussi indispensables aux autres que les autres nous sont indispensables.36” » Je proposerais, pour ma par
1223 ndispensables.36” » Je proposerais, pour ma part, que l’on substitue au terme d’indépendance celui d’autonomie, qui a l’ava
1224 es États-nations. Enfin, il est une grande notion que les régions nous amèneront à mettre en lumière, c’est celle de la plu
1225 rsonne, soit d’un groupe ou d’une région. Au lieu que l’État-nation voulait tout faire coïncider dans le même cadre : cultu
1226 envers le Prince maître de tout, et d’autant plus qu’ il devenait anonyme et sans visage — dans le monde régional, la libert
1227 ccès, le triomphe du fédéralisme intégral. Depuis qu’ il est question d’une entrée éventuelle de la Suisse dans le Marché co
1228 a Suisse dans le Marché commun, j’entends répéter qu’ elle y perdrait sa souveraineté, qu’elle s’y perdrait. Et si je parle
1229 tends répéter qu’elle y perdrait sa souveraineté, qu’ elle s’y perdrait. Et si je parle d’une fédération basée sur les régio
1230 ne fédération basée sur les régions, on me répond que ce serait pire encore, et que la Confédération dans ce cas serait « d
1231 gions, on me répond que ce serait pire encore, et que la Confédération dans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’il e
1232 tion dans ce cas serait « dissociée ». Je réponds qu’ il est temps, qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer un ref
1233 serait « dissociée ». Je réponds qu’il est temps, qu’ il est grand temps que nous cessions d’opposer un refus quasi automati
1234 Je réponds qu’il est temps, qu’il est grand temps que nous cessions d’opposer un refus quasi automatique à toutes les propo
1235 d’union un peu hardies, sous le double prétexte «  qu’ on n’est pas sûr qu’elles réussiront », ou bien « qu’on n’est pas sûr
1236 es, sous le double prétexte « qu’on n’est pas sûr qu’ elles réussiront », ou bien « qu’on n’est pas sûr que cela servirait n
1237 on n’est pas sûr qu’elles réussiront », ou bien «  qu’ on n’est pas sûr que cela servirait nos intérêts ». Assez de cette pol
1238 elles réussiront », ou bien « qu’on n’est pas sûr que cela servirait nos intérêts ». Assez de cette politique fondée en fai
1239 litique fondée en fait sur la morale à courte vue qu’ illustre l’anecdote du patriarche vaudois : il réunit ses fils autour
1240 leur dit : « Le secret de ma réussite tient à ce que j’ai fondé ma vie sur deux principes : Méfiance ! Méfiance ! » Politi
1241 l’État. Face au projet régionaliste, je voudrais que nous disions : Travaillons dans ce sens, car c’est celui de nos tradi
1242 es. Les régions de demain seront les petits États que nous avons toujours voulu défendre, et à raison. Tout ce qui s’est fa
1243 ublime, par les infimes ; et de divin par un bébé qu’ on ne savait trop comment déclarer… Les régions de demain seront en mê
1244 r, comme l’ont fait nos cantons, quand ils ont vu que l’union fédérale était la condition de leur survie individuelle. Les
1245 tat (culturels, ethniques, économiques, civiques) qu’ avaient effacés nos nations écrasant toute diversité, et les avantages
1246 othèse de travail régionaliste : on verra bien ce qu’ elle donne pour nous, quand nous aurons aidé au succès de l’entreprise
1247 moins je l’espère. Belle raison d’être nationale que celle qui dépendrait des seuls douaniers et qui serait à la merci d’u
1248 s, qui est sa région naturelle, croit-on vraiment que cela lui ferait perdre son caractère de cité suisse plus que ne le fo
1249 i ferait perdre son caractère de cité suisse plus que ne le font sa population étrangère et les institutions internationale
1250 ion étrangère et les institutions internationales qu’ elle est fière d’accueillir ? Non, même « dissociée » économiquement,
1251 ité propre vis-à-vis de l’Europe. Je ne crois pas que nous ayons mission de préconiser urbi et orbi la transposition pure e
1252 e date un peu : c’est un fédéralisme d’États plus que de fonction, de défense plus que de coopération. Aujourd’hui, le fédé
1253 sme d’États plus que de fonction, de défense plus que de coopération. Aujourd’hui, le fédéralisme doit se détacher, comme j
1254 fédéraliste, qui les fait dépasser en pratique ce qu’ il y a de périmé en doctrine dans la Constitution de 1848. Voilà sans
1255 dans la Constitution de 1848. Voilà sans doute ce que les Suisses peuvent donner de meilleur à l’Europe qui se fait : non p
1256 r politique pour l’Europe et le monde, mais mieux que cela : un exemple vécu. 25. Gazette littéraire , Lausanne, 28 oct
1257 dmettre de bonne foi, à moins d’être un imbécile, qu’ une seule d’entre elles consentira jamais à remettre une part de ses p
1258 de l’ouverture de l’autoroute Paris-Lille. 34. «  Qu’ est-ce qu’une nation ? », Paris, 1882. 35. Commission de la CEE, Docu
1259 ture de l’autoroute Paris-Lille. 34. « Qu’est-ce qu’ une nation ? », Paris, 1882. 35. Commission de la CEE, Documents de l
20 1968, Articles divers (1963-1969). Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)
1260 l’Europe ». Quel est le souvenir le plus marquant que vous conservez de cette grande manifestation européenne ? Alternance
1261 nie, et le sentiment, dès l’ouverture solennelle, que désormais un mécanisme a été mis en marche et nous porte, mais pas né
1262 ngrès sans précédent : je ne voudrais évoquer ici qu’ un incident de couloir dont personne n’a parlé, et dont je fus alors l
1263 : je ne prendrais en charge la section culturelle que s’il était bien entendu qu’il lui reviendrait de dire le sens de tout
1264 la section culturelle que s’il était bien entendu qu’ il lui reviendrait de dire le sens de toute l’entreprise, d’inspirer e
1265 nisation du congrès. Celui-ci décida, le 8 avril, que « le texte appelé jusqu’ici préambule constituerait un Message aux E
1266 nger, qui m’écrivait le 29 mars : Je suis d’avis que cette déclaration doit fournir le point de départ de notre action com
1267 au de fort papier parcheminé, et il était entendu qu’ au terme du congrès, tous les participants, Churchill en tête, signera
1268 ngrès, je fus appelé d’urgence par Duncan Sandys, que je trouvai flanqué de son beau-frère Randolph Churchill (qui n’était
1269 son beau-frère Randolph Churchill (qui n’était là qu’ à titre de journaliste). Ils m’apprirent que le Message aux Européens
1270 it là qu’à titre de journaliste). Ils m’apprirent que le Message aux Européens ne pourrait être présenté à la séance fina
1271 te phrase : « Nous voulons une défense commune », que le congrès n’avait pas discutée et qui ne figurait pas dans les résol
1272 , sans doute anglais, dont ils affirmaient savoir qu’ ils s’opposeraient à mon Message à cause de la phrase sur la défense
1273 it assisté au début de l’incident, revint me dire que tous les syndicalistes, Français en tête, quitteraient le congrès à g
1274 a demande, vint arbitrer le différend : on décida que je lirais le Message , mais en omettant la petite phrase. Ainsi fut
1275 rétariat de la presse38. C’est à ce moment précis que les maîtres du congrès retirèrent la parole au peuple européen, pour
1276 a donner à des ministres, qui en ont fait l’usage que l’on sait. 2. Ne vous semble-t-il pas paradoxal qu’en mai 1948, alors
1277 e l’on sait. 2. Ne vous semble-t-il pas paradoxal qu’ en mai 1948, alors que n’existaient encore ni le Conseil de l’Europe,
1278 édération européenne apparaissait plus accessible qu’ aujourd’hui ? Nous imaginions une Europe constituée par les « forces v
1279 la fédération sur d’autres éléments constitutifs que les États-nations inutilisables et irréformables (mais nous n’avions
1280 » (mais non les fédéralistes) ont nourri l’espoir que le Conseil de l’Europe — créé à la suite du congrès de La Haye — cond
1281 de ces dernières années, pensez-vous aujourd’hui que les Communautés peuvent constituer l’amorce d’une fédération européen
1282 amorce d’une fédération européenne ? Estimez-vous que l’on puisse encore compter sur les gouvernements nationaux pour « fai
1283 l’Europe n’a pas progressé d’un centimètre depuis que Churchill (en 1946 à Zurich) parlait de son urgence dramatique. La pr
1284 voirs réels, à l’échelle de l’Europe et du monde, que négatifs. Ils peuvent encore soit refuser les mesures d’union qui s’i
1285 as, ils ne le pourraient pas. Et il faut redouter que les Communautés, bridées par les nations qui les composent, loin d’am
1286 on présent ? Son impuissance avérée tient au fait qu’ il a opté, dès le lendemain de La Haye, pour les notables contre les m
1287 Haye, pour les notables contre les militants. Ce qu’ il a initié dans le domaine économique et mis sur pied dans le domaine
1288 res dans les conseils directeurs du Mouvement. Ce qu’ il a proclamé avec une si louable mesure, et, il faut bien le reconnaî
1289 qui n’ont cessé de répéter, bien avant de Gaulle, que les choses étant ce qu’elles sont, il convenait d’adapter les exigenc
1290 er, bien avant de Gaulle, que les choses étant ce qu’ elles sont, il convenait d’adapter les exigences de l’union aux intérê
1291 r nos frais. Mais j’appelle espérance l’intuition qu’ il existe des moyens de rejoindre le but que l’on veut atteindre. Et c
1292 ition qu’il existe des moyens de rejoindre le but que l’on veut atteindre. Et cette espérance-là, je l’éprouve aujourd’hui
1293 espérance-là, je l’éprouve aujourd’hui plus vive que jamais ; s’il est vrai qu’on ne peut bâtir sur de l’ancien (les États
1294 aujourd’hui plus vive que jamais ; s’il est vrai qu’ on ne peut bâtir sur de l’ancien (les États-nations), mais seulement s
1295 uis imposer leur existence. Bâtir sur autre chose que sur les cadres durs mais en train de se vider des États-nations, cela
1296 engagements de La Haye. 37. Il est remarquable que Retinger, qui ne passait pas pour fédéraliste, ait été le premier à p
1297 38. J’en ai récupéré plus tard deux exemplaires que je conserve dans les archives du Centre européen de la culture. 39.
1298 rue ou printemps de 1967. Je ne serais pas étonné que d’autres fédéralistes l’aient inventée pour leur part à la même époqu
21 1969, Articles divers (1963-1969). De l’Aar à l’Europe (1969)
1299 ialectique. Ce discours méandrique nous dit aussi qu’ un fleuve est à la fois mouvement perpétuel et dessin permanent, flot
1300 sans fin dans une forme arrêtée, celle des rives qu’ il a formées, événement toujours fuyant et qui fascine, figure origine
1301 nge sans relâche dans un trajet presque immuable, qu’ il faudra plusieurs millénaires pour déplacer de quelques champs… Deu
1302 éraclite me proposent une idée de l’Europe, telle qu’ on l’a quelquefois définie par ses vertus paradoxales d’innovation au
1303 depuis l’aurore des temps, bien avant l’homme ! —  que ce réseau de fleuves et de rivières qui a si profondément découpé, de
1304 l’usage de l’homme. Ils divisent et isolent plus qu’ ils ne mettent en relations civilisantes. Ils inondent plus qu’ils n’i
1305 tent en relations civilisantes. Ils inondent plus qu’ ils n’irriguent. Mais les fleuves et rivières de l’Europe sont pareils
1306 fille des fleuves ! IV Rien de plus fluvial que la Suisse. Si l’Europe est la terre des ports, où les fleuves ont for
1307 où les fleuves ont formé plus de baies favorables que n’en comptent ensemble les plus grands continents, la Suisse est la t
1308 ouvenir de Besenval et celui de Casanova, Soleure qu’ un pasteur indigné décrit comme « un centaure franco-allemand », mais
1309 ngt lacs et vingt rivières en un courant puissant qu’ elle jette au large Rhin, rassemblons en un seul faisceau nos argument
1310 cette « péninsule occidentale de l’Asie », ainsi que l’on nommait l’Europe dans les traités de géographie, au xviiie sièc
1311 tes, et seulement suisse : à cause de cela, mieux que toute autre — Rhône ou Rhin, Danube ou Adige —, elle me paraît illust
1312 pparaît alors d’une plus forte densité européenne que la Suisse : autour de son cœur, quatre langues et autant d’accents qu
1313 r de son cœur, quatre langues et autant d’accents que de vallées, mais aussi l’origine de quatre grands systèmes de ramific
1314 en en Suisse n’est suisse avec plus de robustesse que cette rivière germano-celte romanisée qui porte le nom même du cours
1315 e et sur la force originante —, l’Aar gothique et qu’ on retrouve dans toute l’Europe, mais ici tirant après soi un r qui ro
22 1969, Articles divers (1963-1969). À la fontaine Castalie (1969)
1316 uelque part mais pour être-en-voyage, absolument, que parfois je quitte mon lieu. Un certain état d’âme, d’alerte au monde
1317 re. Mais voyager en Grèce est une autre aventure. Qu’ on le veuille et le sache ou non, c’est un itinéraire spirituel que le
1318 et le sache ou non, c’est un itinéraire spirituel que le hasard propose et dont les mythes disposent, si peu que l’on y prê
1319 des prises de conscience ; et il n’a d’autre fin que d’être parcouru. Le voilier — un schooner de vingt-deux-mètres — cher
1320 n schooner de vingt-deux-mètres — cherche la voie qu’ il va tracer sur l’eau. Nous venons de quitter Poros, non loin des por
1321 s parois monumentales. Cet espace est pourtant ce que l’on voudrait « prendre », mais aucun objectif ne pourra l’enregistre
1322 mythe dans l’espace du rêve, et pour entendre ce qu’ on voit ici. Épiant le lent progrès de la réminiscence. Le mot crime…
1323 t Désir, il va prendre la route de Thèbes — celle que rejoint à droite ce bref sentier — vers le carrefour fatal où il tuer
1324 silencieux… Tout paraît naturel mais à tel point que parfois une arrière-pensée se meut dans l’ombre : est-ce bien ainsi ?
1325 meut dans l’ombre : est-ce bien ainsi ? n’est-ce que cela ? n’y a-t-il Personne ? Ces grands buissons, ces murets de pierr
1326 Delphes s’est tue. Le sombre esprit ne parle plus qu’ au silence monumental de la fontaine Castalie. (Plus tard, j’ai repri
23 1969, Articles divers (1963-1969). Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)
1327 es communalistes, régionalistes et nationalistes, qu’ on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de nations en instance
1328 nationalistes, qu’on voit partout en plein essor, qu’ il s’agisse de nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le P
1329 contre le contrat étatique (inégal à leurs yeux) que jadis ou naguère leur imposa l’élément formateur ou hégémonique de ch
1330 contradictoire, c’est en effet l’État-nation, tel qu’ il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confisc
1331 siècle, l’État-nation européen nous apparaît, tel que les accidents de l’Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit e
1332 et trop grand. Il est trop petit pour assurer ce qu’ on persiste à nommer son indépendance et sa souveraineté absolue : car
1333 e et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens du terme, n
1334 s du terme, ne saurait être soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois
1335 lus forts, dépendent autant de l’opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une interdépendance universel
1336 , je ne vois guère d’État-nation de type unitaire que ce double mouvement de convergence mondiale et de diversification loc
1337 ité et de sécurité auxquelles ne peuvent répondre que de grands espaces économiques constitués à la mesure des possibilités
1338 à des formules de type fédéraliste. À la question que je me posais sur la prophétie proudhonienne, voici donc une première
1339 s qui divisent notre humanité, je ne compte guère que deux douzaines d’États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la pop
1340 ulation du globe, et il est frappant de constater qu’ on trouve parmi eux les plus grands États et les plus modernes des cin
1341 marchandises de qualités au moins diverses selon qu’ il s’agit par exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de la Con
1342 te dans ces trois États officiellement fédératifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce sont les autonomies régional
1343 a fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’i
1344 ue dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’ on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son us
1345 ns le fédéralisme qu’on est en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage mal compris, ou son blocage
1346 t de fédéralisme ! Et l’on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéraliste rétablirait bientôt
1347 Cette définition est assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent : 1) « Le fédéralisme était une d
1348 se reporter à son Littré quand il veut savoir ce qu’ un mot signifie, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui est bo
1349 les sauvages et qui semble n’avoir été préconisé que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de
1350 que par des traîtres à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore qualifié de « 
1351 ent dû suffire, semble-t-il, à clarifier un terme que le problème européen et nos situations nationales nous amènent à util
1352 uggérai au comité directeur d’un congrès européen qu’ une journée fût réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représen
1353 t du Conseil de l’Europe tint à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait oblig
1354 adoptait ma proposition. Je compris par la suite que ce haut fonctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’unifica
1355 , c’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’ il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une at
1356 des autonomies locales ou régionales. C’est ainsi qu’ un illustre homme d’État belge, et grand Européen, écrivait récemment 
1357 alisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut. » Plus étonnant encore, en Suisse mêm
1358 ls ou de gardiens jaloux des traditions helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la c
1359 xistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles, donc ruineuses dans son cas,
1360 soit pour ainsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle et s’il es
1361 e capitale de ce siècle et s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu
1362 fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’ entraînent en fait les malentendus que j’ai dits et par suite l’import
1363 les dangers qu’entraînent en fait les malentendus que j’ai dits et par suite l’importance pratique de tout effort de clarif
1364 ais également valables et vitales, de telle sorte que la solution ne puisse être cherchée ni dans la réduction de l’un des
1365 en conflit tout en les composant de telle manière que la résultante de leur tension soit positive (on dirait, dans le langa
1366 a théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’ il s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima
1367 èmes et des solutions ainsi définies constitue ce que je nommerai la politique fédéraliste, au sens le plus large du terme.
1368 homme elle entend préparer ou éduquer, constatons qu’ elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaire
1369 s dont le « modèle » nous est connu : c’est celui qu’ ont élaboré les fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialo
1370 quise sur le chaos de la masse indistincte autant que sur l’anarchie des individus isolés, qu’il s’agisse de réalités métap
1371 e autant que sur l’anarchie des individus isolés, qu’ il s’agisse de réalités métaphysiques ou physiques, esthétiques ou pol
1372 t intégralement pour le fédéralisme, du moins tel que je l’entends, après avoir valu pour la Grèce des grands siècles avec
1373 une seule personne… » Abstraction faite de la foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leu
1374 ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leurs formes et structures posent un certain type de relations, posen
1375 ce caractère va se transmettre à tous les groupes qu’ il formera avec d’autres hommes, ses semblables. Ces groupes devront ê
1376 de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’il consiste à concilier des co
1377 ménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu’il consiste à concilier des confessions
1378 liste d’une situation part du concret, en ce sens que d’abord elle considère la nature d’une tâche ou d’une fonction partic
1379 inentale ou mondiale, selon les cas), il ne reste qu’ à désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions rela
1380 oivent différer selon les tâches, j’entends selon qu’ elles intéressent tous les hommes de toutes les régions, certains homm
1381 quelques régions, ou d’une seule. Je conviendrai que le nombre des combinaisons auxquelles peut conduire cette méthode a d
1382 ordinateurs vont prendre la relève. Lénine disait que la révolution communiste, c’était les soviets plus l’électricité. Pou
1383 grande phrase : « Le but de la société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et éclairée. »
1384 n’est pas que l’administration soit facile, mais qu’ elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfin, que nos critèr
1385 oit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfin, que nos critères d’évaluation des dimensions et d’attribution des niveaux
1386 tude, née de l’absence de communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’étaient pas là. La solution consisterait à
1387 voir professionnel souvent d’autant plus rentable qu’ il est plus étroitement spécialisé ; mais la révolte actuelle des étud
1388 litique — c’est le même mot, selon l’étymologie — que nous allons enfin retrouver le problème classique du fédéralisme : co
1389 our pouvoir se charger de tâches communes (telles que la défense, les affaires étrangères et la politique économique ou cer
1390 t permanent. Il y faut une méthode vivante, celle que j’ai dite : sans cesse évaluer à nouveau les dimensions des tâches à
1391 ntrations de forces proportionnées à la puissance que l’on veut obtenir et en même temps multiplier les petites unités de b
1392 du civisme, c’est dans cette dialectique concrète que sont en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centa
1393 on par les auteurs classiques, n’était en réalité qu’ un cas particulier d’une conception beaucoup plus large des relations
1394 ité, des relations publiques en général. C’est ce qu’ avait bien vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que « le f
1395 vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionnelle dénommée
1396 qu’il relevait que « le fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à qualifier et
1397 Et il ajoutait : Le fédéralisme est autre chose qu’ une simple recette juridique ou politique : il est un des grands types
1398 de vie et de civilisation, capable, au même titre que le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’alimenter la pensée
1399 gement des relations humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière
1400 éralisme tel que j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière historique, mais prospective. Il a pl
1401 historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de passé.   [Suivent deux brèves interventions de MM. Léon Noël et J
1402 uestion sur confédération ou fédération. Je crois que toute l’histoire prouve que les confédérations sont des formules tran
1403 fédération. Je crois que toute l’histoire prouve que les confédérations sont des formules transitoires qui sont destinées
1404 dement si elles ne passent pas à la fédération et qu’ en général les pays qui aujourd’hui s’appellent confédération sont des
1405 ne mesure d’opportunisme pour des gens qui voient que l’on ne peut pas continuer sans faire quelque chose dans le sens d’un
1406 ui n’osent pas aller jusqu’au bout. Vous avez dit que le sens civique, en Suisse, pouvait seul permettre le fédéralisme. Je
1407 déralisme. Je retournerai la proposition et dirai que , s’il y a un sens civique en Suisse, c’est dû précisément au système
1408 imensions sont celles d’un peuple de 50 millions, qu’ est-ce qu’il se produit ? On vote, de temps en temps, sur de grandes o
1409 sont celles d’un peuple de 50 millions, qu’est-ce qu’ il se produit ? On vote, de temps en temps, sur de grandes options gén
1410 . Je n’irai pas jusqu’à demander, comme Aristote, que les communes ne soient pas plus vastes que la portée de la voix d’un
1411 stote, que les communes ne soient pas plus vastes que la portée de la voix d’un homme criant sur l’agora, mais il faut gard
1412 tion de l’institution et du civisme. Si on trouve qu’ il n’y a pas assez de civisme quelque part, le premier remède c’est d’
1413 ouvent la question. Il faudrait s’entendre sur ce qu’ on appelle région. Je ne m’étendrai pas sur cette question complexe, m
1414 ai pas sur cette question complexe, mais je crois que la plupart des craintes que l’on a, en parlant de régions, viennent d
1415 mplexe, mais je crois que la plupart des craintes que l’on a, en parlant de régions, viennent de ce qu’on s’imagine une rég
1416 que l’on a, en parlant de régions, viennent de ce qu’ on s’imagine une région comme un petit État-nation. C’est autre chose.
1417 comme le veulent ses promoteurs, on croit souvent qu’ elle doit nécessairement coïncider avec une région politique. Pas du t
1418 s, du sous-sol et de l’état civil ou de la langue qu’ on parle, et qui aboutit par exemple à la division de la région Ruhr-M
1419 nt au point de vue du sous-sol, d’après la langue qu’ on parlait d’un côté ou de l’autre d’une frontière tracée à la surface
1420 r autre chose du côté des régions. Il est certain que le système stato-national actuel n’est plus tolérable, ne fonctionne
1421 d’œuvre, et avec les communes qui peuvent refuser qu’ on ruine la vie d’une petite ville en la coupant en deux, par exemple.
1422 alisme, c’est-à-dire le respect poussé aussi loin que possible des diversités, devient possible, aujourd’hui, à cause de pr
24 1969, Articles divers (1963-1969). « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)
1423 , c’est singulier, mais vous l’intimidez. » C’est qu’ il ne m’était plus un dieu, et que j’étais jeune. Il s’efforçait trist
1424 imidez. » C’est qu’il ne m’était plus un dieu, et que j’étais jeune. Il s’efforçait tristement de lire Marx, et trouvait Ki
1425 Sa pensée n’a pour moi rien d’actuel et je doute qu’ il en aille autrement pour mes cadets. Je serais tenté de dire : tant
1426 n de son « actualité » reste intéressante en ceci que Gide se persuadait que l’avenir seul lui ferait « gagner son procès e
1427 reste intéressante en ceci que Gide se persuadait que l’avenir seul lui ferait « gagner son procès en appel ». Or peu furen
1428 té sérieusement, des fondements de notre société, que son orthodoxie sexuelle. Puis le colonialisme français. Sur tout le r
1429 e, avec un sens critique d’autant plus exemplaire que les contestataires de 1968 ont la faiblesse insigne d’en faire fi. Ma
25 1969, Articles divers (1963-1969). Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)
1430 rançaise des discours qui défiaient la syntaxe et qu’ il fallait recomposer pour l’impression au Journal officiel. C’est qu’
1431 oser pour l’impression au Journal officiel. C’est qu’ il pensait — et disait à ses proches — qu’il ne doit rien rester d’un
1432 . C’est qu’il pensait — et disait à ses proches — qu’ il ne doit rien rester d’un bon discours, sauf la loi qu’il a fait vot
1433 e doit rien rester d’un bon discours, sauf la loi qu’ il a fait voter. Quelle que soit la valeur littéraire que nous accordo
1434 discours, sauf la loi qu’il a fait voter. Quelle que soit la valeur littéraire que nous accordons aujourd’hui au bref ouvr
1435 fait voter. Quelle que soit la valeur littéraire que nous accordons aujourd’hui au bref ouvrage intitulé (non sans une pro
1436 nébranlable constance » des maréchaux n’a d’égale que « le sang-froid admirable » des deux empereurs, et l’énergie de leurs
1437 e sans réserve à leurs catégories. C’est le style qu’ elles attendent, et après tout c’est bien ainsi qu’il faut parler de l
1438 u’elles attendent, et après tout c’est bien ainsi qu’ il faut parler de la guerre telle qu’on l’exalte aussi longtemps qu’on
1439 t bien ainsi qu’il faut parler de la guerre telle qu’ on l’exalte aussi longtemps qu’on ne l’a pas vue. Dulce bellum inexper
1440 de la guerre telle qu’on l’exalte aussi longtemps qu’ on ne l’a pas vue. Dulce bellum inexpertis 41, fameux titre d’Érasme,
1441 , une intention de souligner le contraste avec ce que l’on va lire dans le reste du livre, comme pour nous faire comprendre
1442 e comprendre sans le dire : voilà la guerre telle qu’ on la conte et qu’on la vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’e
1443 le dire : voilà la guerre telle qu’on la conte et qu’ on la vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’elle est, telle que
1444 u’on la vante, et maintenant je vais vous dire ce qu’ elle est, telle que je l’ai vue… Car voici que le récit quittant le st
1445 aintenant je vais vous dire ce qu’elle est, telle que je l’ai vue… Car voici que le récit quittant le style noble et conven
1446 ce qu’elle est, telle que je l’ai vue… Car voici que le récit quittant le style noble et convenu, tourne au plus sobre rep
1447 rémissent à la pensée d’être rongés par ces vers, qu’ ils croient voir sortir de leur corps, et qui proviennent des myriades
1448 une poignée de charpie, je la trempe dans le seau que l’on porte derrière moi, et je presse l’eau de cette éponge dans l’ou
1449 familles. Peu à peu, les femmes du lieu « voyant que je ne fais aucune distinction de nationalité, suivent mon exemple en
1450 e vue de près et dans sa nue réalité : Il arrive que le cœur se brise parfois tout d’un coup, et comme frappé soudain d’un
1451 s tard, et il se borne à suggérer, dans une note, que si ces pages pouvaient faire naître, ou développer et presser la que
1452 lifiés pour une pareille œuvre ? Tel est l’homme que l’on a traité d’utopiste et d’illuminé, et auquel on a tant reproché
1453 tre plus prudent, plus modéré : il n’est question que « de quelques pas » et non pas de révolutionner mais simplement « d’a
1454 éliorer l’état de choses », d’ailleurs révoltant, que l’on vient d’évoquer avec une émotion si contagieuse. On ne saurait ê
1455 qui accepta de présider le premier Comité. Reste que rien n’eût été fait sans le Souvenir, ni sans l’impulsion créatrice d
1456 plus meurtrier du siècle depuis Waterloo : il n’a qu’ une seule idée en tête, qui est d’approcher l’empereur et d’obtenir de
1457 « Société anonyme des Moulins de Mons Djemila », qu’ il a fondée. Mais d’autres soucis, ce jour-là, retiennent l’empereur.
1458 lières, de pouvoir assister aux scènes émouvantes que je me suis décidé à retracer. Ce n’est pas du tout Fabrice à Waterlo
1459 ces », dit-on, et l’on est pris par quelque chose qu’ on ne cherchait pas, qui passionne bientôt plus que tout, apportant so
1460 u’on ne cherchait pas, qui passionne bientôt plus que tout, apportant souvent la misère, mais peu importe, pour prix d’une
1461 un jeune journaliste, Georg Baumberger, découvre que « le fondateur de la Croix-Rouge vit encore ! » Il va le voir à l’hôp
1462 ng, encore du sang, du sang partout. » ⁂ J’ai dit qu’ on chercherait en vain, dans un Souvenir, la moindre note d’antimilita
1463 me implicite). Dunant se limite, par une tactique que je ne saurais croire toute inconsciente, à « attirer l’attention » su
1464 mettre, avec les bien-pensants de tous les temps, que ces horreurs sont fatales et voulues par les dieux ; c’est encore adm
1465 par les dieux ; c’est encore admettre la guerre. ( Que serait une guerre sans « horreurs » ?) J’avoue qu’à ma première lectu
1466 ue serait une guerre sans « horreurs » ?) J’avoue qu’ à ma première lecture du Souvenir, j’avais achoppé sur ce point. Mais
1467 pensée la plus authentique d’Henry Dunant, celle qu’ il ne pouvait pas encore avouer, ni peut-être s’avouer à lui-même, alo
1468 ilitarisme qui la prépare, c’est dans ses inédits qu’ il faut le chercher, dans ces textes écrits pour lui seul, et dans le
1469 se limiter est réitérée, mais déjà la possibilité que la guerre ne soit ni légitime ni fatale est nettement impliquée dans
1470 me de la légitimité de la guerre », dit seulement que « si elle est inévitable, elle doit être faite avec le moins de barba
1471 ère Convention de Genève, signée en 1864 ! Encore que Dunant n’en tire d’autres conclusions que la nécessité de s’en tenir
1472 Encore que Dunant n’en tire d’autres conclusions que la nécessité de s’en tenir à « quelques conventions diplomatiques spé
1473 particulière », on ne peut manquer de sentir ici qu’ un doute profond s’est éveillé en lui quant à la nature finale des rel
1474 ans plus tard, dans sa retraite, loin de l’action que d’autres poursuivent et de ses contingences « réalistes », Dunant att
1475 e front. Il note dans ses cahiers : En attendant que d’autres plus habiles que nous, prennent la plume et fassent mieux, n
1476 cahiers : En attendant que d’autres plus habiles que nous, prennent la plume et fassent mieux, nous entassons ici tant bie
1477 nces, afin de justifier à tout prix des instincts que la raison et la religion répriment : Pourquoi bénir des bataillons p
1478 ament chrétiennes ? Non, « titre dérisoire autant que blasphématoire dans les bouches officielles ». Car Jésus dit : Heureu
1479 que religieusement… Au moins Caïn tua sans savoir qu’ il tuait ». Et qu’on ne répète pas que la guerre est la suprême éducat
1480 … Au moins Caïn tua sans savoir qu’il tuait ». Et qu’ on ne répète pas que la guerre est la suprême éducatrice du genre huma
1481 sans savoir qu’il tuait ». Et qu’on ne répète pas que la guerre est la suprême éducatrice du genre humain ! À cet antique a
1482 Les vertus guerrières ne sont, le plus souvent, que des utopies traditionnelles intéressées… Ce qu’on désigne sous le nom
1483 , que des utopies traditionnelles intéressées… Ce qu’ on désigne sous le nom de « bravoure » s’allie très bien quelquefois a
1484 Souvenir et de ses prudences tactiques. Serait-ce que Dunant, écarté de l’action, n’ayant plus rien à espérer ni à ménager,
1485 ent toujours la fin de l’Histoire, du moins telle que nous l’entendons ? Il convient de s’entendre sur le sens des termes
1486 celui qui fait erreur sur l’adéquation des moyens qu’ il préconise aux fins qu’il allègue, tel celui qui répète (se croyant
1487 l’adéquation des moyens qu’il préconise aux fins qu’ il allègue, tel celui qui répète (se croyant réaliste) : si vis pacem
1488 para bellum, alors que toute l’histoire démontre que les guerres croissent en étendue comme en puissance de mort à proport
1489 anciers et des efforts de développement technique qu’ on consacre à les préparer. Mais il y a plus. Réaliste est celui qui,
1490 s sur les causes de la guerre dans l’ère moderne, qu’ il écrit vers la fin du siècle dernier. Il est difficile aujourd’hui d
1491 d’esprit pour distinguer, aux alentours de 1900, que les facteurs principaux de la guerre qui se préparait étaient les mêm
1492 x de la guerre qui se préparait étaient les mêmes que ceux qui, justement, achevaient de former l’État-nation : l’École éta
1493 poirs et des peurs, et des curiosités, bref, à ce que Dunant nomme très exactement : encaserner l’esprit humain. Quelques b
1494 ouvre, avec une sorte d’étonnement reconnaissant, qu’ il est celui que j’utilisais depuis quelques années pour mes cours :
1495 sorte d’étonnement reconnaissant, qu’il est celui que j’utilisais depuis quelques années pour mes cours : L’École : « L’en
1496 plus beau, rien de plus grand, rien de plus noble que les empire rapaces et sanguinaires d’Alexandre et des Césars, de Char
1497 tion universelle : les philosophes avaient prédit que les peuples, en se libérant, aboliraient le service militaire dû aux
1498 upprimer les armées permanentes, elles ont décidé que tous les citoyens valides en feraient partie. » La Presse : « … c’es
1499 re, au lieu d’être l’influence la plus oppressive que le monde ait jamais connue, elle deviendrait un véritable bienfait… »
1500 lui de châtier leur insolence… C’est sans remords que les pays qu’on appelle chrétiens commettent ces crimes qu’ils décoren
1501 r leur insolence… C’est sans remords que les pays qu’ on appelle chrétiens commettent ces crimes qu’ils décorent du nom de p
1502 ays qu’on appelle chrétiens commettent ces crimes qu’ ils décorent du nom de politique coloniale ». Or ce n’est pas la vraie
1503 oloniale ». Or ce n’est pas la vraie civilisation qu’ on apporte aux peuples asservis : c’est l’opium, le rhum, et les armes
1504 fondant sur ces peuples, leur enlève souvent plus que des coutumes barbares, elle les dépouille de leur vieille et respecta
1505 science, des moyens si prodigieux de faire le mal qu’ il ne pourra être sauvé de lui-même, au milieu d’épouvantables désastr
1506 de lui-même, au milieu d’épouvantables désastres, que par une intervention divine ». (On sent que Dunant juge cette dernièr
1507 tres, que par une intervention divine ». (On sent que Dunant juge cette dernière fort peu probable.) Dans les conflits qui
1508 ffet, « de toutes les inventions, il n’en est pas que le genre humain se soit plus appliqué à perfectionner que celle dont
1509 enre humain se soit plus appliqué à perfectionner que celle dont le but est le meurtre en grand de nos semblables ». Car dé
1510 étrangère aux difficultés, insolites elles aussi, que lui ont faites les administrations métropolitaines en partie responsa
26 1969, Articles divers (1963-1969). Toujours disponible (1969)
1511 ondait l’automne suivant un mouvement rival (à ce qu’ il m’apprit beaucoup plus tard), quoiqu’également résistant. Ce qui es
1512 qu’également résistant. Ce qui est certain, c’est que les premiers efforts d’union de l’Europe, au lendemain de la guerre,
1513 ulement dans les trains suisses — car chacun sait que Hans Oprecht a été l’un des premiers à utiliser cette forme moderne d
1514 ières interventions nous portèrent en effet, soit qu’ il s’agît de sciences, d’arts ou d’éditions, vers les formes les plus
1515 rapide de la formule des festivals et les dangers qu’ entraînait leur multiplication en concurrence (résultante : notre asso
1516 p de ses activités, le CEC ne pouvait mieux faire que de s’en remettre à l’expérience et à l’initiative de celui des membre
1517 e du Livre, à Lausanne. Ce fut autour de ce noyau que se constitua rapidement la Communauté européenne des guildes et clubs
1518 leurs relations avec le vrai public, les chiffres que je viens de citer permettent de les mesurer avec une certaine précisi
1519 on, pays par pays. Si bien que l’on peut affirmer que les guildes ont au moins triplé le nombre des Européens contaminés pa
1520 ce. La plupart de ces malheureux ne savent pas ce qu’ ils doivent à l’initiateur de la Büchergilde Gutenberg ! Mais nous, au
1521 i bien heureux de cette occasion d’avouer tout ce que nous devons à l’un des Suisses les plus remarquables et les plus orig
27 1969, Articles divers (1963-1969). « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)
1522 ez pas les villes » et peut-être est-ce pour cela que vous êtes venu vous installer dans le pays de Gex. Que pensez-vous de
1523 ous êtes venu vous installer dans le pays de Gex. Que pensez-vous de la transformation que subit notre région ? J’adore cet
1524 pays de Gex. Que pensez-vous de la transformation que subit notre région ? J’adore cette maison, ce village… mais toutes le
1525 qui me frappe, c’est l’extrême laideur de tout ce que l’on construit, une laideur irréversible. En Hollande, dans le Sud du
1526 a tué la poule aux œufs d’or car on n’a pas pensé que l’on détruisait ce qui faisait l’attrait du pays. On a l’impression q
1527 qui faisait l’attrait du pays. On a l’impression que le seul souci qu’on ait soit la spéculation. Il faut construire vite
1528 rait du pays. On a l’impression que le seul souci qu’ on ait soit la spéculation. Il faut construire vite parce que cela coû
1529 er... Pourquoi ce secret jaloux ? Savez-vous que dans le pays de Gex, plus de deux-mille logements seront construits d
1530 its dans les cinq années à venir ? Il est heureux qu’ une enquête telle que la vôtre le révèle, car autour de tout ceci, on
1531 ées à venir ? Il est heureux qu’une enquête telle que la vôtre le révèle, car autour de tout ceci, on garde un secret jalou
1532 d’un débat public. La vraie démocratie, ce serait que les gens puissent discuter des projets car c’est leur vie qui va être
1533 e dans lequel ils vivent. Cela est plus important que de savoir si l’on est de droite ou de gauche. Une telle discussion ne
1534 dans des casernes accrochées à de vieux villages que cela détruit. Un grand espoir : « la régionalisation » Vous sem
1535 prés, les bois, une image paisible du pays de Gex que bientôt peut-être on ne pourra plus contempler. »
28 1969, Articles divers (1963-1969). Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)
1536 objet de la présente publication. Je note d’abord que le terme de difficulté est souvent plus exact que celui d’objection.
1537 que le terme de difficulté est souvent plus exact que celui d’objection. Dans la plupart des cas, la résistance ne provient
1538 tinguons quatre groupes parmi les « difficultés » que l’on oppose au concept de région et aux projets fondés sur lui. Obj
1539 u et créant ses moyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’ on veut, il n’est pas très intéressant de chercher à deviner ce qui se
1540 un cordon douanier commun, par exemple.) Il n’y a qu’ une transition du projet au succès : c’est l’acte créateur, ou révolut
1541 s seront forcément plus nombreux et plus mesquins que les conflits entre nos nations. Voulez-vous donc balkaniser l’Europe 
1542 Quelles seront leurs frontières exactes ? Faut-il qu’ elles aient des superficies ou des populations à peu près égales ? La
1543 ses 9 ou 10 millions d’habitants, est plus petite que le Limousin, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça ne se tient pas 
1544 bitants, est plus petite que le Limousin, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’est pas u
1545 litique. C’est donc ce dernier groupe d’arguments que l’on va tenter d’analyser.) II. Que la région ne doit pas être co
1546 arguments que l’on va tenter d’analyser.) II. Que la région ne doit pas être conçue comme un État-notion en réduction
1547 ltés, obscurités, incertitudes, blocages mentaux, qu’ éprouve un homme de cette seconde moitié du xxe siècle à concevoir un
1548 une Europe des régions, proviennent du « modèle » que l’École (aux trois degrés) a imposé depuis un siècle au moins. L’homm
1549 t leurs suites qui ont notamment accrédité l’idée que l’économie est au service des desseins politiques d’un État et non de
1550 t décrite par McLuhan ne peut vraiment comprendre que ce qu’il voit. L’expression « Faut-il vous faire un dessin ? » évoque
1551 te par McLuhan ne peut vraiment comprendre que ce qu’ il voit. L’expression « Faut-il vous faire un dessin ? » évoque le mod
1552 ce monde-là. Aux yeux de cet homme gutenbergien, que nous sommes tous, peu ou prou, et dans son système de représentation,
1553 e représentation, la région ne saurait apparaître que sous la forme d’un mini-État centralisé, et d’une mini-nation régie p
1554 nt pas d’un ordre essentiellement différent de ce qu’ elles sont aujourd’hui. La vie communale — seule école efficace du civ
1555 pays en vingt et une régions, par exemple, plutôt qu’ en quatre-vingt-onze départements. La région en tant qu’État-nation ré
1556 chances de favoriser l’inquisition administrative que d’accroître les libertés civiques. Elle ne serait à aucun titre un mo
1557 istes intégraux. II n’en reste pas moins probable qu’ elle va constituer le premier stade, non pas certes de l’ordre nouveau
1558 grands États-nations européens. (C’est un peu ce que l’on voit se dessiner — encore un terme visuel ! — avec l’essai de « 
1559 mieux assuré, de nos jours, par les petits États que par les ex-puissances — et cela pour une série de raisons (pas seulem
1560 r une série de raisons (pas seulement militaires) qu’ il serait trop long de développer ici : qu’il suffise d’évoquer la séc
1561 aires) qu’il serait trop long de développer ici : qu’ il suffise d’évoquer la sécurité suisse et ses motifs. Mais le fédéral
1562 ses et des cadres sociaux qui leur offrent appui. Qu’ on me permette un exemple personnel, pour aller vite et rester dans le
1563 uvent pas de frontières du tout. Si l’on exigeait que tout cela soit unifié et uniformisé dans les limites géographiques d’
1564 crierais à la dictature totalitaire, c’est-à-dire que je crierais à l’assassin, au gangster et au fou ! Voyez Hitler. Mais
1565 fou ! Voyez Hitler. Mais personne ne m’a démontré qu’ entre les ambitions de Napoléon et celles d’un dictateur du xxe siècl
1566 teur du xxe siècle il y ait d’autres différences que celles dues aux moyens techniques de mise au pas d’une nation. Et de
1567 orain, la continuité est indéniable… Ce n’est pas que je récuse l’État ni l’ordre contractuel d’une société, avec ses cadre
1568 es cadres et ses mécanismes. Je demande seulement qu’ il corresponde aux réalités humaines et qu’il les serve, au lieu de pr
1569 lement qu’il corresponde aux réalités humaines et qu’ il les serve, au lieu de prétendre à les régir en souverain. Je demand
1570 de foyers, et sa répartition à autant de niveaux, qu’ il y a de fonctions diverses dans l’humanité et d’ordres de grandeur d
1571 lle de son Principe fédératif, où Proudhon estime qu’ il « résume toute la science constitutionnelle », je trouve cette prop
1572 e n’est pas seulement entre sept ou huit élus […] que doit être partagé le gouvernement d’un pays, c’est entre les province
1573 ont parfois englobés l’un par l’autre. Il se peut que les régions politiques soient définies demain comme les intersections
1574 t le carrefour ou l’intersection50. La résistance qu’ opposent certains esprits à concevoir cette liberté (ou variété) d’app
1575 ramme d’études Le champ d’études régionaliste, que ces quelques remarques définissent, est à peine exploré, inutile de l
1576 es paysages de son cœur, et aucun de nous n’exige que tout cela soit inscrit dans les limites peintes en couleurs plates, s
1577 1968, p. 107, note 1. 48. Mais quand Malraux dit que la nation est le phénomène dominant du xxe siècle, on doute qu’il pe
1578 st le phénomène dominant du xxe siècle, on doute qu’ il pense à autre chose qu’à la France… 49. P.-J. Proudhon, Du princip
1579 u xxe siècle, on doute qu’il pense à autre chose qu’ à la France… 49. P.-J. Proudhon, Du principe fédératif, Paris, 1863,
1580 me de « régions carrefours ». 51. Il est certain que le Marché commun ne cessera d’être menacé par les États-nations tant
1581 cessera d’être menacé par les États-nations tant que ceux-ci n’auront pas renoncé au « totalitarisme » de leurs pouvoirs e
1582 qu’entités politiques, des « droits » économiques qu’ ils s’arrogent en barons pillards ; et tant qu’il n’y aura pas, au niv
1583 es qu’ils s’arrogent en barons pillards ; et tant qu’ il n’y aura pas, au niveau continental, une autorité politique fédéral
29 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
1584 s délices et les délires de l’amour physique tels qu’ on ne les soupçonnait guère à 20 ans, tels qu’on espère les connaître
1585 els qu’on ne les soupçonnait guère à 20 ans, tels qu’ on espère les connaître longtemps. Amours, délices et mairie (pas d’or
1586 és), le remariage c’est souvent l’heureux mariage qu’ on n’a pas su réussir du premier coup. Mais faut-il vraiment se marier
1587 e plus fréquent mais aussi du progrès médical. Ce qu’ on nomme « l’espérance de vie » ayant doublé, cela double aussi les « 
1588 e et on admet avoir d’autres aspirations à 40 ans qu’ à 20 ans. D’où la multiplication des déséquilibres dans un couple — le
1589 on quotidienne du mariage : chacun sait désormais qu’ il y a problème et qu’on peut en parler, qu’il faut même en parler lib
1590 age : chacun sait désormais qu’il y a problème et qu’ on peut en parler, qu’il faut même en parler librement et sérieusement
1591 rmais qu’il y a problème et qu’on peut en parler, qu’ il faut même en parler librement et sérieusement. La crise du mariage
1592 L’une des grandes difficultés du sujet tient à ce qu’ il n’existe pas de littérature romanesque sur le second mariage et peu
1593 onjoints — et ce qui tient à la situation en soi, qu’ est le deuxième mariage. Faute de matériel, je me vois réduit à ma pro
1594 propre expérience et à celle des couples remariés que je connais. La première fois, on épouse ses complexes D’abord la
1595 lexes D’abord la grande question : pensez-vous que le deuxième mariage soit plus heureux que le premier ? Ce qu’on peut
1596 ez-vous que le deuxième mariage soit plus heureux que le premier ? Ce qu’on peut dire avec certitude, c’est qu’il a beaucou
1597 ème mariage soit plus heureux que le premier ? Ce qu’ on peut dire avec certitude, c’est qu’il a beaucoup plus de chances de
1598 remier ? Ce qu’on peut dire avec certitude, c’est qu’ il a beaucoup plus de chances de l’être : il y a des écueils inhérents
1599 , on épouse ses complexes. Or, contrairement à ce que fait croire le langage courant, avec des phrases comme « Je suis plei
1600 n) de se libérer de sa famille, cas plus fréquent qu’ on ne pense chez les jeunes filles surtout. Spécifique de la jeunesse,
1601 eu ; leur couple est-il si bien réussi ? On pense que le seul moyen de réussir ce qu’ils ont raté c’est de prendre le contr
1602 réussi ? On pense que le seul moyen de réussir ce qu’ ils ont raté c’est de prendre le contre-pied de leurs conseils. Ce qui
1603 de » : on veut prouver aux autres — et à soi-même qu’ on sait ce qu’on veut et qu’on n’a besoin de personne. Moins on est sû
1604 prouver aux autres — et à soi-même qu’on sait ce qu’ on veut et qu’on n’a besoin de personne. Moins on est sûr de la durée
1605 utres — et à soi-même qu’on sait ce qu’on veut et qu’ on n’a besoin de personne. Moins on est sûr de la durée de ses sentime
1606 cle objectif : si l’un des deux est marié, il n’a qu’ à divorcer et tout s’arrange. Aussi n’est-ce pas la morale sociale qui
1607 incompatibles avec les miens mais c’est plus fort que moi, il arrivera ce qu’il arrivera, ce n’est pas ma faute. » La fatal
1608 iens mais c’est plus fort que moi, il arrivera ce qu’ il arrivera, ce n’est pas ma faute. » La fatalité, c’est l’alibi. Et i
1609 Vous avez démontré dans L’Amour et l’Occident que l’amour tel qu’on le rêve — l’amour-passion — est né avec « Tristan e
1610 ntré dans L’Amour et l’Occident que l’amour tel qu’ on le rêve — l’amour-passion — est né avec « Tristan et Iseut » et que
1611 our-passion — est né avec « Tristan et Iseut » et que , depuis des siècles, nous vivons sous l’emprise de ce mythe dégénéré
1612 el rapport y a-t-il entre l’un et l’autre ? C’est qu’ autrefois on se mariait pour des raisons : fortune, terres, agrément d
1613 e, la réalité est là : les problèmes inéluctables que posent les caractères et les tempéraments. On pense toujours qu’on se
1614 caractères et les tempéraments. On pense toujours qu’ on sera l’exception, qu’on réussira où les autres ont raté. C’est le d
1615 aments. On pense toujours qu’on sera l’exception, qu’ on réussira où les autres ont raté. C’est le défi sentimental, le défi
1616 ue plus la comédie — ni aux parents. On a compris que l’essentiel ce sont les caractères, qui ne changent jamais (« on ne p
1617 ticulières une fois qu’on est remarié ? C’est ici qu’ il s’agit de distinguer ce qui tient aux « acteurs » et ce qui tient à
1618 deuxième fois n’a davantage de chances de réussir que s’il n’y a pas nostalgie de la passion chez l’un ou chez l’autre. Se
1619 s et les antécédents. Un mariage où il n’y aurait que des « convenances » a plus de chances de durer mais guère plus de cha
1620 es de durer mais guère plus de chances de bonheur qu’ un mariage où il n’y aurait que de l’amour. Le vrai amour c’est le
1621 chances de bonheur qu’un mariage où il n’y aurait que de l’amour. Le vrai amour c’est le contraire de la passion Il f
1622 es goûts, les aspirations communs ne réussiraient qu’ un mariage de raison ? C’est l’intuition du véritable moi de l’autre.
1623 i de l’autre. C’est l’acceptation de cet être tel qu’ il est, limité et réel mais secrètement en marche vers lui-même que l’
1624 et réel mais secrètement en marche vers lui-même que l’on choisit, non pas comme prétexte à s’exalter ou comme objet de co
1625 idéal standard de sa génération. Sa passion n’est que la projection sur l’autre d’un idéal qui n’existe pas — et l’on s’en
1626 est agent de personnalisation par excellence : ce qu’ il a su voir c’est l’irremplaçable, l’unique, ce que chaque être peut
1627 ’il a su voir c’est l’irremplaçable, l’unique, ce que chaque être peut devenir s’il y est appelé. C’est son mystère, qui n’
1628 n arriver à le prôner systématiquement ? Je pense que des solutions « préventives » sont infiniment préférables. Il faudrai
1629 produit par l’œuvre de Freud, cette impression «  qu’ il expliquait tout », vient de ce que pour la première fois, grâce à c
1630 impression « qu’il expliquait tout », vient de ce que pour la première fois, grâce à ce savant et à ses recherches « scient
1631 rne l’amour, beaucoup de gens continuent à croire que l’analyser l’amoindrit. Une passion « inexplicable » paraît plus fort
1632 t. Une passion « inexplicable » paraît plus forte qu’ un amour justifié par de bonnes raisons. Or il faudrait toujours pouvo
1633 œurs lorsqu’on envisage le « mariage à l’essai ». Qu’ en pensez-vous ? Je suis pour tout ce qui peut aider les gens à prendr
1634 ais aussi de la difficulté du mariage et je pense que « l’essai » peut aider. Bien sûr, l’expérience est limitée : on sait
1635 der. Bien sûr, l’expérience est limitée : on sait que ça pourrait ne pas durer et l’on décide qu’on n’aura pas d’enfants ;
1636 sait que ça pourrait ne pas durer et l’on décide qu’ on n’aura pas d’enfants ; il n’y aura donc pas de victimes. Appelons c
1637 ples. Pour avoir une valeur expérimentale il faut qu’ un mariage-maquette se prolonge plusieurs années. Aucun rapport avec l
1638 couple, ce qui est un ciment — et surtout l’idée que ça doit durer toujours. « Après tout, je ne suis pas mariée avec lui 
1639 mais bien à la valeur psychologique de protection qu’ il y a dans la décision « pour toujours » anticipant la plus longue du
1640 age une plus grande énergie — pour le rejoindre — que le but proche. Quand je faisais mon service militaire on nous imposai
1641 e après trois quarts d’heure. Quand nous pensions que nous aurions 20 à 30 km à couvrir, nous commencions à être fatigués a
1642 t de 10 à 12 kilomètres. Mais quand nous avons su que cette fois-ci c’était sérieux, que nous partions pour la marche final
1643 nous avons su que cette fois-ci c’était sérieux, que nous partions pour la marche finale de 140 km, nous n’avons ressenti
1644 s élevé ou plus éloigné dans la « longue marche » qu’ est le vrai mariage. Pour avoir toute sa valeur il faut aussi que le p
1645 mariage. Pour avoir toute sa valeur il faut aussi que le pacte soit sans arrière-pensée. J’ai assisté, en Amérique, au mari
1646 ! » Voilà qui ne laissait pas prévoir autre chose que les quatre ou cinq échecs qui ont suivi. Donc le mariage-maquette don
1647 vi. Donc le mariage-maquette donne une idée de ce qu’ est le mariage, mais ne peut guère, faute de pacte, remplacer le premi
1648 es, comme le préconise Margaret Mead, dans l’idée qu’ il est normal et inévitable de divorcer ? Il vaudrait beaucoup mieux l
1649 orcer ? Il vaudrait beaucoup mieux leur apprendre que la vraie vie, c’est la vie quotidienne et qu’elle n’a rien de terne e
1650 dre que la vraie vie, c’est la vie quotidienne et qu’ elle n’a rien de terne et d’ennuyeux (si les gens ne sont pas eux-même
1651 sont pas eux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’ est-ce qu’un premier mariage ? La confrontation de la passion ou plutô
1652 ux-mêmes ternes et ennuyeux). Car enfin qu’est-ce qu’ un premier mariage ? La confrontation de la passion ou plutôt, soyons
1653 u désir de ressentir une passion, qui fait croire que « ça y est », avec la réalité. Quand les gens cesseront de croire que
1654 ec la réalité. Quand les gens cesseront de croire que la passion est l’épreuve privilégiée qui seule donne un sens à la vie
1655 le donne un sens à la vie, quand ils comprendront que la passion n’est jamais une raison de se marier mais au contraire une
1656 s au contraire une raison de ne pas se marier, et qu’ être heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’être intensément d
1657 ’être heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’ être intensément désespéré à cause de lui pendant huit jours, la crise
1658 ités. Mais l’emprise du mythe est tellement forte que notre vocabulaire le plus courant en est atteint : « passionnant » c’
1659 en est atteint : « passionnant » c’est bien mieux qu’ intéressant. Il ne s’agit d’ailleurs pas de condamner la passion. Les
1660 ’entretient ! Et le mariage lui-même, pensez-vous qu’ il doit être « modernisé » ? Le mariage ne peut renoncer ni à la durée
1661 il doit sans cesse lutter contre le doute (est-ce que ça vaut vraiment la peine ?), la paresse (c’est bon, je vais tout pla
1662 s tableaux à la fois, de tout saccager lorsque ce qu’ il fait paraît trop éloigné de ce qu’il voudrait faire. De même le mar
1663 r lorsque ce qu’il fait paraît trop éloigné de ce qu’ il voudrait faire. De même le mariage exige que l’on se consacre à l’a
1664 ce qu’il voudrait faire. De même le mariage exige que l’on se consacre à l’autre avec continuité ! C’est le contraire du « 
1665 irresponsable. La fidélité c’est bien autre chose que de se borner à ne pas tromper sa femme : c’est une œuvre d’art exigea
1666 tente le meilleur en chacun de nous. Je sais bien que depuis des siècles, la fidélité nous est présentée comme une sorte de
30 1969, Articles divers (1963-1969). Le personnalisme, la contestation, les hippies et… le fédéralisme (27 septembre 1969)
1667 Amour et l’Occident . Cet ouvrage, qui démontrait que l’idée de passion amoureuse trouvait ses origines dans la poésie cath
1668 est donc l’illustre théoricien de l’amour-passion qu’ un public nombreux et enthousiaste était venu entendre jeudi soir à l’
1669 epuis 1946. On s’étonnera alors moins d’apprendre qu’ après avoir reçu, en 1963, le Grand Prix littéraire de Monaco, qui cou
1670 t que directeur du Centre européen de la culture, qu’ il a fondé et qu’il dirige depuis 1949. Si à ses nombreux titres on aj
1671 u Centre européen de la culture, qu’il a fondé et qu’ il dirige depuis 1949. Si à ses nombreux titres on ajoutait celui qu’i
1672 1949. Si à ses nombreux titres on ajoutait celui qu’ il s’apprête à recevoir aux États-Unis, après son séjour au Canada, je
1673 ntrée de jeu, il tient à nous mettre en garde. Ce que je voudrais bien marquer, nous dit-il, c’est que pour moi il n’y a au
1674 que je voudrais bien marquer, nous dit-il, c’est que pour moi il n’y a aucune séparation entre L’Amour et l’Occident et
1675 ion entre L’Amour et l’Occident et les ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ai déjà écrit sur le fédéralisme.
1676 et les ouvrages que je suis en train d’écrire ou que j’ai déjà écrit sur le fédéralisme. Il n’y a jamais eu en moi deux ac
1677 des thèmes, il y a continuité de pensée. C’est ce que nous explique M. de Rougemont. Mon ami Jacques de Bourbon-Busset m’a
1678 n ami Jacques de Bourbon-Busset m’a dit, un jour, qu’ il se considérait comme mon disciple en érotique personnaliste et qu’i
1679 t comme mon disciple en érotique personnaliste et qu’ il exigeait que je lui montre cette cohérence entre mon érotique du ma
1680 ciple en érotique personnaliste et qu’il exigeait que je lui montre cette cohérence entre mon érotique du mariage, du coupl
1681 s théories fédéralistes. À quoi je lui ai répondu que rien n’était plus facile. Car pour moi, le couple est une espèce de b
1682 ité. Le concile de Chalcédoine dit, en substance, que les deux natures, l’homme et Dieu, dans le Christ sont simultanément
1683 sion et sans subordination de l’une à l’autre, et que de plus, leur union, loin d’évacuer les différences, ne fait que les
1684 ur union, loin d’évacuer les différences, ne fait que les renforcer et les confirmer. Cette définition théologique, on la r
1685 etrouve naturellement aussi bien dans le mariage, que dans le fédéralisme. Aussi chaque fois qu’il y a deux réalités contra
1686 st là, nous fait-il remarquer, le fondement de ce que j’appellerai ma philosophie. Une philosophie qui s’est lentement élab
1687 emont a, alors, 26 ans. Il habite Paris. C’est là qu’ il participera à la naissance de trois revues : L’Ordre nouveau , au
1688 locuteur pour nous définir la « personne », telle que l’entendent naturellement les personnalistes. Pour moi, nous dit-il,
1689 é où il exerce. Ce qui l’amena — avant Sartre, ce qu’ on ignore généralement — à parler de l’« engagement » de l’écrivain. C
1690 parler de l’« engagement » de l’écrivain. Car ce qu’ il appelle engagement ce n’est rien moins que de tirer les conclusions
1691 r ce qu’il appelle engagement ce n’est rien moins que de tirer les conclusions pour la cité de ce qu’il appelle la personne
1692 s que de tirer les conclusions pour la cité de ce qu’ il appelle la personne, puisque celle-ci est définie par son acte. Ain
1693 , tient-il à nous faire remarquer, n’implique pas qu’ on s’inscrive dans un parti ou qu’on accepte la discipline de ce parti
1694 n’implique pas qu’on s’inscrive dans un parti ou qu’ on accepte la discipline de ce parti. C’est réaliser ce que l’on croit
1695 epte la discipline de ce parti. C’est réaliser ce que l’on croit le plus intimement, que ce soit d’un point de vue religieu
1696 st réaliser ce que l’on croit le plus intimement, que ce soit d’un point de vue religieux, politique ou philosophique. L
1697 i furent à la base du mouvement personnaliste. Ce que nous appelions en 1932 la révolution personnaliste et communautaire,
1698 on extérieure n’était visiblement pas aussi grave que celle qui prévaut aujourd’hui. Ce qui nous avait alors alerté et réve
1699 montée de la guerre. On voulait nous faire croire qu’ il y avait de grandes causes à défendre et nous ne voyions pas du tout
1700 ins apporter une légère correction : Je dois dire que j’ai souvent pu déceler dans la contestation qui s’est développée à P
1701 ppée à Paris, à Berlin, et ailleurs quelque chose que je crois extrêmement dangereux, et qui ne ressemble pas du tout à not
1702 et nazis qui ne respectaient plus rien finalement que la force. Quand on dit, il faut tout casser et après on verra bien, m
1703 destruction de l’Université et refuse de dire ce qu’ il y mettra à la place. C’est de la démagogie facile et extrêmement da
1704 rêmement dangereuse. Car, finalement cela ne fait que servir le fascisme. Pour M. de Rougemont la seule contestation effica
1705 en ce qui concerne la définition de la révolution que nous avions en 1932. Il s’agissait alors de substituer un nouvel ordr
1706 agissait alors de substituer un nouvel ordre à ce que nous appelions le désordre établi. La contestation véritable, c’est c
1707 nacceptable. Mais je suis malheureusement certain qu’ ils se trompent. Et cela il le regrette profondément. Car, pour notre
1708 re le monde de la technique, contre la discipline qu’ exige la production industrielle de chacun de nous, discipline absolum
1709 ne nous cache pas son pessimisme. Il ne pense pas que cela ira très loin. Il reste, néanmoins, que des rassemblements comme
1710 pas que cela ira très loin. Il reste, néanmoins, que des rassemblements comme celui qui a eu lieu récemment à Bethel, près
1711 mmunauté nouvelle dont tout le monde aspire, mais que personne n’ose construire, M. de Rougemont s’est employé à la définir
1712 tourne en Europe, une Europe en paix certes, mais qu’ il faut reconstruire. Cette guerre qui vient de se terminer, M. de Rou
1713 enant, la preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, p
1714 e du fédéralisme. Il ne nous cache d’ailleurs pas qu’ il désirait venir au Canada pour étudier le système fédéral canadien,
1715 la « personne » au fédéralisme. Je vous avais dit que l’homme doit être à la fois libre et responsable, il en est de même p
1716 de même pour chaque nation dans l’Europe fédérée que je préconise et qui n’est que la transposition à une échelle géante d
1717 ns l’Europe fédérée que je préconise et qui n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvétique.
1718 onfiera d’ailleurs ses impressions. J’ai constaté qu’ ici au Québec, on appelait fédéraliste la tendance unitaire par opposi
1719 c séparé signifierait donc, pour M. de Rougemont, qu’ on est retombé dans la vieille formule de l’État-nation du xixe siècl
1720 ecréation de communauté de 5 à 20 mille habitants qu’ on appelle, en urbanisme moderne, des unités d’habitation. Ces autonom
1721 revenons à l’Europe. Là-bas, il est bien certain qu’ on n’arrivera jamais à unir ces États-nations. Il faut donc, nous répè
1722 tions. Il faut donc, nous répète M. de Rougemont, que ces États se dissolvent en régions, et alors, et ce n’est seulement q
1723 lvent en régions, et alors, et ce n’est seulement qu’ alors, qu’on arrivera à fédérer l’Europe, car ces régions n’auront auc
1724 égions, et alors, et ce n’est seulement qu’alors, qu’ on arrivera à fédérer l’Europe, car ces régions n’auront aucune peine
1725 mais qui seraient découpées différemment suivant qu’ il s’agirait de régions économiques, politiques, culturelles. Cela par
1726 là, me diriez-vous, vision de la plus pure utopie qu’ affectionnent tout particulièrement les intellectuels. Que cette idée
1727 tionnent tout particulièrement les intellectuels. Que cette idée fédéraliste du monde soit utopique, M de Rougemont serait
1728 la ruine du monde ? » C’est la leçon en tout cas que nous rappelle M de Rougemont tout au long d’une œuvre qu’on découvre
1729 rappelle M de Rougemont tout au long d’une œuvre qu’ on découvre avec ravissement. an. Rougemont Denis de, « [Entretien
31 1969, Articles divers (1963-1969). La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)
1730 Serait-ce vous insulter ou simplifier par trop que de dire que vous vous placez résolument du côté de la révolution ? Je
1731 vous insulter ou simplifier par trop que de dire que vous vous placez résolument du côté de la révolution ? Je m’y suis to
1732 ais comme la substitution d’un ordre nouveau à ce que nous appelions le « désordre établi ». Désordre par rapport à l’homme
1733 t — et c’est encore bien plus visible aujourd’hui qu’ alors — que sur les nécessités de la production industrielle, de la di
1734 t encore bien plus visible aujourd’hui qu’alors — que sur les nécessités de la production industrielle, de la distribution
1735 richesses, du profit, et de choses aussi pauvres que cela, pour créer une communauté. Qui, au fond, ont eu comme résultat
1736 e communauté. Qui, au fond, ont eu comme résultat que la communauté est en train de se défaire, n’est-ce pas : la grande cr
1737 la communauté humaine. Alors, c’est dans ce sens que , je pense, il nous faut retrouver les formules d’une communauté nouve
1738 ent faire une communauté ? Est-ce dans ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous êtes passé — du personnali
1739 ce sens-là que vous êtes passé — ou peut-on dire que vous êtes passé — du personnalisme au fédéralisme ? Par un cheminemen
1740 absolument liées. C’est une formule, d’ailleurs, que Sartre m’a prise sachant très bien, me disant qu’il la prenait de moi
1741 que Sartre m’a prise sachant très bien, me disant qu’ il la prenait de moi, mais que tous les journalistes après la guerre l
1742 rès bien, me disant qu’il la prenait de moi, mais que tous les journalistes après la guerre lui ont attribuée, en oubliant
1743 uerre lui ont attribuée, en oubliant complètement que c’était dans tous mes premiers livres. C’est la formule de l’engageme
1744 . C’est la formule de l’engagement, n’est-ce pas, que j’ai lancée en France en 1933, et qui forme les deux premiers chapitr
1745 mon premier livre, publié à Paris en 1934… Est-ce que le mot et la chose « engagement » ont encore aujourd’hui une signific
1746 er, pieds et poings liés, à un parti, à condition qu’ il soit de gauche d’étiquette. Pour moi — enfin, pour nous : Mounier,
1747 ellement manifester au niveau de la communauté ce qu’ on croyait le plus intimement, c’est-à-dire l’être même de la personne
1748 est toujours mal compris Vous savez sans doute que le Canada a un régime politique fédéral ? Est-ce que vous avez étudié
1749 le Canada a un régime politique fédéral ? Est-ce que vous avez étudié le fédéralisme canadien ? Un peu. Mais je suis deven
1750 a Théorie générale du fédéralisme, où je constate que le mot fédéralisme est toujours mal compris. Et c’est presque fatal,
1751 ation dans sa formule xixe siècle, qui ne visait qu’ à la puissance collective, et qui aboutit aux guerres que l’on sait. [
1752 puissance collective, et qui aboutit aux guerres que l’on sait. […] Souveraineté nationale groupant à l’intérieur d’une fr
1753 e imposée à toutes espèces de réalités humaines — que ce soit des réalités religieuses, politiques, monétaires, économiques
1754 économiques, d’état civil, commerciales, tout ce que vous voulez — on met tout ça dans une même frontière, ce qui est déme
1755 ntiel, n’est-ce pas ? C’est une absurdité totale, qu’ on a voulu nous faire avaler pendant tout le xixe siècle, et dans nos
1756 encore, comme une forme possible de gouvernement. Qu’ est-ce que le Centre européen de la culture, que vous avez fondé, je p
1757 mme une forme possible de gouvernement. Qu’est-ce que le Centre européen de la culture, que vous avez fondé, je pense, et q
1758 . Qu’est-ce que le Centre européen de la culture, que vous avez fondé, je pense, et que vous présidez, à Genève ? J’ai créé
1759 de la culture, que vous avez fondé, je pense, et que vous présidez, à Genève ? J’ai créé ce Centre en 1949-1950 comme la c
1760 Strasbourg. Il nous semblait à tous, d’ailleurs, qu’ il fallait un troisième volet, qui était la culture… Alors, j’ai créé
1761 ondre, et un certain nombre de gens qui ont envie qu’ on le fasse, nous les réunissons. Ceci avec un tout petit staff, à Gen
1762 elles. Depuis la fondation de ces centres, est-ce que l’idée de culture, la notion de culture a évolué ? Oui, je crois que
1763 re, la notion de culture a évolué ? Oui, je crois que nous sommes arrivés tout de même à combattre avec pas mal de succès c
1764 n montrant, comme Toynbee le faisait de son côté, qu’ il n’y a pas d’histoire de la culture concevable, intelligible, en deh
1765 der autant d’attention à l’amour ? Je vous dirais qu’ au fond, ma passion fondamentale, c’est de trouver un sens à la vie. T
1766 te, et qui m’a défié, il y a deux ans, de prouver que mon idée du mariage et de l’amour me conduit au fédéralisme. J’ai dit
1767 Le mariage, c’est le banc d’essai du fédéralisme. Qu’ est-ce que le fédéralisme ? C’est faire coexister ensemble des natures
1768 , c’est le banc d’essai du fédéralisme. Qu’est-ce que le fédéralisme ? C’est faire coexister ensemble des natures différent
1769 avez du monde une vue qui est religieuse en ceci que vous dites que l’amour ou les modes d’expression de l’amour sont basé
1770 une vue qui est religieuse en ceci que vous dites que l’amour ou les modes d’expression de l’amour sont basés sur des choix
1771 me de fond religieuse — gnostique, hérétique tant qu’ on voudra — mais religieuse. Je vois ça sortir ces jours-ci ! Il ne
1772 ement la traduction anglaise de ce livre, j’ai vu que vous insistez beaucoup sur l’opposition Dieu et diable, sur l’opposit
1773 tamment une sortie contre la psychanalyse. Est-ce que … Non, pas du tout. Je suis très intéressé par la psychanalyse et il y
1774 essé par la psychanalyse et il y a très longtemps que je m’en occupe et que je trouve ça très important. Non. Dans La Part
1775 se et il y a très longtemps que je m’en occupe et que je trouve ça très important. Non. Dans La Part du diable , j’opposai
1776 vité humaine, la responsabilité personnelle, à ce que j’appelais le pouvoir de « décréation » du diable. Je suis en train d
1777 érique, pour laquelle on m’a demandé une postface que j’ai presque terminée, et dans laquelle je décris le diable comme, au
1778 ond, l’augmentation de l’entropie — vous voyez ce que je veux dire ? — la dégradation de l’énergie. L’entropie c’est la loi
1779 e deuxième principe de la thermodynamique qui dit que tout ensemble de forces tend à une certaine dégradation de l’énergie,
1780 récédente. Alors contre ça, il faut lutter par ce qu’ on appelle en science la néguentropie. Et par la récréation de foyers
1781 aine correspondance, une analogie. Il est certain que pour moi, le diable, c’est une espèce de symbole de tout ce qui tend
1782 ntre ça, il faut des révoltes qui ne peuvent être que personnelles, individuelles, qui recréent des petits foyers de rayonn
1783 ’humanité, n’est-ce pas ? L’humanité ne progresse que par les meilleurs, et ne dure que par les moyens. Il faut les deux, m
1784 té ne progresse que par les meilleurs, et ne dure que par les moyens. Il faut les deux, mais il ne faut pas donner tout l’a
1785 t a maintenant passé la soixantaine, c’est-à-dire qu’ il a deux fois l’âge où l’on commence à être suspect pour les jeunes.
1786 ce du 25 septembre à l’Université McGill, on sent que la place qu’il accorde, par exemple, comme valeur de signe, au mouvem
1787 embre à l’Université McGill, on sent que la place qu’ il accorde, par exemple, comme valeur de signe, au mouvement hippie oc
1788 llement de l’ordre des choses actuelles n’est pas qu’ un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’il ne se gêne cependa
1789 qu’un clin d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’ il ne se gêne cependant pas de critiquer quand il en sent le besoin. C
1790 iquer quand il en sent le besoin. C’est là-dessus que je devais d’abord l’interroger — dans le Metro Bar de l’hôtel Mont-Ro