1 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme suisse (1963)
1 édéralisme suisse (1963)a La Suisse ne saurait se targuer d’avoir donné à l’Europe et au monde une « culture nationale 
2 formulée. Ce n’est guère qu’au xixe siècle qu’on se mit à parler de fédéralisme. Encore la chose était-elle entendue de m
3 s, et centralisateurs. Un Français cultivé et qui se demande quel est le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt à son L
4 el ou d’opportunisme lâche, qui tolère tout et ne s’ oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances très p
5 tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’ oppose en fait à deux tendances très puissantes dans le monde occident
6 inition l’uniformité imposée par un centre, qu’il s’ agisse d’une capitale ou d’un parti, d’un pouvoir clérical ou politiqu
7 ange avec le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’ il aime les diversités régionales, aime aussi leur santé, qui est cell
8 et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un hom
9 entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entre la centrali
10 ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’ imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation, et la v
11 c d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ouvrir aux échanges. Ce nat
12 er, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ ouvrir aux échanges. Ce nationalisme local, ce chauvinisme cantonal (o
13 t d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’union, d’autre p
14 oîte. Pour que la qualité particulière d’un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté e
15 s l’unité globale d’une œuvre au sein de laquelle s’ opèrent alors mille échanges d’une infinie complexité. Voilà ce que j’
16 manière. La plupart des impasses dans lesquelles se fourvoie l’organisation politique du monde moderne proviennent du fai
17 rsité des fonctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englo
18 mponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns sont tentés d’oubl
19 fois l’Un et le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous
20 dans toutes nos œuvres, le fond commun sur lequel se détache notre individualité, et dont elle tire ses nourritures élémen
21 que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois grandes cultures nationales
22 pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme brume au soleil à la lumière de l’Histoire. La culture
23 ’existence : il faut bien admettre que la culture s’ était constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour i
24 ’évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue entre les xiie et xive siècles dans un certain nombre de
25 puis en Île-de-France. Des cités italiennes, elle se propage jusqu’aux cités flamandes, le long du grand axe commercial de
26 ance, reliant Venise à Bruges. Une nouvelle école s’ épanouit dans les Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne, et re
27 Plus tard, les Allemands (comme Schütz) viennent s’ initier auprès des maîtres italiens. Bach copie avec application des œ
28 le, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniques, Hanovre, la Saxe, Vienne, Bayre
29 c’est simplement l’école locale dans laquelle il s’ est formé. D’où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais,
30 ’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne pense guère qu’à la lang
31 cités ne dépend pas de réalités nationales, mais se rattache directement à l’ensemble culturel européen : elle est « immé
32 ase étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parvi
33 es cités ou certaines régions parviennent alors à se différencier, à s’individualiser sur cet arrière-fond commun. Si je c
34 es régions parviennent alors à se différencier, à s’ individualiser sur cet arrière-fond commun. Si je cherche pourquoi et
35 quoi et en quoi les Suisses romands, par exemple, se différencient des Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’
36 allégeances civiques, économiques et sociales, il se rattache à sa commune, à son canton, à la Confédération ; par son all
37 ntités qui n’ont pas les mêmes frontières, qui ne se couvrent que très partiellement, et qui permettent un grand nombre de
38  » sous Hitler). On ne saurait être plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, et non point à cel
39 urait être plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, et non point à celle de l’État. D’où la den
40 trop facilement, dit-on, ceux qui choisissent de s’ installer dans les petites. Mais la plupart des hommes veulent, et mér
41 s : qu’ils y entrent et qu’ils les explorent, ils s’ y sentiront vite chez eux, sans avoir à renier leur clocher. Définitio
42 nique et anglo-saxonne autant que française, sans s’ arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représenten
43 e. Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’ est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis de
44 puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le véritable sens
45 taire ont propagés. L’apport suisse, aujourd’hui, se confond donc avec l’apport d’une Europe rajeunie, découvrant le fédér
2 1963, Articles divers (1963-1969). Aspects fédéralistes dans les plans et projets d’union européenne du Moyen Âge à nos jours (1963)
46 me général de nos travaux pendant le semestre qui s’ ouvre. Permettez-moi donc, avant d’en venir à l’objet particulier de m
47 lques moments à cette introduction plus générale. S’ il paraît opportun d’entreprendre aujourd’hui, ou plutôt de poursuivre
48 plutôt de poursuivre et d’élargir partout où cela se peut, et donc aussi à Genève, des études européennes, c’est parce que
49 ue des intérêts matériels. Il serait donc vain de se dissimuler que l’une des raisons d’être de cet Institut, sans doute l
50 de l’actualité, en raison même de leur objet, qui se compose, se définit et se modifie sous nos yeux, ces instituts tienne
51 té, en raison même de leur objet, qui se compose, se définit et se modifie sous nos yeux, ces instituts tiennent cependant
52 même de leur objet, qui se compose, se définit et se modifie sous nos yeux, ces instituts tiennent cependant à garder, par
53 nous sommes tous vitalement intéressés, et qu’il s’ agit de préparer. Elle est moins un acquis à transmettre qu’un problèm
54 ut d’abord à grands traits dans quels termes elle se pose, et qui l’a posée. Le monde issu de la Seconde Guerre mondiale a
55 et dans le monde arabe. La tendance générale qui se dessine dans les années 1945 à 1950 va donc aux grandes unités politi
56 llions d’habitants ? Aucun ne paraît en mesure de se relever de ses ruines sans aide extérieure ; ni d’assurer à lui seul
57 e vie. Jean Monnet et son équipe du Plan français se mettent à l’œuvre en silence, loin des congrès et des associations de
58 voie dans les esprits. Puis des hommes politiques se proposent pour diriger ce mouvement naissant, qui a peut-être le vent
59 n, de Gaulle lui-même. Les premières réalisations se limitent comme on sait au domaine économique, CECA dès 1953, Marché c
60 s, les services ministériels et les parlements ne se croient pas encore en mesure « d’aller plus loin ». Mais dans notre c
61 de confusion. Si l’on examine son vocabulaire, on s’ aperçoit qu’il utilise à peu près au petit bonheur les termes d’union
62 n de nos jours. Je n’en vois guère que trois, qui se distinguent nettement par le rôle qu’y joueraient nos États. On peut
63 ère seulement quelques têtes de chapitre. On peut se demander d’abord si cette solution apparemment de statu quo, répond d
64 odifiées par le Marché commun. D’autre part, elle se fonde sur une certaine idée de la souveraineté des États, considérés
65 gue à celui des cantons suisses, dont l’autonomie se voit assurée par la force même de leur union. La fédération garantira
66 aines où, de toute façon, elle ne peut plus guère s’ exercer individuellement. Convient-il de considérer comme un quatrième
67 jet d’études et la méthode interdisciplinaire qui s’ impose à nous. Car le fédéralisme n’est pas une doctrine toute faite,
68 pas une doctrine toute faite, un dogme auquel il s’ agirait de plier les réalités, mais une méthode générale d’aménagement
69 ses humaines, méthode d’allure pragmatique qui ne se comprend et ne s’explique bien que par son fonctionnement dans les do
70 ode d’allure pragmatique qui ne se comprend et ne s’ explique bien que par son fonctionnement dans les domaines les plus di
71 itutionnelles dans lesquelles et grâce auxquelles se développe ce contenu économique, et il montrera dans quelle mesure ce
72 ans quelle mesure ces structures tendent ou non à se rapprocher des formes fédéralistes. Il rejoindra de la sorte les étud
73 raliste de la question européenne. Le groupe doit se réunir pour la première fois dans quelques semaines. Les étudiants av
74 yeux de la plupart des auteurs contemporains qui s’ en déclarent les adeptes, c’est une attitude de pensée et une méthode
75 Tenter de le définir d’entrée de jeu serait donc s’ exposer à trahir méthodiquement sa nature même. Voilà sans doute pourq
76 sme comme méthode ou attitude, et des régimes qui s’ en inspirent, nous constatons qu’il leur faut des livres entiers pour
77 exandre Marc et moi-même, puis Henri Brugmans qui s’ inspire de ses travaux, rénove ce que j’ai nommé « l’attitude fédérali
78 eurs des membres de ce groupe, dispersé dès 1939, se retrouvent pour déclencher, après la Seconde Guerre mondiale, le mouv
79 e sera une occasion de les décrire —, soit qu’ils s’ opposent expressément à « ce qui allait de soi » du vivant de leurs au
80 son plan d’union au moment où la première nation se constitue, menaçant la double unité de l’empire et de la papauté. Et
81 j’en examinerai les causes. Dans ce contexte, il s’ agira de repérer la nature des obstacles traditionnels de l’union, et
82 r un puissant parti, les jacobins, tandis qu’elle se réalisait enfin, mais hors d’Europe, dans la Constitution américaine.
83 e de « grands travaux européens » ; comment elles se développent dans les plans de Bentham et de Saint-Simon ; enfin comme
84 checs pratiques et de déchets idéologiques. Qu’il s’ agisse au début du plus grand poète du Moyen Âge, Dante, ou du roi hus
3 1963, Articles divers (1963-1969). Apport à la civilisation occidentale (janvier 1963)
85 une ville, Bâle ou Genève) mais ils ne trouvent à se réaliser qu’au sein d’une entité beaucoup plus vaste, impériale, papa
86 isait Lucien Fèbvre. Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton, alors pas de milieu, ils atteignent à l’unive
87 l… Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’ appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre domain
88 t la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’ appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton —
89 sses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ ils la dépassent, c’est pour rejoindre immédiatement les grands couran
90 siècle. Cinquante ans plus tard, c’est à Bâle que s’ allume un nouveau foyer : Bachofen inaugure par son Matriarcat une con
91 les limites de la confession protestante. ⁂ Mais s’ il reste vrai que la Suisse n’est pas une nation comme les autres, n’a
92 daise ou vénitienne du xviiie siècle, et qu’elle s’ est conformée par anticipation à cette règle devenue évidente à partir
93 solés, délicieux ou extravagants, et leurs succès se font à Paris, Londres et Berlin. Un tableau de Paul Klee, une sculptu
94 les récits d’un réalisme stylisé de C. F. Ramuz, se distinguent des romans français, anglais ou russes des mêmes époques
95 streintes du pays et des communautés diverses qui s’ y côtoient. Pays pauvre, au surplus, et dont les seules richesses nais
96 un Suisse entreprend de créer quelque chose, tout se passe comme s’il avait à se faire pardonner son ambition ou son génie
97 prend de créer quelque chose, tout se passe comme s’ il avait à se faire pardonner son ambition ou son génie individuel en
98 r quelque chose, tout se passe comme s’il avait à se faire pardonner son ambition ou son génie individuel en démontrant qu
99 oit voir plutôt petit, fonctionnel et très sobre, s’ il reste en Suisse. Mais s’il a le goût de la grandeur, c’est à Rome q
100 tionnel et très sobre, s’il reste en Suisse. Mais s’ il a le goût de la grandeur, c’est à Rome qu’il ira terminer l’énorme
101 la Suisse, avec 11 prix Nobel pour les sciences, se place au premier rang mondial, et de très loin, relativement à sa pop
102 concrètement fédéralistes depuis des siècles. Il s’ ensuit que la menace d’uniformisation et d’oblitération des traditions
103 re, agira totalement dans le même sens. La Suisse se doit de réagir à temps en soutenant plus « matériellement » que jusqu
4 1963, Articles divers (1963-1969). Le fédéralisme et notre temps (mars 1963)
104 el, ou d’opportunisme lâche qui tolère tout et ne s’ oppose à rien. Le fédéralisme s’oppose en fait à deux tendances très p
105 tolère tout et ne s’oppose à rien. Le fédéralisme s’ oppose en fait à deux tendances très puissantes dans le monde occident
106 inition l’uniformité imposée par un centre, qu’il s’ agisse d’une capitale, d’un État, d’un parti, d’un pouvoir clérical, p
107 ange avec le monde extérieur. Car le fédéralisme, s’ il aime les diversités régionales, aime aussi leur santé et celle de l
108 et le choléra. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave, n’est pas à mi-chemin entre un homme qui meurt de soif et un ho
109 entre un homme qui meurt de soif et un homme qui se noie. De même, le fédéralisme n’est pas à mi-chemin entre la centrali
110 ont en commun ! On aurait bien tort, en effet, de s’ imaginer que la volonté de centralisation totale d’une nation et la vo
111 c d’impur, et par suite, refusent de coopérer, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ouvrir aux échanges. Ce nat
112 er, de se lier par traités avec leurs voisins, de s’ ouvrir aux échanges. Ce nationalisme local relève de la même mentalité
113 t d’amour du réel. Mais l’attitude fédéraliste ne se borne pas à reconnaître d’une part la nécessité de l’union, d’autre p
114 oîte. Pour que la qualité particulière d’un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté e
115 s l’unité globale d’une œuvre au sein de laquelle s’ opèrent mille échanges d’une infinie complexité. Voilà ce que j’appell
116 manière. La plupart des impasses dans lesquelles se fourvoie l’organisation politique du monde moderne proviennent du fai
117 rsité des fonctions nationales ; d’autre part, on se cramponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englo
118 mponne à une souveraineté nationale qui a peur de se laisser englober dans un plus grand corps. Les uns oublient que la sa
119 fois l’Un et le Divers, une très riche diversité se détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous
120 dans toutes nos œuvres, le fond commun sur lequel se détache notre individualité, et dont elle tire ses nourritures élémen
121 que les Suisses, selon la langue qu’ils parlent, se rattachent à l’une ou à l’autre des trois grandes cultures nationales
122 pure et simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme brume au soleil à la lumière de l’Histoire. La culture
123 ’existence : il faut bien admettre que la culture s’ était constituée avant elles et sans elles ! Je me contenterai, pour i
124 ’évolution de la musique en Europe : elle naît et se constitue au xiiie siècle dans un certain nombre de cités du Nord et
125 puis en Île-de-France. Des cités italiennes, elle se propage jusqu’aux cités flamandes, le long du grand axe commercial de
126 ance, reliant Venise à Bruges. Une école nouvelle s’ épanouit alors dans les Flandres. Elle influence bientôt la Bourgogne,
127 s tard, les Allemands et les Autrichiens viennent s’ initier auprès des maîtres italiens. Bach copie avec application des œ
128 le, le centre de gravité de la musique européenne se déplace vers les régions germaniques, Hanovre, la Saxe, Vienne, Bayre
129 c’est simplement l’école locale dans laquelle il s’ est formé. D’où vient alors cette illusion d’optique dont je parlais,
130 ’entretient. Quand on dit que les Suisses romands se rattachent à la « culture française », on ne pense guère qu’à la lang
131 pas de réalités nationales, donc politiques, mais se rattache directement à l’ensemble culturel européen : elle est « immé
132 ase étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parvi
133 ertaines cités ou certaines régions parviennent à se différencier, à s’individualiser sur cet arrière-fond commun. Si je
134 ertaines régions parviennent à se différencier, à s’ individualiser sur cet arrière-fond commun. Si je cherche pourquoi et
135 e cherche pourquoi et en quoi les Suisses romands se différencient des Français, ou en tout cas de l’image convenue que l’
136 nique et anglo-saxonne autant que française, sans s’ arrêter à ces barrages ou à ces faux relais de paresse que représenten
137 e. Est-il besoin de rappeler que ce grand artiste s’ est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis de
138 puis des romanciers russes, enfin de Goethe ? Il se voulait un pur Vaudois, séparatiste (car c’était là le véritable sens
139 au génie de la culture en Europe, la question qui se pose maintenant est de savoir comment nous saurons illustrer notre vo
140 lus désuets. Il voudrait que chacune de nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines : université, radio, publi
141 l est clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un laboratoire de recherches nucléaires, pour ne prendr
142 n ne dise pas qu’elles sont trop petites pour que s’ y développent à foison des écoles de peintres, des galeries d’expositi
143 passion créatrice un peu folle de jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’un maître du métier ; secondement, le
144 ormalement de rationaliser les activités dont ils s’ occupent, pour les rendre plus économiques ou plus rentables. Mais la
145 s d’être » ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’ intéresser qu’au niveau de notre vie matérielle, de traiter la culture
5 1963, Articles divers (1963-1969). À propos de la culture européenne (avril 1963)
146 demandais au début à quels « Européens » l’auteur s’ en prenait, qui d’une part refuseraient de reconnaître les apports jud
147 « l’exemple typique » de l’altitude visée. Le CEC se livrerait donc à « l’effort vain et absurde de présenter une culture
148 carthyste ». Si vos lecteurs prennent la peine de se reporter à l’une quelconque des publications du CEC (l’un de nos 52
149 ussi, autant qu’ailleurs. La seule question qu’on se pose est de savoir quelles sont les traditions qui doivent collaborer
6 1963, Articles divers (1963-1969). Orientations vers une Europe fédérale (10 mai 1963)
150 ou la liberté ? L’union de l’Europe ne pourra se faire qu’en vertu d’une volonté, mais il n’est pas de volonté sans bu
151 mant que « le coup électrique de la Raison » doit se transmettre instantanément de Paris jusqu’à toutes les extrémités du
152 mathématiques, le pluraliste à la biologie ; l’un se préoccupe des cadres à imposer, l’autre des forces vives à faire joue
153 er, l’autre des forces vives à faire jouer ; l’un se soucie d’abord de la stabilité, l’autre plutôt de la fluidité ; l’un
154 éveille et libère chez beaucoup la possibilité de s’ affirmer, de se charger de ses propres responsabilités, et donc d’actu
155 re chez beaucoup la possibilité de s’affirmer, de se charger de ses propres responsabilités, et donc d’actualiser à son éc
156 es opinions des deux autres types. Mais peut-être s’ agit-il d’un double refoulement. Chez le manager, la volonté de puissa
157 ment. Chez le manager, la volonté de puissance ne se traduit que d’une manière abstraite, en termes d’organisation sans dé
158 s de « jeu » dans les rouages ; l’idée de liberté se trouvant obscurément assimilée à celle d’atteinte aux droits acquis,
159 ngrès de l’Union européenne des fédéralistes, qui se tint à Montreux en 1947, j’avais tenté de situer à grands traits cett
160 litique d’où allait naître le Mouvement européen. S’ agissant de reprendre ici la description de l’ensemble du projet, je m
161 de la communauté au sein de laquelle sa vocation s’ exerce. Aux individualistes nous rappelons donc que l’homme ne peut se
162 dualistes nous rappelons donc que l’homme ne peut se réaliser intégralement sans se trouver engagé du même coup dans le co
163 et la cité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles.
164 santé civique. Un homme qui boit de l’eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui
165 chemin entre celui qui meurt de soif et celui qui se noie. Et, de même, le fédéralisme ne naîtra jamais d’un habile dosage
166 : ces deux extrêmes, eux, sont dans le même plan, se conditionnent et s’appellent l’un l’autre. C’est avec la poussière de
167 eux, sont dans le même plan, se conditionnent et s’ appellent l’un l’autre. C’est avec la poussière des individus civiquem
168 voit que le passage de la personne au fédéralisme s’ opère tout naturellement, et presque irrésistiblement, le second n’éta
169 te unité centralisée ; les déviations ou maladies se répondent également terme à terme : égoïsme individuel ou abdication
170 dit Descartes. C’est un art de composer, quand il s’ agit d’élaborer une constitution et des lois, et une méthode de pilota
171 et des lois, et une méthode de pilotage quand il s’ agit de gouverner entre le Charybde de l’anarchie des particularismes
172 les États-Unis et la Suisse. Bien que ces régimes se soient formés d’une manière empirique, tout se passe comme si les hom
173 es se soient formés d’une manière empirique, tout se passe comme si les hommes d’État et les groupes qui les instituaient
174 ; il n’unit pas, il unifie. Et les coalitions qui se forment contre lui ne survivent pas à sa défaite. L’hégémonie ni sa m
175 ie, a cru pouvoir imposer sa primauté, les autres se sont ligués contre lui, l’ont obligé à rentrer dans le rang, et l’uni
176 ne verra jamais sans méfiance certains « grands » s’ arroger l’initiative d’une fédération continentale ou mondiale. L’éche
177 ranger selon leurs caractères particuliers, qu’il s’ agit à la fois de respecter, et d’articuler dans un tout. Troisième p
178 ciales et religieuses qui composent l’ensemble ne se manifeste guère au plan municipal. En Suisse, le respect des qualité
179 municipal. En Suisse, le respect des qualités ne se traduit pas seulement dans le mode d’élection du Conseil des États (d
180 ns, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs, se verraient soumis aux mêmes lois et coutumes, qui ne pourrait satisfai
181 oîte. Pour que la qualité particulière d’un rouge se manifeste et chante sa chanson, il faut que ce rouge soit contrasté e
182 s l’unité globale d’une œuvre au sein de laquelle s’ opèrent alors mille échanges d’une infinie complexité. Le totalitaire,
183 s autres. Si les nations de l’Europe arrivaient à se concevoir dans un rôle analogue, elles comprendraient que leur harmon
184 si que dans une fédération elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fonctionner de concert, chacune selon s
185 erribles simplificateurs ». Lorsque les étrangers s’ étonnent de l’extrême complication des institutions suisses, de cette
186 gieux, qui n’ont pas les mêmes frontières, et qui se recoupent de cent manières différentes. Il est clair que des lois ou
187 rs de ses dimensions la personne même de ceux qui s’ y rattachent. Certes, il est plus facile de décréter sur table rase, d
188 un peuple. Une politique fédéraliste soucieuse de se mouler sur la réalité, toujours complexe, suppose infiniment plus de
189 ns politique. Finalement, si l’on y réfléchit, on s’ aperçoit que la politique fédéraliste n’est rien d’autre que la politi
190 ique et vivant. Sixième principe. Une fédération se forme de proche en proche, par le moyen des personnes et des groupes,
191 uvernements. Nous voyons la fédération européenne se composer lentement, un peu partout, et de toutes sortes de manières.
192 e économique, là c’est une parenté culturelle qui s’ affirme. Ici, ce sont deux églises de confessions voisines qui s’ouvre
193 ce sont deux églises de confessions voisines qui s’ ouvrent l’une à l’autre, et là ce sont des professions qui s’organisen
194 ’une à l’autre, et là ce sont des professions qui s’ organisent. Et surtout, ce sont des personnes, des groupes, des écoles
195 e des réalités humaines est beaucoup plus près de s’ organiser qu’il ne le semble. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réa
196 upes et de personnes qui ont pris l’initiative de se fédérer en dehors des gouvernements nationaux (Congrès de l’Europe à
197 e publique. Septième principe. Une fédération ne se crée pas contre une menace extérieure, ni à des fins impérialistes, m
198 e pas devant elle une utopie bien cohérente qu’il s’ agirait d’imposer, ou des plans statiques qu’il faudrait réaliser en q
199 le et constamment mouvant entre des groupes qu’il s’ agit de composer en sauvegardant à la fois leur individualité et leurs
200 cœur de tout régime fédéraliste. L’oublier serait se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que l
201 r les Suisses romands. En allemand, confédération se dit Bund, qui signifie union, et qui évoque avant tout l’idée de cent
202 sation. En Suisse romande, au contraire, ceux qui se proclament « fédéralistes » sont en réalité les défenseurs jaloux de
203 lisation. Pour les uns, fédérer veut dire surtout s’ unir. Pour les autres, être fédéraliste veut dire surtout : rester lib
204 bable que, sur le plan européen, nous allons voir se dessiner deux tendances toutes semblables à celles que je viens de si
205 nt de dépasser les cadres physiques dans lesquels s’ exercent les autonomies locales ou régionales. D’autre part il n’est p
206 yens dont disposent les individus et les régions, se manifeste la nécessité d’un Centre inspirant, équilibrant, coordonnan
207 ne conquise, qui, ainsi colonisée, permet soit de se lancer vers des aventures ou des explorations nouvelles, soit d’accro
208 er du travail qui pouvait être fait par elle ; et s’ ils ne savent mettre à profit les libertés ainsi conquises, à la fois
209 e mieux vivre sa vie propre, et de plus librement se choisir : sécurité physique mieux assurée ; diversités personnelles,
210 largissement de la conscience ; faculté accrue de s’ engager selon ses goûts, ses idées ou sa foi, mais aussi de se dégager
211 lon ses goûts, ses idées ou sa foi, mais aussi de se dégager de ses « fatalités » natives… N’est-ce point là ce que l’homm
212 vidualiste (ou impérialisme local) de groupes qui se veulent souverains, comme si le reste du monde n’existait pas : j’ai
213 eur naturelle, aux routines, aux machines qu’elle s’ est construites mais qu’elle accuse ensuite de l’asservir, cette mauva
214 trahissant à vrai dire un manque de foi ; soit de s’ imaginer, comme la colombe de Kant, qu’elle volerait beaucoup mieux da
215 a-t-elle besoin pour atteindre ces buts, ou pour s’ en rapprocher ? Buts. Autonomie (liberté et responsabilité) croissan
216 personnels (les plus immédiats à l’universel). Il s’ agit donc : — d’une part, à l’intérieur, d’éviter que les indépendance
217 roblème d’une organisation fédérative de l’Europe se ramène à la recherche d’un optimum pratique entre les maxima possible
218 ans espoir aux praticiens de la vie politique qui se contentent des routines et recettes « réalistes » héritées du siècle
219 européen. Comment ces grands principes abstraits se traduisent-ils, aux yeux de l’Européen vivant en 1980 ? Tout d’abord
220 x îles grecques, de la Finlande à la Sicile, tout s’ ouvre aux ambitions ou aux rêves d’un jeune homme. Les citoyens de tou
221 s rigides de leur nation, moyenne ou petite, mais s’ ouvre aux dimensions continentales, et donc mondiales. S’ils veulent s
222 aux dimensions continentales, et donc mondiales. S’ ils veulent sortir de l’Europe, vers l’Afrique ou l’Asie, les Amérique
223 opéen, délivré à leur lieu d’origine. Chacun peut s’ établir où il le veut, sur tout le territoire de la fédération, soit p
224 s produits partout, sans taxes, et acheter ce qui se fait partout, au même prix et en francs européens. Ce marché commun d
225 le plus varié du monde. L’Europe a donc cessé de se sentir écrasée entre les « deux grands » : elle est plus « grande » q
226 e ses communes. Tout citoyen d’un État membre qui s’ établit sur le territoire administré par un autre État membre y bénéfi
227 ble après un certain délai, qui varie selon qu’il s’ agit d’emplois publics municipaux, régionaux, ou nationaux. Le droit f
228 e, économique et politique de l’ensemble européen s’ exprime désormais par des décisions fédérales, qui traduisent la consc
229 rte quel membre de la fédération, tous les autres se portent automatiquement à sa défense, selon les plans de l’état-major
230 ait atteinte au droit fondamental des personnes à se grouper en communautés diversifiées : droit à l’autonomie ; tandis qu
231 elle mondiale : droit à l’Union. L’Europe fédérée se présente, en conséquence, comme un grand espace composé d’une vingtai
232 rieur de la fédération vers 1980. Elle ne saurait s’ expliquer qu’en fonction des problèmes qui se posaient au départ de la
233 rait s’expliquer qu’en fonction des problèmes qui se posaient au départ de la construction de l’Europe. Ouvrons donc en ce
234 en arrière, examinons la situation telle qu’elle se présentait aux environs de 1963, lorsqu’on se mit à envisager les div
235 lle se présentait aux environs de 1963, lorsqu’on se mit à envisager les divers modes possibles d’une union politique, et
236 te-Alliance, interdisant toute union efficace, il s’ agit de manœuvrer selon les meilleures recettes de pilotage, de trouve
237 monstres froids », comme l’a dit Nietzsche. Mais s’ il est vain de fonder l’espoir d’une construction européenne sur un ge
238 n mesure de faire, il est sans doute dangereux de s’ épuiser à combattre des souverainetés en grande partie inexistantes, e
239 t que renforcer temporairement en les obligeant à se défendre au nom sacré de l’indépendance d’un pays. Pour sortir de l’i
240 Au surplus, dans la mesure où elle subsiste, elle se voit garantie et défendue par une constitution, par une armée, et par
241 tend et quand on le veut. En fait, ces deux États se sont vus brutalement mis en demeure par deux autres puissances de ces
242 sans l’appui de l’une aucun pays d’Europe ne peut se défendre contre l’autre. Aucun pays d’Europe n’est donc vraiment souv
243 Un second problème fondamental semble bien devoir se poser à l’Europe une fois fédérée. Peu le pressentent ou s’en inquièt
244 l’Europe une fois fédérée. Peu le pressentent ou s’ en inquiètent, aux environs de 1963 : c’est qu’il est plus nouveau que
245 x îles britanniques le régime qui est en train de s’ instaurer entre les Six (effacement des frontières économiques), certa
246 les cantons suisses depuis 1848 — d’autant mieux se manifesteront les réalités régionales. La notion de « métropole » éco
247 s, comme la France, ou l’Espagne, ou la Belgique, se différencier et se réorganiser en autant de régions nouvelles (ou réa
248 ou l’Espagne, ou la Belgique, se différencier et se réorganiser en autant de régions nouvelles (ou réanimées), qu’il y au
249 gré ou de force par une frontière « nationale », se sont trouvées amalgamées à des États de traditions bien différentes8.
250 siècle. Les régions de climat salubre, ou amène, se voient à juste titre privilégiées. L’Europe noire du charbon, des cor
251 des corons, des banlieues ouvrières et des mines se vide, au profit des régions méridionales, fluviales, ou même alpestre
252 Une jurisprudence fédérale des régions autonomes se constitue. Une politique fédérale de production et de distribution te
253 iales des associations ou unions régionales. Elle s’ efforce d’harmoniser la vitalité des nouveaux centres, les besoins gén
254 le des foyers locaux. La renaissance des communes s’ affirme. Le citoyen, naguère « démuni de toute influence politique app
255 ssion directe des principes énoncés plus haut, et s’ en déduisent sans autres difficultés que celles qui naissent d’une vol
256 es et locales. Les compétences du pouvoir fédéral s’ exercent donc d’abord dans le domaine de la politique étrangère, et de
257 insi résolu, leur neutralité n’ayant plus lieu de s’ affirmer ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Quant à savoir si l’Europ
258 ’Europe fédérée est elle-même neutre, la question se ramène à celle des alliances qu’elle peut être amenée à conclure avec
259 ier son sort à un État ou à un groupe d’États qui s’ interdit comme elle tout recours à la guerre, elle reste neutre en thé
260 guerre qu’un tiers parti ferait à l’allié, comme s’ il la faisait à l’un de ses membres. Une disposition de ce genre prése
261 rculation des biens sur tout son territoire, elle se charge d’organiser et de subventionner les activités qui dépassent la
262 probation fédérale, régions et métropoles peuvent se donner des structures et des pouvoirs autonomes, et elles peuvent aus
263 et des pouvoirs autonomes, et elles peuvent aussi s’ associer avec d’autres entités comparables relevant d’un État voisin.
264 nt d’un État voisin. L’Europe tend de la sorte à se transformer de fédération des États « anciens » (nés d’ailleurs, pour
265 in des pouvoirs législatifs. L’Assemblée fédérale se compose donc d’une Chambre des députés européens et d’un Sénat europé
266 e, ne saurait être gouverné que par un Collège où s’ équilibrent les diversités en évolution permanente. Le Conseil fédéral
267 tant qu’État, à l’écart des luttes politiques qui se jouent à l’échelle du continent. Ces conditions idéales se trouvent r
268 du Saint-Empire, de même la Confédération suisse se voit dotée d’un statut spécial, d’une sorte « d’immédiateté fédérale 
269 hrétienne et dans la philosophie grecque, et peut se réclamer du thomisme puis du calvinisme, plus tard du socialisme prou
270 n calvinienne, ne peuvent, en bonne doctrine, que se montrer favorables aux solutions fédéralistes. Celles-ci sont d’aille
271 contraindra les partisans d’une Europe unitaire à se replier sur des solutions praticables, qui se trouveront être fédéral
272 eviennent chaque année plus concrets, soit qu’ils se posent en termes d’intérêts, soit qu’ils réveillent des passions part
273 ne part, historiques ou conjoncturels de l’autre, s’ opposent encore des préjugés nationalistes survivants, certains calcul
274 ut est donc la première tâche de ceux qui veulent se mettre en marche. Inventer des chemins vers le But est la seconde tâc
275 e sait pas au juste où l’on a décidé d’aller : on se contente de charger des experts d’étudier les modalités et le coût de
276 e, la prévision est une action. Bien voir le But, se concentrer sur lui, dégage et mobilise les énergies nécessaires pour
277 ue L’Ordre nouveau (publiée de 1932 à 1937) qui s’ inspirait de ces idées. 6. « The task before us, at this congress, is
278 ique du canton de Berne. Un mouvement séparatiste s’ y manifeste. 8. Cas de la Catalogne, de la Wallonie, des Flandres, du
7 1963, Articles divers (1963-1969). L’amour ? le mariage ? la fidélité ? l’adultère ? la passion ? le couple ? (25 octobre 1963)
279 le couple ? (25 octobre 1963)g h Jamais on ne s’ est autant marié en France (90 % des hommes et 91,5 % des femmes) et j
280 ’a autant divorcé (10 % des couples) : le mariage se porte donc beaucoup… mais se porte plutôt mal. Y a-t-il vraiment une
281 ouples) : le mariage se porte donc beaucoup… mais se porte plutôt mal. Y a-t-il vraiment une crise du mariage ? Naturellem
282 re naturellement), favorise cet amour-passion qui se dénoue alors dans l’adultère. Cette passion tant espérée, neuf fois s
283 ations de l’âme médiévale, qui leur ont permis de s’ exprimer et de s’avouer au grand jour. Pour la première fois, l’homme
284 édiévale, qui leur ont permis de s’exprimer et de s’ avouer au grand jour. Pour la première fois, l’homme devient le servan
285 résie cathare, qui l’a fourni ; cette hérésie qui s’ installe solidement dans les cours et les châteaux du Midi (Albi fut l
286 l’homme créée par le diable. D’où la nécessité de s’ abstenir non pas de toutes relations érotiques, mais de celles qui son
287 asteté absolue étant trop difficile, les cathares se bornaient à médire du mariage et à louer des formes d’amour plus ou m
288 fortune qu’en Occident ? C’est que la passion ne s’ approfondit et ne dégage ses énergies qu’à la mesure des résistances q
289 aux instincts, qui permet à l’attrait naturel de s’ exalter, de devenir une passion. Et c’est le roman de Tristan et Iseut
290 stera le prototype éternel de l’amour-passion qui se nourrit d’obstacles qu’on lui oppose, qui les invente au besoin : Tri
291 fier : la morale chrétienne, l’orthodoxie, qui ne s’ appuie plus sur une foi vivante, est devenue la « morale bourgeoise »,
292 vons perdu la clef, le mythe dégradé, profané, ne se traduit plus que par l’envahissement du roman d’amour, du film sentim
293 antité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presque toujours : c’est la durée. Et notre culte de la beaut
294 ut-on quand même supposer que l’homme parvienne à se fixer sur un type, rencontre un jour son Iseut ? Admettons ! Il renco
295 dant. Alors commence une « passion » nouvelle. On s’ ingénie à renouveler l’obstacle et le combat et voici les « ruses » d’
296 les « ruses » d’une passion débile qui cherche à s’ entretenir : jalousie désirée, provoquée, favorisée, non plus chez l’a
297 autre). Cet amour-passion de Tristan et Iseut qui se dénouait dans la mort, se dénouera alors un jour ou l’autre dans l’in
298 de Tristan et Iseut qui se dénouait dans la mort, se dénouera alors un jour ou l’autre dans l’infidélité. Alors, il n’y a
299 relève toujours d’une sorte d’arbitraire dont ils s’ engagent à assumer les suites heureuses ou non. La fidélité, alors, n’
300 ilité — mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! En résumé, la grande menace du mariage, c’
301 consciences occidentales, et la crise du mariage se dénouera d’elle-même ? Il est vrai que la passion est l’ennemie jurée
8 1963, Articles divers (1963-1969). Une interview de Denis de Rougemont : l’écrivain nous parle des centres culturels internationaux (16 novembre 1963)
302 dé par le Maharajah de Mysore. Un Centre vient de se créer à Lagos, capitale du Nigéria, et l’on projette d’en créer deux
303 jour ! L’entretien a pris fin. Denis de Rougemont s’ apprête à dédicacer quelques-uns de ses livres, parmi lesquels un ouvr
9 1964, Articles divers (1963-1969). L’idée européenne en Suisse (1964)
304 les chartes. Le nom même était inconnu. La Suisse s’ est formée peu à peu, du xive au xvie siècle, dans le Saint-Empire e
305 rêts de l’Europe entière ». Si les Ligues suisses se détachent peu à peu du Saint-Empire, de cette première Europe dont el
306 lles sont nées, c’est parce que l’Empire lui-même se dénature, se dissout en États souverains et devient finalement un Éta
307 s, c’est parce que l’Empire lui-même se dénature, se dissout en États souverains et devient finalement un État comme les a
308 l’idée fédéraliste. Lorsque plus tard les nations s’ absolutisent et que leurs guerres font rage sur tout le continent, des
309 rage sur tout le continent, des voix suisses vont s’ élever au nom de ce principe, pour rappeler que la paix, la prospérité
310 r d’aujourd’hui. Comme dans le Contrat social, il s’ y fait l’avocat d’une confédération de nos pays inspirée de celle du «
311 ormée de très petits États « où tous les citoyens se connaissent mutuellement », mais qu’unissent les liens d’une « commun
312 ste qu’il préconise, et son module (élément type) se révèle, en dernière analyse, n’être rien d’autre que la cité de Genèv
313 où les meilleurs esprits de nos diverses nations se lient d’amitié, soit par des livres comme De l’Allemagne, qui rétabli
314 utralité de la Suisse indépendante. Et tandis que se forment dans le reste de l’Europe des nations unitaires sur le modèle
315 voie un message enflammé (Genève, 1864). Proudhon s’ est peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps t
316 . C. Bluntschli, célèbre professeur à Heidelberg, s’ est inspiré directement de l’expérience fédéraliste suisse en rédigean
317 our la paix en Europe. « Si cet idéal de l’avenir se réalise un jour, écrit-il en 1875, la nationalité suisse devra s’inco
318 ur, écrit-il en 1875, la nationalité suisse devra s’ incorporer à la communauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n
319 duit à la convocation du Congrès de l’Europe, qui se tient à La Haye au mois de mai 1948. De La Haye naît le Mouvement eur
320 il de l’Europe. L’impulsion est donnée, l’opinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le reste va s’en suivre :
321 lle, les hommes d’État le sentent, et le reste va s’ en suivre : plan Schuman, Communauté du charbon et de l’acier, tentati
322 tion d’un Centre européen de la culture, celui-ci s’ organise à Genève et convoque aussitôt une grande conférence qui se ti
323 ve et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne, au mois de décembre 1949. De la conférence de Lausa
324 lture, sur le thème « L’Europe et le monde » doit se tenir à Bâle (fin septembre 1964) sous le haut patronage du Conseil f
325 et que notre peuple l’est peut-être plus encore, s’ agissant de l’idée européenne. Le scepticisme dominait, et comme on ti
326 on de nos vieilles coutumes ! Temps perdu ! Ça ne se fera jamais ! » Je me souviens d’un débat devant le micro en février
327 qui faisaient notre opinion. L’union de l’Europe s’ avérait bel et bien réalisable, puisqu’elle devenait réalité, mais ell
328 gouvernants pour rejoindre l’histoire en train de se faire, semblait prématurée aux yeux de nos sages et de nos experts, q
329 de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait, par impossible, ce sera néfaste pour la Suisse » ? ⁂ Quatre gro
330 otre indépendance et « l’étoile fixe sur laquelle se règle la politique étrangère de la Confédération »15. Adhérer à l’uni
331 c’en serait fait du « rôle particulier » qu’elle se réserve d’invoquer plus souvent encore que d’autres nations, au nom d
332 es échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’ associant au Marché commun, par exemple, elle perdrait de nombreux ava
333 tous les peuples de l’Europe. Si notre neutralité s’ oppose à l’union, il faut en réviser les termes, comme d’ailleurs la S
334 stances politiques intérieures l’ont contrainte à se retirer du jeu des puissances militaires. La neutralité n’a jamais ét
335 édification de l’Europe unie. Sinon, l’Europe qui se fera sans elle, risque bien de se faire contre elle, — c’est-à-dire c
336 n, l’Europe qui se fera sans elle, risque bien de se faire contre elle, — c’est-à-dire contre son essence fédéraliste ; ma
337 n plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’ il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croi
338 tour à l’avenir ; 2° que la neutralité suisse, en s’ absolutisant jusqu’à devenir tabou — traître est celui qui ose la disc
339 s garantirent en 1815. Si elle en vient un jour à s’ opposer aux intérêts de l’Europe entière, on s’apercevra qu’elle a per
340 à s’opposer aux intérêts de l’Europe entière, on s’ apercevra qu’elle a perdu ses bases contractuelles. Déclarer par exemp
341 ontractuelles. Déclarer par exemple que la Suisse se devrait de rester neutre, même en cas de conflit entre l’Europe d’une
342 c la Constitution actuelle. Si, dit-il, la Suisse se refuse à entrer sans réserve dans le Marché commun, elle ne saurait j
343 ez nous qu’ailleurs, n’en affirment pas moins que s’ il le faut un jour, la Suisse fara da se et saura bien se défendre ? N
344 moins que s’il le faut un jour, la Suisse fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarte
345 faut un jour, la Suisse fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas a
346 ectueuse de ses diversités comme nous des nôtres, s’ accorderait avec la vocation traditionnelle de la Suisse. Mais se fera
347 vec la vocation traditionnelle de la Suisse. Mais se fera-t-elle ? Voilà qui dépend de nous aussi. C’est à nous de faire v
348 ou du xviiie siècle, ni même celle de 1848 qu’il s’ agit de sauver aujourd’hui, mais bien la Suisse réelle de la seconde m
349 e au bout des arguments, au fond des choses. Elle s’ explique peut-être en partie par nos coutumes fédéralistes de toléranc
350 qu’on ne pousse pas sa pointe à fond et qu’on ne se laisse pas entraîner par une verve logique ou polémique qui risquerai
351 autres motifs à cette espèce d’embarras. Ceux qui se réclament très haut de nos traditions savent bien que chacun sait qu’
352 nos traditions savent bien que chacun sait qu’il s’ agit d’intérêts ; et quant aux enthousiastes de l’Europe, ils savent q
353 ils n’ont aucune espèce de chances d’être écoutés s’ ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, dans la Suis
354 est dangereusement irréaliste de raisonner comme s’ il était possible de dissocier durablement notre salut de celui de l’e
355 omme État qui entend garder une raison d’être. Il s’ agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pas seule
356 . Mais encore faut-il qu’elle le dise ! 13. Il s’ agit de l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire. 14. Die Sc
357 isme », au cours de laquelle la neutralité suisse s’ est définie comme état d’esprit. 16. « Indépendance de la Suisse et n
358 la création de la Confédération. » Cela pourrait se discuter. Je rappelais au début de cet article que c’est pour une mis
10 1964, Articles divers (1963-1969). Les arts dans la vie en Suisse (1964)
359 ifférences — et vraiment il n’en est pas deux qui se ressemblent : l’un catholique et l’autre protestant ; l’un qui est un
360 vent et publient, il y aura peu de chances qu’ils se lisent mutuellement. L’un voudra se faire connaître à Zurich, puis à
361 hances qu’ils se lisent mutuellement. L’un voudra se faire connaître à Zurich, puis à Munich, Vienne et Berlin, et l’autre
362 s, tous deux bien contents d’être suisses, ils ne se rencontreront sans doute jamais et n’entendront parler l’un de l’autr
363 squelles une solide fédération n’aurait jamais pu s’ agencer et n’aurait pas duré longtemps ne sont pas de celles qui excit
364 a réserve prudente dans l’expression de la pensée s’ il s’agit d’autre chose que des grands lieux communs mainteneurs d’une
365 erve prudente dans l’expression de la pensée s’il s’ agit d’autre chose que des grands lieux communs mainteneurs d’une comm
366 partiments jaloux de leur personnalité, la Suisse se verrait condamnée à ne produire que des œuvres moyennes ou d’intérêt
367 klorique si chacun de ses petits États prétendait se suffire à soi-même. Mais fédérés politiquement pour leur bonheur et l
368 t-il de la Suisse. « Mais quand ils réussissent à se dégager de leur canton — alors, pas de milieu, ils atteignent à l’uni
369 iège — entre les hautes parois de sa prison. Mais s’ il monte sur la montagne… Alors, cette ivresse des sommets. L’intuitio
370 r. Et plus d’obstacle devant la pensée. Le Suisse s’ appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Bur
371 t la pensée. Le Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’ appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Burckhardt ou, dans un autre d
372 Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’ appelle Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton —
373 es lettres, dans tout cela ? Eh bien, ils peuvent se prévaloir en Suisse d’un Arthur Honegger pour la musique, d’un Spitte
374 mieux participer aux grands courants du monde et s’ en nourrir, au lieu de s’y laisser dissoudre une à une. La santé des a
375 nds courants du monde et s’en nourrir, au lieu de s’ y laisser dissoudre une à une. La santé des arts et des lettres, dans
376 ition de la culture en Suisse, cette nécessité de s’ unir précisément parce qu’on entend rester soi-même, ou le devenir de
11 1964, Articles divers (1963-1969). De la marche / De l’échec (1964)
377 ntimidait, cependant que la courtoisie dont il ne se départissait jamais accentuait, par contraste avec le ton bourru qu’o
378 n scolaire, interrompant d’un geste bref ceux qui s’ annonçaient encore pour répondre, il scanda : « L’énergie, c’est quelq
379 quelque chose qui dort en chacun de vous et qu’il s’ agit de réveiller. » Puis il sortit. Ce n’était pas une définition, c’
380 lus grave : nous comprîmes tous que quelque chose se préparait. Et en effet, l’ordre du jour pour le lendemain, que nous l
381 nd chien blanc. On répétait qu’une troupe moderne se déplace en camion ou en train et que ces marches ne servaient à rien…
382 uit, par un col escarpé dans les rochers ; l’aube se lèverait sur le Valais, et ce serait la dernière étape, une longue dé
383 e — détails infimes et insensibles au départ, qui se révèlent à longueur de marche, causant d’abord une légère irritation,
384 Quand on part pour une marche de cinq heures, on se met à traîner les pieds après la troisième heure, et les dernières so
385 re, et les dernières sont dures. Mais si le corps s’ est disposé à fournir un effort de trente-trois heures, les cinq premi
386 e fatiguent pas. L’organisme, tout simplement, ne se permet pas encore de lassitude. Les puissances de l’inconscient, du c
387 s de l’inconscient, du corps et de l’imagination, se sont mises en état d’alerte. Elles ont pris leur régime d’exception.
388 forces ordinairement insoupçonnées par celui qui se bornait à de courtes visées. Elles étaient là, ces forces, à portée d
389 courants les petites énergies vite épuisées. Tout se passait donc ce matin-là comme si l’appel du but avait suffi à nous d
390 lointains ? Le corps et l’âme en alerte constante se préparent pour une course de fond et, c’est ce qui définit, biologiqu
391 rêves ou sa vision. Beaucoup choisissent alors de se réduire à des objectifs accessibles. Et aussitôt, les forces en réser
392 n ; d’où peut naître une seconde jeunesse dont on se sentira maître et dispensateur, tandis que l’autre était plutôt subie
393 zaine d’heures, mais la fatigue a la propriété de s’ évaporer dans la joie d’une cime conquise. Il y eut une halte horaire
394 vent violent des sommets. Déjà la route parcourue s’ effaçait derrière nous sous une brume d’un bleu sombre. Ce premier tie
395 as, pour la remonter ensuite jusqu’à son origine, se dressait la paroi des Alpes. La descente paraît au novice plus facile
396 la plus dure pour le corps, constamment tenté de se livrer et de laisser ainsi se disloquer les rythmes d’un effort de lo
397 onstamment tenté de se livrer et de laisser ainsi se disloquer les rythmes d’un effort de longue haleine. D’instinct, nous
398 i découpait chaque détail des parois orangées qui s’ élevaient par degrés autour de nous, modelait largement les croupes de
399 mois. Leur chef en tête bien détaché du gros, ils se déplaçaient par à-coups, au pied d’une paroi de rochers couronnant un
400 il ondula d’abord sur place comme une houle, puis se mit tout entier à courir, par grands bonds et zigzags nerveux entre l
401 onds et zigzags nerveux entre les blocs ; soudain s’ arrêta pour brouter ; puis repartit à angle droit, au petit trot, et c
402 descente, nous entrâmes dans l’irréel. Le paysage s’ éteignait. Un dernier sommet rose feu disparut derrière un talus, puis
403 n vent froid descendait des Alpes, une pluie fine s’ établit. Tout ne fut plus, pendant des heures, qu’automatismes à peine
404 lonté descendue dans nos muscles, contre envie de se laisser tomber sur le talus. Parfois l’un de nous s’endormait en marc
405 laisser tomber sur le talus. Parfois l’un de nous s’ endormait en marchant, titubait quelques pas hors de la file, se redre
406 marchant, titubait quelques pas hors de la file, se redressait… Si l’on nous avait dit : « Plus qu’une heure à marcher »,
407 enue, de reformer une colonne par quatre, puis de se mettre au pas de manœuvre à l’entrée de la rue principale. Tout dorma
408 depuis plusieurs semaines et la saison d’hiver ne s’ ouvrait qu’en décembre. Un hôtel vide nous accueillit. Après la collat
409 de deux-mille. Cinq ou six d’entre nous allèrent s’ annoncer au colonel, qui buvait du café au restaurant. — « Je vous rem
410 es vives vers la victoire, et qui l’atteint, voit s’ ouvrir une paix marécageuse. Le mystique, aux approches du sommet de l
411 isée que pour y renoncer dans le moment où l’élan s’ est déjà ramassé. Apprendre à réussir, ou à marcher, n’est encore qu’u
412 Mais apprendre à ne pas réussir jusqu’au bout, à s’ arrêter ou à subir l’arrêt, voilà l’autre moitié, non moins féconde. C
12 1964, Articles divers (1963-1969). Le sentier perdu (1964)
413 ants aux très grands yeux : ils n’ont pas fini de s’ étonner que déjà commence l’angoisse. Mais tout d’un coup, voici deux
414 nt Nora Auric a ceci de particulier qu’on ne sait s’ il est vu de sous l’eau ou d’un nuage : ce seraient à peu près les mêm
415 par ces roses un peu gris que je me rappelle, qui s’ exagèrent sans doute dans mon souvenir visuel, ajoutés à des verts bie
13 1965, Articles divers (1963-1969). La technique, facteur de paix (6 mars 1965)
416 ne portent pas sur tel ou tel problème précis que se posent les techniciens, mais sur le phénomène technique en général. P
417 technique en général. Première question : Comment s’ explique le fait patent que la technique moderne — mettons depuis le x
418 ès simple : la religion prépondérante de l’Europe se fonde sur le dogme de l’Incarnation. Or qu’est-ce que l’Incarnation,
419 sinon Dieu lui-même, l’Esprit pur, qui choisit de se rendre connaissable dans un corps d’homme. Il en résulte que le corps
420 n programme grandiose d’action sur le cosmos, qui s’ offre à l’homme en tant que spirituel, précisément. Programme grandios
421 toute la Nature naturée — Nature à laquelle il ne s’ agit plus de se conformer, mais qu’il faut au contraire transformer ha
422 naturée — Nature à laquelle il ne s’agit plus de se conformer, mais qu’il faut au contraire transformer hardiment, illumi
423 ondition concrète et non dans l’évasion mystique, se combine, peu à peu, non sans peine, avec le rationalisme critique de
424 n d’une science des corps et de la matière qui ne se veut pas seulement spéculative, mais transformatrice du réel. Ajoutez
425 ce des fins propres de l’homme. II Mais ici se pose une deuxième question : les étapes de la technique ainsi définie
426 uple, puis de nation à nation. Ce type d’armement s’ accroît quantitativement avec la première révolution industrielle, qui
427 s, voire mondiales. Dans cette évolution, on peut se demander si l’élargissement de la guerre a vraiment résulté du progrè
428 : la science a su donner aux hommes des moyens de s’ armer, mais non pas de désarmer. Et il est vrai que les armes nouvelle
429 nventées par les techniciens n’ont guère fait que s’ ajouter aux anciennes, curieusement appelées « conventionnelles », et
430 la science, mobilisée au service des États, a dû se borner en fait à chercher des ripostes à l’emploi de ces armes, et no
431 ncement de la sagesse des nations. Encore faut-il s’ entendre sur ce terme de peur. Je pense bien moins ici à la peur des m
432 en moins sur une angoisse panique des peuples qui s’ opposerait — on ne sait comment — à un conflit atomique, que sur une c
433 es une fois mis en commun — c’est en bon train de se faire — avec quoi se battrait-on, au bout de quelques semaines ? Avec
434 mmun — c’est en bon train de se faire — avec quoi se battrait-on, au bout de quelques semaines ? Avec des bâtons, des cout
435 n entre leur sort précaire et notre sort prospère s’ impose à eux et suscite leur envie, leur jalousie. Ils prennent consci
436 ls pourraient acheter ces beaux objets (ou plutôt se les faire donner) et en user mais sans payer leurs frais d’investisse
437 une grande nation ayant la bombe les regroupe et se met à leur tête. Que peut faire l’Occident, pour éviter ce désastre q
438 cident puisse nourrir les milliards d’affamés qui se multiplient sans frein dans le tiers-monde. Les philanthropes qui nou
439 on l’équilibre entre les différentes cultures qui se partagent aujourd’hui la planète, je viens de vous donner une réponse
440 où Paris, grâce aux trains, à l’auto, à l’avion, se vide à moitié sur les plages pendant l’été. Et je mets en fait que la
441 elle qui consiste à battre la table à laquelle on s’ est heurté. La technique n’est pas une puissance indépendante de l’hom
442 puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner subitement contre lui. La technique n’est pas matérialiste, s
443 matérialiste, seul l’homme peut l’être, quand il se laisse aller à ses instincts abâtardis ou quand il se laisse dominer
444 aisse aller à ses instincts abâtardis ou quand il se laisse dominer par ses propres mécanismes psychologiques. La techniqu
445 vant elles, mais c’est généralement l’inverse qui s’ est produit. Personne n’avait besoin d’autos quand il n’y en avait pas
446 ns que l’homme moyen croit qu’il ne pourrait plus se passer de cet objet, mais le fautif n’est pas la voiture, c’est la pu
447 la technique. Je voudrais observer au surplus que s’ il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasio
448 iété. Tout ce que j’avais à vous dire aujourd’hui se résume en propositions d’une extrême simplicité. La technique est un
14 1965, Articles divers (1963-1969). La Suisse, maquette pour une Europe du bonheur (automne 1965)
449 nête, et pourvu de son mode d’emploi ; et puis on s’ aperçoit en vivant cela de près que tout repose en réalité sur un tiss
450 l n’empêche qu’à Paris, à Londres ou à Berlin, on se moque un peu des Suisses et on les jalouse un peu, comme si chaque Su
451 eu du xx e siècle, un peuple à peu près unanime à s’ estimer et à se dire heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ? Et
452 le, un peuple à peu près unanime à s’estimer et à se dire heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ? Et ses recettes,
453 me à s’estimer et à se dire heureux. Mais de quoi se compose son bonheur ? Et ses recettes, si l’on peut les donner, serai
454 anthropie, mais par intérêt bien compris. Et cela se voit dès l’origine. Loin d’être née comme chacun le croit de la révol
455 immédiateté impériale, qui signifiait le droit de se régir à leur manière, sans dépendre des comtes voisins. À cette premi
456 é par des pâtres, puisqu’il était en beau latin —  s’ agrégèrent au cours des siècles quantité de petites communautés formée
457 e, les groupes et les communautés de toute nature se côtoient journellement, se mêlent et se combinent de toutes sortes de
458 nautés de toute nature se côtoient journellement, se mêlent et se combinent de toutes sortes de manières, sans pourtant pe
459 te nature se côtoient journellement, se mêlent et se combinent de toutes sortes de manières, sans pourtant perdre leur ide
460 e manières, sans pourtant perdre leur identité ni se confondre, et sans qu’aucun d’entre eux éprouve le besoin d’imposer a
461 unautés diverses, dont les aires géographiques ne se recouvrent pas et n’ont rien de comparable. Prenez mon cas : Français
462 à vocation internationale, ma liberté résulte et se nourrit de ces appartenances multiples ; elle réfute les devises tota
463 librement instituées, tantôt juxtaposées, tantôt s’ interpénétrant mais sans se confondre, n’allez pas croire qu’elles soi
464 ôt juxtaposées, tantôt s’interpénétrant mais sans se confondre, n’allez pas croire qu’elles soient unies par je ne sais qu
465 es Vaudois ou les Grisons romanches et les Bâlois s’ aiment d’amour tendre. On ne leur demande même pas de se connaître ! U
466 nt d’amour tendre. On ne leur demande même pas de se connaître ! Un jodleur d’Appenzell avec son disque de laiton à l’orei
467 reille, sa piété catholique, son patois médiéval, s’ il rencontrait un jour un banquier de Genève, avec son chic anglais, s
468 rincipes et ses complexes, ils n’auraient guère à se dire et pas de langage commun. Mais ils savent bien qu’ils font parti
469 tal : celui de vivre chacun selon son style et de se gouverner à sa façon. Cela suffit, c’est l’essentiel, le reste est id
470 comparable. Or cette fonction reste la même qu’il s’ agisse du corps d’un petit enfant ou de celui d’un colosse. Notez d’ai
471 t plus petite que ne l’était la Suisse quand elle s’ est fédérée. En 1848, il fallait deux ou trois jours à un député de Ge
472 s jours à un député de Genève ou des Grisons pour se rendre à la Diète fédérale de Berne, et autant pour obtenir des instr
15 1966, Articles divers (1963-1969). Un libéral engagé (1966)
473 à une salle en plein tumulte où les Croix-de-Feu se bagarraient et hurlaient, couvrant la voix des orateurs, je voyais Lo
474 sarcasmes acérés, lancés comme des fléchettes, et s’ amusait beaucoup. « C’est l’ambassadeur d’Espagne à Paris », me dit Ro
475 nta à l’orateur quand nous sortîmes, tandis qu’on se battait encore du parterre au poulailler, des hommes tombant des seco
476 ion. Le Cabinet n’a pas tardé à démissionner pour se reformer deux jours plus tard avec les mêmes sauf lui : il a compris.
477 la préparation du Congrès de l’Europe (qui allait se tenir à La Haye dès le 8 mai), comme on cherchait à qui offrir la pré
478 j’étais le rapporteur, je suggérai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit se soit opéré à ce moment-là une complexe sy
479 uggérai Madariaga. Il se peut que dans mon esprit se soit opéré à ce moment-là une complexe synthèse instantanée des souve
480 t l’occasion pour notre ami de voler au temps qui se dérobait (ou si l’on veut : de dérober au vol du temps) quelques page
481 une signature au bas d’un manifeste, Don Salvador se vit contraint de créer ce temps qui lui manquait pour présider congrè
482 a culture et le Collège d’Europe à Bruges), on ne s’ ennuie pas, parce que le président nous donne l’impression qu’il s’amu
483 ce que le président nous donne l’impression qu’il s’ amuse. Il y a là, d’ordinaire, Étienne Gilson, Julien Cain, Kenneth Li
484 s, leurs mains, mais jamais avec leur cerveau. Et s’ ils ont une tête, eh bien, c’est pour porter un chapeau ! » Bien peu d
485 s ont donné à la cause de l’Europe, cause commune s’ il en fût, un temps qui du même coup devait manquer à ce qu’on nomme l
486 ou que l’Inde est l’Espagne de l’Asie. C’était à se demander si l’on pouvait encore distinguer un Maharati ou un Gujerati
487 ne glorieuse Révolution, mais aurait-on l’idée de se vanter d’avoir ‟fait” une superbe pneumonie ? » Cette boutade va loin
488 coper le pathétique et l’espièglerie polémique ne se laissaient pas oublier, mais ce qui désormais donnait autorité à la p
16 1967, Articles divers (1963-1969). Au-delà des nations (1967)
489 ouvement paneuropéen, le comte Coudenhove-Kalergi se plaçait sous l’égide et dans la tradition des Sully, Comenius, Saint-
490 ire, les gouvernements de l’Europe sont requis de se prononcer publiquement sur une proposition d’union. La montée de Hitl
491 ens total et absolu. C’est dans la Résistance que se constitueront les nombreux groupes de fédéralistes européens qui dès
492 déralistes européens qui dès la guerre finie vont se réunir avec des politiciens et des économistes de tendances plus modé
493 ins. Dès 1951, avec le traité instituant la CECA, s’ ouvre l’ère des réalisations. En dépit de succès économiques certains,
494 e fédération européenne digne du nom, que va-t-il se passer ? Des mesures propres à « favoriser » (faute de vouloir la cré
495 créer) une « union plus étroite » (que quoi ? on se le demande) entre États-nations souverains, feront l’objet de « relan
496 de grands buts qu’il faut prophétiser, sinon tout s’ affaisse en routines, en répétitions du passé. La jeunesse se demande
497 en routines, en répétitions du passé. La jeunesse se demande pourquoi l’Europe n’est pas encore unie, depuis vingt ans que
498 ite ont pris le problème à l’envers : soucieux de s’ appuyer sur le réel, ils ont voulu partir des États-nations tels que l
499 videmment, « qu’elles ne sont pas encore prêtes à s’ unir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États
500 souverains les nations ne seront jamais prêtes à s’ unir ! Il appartient à leur être même d’État, à leur définition même d
501 ême de nations souveraines de refuser l’union, de se vouloir chacune unique, absolue et totale en soi-même. L’union, pour
502 e concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absor
503 re plan que celui-là, précisément, où le problème se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir
504 ment, où le problème se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de no
505 Il n’est rien dont les sociologues d’aujourd’hui s’ occupent avec plus de passion en Europe. C’est qu’en effet il s’agit l
506 c plus de passion en Europe. C’est qu’en effet il s’ agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement pre
507 de notre siècle, comme un visage dont les traits se composent et s’illuminent peu à peu sur le fond chaotique de la socié
508 , comme un visage dont les traits se composent et s’ illuminent peu à peu sur le fond chaotique de la société que le xixe
509 otique de la société que le xixe siècle a laissé se faire au petit bonheur, la société stato-nationaliste et industrielle
510 ent quadrillée par l’administration et la police, se détachent maintenant les régions, réalités absolument modernes. Ce ne
511 es années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’une « métro
512 d’intense production industrielle, où sont venues s’ implanter les plus importantes usines atomiques françaises. Parmi les
513 vois complémentaires. Car au fur et à mesure que se dévalorisent les frontières de nos États-nations, les régions vont se
514 frontières de nos États-nations, les régions vont se mettre à vivre et respirer de plus en plus librement. Les États-natio
515 e l’État-nation, les régions vont très rapidement se dessiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et
516 on, les régions vont très rapidement se dessiner, s’ organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, plei
517 vont très rapidement se dessiner, s’organiser et s’ affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité
518 t fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, selon les réalit
519 spérer. Au cours de ces dernières années, on a vu se multiplier les recherches scientifiques, les articles de journaux, le
520 is le début de l’année sur la région ; le dernier s’ intitule tranquillement La Révolution régionaliste 19 et il figure dan
521 ration, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien plus vite de nos jours qu’à l’aube grecque de notre histoi
522 e que la polis — avec ses autorités collégiales — s’ opposa durant des siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse —
523 re civilisation européenne — de même la région va s’ opposer aux empires centralistes et monopolisateurs qui prétendent auj
524 tes et monopolisateurs qui prétendent aujourd’hui se partager le monde. Chacun de nos États-nations (qu’on appelait naguèr
525 tions (qu’on appelait naguère des « Puissances ») se rêve ou s’est rêvé un jour Empire. Certains le sont parfois devenus p
526 n appelait naguère des « Puissances ») se rêve ou s’ est rêvé un jour Empire. Certains le sont parfois devenus pour le dur
527 oute espèce d’hégémonie, ou impérialisme quand il s’ agit d’unir l’Europe, mais plus encore à nous méfier de la formule nat
528 ès la fin du siècle dernier, Ernest Renan pouvait s’ écrier dans un discours célèbre, à la Sorbonne20 : Les nations ne son
529 parties de leur territoire, trop sclérosées pour s’ adapter aux structures dynamiques de la société scientifico-technique,
530 es mesures nécessaires d’union. Pourtant l’Europe se fait par mille réseaux d’ententes et de fusions industrielles, d’asso
531 n dépit des nations. Presque tout ce qui coopère, se fédère ou s’unit en Europe, qu’il s’agisse de savants, de festivals d
532 ations. Presque tout ce qui coopère, se fédère ou s’ unit en Europe, qu’il s’agisse de savants, de festivals de musique, d’
533 qui coopère, se fédère ou s’unit en Europe, qu’il s’ agisse de savants, de festivals de musique, d’Églises, de firmes, de s
534 ses, de firmes, de syndicats, de sports, coopère, se fédère ou s’unit en dehors des initiatives de l’État, par-dessus, par
535 s, de syndicats, de sports, coopère, se fédère ou s’ unit en dehors des initiatives de l’État, par-dessus, par-dessous et à
536 rrésistiblement, les vieux cadres stato-nationaux se vident, cependant que des centres de décision régionaux se nouent, se
537 , cependant que des centres de décision régionaux se nouent, se constituent, acquièrent quelque force. Lorsque ces centres
538 que des centres de décision régionaux se nouent, se constituent, acquièrent quelque force. Lorsque ces centres régionaux
539 faite et du même coup, la fédération de l’Europe se révélera immédiatement possible. Il se peut que cette évolution exige
540 e l’Europe se révélera immédiatement possible. Il se peut que cette évolution exige bien plus de temps que les pionniers d
541 ne peuvent encore l’imaginer les politiciens qui se croient réalistes — parce qu’ils sont en retard d’une génération sur
17 1967, Articles divers (1963-1969). Le civisme européen : notes pour un « Petit Livre rouge » (été 1967)
542 raditions civiques, et le besoin d’en changer. Il s’ agit donc pour nous, ici et maintenant, d’éveiller chez les jeunes de
543 sir d’habiter demain une grande Cité européenne : s’ ils la veulent, ils la bâtiront. Ni spontanée, ni fatale L’union
544 Ni spontanée, ni fatale L’union de l’Europe ne se fera pas toute seule par un processus mécanique, ou parce qu’elle se
545 fait pas le contraire. L’éducation du citoyen qui se pratique dans les écoles de nos pays est, aux dires de ses responsabl
546 ans presque tous nos pays, l’enseignement civique se borne à décrire les institutions politiques prévues par la constituti
547 on ne dit rien des problèmes vivants et réels qui se posent à la cité et à l’État, et que le citoyen devra trancher quand
548 pas au regard des problèmes réels — ceux qu’il ne s’ agit pas de réciter par cœur mais de comprendre intimement. Il faut c
549 ficiels, de vœux pieux et jumelés. Ces problèmes se révèlent au contraire dans leurs vraies dimensions et leur urgence —
550 es programmes sont déjà trop chargés. L’ennui qui s’ attache à l’instruction civique nationale contaminerait très vite sa v
551 ayer de substituer l’une à l’autre : car l’Europe se fera au-delà des nations mais pas contre elles, ni sans elles. (La Su
552 mais pas contre elles, ni sans elles. (La Suisse s’ est faite au-delà de ses cantons, mais pour sauver ce qu’on pouvait de
553 omie, précisément : sans l’union, cette autonomie s’ évanouissait dans l’une ou l’autre des nations voisines.) Sensibili
554 à la faveur d’exemples qui ne peuvent manquer de se présenter dans chaque leçon d’histoire, de géographie et d’économie,
555 t de leur formation. L’avenir de l’Europe unie va se jouer dans les écoles normales. En attendant que celles-ci prennent c
556 e nos pays, les bases mêmes de l’union européenne se déroberont sous les pas des hommes politiques et des économistes. Car
557 ’Europe », il faut « faire de l’Europe ». Et cela se passera d’abord dans les esprits : sans « révolution culturelle » pré
558 donc nous débarrasser ? » « Si la masse du peuple se lève tout entière pour enlever avec nous ces montagnes, comment ne po
18 1968, Articles divers (1963-1969). L’Exode des cerveaux [débat] (1968)
559 s valeurs qu’on est en train d’instaurer. M. Mach se plaignait qu’on n’accorde pas un respect suffisant aux chercheurs sci
560 ime de circulation, son métabolisme. Les échanges se composent d’importations et d’exportations, entre lesquels on cherche
561 1250 à 1260, je ne me rappelle plus exactement — s’ appelaient Thomas d’Aquin, qui était napolitain, Bonaventure, qui vena
562 on des cerveaux en Suisse ? Comment notre culture s’ est-elle faite ? D’abord par la conquête romaine, qui nous a apporté u
563 imensions, les moyens des communautés qui peuvent s’ en occuper. Autrement dit, du point de vue fédéraliste, on se demander
564 r. Autrement dit, du point de vue fédéraliste, on se demandera à partir de quelle dimension une communauté a le droit de s
565 de quelle dimension une communauté a le droit de se plaindre d’un exode de ses fils qui vont exercer leur activité ailleu
566 ent acheter tout le corps professoral, comme cela se faisait en Italie pendant le Moyen Âge où une ville achetait toute l’
567 ités » : ils étaient punis de mort — alors là, il s’ agira bel et bien d’un « exode des cerveaux ». Je reviens à deux des e
568 aire d’un petit village de l’Oberland bernois qui s’ appelle Sigriswil. Si Blaise Cendrars n’était pas parti à 17 ans pour
569 parti à 17 ans pour le vaste monde, qu’est-ce qui se serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’
570 serait passé ? Croyez-vous que La Chaux-de-Fonds se serait plainte d’avoir perdu un cerveau ? Pas du tout ! Il serait res
571 nous n’en aurions rien su ; il aurait continué à s’ appeler Fritz Sauser. Mais il est parti dans le vaste monde qui en a f
572 nous avons su qu’il y avait un grand écrivain qui s’ appelait Blaise Cendrars que nous avons découvert qu’il était suisse !
573 0 mètres de long : qu’eût-il fait, ce malheureux, s’ il était resté en Suisse ? Il n’aurait pas trouvé assez de place pour
574 smes de l’ONU, on ne peut pas dire non plus qu’il s’ agit là d’une perte, d’un exode. Simplement, la Suisse prend sa part d
575 des éléments d’unité. Ce sont là des notions qui se recouvrent. Avant de passer à la discussion générale, je voudrais pos
576 t barrage qui consisterait à empêcher les gens de s’ en aller, ou bien qui consisterait à les racheter un peu plus cher que
577 des pôles d’attraction à l’endroit d’où les gens s’ en vont. Donc, pas par des barrages, pas d’une manière restrictive, né
578 pôles d’attraction ? On y fait allusion déjà. Il s’ agit de concentrer les ressources intellectuelles sur certains points.
579 chées sur tout le territoire de la Confédération. S’ il ne s’agit pas purement de choses financières, il ne s’agit pas non
580 r tout le territoire de la Confédération. S’il ne s’ agit pas purement de choses financières, il ne s’agit pas non plus de
581 s’agit pas purement de choses financières, il ne s’ agit pas non plus de questions d’emploi, ou pas uniquement. Il s’agit
582 plus de questions d’emploi, ou pas uniquement. Il s’ agit de créer un climat intellectuel. Je ne vais pas vous en donner la
583 decin, ou un dentiste, soit retenu à Genève, même s’ il y est moins payé qu’ailleurs, parce qu’il n’est pas uniquement phys
584 nt physicien, il n’est pas uniquement médecin, et s’ il trouve un bon orchestre, un bon quatuor qui joue de la musique mode
585 la plus éveillée, la plus curieuse du public. On se base souvent, à la radio et à la télévision, sur des enquêtes rapides
586 . Elle doit être aussi cela ; bien entendu, il ne s’ agit pas de la transformer de fond en comble du jour au lendemain, mai
587 e juxtaposées, sans lien organique et sans rien à se dire entre elles. Il faudrait que l’Université devienne ou redevienne
588 le, c’était la méthode introduite par Abélard qui s’ appelait le « sic et non », le oui et le non. La discussion dans les g
589 pes d’étudiants et de professeurs — un tel groupe s’ appelait un « studium » — la discussion, souvent violente, à laquelle
590 ssentiellement une discussion libre et ouverte où s’ opposaient le pour et le contre, systématiquement, sur tous les sujets
591 t merveilleux ! Jamais depuis le Moyen Âge, on ne s’ était autant occupé des universités que depuis qu’on a découvert qu’il
592 aboutisse vite, mais surtout je souhaite qu’on ne s’ en tienne pas là. Car l’Université, à mon sens, a été, doit redevenir
593 iérarchie de ses options. Une contestation qui ne se fasse pas — ce sera mon dernier mot — en dehors de l’Université et co
594 nt les Américains. Eh bien, j’estime que l’Europe se doit d’apporter quelque chose de plus. Ce plus, c’est ce que j’appell
595 e des situations pour savoir quand il y a lieu de se plaindre d’un exode, quand — je me répète — les échanges qui sont nor
596 éfavorable. Cette méthode peut être discutée ; il s’ agit surtout de l’appliquer, mais je refuse absolument de prendre une
19 1968, Articles divers (1963-1969). De l’État-nation aux régions fédérées (1968)
597 it la création de quelque chose qui, disait-il, «  s’ appellerait — peut-être — les États-Unis d’Europe » et il s’écriait :
598 ait — peut-être — les États-Unis d’Europe » et il s’ écriait : « Je dois vous donner un avertissement. Le temps presse. Si
599 vait suffire à la créer… Au lieu d’une Europe qui se fait, nous entendons aujourd’hui des déclarations inquiétantes, comme
600 nte de notre temps.26 Mais qui ne voit que ceci s’ oppose à cela, dramatiquement, — que cette « réalité fondamentale du s
601 qu’exalte le ministre d’État du général de Gaulle s’ y opposent encore irréductiblement, de tout leur être de nations « sou
602 vu, mais bien le siècle des nations, est-ce qu’on s’ en félicite, ou bien est-ce qu’on dit cela comme on dirait de telle an
603 re temps est encore la nation, autre chose est de s’ en féliciter, d’affirmer qu’on ne peut rien y changer, que c’est là-de
604 nt passé par l’école et croient savoir l’histoire s’ imaginent qu’il y a toujours eu des États, que les nations sont immort
605 sent qu’après tout cela, au cœur du Moyen Âge, et se forment aux dépens de l’Empire et de la papauté, voire même contre ce
606 de moyenne grandeur centré sur l’Île-de-France ne se reconnaît plus de supérieur au monde, traite donc l’Empire de haut en
607 te donc l’Empire de haut en bas (faute d’avoir pu se faire élire empereur !), fait gifler le pape, puis confisque la papau
608 ie, de l’Europe de l’Est et du Nord, qui dès lors se déclarent eux aussi « souverains absolus », superiorem in terris non
609 , tu es devenu un monstre aux multiples têtes ! » s’ écrie Dante dans son traité de La Monarchie, appel désespéré, et qui r
610 amné et bafoué. Les cinq siècles suivants verront se renforcer et se sacraliser de plus en plus l’idée fatale de la souver
611 Les cinq siècles suivants verront se renforcer et se sacraliser de plus en plus l’idée fatale de la souveraineté absolue —
612 st à peine supportable quand un prince l’incarne, s’ il n’est pas un génie ou un saint, mais qui devient proprement révolta
613 massivement meurtrière — quand c’est un parti qui s’ en empare au nom du peuple, comme ce fut le cas des jacobins et des « 
614 re unique de décision, par le moyen de bureaux où se concentrent tous les pouvoirs administratifs, civils et militaires, f
615 te de la patrie étatisée, seul Absolu auquel tout s’ ordonne, et au nom duquel les maîtres de l’État peuvent mettre à mort
616 s, Dieu merci. L’État-nation centralisé et unifié s’ arroge ainsi tous les pouvoirs des grands empires traditionnels jusqu’
617 linguistique, ni le caractère d’universalité. Il se rêve et se veut fermé, complet, suffisant en lui-même tant pour sa cu
618 ue, ni le caractère d’universalité. Il se rêve et se veut fermé, complet, suffisant en lui-même tant pour sa culture que p
619 s de ceux des autres27. C’est donc une partie qui se veut aussi grande que le tout. L’État-nation moderne, unitaire et abs
620 monde des grands (titre de la série dans laquelle s’ inscrit ma conférence), c’est en vérité le problème de tous les États
621 démission de la CECA.) Ils sont trop petits pour se défendre seuls, même avec l’aide d’une petite ou moyenne force de fra
622 ils sont trop petits, les États-nations devraient se fédérer à l’échelle continentale ; et parce qu’ils sont trop grands,
623 ; et parce qu’ils sont trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intérieur. Facile à formuler, mais presque impossible
624 ilemme aussi simple qu’inexorable : — ou bien ils se contentent de proclamer leur volonté farouche d’indépendance et leur
625 , quelque chose de constitutif qui les retient de s’ unir. Et nous voyons mieux ce que c’est, maintenant que nous avons déf
626 e indépendance de moins en moins croyable, et qui se borne en fait à la liberté (souvent illusoire) de choisir les dépenda
627 e concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent trop faible soit pour subsister seul, soit pour dominer et absor
628 re plan que celui-là, précisément, où le problème se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir
629 ment, où le problème se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de no
630 on.31 Il n’est rien dont les jeunes sociologues s’ occupent avec plus de passion en Europe. C’est qu’en effet, il s’agit
631 plus de passion en Europe. C’est qu’en effet, il s’ agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement pre
632 de notre siècle, comme un visage dont les traits se composent et s’illuminent peu à peu sur le fond chaotique de la socié
633 , comme un visage dont les traits se composent et s’ illuminent peu à peu sur le fond chaotique de la société que le xixe
634 otique de la société que le xixe siècle a laissé se faire au petit bonheur, la société stato-nationaliste et industrielle
635 ent quadrillée par l’administration et la police, se détachent maintenant les régions, réalités absolument modernes. Ce ne
636 la combinaison de forces les plus diverses, qu’il s’ agit de capter et d’harmoniser, dont les principales sont : l’explosio
637 es années, je fus invité à un colloque qui allait se tenir à Aix-en-Provence sur le thème suivant : création d’une « métro
638 d’intense production industrielle, où sont venues s’ implanter les plus importantes usines atomiques françaises. Parmi les
639 vois complémentaires. Car au fur et à mesure que se dévalorisent les frontières de nos États-nations, les régions vont se
640 frontières de nos États-nations, les régions vont se mettre à vivre et respirer de plus en plus librement. Les États-natio
641 tés économiques, les régions vont très rapidement se dessiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et
642 es, les régions vont très rapidement se dessiner, s’ organiser et s’affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, plei
643 vont très rapidement se dessiner, s’organiser et s’ affirmer. Et comme elles seront jeunes et souples, pleines de vitalité
644 t fréquentes que possible. Elles seront amenées à se grouper selon leurs affinités, selon leur voisinage, selon les réalit
645 spérer. Au cours de ces dernières années, on a vu se multiplier les recherches scientifiques, les articles de journaux, le
646 ique et de renouvellement des conceptions de base se développe un véritable mouvement de revendications politiques. Les ca
647 problème de la régionalisation du territoire. On s’ est aperçu que ce sous-développement provenait directement de la struc
648 l’exploitation des régions par l’État central. On s’ est intéressé très spécialement aux régions périphériques, les plus né
649 ole de près d’un million d’habitants d’une région s’ étendant sur la France et la Belgique, et au surplus liée au sud de l’
650 ez maintenant que dans ces métropoles, peu à peu, se forment ces centres de décision régionaux dont tout le monde parle, e
651 faite, et du même coup la fédération de l’Europe se révélera immédiatement possible. Il se peut que cette évolution exige
652 e l’Europe se révélera immédiatement possible. Il se peut que cette évolution exige bien plus de temps que les pionniers d
653 ration, vingt à trente ans, en admettant que tout se passe bien plus vite de nos jours qu’à l’aube grecque de notre Histoi
654 et son régime de participation civique intense — s’ opposa durant des siècles à la monarchie autoritaire et belliqueuse —
655 re civilisation européenne — de même la région va s’ opposer aux faux comme aux vrais empires centralistes et monopolisateu
656 tes et monopolisateurs qui prétendent aujourd’hui se partager le monde. Nous n’en sommes encore qu’à la petite aube de la
657 n sûr, dès la fin du siècle dernier, Ernest Renan s’ était écrié dans un discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne s
658 ment des États-nations par la fédération, cela ne se fera point par le jeu spontané du fameux « mouvement de l’Histoire ».
659 e ». Il faudra que la succession, le remplacement s’ opèrent dans les esprits d’abord, par la révolution la plus difficile
660 gories de pensée non seulement invétérées jusqu’à se confondre avec une sorte d’instinct, non seulement chargées d’histoir
661 ette religion civique dont je vous disais qu’elle s’ était substituée à la foi chrétienne dans l’esprit des masses. Je voud
662 ent liées, gravitant autour de centres urbains où se localisent d’importantes fonctions économiques, en particulier les fo
663 xagère leur taille, les régions tendent ou bien à se confondre avec les unités nationales ou bien à perdre leur significat
664 itoriale considérée, de sorte que celle-ci tend à se confondre avec la simple unité locale. Mais entre ces limites supérie
665 et sur des chiffres absolus de la population, on se préoccupe de fonctions, de potentiels et de densités. Tout se passe c
666 de fonctions, de potentiels et de densités. Tout se passe comme si l’évolution moderne venait subitement de nous faire so
667 aussi un symbole de durée. La région au contraire se définit par des dynamismes combinés, par leurs résultantes variables,
668 l. Pour la première fois dans l’histoire, la cité se détache du territoire, elle « décolle » ; une unité politique se défi
669 erritoire, elle « décolle » ; une unité politique se définit non plus en termes de limites, mais en termes de rayonnement,
670 ses de l’indépendance absolue mais illusoire dont se vantaient les États-nations. Enfin, il est une grande notion que les
671 son action seront garanties par la possibilité de se rattacher et de donner son allégeance à des ensembles différents par
672 péter qu’elle y perdrait sa souveraineté, qu’elle s’ y perdrait. Et si je parle d’une fédération basée sur les régions, on
673 toujours voulu défendre, et à raison. Tout ce qui s’ est fait de grand dans notre monde, s’est fait par les petits ; de sub
674 Tout ce qui s’est fait de grand dans notre monde, s’ est fait par les petits ; de sublime, par les infimes ; et de divin pa
675 ions, à la différence des États, sont faites pour s’ unir et pour coopérer, comme l’ont fait nos cantons, quand ils ont vu
676 curés par cette fédération dont les États-nations se révèlent incapables. Acceptons donc l’hypothèse de travail régionalis
677 s économiques et sociaux avec les pays voisins, à s’ intégrer dans des régions polynationales, ce ne serait pas encore « la
678 upprimait ses frontières avec la Savoie et l’Ain, s’ intégrait au complexe nommé Rhône-Alpes, qui est sa région naturelle,
679 les Suisses de toutes les régions de continuer à se rattacher politiquement à l’idéal fédéraliste — s’ils y tiennent vrai
680 e rattacher politiquement à l’idéal fédéraliste — s’ ils y tiennent vraiment — et de maintenir leur association. Nous somme
681 de coopération. Aujourd’hui, le fédéralisme doit se détacher, comme j’ai tenté de vous le montrer, des États, des territo
682 Suisses peuvent donner de meilleur à l’Europe qui se fait : non pas seulement une grande idée qui est capable d’ouvrir les
683 J. Servan-Schreiber, Paris, 1967. 29. « Quand il s’ agit de nations comme celles de la vieille Europe […] qui pourrait adm
20 1968, Articles divers (1963-1969). Vingt ans après La Haye : où en est l’Europe ? (mai 1968)
684 st l’Europe ? (mai 1968)y 1. Il y a vingt ans, se tenait à La Haye le « Congrès de l’Europe ». Quel est le souvenir le
685 é de coordination des six mouvements participants se prolongeaient jusque fort avant dans la nuit (4 h 30 du matin le 6 ma
686 du matin le 6 mai, par exemple). Quand Churchill se rassit après son discours inaugural, toute la salle se leva pour une
687 ssit après son discours inaugural, toute la salle se leva pour une longue ovation, mais je me revois sur une photo prise à
688 ne prendrais en charge la section culturelle que s’ il était bien entendu qu’il lui reviendrait de dire le sens de toute l
689 ing organisé par un de nos groupes affiliés devra se terminer par une collecte de signatures (et peut-être de quelques sou
690 e. Or, le 11 mai, en fin d’après-midi, tandis que se terminait dans la Ridderzaal la séance plénière sur l’économie, qui d
691 s finales. Au cours de l’explication orageuse qui s’ ensuivit, Sandys et Churchill Jr invoquèrent l’unanimité nécessaire et
692 doute anglais, dont ils affirmaient savoir qu’ils s’ opposeraient à mon Message à cause de la phrase sur la défense. Par
693 phrase aussi voyante, et qui d’ailleurs semblait s’ être volatilisé au secrétariat de la presse38. C’est à ce moment préci
694 uvent encore soit refuser les mesures d’union qui s’ imposent, soit abaisser les barrières douanières et supprimer les chic
695 œuvre, etc. Mais ils ne peuvent rien de plus. (Il se cachent aujourd’hui derrière les refus gaulliens. Demain, ils trouver
696 s passive de quelque chose qui ne peut manquer de se produire du fait des autres, ou de la providence, ou du « mouvement d
697 , je l’éprouve aujourd’hui plus vive que jamais ; s’ il est vrai qu’on ne peut bâtir sur de l’ancien (les États-nations), m
698 re chose que sur les cadres durs mais en train de se vider des États-nations, cela signifie dorénavant et concrètement, bâ
21 1969, Articles divers (1963-1969). De l’Aar à l’Europe (1969)
699 re, sont nées de la considération d’un fleuve. Il s’ agissait sans nul doute du Méandre, puisque cet ancêtre éponyme de tou
700 t ancêtre éponyme de tous les cours d’eau sinueux s’ incurvait près d’Éphèse, vers Priène et Milet, où il trouvait son embo
701 contemplation de ce qui coule, résiste, brûle ou s’ évapore, c’est-à-dire des quatre éléments de la nature primordiale, sa
702 uves, autres et toujours autres sont les eaux qui s’ écoulent, et les âmes à partir des liquides s’en vont en vapeurs… La m
703 qui s’écoulent, et les âmes à partir des liquides s’ en vont en vapeurs… La mort pour les âmes est de devenir eau, pour l’e
704 ne sommes pas dans les mêmes fleuves… On ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve. II Il est permis de lir
705 ité, et la loi unique qui règle ce mouvement. Et s’ illustrent ici les deux sens et la profonde ambiguïté du mot durée : i
706 e est la terre des sources. Cinq bassins fluviaux s’ originent au massif du Gothard, château d’eau de l’Europe. Par eux la
707 ’Aar. Et puis, quand la rivière une première fois s’ émancipe de Leurs Excellences, voilà Soleure et sa noblesse aux noms f
708 mais bien, et au contraire, ce qui est différent, s’ affirme singulier et manifeste une vocation incomparable. Il n’y a pas
22 1969, Articles divers (1963-1969). À la fontaine Castalie (1969)
709 que l’on y prête de sensibilité. Pas question de s’ y préparer ni de rien combiner à l’avance : la découverte de l’itinéra
710 n lacets vers un col dénudé. Des pans de montagne s’ élèvent, cachant les hauteurs du Parnasse. Le paysage s’assombrit, s’a
711 ent, cachant les hauteurs du Parnasse. Le paysage s’ assombrit, s’agrandit en même temps devant nous, et ce changement de d
712 les hauteurs du Parnasse. Le paysage s’assombrit, s’ agrandit en même temps devant nous, et ce changement de dimensions s’é
713 temps devant nous, et ce changement de dimensions s’ éprouve comme l’approche d’un vertige, mais au bord de l’espace intéri
714 i dominent et referment le cirque, là où la route s’ infléchit vers la droite, longe la base d’une haute falaise puis la co
715 un n’est plus là. Puis ils sont trois qui virent, s’ évanouissent dans la lumière et reparaissent, tombent sur quelque proi
716 ide ; et la dernière comme une porte noire semble s’ ouvrir vers l’intérieur du rocher. Au bas de la paroi court une sorte
717 t derrière une cloison de dalles verticales, puis s’ enfonce dans le flanc du rocher. Pieds nus dans l’eau lustrale et remo
718 , et non devant… Une autre résistance obscurément s’ oppose à l’idée même d’une « prise de vue ». Quelque sourd interdit rè
719 elque sourd interdit règne ici. Quelque chose ici s’ est passé et peut-être se passe encore — mais toujours vient d’être ac
720 e ici. Quelque chose ici s’est passé et peut-être se passe encore — mais toujours vient d’être accompli. Il en reste un si
721 la fontaine, où je suis, où l’oracle était, Œdipe s’ est tenu devant lui, attendant la parole de son destin, et l’ombre du
722 ontaine Castalie, c’est le combat fondamental qui s’ est livré. Le drame originel s’accomplit, à jamais suspendu dans l’ins
723 at fondamental qui s’est livré. Le drame originel s’ accomplit, à jamais suspendu dans l’instant de stupeur qui vient après
724 cortège, conduites par un pope noir, sont venues se désaltérer au grand bassin. Le prêtre a béni l’eau païenne. Elles son
725 l mais à tel point que parfois une arrière-pensée se meut dans l’ombre : est-ce bien ainsi ? n’est-ce que cela ? n’y a-t-i
726 plateaux du Jura familier de mon enfance… Delphes s’ est tue. Le sombre esprit ne parle plus qu’au silence monumental de la
727 astalie. (Plus tard, j’ai repris Hölderlin : Il s’ est tu, sol de Delphes, ton Dieu !… Mais là-haut la lumière encore a
728 souffles du ciel de descendre Dans un cœur qui s’ émeut et connaît leur présence…) ⁂ Nous avons déjeuné sur une terrass
23 1969, Articles divers (1963-1969). Pour une définition nouvelle du fédéralisme (1969)
729 alistes, qu’on voit partout en plein essor, qu’il s’ agisse de nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pacte
730 és et autonomies : ces deux mouvements contraires se prononcent en même temps, résultent en partie des mêmes causes, et en
731 er un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, de se nourrir seul, au spirituel comme au physique. Et en même temps, presq
732 et dans la mesure même où ils sont centralisés — se révèlent trop grands pour animer la vie économique, culturelle et sur
733 e et surtout civique de leurs régions : celles-ci se sentent exploitées par l’État, ses bureaux ou sa capitale et les accu
734 ueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’ ils acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’un
735 andises de qualités au moins diverses selon qu’il s’ agit par exemple de l’empire soviétique, du Nigéria, ou de la Confédér
736 opprimées par l’État central dont un parti unique s’ est emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées q
737 , c’est au contraire une des régions fédérées qui s’ érige en État unitaire ; en Suisse, c’est le régime fédératif lui-même
738 en Suisse, c’est le régime fédératif lui-même qui se voit invoqué (non sans paradoxe d’ailleurs), pour refuser de se laiss
739 é (non sans paradoxe d’ailleurs), pour refuser de se laisser entraîner par des mouvements de convergence européenne et mon
740 ments de convergence européenne et mondiale, même s’ ils disent s’inspirer du propre exemple de la fédération des cantons s
741 ergence européenne et mondiale, même s’ils disent s’ inspirer du propre exemple de la fédération des cantons suisses ! Il e
742 age délibéré aux limites d’un État fédéral. Il ne s’ agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme !
743 s. » Pour le Français cultivé et qui a coutume de se reporter à son Littré quand il veut savoir ce qu’un mot signifie, la
744 oir ce qu’un mot signifie, la cause est jugée. Il s’ agit d’un système qui est bon pour les sauvages et qui semble n’avoir
745 terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on adoptait ma proposition.
746 Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut. » Plus éto
747 nous sommes fédéralistes » ! Pareils malentendus, s’ ils sont le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des
748 son cas, lui soit pour ainsi dire congénital. Or s’ il est vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce si
749 ’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle et s’ il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on
750 problème fédéraliste une situation dans laquelle s’ affrontent deux réalités humaines antinomiques, mais également valable
751 rie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’ agit de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima contr
752 n, qu’il s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima contradictoires, — comme l’offre et la demande
753 de la permanence et du changement. Parallèlement se constituaient les premières définitions de l’homme comme individu dis
754 nt que sur l’anarchie des individus isolés, qu’il s’ agisse de réalités métaphysiques ou physiques, esthétiques ou politiqu
755 ou physiques, esthétiques ou politiques. « Ce qui s’ oppose coopère et de la lutte des contraires procède la plus belle har
756 ine, plusieurs centaines d’évêques et de docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la nature à la fois triple et u
757 a sauvegardé les propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans une seule personne… » Abstraction faite de la foi qu
758 nt l’exercice le relie à la communauté, cet homme se constitue dans la dialectique des contraires. Et ce caractère va se t
759 la dialectique des contraires. Et ce caractère va se transmettre à tous les groupes qu’il formera avec d’autres hommes, se
760 ont produit une situation de crise dont l’acuité se mesure notamment par le chiffre élevé des suicides. L’homme des ensem
761 hez soi, et qui voudrait être enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’a
762 de communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ ils n’étaient pas là. La solution consisterait à recréer les condition
763 a cohésion d’un ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches communes (telles que la défense, les affaires étran
764 s cette dialectique concrète que sont en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine de régions à mét
765 des États-nations constitués au xixe siècle. On s’ aperçoit alors que le fédéralisme politique (intra ou interétatique),
766 nt des formules transitoires qui sont destinées à se défaire assez rapidement si elles ne passent pas à la fédération et q
767 ération et qu’en général les pays qui aujourd’hui s’ appellent confédération sont des fédérations qui, pour certaines raiso
768 isme. Je retournerai la proposition et dirai que, s’ il y a un sens civique en Suisse, c’est dû précisément au système fédé
769 nsions des unités dans lesquelles un citoyen peut se manifester. Si les dimensions sont celles d’un peuple de 50 millions,
770 elles d’un peuple de 50 millions, qu’est-ce qu’il se produit ? On vote, de temps en temps, sur de grandes options générale
771 isse, on me pose souvent la question. Il faudrait s’ entendre sur ce qu’on appelle région. Je ne m’étendrai pas sur cette q
772 on a, en parlant de régions, viennent de ce qu’on s’ imagine une région comme un petit État-nation. C’est autre chose. On p
773 evoir des régions comme celle qui est en train de s’ organiser autour de Bâle, la Regio Basiliensis, qui chevauche trois pa
774 e unité essentiellement économique. Si une région se constitue vraiment et solidement, comme le veulent ses promoteurs, on
775 , bien que l’allemand y soit majoritaire. Il faut s’ orienter vers une vision de l’Europe de demain correspondant aux réali
776 ne seront pas nécessairement les mêmes, elles ne se recouvriront pas toutes comme l’exige la tradition unitaire laquelle
777 ontière tracée à la surface. Ce genre d’absurdité se révèle intenable et nous oblige à chercher autre chose du côté des ré
778 citer un exemple tiré de l’expérience suisse. Il s’ est agi, il y a cinq ou six ans, de décider de la priorité pour la con
779 e en la coupant en deux, par exemple. La question s’ est posée de la priorité à établir dans le tracé de ces routes : il y
780 s — demeurant distincts et reconnaissables — dont se compose la fédération. Il est une symbiose sans confusion ni disparit
24 1969, Articles divers (1963-1969). « La lecture des Nourritures terrestres… » [réponse à un questionnaire sur l’influence d’André Gide] (printemps 1969)
781 ne m’était plus un dieu, et que j’étais jeune. Il s’ efforçait tristement de lire Marx, et trouvait Kierkegaard « trop long
782 maines avec ma femme, rue Vaneau, et nos rapports se sont stabilisés autour de la moyenne barométrique « variable à beau »
783 « actualité » reste intéressante en ceci que Gide se persuadait que l’avenir seul lui ferait « gagner son procès en appel 
25 1969, Articles divers (1963-1969). Un souvenir de Solférino de Henry Dunant [préface] (1969)
784 s et les recettes éprouvées de l’immobilisme, qui s’ est toujours paré du nom de réalisme. Aristide Briand avait coutume de
785 ésultat fut la Croix-Rouge. Ce très curieux récit s’ ouvre sur un rappel de l’ordre de bataille des armées en présence et d
786 le plus grand naturel, semble-t-il. Mais on peut se demander dans quel dessein il consacre à peu près un tiers de son écr
787 n’a pas été le témoin, et qui auraient tous été, s’ il faut l’en croire, de hauts exemples de bravoure ou de cette grandeu
788 leurs maris « glorieusement » blessés ou tués, il se range sans réserve à leurs catégories. C’est le style qu’elles attend
789 ence, ou hurlent. La figure noire de mouches qui s’ attachent à leurs plaies, ceux-ci portent de tous côtés des regards ép
790 un horrible et indéfinissable mélange où les vers se sont mis ; plusieurs frémissent à la pensée d’être rongés par ces ver
791 mesurément de sa mâchoire déchirée et brisée ; il s’ agite et veut se lever, j’arrose d’eau fraîche ses lèvres desséchées e
792 mâchoire déchirée et brisée ; il s’agite et veut se lever, j’arrose d’eau fraîche ses lèvres desséchées et sa langue durc
793 ien difficile au milieu d’un pareil désordre, qui se complique d’une espèce de panique… » Or c’est lui seul (mais rien ne
794 s et dans sa nue réalité : Il arrive que le cœur se brise parfois tout d’un coup, et comme frappé soudain d’une amère et
795 nté par les visions de l’enfer de Castiglione, il se décide à rassembler ses souvenirs, trois ans plus tard, et il se born
796 sembler ses souvenirs, trois ans plus tard, et il se borne à suggérer, dans une note, que si ces pages pouvaient faire na
797 l’empereur. Notre jeune bourgeois suisse, 31 ans, se résignera donc à l’attendre à Castiglione. On sait la suite, mais dan
798 glione. On sait la suite, mais dans son livre, il se borne à écrire cette seule phrase qui est sans doute l’une des plus s
799 emblable, sa dignité en redingote et son désir de se rendre utile. Il cherchait un empereur et il trouve une idée, aurait
800 ècle qui a commencé au soir de Waterloo et qui va se terminer au seuil sanglant de la Première Guerre « mondiale ». Il l’a
801 mais sans nul commentaire même implicite). Dunant se limite, par une tactique que je ne saurais croire toute inconsciente,
802 qu’il ne pouvait pas encore avouer, ni peut-être s’ avouer à lui-même, alors qu’il écrivait le début d’Un Souvenir. Son vr
803 Heiden. La « modestie du but » auquel Dunant veut se limiter est réitérée, mais déjà la possibilité que la guerre ne soit
804 ’en tire d’autres conclusions que la nécessité de s’ en tenir à « quelques conventions diplomatiques spéciales, traitant ch
805 ne peut manquer de sentir ici qu’un doute profond s’ est éveillé en lui quant à la nature finale des relations entre la Cro
806 pour construire une œuvre digne du but.43 Il ne s’ agit plus d’améliorer la peste, mais de dénoncer le mal, d’en dire la
807 éremptoire : — Tu ne tueras point ! Nos nations se proclament chrétiennes ? Non, « titre dérisoire autant que blasphémat
808 ées… Ce qu’on désigne sous le nom de « bravoure » s’ allie très bien quelquefois avec l’absence totale de principes et ress
809 action, n’ayant plus rien à espérer ni à ménager, s’ abandonnerait au zèle amer du censeur des temps nouveaux et aux compen
810 oins telle que nous l’entendons ? Il convient de s’ entendre sur le sens des termes d’utopie et de réalisme. L’utopiste es
811 ise aux fins qu’il allègue, tel celui qui répète ( se croyant réaliste) : si vis pacem para bellum, alors que toute l’histo
812 ent d’avoir dénoncé le mal qui est dans le monde, s’ en prend à ses principes qui sont dans l’homme, et sur lesquels nous p
813 900, que les facteurs principaux de la guerre qui se préparait étaient les mêmes que ceux qui, justement, achevaient de fo
814 es philosophes avaient prédit que les peuples, en se libérant, aboliraient le service militaire dû aux seigneurs. « Les ré
815 énérations l’esprit de bien des peuples. « Si, en s’ unissant, elle se mettait résolument à l’œuvre pour blâmer sévèrement
816 it de bien des peuples. « Si, en s’unissant, elle se mettait résolument à l’œuvre pour blâmer sévèrement la guerre, au lie
817 ique, Asie) pour les asservir, pour les massacrer s’ ils résistent, « toujours en alléguant un prétexte dérisoire, celui de
818 ernière fort peu probable.) Dans les conflits qui se préparent, inévitables désormais, les peuples dits civilisés seront e
819 s inventions, il n’en est pas que le genre humain se soit plus appliqué à perfectionner que celle dont le but est le meurt
820 Sorel, n’a rien pu contre le désastre où devaient s’ abîmer tant de millions de jeunes hommes, tant de richesses et la puis
26 1969, Articles divers (1963-1969). Toujours disponible (1969)
821 interventions nous portèrent en effet, soit qu’il s’ agît de sciences, d’arts ou d’éditions, vers les formes les plus neuve
822 plus neuves et les problèmes les plus urgents qui se manifestaient dans chacun de ces domaines de la culture. En sciences,
823 s activités, le CEC ne pouvait mieux faire que de s’ en remettre à l’expérience et à l’initiative de celui des membres de s
824 Livre, à Lausanne. Ce fut autour de ce noyau que se constitua rapidement la Communauté européenne des guildes et clubs du
825 x des grands éditeurs d’Europe qui, dès le début, s’ étaient montrés les plus intolérants à l’égard de la formule guildienn
27 1969, Articles divers (1963-1969). « Il faut donner aux gens le goût des belles choses » (15 février 1969)
826 rin est vivant à cause de cette place où les gens se voient, se rencontrent. En France, aucun plan d’ensemble n’existe, on
827 ant à cause de cette place où les gens se voient, se rencontrent. En France, aucun plan d’ensemble n’existe, on pare au pl
828 é. C’est un immense problème d’éducation qui doit se traiter au niveau des écoles. Mais des usines nouvelles se créent. Où
829 r au niveau des écoles. Mais des usines nouvelles se créent. Où les construire ? Il faut les édifier loin des villes et lo
830 n grand espoir, c’est la régionalisation, si elle se réalise véritablement. On arrivera, sur des régions plus petites, plu
831 leversement, dans tous les domaines ? Il faudra «  s’ équilibrer dans le chaos ». C’est ma conclusion du Journal d’une époq
832 chasse du château. La porte du cabinet de travail s’ ouvre sur les prés, les bois, une image paisible du pays de Gex que bi
28 1969, Articles divers (1963-1969). Les résistances mentales à l’Europe des régions (avril 1969)
833 s en plus sûr.) Objections tactiques Comme s’ il n’était déjà pas assez difficile de faire l’Europe avec les Six, et
834 ousin, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça ne se tient pas ! La Bretagne n’est pas une entité économique viable. Et qu
835 d’un seul et même territoire sur lequel cet État se déclare souverain. — Cette superposition forcée de réalités radicalem
836 entification du « voir » et du « comprendre » qui s’ en suit. L’homme de la civilisation visuelle, de l’imprimé, de la lect
837 — c’est-à-dire gouvernée par un pouvoir unique et s’ exerçant dans tous les domaines clés : le politique, l’économique, le
838 nations européens. (C’est un peu ce que l’on voit se dessiner — encore un terme visuel ! — avec l’essai de « régionalisati
839 tte année même.) Certaines raisons psychologiques s’ ajoutent d’ailleurs au refus instinctif du saut qualitatif et révoluti
840 totalitaires du xxe siècle qui l’achèvent. Il ne s’ agit donc, pour Proudhon, ni de décentraliser ni de déconcentrer (est-
841 rer, de diviser, de partager. Seulement, Proudhon s’ en tient à un partage ou répartition du pouvoir entre les échelons géo
842 leurs structures propres : les uns et les autres se chevauchent, se recoupent différemment, sont parfois englobés l’un pa
843 s propres : les uns et les autres se chevauchent, se recoupent différemment, sont parfois englobés l’un par l’autre. Il se
844 mment, sont parfois englobés l’un par l’autre. Il se peut que les régions politiques soient définies demain comme les inte
845 ns l’exemple le plus simple. La Regio basiliensis s’ étend sur trois pays : Bâle et son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin
846 habitant cette région économique, de continuer à se rattacher politiquement à l’une des trois nations dont la Regio est l
847 de régions ouvre un autre champ de recherches. Il s’ agirait ici de la réunion de régions libérées de leur État-nation, mai
848 oncé au « totalitarisme » de leurs pouvoirs et ne se seront pas dessaisis, en tant qu’entités politiques, des « droits » é
849 tés politiques, des « droits » économiques qu’ils s’ arrogent en barons pillards ; et tant qu’il n’y aura pas, au niveau co
29 1969, Articles divers (1963-1969). Le mariage est à réinventer (14 avril 1969)
850 sur la jeunesse (voir Elle n° 1215) : les hommes se marient en moyenne à 25 ans la première fois et à 41 ans la deuxième,
851 su réussir du premier coup. Mais faut-il vraiment se marier deux fois ? Denis de Rougemont a accepté de faire pour vous le
852 ouvent accompagnée du désir (conscient ou non) de se libérer de sa famille, cas plus fréquent qu’on ne pense chez les jeun
853 on est sûr de la durée de ses sentiments, plus on s’ entête et plus on se dépêche. À 20 ans, il est classique de se marier
854 ée de ses sentiments, plus on s’entête et plus on se dépêche. À 20 ans, il est classique de se marier en claquant la porte
855 plus on se dépêche. À 20 ans, il est classique de se marier en claquant la porte. Mais la cause d’échec la plus fréquente
856 l’obstacle et qui l’invente au besoin pour mieux s’ exalter. La passion suppose toujours entre le sujet et l’objet — Trist
857 ù est le roi Marc entre le garçon et la fille qui se marient « avec passion » ? Il n’y en a plus, aujourd’hui. Il n’y a pl
858 des deux est marié, il n’a qu’à divorcer et tout s’ arrange. Aussi n’est-ce pas la morale sociale qui détruit la passion,
859 -il entre l’un et l’autre ? C’est qu’autrefois on se mariait pour des raisons : fortune, terres, agrément du caractère et
860 hec sont-elles automatiquement éliminées quand on se remarie ? Pas automatiquement du tout. Quand l’expérience n’a pas été
861 tout. Quand l’expérience n’a pas été comprise, on se remarie trois fois, quatre fois, cinq fois, ce sont les cas désespéré
862 ge « d’attitude ». On est plus conscient et on ne se joue plus la comédie — ni aux parents. On a compris que l’essentiel c
863 a deuxième fois, autant il est mauvais de vouloir se venger de cet échec, de se remarier très vite pour narguer l’ex-conjo
864 est mauvais de vouloir se venger de cet échec, de se remarier très vite pour narguer l’ex-conjoint : « Tu vas voir comme j
865 ères une fois qu’on est remarié ? C’est ici qu’il s’ agit de distinguer ce qui tient aux « acteurs » et ce qui tient à la s
866 ième fois n’a davantage de chances de réussir que s’ il n’y a pas nostalgie de la passion chez l’un ou chez l’autre. Se dir
867 ostalgie de la passion chez l’un ou chez l’autre. Se dire : « La première fois j’ai souffert, cette fois-ci je vais faire
868 i-même que l’on choisit, non pas comme prétexte à s’ exalter ou comme objet de contemplation, mais comme une existence inco
869 de femme », souvent l’image de la mère sans qu’il s’ en doute, ou alors une certaine beauté qui est l’idéal standard de sa
870 sur l’autre d’un idéal qui n’existe pas — et l’on s’ en aperçoit très vite — alors que le vrai amour est agent de personnal
871 açable, l’unique, ce que chaque être peut devenir s’ il y est appelé. C’est son mystère, qui n’a rien de littéraire, de rom
872 e Tristan, et de toute la littérature romanesque, se sont ajoutés tous les tabous sexuels du xixe siècle. L’effet de révé
873 le premier numéro officiel. Ce type d’expérience se répand de plus en plus dans le milieu étudiant. C’est très supérieur
874 leur expérimentale il faut qu’un mariage-maquette se prolonge plusieurs années. Aucun rapport avec les amourettes et liais
875 . « Après tout, je ne suis pas mariée avec lui », se dit-on au premier accrochage sérieux et ça n’incite pas à l’effort, à
876 igue pendant les 20 premiers kilomètres. Le corps s’ était disposé pour le long effort, la longue durée. Il ne se permettai
877 sposé pour le long effort, la longue durée. Il ne se permettait pas de flancher, n’acceptait simplement pas la fatigue et
878 avec enthousiasme : « Comme c’est merveilleux de se marier pour la première fois ! » Voilà qui ne laissait pas prévoir au
879 endront que la passion n’est jamais une raison de se marier mais au contraire une raison de ne pas se marier, et qu’être h
880 se marier mais au contraire une raison de ne pas se marier, et qu’être heureux longtemps avec quelqu’un vaut mieux qu’êtr
881 sionnant » c’est bien mieux qu’intéressant. Il ne s’ agit d’ailleurs pas de condamner la passion. Les troubadours, les roma
882 faut sans cesse comprendre à nouveau, risquer et se risquer, découvrir et inventer. La fidélité n’est pas un luxe, une co
883 voudrait faire. De même le mariage exige que l’on se consacre à l’autre avec continuité ! C’est le contraire du « coup de
884 nsable. La fidélité c’est bien autre chose que de se borner à ne pas tromper sa femme : c’est une œuvre d’art exigeante et
30 1969, Articles divers (1963-1969). Le personnalisme, la contestation, les hippies et… le fédéralisme (27 septembre 1969)
885 urs on ne peut mieux aux vœux de l’assistance. Ne s’ agissait-il pas en effet de « L’invention de l’amour en Occident » ? M
886 n Occident » ? Mais l’œuvre de M. de Rougemont ne se réduit pas à un seul titre : elle ne gravite pas uniquement autour de
887 la fin de la guerre, c’est-à-dire depuis 1946. On s’ étonnera alors moins d’apprendre qu’après avoir reçu, en 1963, le Gran
888 Si à ses nombreux titres on ajoutait celui qu’il s’ apprête à recevoir aux États-Unis, après son séjour au Canada, je veux
889 rois, défini les différents pôles autour desquels se meut la pensée et l’action de M de Rougemont. Le personnalisme «
890 « Mais qui est donc M Denis de Rougemont ? », se demandait-on au lendemain de l’attribution du Grand Prix littéraire d
891 Jacques de Bourbon-Busset m’a dit, un jour, qu’il se considérait comme mon disciple en érotique personnaliste et qu’il exi
892 de vivre ensemble, de coexister en tension, sans se subordonner l’une à l’autre, sans se mélanger, en restant donc parfai
893 ension, sans se subordonner l’une à l’autre, sans se mélanger, en restant donc parfaitement distincte. Il y a donc une res
894 locales et de l’union dans une fédération, où il s’ agit précisément de respecter complètement les droits et de l’autonomi
895 qui sont bonnes l’une et l’autre, il ne faut pas s’ empresser de s’en sortir en supprimant l’une des deux, ou en les mélan
896 s l’une et l’autre, il ne faut pas s’empresser de s’ en sortir en supprimant l’une des deux, ou en les mélangeant, ou encor
897 j’appellerai ma philosophie. Une philosophie qui s’ est lentement élaborée, en réaction surtout contre « cette ignorance s
898 t-il à nous faire remarquer, n’implique pas qu’on s’ inscrive dans un parti ou qu’on accepte la discipline de ce parti. C’e
899 t, nous dit-il une contestation personnaliste qui s’ ignore. Dans ces motivations, on retrouve plusieurs de celles qui fure
900 liste et communautaire, c’était quelque chose qui se posait dans les termes d’aujourd’hui. Nous y avions peut-être un peu
901 j’ai souvent pu déceler dans la contestation qui s’ est développée à Paris, à Berlin, et ailleurs quelque chose que je cro
902 t après on verra bien, moi j’ai déjà vu ce qui va se passer : c’est la police qui arrive. Je ne suis donc pas du tout d’ac
903 tion de la révolution que nous avions en 1932. Il s’ agissait alors de substituer un nouvel ordre à ce que nous appelions l
904 able. Mais je suis malheureusement certain qu’ils se trompent. Et cela il le regrette profondément. Car, pour notre interl
905 acun de nous, discipline absolument sournoise qui se manifeste par la publicité, par la mode, par les feuilles d’impôt. No
906 e leur réaction absolument normale et saine, même s’ ils vont parfois trop loin, même s’il y a trop de drogues à l’appui. C
907 et saine, même s’ils vont parfois trop loin, même s’ il y a trop de drogues à l’appui. C’est une réaction vitale de leur pa
908 is que personne n’ose construire, M. de Rougemont s’ est employé à la définir et à en propager l’idée de par le monde. Car
909 u’il faut reconstruire. Cette guerre qui vient de se terminer, M. de Rougemont a pu en mesurer toute l’absurdité puisque,
910 Journal des deux mondes , parce que nos voisins se font la guerre, et s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su se
911 des , parce que nos voisins se font la guerre, et s’ ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su se fédérer progressivemen
912 et s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ont pas su se fédérer progressivement, au lieu de s’unifier brutalement. Cette guer
913 ont pas su se fédérer progressivement, au lieu de s’ unifier brutalement. Cette guerre marque la faillite retentissante des
914 guerre. Le fédéralisme L’idée fédéraliste s’ était donc imposée comme la seule solution valable pour la survie de l
915 at-nation du xixe siècle ; une conception qui ne s’ accorde plus aux exigences de notre époque, car cet État serait à la f
916 se de beaucoup plus petit. En d’autres termes, il s’ agirait pour l’auteur de L’Amour et l’Occident de créer des autonomi
917 pera alors suivant un modèle pyramidal, mais sans s’ arrêter aux frontières du Québec ou même au niveau de la fédération ca
918 donc, nous répète M. de Rougemont, que ces États se dissolvent en régions, et alors, et ce n’est seulement qu’alors, qu’o
919 l’Europe, car ces régions n’auront aucune peine à s’ entendre. On arriverait ainsi à construire une Europe unie, faite de r
920 qui seraient découpées différemment suivant qu’il s’ agirait de régions économiques, politiques, culturelles. Cela paraît c
921 s. Cela paraît certes compliqué, mais le problème se résoudrait facilement si on les administrait séparément. Il y aurait
922 emier à l’admettre. Mais « contre les risques qui se lèvent, l’esprit de risque est la seule assurance », lit-on dans Jou
31 1969, Articles divers (1963-1969). La révolution des meilleurs (4 octobre 1969)
923 comme résultat que la communauté est en train de se défaire, n’est-ce pas : la grande crise du xxe siècle, c’est la diss
924 coup de jeunes Français, notamment — qui était de s’ engager dans un parti, c’est-à-dire de démissionner complètement de sa
925 nsabilité intellectuelle et de son jugement, pour se livrer, pieds et poings liés, à un parti, à condition qu’il soit de g
926 du fédéralisme — je prépare un grand ouvrage qui s’ appellera Théorie générale du fédéralisme, où je constate que le mot f
927 absolument hétéroclites, d’après les besoins qui se manifestaient et les possibilités d’y répondre : une Association euro
928 niversitaire — qui est lié à une université — qui se consacre à des études d’intérêt largement européen : économiques, pol
929 es activités d’un homme. J’ai un ami français qui se dit mon disciple en érotique personnaliste, et qui m’a défié, il y a
930 dée et de la chose religion, comment cette vue-là se tient-elle aujourd’hui ? Moi, je ne suis pas du tout d’accord : il n’
931 tistique, de création religieuse, autour desquels se forment de nouvelles communautés. Et grâce à ça, on maintient l’human
932 vite en lui le jeune homme dans la vingtaine qui se lance, avec toute sa génération, à la recherche d’un humanisme social
933 in d’œil poli ou cajoleur à la jeunesse. Qu’il ne se gêne cependant pas de critiquer quand il en sent le besoin. C’est là-